FINANCES ET COMPTES PUBLICS
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON
BUDGÉTAIRE 2023
Mission « Défense »
Avril 2024
Sommaire
SYNTHÈSE
..................................................................................................................................
5
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
...............................................................
11
INTRODUCTION
.....................................................................................................................
13
CHAPITRE I ANALYSE DE
L’EXÉCUTION BUDGÉ
TAIRE
.........................................
17
I - LA PROGRAMMATION INITIALE
...............................................................................................
17
A - Analyse de la loi de finances initiale vis-à-vis de la LPM 2019-2025
.................................................
17
B - Les conséquences du contexte géopolitique et économique et leur traduction en
loi de finances de fin de gestion
...........................................................................................................
18
C - La traduction budgétaire des opérations extérieures et des missions intérieures
.................................
22
II - LA GESTION DES CRÉDITS ET SA RÉGULARITÉ
.................................................................
23
A -
L’incidence des reports de crédits
........................................................................................................
23
B - Les évolutions réglementaires et les crédits extra-budgétaires
............................................................
26
C - La gestion de la réserve de précaution
.................................................................................................
27
III -
L’ANALYSE DE L’ÉVOLUTION DE
LA DÉPENSE ET DE SES COMPOSANTES
............
29
A -
L’exécution des crédits de la mission
Défense
....................................................................................
29
B - Les crédits relevant des plans de relance
..............................................................................................
30
IV - PERSPECTIVES ASSOCIÉES À LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE
...................................
31
A - Les reports de charge
...........................................................................................................................
31
B - Les restes à payer (dépenses hors titre 2)
.............................................................................................
33
C -
La gestion des autorisations d’engagements affectées
.........................................................................
34
V -
L’INCIDENCE DES DÉPENSES SUR L’ENVIR
ONNEMENT
..................................................
37
A - La cotation environnementale des dépenses de la mission au titre du « budget vert
» de l’État
..........
37
B -
Les actions du ministère en faveur de l’environnement
.......................................................................
39
CHAPITRE II LES POLITIQUES PUBLIQUES
................................................................
42
I - PROGRAMME 144
–
ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE
DE DÉFENSE
.....................................................................................................................................
42
II - PROGRAMME 146
–
ÉQUIPEMENT DES FORCES
..................................................................
44
A -
L’exécution des dépenses du programme
............................................................................................
45
B - Les enjeux de pilotage du programme 146
..........................................................................................
46
III - PROGRAMME 178
–
PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES
........................................
48
A -
L’exécution des dépenses du programme
............................................................................................
48
B - La gestion des dépenses relatives aux « missions opérationnelles » de nature stratégique
pour le programme 178
........................................................................................................................
50
IV - PROGRAMME 212
–
SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE
......................................
51
A - La trajectoire globale des effectifs
.......................................................................................................
52
B - Les recrutements ciblés prévus en LPM
...............................................................................................
56
C - Les dépenses de titre 2
.........................................................................................................................
58
D - Les dépenses hors titre 2
......................................................................................................................
61
V - LA PERFORMANCE
........................................................................................................................
63
VI - LA REVUE DE DÉPENSES ET LES ÉCONOMIES STRUCTURELLES
...............................
68
COUR DES COMPTES
4
VII - LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX JEUNES DE 15 À 25 ANS
................................................
68
CHAPITRE III LES MOYENS CONSACRÉS PAR L
’ÉTAT À LA POLITIQUE
DE
DÉFENSE
..................................................................................................................................
73
I - LES DÉPENSES FISCALES
.............................................................................................................
73
II - LES OPÉRATEURS ET LES FONDS SANS PERSONNALITÉ JURIDIQUE
.........................
75
A - Les opérateurs
......................................................................................................................................
75
B - Les fonds sans personnalité juridique
..................................................................................................
79
III -
L’ÉVOLUTION DE
LA DÉPENSE TOTALE SUR MOYENNE PÉRIODE
............................
82
ANNEXES
..................................................................................................................................
85
Synthèse
Une programmation et une exécution globalement conformes
L
’année
2023 est, pour la mission
Défense
, la dernière année de la mise en œuvre effective
de la programmation militaire pour 2019 à 2025. Les principaux déterminants de la loi de
finances initiale sont conformes à cette programmation
: les ressources budgétaires s’élèvent,
hors CAS
Pensions
, à 43,9
Md€
, soit +3
Md€ par rapport à 2022
;
le schéma d’emplois
programmé est de +1 547 ETP (dont +1 500 sur le périmètre de la LPM). Les crédits
d’équipement s’élè
vent à 25,6
Md€, en léger retrait par rapport à la trajectoire programmée
(26,1 Md€).
L’exercice a également été marqué par la préparation de la loi de programmation militaire
pour 2024 à 2030, votée en août. Le respect
–
et l’ajustement –
de son périmètre physique
déterminent
donc pour le ministère des armées les conditions d’entrée dans cette nouvelle
programmation
, qui marque à nouveau une forte ambition pour le modèle d’armées et ses
missions stratégiques.
En exécution, et compte tenu des mouvements réglementaires, la consommation des
autorisations d’engagement (61,2
Md€ soit 98,6
% des crédits ouverts en loi de finances
initiale) et des crédits de paiement (54,8
Md€ soit 103,2
% des crédits ouverts en loi de finances
initiale) se conforment aux crédi
ts ouverts en début d’année.
Les principales commandes et
livraisons prévues dans l’année ont été réalisées
. Au contraire, le
schéma d’emplois a connu
une forte dégradation pour la deuxième année consécutive (-2 515 ETP réalisés contre
+1 547 ETP en loi de finances initiale) : les créations de postes prévues par la LPM semblent
avoir été réalisées dans les spécialités visées, mais le ministère a rencontré pour la seconde
année consécutive d’importantes difficultés de recrutement et de fidélisation qui se so
nt
traduites par un
nombre de départs et d’entrées beaucoup moins favorables
que les hypothèses
de la loi de finances initiale.
De multiples anomalies affectant
l’exécution
budgétaire 2023
De nombreux mouvements de crédits doivent être pris en compte pour analyser
l’exécution de la mission
Défense
en 2023. En effet, de nombreux crédits ont fait l’objet de
reports depuis 2022 et vers 2024 :
-
pour les autorisations d’engagement (hors report des autorisations d’engagement affectées
sur tranche fonctionnelle), 3,9
Md€ ont été transférés de l’exercice 2022 et
2,0
Md€
ont été
reportés à 2024 sur le programme 178
Préparation et emploi des forces
, en raison de
marchés de maintien en condition opérationnelle dont la préparation connaît des difficultés,
soit 7,4 % des ressources budgétaires de la loi de finances initiale, hors CAS
Pensions
et
16,6 % des ressources du programme 178 ;
COUR DES COMPTES
6
-
pour les crédits de paiement, 1,6
Md€ ouvert en loi de finances de fin de gestion
ont fait
l’objet d’un gel immédiat et
ont été reportés à 2024, soit 69 % des ouvertures nettes de fin
de gestion.
Le vote de 200
M€
de crédits abondant le «
fonds spécial pour l’équipement de
l’Ukraine
» en loi de finances rectificative pour 2022 puis en loi de finances de fin de gestion
pour 2023 avec l’
objectif de les reporter respectivement aux exercices 2023 et 2024, plutôt
qu’en lois de finances initiales
pour ces exercices constitue une autre entorse au principe
d’annualité des crédits.
Enfin, la loi de finances de fin de gestion pour 2023 a ouvert
2,6 Md€ d’autorisations
d’engagement et 2,3 Md€ de crédits de paiement, nets des annulations
. L
’instruction a permis
d’identifier que ce bilan couvre en réalité
des dépenses nouvelles à hauteur de 3,3
Md€
d’autorisations d’engagement et
3,0
Md€ de crédits de paiement, et l’annulation de
dépenses
mises en réserve pour 0,7
Md€ d’autorisations d’engagement et 0,
7
Md€ de crédits de paiement.
Parmi ces nouvelles dépenses :
-
1,5
Md€ de crédits de paiement visait à garantir l’entrée dans la programm
ation militaire
pour 2024 à 2030, en finançant une réduction du report de charges des programmes 146 et
178 (0,4
Md€) et surtout l’acquisition d’équipements nouveaux, dont le périmètre n’a fait
l’objet d’aucune justification au premier euro
;
-
1,0
Md€ visait à financer les surcoûts occasionnés par le soutien à l’Ukraine sous toutes ses
formes (déploiements militaires renforcés sur le flanc Est de l’OTAN, financement direct
ou indirect de cessions d’équipement)
;
-
0,2
Md€
a couvert le surcoût des opérations extérieures, et 0,3
Md€ les hausses de coût des
carburants opérationnels, conformément aux dispositions de la loi de programmation
militaire.
L’ouverture de certains crédits, par cette loi, a été très tardive par rapport au fait
générateur qui leur est associé
: les déploiements militaires sur le flanc Est de l’OTAN, soit
0,6
Md€, connaissaient leur forme actuelle dès la préparation de la loi de finances initiale, à la
mi-2022. Il en va de même pour les coûts du carburant opérationnel qui
n’ont pas été ajusté
s,
alors qu’ils avaient déjà occasionné un besoin de financement supplémentaire en 2022. Surtout,
la préparation de la programmation militaire pour 2024-2030 a conduit la Première ministre à
arbitrer, dès février 2023
, l’allocation de 1,5 Md€ supplémentair
es à la mission
Défense
: en
l’absence d’une loi de finances rectificative déposée en même temps que le projet de LPM, les
évolutions des dépenses correspondantes ont donné lieu à un suivi spécifique pendant la
majeure partie de l’exercice et ont contribué
à contraindre son exécution.
Ces pratiques semblent motivées par la volonté de présenter en loi de finances initiale
des ouvertures de crédits conformes «
à l’euro près
» à la programmation militaire. La Cour
constate cependant qu’elles
ont contribué à brouiller l’analyse de l’exécution budgétaire pour
2023 et à réduire l’information du Parlement.
SYNTHÈSE
7
Enfin, six
1
dépenses fiscales continuent d’être rattachés à la mission
Défense
: la
principale est dépourvue de base légale, ce dont la Cour a alerté les administrations concernées
depuis de nombreuses années, et ne concerne que marginalement le ministère des armées ; deux
autres ne donnent plus lieu à des paiements
; et, de façon générale, le ministère des armées s’est
révélé incapable de les évaluer, ce que la Cour recommande depuis 2014. Leur montant
(105
M€)
très réduit par rapport aux dépenses budgétaires de la mission, surtout si l’on excepte
la part de la dépense n° 120127 qui ne concerne pas le ministère des armées, incite à les
supprimer et, le cas échéant, à les intégrer aux dépenses budgétaires du ministère. Une telle
action réduira par ailleurs «
l’émiettement des dépenses
» que la Cour constatait, de façon plus
générale, dans son rapport public thématique de novembre 2020 relatif aux
finances publiques
–
pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance
.
Un exercice fortement marqué par des chocs externes, qui ont continué à
dégrader les marges de
manœuvre
du ministère
L
’exécution de l’exercice 2023 a été fortement marquée par
deux circonstances
externes : une forte inflation et
la poursuite du soutien à l’Ukraine.
En ce qui concerne l’inflation, les
crédits ouverts par la loi de finances de fin de gestion
(257,4
M€ au titre des carburants opérationnels) ne constitue
nt
qu’une fa
ible part des surcoûts
subis par le ministère des armées, et que la mission
Défense
a pour l’essentiel absorbé
s sous
enveloppe de ses crédits
: c’est le cas pour le programme 146 (410
M€ de surcoûts soit
2,7 %
des crédits ouverts en loi de finances initiale) et pour le BOP
DGSE
du programme 144
Environnement et prospective de la politique de défense
(22
M€ de surcoûts liés à
l’approvisionnement en électricité soit
5,3 %). Les mesures salariales et les dotations
complémentaires allouées aux des opérateurs en réponse
à l’inflation a également occasionné
des surcoûts, soit 215,4 M€ pour les dépenses de titre 2
; ces dépenses ont également été
absorbées
sous enveloppe des crédits de masse salariale, du fait d’une fo
rte sous-exécution du
schéma d’emplois ministériels.
Pour les opérateurs, enfin, l’inflation et les mesures de
revalorisation salariales se sont traduites par des besoins de subventions supplémentaires,
estimés pour la part de fonctionnement à 6,5
M€
supplémentaires par rapport à la loi de finances
initiale (soit +1,6 %) et 22,6
M€ par rapport aux contrats d’objectifs et de performance (soit
+5,1 %).
Le soutien à l’Ukraine, quant à lui, a pris des formes
diverses
. Tout d’abord, la France
a poursuivi son eng
agement militaire sur le flanc Est de l’OTAN (mission
Lynx
dans les pays
baltes, police du ciel, mission
Aigle
en Roumanie dont la France est nation-cadre, contribution
à la mission de formation de l’Union européenne en Pologne)
; cet engagement a occasionné
en 2023 des surcoûts à hauteur de 560,5
M€ titre 2 inclus. L’équipement des forces armées
ukrainiennes a coûté 506,0
M€ et pris des formes diverses, de la cession directe (la charge
budgétaire correspondant au recomplètement des parcs et stocks des armées) au financement
de commandes ukrainiennes à des fournisseurs français. Le ministère a également supporté en
2023 une partie de la contribution française à la Facilité européenne pour la paix, correspondant
1
La loi de finances initiale pour 2024 a supprimé l’une de ces dépenses fiscales, qui ne donnait plus lieu à des
dépenses effectives.
COUR DES COMPTES
8
aux cessions d’équipement à l’Ukraine dont le r
emboursement sera demandé à la Facilité, soit
63,2 M€
2
.
Il résulte de ces chocs non provisionnés, comme du report à 2024 de 1,6
Md€ de crédits
de paiement ouverts en loi de finances de fin de gestion, que les marges de manœuvre du
ministère ont continué à se réduire :
-
le report de charges de la mission
Défense
s’est fort
ement dégradé et atteint désormais
6,1
Md€, soit
19,8 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (un peu plus de deux
mensualités de paiement)
; le ministère des armées n’envisage pas sa réduction avant la fin
de la nouvelle période de programmation ;
-
le reste à payer s’établit
désormais à 97,4
Md€ soit +6,4
Md€ par rapport à la fin de
l’exercice 2022
; son écoulement représente 24,2
Md€ en 2024, soit 72
% des crédits de
paiement ouverts en loi de finances initiale, hors titre 2.
Pour le titre 2, le caractère pérenne des mesures générales et catégorielles qui, sous
enveloppe de la trajectoire prévue en application de la LPM, ont consommé les crédits en
remplacement des dépenses liées au schéma d’emploi obère la capacité du ministère des armées
à respe
cter la trajectoire d’emplois inscrite en LPM
. Cela se traduit par un rebasage de sa
trajectoire d’effectifs
, en loi de finances pour 2023
comme pour l’entrée en programmation
2024-2030,
c’est
-à-
dire à un renoncement du ministère à rattraper le schéma d’em
ploi non
réalisé.
Des indicateurs budgétaires de moins en moins lisibles, dans un contexte de
transition d’une programmation militaire à l’autre
La loi de programmation militaire 2019-2025 portait, à la fin de son rapport annexé, une
ambition de maîtrise de la santé financière de la mission
Défense
; cette ambition se traduisait
par des trajectoires fixant l’objectif de maîtrise des indicateurs ci
-dessus (report de charges,
reste à payer).
Tel n’est plus le cas de la programmation militaire pour 2024
-2030.
En outre, l’exécution des exercices 2022 et 2023 a montré
que les trajectoires
d’ouvertures de postes prévues par la loi de programmation militai
re, si elles illustrent les
efforts du ministère quant au renforcement de certaines compétences opérationnelles, masquent
une réalité plus nuancée de la maîtrise des effectifs ministériels, compte tenu des difficultés de
recrutement et de fidélisation que le ministère rencontre. Elles ne rendent pas compte, non plus,
du fait que les mesures d’attractivité désormais permises par la loi rigidifient durablement la
gestion de sa masse salariale.
Enfin, la loi de programmation militaire intègre désormais dans sa provision « OPEX-
MISSINT » la totalité des surcoûts occasionnés par ces engagements opérationnels ; toutefois,
compte tenu du retrait des troupes françaises d’Afrique comme de l’engagement croissant de la
France dans les missions de réassurance de l’OTAN,
la signification de cette provision apparaît
de plus en plus incertaine. Elle doit se réduire à 800
M€
à compter de l’exercice 2024, alors
même que
n’y sont pas inclu
ses les missions opérationnelles, à effet stratégique, sur le flanc Est
de l’Europe
qui tendent à croître et représentent désormais un surcoût de 494
M€ en année
2
La mission
Action extérieure de l’État
a pour sa part continué à y contribuer pour ce qui concerne le matériel non
létal, à hauteur de 34,7 M€ en 2023.
SYNTHÈSE
9
pleine. Étendre le champ de cette provision à de telles missions opérationnelles apparaît
désormais incontournable afin de rétablir la lisibilité du coût budgétaire des engagements
militaires.
Récapitulatif des recommandations
1.
Publier dans les documents annuels de performance, en complément des trajectoires de restes
à payer, le niveau du report de charges concernant les programmes 146 et 178 et ses
perspectives d’évolution pour la période 2024
-2030, afin de permettre au Parleme
nt d’apprécier
la maîtrise des dépenses de la mission
(ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique, ministère des armées
–
recommandation reformulée).
2.
Expliciter, dans les rapports annuels de performance, les coûts réels des opérations extérieures
et des missions intérieures et leur mode de calcul, en complément des informations fournies au
titre des actions 06 et 07 du programme 178
(ministère des armées).
3.
Compléter, pour chaque LFI, la provision OPEX-MISSINT par des ressources relatives aux
missions opérationnelles servant un objectif stratégique, en particulier la contribution
française à la présence renforcée de l’OTAN sur le flanc Est de l’E
urope
(ministère des
armées).
4.
Améliorer la lisibilité budgétaire des enjeux RH du ministère des armées. À cet effet :
-
présenter le schéma d’emplois et le plafond d’emplois pour un périmètre unifié, couvrant
l’intégral
ité de la mission ;
- présenter la trajectoire globale prévisionnelle des effectifs, en
complément du schéma d’emplois
;
-
distinguer au sein du schéma d’emplois, d’une part, les
créations de postes qui résultent des efforts capacitaires portés par la LP
M, et d’autre part, l’effet
des renouvellements nets (recrutements, fidélisation) associés aux postes existants.
(ministère
des armées
–
recommandation reformulée)
5.
À défaut de leur évaluation précise, supprimer les dépenses fiscales rattachées à la mission
Défense et les compenser par des dépenses réintégrées dans les crédits budgétaires
(
ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
ministère des armées).
Introduction
La mission
Défense
, dont la responsabilité incombe au ministère des armées
3
, représente
43,9
Md€ programmés pour l’exercice 2023
, hors CAS
Pensions
(crédits de paiement ;
53,1
Md€
en incluant la contribution au CAS
Pensions
). Elle regroupe quatre programmes
budgétaires :
-
144
–
Environnement et prospective de la politique de défense ;
-
146
–
Équipement des forces ;
-
178
–
Préparation et emploi des forces ;
-
212
–
Soutien de la politique de défense.
L’année 2023 constitue, pour cette mission, la cinquième année d’exécution de la loi de
programmation militaire (LPM) 2019-2025
4
qui régit sur une durée de sept ans la trajectoire
des moyens budgétaires dédiés à la défense, du report de charges
constatable en fin d’exercice
,
de la provision dédiée aux opérations extérieures et aux missions intérieures (OPEX-MISSINT)
ainsi que de l’agrégat
«
équipement
».
Elle en constitue désormais, depuis le vote d’une
nouvelle loi de programmation
5
, la dernière annuité. En outre, comme en 2022, la loi de
finances de fin de gestion
6
a donné lieu à une ouverture significative de crédits pour la mission
défense, soit 2,6
Md€ en autorisations d’engagement et 2,
3
Md€ de crédits de paiement
nets
des annulations.
Comme pour les exercices précédents, les
crédits disponibles en fin d’année ont été
presque entièrement consommés en crédits de paiement (54,8
Md€ soit
96 %), tandis que les
autorisations d’engagement ont connu une importante
sous-exécution (61,2
Md€ soit
64 %) due
pour l’essentiel, comme en 2022, au report d’autorisations d’engagement affectées
.
La répartition des quatre programmes de la mission
Défense
est restée stable par rapport
à 2022. Le programme 212, CAS
Pensions
inclus, représente toujours la majorité des crédits
exécutés de la mission (43 % contre 44 % en 2022). Les programmes 146 et 178 rassemblent,
quant à eux, 53,3 % des ressources budgétaires de la mission (respectivement 29,6 % et 23,7 %
des crédits).
En ce qui concerne la nature des dépenses, le titre 2 prédomine (40,7 % des crédits,
CAS
Pensions
inclus). Hors CAS
Pensions
, ces crédits représentent 15,4 % des dépenses de
3
Le ministère des armées est également responsable de la mission
Anciens combattants, mémoire et liens avec la
Nation
; il gère également des crédits de la mission
Recherche et enseignement supérieur
.
4
Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant
diverses dispositions intéressant la défense.
5
Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant
diverses dispositions intéressant la défense.
6
Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
COUR DES COMPTES
14
personnel de l’État. Les dépenses d’investissement (titre 5) rassemblent quant à elles
31,4 %
des ressources de la mission : la mission
Défense
reste ainsi la première source des dépenses
d’investissement du budget de l’État et représente
75,3 % des crédits de titre 5, contre 12,2 %
de l’ensemble des dépenses
7
.
L’exécution des crédits de la mission
Défense
a été, en 2023 comme en 2022, affectée par
les conséquences du conflit engagé en Ukraine, à la fois directement (livraisons d’équipement,
renforcement de la présence militaire française sur le flanc Est de l’Eu
rope) et, plus
indirectement, par l’évolution des coûts des facteurs qui en a résulté.
7
Dépenses de tous les programmes du budget général, hors remboursements et dégrèvements, budgets annexes et
comptes spéciaux.
INTRODUCTION
15
Mission
Défense
Programme 144
–
Environnement et prospective de la politique de défense
Programme 146
–
Équipement des forces
Programme 178
–
Préparation et emploi des forces
Programme 212
–
Soutien de la politique de défense
Graphique n° 1 :
dépenses de la mission par programme
–
exécution 2023
(CP, en Md
€)
Source : Cour des comptes
Graphique n° 2 :
les dépenses de la mission par titre
–
exécution 2023 (CP)
Source : Cour des comptes
1,90
12,97
16,24
23,70
54,81
0
10
20
30
40
50
60
P.144
P.178
P.146
P.212
Total
mission
40,7%
32,2%
25,7%
1,3%
Dépenses
d'opérations
financières
(T7); 0,1%
0,0%
Dépenses de personnel (T2)
Dépenses de fonctionnement
(T3)
Dépenses d'investissement
(T5)
Dépenses d'intervention (T6)
Dépenses d'opérations
financières (T7)
Chapitre I
Analyse de
l’exécution budgétaire
I -
La programmation initiale
A -
Analyse de la loi de finances initiale vis-à-vis de la LPM 2019-2025
Dernière année couverte par la LPM 2019-2025 en termes de ressources budgétaires
8
,
l’exercice 2023 respecte cette dernière aussi bien en termes de
crédits (44,0 Md
€)
9
que
d’évolution du schéma d’emploi
(+1 500 équivalents temps plein
–
ETP
10
). Les crédits ouverts
en loi de finances initiale pour 2023 pour la mission défense
s’élèvent
ainsi à
53,1 Md€ CAS
Pensions
inclus (43,
9 Md€ hors CAS
Pensions
), répartis comme suit.
Tableau n° 1 :
crédits ouverts en LFI pour 2023 par programme à périmètre courant
(en M€)
AE
Évolution
LFI 2023/LFI 2022
CP
Évolution
LFI 2023/LFI 2022
Programme 144
1 989,8
-7,3 %
1 906,2
+7,2 %
Programme 146
23 514,8
+37,6 %
15 380,9
+6,0 %
Programme 178
12 559,5
-15,7 %
12 052,6
+11,6 %
Programme 212
23 941,2
-6,0 %
23 776,7
+5,8 %
Mission
62 005,4
+4,1 %
53 116,5
+7,2 %
Source : Cour des comptes
8
L’article 3 de la LPM 2019
-
2025 n’indique pas les ressources allouées en 2024 et 2025
; ces ressources devaient
faire l’objet d’un arbitrage à
l’occasion de l’actualisation de la LPM, prévue en 2021 par son article 7 et qui n’a
pas été réalisée.
9
La loi de finances initiale pour 2023 prévoit 43,9
Md€
de crédits de paiement ; le différentiel de 0,1
Md€
s’expliqu
e par la suppression des loyers budgétaires sur le périmètre de la mission
Défense
depuis 2020.
10
45 ETP supplémentaires sont dédiés au SIAé et deux au
délégué ministériel de l’encadrement supérieur
.
COUR DES COMPTES
18
Les principaux postes de dépense financés sont les suivants :
-
25,
6 Md€ sur le périmètre équipement
;
-
12,
9 Md€ en masse salariale
(hors surcoûts OPEX-MISSINT et CAS
Pensions
) ;
-
4,
2 Md€ pour l’activité et le soutien aux forces
;
-
1,
2 Md€ enfin dédiés aux
surcoûts OPEX-MISSINT.
L’agrégat
«
équipement
»
11
s’élève sur l’exercice à 25
,6
Md€
(+2,0
Md€ par rapport à
2022)
, alors que l’annexe de la LPM en éval
ue le besoin à 26,
1 Md€
. Le ministère des armées
explique cet écart par des contraintes issues, en construction budgétaire, de la prise en compte
de l’inflation
. Cette hausse est portée par les opérations stratégiques (OS)
Programmes à effet
majeur
(+455 M€), en raison de livraisons emblématiques prévues en 2023
12
,
Entretien
programmé du matériel
(+550
M€) en raison des forts volumes d’activité opérationnelle et
Infrastructures de défense
(+420 M€).
Les dépenses de titre 2 prévues en loi de finances initiale
s’élève
nt à 22 416,4
M€
,
CAS
Pensions
inclus, soit +1 193,9
M€
par rapport à 2022. Cette hausse de crédits vise à
accompagner l’augmentation prévue du schéma d’emploi. S’y ajoutent des mesures
catégorielles à hauteur de 177,7 M€, dont la troisième marche de la nouvelle politique de
rémunération des militaires (NPRM) pour un montant de 1
01 M€, et des mesures de
revalorisation plus spécifiques.
Les dépenses de fonctionnement augmentent de 411
M€, principalement
du fait de
l’évolution défavorable des indices macroéconomiques (notamment la hausse des prix de
l’électricité, du gaz et
des carburants).
La dotation OPEX-MISSINT, enfin, est stable par rapport à la loi de finances initiale pour
2022.
B -
Les conséquences du contexte géopolitique et économique et leur
traduction en loi de finances de fin de gestion
Comme pour 2022, la gestion de l’
exercice 2023 a été marquée par un effort important
de soutien à l’Ukraine
, ainsi que par des mesures exogènes (inflation générale, dont la hausse
du coût des carburants ; mesures salariales générales pour la fonction publique). Pour autant, la
bonne réalisation du contenu financé
était déterminante pour l’entrée en programmation 2024
-
2030.
C’est la raison pour laquelle
la Première ministre a décidé, dès février 2023
13
,
d’
abonder
le budget de la mission
Défense
à hauteur
de 1,5 Md€
supplémentaires. Ce montant a été rendu
public à l’occasion des débats relatifs à la loi de programmation militaire 2024
-2030 ; il
11
Composé des opérations stratégiques suivantes : DIS, RENS, PPA, EPA, PEM, AOA, INFRA, EAC, EPM, EPP
–
voir les points d’attention par programme, au chapitre II.
12
13 avions
Rafale
, divers véhicules relevant du programme SCORPION (22
Jaguar
, 123
Griffon
et 119
Serval
),
3 avions MRTT et le deuxième SNA
Barracuda
.
13
Lettre n° 08792 du 22 février 2023.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
19
s’agissait de «
traiter les
urgences liées à l’Ukraine, la lutte anti
-drones ou les Jeux olympiques,
ainsi que la question de l’inflation
»
14
.
Les ouvertures et annulations prévues par la loi de finances de fin de gestion
15
, déposée
le 31 octobre 2023, sont présentées dans le tableau suivant. Leur répartition et leur justification,
telles qu’exprimées dans l’exposé des motifs, sont détaillées dans
le tableau ci-après.
Tableau n° 2 :
ouvertures et annulations présentées en loi de finances de fin de gestion
2023
(en M€)
AE
CP
P144
P146
P178
P212
P144
P146
P178
P212
Annulation de crédits mis en réserve
-64,5
-40,0
-65,0
« Accélérer la montée en puissance de
la LPM et couvrir les surcoûts 2023 au
titre des opérations extérieures et
missions intérieures, des déploiements
sur le front oriental de l'OTAN, du
soutien à l'Ukraine et des carburants
opérationnels »
1 565,3
1 544,0
« Limiter le report de charges »
60,0
« Accélérer la montée en puissance de
la loi de programmation militaire et
couvrir les surcoûts liés au soutien à
l'Ukraine »
949,2
571,0
Abondement du « fonds Ukraine » pour
2024 (amendement)
200,0
200,0
Total
-64,5 1 149,2
1 565,3
-40,0
-65,0
771,0
1 544,0
60,0
Source :
Cour des comptes, d’après données du
ministère des armées
L’instruction a permis
de préciser la répartition des crédits régularisant, au titre de la loi
de finances de fin de gestion, des dépenses nouvelles et des dépenses annulées de la mission
Défense
, comme le montre le tableau ci-après.
14
Déclaration du ministre des armées à l’Assemblée nationale, le 13 avril 2023.
15
Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
COUR DES COMPTES
20
Tableau n° 3 :
évolution des dépenses de la mission
Défense
au titre de la loi de finances
de fin de gestion 2023 (en
M€)
AE
CP
P144
P146
P178
P212
P144
P146
P178
P212
Mobilisation de
la réserve de
précaution
Annulation de
crédits
-64,5
-40,0
-65,0
« Autofinancement »
-494,5
-53,3
-505,3
-96,5
Entrée en LPM
2024-2030
« 1,5 milliard »
Réduction du report
de charges
200,0
100,0
60,0
Anticipation de
nouveaux objets
1 200,0
602,6
700,0
400,0
Surcoûts
« en gestion »
Surcoût Ukraine
243,7
552,6
176,3
677,1
Surcoût OPEX
206,0
206,0
Inflation (carburants
opérationnels)
257,4
257,4
Abondement du « fonds spécial
Ukraine » pour 2024
200,0
200,0
Total
-64,5 1 149,2
1 565,3
-40,0
-65,0
771,0
1 544,0
60,0
Source :
Cour des comptes, d’après données du
ministère des armées
Quatre observations peuvent être formulées sur la base de ces éléments.
En premier lieu, l’exposé des motifs du projet de loi précise, en complément des
contraintes organiques applicables
16
, que «
la LFG se concentre sur les dispositions permettant
la bonne mise
en œuvre de la fin de gestion, sans intégrer les dispositions nouvelles qui
devraient figurer dans le projet de loi de finances pour 2024 examiné concomitamment par le
Parlement
». L’ouverture de 1,8 Md€ d’autorisations d’engagement et 1,1 Md€ de crédits d
e
paiement, visant à anticiper des commandes relevant de la loi de programmation militaire pour
2024-2030, constitue pourtant de telles dispositions nouvelles. Son contenu, rappelé en annexe
n° 3, comporte des commandes manifestement sans lien avec la contribution française au profit
des armées ukrainiennes. Au surplus, ces commandes ont été réalisées par le ministère des
armées, en lien avec la direction du budget, dès mars 2023
17
. Ni le ministère des armées, ni la
direction du budget n’ont expliqué –
autrement que par
le fait d’une décision politique en
opportunité
–
le choix
d’avoir introduit une telle évolution du
contenu physique de la mission
Défense
à l’occasion de la loi de fin de gestion (déposée le 31 octobre 2023), plutôt que par une
loi de finances rectificative ou dans la loi de finances pour 2024.
16
Alinéa 4 de l’article 35 de la l
oi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances
, telle qu’elle
résulte des modifications apportées par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la
modernisation de la gestion des finances publiques.
17
Relevé de conclusions du comité financier interministériel n° 125.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
21
Ensuite, les opérations militaires contribuant à la réassurance des pays du flanc Est de
l’OTAN
(missions
Lynx
dans les pays Baltes et
Aigle
en Roumanie) avaient atteint, dès la mi-
2022
le format qu’elles ont conservé en 2023 –
et cela même alors que le projet de loi de
finances pour 2023 était toujours en cours de préparation au sein du ministère des armées. Il en
est résulté un surcoût estimé par le ministère des armées à 494
M€, abondé par des ouvertures
de crédits en fin de gestion. De même,
l’analyse de l’exécution budgétaire du compte de
commerce 901
Service de l’énergie opérationnelle
a fait apparaître des sous-jacents
économiques (coût du baril, cours du
Brent
) largement sous-évalués en loi de finances initiale
en raison de l’ancienneté de la référence de coût retenue (rapport économique, social et
financier annexé au projet de loi de finances pour 2022, édité en octobre 2021). Les dispositions
de la LPM 2019-2025 puis de la LPM 2024-2030, qui prévoient «
qu’
en cas de hausse du prix
constaté des carburants opérationnels, la mission
Défense
bénéficiera de mesures financières
de gestion
» (respectivement, article 5 et article 6),
n’incite
nt pas le ministère des armées à
tempérer l’optimisme de telles prévisions. Les surcoûts constatés en gestion ont conduit à
l’ouverture de 257,4 M€.
Au global, la loi de finances de fin de gestion a donc ouvert au moins
751,4 M€ de crédits en conséquence d’un défaut de budgétisation de certains surcoûts, qui
auraient pu être intégrés à la loi de finances initiale
–
selon les cas, sous enveloppe ou en
complément des crédits prévus par la trajectoire de la LPM.
Par ailleurs, le projet de loi de finances de fin de gestion présente les ouvertures de crédits
de manière particulièrement synthétique. La contraction des ouvertures et des annulations
résultant de «
l’autofinancement
» des anticipations de commandes, sur les programmes 178 et
146, en masque une grande partie. En outre, et contrairement à la loi de finances initiale, aucune
description du contenu de ces commandes anticipées ne semble avoir été fournie au Parlement.
Ces « simplifications » budgétaires ont condui
t le Parlement à disposer d’une information
particulièrement limitée pour voter la loi de fin de gestion.
Enfin, les crédits pour 2023 du «
fonds spécial pour l’équipement de l’Ukraine
» résultent
d’un amendement à la loi de finances rectificative pour 202
2 ouvrant des crédits ensuite
reportés, plutôt que d’
une ouverture en loi de finances initiale pour 2023 pourtant examinée au
même moment par le Parlement. De même, son réabondement
en vue de l’exercice 2024
a été
intégré à la
loi de fin de gestion de l’ex
ercice 2023
, en vue d’un nouveau report de crédits,
plutôt qu’à la loi de finances initiale pour 2024 examinée au même moment par le Parlement.
Dans les deux cas, la direction du budget justifie une telle procédure par le fait de dissocier
cette enveloppe de crédits de ceux de la mission
Défense
, lesquels seraient selon elle strictement
limités par la trajectoire prévue en loi de programmation militaire
18
. Pour autant, il convient
d’observer que l
es arbitrages gouvernementaux ont conduit à exclure les mesure
s d’aide à
l’Ukraine du périmètre de la LPM
19
. Une telle pratique, qui plus est répétée, contrevient au
principe de l’annualité des crédits
et limite l’information du Parlement
.
18
Ce « fonds
» est pourtant constitué par un abondement de crédits du programme 146, retracé au titre de l’action
n° 13
Soutien à l’effort de défense de pays tiers
de ce programme créée par la loi de finances pour 2024 ; il relève
de ce fait de la mission
Défense
.
19
Audition, le 15 mars 2023, du ministre des armées par l’Assemblée nationale, relative à l’aide militaire de la
France à l’Ukraine
: «
les mesures d’aide et de soutien à l’Ukraine ne seront pas
comprises dans le périmètre de
la LPM, car nous considérons que cette dernière a pour objet de déterminer de manière transparente le format
COUR DES COMPTES
22
C -
La traduction budgétaire des opérations extérieures et des missions
intérieures
La couverture budgétaire des surcoûts liés aux OPEX-MISSINT est assurée en deux
temps
20
:
-
en loi de finances initiale,
les surcoûts font l’objet d’une
provision dont la trajectoire est
fixée en LPM (
1 200 M€
pour 2023, répartis en 1
070 M€ pour les
OPEX et
130 M€ pour
les MISSINT
dont, respectivement, 250 M€ et 30 M€ de dépenses de titre 2
) ;
-
en gestion, les dépenses éventuelles au-delà de cette provision peuvent être financées par
des redéploiements internes à la mission
Défense
, ou par
l’ouverture de
crédits issus de la
solidarité interministérielle, dont la part respective relève d’arbitrages
de fin de gestion.
Graphique n° 3 :
financement des besoins OPEX-MISSINT sur les programmes 178
et 212
(CP, en M€)
Note : les « ouvertures de crédits »
s’entendent sur les
programmes budgétaires 178 et 212, porteurs des provisions OPEX-
MISSINT. Elles peuvent être résulter de la
mise en œuvre de la
clause de solidarité interministérielle prévue par les LPM
successives, mais aussi d’annulations de crédits mis en réserve
sur les autres programmes de la mission Défense. De même
les « redéploiements internes » sont à comprendre au sein des programmes 178 et 212.
Source
: Cour des comptes d’après données du ministère des armées
Le surcoût lié aux opérations extérieures (1
221,8 M€
en 2023) est porté, à titre principal,
par les déploiements en bande sahélo-
saharienne (725,6 M€ consommés en 2023) et à
l’opération
Chammal
au Levant (287,6 M€). La répartition par nature de dépenses montre un
des armées et les conditions d’exécution d’un certain nombre de programmes d’investissement. Les dispositifs
d’aide à l’Ukraine seront détaillés dans le cadre des projets de loi de finances, et vous aurez à vous prononcer
sur ces mesures
».
20
Article 4 de la LPM 2019-2025.
-
200,0
400,0
600,0
800,0
1 000,0
1 200,0
1 400,0
1 600,0
1 800,0
2011
2013
2015
2017
2019
2021
2023
2025
2027
2029
Provision LFI
Autres financements (dont FdC ONU)
Ouvertures de crédits
Redéploiements internes
Prévisions LPM
Réalisé
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
23
coût important des dépenses directes sur le B
OP OPEX (387,0 M€),
de
l’entretien programmé
du matériel (461,0 M€) et
dans une moindre mesure des
rémunérations (201,1 M€).
Pour les
opérations intérieures (129,3 M€ en 2023), le principal déterminant de la dépense est le titre 2
(69,9 M€).
Cette provision ne comprend pas les
opérations sur le flanc Est de l’OTAN
renforcées à
la suite
de l’invasion de l’
Ukraine, qui ne bénéficient pas par ailleurs du régime juridique des
OPEX (voir le chapitre II).
II -
La gestion des crédits et sa régularité
La
poursuite de l’expérimentation relative à l’exercice du contrôle budgétaire par la direction
des affaires financières ministérielle
En 2023, le ministère des armées a continué l’expérimentation
entamée le premier janvier 2022 de la
délégation du contrôle budgétaire (hors opérateurs) à sa direction des affaires financières, responsable
de la fonction financière ministérielle. Cette expérimentation,
d’
une durée initiale de deux ans, a été
étendue à l’année 2024.
À l’occasion de ses travaux conduits en fin d’a
nnée 2023, la Cour constate que les principaux éléments
de performance du contrôle budgétaire (délais, fluidité des échanges avec les gestionnaires, volume
d’observations) ne se sont pas dégradés à l’occasion de l’expérimentation, tandis qu’un examen sur
échantillon lui a permis de relever que le contrôle
a priori
réalisé par la direction des affaires financières
(DAF) du ministère est de qualité.
L’extension à 2024 de l’expérimentation doit permettre
à la DAF de
consolider ces performances
, et d’étendre se
s contrôles en matière de couverture des principaux risques
budgétaires de la mission.
Sur un plan plus opérationnel
, la DAF a profité de l’année 2023 pour déployer de nouveaux outils
d’analyse de cohérence des prévisions de gestion et pour consolider les
procédures de contrôle interne,
en lien avec les processus ministériels de suivi des investissements.
La question qui se pose désormais porte, outre la pérennisation de cette délégation, sur son éventuelle
extension au périmètre résiduel du contrôle budgétaire exercé par le CBCM sur les opérateurs du
ministère.
A -
L’incidence des reports de crédits
En
début d’année, la mission
Défense
a bénéficié d’importants reports d’autorisations
d’engagement (30,
1
Md€), en augmentation par rapport aux reports
du début de
l
’exercice
2022. Le programme 146 en a été le principal bénéficiaire, avec un report de
24,5
Md€
, supérieur, pour la deuxième année consécutive, à sa dotation prévue en loi de
finances initiale (23,5
Md€). Dans une moindre mesure, le programme 178 a bénéfic
ié du report
de 4,3
Md€.
COUR DES COMPTES
24
Parmi ces reports, 25,9 Md€ entrants
21
concernent des autorisations d’engagement
affectées sur tranche fonctionnelle
22
mais non engagées. Les autres reports
(3,9 Md€ reportés
depuis
l’exercice 2022 et
2,0
Md€ reporté
s à 2024
23
) sont principalement consécutifs à des
difficultés dans la préparation de marchés de maintenance (programme 178), et au report des
abondements du «
fonds spécial pour l’équipement de l’Ukraine
» (programme 146). La Cour
s’est déjà interrogée, à l’occasion de son
analyse de l’exécution budgétaire pour l’exercice
2022, sur de tels reports. Elle constate que cette pratique, de surcroît répétée, porte atteinte
d
’un
e façon
qui s’amplifie
au principe de l’annualité des crédits
.
Graphique n° 4 :
de la LFI 2023
à l’exécution (AE, en M
d
€)
Source : Cour des comptes
Les crédits de paiement reportés (207 M€ au total pour la mission) comportaient
essentiellement les 200
M€ alloués au programme 146 au titre du «
fonds spécial pour
l’équipement militaire de l’Ukraine
», ouverts en fin d’année 2022 en vue d’un report
24
.
La loi de finances de fin de gestion
25
a ouvert des crédits supplémentaires, à hauteur de
2,6
Md€ d’autorisations d’engagement et 2,
3
Md€ de crédits de paiement
, nets des annulations
21
Et 30,1 Md€ sortants
–
arrêté du 19 janvier 2024 portant report de crédits, NOR : ECOB2400776A.
22
Voir la section IV.C ci-
dessous relative à la gestion des autorisations d’engagement affectées.
23
Arrêté du 13 mars 2024 portant report de crédits, NOR : ECOB2400894A.
24
Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.
25
Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
25
de crédits. S
ur les crédits ouverts, 1,6 Md€ de
crédits de paiement ont immédiatement été gelés
puis, en fin de gestion, reportés à 2024
26
. Ce report inclut
, comme à la fin de l’exercice 2022,
200 M€
visant à abonder
le fonds à destination de l’Ukraine
pour l’exercice 2024
.
Graphique n° 5 :
de la
LFI 2023 à l’exécution (
CP, en Md
€)
Source : Cour des comptes
Il convient donc, pour analyser l’exécution budgétaire 2023, de tenir compte des
« programmations annexes » occasionnées par le report de crédits programmés en lois de
finances rectificative (fin d’exercice 2022 –
200 M€ de paiements)
ou de fin de gestion (fin
d’exercice 2023 –
1
575 M€ de paiements), afin de rétablir la lisibilité de la programmation
prévue en loi de finances initiale.
Le report particulièrement important de crédits de paiement de 2023 à 2024 a été permis
par la loi de finances pour 2024
27
, en application des dispositions organiques prévoyant une
26
Arrêté du 17 janvier 2024 portant report de crédits, NOR : ECOB2400135A.
27
Article 176 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 : «
Les crédits de paiement
disponibles à la fin de l'année 2023 sur les programmes mentionnés dans le tableau figurant ci-dessous peuvent
être reportés en 2024, au-delà de la limite globale de 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes
titres du programme. Le montant total des crédits de paiement reportés en 2024 ne peut excéder 5 % des crédits
de paiement ouverts par la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023
». Le tableau inséré à la
suite du texte de l’article inclut bien les programmes de la mis
sion
Défense
, dont le report de crédits s’établit
respectivement à 2,49 % des crédits initiaux pour 2024 pour le programme 146, à 8,58 % pour le programme 178
et à 4,44 % pour le programme 212 hors titre 2.
COUR DES COMPTES
26
exception au plafond de reports autorisé d’ordinaire. Toutefois, la concomitance du dépôt au
Parlement des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (31 octobre) et de finances
initiale pour 2024 (27 septembre) interroge sur le choix du ministère de procéder à ces
ouvertures et reports simultanés.
B -
Les évolutions réglementaires et les crédits extra-budgétaires
Au cours de l’année 2023, la mission
Défense
a connu de nombreux virements et
transferts, entrants et sortants, en particulier (pour les
mouvements dépassant 10 M€)
:
-
le programme 144 a reçu 70,2 M€ d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement
du programme 129
Coordination du travail gouvernemental
28
, pour le financement de
besoins opérationnels de la DGSE ;
-
le programme 144 a versé 15,5 M€ de crédits de paiement au programme 192
Recherche
et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
29
, pour le financement du
plan NANO 2022 ;
-
au sein de la mission défense, 10,9
M€ d’autorisations d’engagement et de crédits de
paiement ont été virés du programme 178 au programme 144
30
, pour le financement de
besoins opérationnels prioritaires dans le domaine de la cyberdéfense.
Enfin, au sein du programme 212, trois mouvements de fongibilité asymétrique ont été
réalisés. Ils représentent un montant total de 6,3
M€
. Les deux principaux mouvements
(6,1
M€) concernent un transfert de mission à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
La mission
Défense
a également été bénéficiaire
d’attributions de produits et de fonds de
concours, soit 1 074
M€
(crédits de paiement) pour 836
M€ prévus
par la loi de finances initiale.
L’
écart de 233
M€
s’explique principalement comme suit
:
-
+88 M€ sur le fonds de concours
Financement
allemand de l’escadron C130J
(programme
146), qui n’avaient pas fait l’objet de prévisions compte tenu de son caractère incertain
;
-
+44,4 M€ sur le fonds de concours
P
articipation de la Commission européenne ou d’États
membres de l’Union européenne au fina
ncement des actions et projets menés par les
services relevant du programme 178
, correspondant au remboursement non programmé,
par le fonds de solidarité de l’Union européenne, de coûts occasionnés par l’intervention
des armées françaises à la suite de la tempête
Alex
(octobre 2020), et de cessions réalisées
dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix ;
-
+33,2 M€ d’attributions de produits consécutives au remboursement de soins assurés par le
service de santé des armées (programme 178) ;
-
+23,5 M€ su
r le fonds de concours
Participation à diverses opérations connexes aux
programmes d’armement
(programme 146), dus à la contribution suisse à la composante
spatiale optique, consécutive à un accord conclu au salon du Bourget 2023 ;
28
Décret n° 2023-512 du 27 juin 2023 portant transfert de crédits.
29
Décret n° 2023-511 du 27 juin 2023 portant transfert de crédits.
30
Décret n° 2023-510 du 27 juin 2023 portant virement de crédits.
ANALYSE
DE L’EXÉCUTION BUDGÉ
TAIRE
27
-
+18,8 M€ d’attributions de produits consécutives au paiement d’arriérés d’anciennes
missions de maintien de la paix (programme 178).
Les dépenses de titre 2 ont bénéficié de 264,7 M€ de ressources extra
-budgétaires, contre
264,1 M€ prévus au titre du projet de loi de finances.
Le
s crédits ouverts en fin d’année s’élèvent
donc, en tout, à 95,7
Md€ en autorisations
d’engagement (+54
% par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, dont +48 % du
fait des reports de crédits et +4,2 % du fait de la loi de finances de fin
de gestion) et 56,8 Md€
en crédits de paiement (+7,0 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, dont
+4,3 % du fait de la loi de finances de fin de gestion et +2,0 % du fait des fonds de concours et
attributions de produits)
–
ramenés à
55,3 Md€ si l’on tient compte de l’annulation de crédits,
reportés à 2024, en fin de gestion (soit +4,0 % seulement par rapport à la loi de finances initiale).
C -
La gestion de la réserve de précaution
Hors titre 2, le gel initial visant à constituer une rés
erve de précaution s’établissait à 5
%
des crédits, en hausse par rapport aux exercices précédents
31
. En cours de gestion, ce taux a été
rehaussé à 6 % le 24 mai 2023. Pour le titre 2 hors CAS
Pensions
, le taux de mise en réserve
s’est établi à 0,5
%, sans écart par rapport aux exercices précédents.
L
’
annulation des crédits mis en réserve est portée, pour les programmes 144 et 212 hors
titre 2
32
, par la loi de finances de fin de gestion. Concernant le programme 146, les ouvertures
nettes de crédits de paiement portés par la loi de finances de fin de gestion (soit 771,0
M€)
recouvrent à la fois l’annulation de
dépenses mises en réserve
à hauteur de 505 M€
, et le
financement de dépenses nouvelles pour 1 276
M€ comme détaillé ci
-avant.
En fin d’année, 9,7
M€ su
pplémentaires de crédits
hors titre 2, et 66,2 M€ de
crédits de titre 2 (hors CAS
Pensions
,
soit 112
,1 M€ en incluant le CAS)
, ont été annulés sur le programme 212.
De manière générale, les trois responsables des programmes 144, 146 et 178 ont fait état
des fortes difficultés de gestion contractuelle occasionnées par la mise en place très tardive du
schéma de fin de gestion et du dégel des crédits non annulés.
Les crédits ouverts en loi de finances de fin de gestion ont, quant à eux, fait l’objet d’un
gel important (52,9 % des crédits de paiement ouverts), immédiat, puis
d’un
report à 2024 de
la totalité des crédits gelés pour des raisons tenant au pilotage général du déficit public.
Cette
décision a largement neutralisé l’objectif de réduction du report de charges de la mission
Défense
, au titre duquel 360
M€ avaient été ouverts par la loi de finances de fin de gestion.
Elle a également pesé sur la trésorerie des comptes de commerce rattachés au ministère
(901
Service de l’énergie opérationnelle
et, dans une moindre mesure, 902
Service industriel
de l’aéronautique
).
31
Le taux de mise en réserve était, en 2022 et pour les exercices précédents, de 4 % hors dépenses de titre 2.
32
À hauteur de 40 M€.
COUR DES COMPTES
28
Tableau n° 4 :
crédits mis en réserve (en
M€)
Programme
AE
CP
Ouverts
Gelés
soit %
Annulés
Ouverts
Gelés
soit %
Annulés
LFI
144
1 989,8
108,0
5,4 %
64,5
1 906,2
103,0
5,4 %
65,0
146
23 514,8
1 410,9
6,0 %
494,5 *
15 380,9
922,8
6,0 %
505,3 *
178
12 559,5
750,6
6,0 %
53,3 *
12 052,6
720,2
6,0 %
96,5 *
212 hors
titre 2
1 524,8
87,7
5,8 %
49,7
1 360,4
77,8
5,7 %
-
212 titre 2
22 416,4
112,1
0,5 %
112,1
22 416,4
112,1
0,5 %
112,1
Total
62 005,4
2 469,4
4,0 %
180,4 *
53 116,5
1 936,1
3,6 %
636,2 *
LFFG
146
1 643,7 *
-
-
-
1 276,3 *
371,0
29,1 %
371,0
178
1 618,6 *
-
-
-
1 640,5 *
1 144,0
69,7 %
1 144,0
212 hors
titre 2
-
-
-
-
60,0
60,0
100 %
60,0
Total
3 262,3 *
-
-
-
2 976,8 *
1 575,0
52,9 %
1 575,0
Note : les crédits annulés des programmes 146 et 178 correspondent à «
l’autofinancement
» pour ces deux programmes des
commandes anticipées de la LPM 2024-2030, sous couvert de la loi de finances de fin de gestion, au détriment du contenu
physique présenté à l’appui du projet de loi de finances et mis en réserve
.
Source :
Cour des comptes, d’après données du
ministère des armées (CAS
Pensions
inclus pour les dépenses de titre 2)
Le ministère des armées conteste la présentation ci-dessus et considère que, hormis les
annulations de fin de gestion, l’intégralité de la réserve de précaution a été levée en 2023 pour
les programmes 146 et 178. Pourtant, si les mouvements de crédits sur ces deux programmes
font bien l’objet d’une compensation («
l’autofinancement
» présenté par le ministère des
armées ; voir ci-avant), il résulte bien des choix régularisés par la loi de finances de fin de
gestion que des dépenses prévues par la loi de finances initiale, en justification des crédits
ouverts en début d’année et mis en réserve
,
n’ont pas été exécutées
pour permettre en
contrepartie
au ministère de réaliser l’ensemble des dépenses nouvelles effectuées dès mars
2023 en anticipation de la LPM 2024-2030.
Le dégel de crédits des programmes 144 et 178 a permis
d’absorber une partie des
surcoûts rencontrés en cours d’exercice (voir ci
-après) ;
a contrario
, l’excédent constaté pour
les dépenses de titre 2 du programme 212 a
permis d’annuler les crédits g
elés sans conséquences
en gestion.
L’annulation de crédits mis en réserve a conduit
:
-
sur le programme 146, à
déplacer certains engagements en toute fin d’année afin de pouvoir
rattacher les paiements associés à l’exercice 2024
–
ce qui dégrade
d’autant
le reste à payer
du programme ;
-
sur le programme 144, à reporter certaines études de la DGRIS et de la DGA ;
-
sur le programme 212, hors titre 2, à reporter à 2024 les travaux relatifs au contrat de
performance énergétique du site de Canjuers.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
29
III -
L’analyse de l’évolution de la dépense et de ses
composantes
A -
L’exécution des crédits de la mission
Défense
Au global, l’exécution ne semble pas différer sensiblement de celle constatée les années
précédentes : les crédits de paiement ont été presque intégralement consommés (99,2 % en
tenant compte des
annulations de fin d’année
; le ministère des armées explique cet écart par
des recettes extra-
budgétaires tardives) tandis que les autorisations d’engagement ont donné
lieu à une sous-exécution mesurée par rapport à la seule loi de finances initiale mais très nette
en tenant compte des reports et des évolutions en gestion (63,9 %), ce qui accroît le volume des
reports (voir ci-après).
Graphique n° 6 :
LFI et exécution 2019-2023 (AE et CP
, périmètre courant, en Md€)
Source : Cour des comptes
Toutefois, cette situation d’ensemble couvre de nombreux mouvements de gestion.
Hors dépenses de titre 2, les divers surcoûts supportés par le ministère des armées en 2023
sont détaillés comme suit :
54,49
65,35
65,22
59,59
62,01
51,38
50,86
68,61
59,44
61,16
0
10
20
30
40
50
60
70
80
2019
2020
2021
2022
2023
LFI (AE)
Exécution (AE)
44,35
46,08
47,70
49,56
53,12
44,87
46,68
49,43
51,73
54,81
0
10
20
30
40
50
60
70
80
2019
2020
2021
2022
2023
LFI (CP)
Exécution (CP)
COUR DES COMPTES
30
-
+552,6
M€ d’autorisations d’engagement et
+677,1
M€ de crédits de paiement, sur le
programme 178
33
, et +243,4
M€ d’autorisations d’engagement et
+176,3
M€ de crédits de
paiement sur le programme 146, liés à la situation en Ukraine (financement de la mission
opérationnelle en Roumanie et plus généralement du renforcement de la présence française
sur le flanc Est de l’OTAN, remplacement d’équipements
cédés) ;
-
+206,3
M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement relatifs au surcoût du BOP
OPEX (hors titre 2) ;
-
+257,4
M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement relatifs au coût des
carburants opérationnels (+
82,6 M€ au titre des
opérations extérieures).
Les surcoûts occasionnés par l’inflation ont été pris sous enveloppe par les
programmes 146 (+410
M€ de hausses économiques liés à l’annuité 2023 ont été absorbées par
décalage de certaines opérations) et 144 (+22
M€ de dépenses d’
électricité de la DGSE ont été
couvertes grâce à la levée partielle de la réserve de précaution). Il en résulte, hors prise en
compte de besoins nouveaux par anticipation de la programmation 2024-2030, un surcroît total
de besoins estimé à +1
177,1 M€ d’autorisations d’engagement et
+1
317,1 M€ de crédits de
paiement.
Concernant les dépenses de titre 2, les principales évolutions constatées en gestion
concernent principalement :
-
+
168,6 M€
de coûts supplémentaires pour le financement des mesures du rendez-vous
salarial de juin 2023 (78,9
M€ pour la revalorisation du point d’indice, 73,0
M€ pour la
prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et 16,7
M€ pour l’attribution de 1 à 9 points
d’indice à certains agents)
;
-
+83
M€ de rétablissements de crédits par rapport à la programmation, dont +43,6 M€
résultant du pilotage de la fin de gestion 2022 ;
-
+74,4
M€ lié
s à la rémunération du personnel déployé
sur le flanc Est de l’OTAN
;
-
+
46,8 M€ consécutif
s aux revalorisations du SMIC de janvier et mai 2023 ;
-
a contrario,
la sous-
exécution nette du schéma d’emploi a contribué à dégager environ
164
M€
;
-
enfin, les dépenses du BOP OPEX ont été plus faibles de 79,0 M€ que prévu.
La réserve n’a pas été levée, ce qui a induit l’annulati
on de 66,2
M€
hors CAS
Pensions
.
L’intégralité des dépenses de titre 2 a, par ailleurs, été réalisée.
B -
Les crédits relevant des plans de relance
En 2023, le ministère des armées a bénéficié de crédits de paiement issus du programme
362
Écologie
relevant du plan de relance. Ces crédits ont été affectés à la poursuite des travaux
engagés en 2021, qui visaient l’amélioration de la performance énergétique de divers sites du
ministère. Ces crédits ont été complétés par la mission
Défense
(13 M€ en to
ut) pour la prise
33
La différence s’explique par le fait que le programme 178 avait reçu, en fin de gestion 2022, davantage
d’autorisations d’engagement que de crédits de paiement.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
31
en charge d’aléas et de révisions de prix
. La mission
Défense
a également bénéficié de crédits
issus du plan de résilience qui ont, de façon plus modeste, contribué à des petits chantiers
relevant également de la performance énergétique de sites du ministère.
Tableau n° 5 :
crédits consommés par le ministère des armées dans le cadre des plans de
relance et de résilience
(M€)
Programme
2021
2022
2023
Reste à
payer
AE
CP
AE
CP
AE
CP
362
–
Écologie
196,6
54,3
-0,2
62,6
-0,1
44,2
35,2
363
–
Compétitivité
158,2
150,5
157,4
154,8
-
7,1
3,2
Total
354,8
204,8
157,2
217,4
-0,1
51,3
38,4
Source : ministère des armées
Le ministère met également en œuvre, au titre du programme 146, des crédits prévus par
le plan de soutien à l’aéronautique (voir
le chapitre II).
IV -
Perspectives associées à la trajectoire budgétaire
Trois indicateurs, développés ci-après, montrent les contraintes budgétaires croissantes
qui pèsent sur la mission
Défense
. Il s’agit
:
-
des reports de charge, qui tracent la part des paiem
ents dus au titre de l’exercice courant
mais qui ne seront réalisés qu’en début d’exercice suivant
;
-
des restes à payer, qui signalent
–
hors titre 2
–
les paiements à venir occasionnés par des
engagements déjà réalisés
, c’est
-à-dire la contrainte
budgétaire qui pèse sur l’emploi des
crédits de paiement ouverts dans les années à venir
34
;
-
des
reports d’autorisations d’engagement affectées, qui matérialisent les engagements
futurs nécessaires à la réalisation des investissements décidés et initiés au titre de la
mission.
A -
Les reports de charge
«
Afin de s'assurer de la soutenabilité de la programmation, le ministère s'engage sur une
trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction du report de charges qui atteindra, d'ici
à 2025, son niveau structurel incompressible. Exprimé en pourcentage des crédits hors masse
salariale, celui-ci sera ramené à environ 10 % à cet horizon, avec un point de passage d'environ
34
Pour le programme 146, le lancement de programmes d’armement peut donner lieu à des engagements ultérieurs,
dont le volume peut être apprécié par les AEANE (voir
supra
). Pour les dépenses de titre 2, les dépenses dites « de
socle
», hors réalisation du schéma d’emplois annuel et des mesures de revalorisation, représentaient 12,7 Md€ sur
un total de 13,2 Md€ de dépenses hors CAS
Pensions
soit une rigidité de l’ordre de 96
%.
COUR DES COMPTES
32
12 % à l'horizon 2022
»
35
. Par conséquent, le ministère des armées s’était engagé depuis 2019
dans une trajectoire ambitieuse de réduction de son report de charge, qui était ainsi passé de
16,3 % en 2019 à 13,7 % en 2022.
Le report de charges «
structurel incompressible
» peut être estimé, sur la base du délai
global de paiement moyen du ministère qui est particulièrement faible
36
, à 4,9 %
37
.
Ces efforts ont été remis en cause en 2023,
l’arbitrage de
la Première ministre
38
relevant
le plafond de report de charge à 20 %.
Les trajectoires recueillies au cours de l’instruction
montrent que le ministère des armées n’envisage pas
, pour le moment, de réduire le plafond du
report de charges en-dessous de 20 % avant 2029, en en faisant un «
outil contracyclique […]
pour réaliser la programmation des armées sans à-coups pour la trajectoire des finances
publiques
»
39
.
À la fin de l’exercice 2023,
le report de charges de la mission
Défense
s’établit
ainsi à 6
085 M€ (soit 19,8
% des crédits de la mission, hors dépenses de titre 2).
Malgré la recommandation de la Cour formulée au titre de l’analyse de l’exécution
budgétaire pour l’exercice 2022, la t
rajectoire prévisionnelle des reports de charges ne figure
pas dans la LPM 2024-2030. Cela ne doit pas pour autant empêcher le ministère des armées de
disposer de prévisions volontaristes d’évolution de ces reports de charge, et d’en faire mention
dans les projets et rapports annuels de performance de la mission
Défense
.
Tableau n° 6 :
report de
charges par programme (en M€)
Programme
2019
2020
2021
2022
2023
144
184,2
195,1
214,3
197,7
299,0
146
2 636,2
2 500,0
2 396,6
2 284,8
2 913,0
178
838,4
940,0
1 161,4
1 231,0
2 716,0
212 hors titre 2
228,8
129,5
130,9
164,2
157,0
35
Rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025, paragraphe 4.3.
36
Malgré cette bonne performance (la cible fixée pour le ministère des armées est de 20 jours), le paiement
d’intérêts moratoires a crû significativement et s’établit, en 2023, à 18,4
M€ contre
12,7
M€ en 2022.
37
17,8 jours de délai global de paiement en 2023, rapportés à la durée de l’année complète.
38
Courrier n° 08792 du 22 février 2023.
39
Réponse écrite de la direction des affaires financières du ministère des armées, au titre du suivi des
re
commandations émises au titre de l’exercice 2022 (voir l’annexe n°
2). Cette réponse reprend la position
exprimée par le ministre des armées, dans des termes similaires, lors de ses auditions au Sénat à propos de la loi
de finances initiale pour 2023 (prononcé du 11 octobre 2022) : «
La technique budgétaire fournit des réponses à
court terme
[à l’inflation]
, puisque des reports de charges sur les années suivantes sont toujours possibles. Votre
prédécesseur avait souhaité atténuer ces reports. Le risque est réel d'affronter, dans les années à venir, le retour
de la " bosse " budgétaire, pénalisante pour la réalisation des investissements indispensables. […]
On peut se
permettre de proposer 1 milliard d'euros de reports de charges parce que Florence Parly n'en avait pas abusé
auparavant, mais avait fait l'effort de les réduire. Une fois la bise venue, on peut les réaugmenter grâce à ces
efforts.
», et à l’Assemblée nationale à propos de la LPM 2024
-2030 (prononcé du 26 avril 2023) : «
Quant au
report de charges
, je revendique son usage : c’est un outil de gestion de l’inflation –
un outil dont peu de ministères
disposent. Nous avons face à nous de grands industriels, et nous avons besoin de jouer sur ce critère. Nous
renvoyons parfois des paiements à plus tard,
à un moment où l’inflation sera plus favorable.
»
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
33
Programme
2019
2020
2021
2022
2023
Mission hors titre 2
soit %
3 887,7
16,3 %
3 764,6
14,8 %
3 903,3
14,5 %
3 877,7
13,7 %
6 085,0
19,8 %
Source : ministère des armées
La dégradation du report de charges en 2023 est en outre comparable aux crédits reportés
en fin de gestion :
-
pour le programme 178, le report de charges a augmenté de 1 485
,0 M€, à comparer aux
1
144 M€ ouverts en fin de gestion et reportés
;
-
sur le programme 146, le report a augmenté de 628,2
M€,
pour 371
M€
ouverts en fin de
gestion et reportés.
Le ministère des armées s’est donc créé, et l’assume, une sorte de «
fonds de roulement »,
en reportant besoins et crédits d’un exercice au suivant. Cet instrument, critiquable au regard
du principe de l’annualité de
s crédits, se traduit par un report entrant et sortant équivalent à 2,2
mensualités budgétaires.
B -
Les restes à payer (dépenses hors titre 2)
Les restes à payer sont principalement portés par le programme 146 du fait de la pluri-
annualité des programmes
d’armement
. Ils ont connu sur la période 2019-2025 une forte
augmentation au titre du programme 178 du fait de la réforme de l’entretien programmé du
matériel, qui recourt de plus en plus, surtout pour le matériel aéronautique, à des contrats de
longue durée.
Cette augmentation se poursuit en 2023. Sur le programme 146, les restes à payer
représentent 3,9
années de ressources futures, stables par rapport à la fin de l’année 2022
(3,8 années) ; ils traduisen
t l’engagement de
nouveaux programmes de modernisation
importants
40
, qui compensent le paiement des engagements antérieurs. Les prévisions
d’évolution des restes à payer aux horizons 2025 et 2030 témoignent, sur
ce programme, de
nouveaux efforts de modernisation engagés sur la période 2024-2030.
Sur le programme 178, les restes à payer représentent désormais 2,5 années de ressources
futures (3,0 années à fin 2022). L
a baisse s’explique par le fait que les principaux contrats de
long terme relatifs à la maintenance aéronautique ont été engagés, et sont désormais en cours
d’exécution
.
40
En particulier, selon le ministère des armées, les programmes
Rafale
,
Patrouilleur futur
et
Arrêt technique
majeur n° 3 du porte-avions Charles de Gaulle
.
COUR DES COMPTES
34
Tableau n° 7 :
restes à payer par programme (au 31 décembre,
en M€)
Programme
2019
2020
2021
2022
2023
2025
(p.)
2030
(p.)
144
1 658,1
1 900,3
2 608,9
2 702,8
2 705,2
n.c.
n.c.
146
41 259,4
43 279,0
52 206,1
53 887,1
57 614,0
76 741,4
81 329,7
178
13 119,4
17 014,4
26 247,4
29 532,4
31 954,8
31 274,7
24 416,4
212 (hors
titre 2)
3 625,4
1 921,7
1 932,2
4 871,1
4 856,6
n.c.
n.c.
Mission
59 662,2
64 115,5
82 994,6
90 993,4
97 130,6
Source : ministère des armées
Ces restes à payer occasionnent une rigidité significative des paiements pour les années
à venir ; en particulier, 24,2
Md€
devront être payés en 2024, où ils représenteront 72,2 % des
crédits ouverts en loi de finances initiale hors titre 2, et
16,4 Md€
en 2025.
L’augmentation
régulière des restes à payer, qui accompagne l’augmentation des crédits de la mission
Défense
,
constitue un risque significatif dans le cas où des circonstances extérieures, relatives notamment
à la maîtrise des dépenses publiques, viendraient à causer une évolution des crédits de paiement
moins favorable que les prévisions de la programmation militaire.
Graphique n° 7 :
horizon de paiement des engagements pris à fin 2023
(en M€)
Source : ministère des armées
C -
La gestion des autorisations d’engagements affectées
«
L’affectation matérialise la décision prise par un ordonnateur de réserver un montant
déterminé d’autorisations d’engagement destinées à la réalisation d’
une opération
0,0
5 000,0
10 000,0
15 000,0
20 000,0
25 000,0
30 000,0
35 000,0
40 000,0
45 000,0
50 000,0
paiements
2024
paiements
2025
paiements
2026
paiements
au-delà de 2026
programme 144
programme 146
programme 178
programme 212 (hors titre 2)
plafond LFI 2024 (hors titre 2)
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
35
d’investissement individualisée. […] Elle correspond à un projet particulier et fonctionnel dont
la réalisation nécessitera de procéder à plusieurs engagements juridiques répartis, le plus
souvent, sur plusieurs années, par dérogation au prin
cipe d’annualité de l’autorisation
d’engagement
»
41
. À chaque opération d’investissement corre
spond une tranche fonctionnelle.
L
’affectation d’autorisations d’engagement sur ces tranches fonctionnelles permet de déroger à
la règle d’annualité des crédits en
lui substituant une contrainte de spécialisation
42
. Les crédits
affectés peuvent donc, une fois la tranche fonctionnelle « active
» (c’est
-à-dire après un premier
engagement de crédits), être reportés de nombreuses
fois jusqu’à la fin de l’opération
lors de
laquelle les crédits restants sont retirés, et la tranche fonctionnelle supprimée.
Sur les dernières programmations, l
a dynamique d’augmentation de ces reports est très
forte pour la mission
Défense
: il n’était que de 6,5 Md€ à fin 2014 (dont 4,9 Md€ s
ur le
programme 146) et de 14,5 Md€ à fin 2018 (12,3 Md€ sur le programme 146). L’analyse des
affectations et des retraits montre en outre que, sur la période récente, le renouvellement des
crédits affectés diminue
: en 2020, 23,5 Md€ d’AE étaient affectées dans l’année
43
et 16,0
Md€
d’AEANE reportées de l’exercice précédent
; en 2022 au contraire, 12,9
Md€ d’AE étaient
affectées en cours d’exercice contre 28,2 Md€ reportées de l’exercice précédent.
Tableau n° 8 :
reports d’autorisations d’engagement
affectées, non engagées
(au 31 décembre,
en M€)
Programme
2015
2019
2020
2021
2022
2023
144
0,3
90,0
49,9
14,9
1 184,4
1 170,3
146
9 022,6
12 724,7
25 475,2
23 464,6
24 349,8
28 685,5 *
178
1 040,7
769,0
746,9
439,4
365,3
196,1
212
647,6
977,2
11,2
9,2
9,0
8,6
Mission
10 711,2
14 560,9
26 283,1
23 928,1
25 908,4
30 060,5
Note
: pour le programme 146, le montant d’AEANE indiqué dans le RAP (soit 25
093,9 M€) exclut les tranches
fonctionnelles qui n’ont con
nu aucun mouvement en 2023.
Source : ministère des armées
Cette évo
lution du volume d’AEANE répond, pour le programme 146, à deux logiques
contraires :
-
les orientations ministérielles relatives aux programmes d’armement
44
, qui divisent les plus
gros programmes en incréments successifs, ont pour effet de réduire le volume financier et
41
Recueil des règles de comptabilité budgétaire
de l’État, janvier 2023 (paragraphe IV.3.A).
42
Une fois affectée sur une tranche fonctionnelle, une autorisation d’engagement ne peut plus être utilisée pour
une dépense autre que celles relevant de cette tranche fonctionnelle.
43
Rapport annuel du CBCM arm
ées et de la DAF du ministère des armées, relatif à l’exécution budgétaire et à la
situation financière et comptable ministérielle de l’exercice 2022.
44
Instruction n° 1618/ARM/CAB du 15 février 2019 sur le déroulement des opérations d'armement.
COUR DES COMPTES
36
la durée de chaque incrément, donc la quantité des autorisations d’engagement persistant
sur des tranches fonctionnelles
45
;
-
à l’inverse
, le ministère des armées
a indiqué au cours de l’instruction qu’il s’est davantage
conformé, au cours des derniers exercices budgétaires, aux règles générales de comptabilité
budgétaire de l’État en réalisant des affectations complètes en début de programme
46
, plutôt
que des affectations progressives comme c’était sa pratique
antérieurement. Le ministère
des armées analyse donc le montant actuel des AEANE comme une appréciation de moins
en moins sous-évaluée des engagements futurs occasionnés par les opérations
d’investissement déjà lancées.
Pourtant, les instructions du ministère prévoient depuis au
moins le début de la période 2019-
2025 d’appliquer la règle générale d’affectation
complète
, l’instruction applicable pour l’exercice 2023
47
ayant
a contrario
tendance à
augmenter le nombre de cas dérogatoires pour lesquels une affectation partielle est
autorisée.
Tableau n° 9 :
répartition des AEANE du programme 146 (au 31 décembre,
en M€)
Programme
d’armement
2021
2022
2023
RAFALE (dont F4,
rétrofit
F4 et 5T)
RAFALE
RAFALE 5T
2 691
847
683
2 769
SCAF
1 850
BARRACUDA
1 436
619
SNLE 3G
1 151
1 096
915
HIL
1 104
1 034
1 017
TIGRE standard 3
TIGRE
1 057
971
929
SCORPION étape 1
SCORPION
856
981
822
Hawkeye
710
708
681
MALE Pérenne
677
578
NH90
601
971
MRTT
752
1 282
CONTACT étape 2
740
45
Le ministère des armées invoquait, pour le report à 2023, ce montant par «
la suspension, dans l’attente de la
conclusion des travaux de construction de la LPM 2024-
2030, d’engagements sur tranche fonctionnelle
» (note à
la direction du budget relative au document de programmation unique pour 2023).
46
Hormis pour les plus gros programmes de la mission.
47
Instruction relative aux principes d’utilisation des tranches fonctionnelles au ministère des armées,
n° 6112/ARM/SGA/DAF/2DP du 21 décembre 2020, publiée au bulletin officiel des armées.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
37
Programme
d’armement
2021
2022
2023
M51.3
710
257
SYRACUSE IV
656
820
ASN4G
617
558
SCCOA 5
608
RMV Leclerc
845
Autres programmes
(montant inférieur à 600
M€)
11 329
13 432
16 383
Programme 146
23 465
24 350
28 932
Notes : données provisoires fournies par le ministère des armées
au cours de l’instruction
.
Pour
le programme 178, les AEANE sont destinées à des opérations d’infrastruc
ture (par
exemple la rénovation des réseaux électriques des bases navales de Brest et Toulon) et,
dans une moindre mesure, au maintien en condition opérationnelle du matériel
aéronautique.
Source : ministère des armées
⁂
Les trois indicateurs budgétaires que sont les reports de charge, restes à payer,
autorisations d’engagement affectées se dégradent donc tous, sur l’ensemble de la période
2019-2025 et plus particulièrement en 2023. Cette évolution pèse de manière croissante sur les
capacités de la mission
Défense
à absorber de nouveaux chocs sans renoncement majeur dans
ses dépenses. Pourtant, le ministère des armées ne communique plus ces indicateurs, en
particulier au Parlement, alors qu’il s’était engagé sur leur trajectoire au titre de la précédente
LPM.
Il convient donc, à tout le moins, de rétablir cette publication afin de permettre au
Parlement de contrôler plus efficacement la santé financière de la mission.
V -
L’incidence des dépenses sur l’environnement
A -
La cotation environnementale des dépenses de la mission au titre du
« budget vert
» de l’État
Le
rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État
, annexé au projet de loi de
finances, présente chaque année depuis 2021 dans sa partie « budget vert
» l’impact
environnemental des crédits budgétaires et des dépenses fiscales. Chaque action des différentes
missions budgétaires est ainsi cotée (favorable, neutre ou défavorable). L
’impact
COUR DES COMPTES
38
environnemental s’apprécie en comparaison d’un scénario contrefactuel, considéré pour la
majorité des missions co
mme l’absence de dépense ou
comme une moindre dépense. Toutefois,
pour les missions régaliennes, le scénario contrefactuel considéré prend en compte la possibilité
de substituer des moyens à moindre impact environnemental, à service rendu constant.
Dans c
e cadre, les dépenses d’investissement des armées sont considérées comme neutres
car, selon le ministère des armées, «
les technologies actuelles ne permettraient pas à des
investissements plus favorables à l’environnement d’aboutir à un même niveau de ser
vice
».
Comme dans les trois précédentes éditions du « budget vert », le rapport annexé au PLF 2023
considère donc que
l’ensemble des crédits budgétaires de la mission
Défense
sont neutres ou
non cotés
–
comme, au demeurant, 90 % des dépenses
de l’État
(soit 432,2
Md€)
48
.
Par ailleurs, le « budget vert » réalise une cotation de certaines dépenses de
fonctionnement
de l’
État, par ministère (et non plus suivant la nomenclature budgétaire), qui
repose sur les comptes PCE des dépenses exécutées. Les dépenses considérées ici sont
principalement les achats de carburants, les déplacements des agents, les modalités de chauffage
des bâtiments, les achats de véhicules, et certaines dépenses liées au numérique. Le périmètre
n’inclut pas les dépenses en faveur de l’i
mmobilier. Selon cette méthode, 2,7
Md€ de dépenses
de fonctionnement du ministère des armées en 2022 ont été considérées (soit 15 % des dépenses
de titre 3 du ministère).
Tableau n° 10 :
cotation des dépenses de fonctionnement du ministère des armées
(CP, en
M€)
2019
2020
2021
2022
Favorable
299,6
22 %
215,7
18 %
423,1
31 %
336,2
19 %
Défavorable
854,5
64 %
787,4
66 %
873,7
63 %
1 133,2
64 %
Neutre
178,0
13 %
194,9
16 %
86,4
6 %
290,8
17 %
Total
1 332,1
1 198,0
1 383,2
1 760,2
Note
: en 2022, 947,1 M€ de
dépenses de fonctionnement sont « non cotées ».
Source : Cour des Comptes d'après les rapports sur l'impact environnemental du budget de l'État
La diminution significative de la part de dépenses cotées comme favorables en 2022
(19 %) par rapport
à
2021
(31
%)
s’explique
principalement
par une
évolution
méthodologique : en
2022, l’ensemble des dépenses d’électricité des ministères ont été
considérées comme neutres, tandis qu’en 2021 une part significative de ces dépenses (58
%
pour le ministère des armées) était catégorisée «
électricité garantie d’origine renouvelable
»,
et donc cotée comme favorable à l’environnement.
À méthodologie constante, les dépenses
favorables représenteraient 29
% des dépenses cotées, soit du même ordre qu’en 2022.
L’analyse des
dépenses de fonctionnement par poste fait ressortir une augmentation des
dépenses de carburants et huiles de 45 % en 2022 (776
M€ contre 534
M€ en 2021). Ces
dépenses représentent 68 % des dépenses de fonctionnement du ministère cotées comme
48
Dans son rapport sur
la prise en compte de l’environnement dans le budget et les comptes de l’État
(juillet 2023),
la Cour suggère plusieurs évolutions méthodologiques (cotation plus fine au niveau des briques budgétaires,
introduction de quote-
part pour coter certaines dépenses) qui permettrait d’améliorer la part des crédits cotés non
neutres.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
39
défavorables à
l’environnement.
Cette augmentation est comparable aux surcoûts déclarés par
le programme 178 au titre des carburants opérationnels.
B -
Les actions du ministère en faveur de l’environnement
Au-
delà de l’exercice de cotation des dépenses réalisé dans le «
budget vert », le ministère
des armées s’est doté en 2016 d’une
stratégie défense durable
(qui fait actuellement l’objet de
travaux d’actualisation) et a engagé plusieurs actions et plans sec
toriels en faveur de
l’environnement, qui peuvent être regroupés en trois axes principaux
.
Le ministère n’a pas été
en mesure de communiquer
, durant l’instruction,
un suivi consolidé de la mise en œuvre de
cette stratégie et des dépenses correspondantes. La Cour fonde donc son analyse sur les
éléments portés à son attention au titre des divers plans et actions ministériels.
En premier lieu, les actions du ministère en faveur de l
’amélioration de la performance
énergétique visent
à la fois à développer l’utilisation d’énergies renouvelables
49
et à améliorer
la performance énergétique des infrastructures. Ce volet infrastructure, porté par l’action n°
4
Politique immobilière
du programme 212, se traduit par l’établissement de contrats de
performance énergétique (CPE) avec les sites les plus énergivores, pour des gains énergétiques
estimés de 40 % à 60 % selon les sites. Un total de 24 CPE est prévu sur la période 2011-2030,
dont dix ont déjà été notifiés. En 2023, seul un CPE a pu être lancé, sur le site de Solenzara, le
deuxième CPE prévu en
début d’année (site de Canjuers) ayant fait l’objet d’un report
à 2024.
Le budget 2023 prévoyait également sur ce volet infrastructures un montant de 10,2
M€ destiné
au remplacement d’environ 150 chaudières au charbon et au fioul (soit 10
% du parc à
remplacer).
Ensuite, le ministère des armées a adopté en juin 2023 un
plan eau
visant à sécuriser ses
accès à cette ressource et à limiter ses consommations et son influence sur l
’environnement
.
Les actions associées sont par exemple la conduite d’audits des infrastructure
s
de l’eau, la
réalisation d’actions de réfection, la mise en œuvre d’actions de sobriété, ou encore des actions
de lutte c
ontre l’imperméabilisation des sols. Le
ministère a indiqué que les premiers
engagements financiers associés à ce plan concernero
nt l’année 2024, pour un montant de
42
M€.
Le troisième
axe porte sur la protection de l’environnement, et se traduit par des m
esures
variées
: projets de recherche et de développement durables, fonds d’intervention pour la
transition écologique, protection de la biodiversité, ou encore utilisation de biocarburants
aéronautiques.
En outre, la marine nationale, acteur clé de l’action de l’État en mer,
est
mobilisée à ce titre dans la lutte contre les pollutions majeures marines, dans la lutte contre les
activités de pêche illégale et dans la surveillance et la préservation des aires marines protégées.
Le ministère s’est ainsi doté c
es dernières années de plusieurs plans et stratégies
d’amélioration de son impact sur l’environnement. Cependant, comme le souligne un travail
récent de la Cour
50
,
ces actions restent subordonnées à l’impératif opérationnel qui se pose aux
49
Par exemple à travers la mise à disposition de 1 250 hectares de parcelles pour accueillir des installations
photovoltaïques dans le cadre du plan
place au soleil
.
50
Cour des Comptes,
Le ministère des armées face aux défis du changement climatique
, insertion au rapport public
annuel 2024.
COUR DES COMPTES
40
armées, en particulier dans le domaine des mobilités qui représentent la majorité des dépenses
énergétiques de la mission. Pour le reste, notamment les infrastructures et le fonctionnement
courant, le ministère doit maintenant améliorer sa capacité de pilotage de la consommation
énergétique des infrastructures (mesure de consommation au niveau des bâtiments, suivi des
dépenses en matière d’énergie par site, réalisation d’un nouveau bilan carbone), et renforcer
son dispositif de quantification et de suivi des réalisations (par exemple en matière de suivi et
de contrôle des différents contrats de performance énergétique). Enfin, la programmation
budgétaire des années à venir devra être cohérente avec la stratégie ministérielle en matière
énergétique et climatique, afin
de sécuriser l’atteinte des objectifs fixés pour 2030.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
41
___________________________ RECOMMANDATION ___________________________
La Cour formule la recommandation suivante :
1.
Publier dans les documents annuels de performance, en complément des trajectoires de restes
à payer, le niveau du report de charges concernant les programmes 146 et 178 et ses
perspectives d’évolution
pour la période 2024-2030, afin de permettre au Parlement
d’apprécier la
maîtrise des dépenses de la mission (ministère
de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et numérique, ministère des armées
–
recommandation reformulée).
Chapitre II
Les politiques publiques
I -
Programme 144
–
Environnement et prospective de la
politique de défense
Sous la responsabilité budgétaire de la directrice générale des relations internationales et
de la stratégie, le programme 144 regroupe «
les crédits destinés à éclairer le ministère des
armées sur l
’
environnement stratégique présent et futur, dans le but d
’
élaborer et de conduire
la politique de défense de la France
»
51
. Il représente 3,6
% des autorisations d’engagement et
4,1 % des crédits de paiement de la mission, hors CAS
Pensions
.
Le programme 144 regroupe des activités :
-
de renseignement relevant de la DGSE et de la DRSD, au titre de l’action 03
Recherche et
exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France
52
;
-
d’études de l’EMA, de la DGA et de la DGRIS, au titre de l’action 0
7
Prospective de
défense
, qui porte aussi la subvention des opérateurs sous tutelle de la DGA
53
;
-
de
Relations internationales et diplomatie de défense
(action 08), qui relèvent de la DGRIS.
La nomenclature par opération stratégique traduit ces orientations, en particulier
l’OS
Renseignement
qui porte les dépenses d’équipement de la DGSE et de la DRSD, et les
OS
Dissuasion
et
P
rospective et préparation de l’avenir
qui couvrent pour l’essentiel les
dépenses d’études. Les OS
Fonctionnement et activités spécifiques
et
Activités opérationnelles
regroupent quant à elles les dépenses de fonctionnement de l’ensemble des services concernés,
ainsi que les subventions aux opérateurs.
Dans les faits, la gestion du programme 144 donne lieu à une subsidiarité très forte des
directions générales, responsables de BOP, qui sont dotées d’orientations propres et entre
lesquelles les mouvements de crédits restent difficiles. Ces orientations impliquent une forte
rigidité dans la gestion de chacun de ces BOP, de même que la nature de certaines dépenses.
C’est notamment le cas pour
:
51
Projet annuel de performances 2023 du programme 144.
52
L’action de la DRM, service de renseignement du ministère rattaché à l’état
-major des armées, relève du
programme 178.
53
ONERA, écoles, institut Saint-Louis.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
43
-
les programmes d’infrastructure au sein des BOP DGSE et surtout DRSD (
où les opérations
budgétaires
Matériels techniques
, dont relèvent les infrastructures, et
Systèmes
d’information et de communicatio
n
représentent 86 % des crédits de paiement prévus en
loi de finances initiale). La DGSE et la DRSD dérogent donc à la nomenclature générale
de la mission
Défense
, en ne faisant pas
porter leurs dépenses d’infrastructures par l’
OS
Infrastructures de défense
;
-
les contributions internationales portées par
le BOP DGRIS (41,1 M€ au titre de l’action
08, contre 8,7 M€ d’études au titre de la sous
-action 07.01) ;
-
l’engagement politique fort qui sous
-
tend l’emploi d
e
un milliard d’euros par an en faveur
de
l’innovation (OS
Dissuasion
et
Prospective et préparation de l’avenir
principalement
exécutés par la DGA).
Graphique n° 8 :
exécution du programme 144 par OS (CP, en
M€)
Source : ministère des armées
Les autorisations d’engagement ouvertes en loi de finances initiale, s
oit 1 989,8
M€, ont
été complétées essentiellement par le report des AEANE correspondant à la tranche
fonctionnelle relative à l’opération de construction du nouveau siège de la DGSE, affectée en
2022 (1 095,3
M€
sur les 1
184,3 M€ d’AEANE reportées s
ur le programme). Compte tenu des
mesures de gestion, les autorisations ouvertes se sont élevées à 3
184,4 M€.
La décision
d’investissement relative au Fort
-Neuf de Vincennes ayant été repoussée à 2024, 1
284,4 M€
d’AEANE ont été reportés à nouveau.
Hormis ce report entrant et sortant, 95 % des
autorisations d’engagement ont été consommées.
0,0
200,0
400,0
600,0
800,0
1 000,0
1 200,0
1 400,0
1 600,0
1 800,0
2 000,0
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
RENS- Renseignement
DIS - Dissuasion
PPA-Prospective et préparation de l'avenir
AOP- Activités opérationnelles
FAS-Fonctionnement et activités spécifiques
COUR DES COMPTES
44
Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale représentaient une
augmentation de 127,8
M€ par rapport à 2022, dont 64,6 M€ portés par l’OS
Renseignement
(+40,5
M€ pour la DGSE, visant ses travaux immobiliers
, et +24,1
M€ pour la DRSD
) et
51,2
M€ par l’OS
Fonctionnement et activités spécifiques
(dont
46,8 M€ dédiés au financement
des opérateurs, afin de couvrir l’évolution des besoins consécutive à l’i
nflation). La loi de
finances de fin de gestion a annulé 65,0
M€ de crédits de paiement mis en réserve. En incluant
les mesures de virement et transfert ainsi que les attributions de produits et fonds de concours,
la ressource disponible s’élevait à 1
899,
1 M€.
En gestion, le programme a été confronté à divers surcoûts, liés notamment à
l’approvisionnement en électricité de la DGSE (22 M€ de crédits de paiement, absorbés en
gestion) et à des surcoûts supplémentaires occasionnés par l’inflation pour les opé
rateurs du
programme (12,5
M€ de crédits de paiement, dont 3,4 M€ relatifs aux mesures du rendez
-vous
salarial de juin 2023)
; de son côté, l’annulation des crédits gelés du BOP DGRIS a conduit à
repousser certaines études à 2024. 100 % des crédits de paiement disponibles ont été
consommés par le programme.
II -
Programme 146
–
Équipement des forces
Piloté conjointement par le chef d’état
-major des armées et le délégué général pour
l’armement,
le programme 146 «
vise à mettre à disposition des armées les armements et
matériels nécessaires à la réalisation de leurs missions. Il concourt par ailleurs au
développement et au maintien des savoir-faire industriels français ou européens
»
54
. Hors CAS
Pensions
, ce programme représente 39
% des autorisations d’engagement et
35 % des crédits
de paiement de la mission.
Il englobe l’essentiel des activités de la DGA, au titre
,
d’une part
, des OS
Dissuasion
,
Programmes à effet majeur
et
A
utres opérations d’armement
qui regroupent les crédits dédiés
aux projets d’armement
représentant 93 % des crédits de paiement du programme ; et,
d’autre
part, des OS
E
nvironnement des programmes d’armement
,
Fonctionnement et activités
spécifiques
et
Activités opérationnelles
qui couvrent le fonctionnement de la DGA. Les
dépenses d’infrastructures, portées par l’OS éponyme, relèvent pour une large part des
programmes d’armement eux
-
mêmes et, pour une portion plus réduite (21,4 M€ soit 3,8
% des
dépenses de l’OS
Infrastructures de défense
pour le programme 146),
de l’entretien des
moyens
techniques de la DGA.
Enfin, la DGA mobilise des crédits de
l’OS
Dépenses hors dotations budgétaires
,
financées sur fonds de concours et attributions de produit, au profit de prestations payantes
fournies à des clients extérieurs au ministère des armées.
54
Projet annuel de performances 2023 du programme 146.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
45
A -
L’exécution des dépenses du programme
Graphique n° 9 :
exécution du programme 146 par OS (CP, en
M€)
Source : ministère des armées
Les autorisations d’engagement ouvertes en loi de finances initiale, soit 23
514,8
M€
,
étaient en forte hausse par rapport à 2022 (+6
501,3 M€ soit +38
%) et visaient à financer
d’importantes commandes d’équipements, en particulier 42 avions de combat
Rafale
(4 904,0
M€ d’engagements) et
sept patrouilleurs hauturiers (815,8
M€ d’engagements)
. Elles
ont été complétées e
ssentiellement par le report d’AEANE (24
349,8 M€). Compte tenu des
autres reports, des mesures de transfert et l’ouverture de 1
149,2 M€ portée par la loi de finances
de fin de gestion, les autorisations ouvertes se sont élevées à 49 450,7
M€.
À la fin
de l’exercice
,
41
% des autorisations d’engagement ont été consommées
(ou 82 % des autorisations ouvertes
en lois de finances initiale et de fin de gestion). La quasi-totalité des commandes ont été
réalisées,
à l’exception notamment de
trois systèmes aériens de drones tactiques, de 70 camions
citernes de nouvelle génération et d
es kits d’évacuation médicale visant à équiper les A400M,
NH90 et
Caracal
.
Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale représentaient une
augmentation de 877,4
M€ par rapport à 2022, dont 455,3 M€ pour l’OS
Programmes à effet
majeur
et 282,4 pour l’OS
Dissuasion
. La loi de finances de fin de gestion a occasionné
l’ouverture nette de
771,0
M€ de crédits de paiement
55
, dont la répartition a été indiquée au
55
Dont 200 M€ visant à recompléter le fonds spécial relatif à l’équipement de l’Ukraine pour 2024, qui neutralisent
en solde budgétaire le report de 200 M€ ouverts en loi de finances rectificative pour 2022 et reportés à 2023.
0,0
2 000,0
4 000,0
6 000,0
8 000,0
10 000,0
12 000,0
14 000,0
16 000,0
18 000,0
20 000,0
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
DIS-Dissuasion
PEM-Programmes à effets majeurs
AOA-Autres opérations d'armement
INFRA-Infrastructures de défense
EPA-Environnement des programmes d'armement
AOP-Activités opérationnelles
FAS-Fonctionnement et activités stratégiques
DHDB-dépense hors dotation budgétaire
COUR DES COMPTES
46
chapitre I. En incluant les mesures de virement et transfert ainsi que les attributions de produits
et fonds de concours, la ressource disponible s’élevait à
16 656,8
M€.
En gestion, le programme a été confronté à divers surcoûts, liés notamment à
l’inflation
(410
M€ de crédits de paiement, absorbés en gestion
grâce aux possibilités offertes par
l’avancement global des programmes d’armement
) ;
l’acquisition de matériel visant à
recompléter les stocks des armées à la suite de cession à l’Ukraine, en particulier des munitions
de 155 mm et de divers équipements de défense anti-aérienne dont un système MICA-VL
nécessaire en vue de la protection du t
erritoire national à l’occasion des Jeux olympiques
56
, a
mobilisé 176
M€
de crédits de paiement, couverts en loi de finances de fin de gestion. Enfin,
l’annulation
de 505
M€
a conduit à
réaliser certains engagements en toute fin d’année,
afin que
les paieme
nts occasionnés portent sur l’exercice 2024, ce qui a dégradé d’autant le reste à payer
du programme.
À la fin de l’année, 98
% des crédits de paiement ont été consommés et la quasi-
totalité des livraisons prévues ont pu avoir lieu, à l’exception notamment
de deux avions
Rafale
,
de quatre
Mirage
2000D rénovés et de cinq poids-lourds « forces spéciales » en raison de
difficultés industrielles.
Le programme 146 a en outre poursuivi le paiement des travaux commandés au titre du
plan de soutien à l’aéronautiqu
e.
Tableau n° 11 :
engagements et paiements relatifs au plan de soutien à l’aéronautique
portés par le programme 146 (en
M€)
AE
CP
2020
2021
2020
2021
2022
2023
(p)
2023
(r)
2024
2025
2026
3 A330-200 MRTT
(2 livr. 2020, 1 livr. 2022)
213
-
154
25
35
-
-
-
-
-
1 ALSR (livr. 2025)
-
56
-
27
13
7
7,5
-2 *
10,5
-
Prototype SDAM
-
11
-
7
1
2
1
2
-
-
SMDM (livr. 2022)
4
-
-
4
-
-
-
-
-
-
8 H225-M Caracal
(livr. 2024-26)
-
317
-
64
49
49
40
83
52
29
Total
217
384
154
127
98
58
48,5
83
62,5
29
Note : le paiement
négatif correspond à une reprise d’avance
Source : ministère des armées
B -
Les enjeux de pilotage du programme 146
Le programme 146 est caractérisé par une forte pluri-annualité de ses dépenses (voir les
développements consacrés, dans le chapitre I, aux restes à payer et aux AEANE) : pour
56
L’état
-
major des armées n’a pas exprimé, au cours de l’instruction, de difficultés relatives aux délais de
remplacement de ces équipements, dont les fournisseurs font également face à de nombreuses commandes à
l’export.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
47
l’exercice 2023, le projet de loi de finances faisait état de 12,6 Md€ de crédits de paiement
portant sur des engagements non couverts au 31 décembre 2022, contre 2,8 Md€ portant sur
des autorisations d’engagement demandées p
our 2023. Cette pluri-annualité emporte plusieurs
conséquences.
T
out d’abord,
elle rend nécessaire une gestion fine de la priorité des dépenses en
particulier en 2023 compte tenu du taux élevé de la réserve de précaution, rehaussé en cours
d’année
(soit 92
2,8 M€
sur le périmètre des crédits ouverts en loi de finances initiale). De ce
fait, le surgel survenu en mai a conduit la DGA à suspendre, dès le second suivi de gestion,
l’ensemble de ses engagements nouveaux
: les données extraites de Chorus montrent que les
engagements sur le programme 146 avaient atteint 11,7 Md€ fin novembre, contre 20,3 Md€ à
la fin du mois de décembre (de nombreux engagements ayant été passés suffisamment près de
la fin de l’exercice pour que le délai global de paiement accordé au
ministère permette un report
sur l’exercice 2024 du paiement des avances exigibles dès la notification de nouveaux contrats)
.
La DGA évaluait que les deux points supplémentaires de mise en réserve
(soit 307,6 M€)
, par
rapport aux exercices précédents, con
ditionnait de l’ordre de 3,5 Md€ d’engagements
nouveaux, dont certaines commandes faisant partie des hypothèses d’entrée en LPM 2024
-
2030
57
.
Ensuite, elle expose fortement le programme 146 aux fluctuations de l’inflation. Ainsi,
sur la période 2019-
2021, l’augmentation plus faible que prévu des indices de prix a
permis à
la mission
Défense
de financer sous enveloppe la prise en compte de besoins nouveaux, en
particulier dans les domaines de l’espace exo
-atmosphérique et de la cyberdéfense ;
a contrario
,
l’inflation soutenue en 2022 et 2023 a occasionné des surcoûts importants
(de l’ordre de 410
M€
en 2023)
, malgré les prévisions d’évolution de prix réalisées par la DGA.
La prise en compte
de ces surcoûts, sous enveloppe, est une contrainte supplémentaire dans le pilotage des
dépenses.
Des crédits d’entrée en LPM 2024
-
2030, objet d’un suivi spécifique
Le pilotage très fin exercé par la direction du budget dans la mobilisation des crédits visant à garantir
l’entrée en programmation m
ilitaire 2024-
2030 a conduit la DGA à réaliser, entre l’arbitrage décidant
de l’allocation des fonds supplémentaires (lettre du 22 février de la Première ministre) et le vote de la
loi de finances de fin de gestion (30 novembre), un suivi spécifique de ces crédits.
Le niveau de consommation est précisé en annexe n° 3. L
a totalité des autorisations d’engagement visées
par la loi de finances de fin de gestion ont été consommées, tandis que les crédits de paiement ont subi
des annulations de fin d’année
.
Au
cours de l’instruction, la DGA a fait état d’une exécution particulièrement complexe en 2023, ce
suivi particulier s’étant superposé à celui des engagements et paiements mis en réserve.
Enfin, dans un contexte de renforcement de la responsabilité du ministère en matière de
contrôle interne financier,
la DGA a explicité lors de l’instruction une dépendance particulière
à l’existence d’une programmation des besoins et des ressources sur le long terme, afin de
garantir le bien-fondé capacitaire et la soutenabilité des commandes de
long terme qu’elle peut
être amenée à engager (pour 2023, par exemple : études relatives au porte-avion de nouvelle
génération, production de 42 avions
Rafale
).
57
Par exemple les opérations
Patrouilleurs hauturiers
,
MRTT standard 2
et
Rafale
.
COUR DES COMPTES
48
III -
Programme 178
–
Préparation et emploi des forces
Au titre du programme 17
8, le chef d’état
-major des armées est responsable de la
préparation des forces, à l’aune des contrats opérationnels qui leur sont fixés par la loi de
programmation militaire, et de leur emploi. Hors CAS «
Pensions
», les besoins associés
représentent 29 %
des autorisations d’engagement et 28
% des crédits de paiement de la mission
«
défense
».
La nomenclature budgétaire permet de distinguer les dépenses relatives :
-
à l’activité des forces
: OS
Opérations extérieures
et
Missions intérieures
qui
corresponden
t, hors surcoûts portés par le titre 2, l’essentiel de la provision dédiée par la
loi de programmation militaire (850
M€ en loi de finances initiale pour 2023)
; OS
Activités
opérationnelles
pour l’entraînement et les autres missions opérationnelles des armées, et
Fonctionnement et activités spécifiques
pour le fonctionnement courant des armées ;
-
à des dépenses d’équipement, complémentaires de celles portées par le programme 146
:
OS
Dissuasion
,
Entretien programmé du matériel
,
Infrastructures
,
Entretien programmé
du personnel
et
É
quipements d’accompagnement et de cohérence
pour les dépenses d’achat
courant, de maintenance et d’infrastructures opérationnelles
;
-
enfin, aux équipements spécifiques à la direction du renseignement militaire :
OS
Renseignement
.
A -
L’exécution des dépenses du programme
Graphique n° 10 :
exécution du programme 178 par OS (CP, en
M€)
Source : ministère des armées
-
5 000,0
10 000,0
15 000,0
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
INFRA-Infrastructures de défense
EAC-Equipements d'accompagnement et de cohérence
EPP-Entretien programmé du personnel
EPM-Entretien programmé du matériel
DIS-Dissuasion
FAS-Fonctionnement et activités spécifiques
AOP-Activités opérationnelles
RENS-Renseignement
MISSINT
OPEX
LES POLITIQUES PUBLIQUES
49
Les autorisations
d’engagement ouvertes en loi de finances initiale, soit 12
559,5
M€, ont
été surtout complétées par le report de 4 292,3
M€ en tout
d’autorisations d’engagement
ouvertes en 2022, dont 3
907,6 M€
correspondant à la notification de nouveaux contrats de
main
tenance dont les négociations se sont poursuivies jusqu’en 2023 (notamment les flottes
MRTT,
Alphajet
,
Gazelle
, A400M et
Puma
). Certains de ces contrats ont pu être notifiés en
2023, tandis que d’autres ont été
de nouveau repoussés (
Puma
, maintenance des cellules des
A400M) ou notifiés
a minima
dans l’attente d’un complément en 2024 (
Alphajet
) ; ce nouveau
retard a occasionné le report de 1,6 Md
€
. En complément, la loi de finances de fin de gestion a
ouvert 1 565,3
M€ supplémentaires
. Compte tenu des attributions de produits et fonds de
concours et des autres mouvements en cours de gestion, les autorisations d’engagement
ouvertes à la fin de l’exercice s’élevaient à 18
904,9
M€
; hormis le report à 2024 de 195,4
M€
d’autorisations d’engagement affectées, le taux de consommation s’él
evait à 81 % à la fin de
l’exercice
.
Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale s’élèvent quant à eux à
12 052,6
M€, soit 1
069,2 M€ supplémentaires (+9,7
%) par rapport à 2022. L’effort
supplémentaire se répartit essentiellement entre l’entretien programmé du matériel
(+550,1
M€)
, justifiée par la forte activité opérationnelle des années passées et par la poursuite
de la mise en place de contrats de maintenance globaux, les infrastructures (+208,8
M€) et le
fonctionnement et les activités spécifiques (+ 141,0
M€
tenant compte de la hausse des coûts
de l’énergie
)
58
. La loi de finances de fin de gestion a ouvert des crédits de paiement
supplémentaires, à hauteur de 1 544
M€
; en tenant compte des mouvements réglementaires,
14 138,9
M€ ont ainsi été ouverts à la fin de l’exercice.
En gestion, le principal fait marquant de l’exercice 2023 est le soutien à l’Ukraine, qui a
occasionné divers surcoûts (552,6
M€ d’autorisations d’engagement et
677,1
M€ de crédits de
paiement) ; les OPEX et MISSINT ont causé 206,3
M€
de surcoûts additionnels, tandis que le
coût des carburants opérationnels a dépassé les prévisions de 257,4
M€ (dont 82,6 M€ au titre
des opérations extérieures)
. L’ensemble de ces s
urcoûts, concentrés sur les dépenses des OS
Activités opérationnelles
(+675,0
M€) et
Entretien programmé du matériel
(+374,3
M€)
a été
refinancé par les crédits ouverts en fin de gestion
59
, à hauteur de 610
M€, et par des mesures
«
d’autofinancement
» du ministère des armées à hauteur de 548
M€
.
Hormis l’annulation et le
report à 2024 de 1
144 M€, le taux de consommation des crédits de paiement s’élève à
99,8 %.
58
Le surcoût de TVA occasionné par l’externalisation de la restauration dans les armées a donné lieu à une mesure
de périmètre en faveur du programme pour 1,2 M€.
59
Le financement par solidarité interministérielle était acquis au titre des articles 4 (surcoûts OPEX et MISSINT)
et 5 (coût du carburant opérationnel) de la LPM, et à la suite de l’arbitrage de la Première ministre retranscrit dans
sa lettre du 22 février 2023 (surcoûts liés au soutien à l’Ukraine).
COUR DES COMPTES
50
La traçabilité budgétaire des surcoûts occasionnés par les opérations extérieures
et par les missions intérieures
Afin d’en faciliter la traçabilité, les dépenses occasionnées par les OPEX et les MISSINT sont imputées
sur des BOP spécifiques des programmes 178 et 212 dès la consommation des crédits (dépenses dites
ex ante
) ou identifiées comme telles lors de leur constatation (dépenses
ex post
, correspondant par
exemple au surcroît de maintenance occasionné par la suractivité des équipements déployés en
opérations).
Dans la documentation budgétaire du programme 178 (justification au premier euro incluse dans les
projets annuels de performance), les surcoûts occasionnés par les OPEX et MISSINT font l’objet de
deux actions spécifiques (respectivement les actions 06 et 07). Ces actions correspondent au périmètre
des OS
OPEX
et
MISSINT
.
Pourtant,
l’identification de dépenses
ex post
pour le programme 178
, réalisée au titre de l’évaluation
du surcoût complet des OPEX et MISSINT, ne conduit pas
l’état
-major des armées à réimputer ces
dépenses
vers l’OS
OPEX
. A
u contraire, ce sont les crédits de l’OS
OPEX
qui sont réaffectés aux crédits
de fonctionnement général. Il en résulte un manque de traçabilité de ces surcoûts dans les documents
budgétaires, les OS
OPEX
et
MISSINT
connaissant des sous-consommations importantes depuis 2019
alors que les surconsom
mations sont portées principalement par l’OS
Entretien programmé du matériel
.
La Cour recommande d’y remédier.
Et s
i, comme l’indique le ministère des armées, une réimputation
des dépenses identifiées
ex post
n’est pas possible, il convient à tout le moins d’enrichir la présentation
faite de ces dépenses dans les rapports annuels de performance.
B -
La gestion des dépenses relatives aux « missions opérationnelles » de
nature stratégique pour le programme 178
Alors que la programmation militaire pour 2003-2008
60
ne prévoyait que l’inscription
d’une «
ligne spécifique
» en loi de finances initiale pour le financement du surcoût occasionné
par les opérations extérieures, la programmation pour 2009-2014
61
a prévu explicitement le
principe d’une provision, étendu aux missions intérieures sous la forme d’un «
bilan
opérationnel et financier
» pour 2015-2019
62
puis d’une provision mutualisée partielle (hors
crédits de masse salariale pour les missions intérieures) pour 2019-2025.
Parallèlement à la préparation de la LPM 2024-2030, qui a enfin intégré
l’ensemble des
surcoûts associés aux missions intérieures dans le calcul de la provision
63
, se sont développés
les déploiements militaires à l’étranger qui ne bénéficient pas du statut d’opération extérieure
;
le principal exemple en est désormais la participation renforcée de la France au dispositif de
réassurance mis en place par l’OTAN pour les pays de son flanc oriental
: missions
Lynx
dans
les pays baltes
en contribution de l’
enhanced Forward Presence
et
Aigle
en Roumanie, dont la
60
Loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
61
Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant
diverses dispositions concernant la défense.
62
Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et
portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
63
C
omme la Cour le recommandait dans ses précédentes notes d’analyse de l’e
xécution budgétaire de la mission
«
défense
».
LES POLITIQUES PUBLIQUES
51
France est nation-cadre,
contribution régulière aux missions d’
Air Shielding
et
enhanced Air
Policing
.
Il appartient au Gouvernement de décider si le statut juridique de ces missions relève des
opérations extérieure, ce qui emporte alors des conséquences juridiques au sens
constitutionnel
64
comme pour la protection des militaires
65
. Toutefois, compte tenu de
l’e
njeu
stratégique auquel ils répondent, la nature de ces déploiements semble de moins en moins
compatible avec la gestion administrative et budgétaire qui en est faite, qui ne les distingue pas
de simples exercices internationaux. Par ailleurs, le surcoût estimé pour les seuls déploiements
militaires consécutifs à l’invasion de l’Ukraine
(
419,6 M€ hors titre 2 pour l’exercice 2023
retraités du reste à payer issu de l’exercice 2022 et 74,4 M€ pour le titre 2
) le rend
commensurable avec le surcoût des opérations extérieures (1
020,7 M€ hors titre 2 et 201,1 M€
de titre 2 pour 2023, sans compter sa baisse prévisible du fait de la fermeture de l’opération
Barkhane
) et bien supérieur à celui des missions intérieures (69,9
M€ hors titre
2 et 59,4 M€ de
titre 2). La prévisibilité de ces surcoûts est, tout autant que pour les OPEX et MISSINT, soumise
aux décisions de l’autorité politique
, et son financement interministériel a été décidé par
l’arbitrage précité de la Première ministre
.
Il semble donc utile, pour améliorer la lisibilité budgétaire du programme 178 comme
pour transcrire les décisions prises pour sa gestion, que ces «
missions opérationnelles
» à effet
stratégique fassent l’objet d’une provision budgétaire similaire à celle des
opérations
extérieures et des missions intérieures
, plutôt que d’une simple régularisation en loi de finances
de fin de gestion.
Le ministère des armées objecte qu’étendre
cette provision budgétaire aux missions
opérationnelles à effet stratégique nécessiterait de modifier les dispositions de
l’
article 5 de la
LPM 2024-2030
. La LPM ne prévoit, en effet, qu’une provision relative aux OPEX et
MISSINT, conformément aux choix exposés par le ministre des armées
66
. Pour autant, elle
n’interdit pas au ministère d’adopter pour les missions
opérationnelles à effet stratégique un
fonctionnement similaire
–
certes non couvert par les dispositions législatives de solidarité
interministérielle applicables aux surcoûts éventuellement constatés pour les OPEX et les
MISSINT.
IV -
Programme 212
–
Soutien de la politique de défense
Sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration,
le programme 212
Soutien de la politique de la défense
regroupe l’ensemble des crédits de
titre 2 et gère la totalité
des emplois de la mission
Défense
. Les crédits affectés aux dépenses de titre 2 représentent,
hors CAS
Pensions
,
13,2 Md€ (soit
30,1 % de la mission) en loi de finances initiale.
64
Article 35 : «
Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à
l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention.
»
65
Notamment l’article L.
4123-4 (prise en charge des blessures de guerre et infirmités en résultant) et le II. de
l’article L.
4123-
12 (régime d’excuse pénale pour l’exercice de mesures de coercition) du code de la défense.
66
Audition du 15 mars 2023 précitée.
COUR DES COMPTES
52
Le programme 212 finance également les politiques transverses du ministère
–
transformation numérique, politique immobilière et de logement, action sociale, etc.
–
et des
fonctions de soutien mutualisé telles que les
systèmes d’information d’administration et de
gestion du ministère. Ces dépenses représentent, en programmation, 1,4
Md€ soit
4,4 % des
crédits hors titre 2.
A -
La trajectoire globale des effectifs
Le schéma d’emploi
s de la loi de finances initiale 2023 est conforme à la trajectoire de
«
l’augmentation nette des effectifs
» de la LPM 2019-2025
et s’établit à +1
500 ETP, auxquels
s’ajoutent
+45 ETP pour le
service industriel de l’aéronautique (
SIAé) et +2 ETP pour le
délégué ministériel de l’encadrement supérieur
67
, soit un total de 1 547 ETP. Ce schéma
d’emplois est en forte croissance par rapport à l’exercice 2022 (
+492 ETP) et, plus
généralement,
dans le contexte de l’évolution des effectifs prévue pour
la période 2019-2023
(+3 000 ETP étalés sur cinq ans).
Il représente 0,6 % des effectifs du ministère en 2023 (la LPM fixe un objectif de
271 936 ETP en 2023)
68
.
Dès le début de la gestion pour 2023, le ministère a corrigé ses objectifs de schéma
d’emploi
s pour ramener ce dernier à +804 ETP
69
dont +103 ETP pour le SIAé : sur le périmètre
de la LPM, le schéma d’emploi
s est donc réduit à +697 ETP. Cette correction tient compte des
difficultés importantes rencontrées en fin d’exercice 2022
, et notamment :
-
le recul des recrutements des sous-officiers et des militaires du rang au s
ein de l’armée de
terre, que le ministère interprète par un épuisement inattendu de son vivier ;
-
l’attractivité
relative de postes mobilisant des compétences immédiatement transposables
dans le civil
70
, face à la forte concurrence des employeurs publics et privés. Or les créations
de postes décidées en LPM visent précisément de telles compétences.
Les principales évolutions
du schéma d’emplois prévisionnel
portent sur le personnel
militaire, en particulier les sous-officiers (-899 ETP entre la loi de finances initiale et le début
de gestion), les militaires du rang (+426 ETP) et les officiers (-192 ETP). Pour le personnel
civil, le rééquilibrage s’effectue entre le personnel de catégorie A (+213
ETP) et celui de
catégorie C (-209 ETP).
Les hausses de schéma d’emplois pour les militaires du rang et les
civils de catégorie A interrogent, compte tenu des difficultés relevées par le ministère.
67
Ces deux postes ont
été créés et pourvus en cours d’année.
68
Soit +1 214 équivalents temps plein travaillés (ETPT)
, pour un plafond d’emploi
s de 272 571 ETPT.
69
Soit +241 ETPT, ce qui laisse supposer l’utilisation massive de facilités de gestion ou, au contraire, de fortes
contraintes dans les processus de recrutement.
70
Sous-
officiers et officiers dans les métiers de l’aéronautique et du nucléaire, informaticiens
en cybersécurité et
renseignement, ingénieurs civils dans le domaine
de l’armement
.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
53
La prise en compte différenciée des effectifs du SIAé, du SMV et des apprentis
Le SIAé a bénéficié, en cours de gestion 2023,
d’une forte augmentation de son schéma d’emplois
(+103
ETP, contre +45 ETP en loi de finances initiale). Ce schéma d’emplois est exclu de la trajectoire
fixée par la LPM, alors que son plafond d’emplois (voir ci
-après) est bien intégré à la loi de finances
initiale. Le ministère des armées justifie cette divergence par le fait que les rémunérations et charges
sociales du personnel employé par le SIAé ne sont pas supportées par des dépenses de titre 2 de la
mission
Défense
. Au vu, pourtant, de
l’
évolution significative de leur volume, la Cour réitère son
observation de 2022
demandant d’assurer la concordance entre les périmètres visés par la LPM, d’une
part, et les lois de finances, d’autre part. Cette observation n’a pas été suivie par le ministère des armées
à l’occasion de la préparation de la LPM 2024
-2030.
La même remarque peut être formulée pour les volontaires du service militaire volontaire (635 ETP en
début d’exercice), dont le schéma d’emplois est exclu de la LPM mais dont le plafond est bien intégré à
celui qui est présenté en loi de finances initiale.
Au contraire, les apprentis du ministère, non inclus dans le schéma d’emplois de la LPM, ont été sortis
du plafond d’emplois ministériel en 2022 à la suite d’une décision interministérielle.
L
e schéma d’emplois prévisionnel
a poursuivi sa dégradatio
n en cours d’exercice
: il est
passé à -2 058 ETP en premier suivi de gestion puis à -2 369 ETP en second suivi de gestion.
À la fin de l’année, le schéma d’emplois exécuté s’est établi
à -2 515 ETP : la dynamique des
recrutements est restée soutenue avec 27 164 entrées nouvelles externes en 2023 (comparables
aux 27
707 entrées en 2022) mais inférieure aux objectifs que le ministère s’était fixés (
29 520
entrées prévues en début de gestion). Les départs sont restés importants avec 25 496 sorties
définitives (en ligne avec les prévisions de début de gestion, soit 25 309 sorties, et avec les
24 957 départs enregistrés en 2022), à leur plus haut niveau depuis 2017
71
.
Tableau n° 12 :
évolutions
du schéma d’emploi 2023 (
en ETP)
Loi de finances
initiale
Début de
gestion
Exécution
Officiers
+610
+418
+260
Sous-officiers
+847
-52
-1 226
Militaires du
rang
-768
-342
-2 611
Volontaires
+35
+12
-22
Militaires
+724
+36
-3 599
Catégorie A
+795
+1 008
+1 143
Catégorie B
+742
+569
+759
Catégorie C
+4
-205
-73
71
Il convient d’ajouter au sol
de des entrées nouvelles externes et des sorties définitives, soit +1 668 ETP réalisés,
les autres mouvements (mobilités vers ou depuis des employeurs hors ministère, congés de non-activité ou non
rémunérés) pour obtenir le schéma d’emplois réalisé.
Ces autres mouvements portent le total des entrées à
+38 329 ETP et celui des sorties à -40 844 ETP.
COUR DES COMPTES
54
Loi de finances
initiale
Début de
gestion
Exécution
Ouvriers
d’État
-718
-604
-745
Civils
+823
+768
+1 084
Total
+1 547
+804
-2 515
Source : ministère des armées
À l’occasion de l’analyse de l’exécution budgétaire pour 2022, l
a Cour préconisait une
remise à zéro du mécanisme dit «
d’avance/retard
»
72
avant
l’entrée en prochaine loi de
programmation. Dans un contexte de non-
exécution du schéma d’emplois sur plusieurs années,
ce mécanisme occasionnerait
, par l’effet d’une reprise automatique des retards,
des schémas
d’emploi
s irréalistes pour les employeurs déjà confrontés à des difficultés de recrutement. Si ce
mécanisme avait été mis en œuvre en 2023, le schéma d’emplois prévisionnel aurait été porté
à +3 775 ETP ; au vu des grandes difficultés
qu’il rencontrées à la fin de l’exercice 2022,
le
ministère y a donc renoncé dès la loi de finances initiale.
Une reconstruction de la trajectoire
des effectifs du ministère tels qu’ils sont prévus en
loi de finances initiale puis réalisés, sur la base des données communiquées à la Cour, montre
par ailleurs que le ministère procède, chaque année en loi de finances initiale, à un rebasage de
sa trajectoire en effectifs dont il ne reprend que les hausses annuelles successives fixées en
LPM. Cet effort est également visible pour la préparation de la loi de programmation militaire
2024-2030
73
.
72
Le ministère des armées
bénéficie d’un mécanisme particulier lui permettant de recruter par anticipation
(«
avance
») ou, le cas échéant, de reporter ses
besoins sur l’exercice suivant («
retard
») afin de rester conforme,
sur le long terme, à la trajectoire prévue par la LPM.
73
Non seulement la trajectoire 2024-
2030 commence avec un rebasage de l’ordre de 4
000 ETP, mais la loi de
finances initiale pour 20
24 prévoit également un schéma d’emplois de +400 ETP au lieu des
+700 ETP prévus,
quelques mois plus tôt, en LPM.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
55
Graphique n° 11 :
évolution des effectifs (en ETP)
Note : périmètre LPM (hors volontaires du service militaire volontaire et apprentis), SIAé et présidence de la République inclus
Source
: Cour des Comptes d’après données du
ministère des armées
Le
plafond d’emploi
s ministériel
s’élève
, quant à lui, à 272 571 ETPT en loi de finances
initiale, puis se consolide en début de gestion à 267 256 ETPT. À fin décembre 2023, le plafond
réalisé est de 264 475 ETPT, soit -2 781
ETPT au regard de la prévision de début d’année
et -8 096
ETPT de vacance sous plafond d’emploi
s.
La question du rebasage
des plafonds d’emploi
s
ne se pose pas, dans la mesure où il s’agit
d’un impératif légal
74
.
74
Article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années
2018 à 2022, alors en vigueur : «
À compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en
loi de finances initiale, spécialisé par ministère, conformément à l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du
1er août 2001 relative aux lois de finances, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée
dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des
mesures de périmètre intervenus ou prévus
». Désormais abrogée, cette disposition est reprise
au I de l’article 12
de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à
2027.
240 000
245 000
250 000
255 000
260 000
265 000
270 000
275 000
280 000
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
2026
2027
2028
2029
2030
Effectifs de référence pour la construction du PLF
Objectif fixé en PLF (dont avance-retard et mesures de soutenabilité)
Exécution au 31/12
LPM 2019-2025
LPM 2024-2030
COUR DES COMPTES
56
Graphique n° 12 :
évolution du p
lafond d’emplois
(en ETPT)
Note : y/c SIAé,
délégué ministériel à l’encadrement supérieur
, Présidence de la République et
volontaires du SMV
Source
: Cour des comptes d’après
données du ministère des armées
B -
Les recrutements ciblés prévus en LPM
Les +1
500 ETP composant le schéma d’emplois pour 2023 correspondent à
des
nouveaux postes à pourvoir dans des domaines stratégiques de la LPM : renseignement et
cyberdéfense (+572 ETP), sécurité et protection des sites sensibles (+255 ETP), unités
opérationnelles des forces armées (+226 ETP), soutien aux exportations (+208 ETP), ou encore
digitalisation et intelligence artificielle.
Il s’agit
donc, en réalité, de créations de postes ciblées ;
leur comparaison avec le schéma d’emploi
s réalisé fait par conséquent
l’hypothèse que
l’ensemble des sorties sont compensées par ailleurs. Or les documents budgétaires du ministère
confondent les deux notions
: le schéma d’emplois
qui y est présenté est une agrégation des
créations et pourvois de postes ciblés en LPM et du solde des entrées et sorties. Il apparaît donc
difficile, à leur seule lecture, de conclure sur ces deux enjeux pourtant distincts.
Le ministère des armées justifie la confusion de ces deux phénomènes dans les documents
annuels
de performance, qui ne présentent que l’évolution agrégée de ses effectifs, par la
«
double comptabilité
» qu’il devrait s’imposer pour en présenter séparément les effets.
Le
ministère suit pourtant, chaque année, les postes effectivement créés et pourvus en cours
d’année au titre des sept domaines jugés prioritaires par la LPM
; le taux de réalisation qui peut
se déduire des données fournies par le ministère au cours de l’instruction
est indiqué ci-après.
Il est possible
, compte tenu du schéma d’emploi glo
bal présenté dans les publications
budgétaires, d’en déduire l’effet des entrées et sorties hors créations de postes.
Ainsi, e
n 2019 et 2020, le schéma d’emplois prévisionnel est effectivement équilibré si
l’on exclut la création de postes prioritaires, t
andis que les moindres recrutements sur ces postes
permettent en cours d’année d’augmenter les effectifs généraux de la mission. À compter de
2021 en revanche, le rythme de création et de pourvoi des postes prioritaires diminue tandis que
240 000
245 000
250 000
255 000
260 000
265 000
270 000
275 000
280 000
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Plafond d'emplois (LFI, LFR et mouvements en gestion)
Exécution
LES POLITIQUES PUBLIQUES
57
l’effet des dépar
ts et des moindres recrutements devient fortement négatif
. Pour 2023, l’écart
entre les créations de postes prioritaires et la trajectoire prévue en LPM
s’explique notamment
par un effort du ministère sur les «
unités opérationnelles des forces
», qui occasionne un renfort
de 226 ETP.
Tableau n° 13 :
création et pourvoi des postes prioritaires en LPM (en ETP)
2019
2020
2021
2022
2023
Postes
créés
Postes
armés
Postes
créés
Postes
armés
Postes
créés
Postes
armés
Postes
créés
Postes
armés
Postes
créés
Postes
armés
Trajectoire LPM
450
300
300
450
1 500
Schéma d’emplois
mission Défense,
SIAé inclus
(prévu/réalisé)
466
999
300
416
300
-485
492
-1 018
1 547
-2 515
Accompagnement
transformation
15
15
12
10
12
12
25
18
26
n.c.
Cyberdéfense
107
82
94
64
96
73
142
102
572
n.c.
Renseignement
199
170
149
132
78
63
85
68
n.c.
Digitalisation / IA
21
20
6
6
6
6
21
18
90
n.c.
Relations
internationales
1
1
1
1
1
1
1
1
0
n.c.
Sécurité protection
47
39
43
43
20
16
0
0
255
n.c.
Soutien export
45
45
24
24
24
24
24
17
208
n.c.
Total postes
prioritaires
435
372
329
280
237
195
298
224
1 151
n.c.
Schéma d’emploi
hors postes
prioritaires
31
627
-29
136
63
-680
194
-1 242
396
n.d.
Note
: à la date d’édition du présent rapport, les éléments relatifs à 2023 n’étaient pas
disponibles
Source
: Cour des comptes, d’après données du ministère des armées
En 2023, les
trois armées portent l’essentiel du déficit, avec un schéma d’emplois réalisé
à -2 610 ETP (contre -121
ETP en loi de finances initiale) pour l’armée de terre,
-669 ETP
(contre +311
ETP en loi de finances initiale) pour l’armée de l’air et de l’espace et
-377 ETP
(contre +249 ETP en loi de finances initiale) pour la marine nationale
75
.
À l’inverse, la DGA
réalise un schéma d’emplois de +3
83 ETP, sensiblement conforme à la loi de finances initiale
(+381 ETP), et la DGSE excède largement le sien (+357 ETP réalisés contre +190 ETP prévus
en loi de finances initiale).
À défaut de disposer d’un suivi de la création et du pourvoi des
postes «
fléchés LPM
», ces premiers éléments indiquent que les difficultés du ministère des
armées ont moins porté en 2023 comme en 2022 sur la réalisation des efforts capacitaires
75
Ce déficit se concentre (voir précédemment) sur les militaires du rang et les sous-officiers.
COUR DES COMPTES
58
présentés en LPM que sur l’attractivité de la condition militaire (recrutement, fidélisation des
sous-officiers et des militaires du rang).
Une fois encore, la lisibilité des sous-
jacents de l’exécution budgétaire de la mission
gagnerait à ce que le ministère des armées détaille, dans ses publications budgétaires, la
trajectoire complète de ses effectifs et distingue d
’une part l’effectivité des créations de poste
décidées en LPM, et d’autre part la question du renouvellement du personnel géré en flux (en
particulier les militaires du rang des armées).
C -
Les dépenses de titre 2
La programmation des crédits de titre 2 a augmenté de 5,6 % entre les lois de finances
initiales pour 2022 et 2023, soit une augmentation de 669
M€
(+5,3 %) hors OPEX et hors
CAS
Pensions
. En incluant les mouvements de gestion, la ressource prévisionnelle du titre 2
s’élève à 22
687,4
M€
, CAS
Pensions
inclus (13 509
,2 M€ hors CAS
Pensions
).
Cette hausse de crédits programmés englobe plusieurs facteurs structurants :
-
la prise en compte du
schéma d’emplois initial de +
1 500 ETP (périmètre LPM) pour
+67,7
M€
;
-
des mesures générales, à hauteur de +
197,4 M€, composées de l’extension
en année pleine
de deux mesures prises en 2022
: la revalorisation du point d’indice de 3,5% effective au
premier juillet (+178,
5 M€) et la hausse du SMIC intervenue au
premier
mai (+18,5 M€)
;
-
un plan catégoriel de +177,
7 M€, dont l’objet principal est la mise en œuvre de la troisième
marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) pour +121,5
M€
(et
+20 M€ au titre de l’extension
en année pleine de la deuxième marche de la NPRM),
des mesures en faveur du personnel militaire hors NPRM pour +16,9 M€,
et
+23,3 M€ en
faveur du personnel civil (dont
+ 19,2 M€ de revalorisation pour les agents contractuel
s) ;
-
dans une moindre mesure, des
crédits complémentaires (+8,1 M€)
pour la réserve
opérationnelle
afin d’accompagner sa montée en puissance.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
59
Graphique n° 13 :
évolution des dépenses de personnel
(CP, en M€)
Note : CAS
Pensions
inclus
Source : Cour des comptes
Si le
schéma d’emplois a été revu à la baisse dès le début de gestion, le ministère des
armées a conservé pour
l’exercice
2023 le niveau de masse salariale correspondant à un schéma
d’emplois complet
76
. Les principales évolutions en gestion sont les suivantes :
-
des marges budgétaires ont été dégagées par la non-saturation
du schéma d’emplois
(-164
M€), un moindre besoin
pour le surcoût des OPEX (-
79 M€),
la revalorisation du
point d’indice réalisée en 2022
77
(-31,
5 M€)
et le surcoût occasionné par la NPRM
(-14,4 M
€)
;
-
l
e contexte inflationniste a entraîné des revalorisations du SMIC (+7,4 M€ au
premier
janvier et +39,
4 M€ au
premier mai) et une hausse de
l’indemnité de garantie individuelle
de pouvoir d’achat (
GIPA
–
+20,3 M€)
;
-
parmi les principales mesures du rendez-vous salarial de juin 2023 se trouvent la
revalorisation de 1,5 % du point d’indice au
premier
juillet (+78,9 M€), la prime
exceptionnelle du pouvoir d’achat (
+
73,0 M€), ou encore l’attribution de 1 à 9 points à
certains agents (+ 16,7 M
€)
;
-
le surcoût occasionné par la crise ukrainienne, principalement composé des indemnités
versées aux militaires déployés,
est estimé à + 74,4 M€
;
-
l
a montée en puissance de la réserve opérationnelle s’établit à 196,3 M€, soit +11,4 M€ par
rapport à la ressource prévue en 2023 (
et +24,9 M€ par rapport à la dépense exécutée en
76
Le risque de non-atteint
e du schéma d’emplois a été intégré très tôt dans l’année 2023, avec un schéma d’emploi
revu à -2 058 ETP au premier suivi de gestion. Le suivi de gestion pour 2023 étant la base des travaux de
préparation du projet de loi de finances pour 2024, cette décision a structuré la programmation de la masse salariale
en 2024.
77
+147,4 M€ réalisés pour 178
,
5 M€ prévus
.
19 000
19 500
20 000
20 500
21 000
21 500
22 000
22 500
23 000
2018
2019
2020
2021
2022
2023
LFI
Total des ressources constatées
Exécution
COUR DES COMPTES
60
2022). Cela correspond à 1 471
949 jours d’activité de réserve, soit 39
426 engagements à
servir la réserve
78
.
L’ensemble de ces évolutions a été réalisé sous enveloppe des crédits ouverts, et
la réserve
de précaution
n’a pas été levée
.
La refonte progressive du système indemnitaire des militaires
La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) réforme la part indemnitaire de la solde
des militaires, précédemment constituée de plus de cent soixante-quatorze primes, afin de la rendre plus
lisible
; elle intègre également des efforts touchant à l’attractivité du statut
. Le troisième volet de mise
en œuvre de la NPRM
finalise, au premier octobre 2023, la refonte complète du système indemnitaire
des militaires avec l’intégration de quatre nouvelles indemnités
79
:
-
l’indemnité de garnison
(IGAR)
et l’indemnité d’état militaire
(IEM) visent les sujétions générales
imposées aux militaires ;
- la prime de compétences spécifiques des militaires (PCS) et la prime de parcours professionnels des
militaires (3PM) concernent quant à elles certaines capacités particulières.
Le surcoût estimé à la fin
de l’exercice 2023 s’élève à +86,9 M€ en année co
urante, inférieur de 14,4
M€
à l’hypothèse de programmation
80
.
Cette réforme engendre en outre une modification de périmètre au profit du titre 2 afin de compenser
l’intégration de l’a
ncienne indemnité pour charges militaires (ICM)
dans l’indemnité de garn
ison
(IGAR). En effet, l’IGAR
est
fiscalisée, contrairement à l’
ICM
: la transition de l’une à l’autre engendre
donc, à périmètre constant,
un surcroît d’imposition
81
et une baisse des prestations sociales auxquelles
les militaires bénéficiaires avaient droit. L’effet de cette mesure de périmètre est
évalué par le ministère
des armées à 11,
9 M€
en 2023 (année courante), et 47,5 M€ en année pleine
.
Le surcoût global de la NPRM est estimé par le ministère à 484
M€ en année pleine
,
dont 41 M€ au titre
de la première marche, 92 M€ au titre de la deuxième et de l’ordre de
351
M€ au titre de la troisième
82
.
⁂
Le ministère des armées est donc confronté à une double dynamique contradictoire.
D’
une part, le financement de mesures catégorielles sous enveloppe de crédits, grâce à la sous-
exécution du schéma d’emplois en 2023, faculté désormais pérennisée par les dispositions
normatives de la LPM 2024-2030
83
, tend à grever la capacité future du ministère à rattraper la
trajectoire d’effectifs ambitieuse que lui fixe la LPM. D’autre part, le respect de cette trajectoire
conditionne la réalisation de l’ambition portée par la LPM pour les armées aux horizons 2030
78
Dont 30
% d’officiers, 43
% de sous-officiers, 27 % de militaires du rang
–
le ministère des armées a indiqué
avoir accéléré la mise en paiement d
es jours de réserve, au cours de l’année 2023, afin de fidéliser les réservistes.
79
Sur un total de huit primes réparties sur trois volets selon la sujétion, l’engagement ou la capacité qu’elles
rétribuent.
80
Le ministère explique cet écart par la réalisation d
’un
schéma d’emplois négatif
.
81
Dans le PAP 2023, le surcroît des recettes fiscales pour l’État est estimé à 37 M€, et la baisse de prestations
sociales à 10,5 M€.
82
À
partir d’octobre
2023, les rémunérations des militaires sont revalorisées de près de 30
M€
par mois, soit
351
M€
par an.
83
Dernier alinéa de l’article 7
: «
En fonction de la réalité du marché du travail, le ministère de la défense peut
employer les crédits rendus disponibles par une sous-réalisation de ses cibles d'effectifs pour renforcer son
attractivité et la fidélisation de ses agents.
»
LES POLITIQUES PUBLIQUES
61
et 2035 : il est indispensable pour que les armées soient en mesure de répondre pleinement, à
terme, aux contrats opérationnels qui leur sont fixés.
Le ministère des armées devra donc faire preuve de la plus grande prudence dans la mise
en œuvre de ces moyens d’attractivité, afin de garantir que
sa masse salariale ne dérive pas et
contraigne
d’évincer d’autres dépenses.
D -
Les dépenses hors titre 2
Hors titre 2, les dépenses du programme 212 couvrent :
-
les dépenses de fonctionnement des services rattachés au secrétariat général pour
l’administration
(OS
Fonctionnement et activités spécifiques
) ;
-
les dépenses d’infrastructure relatives à la politique du logement familial, à l’hébergement
en enceinte militaire, aux locaux de travail (dont Balard) et aux réseaux d’intérêt général
(OS
Infrastructures de défense
) ;
-
les crédits dédiés aux systèmes d’information d’administration et de gestion du ministère
(OS
Équipement d’accompagnement
) ;
-
plus modestement, aux études de l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
financées au profit du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités
et installations intéressant la Défense (OS
Dissuasion
).
Graphique n° 14 :
exécution du programme 212, hors titre 2, par OS (CP, en
M€)
Note
: la diminution des dépenses de l’OS
Infrastructures de défense
à compter de 2020 correspond à la mise en œuvre de la
nouvelle architecture budgétaire du ministère, qui a conduit à ventiler ces dépenses dans les programmes 146 et 178
Source : Cour des comptes
-
500,0
1 000,0
1 500,0
2 000,0
2 500,0
3 000,0
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
LFI
exécution
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
DIS-Dissuasion
EAC-Equipement d'accompagnement
INFRA-Infrastructures de défense
FAS-Fonctionnement et activités spécifiques
COUR DES COMPTES
62
Lors de l’examen du PLF 2023 de la mission
Défense
, le Parlement a voté un amendement
ouvrant 43,2
M€ en autorisations d’engagement et
2,8
M€ en crédits de paiement
pour la
rénovation des restaurants du ministère des armées. Ainsi, les dépenses hors titre 2 du
programme 212 représentent en loi de finances initiale
1 525 M€ en engagement
s
et 1 360 M€
en crédits de paiement (+8,2 % par rapport à 2022), en
hausse de 103,3 M€
par rapport à 2022.
À la suite des travaux de programmation militaire pour 2024-2030, un recalage des
engagements prévus en 2023 a conduit à reporter plus de 122
M€ d’opérations
–
maintenance
lourde
d’infrastructures
, transition écologique
–
à la période 2024-2030. Dans le même cadre,
une ouverture
de 60 M€
de crédits de paiement a été obtenue en loi de finances de fin de gestion,
afi
n de permettre au programme d’apurer ses restes à payer.
Ces crédits supplémentaires ont
toutefois été annulés en fin de gestion.
Compte tenu des mouvements réglementaires, les ressources ouvertes se sont élevées à
1 521,1
M€ en autorisations d’engagement et
1 450,2
M€ en crédits de paiement.
Les principaux enjeux de l’exercice port
aient sur le démarrage effectif du contrat de
concession «
Ambition logement
» (2,8 Md
€
échelonnés sur 35 ans)
84
,
l’engagement du
programme «
Hébergement
» (174 M€ de nouvelles opérations
prévues), la poursuite de la
transformation numérique du ministère, et la poursuite du «
Plan famille
» (dont
l’engagement
d’un marché pluriannuel
de cinq ans lié à la fourniture du wi-fi gratuit sur les emprises militaires
en métropole
pour 54,4
M€)
.
Enfin, le programme porte la participation des armées à la lutte
contre le changement climatique, au
développement de l’apprentissage avec une cible de
recrutement de 2 094 apprentis (17
M€)
85
et à la politique culturelle
(68 M€) au travers
notamment de ses opérateurs muséaux
86
.
Tableau n° 14 :
écoulement pluriannuel du programme
Ambition logement
(CP, en M€)
2022
2023
2024
2025
2026
2027
2028
2029
2030
Versements effectués
40,7
70,2
Versements prévus
190
216
216
186
174
174
174
Source : ministère des armées
Au titre du programme
Ambition logement
notifié en 2022, le ministère des armées a
engagé le transfert de la gestion locative de son
parc domanial en métropole de l’ancien
exploitant (CDC Habitat) vers un nouveau concessionnaire (NOVE), avec effet au premier
janvier 2023.
L’année 2023 marque le début des travaux de constructions neuves sur divers
sites comme Lyon ou Versailles : la livraison de ces premiers logements est prévue pour le
courant 2025.
Les
crédits numériques s’inscrivent
, de leur côté, à la baisse (-6 %) comparativement à
2022 :
plusieurs projets de système d’information, d’administration et de gestion
importants
comme Source Solde incrément 1 sont désormais en phase de maintenance.
84
Concession pour la rénovation, l’entretien courant et la gestion locative du parc métropolitain de logements
domaniaux ainsi que la con
struction de près de 2 800 logements neufs d’ici 2030
et 15 000 logements à la fin de
la concession.
85
Hors SIAé.
86
Voir les chapitres I (environnement, dépenses au profit de la jeunesse) et III (opérateurs).
LES POLITIQUES PUBLIQUES
63
En fin
d’exercice,
86
% des autorisations d’engagement et
96 % des crédits de paiement
ouverts ont été consommés.
V -
La performance
Par rapport à l’exercice 2022, l
es indicateurs de performance de la mission
Défense
ont
fait l’objet
de peu
d’évolutions
87
.
Compte tenu d’une recommandation de l’Assemblée
nationale
88
, les cibles triennales des indicateurs de performance sont présentées sur une base
glissante.
Le ministère des armées n’a pas communiqué à la Cour les résultats des indicateurs de
performance de l’exercice 2023, encore en cours de consolidation à la date d’élaboration du
présent rapport.
Il est toutefois possible de formuler quelques appréciations sur la tendance
longue marquant la réalisation de la programmation militaire pour la période 2019-2023.
Parmi les indicateurs de performance du programme 178 :
-
l
’activité opérationnelle (entraînement et missions opérationnelles)
des armées, par
équipage ou par unité, retrace
l’aptitude effective des forces à s’entraîner et à être mobilisée
pour des missions opérationnelles, par comparaison avec des normes fixées dans le rapport
annexé à la LPM ;
-
la «
disponibilité technico-opérationnelle
» des équipements majeurs combine leur
«
disponibilité technique
», c’est
-à-dire la proportion des parcs et flottes aptes à un emploi
opérationnel
qui indique l’efficacité des processus de maintenance
,
et l’adéquation de la
taille des parcs et flottes en possession des armées avec la quantité objective de matériel
89
requise pour remplir les contrats opérationnels qui leur sont fixés.
87
Un indicateur du programme 178 relatif à «
l’
efficience bureaucratique
» et un indicateur du programme 212
relatif à «
l’efficience des ressources humaines
», transversaux, ont été supprimés. L’indicateur du programme 212
relatif à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi prévue par la loi
n° 87-517 du 10 juillet 1987 a également
été supprimé
; il est désormais suivi dans le rapport annuel sur l’état de la fonction publique.
88
Assemblée nationale, rapport d’information de la commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire relatif à
la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances
, n° 2210, septembre
2019.
89
Entendu au sens large, c’est
-à-dire avec son équipage entraîné et ses principaux accessoires (soutiens,
équipements de missions, munitions, etc.).
COUR DES COMPTES
64
La tenue des contrats opérationnels fixés par la LPM compte tenu de l’accélération des menaces
Au-delà des indicateurs budgétaires, le ministère des armées a fait état de nombreuses fois depuis la
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
de 2017 d’une accélération des menaces
dont
l’invasion de l’Ukraine
en février 2022 a constitué une matérialisation frappante. Cette évolution du
contexte induit la nécessité pour les armées de se préparer à un engagement de haute intensité, déclenché
sous court préavis. Les travaux menés par la Cour
90
avaient, de leur côté, relevé que les efforts consentis
depuis 2019 pour la «
régénération
» des capacités des armées n’avaient pas encore pleinement porté
leurs fruits, et que la tenue dans la durée d’un tel engagement serait sans doute difficile.
En 2023, l’exercice ORION a marqué de façon visible, par son ampleur inédite
91
, la préparation des
armées à ces enjeux en les entraînant à divers aspects d’un engagement majeur
:
-
une première phase a visé la planification opérationnelle, dans un contexte interalliés ;
-
une phase d’entrée en premier à caractère «
multi-milieux, multi-champs » qui a notamment inclus
l’intervention de l’échelon national d’urgence
;
-
une phase plus interministérielle (soutiens et acheminements, mobilisation de la réserve, adaptation
des normes) sous forme de
wargame
;
-
un affrontement aéroterrestre de haute intensité incluant trois brigades (dont une brigade
britannique), des raids aériens et des frappes dans la profondeur depuis des bâtiments de la marine
nationale.
L’état
-
major des armées en retire notamment un retour d’expérience très positif en matière de
planif
ication, de coordination des effets dans tous les milieux et champs, et pour les capacités d’entrée
en premier des armées face à un adversaire dit symétrique. Il a également nourri les travaux préparatoires
à la LPM 2024-2030, en particulier en ce qui conc
erne la cohérence du modèle d’armées et le
renforcement de ses soutiens. Un tel exercice est désormais envisagé sur un rythme trisannuel, avec la
participation de partenaires internationaux.
La «
régénération
» du potentiel opérationnel des armées était un axe fort de la loi de
programmation militaire 2019-
2025, qui a consacré d’importantes hausses de crédits à cet effet
et en particulier au sujet de la maintenance aéronautique de défense. Ainsi, la loi de finances
initiale pour 2023 prévoyait, au titre de
l’OS
Entretien programmé du matériel
du programme
178 (donc hors dépenses de personnel relatives aux services de soutien) :
-
1,23 Md€ de crédits de paiement pour l’action
Préparation des forces terrestres
, y compris
les équipements relevant de l’aviation légère de l’armée de terre
, contre 1,02
Md€ en 2019
(+20,6 %) ;
-
1,76 Md€ pour l’action
Préparation des forces navales
, y compris l’aéronautique navale
,
contre 1,47 Md€ en 2019 (+19,7
%) ;
-
1,93 Md€ pour l’action
Préparation des forces aériennes
92
, contre
1,62 Md€ en 2019
(+19,1 %).
90
Cour des comptes,
La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées
, rapport
public thématique, mai 2022.
91
Une division (dont deux brigades simulées, 2 300 véhicules et 40 hélicoptères de combat), 30 bâtiments de la
marine nationale dont le porte-avions
Charles de Gaulle
et deux porte-hélicoptères amphibie, 130 aéronefs de
l’armée de l’air et de l’espace et de l’aéronautique navale, ainsi que les soutiens interarmées associés.
92
Hors activité liée à la dissuasion, dont l’entretien programmé du matériel représente 0,14 Md€ supplémentaires.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
65
La disponibilité des principales capacités militaires a quant à elle connu une évolution
très inégale
, comme l’indique le tableau ci
-après extrait des indicateurs de performance du
programme 178. Pour certaines capacités
, l’indi
cateur de disponibilité technico-opérationnelle
est également influencé par des renouvellements de flottes (par exemple pour les avions de
transport), ou par des
cessions à l’export
prélevées sur les parcs des armées (par exemple les 24
avions
Rafale
fournis à la Grèce et à la Croatie, ou les 30 canons
CAESAR
cédés à l’Ukraine
).
À compter du projet de loi de finances pour 2024, les indicateurs d’activité opérationnelle
et de disponibilité technico-opérationnelle ont été retirés des documents de performance
budgétaire, pour les mêmes raisons de confidentialité qui avaient été invoquées, en 2017, pour
les indicateurs de disponibilité technique. L
eur retrait réduit significativement l’intérêt de la
partie « performance » de ces publications budgétaires pour le Parlement. En effet, les
indicateurs qui subsistent concernent le «
niveau de réalisation des contrats
» opérationnels
prévus par le rapport annexé à la LPM ; leur construction est complexe et leur analyse délicate,
comme la Cour a pu le constater à l’occasion de travaux thématiques relatifs aux contrats
opérationnels des armées
93
.
93
Ces indicateurs de réalisation des contrats opérationnels ont disparu du PAP 2024, où ils ont été remplacés pour
l’essentiel par un suivi du volume de personnel militaire déployé et du ta
ux de réalisation des exercices prévus
annuellement (sans indication du nombre de ces exercices). Cette évolution achève de vider de sa substance le
débat public sur la performance budgétaire du programme.
COUR DES COMPTES
66
Tableau n° 15 :
i
ndicateurs d’activité opérationnelle et de disponibilité des principaux
équipements des armées (programme 178)
Indicateur
Norme
LPM 2019-2025
2019
(r.)
2020
(r.)
2021
(r.)
2022
(r.)
2023
(p.)
Activité
opérationnelle
Journées de préparation
opérationnelle (terre)
90 jours
82
79
83
78
83
Pilote d’hélicoptère hors
forces spéciales (terre)
200 heures de vol
173
163
178
184
144
Pilote de chasse (air)
180 heures de vol
159
152
161
169
147
Pilote de transport (air)
320 heures de vol
185
176
192
207
189
Bâtiment de surface
hauturiers (marine)
110 jours de mer
109
102
110
110
95
Disponibilité
technico-
opérationnelle
Char Leclerc (terre)
-
80 % 87 % 87 %
75 %
87 %
Véhicules blindés de
combat d’infanterie
(terre)
-
67 % 58 % 61 % 104 %
65 %
Pièces de 155 mm (terre)
-
80 % 88 % 76 %
55 %
58 %
Hélicoptères de manœuvre
(terre)
-
39 % 45 % 43 %
45 %
54 %
Frégates (marine)
-
70 % 66 % 58 %
57 %
59 %
Hélicoptères (marine)
-
51 % 49 % 46 %
46 %
56 %
Avions de transport
tactique (air)
-
57 % 65 % 60 %
54 %
73 %
Avions de combat (air)
-
85 % 82 % 81 %
62 %
69 %
Source : annexes aux PLF, traitement Cour des comptes
P. : prévision (PAP annuels). R. : réalisation (RAP).
LES POLITIQUES PUBLIQUES
67
En ce qui concerne le programme 146, les commandes et livraisons des principaux
équipements destinés aux armées font l’objet d’un suivi bisannuel prévu par la loi de
programmation militaire
94
; le bilan transmis au Parlement en septembre 2023 couvre ainsi les
commandes passées et les livraisons reçues
sur l’ensemble de l’année
. Ces documents, comme
les indicateurs relatifs à l’activité des armées, ne sont pas publics.
Les documents de
performance budgétaire du programme incluent également des indicateurs mesurant le «
taux
de réalisation des équipements
» par système de forces. Cette nomenclature reprend la
répartition budgétaire du programme par actions, hormis le système de forces «
dissuasion
»
qui ne fait pas l’objet d’un indicateur publié. La quantité mesurée vise l’ensemble des jalons
fixés aux programmes d’armement
: elle ne constitue donc pas une agrégation de ces
commandes et livraisons.
À la date de rédaction du présent rapport, le ministère des armées travaillait par ailleurs à
la réalisation d’un bilan global de l’équipement des forces sur la période 2019
-2023, en
application des dispositions de la LPM 2024-2030
95
; le résultat de ce travail n’était toutefois
pas encore disponible.
Tableau n° 16 :
indicateurs de réalisation des équipements par système de force
(programme 146)
Taux de réalisation
2019
(r.)
2020
(r.)
2021
(r.)
2022
(r.)
2023
(p.)
2023
(r.)
Système
de forces
Commandement et maîtrise
de l’information
43,2 % 47,7 % 63,4 % 97,6 %
80 %
46,7 %
Projection-mobilité-soutien
84,9 % 80,5 % 70,5 % 42,2 %
80 %
59,0 %
Engagement et combat
72,2 % 62,4 % 72,8 % 60,9 %
85 %
87,8 %
Protection et sauvegarde
70,1 % 93,7 %
100 %
99,3 %
85 %
64,2 %
Source : annexes aux PLF, traitement Cour des comptes
P. : prévision (PAP annuels). R. : réalisation (RAP).
94
Article 10 de la LPM 2019-2025 alors en vigueur. Ce compte rendu concerne les commandes et livraisons
relevant :
-
des programmes à effet majeur dont le coût est supérieur à 70 M€ (soit 39 lignes de livraisons et 53 lignes de
commandes) ;
-
des autres opérations d’armement dont le coût est supérieur à 20 M€
(12 lignes de livraisons et 14 lignes de
commandes) ;
-
des programmes d’infrastructures dont le coût est supérieur à 15 M€ (trois lignes de livraisons et 21 lignes de
commandes pour le programme 146 ; quatre lignes de livraisons et 18 de commandes pour le programme 178 ;
29 lignes de livraisons et 28 lignes de commandes pour le programme 212).
95
Premier alinéa de l’article 9
: «
Avant le 1er janvier 2024, le Gouvernement remet aux commissions permanentes
compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan de l'exécution de la loi de programmation militaire
pour la période 2019-2023.
»
COUR DES COMPTES
68
VI -
La revue de dépenses et les économies structurelles
Les dépenses de la mission
Défense
sont couvertes intégralement par une programmation
pluriannuelle,
qu’elles respectent en ce qui concerne l
a trajectoire des crédits budgétaires. Elles
n’ont pas fait l’objet d’une revue au cours de l’année 2023.
VII -
Les crédits consacrés aux jeunes de 15 à 25 ans
La mission
Défense
contribue, à des degrés divers, aux actions du ministère des armées
en faveur de la jeunesse. Ces actions, réunies au sein du plan
ambition armées-jeunesse
, sont
portées pour l’essentiel par sa direction du service national et de la jeunesse
; le pilotage de la
majorité de ces actions relève du programme 169
Reconnaissance et réparation en faveur du
monde combattant, mémoire et liens avec la Nation
de la mission
Anciens combattants,
mémoire et liens avec la Nation
.
La mission
Défense
supporte intégralement les dépenses des six lycées de la défense, qui
relèvent du ministère des armées (Prytanée national militaire de La Flèche, lycée militaire
Charles-de-Gaulles de Saint-Cyr-
l’
École, lycée militaire d
’Aix
-en-Provence, lycée militaire
d’Autun,
lycée naval de Brest, é
cole des pupilles de l’air de Grenoble)
. Ces lycées, ouverts à la
société civile, accueillent près de 4 500 élèves de la classe de sixième aux classes préparatoires
aux grandes écoles et aux brevets de technicien supérieur. Les dépenses relèvent des
programmes 212 (dépenses d’hébergement, restauration et de maintenance lourde
; bourses) et
178 (dépenses d’enseignement)
; l
e ministère n’est pas en mesure d’isoler c
es dépenses.
De
même,
certaines écoles d’enseignement supérieur sont des établissements publics rattachés au
ministère des armées (voir le chapitre III) ; elles incluent
notamment l’École polytechnique,
l’École de l’air et de l’espace et l’École navale. L’académie militaire de Saint
-Cyr-Coëtquidan,
quant à elle, regroupe trois écoles d’élèves
-
officiers de l’armée de terre, sur le modèle d’une
unité de l’armée de terre. Son
coût complet en 2022 était estimé à 121,2
M€ par la Cour
96
.
De même, la mission
Défense
finance les efforts du ministère des armées en faveur de
l’apprentissage
, le ministère a ayant
pris des engagements de croissance du nombre d’apprentis
de l’ordre de 15
% par an jusqu’en 2027.
L
’objectif
poursuivi au titre de
l’exercice
2023 était
de 2 783 apprentis civils
97
(contre 2 215 apprentis effectivement présents en 2022, soit une
augmentation de 25 %). À fin décembre 2023, 2 599 apprentis étaient présents dans les effectifs
ministériels, dont 156 au SIAé, 115 au service de santé des armées et 113 dans les
établissements publics relevant du ministère. Cette population a représenté 27,8
M€ de
dépenses de titre 2 (contre une prévision, en début de gestion, de 28,3
M€
), et 26,2
M€
d’autorisations d’engagement
et 12,2
M€ de
crédits de paiement hors titre 2 (
contre 31 M€
d’AE et 17,1
M€ de CP
en loi de finances initiale). Le ministère des armées indique que l
’écart
en crédits de paiement
s’explique par le délai de traitement des dossiers.
96
Cour des comptes,
L’académie militaire de Saint
-Cyr Coëtquidan
, février 2023.
D’autres écoles techniques du
ministère ont la même organisation.
97
Si les apprentis du ministère de la défense étaient jusqu’en 2023 uniquement civils, la LPM 2024
-2030 crée à
son article 34 un statut d’apprenti militaire, qui vise en particulier les élèves des établissements militaires
d’enseignement préparatoire et tec
hnique.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
69
Les armées, directions et services participent également à la journée «
défense et
citoyenneté
», à la journée «
défense et mémoire nationales
» dans le cadre du service national
universel, et au service militaire volontaire. La mission
Défense
en porte une part des coûts,
notamment les dépenses de personnel (programme 212) et, dans une moindre mesure, certaines
dépenses du programme 178 :
-
la journée «
défense et citoyenneté
» (JDC)
a permis d’accueillir
, en 2023, 806 962 jeunes
(contre 762 785 en 2022, soit une augmentation de 5,8 %). Les dépenses relevant la mission
Défense
sont essentiellement la masse salariale des agents relevant de la direction du
service national et de la jeunesse, la masse salariale et les primes estimées des animateurs
(programme 212), et dans une moindre mesure des frais de soutien et d
’
infrastructures
(programme 178). L
’évolution en cours de son modèle de comptabilité analytique n’a pas
permis au ministère des armées de communiquer le coût complet de la JDC au titre de 2023.
En 2022, suivant ce nouveau modèle, 76,6
M€ de crédits de paiements de
la mission
Défense
ont été consacrés à la JDC (représentant 85% du coût total du dispositif, le reste
étant porté par le programme 169) ;
-
334 journées «
défense et mémoire nationales
» (JDM) ont été organisées en 2023 dans le
cadre du service national universel
98
; elles ont permis d’accueillir
39 829 volontaires. Le
ministère indique que ce dispositif devrait connaître une montée en puissance significative
en 2024 (82 000 jeunes devraient être accueillis lors des séjours de cohésion du SNU). Les
dépenses relevant de la mission
Défense
concernent essentiellement la masse salariale
correspondant à l’organisation (agents relevant de la directio
n du service national et de la
jeunesse) et à l’animation de ces journées
; les dépenses de soutien courant et
d’infrastructures sont imputées sur le
s programmes 178 et 212. Le ministère des armées a
indiqué que l’ensemble de ces coûts était actuellement d
éterminé dans le nouveau modèle
de comptabilité analytique mis en place en 2023, et n'était pas encore connu à la date de
rédaction du présent rapport ;
-
le service militaire volontaire (SMV) a permis le recrutement de 1 100 stagiaires et 201
volontaires experts
en 2023, et le taux d’insertion professionnelle s’est élevé à 83
%.
Les
crédits budgétaires de la mission
Défense
permettent de financer les rémunérations et
charges sociales des cadres, volontaires stagiaires et des volontaires experts (programme
212
) pour une dépense prévisionnelle estimée à 20,3 M€ hors CAS
Pensions
pour l’année
2023, dont 5 M€ de rémunération des volontaires, ainsi que le soutien courant assuré par
les
groupements
de
soutien
de
bases
de
défense,
l’alimentatio
n
et
l’habillement
(programme 178), que
le ministère des armées n’était pas en mesure
d’estimer.
La formation professionnelle, la formation interne et les dépenses de
communication relèvent quant à elles du programme 169 ; des crédits issus des régions
(fonds de concours) et du fonds social européen complètent ces dépenses.
Enfin, les unités des armées apportent leur concours plus ponctuel à de nombreux
dispositifs : le partenariat avec des classes dites «
de défense et de sécurité globale
» (767
classes
en 2023, soit de l’ordre de 19
500 élèves concernés), des offres de stage (5 560 stages
en 2023)
, l’organisation de journées sport
-armées jeunesse
(de l’ordre de 16
500 jeunes
concernés
pour l’année scolaire 2021
-2022)
et de préparations militaires d’init
iation et de
98
La journée «
défense et mémoire nationale
» constitue l’une des 12 journées du séjour de cohésion du SNU.
COUR DES COMPTES
70
perfectionnement
(séjours d’immersion de cinq à 12 jours en unité militaire, qui ont permis
l’accueil en 2023 de 11
900 jeunes), et diverses autres initiatives dont la coordination et, le cas
échéant, la subvention relèvent du programme 169. Les armées contribuent enfin, en y affectant
du personnel, au service militaire adapté dans les outre-mer
99
.
Ces dispositifs sont autant d’occasions pour un premier contact entre la jeunesse et les
armées, dans un contexte général où ces dernières font état
d’un enjeu croissant de visibilité
afin de répondre à leurs ambitions fortes de recrutement.
99
Ce dispositif, très similaire dans ses objectifs à celui du service militaire volontaire, est intégralement financé
par le programme 138
Emploi outre-mer
du ministère de l’intérieur
; il dispose également d’un droit de tirage sur
les moyens logistiques des armées. En 2023, un plafond d’emplois de 6
049 ETPT lui était dédié, dont
4 733 volontaires.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
71
___________________________ RECOMMANDATIONS ___________________________
La Cour formule les recommandations suivantes :
2.
expliciter, dans les rapports annuels de performance, les coûts réels des opérations extérieures
et des missions intérieures et leur mode de calcul, en complément des informations fournies au
titre des actions 06 et 07 du programme 178 (ministère des armées).
3.
compléter, pour chaque LFI, la provision OPEX-MISSINT par des ressources relatives aux
missions opérationnelles servant un objectif stratégique, en particulier la contribution
française à la présence renforcée de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe (ministère des
armées).
4.
améliorer la lisibilité budgétaire des enjeux RH du ministère des armées. À cet effet :
-
présenter le schéma d’emplois et le plafond d’emplois pour un périmètre
unifié, couvrant
l’intégralité de la mission
;
-
présenter la trajectoire globale prévisionnelle des effectifs, en complément du schéma
d’emplois
;
-
distinguer au s
ein du schéma d’emplois
,
d’une part,
les créations de postes qui résultent
des efforts capacitaires portés par la LPM, et
d’autre part,
l’effet des renouvellements nets
(recrutements, fidélisation) associés aux postes existants.
(ministère des armées
–
recommandation reformulée)
Chapitre III
Les moyens consacrés par
l’
État à la politique
de défense
I -
Les dépenses fiscales
Les dépenses fiscales rattachées à la mission
Défense
représentent 105
M€ sur l’année 2023.
Ce montant est à mettre en perspective avec les 45 940,4
M€ de crédits budgétaires exécutés cette
année sur l’ensemble de la mission. Si quatre dispositifs ont engendré des dépenses fiscales, deux
d’entre eux représentent
96 % du montant de 2023 ; ils sont tous deux rattachés au programme 178.
Tableau n° 17 :
coût budgétaire des dépenses fiscales rattachées
à la mission
Défense
(en
M€)
Dépense fiscale
Objectif
2019
2020
2021
2022
2023
(p.)
2023
(r.)
[DF 120127] Exonération des
indemnités versées aux réservistes
en période d’instruction, aux
personnes accomplissant un
service civique ou une autre forme
de volontariat
« Augmenter le nombre
de réservistes, de
personnes accomplissant
un service civique ou une
autre forme de
volontariat »
86
88
72
80
75
93
[DF 120144] Exonération des
indemnités versées aux militaires
au titre de leur participation aux
opérations visant à la défense de
la souveraineté de la France et à
la préservation de l’intégrité de
son territoire
« Aider les militaires »
28
29
9
8
8
8
Autres dépenses fiscales rattachées à la mission : 120140,
120141, 230605, 090201
8
7
5
5
5
4
Total
122
124
86
93
88
105
Source : annexes aux PLF, traitement Cour des comptes
P. : prévision (PAP). A. : actualisation de la prévision (évaluation des voies et moyens tome 2 pour 2024), R. : réalisation
(ministère des armées).
COUR DES COMPTES
74
La dépense fiscale n° 120127 pose une double difficulté de principe :
-
bien que rattachée à la mission
Défense
, elle ne concerne que peu le ministère des armées.
En effet, en 2020, il était estimé que les réservistes du ministère ne représentaient que
15
M€ de
dépenses (17 %), contre 24
M€ (27
%) pour les réservistes de la police et de la
gendarmerie (ministère de l’intérieur) et 49
M€ (56
%) pour des bénéficiaires relevant du
service civique, du volontariat international en entreprise, du volontariat de solidarité
internationale et du volontariat pour l’insertion
;
-
sa croissance est inéluctable compte tenu
de l’augmentation programmée des réserves
militaire comme de sécurité intérieure, dans des proportions que le ministère des armées
n’a pas été en mesure d’indiquer lors de l’instruction
;
-
sa base légale est très fragile
: les différents alinéas du 17° de l’article 81 du code général
des impôts ne visent ni les réservistes militaires, ni les réservistes de la police et de la
gendarmerie
100
.
La dépense fiscale n° 120144
, quant à elle, s’est stabilisée à son niveau actuel depuis
2021, sans conséquence de la refonte des indemnités visées par la NPRM. Son principal effet
est de créer une « troisième catégorie
» d’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle, en
sus de la distinction définie par voie réglementaire entre les engagements sur, ou hors, le
territoire d’affectation des militaires
101
.
La dépense fiscale n° 090201, rattachée au programme 212, vise les micro-entreprises
implantées en zone de restructuration de la défense : elle ne donne plus lieu à dépenses depuis
2020, et son objet semble aujourd’hui redondant avec celui du fond Def’fi
(qui n’a pas non plus
donné lieu à des dépenses de la mission
Défense
depuis 2020). Cette dépense a été supprimée
par la loi de finances initiale pour 2024.
Depuis 2014, la Cour demande que ces dépenses fiscales fassent l’objet d’une évaluation
;
le ministère des armées y oppose un refus constant, qu’il motive par le fait qu’il ne disposerait
pas des informations pertinentes pour
ce faire. Il se maintient donc dans une situation où il n’est
pas en mesure de piloter ses deux principales dépenses fiscales, dont la première ne dispose pas
d’une base légale établie et ne le concerne que marginalement, et dont la seconde aurait pu être
remplacée par une disposition réglementaire l’intégrant dans ses dépenses budgétaires de titre
2.
C’est la raison pour laquelle
, si le ministère des armées persiste dans son refus de les
évaluer, la Cour recommande désormais la suppression de ces dépenses fiscales et leur
réintégration dans le périmètre des crédits budgétaires de la mission
Défense
.
100
Communication du Procureur général près la Cour des comptes, n° 2022-18-2 du 29 septembre 2022.
101
Arrêté du 17 décembre 2021 pris pour l'application du décret n° 2021-1701 du 17 décembre 2021 relatif à
l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle, NOR : ARMH2134690A, qui au demeurant distingu
e d’ores et
déjà les cas où les militaires sont déployés sans contrôle opérationnel (préparation opérationnelle), ou sous
l’autorité d’un contrôleur opérationnel (mission intérieure).
LES MOYENS CONSACRÉS
PAR L’ÉTAT À LA POL
ITIQUE
DE DÉFENSE
75
II -
Les opérateurs et les fonds sans personnalité juridique
A -
Les opérateurs
La notion d’opérateur structure le cadre de gouvernance budgétaire des e
ntités
majoritairement financées par des subventions de l’
État : subvention pour charges de service
public (SCSP) destinée à couvrir les dépenses d’exploitation courante (personnel rémunéré par
l’opérateur et fonctionnement) et
, désormais, subvention pour
charges d’investissement (SCI)
destinée au financement des investissements en remplacement des dotations en fonds
propres
102
.
Le périmètre de la mission
Défense
recouvre 13 opérateurs, dont cinq établissements
publics administratifs au sein du programme 212
103
, sept établissements publics à caractère
scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) regroupés au sein des programmes 144 et 178
104
et un établissement public industriel et commercial au sein du programme 144
105
.
Outre les opérateurs rattachés à la mission
Défense
, le ministère verse des subventions
pour charge de service public à des opérateurs ne relevant pas de sa tutelle au travers du
programme 212 : 5,
7 M€ au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
(CEA) et 4,
3 M€ à l’Institut d
e radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
106
.
En loi de finances initiale 2023, les opérateurs du ministère bénéficient ainsi de SCSP et
de SCI nettes de réserve de précaution
107
à hauteur de 515,3 M€
, soit une augmentation à champ
constant de 12,4 % par rapport à 2022. Sur le seul périmètre des investissements,
l’augmentation s’élève à +26,6 M€ soit
46,9
% de l’augmentation totale observée
(concentrée
sur les opérateurs muséaux).
102
Les dotations en fonds propres sont dorénavant réservées au financemen
t des dépenses d’investissement des
organismes publics non opérateurs de l’
État
–
loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la
modernisation de la gestion des finances publiques.
103
Musée de l’armée, musée de la marine, musée de l’air et de l’espace ainsi que l’é
tablissement de communication
et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) et le Service hydrographique et océanographique de la
marine (SHOM).
104
École polytechnique, École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris, ENSTA Bretagne,
Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE), Institut polytechnique de Paris (programme 144), École
navale et É
cole de l’
a
ir et de l’
espace (programme 178).
105
Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA).
106
Ces subventions visent des prestations d’expertise technique au profit du ministère
; elles sont distinctes des
crédits versés au CEA dans le cadre des travaux relatifs à la dissuasion et à la propulsion nucléaire de certains
bâtiments de la marine nationale (programme 146).
107
S
auf pour l’ECPAD
,
qui ne disposait pas du montant définitif de la réserve lors de l’établissement de son
budget
pour 2023.
COUR DES COMPTES
76
Tableau n° 18 :
évolution des financements des opérateurs du ministère (
en M€
)
LFI 2022
LFI 2023
Écarts LFI 2022 /
LFI 2023
(format LFI 2023)
Subvention pour charge de service public
426,3
455,1
+28,8
Dotation sur fonds propres
32,3
-
+26,6
Subvention pour charge d’investissement
58,9
Total
458,6
515,3
+56,7
Source : Cour des
Comptes d’après les données du ministère des Armées
Le programme 144
bénéficie de 62 % de l’ensemble des crédits de paiement
dédiés aux
opérateurs, et représente 63
% de l’exécution prévue sur l’exercice.
Certains opérateurs de ce
programme
–
ENSTA Bretagne, ENSTA Paris, ISAE, ONERA et École polytechnique
–
bénéficient également de contrats de projets État-Région (CPER) 2021-2027 pour un montant
total contractualisé de 21 M€, dont 5,3 M€ d’engagements et 3,9 M€ de crédits de paiement sur
2023.
Les établissements prévoient dans leur propre budget des ressources propres, soit
globalisées (vente de produits, droits d’entrée, mécénat, taxe d’apprentissage
, etc.) soit fléchées,
ce qui implique une utilisation prédéterminée et un suivi particularisé du financement vis-à-vis
du bailleur de fonds (État, mécènes, Union Européenne, etc.). Ces contributions proviennent de
financements privés ou publics et représentent une part non négligeable des recettes prévues en
2023.
Les ressources propres des opérateurs de type EPSCP proviennent principalement des
frais d’inscription, conventions de recherche et formations spécialisée
s : ainsi,
l’École
polytechnique comprend dans son budget 35 % de ressources propres dont 66 % de
financements
d’origine privée
108
. Les opérateurs du programme 212, plus particulièrement les
musées, bénéficient de billetteries qui constituent des
ressources propres d’origine
exclusivement privée
109
. Au final, la part des ressources propres représentent 21% de la totalité
des ressources des opérateurs en 2023.
L’évaluation de ces ressources propres,
prise en compte
dans la construction de la trajectoire financière pluriannuelle
des contrats d’objectifs et de
performance (COP) des opérateurs, détermine ainsi les budgets alloués à ces derniers en loi de
finances initiale.
108
Dont le poste « recherche et innovation » (38 %) et les frais de scolarité (19 %).
109
Le
musée de l’
armée prévoyait ainsi, en 2023, 35 % de ressources issues de la billetterie
soit 6,8 M€
.
LES MOYENS CONSACRÉS
PAR L’ÉTAT À LA POL
ITIQUE
DE DÉFENSE
77
Graphique n° 15 :
répartition des ressources propres des établissements par origine de
financement privé/public (en
M€
)
Source : Cour des Comptes d’après données du ministère des
armées
Les opérateurs ont néanmoins été confrontés à un impact de
l’inflation supérieur aux
prévisions
ainsi qu’
à des mesures non budgétées de revalorisation des personnels actées en
2023. Pour assumer ces surcoûts de fonctionnement et de masse salariale, les opérateurs du
programme 144 ont bénéficié d’une levée de la ré
serve de précaution complète. Les écoles sous
tutelle de la DGA ont bénéficié en outre
d’une ouverture de crédits supplémentaire au titre de
l’évolution du point d’indice, de la prime de pouvoir d’achat et du financement des bourses sur
critères sociaux de
s étudiants. L’ONERA a
perçu un abondement exceptionnel de 5,0
M€ pour
faire face à l’augmentation significative des coûts de l’énergie. Enfin, une avance de 2,1 M€
au
titre de la SCI 2024 a été versée dès 2023 à
l’École
polytechnique. Les opérateurs du
programme 212 (musées, ECPAD et SHOM) ont également bénéficié de la levée complète de
leur réserve de précaution, hormis le musée national de la marine et, sur le périmètre de la SCI,
l’ECPAD. Les opérateurs du programme 178 (
École de
l’air
et de
l’espace
et École navale)
n’ont pas bénéficié de levée de réserve de précaution, au vu du niveau de leur trésorerie.
L’exécution 2023
, tous programmes confondus, est ainsi évaluée à 522,
5 M€ pour une
programmation initiale nette de réserve de 515,
3 M€
110
.
110
Ce surcroît en exécution correspond à une hausse de 22,6
M€ par rapport aux contrats d’objectifs et de
performance (soit +5,1 %).
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
280
300
Musée de l'armée
Musée de la marine
Musée de l'air et de l'espace
ECPAD
SHOM
ONERA
École polytechnique
ISAE
ENSTA Paris
ENSTA Bretagne
Institut polytechnique de Paris
École navale
École de l'air et de l'espace
Subventions (SCSP et SCI)
Ressources privées
Ressources publiques
COUR DES COMPTES
78
Tableau n° 19 :
évolution des SCSP (
en M€
)
Opérateur
COP
LFI
Versées
Programme 144
ISAE
39,2
40,9
41,3
École polytechnique
96,8
101,1
103,4
ENSTA Paris
18,5
19,3
19,6
ENSTA Bretagne
16,0
16,7
17,0
Institut polytechnique Paris
3,1
3,5
3,6
ONERA
110,0
114,5
119,5
Programme 178
Ecole navale
34,4
34,9
34,1
Ecole de l’
a
ir et de l’
espace
28,8
28,5
28,2
Programme 212
ECPAD
19,5
20,3
20,3
Musée de l’armée
9,8
9,7
9,7
Musée de l’air et de l’espace
7,4
7,7
7,8
Musée de la marine
13,0
13,0
12,7
SHOM
43,3
45,2
45,2
Total
439,8
455,4
462,4
Source : ministère des armées
Par ailleurs, chaque opérateur est soumis à un
plafond d’emploi
s fixé en loi de finances
initiale (7 089 ETPT en 2023 soit +0,9 % par rapport à 2022),
et bénéficie d’
emplois hors
plafond (1 267 ETPT soit +6,7 %)
111
.
L’augmentation du plafond d’emploi vise principalement
le programme 144 (+35 ETPT) et
s’explique principalement par l’augmentation de la taille des
promotions des élèves polytechniciens (+11 ETPT) et la montée en puissance de l’ONERA
(+20 ETPT) sur des thématiques stratégiques, puis le programme 178 pour +25 ETPT, dont
+22
ETPT correspondent à des transferts à l’École de l’
air et de
l’
espace qui font suite à
l’accroissement du Centre d’
initiation et de formation des équipages de drones. Depuis 2022,
le programme 146 porte une partie des emplois sous plafond du CEA en complément des
emplois portés par le programme 172
Recherches scientifiques et technologiques
pluridisciplinaires
de la mission interministérielle
Recherche et enseignement supérieur
. Ce
111
Selon les critères énoncés par la circulaire 2MPPAP-10-3035 du 11 juin 2010 : les EPSCP comprennent
21,8 %
de leurs effectifs sur le périmètre « hors plafond », et jusqu’à 53% pour l’Inst
itut polytechnique de Paris.
LES MOYENS CONSACRÉS
PAR L’ÉTAT À LA POL
ITIQUE
DE DÉFENSE
79
plafond d’emploi s’élève à 4 868 ETPT, à la suite d’un transfert de 57 ETPT en provenance du
programme 212.
Pour la réalisation de leurs missions, certains établissements indiquent se heurter à des
difficultés
d’attractivité et de fidélisatio
n pour les agents contractuels de catégorie A, ce qui les
amène à proposer des niveaux de rémunérations en hausse.
Pour autant, l’exécution du plafond
d’emploi
s a été réalisée à 99 % sous plafond et 93,5% hors plafond. Ce phénomène, qui se
généralise, a conduit le contrôleur budgétaire et comptable ministériel à alerter la direction du
budget
d’un
risque inflationniste sur la masse salariale des établissements, et à proposer des
cadres de gestion contractuelle pour maintenir un équilibre entre les lignes directrices de gestion
du ministère et
l’
autonomie de gestion propre aux établissements.
Les enjeux de la politique muséale du ministère des armées
Le ministère des armées est le deuxième acteur culturel de l’
État. Les trois grands établissements publics
que sont le musée national de la marine, le musée de l’armée et le musée de l’air et de l’espace,
sont
financés par le programme 212. À ce propos, la Cour relevait en 2022
112
la dépendance des musées aux
dotations budgé
taires et au mécénat pour financer leurs investissements et recommandait d’arrêter une
programmation budgétaire pluriannuelle cohérente au regard des ambitions affichées.
Si les trois musées ont fait l’objet d’
une actualisation
ou d’un renouvellement
de leur COP en 2022,
approuvée par leurs conseils d’administration respectifs, aucun des trois
contrats
n’a été signé
depuis,
afin de pouvoir prendre en compte la LPM 2024-2030
113
.
Or ces musées ont fait l’objet, en 2023, de dépenses d’investissement substantiel
les : la loi de finances
pour 2023 leur dédiait en effet
30,4 M€ en
SCSP (soit 6,7 % de la totalité de la SCSP programmée) et
30,7 M€ de
SCI soit 52 % de la totalité de la SCI programmée. La SCI des opérateurs muséaux a été
exécutée à hauteur de 98,5%
114
.
D’impor
tants projets de rénovation du Palais de Chaillot ont ainsi été
réalisés pour le musée national de la marine (réouvert en novembre 2023) ; des travaux de construction
de nouveaux espaces d’exposition pour le
musée
de l’air et de l’espace ont
débuté en 2023. Pour le
musée
de l’armée, le chantier d’extension MINERVE a débuté, afin d’améliorer les dispositifs d’accueil
et de billetterie.
Dans le cadre de son contrôle
a posteriori
, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a par ailleurs
incité le musée de l’armée à
apurer le périmètre de ses emplois hors plafond, en en excluant les emplois
de vacataires. Ce périmètre est ainsi passé de 33 ETPT prévus en loi de finances à 8 ETPT réalisés.
B -
Les fonds sans personnalité juridique
Les fonds sans personnalité juridique rattachés à la mission
Défense
en 2023 entrent dans
deux catégories :
-
Les fonds de gestion de régimes de retraite et de prévoyance : fonds de prévoyance de
l’aéronautique
, fonds de prévoyance militaire ;
112
Cour des comptes,
La politique muséale du ministère des armées
, septembre 2022.
113
Ce point d’attention devra être suivi en 2024 afin d’évaluer l’impact budgétaire sur ces opérateurs de la LP
M.
114
À titre de comparaison, la dot
ation en fonds propres s’établissait
en 2022
à 21 M€,
et était exécutée à hauteur
de +13,3 %.
COUR DES COMPTES
80
-
Les fonds d’investissement
: Def’fi (anciennement Sofired PME Défense –
société de
financement et d’investissement pour la réforme et le développement), Definvest et FID
(fonds Innovation Défense, anciennement Definnov).
L’enjeu budgétaire associé à ces fonds apparaît relativement modeste au regard de celui
d’autres fonds de ce type et des crédits de la mission
Défense
, puisque les versements au
bénéfice des trois fonds d’investissements totalisent en 2023 un montant de 30
M€ (
soit 3,0 %
des crédits de paiement du programme 144
dédiés à l’innovation
115
), tandis que les deux fonds
de prévoyance ne perçoivent pas de crédits budgétaires.
Le fonds de prévoyance de l’aéronautique et le fonds de prévoyance militaire
relèvent de
l’
é
tablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique
, qui délègue
partiellement la gestion administrative, financière et comptable des deux fonds à la Caisse des
dépôts et consignation par une convention. Ces fonds sont alimentés par les cotisations des
personnels qui y sont affiliés ainsi que par les produits de placement financier, et ne perçoivent
aucun crédit budgétaire. Ils
ont pour finalité première d’apporter une aide financière sous la
forme d’allocation
s aux militaires blessés en OPEX dont la blessure est consolidée, aux
militaires mis à la retraite ou réformés du fait d’une infirmité imputable au service, et aux
familles des militaires en cas de décès en relation avec le service.
Les volumes d’activité de ces
fonds en 2023 en termes de versements ont été comparables à 2022. Le fonds de prévoyance de
l’aéronautique a versé en 2023 un total de
11,0
M€ au profit de
153 bénéficiaires (contre 8,9
M€
versés à 110 bénéficiaires en 2022), soit un montant moyen de 71 913
€ par
bénéficiaire (contre
80 436
€ en 2022
). Le fonds de prévoyance militaire a, quant à lui, versé en 2023 un total de
25,2
M€ au profit de
467 bénéficiaires (contre 25,4
M€
versés à 508 bénéficiaires en 2022), soit
un montant moyen de 53 973
€ par bénéficiair
e (contre 49 983
€ en 2022).
Les frais de gestion
appliqués à chacun de ces deux fonds sont de 2,8 %
116
, soit une diminution sensible par rapport
à l’année antérieure
(4,0 % en 2022
pour le fonds de prévoyance de l’aéronautique et 3,3
%
pour le fonds de prévoyance militaire).
Les trois autres FSPJ de la mission
Défense
sont consacrés au financement de
l’innovation.
Créé en 2018, le fonds Definvest est propriété
de l’État et
doté de 100
M€
117
gérés en
compte de tiers par Bpifrance. En 2023, 10
M€ issus du programme 144 ont été versés à ce
fonds, conformément à la programmation budgétaire. Ce montant est identique à celui versé
chaque année depuis 2018. Definvest vise à soutenir le développement des PME stratégiques
pour la défense, via des prises de participations minoritaires au capital. Il doit ainsi contribuer
à consolider les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) et à
sécuriser leur capital (notamment contre les tentatives de prédation étrangères). Ce fonds avait
investi dans 18 entreprises entre sa création en 2018 et 2022. En 2023, le fonds a réalisé sept
opérations d’investissement (contre
sept en 2022), dont quatre de réinvestissement et trois
d’entrée au capital de nouvelles entreprises. À l’occasion du contrôle de ce fonds
en 2023
118
, la
115
OS DIS et PPA.
116
Ces pourcentages ont été calculés en rapportant les montants des frais de gestion aux montants versés par les
fonds considérés.
117
La dotation du fonds à sa création était de 50
M€, montant porté à 100
M€ en 2022 en réponse à la crise sanitaire.
118
Cour des comptes,
Le fonds Definvest
, novembre 2023.
LES MOYENS CONSACRÉS
PAR L’ÉTAT À LA POL
ITIQUE
DE DÉFENSE
81
Cour a recommandé de réexaminer le niveau de la commission de gestion de Bpifrance à
l’occasion de la prolongation de la période d’investissement, le montant total de cette
commission (1,5 % soit, selon la durée de vie du fonds, entre 17,5 et 22,3
M€
en tout)
s’annonçant élev
é au regard de la taille du fonds et du rôle important que conserve la DGA.
Le fonds Innovation Défense, complémentaire du fonds Definvest et également opéré par
Bpifrance, est doté de 200
M€ et
permet la prise de participations dans des entreprises
innovantes en phase de croissance (start-ups, PME, ETI) et développant des technologies duales
et transverses intéressant le monde de la défense. En 2023, 20
M€ ont été versés à ce fond
s
(crédits issus du programme 144), contre 35
M€ prévus en
loi de finances initiale. Le fonds
Innovation Défense a investi en 2023 dans cinq entreprises (contre deux en 2022), dont un
réinvestissement et quatre entrées au capital. Comme pour Definvest, ces chiffres traduisent
une augmentation de l’activité du fonds, en lien avec la
sensibilité des enjeux de préservation
d’avance technologique et de souveraineté industrielle dans le domaine de la défense.
Enfin, le fonds Def’fi est destiné à financer le développement et la transmission de PME
en phase de croissance. Ce fonds géré par Bpifrance propose des prêts participatifs de 0,03
M€
à 1
M€ aux PME stratégiques, fournisseurs du ministère des armées ou situées dans les zones
d’emploi éligibles à ce dispositif et affectées par les restructurations du secteur de la défense.
Les versements sur ce fonds, qui relèvent du programme 212, ont été nuls en 2023, comme
depuis 2020
119
. La C
our avait soulevé dans ses notes sur l’exécution budgétaire de la mission
Défense
relatives aux années 2021 et 2022 la question du maintien de ce FSPJ compte tenu de
son inactivité. Contrairement aux deux autres fonds
dédiés au financement de l’innovation, le
fonds Def’fi n’est pas mentionné dans le
s documents budgétaires accompagnant le projet de loi
de finances pour
2023, et le ministère n’a pas été en mesure de communiquer d’éléments
chiffrés sur son activité en 2023. Malgré ce constat, le ministère des armées a précisé que
l’évolution récente du contexte économique (remontée des taux d’intérêts et fin des prêts
garantis par l’État
120
) a entraîné un regain d’intérêt pour cet instrument, et que plusieurs dossiers
sont actuellement en cours d’instruction. La question du maintien du fonds Def’fi devra donc
être reconsidérée fin 2024 au reg
ard de l’activité qui aura été observée dans ce nouveau
contexte.
Comme elle l’avait fait lors de l’analyse de l’exécution budgétaire pour l’exercice
2022,
la Cour invite à nouveau le ministère des armées à détailler dans le projet annuel de
performances du programme 144 les crédits dévolus aux trois
fonds Def’fi, Definvest et
Innovation Défense, et leur articulation avec ses autres actions en faveur du tissu industriel de
défense
121
.
Par ailleurs, le ministère des armées contribue au fonds RATOCEM, qui paie les rentes
pour accidents du travail et maladies professionnelles attribuées aux ouvriers civils des
établissements militaires. Les opérations du fonds sont retracées dans le programme 742
119
Après des versements de 3 M€ en 2018 et 1,5
M€ en 2019.
120
Le PGE (prêt garanti par l'État) « Résilience » ouvert aux entreprises ayant subi les conséquences économiques
du conflit en Ukraine a pris fin le 31 décembre 2023. Le PGE pour les entreprises affectées par l'épidémie de
Covid-19 a quant à lui pris fin le 30 juin 2022.
121
Cette deuxième partie correspond à la recommandation n° 3 du rapport précité relatif au fonds Definvest.
COUR DES COMPTES
82
Ouvriers des établissements industriels de l’État
du CAS
Pensions
. En 2023,
54,3 M€ de crédits
ont été consommés, dont 0,5 M€ de frais de gestion (soit 1,0
%).
III -
L’évolution de la
dépense totale sur moyenne période
Concernant l’évolution prévisible des dépenses de la mission
Défense
, la principale
difficulté relevée par
la Cour au titre de l’analyse de l’exécution budgétaire des exercices
précédents tenait au fait que l’objectif fixé par la LPM 2019
-
2025 n’était, en fin de période, pas
chiffré. À la place, la LPM prévoyait une ambition de financement correspondant à 2 % du PIB,
sur la base des références issues de l’OTAN.
Au cours des derniers exercices, ces prévisions
ont été affectées par les variations importantes du PIB consécutives à la pandémie de
COVID-19 puis à la guerre en Ukraine, comme du fait des multiples interprétations possibles
du périmètre de dépenses militaires à prendre en compte. La traduction concrète de cet objectif
pour 2025, soit 50 Md€, n’a
vait
été évoquée qu’à l’occasion d’auditions parlementaires.
Cette incertitude a été levée, en cours d’année 2023, par le vote d’une nouvelle loi de
programmation militaire couvrant la période 2024-2030
122
. Dans cette loi, la trajectoire de
crédits budgétaires est chiffrée
jusqu’en 2030
tandis que le 1° de
l’article 9 de la nouvelle LPM
maintient l’obligation pour le
Gouvernement de rendre compte du ratio de dépenses militaires
par rapport au PIB.
Tableau n° 20 :
effort national de défense rapporté au PIB (en Md
€)
2019
2020
2021
2022
2023
(p)
2024
(p)
2025
(p)
Ressources de la mission
Défense
35,9
37,5
39,3
41,8
43,9
47,2
50,5
Autres dépenses *
8,4
8,6
7,6
8,7
9,3
9,6
9,8
Total des dépenses
44,2
46,1
47,9
50,5
53,3
56,9
60,4
PIB
2 425,7
2 302,9
2 500,9
2 639,1
2 818,1
2 930,8
3 034,3
Part de l’effort national
de défense dans le PIB
1,82 %
2,00 %
1,92 %
1,92 %
1,89 %
1,94 %
1,99 %
Note : les autres dépenses prennent essentiellement en compte le CAS
Pensions
Source : ministère des armées
Il reste que, comme cela a été évoqué plus haut, la LPM 2024-2030 marque une régression
dans l’information budgétaire fournie
au Parlement puisque
n’y figurent plus les trajectoires
d’autorisations d’engagement, de restes à payer et de reports de charge, alors même que ces
indicateurs ont connu une forte dégradation en 2022 et en 2023 et que la LPM précédente en
avait fait un instrument de maîtrise de la soutenabilité dans la durée des dépenses militaires.
122
Avis n° HCFP-2023-2 du 27 mars 2023 relatif au projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030.
LES MOYEN
S CONSACRÉS PAR L’ÉT
AT À LA POLITIQUE
DE DÉFENSE
83
___________________________ RECOMMANDATION ___________________________
La Cour formule la recommandation suivante :
5.
À défaut de leur évaluation précise, supprimer les dépenses fiscales rattachées à la mission
Défense et les compenser par des dépenses réintégrées dans les crédits budgétaires
(ministère
de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
ministère
des armées).
COUR DES COMPTES
86
Annexe n° 1 :
liste des publications récentes de la Cour des comptes en
lien avec les politiques publiques concernées par la NEB
-
L’académie militaire de Saint
-Cyr Coëtquidan
. 20 février 2024
-
Le service du commissariat des armées
. 20 novembre 2023
-
Le fonds Definvest
. 03 novembre 2023
-
Les conditions d’hébergement dans
les bases de défense
. 23 octobre 2023
-
La participation de la France à l’OTAN : une contribution croissante
. 04 octobre 2023
-
Le service de santé des armées, une capacité à consolider
. 02 octobre 2023
-
Le centre national d’études spatiales (CNES) –
hors centre spatial de Toulouse
.
04 mai 2023 (référé du 13 février 2023)
-
Le centre spatial de Toulouse et la conduite des programmes orbitaux du CNES
(2015-2022)
. 04 mai 2023
-
Le centre d’essais des missiles (DGA EM)
. 14 avril 2023
-
Le soutien aux exportations de matériel militaire
, rapport public thématique.
27 janvier 2023
L’ensemble de ces publications est disponible sur
www.ccomptes.fr.
Le Haut Conseil des finances publiques a par ailleurs rendu un avis n° HCFP-2023-2 du
27 mars 2023 relatif au projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030, disponible
sur www.hcfp.fr.
Annexe n° 2 :
suivi des recommandations formulées
au titre de l’exécution budgétaire 202
2
N°
Recommandation
formulée au sein de la
note d’exécution
budgétaire 2022
Réponse du ministère des armées
Analyse de la Cour
Appréciation
par la Cour
du degré de
mise en
œuvre*
1
Ministère des armées,
ministère de l’économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle
et numérique
Inclure dans la LPM
2024-
2030 l’ensemble de
la provision OPEX-
MISSINT, y compris le
titre 2 « Missions
intérieures »
(recommandation
reformulée)
L’article 5 de la LPM 2024
-2030
intègre la provision au titre des
dépenses de titre 2 MISSINT dans
l’ensemble de la ressource dédiée aux
OPEX/MISSINT.
La rédaction de l
’article 5 de la
LPM
2024-2030 prévoit une trajectoire pour
«
la provision annuelle au titre des
opérations extérieures et des missions
intérieures
».
Il s’agit d’une évolution
par rapport à l’article 4 de la
LPM
2019-2025, qui en excluait «
les crédits
de masse salariale inscrits en loi de
finances au titre des missions
intérieures
».
Mise en
œuvre
2
Ministère des armées,
ministère de l’économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle
et numérique
Prévoir dans le rapport
annexé à la LPM 2024-
2030 une trajectoire
d’autorisations
d’engagement et de restes
à payer, notamment pour
le programme 146
–
Équipement des forces
La trajectoire d’évolution des restes à
payer est bien prise en compte dans la
chronique de ressources de la loi de
programmation militaire 2024-2030
afin de garantir la soutenabilité de la
mission
Défense
. Toutefois, il ne paraît
pas opportun au ministère de prévoir
un montant maximal légal de restes à
payer, au risque de contraindre la
structure contractuelle
d’investissements pluriannuels
importants.
Les restes à payer de la mission
Défense
poursuivent leur forte hausse,
du fait du lancement de nombreux
programmes. Il en va de même des
reports de charge, dont la maîtrise était
un des objectifs de la LPM 2019-2025.
Tous deux contribuent à rigidifier de
plus en plus fortement les dépenses du
ministère des armées. En outre, les
éléments recueillis au cours de
l’instruction montrent que la maîtrise
des reports de charge n’est pas
envisagée par le ministère des armées
avant la fin de la nouvelle période de
programmation.
Les recommandations sont donc
reconduites.
Non mise en
œuvre
3
Ministère des armées,
ministère de l’économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle
et numérique
Définir pour la LPM
2024-2030 une trajectoire
exigeante de baisse des
reports de charge (charges
à payer et dettes
fournisseurs)
La trajectoire de report de charges de la
mission
Défense
fait partie des
paramètres de construction de la LPM
2024-2030 ; elle est à la fois maîtrisée
et adaptée au contexte macro-
économique : de manière contra-
cyclique, elle permet de maintenir le
pouvoir d'achat du ministère dans un
contexte général d'inflation et tient
compte de l’impératif de sa
soutenabilité.
Non mise en
œuvre
4
Ministère des armées,
ministère de l’économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle
et numérique
S’assurer du réalisme du
schéma d’emplois de la
LPM 2024-2030 au regard
des capacités du ministère
des armées à recruter et
fidéliser et des effets sur
sa masse salariale.
(recommandation
reformulée)
Cette recommandation irrigue
pleinement les travaux de
programmation annuelle et
pluriannuelle du ministère.
En premier lieu, le ministère a adapté
son schéma d’emplois cible en
exécution 2023 afin de tenir compte,
sans délai, des constats tirés de la
gestion 2022. Le schéma d’emplois
cible du DPGECP 2023 a été revu à la
baisse par rapport au schéma d’emplois
cible de la LFI
–
notamment en
abaissant le nombre de recrutements
anticipés en LFI 2023 (29 659 ETP).
Par ailleurs, le risque de non-atteinte
du schéma d’emplois cible du
DPGECP a été intégré très tôt dans
La LPM 2019-2025 contenait des
augmentations d’effectifs
–
en réalité
des créations de postes traduisant un
effort capacitaire dans certains
domaines ciblés
–
importants à
compter de 2023 (+1 500 ETP chaque
année, contre +450 ETP en 2022).
La LPM 2024-2030 a réduit cette
ambition, tout en maintenant une
trajectoire en forte hausse année après
année (+700 ETP en 2024 et en 2025,
puis une croissance des augmentations
jusqu’à +
1 200 ETP en 2030), malgré
les importantes difficultés de
recrutement et de fidélisation des
armées qui se traduisent, à nouveau en
Non mise en
œuvre
COUR DES COMPTES
88
l’année 2023, avec un
schéma
d’emplois
cible revu à -2 058 ETP au
premier suivi de gestion. Ce suivi de
gestion 2023 étant la base du PLF
2024, cette décision importante a été
structurante pour éviter une sur-
programmation de la masse salariale en
2024.
En second lieu, le m
inistère s’est
montré prêt à adapter en
programmation la trajectoire prévue en
LPM 2024-2030, dès le PLF 2024. La
réalité de l’exécution du schéma
d’emploi
s 2023, dans la suite de celle
de 2022, a conduit le ministère à
réajuster le schéma cible du PLF 2024.
Ce dernier est fixé à +456 ETP (dont
+26 ETP au profit du SIAé et +30 ETP
pour la ré-internalisation de
compétences numériques), contre +700
ETP (hors SIAé) inscrits en trajectoire
LPM 2024-2030.
En troisième lieu, le ministère renforce
sa capacité de fidélisation et
d’attractivité, pour renforcer les
capacités de ses gestionnaires
–
et
notamment des armées
–
à réaliser
leurs flux d’entrées et sorties. Le
complet déploiement de la NPRM en
2024
–
et de la troisième marche qui
est la plus significative budgétairement
–
permettra de profiter des effets de
cette dernière sur l’attractivité et la
fidélisation.
Le dernier alinéa de l’article 7 de la
LPM 2024-2030 prévoit explicitement
la possibilité d’ajuster le schéma
d’emplois
en fonction du contexte
économique, pour permettre, lorsque
celui-ci joue défavorablement sur
l’attractivité du ministère, un
redéploiement de moyens en faveur de
mesures catégorielles. Le ministère a
mobilisé pour la première fois ces
dispositions lors du PLF 2024.
Enfin, en quatrième lieu, le ministère
œuvre à prendre pleinement en compte
le contexte national dans l’analyse de
ses capacités de recrutement et de
fidélisation. Dans un contexte de flux
très importants qui caractérisent les
armées, directions et services du
ministère
–
faisant d’un écart modeste
en proportions un risque
potentiellement significatif sur
l’atteinte du schéma d’emplois
cible
–
,
le m
inistère s’est attaché à développer
une meilleure compréhension du lien
entre contexte national et capacités de
recrutement des armées (notamment la
baisse du chômage, qui peut engendrer
une baisse de l’attractivité de
l’institution). En 2023, ce raisonnement
a concouru à la capacité des armées à
réagir à la dégradation du schéma
2023, par l’inca
pacité du ministère à
réaliser ses schémas d’emplo
is.
Il résulte toutefois
de l’instruction que
le ministère des armées, tout en
affichant cette trajectoire très
volontariste traduisant sa volonté de
renforcer certaines capacités ciblées
des armées, a tenu compte de ses
difficultés de recrutement et de
fidélisation en rebasant la trajectoire
sous-jacente en lois de finances
initiales pour 2023 et 2024 comme en
LPM 2024-2030
. Ce rebasage n’est pas
visible à la simple lecture de la LPM.
La faculté de prendre des mesures
d’attractivité supplémentaires en cas de
moindre réalisation du schéma
d’emploi
s, ouverte au ministère des
armées par
l’article 7 de la LPM 2024
-
2030, constitue un moyen de limiter
ces difficultés mais, à terme, elle
conditionne la réalisation de la
trajectoire globale d’effectifs prévue
par la LPM à l’ouverture de nouveaux
crédits de titre 2, par éviction des
autres dépenses prévues par la
programmation.
Le choix du ministère des armées de
prévoir, en loi de finances initiale pour
2024
, un schéma d’emplois inférieur à
la trajectoire prévue en LPM pour la
première année de son exécution
interroge sur la mise en œuvre, dès la
première année de programmation, de
cette forme de « fongibilité interne »
aux dépenses de titre 2.
*
Au titre de la contradiction, le
ministère des armées ajoute les
éléments suivants :
Outre les éléments déjà portés à
l’attention de la Cour, le réalisme des
schémas d’emplois de la LPM ne
saurait être apprécié uniquement a
priori, le contexte à horizon 2030 étant
par définition inconnu.
Les termes de la LPM sont conçus pour
permettre au ministère d’adapter
chaque schéma d’emplois annuel en
construction (volet emplois) et de tirer
rapidement les conséquences d’une
potentielle non-atteinte en N en
construction N+1 (volet crédits). Le
ministère considère ainsi faire preuve
de réactivité pour s’assurer du
réalisme des schémas d’emplois.
La Cour maintient toutefois son
analyse
: en effet, l’instruction a permis
d’établir que la mise en œuvre de
mesures d’attractivité,
en consommant
de manière pérenne des crédits alloués
ANNEXES
89
d’emplois observée en début d’année,
justifiant une révision sensible du
schéma d’emplois
cible lors du SG1.
Par ailleurs, les travaux d’actualisation
annuelle de la programmation militaire
(A2PM) permettront de mener les
réflexions sur le réalisme du schéma
d’emplois de la LPM
2024-2030, en
cohérence avec les capacités du
ministère des armées à recruter et à
fidéliser son personnel civil et
militaire, et de leurs évolutions sur la
période de la programmation.
initialement à la réalisation d’un
schéma d’emplois, obère la capacité du
ministère à rejoindre à terme la
trajectoire d’effectifs qu’il s’était fixée.
La recommandation est donc
reconduite et reformulée.
5
Ministère des armées,
ministère de l’économie,
des finances et de la
souveraineté industrielle
et numérique
Évaluer les dépenses
fiscales n° 120144
[…]
relatives à l’exonération
des indemnités versées,
d’une part, aux militaires
au titre de leur
participation aux
opérations visant à la
défense de la souveraineté
de la France et à la
préservation de l’intégrité
de son territoire,
La mise en œuvre de cett
e
recommandation relève pour l'essentiel
du ministère de l’
économie, des
finances et de la souveraineté
industrielle et numérique qui dispose,
plus que le ministère des armées, des
outils et informations nécessaires pour
évaluer les dépenses fiscales évoquées.
Le ministère des armées n’a, de
nouveau, pas conduit les travaux
d’évaluation de ses dépenses fiscales
recommandés par la Cour depuis 2014.
Les dépenses fiscales de la mission font
l’objet d’une nouvelle
recommandation.
Non mise en
œuvre
et, d’autre part,
[et n°
120127 relative] à celles
versées aux personnes
accomplissant un service
civique ou une autre
forme de volontariat,
et, si son maintien est
justifié, donner une base
légale à la dépense fiscale
n° 120127.
(recommandation
modifiée)
COUR DES COMPTES
90
Annexe n° 3 :
contenu physique associé au « 1,5 milliard LPM »
ouvert en loi de finances de fin de gestion
L’écart entre les paiements réalisés et le montant total des crédits ouverts
(1
100 M€ hors réduction du report de charges) résulte du gel puis de l’annulation
d’une partie
de ces crédits.
Tableau n° 21 :
programme 146
(M€)
Engagements
Paiements
Commande anticipée de 8 TTH
383
-
Accélération
commande
1300
MMP
321
5
Accélération
conversion
A330,
réception avion 12 et acquisition
d'un moteur de rechange
268
115
Accélération
commande
229
MISTRAL
94
-
Anticipation 2023 Incrément 1
EVOL SNA
59
5
Accélération commande 155 mm
(4 000 hors UKR)
31
26
VLTP NP SAN : achat anticipé
d'ambulances sur étagère
23
-
Anticipation livraison de 3 lots de
2 CAESAR MkI*
12
18
Anticipation
MIDS
MALE
Européen
9
9
Préparation anticipée radar RBE2
-
113
Préparation anticipée MdP 5T
2023
-
82
Anticipation SCORPION
-
75
SCAF / NGWS phase 1B
-
62
Anticipation SAMP-T
-
58
Commande anticipée radar ALAT
-
37
Mise en œuvre de la mesure IRIS
-
36
Commande RMV FDA avec l’
Italie
-
30
Anticipation BRF2 + rechanges
-
13
Accélération production 200 MMP
-
4
Démonstrateur de laser de lutte
anti-drones
-
-
TOTAL
1 200
603
Source : ministère des armées
ANNEXES
91
Tableau n° 22 :
programme 178
(M€)
Engagements
Paiements
Aménagement
paiement
lot
RAFALE RAF5 et RAF6
115,0
-
Anticipation DIS - MCO SNLE
50,0
50,0
Anticipation mise à niveau cyber
FREMM
45,0
45,0
Anticipation
commande
visites
NH90
30,0
30,0
Aménagement paiement MERMOZ
BTE
26,3
-
Acquisition
de
rechanges
pour
l’ensemble blindé
-artillerie (VAB,
VBL, PVP, SATCP)
22,4
7,3
Anticipation
de
commande
de
munitions aéronautiques (kits de
guidage AASM)
21,7
-
Anticipation d'actions de rétrofit
RFL
20,0
20,0
Anticipation achats de rechanges
18,0
18,0
PPLOG x56
17,5
15,8
Anticipation
de
commande
de
munitions
et
armes
LAS
-
renouvellement (20MM *139 OXT)
17,3
-
Aménagement des paiements du lot
CARACAL suite à redotation 1.5
16,3
-
Anticipation de commandes de
nouveaux cœurs PA / SNA
16,0
16,0
Anticipation
de
commande
de
munitions aéronautiques (corps de
bombe MK82 EGVR 250 kg)
11,2
-
Acquisition de roquettes AT4CS
11,1
-
Cart gr 40x46mm bv ap/av hepd14
x 80 784
10,6
10,6
Anticipation achats de rechanges
PAAMS
10,0
10,0
Acquisition
de
rechange
hors
forfait Leclerc
10,0
-
Commandes
et
livraisons
de
munitions : A2SM 250kg, corps de
bombes, petits calibres, obus et
moyens calibres
9,4
8,6
Acquisition de rechanges dans les
domaines mobilité et génie (PPT,
TRM, UMTE, GED NRJ)
8,0
1,6
MCO SIC RENS (SIO, brouilleurs,
r
adars, …)
7,7
1,0
Gr ma ø 44 mm fum t t80 ba retard
1,5s x 81 000
7,6
7,6
COUR DES COMPTES
92
Engagements
Paiements
PEB x14
7,3
6,6
Cartouche 5,56x45mm NATO balle
ordinaire f5
6,6
5,5
Rétrofit
de
MIT50
M2HB
au
dernier standard QCB (tranche 3 et
4 /6) x 500
6,3
-
Anticipation
de
commande
de
munitions aéronautiques (corps de
bombe 1000 kg)
5,8
-
Cart gr 40x46mm fum n tox bv x 34
020
5,3
5,3
Anticipation d'un an des livraisons
d'optiques pour les CDO marine
5,0
5,0
Lots d'outillage JAGUAR x 10
4,2
3,8
Grenade à main à fumée colorée
jaune f5 x 70 200
4,0
-
Bus 55 ou 63 places x14
3,8
3,8
MCO optique et armement
3,4
0,4
Grenade à main a fumée colorée
rouge f5 x 60 840
3,4
-
Grenade à main a fumée colorée
verte f5 x 60 840
3,4
-
Anticipation
commande
renouvellement
de
véhicules
métiers
–
pompiers
3,0
3,0
Renouvellement de la capacité de
tour d'horizon ELINT
3,0
1,6
GRIFFON outillages, kits, banc,
aménagement d'atelier
2,7
-
Acquisition de rechanges VAB
2,6
1,6
Chariots élévateurs x14
2,4
2,0
Besoin CYBER de l’armée de terre
2,1
0,7
SIOC - Postes radio UHF-NG
2,1
0,1
Roquette 66mm explosive type m72
ec mk1 anti blinde léger en caisse
carton a 4 x 576
2,0
1,6
Renouvellement
du
parc
de
camions incendie des camps x5
1,7
1,5
Roquette 66mm explosive type m72
asm rc anti structure caisse carton
a 4 x 288
1,6
1,4
BLR LTE rattrapage cible
1,6
-
GRIFFON Banc de freinage x 20
1,4
1,0
Numérisation
des
espaces
de
travail
1,4
0,3
ANNEXES
93
Engagements
Paiements
Master x20
1,1
1,0
Compacteurs x7
1,1
1,0
Anticipation
de
commande
de
munitions aéronautiques (fusée de
culot FBM21)
1,1
-
SI activité
0,9
0,9
Acquisition
d'une
capacité
de
surveillance ELINT du champ de
bataille
(Section
d'appui
électronique
sous
blindage)
+
Acquisition
d'une
capacité
de
radiogoniométrie tactique (PLAE)
0,9
0,1
Système drone NX70 x10
0,8
0,4
Licences Milistore 2024
0,6
0,6
Besoin RENS numérique de l’armée
de terre
0,4
0,2
Besoin
numérique
lié
à
la
simulation
0,4
-
Renouvellement du parc pour les 6
CIEC double commande x17
0,3
0,3
Besoin
complémentaire
communication ASTEL ORION
0,0
-
MLU
-
28,0
ISS Mu90
-
-
Obus de 100mm
-
-
Total
594,7
319,2
Source : ministère des armées