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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LES FINANCES
PUBLIQUES
LOCALES 2024
Rapport sur la situation financière
et la gestion des collectivités
et de leurs établissements
Fascicule 1
Juillet 2024
Les finances publiques locales 2024 - Fascicule 1 - juillet 2024
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RÉPONSES
DES
ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES
CONCERNÉS
Réponses reçues
à la date de la publication (22
juillet
2024)
Réponse de la présidente de Régions de France
.........................................
4
Réponse du président de Départements de France
....................................
12
Réponse du président d’Intercommunalités de France
.............................
17
Réponse de la présidente de France Urbaine
............................................
21
Réponse du président de l'Association des maires de France (AMF)
.......
24
Réponse du président de Villes de France (VdF)
.....................................
39
Réponse du président de l'Association des petites villes
de France (APVF)
.....................................................................................
41
Destinataires n’ayant pas
répondu
Monsieur le Premier ministre
Monsieur le président de l’Association des maires ruraux de France
(AMRF)
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4
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE RÉGIONS DE FRANCE
Les observations formulées par la Cour appellent de ma part des
réponses sur la situation financière des régions en 2023 (I), sur la
participation des collectivités territoriales au redressement des finances
publiques (II) ainsi que sur la situation financière des collectivités et
r
égions d’
outre-Mer (III).
I. La situation financière des régions en 2023
Les conclusions de la Cour concernant l’évolu
tion des finances
régionales rejoignent les alertes émises par Régions de France tout au long
de l’année 2023, à savoir « une situa
ti
on financière en repli » qui « s’est
dégradée en 2023 sous l’ef
fet du ralentissement
des produits et d’une
accélération des charges de fonctionnement ».
Régions de France partagent ainsi le constat de la Cour estimant
que les régions ont été « pénalisés en 2023 par la composition de leurs
recettes ». La Cour souligne ainsi une « dynamique ralentie » de TVA pour
l’année 2023, dont les rece
tte
s ont été plus dégradées qu’an
ticipées. La
fraction de TVA allouée aux régions, qui représente désormais 54,7 % de
leurs recettes de fonctionnement, a enregistré une croissance de + 2,76 %
en 2023, soit une progression inférieure à l’infla
tion constatée. Il est utile
de rappeler que les prévisions budgétaires anticipaient une croissance de
+ 5,1 % en LFI 2023, actualisée à + 3,7 % en PLF 2024, soit un différentiel
de près de 370
M€ pour les
régions par rapport aux prévisions initiales.
De la même manière qu’en 2023, une « régularisa
tion négative
interviendra en 2024 au titre
d’un excès de versement » et qui ne pourra
malheureusement pas être imputée comptablement sur l’exercice 20
23,
affectant ainsi sa sincérité. Afin d’éviter à l’avenir ces régularisa
tions
affectant le budget N+1 de la collectivité, Régions de France se félicite que
le Gouvernement ait repris au sein de la LFI 2024 une demande formulée
par les régions visant à ce
que « l’ensemble des frac
tions de TVA (soient)
régularisées au fil de l’eau en cours d’année en fonc
tion des recettes
effecti
ves, comme c’est le cas depuis l’origine de la TVA qui a remplacé la
DGF des régions ». Les régions demandent également que cette évolution
positi
ve s’accompagne d’une informa
tion accrue et plus régulière de la
part des services de l’État pour une rece
tte qui représente plus de la moitié
de leurs ressources. À ti
tre d’illustra
tion, les collectivités territoriales
n’ont pas été informé
es, notamment lors de la réunion du Haut conseil des
finances publiques locales en date du 9 avril dernier, de la révision à la
baisse de la prévision de TVA pour 2024 par le PSTAB 2024/2027
(+ 3,2 %) par rapport aux prévisions de la LFI 2024 (+ 4,5 %).
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ET PERSONNES CONCERNÉS
5
Co
ncernant l’évolu
tion des autres recettes des régions, les parts
variables de TICPE perçues par les régions enregistrent une baisse de
-
100 M€ en 2023 « sous l’effet de la diminu
tion de la consommation » des
carburants. Cette tendance baissière devrait se poursuivre en 2024 selon
le PSTAB 2024/2027. Par ailleurs, un rapport intermédiaire de la direction
générale du Trésor publié en décembre dernier, et portant sur « les enjeux
économiques de la transition vers la neutralité carbone », anticipe une
baisse du produit de TICPE de
42 % à horizon 2030 et une extinction en
2050. Pour les régions, qui perçoivent environ 1,1
Md€ de frac
tion de
TICPE correspondant à des parts variables selon la consommation des
carburants, cette baisse conduirait à une perte de recettes pour elles de
460
M€ à horizon 2030 et donc de 1,1
Md€ en 2050. Le produit de la taxe
sur les certi
ficats d’immatricula
tion a enregistré une hausse de + 7,6 % en
2023 mais, comme le rappelle à juste titre la Cour, « son montant (2
Md€)
reste toutefois inférieur à celui des années 2017 à 2021 » (son produit avait
atteint 2,3
Md€ en 2019). Ce
tt
e hausse résulte à la fois d’une reprise de la
vente de véhicules neufs en 2023 et de mesures fiscales décidées par
plusieurs Régi
ons (suppression de l’exonéra
tion pour les véhicules
hybrides et / ou relèvement du tarif du cheval fiscal).
Toutefois comme la Cour le rappelle, la plupart des régions « ont
régulièrement augmenté le prix du cheval fiscal, ce qui réduit les marges
possibles de relèvement ultérieur dans la limite du plafond national (de
60
€) ». En raison de la non
-compensation aux r
égions de l’exonéra
tion de
droit de cartes grises pour les véhicules 100 % électriques depuis 2020,
dont la part dans la vente de véhicules neufs est passé de 2 % en 2019 à
17 % en 2023, soit une potentielle moindre recette pour les régions de
- 68
M€ en 2023
1
, le produit de cette taxe est appelé à décroitre
inexorablement au cours des prochaines années (la LFI 2024 prévoyant
une baisse de - 5,6 % en 2024).
S’agissant des dépenses de fonc
tionnement des régions, elles ont
augmenté de + 5,2 %. Cett
e hausse, de près d’1,2
Md€, traduit
l’augmenta
tion des dépenses énergétiques supportées par les régions,
principalement dans le secteur des transports et des lycées. La Cour
souligne à ce ti
tre que « à l’instar de 2022, la hausse des achats a
principalement concerné les contrats de prestation de service de transport
(+ 0,6
Md€, soit + 27,7
% en 2023 et + 0,9
Md€, soit + 48,5
% depuis
2019). La hausse constatée en 2023 correspond pour partie à la prise en
charge des surcoûts des hausses d’énergie des contrats avec la SNCF au
ti
tre de l’année 2022 » et que « Les dépenses d’eau, énergie et chauffage
1
Montant estimé à partir d’un niveau de vente de 301 703 véhicules 100
% électriques en 2023,
d’une moyenne de 5 CV par véhicule et d’un montant moyen du CV de 45
€.
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directement prises en charge par les budgets des régions ont également
fortement augmenté (+ 0,1
Md€, soit + 69,6
%). Sous l’effet de la hausse
de ces dépenses par les lycées, leurs dotations de fonctionnement ont
fortement crû en 2023 pour la seconde année consécutive (+ 0,2
Md€, soit
+ 16,9 % en 2023 après + 0,1
Md€, soit + 7,7
% en 2022) ».
Concernant les dépenses de personnel, la hausse constatée de
+ 4,5 % en 2023 découle principalement des mesures salariales en faveur
des agents publics décidées par le Gouvernement en 2022 et 2023 : elles
se traduisent par une augmentation cumulée des dépenses régionales de
près d’un demi
-
milliard d’euros entre 2022 et 2024. Régions de France
tient à rappeler que les dépenses de personnel des régions représentent
seulement 6,12
% des dépenses de personnel de l’ensemble d
es
collectivités en 2023 contre 6,13 % en 2022 alors que les régions
représentent 12
% de l’ensemble des dépenses de fonctionnement des
collectivités. Par ailleurs, les régions ont une maitrise rigoureuse de leurs
dépenses de personnel comme en atteste la part des dépenses de personnel
rapportée à l’ensemble de leurs dépenses de fonc
tionnement, qui est en
baisse de - 0,2 % entre 2023 et 2022 (passant de 18,88 % à 18,85 %) mais
également par rapport à 2016 (18,97 %) alors même que les régions ont
intégré au cours de cette période le transfert des compétences transports
scolaires et interurbains et de développement économique.
Ainsi, les dépenses de fonctionnement des r
égions, sous l’effet de
l’infla
tion, ont progressé plus rapidement (+ 1,2
Md€) que leurs re
cettes
(+ 0,9
Md€) qui ont connu un fort ralen
tissement entrainant une
dégradation de leur épargne brute, en recul de - 5,8 % par rapport à 2022
(soit - 300
M€) et de
- 9,2 % par rapport à 2019 (soit - 600
M€). Le taux
d’épargne brute pour l’ensemble des
régions diminue de - 6,1 % entre
2022 et 2023, la Cour relevant que ce dernier « a diminué dans plus de la
moitié des régions en 2023 ». Comme la Cour le constate, « Compte tenu
de la poursuite de l’augmenta
ti
on des remboursements d’emprunts en 2023
(2,3 Md
€, soit + 0,2
Md€ ou + 8
%), l’épargne ne
tte (3,6
Md€) s’est
dégradée (- 0,5
Md€, soit
- 12,8 %). Elle est moins élevée (de - 5,2 %) que
la moyenne des années 2017 à 2022 » et que cette dernière « a baissé dans
un nombre plus important de régions en 2023 (
dix) qu’en 2022 (quatre) ».
Régions de France souligne que les r
égions n’ont pas bénéficié en 2022,
ni en 2023, des dispositifs visant à compenser partiellement aux
collecti
vités la hausse des coûts de l’énergie, ni des 100
M€ à des
tination
des AOM en 2023 alors que leur situation financière actuelle est
structurellement plus dégradée que celle des collectivités bénéficiaires.
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Malgré un recul sensible de leur épargne nette, ainsi que la Cour le
souligne, « les dépenses réelles d’inves
tissement des régions (14,2
Md€)
ont fortement augmenté en 2023 (+ 0,8
Md€, soit + 6,3
%, après - 0,1
Md€,
soit - 0,7 % en 2022 ». Les régions maintiennent ainsi des dépenses
d’inves
tissement à un niveau historique et qui, « hors fonds européens,
apparaissent avoir dépassé d’
un quart celles des années 2016 et 2017 qui
suivaient les élections régionales ». Ces investissements sont cruciaux pour
soutenir la décarbonation de notre économie et la transition écologique.
Comme la Cour le relève, « Sur un plan fonctionnel, les transports sont le
premier poste d’inves
tissement des régions (3,6
Md€) » avec un
«
doublement des dépenses d’inves
tissement consacrées aux transports
publics de voyageurs depuis 2017 et d’une hausse d’un
tiers depuis 2019 ».
De plus, « les dépenses d’inves
tisse
ment dans l’enseignement du second
degré dépassent ainsi d’un cinquième celles de 2020 » en finançant
principalement les rénovations énergétiques des lycées.
En raison de la forte baisse de leur épargne nette et afin de
maintenir ce haut niveau d’inves
ti
ssement indispensable à l’a
tteinte des
objectifs de la France en matière de transition écologique, les régions ont
accru leur recours à l’emprunt en 2023 se traduisant par une dégrada
tion
de leur ratio de désendettement qui dépasse le niveau atteint en 2020 lors
de la crise sanitaire, soit 6,1 ans, alors que ce dernier s’était amélioré en
2021 et 2022. La Cour constate également que « pour la seconde année
consécutive, les régions ont puisé dans leur trésorerie pour financer leurs
investissements (- 0,9
Md€ en 2023, après
- 2,8
Md€ en 2022) » et que le
solde de leur compte au Trésor (1,7
Md€) a
tteint son plus bas niveau
depuis 2017.
Régions de France souscrit ainsi au constat de la Cour estimant que
« devant les incertitudes qui affectent leur situa(on financière en 2024, les
collectivités disposent de pouvoirs inégaux sur les recettes » où « les
régions disposent de pouvoirs fiscaux réduits (majora(on du tarif de l’une
des fracti
ons de l’accise sur les produits énergé
tiques - ex-TICPE - et de
celui de la
taxe d’immatricula(on des véhicules automobiles) », ces deux
recettes régionales étant par ailleurs confrontées à une baisse structurelle,
nécessitant une évolution du modèle de financement des régions.
Ces constats sont également repris par I4CE et La Banque Postale
au sein de leur étude « Collectivités locales : comment financer
l’accélération des investissements climats ». Ce rapport conclut que « Les
régions, sur lesquelles reposent notamment de très lourds investissements
ferroviaires, font en particu
lier très vite face à d’importantes difficultés :
le délai de désendettement de ces dernières s’établit ainsi selon les
scénarios entre plus de huit ans et plus de douze ans en 2030, contre moins
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de six ans aujourd’hui ». L’étude émet deux hypothèses consi
stant soit à
« diminuer la contribution, des régions pour les infrastructures et le
matériel roulant, à condition d’avoir identifié les acteurs en capacité de
prendre le relais (État, Union européenne...) », soit à « revoir
l'architecture budgétaire des conseils régionaux en leur allouant de
nouvelles ressources ».
Ainsi, sans affectation de nouveaux financements dynamiques, les
Régions seront contraintes de revoir à la baisse leurs investissements.
C’est la raison pour laquelle Régions de France réitère s
es demandes
visant d’une part à recentraliser les parts régionales de TICPE et de la
taxe sur les certificats d’immatriculation et les remplacer par une fraction
de fiscalité dynamique, d’autre part à assurer le financement des mobilités
et faire évoluer le modèle économique des péages ferroviaires, enfin à
engager sans délai un travail approfondi sur le financement de la
transition écologique.
II. La participation des collectivités au redressement
des finances publiques
La Cour relève « une contribution incertaine des collectivités au
redressement des finances publiques » au regard des objectifs fixés par la
LPFP 2023/2027. Dans ce cadre, l’ar
ticle 17 de la LPFP a fixé un objectif
d’évolu
tion des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales
de + 4,8 % en 2023 qui a été dépassé par les collectivités prises dans leur
ensemble en 2023.
Toutefois, afin d’établir des comparaisons annuelles à périmètre
constant, Régions de France ti
ent à rappeler qu’il convient de retraiter les
effets de périmètr
e et les dépenses qui s’imposent aux
régions : poursuite
du transfert FEADER et Natura 2000, gestion des fonds européens, péages
ferroviaires, protocole État/régions en faveur des formations sanitaires et
sociales, fonds européens...
Les administrations publiques locales (APUL) ont dégagé un solde
négatif de - 9,9
Md€ en 2023, soi
t - 0,4 % en point de PIB contre - 0,3 %
att
endu en LPFP 2023/2027. Ce faible écart s’explique en premier lieu par
une atonie des recettes des collectivités et pour les régions, comme cela a
été développé précédemment, par une progression de ces dernières
inférieures
à l’infla
tion. Les collectivités sont ainsi confrontées à une
problématique de volatilité de leurs recett
es, sur lesquelles elles n’ont pas
pratiquement plus de marge
de manœuvre, ne disposant d’aucun pouvoir
de taux, et non à une problématique de non-maîtrise de leurs dépenses. Au
sein des APUL, le solde négatif des seules collectivités territoriales est de
-
5,5 Md€, soit moins de 0,2
% de PIB. Si l’on se réfère aux t
ableaux de la
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ET PERSONNES CONCERNÉS
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Cour présentés aux pages 47 et 48, au cours de la période 2019/2023, les
collectivités territoriales ont dégagé un solde cumulé positif de + 1,9
Md€
alors que l’État a dégagé un solde néga
tif cumulé de - 690,7
Md€ au cours
de cette même période. Les collectivités territoriales ne sont pas donc
responsables du déficit de la nation comme en atteste également la stabilité
de la part de la dette des APUL qui, comme la Cour avait pu le relever
dans son rapport public annuel 2023, est passée « de 9,4 points de PIB en
1994 à 8,4 points de PIB en 2021 ».
Le poids de la dett
e des APUL rapporté à l’ensemble de la de
tte
publique est également en diminution de - 2,5 % entre 2022 et 2023
(passant de 8,28 % à 8,07 %).
Cette maîtrise des grands équilibres budgétaires reflète la bonne
gestion des élus locaux mais également les règles de comptabilité qui
s‘appliquent aux collec
tivités, qui comme la Cour le rappelle et
contrairement à l’État, « ne peuvent emprunter pour financer des dépenses
de fonctionnement, qui comprennent la charge en intérêts de leur
endett
ement financier » et qu’elles « doivent consacrer leurs emprunts au
seul financement de dépenses d’inves
ti
ssement ; contrairement à l’État, elles
ne peuvent emprunter pour rembourser des emprunts arrivés à échéance ».
Régions de France conteste par ailleurs le constat de la Cour
estimant que « Le non-
respect de l’objec
ti
f de concours financiers de l’État
fixé par les LPFP aurait pu être évité si la hausse de certains concours
intégrés à la norme
notamment la DGF en 2023 et 2024 et la
compensation de la réduction de moitié des bases des locaux industriels
avait été mieux compensée par la réducti
on d’autres concours désignés
sous le terme de « variables d’ajustement » ». Régions de France conteste,
de façon constante, la dénominati
on de « variables d’ajustement », qui ne
correspond à aucune réalité juridique. Il s’agit, dans les deux cas, de
recettes à part entière, déjà moins favorables que celles auxquelles elles se
sont substituées, des budgets régionaux : la DCRTP et la DTCE sont des
dotations figées versées en compensati
on de la suppression d’impôts
locaux dynamiques. Ainsi, entre 2017 et 2024, par la baisse de ces
variables d’ajustement, les budgets des
régions ont subi une ponction
cumulée de 1,826
Md€, contribuant d’autant à la réduc
tion du déficit
public sur la même période. En effet, ces prélèvements opérés sur les
budgets régionaux visent en premier lieu à financer des mesures à
destinati
on du bloc communal à la place de l’État alors que dep
uis 2020,
comme la Cour a pu le constater au sein de ses rapports annuels sur les
finances publiques locales, la situation financière des régions est plus
dégradée que celle du bloc communal dans son ensemble.
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COUR DES COMPTES
10
Enfin, je tiens à rappeler que les r
égions n’
ont à aucun moment été
associées à la préparation des objectifs fixés par la LPFP 2023/2027. Elles
n’en partagent pas l’esprit, pour ce qui concerne la contribu
tion des
collecti
vités territoriales, d’une part, parce que les
régions ont su faire la
démonstration de leur bonne gesti
on et d’autre part, parce que les objec
tifs
fixés par la LPFP en matière de baisse de dépenses et de solde positif à
dégager induisent une forte baisse des dépenses d’inves
tissement des
collectivités territoriales en 2026 et 2027 contredisant ainsi les appels
réitérés du Gouvernement aux collecti
vités d’augmenter significa
tivement
leur participation au financement de la transition écologique.
III. La situation financière des collectivités et r
égions d’
outre-mer
La Cour esti
me qu’à l’excep
tion de la collectivité territoriale unique
de la Martinique, « les collectivités départementales, régionales ou les
CTU présentent des niveaux d’épargne proches des moyennes des
départements et des régions métropolitaines ». Il est fait mention que « les
niveaux moyens d’épargne brute des communes et des intercommunalités
des départements d’outre
-
mer sont faibles dans l’absolu et par
comparaison avec ceux des communes et des intercommunalités
métropolitaine
» et qu’il en résulte que le financement de l’inves
tissement
de ces dernières « est assuré par les collectivités supérieures ». Il
conviendrait donc de préciser qu’en conséquence, le niveau d’épargne des
collectivités ultramarines est globalement inférieur à la moyenne nationale
et que la nécessité de financer les communes obère naturellement la
capacité des régions et départements d’outre
-mer à financer leurs
compétences propres alors même que leur épargne n’est pas supérieure
aux régions et départements de l’hexagone.
S’agissant de l’analyse relative à l’octroi de mer reprenant les
conclusions du récent rapport publié par la Cour, cette dernière doit être
éclairée au regard de la situation financière des collectivités d’outremer
présentée dans ce projet de rapport. En effet, la Cour déplore que l
’octroi
de mer « finance surtout des dépenses de fonctionnement et contribue
insuffisamment aux investissements des collectivités ». Cependant, la
comparaison démontre qu’au niveau global, si le panier de recettes est
différent entre les collectivités de métropole et les DROM, les recettes de
fonctionnement des DROM n’ont pas un niveau significativement plus
élevé que celles de la métropole, certaines collectivités d’outre
-mer ayant
par ailleurs un niveau de recettes significativement plus faible alors même
que les dépenses sont structurellement tirées vers le haut. Ainsi, il
n’apparaît pas contradictoire qu’un impôt local tel que l’octroi de mer
finance des dépenses de fonctionnement au même titre que les autres taxes
locales financent des dépenses de fonctionnement sans que ce dernier point
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ET PERSONNES CONCERNÉS
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ne soit jugé problématique par la Cour. Régions de France tient également
à nuancer le constat selon lequel l’impact de l’octroi de mer constituerait
le principal facteur explicatif de la vie chère dans les régions ultramarines.
La Cour précise d’ailleurs que les prix d’achat des biens et services sont
supérieurs par rapport à la France métropolitaine avant même application
de l’octroi de mer et de la TVA.
La Cour souligne à juste titre les disparités importantes qui existent
dans les recettes entre territoires ultramarins, qui sont supérieures aux
régions métropolitaines, en raison des « évolutions divergentes de la
démographie des départements et régions d’outre
-mer » et qui
« accentuent année après année les disparités entre eux ». Aussi, il
apparaît indispensable d’engager un travail visant à réduire ces inégalités
géographiques.
La Cour relève par ailleurs que « les dépenses de personnel
représentent une part élevée du total des charges réelles de fonctionnement
des
collectivités d’outre
- mer (42,1 % contre 35,1 % en moyenne pour les
collectivités métropolitaines), notamment pour les communes (59 % contre
52 % en moyenne pour les communes métropolitaines) ». Il serait utile de
compléter cette analyse pour mesurer l’effet de la vie chère dans les
régions ultramarines sur la masse salariale. À
titre d’illustration, le
traitement indiciaire des fonctionnaires majoré de 40 % et 53 % dans les
régions ultramarines crée de manière automatique une augmentation de la
part des dépenses de personnel dans les dépenses totales des collectivités,
ce qui explique une part non négligeable du différentiel avec les
collectivités de métropole.
Enfin, les contrats de redressement en outre-mer (COROM)
méritent d’être observés dans leur principe et ont pu produire des effets
positifs dans certaines communes. Pour éviter, comme la Cour le souligne,
« le risque de faire subventionner
par l’État des dépenses de
fonctionnement des collectivités de manière pérenne, malgré le caractère
en principe exceptionnel des concours accordés aux collectivités à ce titre
», il est nécessaire de mener une véritable analyse de la réalité des recettes
d
es communes les plus en difficultés et, pour celles dont l’analyse
montrerait qu’elles sont objectivement sous
-
dotées, la conduite d’une
réflexion visant à réévaluer leur panier de recettes en contrepartie de
mesures de maitrise de la dépense
.
Tels sont les éléments de réponse dont je souhaitais vous faire part
au nom de Régions de France en vue de leur prise en compte au projet de
rapport sur La situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et leurs établissement - Fascicule 1.
Les finances publiques locales 2024 - Fascicule 1 - juillet 2024
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COUR DES COMPTES
12
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE DÉPARTEMENTS DE FRANCE
DF remercie la Cour pour les travaux actuellement conduits sur les
finances publiques locales ainsi que pour l'attention particulière portée à
la situation des Départements.
Synthèse
La Cour des comptes observe que « la dynamique des dépenses de
fonctionnement et le passage à un besoin de financement des collectivités
en 2023 vont cependant rendre plus difficile l'atteinte des objectifs de la loi
de programmation. C'est d'autant plus le cas qu'à la différence de la
précédente loi de programmation 2018-2022, appliquée avant le
déclenchement de la crise sanitaire en 2020, la loi de programmation en
vigueur ne comporte pas de dispositif à même de permettre la réalisation
des objectifs relatifs aux finances publiques locales ». Départements de
France rappelle que les dépenses à l'initiative de l'État depuis 2022, avec
peu ou pas de concertation (voire en l'absence d'information préalable),
sont évaluées à 2,5
Md€
en année pleine. Dans le même temps, les
départements sont confrontés à une augmentation très importante des
dépenses sociales sur lesquelles ils n'ont pas ou peu de prise (RSA, APA,
PCH et ASE). Dans ces conditions, le respect de la trajectoire retenue n'est
pas réalisable.
S'agissant des mécanismes d'auto-assurance et plus précisément des
mises en réserves individuelles et collectives des recettes de DMTO, la
Cour observe « qu'il n'a pas été mis en place de dispositifs comparables de
résilience financière pour les recettes de WA ». Départements de France
s'est toujours opposée à la création de nouveaux dispositifs de mise en
réserve
à
caractère
obligatoire,
concernant
des
recettes
non
territorialisées et susceptibles dès lors d'être soumis aux mêmes évolutions
dans l'ensemble du territoire (par opposition à la contribution au fonds
globalisé DMTO qui est fonction des encaissements réalisés pour chaque
département).
« Compte tenu des évolutions respectives de leurs recettes de DMTO
et de leurs dépenses sociales, les départements vont connaître une situation
finan
cière plus difficile en 2024 qu'en 2023. Les marges de manœuvre de
plusieurs d'entre eux apparaissent étroites. En dehors d'un recours accru
à l'endettement financier, elles peuvent être desserrées en retardant des
recrutements, en réexaminant les subventions versées au « bloc communal
» au vu de la bonne santé financière globale de ce dernier ou en différant
des dépenses d'investissement. » Départements de France ne peut que
partager les inquiétudes de la Cour quant à l'évolution des recettes des
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collectivités territoriales en 2024, bien loin des hypothèses exagérément
favorables mentionnées dans le projet de loi de finances pour 2024. Celles-
ci sont en effet fondée sur une stabilité en valeur des recettes DMTO alors
que les assiettes DMTO d'ores et déjà connues mettent en évidence une
diminution de -20 % à fin mai 2024 par rapport à fin mai 2023.
La Cour des comptes indique : « Comme la Cour l'avait montré dans
ses rapports de 2022 et 2023, le remplacement de la taxe d'habitation sur
les résidences principales par des recettes de IVA a eu un effet favorable
sur les recettes des collectivités locales. Ce gain avait été estimé à plus de
4 Md
en 2022 pour les départements et les collectivités du « bloc
communal » ». Départements de France ne retrouve pas le détail de ce
calcul et apprécierait, comme cela avait été évoqué lors de l'audition, que
la Cour des comptes précise les composantes de cette somme de 4
Md€.
« Afin d'apprécier l'incidence globale de la suppression de la CVAE,
il convient aussi de prendre en compte le fait qu'une partie de la dynamique
positive des fractions de NA affectées aux départements et au « bloc
communal » a bénéficié au « fonds vert » (0,5 Md
) et à un concours aux
services départementaux d'incendie et de secours (0,15 Md
). Au total, en
prenant en compte ces deux affectations (SDIS et « fonds vert », la
compensation de la suppression de la CVAE par des fractions de TVA a
procuré en 2023 aux collectivités un gain proche de 2 Md€ par rapport
aux recettes dont elles auraient bénéficié si la CVAE n'avait pas été
supprimée ». Départements de France ne comprend pas comment est
évalué un tel gain de 2
Md€ dès lors que, même en l'absence de données
que le Gouvernement se refuse de communiquer, il est permis de penser
que les montants perçus par les collectivités en 2023 sont -
a priori
-
inférieurs aux montants collectés en 2022.
Concernant l'évolution des ressources et dépenses liées aux
politiques de solidarité, Départements de France partage une partie des
constats énoncés dans le rapport.
Il est indiqué dans le rapport de la Cour que « la forte croissance
des concours de la CNSA traduit une augmentation de sa contribution au
financement
par
les
départements
de
l'allocation
personnalisée
d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH)
et l'instauration de nouveaux concours Il est précisé que « les dotations et
participations ont progressé de 4,6 % par rapport à 2022 (...) ». Toutefois
la Cour note également que « les charges réelles de fonctionnement ont
augmenté à un rythme supérieur à l'inflation (+ 6,4 %), à périmètre
constant, sous l'effet de la dynamique des dépenses de frais d'hébergement
en établissements médicosociaux et en famille d'accueil, des dépenses
relatives à deux allocations de solidarité (APA et PCH), des dépenses de
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personnel et des achats de biens et services ( Dans ces conditions,
l'épargne brute des départements a chuté en 2023 (- 4,7
Md€, soit 38,3
%),
niveau le plus bas depuis 2016 ».
Il est pertinent à cet égard de se référer aux conclusions du rapport
public annuel de la Cour des comptes 2023 sur les quarante ans de
décentralisation, concluant à l'insoutenabilité du modèle de financement
des allocations individuelles de solidarité et appelant à réformer celui-ci.
D'autant plus que l'on constate une augmentation très significative et
documentée des dépenses liées à l'enfance, et une augmentation totalement
prévisible et sans précédent des dépenses liées à l'autonomie.
L'évolution
des
dépenses
réelles
de
fonctionnement
des
Départements par nature e
ntre 2017 et 2023 (en Md€) montre une réelle
progression, confortée en 2024 et dans l'ensemble des départements, des
dépenses liées à la protection de l'enfance. On doit aussi rappeler la forte
progression - non citée dans le rapport - des dépenses autonomie, actuelle
et à venir. Leur forte dynamique, parfaitement documentée à partir des
données relatives au vieillissement de la population, pourrait être
utilement mentionnée dans le rapport et mise en regard de l'évolution du
« reste à charge » des Départements.
Le rapport souligne que l'augmentation globale des dépenses de
RSA directement liée aux revalorisations de cette prestation intervenues,
d'une part en juillet 2022 (+ 4 %), avec un effet en année pleine en 2023
puis, d'autre part, en avril 2023 (+ 1,6 %) est contenue du fait de la baisse
du nombre de foyers allocataires entre 2022 et 2023.
Le département du Nord a pourtant chiffré à 30 Millions d'euros le
coût de ces revalorisations non compensées de l'allocation du RSA.
L'incidence de telles augmentations, décidées le plus souvent de manière
unilatérale par l'État ou en application de dispositions législatives, sans
mécanisme de compensation, n'est pas acceptable et contribue à dégrader
tendanciellement la situation financière des départements tout en
alourdissant leur reste à charge.
Par ailleurs, il semble que la baisse du nombre de bénéficiaires du RSA
évoquée par la Cour dans son rapport public en 2023 ne se confirme pas en
2024. Les départements s'inquiètent enfin des effets de la première réforme de la
durée d'indemnisation du chômage sur le nombre de bénéficiaires du RSA, qui
ne seront perceptibles qu'à compter de juillet 2024.
S'agissant des dépenses 2023 au titre de l'APA, soit 6,6
Md€, la
Cour note qu'elles ont continué à augmenter (+ 0,4
Md€,
soit + 5,7 %).
Leur progression, de plus d'un milliard d'euros depuis 2017, est expliquée
« notamment par les mesures de revalorisation salariale dans les
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15
établissements et services » médico-sociaux et l'institution du tarif
plancher dans les services d'accompagnement et d'aide à domicile
(SAAD) ». On peut aussi souligner l'augmentation du nombre de
bénéficiaires, actuelle et à venir.
Départements de France note avec satisfaction que le rapport de la
Cour évoque la problématique de la « croissance tendancielle des
dépenses d'AIS et, plus généralement, des dépenses sociales des
départements, [qui] soulève la question de la soutenabilité de leurs
modalités de financement ». Sur ce point le rapport reprend les conclusions
de la Cour des comptes en 2023 : « Les politiques sociales décentralisées :
une coordination à conforter, des financements à réformer » (Rapport
public annuel 2023, mars 2023).
La soutenabilité de la trajectoire financière des Départements
évoquée dans le rapport, malgré le retournement des recettes de DMTO,
doit être nuancée compte tenu non seulement des évolutions des recettes
de IVA et de DMTO effectivement décisives pour leur situation financière
en 2024 mais, aussi, de l'augmentation tendancielle des dépenses sociales.
Pour mémoire, les Départements ne disposent plus de levier fiscal leur
permettant d'amortir les chocs conjoncturels.
En 2023, les dépenses totales d'AIS se sont élevées à 20,3 Md€
(+ 3,9
% par rapport à 2022), dont 10,2 Md€ pour le RSA, 7,0 Md€ pour
l'APA et Md€ pour la PCH.
Ces données, documentées dans de nombreux rapports, appellent à
la prise de mesures structurelles. Les Départements de France appellent
de leurs
vœux
un nouveau dispositif de financement des politiques de
solidarité visant à :
1. Une refonte des modalités de compensation des AIS telles que
prévues initialement lors de la décentralisation. À court terme, ils
demandent
a minima
une prise en charge à 50 % des dépenses engagées
au titre de l'APA et de la PCH (dans un contexte actuel de compensation
(en moyenne) de 40 % pour l'APA, et de 30 % pour la PCH, données 2022).
2. Des mesures de compensation pour toute mesure nouvelle
concernant l'ensemble des dépenses sociales et non seulement des AIS.
Les départements sont parfois informés par la presse de mesures les
impactant. Cela a été le cas pour la suppression des ASS, qui pourrait
affecter les comptes départementaux à hauteur de plus de 2
Md€
.
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16
La réforme chômage 2024 prévoit une économie de plus de 3,7
Md€
pour le régime Unédic. Elle se traduira simultanément par une
augmentation directe de la charge de RSA pour les départements, du fait
des réductions des durées de prise en charge des allocations chômage.
Le rapport relève avec pertinence l'augmentation des dépenses pour
les assistantes familiales en application des dispositions de la loi Taquet.
Cette mesure (qui est par ailleurs pleinement justifiée sur le fond) n'a fait
l'objet d'aucune compensation. Elle a eu pour effet d'alourdir les dépenses
sociales des départements sans que ceux-ci disposent de ressources
nouvelles.
3. Un engagement fort de l'État dans l'exercice de ses propres
responsabilités :
La Cour relève une forte hausse des dépenses de frais de séjour et
d'hébergement, liée notamment à la compétence aide sociale à l'enfance
(ASE), et indique qu'elle résulte du nombre croissant d'enfants confiés à
l'ASE (+ 17,4 % depuis 2017). Il importe sur ce point de relever de
nombreuses défaillances dans les champs de compétences relevant de
l'État, dont les départements supportent les conséquences.
Ils font face à une augmentation importante du nombre de mineurs
accompagnés. La prise en charge par les départements comprend la mise
à l'abri le temps de l'évaluation, qui devrait logiquement relever de
l'intervention de l'État, les départements prenant naturellement le relais
dès lors que l'évaluation conclut à la minorité.
De nombreux mineurs accueillis à l'ASE relèvent par ailleurs
d'interventions en dehors des champs de compétences des départements et
que les services de l'État ont les plus grandes difficultés à assumer. Les
carences dans la prise en charge des problèmes de santé (pédopsychiatrie
notamment) et handicap obèrent la capacité d'action des départements
dans l'exercice de leurs responsabilités sociales et mettent en péril la
protection de l'enfance. Il ressort d'une enquête récemment réalisée par
Départements de France, à laquelle 74 Départements ont répondu, que :
-
22 % des enfants confiés à l'ASE sont en situation de handicap (17 %
en 2015). Selon les départements, la fourchette est comprise entre 10
et 35 % ;
-
75 % des départements ayant répondu déclarent avoir des enfants
confiés en attente d'une place en IME. La durée moyenne d'attente
indiquée est de 30 mois (entre 9 et 84 mois) ;
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-
73 % des départements ayant répondu déclarent avoir des enfants
confiés en attente d'une place en ITEP (durée moyenne d'attente d'une
place en dispositif ITEP est de 18 mois) ;
-
59 % des enfants ont une prise en charge conforme à la décision de la
CDAPH ;
-
21 % des enfants ont une prise en charge partielle
-
12 % des enfants sont sans solution et 8 % en attente.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT D’INTERCOM
MUNALITÉS
DE FRANCE
Au nom d'Intercommunalités de France, je vous remercie d'avoir
sollicité l'avis de notre association sur le rapport de la Cour des comptes
sur la situation financière et la gestion des collectivités locales et de leurs
établissements
Fascicule 1. Je veux saluer le travail sérieux et
documenté des magistrats, qui appelle les observations suivantes de la part
de notre association.
Les recettes des collectivités du bloc local
La Cour pointe la progression des recettes du bloc local, notamment
fiscales.
Concernant la progression du produit de foncier bâti (TFPB) en
2023, elle s'explique par l'évolution du coefficient de revalorisation des
bases (+7,1 %), la proportion de collectivités ayant usé du levier fiscal
étant restée faible.
Notons par ailleurs que depuis l'affectation du foncier bâti
départemental aux communes et la mise en place d'un coefficient de
neutralisation (ou coefficient correcteur), la recette perçue par les
collectivités est empreinte d'une certaine fragilité :
-
D'une part les produits payés par les contribuables, ne sont pas
toujours affectés à leur territoire de résidence (c'est la situation des
coefficients correcteurs négatifs). Intercommunalités de France avait
alerté sur ces situations qui, bien que robustes sur le plan juridique,
n'en sont pas moins politiquement délicates du point de vue de
l'évolution des taux et du consentement à l'impôt.
-
D'autre part, l'État intervient financièrement pour assurer la
neutralité parfaite du dispositif en tout point du territoire. Si une
réduction importante des assiettes fiscales intervenait, elle pourrait
alourdir cette charge. En période de recul des marchés immobiliers,
je crois nécessaire de souligner ce point de vigilance.
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COUR DES COMPTES
18
-
Enfin, le produit de foncier bâti est très concentré sur les communes.
Les pactes fiscaux et financiers se développent pour partager le
produit foncier à I
l
échelle des territoires intercommunaux lorsqu'il
est lié à une zone d'activité économique. Ces dispositifs de solidarité
doivent être encouragés et facilités.
Concernant la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences
principales (THRP), la Cour évoque un gain au bénéfice des collectivités.
Elle reprend ici des propos déjà tenus lors du rapport précédent. Ce gain
serait dû à la dynamique de la TVA reversée aux collectivités en
compensation de cette suppression.
Rappelons au passage que la suppression de la taxe d'habitation
n'avait pas été demandée par les collectivités locales, les privant d'un
précieux levier fiscal sur lequel elles disposaient d'un pouvoir de taux.
Cette suppression s'est par ailleurs traduite par une charge financière
supplémentaire pour le budget de l'État.
La bonne dynamique de la TVA s'explique par un effet de rattrapage
sur les deux années qui ont suivi la période de la crise sanitaire. Tous les
acteurs en ont bénéficié sur leur fraction respective de TVA, l'État comme
les collectivités locales.
Concernant la fraction de TVA ayant remplacé la cotisation sur la
valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Intercommunalités de France s'est
inquiétée de ce qu
elle corresponde bien à la CVAE perçue par l'État en
2022. Plusieurs courriers ont été envoyés aux ministres concernés sur le
sujet.
En effet, en 2022, la CVAE collectée par l'État a connu une
évolution très significative, de +20,6 %. Une partie de cette recette a été
affectée aux SDIS en difficulté financière et à l'alimentation du Fonds vert,
sans concertation préalable avec les bénéficiaires initiaux.
Cette affectation a résulté en une perte sèche pour les
Intercommunalités dans la mesure où le montant initial du Fonds national
d'attractivité économique des territoires (FNAET) s'est retrouvé amputé de
ces ressources. Selon les estimations d'Intercommunalités de France, le
manque à gagner est de l'ordre d'une trentaine de millions pour le FNAET
2024 ce montant étant appelé à progresser du fait du caractère dynamique
du FNAET.
En conséquence, il nous est difficile de souscrire aux affirmations
de la Cour quant à un gain » retiré par les collectivités du fait de la
suppression de la THRP ou de ta CVAE.
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Concernant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, la
Cour fait état des difficultés rencontrées par certaines collectivités
concernant les bases de THRS surévaluées avec la mise en œuvre des
déclarations de biens immobiliers via la plateforme Gérer mes biens
immobiliers (GMBI). Le coût pour l'État est important, de l'ordre d'un
milliard d'euros en dégrèvement. Il conviendra néanmoins de prendre en
compte cet épisode dans la lecture à venir des évolutions de bases et de
produit fiscaux de THRS,
Concernant les recettes des services et du domaine, elles
connaissent en effet une évolution dynamique. Cette dernière est, en
grande partie, le fait d'un ajustement des exécutifs locaux pour faire face
à la hausse des coûts de l'énergie et des effets de l'inflation ces deux
dernières années. Il en est de même concernant ta taxe Gemapi qui
continue son déploiement sur le territoire national. Les épisodes
dramatiques des inondations de l'automne 2023 témoignent de la nécessité
de ces financements, bien que leur apport soit très souvent bien en deçà du
coût réel des investissements.
Des intercommunalités dont la situation financière est très variable
Il faut se féliciter de ces bons résultats pour les collectivités, qui
sont fortement sollicitées pour maintenir les services publics dans les
territoires et investir dans la transition écologique - l'inverse aurait été
particulièrement préoccupant au regard des besoins d'investissement
auxquels les collectivités font face.
Les magistrats font donc très justement état d'une épargne « qui
continue à augmenter h. Cette appréciation reste toutefois très générale,
alors que localement les situations sont très variées. Intercommunalités de
France a analysé en détail ta situation des épargnes brutes de l'ensemble
des intercommunalités en 2022 (les données 2023 étant en cours de
traitement au niveau national). Il en ressort que :
-
60 % des intercommunalités avaient en 2022 un taux d'épargne brute
inférieur au taux d'épargne brute moyen des intercommunalités, soit
21 ,3 % en 2022 ;
-
Pour 15 % d'entre elles, le taux d'épargne brute était inférieur à
15 % ;
-
Parmi les intercommunalités ayant un taux d'épargne inférieur à 20 %
la moitié d'entre elle accusaient déjà un recul de leur taux d'épargne
entre 2021 et 2022.
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20
Notons enfin que la plus grande dépendance des collectivités à la
fiscalité nationale et à la situation économique du pays est très inégalement
ressentie sur le territoire national. Il en va de même concernant les
possibilités de mobilisation des fiscalités sectorielles (THRS, Tascom,
THLV, Gemapi etc.).
Parallèlement les points de tension sur les dépenses sont très liés
aux situations locales : modes de gestion, pyramides des âges en matière
de charge de personnel, niveaux de l'offre de services...
Notons que l'augmentation des charges de fonctionnement est
principalement portée par les charges de personnel. Les mesures
concernant la revalorisation du point d'indice du traitement des agents
territoriaux, qui se sont imposées aux collectivités à deux reprises
expliquent largement ces hausses. Leur montant a été chiffré à 599
M€
d'euros en 2023 et 1 949
M€
en 2024.
La situation des syndicats
Le rapport de la Cour évoque également la situation des syndicats.
Leur volume financier a fortement progressé au cours des dernières
années.
Le
poids
de
leurs
interventions
dans
les
domaines
environnementaux prend en effet de l'ampleur. Les enjeux tant sur le plan
financier qu'en matière de services publics sont considérables.
Ainsi, les syndicats de gestion des déchets sont actuellement
confrontés à la révision du cahier des charges de la filière gestion des
emballages ménagers. L'évolution des mécanismes de consigne très
défavorables aux collectivités et à leur syndicat pourrait remettre en cause
le financement de l'ensemble de cette filière. Cette situation est très
préoccupante et les élus d'Intercommunalités de France ont très clairement
exprimé leur opposition à la mise en œuvre d'une consigne pour recyclage
des bouteilles en plastique. Ils ont transmis aux ministères concernés des
propositions alternatives permettant de réduire le volume de déchets
plastiques tout en préservant l'équilibre budgétaire de nos services publics.
Les syndicats de gestion de l'eau et de l'assainissement se préparent
à intégrer les transferts à l'ensemble des intercommunalités de la
compétence eau et assainissement à l'horizon 2026. Transfert d'agents,
constitution de groupements de commande, révision des marchés et des
modes de gestion, définition des programmes pluriannuel d'investissement,
reprise totale ou en partie des excédents... ces transformations auront des
impacts financiers sur l'organisation des acteurs du domaine.
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Les syndicats de transport, ou autorités organisatrices de mobilités
(AOM) sont confrontées depuis plusieurs années à une situation de crise
de leur modèle économique et de leur situation financière. Les enjeux de
décarbonation, les exigences environnementales et les attentes de mobilité
des ménages vont aller vers un développement de l'offre, conjoint à la
nécessité de renouveler matériels et infrastructures.
Ces diverses situations appellent une vigilance particulière de la
part des responsables publics. Intercommunalités de France travaille
actuellement à un ensemble de propositions pour repenser te financement
de nos services publics environnementaux. De premières propositions ont
déjà été faites dans le domaine de l'eau, en collaboration avec la FP2E et
la FNTP.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE FRANCE URBAINE
Par courrier en date du 30 mai, vous nous avez adressé le rapport
intitulé « La situation financière et la gestion des collectivités territoriales
et de leurs établissements
fascicule 1 ». Ce rapport appelle de notre part
les observations exprimées dans le présent courrier.
1-
Grandes villes, grandes communautés et métropoles : une
situation financière solide à
l’issue de l’exercice budgétaire 2023 ...
La Cour l’exprime sans détours dans la synthèse du rapport :
« Entre un endettement maîtrisé et un compte courant au Trésor toujours
élevé, la situation financière
globale des collectivités n’inspire pas
d’inquiétude à fin 2023 ». Ce constat global se confirme tout
particulièrement s’agissant du bloc communal :
-
l’épargne nette a augmenté de +14,9% pour les communes et de
+ 7,1% pour les EPCI ;
-
la
capacité de désendettement du bloc communal s’établit à 4,5 ans,
niveau historiquement bas, tandis qu’est constatée une « poursuite en
2023 de la décrue continue du poids de l’endettement depuis 2017,
exception faite de 2020 ».
Cela est d’autant plus not
able que, comme le documente fort
opportunément la Cour, les collectivités ont eu à faire face en 2023 à des
vents contraires particulièrement violents s’agissant de la pression à la
hausse de leurs dépenses de fonctionnement :
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COUR DES COMPTES
22
-
des achats d’eau, d’énergie
et de chauffage qui ont augmentées de +
24,5 % pour le bloc communal (et même 33,5 % pour les EPCI,
l’approvisionnement alimentaire n’étant pas en reste (+ 13,1
%);
-
des dépenses de personnel impactées tant par les dispositifs nationaux
entraînant l’augmentation des rémunérations individuelles que par le
déploiement de politiques locales d’attractivité visant à contrecarrer
des difficultés de recrutement ;
-
le soutien accru (+6,5 %) aux centre communaux et intercommunaux
d’action sociale (CCAS), rendu nécessaire par la montée de la
détresse sociale au cœur des agglomérations.
Les analyses du projet de rapport sont d’autant plus précieuses
qu’elles sont les premières, s’agissant de l’exercice budgétaire 2023, à
fournir un éclairage par strates. À cet égard, tant les grandes villes que les
grands EPCI témoignent d’une maîtrise plus importante de leurs charges
courantes (p. 70 : respectivement +3,8 % pour les villes de plus de
100 000 habitants contre + 4,7
% pour l’ensemble des communes, + 7,8
%
pour les EPCI de plus de 300 000 habitants contre + 8,4 % pour
l’ensemble des EPCI).
France urbaine formule à cet égard l’hypothèse selon laquelle il
pourrait exister une corrélation entre cette maîtrise relative et un niveau
moyen d’intégration intercommunal (et de mutualisation des services)
sensiblement plus important au sein des métropoles et des communautés
urbaines qu’au sein des communautés de communes.
Nous relevons cependant
qu’à l’intérieur du paysage global se
distinguent, d’une part, les collectivités ultra
-
marines et, d’autre part, les
syndicats de transport dont le vigoureux effort d’investissement a
largement été financé par emprunt et dont les ratios témoignent
aujourd
’hui des limites d’un modèle financier inchangé (sauf en Ile
-de-
France) depuis plusieurs décennies (« le ratio de désendettement est passé
de 8,2 à 9,9 années -soit le double du niveau global des collectivités- ;
17 % des syndicats de transport dépassant l
e seuil d’alerte de douze
années »).
2
... au service de l’accélération des investissements en faveur de la
transition écologique ...
Cette bonne santé financière ne saurait pour autant être considérée
comme une fin en soi. Pour les exécutifs des collectivités membres de
France urbaine, elle est avant tout au service de la nécessaire accélération
des investissements locaux en faveur de la transition écologique.
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ET PERSONNES CONCERNÉS
23
En effet, l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à
effet de serre (posés dans les documents de planification nationale) ne peut
se faire sans un accroissement significatif des budgets mobilisables par les
collectivités locales, et tout particulièrement des plus grandes, en faveur
des
secteurs
du
bâtiment
public
(rénovation),
des
transports
(infrastructures de report modal), et de l’énergie. Nous retenons à ce stade
le chiffre de l’Inspection Générale des Finances
2
: « La mission a évalué à
21
Md€/ an l’investissement que devront consacrer les collectivités
territoriales aux
enjeux de transition écologique d’ici 2030 ».
... et non de la légitimation d’une potentielle ponction par l’
État de
dotations de compensation
Certes, « en 2023, elles contribuent à hauteur de 5,5
Md€ au besoin
de financement des administrations publiques (...) ». Mais, les raisons de ce
solde légèrement négatif pour 2023 (-0,2 % du PIB) sont plus
conjoncturelles que structurelles. Le chiffre de 2023 s’explique : (du côté des
recettes) par un recul du produit des DMTO (- 22,1 %), encore plus fort que
ce qui était craint, une dynamique du produit de TVA (+ 1,8 %) inférieure à
l’augmentation nominale du PIB et, du côté des dépenses, par une bonne
exécution des budgets d’investissement (+ 7,9
% pour le bloc communal), ce
dont il y a tout lieu de se féliciter par ailleurs. De surcroît, ce besoin fait suite
à quatre années au cours desquelles les collectivités ont dégagé une capacité
de financement (notamment +3
Md€ en 2022 et +
4,5
Md€). Qui plus est,
s’agissant du bloc communal, le solde est demeuré (légèreme
nt) positif.
Réciproquement, les collectivités sont fondées à demander à l’
État
qu’il s’attache à la prévisibilité de leurs ressources plutôt qu’à entretenir
l’incertitude sur la mise en œuvre de tel ou tel levier susceptible de réduire
leur capacité d’au
tofinancement.
La mise en avant dans le présent ROP d’« un levier non mobilisé :
l’encadrement de l’évolution des concours financiers de l’
État » (et
l’invitation consistant à réduire plus fortement les variables d’ajustements)
nous interroge. Est-ce à dire que la Cour estime que les collectivités
puissent subir demain ce qui apparaîtrait comme une double peine
l’amputation de compensations apr
ès avoir été hier privées de leviers
fiscaux suite à la suppression successive de la taxe professionnelle, de la
THRP puis de la CVAE ? Est-ce à dire que la Cour
considère qu’il soit
légitime
que l’
État, après avoir tiré le bénéfice politique, par exemple
dans le cadre de la LFI 2024
de l’augmentation de la dotation
biodiversité
3
, puisse répercuter aux collectivités, au travers d’une ponction
sur les variables d’ajustement, la « facture » de ses propres décisions ?
2
Page 10. Revue de dépenses
L’investissement des collec
tivités territoriales
IGF- octobre 2023
.
3
Devenue « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la
valorisation des aménités rurales »).
Les finances publiques locales 2024 - Fascicule 1 - juillet 2024
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Récuser au préalable, avec la plus grande fermeté, toute perspective
de confiscation de compensations ne signifie aucunement que les grandes
villes, grandes communautés et métropoles n’entendraient pas contribuer
aux nécessaires chantiers d’amélioration de l’efficacité de la dépense
publique. À cet égard, la formulation selon laquelle « Les associations
d’élus expriment leurs réticences à l’égard d’une contribution des
collectivités au redressement des finances publiques » n’apparait pas
adéquate, s’agissant de France urbaine.
En effet, nous partageons le bien fondé des propositions visant à
inciter les collectivités à mobiliser leur potentiel d’économie Ainsi nous
avons récemment suggéré aux ministres concernés des modalités
alternatives pour que le Fonds vert soit enfin synonyme d’effet de l
evier et
non, comme il l’est actuellement, de simple effet d’opportunité. Nous avons
activement contribué aux travaux de la mission « Ravignon » estimant que
les deux axes de la lettre de mission (à savoir le coût des normes et le coût
des enchevêtrements de compétences - tant entre niveaux de collectivités
qu’entre collectivités et
État), sont effectivement porteurs de gisements
d’économies. Nous avons proposé d’engager un travail conjoint sur le
desserrement du cadre juridique et opérationnel de l’achat p
ublic,
rejoignant intuitivement l’estimation de l’IGF
4
selon laquelle un potentiel
de 10
% d’économies à moyen terme était accessible.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE (AMF)
L’AMF regrette l’absence d’analyse de la Cour sur le
solde global
des collectivités en 2023. En 2022, si les APUL dans leur ensemble étaient
déficitaires (déficit de 1,1
Md€), les collectivités locales étaient cependant
excédentaires et compensaient le déficit des ODAL.
En 2023, d’après les chiffres communiqués par l’I
nsee en date du
26 mars 2024 (Comptes nationaux des administrations publiques -
premiers résultats), le déficit des APUL se dégraderait, passant de 1,1 à
9,9
Md€ (dégradation de 8,9
Md€). L’essentiel de la dégradation du solde
serait porté par le bloc communal (-2,6
Md€) et les départements
(- 4,8
Md€).
4
« La rigidité ressentie de certains outils de la commande publique illustre aussi le besoin, et
parfois le déficit, de compétences en matière d’achat public. Un niveau d’ambition de l’ordre
de 10
% d’économies semble pouvoir être poursuivi à moyen terme par la mobilisation accrue
de ces outils
» in « Revue des dépenses
Masse salariale et achats et charges externes des
collectivités territoriales
octobre 2023.
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Dépenses de fonctionnement
Concernant les dépenses de fonctionnement, la Cour indique une
augmentation de 5,7
%. L’augmentation des dépenses de fonctionnement
ne dépasse ainsi l’inflation que de
0,8 point.
La Cour note une augmentation des dépenses de personnel du bloc
communal de 4,1
% en 2023, moindre qu’en 2022.
L’AMF rappelle que dans une analyse récente, sur la période
2014-2024, la
direction générale de l'administration et de la fonction
publique (DGAFP) estime que trois grandes mesures salariales induisent
une progression de 20,8
% du pouvoir d’achat des agents de la fonction
publique territoriale: les mesures indiciaires socles pour tous les agents
(en moyenne + 6 % sur le traitement indiciaire, dont une part sous la forme
de points), la revalorisation du point au 1
er
juillet 2022 et 1
er
juillet 2023
(5
% en 2 ans) et la prime pouvoir d’achat ciblée sur les moyens et bas
salaires (800
€ à 300 € brut, dégressive jusqu’à 3
250
€ brut/mois
). Ces
mesures couplées au GVT (glissement vieillesse et technicité) ne peuvent
de toute évidence qu’augmenter la masse salariale des communes et des
EPCI.
Par ailleurs, l’AMF pose la question de la cohérence de l’analyse
de la Cour sur la part des contractuels et des fonctionnaires (à temps plein
et à temps non complet) dans la masse salariale. Ainsi, il est indiqué que «
selon les données de la Caisse des Dépôts et Consignations, les effectifs de
titulaires (un peu plus de 908 100 en moyenne annuelle) ont été stables,
tandis que ceux de non titulaires (un peu plus de 920 300 présents sur
l’ensemble de l’année) ont diminué de 1,8
% », et dans le paragraphe
suivant que « les effectifs de non titulaires ont crû de 3,9 % quand ceux de
titulaires ont baissé de 3,3 %. » Aux vues de ce qui peut apparaitre comme
des contradictions, quelle est finalement l’analyse de la Cour sur la
répartition des effectifs par statut ainsi que leur part et leur évolution
respectives dans la masse salariale ?
Enfin, l’AMF rappelle une des spécificités de la fonction publique
territoriale qui compte en effet trois types d’agents parmi ses effectifs : les
fonctionnaires
dont la durée de service est de plus de 28 heures par
semaine relevant
du régime spécial des fonctionnaires, les fonctionnaires
dont la durée de service est de moins de 28 heures par semaine relevant du
régime général, et les contractuels. L’AMF regrette que la Cour ne
distingue pas ces différentes catégories pour réaliser ses analyses.
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La hausse de plus de 8,3 % enregistrée sur les achats et charges
externes est la plus élevée jamais enregistrée sur les derniers mandats.
L’AMF souhaite que soient précisés dans le rapport de la Cour les effets
des variations erratiques de
l’inflation intervenues tout au long de
l’année
: les prix de l’énergie augmentaient de 16,3 % au 31 janvier 2023
sur les douze derniers mois, de 14,1 % en février 2023, puis 4,9 % en mars,
6,8 % en avril, pour remonter ensuite à 11,5 % en septembre. Dans ce
cadre, le coût d’une même dépense peut être est plus ou moins important
selon le moment où elle a été engagée.
S’ajoute l’augmentation des taux d’intérêts. Compte tenu du
maintien de l’inflation au
-dessus de 2 %, la Banque centrale européenne a
mainten
u des taux directeurs élevés. L’AMF propose à la Cour d’ajouter
dans son rapport les effets de la hausse du livret A sur le coût des emprunts
adossés à cet index dont la valeur a triplé en un an.
Concernant les dispositifs mis en place pour atténuer les hausses
des prix de l’électricité, l’AMF estime que les critères d’éligibilités au filet
de sécurité ont exclu du dispositif les collectivités les plus en difficulté. En
effet, les seuils d’épargne brute requis (15
% de baisse pour le filet de
sécurité de 2023) ont été combinés à un seuil de potentiel fiscal et financier
devant être inférieur à 2 fois la moyenne. Une baisse de 10
% de l’épargne
peut cependant être plus préjudiciable dans une commune à faible
potentiel financier, qu’une baisse de 15
% de l’ép
argne dans une commune
ayant un potentiel financier près de deux fois supérieur à la moyenne.
A contrario
, l’amortisseur électricité a été plus efficace. Appliqué
directement par les fournisseurs d’énergie aux factures d’électricité,
l’amortisseur électric
ité est une réduction de prix qui se traduit
directement dans la facture d’électricité. Il a donc un effet immédiat.
Concernant les tarifs réglementés, le dispositif n’est applicable
qu’aux collectivités employant moins de 10 équivalents temps plein (ETP),
avec moins de 2
M€ de recettes et ayant contractualisé une puissance
inférieure ou égale à 36 kVa. Toutefois, depuis le 1er février 2023, le
bouclier tarifaire est calculé sur la base du TRV gelé et la hausse peut donc
être importante, jusqu’ à 15
% TTC en moyenne.
L’AMF rappelle que ces mesures n’ont, dans leur ensemble, pas
permis de rompre avec une forte augmentation des prix de l’énergie, et
l’augmentation des prix telle que fixée dans les contrats d’électricité a
continué de peser sur les budgets locaux.
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Recettes de fonctionnement
Les recettes de fonctionnement augmenteraient de 5,6 % en 2023.
L’AMF précise que cette augmentation ne dépasse l’inflation que de
0,7 point.
L’AMF alerte sur la réduction inédite du périmètre des recettes à la
main des décideurs locaux et sur la disparition progressive du levier fiscal
notamment.
L’AMF souscrit ainsi au constat de la Cour qui indique que pour les
EPCI, « les recettes fiscales et non fiscales des EPCI à fiscalité propre sur
lesquelles ils ont un pouvoir
d’assiette, représentent 48,8
% de leurs
produits de fonctionnement en 2023, contre 69,7 % en 2019 ».
Pour les communes, la Cour indique que « les recettes fiscales et
non fiscales sur lesquelles les communes ont un pouvoir d’assiette, de taux
ou de tarif continuent à représenter une part majoritaire de leurs produits
réels de fonctionnement (60,2 % en 2023, comme en 2019) ».
Cette analyse optimiste sur les ressources tendant à démontrer que
les marges de manœuvre des communes restent importantes se
mble
contredire les précédentes analyses de la Cour dans son rapport sur les
taxes foncières du 9 janvier 2023 (Observations définitives- Les taxes
foncières- Exercice 2016-2021). Ce rapport indique en effet que
l’évolution de la part des recettes fiscales
à pouvoir de taux dans les
recettes fiscales des collectivités est passé de 65 % en 2018 à 42 % en
2021. La Cour ajoutait enfin que « Dans un contexte de réformes
successives de la fiscalité locale, et notamment la suppression de la taxe
d’habitation sur les résidences principales, les taxes foncières sont l’un des
derniers leviers de l’autonomie fiscale des collectivités. »
Dans ce même rapport, la Cour signalait en outre « Un lien distendu
avec les contribuables locaux et la mise en œuvre de politiques
locales »,
ainsi que « Des dispositifs d’exonération mal suivis, mal chiffrés et
partiellement compensés ».
L’AMF pose la question de la cohérence des conclusions de la Cour
entre ses différents rapports.
Concernant le présent rapport sur la situation financière du bloc
communal en 2023, l’AMF propose à la Cour de compléter son analyse en
précisant que plus des deux tiers du panier fiscal repose sur la seule
TFPB : en 2017, 62 % du panier fiscal repose pour moitié sur la TH et
pour moitié sur la TFPB. En 2023, 63 % du panier fiscal repose sur la
seule TFPB.
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Si la Cour souligne la revalorisation des bases « sous l’effet de la
revalorisation des valeurs locatives cadastrales en fonction de l’inflation
constatée (+ 7,1 % contre + 3,2
% en 2022) », l’AMF rap
pelle que cette
revalorisation ne s’applique pas à environ un tiers des bases des locaux
professionnels dont l’évolution est de moins de 2
% en 2023.
En outre, ce choix de maintenir les 7,1% de revalorisation des bases
est devenue une nécessité motivée par le rétrécissement des marges de
manœuvre fiscale. L’augmentation inédite de la pression fiscale sur les
propriétaires est ainsi un dommage collatéral de la réduction inédite de la
suppression de la TH.
L’AMF propose aussi que les analyses de la Cour en
matière de
fiscalité tiennent compte des exonérations de fiscalité locale partiellement
compensées.
Le taux de compensation des allègements de TFPB applicables aux
logements sociaux est de 15 % environ. Ce faible niveau de compensation
s’explique par plus
ieurs facteurs :
Certaines exonérations sont compensées en prenant en compte des
taux figés : taux de 1991
5
pour les exonérations de TH et de TFPB au profit
des personnes modestes ;
Certaines compensations d’exonérations applicables aux logements
sociaux
, ont servi de variables d’ajustement jusqu’en 2018.
En particulier, la compensation de l’abattement de 30
% de TFPB
dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui avait été
intégrée en 2009 dans le périmètre des variables, a subi des minorations
jusqu’en 2015. En 2016, il a été décidé de rehausser cette compensation à
son niveau de 2014 (soit 40 % des pertes de recettes) et de ne plus la
soumettre à minoration. Depuis 2016, la compensation est donc maintenue
à ce niveau. La loi de finances pour 2018 ne modifie pas ce dispositif et
maintient donc la compensation mais à hauteur de 40
% de l’abattement.
Les impôts supprimés ont été compensés pour partie par
l’attribution d’une part de TVA.
La TVA représente désormais une part
importante des recettes de fonctionnement des collectivités locales : 51 %
pour les régions, 21 % pour les départements et la métropole de Lyon, et
22 % pour les EPCI à fiscalité propre. Le rôle contra- cyclique des
communes et des EPCI s’en trouve du même coup affaibli. Les
suppressions de ressources locales ont aussi brouillé la visibilité des
décideurs locaux : en début d’année 2023, la progression de
la TVA était
5
Taux de 2014 pour les exonérations de TFPB à Mayotte.
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évaluée à 6,1 %, pour passer quelques mois plus tard à 4,5 %, puis à 3,8 %,
puis récemment de 3,4 % à 2,8 %. La reprise de TVA sur les budgets locaux
(écart entre les 6,1 % et les 2,8 %) est donc particulièrement douloureuse.
S’est ajoutée
en 2023 la compensation partielle de la CVAE à hauteur
de 10,5
Md€ (dont 60
% environ pour le bloc communal), alors que la CVAE
qui aurait dû être encaissée par les collectivités locales s’élèverait à 11,3
Md€
environ. Le manque à gagner serait donc de plus de 750
M€ pour l’ensemble
des collectivités, dont 450
M€ environ pour le bloc communal.
Sur la TH aussi, la compensation reste incomplète. Ainsi par
exemple, la compensation n’intègre pas la dynamique de la taxe
d’habitation. En cas de nouvelles constru
ctions, la collectivité concernée
bénéficiait d’un supplément de TH. Cette ressource n’existe plus et les
nouveaux habitants sont donc exonérés de toute contribution locale s’ils
ne sont pas propriétaires. Les ordonnateurs locaux ne peuvent plus piloter
le
ur niveau de recettes pour financer l’évolution des besoins locaux.
Enfin, la progression de la TVA, ramenée finalement à 2,8 % en
2023, est très inférieure aux 7,1% de revalorisation des valeurs locatives
en 2023. Cela constitue donc un manque à gagner important pour les
intercommunalités car, à taux constant, les revenus fiscaux de la THRP
auraient été significativement plus élevés. C’est ainsi la double peine,
outre le fait de ne plus bénéficier de cet impôt local, les intercommunalités
subissent une sous compensation significative seulement deux années
après sa suppression !
Pour compenser la réduction de moitié des bases de CFE et de
TFPB pour les établissements industriels, le calcul ne tient pas compte de
l’évolution des taux.
Pour toutes ces su
ppressions d’impôts locaux, l’AMF avait proposé
la compensation intégrale via le dégrèvement. Cela n’a pas été le choix de
l’
exécutif pour économiser sur la compensation au détriment des budgets
locaux.
La Cour signale aussi les « hausses de taux d’imposi
tion (taxe
foncière sur les propriétés bâties) ».
L’AMF propose à la Cour de modifier son analyse et renvoie à
l’étude de la DGFIP « Taux de fiscalité directe locale votés en 2023 par
les communes et les établissements publics de coopération intercommunale
à fiscalité propre » d’août 2023, qui indique que « Entre 2022 et 2023, les
communes ont largement reconduit leurs taux de fiscalité directe locale.
En fonction des taxes, la proportion de reconduction des taux se situe entre
85 et 90 %, la proportion de baisse est faible (moins de 3 %) et celle des
hausses comprises entre 8 et 14
% (…) »
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30
Entre 2022 et 2023, les EPCI à fiscalité propre ont largement
reconduit leurs taux de fiscalité directe locale. En fonction des taxes, la
proportion de reconduction des taux se situe entre 81 et 88 %, la
proportion de baisse est marginale (moins de 0,4 %) et celle des hausses
comprises entre 12 et 19
%. » Concernant l’augmentation des taux de la
taxe d’habitation sur les résidences secondaires signalée par la Cour,
l’AMF rappelle que l’encadrement des taux implique que l’évolution du
taux de la THRS reste liée à celle du taux de la TFPB.
Enfin, le produit des DMTO diminue de 22,3 % en 2023 en raison
de la baisse du nombre et du prix des transactions immobilières. Le bloc
communal perçoit en effet la taxe additionnelle aux droits de mutation
(5,8
Md€ en 2022) qui représente environ 4,5
% des recettes de
fonctionnement.
Par ailleurs, 2023 enregistre à nouveau une baisse de la DGF en
volume. Même si la DGF du bloc communal augmente de 320
M€
(+1,7
%), cette hausse est très inférieure à l’inflation. La DGF représente
environ 15
% des recettes réelles de fonctionnement. Libre d’emploi, la
DGF joue ainsi un rôle majeur dans la constitution de l’autofinancement,
principal levier
de l’investissement
.
L’AMF rappelle que depuis 2014, le
bloc communal a été privé de 71
Md€ de ressources cumulées depuis le
début du gel de la DGF.
Évolution de l’épargne et de l’investissement
Le modèle économique de construction des budgets locaux a été
profondément bouleversé. La réduction des ressources locales avec la
baisse des dotations, combinée à la réduction des marges de manœuvre
avec la quasi-
disparition du levier fiscal, rigidifie l’ajustement des budgets
aux aléas de la conjoncture.
Pour parer à la quasi-
suppression du levier fiscal, l’épargne est
conservée pour faire face aux aléas. De 2014 à 2019, face à baisse de la
DGF, l’objectif a été de maintenir l’équilibre et donc de maintenir
l’épargne. Cet objectif a été atteint puisque l’éparg
ne a même légèrement
augmenté sur cette période (+2,9
Md€). En l’absence de marge de
manœuvre pour adapter le niveau des recettes, l’objectif de maintien de
l’épargne est devenu prioritaire. Ajoutée à la réduction du panier fiscal, la
réduction des dotations brouille la visibilité et réduit les marges de
manœuvre nécessaire à l’actualisation périodique du niveau de
d’autofinancement. La mobilisation de l’épargne pour le financement de
l’investissement devient plus risquée et donc moins importante.
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ET PERSONNES CONCERNÉS
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En 202
3, la Cour signale une augmentation de l’épargne du bloc
communal de 4,9
%, soit une évolution égale à l’inflation : peut
-on en
conclure que « l’épargne a continué de croître » comme l’indique la
Cour
? L’AMF estime que l’année 2023 enregistre plutôt un ma
intien de
l’épargne. L’AMF ajoute que le maintien de l’épargne n’est pas forcément
révélateur d’une situation favorable mais plutôt d’une
situation financière
équilibrée.
Sur l’analyse de l’évolution de l’investissement en 2023,
contrairement à ce qu’indi
que la Cour, on reste sur la même logique depuis
2014 : l’investissement reste la variable d’ajustement des budgets locaux.
Le lien entre les décisions d'investissement et l'incertitude s'explique
par l'existence d'un certain degré d'irréversibilité des investissements. Les
ordonnateurs locaux ne doivent pas seulement arbitrer entre investir ou ne
pas investir, mais entre investir maintenant et investir plus tard. Attendre
peut donc être une option pouvant présenter un certain avantage pour
protéger l’équil
ibre comptable, ce qui peut donc conduire à différer les
investissements.
Dans ce cadre, la stabilité des ressources locales revêt ainsi une
grande importance : elle garantit la validité des calculs de financement des
investissements, et assure ainsi la rationalité des décisions prises.
A contrario
, l’instabilité des ressources ne garantit plus les calculs de
financement des investissements qui sont finalement reportés ou réduits.
La baisse des dotations s’est soldée par un effondrement inédit de
l’investissement local (
-
15 Md€ de 2014 à 2017) tandis que le niveau
d’épargne était maintenu :
Md€
DGF
Épargne brute
Investissements
Mandat 2008-2013
139,31
98,2
197,59
Mandat 2014-2019
118,70
101,1
183,41
Différence entre les deux
mandats
-20,61
+2,9
-14,18
L’encadrement des budgets du bloc communal sévit aussi sur la
section d’investissement et sont autant de frein à la progression des
investissements :
Le
fléchage des dotations d’investissement a été renforcé sur des
priorités définies par l’
État, ce qui retarde le démarrage des travaux :
25 % des crédits de la DSIL ont été fléchés sur la transition écologique en
2023.
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32
Jusqu’en 2023 inclus, les dépenses d’aménagement de terrain ont
été exclues de l’assiette du FCTVA.
Ainsi en 2023, les investissements augmenteraient d’environ 7,8%
(au 30 décembre 2023) : c’est toutefois trois points seulement au
-dessus
de l’inflation. L’AMF estime ainsi que l’investissement du bloc communal
enregistre plutôt un ralentissement en 2023. L’AMF demande à la Cour
son analyse de l’évolution de l’investissement du bloc communal déduction
faite de l’inflation.
De plus, on peut regretter l’absen
ce de considération de la Cour
quant à l’impact de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement et
d’investissement des collectivités. En effet, comme l’a démontré
l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales
6
, l’inflation a
des impacts
sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Elle a
des effets directs sur les dépenses d’énergie, d’alimentation, de frais de
personnel, mais également au sein des achats et charges externes et des
dépenses d’intervention : « Sans qu’il soit po
ssible de toujours les
caractériser plus précisément, les effets diffus de l’inflation peuvent se
justifier par l’indexation de certains contrats sur des indices de prix, ou
par la volonté de soutenir des partenaires eux-mêmes touchés par
l’inflation (CCAS, SDIS…) ». Par ailleurs, l’OFGL rappelle que « la
hausse des prix a également eu un impact sur les dépenses d’investissement
dès 2022, les coûts dans les secteurs de la construction et des travaux
publics augmentant en lien avec les prix de l’énergie, des
matériaux et les
coûts salariaux ».
L’AMF signale aussi que la dégradation de la situation financière
des départements pèse aussi sur les cofinancements de l’investissement
avec le bloc communal : en 2023, les tendances révèlent en effet une baisse
impor
tante de l’épargne brute des départements
L’AMF souscrit au diagnostic de la Cour concernant « des
évolutions hétérogènes de la situation financière des différentes catégories
de collectivités en 2023 ».
Le maintien des équilibres financiers des collectivités locales et la
vitalité de l’investissement dépendent de l’importance des marges de
manœuvre des ordonnateurs locaux.
6
« Cap sur les finances des communes et intercommunalités en 2022 » N°
22 •
Novembre 2023.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
33
Pour l’AMF, la dégradation de la situation financière des budgets
locaux est d’autant plus grave que la suppression des marges de
ma
nœuvres fiscales est importante.
Par ailleurs, et bien que la situation se soit améliorée pour certaines
intercommunalités comme le souligne le rapport, l’AMF constate une
amplification des difficultés pour maintenir le même niveau de service
public dans certains territoires. En effet, notre association est saisie par
de nombreuses intercommunalités soucieuses pour leur avenir au regard
du montant élevé de leurs charges et de leurs faibles recettes. C’est
pourquoi, plusieurs d’entre elles s’orientent vers
l’institution d’un pacte
financier et fiscal dont les réflexions tournent en grande partie autour de
trois axes majeurs : dégager des marges de manœuvres financières pour
porter les projets communautaires, maintenir le même niveau de service
public, et soutenir financièrement les communes les plus fragiles dans leurs
investissements ou leur fonctionnement. Cela est inquiétant au regard de
la
conjoncture
actuelle
et
des
défis
que
devront
réaliser
les
intercommunalités dans un avenir proche (transition écologique,
réindustrialisation, habitat, transports etc.).
L’AMF estime que la position de la Cour quant à la participation
des collectivités au redressement des finances publiques est inefficace pour
réduire le déficit de l’État et met en
danger les finances publiques locales
La Cour considère que l’encadrement de l’évolution des concours
financiers de l’État pourrait constituer un levier pour peser sur l’évolution
des dépenses locales de fonctionnement, et ainsi contribuer au respect des
objectifs fixés aux collectivités concernant leur participation au
redressement des finances publiques.
Comme le rappelle la Cour, « la loi de programmation des finances
publiques pour les années 20232027 a prévu que les administrations
publiques locales contribuent au redressement des finances publiques par
la réduction de leurs dépenses et de leur endettement rapportés à la
richesse nationale et par la réalisation d’un important excédent de
financement en 2026 et 2027 » (réduction des dépenses de fonctionnement
de 0,5 point par an en volume).
La Cour relève toutefois que « La dynamique des dépenses de
fonctionnement et le passage à un besoin de financement des collectivités
en 2023 vont cependant rendre plus difficile l’atteinte des objectifs de la
loi de programmation »,
d’autant que celle
-ci « ne comporte pas de
dispositif à même de permettre la réalisation des objectifs relatifs aux
finances publiques locales. ».
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COUR DES COMPTES
34
Dans un paragraphe intitulé « Un levier non mobilisé :
l’encadrement de l’évolution des concours financiers de l’État », la Cour
rappelle que les concours de l’État représentent, depuis 2021, plus de la
moitié des recettes de fonctionnement et d’investissement des collectivités
et qu’ils « influencent de ce fait leurs dépenses ». Pour la Cour, « un
ralentissemen
t de l’évolution des concours de l’État pèserait sur
l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement ».
La Cour relève que l’encadrement actuel des concours financiers de
l’État porte sur une part modeste de leur montant (« l’objectif fixé pour
2024 ne couvre ainsi que 27
% du montant total des concours de l’État »).
Elle rappelle que les objectifs d’évolution portent sur les PSR, à l’exclusion
du FCTVA, et les crédits de la mission RCT, mais qu’ils n’intègrent pas les
fractions d’impôts nationaux transfé
rées aux CL, notamment la TVA.
La Cour relève en outre que les objectifs d’évolution des concours
de l’État ne sont pas respectés. Pour la Cour, le non
-respect de ces
objectifs « aurait pu être évité si la hausse de certains concours (…) –
notamment la DGF en 2023 et 2024 et la compensation de la réduction de
moitié des bases des locaux industriels
avait été mieux compensée par la
réduction » des dotations servant de variables d’ajustement.
La Cour semble ainsi préconiser d’augmenter la proportion des
transferts soumis à l’encadrement de leur évolution et de recourir
davantage au mécanisme des variables d’ajustement.
Ces orientations constituent un risque de dérapage des finances
publiques locales.
L’AMF estime que les mesures proposées par la Cour, q
ui
consistent à ponctionner encore davantage les collectivités, et accroître
leur mise sous tutelle d’un État pourtant surendetté, sont inefficaces et
contreproductives.
Ces ponctions sur les budgets du bloc communal réduisent la
capacité d’agir du bloc c
ommunal. Les restrictions imposées aux
collectivités se sont même avérées contreproductives, puisqu’elles ont
conduit à ralentir fortement les investissements, alors que les collectivités
portent plus de 70
% de l’investissement public et soutiennent ainsi
la
croissance.
En outre cette contribution ne s’est pas traduite par une réduction
du déficit ou des prélèvements obligatoires dont s’acquittent les
contribuables. En revanche, la compensation des ressources locales
supprimées par l’Exécutif pèse lourdement sur le budget de l’
État, à
hauteur de 52
Md€
par an :
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35
TVA transférée aux collectivités
Recette
remplacée
Collectivité
Prélèvement sur TVA
2022 (Md€)
Année
de la réforme
DGF
Régions
5,09
2018
CVAE
Régions
11,3
2021
TFPB
Départements
16,20
2021
CVAE
Départements
+bloc
communal
10,5
2023
THRP
EPCI et Paris
9,2
2021
Total collectivités locales
52,29
Au total, plus 100 Md€ des recettes annuelles correspondant à plus
de la moitié de recettes de TVA sont désormais affectées à la compensation
de recettes supprimées. En 2023, 113,9
Md€ de recettes de TVA sont
affectés à la Sécurité sociale pour compenser les allègements de charges
sociales (57,8
Md€), les ressources locales supprimées (52,3
Md€), et la
redevance à l’audiovisuel publ
ic (3,8
Md€).
Ces 113,9
Md€ auraient été
bien utiles pour compenser les 154
Md€ de déficit public.
L’I
nsee
(Note d’informations rapides du 26 mars) confirme cette
analyse et indique notamment que « c’est l’État qui porte la plus forte
contribution à la dégradation du solde de financement en 2023
(- 16,9
Md€). (…). La nouvelle étape de suppression de la CVAE, impôt
des collectivités locales, est compensée pour celles-ci par une affectation
de TVA, ce qui diminue la part attribuée à l’État »
.
Il faut aussi ajouter 4,2
Md€ de prélèvement sur le budget de l’État
pour compenser les suppressions de CFE et de TFPB des établissements
industriels. Il ne s’agit pas de contester le soutien aux entreprises
industrielles, bien au contraire. Il s’agit plutôt de définir u
ne vision plus
stratégique, et non parcellaire du soutien aux entreprises.
L’Exécutif avait défendu l’idée que la suppression d’impôts locaux
permettrait d’accroitre les recettes fiscales de l’État. Alors pourquoi
aujourd’hui, ces mêmes recettes sont en
baisse de 7,7
Md€ par rapport aux
prévisions ? La Cour a-t-
elle analysé l’impact de toutes les suppressions
de recettes pour le budget de l’État ?
L’AMF ajoute que l’encaissement des impôts locaux supprimés par
l’État crée du déficit caché
.
L’État a enc
aissé le produit de la taxe
d’habitation de 2020 à 2023 en lieu et place des collectivités locales. En
2023, une des raisons des baisses de recettes de l’État soulignée par l’I
nsee
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est la fin de l’encaissement de la TH par l’État « la dernière étape de la
suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales est
portée par l’État, qui avait rebudgétisé cet impôt en 2021 en compensant
les collectivités locales par l’affectation d’une part de la TVA. », soit
2,9
Md€ de recette de TH en moins en 2
023 par rapport à 2022.
La moitié de la CVAE, soit 4
Md€, est encaissée par le budget de
l’État. Le budget de l’État devra ainsi enregistrer une perte de recettes
lorsque la CVAE sera complétement supprimée. N’est
-ce pas une facilité
de gestion destinée à masquer un déficit en le reportant à plus tard ?
Est-
il légitime de détourner le produit d’un impôt local au profit du
budget
de l’État ?
L’effet de la réduction continue des ressources locales depuis 2014,
c’est le déficit des APUL à hauteur de 9,9
Md€
en 2023 : le déficit des
APUL s’est creusé de plus de 11
Md€ en 7 ans. L’excédent des collectivités
locales était encore de 4,8
Md€ en 2022.
Ce déficit des collectivités locales est le résultat des restrictions
continues des ressources locales : à la baisse de la DGF (71
Md€ en
cumulé depuis 2014), s’est ajoutée la compensation partielle de ressources
supprimées. Et pour optimiser la contrainte sur la gestion locale, cette
réduction des recettes s’est doublée d’une restriction des marges de
manœuvre avec l
a quasi-disparition du levier fiscal.
Le dispositif d’auto
-assurance préconisé par la Cour des comptes
pourrait constituer une fracture supplémentaire entre l’État et le bloc
communal si le dispositif devait être obligatoire.
Cette proposition modifie
e
n effet les rapports institutionnels entre l’État et les collectivités locales
par le biais comptable. Cette nouvelle vision de l’organisation du pays qui
serait désormais fondée sur la partition des risques est très éloignée des
principes actuels. La Constitution instaure en effet un État unitaire
décentralisé qui implique le partage de la charge de l’intérêt général entre
l’État et les collectivités.
Au-
delà, l’AMF alerte sur les conséquences d’une nouvelle
réduction des ressources locales affectées au financement des services
publics et à l’investissement. Cette disposition sur l’auto
-assurance
pourrait être synonyme, si elle n’était pas volontaire, d’écrêtement imposé
des recettes. Il y aurait dans ce cas une atteinte nouvelle et grave à la libre
administration des budgets locaux. Cette proposition intervient de surcroit
dans un contexte de recentralisation des recettes des collectivités locales
qui les prive de marges de manœuvre : après avoir nationalisé leurs
recettes, il est contradictoire que l’État se désengage de l’exercice de la
solidarité financière.
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37
Enfin,
cette
proposition
serait
éventuellement
susceptible
d’accroitre les marges de manœuvre des collectivités aux recettes
dynamiques, mais elle ne serait en rien une réponse pour les collectivités
qui font face à de faibles recettes fiscales et à des charges élevées.
En réalité, ce dispositif d’auto
-assurance a été proposé pour alléger
le soutien de l’État en cas de difficultés. L’AMF rappelle cependant que
c’est la réduction progressive des marges de manœuvre des collectivités
qui a généré la multiplication des filets de sécurité qui sont une charge
nouvelle pour le budget de l’État : certaines collectivités n’ont en effet plus
assez de marge de manœuvre pour faire face aux retournements de la
conjoncture.
L’AMF alerte sur les dommages collatéraux de la réduction
continue des capacités financières et de leurs marges de manœuvre sur le
financement des nouveaux enjeux de politiques publiques. La nouvelle
donne fiscale à la main de l’État, la baisse de la DGF, la compensation
partielle de ressources supprimées, le fléchage des dotations, sont autant
de freins au financement des grandes priorités nationales.
Pertes de ressources locales en raison des baisses
et du gel de la DGF (Md€)
DGF du bloc communal versée de 2008 à 2024
350,59
DGF du bloc communal qui aurait dû être versée si
l’indexation sur l’inflation avait été maintenue
421,63
Écart
- 71,04
Les propositions de la Cour mettent en danger les prévisions de
croissance. Deux mois après le vote de la loi, les prévisions de croissance
pour 2024 sont abaissées à 1 % au lieu des 1,4 % sur lesquels avaient été
bâtis les équilibres budgétaires en loi de finances pour 2024.
Pourtant, dès septembre 2023, le Haut Conseil de finances
publiques estimait déjà que la prévision de croissance (+1,4 %) pour 2024
était supérieure à celles du consensus des économistes (+0,8 %).
Aujourd’hui, les 1
% de croissance envisagés pour 2024, sont à nouveau
contestés par la Banque de France qui table sur une croissance de 0,8 %
pour 2024.
Dans sa note de conjoncture du 14 mars 2024, l’Insee indique que
l’activité « resterait à l’arrêt » au 1
er
trimestre 2024. L’I
nsee ajoute
qu’après un rebond de +0,3
% au 2
ème
trimestre, l’acquis de croissance à
mi-année pour 2024 ne serait que de +0,5 %.
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38
Réduire les capacités financières des collectivités locales va donc
peser sur la croissance
. L’AMF rappelle à la Cour qu’environ l
a moitié
des carnets de commande du secteur du bâtiment et des travaux publics
sont remplis par les collectivités locales. En outre, les collectivités locales
portent 70
% de l’investissement public et participent à la croissance du
PIB :
Les administrations publiques locales dans les comptes de la Nation
Md
2022
%
Valeur ajoutée
Valeur ajoutée brute
des APUL
141,5
5,4%
Produit intérieur brut
de la Nation
2639,1
Formation brute
de capital fixe
FBCF des APUL
57,1
9,3%
FBCF de la Nation
612,2
Source : DGCL. Données : Insee, Comptes nationaux - Base 2014
L’AMF appelle la Cour à changer d’approche et à privilégier la
responsabilité, donc la liberté locale. Ce changement doit passer par
l’autonomie financière et fiscale des collectivités qui doi
vent pouvoir
rendre des comptes aux habitants sur leur gestion et leurs choix financiers.
Toute liberté suppose en effet la responsabilité des gestionnaires publics,
meilleure garantie à la régularité et l’équilibre des comptes publics. Cette
responsabilit
é, corollaire d’une plus grande autonomie financière et
fiscale, optimise la performance de la gestion publique en rapprochant les
décisions de gestion du niveau pertinent, en intéressant les ordonnateurs
aux économies réalisées, et donc en favorisant le maintien des équilibres
financiers ainsi que le dynamisme des investissements.
Pour faire face aux nouveaux enjeux de politique publique et
soutenir l’investissement, l’AMF propose l'avancement du versement du
FCTVA
, ressource libre d’emploi et immédiateme
nt mobilisable pour la
transition écologique par exemple. L’AMF rappelle que cette mesure avait
permis de redresser l’investissement lors de la crise des subprimes.
L’AMF alerte aussi la Cour sur la nécessité de réformer les
dotations, notamment de la DGF dont le montant devra être indexé sur
l’inflation.
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39
Pour avoir une juste appréciation de la situation des finances
locales, l’AMF propose une revue des normes,
des dépenses transférées et
des recettes non-
compensées, ainsi qu’une revue des dépenses des
collectivités sur des politiques publiques prioritaires, telles que la
transition écologique ou le logement.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT
DE VILLES DE FRANCE (VDF)
Villes de France - qui rassemble les maires de villes de
10 000 habitants
à
100
000
habitants,
et
leurs
présidents
d'intercommunalités - défend la place et le rôle des villes infra-
métropolitaines, charnières entre les grandes métropoles et les espaces
ruraux, qui bénéficient en particulier du renouvellement du programme
«
Action cœur de ville ». Je v
ous remercie d'avoir invité Villes de France à
formuler ses remarques à propos du projet de rapport public 2024 sur les
Finances publiques locales - fascicule 1.
Sur le fond, nous souscrivons à la plupart des constats formulés
dans ce projet, notamment en ce qui concerne la légère dégradation de la
situation financière du secteur public local en 2023. Au-delà de cette
situation d'ensemble encore positive, l'épargne des différentes catégories
de collectivités a connu des évolutions divergentes, en fonction de leurs
paniers respectifs de recettes et de dépenses. L'épargne nette des
communes serait en 2023 la seule en progression (+ 0,9
Md€
) devant celle
des EPCI, avec un nombre d'entités du « bloc communal » ayant une
épargne nette négative lui aussi en augmentation.
Malgré cette tendance à la dégradation des niveaux d'épargne en
2023, les collectivités locales auraient comme vous le précisez maintenu
un haut niveau d'investissement (dépenses en progression de +4,5
Md€
et
de +6,6 % par rapport à 2022). Ces investissements sont assurés à 80 %
par le bloc communal. En 2023) le « bloc communal » traverserait donc la
situation la plus favorable, grâce à la dynamique des recettes des impôts
fonciers, les communes auraient fortement augmenté leurs dépenses de
fonctionnement et d'investissement, tout en stabilisant leur endettement.
Derrière cette situation d'ensemble qui peut paraître favorable, se
cache une réalité plus complexe dans les villes de taille intermédiaires que
pour l'ensemble des communes, avec un tassement plus sensible de
l'épargne brute. Chaque année, Villes de France rappelle la nécessité
d'avoir des approches qui soient différenciées dans la réduction des
ressources des collectivités locales, ou bien dans la réduction de la
dépense.
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40
Vis-à-vis de la mise en place de mécanismes à même de garantir la
réalisation de l'ensemble des objectifs de la loi de programmation des
finances publiques 2023-
2027 que vous appelez de vos Vœux, vous
indiquez à juste titre que les disparités de situations entre collectivités
doivent être prises en compte, mais aussi en leur sein, notamment pour
tenir compte de la dynamique spontanée de leurs différents postes de
dépenses.
À titre d'exemple pour les villes moyennes, les évolutions des
charges de fonctionnement ont été plus rapides que celles de leurs
recettes : les effets directs et indirects de l'inflation étant la première cause
de cette évolution. L'évolution des charges réelles de fonctionnement est en
particulier la plus soutenue dans la strate des communes de 20 000 à
49 999 habitants (+ 6 % entre 2022 et 2023 contre + 4,7 % pour
l'ensemble du bloc communal), et la plupart des villes ne sont pas
concernées par une abondance de trésorerie, ou par les majorations de
THRS et le ressaut consécutif de TH (communes du littoral). À l'aune de
ces précédents constats, il est primordial d'assurer une prévisibilité des
ressources aux villes moyennes à travers les transferts financiers, dont la
dynamique pourrait être la même que celle des recettes fiscales de l'État.
En ce qui concerne la contribution des collectivités locales au
redressement des finances publiques, les élus de Villes de France entendent
parfaitement la volonté des pouvoirs publics de limiter l'évolution de la
dépense et de réduire l'importance de la dette publique dans sa globalité.
Ils ne se sentent toutefois pas responsables des déficits publics qui ont
effectivement été alimentés par la suppression des impôts directs locaux
(TH, CVAE...), ni de l'augmentation du poids de la dette, dont la part
relative du secteur public local est inférieure à 7 % du PIB.
À la vue du contexte actuel particulièrement contraignant pour les
budgets des villes, en termes de rythme de réduction des dépenses réelles
de fonctionnement, les Maires de Villes de France ont des craintes de ne
pouvoir assurer comme auparavant le fonctionnement de leurs services
publics locaux. En effet, beaucoup d'opérations d'économies ont souvent
déjà été lancées au niveau local, et celles-ci ne sont pas toutes
reconductibles (par ex, non renouvellement d'un ou plusieurs départs en
retraite, mise en place d'éclairage Led). Si celles-ci peuvent assurer une
économie immédiate, elles n'en seront pas moins non renouvelables...
Les villes moyennes ont enfin pu faire état de difficultés qui les
concernaient en matière d'assurances. Au-delà de la multiplication des
aléas climatiques, de leur intensité, et des coûts important des dégâts issus
des émeutes urbaines de fin juin 2023, les villes moyennes subissent depuis
cette période une dégradation de leurs conditions assurantielles.
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ET PERSONNES CONCERNÉS
41
Celles-ci
connaissent
non
seulement
une
augmentation
exponentielle au niveau des primes (les polices d'assurances liées aux
dommages aux biens ont très fortement augmenté et pour certaines villes
ont été multipliées par deux voire trois), mais aussi une évolution très
défavorable des franchises. Ces niveaux de franchises les amènent à
s'interroger sur l'opportunité même de mettre en place ou non des
mécanismes d'auto-assurance, pour certains bâtiments, en l'absence de
réelle concurrence.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION
DES PETITES VILLES DE FRANCE (APVF)
L'APVF confirme son attachement et son intérêt à la publication
d'un rapport annuel sur « Les finances publiques locales » et se félicite du
renforcement de la concertation dans la procé
dure d’élaboration.
Le rapport « Les finances publiques locales » contribue, en outre, à
enrichir la discussion parlementaire sur le projet de loi de finances. Le
fascicule 2 est particulièrement intéressant dans la mesure où il donne les
premières
estimations de l’année en cours et permet de confirmer ou de
mettre en question les résultats de notre propre enquête de terrain sur la
situation financière des petites villes.
Ce fascicule porté à l'attention de l'APVF porte sur les perspectives
des finances publiques locales en 2024, avec une première partie sur la
poursuite d'évolutions divergentes entre catégories de collectivités et une
seconde partie consacrée aux objectifs de contribution des collectivités au
redressement des finances publiques.
La Cour des comptes révèle une probable hausse des dépenses en
volume, qui concernerait l'essentiel des postes de dépenses et
particulièrement les dépenses de personnel. L'enquête de l'APVF sur la
situation financière des petites villes en 2023 et perspectives 2024 confirme
ces estimations pour les petites villes (sur la base de
250 réponses
recueillies entre avril et mai dernier).
Leurs recettes de fonctionnement
progressent moins vite que leurs dépenses encore largement touchées par
l'inflation (explosion des dépenses énergétiques et de la masse salariale),
tandis qu’elles disposent de marges de manœuvre réduites pour réaliser de
nouvelles économies, sauf à remettre en cause le bon fonctionnement des
services de proximité. A minima, elles ont fait des économies de chauffage,
mais certaines ont dû recourir au non remplacement de départs en retraite
et à des fermetures de services.
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42
Après avoir sensiblement augmentées en 2023, les dépenses
d'investissement devraient, selon la Cour des comptes, progresser à un
niveau élevé en 2024. L'APVF tient à relativiser ces deux constats. En
2023, l'investissement certes, dépasse en volume le niveau de référence
de 2013. Mais, le niveau d'investissement est encore marqué par l'effet
rattrapage des années de crises successives et amplifié par les prix
élevés des matières premières. En outre, pour la première fois depuis
cinq ans, les petites villes mobilisent leur trésorerie au service de
l'investissement, cela est particulièrement vrai pour les communes de
plus de 10 000 habitants. En 2024, pour voter leur budget à l'équilibre
ou maintenir à flot leurs investissements, à des niveaux pour la plupart
très en-deçà des besoins, notamment en matière de rénovation
thermique des bâtiments publics et d'amélioration, d
adaptation à
l
évolution démographique ou de mise en accessibilité des équipements
publics, elles sont nombreuses à indiquer devoir puiser dans leur
trésorerie ou être obligées de contracter un emprunt. Celles qui
n'avaient suffisamment de trésorerie ont dû reporter ou annuler des
projets structurants.
L'APVF indique à la Cour des comptes que les petites villes
portent 40 % de l'investissement total des communes et que la transition
énergétique ne pourra réussir sans une forte implication des élus des
petites villes. Face au mur d'investissement que représente le
financement de la lutte contre le dérèglement climatique, l'APVF ne peut
que s'inquiéter de l'amputation des crédits du Fonds vert notamment et
de la fragilisation de l'épargne des petites villes.
Sur ce dernier point, l'année 2023 se distingue par une hausse de
l'épargne brute des petites villes, en moyenne de + 6,6 % toutes strates
confondues, portée par la progression de 7,1 % des valeurs locatives
cadastrales. Ce phénomène va s'amplifier en 2024 selon notre enquête de
terrain. En 2024, elles sont plus de la moitié à prévoir une baisse de leur
épargne nette, et près de 15 % annoncent un besoin de financement. De
nombreuses petites villes ont énoncé une réelle difficulté à équilibrer les
sections de leur budget, tant en fonctionnement qu'en investissement,
faisant peut-être de cette année « l'exercice de préparation budgétaire le
plus difficile des cinq dernières années ».
Les finances publiques locales 2024 - Fascicule 1 - juillet 2024
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