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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Troisième section
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Arrêt n° S-2025-0533
Audience publique du 18 mars 2025
Prononcé du 10 avril 2025
CAISSE MUTUELLE COMPLÉMENTAIRE
ET D'ACTION SOCIALE DE LA RÉUNION
(CMCAS DE LA RÉUNION)
Affaire n° 56
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
(DDHC) du 26 août 1789, notamment
son article 8 ;
Vu le code des juridictions financières (CJF) ;
Vu le décret du 22 juin 1946 modifié approuvant le statut national du personnel des industries
électriques et gazières, notamment son article 25 ;
Vu la communication du 3 octobre 2023, enregistrée le 13 octobre 2023 au parquet général,
par laquelle la présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes a déféré au
ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer des infractions
prévues aux articles L. 131-9, L. 131-12 et L. 131-13 du CJF susvisé ;
Vu le réquisitoire du 9 décembre 2023 par lequel le ministère public près la Cour des comptes
a saisi la juridiction de cette affaire ;
Vu la décision du 9 janvier 2024 par laquelle le président de la chambre du contentieux a
désigné M. Patrick SITBON, conseiller maître, magistrat chargé de l
instruction de l
affaire ;
Vu
les
ordonnances
de
mise
en
cause
de
MM. X
et
Y,
notifiées
aux intéressés, avec le réquisitoire susvisé, le 29 janvier 2024, et aussi notifiées au ministère
public le 23 janvier 2024 ;
Vu la décision du 27 mars 2024 par laquelle le président de la chambre du contentieux a
désigné M. Christian MICHAUT, conseiller maître, magistrat chargé de l
instruction de l
affaire
en remplacement de M. SITBON ;
Vu l
ordonnance de règlement notifiée aux personnes mises en cause respectivement les 8 et
14 octobre 2024 et aussi notifiée au ministère public le 7 octobre 2024 ;
Vu la communication, le 7 octobre 2024, du dossier de la procédure au ministère public près
la Cour des comptes ;
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Vu la décision de la procureure générale de renvoi de l
affaire à la chambre du contentieux
notifiée aux personnes mises en cause, respectivement les 26 et 30 décembre 2024 ;
Vu la convocation des personnes renvoyées à l
audience publique du 18 mars 2025, notifiée
aux intéressés respectivement les 10 et 27 janvier 2025 ;
Vu les mémoires en défense produits les 24 et 27 février 2025 par Maître Julien BRAULT,
dans l’intérêt
de MM. X et Y, communiqués aux autres parties les mêmes jours,
ensemble les pièces à
l’appui
;
Vu la lettre du 11 mars 2025 de MM. X et Y demandant à ne pas comparaître à
l
audience et à y être représentés par leur avocat commun ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l
audience publique du 18 mars 2025, Mme Stéphanie BIGAS-REBOUL,
avocate générale, en la présentation de la décision de renvoi, et Mme Alice BOSSIÈRE,
avocate générale, en la présentation des réquisitions du ministère public ;
Entendu
Maître
Julien
BRAULT,
représentant
MM. X
et
Y,
la
défense ayant eu la parole en dernier ;
Vu la note en délibéré produite le 3 avril 2025 par Maître BRAULT, ensemble les pièces à
l’appui
;
Entendu en délibéré Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, réviseur, en ses
observations ;
1. MM. X
et
Y,
respectivement
président
et
trésorier
général
de
la
caisse
mutuelle complémentaire
et d’action
sociale de La Réunion
sur l’ensemble de la période non
couverte par la prescription
, ont été renvoyés devant la chambre du contentieux pour n’avoir
pas produit les comptes de cet organisme dans les conditions prévues par les textes
applicables.
Sur la compétence de la Cour des comptes
2. Aux termes de l
article L. 131-1 du CJF susvisé, «
Est justiciable de la Cour des comptes
[…]
:
3° Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au
contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d
une chambre régionale des comptes ou
d
une chambre territoriale des comptes.
Sont également justiciables tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes
désignées aux 1° à 3°
».
3.
Par ailleurs, en application de l’article L.
111-6 du CJF, «
La Cour des comptes peut
contrôler les organismes qui bénéficient d'un concours financier d'une personne visée à
l'article L. 133-3 ou d'un prélèvement obligatoire au sens de l'article L. 133-4
». Aux termes de
l’article L.
133-3 du même code : «
La Cour des comptes peut contrôler les organismes qui
bénéficient du concours financier de l'État, d'une autre personne soumise à son contrôle ainsi
que de l'Union européenne
».
4. Les organismes sociaux des industries électriques et gazières, catégorie à laquelle
appartient la c
aisse mutuelle complémentaire et d’acti
on sociale (CMCAS) de La Réunion,
bénéficient de concours financiers sous forme de contributions acquittées par les entreprises
du secteur. Ces contributions, qui ne sont pas affectées à des dépenses individualisées, sont
notamment versées pour plus des deux tiers par EDF, Enedis et RTE, entreprises publiques
soumises au contrôle de la Cour des comptes. La répartition en est opérée par le comité de
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coordination des CMCAS entre la caisse centrale des activités sociales (CCAS), le comité lui-
même et les 69 CMCAS, dont celle de La Réunion.
5. Les paragraphes 2, 4 et 7 de
l’article 25 de l’annexe
du décret du 22 juin 1946 susvisé
définissent les conditions de réception et de répartition de ces contributions, dépendantes de
plusieurs décisions, soit des organismes sociaux eux-mêmes, soit du commissaire du
Gouvernement. Les versements des industries électriques et gazières à leurs organismes
sociaux constituent en conséquence des concours financiers au sens des articles L. 111-6 et
L. 133-3 du CJF, et fondent ainsi la compétence de la Cour pour contrôler la CMCAS de
La Réunion.
6. Dès lors, et conformément aux dispositions du 3° de l'article L. 131-1 du CJF, ses
administrateurs, représentants ou agents sont justiciables de la Cour des comptes au titre de
la responsabilité financière des gestionnaires publics.
7. Il en résulte que MM. X et Y, respectivement président et trésorier général de
la CMCAS
sur l’ensemble de la période non couverte par la prescription,
sont justiciables de
la Cour.
Sur la prescription
8. Aux termes de l
article L. 142-1-3 du CJF susvisé : «
La Cour des comptes ne peut être
saisie par le ministère public après l
expiration d
un délai de cinq années révolues à compter
du jour où a été commis le fait susceptible de constituer une infraction au sens de la section 2
du chapitre Ier du titre III du présent livre
».
9. Il en résulte que ne peuvent être valablement poursuivis et sanctionnés dans la présente
affaire que les faits commis moins de cinq ans avant la date à laquelle a été enregistrée au
parquet général la communication susvisée de la présidente de la deuxième chambre de la
Cour des comptes, soit les faits postérieurs au 13 octobre 2018.
Sur le droit applicable à l
ensemble des faits
Sur l’infraction poursuivie
10.
L’article L.
131-13-1° du CJF, en vigueur depuis le 1
er
janvier 2023, dispose que «
Tout
justiciable au sens de l’article L.
131-
1 est passible de l’amende prévue au deuxième alinéa
de l’article L.
131-
16 lorsqu’il
: 1° Ne produit pas les comptes dans les conditions fixées par
décret en Conseil d’État
».
11.
L’article R.
131-2 du même code, dans sa version issue du décret n° 2022-1605 du
22
décembre 2022 portant application de l’ordonnance n°
022-408 du 23 mars 2022 relative
au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et modifiant diverses
dispositions relatives aux comptables publics, applicable à compter du 1
er
janvier 2023, précise
que «
(…)
Les comptes des personnes morales soumises au contrôle de la Cour des comptes
et des chambres régionales et territoriales des comptes autres que ceux mentionnés au
premier alinéa du présent article sont produits dans les conditions fixées par les textes
a
pplicables à ces personnes morales. Ils sont conformes aux principes d’exhaustivité,
d’intangibilité et d’intégrité. Ces comptes, ainsi que les pièces justificatives afférentes, sont
rendus accessibles aux juridictions financières dans des conditions leur
permettant d’exercer
leurs missions, y compris en dehors de la notification de contrôles ».
12.
Si la défense de MM. X et Y soutient que la notion de production des
comptes
telle qu’elle résulte des dispositions rappelées aux points précédents, ne ferait pas
l
’objet d’une définition précise, accessible et prévisible dans son application, il résulte
toutefois
de la décision du Conseil d’État du 16 janvier 2008,
M. HABERER
, que «
lorsqu’il est appliqué
à des sanctions qui n’ont pas le caractère de sanctions pénal
es, le principe de légalité des
délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence
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aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l’activité qu’elle exerce, de
la profession à laquelle elle ap
partient ou de l’institution dont elle relève
». Le renvoi à des
normes référées ne constitue pas en lui-même
un manquement au principe d’intelligibilité du
droit. Les dispositions, tant du décret du 22 juin 1946 susvisé, que du règlement commun des
instances sociales des industries électriques et gazières, applicables à la CMCAS de La
Réunion, et du règlement particulier de la CMCAS de La Réunion, exposent en effet sans
ambiguïté les éléments constitutifs du dépôt des comptes.
13. Par ailleurs, a
vant l’entrée
en vigueur, le 1
er
janvier 2023, des dispositions prévues par
l’ordonnance du 23 mars 2022
précitée
, l’article L.
313-4 du code des juridictions financières
disposait que «
Toute personne visée à l’article L.
312-1 qui, en dehors des cas prévus aux
articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des
dépenses de l'État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même
article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites
collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux
décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1
».
14.
Si les dispositions de l’article L.
131-13-1° du CJF, introduisant dans le nouveau régime
unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics une infraction pour défaut de
production des comptes, sont entrées en vigueur sous cette forme le 1
er
janvier 2023, les
mêmes faits étaient appréhendés par la Cour de discipline budgétaire et financière avant cette
date du fait
qu’ils entraient dans les prévisions de l’article L.
313-4 du même code, les règles
régissant la production du compte faisant
partie des règles d’exécution des recettes ou des
dépenses et de gestion des biens au sens de cet article.
15. En conséquence, les défaillances observées dans la production des comptes des
exercices 2016 à 2022 de la CMCAS de La Réunion peuvent être sanctionnées sur le
fondement du 1° de l’article L.
131-
13 du CJF. En effet, l’infraction aujourd’hui codifiée à
l’article L.
131-13-
1° du CJF n’a pas entendu incriminer des faits qui ne l’auraient pas été
auparavant, mais a seulement défini, s’agissant de la production des comptes, une disposition
spécifique qui était antérieurement englobée dan
s l’ancien article L.
313-4 du même code.
16.
S’agissant du plafond de l’amende que la Cour pourrait infliger aux personnes renvoyées
devant elle,
le justiciable est susceptible de se prévaloir de l’application immédiate, au présent
contentieux, des dispositi
ons plus douces édictées par l’ordonnance précitée. Ce principe à
valeur constitutionnelle, issu du droit pénal, a été consacré par le Conseil constitutionnel dans
sa décision n° 80-
127 du 20 janvier 1981, sur la base de l’article 8 précité de la DDHC.
Sur les budgets et les comptes annuels
17.
Aux termes du paragraphe 6 de l’article 25 de l’annexe
du décret du 22 juin 1946 susvisé :
«
L
a préparation, l’approbation et l’exécution des budgets d’activités sociales, ainsi que l’arrêt,
en fin d’exercice, des compte
s afférents à ces budgets, sont régis par les règles ci-après : a)
les budgets sont préparés par chaque [CMCAS]
et transmis, simultanément, d’une part, aux
directeurs généraux des établissements publics nationaux ou aux directeurs des services de
distribut
ion et, d’autre part, au commissaire du Gouvernement chargé de les rendre exécutoire
après avis du contrôleur budgétaire et après qu’il s’est assuré que toutes les dépenses prévues
concernent bien des activités sociales rentrant dans les attributions des [CMCAS] ; c) en fin
d’exercice, le conseil d’administration de chaque [CMCAS] établit un compte de gestion pour
les activité sociales ; ce compte est transmis et arrêté suivant la procédure employée pour
rendre exécutoires les budgets d’activités sociales.
Un exemplaire dudit compte est transmis,
par chaque caisse, au comité de coordination chargé de dresser un tableau d’ensemble
»
.
18. L
’article 54
du règlement commun des instances sociales des industries électriques et
gazières,
prévu à l’article 1
-
1 de l’article 25 précité,
a repris et précisé ces dispositions :
« Les
CMCAS tiennent une comptabilité propre selon le plan comptable national et les règles
définies par le
comité de coordination. Les comptes des CMCAS sont clôturés au 31 décembre
de chaque année […].
1. Le compte de résultat
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Les [CMCAS] publient, à la fin de chaque exercice, un compte de résultat au titre des activités
sociales. Les charges et produits liés à la gestion des activités sociales sont retracés de façon
distincte en comptabilité.
Le CA de chaque CMCAS établit un compte de gestion des activités sociales. Ce compte est
transmis et arrêté suivant la procédure employée pour rendre exécutoire les budgets
d’activités sociales. Un exemplaire dudit compte est transmis,
par chaque caisse, au comité
de coordination.
2. Le bilan
Afin de traduire leur situation patrimoniale d’organisme à personnalité morale, les [CMCAS]
établissent un bilan de fin d’exercice
».
19. Aux termes de l'article 56 du règlement commun des instances sociales des industries
électriques et gazières : «
Les CMCAS ont l'obligation d'arrêter leurs comptes annuels avant
la fin du mois de mars de chaque année et de les faire valider par un expert-comptable dans
le cadre d'une mission d'audit des comptes. Ces comptes doivent ensuite être transmis au
comité de coordination, accompagnés d'un compte rendu annuel du résultat de l'exécution du
budget, tel qu'il résulte de la comparaison entre les réalisations et les prévisions inscrites au
projet de budget
».
20. Aux termes
de l’article 37 du règlement commun des CMCAS
:
« Les délégués des SLVies
[section locale de vie]
[…] se réunissent
en assemblée générale de la CMCAS au moins (1)
une fois par an. / A cette occasion, ils se prononcent sur le rapport moral et le compte-rendu
de la gestion financière du CA, procèdent à l’élection des membres de la commission de
contrôle financier, délibèrent sur les rapports qui leur sont présentés […]
»
.
21.
L’expert
-comptable de la CMCAS de La Réunion a rappelé à ce sujet, au point 3 de sa
«
Synthèse de l’audit
des comptes annuels » 2021 à la date du 8 décembre 2023, que la
session du comité de coordination du 9 janvier 2014 avait précisé ainsi les dispositions
budgétaires et comptables au titre de l’arrêté de comptes
: «
La CMCAS a la possibilité dès la
mi-
mars 2022 d’effectuer une analyse de la consommation budgétaire pour 2021. Le conseil
d’administration en charge de cette analyse pourra, à partir du suivi budgétaire automatisé
(SBA), constater le résultat budgétaire provisoire, justifier d
e l’utilisation de la dotation 2021 et
être utilisé lors des assemblées générales de SLVies. Lors d’un conseil d’administration
suivant, il appartiendra à ce dernier d’arrêter les comptes annuels 2021 sur la base du rapport
d’audit émis par l’expert
-compta
ble, d’arrêter le résultat budgétaire 2021 définitif et de
proposer l’affectation du résultat comptable 2021 à l’assemblée générale
».
22. Aux termes de
l’
article 2 du règlement particulier de la CMCAS de La Réunion, validé par
une délibération du comité de coordination des CMCAS du 23 avril 2015, :
« Le conseil
d’administration (CA) de la CMCAS, composé de vingt
-quatre membres conformément à
l’article 8 du règlement commun des CMCAS, est constitué d’un bureau qui comprend
: un
président, un vice-président délégué, deux vice-
présidents […], un secrétaire général, un
secrétaire général adjoint, un trésorier général, un trésorier général adjoint »
. Les pouvoirs du
CA sont ainsi définis en son article 3 : «
Pour l'exercice de ses attributions, le conseil
d'administration dispose de tous les pouvoirs dans les limites des prérogatives qui lui sont
confiées par les textes législatifs et réglementaires, le statut national du personnel des
industries électriques et gazières, le règlement commun des CMCAS, le présent règlement et
les décisions de ses assemblées générales. Il procède à la mise en place de délégations de
pouvoir nécessaires au bon fonctionnement de la CMCAS »
.
23. Aux termes de l'article 6 du règlement particulier de la CMCAS de La Réunion, le conseil
d’adm
inistration
« arrête les inventaires et les comptes au 31 décembre de chaque année. Il
établit les rapports d'activités et financier de sa gestion qu'il soumet à l'assemblée générale de
la CMCAS ».
Sur les compétences du président et du trésorier général
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24. A
ux termes de l’article 14 du règlement commun des CMCAS
: «
Le président assure la
régularité du fonctionnement de la CMCAS, conformément au présent règlement et au
règlement particulier de la CMCAS. / Le président est chargé du suivi de la mise en œuvre
des décisions et en rend compte périodiquement au bureau et au CA. / Il convoque, avec le
secrétaire général, l’assemblée générale de la CMCAS. / Il préside les réunions du CA et des
assemblées générales dont il assume l’ordre et la police. Dans la limite de délégations qu’il
reçoit du CA, il signe tous actes ou délibérations »
. L’article 17 du même règlement prévoit
que «
le CA se réunit chaque fois qu’il est convoqué par le président, et au moins (6) six fois
par an
»
; le président y dispose d’une voix pr
épondérante en cas de partage des voix, et en
paraphe le procès-verbal des séances.
25.
Selon l’article 16 du règlement commun des CMCAS, le trésorier général
« est chargé,
sous sa responsabilité personnelle et sous le contrôle du CA, du suivi de l’ensemble de
s
opérations financières et comptables de la CMCAS et en particulier
: 1. de l’élaboration
budgétaire et de sa présentation au CA pour adoption ; / 2. De la tenue de la comptabilité ; /
[…] 6. de la conservation des pièces justificatives et des documents c
omptables ».
Sur l
’infraction relative à la non
-production des comptes de la CMCAS de La Réunion
Sur les faits
26. Les pièces fournies au cours de l
’instruction confirm
ent que les comptes des
exercices 2016 et 2017
n’
ont été arrêtés que le 30 septembre 2019, ceux
de l’exercice 2018
le 20 février 2020, ceux des exercices 2019 et 2020 le 29 novembre 2022, ceux de
l’exercice
2021 le 21 décembre 2023. Il ressort des pièces fournies après clôture de
l’instruction que les comptes de l’
exercice 2022 ont été arrêtés lo
rs du conseil d’administration
du 9 juillet 2024.
27. Ces retards répétés et significatifs, dont la durée minimum est de 10 mois, ne sont pas
contestés par le président et le trésorier général de la CMCAS de La Réunion, qui les
expliquent soit par un désaccord avec la plateforme comptable nationale relatif à une écriture
de provisionnement d’une dette de 1,2
M€ à l’égard de la CCAS,
soit par des retards de la
même plateforme dans l‘établissement des comptes, soit par des difficul
tés au sein du conseil
d’administration
, soit enfin par des restrictions liées à la pandémie, aux mesures de télétravail
et à des difficultés de recrutement. Ces explications ne suffisent toutefois pas à justifier
l’importance, la récurrence et la persista
nce des retards dans la production des comptes
pendant 7 exercices sans aucune interruption.
28. En outre,
l’absence d’approbation des comptes
des exercices 2019 et 2020 et des
dysfonctionnements comptables n’ont pas permis à l’expert
-comptable de valider les comptes
avant transmission au comité de coordination. Les comptes des exercices 2021 et 2022 ont
finalement été validés mais également avec des retards importants, pour les premiers le
8 décembre 2023, et pour les seconds le 25 juin 2024.
29. Enfin,
l’assemblée générale de la CMCAS n’a approuvé les rapports financiers des
exercices 2016 à 2020 et les comptes clos pour ces exercices, puis procédé à l’affectation des
résultats, que le 17 juin 2023. Le
conseil d’administration
a délibéré le 10 septembre 2024 afin
de prévoir une assemblée générale le 26 octobre 2024, au cours de laquelle les comptes 2021
et 2022 ont été approuvés et les résultats affectés. Les mêmes explications que celles
exposées au point précédent ont été avancées sur les retards constatés dans les convocations
des assemblées générales et appellent les mêmes objections.
Sur la qualification juridique
30. Il résulte des dispositions rappelées aux points 17 à 23 que les comptes annuels de la
CMCAS de La Réunion devaient être arrêtés avant le 31 mars de chaque année par le conseil
d’administration, qu’ils devaient être validés chaque année par un expert
-comptable dans le
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cadre d’une mission d’audit des comptes de la CMCAS
, puis que l
’assemblée générale de la
CMCAS de La Réunion devait de même adopter chaque année le compte rendu de gestion
financière du
conseil d’administration
et, conformément aux décisions du comité de
coordination de 2014 évoqué
supra
au point 21
, se prononcer sur l’approbation des comptes
et l’affectation du résultat annuel.
31. Le fait que les comptes des exercices 2016 à 2022 de la CMCAS aient été présentés au
conseil d’administration avec retard, que les comptes rendus de gestion financière n’aient été
soumis que tardivement à l’assemblée générale
,
ne lui permettant pas d’approuver les
comptes et de décider de l’affectation du résultat de l’exercice dans l’année suivant sa clôture,
et que les comptes des exercices
2019 à 2022 n’aient pas été validés par l’expert
-comptable
ou avec un certain retard, en méconnaissance des règles fixées tant par le règlement commun
des CMCAS que par le règlement particulier de la CMCAS de La Réunion rappelées aux points
17 à 23
, est constitutif de l’infraction de non
-
production des comptes prévue au 1° de l’article
L. 131-13 du CJF.
Sur l
imputation des responsabilités
32. Il résulte des dispositions rappelées aux points 24 et 25 que les manquements relevés
sont imputables à la fois au président de la caisse, M. X, et au trésorier général,
M. Y.
33. En ce qui concerne le président, il était responsable de la régularité du fonctionnement de
la CMCAS de La Réunion ; il lui appartenait en particulier de saisir le conseil d'administration
de l'arrêté des comptes
et d’avertir le conseil de toute difficulté à ce sujet
. Sa responsabilité,
alors qu’il n'a pas veillé à la production des comptes et n'a pas saisi les instances
compétentes
-
conseil d’administration mais également assemblée générale de la CMCAS
- en temps utile
sur l'ensemble de la période, est engagée.
34. En ce qui concerne le trésorier général,
il n’a
, à aucun moment, alerté le président sur la
nécessité d'arrêter et d'approuver les comptes, et de convoquer l'assemblée générale de la
CMCAS de La Réunion. Il
n’a
donc pas assumé le rôle propre en matière de tenue de la
comptabilité que lui ont attribué les textes encadrant les fonctions budgétaires et comptables
dans les CMCAS.
En s’abstenant de toute démarche de cette nature, il a manqué à ses
obligations de suivi de l’ensemble des opérations financières et comptables de la CMCAS
de
La Réunion.
Sur les circonstances
35.
Malgré la tenue de l’assemblée générale du 17 juin 2023 qui a
approuvé les comptes de
cinq exercices successifs, les retards dans la production des comptes ont perduré pour
l’arrêté, la validation et l’approbation des comptes des exercices 2021 à 202
2, ainsi que pour
l’affectation des résultats de ces exercices.
Il en est
d’ailleurs
de même des comptes de
l’exercice
2023,
même s’ils
sont hors champ de la présente espèce, qui
n’ont ainsi été arrêtés
que le 28 février 2025.
36. Ces retards sont intervenus dans une période difficile pour les finances de la CMCAS, dont
les résultats comptables ont été déficitaires de 2016 à 2020 au point que les capitaux propres
sont négatifs depuis 2018, et alors que les dettes se sont
accrues notamment d’un montant
de 6
M€ en raison d’un emprunt destiné à la réhabilitation d’un village
-vacances. Il
s n’ont donc
pas permis d’informer
régulièrement
le conseil d’administration et l’assemblée générale de la
CMCAS de La Réunion de cette situation délicate qui a perduré, les capitaux propres étant
toujours négatifs à la fin de l’exercice 2023
.
37. Les règles de production des comptes ne relèvent pas d
un pur formalisme, mais doivent
notamment permettre la bonne appréciation, par les instances de gouvernance, de la santé
financière d’un organisme, qu’il soit public ou privé. Cette obligation de transpare
nce a été
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largement méconnue à la CMCAS de La Réunion
, alors même que la conduite d’une opération
de réhabilitation particulièrement délicate était en cours.
38.
L’ensemble de ces faits constitue
nt des circonstances aggravantes de responsabilité pour
MM. X et Y.
39. Le président et le trésorier général semblent avoir saisi, même tardivement, la nécessité
d
agir
à l’
occasion de
l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint
-Denis du
31 mars 2022 les condamnant tous deux à fournir les bilans détaillés et les comptes de résultat
de
2019 et 2020 sous astreinte, confirmée par l’arrêt de la Cour d’appel de Saint
-Denis du
29
août 2023. L’assemblée générale de la CMCAS a été convoquée le 17 juin 2023 pour
approuver les rapports financiers des exercices 2016 à 2020 et les comptes clos pour ces
exercices,
puis affecter les résultats correspondants, de même qu’elle a été convoquée le
26 octobre 2024 pour approuver les comptes des exercices 2021 et 2022 et affecter leurs
résultats.
Sur l
amende
40. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits et de leur caractère répété en
infligeant à M. X une amende de 4 000
, et à M. Y une amende de 2 500
.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
.
M. X est condamné à une amende de quatre mille euros (4 000
€)
pour non-production des comptes de la CMCAS de La Réunion.
Article 2.
M. Y est condamné à une amende de deux mille cinq cents euros
(2 500
€)
pour non-production des comptes de la CMCAS de La Réunion.
Article 3.
Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Copie en sera adressée au ministre au ministre de l'économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation ;
Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, MM. Guy DUGUÉPÉROUX et Thierry SAVY,
conseillers maîtres, M. Boris KUPERMAN, conseiller président de chambre régionale des
comptes, M. Marc SIMON, premier conseiller de chambre régionale et territoriale des comptes.
En présence de Mme Cécile ROGER, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d
y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu
ils en seront légalement requis.
Arrêt n° S-2025-0533
9
/
9
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Cécile ROGER
Jean-Yves BERTUCCI
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d
appel devant
la Cour d
appel financière dans le délai de deux mois à compter de la notification. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l
étranger. La révision d
un arrêt
peut être demandée après expiration des délais d
appel, et ce dans les conditions prévues
aux articles R. 142-4-6 et R. 142-4-7 du même code.