ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ACCOMPAGNEMENT
SOCIAL GÉNÉRALISTE
DANS LES CAISSES
D’ALLOCATIONS
FAMILIALES ET LES
DÉPARTEMENTS
Rapport public thématique
Synthèse
Janvier 2025
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un enjeu de définition et de déploiement de l’activité .
7
2
Une mise en œuvre inaboutie du fait de lacunes du
pilotage et d’une intensité limitée de l’accompagnement
9
3
Un coût maîtrisé, des effets qui restent à établir
11
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Depuis 2015, les juridictions financières ont travaillé sur les principales prestations
sociales monétaires (en particulier l’allocation aux adultes handicapés et le
revenu de solidarité active ) . Les politiques d’aides sociales se caractérisent en
effet prioritairement par le versement de minima sociaux qui représentaient près
de 30 Md€ en 2021 .
Cependant, ces allocations ne suffisent pas toujours à résoudre durablement
les difficultés des personnes qui les perçoivent et assurer leur insertion dans la
société . Il est communément admis qu’en complément, l’action d’un travailleur
social, en ce qu’elle permettrait le développement des capacités et de l’autonomie
de ces personnes, rendrait plus efficaces les prestations monétaires sociales, voire,
dans le cas précis des allocataires du RSA, contribuerait à leur permettre de
quitter ce dispositif .
S’intéresser de manière spécifique à cet accompagnement social dit généraliste
s’inscrit donc dans le prolongement des précédents travaux des juridictions
financières . Les instructions ont porté sur deux institutions majeures du champ
social : les départements et les caisses d’allocations familiales . Une enquête a
également porté sur la formation des travailleurs sociaux .
Les pratiques des autres acteurs, en particulier des centres communaux d’action
sociale et des associations n’ont pas été examinées : leur action a toutefois été
abordée, sous l’angle des partenariats qu’ils forment avec les départements et les
Caf . L’échantillon, qui a retenu les mêmes territoires pour ces enquêtes, permet
d’illustrer le large éventail de situations existant au niveau national, sans pouvoir
prétendre à l’exhaustivité : le Lot, l’Hérault, la Meurthe-et-Moselle, la Somme, le
Val-de-Marne et le Val-d’Oise . L’ensemble de ces travaux est synthétisé dans le
présent rapport .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Un
enjeu de définition
et de déploiement de l’activité
Près de 18 000 travailleurs sociaux
diplômés d’État travaillent dans
l’accompagnement social généra-
liste pour le compte de tous les
départements (16 300 agents) et des
caisses d’allocations familiales (Caf)
(1 700 agents) . Ils interviennent dans
différents domaines, tels que l’appui
aux démarches administratives, l’accès
aux droits sociaux, l’aide à la gestion
du budget, le traitement de freins à
l’insertion socio professionnelle etc .
Pour accomplir leurs missions, ils
peuvent informer les personnes, les
orienter vers des dispositifs particuliers,
mais aussi intervenir dans leurs
milieux de vie, instruire des dossiers de
demandes d’aide, soutenir l’élaboration
de leurs projets . Cet accompagnement
représenterait, selon l’estimation des
juridictions financières, des coûts
annuels directs pour les Caf et les
départements de près d’1,2 Md€ .
L’accompagnement social généra-
liste, qui représente une composante
essentielle du travail social, n’a
pourtant pas de définition officielle
permettant de le distinguer notamment
d’une aide ponctuelle . À des fins de
comparaison et d’objectivation,
les juridictions financières ont donc
choisi de délimiter un périmètre qui
n’a pas de valeur normative mais
correspond dans les faits à une pratique
relativement consensuelle : il s’agit
de l’accompagnement social faisant
intervenir un travailleur social diplômé
d’État, s’inscrivant dans la durée,
suscitant l’adhésion de la personne
accompagnée et visant à la progression
de son autonomie .
Mais précisément, au-delà de
ces principes assez consensuels,
définir le contenu et le public de
l’accompagnement est un premier
impératif stratégique pour les
organismes, qui reflète le degré
de maturité de la politique menée .
Circonscrire précisément les
bénéficiaires, les objectifs et les étapes
de cette démarche constituent en
effet des préalables nécessaires à
son déploiement . La branche famille
d’un côté et les départements de
l’autre, abordent différemment ce
travail préalable, dans un contexte
d’intervention qui leur est propre .
Avec la décentralisation et l’émer-
gence des départements en tant
que chefs de file de l’action sociale
sur les territoires, la branche famille
a recentré ses interventions sur les
seules familles qui subissent divers
évènements dits « fragilisants » :
séparation, décès de conjoint
ou d’enfant, impayés de loyers,
monoparentalité . Elle a établi en
2019 une doctrine du travail social,
qui précise les caractéristiques de cet
accompagnement . Les Caf distinguent
ainsi les situations qui peuvent être
traitées en moins de trois rendez-
vous, de celles exigeant davantage
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
d’implication, et qui relèvent alors de
l’accompagnement social . Par ailleurs,
au fil de la dématérialisation des
procédures, elles ont réduit leur offre
d’accueil notamment en guichet pour
les prestations sociales, qui a pu se
reporter sur les départements . Leurs
effectifs de travailleurs sociaux ont ainsi
diminué de 10 % depuis 2018 . L’offre de
la branche est concentrée sur 3 % des
foyers allocataires : 150 000 familles
ont été suivies par les 101 Caf en 2022 .
Les départements, qui doivent quant
à eux accueillir de façon incondition-
nelle les publics, peinent souvent à
définir plus précisément la situation
d’accompagnement . Dans la plupart
des cas, ils n’ont pas formalisé de cadre,
ou seulement de manière parcellaire,
et sans objectifs chiffrés . Ainsi, au sein
des départements, des différences
fortes apparaissent en termes de
publics visés et de conception de la
sortie du dispositif (démarche définie
dans le temps ou processus illimité) .
L’effort de définition est d’autant plus
crucial que dans les faits, les flux de
personnes qui sollicitent les services
sociaux départementaux sont soutenus,
certains départements recevant en une
année l’équivalent de l’ensemble de la
population qui se trouve sous le seuil de
pauvreté . 80 000 familles sont suivies
dans les seuls quatre départements de
l’enquête pour lesquels l’information
est disponible .
Par ailleurs, la répartition des moyens
déployés pour l’accompagnement
au sein de chaque territoire concerné
devrait être réévaluée régulièrement, à
partir de l’analyse actualisée des besoins
économiques et sociaux des publics .
La conception de cette politique souffre
enfin des limites des partenariats entre
les acteurs . En particulier, les conventions
qui permettent aux départements de
déléguer l’accompagnement social à
des partenaires gagneraient à définir
précisément les modalités de répartition
des publics, pour davantage de lisibilité .
Par ailleurs, de nouvelles conventions
pourraient être signées avec les centres
communaux d’action sociale, afin
d’améliorer l’accessibilité du service
public en la matière .
Un enjeu de définition
et de déploiement de l’activité
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le pilotage de cette activité est souvent
défaillant, d’autant plus lorsqu’elle n’a
pas été précisément définie en amont .
Dans la branche famille, un outil
informatique spécifique a été déployé
dès 2016, afin de renseigner l’activité
des travailleurs sociaux . Il a précédé et
rendu possible la définition d’objectifs
chiffrés pour l’accompagnement
social . Dans les départements en
revanche, les systèmes d’information
pour suivre la mise en œuvre de
l’accompagnement social souffrent
de difficultés techniques, mais aussi,
parfois, d’un défaut d’appropriation par
les travailleurs sociaux .
Dès lors, l’activité d’accompagne-
ment dans les départements peine
à être documentée précisément,
et a fortiori à être pilotée (tableaux
d’activité, tableaux de bord) . La
simplification des processus et
la production d’outils de travail
harmonisés et opérationnels doivent
être engagés, pour toutes les étapes clef
de l’accompagnement : le diagnostic
initial, la définition des objectifs et des
actions à conduire dans un « contrat »,
et enfin l’établissement d’un bilan,
soit à intervalles réguliers soit à la fin
du processus d’accompagnement .
L’accompagnement, reposant sur
un échange interpersonnel singu-
lier et jouant sur des leviers d’ordre
psychologique, n’est pas un simple
processus administratif, mais il n’en
reste pas moins possible et nécessaire
de fixer un cadre permettant d’en
évaluer la charge, de la répartir et d’en
apprécier le degré de réussite .
Distinguer des publics nécessitant
un accompagnement plus soutenu
implique d’être en mesure de les
recevoir fréquemment : la Caisse
nationale des allocations familiales
(Cnaf) estime que huit à dix rendez-
vous peuvent être nécessaires . Malgré
cela, l’intensité de l’accompagnement
offert par les Caf est faible, avec un
nombre de rendez-vous, 3,9 par an
en moyenne, et d’actions proposées
aux personnes accompagnées très
en deçà . Alors que les Caf respectent
bien le ciblage vers les personnes
victimes d’« événements fragilisants »,
pour adapter le flux de personnes
accompagnées à leur capacité de
traitement, elles pratiquent des
relances plus ou moins insistantes dans
leur proposition d’intervention .
De même, d’après les données que la
Cour a reconstituées, les travailleurs
sociaux dans les départements
ne parviennent pas à proposer un
accompagnement d’une intensité
Une mise en œuvre inaboutie
du fait de lacunes du pilotage
et d’une intensité limitée
de l’accompagnement
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une mise en œuvre inaboutie du fait
de lacunes du pilotage et d’une intensité
limitée de l’accompagnement
suffisante aux bénéficiaires : le nombre
de rendez-vous donné par an et par
bénéficiaires est de 3,7 .
Dans les départements comme dans
les Caf, la faible intensité de l’accom-
pagnement résulte, d’une part, de
difficultés à pourvoir les postes sur
certains territoires, par manque
spécifique d’attractivité, d’autre part
du faible nombre de rendez-vous
moyens assurés par les professionnels,
entre 1,1 et 1,6 par jour en moyenne,
en-deçà des attentes notamment par
rapport au référentiel prescrit par
la branche famille (416 rendez-vous
par an, soit 2,10 rendez-vous par
jour en moyenne) . Cette situation
peut avoir plusieurs causes . Les
travailleurs sociaux rencontrés
mettent en avant l’accroissement des
tâches administratives qu’ils doivent
réaliser (notamment à cause de la
dématérialisation des procédures qui
s’est accompagnée de la fermeture
de guichets d’accueil dans différents
organismes) . Cette situation résulte
aussi de défauts d’organisation et peut
poser également la question de la
productivité individuelle dans certains
départements .
Face à ces constats, une série d’évolu-
tions des pratiques professionnelles,
en particulier sur l’informatisation, le
rôle de l’encadrement intermédiaire
et la culture du reporting doit être
envisagée . Ces évolutions devraient non
seulement figurer parmi les priorités
des employeurs, mais également être
largement abordées lors de la formation
initiale des travailleurs sociaux, qui
doit être davantage tournée vers ces
impératifs qu’elle ne l’est aujourd’hui .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Un coût maîtrisé, des effets
qui restent à établir
Le coût de l’accompagnement est
globalement maîtrisé sur la période,
dans les Caf comme dans les dépar-
tements de l’échantillon retenu par
l’enquête et pour lesquels les données
sont disponibles . En 2022, le coût
annuel d’un accompagnement social
par bénéficiaire est d’environ 1 200 €,
dans les départements pour lesquelles
l’information est disponible, et de
1400 € dans les Caf . La progression
des dépenses associées entre 2018
et 2022 dans les Caf (+8,5 %) et dans
les départements étudiés (+11,6 % à
+13,6 %, sauf dans le département du
Val-de-Marne où la baisse observée de
-5,5 % résulte de difficultés spécifiques
à pourvoir les postes) est globalement
maîtrisée par rapport au niveau de
l’inflation cumulée sur la même période
(+10,6 %) .
La mobilisation de moyens supérieurs
à un milliard d’euros dans les seuls
départements justifie cependant un
dispositif de suivi et de mesure des
effets produits par ces interventions
aujourd’hui inexistant . Or ni les
départements ni les Caf n’assurent de
suivi attentif des processus de sorties
des personnes accompagnées, ou de
leurs trajectoires après la sortie . Ils
ne disposent pas non plus d’outils de
mesure systématique de la satisfaction
des acteurs, les travailleurs sociaux
comme les personnes accompa-
gnées . Le travail d’interrogation de
bénéficiaires réalisé par la Cour livre
un résultat paradoxal : ceux-ci sont
satisfaits de l’accompagnement reçu,
tout en observant que leurs difficultés
de fond (logement, emploi, etc .) n’ont
pas été résolues .
Départements et Caf disposent encore
moins d’études scientifiques pour
établir de manière rigoureuse les effets
de l’accompagnement social . De tels
dispositifs sont pourtant indispensables
pour identifier et valoriser les pratiques
les plus efficaces, mais aussi pour
abandonner celles qui ne produisent pas
de résultat significatif sur les trajectoires
de vie des bénéficiaires .
Au total, les expériences réalisées et
constatées dans la présente enquête
montrent qu’il est possible de définir,
de piloter, et d’évaluer le travail
d’accompagnement social . Lorsqu’un
tel cadre a été mis en place, il convient
ensuite de veiller à sa bonne mise en
œuvre et à son déploiement, ce qui
implique de résoudre de manière
cohérente l’équation qui lie les
personnels affectés, la nature de
l’accompagnement attendu, et la cible
de publics visés, à la fois au niveau
agrégé, et de manière homogène
dans le territoire considéré .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Coût pour l’ensemble
des Caf et des départements
(estimation basse)
1,2 Md€
2 millions
de personnes suivies
par les départements
150 000
familles par les Caf
18 000
travailleurs sociaux
généralistes :
16 300
dans les départements,
1 700
dans les Caf
Nombre de rendez-vous annuels
assuré par le travailleur social
avec la personne accompagnée :
3,7
dans les départements
3,9
dans les Caf
Accompagnement
social généraliste
Un coût maîtrisé, des effets
qui restent à établir
Source : Cour des comptes
L’accompagnement social généraliste en chiffres
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Définir l’accompagnement social,
formaliser ses étapes et son contenu,
fixer ses objectifs, notamment chiffrés,
pour
assurer
son
application
uni-
forme sur le territoire départemental
(
départements
) .
2.
Cibler de manière plus précise et
objective les publics qui devraient
bénéficier
d’un
accompagnement
(
départements
) et en augmenter l’in-
tensité en l’adaptant au besoin des
bénéficiaires, en nombre et fréquence
des rendez-vous et d’actions proposées
(
départements et Caisse nationale des
allocations familiales
) .
3.
Augmenter le nombre de rendez-
vous assurés en moyenne dans l’année
par les travailleurs sociaux, et définir
un objectif de nombre de familles
suivies par chacun d’eux simulta-
nément
(
départements
et
Caisse
nationale des allocations familiales
) .
4.
Formaliser systématiquement un
bilan de l’accompagnement social à
intervalle régulier et avant la sortie du
dispositif et assurer le suivi des sorties
(
départements et Caisse nationale des
allocations familiales
) .
5.
Réaliser des études de trajectoires
des personnes accompagnées et éva-
luer les effets de l’accompagnement,
le cas échéant en mutualisant ces
travaux entre Caf et départements et
entre départements, en partenariat
avec les administrations compétentes
(
départements et Caisse nationale des
allocations familiales
) .
6.
Assurer ou achever le déploiement
des systèmes d’information et garantir
leur appropriation par les travailleurs
sociaux pour piloter l’activité d’accom-
pagnement social et améliorer sa
qualité au profit des bénéficiaires
(
départements
) .
7.
Veiller à l’équité de l’offre d’accom-
pagnement sur le territoire en ré-
partissant les effectifs de travailleurs
sociaux en fonction des besoins (
Caisse
nationale des allocations familiales
) .