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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2025-1208
Audience publique du 15 juillet 2025
Prononcé du 2 septembre 2025
RÉGIE GOLFE DU MORBIHAN
VANNES TOURISME
(MORBIHAN)
Affaire n° 61
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le code de la commande publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles R. 2221-18,
R. 2221-24 et R. 2221-28 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique, notamment son article 30 ;
Vu les statuts de la régie « Golfe du Morbihan Vannes Tourisme » du 6 avril 2017 ;
Vu la communication du 26 octobre 2023, enregistrée le 27 octobre 2023 au parquet général
près la Cour des comptes, par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des
comptes Bretagne a transmis au ministère public le déféré décidé par cette chambre régionale
des comptes dans sa séance du 28 septembre 2023 et portant sur des faits susceptibles de
constituer des infractions prévues au 3° de l’article L. 131-13 du code des juridictions
financières ;
Vu le réquisitoire du 20 décembre 2023 par lequel le ministère public près la Cour des comptes
a saisi la juridiction de cette affaire ;
Vu la décision du 16 février 2024 par laquelle le président de la chambre du contentieux de la
Cour des comptes a désigné M. Boris KUPERMAN, conseiller président de chambre régionale
des comptes, en qualité de magistrat chargé de l’instruction de l’affaire ;
Vu l’ordonnance de mise en cause de M. X en date du 11 juillet 2024, notifiée à
l’intéressé et au ministère public le 15 juillet 2024 ;
Vu l’ordonnance de règlement du 27 février 2025, notifiée le même jour à M. X et au
ministère public ;
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Vu la communication le 27 février 2025 du dossier de la procédure au ministère public près la
Cour des comptes ;
Vu la décision de la procureure générale de renvoi de l’affaire à la chambre du contentieux du
6 mai 2025, notifiée à M. X le 7 mai 2025 ;
Vu la convocation à l’audience publique, notifiée à M. X le 15 mai 2025 ;
Vu la lettre du 19 juin 2025 par laquelle M. X a demandé à être dispensé de se présenter
en personne à l’audience publique ;
Vu la lettre du 20 juin 2025 par laquelle le président de la chambre du contentieux a autorisé
M. X à ne pas se présenter à l’audience et à y être représenté par Maître Gaël COLLET ;
Vu le mémoire en défense produit le 26 juin 2025 pour M. X par Maître COLLET,
communiqué au ministère public le même jour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 15 juillet 2025, M. Yann SIMON, procureur financier
près la chambre régionale des comptes Bretagne, en la présentation de la décision de renvoi,
et Mme Marie-Odile ALLARD, avocate générale, dans ses réquisitions ;
Entendu M
e
COLLET, représentant M. X, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Christian MICHAUT, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
1. Par la décision de renvoi susvisée, le ministère public fait grief à M. X, alors
directeur de la régie dénommée « Golfe du Morbihan Vannes Tourisme », d’avoir engagé,
entre 2019 et 2021, diverses dépenses relatives aux achats de l’établissement public sans
en avoir le pouvoir ni disposé d’une délégation à cet effet.
Sur la compétence de la Cour des comptes
2. Aux termes du 2° de l’article L. 131-1 du code des juridictions financières, en vigueur
depuis le 1
er
janvier 2023, est justiciable de la Cour des comptes au titre des infractions
prévues aux articles L. 131-9 à L. 131-14 du même code : «
tout fonctionnaire ou agent civil
ou militaire de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que
des groupements des collectivités territoriales.
» Les mêmes dispositions étaient applicables
jusqu’au 31 décembre 2022 en vertu des dispositions du I de l’article L. 312-1 du code des
juridictions financières.
3. La régie « Golfe du Morbihan Vannes Tourisme » (GMVT) ayant été constituée en
établissement public à caractère industriel et commercial, aux termes de l’article 1
er
de ses
statuts, approuvés par une délibération du conseil d’agglomération de la communauté
d’agglomération Golfe du Morbihan Vannes Agglomération en date du 6 avril 2017, M. X,
directeur de cette régie à l’époque des faits, est justiciable de la Cour des comptes.
Sur la prescription
4. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 142-1-3 du code des juridictions financières, «
la
Cour des comptes ne peut être saisie par le ministère public après l’expiration d’un délai de
cinq années révolues à compter du jour où a été commis le fait susceptible de constituer une
infraction au sens de la section 2 du chapitre I
er
du titre III du présent livre
».
5. Il en résulte que ne peuvent être valablement poursuivis et sanctionnés dans la présente
affaire que les faits commis moins de cinq ans avant la date à laquelle a été enregistrée au
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parquet général la communication susvisée du procureur financier près la chambre régionale
des comptes Bretagne, soit les faits commis après le 27 octobre 2018.
Sur le droit applicable
6. Aux termes de l’article R. 2221-18 du code général des collectivités territoriales, «
le conseil
d'administration délibère sur toutes les questions intéressant le fonctionnement de la régie
. »
Le second alinéa de l’article R. 2221-24 de ce code dispose que «
le conseil d'administration
peut donner délégation soit au directeur lorsqu'il s'agit d'une régie chargée de l'exploitation
d'un service public à caractère industriel et commercial, soit au président du conseil
d'administration lorsqu'il s'agit d'une régie chargée de l'exploitation d'un service public à
caractère administratif pour prendre toute décision concernant la préparation, la passation,
l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision
concernant leurs modifications, lorsque les crédits sont inscrits au budget
. » En vertu du 6° de
l’article R. 2221-28 du même code, le directeur de la régie, qui en est l’ordonnateur, « […]
passe, en exécution des décisions du conseil d’administration, tous actes, contrats et
marchés
.»
7. L'article
L.
313-3
du
code
des
juridictions
financières,
en
vigueur
jusqu'au
31 décembre 2022, rendait passible d’une amende prononcée par la Cour de discipline
budgétaire et financière «
toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura engagé des
dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet
[...] »
.
8.
À compter du 1
er
janvier 2023, l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au
régime de responsabilité financière des gestionnaires publics a substitué à ces dispositions
celles de l’article L. 131-13 du code des juridictions financières, dont le 3° vise toute personne
qui
«
engage une dépense, sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet.
»
9. Il résulte de l’ensemble des dispositions rappelées ci-dessus que les éléments constitutifs
de l’infraction définie, jusqu’au 31 décembre 2022, par l’article L. 313-3 et, depuis le
1
er
janvier 2023, par le 3° de l’article L. 131-13 du code des juridictions financières, demeurent
inchangés.
Sur les faits
10. Il ressort du dossier qu’au cours des années 2019 à 2021, M. X a engagé, au nom
de la régie « Golfe du Morbihan Vannes Tourisme » (GMVT), l’ensemble des dépenses
relatives aux achats de l’établissement public à l’exception de six commandes passées par la
responsable de la communication de la régie. Les dépenses engagées résultant de la
signature des contrats passés à cette fin s’élèvent à un montant total de l’ordre de 3,5 M€.
11. Il n’est pas contesté qu’à l’époque des faits, M. X et la responsable de la
communication ne disposaient pas d’une délégation de la part du conseil d’administration de
l’établissement public, dénommé conseil de direction, ou de toute autre autorité.
Sur la qualification juridique
12. Aux termes de l’article 30 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
l’'engagement est
l'acte juridique par lequel une personne [publique] crée ou constate à son encontre une
obligation de laquelle il résultera une dépense
». Au sens du 3° de l’article L. 131-13 du code
des juridictions financières, l’engagement d’une dépense peut notamment résulter d’un
contrat, qui peut trouver sa source dans la signature d’un devis.
13. En l’absence de toute délégation telle que prévue tant à l’article R. 2221-24 du code
général des collectivités territoriales qu’à l’article 6 des statuts de la régie visés ci-dessus , le
directeur n’était donc pas habilité à engager des dépenses. Il en allait de même pour la
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responsable de la communication de GMVT, qui n’avait pas reçu délégation de la part du
directeur.
14. Dès lors, les éléments constitutifs de l’infraction, prévue initialement à l’article L. 313-3 du
code des juridictions financières et, depuis le 1
er
janvier 2023, au 3° de l’article L. 131-13 du
même code, sont réunis.
Sur l’imputation des responsabilités
15. Les faits en cause sont tous imputables au directeur de la régie, M. X, qui a pris des
décisions sans en avoir le pouvoir et sans avoir reçu d’instruction à cet effet. Celui-ci doit
répondre non seulement des dépenses qu’il a décidées lui-même, mais encore de celles qui
ont été engagées par la responsable de la communication de la régie, laquelle a agi sur
instruction orale du directeur, dont la responsabilité se substitue en conséquence à la sienne
en application des dispositions de l’article L. 131-5 du code des juridictions financières.
Sur les circonstances
16. Tout au long de la période, les pratiques en cause revêtaient un caractère systématique,
ce qui constitue une circonstance aggravante. Elles portaient sur des montants importants, qui
représentaient l’essentiel des dépenses de l’établissement public.
17. Il ressort également du dossier que les achats de la régie ont méconnu, à diverses
reprises, les règles de la commande publique auxquelles était assujetti l’établissement public,
et en particulier les dispositions relatives à la publicité et la mise en concurrence pour les
achats de prestations de conception graphique et d’impression. Les agissements irréguliers
s’inscrivaient, au surplus, dans une gestion dont la chambre régionale des comptes a souligné
le caractère peu économe des deniers publics, faute d’une évaluation préalable des besoins
et d’une globalisation des commandes.
18. De même, l’expérience et le niveau de responsabilité de M. X constituent des
circonstances aggravantes, sans qu’il puisse se prévaloir du fait qu’il ne disposait pas d’une
formation juridique ou administrative adaptée, alors que les attributions qui étaient les siennes
et l’importance des décisions qu’il a prises en engageant l’établissement public auraient dû le
conduire à la prudence et à l’acquisition des connaissances indispensables à l’exercice de ses
fonctions.
19. Le fait que les agissements qui lui sont reprochés n’auraient pas causé de préjudice à la
personne publique, à le supposer établi, ne constitue pas une circonstance de nature à
atténuer la responsabilité de M. X. Il en est de même pour l’absence d’intérêt personnel
qu’il aurait pris dans la commission des infractions. La prise de conscience qu’il allègue et qui
l’aurait conduit à modifier ses pratiques dans ses nouvelles fonctions, au demeurant
postérieurement à l’infraction, n’apparaît pas pleinement démontrée.
20. En revanche, l’absence d’habilitation formelle du directeur pour engager les dépenses est
manifestement le fruit d’une abstention du comité de direction à exercer ses prérogatives et
de son président à adopter un mode d’organisation et de fonctionnement de l’établissement
conforme à ses statuts.
21. De même, l’absence d’alerte du comptable public n’a pu que contribuer à la poursuite des
irrégularités en matière d’engagement de la dépense, seules celles relatives aux conditions
de passation des marchés ayant fait l’objet d’un signalement de la part du trésorier en
décembre 2021.
22. Dans
sa
défense,
M. X
fait
également
valoir
qu’il
n’a
pas
bénéficié
d’un
accompagnement suffisant de la part des services administratifs de la communauté
d’agglomération à laquelle est rattachée la régie, ni d’une mise en garde de la part du contrôle
de légalité. Les services de l’État comme ceux de l’établissement public de coopération
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intercommunale ne pouvaient cependant utilement intervenir compte tenu des modalités de
fonctionnement mises en œuvre au sein de la régie, dont il était l’ordonnateur.
Sur l’amende
23. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits et de leur caractère répété en
infligeant à M. X une amende de 2 000 €.
Sur la publication
24. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de publier l’arrêt au
Journal officiel
de la
République française.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
. – M. X est condamné à une amende de deux mille euros (2 000 €).
Article 2. – Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation,
M. Christian MICHAUT, conseiller maître, M. Alain STEPHAN et Mme Agnès KARBOUCH,
conseillers présidents et M. Louis-Damien FRUCHAUD, premier conseiller.
En présence de Mme Cécile ROGER, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Cécile ROGER
Jean-Yves BERTUCCI
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour d’appel
financière dans le délai de deux mois à compter de la notification.
Pour les personnes domiciliées en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à
Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie
française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, ce délai est augmenté d’un
mois.
Pour les personnes domiciliées à l’étranger, le délai d’appel est augmenté de deux mois.
La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les
conditions prévues aux articles R. 142-5-6 et R. 142-4-7 du même code.