Rapport public
annuel 2025
LES POLITIQUES
PUBLIQUES
EN FAVEUR
DES JEUNES
Synthèses
Rapport public
annuel 2025
LES POLITIQUES
PUBLIQUES
EN FAVEUR
DES JEUNES
Synthèses
Avertissement
Ces synthèses sont destinées à faciliter la lecture
et l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des collectivités
concernées figurent à la suite de chacun des chapitres.
L’ordre des chapitres synthétisés correspond
à celui du rapport.
Sommaire
20
PREMIÈRE PARTIE
Accéder à l’éducation et à la formation
1. L’orientation au collège et au lycée · 25
2. L’obligation de formation des jeunes âgés
de 16 à 18 ans · 31
3. La prévention de l’échec
en premier cycle universitaire · 37
4. L’accès des jeunes des territoires ruraux
à l’enseignement supérieur : l’exemple du Grand Est
et de la Bourgogne-Franche-Comté · 43
Principaux messages · 6
Chapitre introductif · 13
50
DEUXIÈME PARTIE
L’aide à l’entrée dans la vie active et à l’autonomie
1. L’emploi des jeunes · 55
2. L’accès des jeunes au logement · 61
3. La mobilité des jeunes en transports collectifs :
de la politique tarifaire au renforcement de l’offre
dans les territoires · 67
4. La prise en charge des jeunes majeurs sortant
de l’aide sociale à l’enfance · 73
80
TROISIÈME PARTIE
Les politiques de prévention à destination de la jeunesse
1. L’accès des jeunes au sport · 85
2. Les maisons des adolescents : une réponse
de première ligne pour les jeunes en mal-être · 91
3. Les addictions des jeunes aux drogues illicites
et à l’alcool : un enjeu de prévention et de prise
en charge · 97
4. La prévention de l’obésité chez les jeunes :
l’exemple de la Nouvelle-Calédonie
et de la Polynésie française · 103
108
QUATRIÈME PARTIE
L’apprentissage à la citoyenneté et à la vie dans la cité
1. La Journée Défense et Citoyenneté,
des objectifs à redéfinir · 113
2. L’entrée des jeunes dans l’impôt sur le revenu · 119
3. Les jeunes et la justice pénale · 127
4. L’éducation artistique et culturelle au bénéfice
des élèves de l’enseignement scolaire · 133
Principaux messages
Quelles que soient les difficultés budgétaires auxquelles
notre pays est confronté, il reste indispensable de préparer
son avenir, qui repose sur ses jeunes. Les politiques publiques
en leur faveur ne sont pas seulement une réponse à des
besoins immédiats. Elles constituent aussi un investissement
stratégique pour bâtir une société plus équitable, résiliente
et prospère. En accompagnant cette période charnière de
la vie, il s’agit de permettre à chaque jeune de réaliser son
potentiel tout en renforçant la cohésion sociale et le progrès
collectif du pays. Rendre les jeunes capables de faire face aux
défis dont ils auront à se saisir nécessite une action claire,
cohérente et efficace des pouvoirs publics.
La jeunesse est une période de construction identitaire
marquée par des basculements : passage de l’éducation
à l’emploi, de la dépendance familiale à l’autonomie, de
la minorité politique à l’intégration dans la cité. Elle est
marquée par des défis psychologiques : stress lié aux
études, incertitudes face à l’avenir, pression des pairs ou
isolement social. Sans accompagnement, ces difficultés
peuvent être sources de vulnérabilité, d’exclusion ou
d’échec, notamment pour les jeunes en situation de
précarité.
7
PRINCIPAUX MESSAGES
L’avenir des jeunes intéresse tous les domaines de
l’action publique, ce qui implique une action résolue des
administrations publiques, nationales et locales. Celles-ci ne
peuvent avancer sans entraîner avec elles toute la société :
les ménages, les entreprises, la communauté éducative, la
sphère associative, les acteurs de la recherche, etc.
Les travaux réalisés par la Cour et les chambres régionales
et territoriales des comptes ont cherché à établir des
diagnostics sectoriels et à identifier les principaux enjeux de
l’organisation de l’action publique en faveur des jeunes. Il
s’est agi également d’examiner la façon dont ces politiques
publiques sont perçues par les jeunes et d’évaluer leur
efficacité.
Le présent rapport ne propose pas une analyse exhaustive
de toutes les politiques menées en faveur des jeunes.
En effet, d’autres travaux des juridictions financières ont
récemment débouché sur des publications ou sont en cours
de réalisation. Ils ont et donneront lieu à des rapports
intéressant l’avenir des jeunes, portant notamment sur
l’enseignement primaire et l’éducation prioritaire.
I.
Le renforcement de la cohérence
et de l’efficacité des politiques publiques
en faveur des jeunes passe par une meilleure
différenciation des soutiens en fonction
des publics cibles, par une amélioration
des parcours de formation et par une nouvelle
stratégie de lutte contre les addictions
Orientation 1.
Garantir l’équité de traitement des jeunes et développer des
dispositifs de soutien différenciés avec pour cibles prioritaires les populations les
plus en difficulté
Tous les jeunes ne disposent pas des mêmes opportunités, en raison de différences
sociales, économiques, géographiques ou culturelles. Ainsi, les jeunes ruraux ont
accès à une offre d’enseignement supérieur moins développée que celle des territoires
urbains et davantage orientée vers les cursus professionnels plus courts. Si leur
éloignement des pôles universitaires complexifie leur accès à l’information sur
l’offre de formation et sur la vie étudiante, leurs résultats aux examens sont aussi
meilleurs, preuve qu’il n’existe pas de fatalité et qu’une action publique est possible.
Certaines catégories de jeunes font face à des discriminations. Même parmi les plus
défavorisés, le potentiel existe pour contribuer au développement économique,
social et culturel du pays. À cet égard, les dispositifs en faveur des jeunes majeurs
issus de l’aide sociale à l’enfance, rendus obligatoires depuis quelques années,
doivent être mieux mobilisés pour insérer dans la vie active ces jeunes trop souvent
oubliés des politiques de droit commun.
Construire un pays capable de surmonter les défis à long terme suppose de réduire
ces inégalités, ce qui ne signifie pas l’uniformité de l’action publique. En garantissant
un traitement équitable à tous les jeunes et en soutenant les plus vulnérables, les
politiques publiques renforcent la solidarité et la stabilité au sein de la société, pour
le bénéfice des individus eux-mêmes mais aussi du pays tout entier. À ce titre, les
maisons des adolescents offrent un environnement d’écoute et d’accompagnement
utiles face à une demande croissante de jeunes en situation de mal-être et aux
difficultés d’accès aux professionnels de la santé mentale, même si les pouvoirs
publics doivent clarifier leurs attentes à l’égard de ce dispositif.
Pour participer à la vie de la cité, les jeunes doivent pouvoir accéder à l’emploi.
En la matière, leur situation s’améliore depuis 2017 : le taux d’emploi des jeunes a
connu une hausse de six points, pour plus de la moitié due à l’essor de l’alternance.
Cette amélioration coïncide avec un effort financier massif de l’État même si le
lien de causalité entre les deux phénomènes n’est pas réellement assuré. Malgré
cette amélioration, des difficultés structurelles persistent : la part des jeunes qui
ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation reste élevée (plus de 10 %),
l’accès à l’emploi reste très dépendant du niveau de diplôme et les inégalités
8
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
9
PRINCIPAUX MESSAGES
territoriales demeurent marquées, notamment dans les outre-mer et dans les
quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le pilotage par l’offre, fondé sur
des cibles en volume pour chaque dispositif, doit céder la place à un pilotage par
les besoins et les résultats. Cette évolution s’impose pour tous les dispositifs en
faveur de l’emploi des jeunes : l’accompagnement, la formation professionnelle
et les aides à l’embauche d’apprentis.
Pour être autonomes financièrement, les jeunes doivent, au moins en partie, être
mobiles et disposer d’un logement. Or, leurs spécificités en termes de mobilité,
d’entrée sur le marché du travail et de niveau de revenus les rendent vulnérables
aux tensions du marché du logement et sont peu compatibles avec un loyer élevé.
Les étudiants sont la principale cible des politiques en faveur des jeunes et ils
bénéficient de dispositifs propres. La politique du logement a ainsi un impact
souvent limité lorsqu’elle vise l’accès au parc de droit commun de tous les moins
de 30 ans. Les efforts pour faciliter l’accès de ce public aux parcs social et privé
produisent des résultats mitigés, sachant que les logements proposés aux jeunes
actifs sont moins nombreux que les logements étudiants.
Enfin, les jeunes de 15 à 25 ans sont des utilisateurs importants et relativement
captifs des transports collectifs. Leur fidélisation lors de leur entrée dans la vie
active revêt un enjeu majeur, notamment du point de vue de la transition écologique.
Cependant, les politiques locales de mobilité en faveur des jeunes se focalisent le
plus souvent sur les tarifs, alors que le premier obstacle à la mobilité des jeunes
est le manque d’offre.
Orientation 2.
Repenser l’organisation et le contenu des parcours
de formation initiale pour mieux préparer l’autonomie sociale et économique
des jeunes
Le modèle éducatif actuel, orienté vers la compétition académique, met peu l’accent
sur les qualités comportementales des élèves, pourtant essentielles à leur autonomie et
à leur épanouissement personnel et professionnel. À cet égard, l’éducation artistique et
culturelle permet de développer la sensibilité, la créativité et l’esprit critique. Élevée
au rang de priorité gouvernementale, elle est aujourd’hui l’un des quatre parcours
éducatifs de l’enseignement scolaire. En pratique, toutefois, elle reste considérée
comme plus ou moins facultative dans les établissements, tandis que la qualité des
actions menées sur le terrain est mal mesurée.
Trop de jeunes entrent ensuite sur le marché du travail avec des compétences
insuffisantes pour s’insérer durablement. La « politique de l’orientation » a pour
objectif de fournir aux familles une information éclairée pour une meilleure insertion,
afin de lutter contre les déterminismes (social, territorial et de genre) et de prévenir
le décrochage scolaire. Pourtant, l’orientation reste souvent perçue comme une voie
par défaut et influencée par des stéréotypes socio-économiques et géographiques,
avec pour conséquence de limiter les ambitions des jeunes. La situation de la France
est atypique en la matière : l’orientation y reste tardive, alors que de nombreux pays
commencent à faire découvrir les métiers dès l’école primaire.
L’obligation de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans, instaurée par la loi de
2019 pour une école de la confiance, vise les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni
en formation, ni en études, autrement dit tous ceux qui se trouvent en situation
de décrochage scolaire, avec ou sans diplôme. Quatre ans après son entrée en
vigueur, des progrès sont constatés, mais l’objectif initial n’est pas atteint. Si ce
dispositif a permis de mobiliser davantage les acteurs locaux, peu d’innovations
dans l’offre ont émergé alors que d’importantes inégalités territoriales persistent.
Les solutions proposées aux jeunes ruraux restent, à cet égard, insuffisantes.
Repenser les parcours de formation implique d’offrir des voies diversifiées pour
répondre aux besoins et talents de chacun et de mieux accompagner les jeunes en
difficulté avec des dispositifs individualisés.
Ceci vaut pour la lutte contre l’échec à
l’université. Les nombreux dispositifs qui existent localement n’ont pas démontré
leur efficacité. Pourtant, la prévention de l’échec en premier cycle universitaire est
un enjeu essentiel pour assurer la capacité du pays à se projeter dans l’avenir. Sa
réussite implique de veiller à renforcer le suivi de l’assiduité des étudiants.
Orientation 3.
Élaborer une nouvelle stratégie nationale de lutte contre
les addictions
À première vue, les jeunes peuvent sembler en meilleure santé, physique et mentale,
que les adultes, en raison de leur âge. La réalité est pourtant, parfois, très différente.
La France est l’un des pays d’Europe les plus concernés par la consommation
de drogues et d’alcool par les jeunes. En 2021, 2,6 % des 18-24 ans déclaraient
consommer quotidiennement de l’alcool, taux le plus élevé de la zone euro. La
consommation française de drogues serait également parmi les plus importantes
en Europe.
Malgré cette consommation préoccupante, la réponse sanitaire et médico-sociale
se révèle insuffisante par manque de volontarisme et par défaut de ciblage des
jeunes. L’accompagnement et le soin des personnes souffrant d’addictions sont
inadaptés. Le nombre de places disponibles pour les jeunes, à l’hôpital et dans
les établissements médico-sociaux, est faible. Les drogues ont pourtant des
conséquences sanitaires et sociales néfastes particulièrement marquées. Leur coût
macro-économique et social est estimé par l’Observatoire français des drogues et
des tendances addictives à 110 Md€ pour l’alcool et les drogues illicites.
Pour prévenir les addictions, il est essentiel d’agir le plus tôt possible, avant que les
problèmes ne se manifestent. Or, les efforts en la matière ne sont pas à la hauteur
des enjeux. Les exemples réussis des politiques conduites dans les pays du Nord
plaident pour une approche plus volontaire et transversale de la prévention et du
traitement des addictions.
L’évolution constante des modes de consommation de drogues, avec une augmen-
tation de la diversité des substances psychoactives, l’usage encore très répandu
du tabac et l’essor des addictions comportementales, comme les jeux d’argent en
ligne ou les réseaux sociaux, de même que la fragmentation de la gouvernance
actuelle de lutte contre les drogues, rendent indispensable une actualisation de
la stratégie nationale. Celle-ci permettrait de se fixer des objectifs ambitieux de
réduction des risques, en parallèle avec la lutte contre le narcotrafic.
10
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
11
PRINCIPAUX MESSAGES
Au-delà, les politiques qui concourent à promouvoir la santé et le bien-être
des jeunes doivent être mieux ciblées. Alors qu’un peu plus des trois quarts des
jeunes sont des sportifs réguliers, ce constat positif recouvre de fortes disparités
liées au genre, au territoire ou à l’origine sociale. En effet, les actions publiques
locales s’adressent plus aux jeunes déjà considérés comme sportifs qu’aux profils
structurellement plus éloignés comme les jeunes confrontés à des difficultés
socioéconomiques ou ceux en situation de handicap par exemple.
II.
Pour atteindre ces différents objectifs,
la puissance publique doit se donner
les moyens d’actions efficientes
en faveur des jeunes
Orientation 4.
Renforcer la lisibilité des dispositifs publics en faveur
des jeunes et mieux coordonner les acteurs publics et privés concernés
Le non-recours de nombreux jeunes à leurs droits, par méconnaissance ou par
excès de complexité, est un réel problème. Beaucoup de jeunes ne connaissent en
effet pas les aides ou programmes qui leur sont destinés. Leurs besoins sont divers
et parfois complexes. Il importe de simplifier les procédures administratives et de
mieux les informer pour améliorer leur inclusion sociale et économique, notamment
pour ceux en situation de vulnérabilité.
Par ailleurs, la gouvernance fragmentée et la multiplicité des acteurs et des
dispositifs freinent la mise en œuvre cohérente et efficace des initiatives
publiques. Il est crucial de clarifier les rôles et les responsabilités de chaque
acteur, afin d’éviter les injonctions contradictoires et de favoriser une meilleure
collaboration entre les différents intervenants. La logique d’une prise en charge
par « segment » de population, voire des injonctions contradictoires en matière
de mixité des publics, compliquent la mise en œuvre des politiques publiques,
réduisant ainsi leur efficience.
Orientation 5.
Mettre en place des outils de suivi et d’évaluation communs
aux politiques en faveur des jeunes
La mise en œuvre des politiques publiques doit être transparente, de façon à jus-
tifier et légitimer les décisions prises et à renforcer la confiance de tous. Rendre
compte de l’action publique suppose un suivi et une évaluation rigoureux pour
mettre en exergue les dispositifs les plus efficients et efficaces et les bonnes pra-
tiques, réduire autant que possible le gaspillage et éviter les doublons.
Conduire sur la durée des politiques en faveur des jeunes implique ainsi des outils
communs de suivi et d’évaluation permettant de disposer de données quantitatives
et qualitatives probantes, de façon à pouvoir anticiper les besoins futurs et détecter
les risques émergents. Le développement lent d’un système d’information entrave
l’efficience de l’action publique. Les mécanismes d’évaluation doivent être prévus
très tôt, afin de pouvoir ajuster les dispositifs en fonction des résultats obtenus.
Renforcer les actions en faveur des jeunes mobilisera en effet des ressources dans
un contexte budgétaire tendu.
Ainsi, malgré des moyens publics estimés à au moins 2 Md€ par an, l’efficacité de la
politique pénale à destination des jeunes de 15 à 25 ans est incertaine, comme le
montre la stabilité du taux de jeunes condamnés en état de récidive ou de réitération
légales. En la matière, les outils d’évaluation dont dispose l’État pour comprendre
ce phénomène et adapter les outils de sa politique sont trop faibles, alors que les
quelques études disponibles pointent des améliorations nécessaires.
Orientation 6.
Doter la Nation d’un plan stratégique en faveur des
jeunes et prévoir dans l’ensemble des politiques publiques un axe spécifique qui
la déclinerait
Les jeunes devront faire face aux effets du changement climatique, aux mutations
numériques et à des instabilités économiques et géopolitiques.
Ils ont, par ailleurs, des besoins et des aspirations spécifiques, notamment en
termes d’éducation, d’emploi, de santé, d’inclusion sociale et sociétale et de
participation à la vie de la cité. La conception d’un plan stratégique national à
leur destination serait l’occasion d’identifier ces problématiques et d’élaborer et
de hiérarchiser des solutions adaptées, au long cours, pour réduire les inégalités
d’accès aux services publics qui peuvent exister. Il donnerait un cadre clair pour
coordonner l’ensemble des politiques sectorielles qui concernent les jeunes.
12
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
13
Chapitre introductif
Période de changements intenses, la jeunesse porte
également en elle l’avenir. Les jeunes forgent leur parcours,
avec leurs familles, mais les pouvoirs publics ont un rôle
d’accompagnement décisif, ne serait-ce qu’au travers des
études, des diplômes, des formations proposées, des droits
sociaux et nombreuses autres mesures dont l’ensemble
forme les politiques publiques en faveur de la jeunesse.
Chiffres clés
14
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
9
millions de personnes
ont entre 15 et 25 ans, soit 13,2 % de la
population. Cette part va baisser et devenir
inférieure à celle des plus de 75 ans d’ici
une dizaine d’années
21
ans 1/2
c’est l’âge moyen de fin
des études en France.
Plus de 50 % d’entre
eux sont diplômés du
supérieur
53,4
Md€
les dépenses de l’État en
faveur des 15-25 ans sont
massives. Elles représentent
2 % du PIB. Le financement
de l’éducation est, de loin,
le premier poste de
dépenses
23
ans 1/2
5,3
% du PIB
les dépenses d’éducation
représentent, tous financeurs
confondus, 5,3% du PIB, soit plus
que la moyenne de l’OCDE et moins
que les États-Unis ou le Royaume-
Uni, où la part des financements
privés est plus élevée
les jeunes quittent le domicile parental
plus tôt que leurs homologues européens,
en moyenne à 23 ans et demi.
inactifs
5,7 %
au chômage
5,8 %
en études,
en formation
ou en emploi
88,5 %
Source : Insee
Chiffres 2022
Source : Insee
Source : Cour des comptes
Source : OCDE
Source : Insee
15
CHAPITRE INTRODUCTIF
I.
La réalité plurielle de la jeunesse
A.
Neuf millions de 15-25 ans en France aujourd’hui
La jeunesse peut être approchée sous l’angle démographique autant que par ses droits.
Si les chercheurs hésitent à scander des étapes étroites, caractériser la jeunesse par
l’âge est inévitable. L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies (ONU)
l’a définie comme les 15-24 ans ; l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) ou l’Union européenne retiennent désormais les 15-29 ans.
Au-delà d’événements comme l’obligation de scolarisation ou la majorité, la jeunesse
se constitue autour d’une progressivité des compétences juridiques et sociales. Les
25 ans accomplis, avec le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA), y marquent une
étape. C’est la raison pour laquelle les juridictions financières ont privilégié la tranche
d’âge des 15-25 ans, soit les dix années allant de la sortie du collège à l’acquisition de
l’ensemble des droits sociaux et fiscaux.
En 2024, les 15-25 ans représentent neuf millions de personnes (13,2 % de la
population). Les perspectives démographiques sont alarmantes. Selon le scénario
central de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee),
leur part va baisser et devenir, d’ici une dizaine d’années, inférieure à celle des
plus de 75 ans. Tous les départements n’en subiront pas l’impact de la même
manière ; si rien n’est fait, les départements ruraux seront sévèrement frappés.
De multiples aides, financières ou indirectes, tels les tarifs réduits, sont ouvertes aux
jeunes. Leur profusion pose un problème de lisibilité et d’information qui se traduit
par une méconnaissance des droits et un non-recours très élevé. La politique d’aide
en faveur des jeunes pourrait ainsi contribuer à creuser l’écart entre ceux qui sont
bien informés et ceux qui se situent aux périphéries du système.
B.
Un accès à l’autonomie globalement réussi
Les jeunes achèvent leurs études en moyenne à 21 ans et demi. Plus de la moitié
d’entre eux est diplômée du supérieur, ce qui positionne la France au-dessus de la
moyenne et des objectifs européens (respectivement 42 % et 45 %).
L’entrée dans la vie active est progressive et massivement réussie à 25 ans.
L’immense majorité des 15-24 ans (88,5%) est en études, en formation ou en
emploi. Les autres, connus sous l’acronyme de NEET, sont au chômage (5,8 %
en 2022) ou inactifs (5,7 %). Cet indicateur, sur lequel la France se situe à un
niveau très proche de la moyenne européenne, est désormais privilégié sur
le plan international. Il évite les incompréhensions récurrentes sur le taux de
chômage des jeunes actifs.
16
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 1 | Situation des 15-25 ans en matière d’études et d’activités
en 2022-2023
Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en logement ordinaire.
Source : Cour des comptes d’après Insee, enquêtes Emploi, moyenne 2022-2023
Les jeunes quittent le domicile parental en moyenne à 23 ans et demi. Cet âge
moyen s’est retardé, comme celui à la naissance du premier enfant (un peu plus de
29 ans) mais est moins dégradé que chez nos partenaires européens.
La jeunesse est enfin marquée par un intense engagement associatif et une
participation électorale, telle qu’étudiée par l’Insee, largement majoritaire
(77%), quoiqu’en retrait de 9 % par rapport à la moyenne de la population.
C.
Des inégalités persistantes
Par-delà les moyennes, les trajectoires des jeunes présentent des inégalités per-
sistantes. Comme le montrent les enquêtes du Centre d’études et de recherches
sur les qualifications (CEREQ), si sept jeunes sur dix sont durablement insérés dans
l’emploi trois ans après leur sortie d’études, 16 % en sont durablement éloignés. Ces
inégalités sont fortement liées au niveau de diplôme, lui-même encore dépendant
de la catégorie socio-professionnelle des parents. Elles reflètent également le lieu
de résidence, les jeunes sans diplôme issus des quartiers prioritaires de la politique
de la ville étant plus massivement au chômage que ceux des zones rurales. Au
final, près d’un jeune de 18 à 25 ans sur dix est en situation de pauvreté. Ce taux
est nettement moins élevé qu’en Allemagne ou dans la moyenne des pays de
l’OCDE. Enfin, à niveau de diplôme équivalent, les inégalités de genres persistent
pour l’accès à un emploi de cadre et le niveau de rémunération.
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
100 %
15 ans
16 ans
17 ans
18 ans
19 ans
20 ans
21 ans
22 ans
23 ans
24 ans
25 ans
Études intiales
Autres formations
Cumul études-emploi
En emploi (hors études)
Au chômage
Inactifs
17
CHAPITRE INTRODUCTIF
Malgré des trajectoires massivement réussies, la jeunesse n’est pas exempte des
problématiques de déshérence que connaît une partie des populations des pays
développés, ce qui renvoie tant à la qualité de l’engagement parental qu’aux
politiques publiques mises en œuvre pour accompagner les jeunes en difficultés.
II.
Les politiques en faveur de la jeunesse,
entre fragmentation et prolifération
A.
Des acteurs multiples, une gouvernance fragmentée
À partir des années 1980 et sans discontinuer depuis, la jeunesse a été érigée
en priorité de politique publique : création d’un Comité interministériel pour la
jeunesse (1982), publication du Livre vert sur la jeunesse (2009), instauration du
Conseil national de la refondation de la jeunesse (2022). Cette priorité a été reprise
au niveau de l’Union européenne, dont le rôle s’est affirmé depuis le pacte pour la
jeunesse de 2005. La multiplication des initiatives entraîne pourtant une certaine
désillusion.
Par-delà le rôle des familles et des associations, le nombre des acteurs publics est
considérable. Toutefois la politique de la jeunesse ne dispose pas, au sein des pou-
voirs publics, d’une organisation qui lui soit propre et en état de répondre d’une
politique conçue comme un tout devant le Parlement ou les citoyens. La direction
en charge des politiques de la jeunesse (la direction de la jeunesse de l’éducation
populaire et de la vie associative – DJEPVA), est une petite structure qui n’a pas
les moyens de peser sur les grandes administrations centrales, d’autant qu’entre
2022 et 2024, la fonction de délégué interministériel à la jeunesse en était disso-
ciée. Prévu pour être réuni au moins deux fois par an, le Comité interministériel
à la jeunesse ne s’est tenu que trois fois en 42 ans. Créé à la demande de l’Union
européenne, le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse comporte des
représentants des jeunes et a une activité indéniable mais ne suscite pas tous les
retours attendus.
Les compétences des collectivités territoriales en direction de la jeunesse sont
très larges et donnent lieu à de multiples actions locales. L’absence de définition
du contenu de leur compétence en matière de jeunesse les expose à un risque de
superposition des interventions, que le rôle de chef de file confié aux régions par la
loi en 2017 et la mise en place d’instances de concertation n’écartent pas.
18
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
B.
Plus de 53 Md€ de dépenses de l’État pour les 15-25 ans
Il n’existe pas de consolidation des crédits alloués aux jeunes par l’ensemble des
acteurs publics. Le document de politique transversale jeunesse accompagnant
les lois de finances concerne l’État et s’avère difficilement exploitable. Dans ce
contexte, la Cour a interrogé tous les ministères sur leurs crédits destinés aux
15-25 ans. Afin de disposer d’une estimation suffisamment fine, seules les mesures
spécifiques aux jeunes ont été retenues, auxquelles ont été ajoutés les aides
personnalisées au logement et les crédits d’hébergement d’urgence dont ils
bénéficient. Il en ressort que les dépenses de l’État pour les 15-25 ans dépassent
53 Md€, soit 12 % du budget et 2 % du PIB.
TABLEAU N° 1 | Dépenses de l’État en faveur des 15-25 ans en 2023
Mission
En M€
Part dans la mission
Enseignement scolaire
21 713
26 %
Recherche et enseignement supérieur
18 837
61 %
Travail et emploi
5 690
27 %
Cohésion des territoires
3 524
19 %
Justice
1 144
10 %
Sport, jeunesse, vie associative
657
38 %
Culture
499
13 %
Action extérieure
449
14 %
Outre-Mer
351
12 %
Défense
294
0,5 %
Autres (moins de 150 M€ par mission)
275
0,1 %
Total
53 433
12 %
Champ : mesures spécifiques pour jeunes, avec APL et hébergement d’urgence.
Source : Cour des comptes
Les dépenses de l’État correspondent aux trois quarts à des dépenses d’éducation (lycée
et supérieur), et même aux quatre cinquièmes si l’on intègre les écoles financées par
tous les ministères. Sur ce plan, le niveau de dépenses de la France est comparable
à la moyenne des pays de l’OCDE. Le deuxième poste de dépense correspond à la
mission travail et emploi, qui porte notamment le contrat d’engagement jeunes
(782 M€ versés) et les aides et exonérations aux employeurs pour l’apprentissage,
dont la dynamique est très forte (3,5 Md€). Le troisième poste est celui de
la cohésion des territoires et intègre en particulier les aides personnalisées
19
CHAPITRE INTRODUCTIF
au logement ; il est suivi par la protection judiciaire de la jeunesse. Il existe par
ailleurs une multiplicité de dispositifs
ad hoc
dans les différents ministères avec
parfois des financements très faibles et une connaissance également limitée de
leur existence par les publics ciblés.
L’effort de la Nation pour la jeunesse est donc réel. Il est marqué, depuis plusieurs
décennies, par une dynamique attentive et par la motivation des agents chargé de le
mettre en œuvre. Des difficultés subsistent cependant, cristallisées autour de deux
questions : l’équilibre entre les mesures réservées aux jeunes et les politiques
de portée générale, auxquelles ils ont accès au même titre que le reste de la
population ; le caractère universel des dispositifs les plus coûteux en faveur des
15-25 ans, dont le revers est que les politiques de la jeunesse ne paraissent pas
systématiquement orientées vers les publics les plus en difficulté, qui n’ont par
ailleurs pas suffisamment recours à leurs droits.
Au regard de ce premier panorama, les 16 enquêtes présentées illustrent quatre
thématiques structurantes pour l’action publique :
•
L’accès à l’éducation et à la formation ;
•
L’aide à l’entrée dans la vie active et à l’autonomie ;
•
Les politiques de prévention à destination des jeunes ;
•
L’apprentissage à la citoyenneté et à la vie dans la cité.
PREMIÈRE PARTIE
Accéder à l’éducation
et à la formation
L’ensemble des professionnels et des experts s’accordent
à reconnaître le rôle majeur que l’éducation et l’accueil
des jeunes jouent dans le développement cognitif et
émotionnel, l’apprentissage et le bien-être.
L’échec scolaire constitue l’une des principales sources
d’inefficacité pour les systèmes éducatifs. Le fait de quitter
l’école prématurément, de ne pas pouvoir accéder à
l’enseignement supérieur ou d’y accéder dans de mauvaises
conditions a un coût élevé pour l’élève lui-même, en obérant
ses perspectives d’emploi. Il en a aussi pour la société, dès
lors que la présence d’une population active instruite est un
facteur déterminant de stimulation de l’innovation et de la
croissance économique à long terme.
L’enjeu, clairement identifié pour les pouvoirs publics,
consiste à mettre en place un environnement éducatif
de qualité, qui permette un égal accès à l’enseignement
supérieur, notamment à destination des publics les
moins favorisés, et qui soit à même de lutter contre le
déterminisme social, facteur constitutif du système éducatif
de notre pays. La France reste en effet le pays de l’OCDE où
les compétences à 15 ans sont le plus liées au milieu social.
À cet égard, l’orientation au collège et au lycée s’inscrit
au cœur du système éducatif, en guidant les élèves à
travers les différents paliers du parcours scolaire. Elle doit
offrir aux collégiens une première ouverture sur le monde
professionnel, les amener à s’interroger et se projeter vers
la poursuite d’études et l’insertion professionnelle. Cette
réflexion est ensuite approfondie au lycée.
22
De même, l’obligation de formation des jeunes âgés de
16 à 18 ans vise à tout mettre en œuvre afin, d’une part,
d’empêcher la sortie des jeunes du système scolaire sans
qualification et sans compétences et, d’autre part, de
repérer les jeunes sans solution ni accompagnement.
Au-delà de l’enjeu de démocratisation de l’enseignement
supérieur, il s’agit aussi, pour notre pays, d’être capable de
tenir compte des spécificités propres à chaque territoire et
de permettre ainsi aux populations les plus éloignées des
métropoles d’accéder à une offre de formation de qualité.
Parallèlement, la prévention de l’échec des jeunes en
premier cycle universitaire reste aujourd’hui encore un défi,
compte tenu notamment du choix ancien d’ouvrir l’accès de
l’université à tous les bacheliers, sans sélection à l’entrée.
Les redoublements et les sorties sans diplôme ont un
coût humain et financier considérable. Ils pénalisent notre
pays dans sa capacité à se projeter et à faire face aux défis
économiques et sociétaux futurs.
23
25
1.
L’orientation au collège
et au lycée
L’orientation au collège et au lycée s’inscrit au cœur du système
éducatif, en conduisant les élèves à travers les différents paliers
du parcours scolaire, puis vers l’insertion professionnelle. Les
enjeux individuels et collectifs de l’orientation sont majeurs :
ils portent non seulement sur l’équité, afin de dépasser les
déterminismes constatés, mais aussi, au plan économique,
sur la réponse aux besoins de compétences du marché de
l’emploi et de la société en général.
Chiffres clés
26
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
400
M€
environ de moyens
publics consacrés
à l’orientation
8 000
équivalents
temps-plein
363
diplômes professionnels
niveau CAP et
baccalauréat
23 000
formations supérieures
proposées dans
Parcoursup
35
%
de collégiens
25
%
de lycéens
se disent insatisfaits des informations
et conseils reçus en établissement
ou au CIO pour s’orienter
Près de
20
%
des bacheliers qui
poursuivent leurs études
regrettent leur choix
d’inscription
1 147
élèves par psychologue
de l’Éducation nationale
Source : estimation Cour des comptes
Source : estimation Cour des comptes
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
27
I.
Des enjeux importants, puissamment
déterminés par les résultats scolaires,
l’image sociale et l’offre de formation
La « politique de l’orientation » a pour objectif de fournir aux élèves et à leurs
familles une information éclairée pour améliorer leur insertion professionnelle.
Elle vise à lutter contre les déterminismes - social, territorial et de genre - et à
prévenir le décrochage scolaire par l’aide à la construction d’un projet.
L’orientation reste très marquée socialement, après la classe de troisième, entre la
voie générale et technologique d’une part et la voie professionnelle d’autre part.
Elle s’appuie en effet sur les résultats scolaires des élèves, fortement corrélés à
leur origine sociale, et cela dès le premier degré. À notes égales et vœux égaux,
les décisions des équipes éducatives surdéterminent l’orientation des jeunes de
familles défavorisées vers la voie professionnelle après la troisième. Les choix
d’orientation restent également très genrés à tous les niveaux de formation.
GRAPHIQUE N° 1 | Proportion de filles dans l’effectif (rentrée 2022) –
secteurs public et privé sous contrat
13,7 %
8,6 %
19,2 %
40,6 %
Proportion de filles en terminale
professionnelle des spécialités
de production
Proportion de filles en terminale
de la série technologique
sciences et technologies de l’industrie
et du développent durable STI2D
Proportion de filles en première générale
dans la spécialité numérique
et sciences informatiques (NSI)
Proportion de filles dans la spécialité
Mathématiques de terminale générale
Source : DEPP
Après une longue diminution entre les rentrées 2007 et 2021, les demandes concernant
la voie professionnelle sont reparties à la hausse depuis 2022 mais cette voie reste
moins valorisée socialement. Environ 40 % des jeunes concernés ressentent cette
orientation comme « subie ». L’affectation par établissement, en fonction des places
disponibles, ne correspond pas toujours aux désirs des jeunes ni aux besoins du marché
de l’emploi. Les formations industrielles restent peu attractives.
84,5 %
Proportion de filles en terminale
de la série technologique sciences
et techniques sanitaires et sociales
(ST2S)
De nombreux pays commencent à faire découvrir les métiers dès l’école primaire
(Finlande, Allemagne, Écosse). La Suisse fournit un exemple où la voie professionnelle,
fréquentée par 70 % des élèves, est socialement valorisée et conduit à l’insertion ou
à la poursuite d’études.
II.
Mieux répondre aux attentes des jeunes
Face aux nombreuses réformes de l’éducation qui se sont succédé depuis 2018, un
important besoin d’accompagnement à l’orientation des élèves et des parents a
émergé. En parallèle, la mission d’orientation a été confiée en priorité au professeur
principal, tandis que les psychologues de l’Éducation nationale ont vu leur action
évoluer vers le suivi psychologique des élèves et l’accompagnement des élèves les
plus en difficulté, psychologique, sociale ou d’apprentissage.
Cependant ce transfert de mission n’a pas été accompagné. En effet, les enseignants
ne reçoivent pas la formation initiale nécessaire et peu de formation continue.
Par ailleurs, les heures qui, dans l’emploi du temps des élèves, sont censées être
consacrées à l’orientation des élèves dans les collèges et les lycées d’enseignement
général et technologique, ne figurent pas dans les volumes horaires des enseignements
obligatoires applicables aux élèves. Elles ne sont financées qu’à hauteur de la part
modulable de l’indemnité pour le suivi et l’orientation des élèves (ISOE) versée au
professeur principal. Selon nombre de chefs d’établissement, l’absence de moyens
fléchés et la charge de travail expliquent la difficulté à concrétiser une politique
d’orientation.
Par ailleurs, la répartition des compétences entre l’État et les régions prête à
confusion. En effet, la loi prévoit que
« la région organise des actions d’information »
et non «
les actions d’information »
à destination des élèves. Le transfert plein et
entier de la compétence
« orientation »
, revendiqué par les régions, impliquerait de
leur confier des décisions d’ordre pédagogique qui incombent à l’État (cf. le schéma
ci-après).
28
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
29
SCHÉMA N° 1 | Processus d’orientation
Source : Cour des comptes
Une clarification de la responsabilité des régions s’impose néanmoins, qui
permettrait de mieux articuler les interventions des nombreux acteurs locaux.
Enfin l’orientation ne peut être dissociée de l’offre de formation, qui doit
s’adapter localement aux besoins de l’économie et de la société pour offrir à
chaque jeune un parcours d’insertion. La lisibilité des diplômes, la pertinence
des formations et l’ajustement des capacités requièrent un pilotage politique
et stratégique fort au niveau régional, en lien avec le tissu économique.
PHASE 1
PHASE 2
Post -collège
Accompagnement
Information / Capacité à s’orienter
Décision
Affectation
- Décision : Principal
sur avis du conseil de classe
- Commission d’appel possible
Application
Affelnet
voeux, secteur
géographique;
résultats scolaires,
avis des chefs
d’établissement
d’origine et d’accueil
Voeux sur
Portail Scolarité Services
Inscription par
le néo-bachelier
- Propositions :
Établissements
d’enseignement supérieur
- Décision par
le néo-bachelier
Voeux sur
Parcoursup
Flux et parcours
Post -bac
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
insérer dans les maquettes de formation initiale des
enseignants un module obligatoire sur la compétence
orientation
(ministère de l’éducation nationale, Instituts
nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation)
;
2.
adapter l’emploi du temps des professeurs principaux
ou référents pour leur permettre d’assurer leur mission
d’orientation
(ministère de l’éducation nationale)
;
3.
expérimenter avec une ou plusieurs régions
volontaires un rapprochement entre les voies du
lycée, professionnelle, technologique et générale
(ministère de l’éducation nationale, régions)
.
30
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
31
2.
L’obligation de formation
des jeunes âgés
de 16 à 18 ans
L’obligation de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans,
instaurée par l’article 15 de la loi du 26 juillet 2019 pour
une école de la confiance, est en vigueur depuis la rentrée
scolaire 2020. Elle répond à l’objectif de tout mettre en
œuvre afin d’empêcher la sortie des jeunes sans qualification
et sans compétences du système scolaire et de repérer les
jeunes sans solution ni accompagnement.
Selon la loi, l’obligation est remplie lorsque le jeune poursuit
sa scolarité dans un établissement d’enseignement, est
apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle,
occupe un emploi ou effectue un service civique ou bénéficie
d’un dispositif d’accompagnement ou d’insertion sociale
et professionnelle. Elle repose sur une démarche en trois
phases : repérage, accueil et diagnostic, accompagnement.
GRAPHIQUE N° 1 | Les trois phases de l’obligation de formation
Source : ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse
2 - Prise de contact
Préparation
Prise de contact
3 - Engagement dans un parcours
et recherche de solution
4 - Suivi du jeune dans le cadre
de son parcours
1 - Repérage / signalement
Repérage des jeunes à contacter
via
:
Proposition de solution(s)
et engagement
du jeune
dans un parcours
d’accompagnement
Suivi du jeune sur la
durée de son parcours
d’accompagnement,
jusqu’à la fin de la prise
en charge
Accompagnement du jeune
Diagnostic de la situation du jeune
Accueil physique
(individuel ou collectif)
-
Entretien de situation
2
3
REPÉRAGE ET PRISE DE CONTACT
ACCUEIL ET DIAGNOSTIC
ACCOMPAGNEMENT ET SUIVI
-
le SIEI (liste RIO)
-
signalements des acteurs
-
Identification du mode
de contact
et préparation
du dossier
-
Pré-entretien
-
Identification de l’acteur
en charge du diagnostic
-
Bilan de positionnement ou compétence du jeune
-
Analyse des besoins du jeune
1
Suivi du dossier
à
(par l’assistant)
suivi
de
l’outil
de
jour
mise
et
jeune
du
33
Chiffres clés
L’OBLIGATION DE FORMATION DES JEUNES âGÉS DE 16 À 18 ANS
?
72 000
jeunes comptabilisés
par les missions locales
comme bénéficiaires
d’une solution en 2023
42 300
bénéficiaires d’une solution
proposée par l’Éducation nationale
durant l’année scolaire 2022-2023
58
%
de jeunes restés
sans solution en 2023
selon les missions locales
7 600
bénéficiaires en 2023 de la
Promo 16-18 de l’AFPA, seul
dispositif nouveau issu de
l’obligation de formation
77
%
des jeunes de 15 à 17 ans ne
connaissent pas bien ou pas du tout
l’obligation de formation, selon
un sondage réalisé par la Cour
environ
150 000
mineurs de 16 et 17 ans relèvent
de l’obligation de formation
sur 1,6 millions de jeunes
dans cette tranche d’âge
Source : système interministériel d’échanges
d’informations de l’Éducation nationale
Source : Afpa
Source : résultats de l’étude auprès des 15/25 ans
commandée par la Cour des comptes à
l’institut CSA
I.
Des lacunes à corriger pour donner une pleine
efficacité à l’obligation de formation
L’obligation de formation souffre d’une communication inadaptée : le numéro de
téléphone et le site institutionnel ont, dès leur mise en place, été peu utilisés par
les jeunes et leurs familles. Une communication territoriale, plus proche des lieux
de vie des jeunes et de leurs modes de communication (maraudes numériques,
réseaux sociaux), est à rechercher.
Le système d’information mis en place en 2011 par le ministère de l’éducation
nationale pour repérer les décrocheurs fournit des données incomplètes
et peu fiables, ce qui a conduit les acteurs à trouver des moyens palliatifs
(appels téléphoniques aux familles pour vérifier les informations, systèmes
d’information parallèles), puis à développer un nouvel outil plus fiable, le SI
Communautaire. Prévu depuis 2021, ce dernier n’a toujours pas été livré.
L’obligation prévue par la loi demeure une notion incertaine. Les missions locales ne
transmettent pas systématiquement aux départements les informations relatives
à la situation des jeunes. En outre, faute de définition de leur rôle spécifique, les
départements agissent au titre de leurs compétences de droit commun, sans qu’il
soit possible de connaître les suites de leur intervention.
II.
Une mobilisation accrue des acteurs au profit
des décrocheurs mineurs, mais une animation
interministérielle à redynamiser
Au croisement de plusieurs politiques publiques (lutte contre le décrochage
scolaire, insertion professionnelle, pauvreté, jeunesse, protection judiciaire de la
jeunesse, politique de la ville), l’obligation de formation requiert la coordination
de nombreux acteurs. Or le pilotage assuré par l’État est insuffisant : l’anima-
tion s’est essoufflée aux plans national et régional ; il n’existe aucun indicateur
renseigné, ni aucune cible ; le coût du dispositif n’est pas identifié ; les lacunes
observées dans sa mise en œuvre n’ont donné lieu à aucune mesure corrective ;
aucune méthodologie d’évaluation n’a été définie.
Au plan local, le dispositif s’appuie sur les plateformes de suivi et d’appui aux
décrocheurs, créées en 2011 et animées par les services de l’Éducation nationale
et les missions locales. Elles identifient les jeunes relevant de l’obligation de for-
mation, examinent leur situation et leur proposent des solutions. L’obligation
de formation a permis de revivifier certaines de ces plateformes mais beaucoup
n’ont pas le niveau de mobilisation attendu.
34
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’OBLIGATION DE FORMATION DES JEUNES âGÉS DE 16 À 18 ANS
35
III.
Mieux identifier les jeunes et enrichir l’offre
de solutions
Depuis l’instauration de l’obligation de formation, le repérage des jeunes
« invisibles » a été amélioré, ce qui peut expliquer que le nombre de jeunes
relevant de l’obligation de formation (environ 150 000) soit beaucoup plus
élevé qu’initialement envisagé (60 000). Cependant une proportion impor-
tante de jeunes qui en relèvent ne la respectent pas (plus de 50 %), souvent
parce que le contact est impossible à établir avec le jeune ou sa famille ou a
été rompu.
Les solutions offertes aux jeunes sont majoritairement les dispositifs de
droit commun proposés par les missions locales et les services de l’Éducation
nationale ; seule la
« Promo 16-18 »
de l’Afpa constitue un dispositif nouveau.
Elles sont souvent organisées sur quelques semaines ou quelques mois, avec
le risque d’interruptions majeures dans le parcours des jeunes durant leur
minorité.
Par ailleurs d’importantes disparités territoriales affectent notamment les zones
rurales et l’outre-mer, la situation dans les quartiers prioritaires de la politique de
la ville étant moins défavorable. Une vision d’ensemble des solutions disponibles
et une mutualisation des bonnes pratiques sont à développer.
L’amélioration du suivi d’une partie des jeunes concernés et la coopération
effective entre les deux politiques publiques de l’éducation et du travail, qui
avaient jusque-là du mal à collaborer, plaident pour un approfondissement
de la démarche plutôt que pour son abandon. Il importe dès lors de corriger
rapidement les lacunes constatées et de déployer le nouveau système d’infor-
mation afin de pouvoir apprécier les effets de l’obligation de formation sur les
jeunes de 16 et 17 ans.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes, à mettre en
œuvre dès 2025 :
1.
définir des objectifs et des indicateurs permettant de mesurer les
résultats de l’obligation de formation sur les jeunes bénéficiaires,
et évaluer les parcours qui leur sont proposés afin de s’assurer
qu’ils sont suffisamment individualisés et sans interruption
majeure jusqu’à leurs 18 ans
(ministère de l’éducation nationale,
ministère des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les
femmes et les hommes, ministère du travail et de l’emploi)
;
2.
adapter les modalités de communication de l’obligation
de formation aux spécificités des 16-17 ans
(ministère de
l’éducation nationale, ministère des solidarités, de l’autonomie
et de l’égalité entre les femmes et les hommes )
;
3.
identifier dans le système d’information les jeunes n’ayant
pas satisfait à l’obligation de formation à l’issue des délais
légaux, systématiser la transmission de l’information aux
départements et en assurer le suivi
(ministère de l’éducation
nationale, Union nationale des missions locales, départements)
;
4.
généraliser les cartes régionales des solutions proposées
dans le cadre de l’obligation de formation et identifier
les territoires où l’offre est insuffisante en vue de la
renforcer
(ministère des solidarités, de l’autonomie et de
l’égalité entre les femmes et les hommes, régions)
.
36
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
37
3.
La prévention
de l’échec en premier
cycle universitaire
À la rentrée 2023-2024, environ 700 000 étudiants
étaient inscrits en cursus de licence dans les disciplines
générales. Cependant moins d’un étudiant sur deux
obtient son diplôme en trois ou quatre ans. La prévention
de l’échec est donc un enjeu essentiel, pour les jeunes
concernés et leur famille, mais aussi pour la société et
l’économie.
La Cour s’est efforcée d’analyser l’impact, sur la
prévention de l’échec des jeunes en premier cycle,
des dispositifs de remédiation mis en œuvre par les
universités grâce aux financements octroyés par le
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
depuis la loi du 8 mars 2018 relative à la réussite et
à l’orientation des étudiants (dite
« loi ORE »
), d’un
montant de 582 M€ entre 2018 et 2022, et à ceux issus
du programme d’investissements d’avenir (PIA) et de
France 2030, d’un montant de 794 M€ depuis 2017.
Chiffres clés
38
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
36
%
des étudiants obtiennent
leur diplôme de licence
en 3 ans. Ce taux passe
à 47 % en comptant les
obtentions en 4 ans
44
%
c’est le taux
de passage de
première en
deuxième année
de licence
Ces chiffres concernent les étudiants inscrits en licence en 2018
17
%
d’étudiants sortent sans
diplôme dès la première
année d’études
Ces chiffres concernent les étudiants inscrits en licence en 2021
Source : note flash du SIES n°26,
Parcours et réussite en licence : les résultats de la session 2022
»,
parue en novembre 2023
LA PRÉVENTION DE L’ÉCHEC EN PREMIER CYCLE UNIVERSITAIRE
39
I.
Un taux de diplômés insatisfaisant malgré
l’existence de dispositifs d’accompagnement
En dépit d’une augmentation de près de six points entre 2013 (28,5 %) et 2019
(34,3 %), le taux de réussite en trois ans des étudiants inscrits en licence demeure
inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (39 %). Les résultats de la première
année, marqués par un faible taux de passage de première année (L1) en deuxième
année de licence (L2) et par des taux élevés de redoublements et de sorties sans
diplôme, mettent en évidence la nécessité d’intensifier les actions engagées.
GRAPHIQUE N° 1 | Situation des étudiants ayant obtenu leur baccalauréat
entre 2015 et 2022 un an après leur entrée en licence
Source : Cour des comptes, à partir des données de la sous-direction des systèmes d’information
et études statistiques (SIES)
Certains des nombreux dispositifs déployés, tels que le « oui-si », institué par la loi
ORE, qui offre à environ 30 000 étudiants un appui méthodologique et un soutien
dans les matières fondamentales, n’ont pas démontré pleinement leur efficacité.
D’autres, ciblés sur le suivi individuel des étudiants (mentorat, enseignants réfé-
rents,
etc
.), présentent une efficacité réduite du fait du faible taux d’encadrement
en licence ou, pour les dispositifs de spécialisation et de professionnalisation, de
la complexité qu’engendre la refonte de la carte de formation. L’efficacité de cette
politique pourrait également être renforcée par une meilleure connaissance des
facteurs de l’échec (notamment les conditions de vie étudiante).
Par ailleurs les moyens mobilisés sont importants mais ne garantissent pas une
amélioration de la situation pour l’avenir. En effet, le système de financement
budgétaire des universités ne leur permet de consacrer qu’une part très limitée
des ressources correspondantes aux dispositifs de prévention de l’échec des
100 %
90 %
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0 %
2015
167 024
Inscrits
en L1
171 000
171 947
186 643
184 737
205 856
185 763
196 990
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Sortie de l’université (jusqu’en 2020) / de l’enseignement supérieur
Réorientation
Redoublement en L1
Passage en L2
42 %
41 %
44 %
45 %
53 %
48 %
44 %
28 %
29 %
28 %
27 %
21 %
24 %
26 %
2 %
3 %
3 %
4 %
13 %
28 %
28 %
26 %
25 %
2 %
2 %
17 %
2022
48 %
25 %
11 %
15 %
26 %
23 %
étudiants. La plupart d’entre elles font face à cette situation en recherchant des
financements extrabudgétaires, dans le cadre du plan d’investissements d’avenir
et du plan France 2030. L’apport de ces financements a été fondamental pour
déployer les projets structurants. Cependant, ils ne sont alloués que pour une
période déterminée. Les universités doivent donc anticiper les conditions futures
de financement des projets en cours ou à lancer.
II.
La nécessité d’une approche plus globale
pour l’amélioration de la réussite
des étudiants
À défaut d’un document stratégique et d’une définition claire de l’échec et de la
réussite, les objectifs assignés aux acteurs de la politique de prévention de l’échec et
leur articulation, tant au niveau central que local, s’avèrent insuffisants, notamment
pour développer la complémentarité des formations de premier cycle.
L’absence de procédures d’évaluation harmonisées des dispositifs de prévention
et la contractualisation récente des moyens mise en place ne favorisent pas un
pilotage des ressources par la performance en matière de réussite.
Les actions menées conjointement avec l’enseignement secondaire témoignent
des efforts réalisés par les universités pour améliorer les conditions d’accès des
néo-bacheliers à l’enseignement supérieur. Toutefois, la diversité des dispositifs
mis en place rend nécessaire leur recensement par le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche, avec l’aide des universités, afin d’en améliorer la
lisibilité pour les jeunes et leurs familles.
Parmi les pistes d’amélioration à conforter figurent la mise en place, au sein des
universités et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, d’un
système d’information performant, permettant de suivre le parcours des étudiants,
et le renforcement du suivi de leur assiduité, adapté aux moyens des universités. Il
convient par ailleurs de mieux appréhender les coûts réels du parcours en licence.
Les études disponibles mettent en évidence un sous-investissement dans les
licences, qui entraîne des coûts supplémentaires : réorientations, redoublements,
sorties sans diplôme, abandons. La Cour a estimé à 534 M€ le coût annuel des
redoublements et des sorties sans diplôme sur les trois années du premier cycle.
40
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
41
LA PRÉVENTION DE L’ÉCHEC EN PREMIER CYCLE UNIVERSITAIRE
Recommandations
La Cour adresse les recommandations suivantes au ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche :
1.
mieux identifier les causes de l’échec en premier cycle
universitaire ;
2.
rendre plus accessibles et lisibles tous les dispositifs
d’accompagnement sur Parcoursup ;
3.
mettre en place un suivi du parcours des étudiants ;
4.
évaluer l’impact des projets PIA et France 2030 sur la réussite
afin d’identifier les modèles les plus performants.
43
4. L’accès des jeunes
des territoires ruraux
à l’enseignement
supérieur : l’exemple
du Grand Est et
de la Bourgogne-
Franche-Comté
Le taux de diplômés de l’enseignement supérieur des
jeunes de 25 à 34 ans (49,4 %) est plus élevé en France
que la moyenne des pays de l’OCDE (45,6 %). Toutefois ce
taux varie selon les régions et diminue à mesure que l’on
s’éloigne des grandes métropoles.
Une enquête a été conduite par les juridictions financières
dans quatre départements à dominante rurale de l’est de
la France (la Haute-Marne, la Meuse, la Haute-Saône et
les Vosges) dont la part de diplômés de l’enseignement
supérieur au sein de la population est plus faible que les
moyennes régionales et nationale. Elle vise à vérifier si les
jeunes issus des territoires ruraux disposent des mêmes
chances d’accès à l’enseignement supérieur que les jeunes
des espaces urbains.
44
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
CARTE N° 1 | Taux de diplômés de l’enseignement supérieur au sein
de la population
Source : Cour des comptes d’après Insee (données 2020)
N
FRANCE
31,9%
Région Grand Est
27,1 %
Région Bourgogne-Franche-Comté
25,5 %
0
40km
Meuse
20,3 %
Haute-
Marne
18,6 %
Haute-
Saône
18,6 %
Vosges
21,5 %
45
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Chiffres clés
autour de
20
%
de diplômés de l’enseignement supérieur dans les territoires ruraux
en 2020, contre près de 32 % en France métropolitaine :
18,6 % en Haute-Marne, 20,3 % dans la Meuse, 21,5 % dans les
Vosges, 22 % en Haute-Saône.
en Haute-Saône
67 %
en Haute-Marne
dans les Vosges
63 %
58 %
de formations de niveau
bac + 2 dans la Meuse en 2024
75 %
16
%
des jeunes de Haute-Saône étudient
dans leur département. Ce taux est
de 25 % dans la Meuse, 23 % dans
les Vosges, 22 % en Haute-Marne,
contre 46 % en Moselle et 57 %
en Meurthe-et-Moselle (pôles
universitaires lorrains)
50
%
des jeunes de Haute-
Marne étudient hors de
leur académie. Ce taux
est de 35 % dans les
Vosges, 39 % dans
la Meuse et de 22 %
au niveau national
de
1 000
à
1 550
€
c’est le coût, par mois, de la mobilité étudiante
à la rentrée 2023, selon les villes
Source : enquête Unef - rentrée 2023 - présentation le 22 août 2023
46
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
I.
Des jeunes ruraux confrontés à davantage
d’obstacles que les jeunes urbains pour
accéder à l’enseignement supérieur
Les difficultés d’accès des jeunes vivant dans des territoires ruraux à l’enseigne-
ment supérieur résultent à la fois des caractéristiques de ces territoires et de freins
individuels. Les jeunes concernés ont accès à une offre d’enseignement de niveau
supérieur moins développée que celle des territoires urbains et principalement
orientée vers les cursus professionnels (bac + 2), malgré la présence de quelques
formations de pointe.
Leur accès à l’information sur l’offre de formation supérieure et la vie étudiante est
plus difficile en raison notamment de leur éloignement des pôles universitaires. En
outre, la population de ces territoires dispose en moyenne de ressources financières
plus modestes que celles observées par ailleurs ou au niveau national. Enfin, des
freins culturels peuvent parfois intervenir dans le choix de jeunes des territoires
ruraux de ne pas poursuivre des études supérieures, synonymes d’éloignement de
leur environnement familial, amical ou social.
II.
Un accès moins fréquent mais de meilleurs
résultats dans l’enseignement supérieur
Les choix de filière sont globalement similaires entre les jeunes des territoires
ruraux et ceux issus des aires urbaines.
GRAPHIQUE N° 1 | Choix par type de diplôme dans la région Grand Est en 2022 (en %)
Source : région académique Grand Est d’après Parcoursup 2022 - *bachelor universitaire de
technologie **licence accès santé ***parcours d’accès spécifique santé
32,5
33,0
25,8
23,3
20,7
19,3
18,2
10,2
11,2
12,8
11,7
12,2
11,4
8,8
39,1
34,2
42,6
43,2
47,1
45,9
45,7
6,3
6,3
5,9
5,7
4,2
7,5
8,6
3,2
7,2
6,3
6,8
6,9
5,7
6,1
8,7
8,2
6,6
9,3
8,9
10,2
12,6
0
20
40
60
80
100
Meuse
Haute-Marne
Vosges
Moselle
Meurthe et Moselle
Région Grand Est
France
BUT*
Licence (y compris LAS**)
Études de santé (Pass*** +
Ifsi)
CPGE
BTS
Autres
47
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
En revanche, les premiers sont proportionnellement plus nombreux à quitter leur
académie pour suivre des études supérieures et plus mobiles que les seconds.
Leurs résultats aux examens sont aussi meilleurs. En 2022, l’université de Lorraine
a ainsi enregistré des taux de réussite supérieurs à la moyenne pour les étudiants
ayant obtenu leur baccalauréat en Haute-Marne et dans la Meuse.
III.
Améliorer l’accès des jeunes ruraux à l’offre
de formation
L’amélioration de l’accès des jeunes issus de territoires ruraux à l’enseignement
supérieur repose principalement, d’une part, sur le soutien au développement
d’une offre de formation de proximité, dans le cadre de stratégies territoriales
partagées entre les établissements d’enseignement supérieur, les collectivités
et les acteurs locaux concernés et, d’autre part, sur un réexamen des modalités
d’attribution des aides directes aux étudiants.
Il n’existe pas, dans les territoires observés, d’aide spécifique prenant en compte
les difficultés rencontrées par les jeunes ruraux pour poursuivre leurs études. En
effet, les dispositifs identifiés s’adressent à l’ensemble des jeunes et ne portent pas
d’attention particulière à l’éloignement géographique ou à d’autres freins à l’accès
des jeunes ruraux à l’enseignement supérieur.
Le développement local de l’offre de formation constitue un élément de la réponse
aux besoins des jeunes des territoires ruraux. Toutefois celui-ci ne peut être que
d’ampleur limitée au regard des effectifs concernés et restera, pour l’essentiel,
concentré sur un petit nombre de cursus spécifiques. Dans ce contexte, l’améliora-
tion de l’accès des jeunes ruraux à l’enseignement supérieur passe par des mesures
visant à favoriser leur mobilité vers les pôles de formation de leur choix. Cette
approche suppose une meilleure prise en compte de la distance géographique dans
l’attribution des aides qui leur sont destinées, notamment les bourses sur critères
sociaux. La simplification des procédures d’obtention et de versement de ces aides
auprès des différents financeurs constituerait également un facteur facilitant leur
parcours de formation supérieure.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
simplifier les modalités de versement des aides aux
étudiants avec, le cas échéant, la création d’un guichet
unique
(ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche, centre national des œuvres universitaires
et scolaires, départements et régions)
;
2.
renforcer le poids du critère d’éloignement géographique
dans le calcul des bourses sur critères sociaux pour
tenir compte du surcoût de la mobilité pour les
jeunes des territoires les plus éloignés
(ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche, centre
national des œuvres universitaires et scolaires)
.
48
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
DEUXIÈME PARTIE
L’aide à l’entrée
dans la vie active
et à l’autonomie
En France, un peu plus d’un jeune de 15 à 24 ans sur dix
n’est aujourd’hui ni en emploi, ni en études, ni en formation.
Même s’il est en baisse, ce chiffre reste au-dessus de la
moyenne européenne. De nombreux jeunes rencontrent
des difficultés pour entrer sur le marché du travail, du fait
d’une concurrence accrue ou d’un manque d’expérience
professionnelle. Les emplois précaires constituent souvent
leur première expérience professionnelle. Il est essentiel
d’adapter l’offre de formation et l’orientation des jeunes
pour répondre aux besoins actuels. Mais cela ne peut suffire
pour améliorer leur entrée dans la vie active.
Le logement est le premier facteur qui conditionne leur
capacité d’accès à la formation et à l’emploi et donc leur
autonomie réelle. Beaucoup d’entre eux se trouvent
dans l’incapacité de s’émanciper du foyer familial du fait
de nombreux obstacles, parmi lesquels l’augmentation
constante des loyers. Différentes solutions de logement
en faveur des jeunes existent dans le parc locatif privé et
social. Cependant, cette offre reste peu accessible à ceux en
emploi précaire.
De plus, la recherche d’emploi implique une mobilité
géographique parfois importante, qui peut poser des défis
logistiques et financiers, particulièrement pour les jeunes
situés dans les zones rurales ou périurbaines : pour ceux
qui n’ont pas les moyens financiers d’acheter une voiture,
l’offre de transports collectifs dans ces territoires reste
insuffisante, les trajets domicile-études étant en revanche
mieux couverts. Les enquêtes les plus récentes (Terram)
montrent ainsi que 38 % des jeunes ruraux de 15 à 29 ans
ont renoncé à un entretien d’embauche en raison de
difficultés de déplacement. Face à cet enjeu, les autorités
52
organisatrices de transport ont surtout fait le choix de
soutenir la mobilité des jeunes à l’aide de réductions
tarifaires (de 30 à 70 %), qui peuvent aller jusqu’à la
gratuité. Mais le développement de l’offre de transports
dans les territoires ruraux et périurbains reste insuffisant,
ce qui entrave particulièrement la mobilité des jeunes.
Une partie des jeunes, notamment ceux qui sont issus
de milieux défavorisés ou en situation de handicap,
doit affronter des obstacles supplémentaires, qu’ils
résultent de discriminations ou de barrières sociales. Il
en va notamment, et de manière plus aiguë encore, pour
les enfants victimes de violences et de négligences et
confiés à l’aide sociale à l’enfance. Alors qu’ils sont déjà
moins bien pris en charge médicalement que les autres
et perdent ainsi vingt ans d’espérance de vie selon les
études internationales les plus récentes (2021), du fait des
séquelles de leurs traumatismes, beaucoup se retrouvent
à la rue à leur majorité. Près de la moitié des sans-abris de
18 à 25 ans ont ainsi été confiés à l’aide sociale à l’enfance.
Un meilleur accompagnement de ces jeunes majeurs,
encore vulnérables, est donc déterminant pour prévenir
cette situation dramatique. Les actions des départements,
qui sont chargés de les accompagner, de même que celles
des acteurs économiques dans leur ensemble, doivent
encore gagner en ampleur.
S’engager pour ces jeunes, en leur offrant des passerelles
vers plus de compétences et donc d’emploi, leur permettra
de prendre toute leur part à la vie économique et sociale de
notre pays.
53
55
1.
L’emploi des jeunes
Les jeunes sont, davantage que les autres actifs, confrontés
au risque de chômage et présentent des besoins
spécifiques, notamment ceux qui sont sans qualification
ou qui rencontrent des freins dits périphériques.
L’État met en œuvre une large palette d’instruments, ciblés
ou non sur les jeunes, qui peuvent être regroupés en trois
grandes catégories : l’accompagnement, la formation
professionnelle et l’incitation financière à l’embauche.
56
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
SCHÉMA N° 1 | Principaux dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes
Source : Cour des comptes
Remarques : les dispositifs soulignés sont ceux qui ciblent spécifiquement les jeunes ; les [dispositifs
mentionnés entre crochets] n’existent plus aujourd’hui.
PIC : plan d’investissement dans les compétences
EPIDE : établissement pour l’insertion dans l’emploi
E2C : écoles de la deuxième chance
PACEA : parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie
CEJ : contrat d’engagement jeune
AIJ : accompagnement individualisé des jeunes
IAE : insertion par l’activité économique
PEC : parcours emploi compétences (secteur non-marchand)
CIE : contrat initiative emploi (secteur marchand)
Formation professionnelle
PIC (formation des jeunes
demandeurs d’emploi)
Alternance
(contrat
d’apprentissage et de
professionnalisation)
Contrats aidés
(
[emplois d’avenir]
,
PEC CIE)
[Aide à l’embauche
des jeunes]
Emplois
francs
France
travail
EPIDE
E2C
CEJ
AIJ
IAE
Missions
locales
PACEA
[Garantie jeunes]
Incitation à l’embauche
Accompagnement
57
L’EMPLOI DES JEUNES
en emploi
(29,2 en 2017)
35,2 %
au chômage
(9 en 2017)
inactifs
(2,3 en 2017)
soit 10,5 %
ni en études,
ni en emploi,
ni en formation
(11,3 en 2017)
}
7,
3 %
3,2 %
en études hors alternance
(59,6 en 2017)
54,3 %
313 000
c’est le nombre d’entrées
en contrat d’engagement
jeune (CEJ)
852 000
contrats d’apprentissage
conclus en 2023
(contre 305 000 en 2017)
Chiffres clés
1
7
,2 %
de taux de chômage
chez les jeunes,
soit 2,4 fois plus que
celui de l’ensemble
des actifs
7
,3 Md€
de dépense liée aux
dispositifs ciblés
en 2023 (x 2,1 par
rapport à 2017)
Sauf mention contraire, les chiffres portent sur l’année 2023.
Les « jeunes » sont les personnes âgées de 15 à 24 ans.
Source : calcul de la Cour des comptes
sur la base des chiffres DGEFP et DB
Source : Insee
Source : DGEFP
Source : DGEFP
I.
Face à l’amélioration tendancielle de l’emploi
des jeunes, une stratégie à mettre à jour
Depuis 2017, la situation des jeunes sur le marché de l’emploi s’améliore : leur
taux d’emploi a augmenté de six points entre 2017 et 2023. L’essor de l’alternance
explique, à lui seul, plus de la moitié de cette hausse.
Pour autant, des difficultés structurelles persistent : la part des jeunes qui ne
sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (
« NEET »
) reste élevée. L’accès à
l’emploi demeure très dépendant du niveau de diplôme et les inégalités territoriales
restent marquées.
L’accès des jeunes à l’emploi demeure plus difficile en France que dans les pays
européens comparables : en 2023, chez les 15-24 ans, le taux de chômage est ainsi
plus élevé en France (17,2 %) que dans l’ensemble de l’Union européenne (14,5 %),
de même que la part des NEET.
L’amélioration observée coïncide avec un effort financier massif consenti par l’État.
Si la dépense totale en faveur de l’emploi des jeunes reste difficile à mesurer, la
dépense correspondant aux dispositifs ciblés sur les jeunes a fortement progressé,
sous l’effet des mesures prises en réponse à la crise sanitaire. Elle se maintient,
depuis la fin de celle-ci, à un niveau historiquement élevé : 7,3 Md€ en 2023, soit
plus du double de la dépense totale mesurée en 2017.
Or le lien de causalité entre l’effort financier de l’État et l’amélioration de l’emploi
des jeunes est incertain. D’une part, la conjoncture économique reste le principal
déterminant de l’accès des jeunes à l’emploi. D’autre part, l’impact des dispositifs
destinés à favoriser l’accès des jeunes à l’emploi est encore mal connu.
Les pouvoirs publics devraient se doter d’un cadre stratégique rénové et régulièrement
actualisé à l’aune de la conjoncture économique, selon une logique contracyclique.
Le plan
« Un jeune, une solution »
, conçu comme une réponse à la crise sanitaire, ne
constitue plus une référence pertinente.
La formalisation de la stratégie suppose de mieux distinguer les difficultés spécifiques
des jeunes et celles qui sont le reflet de dysfonctionnements plus globaux. Surtout,
l’amélioration de l’emploi des jeunes devrait conduire les pouvoirs publics à ajuster la
dépense globale et à cibler davantage leurs efforts vers les jeunes les plus éloignés
de l’emploi.
II.
Construire des parcours sans rupture
et adaptés aux besoins de chaque jeune
Alors que les dispositifs sont nombreux et complexes, les critères d’orientation des
jeunes restent à clarifier et à harmoniser. À défaut, les parcours des jeunes risquent
d’être influencés par des considérations sans rapport avec leurs besoins réels, tels
que la volonté d’atteindre les cibles quantitatives ou d’afficher des « taux de sortie
positive » élevés.
58
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’EMPLOI DES JEUNES
59
Les démarches de repérage et de remobilisation des publics dits « invisibles » se sont
multipliées, sous la forme d’appels à projets en direction du secteur associatif. Elles
doivent désormais dépasser le stade expérimental et s’inscrire dans une démarche
lisible et durable.
La détermination des cibles nationales assignées à chaque dispositif ne repose pas
sur une évaluation rigoureuse des besoins. Les règles de répartition territoriale des
moyens souffrent d’importants effets d’inertie et ne permettent ni de corriger les
déséquilibres territoriaux, ni de prendre en compte les résultats obtenus.
Le pilotage par l’offre, reposant sur des cibles en volume pour chaque dispositif,
doit progressivement céder la place à un pilotage par les besoins et les résultats.
Cela permettrait de cibler plus efficacement les trois catégories de dispositifs en
faveur de l’emploi des jeunes :
•
l’accompagnement, qui doit être mieux adapté, dans sa nature comme dans
son intensité, aux besoins et aux motivations de chaque jeune ;
•
les contrats aidés, auxquels l’État a fortement recouru pendant la crise
sanitaire et dont le recentrage sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi
doit se poursuivre ;
•
les aides à l’embauche d’apprentis, élargies en 2020, qui gagneraient à être
ciblées sur les jeunes pour lesquels la valeur ajoutée de l’apprentissage est
documentée.
L’objectif d’un parcours sans rupture se heurte enfin à une coordination inaboutie
entre les acteurs de l’emploi des jeunes. Malgré la recherche de complémentarité,
des rapports de concurrence persistent entre les missions locales et France Travail.
Les passerelles entre dispositifs restent trop peu développées. La déconnexion
entre prescripteurs et acheteurs de formations est parfois source de tensions.
L’amélioration de la coordination constitue l’objectif principal de la loi du
18 décembre 2023 pour le plein emploi, notamment à travers la refonte de la gou-
vernance et la systématisation de l’inscription des jeunes sans emploi auprès de
France Travail.
La réussite de cette réforme est subordonnée à plusieurs conditions : définition
d’une ligne de partage à la fois claire et souple entre France Travail et les missions
locales ; professionnalisation de la phase de diagnostic et d’orientation, qui néces-
site de mieux mesurer la « distance à l’emploi » ; renforcement de l’animation et
de la structuration du réseau des missions locales ; rationalisation des dispositifs ;
resserrement des liens entre le service public de l’emploi, le système éducatif et
les entreprises.
Recommandations
La Cour adresse au ministère du travail et de l’emploi les
recommandations suivantes :
1. formaliser le cadre stratégique de la politique en faveur
de l’emploi des jeunes, en organisant son caractère
contracyclique et son ciblage sur les jeunes les plus éloignés
de l’emploi, en articulant mieux les dispositifs ciblés et de
droit commun, et en fixant des objectifs globaux ;
2. à l’issue de l’évaluation du contrat d’engagement jeune,
étudier la pertinence d’une réduction du nombre de contrats
assortie d’un recentrage sur les jeunes les plus éloignés
de l’emploi et celle d’un assouplissement de la règle des
15 heures pour adapter l’intensité de l’accompagnement
aux besoins de chaque jeune ;
3. moduler l’aide à l’embauche d’apprentis en fonction du
niveau du diplôme préparé.
60
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
61
2.
L’accès des jeunes
au logement
En matière d’accès au logement, les jeunes présentent des
spécificités qui les rendent fortement sensibles aux tensions
du marché. La politique du logement, qui cible surtout
les étudiants, a un impact limité lorsqu’elle vise l’accès au
parc de droit commun de l’ensemble des moins de 30 ans,
à l’exception du mécanisme de garantie des loyers. Le
morcellement de l’action publique appelle moins à chercher
un traitement homogène des jeunes qu’à renforcer la
coordination locale, afin d’offrir une solution adaptée aux
parcours individuels et de s’assurer de la cohérence des
initiatives.
Chiffres clés
62
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
23
,4 ans
c’est l’âge médian
de décohabitation
en France
21
ans
c’est l’âge à partir
duquel les étudiants
deviennent minoritaires
385 000
places en résidences
universitaires, 68 000 dans
les réseaux de logements
pour les jeunes actifs
2
,7 millions
de jeunes touchent les aides
personnelles au logement,
pour un montant de 4,4 Md€
1
,2 million
de Garanties Visale octroyées
entre 2016 et 2023, dont 92 % à
des moins de 30 ans
518 576
jeunes ont touché l’aide
mobili-jeunes entre 2018
et 2022
Les 15-29 ans comptent pour
21
,7 %
dans les zones
denses
12
,2 %
dans les zones
peu denses
Source : Insee,
France, portrait social,
édition 2023
Source : Action Logement, chiffre
transmis dans le cadre de l’enquête
L’ACCÈS DES JEUNES AU LOGEMENT
63
I.
Les spécificités de la jeunesse en matière
de politique du logement essentiellement
prises en compte pour les étudiants
L’accès à l’autonomie en matière de logement se fait selon des parcours individuels
plus ou moins heurtés, corrélés au niveau de revenus ou d’insertion dans les études
ou sur le marché du travail des jeunes, ainsi qu’au territoire concerné. Les zones
urbaines, qui concentrent les opportunités de formation, d’emploi et de transports
publics, se caractérisent par un maintien plus long au domicile parental, mais
attirent aussi les jeunes qui « décohabitent ». Particulièrement mobiles, disposant
de revenus faibles et à la recherche de logements urbains de petite surface pour
de courtes durées, les jeunes sont sensibles aux tensions immobilières.
GRAPHIQUE N° 1 | Taux de cohabitants selon les types d’activité
parmi les 18-29 ans (2018)
60
70
80
30
40
50
En emploi
Au chômage
Au chômage
Inactifs
Inactifs
Ensemble
Ensemble
Étudiants ou
en formation
18-24 ans
Étudiants ou
en formation
25-29 ans
En emploi
Source : Institut national de la statistique et des études économiques. Références, 2022,
1.4 Jeunes adultes de 18 à 29 ans (données issues du recensement 2018)
En dépit de ces caractéristiques, la politique d’accès au logement des 18-30 ans
n’est pas pensée comme un tout cohérent. Ce sont surtout les étudiants qui
ont bénéficié de dispositifs déployés au regard de leurs besoins. Un parc de
385 000 logements en résidences universitaires, à vocation sociale ou privée, leur
est consacré. Les modalités d’attribution des aides personnelles au logement
(APL) comportent des aspects favorables aux étudiants. Les centres régionaux des
œuvres universitaires et scolaires (Crous) sont des interlocuteurs bien identifiés
qui, outre leurs résidences universitaires, gèrent les bourses sur critères sociaux.
Ces bourses contribuent à solvabiliser les étudiants qui en bénéficient, qui plus
est pour les niveaux de bourse les plus élevés. Enfin, le calcul des APL est plus
favorable aux boursiers, qui sont prioritaires pour l’accès aux logements étudiants
à vocation sociale.
0
10
20
en %
Femmes
Hommes
64
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
II.
Pour l’ensemble des jeunes, un soutien
fragmenté à mieux coordonner
Le soutien public à l’accès au logement des jeunes non étudiants, majoritaires dans
leur classe d’âge à compter de 21 ans, est moindre. Les efforts menés dans le cadre
de la politique du logement depuis une dizaine d’années en faveur d’une logique
de « logement jeune » ont des effets limités, qu’ils visent à mobiliser le parc social
ou à faciliter l’accès des jeunes au parc privé. La garantie Visa pour le Logement
et l’Emploi (Visale) fait figure d’exception. Ce dispositif a connu une importante
montée en puissance, portée toutefois, là encore, par les étudiants.
GRAPHIQUE N° 2 | Évolution annuelle du nombre de contrats Visale et de la part
de chaque public (2016-2022)
Source : Convention quinquennale entre l’État et Action logement, dossier de presse, juin 2023
La problématique du logement des jeunes se trouve à la croisée de silos administra-
tifs résultant d’une approche par sous-populations cibles (apprentis, jeunes issus
de l’aide sociale à l’enfance, jeunes précaires, etc.). Les dispositifs en vigueur sont
souvent sous-tendus par des objectifs de solidarité (nouvelles formes d’habitat
telles que les cohabitations intergénérationnelles) ou d’insertion professionnelle
et sociale, pour lesquels le logement apparaît comme facteur de stabilisation.
C’est le cas des programmes d’accompagnement global et individualisés destinés
aux jeunes en situation de précarité.
Cet éparpillement et la cohabitation de dispositifs multiples sont source de
confusion et de disparités de traitement peu compréhensibles pour les usagers.
Ils ne permettent pas de mesurer l’investissement public et génèrent des coûts
de coordination, des ruptures de parcours ou des redondances qui nuisent à
l’efficacité de ces dispositifs.
2016
8 695
24 763
70 303
129 470
157 116
227 016
282 541
2017
2018
2019
2021
2020
2022
Autres publics
Salariés et alternants
Étudiants (hors alternants)
38 %
6 %
5 %
7 %
8 %
8 %
78 %
41 %
54 %
42 %
53 %
45 %
48 %
46 %
46 %
43 %
48 %
L’ACCÈS DES JEUNES AU LOGEMENT
65
Pour autant, une politique cohérente d’accès au logement des jeunes ne peut être
une politique homogène, tant les situations et les aspirations de la jeunesse sont
diverses. Il revient aux territoires, en fonction de leur situation propre, de produire
la connaissance nécessaire à l’action publique et la gouvernance adaptée. Les tra-
vaux réalisés s’agissant des étudiants peuvent être source d’inspiration pour le
logement des jeunes dans leur ensemble. Au niveau national, la désignation d’un
chef de file, chargé de proposer une analyse régulière de la situation des jeunes vis-
à-vis du logement et de promouvoir le dialogue et l’échange d’expériences entre
les territoires, serait de nature à améliorer l’efficacité de l’action publique.
Recommandation
La Cour formule la recommandation suivante :
l
Capitaliser et diffuser régulièrement à l’échelle nationale
les bonnes pratiques en matière d’accès au logement des jeunes
(ministère du logement et de la rénovation urbaine)
.
66
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
67
3.
La mobilité des jeunes
en transports collectifs :
de la politique tarifaire
au renforcement de l’offre
dans les territoires
La mobilité en transports collectifs est un enjeu majeur
pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, qui
sont moins motorisés et disposent de ressources financières
moins importantes que l’ensemble de la population.
Chiffres clés
68
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
30
%
des jeunes de 15 à 17 ans utilisent
les transports collectifs pour
leurs déplacements quotidiens,
soit presque 4 fois plus que
l’ensemble de la population
38
%
des jeunes ruraux
de 15 à 29 ans ont renoncé
à un entretien d’embauche
en raison de difficultés de
déplacement
38
€
c’est le tarif moyen d’un
abonnement mensuel de
TER (transport express
régionaux) pour les jeunes
528
€
c’est le budget mensuel de
transport (véhicule individuel
ou transport collectif) pour les
jeunes ruraux. Il est de 327 € pour
les jeunes urbains
46
%
des jeunes de 18 à 24 ans
considèrent que la rapidité est
le premier critère de choix d’un
mode de transport quotidien,
devant son prix (31 %)
+ 10
,6 %
d’offre de transports (en km)
dans les agglomérations,
entre 2017 et 2022
20
contrats
opérationnels de mobilité signés,
à l’échelle des 300 bassins de
mobilité progressivement définis
à partir de 2021
LA MOBILITÉ DES JEUNES EN TRANSPORTS COLLECTIFS
69
I.
La mobilité en transports collectifs, un enjeu
déterminant pour la jeunesse
Les jeunes de 15 à 25 ans sont des utilisateurs significatifs et relativement captifs
des transports collectifs. Même si l’usage de la voiture reste dominant, il a reculé
entre 2008 et 2019 au profit des transports collectifs, dont la part est passée au
cours de la même période de 14 % à 20 % pour les 18-24 ans et de 26 à 30 % pour
les jeunes de 15 à 17 ans.
GRAPHIQUE N° 1 | Évolution de la part modale (en %) et du nombre
de déplacements de courte distance
0 %
25 %
50 %
75 %
100 %
Source : ART, d’après ENTD 2008 et EMP 2019 – Note : Le mode actif renvoie au vélo et à la marche
Cette évolution témoigne d’un succès relatif des politiques de mobilité en faveur
des jeunes. Cependant l’usage de la voiture reste prédominant après 25 ans. La
fidélisation des jeunes dans les transports collectifs au moment du passage à la
vie active revêt donc un caractère stratégique, au regard notamment de l’enjeu de
la transition écologique.
Face à ce besoin de mobilité, l’organisation des transports collectifs relève de la
compétence des collectivités locales, l’État ne jouant qu’un rôle d’ensemblier. Depuis
la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), la gouvernance des
transports collectifs est structurée autour du couple régions-intercommunalités :
les premières gèrent les transports collectifs régionaux (TER et cars), les secondes
ceux des bassins de vie du quotidien (métro, tramways, bus). Toutes deux ont aussi vu
leurs compétences élargies aux mobilités actives (vélo, marche, etc.). Au total, plus de
700 autorités organisatrices de la mobilité (AOM) couvrent l’ensemble du territoire.
Les transports constituent les premiers budgets régionaux et locaux (37 Md€ en
2023), auxquels s’ajoutent 3 Md€ de l’État.
Ensemble
population
60 Mds
2008
61 Mds
2019
18 à 24 ans
6 Mds
2008
5 Mds
2019
15 à 17 ans
2019
2 Mds
2 Mds
2008
34
36
36
37
30
64
22
14
26
1
57
22
20
65
26
8
68
25
7
1
1
Véhicule particulier
Mode actif
Transports collectifs
Autre
II.
Les tarifs réduits, axe principal de la politique
de mobilité en faveur des jeunes
Les AOM ont fait jusqu’ici le choix de soutenir la mobilité des jeunes principalement
à l’aide de réductions tarifaires (de l’ordre de 30 à 70 %), pouvant aller jusqu’à la
gratuité. Cette politique a eu un impact positif sur la mobilité des jeunes mais se
heurte désormais à plusieurs limites : elle ne cible pas assez les jeunes les plus
défavorisés ; elle réduit d’autant les recettes des services de transport ; elle peine à
fidéliser ces usagers après leur entrée dans la vie active.
Pour les dépasser, certaines autorités organisatrices ont recours à une tarification
solidaire, qui permet de tenir compte de la capacité contributive des jeunes et limite
le coût des politiques de réduction des tarifs. Au-delà de l’effort tarifaire, la mise
en place d’une coordination tarifaire à l’échelle régionale et le renforcement des
actions d’information à destination des jeunes sont des facteurs d’encouragement
à l’usage des transports collectifs.
III.
Des offres de mobilité à adapter davantage
aux besoins des jeunes
La première contrainte à la mobilité n’est pas le prix mais le manque d’offre de
transport, notamment dans les zones périurbaines et rurales, où les besoins des
jeunes habitants sont insuffisamment pris en compte. Si la couverture des trajets
domicile-études est relativement bien satisfaite, celle des trajets domicile-travail
des jeunes actifs reste faible. Cette carence affecte l’ensemble de la population,
mais elle touche plus particulièrement les jeunes compte tenu du faible niveau
de leurs ressources. Ainsi, 38 % des jeunes ruraux de 15 à 29 ans ont renoncé à un
entretien d’embauche en raison de difficultés de déplacement.
Pour y répondre, les AOM s’efforcent d’améliorer leur offre de transports collectifs
dans les zones peu denses, en activant plusieurs leviers : extensions de lignes,
multiplication des bus à haut niveau de service, déploiement de cars express,
généralisation des transports à la demande, etc. Cet effort gagnerait à être assis
sur des études plus précises des besoins de mobilité des jeunes. L’obstacle principal
réside toutefois dans les contraintes financières accrues pesant sur le budget des
transports, qui impliquent des choix délicats.
La coordination parfois insuffisante des AOM en matière d’offre et d’informations
constitue un autre obstacle. La LOM a organisé la coordination entre AOM à l’échelle
des 300 bassins de mobilité régionaux, mais les outils correspondants qu’elle a créés
sont encore peu utilisés (20 contrats opérationnels de mobilité seulement ont été
signés). Leur déploiement gagnerait à être accéléré pour organiser les déplacements
entre bassins de vie et bassins d’emploi et mettre en place des dessertes fines vers
les lignes de transports collectifs structurantes, bénéficiant aux jeunes actifs.
70
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
71
LA MOBILITÉ DES JEUNES EN TRANSPORTS COLLECTIFS
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
améliorer la connaissance des besoins de mobilité
des jeunes et de leur utilisation des transports, en
particulier pour le travail
(autorités organisatrices de
la mobilité, ministère délégué chargé des transports)
;
2.
veiller à ce que les avantages tarifaires (abonnements ou
tickets) applicables aux jeunes tiennent compte de leurs
ressources financières
(autorités organisatrices de la mobilité)
;
3.
renforcer l’offre de transport collectif pour les jeunes dans les
zones périurbaines et rurales plutôt que les avantages tarifaires,
en développant la coordination entre autorités organisatrices
de la mobilité
(autorités organisatrices de la mobilité)
.
73
4.
La prise en charge
des jeunes majeurs
sortant de l’aide
sociale à l’enfance
En France, près de 397 000 mineurs et jeunes majeurs font
l’objet d’une mesure de protection dans le cadre de l’aide
sociale à l’enfance (ASE) en 2022. 221 000 d’entre eux sont
accueillis et hébergés, dont plus de 31 900 jeunes majeurs.
Chiffres clés
31 900
jeunes majeurs
(contre 18 500 en 2010) font l’objet d’une
mesure de protection dans le cadre de l’aide
sociale à l’enfance en 2023. Ils font partie des
397 000 mineurs et jeunes majeurs protégés.
1,2
Md€
c’est le montant estimé des
dépenses des départements
liées à l’accueil provisoire
des jeunes majeurs en 2023.
74
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES MAJEURS SORTANT DE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE
75
I.
Un public progressivement
mieux pris en charge
Le parcours des jeunes majeurs issus de l’ASE est souvent marqué par des épreuves
de vie et des ruptures douloureuses. Les services départementaux de l’aide sociale
à l’enfance ont la tâche difficile de se substituer dans la durée à la protection et à
l’autorité parentales. Ils se heurtent à des difficultés pour offrir aux enfants une
continuité éducative et des perspectives durables d’épanouissement.
Pour prévenir des « sorties sèches » à la majorité, sans perspective d’insertion
sociale et professionnelle, la protection accordée aux jeunes majeurs a été pro-
gressivement élargie, notamment sous l’effet de la loi du 7 février 2022 relative à
la protection des enfants. Ce texte a rendu obligatoire la prise en charge jusqu’à
21 ans des jeunes majeurs issus de l’ASE qui
« ne bénéficient pas de ressources ou
d’un soutien familial suffisants »
.
Avant l’adoption de cette loi, les services de l’ASE prenaient déjà en charge une
part croissante de jeunes ayant atteint la majorité. Les dépenses correspondantes
sont de l’ordre de 1 Md€.
II.
Depuis 2022, une mise en œuvre encore
variable des droits des jeunes majeurs
sortant de l’ASE
Si les départements tentent d’apporter une réponse aux besoins des jeunes majeurs,
les modalités de leur prise en charge divergent selon les territoires. Elles dépendent
notamment de la structuration préexistante des politiques de protection de
l’enfance. La loi du 7 février 2022 ne s’est pas traduite par une hausse notable et
uniforme de la proportion de jeunes majeurs sortants de l’ASE pris en charge par
les départements.
En 2022, le coût moyen de prise en charge des enfants et des jeunes majeurs s’élevait à
38 200 € par bénéficiaire et par an. Cependant, l’effort financier des départements est
disparate, certains mobilisant quatre fois plus de moyens que d’autres.
76
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
CARTE N° 1 | Dépenses totales annuelles de prise en charge par bénéficiaire
de l’ASE en 2022
Source : DREES L’aide sociale à l’enfance 2024
Sans méconnaître le caractère désormais opposable du droit à l’accompagnement,
de nombreux départements restent le plus souvent attachés à la logique contractuelle
et poursuivent des objectifs d’insertion professionnelle rapide. Le taux de prise
en charge des jeunes issus de l’ASE varie de 38 % à 83 % selon les départements
contrôlés. La durée des
« contrats jeune majeur »
varie selon les territoires, mais
court généralement sur des durées limitées (de six à 18 mois). La durée des
« contrats jeunes majeurs »
proposés aux anciens mineurs non accompagnés
(MNA) peut être encore plus courte.
La loi a prévu l’allocation par l’État d’une enveloppe financière annuelle au titre de
l’accompagnement pour le maintien de la prise en charge des jeunes majeurs sortant
de l’ASE sans ressources ni soutien familial. Elle a été fixée à 50 M€ pour l’ensemble
des départements, soit un montant inférieur aux charges et stable depuis 2022.
L’État n’a pas cherché à orienter l’emploi de cette enveloppe, considérant qu’il lui
appartenait seulement de pourvoir à un socle de base.
Guadeloupe
En euros par bénéficiaire
de 20 300 à moins de 29 500
(10 départements)
Martinique
La Réunion
Guyane
Paris et
petite couronne
Métropole
de Lyon et Rhône
de 29 500 à moins de 36 900
(38 départements)
de 36 900 à moins de 44 300
(41 départements)
de 44 300 à moins de 54 800
(7 départements)
de 54 800 à 75 100
(4 départements)
LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES MAJEURS SORTANT DE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE
77
III.
Un pilotage des dispositifs et un accès
au droit commun insuffisants
Les stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et de protection de l’enfance ont
eu des effets tangibles, mais limités. Elles ont favorisé une prise en charge globale
des jeunes majeurs à la sortie de l’ASE. Toutefois, la logique de projet, sur laquelle
elles reposent, laisse les services déconcentrés de l’État et les départements face
à des incertitudes sur leurs suites.
Des progrès sont constatés sur le logement ou sur l’assurance maladie, mais non
en ce qui concerne l’accès au « pécule » dont les jeunes sont censés disposer à
compter de leur majorité. En matière d’insertion, l’accès des jeunes issus de l’ASE
au
« contrat d’engagement jeune »
souffre d’une absence de partenariat et de chef
de file identifié, en dépit de modalités adaptées aux « jeunes en rupture » et d’un
suivi coordonné avec les missions locales.
S’agissant d’une compétence décentralisée, il est légitime que le degré et les
modalités d’accompagnement des jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance ne
soient pas identiques dans tous les départements. Leur action dans ce domaine
doit cependant se construire sur un socle de base ne mettant pas en péril l’égalité
des usagers devant le service public. À cet égard, la loi du 7 février 2022 a fait le
pari d’un nouvel équilibre, en systématisant le droit à une prise en charge sans
toutefois en prescrire la nature ni l’étendue. De ce fait, trois ans après son adoption,
les pratiques restent disparates selon les territoires.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
renforcer les coopérations avec les missions locales
pour garantir l’accès des jeunes majeurs aux dispositifs
d’insertion sociale et professionnelle
(départements)
;
2.
renforcer les coopérations en matière de handicap avec les
maisons départementales des personnes handicapées et
en matière de psychiatrie avec les agences régionales de
santé
(ministère des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité
entre les femmes et les hommes, ministère de la santé et de
l’accès aux soins, départements, maisons départementales
des personnes handicapées, agences régionales de santé)
;
3.
définir des objectifs de prise en charge minimale et lier le
versement des fonds accompagnant la mise en œuvre de la loi
du 7 février 2022 à sa mise en place
(ministère des solidarités,
de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes)
;
4.
améliorer le taux de recours au pécule, notamment par
un meilleur échange d’informations entre l’ensemble des
acteurs concernés
(Caisse nationale des allocations familiales,
Caisse des dépôts et consignations, départements)
.
78
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
TROISIÈME PARTIE
Les politiques
de prévention
à destination
de la jeunesse
Depuis l’enfance, la santé des jeunes se construit autour
des formes d’accompagnement que les adultes ont choisies
pour eux. Elle dépend aussi des dispositifs que les acteurs
publics ont mis en place en leur faveur. S’intéresser à la
santé des jeunes, c’est porter un regard sur la santé de la
population toute entière.
À première vue, les jeunes peuvent sembler en meilleure
santé, physique et mentale, que les adultes, en raison
de leur âge. La réalité quotidienne diffère parfois. Les
études de l’Unicef mettent en évidence des habitudes
de vie délétères chez certains jeunes. Celles-ci affectent
leur bien-être, quand elles ne les mettent pas en danger
immédiat, dans un contexte global qu’eux-mêmes vivent
comme plus tendu, entre augmentation de la violence et
changement climatique. Ces conduites à risque nécessitent
des réponses publiques adaptées. Différentes politiques
concourent à promouvoir la santé et le bien-être des
jeunes dont le versant préventif doit être renforcé et
mieux ciblé.
Les jeunes qui pratiquent un sport sont souvent moins
susceptibles d’adopter des comportements à risque, même
si cela est moins déterminant que l’encadrement familial.
Encourager les pratiques sportives est d’autant plus
important que cela accroît leurs interactions sociales. La
santé mentale des jeunes est d’ailleurs une priorité, surtout
depuis la crise sanitaire. Le suicide est en effet la quatrième
cause de décès des 15 à 19 ans dans le monde.
Au-delà du nécessaire renforcement des actions de
sensibilisation à destination des jeunes, dans les écoles
ou sur les réseaux sociaux, les acteurs publics doivent
leur garantir l’accès à des infrastructures d’écoute et
82
d’aide. Offrir un environnement de confiance peut les
aider à abandonner les conduites à risque. Les dispositifs
de prévention doivent faire des jeunes des acteurs à part
entière de leur santé mentale, particulièrement dans le
cas des adolescents. C’est la mission première confiée aux
maisons des adolescents.
Il est tout aussi essentiel de sensibiliser les jeunes aux
conséquences que les mauvaises habitudes alimentaires,
l’inactivité et tous les types d’addiction peuvent avoir
sur leur santé. En France, malgré un durcissement de la
réglementation et des campagnes de prévention répétées,
les niveaux de consommation de substances psychoactives,
notamment d’alcool, de tabac et de cannabis, restent
élevés chez les jeunes. De plus, les usages et les modes
de consommation se transforment, comme en témoigne
l’émergence de cas d’alcoolisation ponctuelle importante.
Le surpoids des enfants a des répercussions tout au long
de leur vie. Les jeunes concernés sont plus susceptibles
de devenir obèses et de connaître des troubles
comportementaux et émotionnels, voire de souffrir de
dépression. Adultes, ils peuvent développer un diabète de
type 2 ou des maladies cardiovasculaires, premières causes
de mortalité en France. Ce phénomène touche notamment
les territoires du Pacifique, quoiqu’avec une intensité
particulière : 38 % des adultes de Nouvelle-Calédonie
et 48 % de ceux de Polynésie française y sont en effet
confrontés, contre 17 % dans l’hexagone.
83
85
1.
L’accès des jeunes
au sport
79 % des jeunes Français sont des sportifs réguliers. Plus
de 2,7 millions de licences sportives sont octroyées aux
jeunes, dont certains sont multi pratiquants. Le constat d’une
jeunesse française sportive masque cependant des disparités
ou des spécificités relevant du genre, du territoire ou encore
de l’origine sociale. Le sport est ainsi perméable aux courants
qui façonnent la société et constitue une clé d’entrée pour
analyser les grands enjeux transversaux à la jeunesse.
Chiffres clés
Nombre de licenciés
86
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
79
%
des jeunes
de 15 à 24 ans sont
considérés comme
des sportifs
réguliers
36
%
des licenciés entre 15 et 24 ans
sont des femmes
15 ans
18 ans
21 ans
La pratique
sportive licenciée
est divisée
par quatre entre
15 et 25 ans.
Source : statistiques eurobaromètre 2024, p44
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
87
I.
Le rôle essentiel des infrastructures
dans l’accès des jeunes au sport
Le bloc communal finance 93 % des dépenses d’équipements sportifs des collectivités
locales. Les investissements récents ont majoritairement porté sur des équipements
de proximité, dont un grand nombre, en libre accès, favorisent la pratique sportive
des jeunes. Le recensement des installations sportives a été actualisé en 2024,
mais aucune étude quantitative ou qualitative n’a été conduite sur l’utilisation de
ces infrastructures. Cette situation réduit la capacité des financeurs à évaluer la
performance de leurs dépenses.
Les 350 000 équipements sportifs sont inégalement répartis sur le territoire et ne
répondent pas partout aux attentes des jeunes. En ville, face à une offre importante
mais saturée, les initiatives de mutualisation des installations communales et scolaires,
voire privées, doivent être renforcées. Les quartiers prioritaires de la politique de la
ville accueillent des équipements sportifs nombreux mais peu diversifiés. Dans les
territoires ruraux, le nombre d’équipements sportifs a augmenté mais ils demeurent
moins accessibles qu’ailleurs, particulièrement pour les jeunes qui ne disposent pas de
moyens de transport.
II.
Une pluralité d’acteurs pour accompagner
les jeunes vers le sport
Avec 120 fédérations, 325 000 structures associatives et 16,5 millions de licenciés,
la France dispose d’un maillage d’associations sportives très dense. 42 % des jeunes
français âgés de 15 à 30 ans en sont membres.
Les pouvoirs publics sont davantage financeurs que stratèges. Rares sont les
collectivités locales qui formalisent leurs ambitions dans le domaine sportif
en général et pour l’accès des jeunes au sport en particulier. Au niveau national, les
soutiens financiers existants, comme le Pass’sport (75 M€ par an), sont insuffisamment
ciblés sur les publics prioritaires.
Les offres publiques et associatives ne permettent pas d’endiguer les décrochages
de la pratique observés entre 15 et 25 ans.
88
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 1 | Nombre de licences par âge, tous sexes confondus
Source : recensement des licences 2022
Le secteur privé, proposant des modalités de pratique plus souples et adaptées aux
attentes des jeunes, se développe fortement. Il offre des possibilités de mutualisation
insuffisamment exploitées.
Par le biais de l’éducation physique et sportive (EPS), l’Éducation nationale joue
un rôle majeur. Toutefois son action pâtit du nombre limité d’heures d’éducation
physique et sportive au lycée, de tensions sur les équipements, des disparités entre
filières et de l’absence de suivi des « dispenses ». Le sport dans l’enseignement
supérieur reste trop peu pratiqué.
III.
Des politiques orientées vers la performance
au détriment d’une approche par publics cibles
Reposant sur une approche dominée par la compétition plutôt que sur le « sport
bien-être » ou « plaisir », la majorité des moyens engagés profite à des jeunes
déjà sportifs. Les jeunes éloignés du sport, par manque d’appétence ou pour des
raisons de santé, se retrouvent peu dans la pratique compétitive.
Plusieurs publics devraient davantage être ciblés par les politiques publiques.
Les jeunes femmes pratiquent structurellement moins que les hommes et
connaissent un décrochage plus important et plus durable. Accroître leur accès
aux équipements de pratique libre, leur proposer un encadrement et lutter contre
les freins socio-culturels constituent des leviers à approfondir.
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
800 000
900 000
1
4
7 10
13
16
19
22
25
28
31
34
37
40
43
46
49
52
55
58
61
64
67
70
73
76
79
82
85
88
91
94
97
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
89
GRAPHIQUE N° 2 | Jeunes femmes et jeunes hommes licenciés entre 15 et 24 ans
Source : recensement des licences 2022
Les jeunes en situation de handicap ont bénéficié des politiques volontaristes
sur l’accessibilité des équipements sportifs depuis 2005 mais leur pratique
reste inférieure à la moyenne. Quant aux jeunes en situation précaire, ils sont
insuffisamment ciblés par les dispositifs d’aide et sont confrontés à une forme
de reproduction sociale sportive.
1 597 264
900 486
0
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
1 400 000
1 600 000
Jeunes hommes
Jeunes femmes
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
prévoir des créneaux d’accompagnement à destination
des jeunes, notamment les plus éloignés de la pratique
sportive, sur les équipements sportifs en accès libre
(Agence
nationale du sport, communes et intercommunalités)
;
2.
développer les partenariats entre les collectivités locales et
les acteurs privés pour élargir l’accès, physique et financier,
des jeunes à une plus grande variété d’équipements
sportifs
(communes et intercommunalités)
;
3.
accroître le taux de pratique des élèves en EPS en
assurant un suivi statistique des inaptitudes et en
ajustant les séances en fonction des capacités des élèves
concernés
(ministère de l’éducation nationale)
;
4.
cibler davantage le Pass’sport sur les jeunes les
plus éloignés de la pratique sportive
(ministère des
sports, de la jeunesse et de la vie associative)
.
90
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
91
2.
Les maisons
des adolescents :
une réponse de première
ligne pour les jeunes
en mal-être
Les maisons des adolescents sont des structures
pluridisciplinaires dédiées à la prévention et à
l’accompagnement des problématiques adolescentes.
Elles sont 123 en activité en 2024. Elles interviennent
pour la plupart à l’échelle départementale. La demande
croissante de jeunes en situation de mal-être et les
difficultés d’accès aux structures de prise en charge
spécialisées en font des acteurs de référence pour
l’accompagnement des adolescents.
Chiffres clés
92
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
autres structures
17 %
associations
36 %
départements
5 %
centres hospitaliers
42 %
123
MAISONS DES
ADOLESCENTS
10
personnes
à temps plein
en moyenne par structure
(+ 37 % depuis 2018)
84
M€
budget par an (+ 44 % de
budget moyen depuis 2018)
100 000
jeunes accompagnés par an
(+ 18 % depuis 2018)
Source : Cour des comptes
à partir des données de l’ANMDA
et du ministère de la santé
93
LES MAISONS DES ADOLESCENTS
I.
Un dispositif souple destiné
aux problématiques adolescentes
Nées dans les années 2000, les maisons des adolescents visaient à répondre, par
une approche globale de la santé, à la demande de soins des adolescents. Libres
de définir leur mode de fonctionnement, ces structures ont progressivement
complété leur action par un volet social.
Leur mission consiste à répondre aux besoins des personnes reçues par un travail
d’écoute, d’évaluation et d’orientation. Des actions collectives de prévention sont
également proposées aux jeunes, ainsi que des temps de sensibilisation des
professionnels aux problématiques adolescentes.
SCHÉMA N° 1 | Exemples de parcours au sein de MDA
Source : Cour des comptes, à partir des constats établis par les chambres régionales des comptes
Association
École
URGENCES
H
Suivi / prise
en charge
de premier
niveau
Léa
obtient
un entretien d’évaluation
auprès de la MDA.
Léa
bénéficie
de 3 séances
auprès
d’un psychologue
de la MDA.
Léa
, 15 ans, sou
ff
re
d’anxiété scolaire. Elle se
confie à une infirmière
de son collège qui la met
en relation avec la MDA.
La MDA oriente
Léa
vers
un professionnel libéral
pour un suivi à plus long
terme.
Le soutien
aux parents
peut
se poursuivre dans la durée
avec les enfants.
Soutien
de moyen
et long terme
M
D
A
Accueil
Ses parents, Béatrice
et Simon
, peuvent être
accueillis par un éducateur
spécialisé et un assistant
social de la MDA.
94
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Depuis leur création, ces structures accompagnent un nombre croissant de jeunes,
majoritairement collégiens et lycéens. En 2021, ils étaient près de 100 000, soit
une augmentation de près de 20 % depuis 2018. Deux tiers des jeunes accueillis
étaient des jeunes filles. L’augmentation des demandes s’inscrit dans un contexte
de hausse de l’expression du mal-être, déjà relevé par la Cour dans son rapport sur
la pédopsychiatrie publié en 2023.
Des sondages menés par la Cour montrent que les maisons des adolescents sont
bien identifiées par leurs bénéficiaires et leurs partenaires, généralement satisfaits
de l’accompagnement proposé. Une étude scientifique de leurs impacts sanitaires
et sociaux reste cependant à mener.
II.
Des conditions d’entrée dans le parcours
d’accompagnement à améliorer
Afin de jouer pleinement leur rôle, les maisons des adolescents doivent améliorer
leur accessibilité, préserver leur réactivité et inscrire leur action au sein d’une offre
de services plus lisible.
Les choix d’implantation des maisons des adolescents ne permettent pas toujours
aux jeunes des territoires ruraux d’y accéder facilement. Le développement des
démarches d’aller-vers et le renforcement des liens avec l’Éducation nationale sont
des pistes identifiées pour remédier à ce problème.
La réactivité des maisons des adolescents est parfois remise en cause lorsque ces
structures sont contraintes de pallier partiellement les carences d’autres acteurs
(service de santé scolaire et psychiatrie infanto-juvénile).
Par ailleurs la lisibilité de leur action est altérée par l’offre foisonnante de soutien
à la jeunesse et à la parentalité, notamment celle proposée par les Points Accueil-
Écoute Jeunes (PAEJ), dont les missions sont comparables. La fusion des maisons
des adolescents et des PAEJ permettrait de clarifier l’offre au bénéfice des
adolescents.
III.
Une mission de prévention à sanctuariser
Les maisons des adolescents sont essentiellement financées par des fonds publics,
provenant principalement des agences régionales de santé et, plus marginalement,
des départements et des autres collectivités locales. Les dépenses correspondantes
atteignent environ 84 M€ par an. Avec la création de nouvelles MDA et l’élargissement
de leurs missions, les moyens consacrés par l’État au dispositif ont sensiblement
augmenté.
95
Ces ressources sont allouées de façon hétérogène. En outre, à effectifs similaires,
les maisons des adolescents proposent des services très différents.
Les modalités de pilotage du dispositif apparaissent ainsi inadaptées au regard de la
montée en puissance de son activité. Une liste de missions obligatoires pourrait être
établie, valorisant l’accompagnement individuel des adolescents et la prévention de
premier niveau. Au-delà de ces missions essentielles, les agences régionales de santé
conserveraient la possibilité de moduler leur appui selon le contexte territorial.
Ce renforcement du cadre d’action des maisons des adolescents permettrait de
garantir un niveau minimal de services sur l’ensemble du territoire national tout
en conservant une souplesse de gestion adaptée aux réalités locales.
LES MAISONS DES ADOLESCENTS
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
améliorer la lisibilité de l’offre à destination des jeunes par la
fusion des dispositifs maison des adolescents et point accueil-
écoute jeunes en définissant l’accueil, l’accompagnement
et les actions de prévention sanitaire et sociale comme leur
socle de missions obligatoires
(ministère de la santé et de
l’accès aux soins, Caisse nationale des allocations familiales)
;
2.
conduire une évaluation scientifique de l’impact des
maisons des adolescents en matière de repérage et de
prévention des pathologies somatiques et psychiques des
adolescents
(ministère de la santé et de l’accès aux soins)
;
3.
mieux tenir compte des besoins et caractéristiques des
territoires en définissant des critères d’attribution des
financements
(ministère de la santé et de l’accès aux soins)
.
96
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
97
3.
Les addictions des jeunes
aux drogues illicites
et à l’alcool : un enjeu
de prévention et de prise
en charge
L’addiction aux drogues illicites et à l’alcool est une
pathologie cérébrale définie par la dépendance
physiologique et psychologique à la consommation de ces
substances en dépit de ses effets délétères. En France, les
jeunes de 12 à 25 ans sont particulièrement exposés au
risque d’addiction en raison de la faiblesse des politiques
de prévention et de soin.
Chiffres clés
98
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
46,3
%
des jeunes âgés de 18 à
24 ans en 2023 disaient avoir
consommé au moins une fois
dans leur vie du cannabis.
3,5 % affirmaient en faire un
usage quotidien
× 10
commencer à consommer de
l’alcool au début de l’adolescence
multiplie par dix le risque de
devenir alcoolodépendant à l’âge
adulte, par rapport à une initiation
plus tardive, vers l’âge de 20 ans
260
consultations jeunes consommateurs,
réparties en 540 lieux pour l’accueil,
l’information, l’évaluation, la prise
en charge brève et l’orientation des
jeunes et de leur entourage
230 000
jeunes de 18 à 24 ans
seraient concernés par
les addictions au cannabis
1 jeune sur 10
s’estime dépendant aux drogues
illicites ou à l’alcool
Source : réponse de la direction générale de la santé
au questionnaire envoyé dans le cadre de l’enquête
99
LES ADDICTIONS DES JEUNES AUX DROGUES ILLICITES ET À L’ALCOOL
I.
Une jeunesse française particulièrement
touchée
La consommation de drogues et d’alcool pose un problème de santé publique
majeur en raison du risque d’addiction qu’elle cause et des maladies dont elle est
un facteur de risque et d’aggravation.
La France est particulièrement touchée par ce phénomène : en 2021, 2,6 % des
18-24 ans déclaraient consommer quotidiennement de l’alcool (taux le plus élevé
de la zone euro). S’agissant des drogues, la consommation française serait parmi
les plus importantes en Europe puisque, toutes drogues confondues, 28 % des
jeunes auraient consommé des produits stupéfiants dans l’année, contre 16,9 %
dans l’Union européenne.
GRAPHIQUE N° 1 | Estimation de la consommation d’alcool et de drogues
des 15-24 ans en France et dans l’Union européenne
Source :
European Drug Report 2024
Si l’addiction est plus difficile à mesurer que la consommation, différentes
méthodes d’évaluation permettent néanmoins de fournir une estimation du
nombre de jeunes concernés, qui varie de 130 000 à plus d’un million selon la
méthodologie retenue. Il appartient au ministère de la santé de développer des
outils fiables de mesure de l’addiction des jeunes aux drogues et à l’alcool, en
s’appuyant notamment sur des bases de données médico-administratives qui
restent encore largement à construire.
Moyenne UE
France
90 %
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0 %
Alcool
Toutes
drogues
illicites
Cannabis
Cocaïne
MDMA
(Ecstasy)
LSD
Amphétamines
II.
Une offre de soins sanitaire et médico-sociale
insuffisamment ciblée sur les jeunes
Le repérage, l’accompagnement et la prise en charge des jeunes souffrant
d’addictions font intervenir la médecine de ville, l’hôpital et le secteur médico-
social. Cependant l’accompagnement et les soins apportés à ces personnes sont
inadaptés : ils ne ciblent que peu ou pas les jeunes et le nombre de places disponibles
est faible.
Les
« consultations jeunes consommateurs »
(CJC) constituent le seul dispositif de
soins spécifique aux jeunes. Il offre un accompagnement complet et adapté mais
l’évaluation du dispositif doit être réalisée au niveau national avant que, le cas
échéant, il soit déployé sur l’ensemble du territoire national.
L’articulation entre la médecine de ville, l’hôpital et le secteur médico-social mériterait
d’être renforcée pour assurer la continuité des soins et le suivi du parcours de soins. Il
importe par ailleurs de mieux identifier le financement des prises en charge à l’hôpital
et dans les établissements médico-sociaux pour améliorer la visibilité et le pilotage
de l’offre de soins aux jeunes souffrant d’addictions.
III.
La nécessité d’une politique de prévention
plus ambitieuse et mieux coordonnée
Pour prévenir les addictions, il importe d’agir le plus tôt possible, et avant que les
problèmes ne se manifestent. Or, les efforts en matière de prévention ne sont pas
à la hauteur des enjeux.
La lutte contre les addictions des jeunes implique de mobiliser tous les acteurs,
notamment l’Éducation nationale. Les écoles et les établissements d’enseignement
supérieur ont en effet un rôle-clé à jouer pour identifier, sensibiliser et conseiller
les jeunes.
La France n’a pas déployé de campagne de communication d’ampleur pour
prévenir la consommation de drogues. Il convient de réaliser une étude fine avant
de réaliser des actions de communication utilisant les bons termes et canaux
d’expression auprès des jeunes.
Il convient par ailleurs de veiller à la stricte application de l’interdiction de vente
d’alcool aux mineurs.
L’introduction d’un prix minimum des boissons alcooliques pourrait enfin se révéler
utile pour détourner les jeunes de l’alcool.
100
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
101
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
conduire une étude épidémiologique sur la situation des
jeunes souffrant d’addictions
(ministère de la santé et
de l’accès aux soins, Observatoire français des drogues
et des tendances addictives, Santé publique France)
;
2.
dresser un état des lieux, agrégé nationalement, de l’offre
médico-sociale destinée aux jeunes en état de dépendance aux
drogues ou à l’alcool et doter la stratégie interministérielle
de mobilisation contre les conduites addictives d’objectifs
chiffrés de réduction de la consommation de drogue
et d’alcool chez les jeunes
(ministère de la santé et de
l’accès aux soins, Caisse nationale d’assurance maladie,
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les
conduites addictives, Observatoire français des drogues
et des tendances addictives, Santé publique France)
;
3.
mobiliser les acteurs du monde éducatif, sanitaire et médico-
social pour sensibiliser les jeunes aux risques addictifs des
drogues illicites et de l’alcool, ainsi que pour repérer et
orienter les jeunes consommateurs
(ministère de l’éducation
nationale, ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche, ministère de la santé et de l’accès aux soins)
;
4.
lancer une campagne d’ampleur destinée aux jeunes
pour les sensibiliser aux effets nocifs de la consommation
de drogues illicites et d’alcool
(ministère de la santé et
de l’accès aux soins, Mission interministérielle de lutte
contre les drogues et les conduites addictives)
;
5.
mettre en place un prix minimum de l’unité d’alcool pur
contenu dans chaque boisson, pour prévenir et réduire
notamment la consommation des jeunes
(ministère de
la santé et de l’accès aux soins, ministère du budget et
des comptes publics)
(recommandation reformulée).
LES ADDICTIONS DES JEUNES AUX DROGUES ILLICITES ET À L’ALCOOL
103
4.
La prévention de l’obésité
chez les jeunes : l’exemple
de la Nouvelle-Calédonie
et de la Polynésie
française
Selon l’organisation mondiale de la santé, l’obésité est une
accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle
pouvant nuire à la santé. Comme l’avait relevé la Cour des
comptes en 2019, le taux de prévalence de l’obésité est
plus important dans les outres mers, notamment dans le
Pacifique. Il s’élevait pour les adultes, dans l’hexagone, en
2020, à 15 % contre 38 % en 2022 en Nouvelle-Calédonie
et 48 % en 2019 en Polynésie française. La Cour des
comptes et les chambres territoriales des comptes de la
Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française ont donc
analysé les politiques de prévention de l’obésité des jeunes
de 15 à 25 ans mises en œuvre dans ces deux territoires.
Chiffres clés
104
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
320 000
€
c’est le coût potentiel du
diabète sucré chez les 15-25 ans
pour l’assurance maladie en
2028 en Nouvelle-Calédonie.
560 000
€
c’est le coût potentiel du
diabète sucré chez les 15-25 ans
pour l’assurance maladie en
2028 en Polynésie française.
23
%
de prévalence de l’obésité
parmi les 18-24 ans en
Nouvelle-Calédonie en 2022.
41
%
de prévalence de l’obésité parmi
les hommes de 18-29 ans en
Polynésie française en 2019. Ce
taux est de 47 % chez les femmes
de la même tranche d’âge.
25
M€
par an, c’est le coût direct
de l’obésité estimé
par la Nouvelle-Calédonie.
Source : coût estimé par la Nouvelle-Calédonie
en collaboration avec la CTC de Nouvelle-Calédonie
Source : CTC de Nouvelle-Calédonie, d’après
les données de la CAFAT
Source : CTC de la Polynésie française, d’après
les données de la caisse de prévoyance sociale
de la Polynésie française
Source : CTC de Nouvelle-Calédonie, d’après les
données fournies par la direction des affaires
sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie
Source : enquête réalisée par la Polynésie française*
du 18/09/2019 au 18/3/2020
*Gouvernement de la Polynésie française qui,
formellement, porte le nom de « Pays »
En métropole, ce taux était de 5 % chez les 14-24 ans en 2019.
105
LA PRÉVENTION DE L’OBÉSITÉ CHEZ LES JEUNES
I.
La progression de l’obésité chez les jeunes,
un risque sanitaire et économique
La prévalence de l’obésité a progressé de huit points entre 2010 et 2022 en
Nouvelle-Calédonie chez les 18-24 ans et de près de 10 points entre 2010 et 2019
en Polynésie française chez les 18-29 ans. Dans l’hexagone, elle n’a augmenté que
d’un point entre 2009 et 2019 chez les 15-24 ans, s’établissant à 5 % en 2019.
Dans ces deux territoires, l’obésité des jeunes est principalement liée à une
alimentation déséquilibrée, à la sédentarité et à une activité physique insuffisante.
La précarité et l’environnement socio-économique et culturel peuvent constituer
des facteurs aggravants. Cependant le recueil de données reste insuffisant.
Les conséquences sanitaires de l’obésité obèrent l’avenir des jeunes et pèsent sur
les budgets de la protection sociale. La Nouvelle-Calédonie a estimé le coût direct
de l’obésité à 25,14 M€ par an. Cette mesure n’a pas été réalisée par la Polynésie
française, qui s’est engagée à la produire en 2025.
II.
Des jeunes qui ne bénéficient pas suffisamment
des politiques de prévention en place
Dans les deux territoires, la prévention de l’obésité des jeunes n’a pas été érigée
en priorité dans les programmes de santé. En Nouvelle-Calédonie, cette politique
repose sur une pluralité d’acteurs qui agissent au niveau territorial et provincial.
SCHÉMA N° 1 | Actions des provinces calédoniennes contre l’obésité des jeunes
Source : Cour des comptes
En Polynésie française, les mesures conduites à destination des jeunes se sont
traduites par des messages de prévention ainsi que des actions dans les écoles, les
communes et les lieux de travail.
Province Sud
Province Nord
Province des îles
• Addictions
• Activités physiques
• Programme éducation
à la santé
• Programme éducation
à la santé en milieu
• Programme d’éducation
à la santé en milieu
scolaire
(sensibilisation
et information)
• Prise en charge
de l’obésité infantile
(suivi des pathologies)
scolaire
(éducation
thérapeutique)
106
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
SCHÉMA N° 2 | Bilan des actions de prévention de l’obésité en Polynésie française
(2022)
Source : Cour des comptes
Dans les deux territoires, l’impact des programmes de prévention de l’obésité à
destination des jeunes est difficilement mesurable.
III.
Renforcer la lutte contre l’obésité
dans l’intérêt des jeunes
La prévention de l’obésité chez les jeunes nécessite de prioriser ce risque dans
les actions d’observation de la santé de la population et de mettre en place des
actions ciblées pour cette tranche d’âge. Accompagnées d’une évaluation de leurs
effets sur la santé des jeunes, cette stratégie permettra de réduire la dépense
d’assurance maladie.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la diffusion annuelle d’un baromètre
sanitaire et social constituerait une mesure de transparence indispensable. Celui-ci
doit faciliter le suivi des actions de lutte contre l’obésité en fonction des lieux de vie,
de la situation sociale et des tranches d’âge.
Outil efficace de prévention des risques en santé et de l’obésité, la fiscalité compor-
tementale devrait être renforcée. L’étiquetage nutritionnel des produits pourrait être
rendu obligatoire et la vente de produits néfastes pour la santé pourrait être encadrée
dans les écoles et à leurs abords. Par ailleurs l’aménagement d’équipements sportifs
en accès libre contribuerait à réduire la sédentarité des jeunes.
La réduction progressive de la prévalence de l’obésité des jeunes permettra une
meilleure maîtrise des dépenses d’assurance maladie. La charge financière de la
prise en charge du diabète sucré chez les 15-25 ans, pour l’assurance maladie,
pourrait atteindre 0,56 M€ en 2028 en Polynésie française et 0,32 M€ en Nouvelle-
Calédonie en 2028.
19 % des
écoles et
20 % des
élèves
44 % des
communes
(96 300
habitants)
36 %
de la
population
active
107
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
réglementer la teneur en sucre des produits alimentaires
importés, mettre en œuvre une taxe comportementale sur
les produits contenant du sucre et imposer l’étiquetage
nutritionnel des produits commercialisés
(gouvernements
de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française)
;
2.
favoriser la pratique sportive des jeunes et la lutte
contre la sédentarité, dès 2026, en développant
des infrastructures en accès libre destinées à la
pratique de l’activité physique
(gouvernements de la
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française
) ;
3.
encadrer, dès 2026, la commercialisation et la
distribution des produits jugés néfastes pour la
santé à l’intérieur et aux abords des écoles et des
établissements d’enseignement
(gouvernements de la
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française)
.
LA PRÉVENTION DE L’OBÉSITÉ CHEZ LES JEUNES
QUATRIÈME PARTIE
L’apprentissage
à la citoyenneté
et à la vie dans la cité
Les notions de vivre ensemble et de cohésion sociale
sont difficiles à définir dans un monde où les jeunes, qui
découvrent les problématiques du monde adulte, affichent
une grande défiance à l’égard des institutions. Cette
défiance est l’un des principaux marqueurs de la crise de la
représentation démocratique. Or, la participation à la vie
politique constitue un moment important pour tout citoyen
en lui permettant de contribuer à la définition des grandes
orientations du pays à travers l’exercice du droit de vote.
Les préoccupations majeures des jeunes portent sur les
inégalités sociales et les questions environnementales.
Néanmoins, et conformément à l’article 2 de la déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, les enjeux de
sécurité, comme de liberté, de propriété ou de résistance à
l’oppression, ne doivent pas être exclus des préoccupations.
La Journée Défense et Citoyenneté, créée en 2011, constitue
une occasion unique de s’adresser à la quasi-totalité d’une
classe d’âge. Elle concourt à l’affirmation du sentiment
d’appartenance à la communauté nationale ainsi qu’au
maintien du lien entre l’armée et la jeunesse. La volonté du
ministère des armées de renforcer la dimension militaire du
dispositif doit être conciliée avec les objectifs plus larges
que lui assigne la loi.
Parmi les difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés,
certaines se cumulent (scolarité, santé, logement, travail,
etc.) et constituent autant d’obstacles qui peuvent les
mener à l’exclusion, quand elles ne les conduisent pas
devant les juridictions pénales. Face à ces situations
souvent très difficiles, le ministère de la justice noue de
nombreux partenariats. Pourtant, en dépit de ces efforts,
le constat reste insatisfaisant, ce qui pose la question d’une
110
intervention, le plus en amont possible, auprès des familles.
L’importance de ces dernières dans le devenir des jeunes
délinquants est soulignée par tous les professionnels, ceci
d’autant plus qu’en matière pénale, il n’existe pas de politique
homogène à leur égard. Celle-ci est marquée par une rupture
lors de la majorité. La justice des mineurs s’appuie sur un
cadre spécifique où l’éducatif prévaut sur le répressif avec, en
parallèle, une forte individualisation de la réponse pénale. Les
jeunes majeurs relèvent, pour leur part, du droit commun.
Atteindre la majorité ouvre aussi de nouveaux droits,
à commencer par celui de voter, et crée également de
nouvelles obligations. Contribuer aux finances publiques,
notamment au travers de l’impôt sur le revenu, est
couramment associé à la citoyenneté, la majorité fiscale
coïncidant avec la majorité civile. Alors que 16 % seulement
des jeunes acquittent effectivement cet impôt, ils portent
un regard critique sur la fiscalité, qui s’explique par une
méconnaissance de cette matière, associée au sentiment de
payer un impôt trop élevé et inéquitablement réparti, et un
regard sévère sur la gestion des fonds publics. Ce constat
appelle à développer l’éducation au civisme fiscal, de manière
plus innovante et volontaire que ce n’est le cas aujourd’hui.
Conçue comme une éducation à l’art, l’éducation artistique
et culturelle contribue à la formation et à l’émancipation de
la personne et du citoyen, à travers le développement de
sa sensibilité, de sa créativité et de son esprit critique. Les
élèves doivent ainsi bénéficier d’un parcours d’éducation
artistique et culturelle qui associe la fréquentation des
œuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique
et l’acquisition de connaissances pour leur offrir une
ouverture aux arts et à la culture.
111
113
1.
La Journée Défense
et Citoyenneté,
des objectifs à redéfinir
Obligatoire pour tous les Français âgés de 16 à 18 ans,
la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) est destinée à
maintenir un lien entre les armées et la jeunesse, rappeler
le devoir de défense nationale qui s’impose à tout citoyen
et assurer les conditions d’un éventuel appel sous les
drapeaux. Elle sert aussi à établir les listes électorales,
détecter l’illettrisme et informer les jeunes sur divers sujets
de citoyenneté et de civisme.
Chiffres clés
114
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
806 962
jeunes
ont effectué leur Journée Défense
et Citoyenneté (JDC) en 2023
105
M€ / an
coût estimé du dispositif
1,8
%
des appelés ayant
atteint 25 ans en 2022
n’avaient pas effectué
leur JDC
1 261
c’est le nombre de postes dont
dispose la direction du service
national et de la jeunesse (DSNJ).
90 % sont mobilisés par la JDC.
Source : DSNJ (Direction du service national et de la jeunesse, du ministère des armées)
LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ, DES OBJECTIFS À REDÉFINIR
115
I.
Un dispositif soumis à de fortes tensions
L’organisation de ce dispositif de masse incombe à la direction du service national et
de la jeunesse (DSNJ), en lien étroit avec les armées, qui fournissent les animateurs
des sessions de la JDC.
La DSNJ doit toutefois composer avec une diminution régulière de ses effectifs, des
tensions nouvelles sur le recrutement (en 2023, 8,5 % de ses 1 261 postes étaient
vacants) et la difficulté croissante à disposer des animateurs militaires nécessaires.
La DSNJ a mis en place des outils de pilotage lui permettant d’accomplir ses
différentes missions (JDC, participation au service national universel (SNU),
service militaire volontaire, politique jeunesse, etc.) avec des effectifs resserrés.
Elle a ainsi relevé la jauge des salles, systématisé la surconvocation des jeunes
pour compenser l’absentéisme, fusionné les viviers d’animateurs de la JDC et de
la Journée Défense et Mémoire, organisée dans le cadre du SNU, pour optimiser
sa ressource. Cependant les limites de productivité sont aujourd’hui atteintes.
Les importantes économies que la DSNJ a dû réaliser en 2024 (représentant 10 %
de son budget initial), la mobilisation des armées pour les jeux olympiques de Paris
et la préparation de la
« JDC Nouvelle Génération »
ont conduit la DSNJ à réduire la
durée de la JDC à 2 heures 45 depuis le 1
er
août 2024, sur une base juridique fragile.
II.
Un apport incertain et des faiblesses
persistantes
Les 800 000 jeunes qui l’effectuent chaque année se déclarent pour la plupart
satisfaits de leur JDC.
A contrario
, et même s’ils sont attachés à cette occasion
de rencontre avec l’ensemble d’une classe d’âge, beaucoup au sein des armées en
jugent le contenu peu satisfaisant.
Les difficultés anciennes de la JDC ont connu des évolutions contrastées. Bien que
quasi exhaustif, le recensement serait inopérant dans l’hypothèse d’un rappel sous
les drapeaux. L’absentéisme à la première convocation reste stable mais la part des
jeunes n’ayant pas régularisé leur situation à 25 ans a fortement baissé, passant
de 4,1 % en 2015 à 1,8 % en 2022. En revanche, la situation des jeunes Français
de l’étranger s’est dégradée, la quasi-totalité d’entre eux se trouvant aujourd’hui
exemptés de fait de JDC, faute de moyens dans les postes diplomatiques pour
l’organiser. La JDC en ligne demeure au stade de projet interministériel.
Les tests de lecture ne sont plus un moment unique d’évaluation. En effet le
développement d’évaluations tout au long de la scolarité permet en principe de
détecter les difficultés de lecture des jeunes en amont de la JDC. La mise en place
d’un accompagnement des jeunes touchés par ces difficultés, à la suite de la JDC,
n’est pas systématique. La DSNJ s’interroge donc sur l’utilité de maintenir ces
tests à ce moment précis. Leur suppression ne pourrait toutefois s’envisager sans
modification législative.
116
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 1 | Effectifs de la JDC, jeunes en difficulté de lecture,
dont illettrisme (2009-2023)
Source : Cour des comptes à partir de données de la direction de l’évaluation et des études
prospectives, ministère de l’éducation nationale
III.
Des finalités à arbitrer
Bien qu’objet d’une attention croissante, l’enseignement de défense, qui vise
à acculturer la jeunesse aux enjeux de la défense nationale durant la scolarité,
demeure inégalement dispensé et ses acquis sont encore peu évalués. Il s’inscrit
dans un parcours citoyen que le ministère des armées cherche à conforter au
travers du Plan Ambition Armées-Jeunesse rendu public en 2021 et dont la JDC
doit constituer un temps fort.
Le contexte international conduit à reconsidérer ses enjeux et son potentiel. C’est
pourquoi le directeur du service national et de la jeunesse s’est vu confier la mission
de « remilitariser » la JDC, à des fins de recrutement notamment. Bien que cet
objectif ne figure pas parmi ceux que le code du service national assigne à la JDC,
celle-ci n’en offre pas moins aux armées l’occasion d’identifier des jeunes intéressés
par les métiers de la défense (plus de 300 000 demandes d’information par an).
En cohérence avec cet objectif, la part accordée au volet défense de la JDC est
renforcée depuis septembre 2023. Cette évolution nette serait entérinée par la
« JDC Nouvelle Génération »
, testée depuis l’été 2024. Celle-ci comprendrait en
effet des ateliers sportifs et ludiques, un forum des métiers et une déclinaison
numérique permettant de suivre les compétences des jeunes dans la durée. Le
coût de la JDC, jusqu’ici de l’ordre de 100 M€ par an, devrait dès lors augmenter
dans les années à venir (+15 M€ au PLF 2025 pour les seules dépenses relevant de
la DSNJ). Parce qu’elle s’écarte de l’équilibre entre défense et citoyenneté prévu
par le code du service national, cette réorientation de la JDC suppose cependant une
adaptation du cadre législatif, que le ministère des armées doit désormais engager.
900 000
14,0
%
12,0 %
10,0 %
8,0 %
6,0 %
4,0 %
2,0 %
0,0 %
800 000
700 000
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019*
2020
2021
2022
2023
E
ff
ectif total
Jeunes en grave difficulté (%)
745 648
712 167
739 220
728 705
752 278
769 721
779 530
Jeunes en difficulté (%)
761 182
773 327
713 025
496 076
496 076
750 728
794 800
10,6
10,7
10,4
9,9
9,6
9,6
9,9
10,8
11,5
11,5
11,8
11,8
11,5
11,8
9,5
437 040
5,1
5,1
4,8
4,4
4,1
4,1
4,3
5,1
5,2
5,2
5,3
5,3
4,6
4,8
5,0
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
mener à leur terme les expérimentations en cours sur la
nouvelle Journée Défense et Citoyenneté, dans un cadre
juridique à formaliser au plus vite, et en assurer une évaluation
précise
(ministère des armées et des anciens combattants)
;
2.
soumettre à arbitrage interministériel les objectifs
et le contenu d’une nouvelle Journée Défense et
Citoyenneté et adapter le cadre juridique en conséquence
(ministère des armées et des anciens combattants)
;
3.
mettre en place l’organisation et mobiliser les moyens
nécessaires au déploiement de la Journée Défense et
Citoyenneté en ligne, au bénéfice des jeunes Français
résidant à l’étranger
(ministère des armées et des anciens
combattants, ministère de l’Europe et des affaires étrangères)
.
117
LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ, DES OBJECTIFS À REDÉFINIR
119
2.
L’entrée des jeunes
dans l’impôt sur le revenu
L’imposition sur le revenu constitue pour la plupart des
jeunes l’entrée dans le « système fiscal » avec, pour la
première fois, des démarches volontaires ou obligatoires
attendues de leur part. Toutefois, alors que la majorité
civile à dix-huit ans est immédiatement synonyme de
nouveaux droits, à commencer par le droit de vote, la
majorité fiscale, légalement fixée au même âge, est en
pratique très souvent différée. De plus, en raison de la
faiblesse relative des revenus perçus par les deux tiers
des jeunes de moins de 25 ans imposés indépendamment
de leurs parents et des dispositifs d’exonération de
certains revenus liés aux études, seul un quart d’entre
eux acquittent effectivement l’impôt, soit environ 16 %
de la classe d’âge des 18-25 ans.
La faible proportion de jeunes effectivement imposés à
l’impôt sur le revenu peut expliquer que celui-ci soit mal
connu par cette classe d’âge. À cet égard, une enquête
diligentée par la Cour auprès d’un échantillon représentatif
de jeunes âgés de 15 à 24 ans a mis en évidence, d’une
part, une médiocre connaissance des taux d’imposition
réellement appliqués et, d’autre part, une relative défiance
à l’égard de l’impôt.
Chiffres clés
120
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
36
,7 %
c’est le pourcentage des
jeunes de 18-25 ans rattachés
au foyer fiscal de leurs parents
63
%
de jeunes estiment
que le niveau
d’imposition
est trop élevé
1 210
€
tel est le montant moyen d’impôt sur le revenu
acquitté par les jeunes de 18-25 ans soumis à
une imposition distincte de celle de leurs parents
27
%
c’est le pourcentage des jeunes de
18-25 partageant l’opinion selon
laquelle
« il est justifié de tricher
sur ses impôts et cotisations
sociales si on en a la possibilité »
Source : enquête de la Cour
des comptes auprès d’un
échantillon de jeunes
Source : DGFiP statistiques,
avril 2024, n° 22
Source : enquête de la Cour
des comptes auprès d’un
échantillon de jeunes
L’ENTRÉE DES JEUNES DANS L’IMPôT SUR LE REVENU
121
I.
Une majorité fiscale théorique qui masque
une entrée très progressive dans l’impôt
En principe, chaque jeune constitue à compter de sa majorité civile son propre
foyer fiscal. Toutefois, il peut rester rattaché au foyer fiscal de ses parents
jusqu’à l’âge de 21 ans sans conditions particulières, et jusqu’à 25 ans s’il est
étudiant. Plus rarement, l’imposition distincte d’un jeune peut intervenir avant
l’âge de dix-huit ans, notamment s’il dispose d’un patrimoine personnel ou
exerce précocement une activité professionnelle.
En 2022, environ 5,3 millions de jeunes de 18 à 25 ans étaient connus de l’admi-
nistration fiscale. 39 % des jeunes de moins de 21 ans déclaraient leurs revenus
indépendamment, et 81 % parmi ceux âgés de 21 à 25 ans. En comparaison, seuls
3 % des mineurs de plus de 16 ans faisaient l’objet d’une imposition distincte.
Ainsi, le concept de majorité fiscale à l’âge de 18 ans masque en fait une entrée
progressive des jeunes dans l’impôt, qui intervient en pratique à l’âge des premiers
revenus significatifs.
GRAPHIQUE N° 1 | Jeunes rattachés au foyer fiscal de leurs parents ou soumis
à une imposition distincte (2022)
Source : Cour des comptes d’après des données de la direction générale des finances publiques
(DGFiP)
En raison de la faiblesse relative des revenus perçus par les jeunes de moins de 25 ans
imposés indépendamment de leurs parents et des dispositifs d’exonération de certains
revenus liés aux études, seul un quart d’entre eux acquittent effectivement l’impôt sur
le revenu, correspondant à environ 16 % de la classe d’âge des 18-25 ans.
Lorsqu’un jeune opte pour le rattachement au foyer fiscal de ses parents, ses
revenus sont ajoutés au revenu imposable de ce foyer. En contrepartie, celui-ci
bénéficie d’une réduction d’impôt, qui prend des formes différentes selon la
situation de l’enfant majeur. S’il n’est pas marié, pacsé ou chargé de famille, son
rattachement ouvre droit à une augmentation du nombre de parts de quotient
familial du foyer. S’il est marié, pacsé et/ou chargé de famille, son rattachement,
4 000 000
3 000 000
2 000 000
1 000 000
0
16-17 ans
18-20 ans
21-24 ans
Jeunes faisant l’objet d’un rattachement au foyer fiscal de leurs parents
Jeunes soumis à une imposition distincte
qui peut s’accompagner de celui de son conjoint ou de sa conjointe, et/ou de celui
de chacun de ses enfants, ouvre droit à un abattement du revenu imposable du
foyer à hauteur de 6 674 € par personne rattachée. À des fins de simplification de
la loi fiscale, la Cour recommande de remplacer cet abattement par l’attribution
des mêmes parts de quotient familial que pour les jeunes célibataires.
Au-delà du calcul d’opportunités, la problématique du rattachement fiscal des
enfants majeurs et des avantages qui en résultent constitue un élément du débat
sur l’introduction d’un revenu d’autonomie pour les jeunes. Au cours des dernières
années, certaines organisations de jeunesse et plusieurs rapports administratifs
ont pris position en faveur d’un financement d’un tel dispositif par la suppres-
sion de l’avantage fiscal lié au rattachement au foyer fiscal des parents dans une
logique de redistribution. Ce débat devrait aussi intégrer la problématique des
pensions versées aux enfants et déduites ou non du revenu imposable des parents.
Par ailleurs la spécificité de la tranche d’âge des 18-25 ans justifie que l’adminis-
tration fiscale aille au-delà de la transmission, aux jeunes de 20 ans, d’une simple
lettre d’information sur leur première déclaration de revenus. Ce premier contact
devrait intervenir dès la majorité et s’accompagner d’une incitation des jeunes à
activer leur espace numérique sur le portail impots.gouv.fr.
II.
Des dispositifs spécifiques d’atténuation
de l’impôt imposant des choix complexes
Plusieurs dispositifs d’exonération permettent d’atténuer l’impôt affectant les
revenus du jeune contribuable, quel que soit le schéma d’imposition retenu.
Ainsi, les sommes versées dans le cadre d’un volontariat ou d’un engagement de
service civique sont exonérées d’imposition dans leur totalité. Des exonérations
s’appliquent également aux revenus tirés d’activités exercées pendant les études
ou durant les congés scolaires ou universitaires (dans la limite de 5 204 € bruts
par an) et aux revenus tirés d’un stage ou d’un apprentissage (dans la limite de
20 815 € bruts par an).
122
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’ENTRÉE DES JEUNES DANS L’IMPôT SUR LE REVENU
123
SCHÉMA N° 1 | Conditions d’imposition des revenus pouvant être perçus
par les jeunes
Source : Cour des comptes d’après code général des impôts. Remarque : les montants en €
correspondent à ceux en vigueur au titre de l’imposition des revenus perçus en 2023
* Revenus tirés d’activités exercées pendant les études, secondaires ou supérieures, ou exercées
durant les congés scolaires ou universitaires.
Certains revenus faisant l’objet d’exonérations ne doivent pas être portés sur
la déclaration des revenus, contrairement à d’autres qui doivent l’être. Cette
disparité des obligations déclaratives est susceptible d’entraîner des difficultés
pour les jeunes contribuables. La Cour recommande donc d’harmoniser les
modalités de déclaration des revenus les plus couramment perçus par les jeunes.
Volontariat
international,
de solidarité
internationale,
ou pour l’insertion
Service
civique
Bourses
sur critères
sociaux
€
€
Jobs
étudiants
Stage ou
apprentissage
Conditions
d’imposition
Modalités
de
déclaration
Exonération
d’imposition
dans la limite
de trois fois
le montant
mensuel du SMIC
(5 204 € bruts)
Exonération
d’imposition
dans la limite
du montant
annuel du SMIC
(20 815 € bruts)
Exonération d’imposition
Les sommes considérées ne doivent pas
être portées sur la déclaration des revenus,
et une attestation sur l’honneur doit être
rédigée dans certains cas.
Les salaires exonérés ne doivent
pas être portés sur la déclaration
des revenus (seul le montant qui
excède les plafonds d’exonération
est déclaré).
III.
Un regard critique porté par les jeunes
sur un impôt souvent mal connu
Les résultats de l’enquête diligentée par la Cour auprès d’un échantillon représentatif
de 1 011 jeunes âgés de 15 à 24 ans révèlent une médiocre connaissance des taux
d’imposition réellement appliqués et une relative défiance à l’égard de l’impôt.
Ainsi, près des deux tiers des jeunes interrogés trouvent la contribution trop
élevée. Un jeune sur deux estime par ailleurs que le système fiscal français n’est
pas en capacité d’assurer efficacement sa fonction de redistribution des revenus.
Enfin, plus d’un quart partage l’opinion selon laquelle
« il est justifié de tricher sur
ses impôts si cette possibilité existe »
, dénotant un consentement à l’impôt moins
marqué que dans le reste de la population.
Un renforcement des actions de sensibilisation à l’impôt, en lien avec l’Éducation
nationale, pourrait donc permettre une meilleure connaissance par les jeunes du
système fiscal et une meilleure adhésion à l’impôt.
124
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
125
L’ENTRÉE DES JEUNES DANS L’IMPôT SUR LE REVENU
Recommandations
La Cour adresse les recommandations suivantes au ministère
chargé du budget et des comptes publics :
1.
remplacer l’abattement en faveur des contribuables
ayant des enfants majeurs mariés ou chargés de
famille rattachés à leur foyer fiscal par l’attribution
des mêmes parts de quotient familial que pour les
jeunes célibataires (recommandations réitérée) ;
2.
dès leur majorité, adresser un courrier d’information aux
jeunes les incitant à activer leur espace numérique personnel ;
3.
harmoniser les modalités de déclaration des revenus
des jeunes faisant l’objet d’exonérations ;
4.
promouvoir une sensibilisation à l’impôt afin de familiariser
les jeunes, y compris avant leur majorité fiscale, aux grands
principes sur lesquels repose le système fiscal français.
127
3.
Les jeunes et la justice
pénale
La délinquance des jeunes compris dans la tranche d’âge
de 15 à 25 ans occupe une place importante dans le débat
public. La Cour a analysé la réponse de la justice pénale
à partir du moment où les affaires sont transmises aux
parquets, jusqu’à l’exécution des peines. Les politiques de
prévention de la délinquance et de protection de l’enfance,
ainsi que l’action des forces de sécurité, n’entrent pas dans
le champ de l’analyse.
Cette réponse pénale n’est pas homogène sur la tranche
d’âge considérée. Elle obéit en effet à des principes
particuliers pour les mineurs, qui conduisent à une justice
individualisée, alors qu’à partir de 18 ans, elle privilégie
davantage la rapidité de la réponse pénale et une prise en
charge de droit commun.
Chiffres clés
128
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Les 8,2 millions de jeunes de 15 à 25 ans constituent
12 % de la population française, ils représentaient
26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis
et 35 % des condamnés en 2023
61
%
c’est la part de jeunes
de 15 à 25 ans parmi
les condamnés
pour infractions à
la législation sur les
stupéfiants
9,4 mois
pour les mineurs, les délais de jugement
sont passés de 23 mois en moyenne
après les faits en septembre 2021 à
9,4 mois en septembre 2023, à la suite
de la réforme du code de la justice
pénale des mineurs
6
,6 %
c’est le taux de peines
d’emprisonnement (en tout ou
partie fermes) sur l’ensemble des
peines prononcées à l’encontre
des mineurs en 2022. Ce taux est
de 22,5 % pour les majeurs.
45
%
des jeunes de 15 à 25 ans
condamnés sur la période de
2010 à 2022 l’ont déjà été au
moins une fois dans leur passé
Source : ministère de la justice,
SG, SSER, fichier statistique Cassiopée
(données au 31 mars 2024)
LES JEUNES ET LA JUSTICE PÉNALE
129
I.
La délinquance des jeunes, un phénomène
difficile à caractériser
La délinquance des jeunes de 15 à 25 ans est difficile à appréhender. Les défaillances
des systèmes d’information du ministère de la justice s’ajoutent à la difficulté
méthodologique d’identifier un indicateur pertinent et objectif.
Généralement retenu, le nombre de mis en cause dépend d’une multiplicité de
facteurs qui s’ajoutent au comportement des jeunes : activité des forces de police,
sévérité de la loi pénale, etc. Sa baisse de 18,2 % depuis 10 ans résulte notamment
de la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles pour l’usage illicite de
produits stupéfiants.
En dépit de cette évolution, les jeunes de 15 à 25 ans restent surreprésentés dans
la population pénale. Alors qu’ils constituent 12 % de la population française, ils
représentent 26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis et 35 % des condamnés.
GRAPHIQUE N° 1 | Répartition des mis en cause par type d’affaires
en 2014 et 2023
Source : ministère de la justice,SG,SSER, fichier statistique Cassiopée (données au 31 mars 2024)
II.
L’âge de la majorité, une rupture
qui conditionne la réponse pénale
La spécificité de la politique pénale à l’égard des mineurs répond à trois principes
inscrits dans le bloc constitutionnel et dans la convention universelle des droits de
l’enfant du 20 novembre 1989, dont la France est partie : la présomption de non
discernement, le jugement par un tribunal spécialisé (le juge des enfants) et la
primauté de l’éducatif sur le répressif.
Pour les jeunes majeurs, les procédures de jugement relèvent du droit commun et sont
plus rapides, s’appuyant largement sur des ordonnances pénales, des comparutions
sur reconnaissance préalable de culpabilité et des comparutions immédiates.
2
%
1
%
18
%
9
%
21
%
32
%
18
%
1 Atteinte à la personne humaine
2 Atteinte aux biens
3 Circulation et transport
4 Atteinte à l'autorité de l
’É
tat
5 Infraction à la législation des stupéfiants
6 Atteintes économiques, financières et sociales
7 Atteinte
à l'environnement
1
%
11
%
12
%
27
%
26
%
22
%
1 %
Les alternatives aux poursuites sont plus fréquentes dans les affaires impliquant
des mineurs (55,5 % en 2023) que dans celles impliquant des jeunes majeurs
(29,8 %). De même, les alternatives à l’incarcération et les mesures éducatives
constituent la majorité des peines prononcées pour les mineurs. En 2022, moins
de 7 % des peines prononcées par les juridictions pour mineurs de première
instance (soit 3 313) étaient des peines d’emprisonnement ferme ou en partie
ferme. L’incarcération est plus fréquente pour les personnes majeures : elle
représente plus de 22% des peines prononcées.
Lorsque la condamnation est prononcée, ses conditions d’exécution diffèrent
également sensiblement. La rupture concerne tant le suivi des jeunes que les
modalités de leur prise en charge. Les jeunes basculent de la prise en charge par
les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, où leur emploi du temps
est imposé, au monde de la prison des adultes, où leur autonomie individuelle est
plus importante, mais leurs conditions de détention très dégradées.
Des mesures ont été prises pour atténuer les effets de ce changement. Elles restent
toutefois peu développées et insuffisantes pour atténuer l’impact du passage à la
majorité.
III.
Une efficacité réduite, un approfondissement
nécessaire des politiques partenariales
Malgré des moyens publics estimés par la Cour à au moins 2 Md€ par an, l’efficacité
de la politique pénale à destination des jeunes de 15 à 25 ans paraît limitée. Les
études, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives, convergent pour constater
qu’elle peine à endiguer les parcours délinquants. Sur la période de 2010 à 2022,
le taux de jeunes de 15 à 25 ans condamnés en état de récidive ou de réitération
légales
1
est resté stable, autour de 45 %. En outre, le taux de récidive chez les
jeunes est, de manière constante, plus élevé que dans le reste de la population
condamnée.
130
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
1.
La récidive légale correspond à la commission, dans une période de dix ans après la condamnation pour
un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement par la loi, d’un crime ou délit puni de la même peine
(articles 132-8 à 11 du code pénal). Il y a réitération lorsqu’une personne, déjà condamnée, commet une
nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale (article 132-16-1 du code pénal).
LES JEUNES ET LA JUSTICE PÉNALE
131
GRAPHIQUE N° 2 | Taux des personnes condamnées en état de récidive
ou de réitération selon leur âge
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de la justice
Les outils d’évaluation dont dispose l’État pour comprendre ce phénomène
et adapter les outils de sa politique sont trop faibles. Les quelques études
disponibles montrent pourtant que des améliorations sont nécessaires. Elles
illustrent l’importance de certains facteurs clefs dans l’entrée dans les parcours
délinquants et montrent que les articulations avec d’autres politiques publiques
sont insuffisantes, notamment en matière de sécurité, de santé et de protection
de l’enfance. Il est également indispensable de déployer une action précoce à
l’égard des familles.
46 %
44 %
42 %
40 %
38 %
36 %
34 %
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Autres
15-25 ans
Recommandations
La Cour adresse au ministère de la justice les recommandations
suivantes :
1.
après évaluation, promouvoir les dispositifs de prise
en charge et de suivi afin de mieux accompagner le
passage à la majorité des jeunes sous main de justice ;
2.
renforcer les outils d’évaluation de la politique
pénale à destination des jeunes ;
3.
renforcer les coopérations entre le ministère de la
justice et les autres acteurs de la prise en charge
des mineurs et des majeurs délinquants.
132
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
133
4.
L’Éducation artistique
et culturelle au
bénéfice des élèves de
l’enseignement scolaire
Tout au long de leur scolarité, les élèves doivent bénéficier
d’un parcours d’éducation artistique et culturelle, qui
« associe la fréquentation des œuvres, la rencontre
avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition
de connaissances »
. Ce parcours repose sur un socle
d’enseignements artistiques, obligatoires à l’école et au
collège, et proposés comme spécialité ou en option au lycée.
Ces enseignements sont prolongés par des partenariats
avec des acteurs culturels et soutenus par les collectivités
territoriales.
La Cour des comptes a mené en 2024 une évaluation de cette
politique publique, classée parmi les
« politiques prioritaires
du gouvernement »
et dont l’enjeu principal est la réduction
des inégalités culturelles.
Chiffres clés
collégiens
84 %
134
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
3,5
Md€
ont été dépensés en matière
d’éducation artistique
et culturelle (EAC) en 2023
57
%
des élèves ont
bénéficié d’une action
EAC en 2023-2024
72
% des élèves
du second degré (tous ministères
confondus) ont bénéficié d’une action
EAC financée par la part collective
du pass Culture en 2023-2024
12 582
acteurs culturels sont
référencés au titre de
la part collective du
pass Culture, début 2024
écoliers
39 %
lycéens
74 %
Source : les dépenses des collectivités territoriales sont estimées d’après les réponses au questionnaire
de la Cour des comptes
Source : SAS pass Culture
}
dont :
COLLECTIVITÉS
520 M€ - 650 M€
ÉTAT
près de 3 Md€
DÉPARTEMENTS
70 M€ - 110 M€
BLOC COMMUNAL
420 M€ - 490 M€
RÉGIONS
30 M€ - 50 M€
135
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
I.
Une politique évolutive, élevée au rang
de priorité gouvernementale
De nouveaux outils concourent à l’objectif de généralisation de l’éducation
artistique et culturelle. L’application Adage, déployée depuis janvier 2020,
fournit aux enseignants toute l’offre culturelle géolocalisée et l’accès à la part
collective du pass Culture pour financer leurs projets au collège et au lycée (à
hauteur de 25 € par collégien, 30 € par élève de seconde ou préparant le certificat
d’aptitude professionnelle et 20 € par élève de première et de terminale).
Cette nouvelle ressource, de 51 M€ en 2023, vient compléter les moyens déjà
conséquents engagés dans cette politique : 3 Md€ pour l’État en 2023 et un effort
estimé par la Cour de 520 à 650 M€ pour les collectivités locales.
GRAPHIQUE N° 1 | Estimation des dépenses d’éducation artistique et culturelle
en 2023 (en M€) hors dépenses fiscales
Source : calcul Cour des Comptes d’après réponses des ministères, collectivités et rapport annuel de
performances (RAP) du programme 361
La priorité officielle accordée à l’éducation artistique et culturelle a eu pour effet
d’inciter à la multiplication d’actions et de dispositifs dans des champs de plus
en plus étendus, dont l’appartenance à l’éducation artistique et culturelle peut
faire débat.
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
2 772
151
38
-
458
90
38
Ministère éduca
M
t
i
i
n
o
i
n
s
t
M
n
è
i
a
r
n
t
e
i
i
s
o
d
n
e
ale
tèr
l
e
a
d
c
e
u
l
l
t
’a
ure
g
B
ri
l
c
o
u
c
l
t
c
u
o
re
m
D
m
ép
u
a
nal
rtements
Régions
136
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
II.
Une mise en œuvre hétérogène selon
les établissements et les territoires,
une qualité variable par manque
d’un pilotage adéquat
L’éducation artistique et culturelle profite à une part croissante des élèves : 57 %
d’entre eux ont bénéficié d’au moins une action en 2023-2024 contre 42 % en
2022-2023. Cependant une sortie scolaire au spectacle ou au musée compte
autant que la participation régulière à un atelier de pratique artistique.
L’objectif de réduction des inégalités est encore loin d’être atteint : en 2023-2024,
79 % des lycéens ont bénéficié d’actions d’éducation artistique et culturelle dans les
voies générale et technologique mais seulement 64 % dans la voie professionnelle,
où se concentrent les élèves défavorisés.
GRAPHIQUE N° 2 | Proportion d’élèves ayant bénéficié d’au moins une action
d’éducation artistique et culturelle en 2023-2024 selon le niveau et la voie
d’enseignement
1
Source : Cour des comptes d’après données d’Adage
Date d’observation : 22 juillet 2024
Périmètre : tous ministères confondus
Les inégalités sont aussi territoriales : l’offre culturelle reste très inégale selon les
territoires et parfois plus limitée en milieu rural. Elle dépend aussi du volontarisme
des acteurs locaux.
1. Les données relatives aux lycées ne comprennent pas les élèves suivant une formation post bac, hors du
champ de l’évaluation.
84 %
79 %
64 %
39 %
90
%
80
%
70
%
60
%
50
%
40
%
30
%
20
%
10
%
0
%
Premier degré
Lycée Voie GT
Lycée Voie Pro
Collège
137
L’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
Pour optimiser le déploiement de l’éducation artistique et culturelle, la gouvernance
de cette politique doit assurer une collaboration efficace entre tous les partenaires
concernés. Or elle fait défaut au plan national, en l’absence d’un véritable pilotage
interministériel, et reste perfectible au plan local entre État et collectivités.
La création de la part collective du pass Culture a donné lieu au développement
d’une offre pléthorique (plus de 12 000 acteurs référencés, dont certains créés à
cette occasion), selon une logique de guichet.
Le cadrage du référencement, minimaliste, ne permet pas un contrôle effectif
de la qualité des actions destinées à un public jeune, financées sur fonds publics.
Ce contrôle, reposant exclusivement sur les enseignants, s’avère lacunaire, ce
qui favorise l’apparition d’actions opportunistes dans leur contenu (offrant un
lien distendu avec l’enseignement artistique et culturel), dans leur coût (certains
acteurs adaptant leur rémunération aux moyens disponibles), voire dans leur
existence même (certaines associations ou compagnies ayant été mises en place
pour bénéficier des financements du pass Culture).
III.
La nécessité de garantir aux jeunes
un parcours effectif, cohérent et de qualité
L’éducation artistique et culturelle est aujourd’hui très dépendante des initiatives
individuelles des enseignants. Aussi convient-il de l’organiser systématiquement à
l’école, au collège et au lycée. L’enquête a permis d’identifier des bonnes pratiques,
par exemple dans des établissements organisant par niveau le parcours de leurs
élèves, qui bénéficient tous d’un ou plusieurs dispositifs (cinéma, lecture, théâtre,
musique, etc.). L’accès de tous les élèves nécessite aussi l’implication personnelle
du directeur d’école ou du chef d’établissement.
L’engagement des enseignants est déterminant pour offrir à tous les jeunes
un parcours effectif d’éducation artistique et culturelle. Il convient donc de les
associer à une meilleure valorisation des enseignements artistiques, de mieux
les former et de faciliter la gestion de leurs projets.
Recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
tenir avant la rentrée 2025 et chaque année une
concertation nationale des ministères concernés
avec les collectivités territoriales
(ministère de
l’éducation nationale, ministère de la culture)
.
2.
dès la rentrée 2025, étendre à la totalité des classes
des écoles, collèges et lycées, une organisation
systématique de parcours d’éducation artistique et
culturelle, pilotée par le directeur d’école ou le chef
d’établissement
(ministère de l’éducation nationale)
.
3.
dès 2025, sécuriser réglementairement la procédure de
référencement dans le cadre de la part collective du pass
Culture et la resserrer autour de dispositifs nationaux ou
territoriaux incluant une procédure d’évaluation périodique
obligatoire
(secrétariat général du Gouvernement, ministère
de l’éducation nationale, ministère de la culture)
.
138
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Les synthèses ainsi que l’intégralité
du rapport public annuel 2025
sont disponibles sur le site internet de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
Le rapport est diffusé par la Documentation française :
Tél. : 01 40 15 70 10
www.vie-publique.fr/publications
Cour des comptes
13, rue Cambon
75100 Paris Cedex 01
Tél.
: 01 42 98 95 00
www.ccomptes.fr