L’Etat face à la gestion des risques
naturels : feux de forêt et inondations
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PRESENTATION
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Le nombre et l’ampleur des catastrophes naturelles ainsi que leurs
conséquences économiques et sociales s’accroissent à l’échelle mondiale,
de même que la sensibilité de la société face à des risques qui menacent
la sécurité des personnes et l’environnement.
Les perspectives de changement climatique liées à l’accroissement
des gaz à effet de serre devraient augmenter la probabilité et l’intensité
de ces catastrophes. Dans un contexte de dynamisme démographique, de
vieillissement de la population et de concentration de la richesse
économique, l’urbanisation devrait se poursuivre en France, renforçant
la vulnérabilité aux catastrophes naturelles et leurs conséquences
financières.
Parmi les risques naturels, les feux de forêt et les inondations sont
en métropole
258
deux des risques les plus sensibles, en particulier en zone
méditerranéenne
259
. Ces régions ont connu depuis une décennie plusieurs
catastrophes, en particulier les feux de forêt de l’été 2003 et les
258) Les risques sismique et cyclonique, bien plus présents outre-mer, feront l’objet
d’une enquête ultérieure de la Cour.
259) En 2007, sur 7 600 ha de forêt brûlés, 6 400 ha, soit 84 % l’ont été dans les
départements méditerranéens, et en 2003 68 900 ha sur un total de 73 300, soit 94 %.
S’agissant des inondations, exprimé en nombre de communes déclarées sinistrés par
arrêté
de
reconnaissance
de
catastrophe
naturelle,
le
rang
de
la
région
méditerranéenne (au sens des départements inclus dans la zone de défense Sud) est
variable : en 2006, 122 communes sinistrées dans les départements méditerranéens sur
un total de 729 en métropole, soit 17 % ; en 2005, 386 sur 674, soit 57 % ; en 2002,
480 sur 894, soit 54 %. Cependant, comme développé
infra
, une répétition de
phénomènes violents, étendus et meurtriers singularise la région méditerranéenne
depuis deux décennies, faisant notamment 36 victimes en novembre 1999 et 24
victimes en septembre 2002.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
647
inondations en Languedoc-Roussillon en 2002, 2003 et 2005. Bien que
ces deux risques soient différents, la Cour a décidé d’examiner ensemble
les actions publiques visant à les prévenir, lutter quand ils adviennent,
indemniser et réparer leurs dégâts.
L’efficacité des actions visant à protéger les personnes et les biens
est une question d’importance croissante. La sécurité civile est une
compétence partagée entre, d’une part, l’Etat, représenté dans les
régions et les départements par le préfet, et, d’autre part, les collectivités
territoriales, surtout départements et communes. Face à des évènements
de grande ampleur, le rôle de l’Etat demeure primordial pour édicter des
normes de prévention, conformément à sa mission de garant du long
terme et de l’intérêt général, organiser le système de lutte et de secours,
enfin garantir l’intervention d’un mécanisme d’assurance.
La volonté du législateur d’améliorer le système de sécurité civile
et de gestion des risques (lois du 30 juillet 2003 relative à la prévention
des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et
du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile) doit donc
s’accompagner d’un souci constant de veiller à l’efficacité et à la
maîtrise des dépenses qui atteignent près de 800 M€ par an pour
l’ensemble des risques, dont près de 300 M€ pour les feux de forêt et les
inondations.
I
-
Les moyens budgétaires et administratifs
Plusieurs acteurs publics interviennent vis-à-vis de ces risques
naturels. Les communes, responsables de l’urbanisme, informent et
protègent les populations. De nombreuses structures intercommunales
interviennent pour financer des équipements ou des travaux. Les conseils
généraux financent et gèrent les services départementaux d'incendie et de
secours (SDIS). Les régions interviennent au titre du développement
économique et de l’aménagement du territoire.
D’autres acteurs s’y ajoutent :
- l’Union européenne qui a par exemple fortement contribué au
financement des dépenses de réparation des dégâts des inondations
de 2002 et de 2003 en Languedoc-Roussillon ;
648
COUR DES COMPTES
- les agences de l’eau
260
qui peuvent financer des réparations à la
suite d’inondations et, depuis la loi sur l’eau de 2006, des actions
de prévention ;
- d’autres organismes, financés à des degrés divers par des fonds
publics, comme l’office national des forêt (ONF), l’office national
de la chasse et de la faune sauvage, le SAMU, la Croix Rouge, les
associations départementales de la protection civile et plusieurs
grandes entreprises publiques comme Réseau ferré de France
(RFF) et Electricité de France (EDF).
Par ailleurs, le renforcement de la contribution des forces armées
en appui des autorités civiles dans la lutte contre les catastrophes
naturelles fait actuellement l’objet de nouvelles directives.
Dans ce contexte, l’Etat, qui ne peut se départir de sa
responsabilité régalienne, doit particulièrement veiller à la cohérence et à
la coordination de ses interventions ainsi qu’à la clarté et à l’efficacité de
ses procédures budgétaires et d’évaluation. Ce n’est pas toujours le cas.
A - Une coordination et un suivi par les services
de l’Etat encore insuffisants
1 -
Un dispositif mal coordonné
Plusieurs directions d’administration centrale sont compétentes, au
premier rang desquelles la direction de la sécurité civile (DSC – ex
direction de la défense et de la sécurité civiles) au sein du ministère de
l’intérieur, ainsi que plusieurs « opérateurs ».
A l’échelon déconcentré, le préfet est en première ligne : préfet de
zone
261
, assisté dans la zone Sud par un état-major et un centre
d’opérations de zone ; préfet de région, gérant les subventions destinés à
la prévention ou à la réparation des dommages ; préfet de département,
260) Les agences de l’eau sont des établissements publics de l’Etat, financés par des
redevances payés par les usagers, en vertu du principe « pollueur-payeur ». Il y en a
six en métropole, une pour chaque bassin des quatre grands fleuves, une pour l’Artois
Picardie, l’autre pour les bassins du Rhin et de la Meuse.
261) Depuis 1950, le territoire national est partagé en « zones de défense » ; en
métropole, il y en a sept depuis 2000. Ces zones sont en particulier l’échelon
territorial de coordination des moyens de la sécurité civile. Chaque zone de défense
est dirigée en métropole par un préfet de zone de défense, qui est le préfet de région
du siège de la zone. Toutefois, pour la zone de défense de Paris, dont le ressort est la
région Ile-de-France, le préfet de zone est le préfet de police de Paris.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
649
notamment chargé du contrôle de légalité des actes d’urbanisme, et
responsable de la préparation et de la gestion des crises.
En matière de feux de forêt
, la forêt méditerranéenne fait l’objet
d’une organisation spécifique constituée d’une délégation à la protection
de la forêt méditerranéenne (DPFM), directement rattachée au préfet de la
zone de défense Sud, mais ce service a des moyens limités et ne centralise
pas
tous
les
crédits
mobilisés.
En
outre,
il
ne
coordonne
qu’imparfaitement l’action des services déconcentrés de l’Etat, en
particulier pour la prévention
262
. Le conseil d’orientation de la forêt
méditerranéenne n’a pas été réuni pendant quatre ans, de 2004 à 2008.
L'Entente interdépartementale pour la protection de la forêt contre
l'incendie a été érigée en établissement public par la loi du 13 août 2004,
mais celui-ci n’a été formellement créé que le 5 juin 2008.
En matière d’inondations
, l’éparpillement des responsabilités est
préjudiciable à la coordination des actions. La fusion, dans le cadre de la
réorganisation du ministère chargé de l’écologie, des directions de la
prévention des risques et de l’eau est une première réponse utile. Dans les
régions Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA),
la création d’une instance spécifique serait justifiée du fait de
l'importance et des caractéristiques des crues torrentielles.
2 -
Un suivi insuffisant des leçons des catastrophes
Le suivi des mesures préconisées à la suite des catastrophes de la
dernière décennie présente d’importantes lacunes.
Le « retour d’expérience » réalisé par des inspections générales à
la suite des feux de forêt
de 2003 comportait une cinquantaine de
recommandations. Plusieurs actions ont certes été engagées depuis, par
exemple l’instauration de servitudes sur les infrastructures de défense de
la forêt contre l’incendie et la mise en chantier de « plans de massifs ».
Mais des préconisations importantes n’ont été suivies d’aucune
réalisation significative, ou avec un grand retard. Ainsi, la circulaire de
1987 sur la prévention des feux de forêt n’a été actualisée qu’en 2007 ; la
recommandation d’un moratoire sur les constructions en forêt dans
l’attente de l’approbation des plans de prévention des risques d’incendies
de forêt n’a été que partiellement appliquée ; le financement de la
prévention n’a pas été remis à niveau.
262) La direction de la sécurité civile envisage d’y remédier en nommant le préfet des
Bouches-du-Rhône préfet coordonnateur chargé d’une mission interdépartementale de
protection de la forêt.
650
COUR DES COMPTES
S’agissant des inondations
, à la suite du rapport public de la Cour
sur ce sujet en 1999 et des rapports de retour d’expérience des
évènements catastrophiques de 2002, 2003 et 2005, de multiples
décisions ont été prises pour corriger les insuffisances : circulaire du 30
avril 2002 ; dispositions dans la loi du 30 juillet 2003 relative à la
prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des
dommages, puis dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30
décembre 2006 ; refonte du dispositif de prévision des crues.
Cependant, les recommandations formulées dans les retours
d’expérience
ne
sont
pas
systématiquement
suivies.
Aucune
administration ni aucun haut fonctionnaire n’a le statut de « référent
national » chargé d’animer la politique de l’Etat vis-à-vis des risques,
dans toutes ses composantes, prévention, gestion de la crise et réparation,
et doté de prérogatives de coordination
263
.
B - Des moyens budgétaires mal connus et mal évalués
Les dépenses de l’Etat pour les deux risques examinés sont
imputées sur des budgets
264
relevant des ministres chargés de l’intérieur,
de
l’écologie,
de
l’énergie,
du
développement
durable
et
de
l’aménagement du territoire ainsi que de l’agriculture.
Selon le recensement fait par la Cour, le total des dépenses
budgétaires consacrées à l’ensemble des risques de catastrophes
naturelles a été d’environ 648 M€ en 2006, dont 392 M€ pour la mission
Sécurité civile
265
. En ajoutant à ces dépenses budgétaires celles du fonds
de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) affectées à ces
risques, le total atteint 759 M€. La part des dépenses de l’Etat consacrées
spécifiquement aux deux risques examinés a été d’environ 130 M€ pour
les feux de forêt et 135 M€ pour les inondations.
263) Le décret du 2008-680
du 9 juillet 2008 confie à la DGPR la coordination
interministérielle des politiques de prévention des risques majeurs (article 8) , tandis
que le décret n° 2008-682 du même jour confie à la DSC la préparation, la
coordination et
la mise en oeuvre des mesures de protection des populations, de la
prévention des risques civils de toute nature, de la planification des mesures de
sécurité civile (article 6).
264) « Missions » du budget général.
265) L'instruction de la Cour a permis d'obtenir des administrations des données
complètes par risque, pour 2006. Les services concernés n’ont pas reconduit ce travail
en 2008 pour les dépenses de 2007. Il conviendrait qu'il soit régulièrement effectué à
l’avenir ; il pourrait être placé sous la responsabilité des « référents », par risque, dont
la Cour préconise l'instauration.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
651
1 -
Des procédures budgétaires complexes et confuses
La partition de la mission
Sécurité civile
en deux programmes
(
Intervention des services opérationnels
et
Coordination des moyens de
secours
) fortement imbriqués et concourant aux mêmes objectifs rigidifie
inutilement la gestion de crédits, laquelle devrait être au contraire souple
et réactive en cas de crise grave affectant la sécurité des populations.
Le FPRNM est financé par un prélèvement sur le produit des primes
ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de
catastrophes naturelles et non par des crédits de l’Etat. Ce fonds
n’intervient pas pour les feux de forêt, même si depuis 2006 son cadre
juridique l’y autorise. Son intervention est en revanche croissante dans la
prévention des inondations. Pour la période 2003-2008, les coûts des plans
d'actions de prévention et des inondations (PAPI), prévus au total pour
495 M€, sont financés par le budget de l’Etat (84 M€) et par le FPRNM
(97 M€).
La diversité des financements est source de complexité ; celle-ci est
aggravée au niveau local par la pluralité des organismes autorisés à
engager les dépenses ainsi financées.
Depuis 2002, pratiquement tous les ans de nouvelles décisions du
législateur ont élargi le champ des opérations susceptibles d’être financées
par le FPRNM. Ceci nuit à la cohérence et à la clarté de ses interventions.
Ces inconvénients ont été amplifiés par une
disponibilité aléatoire des
crédits, une absence de programmation pluriannuelle et de suivi au niveau
départemental, et de soumission aux objectifs de performance tels
qu’institués par la LOLF pour les dépenses de l’Etat.
2 -
Les limites de la connaissance complète et détaillée des dépenses
publiques
Les dépenses de l’Etat consacrées à ces deux risques (265 M€, en
2006) sont réparties différemment : très concentrées sur la prévention pour
les inondations, partagées entre la prévention et la gestion des crises pour
les feux de forêt.
S’agissant des feux de forêt, les données disponibles sur la dernière
décennie font apparaître une stagnation en euros constants des crédits
consacrés à la prévention, alors que les crédits affectés à la sécurité civile,
donc à la gestion de crise, ont fortement augmenté.
L’administration n’est pas en mesure de présenter un tableau
d’ensemble, à la fois complet et détaillé, des dépenses publiques ni même
de celles de l’Etat. Le document de politique transversale (DPT) annexé
aux projets de lois de finances consacré à la sécurité civile comporte de
652
COUR DES COMPTES
nombreuses insuffisances dans l’identification des dépenses et leur
allocation aux risques. Son périmètre est incomplet. En outre, il n’y a pas
d’objectifs ultimes, clairs et précis, assignés aux dépenses mentionnées
dans ce document. L’interprétation de certains indicateurs est malaisée. Par
conséquent, ce document, qui améliore notablement l’information du
Parlement et du public en général, n’est encore que peu utilisable pour
apprécier la cohérence de l’allocation des moyens budgétaires consacrés à
ces deux risques.
3 -
L’absence d’une mesure complète des conséquences socio-
économiques par risques
Le recensement, l’identification et l’estimation des coûts induits
par
les
catastrophes
naturelles
présentent
d’importantes
lacunes.
L’évaluation des coûts écologiques des inondations et des feux de forêt
reste inexistante.
Ainsi les conséquences économiques à court et moyen terme des
feux de forêt sont presque totalement ignorées, à l’exception de celles sur
les récoltes de bois en Aquitaine. Les conséquences financières directes
des crues exceptionnelles sont mesurées mais l’évaluation de leurs
conséquences économiques et des risques futurs reste trop limitée. Quant
aux dépenses budgétaires, leur évaluation
a posteriori
n’est pas
systématique et, lorsqu’elle est faite, certaines dépenses sont parfois
omises comme celles de fonctionnement associées aux opérations de
reconstruction.
Les coûts de gestion de crise rattachables aux inondations et aux
feux de forêt ne sont pas récapitulés, alors que la diffusion de telles
données permettrait d’accroître la responsabilisation des différents
acteurs.
L’administration ne s’est pas donné les moyens de définir des
orientations de politiques publiques selon une analyse par risque, en
termes de coûts et d’avantages, à cause principalement de la segmentation
et de la complexité des procédures budgétaires et de l’insuffisance, voire
de l’absence, des évaluations budgétaires et économiques
a posteriori.
Faute d’informations suffisantes, les choix de l’Etat ne peuvent
être faits de manière rationnelle. Or l’allocation des crédits et le choix des
modes d’intervention devraient résulter d’un arbitrage entre deux
stratégies : un effort soutenu de prévention visant à réduire les
conséquences des catastrophes naturelles et, dans une certaine mesure,
leur occurrence, ou bien la prévention réduite à quelques diligences
indispensables avec pour contrepartie la probabilité de dépenses
publiques massives en cas de crise exceptionnelle.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
653
II
-
La prévention
A - Les limites des interventions en amont des risques
Certaines politiques agricoles, comme celles visant à valoriser la
forêt, ou bien les règles d’utilisation des sols peuvent induire des effets
sur la prévention.
La surface de la forêt méditerranéenne représente 9 % de celle de
métropole, mais les prélèvements y stagnent à 2 % de la récolte nationale,
alors que la filière bois connaît un regain. La production moyenne est
chaque année est de 1,2 m
3
/ha, contre 10 m
3
/ha dans les Landes. Les
conditions d’exploitation difficiles de la forêt méditerranéenne (relief,
densité du couvert végétal) expliquent sans doute pour partie cet écart
considérable. Pourtant, le défaut d’exploitation, donc d’entretien, accroît
la vulnérabilité de la forêt méditerranéenne aux incendies.
La multiplicité des parcelles privées n’y facilite pas l’application de
règles de gestion : sur les 913 000 ha de forêt privée en région PACA,
seuls 272 000 sont soumis à un plan simple de gestion (PSG), obligatoire
pour les exploitations de plus de 25 hectares, et 102 000 ha seulement ont
un PSG agréé. Il conviendrait donc de rechercher à mieux valoriser la forêt
méditerranéenne.
Les incendies de l'été 2003 ont mis en évidence l’utilité des
coupures agricoles dans la maîtrise de la propagation du feu. Or, si le code
forestier prévoit l'implantation de coupures de combustible, il ne peut
imposer une activité agricole au propriétaire. Seule la maîtrise foncière
permet de prescrire un usage agricole dès qu’un exploitant entend
s’installer ou étendre son activité, ce qui suppose une attitude
particulièrement volontariste vis-à-vis des agriculteurs et probablement
aussi des moyens incitatifs. Des dispositifs contractuels ont été mis en
place à cette fin, dans le département du Gard et celui des Pyrénées
orientales, soutenus par des crédits d’Etat et européens
266
. Ces actions,
initiées depuis environ deux ans, restent à étendre.
Les mesures de politique agricole réduisant l’imperméabilisation des
sols restent peu efficaces en cas de crues exceptionnelles ou à cinétique
rapide, comme en Languedoc-Roussillon. Elles peuvent en revanche
contribuer à prévenir les effets des crues à cinétique lente (place des
parcelles, rôle des talus, des haies, des zones humides, des surfaces
imperméabilisées). La loi du 30 juillet 2003 précitée a prévu l’extension
266) Fonds européen agricole pour le développement rural.
654
COUR DES COMPTES
des zones de rétention temporaire des eaux de crues. Mais dans plusieurs
départements de la région Languedoc-Roussillon par exemple, cette
politique est entravée par l’intérêt du maintien des activités agricoles,
souvent à haute valeur ajoutée (cultures maraîchères, vignes) que la
restauration des champs d’expansion des crues en plaine mettrait en cause.
B - Les retards et les insuffisances
des règles d’utilisation des sols
La loi du 2 février 1995 impose, dans les communes soumises aux
risques naturels, l’élaboration de plans de prévention des risques naturels
(PPRN). Ces PPRN se déclinent en plans de prévention des risques
d’incendies de forêt (PPRIF) et plans de prévention des risques
d’inondation (PPRI). En 1998, l’Etat s’est donné pour objectif de doter
d’un PPRN à l’horizon 2005 les 5 000 communes les plus exposées. Fin
2006, 5 436 communes étaient dotées d’un PPRN approuvé. Ce bilan
quantitatif est donc satisfaisant, mais des insuffisances demeurent.
1 -
S’agissant des feux de forêt
Les PPRIF ne visent pas à enrayer l’urbanisation, mais à minimiser
les risques d’implantation de nouvelles constructions dispersées dans les
espaces boisés et favoriser l’aménagement de dispositifs de protection des
constructions existantes, en particulier en lisière de forêt.
En 2000-2001, la DFPM évaluait à environ 1 200 le nombre de
PPRIF à adopter. Au 1
er
février 2008, seuls 173 PPRIF avaient été
prescrits par les préfets dans les 13 départements qui justifient de cette
procédure en zone Sud : dans la région Languedoc-Roussillon, 36
seulement ont été prescrits ou approuvés, alors que 1 317 communes sont
recensées à risque dans cette région. Dans le département du Var, si 17
PPRIF y ont été prescrits dès novembre 2003, seuls deux ont été
approuvés depuis ; pour certains PPRIF, la procédure de concertation
avec le public n’a pas encore été engagée cinq ans après ; il n’est pas
envisagé de prescrire un PPRIF dans d’autres communes, pourtant elles
aussi exposées.
Le faible déploiement de ces plans a plusieurs causes :
−
des difficultés de méthode (détermination homogène de l'aléa de
feu de forêt) et l’insuffisance des moyens en personnel dans les
services déconcentrés de l’Etat chargés de piloter les PPRIF ;
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
655
−
les réticences des propriétaires et des collectivités à des
contraintes limitant les droits à construire et altérant la valeur
vénale
des
terrains,
alors
que
des
constructions
étaient
auparavant autorisées dans des zones soumises à un fort aléa ;
−
la faiblesse des ressources budgétaires que certaines communes
forestières peuvent consacrer à des travaux d’intérêt général
prévus par les PPRIF (élargissements de voirie, points d'eaux,
traitement des zones de contact entre la forêt et les habitations
dites « interfaces », pouvant conditionner la constructibilité de
certaines zones) et, partant, la difficulté à solliciter des
subventions de l’Etat et de la région, faute d’un apport financier
suffisant des communes en cause.
Aucune décision significative n’a été prise depuis 2003 pour régler
cette question. La circulaire du 23 avril 2007 relative au financement par
le FPRNM des mesures de prévention rend certes possible l’utilisation du
fonds pour financer ces travaux communaux, mais elle est dans les faits
difficile à appliquer à cause de problèmes de définition des travaux
éligibles et des faibles montants disponibles au regard de l’ampleur des
travaux à réaliser.
Il convient enfin de relever l’absence de plan départemental de
protection des forêts contre les incendies (PDPFCI) dans quatre des
quinze départements de la façade méditerranéenne, parmi les plus
exposés (Alpes-Maritimes, Bouches du Rhône, Var, Vaucluse). La
procédure est néanmoins engagée pour ces derniers avec pour objectif
une approbation en 2009.
2 -
S’agissant des inondations
Les PPRI valent servitude d’utilité publique et sont donc
opposables aux décisions des communes en matière de droit des sols,
notamment de délivrance de permis de construire. Les PPRI de
Languedoc-Roussillon sont établis selon la doctrine technique la plus
restrictive en application sur le territoire national, ce qui manifeste la
forte implication des services de l’Etat. Néanmoins le taux d’approbation
de PPRI dans les communes à risque est inférieur à 50 % dans
pratiquement tous les départements de cette région. Ce taux est
particulièrement faible dans le Gard, dont le territoire est pourtant
particulièrement exposé.
Si les crédits destinés à l’élaboration des PPRI ont été suffisants,
en particulier grâce aux compléments apportés par le FPRNM, la
faiblesse des moyens en personnels dans les services déconcentrés n’a pas
facilité l’approbation des plans. Par ailleurs, les services de l’Etat ont
656
COUR DES COMPTES
privilégié le partenariat avec les collectivités locales, ces dernières
pouvant faire obstacle à l’avancement des procédures. La Cour doit
pourtant souligner que l’avis des communes n’est que consultatif ; que
l’Etat dispose en dernier ressort du pouvoir de décision ; que sa
responsabilité peut être recherchée en cas de carence.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le bilan de l’évolution
des constructions en zone inondable soit mitigé, comme le montre le cas
du Gard. En 1999, 30% des zones urbanisées étaient situées en zone
inondable, soit 37% de la population (232 400 habitants). La population
du Gard habitant dans les lits majeurs des cours d’eau a augmenté de
6,5 % de 2000 à 2005, l’accroissement de la population en zone
inondable étant comparable à celle hors zone inondable (+10,1 % contre
11,9 %)
267
. La vulnérabilité potentielle des habitants du Gard face aux
inondations a donc continué à augmenter dans la dernière décennie.
Les PPRI doivent intégrer des actions pour prendre en compte
l’exposition au risque des implantations existantes, par des mesures de
sauvegarde ou de protection opposables à la collectivité ou aux
propriétaires. Cette intégration, bien qu’utile, rend complexe l’élaboration
des plans, compte tenu du nombre de maîtres d’ouvrage susceptibles de
diligenter des travaux et de l’articulation imparfaite des PPRI avec les
programmes d’action de prévention des risques liés aux inondations
(PAPI) qui associent l’Etat et les collectivités dans des démarches
intégrées par bassins versants
268
.
C - Les lenteurs des travaux de prévention
1 -
S’agissant des inondations
L’avancement des programmes d’action de prévention des risques
liés aux inondations qui programment des investissements de prévention
ne va pas sans difficultés. Si 48 d’entre eux étaient actifs en septembre
2007, avec des financements des actions s’élevant à 737 M€, dont
247 M€ apportés par l’Etat et par le FPRNM, les projets les plus avancés
sont souvent des études et des projets techniquement simples, les travaux
lourds accusant en revanche des retards.
267) Etudes réalisées par la direction interrégionale de l’environnement du
Languedoc-Roussillon et l' « observatoire départemental des risques » du département
du Gard.
268) A la différence des PPRI qui définissent sur un ressort communal des mesures de
protection et une cartographie des risques valant servitude d’urbanisme, les PAPI sont
des documents de planification associant des financements d’Etat et des collectivités
dans des démarches intégrées de prévention par bassin versant.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
657
Les engagements en matière de réduction de la vulnérabilité restent
encore très modestes, les actions de ralentissement dynamique des crues
étant retardées au regard des actions de protection, de pilotage ou de
délocalisation. La consommation des crédits, moins rapide qu’attendu, a
entraîné pour les premiers programmes un étalement des engagements de
crédits jusqu’à 2009 (au lieu de 2008).
Ainsi les taux d’exécution de
deux de ces plans dans le Gard (bassins versants du Gardon et
du Vidourle) n’étaient fin 2007 que de 52 % et 25 %.
Les digues du delta du Rhône présentent des faiblesses et leur
consolidation connaît des retards, ainsi que l’a relevé en 2004 une
mission d’inspection
269
qui relevait : la résistance très hétérogène aux
crues ; la dispersion des gestionnaires ; l’insuffisance des contrôles ; le
défaut de surveillance. Pour remédier à cette situation critique, l’Etat a
signé le 21 mars 2007 un « contrat de projets interrégional Plan Rhône »
pour la période 2007-2013. Il est regrettable qu’un tel plan, dont la
réalisation doit nécessairement s’étendre sur plusieurs années, commence
seulement à être mis en oeuvre, faute d’avoir été prévu plus tôt.
L’Etat ne s’est préoccupé que récemment du contrôle systématique
des digues et des barrages. Dans le Gard, l’inventaire des digues n’est
réalisé et disponible que depuis 2006 et la police des digues et des
barrages n'est assurée que par deux agents, dont un à temps partiel.
Dans certains cas, l’Etat ne prend pas les mesures appropriées face
aux insuffisances des aménagements hydrauliques entrepris par les
collectivités locales, alors qu’il en a juridiquement la maîtrise via les
plans de prévention des risques. Cela a été le cas par exemple pour des
communes du Vaucluse dont le schéma d’aménagement hydraulique ne
porte que sur une des deux rives du fleuve.
2 -
S’agissant des feux de forêt
Les dépenses du conservatoire de la forêt méditerranéenne
(CFM)
270
ont progressivement diminué, diminution ralentie depuis 2004.
Dans ce contexte, ses dépenses ont été concentrées sur les actions de
court terme, par exemple la surveillance des massifs et le contrôle des
obligations réglementaires de débroussaillement (paiement par l’Etat de
journées d’agents assermentés à l’ONF), au détriment de projets plus
269) « La sécurité des digues du delta du Rhône ; politique de constructibilité derrière
les digues », rapport CGPC-CGGREF-IGE, 20 octobre 2004
270) Le CFM n’est pas un organisme ; c’est le nom donné à une enveloppe de crédits
du budget de l’Etat destinés à la prévention des feux des forêts méditerranéennes.
658
COUR DES COMPTES
structurants à plus long terme (par exemple de formation et de
sensibilisation du grand public).
Le montant du financement des investissements de défense de la
forêt contre les incendies dans les dépenses du CFM s’élève à 3,5 M€ en
2006 et est relativement stable depuis 2004. Comme le constatait déjà la
Cour en 1999, les retours d’expérience et diagnostics partiels témoignent
d’une dégradation de ces équipements, alors que leur pérennité nécessite
des travaux réguliers de maintien en condition opérationnelle des
ouvrages. Les conseils généraux appliquent imparfaitement les mesures
d’élargissement des pistes, d’aménagement d’aires de retournement et de
croisement des véhicules, de débroussaillement profond de sécurité, de
caractéristiques techniques des points d’eau, de signalétique. Ces travaux
dont le coût devrait s’accroître sont financés par les collectivités locales
(département et région) sans aucune aide de l’Etat.
Le respect des obligations de débroussaillement est encore mal
contrôlé. L’article L. 322-3 du code forestier prescrit aux propriétaires
une obligation de débroussaillement autour des constructions. Si les
intéressés n’exécutent pas ces travaux, la commune y pourvoit d’office
aux frais du propriétaire. En cas de carence du maire, le préfet se
substitue à la commune. L’Etat a pris des mesures d’accompagnement de
cette réglementation : information des propriétaires, appui à l’exercice
des missions de contrôle, répression des infractions coordonnée entre les
préfets et les procureurs de la République dans certains départements. Un
meilleur contrôle du débroussaillement doit être recherché en s’appuyant
sur les communes, par exemple en leur transférant la responsabilité des
travaux, qui seraient à financer par les ressources communales, avec le
concours éventuel des conseils généraux.
En application du code forestier, les préfets doivent fixer les
largeurs de débroussaillement aux abords des principales infrastructures
d'équipement du territoire. Le coût de ce débroussaillement est à la charge
du propriétaire de l’ouvrage.
III
-
La gestion de crise à parfaire
Le dispositif de gestion de crise s’est sensiblement amélioré de
façon continue depuis quelques années. Il a d’ailleurs fait preuve d’une
grande efficacité dans la gestion des catastrophes, contrairement à ce qui
a pu se passer récemment dans d’autres pays européens ou outre-
Atlantique. Il reste cependant des imperfections qui peuvent être
corrigées.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
659
A - Des moyens financiers en forte augmentation
Les dépenses de la mission
Sécurité civile
, dont l’essentiel est
consacré à la gestion des crises, ont augmenté fortement de 2001 à 2004
et se sont stabilisés depuis (244 M€ en 2001, 393 M€ en 2007). Le
montant annuel moyen des dépenses 2005-2007 est ainsi supérieur de
55% à celui de l’année 2001.
Les crédits consacrés aux feux de forêt au sein de cette mission
sont passés de 62 M€ en 2005 à 103 M€ en 2007 (99 M€ en 2006). Ces
évolutions contrastent avec la stabilisation des montants de crédits
observée pour la prévention des feux de forêt dans d’autres missions du
budget général.
Les moyens nationaux sont composés des formations militaires de
la sécurité civile (FORMISC) et surtout d’une flotte d’avions et
d’hélicoptères.
Pour les inondations, 325 agents des FORMISC sont en
permanence d’astreinte afin d’intervenir dans un délai de une à trois
heures lors des catastrophes majeures. Ces unités peuvent être appuyées
par deux détachements de renfort national, disposant de capacités dans les
domaines de la navigation, de la protection, de l’isolement, de l’assistance
et du pompage (pour un coût annuel d’investissement de 1,6 M€). Les
équipements lourds des établissements de soutien opérationnel et
logistique de la sécurité civile sont utilisés pour le pompage de grande
capacité, le traitement de l’eau et la protection de points sensibles contre
les crues.
Au total, en 2006-2008, les investissements spécifiques s’élèvent à
2,5 M€ et les coûts de fonctionnement liés à au risque d’inondations à
5 M€. Les dépenses spécifiques de gestion de crise sont d’environ 2,5 M€
en moyenne annuelle.
B - Une stratégie nécessaire pour les moyens aériens
1 -
La composition de la flotte
La composition de la flotte d’avions de la DSC (25 avions
entièrement dédiés à la lutte contre les feux de forêt et 40 hélicoptères)
appelle plusieurs remarques.
660
COUR DES COMPTES
−
Elle n’a pas fait l’objet d’une analyse globale depuis 2001. Les
décisions d’investissement, et notamment de remplacement des
appareils, ne s’appuient pas sur une stratégie pluriannuelle et sur
une démarche de coordination avec les politiques d’achat ou de
location des collectivités locales.
−
La recherche de flexibilité dans l’utilisation et le financement de la
flotte est insuffisante, alors que les nouveaux modes de
financement,
crédit-bail,
location
avec
option
d’achat
ou
partenariat public/privé pourraient permettre de rapprocher la
composition de la flotte de celle répondant aux besoins d’une année
de feu moyenne.
−
Dans le cadre du marché d’acquisition de deux avions bombardiers
d’eau polyvalents de type
Dash
(d’un montant unitaire de près de
19 M€ HT),
l’Etat n’a pas renégocié le prix, alors qu’un des
appareils, qui ne respecte pas le cahier des charges, ne peut être
utilisé en zone accidentée à cause de sa moindre maniabilité.
−
La coopération internationale pour l’utilisation des flottes aériennes
est insuffisante, le dispositif d’intervention rapide initié par l’Union
européenne
ayant
eu
un
développement
modeste.
Or
la
mobilisation simultanée des flottes de plusieurs Etats membres
serait utile compte tenu de la répétition d’incendies de forêt
majeurs auxquels les pays touchés peuvent difficilement répondre
seuls (France en 2003, Portugal et Grèce plus récemment).
S’agissant de la flotte d’hélicoptères, la DSC ne dispose que d’un
seul appareil bombardier d’eau à forte capacité, considéré comme très
efficace en zone montagneuse, bien que cette limitation ait été critiquée
dès 2003 dans le rapport de retour d’expérience des feux de forêt.
2 -
L’utilisation de la flotte
Dans un contexte d’accroissement ces dernières années des
accidents d’aéronefs de la sécurité civile, les conditions de la gestion
opérationnelle des personnels et de pilotage des missions aériennes
appellent plusieurs critiques : fonctions d’état-major en sous-effectifs ;
documents et consignes souvent incomplets et peu utilisés ; difficulté
d’influence de la direction de la base aérienne de la sécurité civile face
aux représentants du personnel et à l’administration centrale ; fort
individualisme des personnels, avec une absence fréquente de vrais
« briefing-débriefing » ; défaut de sanctions en cas de non respect des
consignes.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
661
Le recrutement des pilotes d’avion, pour la plupart
des
militaires retraités,
est peu diversifié
. Bien que la DSC ait récemment
engagé des réformes visant à améliorer les procédures et l’entraînement
des pilotes, les inconvénients de l’organisation actuelle appellent l’étude
de l’opportunité d’une structure à caractère militaire.
Les mesures prises pour optimiser l’utilisation des hélicoptères ont
été tardives et insuffisantes, en ce qui concerne : la programmation de
l’achat d’un entraîneur de vol au sol ; le contrôle du nombre d’heures de
vol, défaut corrigé par la DSC depuis les premières observations de la
Cour ; la rigueur de la doctrine d’emploi des appareils, qui est
insuffisante ; la rationalisation de la carte d’implantation des hélicoptères
du service public, qui reste à accomplir.
Pour les activités de transport aérien de la DSC, la Cour a constaté
une forte augmentation du nombre des missions de transport de passagers
de 2001 à 2005, avec des procédures de décision, de facturation et
d’assurance peu rigoureuses. De fait, plusieurs transports de personnes
privées et des voyages à finalité touristique ont eu lieu au cours de cette
période sans aucun rapport avec la lutte contre les feux de forêt, voire
sans lien direct avec une mission de service public. Ce constat nécessitait
une refonte complète du dispositif. La DSC l’a réalisé en 2007. Le
moment venu, le bilan de cette refonte sera à dresser.
C - Prévisions et alerte encore améliorables
1 -
La qualité des prévisions
A la suite des observations de la Cour dans son rapport public de
2006, Météo France a amélioré les taux de non détection des risques
d’inondation et de fausses alarmes à l’échelle nationale, mais non au
niveau départemental. Or les alertes reflétant mal le niveau du danger, si
elles sont trop fréquentes, peuvent engendrer une moindre vigilance de la
population. Un nouveau modèle, opérationnel fin 2008, devrait selon
Météo France réduire ces incertitudes.
Le réseau actuel de mesures spécifiquement dédié aux feux de
forêt comporte certaines lacunes : son maillage est incomplet et le nombre
de pannes est en augmentation.
Pour l’annonce des crues, le dispositif intégré à la prévision
météorologique, achevé en 2007, constitue un progrès indéniable, bien
que d
es insuffisances subsistent
dans la couverture du territoire. Les
découpages administratifs et opérationnels distincts des services de
prévisions des crues et de Météo France entraînent une complexité inutile,
662
COUR DES COMPTES
alors qu’ils dépendent tous les deux dorénavant du ministère chargé du
développement durable.
Des progrès restent enfin à réaliser afin de
prévoir les phénomènes urbains de ruissellement, dont les conséquences
peuvent être aussi dramatiques que celles des crues de cours d’eau.
2 -
Les dispositifs d’alerte
Le dispositif d’alerte en matière de feux de forêt est hétérogène.
Afin de ne pas favoriser les velléités incendiaires, les préfets ne sont pas
tenus de diffuser les alertes au grand public, ce qui a le défaut d’entraîner
une grande disparité de la communication de l’Etat dans ce domaine selon
les départements.
S’agissant des crues, l’adaptation de l’alerte au contexte local est
un problème encore mal résolu, notamment pour les communes qui ne
disposent pas d’un système propre d’interprétation des données diffusées
par le dispositif de vigilance intégré. L’utilisation de certains réseaux
locaux d’information n’est pas suffisamment prévue et anticipée.
3 -
Le déploiement des moyens humains sur le terrain
A la différence de l’alerte sur les inondations, largement
automatisée, celle sur les feux de forêt appelle une présence humaine
durant toute la saison des feux, pour surveiller, informer, contrôler et agir
en première intervention. Le programme d'action est arrêté par le préfet
de département au titre d’un ordre général d'opérations. Les personnels,
placés sous l’autorité opérationnelle du préfet, sont constitués de
patrouilles terrestres de surveillance gérées par l'ONF (pour partie
affectés à des travaux de prévention en dehors des périodes à risque), de
personnels des SDIS, de l’office national de la chasse et de la faune
sauvage, de militaires, d’agents des collectivités locales, dont 900 agents
départementaux, ainsi que de volontaires des « comités communaux feux
de forêt ».
Bien qu’ils constituent l’ossature du dispositif, les agents gérés par
l’ONF ont vu leur activité opérationnelle diminuer. Ainsi de 2003 à 2006,
le nombre de patrouilles financées par l’Etat est passé de 11 266 à 8 992,
période également marquée par une forte diminution du nombre des
fonctionnaires assermentés de l’ONF dédiés à ces missions (de 4 476 à
3 311 patrouilles) et par l’extinction des patrouilles d’ouvriers forestiers
rapatriés d’Afrique du Nord du fait du départ à la retraite de ces
personnels (de 1 944 à 812 patrouilles). L’augmentation de la part
consacrée aux patrouilles de l’ONF par le conservatoire de la forêt
méditerranéenne (CFM), au détriment du soutien aux aménagements de
prévention, n’a pas enrayé cette évolution. Bien que compensé en partie
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
663
par l’intervention des collectivités locales, ce désengagement est
préoccupant, car il accroît le risque d’hétérogénéité dans la couverture du
territoire et pourrait affaiblir l’acceptation du rôle de coordinateur de
l’Etat.
IV
-
Les dispositifs d’indemnisation
et de réparation
A - Un régime
CatNat
peu incitatif à la prévention
1 -
Les caractéristiques du régime
Le régime de garantie des dommages causés par les catastrophes
naturelles, dit
CatNat
, est géré par la caisse centrale de réassurance
(CCR). Adossée sur une garantie illimitée de l’Etat, il vise à pallier les
carences du marché de l’assurance
271
. Celui-ci ne pourrait pas couvrir ces
risques dans les mêmes conditions : les garanties offertes ne seraient pas
illimitées ; la tarification serait plus différenciée, ce qui pourrait évincer
certains assurés du bénéfice de la couverture.
Il est à cet égard conforme aux principes économiques de faire
financer l’indemnisation et une partie de la prévention (via le prélèvement
opéré par le FPRNM) des dommages liés aux inondations par les
bénéficiaires potentiels du régime d'indemnisation. Ces dépenses de
prévention, si elles sont bien affectées et utilisées, doivent en effet
permettre une réduction du montant des indemnisations et donc,
éventuellement, une diminution des primes finalement payées par les
propriétaires de biens immobiliers menacés.
Les modalités du régime
CatNat
s'écartent de ce schéma. Tout
propriétaire d'un bien immobilier souscrivant une assurance dommage
acquitte la prime, même s'il n'est en aucun cas menacé par une
catastrophe naturelle. Une mutualisation s’opère donc au niveau national
entre tous les assurés. La prime s’assimile par conséquent à une
contribution obligatoire de solidarité, sans modulation selon l’exposition
au risque.
271) Cette procédure est complétée, pour les pertes d’exploitation agricoles, par une
éventuelle mise en jeu du fonds national des calamités agricoles
créé par la loi n° 64-
706 du 10 juillet 1964.
664
COUR DES COMPTES
Sur la période 1983-2004, l’Etat a encaissé davantage de primes,
au titre de sa garantie illimitée, qu’il n’a décaissé d’indemnités, au titre de
la mise en jeu de cette garantie : la différence entre encaissements et
décaissements a été au total de 678,5 M€ en douze ans. Toutefois, les
risques d’inondation et leurs conséquences financières s’accroissent sur
moyenne période, tendance qui est masquée par l’absence de catastrophe
majeure ces dernières années, et avec les risques financiers.
Le montant des indemnisations versées par la CCR est en moyenne
annuelle de 150 M€. Ses réserves ne lui permettraient pas de faire face
seule à un événement exceptionnel ; le cas échéant, la garantie de l’Etat
serait mise en jeu. Ainsi le coût potentiel d’une inondation centennale en
région parisienne peut être estimé à 4,6 Md €, dont 3 Md € à charge de la
CCR, alors que ses réserves, pour le risque
CatNat
, ne s’élevaient qu’à
2 Md €, fin 2007.
2 -
Un régime qui n’incite pas suffisamment à la prévention
Ce régime de prime unique n’incite pas les assurés à prendre
conscience des risques naturels auxquels ils sont exposés, notamment les
entreprises, dont les dommages sont potentiellement coûteux. Dans le cas
d’une crue centennale en région parisienne, la moitié des dommages
affecterait les activités économiques : plus de 170 000 entreprises seraient
touchées
272
. A titre de comparaison, 37% des dommages causés par les
inondations de 2002 dans le Gard concernaient des commerces et des
industries et 11% des particuliers.
Contrairement à la prime, la franchise exigible en cas de sinistre
est modulée en fonction de l’existence d’un PPRI et de l’exposition du
bien, déterminée par le nombre d’arrêtés de constatation de l’état de
catastrophe naturelle. Cependant cette modulation est en pratique peu
efficace, la confection et l’approbation des PPRI minorant la franchise ne
dépendant en aucun cas des assurés, mais des élus locaux et des services
de l’Etat. Elle pénalise donc des personnes privées qui sont pourtant les
premières victimes d’inondations répétées.
De même les dispositions relatives aux constructions ne respectant
pas les dispositions légales sont peu rigoureuses : les constructions en
infraction aux prescriptions des PPRI et aux règles d’urbanisme
demeurent éligibles à la garantie
CatNat.
La législation autorise les
compagnies d’assurance à refuser de garantir des constructions illégales
272) Rapport de la commission de l’aménagement régional, de l’environnement, du
tourisme et des transports intitulé « Entreprises et risques de crues à paris et en petite
couronne » paru en 1999 et actualisé en 2003.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
665
au regard des prescriptions d’un PPRN, mais elles utilisent peu cette
faculté. La disposition introduite par la loi du 30 juillet 2003, qui permet
au préfet de saisir le bureau central de tarification lorsque les conditions
dans lesquelles un bien ou une activité bénéficie de la garantie
CatNat
leur paraissent injustifiées, n’a jamais été appliquée.
Alors que la CCR dispose d’une expertise très utile à partir des
données des compagnies d’assurance, son rôle est encore insuffisant en
matière de connaissance des risques. Sollicitées par la CCR dans le but de
disposer d'une base de données affinée, les compagnies d’assurance lui
ont communiqué leurs données relatives aux sinistres ; toutefois celles-ci
demeurent parfois imprécises. Elles ont été récemment mises en ligne de
manière agrégée, ce qui permet d’identifier les communes et les quartiers
les plus exposés. La diffusion de données plus fines s’opposerait au
respect de la confidentialité, notamment lorsqu’elles sont établies à
l’échelle de la parcelle de terrain. La disponibilité d’informations fiables
et réservées aux décideurs serait pourtant d’intérêt public pour mieux
orienter la prévention.
De fait, la finalité du régime
CatNat
est davantage budgétaire
(accumuler un montant suffisant de réserves pour faire face à une
catastrophe majeure, sans besoin d’appel au budget de l’Etat) et sociale
(établir une solidarité entre tous les propriétaires de biens immobiliers,
allégeant la charge de ceux particulièrement exposés au risque
d’inondation) qu’incitative à des comportements de prévention de la part
des assurés.
B - L’absence d’obligations liées à l’assurance incendie
Les superficies de forêt assurées sont restées stables depuis deux
décennies, environ 500 000 ha, soit environ 2,5 % seulement du total et
5 % de la forêt privée, les forêts domaniales n’étant pas assurées. Le taux
de la prime pour le seul risque incendie varie de 0,05% à 1% selon les
régions, les espèces et les âges.
Le coût de l'assurance est donc à peine inférieur au revenu direct
de la forêt constitué pour l'essentiel par les ventes de bois, ce qui explique
que le recours à l'assurance soit si faible. Les assurances ne couvrent pas,
en outre, la perte de revenus indirects tirés par exemple du tourisme, ou
encore de la qualité des paysages et des écosystèmes.
666
COUR DES COMPTES
Pour les compagnies, l’enjeu de l’assurance des biens exposés au
risque de feux de forêt reste donc limité, du fait en particulier du nombre
relativement réduit de véhicules ou de biens immobiliers susceptibles
d’être endommagés ou détruits.
Instaurer une modulation des primes d’assurance en fonction du
respect des prescriptions réglementaires par leurs clients serait peu
efficace, la surprime éventuelle risquant d’être beaucoup plus faible que
le coût du débroussaillement. Limiter les remboursements si le
propriétaire
de
la
construction
incendiée
ne
peut
justifier
du
débroussaillement réglementaire est difficile à envisager, car cela
pénaliserait des personnes déjà gravement sinistrées.
Une disposition mériterait en revanche d’être étudiée. L’article 10
de la loi du 13 août 2004 autorise les assureurs à majorer la franchise
jusqu’à 5 000 € supplémentaires en cas de non respect des obligations de
débroussaillement par les propriétaires sinistrés. Cette disposition n’est
pratiquement jamais appliquée car, comme il est malaisé d’apporter la
preuve
a posteriori
d’un non respect de l’obligation de débroussaillement,
les assureurs répugnent à s’engager dans des contentieux complexes et
coûteux pour un bénéfice très réduit. C’est pourquoi la fourniture d’un
certificat de débroussaillement pourrait être obligatoire pour tous les
propriétaires soumis à cette obligation, son absence entraînant la
majoration de la franchise en cas de sinistre.
C - Subventions publiques ou assurance pour les
collectivités territoriales
273
?
Des subventions peuvent être imputées sur la mission
Relations
avec les collectivités territoriales
du ministère de l’intérieur pour aider les
collectivités locales à réparer les dommages subis par leur patrimoine non
assuré. En pratique, il s’agit exclusivement de crédits d’équipement,
destinés à la voierie, aux réseaux, ponts et stations d’épuration, dont la
reconstruction ou la réhabilitation peut par ailleurs être soutenue par des
subventions sectorielles.
La faiblesse du recours aux assurances pour ce type de biens fait
question. Compte tenu de la part des biens non assurés dans le patrimoine
des communes (canalisations, murs de soutènement, voiries, réseaux,
ouvrages d’art, etc.), 60 à 80 % du montant des dommages restent
273) Le total des dépenses publiques (Etat et collectivités locales) consacré aux
réparations après les inondations de 2002 dans le seul département du Gard s’est élevé
quant à lui à 255 M€, soit près du double des dépenses faites chaque année, par l’Etat,
pour la prévention des inondations dans toute la France.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
667
aujourd’hui à la charge des collectivités après intervention des assureurs
alors que la proportion n’est que d’environ 10 % pour les sinistres
touchant les particuliers.
Trois facteurs limitent le recours des communes aux assurances,
par exemple pour couvrir le risque d’inondation : pour plusieurs
événements, la « profondeur statistique » est insuffisante pour évaluer
correctement le risque, les primes devant être ajustées au fur et à mesure
de la connaissance de l’aléa ; certaines communes sont surexposées
(Arles par exemple) et ne sont plus assurables contre le risque
d’inondation à cause de la probabilité élevée de sa réalisation ; enfin, la
valeur de certains biens est très mal estimée par l’administration.
Néanmoins, une partie de ces biens, présumés non assurables,
pourrait aujourd’hui l’être, à un tarif acceptable, dès lors que seraient
définis, en concertation avec les compagnies d’assurance, soit des
catégories de biens assurables, soit des critères de détermination du
caractère assurable ou non d’un bien. Seuls relèveraient d’une prise en
considération au titre de la solidarité locale ou nationale, les biens non
susceptibles d’être assurés à un tarif normal, soit par nature, soit du fait
d’une exposition trop importante à un risque donné.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Bien que les caractéristiques des inondations et des feux de forêt
soient différentes, la comparaison des interventions de la puissance
publique montre les progrès restant à accomplir dans ces deux domaines.
L’ampleur et la portée des menaces sont fortes. L’absence de
sinistre majeur depuis le milieu de la présente décennie ne saurait
conduire l’Etat à relâcher l’effort de prévention des risques et de
préparation aux crises, dont le coût est sans commune mesure avec celui
d’une catastrophe naturelle majeure.
La Cour estime que l’efficacité des dépenses publiques consacrées
à la gestion de ces risques pourrait être améliorée.
- Certaines réussites incontestables restent à parfaire, tel l’emploi
des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ou le dispositif intégré
de prévisions météorologiques et d'annonce des crues.
Cependant,
subsistent
plusieurs
insuffisances auxquelles
il
conviendrait de remédier : le caractère incomplet et tardif de
l’exploitation des « retours d'expérience » à la suite d’événements
exceptionnels, le trop lent établissement des plans de prévention des
risques naturels, le défaut de vigilance sur le respect de ces plans par les
documents d’urbanisme, les modalités de diffusion de l’alerte.
668
COUR DES COMPTES
- S’agissant des feux de forêt, les moyens nationaux de gestion de
crise, qui concentrent une grande part de l’effort budgétaire, devraient
être rendus plus flexibles.
- S’agissant des inondations, les crédits devraient être dépensés en
priorité sur les actions les plus structurantes : aménagement coordonné
des bassins versants, restauration des zones naturelles d’expansion des
crues, voire moyens humains supplémentaires afin de contrôler plus
rigoureusement l’application du droit des sols par les communes.
En outre, les dispositifs d’indemnisation et de réparation, que ce
soit le régime « CatNat », les assurances ou les crédits de reconstruction,
n’incitent pas suffisamment à la prévention.
Dans un contexte de vulnérabilité accrue à moyen terme, l’Etat
doit faire des choix, éclairés et plus nets, en concentrant ses interventions
sur les domaines aux plus forts enjeux et, sans doute, en privilégiant les
actions de prévention. En permettant d’atténuer l’ampleur et le coût des
évènements exceptionnels qui risquent de se reproduire, de tels choix
seraient les plus pertinents pour allouer
l’argent public.
Ainsi la Cour émet les recommandations suivantes.
* Mieux mesurer les différents financements publics consacrés à la
prévention, la gestion de crises, l’indemnisation et la réparation des
dégâts, selon la nature des risques naturels et l’identité des contributeurs
(Europe, Etat, collectivités territoriales) afin de pouvoir en apprécier
l’efficacité.
* Tirer plus systématiquement les enseignements des catastrophes
majeures et, en particulier, s’assurer de l’application des mesures
préconisées dans les « rapports de retours d’expérience ».
* Accroître la cohérence des politiques publiques en instituant,
pour les risques naturels, un référent national
doté de prérogatives de
coordination en matière de prévention ainsi qu’en matière de gestion des
risques ;
* Davantage réprimer les contraventions aux prescriptions des
documents de planification et d’urbanisme en matière de prévention des
risques et procéder à une évaluation nationale de l’application des
circulaires en matière de lutte contre les constructions illégales.
* Pour la prévention des feux de forêt
- Tirer un meilleur parti économique de la forêt méditerranéenne
et y aménager davantage de coupures agricoles.
- Accélérer l’instruction et la publication des plans de prévention
des risques d’incendie de forêt dans les communes les plus sensibles,
ainsi que des plans départementaux de protection contre ces incendies.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
669
- Systématiser la diffusion par les préfets des cartes de danger
normalisées.
- Mieux veiller au respect des obligations de débroussaillement
par les propriétaires des infrastructures d’équipement et les personnes
privées en infligeant des pénalités financières en cas de défaillance.
- Améliorer la couverture et la fiabilité du réseau d’observation
des feux de forêt géré par Météo-France.
* Pour la lutte contre les feux de forêt
- Mettre un terme au transport de passagers par les aéronefs
(hélicoptères ou avions) de la direction de la défense et de la sécurité
civile sans rapport avec ses missions fondamentales.
- Inscrire la stratégie de maîtrise des moyens aériens par cette
direction dans une perspective pluri-annelle en prenant en compte les
autres moyens publics de même nature, ceux des services départementaux
d’incendie et de secours en particulier.
* Pour la prévention des inondations
- Clarifier la doctrine d’utilisation du fonds de prévention des
risques naturels majeurs, renforcer le suivi de son emploi, coordonner
ses interventions avec celles du budget de l’Etat, le soumettre à une
programmation pluriannuelle et lui assigner des objectifs de performance
- Consacrer des moyens humains suffisants au contrôle des
aménagements hydrauliques.
- Valoriser le rôle des réseaux d’informations locaux dans la
prévention des inondations.
- Examiner le bien fondé de la vente aux communes de prévisions
de crues par une société privée, au regard du principe d’égalité et de
gratuité devant le service public.
* Pour la lutte contre les inondations
- Mettre à profit la fusion prévue des directions départementales
de l’agriculture et de l’équipement, pour clarifier et simplifier
l’organisation locale en matière de lutte contre les inondations.
* Pour la réparation des sinistres des inondations
- Accroître
les
réserves
du
régime
d’indemnisation
des
catastrophes naturelles afin de faire face à un éventuel sinistre majeur.
– Aménager la tarification de primes d’assurance afin de lui faire
jouer un rôle incitatif à la prévention plus important.
670
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE L’ÉCOLOGIE, DE
L’ÉNERGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
L’insertion de la Cour des comptes « L’Etat face à la gestion des
risques naturels : feux de forêt et inondations » a été examiné avec attention
dans le prolongement de la réponse que la direction générale de la
prévention des risques (DGPR) a pu faire le 2 septembre 2008 aux présidents
des quatrième et septième chambres de la Cour des Comptes. Je note avec
satisfaction que cette réponse a bien été prise en compte dans le rapport en
ce qui concerne notamment les observations sur l’organisation, le
financement et les procédures à mettre en oeuvre.
La situation de « l’Etat face à la gestion des risques » rapportée par
ce projet montre toute la complexité de cette politique transversale de
prévention des risques naturels. Celle-ci s’inscrit en effet comme un
complément indispensable à la gestion des crises et à l’indemnisation des
sinistrés dont les dispositifs relèvent d’autres ministères. Elle s’appuie aussi
sur des procédures mises en oeuvre par divers services déconcentrés de l’Etat
dans les domaines de l’urbanisme, de la construction, de la gestion forestière
ou de la protection de la biodiversité. La complexité des organisations a pu
laisser paraître un éparpillement. La nouvelle organisation du ministère du
développement durable et la réorganisation des services régionaux et
départementaux en cours devraient y remédier en permettant comme le
rapport le souligne, de rapprocher certains des services des DDE et des
DDAF en charge de la prévention des risques naturels.
De même, la Cour des Comptes recommande la désignation d’un
référent national. A cet égard, il faut signaler que dans le cadre du décret n°
2008-680 du 9 juillet 2008, la DGPR est chargée d’exercer la coordination
interministérielle des politiques de prévention des risques majeurs et
son
directeur d’exercer les fonctions de délégué aux risques majeurs. Les
administrations lui prêtent leur concours et lui communiquent toutes
informations nécessaires. Le directeur général de la prévention des risques
est ainsi le coordonateur de la prévention des différents risques naturels.
La clarification de cette politique est donc bien engagée. La
prévention des risques naturels est en effet une politique indispensable à la
gestion de crise et à l’indemnisation des catastrophes naturelles. Elle se
traduit par des règles d’urbanisme, de construction, de gestion et
d’information.
1 - Les mesures de prévention et les mesures de protection des
populations se réfèrent de plus en plus aux mêmes données et les procédures
sont de plus en plus liées notamment dans l’information, la prévision, le
contrôle et la préparation des territoires et des moyens à la gestion de crise :
par exemple, les plans communaux de sauvegarde sont rendus obligatoires
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
671
lorsque la commune dispose d’un plan de prévention des risques naturels
(PPRN).
2 - De même la prévention des risques naturels est une priorité du
projet de réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
3 - Au niveau local, les procédures d’urbanisme ou de construction et
celles de prévention s’articulent de plus en plus en fonction de la situation
des lieux. Actuellement plus de 6800 communes sont dotées d’un PPRN
approuvé et ceux ci sont prescrits sur 5000 autres communes. Ces PPRN,
servitude d’utilité publique sont annexés aux plans locaux d’urbanisme
(PLU) ou aux plans d’occupation des sols (POS).
Les PPRN documents de prévention sont ainsi mis en application par
les documents d’urbanisme. L’existence de ces PPRN engage aussi des
mesures obligatoires d’information comme celle qui concerne les acquéreurs
ou les locataires (IAL) ou celle que les collectivités doivent faire auprès des
populations tous les deux ans.
L’évaluation de l’application du respect des prescriptions des PPRN
devra donc être conduite conjointement au respect des règles d’urbanisme
définies par les PLU (ou ex POS).
Le chantier de la gestion des risques naturels est donc très important.
Aussi, comme le rapport le recommande, dans un contexte de vulnérabilité
accrue, l’Etat doit néanmoins faire des choix en privilégiant notamment les
actions de prévention.
La DGPR s’attache ainsi à accélérer l’instruction et l’approbation
des PPRN, tant des incendies de forêts que d’inondations en recherchant
néanmoins la cohérence multirisque.
Le fonds de prévention des risques naturels majeurs va permettre de
plus en plus de donner les moyens à la réalisation des diverses actions de
prévention telles que les plans de prévention des risques naturels mais aussi
les délocalisations et les subventions aux programmes d’actions de
prévention des collectivités territoriales. L’augmentation des moyens pour
répondre à la demande impose nécessairement à la DGPR de renforcer le
suivi de son emploi, coordonner ses interventions avec celles du budget de
l’Etat, réaliser une programmation annuelle et définir des indicateurs de
performance.
La DGPR s’attachera ainsi à répondre aux recommandations de la
Cour des comptes qui la concernent.
Toutefois, les choix conduiront à étaler dans le temps la mise en place
des retours d’expériences pour tirer les leçons des catastrophes naturelles et
l’approfondissement de la connaissance complète et détaillée de l’ensemble
des dépenses publiques. Ce sont des objectifs difficiles à atteindre et lourds à
mettre en oeuvre.
672
COUR DES COMPTES
La DGPR va, dans un premier temps, privilégier les audits dans les
régions et le suivi des événements dommageables qui permet de collecter et
renseigner les événements d’une part et le renforcement de l’analyse coût
bénéfice dans les programmes globaux de prévention des risques comme cela
est demandé notamment par la directive « inondation », d’autre part.
La DGPR va ainsi focaliser ses efforts de prévention sur les domaines
à forts enjeux, ce qui suppose de savoir hiérarchiser les risques et mieux
mesurer le risque acceptable par la société en veillant à réduire la
vulnérabilité des personnes et des biens, de contribuer à leur sécurité
notamment lorsque des menaces pèsent sur les vies humaines et à réduire les
coûts des dommages prévisibles aux biens.
J'ajoute que la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)
pilote actuellement un projet d'évaluation des coûts des effets futurs du
changement climatique. Les données historiques en la matière étant très
difficiles à réunir, il serait souhaitable, comme l'indique la Cour (en page 20
du rapport), que la caisse centrale de réassurance – qui possède sans doute
la base d'information la plus complète – développe ses activités ou que cette
tâche soit confiée à un organisme statistique compétent, qui pourrait
également suivre de manière fine et pérenne les risques naturels et évaluer
leur évolution en fonction du changement climatique.
Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et
de l'aménagement du territoire portera une attention particulière aux moyens
de cette politique et au soutien à l’amélioration de sa cohérence. En toute
circonstance, le ministère s’attachera à rendre compte des résultats obtenus
dans l’application des recommandations de la Cour des Comptes dans le
domaine de la prévention des risques naturels.
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER ET
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L’insertion de la Cour des comptes « l’Etat face à la gestion des
risques naturels : feux de forêts et inondations » traite des aspects de la
prévention des risques ainsi que des mesures de lutte et de protection des
populations. Il importe de rappeler que les actions mises en oeuvre dans le
domaine de la prévention relève essentiellement du ministère de l’agriculture
et du ministère de l’écologie. C’est donc principalement sur le
volet gestion
de crises que porteront les observations du ministère de l’intérieur.
I. F eux de forêt
D’une manière générale, il apparaît utile dans un premier temps de
souligner la qualité des résultats obtenus par le dispositif de protection des
forêts contre l’incendie qui confirme la pertinence de la démarche suivie en
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
673
matière de prévention et de lutte par les différents acteurs impliqués, qu’il
s’agisse de l’Etat ou des
Collectivités territoriales avec
leurs établissements
publics (SDIS).
Les principes fondamentaux appliqués dans ce domaine qui reposent
sur une approche globale permettant à chacun des acteurs d’inscrire son
intervention dans un cadre commun, coordonné
et cohérent, et sur une
démarche d’anticipation érigée en règle absolue afin de maîtriser plus
efficacement les éventuels départs d’incendie sont partagés par tous les
intervenants.
Avec une durée de retour d’une vingtaine d’années, ces principes ont
démontré leur bien- fondé. En effet,
depuis leur mise en oeuvre, la superficie
moyenne touchée annuellement par le feu est passée de 34.200 hectares à
17.100 hectares, le nombre des départs d’incendie de 2.980 à 2.420, le
pourcentage de feux rapidement traités (parcourant 1 hectare ou moins) de
60% à 80%, alors que, dans le même temps, les surfaces naturelles sensibles
s’accroissaient et les conditions climatiques tendaient à s’aggraver.
Il convient également de souligner que cette évolution favorable est
plus marquée dans notre pays que dans les pays méridionaux de l’Union
Européenne, la part des forêts méditerranéennes françaises touchées par le
feu
touchées dans le total des destructions recensées dans le sud de l’Europe
passant de 6.5 % à 3.5%.
Ce constat ne signifie évidemment pas la fin du
danger représenté par
les incendies de forêts, mais souligne les effets positifs d’une politique
volontariste en matière de prévention et de lutte qu’il serait dangereux de
remettre en cause.
S’agissant de la coordination et du suivi par les services de l’Etat
La Cour estime que le dispositif de gestion des risques naturels est
mal coordonné en raison de la multiplicité des administrations compétentes.
La coordination des actions entreprises en matière de prévention et de lutte
contre les incendies de forêts est une nécessité. Le rôle tenu par les préfets
tant au plan départemental qu’au plan zonal permet de structurer
efficacement le dispositif de protection des forêts à leur niveau de
compétence respectif.
Au plan zonal, le préfet de zone Sud est chargé de coordonner les
actions de prévention et de lutte contre les incendies de forêts dans les 15
départements méditerranéens. Il s’appuie dans ces domaines sur l’état-major
de zone (lutte) et la délégation à la protection de la forêt méditerranéenne
(DPFM) qui anime le réseau des acteurs contribuant à la prévention des
incendies de forêts. La DPFM prépare la répartition des crédits du
conservatoire de la forêt méditerranéenne. Ce dispositif pourrait, il est vrai,
être encore consolidé en chargeant le préfet des Bouches-du-Rhône d’une
mission interdépartementale de protection des forêts contre l’incendie en
674
COUR DES COMPTES
application de l’article 69 du décret 2004-374 relatif aux pouvoirs des
préfets, ce qui lui permettrait notamment de gérer plus directement les
crédits affectés à la prévention des incendies de forêts, comme il le fait au
plan zonal pour les moyens nationaux dédiés à la lutte.
La Cour estime par ailleurs que le suivi des mesures préconisées à la
suite des catastrophes de la dernière décennie présente d’importantes
lacunes.
Dans le domaine des incendies de forêts, des retours d’expérience
sont organisés annuellement en liaison avec les services du préfet de la zone
Sud à l’issue de chacune des campagnes feux de forêts. Des actions
spécifiques sont également organisées à l’issue d’incendies particulièrement
importants (feux de juin 2005 en Haute-Corse) ou après une campagne de
grande intensité (mission des inspections conduites après les feux de 2003).
A ce titre, il convient d’insister sur le fait que les propositions de la
mission d'inspection conduite au quatrième trimestre 2003 concernant le
dispositif feux de forêts et relevant de la direction de la sécurité civile ont été
retenues et mises en oeuvre :
1.
l’acquisition d’avions gros porteurs
: les 2 appareils DASH 8 Q 400
commandés après l’été 2003 ont depuis montré leur utilité pour
assurer la pose de “ ligne d’appui au retardant ”,
2.
la location d’un hélicoptère bombardier d’eau de grande capacité
mis
en place en Corse où l’emploi des HBE est particulièrement adapté au
contexte opérationnel,
3.
le renforcement du suivi opérationnel des aéronefs par l’Etat-Major
de zone
: il est assuré par la mise en place durant l’été d’une cellule
des opérations aériennes à laquelle contribue l’armée de l’air, ce qui
permet de bénéficier d’un dispositif de suivi des aéronefs (OTARIS),
4.
la mise en oeuvre des colonnes de renfort de sapeurs-pompiers :
il
avait été jugé nécessaire de mieux anticiper leur engagement, en
prépositionnant des moyens en cas de prévision de risques élevés, afin
de leur permettre de renforcer les moyens locaux dès la phase de
quadrillage préventif du terrain. Le financement de ces renforts est en
application de la loi de modernisation de la sécurité civile à la charge
du ministère de l’Intérieur,
5.
la constitution d’une réserve territoriale en Corse
: la mise en place
en Corse d’une réserve de matériels correspondant à ceux d’une
colonne de renfort permet de réduire les délais d’engagement d’un tel
renfort lorsqu’il s’avère nécessaire malgré l’insularité,
6.
l’emploi du feu tactique : la loi de modernisation de la sécurité civile a
permis de consolider sur le plan législatif son emploi,
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
675
7.
en matière de débroussaillement
, même si cette action ne relève pas du
strict domaine de compétence de la DSC, la loi de modernisation de la
sécurité
civile
prévoit
l’instauration
d’une
franchise
limitant
l’indemnisation de dommages subis par une installation en cas de
non-respect des obligations légales de débroussaillement,
8.
dans le domaine de la coopération internationale
: afin de préparer
l’intervention sur le terrain des différentes équipes, les cinq pays
méridionaux de l’Union les plus concernés par les incendies de forêts
ont développé un programme européen “ EU FIRE 5 ” qui s’inscrit
dans le cadre du mécanisme européen de protection civile. Il
a permis
de définir des modules d’intervention cohérents, d’organiser des
formations communes et des exercices aéroterrestres.
S’agissant des moyens aériens :
La Cour porte une appréciation négative sur la composition de la
flotte d’aéronefs de la sécurité civile en indiquant que cette composition n’a
pas fait l’objet d’analyse globale depuis 2001, qu’elle ne s’appuie pas sur
une démarche de coordination avec les politiques d’achat ou de location des
collectivités locales, et en mettant en cause les conditions d’acquisition des
deux avions Dash 8. En outre, elle émet plusieurs critiques à l’encontre des
conditions de gestion opérationnelle des personnels et de pilotage des
missions aériennes, du recrutement des pilotes d’avions et de la tardiveté et
de l’insuffisance de l’optimisation de l’utilisation des hélicoptères.
•
La composition de la flotte d’avions bombardiers d’eau lui permet
de conduire les différentes actions attendues grâce à la diversification des
aéronefs la composant :
. 9 Tracker dont la mission principale est l’attaque des feux naissants
à l’occasion du guet aérien armé (GAAR),
.12 Canadair permettant l’attaque directe des incendies,
. 2 Dash gros porteurs pouvant assurer la pose de lignes d’appui au
retardant qui permettent de renforcer l’action des troupes au sol dans des
secteurs stratégiques. Ils peuvent aussi compléter le dispositif de GAAR.
Les différents retours d’expériences conduits n’ont pas remis en cause
la pertinence de cette répartition des missions. La mission des inspections
conduite après les feux de 2003 insistant sur la nécessité de consolider la
flotte des gros porteurs, ce qui a été fait.
Le contexte d’intervention n’ayant pas changé depuis 2001, le besoin
de reconsidérer le formatage globale de la flotte ne s’est pas imposé. Des
mesures ont été prises pour compenser l’attrition (acquisition de 3
Canadairs) ou la réforme de matériel obsolète (remplacement des 2 Fokker
27 par 2 DASH 8).
676
COUR DES COMPTES
Des études ont été entreprises depuis 2004 pour appuyer le
financement de la flotte sur une démarche pluriannuelle mais les accidents
des années 2004 et 2005 ont nécessité de remplacer rapidement les aéronefs
perdus, rendant caduques les études réalisées en matière de renouvellement
de la flotte et d’étalement des dépenses d’acquisition.
•
10 des 15 départements méditerranéens se dotent en été de moyens
aériens de 1
ère
intervention (avions ou hélicoptères bombardiers d’eau
légers, au nombre de 32 en 2008), efficaces pour faire face à des départs
d’incendie lorsqu’ils sont mis en oeuvre dans un cadre géographique restreint
(correspondant aux limites départementales), du fait de leur capacité
d’emport limité et de leur vitesse de déplacement réduite. L’emploi de ces
appareils est complémentaire de celui des aéronefs nationaux ayant vocation
à intervenir sur l’ensemble du territoire. Des formations et des procédures
ont été arrêtées au plan national pour permettre l’emploi coordonné de ces
différents vecteurs sur un même chantier.
•
Le DASH est le seul avion bombardier d’eau de la flotte de la
sécurité civile à avoir fait l’objet d’une évaluation opérationnelle en
conditions réelles.
Durant l’été 2006, l’évaluation du Dash a été confiée au préfet de la
zone de défense Sud, autorité d’emploi de la flotte de bombardement d’eau
pendant la campagne feux. Chacune des interventions sur feux des deux
bombardiers Dash 8 fait l’objet d’un compte-rendu de l’officier de sapeurs-
pompiers, commandant du dispositif aéroterrestre.
Outre la pose de barrières de produits empêchant la progression du
feu, facilitant l’action des intervenants au sol et protégeant les biens, les 2
bombardiers sont utilisés en appui aux bombardiers terrestres Tracker dans
la mission d’attaque des feux naissants.
La centaine de rapports établis par les commandants des opérations
de secours a mis en évidence la précision, l’efficacité et la qualité des
largages des Dash. Leur intervention a été considérée comme décisive pour
stopper la progression de certains feux. Lorsque ces avions ont été utilisés
sur reliefs accidentés, leur action a été jugée le plus souvent positive. Leur
vitesse élevée leur a permis d’intervenir dans des délais rapides à partir de
leur base de Marignane.
Compte tenu de ces éléments, le préfet de la zone de défense Sud a
préconisé, par lettre du 14 septembre 2006, l’intégration définitive des 2
Dash 8 dans la flotte de bombardement d’eau de la sécurité civile.
De plus, le DASH, à la différence des autres bombardiers d’eau, reste
en activité opérationnelle toute l’année en assurant des missions de transport
(64 passagers ou 9 tonnes de fret).
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
677
Sur les conditions de gestion opérationnelles des personnels et le
pilotage des missions aériennes
•
La base d’avions de la sécurité civile et le groupement
d’hélicoptères de la sécurité civile ont fait l’objet de reformes importantes,
visant à consolider ces deux unités opérationnelles : refonte des textes
d’exploitation, renforcement des structures d’encadrement et de la chaîne de
sécurité aérienne, mesures relatives à la standardisation des procédures et
de l’entraînement des pilotes, …
Les mesures de « bonne gouvernance » prises par l’administration
centrale sont mises en oeuvre
progressivement sur la
BASC.
Concernant les sanctions, un dispositif commun à l’ensemble des
flottes aériennes de sécurité civile a été mis en place par la direction de la
sécurité civile en 2007 et est entré en application.
•
Les avis de recrutement sont notamment publiés dans la presse
spécialisée de grande diffusion (Air et Cosmos). Cependant la spécificité des
missions de sécurité civile, très proche de celles des missions militaires
(notamment pour les interventions en milieu périlleux (pour les hélicoptères)
et à très basse altitude (pour les avions) ainsi que l’absence de formation ab
initio des pilotes par la sécurité civile, compte tenu du coût très élevé de la
formation et de l’expérience requise pour exécuter ces missions, expliquent
les raisons pour lesquelles le recrutement des pilotes de la DSC porte
majoritairement sur une population d’anciens militaires.
En revanche, le recours à une structure militaire pour lequel la cour
suggère qu’une réflexion soit menée
ne paraît pas une garantie systématique
d’efficacité accrue, comme en témoigne l’exemple grec, tant pour ce qui
concerne les capacités des pilotes qu’en ce qui concerne la maintenance de
la flotte. De plus, la durée des affectations du personnel militaire ne leur
permettrait pas d’obtenir un niveau d’expertise équivalent à celui de nos
équipages
Sur l’optimisation de
l’utilisation de la flotte d’hélicoptères
Au delà des mesures d’organisation déjà prises par la Direction de la
sécurité civile et constatées par la cour des comptes pour mieux maîtriser le
potentiel d’heures de vol, des
travaux sont en cours actuellement avec la
Direction générale de la gendarmerie nationale dans le cadre de la RGPP,
afin d’optimiser le schéma d’implantation des bases d’hélicoptères pour les
rapprocher des théâtres des missions et pour mutualiser les infrastructures et
les équipements, chaque fois que ce sera efficient au vu des missions à
assurer. Les décisions qui seront arrêtées par le conseil de modernisation des
politiques publiques dans le courant de l’année 2009
doivent aboutir à une
meilleure maîtrise de l’utilisation des hélicoptères et à une réduction des
coûts de fonctionnement des
deux flottes.
678
COUR DES COMPTES
Il convient, enfin, de signaler que l’entraîneur de vol, qui a été acquis
dès que les crédits nécessaires ont pu être inscrits en loi de finances, sera
opérationnel au printemps 2009.
Sur le déploiement des moyens humains sur le terrain :
Selon la Cour, le rôle de l’Etat et plus particulièrement du préfet de
département en matière de coordination des différents acteurs de terrain
chargés de la surveillance des forêts et de l’alerte,
risque d’être mis à mal
du fait de la réduction des effectifs de l’ONF dans le dispositif.
Il convient, a cet égard , de préciser que la réduction du nombre de
journées de patrouille constatée par la Cour entre 2003 et 2006 s’explique,
non par une politique de réduction des effectifs de l’ONF, mais par une
diminution du niveau du danger par rapport à l’année de référence que
constitue l’année 2003
qui fut une année de risques à la fois intenses et
étendus. Or, le nombre de patrouilles mobilisées est fonction de l’intensité de
l’aléa .
Par ailleurs, il faut noter que le ministère de l’Intérieur met également
à disposition des préfets des moyens destinés à contribuer au quadrillage du
terrain pour tenir compte des prévisions de danger.
Il s’agit de 250 militaires mobilisables en application d’un protocole
conclu avec le ministère de la Défense, et de colonnes de sapeurs-pompiers
pouvant être mobilisées à titre prévisionnel par le centre opérationnel de
gestion interministérielle des crises (COGIC). Ces participations sont
financées par la Direction de la sécurité civile.
II.
Inondations
Il convient de rappeler que ce n’est que depuis une quinzaine
d’années seulement que l’Etat impulse une politique d’appropriation de
l’histoire et de l’enseignement des événements de sécurité civile.
Des progrès considérables ont été réalisés ces cinq dernières années
dans les domaines de la prévision, de la planification, de la gestion de crise
et en termes de moyens.
A l’instar du dispositif de vigilance météorologique, avec la réforme
des services de prévision des crues, la direction de l’eau et la direction de la
sécurité civile ont mis au point un dispositif de vigilance crues. Le retour
d’expérience des inondations du Sud de la France en septembre 2005,
confirmé par les événements du 4 mai 2007, a montré la nécessité
d’améliorer la coordination entre la prévision météorologique et la prévision
des crues. C’est ainsi qu’est apparu dans la dernière réforme liée à la
vigilance météorologique l’item « pluie inondation » dispositif opérationnel
depuis le 15 octobre 2007. En tant que représentant des acteurs de sécurité
civile, la direction de la sécurité civile agissant en tant que maître d’ouvrage,
a permis la fusion des expertises météorologiques et hydrologiques.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
679
Ce nouveau dispositif, présenté à l’occasion d’un séminaire « Early
Warning Systems », organisé par la direction de la sécurité civile dans le
cadre de la Présidence française de l’Union européenne a été salué et
proposé aux autres Etats-membres.
Cette volonté de rapprocher les cultures « acteurs du secours » et
« «experts météorologiques » s’est traduite, en 2007, par la signature d’une
convention Direction de la sécurité civile / Météo France, laquelle prévoit,
notamment, en situation de crise, l’ouverture de sites extranet zonaux
d’appui à la gestion de crise afin de conforter l’expertise apportée aux
centres opérationnels départementaux par les centres spécialisés de Météo
France.
En matière de planification des secours, la loi du 13 août 2004 est
venue renforcer le dispositif existant de prévention des inondations (PPRI) en
créant l’obligation de Plans communaux de sauvegarde pour les communes
faisant l’objet d’un PPRN approuvé, ce qui doit permettre au-delà de la
maîtrise de l’urbanisation future et des mesures de protection et de
sauvegarde imposées à la collectivité, de traiter des mesures opérationnelles
de sauvegarde des populations. Ce plan communal de sauvegarde, selon la
loi précitée et le décret 2005-1156 du 13 septembre 2005 définit
l’organisation de la commune pour assurer l’alerte, l’information, la
protection et le soutien de la population en cas d’événement. Il doit
également intégrer les documents d’information élaborés au titre des actions
de prévention.
Ainsi, dans ce cadre rénové, les actions des acteurs de l’Etat et des
collectivités territoriales permettent, dans une continuité bien réelle, de
traiter tant la distribution des secours que les
mesures de soutien aux
populations sinistrées.
Cette organisation nouvelle de la réponse, associée à un dispositif de
vigilance performant, permet désormais d’anticiper les phénomènes
climatiques et de dimensionner la réponse, notamment par le pré-
positionnement d’unités nationales de sécurité civile, lesquelles apportent
des moyens complémentaires à ceux des sapeurs-pompiers territoriaux. Ces
dispositions mises en oeuvre en 2007, et tout récemment à l’occasion des
inondations dans la Loire ont prouvé toute leur efficacité.
Ces mesures d’organisation ont été accompagnées dès 2004 d’un
renforcement sensible des moyens nationaux d’intervention mis à disposition
des unités militaires de la sécurité civile et des trois établissements de soutien
opérationnel et logistique de la Direction de la sécurité civile. Ces moyens
nouveaux intéressent principalement le pompage de grande capacité, le
traitement de l’eau et la protection des points sensibles.
Par ailleurs, a été élaboré et mis en place le plan Neptune qui
s’articule autour de
deux détachements de renfort national constitués
chacun de 60 militaires des formations de la sécurité civile
et dotés de
680
COUR DES COMPTES
capacités dans les domaines de la navigation, de la protection, de
l’isolement, de l’assistance et du pompage.
Ainsi, la sécurité civile dispose aujourd’hui d’un corps de doctrine
unique, qui lie de manière forte, la prévention, la prévision, la planification,
la formation, l’alerte, la distribution des secours d’urgence, le soutien aux
populations et le retour à la normale. C’est tout le sens de la loi de
modernisation de la sécurité civile de 2004 et de ses textes réglementaires
d’application.
Toutefois, cette démarche nouvelle se doit d’être confrontée à la
réalité des crises et des interventions : c’est l’objet de la politique du retour
d’expériences mise en oeuvre, laquelle permet de tirer les enseignements, tant
des exercices que des situations réelles, afin de faire progresser la
prévention, la prévision, la planification…. Initiée dans les années 95, cette
démarche s’est professionnalisée par la production, en juillet 2006, d’un
guide méthodologique relatif aux retours d’expérience.
Les actions entreprises ces dernières années ont permis l’ébauche
d’une véritable culture du retour d’expérience, qui n’a été rendue obligatoire
que depuis 2005 (article 5 du décret du 13 septembre 2005 relatifs au plan
ORSEC, pris en application de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la
sécurité civile).
III.
La sécurité civile française, un modèle de référence
La sécurité civile française constitue un modèle de référence dans le
monde depuis que les Etats ont progressivement pris conscience de
l'importance de garantir la protection générale des populations face à la
multiplication des risques de toute nature.
C'est la France qui, la première, a mis sur pied une véritable
planification de la formation des acteurs de terrain, une politique ambitieuse
d'exercices
et
développé
des
techniques
adaptées
de
coordination
opérationnelle grâce, notamment, au recours aux technologies avancées
qu'offre par exemple le réseau de communication numérique Antarès
ou
encore l'imagerie satellitaire comme outil d'aide à la décision.
Au-delà de ces pré-requis, la France a toujours assuré sa
responsabilité de grande puissance dans l'aide humanitaire qu'elle apporte
aux Etats touchés par des catastrophes. Récemment encore,
les unités de
sapeurs-pompiers sont intervenues à deux reprises à Haïti pour apporter leur
aide aux populations en détresse.
Dans certains domaines, elle a élaboré des corps de doctrines liés à
l'engagement opérationnel des moyens. C'est ainsi qu'en matière de lutte
contre les feux de forêts,
tous les pays concernés ont repris les principes
d'emploi des moyens aériens et des dispositifs préventifs déployés dans les
zones
sensibles. D'ailleurs, la pertinence de cette méthodologie renforcée
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
681
par les retours d'expériences porte ses fruits : cette année encore,
moins de
4000 hectares de forêts ont été brûlés.
Qu'il s'agisse des catastrophes naturelles ou industrielles, la sécurité
civile est à l'avant-garde des modes de répliques opérationnelles. La force de
notre rayonnement dans le domaine de la formation
en est la preuve.
Chaque année, la direction de la sécurité civile assure plus de 450
formations dans le monde avec un ciblage particulier pour les pays du
Maghreb et d'Afrique mais, aujourd'hui plus encore, à destination des
nouveaux Etats membres de l'Union européenne qui souhaitent une mise à
niveau de l'organisation et de leurs moyens..
C'est dans ce cadre, qu’à travers la présidence française de l'Union
européenne, des initiatives fortes, qui traduisent la volonté de la France
d'affirmer son rôle de chef de file en matière de sécurité civile, ont été
engagées. Ainsi, le ministère de
l'intérieur a proposé à ses partenaires
européens le renforcement des capacités opérationnelles de l'Union sur la
base d'un mécanisme d'assistance mutuelle, expression déterminée d'une
véritable solidarité permanente entre les Etats pouvant répondre en toutes
circonstances à tout type de crise.
C'est encore ce même ressort qui a conduit le ministère de l'intérieur
à demander
la création d'une mise en réseau des écoles de sécurité civile.
D'ores et déjà, un comité de pilotage des directeurs d'écoles a été créé ainsi
qu'un secrétariat permanent de cette nouvelle structure ; c'est, en l'espèce,
une juste reconnaissance des efforts de normalisation entrepris par la France
depuis de nombreuses années pour faciliter
l'interopérabilité des moyens
opérationnels des différents Etats-membres et l'harmonisation des cursus de
formation.
Cette vocation internationale, la France l'affirme encore comme
partenaire essentiel dans la mise sur pied d'un système d'alerte précoce des
populations, notamment en cas de tsunamis en méditerranée, qui réunit la
plupart des pays de l'Union pour la méditerranée face à un risque à forte
occurrence,
puisque 25% du risque tsunamique est concentré en
méditerranée.
682
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
Je vous prie de trouver ci-après les observations que la lecture de
l’insertion de la Cour des comptes « l’Etat face à la gestion des risques
naturels : feux de forêts et inondations » appelle de ma part.
S’agissant de la maquette budgétaire de la mission « Sécurité civile »,
je partage pour partie l’appréciation de la Cour selon laquelle la partition de
la mission Sécurité civile en deux programmes (« Intervention des services
opérationnels » et « Coordination des moyens de secours ») ne simplifie pas
la gestion des crédits. Pour autant, la spécificité des actions de chacun des
programmes, menée par des services bien distincts, peut justifier le maintien
du découpage en deux programmes au sein d’une mission budgétaire de
l’Etat. Alors que le programme « Coordination des moyens de secours »
retrace la contribution du ministère de l’intérieur à la politique
interministérielle de sécurité civile, le programme « intervention des services
opérationnels » concentre les dépenses des services du ministère de
l’Intérieur (direction de la sécurité civile) au titre de la protection des
populations. A ce titre le ministère de l’intérieur souhaite le maintien de deux
programmes distincts au sein d’une mission spécifique. Si les deux
programmes étaient fusionnés, cela conduirait à supprimer la mission
« Sécurité civile », devenue mono-programme.
Comme le relève la Cour, les crédits retracés dans la mission
« Sécurité civile » n’épuisent pas l’ensemble des crédits de l’Etat consacrés à
la politique de sécurité civile. C’est principalement l’objet du document de
politique transversale « Sécurité civile », même si les programmes répondant
principalement à d’autres préoccupations en sont exclus.
La Cour souligne que l’interprétation des indicateurs de performance
relatifs à la politique de sécurité civile est parfois ardue. En effet, il s’agit
d’indicateurs mesurant une action par nature liée à un imprévu qui ne
dépend
pas
uniquement
de
l’activité
des
services
(conditions
météorologiques, etc.). Pour autant, ils sont éclairés de précisions
méthodologiques qui figurent parmi les plus complètes des indicateurs des
PAP du
budget de l’Etat.
La qualité du document de politique transversale a par ailleurs été
notablement augmentée grâce à l’article 129 de la loi de finances pour
2007 : le document inclut, depuis l’édition 2008, un état détaillé des dépenses
engagées
par
les
collectivités
territoriales
au
titre
des
services
départementaux d’incendie et de secours, ainsi qu’une vision de leur
stratégie en matière de performance et de gestion.
Cela étant dit, des pistes d’améliorations du document sont encore à
rechercher. Un dialogue sera ainsi entamé avec le ministère de l’Intérieur
afin de mettre en perspective les moyens financiers consacrés à la politique
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
683
de sécurité civile, à l’instar de ce qu’il pratique pour le DPT « Prévention de
la délinquance ». Par ailleurs, une des voies possible d’amélioration
consisterait à présenter un tableau de consolidation des moyens nationaux et
de ceux des collectivités territoriales, consacrés à cette politique. Les
contributions de l’Union européenne, certes plus marginales, pourraient
aussi être présentées.
Cependant, le document de politique transversale demeure un
document d’information, comme le relève la Cour, et n’a pas vocation à être
un document de pilotage financier en tant que tel, d’une politique que l’Etat
ne finance d’ailleurs que très minoritairement, au regard des responsabilités
des collectivités territoriales exercées via les services départementaux
d’incendie et de secours (SDIS).
Pour ce qui relève directement de la responsabilité de l’Etat, il faut
noter que la budgétisation triennale donne une meilleure visibilité aux
gestionnaires. En outre, conformément aux conclusions du Conseil de
modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007, un marché
pluriannuel de maintenance des aéronefs a pu être passé qui permettra de
générer des économies sur les prochaines années.
Enfin, s’agissant des remarques de la Cour relatives aux évolutions de
la gouvernance du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, elles
recouvrent en grande partie les recommandations émises depuis plusieurs
années par mon ministère. Il est à noter qu’il a été décidé lors du dernier
conseil de gestion du fonds du 21 octobre 2008 d’élaborer des indicateurs de
performance afin de mesurer l’efficacité des dépenses ainsi que d’améliorer
leur suivi. Ces indicateurs figureront en annexe du rapport annuel sur la
gestion du Fonds, transmis au Parlement dans le cadre des débats sur le
projet de loi de finances.
Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé devant les parlementaires
à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances pour 2009, à faire
figurer dans le rapport annuel de performance 2008 (programme
« Protection de l’environnement et prévention des risques ») un bilan des
opérations financées par le Fonds.
Il a été également demandé pour le prochain conseil de gestion (mars
2009) une programmation pluriannuelle des opérations financées sur la
période 2007-2013, en cohérence avec les engagements pluriannuels du
Fonds (CPER, Plan « Séisme aux Antilles »).
684
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE MÉTÉO FRANCE
Vous trouverez ci-après les éléments de réponse de Météo-France
relatifs à l’insertion de la Cour des comptes sur « L’Etat face à la gestion des
risques naturels : feux de forêts et inondations ».
Ceux-ci portent sur quatre des points figurant dans le projet
d’insertion.
1 – La qualité des prévisions météorologiques
L’insertion souligne à juste titre les conséquences négatives que
peuvent avoir sur le niveau de vigilance de la population des alertes reflétant
mal le niveau du danger. Cette question est bien une préoccupation constante
et partagée de Météo-France, de la direction de la sécurité civile et des
autres acteurs de la prévention des risques réunis au sein du comité
d’évaluation de la procédure de vigilance.
Le constat fait par la Cour sur l’évolution des taux de non détection et
de fausse alarme de la vigilance, correspond cependant à une réalité
scientifique complexe. En effet, en dépit des progrès constants de la science
météorologique, la prévisibilité de certains des phénomènes météorologiques
annoncés par la vigilance - notamment les orages - reste limitée dans l’état
de l’art actuel.
En conséquence, l’évolution du taux de non détection ou du taux de
fausse alarme dépend fortement des conditions météorologiques elles-mêmes,
si bien que les résultats correspondants ne peuvent être utilement analysés
que par type de phénomène et sur plusieurs années pour disposer d’un
échantillon statistiquement significatif.
Par ailleurs, le coût potentiel d’une non détection étant en moyenne
plus élevé pour la société que celui d’une fausse alarme il n’est pas anormal,
compte tenu des limites de l’état de l’art, de constater que le taux de fausse
alarme dépasse celui de non détection.
Ceci étant, la réduction du taux de fausse alarme reste un objectif
majeur pour Météo-France et ses partenaires du dispositif de vigilance et fait
chaque année l’objet de discussions approfondies dans le cadre de
l’évaluation de la vigilance, réalisée en commun selon une procédure unique
en Europe basée sur l’analyse détaillée de toutes les situations significatives.
Ces évaluations montrent d’ailleurs les progrès réalisés sur l’anticipation de
la survenance des phénomènes dangereux, qui traduisent la capacité de
Météo-France à réduire les incertitudes au fil du temps, et à alerter avant
que le phénomène ne se déclare effectivement sur le département concerné.
Ainsi le nombre de cas où la vigilance a été pertinente au niveau
départemental, avec une anticipation d’au moins trois heures a évolué
d’environ 60% en 2004 à 80% en 2007, et de 40 % à 67% pour une
anticipation d’au moins sept heures.
L’ETAT FACE A LA GESTION DES RISQUES NATURELS
685
Comme l’indique la Cour, c’est pour améliorer la performance du
dispositif de vigilance que Météo-France a développé un nouveau modèle à
mailles très fines, AROME, qui devrait réduire sensiblement les incertitudes
sur la localisation et l’intensité des phénomènes difficiles à prévoir, comme les
orages. L’impact de l’entrée en service opérationnel de ce modèle (fin 2008)
sur les performances de la vigilance sera analysé dans le cadre du prochain
contrat d’objectifs, sur la période 2009-2011.
2 – Le réseau de mesures spécifiquement dédié aux feux de forêt
Le soutien de Météo-France à la surveillance des feux de forêt est
défini par la convention cadre avec la direction de la sécurité civile (DSC),
dont le champ a été élargi fin 2007. Ce soutien s’appuie sur un réseau de
stations spécifiques feux de forêts, financé par les collectivités territoriales et
défini
comme
le
complément
opérationnel
indispensable
du
réseau
d’observation propre de Météo-France.
Pour permettre de compléter et d’optimiser la couverture de l’ensemble
en fonction des moyens mobilisables, Météo-France a fourni à la DSC, dès
2004, des documents de référence permettant aux collectivités de définir et de
planifier leurs contributions. Météo-France se félicite des progrès accomplis
sur cette base depuis 2005, mais souscrit au constat de la Cour, en notant en
particulier les défauts de couverture résiduels sur des zones vulnérables,
notamment en Corse.
Concernant la question de l’augmentation des taux de panne, il peut
être précisé que la direction interrégionale sud-est de Météo-France a mis en
place un suivi et une classification de ces anomalies, conformément aux
exigences ISO9001, et qu’une fraction significative d’entre elles ne peut pas
être considérée comme des pannes.
En outre, le nombre de ces anomalies ne pénalise pas la fiabilité de la
production d’information de prévention fournie au centre opérationnel de zone
(COZ), dont le niveau est très élevé et supérieur aux exigences qualité (97%)
que s’impose Météo-France pour ses missions propres. Ce niveau de fiabilité
repose sur la capacité d’intervention rapide des services de maintenance de
Météo-France, qui adopte, pendant toute la durée de la campagne feux de
forêt, les mêmes exigences de délai d’intervention - moins de 72 heures – pour
les stations spécifiques feux de forêts que pour celles de son propre réseau.
3 – Le ruissellement urbain
Les phénomènes de ruissellement urbain et les risques associés étant
directement
liés
à
la
gestion
des
réseaux
urbains,
notamment
d’assainissement, par les communes concernées, ce risque ne peut être
apprécié et géré de façon optimale que par les communes elles-mêmes. Dans
ce domaine, les progrès de la prévention nécessitent donc une approche
pluridisciplinaire qui dépasse largement le domaine de compétences de Météo-
France, mais à laquelle Météo-France serait naturellement prêt à contribuer.