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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
ÉVALUATION ANNUELLE
DE LA MISE EN ŒUVRE
DES MESURES PRÉVUES
PAR LA LOI CLIMAT
ET RÉSILIENCE
Rapport au Parlement
Article 298 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021
portant lutte contre le dérèglement climatique
et renforcement de la résilience face à ses effets
Mars 2024
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Introduction
..................................................................................................
11
Chapitre I
Des conditions de suivi et d’évaluation qui
ne permettent pas de répondre à la demande du Parlement
....................
13
I -
Un suivi effectif bien que peu accessible de la mise en œuvre
de la loi
...........................................................................................................
14
A -
Une mise en œuvre plus lente que prévu et inachevée
....................................
14
B - Un rapport annuel du Haut conseil pour le climat qui contribue
au suivi de l’application de la loi
..........................................................................
18
II -
Un souci croissant de développer l’évaluation mais des conditions
non réunies
.....................................................................................................
19
A - Rappel des évolutions recommandées par le Haut conseil pour
le climat
................................................................................................................
20
B -
Malgré une forte ambition affichée, des dispositifs d’évaluation
insuffisamment solides
.........................................................................................
25
C -
Une déclinaison territoriale inaboutie, obstacle à l’évaluation
du déploiement des mesures
.................................................................................
29
Chapitre II
Un cadre d’évaluation des politiques climatiques
à concevoir, une gouvernance à clarifier
....................................................
33
I -
L’évaluation, un impératif pour rendre compte de l’action
climatique
.......................................................................................................
33
A - Une meilleure information sur les effets et les impacts des mesures
pour favoriser l’adhésion des citoyens
..................................................................
34
B -
Une obligation croissante de justifier de l’action de l’État en faveur
du climat
...............................................................................................................
36
II - Une nécessaire prise en compte e la stratégie nationale bas carbone
et de la planification écologique
....................................................................
38
A -
Un choix raisonné du champ, de l’intensité et de la temporalité
des évaluations en regard des objectifs climatiques
..............................................
38
B -
Une nécessaire stabilité des données et des instruments d’évaluation
............
43
COUR DES COMPTES
4
III - Des méthodes et
une gouvernance de l’évaluation à définir
de manière concertée
......................................................................................
45
A -
Développer et partager une méthode et des instruments d’évaluation
climatique
.............................................................................................................
45
B -
Intégrer des instruments d’évaluation du coût et de l’impact
économique des mesures
......................................................................................
47
C - Adapter la gouvernance
..................................................................................
49
Conclusion
....................................................................................................
55
Liste des abréviations
..................................................................................
57
Annexes
.........................................................................................................
59
Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six
chambres
1
thématiques que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics
: l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l
’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une
enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés
; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponse
s reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rappo
rt d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
1
La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
6
Aux termes de l’article 298 de la loi n°
2021-1104 du 22 août 2021
portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la
résilience face à ses effets, dite « loi climat et résilience », la Cour des
comptes s’est vu confier l’évaluation annuelle de la mise en œuvre des
mesures prévues par la loi, avec l’appui du Haut
conseil pour le climat.
La présente enquête a été conduite par une formation inter-chambres
associant la deuxième et la cinquième chambres, constituée par arrêté du
Premier président n° 23-128 du 16 février 2023 intitulée « Enquête relative
à l’évaluation annuelle de la mise en œuvre des mesures prévues par la loi
climat et résilience ».
Des échanges sont intervenus le 7 mars 2023 entre la Cour et
Madame Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat afin de
préciser les modalités d’intervention.
Le lancement des travaux de la Cour a été notifié à la secrétaire
générale du Gouvernement, au secrétaire général à la planification
écologique, au commissaire général au développement durable, délégué
interministériel au développement durable, à la directrice du budget, au
secrétaire général des ministères de la transition écologique et de la cohésion
des territoires par lettres en date du 16 mars 2023.
L’instruction a donné lieu à l’envoi de questionnaires aux
administrations centrales concernées et à une quinzaine d’entretiens.
Les rapporteurs ont également pu s’entretenir avec plusieurs
membres des commissions des deux assemblées parlementaires assurant à
titre principal le suivi de la mise en œuvre de la loi climat et résilience
:
commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de
l’Assemblée
nationale,
commission
des
affaires
économiques
de
l’Assem
blée nationale, commission des affaires économiques du Sénat,
commission de l’aménagement du territoire et du développement durable
du Sénat.
Les observations définitives du présent rapport tiennent compte des
réponses parvenues et des trois auditions conduites le 21 novembre 2023
avec le commissaire général au développement durable, délégué
interministériel au développement durable, le secrétariat général à la
planification écologique, et la présidente du Haut conseil pour le climat.
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 22 novembre
2023, par la formation inter-chambres, présidée par Mme Podeur,
présidente de chambre, et composée de M. Albertini, conseiller maître,
Mme Périn, conseillère-maître ainsi que Mmes Reuland et Tournade,
conseillères référendaires, en tant que rapporteures, et, en tant que contre-
rapporteur, M. Cabourdin, conseiller maître.
Il a été examiné le 16 janvier 2024 par le comité du rapport public et
des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Pierre Moscovici,
Premier président, M. Yves Rolland, rapporteur général du comité,
Mme Podeur, M. Charpy, Mme Camby, Mme Démier, M. Bertucci,
Mme Hamayon et M. Meddah, présidentes et présidents de chambre de la
Cour, Mme Renet, M. Strassel, M. Lejeune et M. Serre, présidente et
présidents de chambre régionale des comptes, et M. Louis Gautier,
Procureur général, entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Synthèse
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le
dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets,
dite loi « climat et résilience », constitue une étape majeure
de l’ac
tion
climatique. Faisant suite aux travaux de la Convention citoyenne sur le
climat, elle recouvre un très large périmètre. Au vu de la nécessité
d’évaluer
les dispositifs en fonction des objectifs fixés, mais également
d’assurer l’information et l
a mobilisation durable des citoyens, les
parlementaires ont inscrit dans la loi un titre VIII « Dispositions relatives à
l’évaluation climatique et environnementale
». L
État doit ainsi se doter
des moyens de piloter et de mesurer efficacement l’action publique su
r les
sujets climatiques et environnementaux.
Intégré dans ce titre VIII, l’article 298 de la loi climat et résilience
demande à la Cour des comptes, avec l’appui du Haut conseil pour le
climat, d’évaluer annuellement la mise en œuvre des mesures
de la loi.
Tous les acteurs rencontrés (Haut conseil pour le climat, Secrétariat
général
à
la
planification
écologique,
Commissariat
général
au
développement durable,
Inspection générale à l’environnement et au
développement durable, Direction générale
de l’énergie et du climat)
ont
souligné le besoin de pilotage et d’évaluation de la transition climatique et
environnementale et la nécessité de développer un cadre et des instruments
adaptés, particulièrement à l’heure où se déploie une ambition de
planification écologique.
Par ailleurs, la transition écologique devra mobiliser des ressources
publiques et privées élevées. Les ménages, les entreprises et les
collectivités territoriales supporteront une part importante des dépenses
induites. L’
État de son côté, devra assurer un accompagnement financier
pour favoriser une transition socialement acceptable. L’effort national doit
donc être anticipé, expliqué et suivi.
Au regard de ces enjeux,
le suivi de la mise en œuvre des mesures
contenues dans la loi est d
’ores et déjà
assuré par le Parlement et le
commissariat général au développement durable et nécessite seulement
d’être
renforcé et rendu public.
COUR DES COMPTES
10
En revanche, les conditions ne sont pas réunies pour que la Cour
puisse réaliser
l’évaluation annuelle
mentionnée
dans l’article
298 :
-
les indicateurs
figurant dans l’étude d’impact de la loi,
ne suffisent pas
en l’état à une véritable évaluation de l’ensemble des mesures de la
loi ; en outre, ils sont actuellement suivis de manière dispersée et les
données nécessaires ne font pas à ce stade
l’objet d’une gestion
suffisamment robuste pour en permettre l’exploitation, d’autant plus
que le déploiement territorial des dispositifs conditionnant la
production de données, est encore peu avancé ;
-
le périmètre de la loi, et donc des mesures à évaluer, représente un
autre frein majeur. Sans compter
les dispositifs d’application directe,
cette loi nécessite plus d'une centaine de textes d'application, avec une
mise en place et des effets mesurables jusqu’en 2050.
Une évaluation à l’échelle annuelle semble
pour ces raisons peu
adaptée à des dispositifs qui s’inscrivent dans des horizons tempore
ls aussi
différents, ainsi qu’à des cadres d’application variés (
mesures nouvelles,
modifications de dispositions préexistantes, mesures portées par la loi et
modifiées depuis). Le Gouvernement, dans le cadre de la contradiction au
présent rapport, partage ce constat.
Afin de mettre en œuvre l’objectif d’évaluation posé par le
législateur,
et sur la base des données disponibles, il revient aujourd’hui au
Gouvernement de choisir sans attendre le bon objet d’évaluation et de
procéder à celle-ci par référence à des cadres stables
qu’il a lui
-même
définis (SNBC, planification écologique) et selon une méthodologie claire
et partagée. Des méthodes
d’évaluation
robustes devront permettre
d’évaluer les gains d’émissions de
gaz à effet de serre et les coûts,
notamment budgétaires, associés aux mesures nécessaires. Cette méthode
évaluative devra être m
ise en œuvre dans le cadre d’une gouvernance
pérenne, associant l’ensemble des acteurs.
Dans le respect de ses missions, la Cour apportera parallèlement sa
contribution
afin notamment d’
éclairer la manière dont les stratégies
écologiques respectent les engagements climatiques de la France et
s’articulent avec
la trajectoire des finances publiques. La Cour rappelle
enfin sa disponibilité pour conduire,
au titre de l’article L 132
-6 du code
des juridictions financières, des évaluations plus ciblées sur des dispositifs
et des politiques se rapportant à la transition écologique.
Introduction
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le
dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets,
dite loi « climat et résilience », a fait suite aux travaux de la convention
citoyenne sur le climat
2
(CCC) qui s’est réunie d’octobre 2019 à juin
2020,
et dont elle a repris une partie des propositions. Il revenait à ses membres
de définir des mesures «
justes socialement
» pour
atteindre l’objectif de
réduction
d’au moins 40
% des émissions de gaz à effet de serre en 2030
par rapport à 1990, conformément aux engagements internationaux de la
France.
Cet objectif,
fixé à l’article L. 100
-
4 du code de l’énergie
, se réfère
expressément à la convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques de 1992
ainsi qu’à l’accord de Paris
de 2015. La France,
conformément aux objectifs fixés pour chaque État membre par le
règlement (UE) 2018/842,
s’engage ainsi à mettre en œuvre
les principes
posés par cette convention et cet accord. Les ambitions ont été rehaussées
en 2021 à l’échelle de l’Union européenne
, la cible de réduction des
émissions ayant été fixée à 55 %.
La loi « climat et résilience » a pour objectif essentiel la réduction
des émissions de gaz à effet de serre. Son volume a considérablement
augmenté au cours des débats parlementaires, passant de 69 à 305 articles.
Elle comporte de fait des mesures significatives
et structurantes et d’autres
plus symboliques ou techniques.
2
Composée de 150 membres tirés au sort, représentatifs de la diversité de la société française.
COUR DES COMPTES
12
L’article 298 de la loi
,
issu d’un amendement, prévoit qu’
«
au titre
de sa mission d'assistance du Parlement dans l'évaluation des politiques
publiques, la Cour des comptes
évalue annuellement la mise en œuvre des
mesures prévues par la présente loi, avec l'appui du Haut Conseil pour le
climat au titre de sa compétence prévue au 2° du II de l'article L. 132-4 du
code de l'environnement
3
. Ce rapport d'évaluation est rendu public et fait
l'objet d'une réponse du Gouvernement, elle-même rendue publique.
(…)
»
.
L’obligation d’
évaluer annuellement
la mise en œuvre de
l’ensemble des mesures d’une loi couvrant de nombreuses politiques
échelonnées
sur plusieurs dizaines d’années est
inédite. Elle implique de
préciser les attentes comme les modalités de cette évaluation.
La formulation de cette demande mêle en effet deux types
d’évaluation différents
: d’une part, l’évaluation des politiques publiques,
mission de la Cour des comptes, notamment exercée en appui du Parlement
au titre de l’article 47
-
2 de la Constitution, et d’autre part l’évaluation de
la
mise en œuvre des mesures prévues par la loi
« climat et résilience ». Le
premier type d’évaluation implique de mettre en place
préalablement une
méthode d’évaluation fondée sur des indicateurs et des données robustes,
et se situe en aval de la mise en pla
ce de dispositifs, afin d’en mesurer les
impacts.
A contrario
, l’évaluation annuelle de la mise en œuvre des
mesures de la loi, qui est demandée à la Cour par l’article 298, se rapproche
davantage d’un suivi de
l’application de la loi.
Par ailleurs, au regard des travaux attendus du Haut conseil pour le
climat (HCC) en 2023 et des moyens dont il disposait au début de cette
année, et après concertation entre les deux institutions, le HCC
n’a pu
fournir de contribution directe aux travaux, lesquels ont donc été conduits
uniquement par la Cour.
Le présent rapport analyse les dispositifs existants et prévus pour
évaluer la mise en œuvre de la loi
« climat et résilience », lesquels ne
permettent pas à ce stade
d’effectuer une évaluation annuelle en regar
d des
objectifs climatiques (I). Tirant les enseignements de cette analyse, le
rapport formule des propositions pour élaborer une démarche de suivi et
d’évaluation en regard des objectifs climatiques
, à même
d’
éclairer le
Parlement et de rendre compte aux
citoyens de l’action publique (II).
3
« II.- Le Haut Conseil pour le climat rend chaque année un rapport qui porte
notamment sur :
(…) 2° La mise en œuvre et l'efficacité des politiques et mesures
décidées par l'État et les collectivités territoriales pour réduire les émissions de gaz à
effet de serre, développer les puits de carbone, réduire l'empreinte carbone et
développer l'adaptation au changement climatique, y compris les dispositions
budgétaires et fiscales
(…)
».
Chapitre I
Des conditions
de suivi et d’évaluation
qui ne permettent pas de répondre
à la demande du Parlement
Inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la
loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la
résilience face à ses effets compte 305 articles,
s’articulant autour de cinq
thématiques opérationnelles (
Consommer
,
Produire et travailler
,
Se
déplacer
,
Se loger
,
Se nourrir
) et de trois titres à vocation plus
institutionnelle : «
Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte
vert
pour
l’Europe
»,
«
Renforcer
la
protection
judiciaire
de
l’environnement
» et enfin «
Dispositions relatives à l’évaluation
climatique et environnementale
».
L’article 298 qui donne lieu au présent rapport s’inscrit dans le cadre
du dernier titre
. Il demande à la Cour d’évaluer annuellement la mise en
œuvre des mesures incluses dans la loi, en s’inscrivant dans le cadre
méthodologique plus
large de l’évaluation des politiques publiques. Cette
conjonction de deux exercices distincts pose deux difficultés majeures : le
suivi de la mise en œuvre
, déjà assuré par ailleurs, se heurte au fait que
celle-
ci n’est pas encore
achevée
(I). Quant à l’é
valuation, enjeu croissant
dans le suivi des politiques climatiques, elle ne peut à ce stade se mettre en
place de manière pertinente, faute de données exploitables, d’indicateurs
pilotés et d’un déploiement territorial suffisa
mment avancé (II).
COUR DES COMPTES
14
I -
Un suivi effectif bien que peu accessible
de
la mise en œuvre
de la loi
Le suivi de la mise en œuvre des dispositifs inclus dans la loi se
heurte à l’ampleur des mesures règlementaires nécessaires pour préciser
leurs conditions d’application. Néanmoins, le pouvoir
exécutif comme le
pouvoir législatif se sont mobilisés pour assurer le suivi de l’application de
la loi climat et résilience, même s’il serait souhaitable de davantage diffuser
les résultats de ce suivi (A). Le Haut conseil pour le climat contribue
également à ce suivi à travers son rapport annuel (B).
A -
Une mise en œuvre plus lente que prévu
et inachevée
1 -
Le suivi de l’application de la loi par l’exécutif
Malgré une accélération de l’activité normative, deux ans après la
publication de la loi, tous les textes
d’application
et rapports requis ne sont
toujours pas publiés ou réalisés.
Tableau n° 1 :
bilans de publi
cation des décrets d’application
de la loi « climat et résilience »
Dispositions
appelant
un décret
d’application
Dispositions
ayant reçu
application
Taux
d’appli
cation
Dispositions
en attente
de décret
d’application
Bilan au
30/06/2022
120
64
53 %
56
Bilan au
31/12/2022
119
88
74 %
31
Source : bilans semestriels publiés sur Légifrance au 30 août 2023 (extraits concernant la loi
climat et résilience)
À l’été 2023,
selon
l’échéancier actualisé des mesures d’application
disponible sur Légifrance
, des décrets d’application faisaient défau
t pour
47 dispositions de cette loi.
Cette situation s’explique, s
elon le secrétariat
général du Gouvernement, pour les raisons suivantes :
-
des textes sont apparus inutiles : certaines dispositions législatives se
suffisaient à elles-mêmes ; certaines situations sont devenues
obsolètes
(offres d’énergie à tarification dynamique, art.
96) ;
d’autres
dispositions avaient un caractère facultatif, ou bien encore ont fait
l’objet d’une réécriture
dans les mois suivant la publication de la loi ;
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
15
-
des mesures nécessitent une concertation, des consultations ou des
analyses complémentaires et ont donc été reportées : dispositions
relatives à l’affichage environnemental (art.
2), conditions et
modalités d’application des principes régissant le modèle minier
français (art. 67), règles applicables aux constructions devant
supporter des énergies renouvelables (art. 101), etc. ;
-
une disposition très structurante concernant la stratégie de gestion du
trait de côte est reportée de 2022 à 2024 (art. 237).
En
conséquence,
la publication de l’ensemble des
textes
d’application
était annoncée pour fin 2023,
à l’exception de
ceux qui
portent sur de
s mesures dont l’entrée en vigueur est
postérieure :
-
interdiction à partir de 2028 de la publicité pour des véhicules
thermiques (art. 7) ;
-
utilisation à partir de 2030 de matériaux biosourcés ou bas-carbone
dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions
relevant de la commande publique (art.39) ;
-
fixation et suivi d’objectifs régionaux de développement des éne
rgies
renouvelables (art. 83).
Seule une autorisation de légiférer par ordonnance
d’habilitation n’a pas
été utilisée (art. 226 relatif aux friches).
Par ailleurs, neuf rapports seulement sur les quarante-neuf prévus ont été
déposés.
2 -
Le suivi de
l’application de la loi par le Parlement
À l’été 2023, cinq rapports de contrôle de l’application de la loi
avaient été établis
4
par les commissions permanentes compétentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat
.
4
Rapport n°681
d’information déposé le 11 janvier 2023 par la commission du
développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nati
onale en
application de l’article 145
-7 du Règlement sur la mise en application de la loi, rapport
n°749
d’information déposé le 18 janvier 2023 par la
commission des affaires
économiques de l’Assemblée nationale,
rapport n°689
d’information déposé le
11 janvier 2023 par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de
l’administration générale de la République
, rapport n°658
d’information sur le bilan
annuel de l’application des lois au 31 mars 2022
fait par le président de la délégation
du Bureau du Sénat chargé du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des
ordonnances (p. 81 à 139 et 492 à 518), rapport n°636 sur le bilan annuel de
l’application des lois au 31 mars 2023 fait par l’autorité précitée.
COUR DES COMPTES
16
Certains
de
ces
rapports,
très
analytiques,
examinent
successivement, par thèmes
énergie, mines, lutte contre l’artificialisation
des sols, etc.
les articles
d’application directe
de la loi, ceux pour lesquels
les textes d’application manquent, ceux pour lesquels ces textes sont
intervenus, notamment les ordonnances, ainsi que les suites réservées aux
demandes de rapports
5
. D’autres adoptent une rédaction synthétique qui se
rapproche de l’exercice d’évaluation de l’efficacité des mesures
6
. Ils
réalisent une analyse quantitative des textes
d’application mais surtout une
analyse qualitative détaillée des mesures réglementaires et soulignent les
cas dans lesquels ces textes s’écartent, du point de vue des parlementaires,
de la lettre ou de l’esprit de la loi.
La commission des affaires économiques du Sénat a ainsi relevé,
s’agissant de la lutte contre l’artificialisation des sols, que plusieurs textes
réglementaires auraient été élaborés en contradiction avec la volonté du
législateur. Elle estime par exemple que le décret n° 2022-762 du 29 avril
2022 qui prévoit l’inscription des règles relatives à l’artificialisation des
sols dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et
d’égalité des territoires (Sraddet), opposable aux documents d’urbanisme
de rang inférieur, serait contraire à la volonté du législateur et à
l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre. Un recours a
d’ailleurs été déposé contre ce décret par l’association des maires de France
(AMF).
Cette même commission sénatoriale considère que
l’ordonnanc
e
n° 2022-536 du 13 avril 2022 modifiant le code minier et les régimes
légaux relevant du code minier, qui révise le régime contentieux, excède le
champ d’habilitation fixé par l’article 81 de la loi.
Les travaux de contrôle de l’application des lois par l
e Parlement
examinent
aussi, le cas échéant, les modalités concrètes de mise en œuvre
d’une mesure et alertent sur les difficultés qu’ils anticipent. La commission
de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat relève
ainsi dans son rapport de
2023 que l’expérimentation d’un financement à
taux zéro pour l’achat de véhicules légers par les habitants des zones à faibles
émissions- mobilités (ZFE-
m) prévue par l’article 107 de la loi prend du
retard et que les conditions restrictives d’acc
ès à ces prêts (décret n° 2022-
1726 du 22 avril 2022) en limiteront la portée. Corrélativement, elle
s’inquiète du retard pris dans le développement des dispositifs de contrôle
automatisé nécessaires pour contrôler les restrictions de circulation dans les
ZFE. Alors que les premières interdictions de circulation des véhicules les
5
Contribution au rapport n° 636 pour 2023 de la commission des affaires économique
du Sénat.
6
Contribution au rapport n° 636 pour 2023 de la commission
de l’aménagement du
territoire et du développement durable du Sénat.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
17
plus polluants sont obligatoires dans certaines agglomérations depuis le
1
er
janvier 2023, la lecture automatisée des plaques d’immatriculation
(LAPI) a été décalée et
n’interviend
ra désormais
qu’au
second semestre
2024. Face à ces difficultés, également relevées par la commission du
développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée
nationale dans son rapport n° 681, la commission a lancé une mission
d’informati
on qui a débouché sur le rapport n° 738 déposé le 14 juin 2023
par le sénateur Philippe Tabarot
7
.
Le contrôle de l’application des lois offre aussi la possibilité aux
parlementaires de s’exprimer à nouveau sur le fond des mesures de la loi
.
Cet exercice les a conduits à mentionner et à analyser des dispositions
législatives ultérieures qui ont modifié la loi initiale. Ainsi, la loi n° 2023-
630 du 20 juillet 2023 a modifié la loi « climat et résilience » pour
«
faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation
des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux
»
.
3 -
Un exercice de suivi dont les résultats pourraient être rendus
plus accessibles
Le contrôle de l’application de la loi réalisé par le Gouvernement et
le Parlement met à disposition des informations quantitatives et qualitatives
très riches. Toutefois, leur dispersion dans de nombreux rapports et
l’absence de synthèse rendent ces travaux peu accessibles.
Le suivi de la
mise en œuvre des textes d’applicati
on est effectué,
selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), par les
diverses directions
d’administration
concernées. Cette information, en
conséquence encore moins accessible, et ne répond pas totalement à
l’objectif spécifique de transparence et d’accessibilité de l’information que
porte la loi.
Les informations concrètes concernant l’entrée en vigueur des
mesures ou leur mise en œuvre opérationnelle, notamment lorsqu’elles
relèvent des collectivités territoriales, ne sont pas non plus aisées à identifier.
C’est le cas par exemple de
la date d’entrée en vigueur de l’article 277 de la
loi qui fait obligation aux commerces de bouche de plus de 400 m
2
d’informer les clients sur la saisonnalité des fruits et d
es légumes.
7
En l’espèce, il n’est pas fait mention des conclusions de la mission flash de la
commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de
l’Assemblée nationale dont les conclusions ont été rendues publiques par une
communication du 12 octobre 2022 de MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne. Par
ailleurs, le Gouvernement a rappelé dans le cadre de la procédure contradictoire que des
contrôles par interception étaient pratiqués.
COUR DES COMPTES
18
Au regard de l’ampleur et de la richesse du travail du Parlement et
des services de l’État pour réaliser le suivi de l’application des lois, il serait
souhaitable que les informations qui en découlent soient plus accessibles.
Dans cette intenti
on, l’échéancier publié semestriellement sur
Légifrance, ou tout autre document approprié, devrait être complété de trois
informations
: date d’entrée en vigueur, personnes publiques et/ ou privées
chargées de la mise en œuvre, précision de l’origine dans
la rubrique « base
légale
» pour identifier les mesures émanant du droit de l’Union
européenne. Cet échéancier pourrait également être enrichi par le suivi de
la mise en œuvre des mesures ne nécessitant pas de textes d’application.
À
l’issue de la procédur
e contradictoire du présent rapport, le
Gouvernement
s’est engagé à
compléter et publier semestriellement un tel
tableau de suivi d’application de la loi
« climat et résilience ».
B -
Un rapport annuel du Haut conseil pour le climat
qui contribue au suivi de
l’application de la loi
En application du 2° de l’article D. 132
-2 du code de
l’environnement, le rapport annuel du HCC porte notamment sur
« la mise
en œuvre et l’efficacité des politiques et mesures décidées par l’État et les
collectivités locales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre,
développer les puits de carbone, réduire l’empreinte carbone et développer
l’adaptation au changement climatique, y compris les dispositions
budgétaires et fiscales. »
Les rapports annuels de 2022 et de 2023 du Haut conseil pour le
climat procèdent, dans leurs chapitres sectoriels (transports, agriculture,
industrie, bâtiment, énergie, forêt-bois, utilisation des terres), à une analyse
très synthétique de la cohérence des politiques et des mesures mises en
œuvre dans l’année avec les orientations de la stratégie nationale bas
carbone (SNBC)
8
. Ils proposent également une analyse détaillée des
avancées attendues des dispositions de la loi « climat et résilience ».
Ainsi, concernant la définition de la « décence énergétique » et
l’interdiction de location des
« passoires thermiques » à partir de 2025
prévues
par l’article 160 de la loi, le Haut Conseil rappelle les bénéfices
8
L’annexe n°
3 décrit de manière synthétique les différents instruments stratégiques
qui orientent la décarbonation.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
19
attendus de l’éradication de
ces logements
9
, avant de relever
: l’absence
d’impact de la
mesure sur les dites « passoires » habitées par leurs
propriétaires (2,8 millions), les exemptions prévues pour des motifs
architecturaux et patrimoniaux, l’insuffisance des contrôles sur la qualité
des travaux réalisés, le caractère irréaliste selon les professionnels du
bâtiment des calendriers fixés par la loi compte tenu du volume et du coût
des travaux.
S’agissant
à nouveau de la rénovation énergétique des logements et
le dispositif
MaPrimeRénov
, le rapport de
2022 du HCC s’appuie sur le
s
travaux réalisés par le Comité d’évaluation du plan de relance et par la Cour
des comptes
10
. Relayant leurs recommandations, le rapport du HCC attire
l’attention sur la part
marginale de rénovations globales financées par le
dispositif (0,1 % des travaux) et sur le faible nombre de « passoires
thermiques » réhabilitées en 2021 (2 500 logements par rapport au
80 000 envisagés).
Cette approche sectorielle contribue au
contrôle de l’application de
la loi et
permet d’enrichir les travaux d’évaluation des mesu
res en regard
des objectifs climatiques. Toutefois, le rapport annuel du HCC ne fournit
pas de vision d’ensemble des mesures attendues ou des premiers résultats
observés de la mise en œuvre de loi
« climat et résilience ».
II -
Un souci croissant de développer
l
’évaluation
mais des conditions non réunies
La loi « climat et résilience » prévoit dans son titre VIII un ensemble
inédit de dispositions destinées à développer l’évaluation
climatique et
environnementale. Cependant, les recommandations de méthode formulées
par le Haut conseil pour le climat (A)
n’ont
pas été suffisamment prises en
compte au stade de la loi (B). L
a déclinaison territoriale de l’évaluation
reste à concevoir (C).
9
L’éradication des «
passoires thermiques
» conduirait à réaliser la moitié de l’effort
nécessaire pour atteindre l’objectif de la réduction de la consommation énergétique du
secteur du bâtiment en passant de 745 TWh en 2017 à 636 TWh en 2028. Ministère de
la transition écologique (2021). Ambition climatique et rénovation performante pour
2028 et 2050.
10
Premier rapport du Comité d’évaluation du plan France Relance
, octobre 2021 ;
Premiers enseignements du déploiement du dispositif « MaPrimeRénov’ »
, audit flash,
Cour des comptes, septembre 2021.
COUR DES COMPTES
20
A -
Rappel des évolutions recommandées
par le Haut conseil pour le climat
1 -
«
Évaluer les lois en cohérence avec les ambitions
» :
un rapport de méthode
11
Lors du premier Conseil de défense écologique, le 23 mai 2019, le
Gouvernement a pris l’engagement d’évaluer les grandes lois d’orientation
sous
l’angle de leurs impacts sur les gaz à effet de serre (GES), un an après leur
entrée en vigueur. Il a aussi demandé au Haut conseil pour le climat d’être le
garant de la qualité des méthodes d’évaluation mises en œuvre et de produire
« un cadrage préalable des méthodes à appliquer : ce cadrage pourrait
s’appuyer sur les méthodes mises en œuvre dans d’autres pays et pourra
[it]
porter plus largement sur les évaluations ex ante et ex post des projets de lois
et principales mesures d’atténuation du changement
climatique »
.
Le rapport du HCC,
Évaluer les lois en cohérence avec les
ambitions,
publié en décembre 2019 a répondu à cette demande et défini
les grandes lignes méthodologiques attendues. Le Haut conseil y a rappelé
que la stratégie nationale bas carbone
(SNBC) était le référentiel d’action
dont s’est doté
e la France pour atteindre ses engagements internationaux
découlant de l’
accord de Paris ; il y soulignait également
que l’évaluation
en regard des objectifs climatiques devait permettre de déterminer la
contribution positive ou négative d’un texte ou d’une action au respect des
trajectoires de la SNBC pour atteindre la neutralité carbone et de suivre ces
trajectoires. Huit recommandations synthétisant la méthode à suivre étaient
formulées :
1.
«
L’év
aluation des lois en regard du climat doit respecter les grands
principes d’une bonne évaluation des politiques publiques
: indépendance
de l’évaluateur ou de l’organe de contre
-expertise, diffusion des résultats
aux parties prenantes, proportionnalité de
l’évaluation (opérationnelle et
raisonnable du point de vue des ressources sollicitées) ;
2.
Toutes les lois ne nécessitent pas d’être évaluées en regard du climat.
Un processus de sélection transparent est mis en place ;
3.
Une
étude d’impact détaillée doit être réalisée par rapport à la SNBC
en considérant l’objectif de neutralité et les budgets carbone,
en
complétant l’exposé des motifs, en identifiant les indicateurs
pertinents SNBC ;
11
Un résumé détaillé du rapport publié en juin 2019 par le Haut conseil pour le climat
figure en annexe n° 2.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
21
4.
Une méthodologie spécifique à l’évaluation des lois en regard du
climat doit être publiée et insérée au guide de légistique. Elle porte sur
l’évaluation de la cohérence avec l’objectif de neutralité carbone et les
budgets carbone de la SNBC et s’appuie sur les indicateurs SNBC
;
5.
L’étude d’impact est mise à jour une fois les lo
is promulguées ;
6.
Le dispositif d’évaluation ex post doit être prévu dans le texte de loi et
assurer la disponibilité des données nécessaires ;
7.
Le processus d’évaluation ex post doit être transparent, indépendant et
doit associer les parties prenantes et être accessible au public ;
8.
Le suivi des lois doit renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité
carbone : le Conseil de défense écologique prépare et adopte un
rapport annuel qui dresse le bilan, en regard de la SNBC, des lois
adoptées dans l’année éc
oulée ainsi que des lois évaluées
ex ante
ou
ex post
sur la même période.
2 -
Des recommandations peu suivies pour élaborer et
a fortiori
pour évaluer la loi « climat et résilience »
Dans le cadre de ses prérogatives, le HCC s’est prononcé sur le
projet de loi « climat et résilience »
en s’appuyant sur les recommandations
précitées. L’avis, dont le contenu est détaillé en annexe n°
2 poursuivait le
double objectif
d’étudier la contribu
tion du projet de loi à la stratégie
nationale bas carbone (pertinence des mesures) et de faire des
recommandations pour s’assurer de l’atteinte des objectifs d’atténuation
du
changement climatique. Cet avis soulignait des avancées tout en restant
critique dans sa tonalité.
Sur l’ambition affichée du projet de loi, l’avis relevait que
l’affirmation
figurant
dans
l’étude
d’impact
selon
laquelle
112
MtéqCO2/an seraient évitées, ne pouvait être appréciée en l’absence
de transparence méthodologique. Dans le cadre de la contradiction au
présent rapport, le ministère de la transition écologique et de la cohésion
des territoires rappelle avoir sollicité une étude auprès d'un cabinet
indépendant pour analyser l'impact cumulé à horizon 2030 de l’ensemble
des mesures adoptées depuis 2017 en incluant les mesures prévues dans le
projet de loi « climat et résilience »
12
.
Ce document n’est toutefois pas
apparu probant pour le HCC.
12
Cette étude, dont le Gouvernement a endossé les conclusions en la publiant le
23
février 2021, en amont de l’examen du projet de loi en commission à l’Assemblée
Nationale, a estimé que le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre
visé par l'ensemble des mesures déjà prises au cours du quinquennat et proposées dans
le projet de loi initial était globalement à la hauteur de l'objectif de 2030, sous réserve
de leur exécution intégrale et volontariste.
COUR DES COMPTES
22
Sur la pertinence des mesures au regard de la stratégie nationale bas
carbone, le Haut conseil distinguait dans son avis parmi les articles visant
à améliorer le pilotage et la conduite de la transition écologique
ceux
utiles mais qui n’engageaient pas de changements structurels
et ceux
prévoyant des instruments et outils visant à agir sur les trois leviers de la
transition définis par la stratégie nationale bas carbone : décarbonation,
efficacité énergétique et maîtrise de la demande. Le HCC estimait que la
portée de nombreuses mesures était réduite en raison de délais de mise en
œuvre al
longés, de périmètres restreints couvrant une part insuffisante des
activités ou du caractère symbolique de certaines mesures.
Sur la qualité de l’étude d’impact, le HCC saluait la référence à la
stratégie nationale bas carbone mais relevait des manques : absence de
prise en compte des budgets carbone isolant les différents gaz émis ;
absence d’utilisation des indicateurs pertinents de la SNBC pour
l’évaluation
ex ante
et absence de suivi durant la mise en œuvre pour
ajuster les dispositifs. Concernant l’év
aluation quantitative de réduction
des émissions de gaz à effet de serre, le HCC relevait que la méthode
utilisée ne permettait selon lui ni de juger du respect des budgets carbone,
ni d’informer sur la réduction attendue et atteinte aux étapes 2023 et 202
8
(bilans à l’échelle internationale de la mise en œuvre de l’accord de Paris).
Concernant l’évaluation qualitative, l’étude d’impact raccrochait
des
mesures aux orientations de la stratégie nationale mais sans les documenter
suffisamment. La critique principale du HCC était toutefois que le
document «
ne discut
[ait]
ni de la plus-value stratégique des réformes
proposées, ni de leur capacité à atteindre les objectifs du secteur, ni des
dispositions complémentaires à mettre en œuvre en cas d’insuffisance des
mesures
».
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
23
L’exemple du bâtiment
Le Haut conseil recommandait une approche sectorielle des mesures
et de leurs effets et illustrait cette manière de faire avec le secteur du
bâtiment, pour identifier les leviers de décarbonation mentionnés dans le
projet de loi.
À cette occasion, il émettait plusieurs critiques : absence de
présentation claire de l’impact additionnel des mesures et parfois même
confusion conduisant à penser qu’il en existe un alors que ce n’est pas le
cas
13
;
présentation critiquable d’
une mesure sécurisant juridiquement
l’interdiction des terrasses chauffées (bien que ne créant pas d’interdiction ni
de sanction) ; valeur ajoutée marginale du projet de loi en regard des
orientations de la stratégie nationale bas carbone pour les bâtiments et risque
d’inciter à des choix techniques contreproductifs en ne créant pas la trajectoire
vers la cible BBC 2050 (bâtiments bas carbone de classe A ou B).
Le HCC recommandait de fixer des obligations de rénovation,
d’inclure les bâtiments tertiaires,
de mettre en place des mesures
complémentaires pour renforcer l’action publique visant à décarboner le
secteur des bâtiments à tous les échelons d’action, de présenter de manière
analytique et synthétique les gains attendus par article, de centrer l’effort
de
quantification sur les secteurs les plus émetteurs
14
. Les réductions
d’émissions envisagées pour les 21 articles
concernés étaient évaluées entre
4 et 20 Mt éqCO2/an sur les 112 Mt nécessaires à la réduction de 40
% d’ici
2030 et seules quatre mesures avaient un potentiel supérieur à 1Mt.
Considérant le caractère additionnel des mesures relatives au secteur du
bâtiment par rapport à l’existant et leur contribution aux orientations
stratégiques de la stratégie nationale bas carbone, le HCC estimait que les
mesures
ne
convergeaient
pas
vers
la
norme
« bâtiment
basse
consommation ».
13
Pour l’article 42 concernant l’interdiction de location des passoires énergétiques, les
gains potentiels ont été calculés et prises en compte par les dispositions initiales de la
loi énergie climat.
14
Un quart des articles quantifiés porte sur le secteur des déchets qui ne représentait
que 3 % des émissions nationales en 2019.
COUR DES COMPTES
24
Le HCC déplorait aussi l’absence d’estimation
quant à l’effet global
du projet de loi sur la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre de la
France et à sa contribution globale à la mise en œuvre de la
stratégie
nationale bas carbone
. Il invitait donc à compléter l’étude d’impact et
suggérait plusieurs améliorations méthodologiques : harmoniser le format
des résultats quantifiés, expliciter les hypothèses, les méthodes retenues et
les sources des données, préciser l’effet attendu sur les budgets carbone et
discuter qualitativement l’impact «
significatif mais indirect
» et/ou
«
catalyseur et accélérateur
» lorsqu’une évaluation quantifiée
directe
apparaît difficile.
Rappelant son rapport de méthode, le HCC concluait en
recommandant l’évaluation des amendements adoptés par rapport à la
stratégie nationale bas carbone
, la mise à jour de l’étude d’impact après
publication de la loi, la mise
en place d’un dispositif de suivi
ex post
transparent, indépendant et associant les parties prenantes, précisant les
indicateurs de suivi et les dates d’évaluation. Il préconisait également le
renforcement du pilotage de la stratégie nationale bas carbone vers la
neutralité carbone en mettant en place un suivi trimestriel des politiques et
mesures sur la base d’indicateurs de moyens et de résultats, en adoptant en
conseil de défense écologique un rapport annuel qui dresse le bilan, en
regard de la SNBC, des
lois évaluées (ex ante et ex post) dans l’année et en
publiant les évaluations des lois LOM, ELAN et EGALIM
15
. L’étude
ex
post
d’évaluation des mesures de la loi d’orientation des mobilités établie
par le gouvernement
16
pourrait servir d’exemple aux travaux
à engager sur
les autres lois.
Les recommandations du Haut conseil paraissent avoir été
globalement considérées par le Gouvernement comme très ambitieuses et
difficiles à mettre en œuvre.
15
Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, loi n° 2018-1021
du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du
numérique, loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations
commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable
et accessible à tous.
16
2020-2021, évaluation des émissions GES et à l'atteinte des objectifs de la SNBC,
décembre 2021.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
25
B - Malgré une forte ambition affichée, des dispositifs
d’évalua
tion insuffisamment solides
Le souci de développer l’évaluation climatique et environnementale
a conduit le législateur à y consacrer un titre spécifique dans la loi. Cette
ambition inclut l
’objectif d’é
valuer les dispositions prévues dans la loi elle-
même. Or cette évaluation est globalement impossible pour plusieurs
raisons
: défaut de pilotage des indicateurs prévus dans l’étude d’impact,
manque d’attention portée à la gestion des données, absence de volet
évaluatif dans les rapports produits.
1 -
Une loi q
ui s’empare du sujet de l’évaluation climatique
et environnementale
L
’idée que la lisibilité et la transparence de l’action publique sont des
facteurs majeurs de la réussite de la politique de transition écologique chemine.
C’est pourquoi, au
-delà du seul suivi d
e la mise en œuvre de la loi «
climat et
résilience », les parlementaires ont inscrit dans cette loi un titre VIII
«
Dispositions relatives à l’évaluation climatique et environnementale
»
,
attendant ainsi que l’État se dote des moyens de piloter
, de mesurer
efficacement l’action publique sur les sujets climatiques et environnementaux
et d’en rendre compte aux citoyens
. Le texte prévoit plusieurs travaux qui ont
été achevés
ou sont en passe de l’être
:
-
un rapport à annexer au projet de loi « climat énergie » (L. 100-1 A du
code de l’énergie) qui, en 2023 puis tous les cinq ans, d
evait
déterminer les objectifs et fixer les priorités d’action de la politique
énergétique ;
-
la conclusion pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet
de serre
d’une
feuille de route établie conjointement par les
représentants des filières économiques, le Gouvernement et les
représentants des collectivités territoriales pour les secteurs dans
lesquels ils exercent une compétence (art. 301). À fin 2023, certaines
de ces feuilles de route ont été transmises au Gouvernement
17
;
-
un rapport remis avant le 31 décembre 2022 par le Gouvernement sur
les moyens d’améliorer l’évaluation de l’impact environnemental et
climatique des projets de loi (art. 302). Ce rapport a été effectivement
remis au Gouvernement mais n
’a pas fait l’objet d’une
publication.
17
Les filières concernées sont : aménagement, bâtiment, automobile, chaîne de valeur
des véhicules lourds, maritime, aérien, numérique. Il s’agit de sous
-ensemble des
orientations sectorielles stabilisées dans la SNBC qui sont : transports, bâtiments,
agriculture, forêt-
bois, industrie, production d’énergie, déchets.
COUR DES COMPTES
26
Étaient également prévus un rapport triennal d’évaluation, par le
HCC de l’action des collectivités territoriales en matière de réduction de
gaz à effet de serre (art. 299) ainsi qu
’un observatoire des actions mises en
œuvre par les collectivités (art. 300). Ces deux articles apparaissent
de
facto
remis en cause par les nouvelles modalités de déclinaison territoriale
de la planification écologique (cf. II.C.3.b.
infra
) et par la créa
tion d’une
commission spéciale au sein du conseil national de la transition écologique
(CNTE) consacrée au suivi de la planification écologique, qui assurera le
rôle d’observatoire
18
.
2 -
Des indicateurs sans suivi centralisé
L’étude d'impact du projet de loi
« climat et résilience », jointe au
projet de loi, identifie 11 indicateurs disparates dont : la part de marchés
publics intégrant une disposition environnementale (en nombre et en
montant) ; la part des véhicules particuliers neufs vendus en France dont
les émissions unitaires sont inférieures à 123 gCO2/km WLTP ; le
p
ourcentage de baisse des émissions de protoxyde d’azote et d’
ammoniac
d’origine agricole
ou bien encore, le nombre de passoires thermiques dans
le parc de logements.
Chaque direction chargée
de la mesure suit l’indicateur afférent. Il
n’y a pas de suivi centralisé même si le CGDD
fait valoir que le baromètre
de l’action publique, dispositif de suivi des politiques prioritaires du
Gouvernement définies par circulaire de la Première ministre du
19 septembre 2022, permet le suivi de quelques-uns de ces indicateurs.
À l’été 2023, ce baromètre ne semble pas adapté pour rendre compte
des actions découlant de la loi climat et résilience. Son axe n° 2 « Planifier
et accélérer la transition écologique », présente cinq priorités de la
planification écologique :
1. Accélérer la décarbonation des secteurs stratégiques principaux
pollueurs ;
2. Permettre à chaque territoire d’engager sa transition
;
3. Rendre la transition écologique accessible à tous ;
4. Protéger la biodiversité et nos ressources ;
5. Mobiliser tous les Français pour être acteurs de la transition.
18
Communiqué concernant la séance plénière du CNTE du 30 octobre 2023.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
27
S’y ajoutent quelques données chiffrées inégalement actualisées sur
le « plan vélo »
(kilométrage total d’aménagements cyclables sé
curisés),
MaPrimeRénov
(nombre de dossiers validés), les soutiens à la voiture
électrique (la part des voitures électriques dans les ventes de voitures
neuves, nombre d’aides distribuées, le nombre de points de recharge rapide
ouverts au public), le renforcement de la lutte contre les atteintes à
l’environnement, la lutte contre le gaspillage et le renforcement du
recyclage (taux de recyclage des bouteilles en plastique, quantité de
déchets pris en charge dans le cadre de la responsabilité élargie des
producteurs (REP).
Cette liste hétéroclite ne donne pas de visibilité sur les indicateurs
prévus par la loi.
3 -
Une absence d’attention à la gestion des données
L’étude d’impact de la loi
« climat et résilience » ne comporte pas
non plus de développements sur la gestion des données (source, recueil,
traitement) nécessaires à la mise en œuvre comme au suivi des mesures de
cette loi.
Dans leur rapport n° 7
49 d’information déposé le 18
janvier 2023
par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationa
le sur
l’application de la loi, les députées Florence
Goulet et Sandra Marsaud
répertoriaient les outils en ligne mis à disposition par l’État pour
accompagner les collectivités et rapportaient le souhait de l’ensemble des
acteurs auditionnés de sécuriser les données auxquelles ont accès les élus.
Sur le thème sensible du contrôle de l’artificialisation des sols, les
rapporteures suggéraient ainsi que chaque exécutif local reçoive, dans un
format opposable et en temps utile pour les évolutions des documents
d’urbanisme à réaliser, les chiffres correspondant aux enveloppes
d’artificialisation et de consommation d’espaces naturels, agricoles et
forestiers pour la période de référence, ce qui leur permettrait de définir
leurs objectifs chiffrés, sans craindre une modification méthodologique
ultérieure.
L’absence d’attention portée aux données dans la loi
« climat et
résilience »
illustre l’absence de conception préalable du système
d’évaluation de la loi. En conséquence, le bilan proposé sur le site du
ministère de la transition écologique deux ans après la publication de ladite
loi apparaît superficiel. Il énumère les «
mesures phares
» entrées en
COUR DES COMPTES
28
vigueur
19
mais ne présente pas de données chiffrées et ne renvoie ni aux
productions statistiques du ministère de la transition écologique ni au
premier tableau de bord de la planification écologique et pas davantage aux
dispositifs annuel et bisannuel de suivi de la stratégie nationale bas
carbone.
4 -
Des rapports utiles mais sans visée évaluative
Les 49 rapports prévus par la loi ne comportaient pas de visée
évaluative. Toutefois, plusieurs autres rapports, à l’initiative des
parlementaires, ont porté sur des sujets qui soulèvent des difficultés
particulières comme l’artificialisation des terres et les zones à faibles
émissions.
Par ailleurs, à l’initiative du Gouvernement, les corps d’inspection
de l’État ont également réalisé des travaux sur des sujets institutionnels
comme l’évaluation en regard des objectifs climatiques des projets de loi,
ou plus techniques et circonscrits comme sur la filière économique du vélo
ou des audits concernant des sujets traités dans la loi « climat et résilience »
et ayant donné lieu à des financements au titre du plan national de relance
et de résilience 2021.
À ce stade, aucun document évaluant les effets de la loi ou de ses
mesures phares n’a été produit, ce qui, au terme de deux années, peut
paraître normal
. Toutefois, aucun travail de ce type n’a été, à ce jour,
programmé.
La loi « climat et résilience »
n’es
t donc pas formellement assortie
d’un
cadre d’évaluation
. Les travaux menés tant par le Parlement que par
l’administration, récemment enrichis par le rapport annuel du HCC,
constituent une source d’information dont la lisibilité et l’accessibilité
méritera
ient d’être améliorées pour être mieux diffusées et utilisées.
19
Éducation à l’environnement dans les établissements scolaires
, Suppression des
chauffages en terrasse, Premiers affichages environnementaux sur les publicités de
voitures et d’électroménager et expérimentation dans les secteurs alimentaire et textile
,
Expérimentation du prêt à taux zéro mobilité pour l’achat d’un véhicule électrique ou
hybride dans les zones à faibles émissions, Nouveau service public de rénovation de
l’habitat, France Rénov’
, Gel des loyers pour les passoires thermiques (classe G et F),
Audit énergétique obligatoire pour les logements de classe G et F en vente, Interdiction
de créer des commerciaux sur des terres agricoles ou naturelles, Accompagnement des
élus dans la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette en 2050
, Menus
végétariens dans les établissements scolaires et les restaurants collectif
s gérés par l’État
,
Circulation interdite pour certains véhicules polluants dans la dizaine d’agglomérations
dépassant les seuils de pollution de l’air.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
29
C -
Une déclinaison territoriale inaboutie,
obstacle à
l’évaluation du déploiement des mesures
L’évaluation des mesures de la loi imposerait de prendre en compte
la déclinaison locale des mesures, qui concernent les collectivités
territoriales à de nombreux titres : décarbonation des transports (transports
en commun, zones à faible émission, pistes cyclables, etc.), « zéro
artificialisation nette », rénovation énergétique des bâtiments, éclairage
pu
blic, alimentation dans les cantines, gestion de l’eau, des espaces verts
et des déchets. Elles jouent en effet
un rôle de premier plan dans l’atteinte
des objectifs bas carbone de la France en 2050.
Malgré de réels efforts d’articulation entre ambitions n
ationales et
locales
20
, les modalités concrètes de suivi par l’État des mesures mises en
œuvre restent à définir en lien avec les collectivités territoriales.
À ce jour, l’État n’est pas en capacité de mesurer l’impact en CO
2
et
le coût des mesures mises en
œuvre à l’échelon territorial et aucun
indicateur et/ou outil de suivi n’est partagé entre les administrations
centrales et les collectivités territoriales
21
.
Pour s’inscrire dans la déclinaison opérationnelle de la
stratégie
nationale bas carbone, les col
lectivités territoriales doivent s’accommoder
d’un cadre juridique complexe. Les régions et une grande partie du bloc
communal doivent depuis 2015 décliner leurs documents de planification
en cohérence notamment avec cette stratégie nationale. Les régions ont une
compétence sur des secteurs clés, et notamment sur les trois secteurs les
plus émetteurs de gaz à effet de serre (transports, agriculture et bâtiments)
alors même qu’elles n’ont pas la main sur la conduite opérationnelle des
politiques climatiques les concernant comme le relevait le HCC en
juillet 2020 dans son rapport annuel,
« Redresser le cap, relancer la
transition »
.
L’absence de données fiables et exhaustives permettant
d’apprécier la déclinaison territoriale de la
stratégie nationale bas carbone
dans les actions engagées par les collectivités a été relevée dans le rapport
rédigé par le Gouvernement
en application de l’article 68 de la loi n°
2019-
20
Pour mémoire, l’article 68 de la loi n°
2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à
l’énergie et au climat prévoit la rédaction d’un rapport du Gouvernement au Parlement
permettant d’apprécier la contribution des PCAET et des Sraddet aux objectifs
nationaux et aux orientations nationales inscrits dans la programmation pluriannuelle
de l’énergie (PPE) et dans
la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Rapport publié
en mars 2022 par le ministère de la transition écologique.
21
Dans le cadre de la contradiction, le Gouvernement a précisé avoir complété à
l'automne 2023 une offre de service qui permet aux collectivités d'évaluer leurs projets,
pris individuellement (outil QUANTI GES porté par l'ADEME).
COUR DES COMPTES
30
1147 du 8
novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Cette
déclinaison repose sur plusieurs exercices de planification relevant du
niveau régional et du bloc communal, dont la synchronisation est lente et
incertaine. Par ailleurs, le caractère opérationnel des exercices de
planification n’est pas assuré. L’analyse des initiatives locales en
faveur de
la transition écologique traduit une volonté d’agir, mais une trop faible
ampleur des actions entreprises et des difficultés persistantes liées à
l’imbrication de compétences comme à une insuffisante mutualisation de
ressources rares, notamment en ingénierie.
En s’appuyant sur des études de la Caisse des dépôts et
consignations et de l’Ademe, la mission d’information «
flash » de
l’Assemblée
nationale
« Suivi des engagements pris par la France dans les
conférences des parties (COP) aux accords internationaux sur le climat en
avril 2023 »
a également noté un manque d’articulation entre les objectifs
nationaux et les politiques régionales comme avec les objectifs territoriaux.
Enfin, les collectivités territoriales évaluent peu,
a priori
et
a posteriori,
l’impact sur les
gaz à effet de serre
des actions qu’elles
conduisent,
arguant le manque d’outil opérationnel bien que le ministère
chargé de la transition écologique ait publié en février 2022 un guide
méthodologique pour la
« Prise en compte des émissions de GES dans les
études d’impact
»
. Élément clé du pilotage, l’évaluation est rarement
pensée dès la phase d’élaboration
des plans territoriaux et ne permet donc
pas d’anticiper la collecte des données.
Avec la moitié de ses articles touchant directement aux compétences
des collectivités locales, la loi « climat et résilience » affirme le rôle moteur
des collectivités dans la transition écologique et climatique.
Mais depuis l'adoption de la loi, les élus locaux ont relayé des
difficultés juridiques et pratiques mal anticipées sur des mesures phares
comme le « zéro artificialisation nette » et les zones à faibles émissions -
mobilités par exemple, conduisant à des modifications de la loi. Les
articles 299 et 300 de la loi ont certes prévu des instruments de suivi et
d’évaluation renforcés pour les actions locales (rapport trisannuel sur
l’action des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions
de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique / mise en
pla
ce d’un observatoire des actions des collectivités),
mais ils ne sont pas
mis en œuvre
.
DES CONDITIONS DE SU
IVI ET D’ÉVALUATION
QUI NE PERMETTENT PAS
DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DU PARLEMENT
31
______________________ CONCLUSION ______________________
Intégrant diverses politiques sectorielles, la loi « climat et
résilience »
recouvre un large périmètre d’actions. Elle nécessite plus
d'une centaine de textes d'application, avec une mise en place et des effets
progressifs jusqu’en 2050. La diversité des politiques couvertes par la loi
et les différentes articulations des textes dans le temps
mesures nouvelles,
modifications de dispositions préexistantes, mesures portées par la loi et
modifiées depuis
n’offrent pas un cadre harmonisé pour l’évaluation.
Pour autant,
le besoin de suivi et d’évaluation
est bien réel.
Néanmoins, l
’évaluation selon une fréquence annuelle de l’ensemble des
mesures de la loi ne constituerait pas la meilleure méthode pour apprécier
la contribution des mesures portées par la loi à l’atteinte de la stratégie
nationale bas carbone.
Une telle évaluation, tout en répondant
à l’impératif de
transparence vis-à-vis des citoyens et aux attentes des parlementaires,
devrait permettre de vérifier que les mesures prises dans le cadre des
politiques climatiques contribuent effectivement à placer la France sur les
trajectoires qu’elle s’est fixée
s
et à quel coût, sans omettre d’évaluer les
financements et les impacts économiques et sociaux associés.
Pour ce faire, une réflexion sur le cadre d’évaluation en regard des
objectifs climatiques des politiques publiques relatives au changement
climatique (champ, intensité
,
fréquence, niveau d’exigence, moyens), sur
les méthodes de quantification ou de cotation retenues et sur la
gouvernance de l’ensemble constitue un préalable déjà largement posé par
les rapports du Haut conseil pour le climat.
Il appartient à l’exécutif de définir et
de
mettre en œuvre sa propre
méthodologie
.
Chapitre II
Un cadre d’évaluation des politiques
climatiques à concevoir,
une gouvernance à clarifier
L’évaluation des politiques climatiques est un impératif du
Gouvernement vis-à-vis des citoyens ; les acteurs publics doivent être en
mesure de produire des éléments probants sur les résultats obtenus ou
escomptés. L’urgence climatique renforce et renouvelle à la fois le besoin
d’évaluation des politiques publiques.
I -
L’évaluation, un impératif pour rendre
compte de l’action climatique
L’é
valuation des résultats des politiques publiques en lien avec
l’action climatique constitue aujourd’hui un enjeu important pour emporter
et conserver
l’adhésion des citoyens à la dynamique collective
créée par
l’
État (A). Outre cette nécessité démocratique
, l’évaluation est un impératif
aux niveaux communautaire et international, et constitue une réponse aux
accusations d’inaction climatique (B).
COUR DES COMPTES
34
A -
Une meilleure information sur les effets
et les impacts des mesures pour favoriser
l’adhésion des citoyens
Face
à l’urgence climatique, l’accélération et la massification des
actions de transition ainsi que l’arrêt des actions contraires à l’atteinte des
objectifs fixés sont nécessaires pour satisfaire les engagements de la
France. Tous les acteurs sont concernés : État, collectivités, entreprises et
ménages. Néanmoins,
in fine,
ce sont ces derniers qui, par leurs
comportements, sont les premiers acteurs de la transformation nécessaire
de notre économie et de la diminution des émissions de gaz à effet de serre
associ
ées. Il y a donc un réel enjeu à susciter l’adhésion des entreprises et
des ménages aux politiques de transition écologique en les assurant de la
pertinence des mesures, en les informant sur les effets attendus des
politiques climatiques déployées. L’évalu
ation permet de mesurer
in concreto
l’efficacité des politiques menées.
La transition écologique passe par une évolution des comportements
des entreprises et des ménages. Les stratégies de consommation et
d’investissement
induisent une empreinte carbone plus ou moins forte,
directement ou
via
les mécanismes de l’offre et de la demande. L’adhésion
aux politiques publiques climatiques dépend de leur caractère socialement
acceptable et de leur efficacité perçue sur la
réduction d’émissions de
gaz
à effet de serre.
La mise en place d’un dialogue environnemental représente un réel
enjeu :
création d’
enceintes de dialogue, meilleure diffusion des avis
scientifiques, des rapports du HCC, des rapports du groupe d'experts
intergouvernemental sur l’évolution du
climat (GIEC), des objectifs de la
stratégie nationale bas carbone, etc. Les travaux ou instances à même de
porter ces sujets à la connaissance des citoyens ne manquent pas.
Cependant, ceux du HCC ne bénéficient pas de la même audience
médiatique que ceux du GIEC tandis que
l’Observatoire national sur les
effets du réchauffement climatique (Onerc)
22
reste inconnu du grand
public. Des outils mis en place plus récemment informent les citoyens sur
leur action propre, telle la plateforme « Nos gestes climat » de l’Agence de
la transition écologique (Ademe).
La création du Conseil national de la transition écologique (CNTE)
en 2012 visait à renforcer le dialogue social environnemental mais
l’ef
fectivité de son rôle ne permet pas de répondre à tous les besoins.
22
Créé en 2001.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
35
La connaissance et la compréhension des sujets climatiques est aussi
un enjeu pour les élus nationaux et locaux. L’insuffisante information ou
formation à ces problématiques peuvent en effet susciter des crispations
dans la mise en œuvre de dispositifs complexes et souvent contraignants.
Une illustration des enjeux de l’évaluation pour une acceptation
des citoyens des contraintes et des coûts induits :
les zones à faibles émissions (ZFE)
I
nstaurée par la loi d’orientation des mobilités de 2019, puis élargie
par la loi « Climat et résilience » de 2021, la mise en place des zones à
faibles émissions (ZFE)
répond à l’obligation européenne d’assurer une
«
bonne » qualité de l’air sur son territ
oire. Le 28 avril 2022, la France a été
condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne
23
. Malgré les
injonctions de la Commission européenne, 27 agglomérations françaises
dépassaient encore les seuils réglementaires en 2021.
Les ZFE sont un disposit
if clé pour réduire l’impact des émissions
des véhicules dans les grandes agglomérations. 38 % des voitures
pourraient, d’ici 2025, être interdites à la circulation dans les plus grosses
agglomérations du fait de la mise en place des zones à faibles émissions
mobilité (ZFE-m). Pourtant, 60 % des Français ignorent encore ce que
recouvre ce terme. L’absence d’alternative accessible aux véhicules
thermiques font des ZFE des sujets à forts enjeux sociaux, risquant de
creuser les inégalités entre les métropoles et leur périphérie.
L’acceptabilité sociale des ZFE
-m est complexe.
Lorsqu’
elles sont
mises en œuvre, elles se heurtent à des crispations et à de vives
incompréhensions, tant de la part des collectivités territoriales chargées de
les mettre en place que des usagers, particuliers et professionnels, dont les
mobilités quotidiennes seront affectées par les restrictions de circulation.
Elles sont souvent vécues comme une injustice sociale excluant d’office les
voitures anciennes qui sont davantage celles des ménages les plus modestes.
Dans le cadre de la contradiction au présent rapport, le ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires a fait valoir qu’il avait
instauré en 2022 un comité de suivi avec l'ensemble des collectivités
concernées et mené au premier semestre 2023 avec France Urbaine, une
large concertation pour identifier les leviers nécessaires à la mise en place
et à l'acceptabilité des ZFE.
23
Condamnation pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de
l’air ambiant, et plus spécifiquement pour « dépassement de mani
ère systématique et
persistante » de la valeur limite de concentration (VLC) journalière.
COUR DES COMPTES
36
À la suite des récentes propositions formulées par la commission de
l
’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, il serait
utile d’identifier précisément les enjeux et les mesures d’accompagnement
et
d’évaluer les coûts et impacts du déploiement des ZFE
-m pour les
citoyens et les élus locaux afin d’en améliorer l’acceptabilité.
Cet exemple illustre l’attention qui doit être portée non seulement à
l’efficacité environnementale des mesures mais aussi à leur acceptabilité
sociale. Disposer de données et d’analyses fiables sur la mise en œuvre et
le résultat
des mesures est nécessaire à l’information des citoyens ainsi qu’à
la justification
de l’action publique au regard des engagements
internationaux et des normes environnementales.
B -
Une obligation croissante de justifier de l’action
de l’État en faveur du cl
imat
1 -
Un rendu-
compte obligatoire auprès de l’Union
européenne
et de l’ONU
Disposer de données et d’indicateurs fiables compatibles avec les
standards internationaux doit permettre à l’État de remplir ses obligations
vis-à-vis des instances multilatérales.
Ainsi, tous les États parties à la convention-cadre des Nations unies
sur les changements climatiques (CCNUCC) ont l’obligation de
transmettre au secrétariat de la Convention un inventaire annuel de leurs
émissions de gaz à effet de serre. À
cette fin, la France s’est dotée au début
des années 2010 d’un cadre réglementaire à travers le
« Système national
d’inventaires d’émissions et de bilans dans l’atmosphère
». La réalisation
de cet inventaire qui relève de la responsabilité du ministère chargé de la
transition écologique, est assurée par une association, le Centre
interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique
(Citepa) qui se conforme à la méthodologie établie par le Giec. Le rapport
annuel sur les émissions réalisé par le Citepa évalue ces émissions et leur
évolution par sous-
secteur d’activité
et permet de réaliser des comparaisons
d’une année sur l’autre
.
À cet inventaire annuel s’ajoute un autre inventaire biennal (dit
rapport biennal), également transmis par la France au secrétariat de la
CCNUCC, qui permet d’évaluer les efforts réalisés en termes de réduction
des émissions. Il fait l’objet d’une analyse
par des experts internationaux.
Dès 2024, la France, comme les autres États parties, devra se conformer au
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
37
cadre de transparence renforcé prévu par l’article 13 de l’Accord de Paris,
pour déclarer ses émissions, mais également pour décrire plus précisément
les mesures prises pour les réduire.
Par ailleurs, en application de l’article du règlement (UE) 2018/1999
sur la g
ouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action climatique, la
France a produit en mars 2020 son plan national intégré énergie-climat
(PNIEC) pour la période 2021-2030, selon la forme et les modalités
prescrites par le règlement. Une version actualisée doit être produite en
2023 et le cas échéant en 2024. En application de l’article 15 du même
texte, une stratégie de long terme conforme à l’
objectif de neutralité
climatique de l’Union européenne énoncé à l’article 2, paragraphe 1, du
règlement (UE) 2021/1119 a été établie et communiquée à la Commission.
En application de l’article 18 du règlement précité, il revient à la
France de produire tous les deux ans (années impaires) une trajectoire
tendancielle des émissions de gaz à effet de serre nationales jusqu’en 2050
(scénario
« avec mesures existantes »
ou AME).
2 -
Un développement des contentieux climatiques
à prendre en compte
Devant la persist
ance d’une mauvaise qualité de l’air et du
dépassement de valeurs limites de polluants dans l’atmosphère, le juge peut
enjoindre l’élaboration et la mise en œuvre de plans relatifs à la qualité de
l’air afin de ramener le plus rapidement possible ces pollu
ants sous les
valeurs limites, le cas échéant sous astreinte, et s’assurer de l’exécution de
sa décision (CE, 12 juillet 2017,
Les amis de la Terre,
n° 394254 puis CE,
10 juillet 2020, 4 août 2021, 17 octobre 2022 n° 428409).
Reconnaissant la valeur prescriptive et non plus programmatique
des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre figurant
dans la loi, le juge
vérifie désormais que l’État a pris ou entend prendre
toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de
gaz
à effet de serre produites sur le territoire de manière à respecter les
obligations consenties. Dans l’hypothèse où les mesures ne sont pas
regardées comme permettant d’atteindre
les objectifs, il prononce une
injonction, le cas échéant sous astreinte (en dernier lieu, CE, 10 mai 2023,
Grande-Synthe,
n° 467982). D
ans cette affaire, le Conseil d’État a
relevé
les différences d’approches entre la Direction générale de l’énergie et du
climat (DGEC) et le HCC concernant les gains d’émissions de gaz à effet
de serre espérés. Cette divergence est en voie de résolution (cf. III-A).
COUR DES COMPTES
38
Ces évolutions jurisprudentielles doivent inspirer la définition des
dispositifs de suivi et d’évaluation pour tenir compte notamment du
caractère contraignant et non plus seulement programmatique des objectifs
chiffrés.
II -
Une nécessaire prise en compte
de la stratégie nationale bas carbone
et de la planification écologique
Faut-il évaluer, en regard des objectifs climatiques, une loi en tant
que telle, une politique, un plan ou un programme ? Toutes les mesures ou
certaines et lesquelles ? Les plus coûteuses pour les finances publiques,
pour les ménages, pour les entreprises ? Les plus vertueuses pour
l’environnement et selon
quelles modalités de calcul
? Celles assorties d’un
objectif
chiffré,
celles
découlant
d’engagements
européens
ou
internationaux ? Celles susceptibles d’être prises en compte par le juge
pour apprécier l’effort accompli
? Ces questions doivent permettre
d’orienter la stratégie d’évaluation en regard des objectifs climatiques pour
qu’elle soit utile et proportionnée. Les pouvoirs publics disposent à ce stade
d’analyses consistantes du Haut Conseil pour le climat et des corps
d’inspection.
Au vu des manques
identifiés dans le système d’évaluation de la loi
« climat et résilience », il est indispensable de disposer de supports
d’évaluation bien adaptés à chacune des grandes phases de la vie d’une
mesure
: lors de son élaboration, lors de sa mise en œuvre et
a posteriori
lorsqu’elle aura produit ses effets.
Toute évaluation doit être réalisée en
regard d’un référentiel qui
,
en l’occurrence
, devrait être pour le climat la
stratégie nationale bas carbone et le volet climatique de la planification
écologique.
A -
Un choix raisonné du champ, de l’intensité
et de la temporalité des évaluations en regard
des objectifs climatiques
Si l’évaluation
ex ante
doit juridiquement être effectuée sur
l’ensemble d’un projet de loi, il peut en aller différemment pour en éval
uer
les effets. Quand la loi porte sur de nombreuses politiques et comporte des
mesures nouvelles, des dispositions modificatives de lois antérieures et que
ses propres dispositions
sont rapidement modifiées comme c’est le cas pour
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
39
la loi « climat et résilience », il peut apparaître plus efficient de réaliser une
évaluation
ex post
centrée sur un ou plusieurs dispositifs ou de mesurer leur
contribution au respect des budgets carbone sectoriels. En tout état de
cause, à supposer que cela soit possibl
e, il n’apparaît pas pertinent
d’évaluer chaque année l’ensemble des dispositions de la loi.
1 -
Définir une méthode d’évaluation
ex ante
des projets de loi
en regard du climat
Le contenu des évaluations
ex ante
est précisé par un mémento du
secrétariat général du gouvernement r
elatif à l’élaboration des études
d’impact
24
. Outre la présentation des objectifs poursuivis par le texte, la
comparaison d’options
et
l’articulation au droit de l’Union européenne,
l’étude d’impact évalue les conséquences économiques, f
inancières,
sociales et environnementales de la réforme, les coûts et bénéfices
financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie
d’administrations publiques et de personnes physiques et morales
intéressées, ainsi que les conséquences des dispositions envisagées sur
l’emploi public. Le Gouvernement doit expliciter le cas échéant la méthode
de calcul retenue
25
et faire état du résultat des consultations obligatoirement
menées. Cet outil comporte les rubriques nécessaires et offre donc toute la
souplesse pour développer si nécessaire un volet climatique.
Complétant ce cadre très structurant, la représentation nationale et
le Gouvernement disposent des recommandations du Haut Conseil pour le
climat sur l’évaluation des projets de loi en regar
d des objectifs climatiques
(cf.
supra
). L’exécutif peut s’appuyer de surcroît depuis février 2023 sur
les recommandations du rapport
de l’Inspection générale des finances
(IGF)
et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement
durable (IGEDD), non publié,
Évaluation de l’impact environnemental des
projets de lois
. Ces travaux convergent sur l’idée que toutes les lois ou
toutes les mesures ne doivent pas faire l’objet d’une évaluation en regard
des objectifs climatiques et qu’une méthode de
sélection doit être définie.
À ce stade, les deux rapports précités proposent toutefois une technique de
sélection et des critères différents. En outre, ces deux rapports, rejoints sur
ce point par la DGEC mais non par le CGDD, recommandent également
l’év
aluation des effets environnementaux et climatiques après la
promulgation de la loi et donc une actualisation de l’étude d’impact, pour
appréhender les mesures intégrées par voie d’amendement au Parlement.
24
Mémento pratique : Comment rédiger une étude d’impact ?
, accessible sur
Légifrance.
25
Voir pour une présentation exhaustive Guide de légistique, 1.1.2. Études d’impact,
p. 12 et s.
COUR DES COMPTES
40
Au vu
de l’intérêt d’opter pour une méthode
réaliste, certaines des
solutions proposées par le HCC et par la mission IGEDD-IGF, notamment
sur la sélection des textes à évaluer et l’actualisation de l’étude d’impact
avant publication de la loi, présentent un très haut niveau d’exigence et
impliqueraient u
ne grande capacité d’anticipation et des moyens
conséquents.
I
l revient au Gouvernement de fixer désormais le cadre de l’évaluation
en regard des objectifs climatiques des projets de lois. En écho aux
observations formulées par le HCC dans son avis du 21 février 2021, la Cour
souligne l’apport que constituerait la présentation d’une estimation chiffrée
(cf
. infra
), par mesure ou groupe de mesures et au total, des réductions
d’émissions de g
az à effet de serre attendues, des dépenses publiques
associées et dans la mesure du possible, des coûts induits pour les ménages,
les entreprises et les collectivités.
Au terme de la contradiction, le Gouvernement a répondu à la Cour
qu’un travail était en cours pour élaborer un nouveau cadre d’évaluation de
l’impact environnemental des lois visant à améliorer sa qualité, sa
robustesse et sa cohérence avec les travaux de planification écologique.
L’objectif est de rendre ce cadre opérationnel courant 2024.
2 -
Reconsidérer le besoin d’évaluation globale
in itinere
et
ex post
de la loi
L’évaluation globale
in itinere
et
ex post
de la loi est rarement
obligatoire et son intérêt, en particulier en regard des objectifs climatiques,
mérite d’être analysé.
Peu de lois prévoient l
évaluation chaque année de l
’ensemble
de leurs
dispositions.
L’article 221
de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la
croissance et à la transformation des entreprises (dite loi PACTE) prévoit
l’instauration d’un comité d’évaluation
auprès du Premier ministre dont le
pilotage est confié à France Stratégie. Associant des parlementaires de la
majorité et de l’opposition, des experts issus du milieu académique et des
parties prenantes des réformes, le comité remet avant le dépôt du projet de
loi de finances un rapport annuel portant sur les effets économiques,
l’appropriation par les acteurs concernés et les éventuels effets indésirables
des réformes portées par la loi. Le comité d’évaluation, également chargé
de l’assistance du Parlement dans le suivi de l’application et dans
l’évaluation de la loi, a ainsi remis un premier
rapport méthodologique en
2019 puis trois rapports en 2020, 2021 et 2022.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
41
Par ailleurs, également placé auprès du Premier ministre, un comité
a été chargé de préparer et de
conduire l’évaluation du plan France Relance,
le suivi de la mise en œuvre du plan restant du ressort du comité national
de suivi de la relance. Ce comité réalise une évaluation
ex post
de l’impact
socio-économique et environnemental du plan, en se concentrant sur une
liste limitée de mesures qu’il est chargé de définir en se fondant sur des
critères de coût pour les finances publiques, d’impact attendu et de
faisabilité méthodologique. France Stratégie en assure le secrétariat avec
l’aide de l'Inspection générale des finances sur certains dispositifs.
Au vu de ces exemples, la méthode retenue cible dans chaque cas
l’évaluation de politiques ou de mesures destinées à produire des effets de
manière autonome.
Par ailleurs, lors du premier Conseil de défense écologique, le
Gouvernement avait pris l’engagement d’évaluer les grandes lois
d’orientation (LOM, ELAN et EGALIM) sous l’angle de leurs impacts sur
les gaz à effet de serre un an après leur entrée en vigueu
r. L’évaluation à
n+1 proposée par le Gouvernement avait été reçue de manière nuancée par
le HCC, convaincu de l’utilité d’apprécier la cohérence de ces textes avec
la stratégie nationale bas carbone ainsi que leur contribution à celle-ci mais
considérant
le délai d’un an pour réaliser ce travail comme trop bref. Seule
l’évaluation de la loi LOM semble avoir été réalisée et le conseil lui
-même
ne s’est pas réuni depuis le 27 juillet 2020.
Ces différentes expériences tendent à montrer qu’une loi ne
constitue
pas nécessairement le meilleur objet d’évaluation, notamment en
regard des objectifs climatiques, et qu’il y a place, dans la réflexion sur le
système d’évaluation de la transition écologique lancée par le titre VIII de
la loi climat et résilience, pour un travail de définition des champs et des
objets d’évaluation les plus pertinents sous l’impulsion du
secrétariat
général à la planification écologique (SGPE).
Par exemple, il apparait plus intéressant de suivre les effets produits par
les mesures relatives à la rénovation du parc résidentiel dans le cadre du suivi
de
la
stratégie
nationale
bas
carbone
au
moyen
de
l’indicateur
« Investissements en faveur du climat dédiés à la rénovation énergétique de
l’ensemble du parc résidentiel » (B2 IP1)
26
ou du plan d
’action consolidé par
le SGPE et du levier « Isolation résidentiel »
27
que dans le cadre d’une
évaluation annuelle de l’ensemble des articles de la loi
« climat et résilience ».
26
Données dans le rapport SECTEN annuel et rapport bisannuel de suivi de la stratégie
nationale bas carbone.
27
Le plan d’action publié par le SGPE prévoit un niveau d’émissions annuel du secteur
du logement en 2030 avoisinant 30 MtCO2e, soit plus de deux fois plus faible qu’en
2022, en escomptant de la rénovation du parc la capacité de contribuer à hauteur de
8 MtCO
2
e à cet objectif.
COUR DES COMPTES
42
Un tel travail pourrait reposer sur deux types d’outils : d’une part,
un tablea
u synthétique annuel composé d’indicateurs de moyens et de
résultats bien choisis permettant de « faire le pont » entre les mesures mises
en œuvre et leurs effets au regard des bénéfices escomptés, d’autre part,
des travaux d’évaluation plus complets et pl
us ciblés réalisés selon une
fréquence pluriannuelle.
Une telle approche devrait permettre de réaliser des travaux
d’évaluation adaptés, d’intensité proportionnée et selon une temporalité
pertinente.
Dans le cadre du déploiement de la planification écologique,
l’exercice d’évaluation
devrait être effectué par référence à chacun des 22
chantiers
28
ou aux 52 vecteurs de la planification écologique et à la stratégie
nationale bas carbone (et le cas échéant à un plan sectoriel
29
). Évaluer des
mesures législatives en se référant aux actions, aux objectifs et aux
indicateurs prévus dans les plans et stratégies préexistants, et en l’espèce la
planification écologique et la stratégie nationale bas carbone (SNBC) doit
permettre de pre
ndre en compte l’ensemble des éléments
utiles.
Sans qu’il soit parfait et complet, le modèle que constitue le site
internet de suivi des mesures de la Convention citoyenne pour le climat
30
est intéressant, en ce qu’il s’efforce de suivre la mise en œuvre co
ncrète
des propositions rassemblées dans leurs cinq thématiques
31
en citant,
notamment, les textes publiés y contribuant
32
.
28
Dans le cadre de la contradiction, le SGPE a déclaré partager cette idée tout en notant
que cette grille initiale pourrait être ajustée et précisée au regard de l’e
xpérience acquise
depuis un an, puis être stabilisée. Ce cadre a vocation à couvrir l’ensemble des mesures
concourant à l’atteinte des objectifs fixés pour la transition.
29
L’article L. 255
-1-
1 du code rural et de la pêche maritime tel qu’il résulte de la
loi
climat-résilience prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les
modalités de suivi du plan d’action national en vue de la réduction des émissions
d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux usages d’engrais azotés minéraux.
30
Accueil - Suivi de la Convention citoyenne pour le climat (ecologie.gouv.fr).
31
Consommer, Se déplacer, Se loger, Se nourrir, Produire et travailler.
32
Les leviers de mise en œuvre des 146 mesures retenues sont les suivants : loi climat
et résilience (62), France Relance (39), Autres modalités (38), Europe et international
(24), loi de finances (14), loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (13), autres
lois (6), loi d’orientation des mobilités (5), Constitution (1), France 2030 (1), Loi
parquet européen (1), tout en précisant que des mesures peuvent être portées par
plusieurs vecteurs.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
43
B -
Une nécessaire stabilité des données
et des instruments d’évaluation
La possibilité d’évaluer les lois ou des mesures dépend de la col
lecte
des données nécessaires à l’évaluation dans un délai raisonnable. Il
convient donc d’assurer une collecte suffisamment régulière des données
permettant l’évaluation des lois en regard des objectifs climatiques
. Le
besoin en données supplémentaires doit être identifié dès la phase de
conception des lois.
Quel que soit son champ et sa temporalité, l’évaluation implique de
disposer des données fiables et comparables dans le temps permettant de
fixer des objectifs partagés par tous les acteurs, d’en con
trôler la réalisation
et de s’assurer que les moyens mobilisés sont proportionnés aux bénéfices
attendus.
Plusieurs dispositifs contribuant à la transition écologique ou
politiques environnementales examinées par la Cour (cf. encadré
infra
)
montrent que ces principes sont peu respectés. Les lois et plans
environnementaux, dont la fréquence de présentation s’est accélérée avec
la prise de conscience des enjeux climatiques, fixent bien des objectifs de
réduction
des
polluants,
de
décarbonation
et
d’adaptatio
n
au
réchauffement. Mais peu de ressources sont mobilisées pour les fonder sur
des données fiables, pour vérifier qu’ils sont pertinents et pour contrôler
selon un rythme annuel qu’ils sont bien mis en œuvre
33
.
La multiplication des sources d’information n
uit à la lisibilité des
politiques. I
l n’est pas envisageable de disposer d’un unique tableau de
bord car l
’intérêt
de
plusieurs niveaux d’information, du plus synthétique
(baromètre des résultats de l’action publique) au plus exhaustif
(160 indicateurs de la SNBC
34
) est indéniable. Cependant, il paraît
souhaitable de ne pas multiplier les sources disponibles mais d’assurer le
suivi et la cohérence des instruments entre eux.
33
Cour des comptes,
Apprécier la contribution de la dépense publique à la transition
écologique,
Notes thématiques, contribution à la revue des dépenses publiques,
juillet 2023.
34
1. S’engager dans la planification écologique et la territorialiser / 2. Devenir la
première grande économie décarbonée avec des transports propres / 3. En finir avec les
passoires thermiques et renforcer la performance énergétique des bâtiments / 4. Devenir
la première grande économie décarbonée en mobilisant la finance et l’industrie /
5. Réduire les déchets et développer massivement l’éco
nomie circulaire / 6. Devenir la
première grande économie décarbonée grâce à de nouvelles sources d’énergie propre /
7. Protéger et restaurer la nature, les écosystèmes et les espèces.
COUR DES COMPTES
44
Le suivi dispersé des politiques en regard
des objectifs climatiques
Créé en janvier 2021, le baromètre des résultats de l’action publique
présente l’avancement des politiques prioritaires du Gouvernement au
niveau national et dans les territoires. À la fin de l’année 2022, selon ce
baromètre, 78 % des cibles fixées en 2020 auraient été atteintes. Ces
informations ne sont plus vérifiables sur le site du baromètre de l’action
publique, qui ne conserve pas ces informations.
Le site ne présente pas non plus le suivi des 60 politiques prioritaires
du Gouvernement et des feuilles de route interministérielles des préfets qui
devaient, en application de la circulaire de la Première ministre n°6373 / SG
du 19 septembre 2022, être suivis
via
l’outil Pilote et des tableaux de bord
territorialisés. Annexée à la circulaire précitée, la liste des 60 politiques
prioritaires du Gouvernement comprenait 7 politiques sous l’axe «
Réussir
la transition écologique et aller vers la neutralité carbone »
35
.
Le Gouvernement a publié le 26 avril 2023 une nouvelle feuille de
route intitulée
« Les priorités du Gouvernement pour une France plus
indépendante et plus juste »
classées en quatre axes : I. Atteindre le plein
emploi et réindustrialiser la France, II. Planifier et accélérer la transition
écologique, III. Bâtir de nouveaux progrès et refonder nos services publics,
IV. Renforcer l’ordre républicain et encourager l’engagement.
À l’été 2023,
comme indiqué plus haut (voir chapitre I, II.B.2), le
baromètre de l’action publique présentait cinq
priorités de la planification
écologique.
Les mesures d’impact des réformes présentées concernent quant à
elles le plan vélo,
MaPrimeRénov
, les aides pour passer à la voiture
électrique, le renforcement de la lutte contre les atteintes à l’environnement
et la lutte contre le gaspillage et le renforcement du recyclage.
En juillet 2023, le secrétariat général à la planification écologique a
par ailleurs publié une première esquisse illustrative du tableau de bord de la
planification écologique
36
avec une série d’indicateurs, sans toutefois préciser
ce qui avait présidé à cette sélection et quelles étaient les sources mobilisées.
35
1. S’engager dans la planification écologique et la territorialiser /
2. Devenir la
première grande économie décarbonée avec des transports propres / 3. En finir avec les
passoires thermiques et renforcer la performance énergétique des bâtiments / 4. Devenir
la première grande économie décarbonée en mobilisant la finance et
l’industrie /
5.
Réduire les déchets et développer massivement l’économie circulaire / 6. Devenir la
première grande économie décarbonée grâce à de nouvelles sources d’énergie propre /
7. Protéger et restaurer la nature, les écosystèmes et les espèces.
36
La planification écologique, SGPE, site Internet.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
45
Pour accompagner la transition écologique, il est nécessaire
d’améliorer l’information des pouvoirs publics et des citoyens et pour ce
faire, de définir, rendre publique et mettre en œuvre une stratégie
d’évaluation stable et économe en moyens pour l’administration en
combinant un suivi annuel et un cycle pluriannuel d’évaluations.
Ceci plaide pour une concertation, sous l’impulsion du SGPE, de
l’ensemble des parties afin de définir le cadre d’évaluation de la
planification écologique.
III -
Des méthodes et une gouvernance
de l’évaluation à définir de manière concertée
Pour répondre au besoin d’évaluation de manière pertinente, il est
indispensable que l’
État détermine avec clarté et précision une
méthodologie consensuelle parmi les options existantes (A), en tenant
compte en particulier des enjeux économiques et budgétaires (B). Une
gouvernance associant l’ensemble des acteurs concernés, y compris la
Cour des comptes dans le respect de ses missions, devra permettre de
conduire cette démarche évaluative dans la durée (C).
A -
Développer et partager une méthode
et des instruments d’évaluation climatique
De nombreux travaux académiques et rapports exposant les qualités
exigées d’un système d’évaluation et de son fonctionnement
sont
disponibles, notamment en regard des objectifs climatiques. Ces travaux
peuvent nourrir la réflexion et doivent surtout aboutir à des choix de la part
des pouvoirs publics car il ne paraît pas souhaitable que perdurent, compte
tenu des enjeux, des div
ergences d’analyse entre les acteurs les plus
compétents et les plus influents de la transition écologique.
Dans le rapport réalisé à la demande du Gouvernement en 2019
Évaluer les lois en cohérence avec les ambitions
, le Haut conseil pour le
climat renvoyait au Gouvernement et au Parlement la définition des
modalités opérationnelles de l’évaluation et de leur mise en œuvre. Près de
quatre années ont passé sans que ce travail ait été mené à bien et des
analyses différentes persistent.
S’agissant de l’évaluation quantifiée des
émissions de gaz à effet de serre évitées, le Haut Conseil pour le climat,
COUR DES COMPTES
46
dans son avis rendu sur le plan France Relance en décembre 2020
37
, a
exprimé ses réserves à l’égard de la méthode élaborée par la direction
générale du Trésor et le CGDD et reposant, sans que selon lui les détails
méthodologiques aient été fournis, sur un contrefactuel hypothétique «
marron », c’est
-à-dire qui ne contiendrait aucune mesure de verdissement,
alors que la France est engagée dans la transition écologique. Pour le HCC,
cette approche ne respecterait pas les critères d’une bonne évaluation de
politique publique et ne suivrait pas ses recommandations. L’évaluation
des émissions de gaz à effet de serre évitées devrait selon le HCC permettre
de qual
ifier la cohérence des mesures avec l’objectif de neutralité carbone,
en s’appuyant sur la trajectoire
de la stratégie nationale bas carbone.
Concernant les méthodes de cotation environnementale des
dépenses en fonction de leur caractère favorable ou défavorable à la
transition écologique, le Haut c
onseil pour le climat, dans l’avis précité,
relève que l’application au plan de relance de la méthode proposée en 2019
par
l’IGF
et le CGEDD pour l’annexe au projet de loi de finances
dénommée « budget vert »
38
conduit à ce que deux tiers des dépenses du
plan soient cotées « neutres » par rapport à l’existant. Pour le
HCC, une
telle cotation est discutable, aucune mesure n’étant réellement neutre en
termes d’émissions. Une évaluation du plan au regard
des indicateurs de la
stratégie nationale bas carbone
permettrait d’apporter, selon lui, un
éclairage dynamique complémentaire.
Comme l’a montré depuis le rapport que la Cour a consacré à la prise
en compte de l’environnement dans le budget et les comptes de l’État
39
,
d’autres techniques de cotation existent, auxquelles il est possible d’ajouter
celle développée par le comité de surveillance des investissements d’avenir
(CSIA) et la direction de l’évaluation du secrétariat général pour
l’investissement (SGPI), pour qualifier la contribution à l’objectif
d’atténuation du changement climatique des investissements prévus par le
plan France 2030
40
.
37
Haut conseil pour le climat,
France relance : quelle contribution à la transition bas-
carbone,
Décembre 2020.
38
CGEDD, IGF,
Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation
environnementale,
2019.
39
Cour des comptes,
La prise en compte de l’environnement dans le budget et les
comptes de l’État,
S2023-0746.
40
Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA),
France 2030
Lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs
, première
évaluation
in itinere
, p. 138 et s., juin 2023.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
47
L’examen de la stratégie d’évaluation de la planification écologique
devrait permettre de valider un ensemble de modèles et de pratiques fiables
pour tous les acteurs afin qu’ils puissent notamment rendre compte de leurs
projets et de leurs actions. Dans le cadre de la préparation du présent
rapport, la DGEC s’est exprimée
« en faveur de la co-construction du
scénario « Avec Mesures Existantes » avec le HCC pour en faire une
référence partagée ou pour demander au HCC de rendre un avis sur la
façon de le construire »
. Dans son rapport annuel de 2023, le HCC
reconnait l'intérêt du scénario « Avec Mesures Existantes » (AME) réalisé
par la DGEC et sa réalisation chaque année plutôt que tous les deux ans.
L
e besoin de méthodes permettant d’estimer ou de coter les gains
de
chaque dispositif en termes de réduction de gaz à effet de serre existe, tant
pour les politiques publiques que pour des projets beaucoup plus modestes
qui pourraient à l’avenir être financés en fonction de leur effet escompté
sur le bilan carbone.
B -
Intégrer des instruments d’évaluation du coût
et de l’impact économique des mesures
Trop longtemps l’enjeu climatique n’a été traité que dans une
perspective de long terme sans réflexion sur les enjeux économiques
immédiats de la transition climatique ni sur la programmation pluriannuelle
des financements. Avec la loi climat et résilience, une série de décisions
concrètes a été prise dans la dynamique de la convention citoyenne sur le
climat
mais sans s’assurer que la somme de ces décisions permette bien
d’atteindre l’objectif fixé. Ce n’est que depuis 2022 que l’État a choisi une
méthode, celle de la planificati
on écologique, et qu’ont commencé d’être
mis en place les instruments correspondants.
Pour permettre aux parlementaires de disposer d’une visibilité
pluriannuelle des besoins de financement et accroître la connaissance de
l’impact économique et social des
investissements publics, il est
indispensable de bien identifier les coûts et de définir des méthodes
consensuelles de chiffrage de ces coûts, tant au niveau opérationnel qu’à
celui du budget global de l’action climatique, mais aussi aux niveaux
national et territorial. Il est également important de pouvoir comparer le
coût des actions avec celui de l’inaction. Si l’évaluation du coût des
mesures à mettre en œuvre est complexe, la question de l’évaluation du
coût de l’inaction et des bénéfices de la sobrié
té est tout aussi difficile mais
essentiel.
COUR DES COMPTES
48
L’intégration d’instruments d’évaluation du coût et de l’impact
économique des mesures devrait également procéder d’une plus grande
interaction entre trajectoire des finances publiques et
trajectoire de l’
action
climatique
41
.
Si elles ont gagné en transparence, les politiques budgétaires et
fiscales manquent en effet de cohérence au regard des objectifs de
transition écologique. L’engagement pluriannuel de l’État en faveur de la
transition écologique reste à étayer. Ces engagements financiers pourraient
prendre la forme d’une loi de programmation pluriannuelle sur la transition
écologique
ou
figurer
dans
les
principales
stratégies
nationales
environnementales, comme la stratégie nationale bas carbone ou la
stratég
ie biodiversité. À l’automne 2023, l’article 9 de
la loi de
programmation des finances publiques 2023-2027, adoptée le 15 novembre
2023,
modifie substantiellement l’article L. 100
-
1 A du code de l’énergie
dans le sens préconisé précédemment par la Cour
42
. I
l prévoit, d’une part,
que la loi quinquennale de programmation de l’énergie précise
« 7° La
programmation des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs
mentionnés aux 1° à 6° du présent I »
. Il précise
, d’autre part, que
« Le
Gouvernement transmet chaque année au Parlement, avant le début de la
session ordinaire, une stratégie pluriannuelle qui définit les financements
de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. Cette
stratégie est compatible avec les objectifs mentionnés aux 1° à 6° du I. du
présent article ainsi qu’avec la programmation des moyens financiers
mentionnés au 7° du même I. Elle peut donner lieu à un débat à
l’Assemblée nationale et au Sénat
»
43
.
Compte tenu du niveau nécessaire des investissements « climat »
des collectivités d'ici à 2030 pour atteindre les objectifs de la stratégie
nationale bas carbone
44
et du financement par l’État de la transition
écologique des collectivités territoriales, le cadre d’évaluation à mettre en
œuvre ne serait pas comple
t sans un volet territorial avec une évaluation et
une mesure de l’impact environnemental de leurs investissements.
41
Une relative accélération des financements de certaines mesures de la loi climat et
résilience a été mise en œuvre grâce au plan de relance.
42
Cour des comptes,
Apprécier la contribution de la dépense publique à la transition
écologique
, Notes thématiques, contribution à la revue des dépenses publiques,
juillet 2023.
43
Le 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi par plus de
60 députés, en application de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution (2023-857 DC).
44
I4CE,
Collectivités
: les besoins d’investissements et d’ingénierie pour la neutralité
carbone
, octobre 2022. L'institut de l'économie pour le climat estime que les
investissements climat des collectivités devraient s’élever à
12
Md€ par an d'ici à 2030
pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Elles
investissent 5,5
Md€ par an aujourd’hui ce qui sous
-entend une augmentation de
6,5 milliards d'euros par an.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
49
La Cour insiste sur l’importance du volet financier de l’évaluation
et sur la nécessaire mise en place d’instruments fiables,
stables et partagés
d’évaluation du coût et de l’impact économique des mesures permettant
d’atteindre la
stratégie nationale bas carbone.
C -
Adapter la gouvernance
Les qualités attendues d’un dispositif d’évaluation répondant aux
meilleurs standards rappelés par le HCC et par les principaux travaux
mentionnés ici déterminent en partie la gouvernance du système.
1 -
Une gouvernance efficiente de l’évaluation à définir
Tous les acteurs sont demandeurs d’un système d’évaluation de la
transition écologique au sens large et ch
acun d’entre eux esquisse des
orientations en fonction de ses besoins ou de son approche. Plus largement,
la gouvernance de la transition écologique connaît de grands changements
et un rapport des corps d’inspection sur la gouvernance de la
stratégie
nationale bas carbone est en cours.
Les relations entre les différents acteurs demandent à être réajustées,
comme en témoigne l’avis rendu le 4 mai 2023 par le conseil national de
la transition écologique sur le projet de loi relatif à l’industrie verte qui
reg
rettait une nouvelle fois la transmission du projet de loi et de l’étude
d’impact dans des délais incompatibles avec un bon examen des
dispositions et alertait sur une dégradation du dialogue pour lequel le
conseil national avait été créé.
De même, les tr
avaux parlementaires qui ont abouti à l’article 298
de la loi « climat et résilience » avaient révélé des approches différentes :
le Sénat était favorable au rôle renforcé du HCC ou avait envisagé de
confier au Haut-commissariat au plan la coordination des organismes et
institutions procédant à l’évaluation de la
stratégie nationale bas carbone et
la coordination et le suivi des mesures prévues par la loi « climat et
résilience ». Il avait aussi été question de confier au HCC le soin de définir
les mesures
à prendre pour atteindre l’objectif de
- 55
% d’émissions de
gaz à effet de serre en 2050, le Gouvernement s’étant opposé à ce rôle
prospectif.
La mission flash de l’Assemblée nationale estime nécessaire de
renforcer le rôle du Parlement dans le suivi des engagements climatiques
et recommande pour ce faire de renforcer le lien entre le Parlement et le
HCC (présentation du rapport annuel au Parlement par la présidente du
COUR DES COMPTES
50
HCC, débat organisé par le Gouvernement dans lequel il présenterait les
suites qu’il ent
end donner aux recommandations du HCC sur le fondement
de l’article 50
-1 de la Constitution), de créer une instance de suivi
spécifique
au sein de l’Assemblée nationale, d’élargir les compétences de
la commission du développement durable et de l’aménagemen
t du territoire
aux domaines du climat, de l’énergie et de la forêt, et de former tous les
députés en matière d’écologie. À noter qu’il n’est fait aucune référence aux
travaux de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques
(OPECST), à la MEC (mission d’évaluation et de contrôle)
placée auprès de la commission des finances de l’Assemblée nationale
depuis 1999 et chargée d’évaluer chaque année les résultats de certaines
politiques publiques ou au comité d’évaluation et de con
trôle des politiques
publiques (CEC
45
, articles 146-
2 et s. du Règlement de l’Assemblée
nationale) créé en 2009 et dont le champ des missions est notamment
d’assurer l’évaluation de politiques transversales relevant de plus d’une
commission permanente.
La planification écologique aura vraisemblablement des effets sur le
panorama des acteurs institutionnels et la construction d’un système de
pilotage
et
d’évaluation
satisfaisant
nécessitera
de
redéfinir
les
compétences et le positionnement des acteurs désormais coordonnés par le
secrétariat général à la planification écologique, placé auprès de la
Première ministre.
Il paraît difficile de progresser sans qu’un travail de réflexion
commun soit mené et sans que soient réglés certains écarts de conception
entre acteurs institutionnels. De même, la question des compétences et des
moyens du HCC
46
mérite d’être considérée au regard de l’importance
accrue des sujets climatiques mais aussi du niveau de prise en compte des
avis rendus par le Haut Conseil.
45
Le champ de ses missions a été défini par le Conseil constitutionnel (décision n°2009-
581 DC du 25 juin 2009
: i) il assure l’évaluation des politiques publiques transversales,
ii) est tenu informé des conclusions des missions d’information, iii) formule
des
propositions pour l’ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle et à
l’évaluation, iv) réalise l’évaluation préalable d’un amendement d’un député ou d’une
commission saisie au fond.
46
Jusqu’à fin 2022, le HCC, en plus des 13 membres qui le composent, disposait d’un
secrétariat de six équivalents temps plein. La loi de finances pour 2023 a doublé cet
effectif pour le porter à 12 équivalents temps plein.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
51
2 -
L’indispensa
ble association des collectivités territoriales
à la faveur du déploiement en cours de la planification écologique
Un quart des émissions de gaz à effet de serre est lié aux
compétences des collectivités territoriales, un autre quart aux citoyens, et
une moitié dépend des entreprises. L
’État a donc besoin de s’appuyer sur
les collectivités territoriales qui cherchent, elles aussi, à engager cette
même dynamique à l’échelle de leurs territoires, à travers les
plans climat-
air-énergie territoriaux (PCAET) pour les intercommunalités, et le Schéma
régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des
territoires (Sraddet) pour les régions.
Ce cadre d’action territorial est amené à évoluer. Le Gouvernement
annonce en effet le déploiement sous l’égid
e du secrétariat général à la
planification écologique, de conférences des p
arties (COP) à l’échelle du
territoire régional. Celles-ci devraient être réunies dans les prochains mois
pour
établir, à partir d’un cadre méthodologique proposé par l’État, un
di
agnostic partagé ainsi que des plans d’actions afin d’atteindre les
objectifs adoptés territorialement en cohérence avec les objectifs
nationaux. Au terme de cette démarche, d'ici l’été 2024, chaque préfet de
région devra communiquer les choix et les engagements du territoire. Une
première estimation des coûts associés sera produite chaque fois que cela
sera possible.
Cette déclinaison territoriale de la planification écologique a
vocation, selon le Gouvernement, à s’appuyer sur les
Contrats de relance
et de transition écologique « nouvelle génération », rebaptisés « contrats
pour la réussite de la transition écologique », qui deviendraient le cadre de
référence pluriannuel d’accompagnement de la mise en œuvre des projets
de territoire pour parvenir, à l’échelle du bassin de vie, aux objectifs
collectivement choisis lors des conférences des parties.
Pour intégrer la déclinaison territoriale dans le cadre de l’évaluation
climatique, l’identification et le suivi d’indicateurs concrets, pertinents,
lisibles et opérationnels doivent être prévus dès l’origine. Ce travail
implique différents acteurs (collectivités et opérateurs tels le Cerema,
l’Ademe, l’ANCT). De nombreux indicateurs figurent déjà dans les
documents de planification, il s’agit de bien les choisir à l’issue d’un travail
de rationalisation et d’harmonisation.
Un des enjeux est de généraliser une méthodologie pour la
construction des indicateurs des schémas territoriaux et des documents de
planification afin de pouvoir les consolider et les comparer.
COUR DES COMPTES
52
En théorie, décliner les trajectoires sectorielles d’émissions de
gaz à
effet de serre par territoires permettrait de renforcer le pilotage climatique
territorial et de mobiliser l’ensemble des acteurs locaux. Toutefois, les
émissions territoriales ne correspondent pas toutes, ou pas exclusivement,
au périmètre de compétences des collectivités qui la composent
47
et les
mesures nécessaires pour réduire les émissions de ces gaz dans leur
territoire peuvent relever de la responsabilité du Gouvernement, des
entreprises
voire
des
ménages.
De
nombreux
changements
de
comportements (décision de rénovation thermique, modification des
comportements alimentaires) peuvent être provoqués par des mesures à
portée nationale (normes, fiscalité, campagnes de promotion, etc
.
).
Or, certaines mesures sectorielles ne peuvent pas être prises au
n
iveau territorial. C’est le cas par exemple de nombreuses mesures de
décarbonation de l’industrie, pour laquelle les stratégies d’implantation ou
de transformation des outils de production ont plutôt vocation à être
discutées au niveau national (voire européen), par exemple dans le cadre
des feuilles de route prévues par l’article 301 de la loi
« climat et
résilience »,
ou
la
rénovation
thermique
de
certains
bâtiments
d’administration centrale.
La mobilisation des collectivités varie avec leurs compétences et les
spécificités propres à leur territoire. Leurs actions cumulées sont toutefois
essentielles à la conduite des politiques climatiques. Cela implique que les
politiques publiques territoriales autour de ces enjeux soient cohérentes
avec l’ambition nati
onale de la planification écologique.
L’indispensable
association des collectivités territoriales à la
gouvernance est encore à élaborer et à décliner. Les tensions entre l’État et
les collectivités sur la mise en œuvre de mesures phares de la loi climat
et
résilience, comme le Zéro artificialisation nette ou les Zones à faible
émission, ont illustré ce besoin de dialogue, de transparence et de partage
d’informations, d’outils et de méthode pour y parvenir.
3 -
La participation de la Cour des comptes
à une démarche évaluative globale
À l’issue de la contradiction, et en accord avec le Gouvernement, la
Cour constate
que l’intention du législateur exprimée dans l’article 298 doit
être mise en œuvre selon des modalités à ajuster
: comme exposé dans le
présent rapport, une démarche évaluative ne peut être conduite de manière
47
Seules les émissions liées à leur patrimoine, la gestion de leurs moyens et de leurs
ressources humaines leurs sont exclusivement imputables.
UN CADRE D’ÉVALUATIO
N DES POLITIQUES CLIMATIQUES À CONCEVOIR,
UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER
53
pertinente qu’en s’appuyant sur des prérequis indispensables, tels qu’un
périmètre défini, des données complètes et fiables, une méthodologie claire
et partagée et une gouvernance stable associant tous les acteurs concernés.
Une
évaluation annuelle de la mise en œuvre de la loi climat et
résilience, intervenant peu de temps après la promulgation de la loi,
apparaît ainsi inadaptée pour apprécier la contribution effective des
mesures prévues par la loi à l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale
bas carbone (SNBC).
La Cour peut en revanche contribuer à
l’évaluation des mesures liées
à l’action climat
ique, à la fois à travers ses activités actuelles, de sa propre
initiative ou dans le cadre de ses missions d’assistance du Gouvernement
et du Parlement, contribuant ainsi à la démarche globale autour de la loi
« climat et résilience ».
En effet, dans le
contexte ambitieux de mise en œuvre de la
planification écologique, la Cour des comptes éclaire
d’ores et déjà
l’exécutif, le Parlement et les citoyens.
Les travaux que la Cour inscrit à sa
programmation de sa propre initiative ou à la demande du Parlement dans
le cadre de l’article L
-132-6 du code des juridictions financières,
contribuent ainsi à informer les citoyens et les pouvoirs publics sur les
enjeux et la mise en œuvre de la transition écologique. De récentes
publications ont traité de la prise en
compte de l’environnement dans le
budget et les comptes de l’État, de l’appréciation de la contribution de la
dépense publique à la transition écologique, de l’adaptation au changement
climatique du parc de réacteurs nucléaires, de la rénovation énergétique des
bâtiments. Le rapport public annuel qui sera publié début 2024 sera
entièrement consacré à l’adaptation au changement climatique de
nombreuses politiques publiques
48
.
En outre, dans la perspective de mieux articuler la trajectoire des
finances publiques avec celles retenues dans le cadre de la transition
écologique, notamment dans les stratégies nationales bas carbone et
biodiversité, la Cour pourrait, suivant des modalités adaptées aux enjeux,
éclairer le Parlement, l’exécutif et les citoyens, sur l
e respect des
engagements climatiques et sur les moyens publics engagés en particulier
pour la mise en œuvre des dispositifs de la loi «
climat et résilience ».
48
Cour des comptes,
La prise en compte de l’environnement dans le budget et les
comptes de l’État
, S2023-0746 ; Cour des comptes,
Apprécier la contribution de la
dépense publique à la transition écologique
, contribution à la revue des dépenses
publiques, Juillet 2023 ; Cour des comptes,
L’adaptation au changement climatique du
parc des réacteurs nucléaires
, Communication à la commission des finances du Sénat,
Mars 2023 ; Référé 1175/22/SG du 27 octobre 2022 portant sur
la rénovation
énergétique des bâtiments
.
COUR DES COMPTES
54
De manière plus ciblée et avec une profondeur chronologique
suffisante, les juridictions financières
s’attacheront
également à évaluer
une politique publique ou un dispositif se rapportant à la transition
écologique en examinant les résultats atteints au regard des objectifs fixés
en termes de pertinence, d’efficience, d’efficacité et de coh
érence avec
d’autres politiques à l’œuvre.
Pour ce faire, e
lles s’appu
ieront sur des
travaux académiques et associeront les parties prenantes pour mieux
asseoir leurs observations.
______________________ CONCLUSION ______________________
Pour répondre à l’impératif de transparence vis
-à-vis des citoyens
et aux attentes des parlementaires, l’exécutif devrait être en mesure de
répondre à la question de savoir si les mesures prises dans le cadre des
politiques climatiques contribuent à placer la France sur les trajectoires
qu’elle s’est fixée et à quel coût, sans omettre d’évaluer les financements
et les impacts économiques et sociaux associés.
Pour ce fair
e, une réflexion sur le cadre d’évaluation en regard des
objectifs climatiques des politiques publiques relatives au changement
climatique (champ, intensité, fréquence, niveau d’exigence, moyens), sur les
méthodes de quantification ou de cotation retenues et sur la gouvernance de
l’ensemble constitue un préalable déjà largement posé par les rapports du
Haut conseil pour le climat, en veillant à y associer les collectivités
territoriales lors des conférences des parties qui devraient être organisées au
premier semestre 2024.
Parallèlement, la Cour s’assurera ex post que les trajectoires
financières de la transition écologique et au cas particulier des politiques
climatiques, permettent
d’atteindre les engagem
ents de la France en
termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle continuera
de conduire des évaluations sur des politiques ou des dispositifs
particuliers, à la demande du Parlement ou à son initiative.
_
Liste des abréviations
CNTE
...........
Conseil national de transition écologique
CRTE
...........
Contrat de relance et de transition écologique
HCC
.............
Haut Conseil pour le Climat
PCAET
.........
Plan Climat Air-Énergie Territorial
PNACC
........
P
lan national d’adaptation au changement climatique
GES
..............
Gaz à effet de serre
I4CE
.............
Institute for climate economics
(association d’intérêt général, à but
non lucratif, fondée par la Caisse des Dépôts et l’Agence Française
de Développement. Institut de recherche, il contribue par ses
analyses au débat sur les
politiques publiques d’atténuation et
d’adaptation au changement climatique).
MtCO2
.........
Millions de tonnes équivalents CO
2
PDM
.............
Plan de mobilité
PNSE
............
Plan national santé environnement
PPE
...............
P
rogrammation pluriannuelle de l’énergie
PREPA
.........
Plan
national
de
réduction
des
émissions
de
polluants
atmosphériques
SAR
..............
S
chéma d’aménagement régional
SCoT
............
Schéma de cohérence territoriale
SGPE
............
Secrétariat général à la planification écologique
SRADDET ... Schéma régional d'aménagement et de développement durable
du territoire
SNBC
...........
Stratégie nationale bas carbone
UTCATF
......
U
tilisation des terres, changements d’affectation des terres
et de la forêt
ZAN
.............
Zéro artificialisation nette
ZFE-m
..........
Zone à faibles émissions (mobilité)
Annexes
Annexe n° 1 : origine, parcours législatif et mesures de la loi climat
et résilience
..............................................................................
60
Annexe n° 2
: l’évaluation des lois en regard des objectifs
climatiques : méthode esquissée et évaluations
réalisées par le Haut conseil pour le climat
.............................
65
Annexe n° 3 : le cadre juridique, les programmes et les plans
.......................
73
COUR DES COMPTES
60
Annexe n° 1 :
origine, parcours législatif
et mesures de la loi « climat et résilience »
1. Une loi particulière par son origine et par son élaboration
En réponse au mouvement des « Gilets jaunes » né à la fin 2018, un
« grand débat national » a été lancé par le Président de la République. Il
s’est déroulé au premier trimestre 2019 afin de recueillir les souhaits de la
population sur i) la transition écologique, ii) la fiscalité et les dépenses
publiques, iii) la démocrati
e et la citoyenneté et iv) l’organisation de l’État
et des services publics.
À la suite de ce débat, le chef de l’État a souligné que
le climat
devait être au cœur du projet national et européen. La création d'un conseil
de défense écologique et d’une conv
ention citoyenne pour le climat (CCC),
organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a
été décidée. Les propositions de la CCC avaient vocation à être soumises
« sans filtre » à référendum, au Parlement ou à application réglementaire
directe.
À partir d’octobre 2019, la Convention a réuni 150 citoyens tirés au
sort chargés de définir des mesures susceptibles de réduire d’au moins
40
% les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à
1990, dans un esprit de justice sociale. Cet objectif coïncide avec les
engagements français de l’accord de Paris. Les 149 propositions de la
Convention, remises au gouvernement en juin 2020, se regroupent en
5 thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se
nourrir. Sur cet ensemble, 146 propositions ont été retenues.
ANNEXES
61
Graphique n° 1 :
m
ise en œuvre des mesures proposées
par la convention
Source : site de la convention citoyenne pour le climat
2.
Le projet de loi sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure
accélérée a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 10 février
2021 et renvoyé à une commission spéciale
composée de neuf rapporteurs
49
chargée de l’examiner
50
. Adopté par la première chambre, le texte a été
déposé sur le Bureau du Sénat le 4 mai 2021.
La chambre haute n’a pas créé de commission spéciale et a préféré
s’appuyer sur ses commissions permanentes et au premier chef sur la
commission de l’aménagement du territoire et
du développement durable,
à qui a été renvoyé l’ensemble du texte, et sur la commission des affaires
économiques qui s’est vu déléguer 86 articles
51
et a pris un avis sur
46
autres. La commission de l’aménagement du territoire et du
développement durable a nommé trois rapporteurs
52
, la commission des
49
M. Jean-René Cazeneuve , Mme Aurore Bergé , Mme Cendra Motin , M. Damien
Adam , M. Jean-Marc Zulesi , M. Mickaël Nogal, M. Lionel Causse , Mme Célia de
Lavergne et M. Erwan Balanant, rapporteurs.
50
Rapport n°3995 au nom de la commission spéciale et déposé le 19 mars 2021 : tome I
(avant-propos du rapporteur général, synthèse, liste des personnes entendues, 106 p),
tome II (commentaire des articles, 495 pages).
51
Le périmètre de délégation d’articles au fond a été défini le 19 mai 2021 (p.99
tome IV rapport n° 666 précité).
52
M. Philippe Tabarot, M. Pascal Martin et Mme Marta de Cidrac, rapporteurs du Rapport
n° 666 (2020-2021) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du
développement durable, déposé le 2 juin 2021 : tome I (Titres I à III, 399 pages), tome II
(Titres IV à VII, 359 pages), tome III (Examen du rapport en commission, 257 pages) et
tome IV (compte-rendu des travaux de la commission, 100 pages).
COUR DES COMPTES
62
affaires économiques quatre
53
. Sur les articles les concernant, trois avis ont
été rendus par les commissions respectivement chargées i) de la culture, de
l’éducation et de la communication (
avis n°635) ii) des finances (avis
n°649) et iii) des lois (Avis n°634). Les différents rapporteurs et leurs
administrateurs se sont appuyés sur de très nombreuses auditions et travaux
préparatoires ainsi que sur une consultation en ligne à laquelle 1 800 élus
locaux ont répondu.
Le projet de loi modifié par le Sénat a été adopté le 30 juin 2023 et
une commission mixte paritaire convoquée. Au terme de travaux longs et
difficiles, la CMP a pu dégager un texte commun publié le 22 août 2021.
Entré au Parlement avec 69 articles et 33 renvois à des décrets
d’application, sa version finale comportait 305 articles et 153 renvois à des
décrets d’application.
La loi climat-résilience couvre de nombreux champs thématiques
répartis en huit titres
: I. Atteinte des objectifs de l’accord de Paris et du
Pacte vert pour l’Europe, II. Consommer, III. Produire et travailler, IV. Se
déplacer, V. Se loger, VI. Se nourrir, VII. Renforcer la protection judiciaire
de l’environnement, VIII. Dispositions relatives à l’évaluation climatique
et environnementale.
3.
Chacun des titres comprend des mesures de nature,
d’ampleur et de portée environnementale variables.
La loi prévoit,
notamment les mesures suivantes :
Consommation
(information,
formation
et
sensibilisation
à
l’environnement, régulation de la publicité, vente en vrac et consigne du
verre). Notamment, la création d’une étiquette environnementale
(« éco-score ») pour les pro
duits et services, l’interdiction de la publicité
en faveur des énergies fossiles, l’expérimentation du "Oui pub" dans des
collectivités territoriales volontaires (seules les personnes ayant apposé
cette étiquette sur leur boîte aux lettres recevront des publicités papier)
et l’obligation pour les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés de
consacrer 20
% de leur surface de vente au vrac d’ici 2030.
53
M. Jean-Baptiste Blanc pour « zéro artificialisation nette », Daniel Gremillet pour le
volet énergie et mines, Mmes Dominique Estrosi Sassone pour le volet logement et
rénovation énergétique et Anne-Catherine Loisier pour les volets consommation, forêts
et alimentation
, auteurs de l’
avis n°650, comportant un tome I (844 p) et un tome II
(222 p, compte-rendu des travaux de la commission) et une synthèse et faits au nom de
la commission des affaires économiques déposé le 1
er
juin, après examen du projet par
la commission les 31 mai et 1
er
juin 2021.
ANNEXES
63
Production et travail : mise en cohérence de la stratégie nationale de la
recherche avec la Stratégie nationale bas-carbone, prise en compte de
considérations environnementales dans les marchés publics, réforme du
code minier et déclinaison de la programmation pluriannuelle
de l’énergie
en objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables.
Adaptation des salariés, des employeurs, des schémas activités
économiques à la transition écologique (développement des compétences
environnementales et accompagnement des salariés des industries
polluantes en déclin, développement de l’information environnementale
par l’entreprise, introduction d’une dimension environnementale dans
chaque schéma régional de développement économique, d'innovation et
d'internationalisation), protection des écosystèmes et de la diversité
biologique au regard du développement économique (inscription au
patrimoine commun de la Nation des écosystèmes aquatiques et marins,
de la qualité de l’eau, apposition obligatoire de filtres anti
-microfibres
plastiques dans les lave-
linges, génération de crédits carbone par l’activité
forestière, commandes d’études sur le financement des paiements pour
services environnementaux, dispositions concernant la gestion des forêts
et les professionnels de la forêt, dis
positions relatives à l’usage de l’eau,
dispositions en faveur des énergies renouvelables éolien, hydraulique,
hydrogène (modalités d’autorisation, objectifs de production, stockage,
soutiens), application de la programmation pluriannuelle de l’énergie dan
s
les outre-mer, obligations de développer les énergie renouvelables ou la
végétalisation pour les bâtiments hébergeant une activité économique.
Déplacements :
création d’ici 2024 de zones à faibles émissions (ZFE)
dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants (les voitures les
plus anciennes y seront interdites), extension de la prime à la conversion
au vélo à assistance électrique,
interdiction des vols intérieurs lorsqu’une
alternative en train de moins de deux heures trente existe, la fin en 2030
de la vente des voitures neuves les plus polluantes (qui émettent plus de
95 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre) et
intégration d’un
enseignement à l’écoconduite dans la formation des chauffeurs routiers.
Logement :
éradication
progressive
des
"passoires
thermiques",
instauration d'aides financières pour les travaux de rénovation, la
couverture de 30 % du territoire par des aires protégées. La loi fixe un
objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2050 et la réduction de
mo
itié de la consommation d’espaces à l’horizon 2031, la consommation
d’espaces étant définie comme le changement d’usage du sol, passant
d’un usage naturel, agricole ou forestier, à un usage urbanisé. L’objectif
fixé par la loi ne concerne pas uniquement le logement.
COUR DES COMPTES
64
Alimentation : menu végétarien hebdomadaire dans les cantines
scolaires dès la rentrée 2021, ainsi que la réduction d'ici 2030 de 13 %
des émissions d’ammoniac par rapport à 2005 et de 15
% de celles de
protoxyde d’azote par rapport à 2015.
Justice environnementale : le texte durcit les sanctions pénales en cas
d'atteinte
à
l'environnement,
particulièrement
lorsqu’elle
est
intentionnelle et qu’elle a des effets graves et durables. Il crée un délit
de mise en danger de l’environnement
, un délit de pollution des milieux
et un délit d'écocide pour les cas les plus graves.
Pilotage et évaluation de la transition écologique
:
titre VIII.
ANNEXES
65
Annexe n° 2 :
l
’évaluation des lois en regard
des objectifs climatiques : méthode esquissée
et évaluations réalisées par le Haut conseil
pour le climat
1. Évaluer les lois en cohérence avec les ambitions (publié
décembre 2019)
Dans son rapport annuel neutralité carbone publié en juin 2019, le
Haut conseil pour le climat recommandait que les politiques et mesures
fassent l’objet d’une évaluation systématique de leurs impacts sur les
émissions de gaz à effet de serre. Lors du premier Conseil de défense
écologique, le Gouvernement a pris l’engagement d’évaluer les grandes
lois d’orientation sous l’angle de leurs i
mpacts sur les gaz à effet de serre
(GES) un an après leur entrée en vigueur. Il a aussi été demandé au Haut
conseil pour le climat d’être le garant de la qualité des méthodes
d’évaluations mises en œuvre et de produire à ce titre «
un cadrage
préalable des méthodes à appliquer
: ce cadrage pourrait s’appuyer sur les
méthodes mises en œuvre dans d’autres pays et pourra[it] porter plus
largement sur les évaluations ex ante et ex post des projets de lois et
principales mesures d’atténuation du changement clim
atique ».
Le rapport «
Évaluer les lois en cohérence avec les ambitions
»
répond à cette demande et fixe les grandes lignes méthodologiques
attendues.
À titre liminaire, le Haut conseil souligne que l’évaluation un an
après la publication des lois limitera
les enseignements et que l’évaluation
des lois doit être pensée dès la conception pour anticiper le suivi des
impacts. Il relève que ce travail ne devrait pas être cantonné aux lois
d’orientations et aux mesures d’atténuation. Il précise enfin que si le
rapport souligne les insuffisances constatées et présente les principes à
suivre, il n’entre pas dans le détail des méthodes d’évaluation, renvoyant
au Gouvernement
et
au Parlement
la
définition
des
modalités
opérationnelles de l’évaluation et de leur mise en œuvre.
Ensuite, les principaux enseignements du rapport sont les suivants :
Toute évaluation ne peut porter ses fruits que si elle respecte des
critères de qualité bien identifiés : choix des méthodes qualitatives ou
quantitatives appropriées, transpare
nce sur les critères d’évaluation,
indépendance de l’évaluation, diffusion des résultats.
COUR DES COMPTES
66
Pour mettre en œuvre ses obligations découlant de l’accord de Paris,
la France s’est dotée d’une stratégie nationale bas carbone qui est son
référentiel d’action. L’é
valuation au regard du climat doit permettre de
déterminer la contribution positive ou négative d’un texte, d’une action
,
etc. au respect des trajectoires de la SNBC pour atteindre la neutralité
carbone.
Les évaluations doivent être réalisées tout au long de la vie de la loi,
de sa préparation à sa mise en œuvre. La littérature internationale dresse
les contours d’une organisation institutionnelle bien adaptée
qui passe par :
-
une sélection raisonnable des lois à évaluer au regard du climat grâce
à une procédure de triage comprenant une consultation des parties
prenantes dont l’avis est rendu public, des études d’impact de qualité,
une évaluation ex post conçue ex ante ;
-
la
réalisation d’une étude d’impact de qualité quand nécessaire pour
les proposit
ions de loi et les amendements, insertion d’un volet pour
apprécier les mesures au regard de la SNBC, l’actualisation de l’étude
d’impact si nécessaire avant la publication de la loi, l’éventuelle
évaluation de la qualité de l’étude d’impact sur le volet c
limatique par
une autorité indépendante. Les lois LOM, ELAN et EGALIM
54
n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation au regard de la SNBC,
l’évaluation à n+1 proposée par le Gouvernement pourrait permettre
d’initier ce mouvement
;
-
l
’évaluation
ex-
post de la mise en œuvre des mesures doit démarrer
dès l’entrée en vigueur de la loi mais l’exercice ne peut être conclusif
qu’après plusieurs années.
Un processus d’évaluation du cycle de vie des lois, du choix
d’évaluer ou non jusqu’au bilan d’applicatio
n, permet de guider la
production des lois et de démontrer leur contribution à la neutralité
carbone, ainsi qu’à piloter la SNBC.
55
Maîtriser l’empreinte carbone de la France
, Octobre 2020.
ANNEXES
67
Huit recommandations sont formulées
:
1.
l
’évaluation des lois en regard du climat doit respecter les grands
principes
d’une
bo
nne
évaluation
des
politiques
publiques :
indépendance de l’évaluateur ou de l’organe de contre
-expertise,
diffusion des résultats aux parties prenantes, proportionnalité de
l’évaluation (opérationnelle et raisonnable du point de vue des
ressources sollicitées) ;
2.
t
outes les lois ne nécessitent pas d’être évaluées en regard du climat.
Un processus de sélection transparent est mis en place ;
3.
u
ne étude d’impact détaillée, si elle est décidée, doit être réalisée par
rapport à la SNBC en considérant l’objectif d
e neutralité et les budgets
carbone, en complétant l’exposé des motifs, en identifiant les
indicateurs pertinents SNBC ;
4.
u
ne méthodologie spécifique à l’évaluation des lois en regard du climat
doit être publiée et insérée au guide de légistique. Elle porte sur
l’évaluation de la cohérence avec l’objectif de neutralité carbone et les
budgets carbone de la SNBC et s’appuie sur les indicateurs SNBC
;
5.
l
’étude d’impact est mise à jour une fois les lois promulguées
;
6.
l
e dispositif d’évaluation ex post doit être p
révu dans le texte de loi et
assurer la disponibilité des données nécessaires ;
7.
l
e processus d’évaluation ex post doit être transparent, indépendant et
doit associer les parties prenantes et être accessible au public ;
8.
le suivi des lois doit renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité
carbone : le Conseil de défense écologique prépare et adopte un
rapport annuel qui dresse le bilan, en regard de la SNBC, des lois
adoptées dans l’année écoulée ainsi que des lois éva
luées ex ante ou
ex post sur la même période.
2. Avis portant sur le projet de loi
climat et résilience
(Février 2021)
Dans le cadre de ses prérogatives fixées par la loi du 8 novembre
2019, le Haut conseil pour le climat a souhaité se prononcer sur le projet
de loi en d’appuyant notamment sur les recommandations formulées dans
son rapport sur l’évaluation des lois au regard du climat publié en décembre
2019 (cf.
supra
).
COUR DES COMPTES
68
L’avis poursuit un double objectif
: 1. étudier la contribution du
projet de loi à la SNBC (pertinence des mesures) et faire des
recommandations pour s’assurer de l’atteinte des objectifs d’atténuation
et
2. Analyser le processus d’évaluation du projet de loi (Étude d’impact et
modalités prévues dans le projet de loi) au regard du climat. Il ne constitue
pas une contre-expertise et ne juge pas la portée ou le niveau de reprise des
mesures proposées par le Convention citoyenne pour le climat.
Devant le grand nombre de mesures, notamment ponctuelles, dont
l’évaluation
est
difficile,
le
Haut
conseil
a
ciblé
l’affichage
environnemental et le secteur des bâtiments
en s’appuyant
sur les
recommandations formulées dans ses rapports sur l’empreinte carbone de
la France
55
et la rénovation énergétique des bâtiments
56
.
Sur l’ambition affichée du projet
de loi, le rapport effectue un rappel
précis et concis des engagements de réduction d’émissions de GES,
rappelle les mesures déjà prises notamment dans le plan de relance (28 Md€
des crédits favorables mais 2/3 de mesures n’introduisant pas de
changements structurels), souligne que le paquet « Fit for 55 » nécessitera
une augmentation des ambitions, relève que l’affirmation selon laquelle
112 MtéqCO2/an seront évités du fait de cette loi ne peut être appréciée en
l’absence de transparence méthodologique. L’étude d’impact ne respecte
pas les principes d’une bonne évaluation des politiques publiques
recommandée par le Haut conseil dans son rapport sur l’évaluation des lois.
En outre, la dimension « transferts justes » est absente et, contrairement à
ce que son nom peut laisser croire, le projet de comporte que deux mesures
d’adaptation (
cf. glossaire).
Le HCC recommande que l’examen au Parlement permette
d’inscrire davantage les mesures retenues dans la stratégie de
décarbonation et de revoir les calendriers pour respecter le budget carbone
2024-2028.
Sur la pertinence des mesures au regard de la SNBC, le Haut conseil
rappelle que la portée des mesures est d’autant plus forte que l’on agit sur
les pratiques les plus émettrices, que le périmètre est large et que la mise
en œuvre est rapide. Le projet de loi examiné par le HCC avant sa
transmission au Parlement comptait 69 articles que le Haut Conseil répartit
en deux catégories.
55
Maîtriser l’empreinte carbone de la France
, Octobre 2020.
56
Rénover mieux
: leçons d’Europe
, Novembre 2020.
ANNEXES
69
D’une part, ceux visant à améliorer le pilotage et la conduite de la
transition écologique
tels que ceux attribuant de nouvelles compétences
aux collectivités
57
, ceux fixant de nouveaux objectifs programmatiques
58
,
ceux visant à rendre compatibles certains plans, programmes et stratégies
thématiques avec la SNBC
59
ou encore d’agir sur la
mission et la
composition de conseils existants pour y intégrer la dimension climatique
60
qui sont utiles mais ne garantissent pas l’engagement de changements
structurels.
D’autre part, ceux portant directement sur les pratiques émettrices
à travers un en
semble d’instruments variés incluant des dispositifs
d’information, des incitations économiques et des outils réglementaires
visant à agir sur les trois leviers de la transition définis par la SNBC que
sont la décarbonation, l’efficacité énergétique et la
maîtrise de la demande.
Selon le HCC, nombre de mesures voient leur portée réduite en raison de
délais de mise en œuvre allongés
incompatibles avec le rythme attendu de
l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par
la France
dans l’atteinte de ses budgets carbones
: par exemple, article 60
concernant l’obligation faite à compter de 2025 à la restauration collective
privée de s’approvisionner pour 50
% en produits durables et de qualité
dont au moins 20% en AB, article 62 conditionnant la taxation des engrais
azotés en cas de non-respect deux années consécutives des objectifs de
57
Articles 6 et 7 du projet de loi visant à décentraliser la police de la publicité et à
permettre aux collectivités de réglementer les publicités et le enseignes à l’intérieur des
vitrines (C2.2 CCC) / article 55 visant à lutter contre l’artificialisation des sols en
adaptant les règles d’urbanisme.
58
Article 22 visant à décliner les objectifs nationaux de développement des énergies
renouvelables au niveau régional (PT11.1 CCC) / Articles 47 et 48 d’engagement national
pour la lutte contre l’artificialisation des sols, l’intégration de la lutte contre
l’artificialisation des sols dans les principes généraux du code de l’urbanisme et définition
de l’artificialisation des sols (SL3.1 et SL3.2 CCC) / article 56 de fixation dans la loi des
objectifs de la stratégie nationale pour les aires protégées 2030 (SL3.4 CCC).
59
Article 14 : référence exp
licite à la SNBC dans le processus d’élaboration de la stratégie
nationale de recherche (PT2.1 CCC) / Article 61 : introduire une dimension climat dans le
programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN) et donner une base légale à
ce plan / Article 65 : inscrire dans le code rural et de la pêche maritime la compatibilité des
objectifs de la PAC et du PSN avec les orientations de la SNBC (SN2.4.2 CCC).
60
Article 3 pour élargir à l’environnement et au développement durable les missions du
comit
é d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) au sein de chaque
établissement scolaire (C5.1 CCC) / Article 16 pour renforcer le rôle du comité social
et économique (CSE) et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
dans la lutte contre le changement climatique (PT4.2.1 CCC) / Articles 17 et 18 pour
inclure les acteurs de la transition écologique dans la gouvernance des formations au
sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle
et renforcer
l’implication des opérateurs compétences sur les sujets liés (PT4.2 CCC).
COUR DES COMPTES
70
réduction, expérimentations de pratiques déjà existantes n’ayant pas
vocation à être généralisées avant 2023 (article 9 « Oui Pub », article 12
« consigne pour le verre », article 28 « voies pour les transports
collectifs/covoiturage » et article 59 « choix végétarien dans la restauration
collective publique ». Selon le HCC, de nombreuses mesures portent sur
des périmètres restreints couvrant une part insuffisante des activités
émettrice de GES : article 4 régulant la publicité pour les seules énergies
fossiles, articles 41 et 42 interdisant l’augmentation des loyers puis la
location des passoires thermiques alors que celles-ci sont occupées à 58%
par des propriétaires, article 38 portant sur la fin des vols intérieurs sur
courte distance qui ne concernerait que 8 liaisons et 10 % du trafic passager
aérien métropolitain.
D’autres mesures apparaissent symboliques et
anecdotiques
, telle l’inter
diction des avions publicitaires qui représentent
0,0004 Mt éqCO2 contre 5 Mt éqCO2 pour les émissions du secteur aérien
national en 2019.
Le HCC souligne enfin que la portée de certaines mesures dépendra
des décrets d’application qui devraient aussi être évalués à l’au
ne de la
SNBC.
Sur la contribution à la SNBC, le HCC a analysé les articles 39 à 46
(secteur du bâtiment) et l’article 1 (affichage environnemental) en
regardant le caractère additionnel des mesures par rapport à l’existant et
leur contribution aux orientations stratégiques de la SNBC. Pour le
bâtiment, selon le HCC, les mesures ne sont pas construites en regard des
orientations B1 à B4 de la SNBC sur ce sujet (p. 89 et s. de la SNBC de
mars 2020) et ne pointent pas vers la norme BBC (bâtiment basse
consommation), ce qui comporte un risque de verrouillage. Concernant
l’affichage
environnemental,
les
critères
de
généralisation
de
l’expérimentation font défaut.
De manière générale, le HCC relève que la loi n’a pas opéré, comme
on pouvait le souhaiter, de consolidation stratégique de propositions de la
convention citoyenne.
Sur la qualité de l’étude d’impact, le HCC observe qu’elle marque
un progrès en se référant à la SNBC mais que de nombreux manques
persistent car cette amélioration méthodologique : 1. ne prend pas en
compte les budgets carbone de la SNBC en séparant les différentes
émissions et 2. n’utilise pas les indicateurs pertinents de la SNBC pour
l’évaluation ex ante ni ne prévoit un suivant durant la mise en œuvre pour
ajuster les dispositifs selon leur effet et une évaluation ex post pour en tirer
les enseignements.
ANNEXES
71
Concernant l’évaluation quantitative
, le HCC relève que si
21 articles, soit 32 % des mesures ont été traitées, cela ne préjuge pas de
l’intérêt de ces évaluations qui devraient se
concentrer sur les mesures les
plus fortes. Le HCC a toutefois fait une analyse pour ces 21 mesures. S’il
constate des progrès dans le travail mené (effort de quantification,
introduction de marges d’incertitudes, inclusions parfois des émissions
importée
s et d’analyses sur le cycle de vie), il regrette un manque de
transparence sur les méthodes et hypothèses retenues, des incohérences et
un manque de clarté des résultats affichés par rapport aux objectifs. Selon
le HCC, cela ne permet ni de juger du respect des budgets carbone, ni
d’informer de la réduction attendue aux étapes 2023 et 2028 (bilans à
l’échelle internationale de la mise en œuvre de l’accord de Paris).
Concernant l’évaluation qualitative, l’étude d’impact raccroche les
mesures aux orientations de politique publique de la SNBC mais sans les
documenter réellement. La critique principale du HCC est toutefois que le
document « ne discute ni de la plus-value stratégique des réformes proposées,
ni de leur capacité à atteindre les objectifs du secteur, ni des dispositions
complémentaires à mettre en œuvre en cas d’insuffisance des mesures
».
Le HCC déplore aussi qu’aucun bilan ne soit dressé quant à l’effet
global du projet de loi sur la trajectoire des émissions de GES de la France
ni de sa contribut
ion globale à la mise en œuvre des orientations
stratégiques de la SNBC. Pourtant, l’étude d’impact indique que «
des
estimations en cours permettent d’estimer que ce projet de loi contribue à
sécuriser l’atteinte d’entre la moitié et les deux tiers du che
min à parcourir
entre les émissions en 2019 et la cible en 2030, soit une réduction de
112 Mt éqCO2/an
». Le HCC note que cette conclusion n’est pas étayée
par les quantifications présentées par article et que la méthodologie
permettant de dégager cette co
nclusion n’est pas disponible.
Le Haut conseil invitait donc à compléter l’étude d’impact et
suggérait plusieurs améliorations méthodologiques :
Évaluer l’impact du projet de loi en comparant deux scénarios –
l’un
tendanciel avec les mesures déjà en place
, l’autre avec les mesures
supplémentaires et être transparent sur les méthodologies et hypothèses
retenues ;
Estimer l’impact du projet de loi sur les indicateurs pertinents de la
SNBC : émissions de GES nationales, empreinte carbone, émissions de
GES par secteur et leurs déterminants structurels sur les périodes des
deuxième (2019-2023) et troisième (2024-2028) budgets carbone et au
regard des cibles intermédiaires 2023 et 2028 ;
Discuter la plus-value systémique et stratégique du projet de loi pour
chaque secteur émetteur par rapport aux tendances récentes et en regard
des orientations de la SNBC ;
COUR DES COMPTES
72
Renforcer l’évaluation des impacts économiques (coûts, emplois) et
sociaux (inégalités, inclusivité).
De manière générale, pour améliorer la qualité des études
d’impact,
le HCC propose les pistes suivantes. Concernant la quantification des
impacts en émissions, harmoniser le format de rendu des résultats
quantifiés, expliciter les hypothèses et méthodes retenues et les sources des
données, préciser l’effet atten
du sur les budgets carbone et discuter
qualitativement l’impact «
significatif mais indirect » et/ou « catalyseur et
accélérateur
»
lorsqu’une
évaluation
quantifiée
apparaît
difficile.
Concernant la contribution aux orientations de la SNBC, le HCC
recommande de discuter la plus-value stratégique des mesures proposées
par rapport à l’existant et aux tendances récentes et de préciser leur
contribution aux objectifs fixés par la SNBC pour chaque grande
orientation sectorielle et transversale.
Sur le parcours du projet de loi, le HCC note un effort inabouti de
transparence méthodologique (cf. ci-avant), une présentation article par
article qui offre peu de lisibilité d’ensemble aux parlementaires et aux
citoyens sur les avancées attendues du projet de loi, une précipitation dans
la menée des consultations obligatoires (CESE, CNTE, CE) qui n’a pas
permis aux deux premiers organes de réaliser de contre-expertise, et qui
contraste avec le temps consacré à la Convention citoyenne.
Le HCC rappelle les huit recommanda
tions qu’il a déjà formulé
es
pour améliorer le dispositif d’évaluation publique des lois au regard du
climat et en particulier, au moment où il émet son avis, celles utiles pour la
suite du parcours du projet de loi :
signaler
l’impact supposé des
amendements sur l’objectif national de
neutralité carbone ;
mettre
à jour l’étude d’impact une fois la loi promulguée pour guider les
décrets d’application
;
prévoir
dans la loi un dispositif de suivi et d’évaluation ex post
transparent, indépendant et associant les parties prenantes, et préciser les
indicateurs de suivi et les dates d’évaluation
;
Renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité carbone en i)
mettant en place un suivi trimestriel des politiques et mesures sur la base
d’i
ndicateurs de moyens et de résultats, ii) adoptant en conseil de défense
écologique un rapport annuel qui dresse le bilan, en regard de la SNBC,
des lois évaluées (ex ante et ex post) dans l’année au regard des tendances
observées et iii) publiant les éval
uations des grandes lois d’orientation
LOM, ELAN et EGALIM annoncées pour 2019 et 2020.
ANNEXES
73
Annexe n° 3 :
le cadre juridique,
les programmes et les plans
La France est engagée dans plusieurs exercices transversaux
61
.
La stratégie française pour l’énergie et le climat const
itue la feuille
de route actualisée de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050
et assurer l’adaptation de notre société aux impacts du changement
climatique. Elle est constituée de (i) la première Loi de programmation
quinquennale sur l’éner
gie et le climat (LPEC), prévue par la loi
n° 2019 1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui fixe
les objectifs et les grandes priorités d’action de la politique climatique et
énergétique nationale en tenant compte des nouveaux objectifs européens ;
(ii) la 3
ème
stratégie nationale bas-carbone (SNBC3) (iii) le 3
ème
Plan
national d’adaptation au changement climatique (PNACC3) et (iv) la
3
ème
Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2024
-2033). Tous ces
volets doivent être adoptés d’
ici fin 2024.
La SNBC et la PPE, dont les travaux d’élaboration ont commencé à
l’automne 2022, doivent donc être actualisées pour mettre en œuvre les
orientations de la loi, dans un délai d’un an suivant son adoption. Pour
renforcer l’articulation entre les politiques d’atténuation et d’adaptation au
changement climatique, comme l’avait recommandé le Haut Conseil, le
PNACC sera intégré dans ce processus. Ces diverses stratégies font l’objet
de consultations publiques.
La 3
ème
stratégie nationale pour la biodiversité (SNB3) doit
également officialisée en 2023. À la suite à des stratégies couvrant 2004-
2010 et 2011-2020, elle couvrira la période 2022-2030. Son premier volet,
dit « pré-COP 15 », fruit de 18 mois de concertations conduites avec
l’ensemble des pa
rties prenantes, a été adopté en mars 2022 ; le 2
ème
volet
doit permettre d’affiner et de compléter la stratégie, en l’articulant en outre
sur le nouveau cadre international acté par l’accord de Kunming
-Montréal
en décembre 2022. La SNB doit ensuite être déclinée, conformément aux
termes de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, en stratégies régionales pour
la biodiversité menées par les régions.
La France a ainsi pris des engagements internationaux successifs en
faveur du climat, rendus juridiquement contraignants au niveau européen
62
.
61
Source : SGPE, avril 2023.
62
Décision (UE) 2017/1471 de la Commission du 10 août 2017 modifiant la décision
2013/162/UE afin de réviser les allocations annuelles de quotas d’émiss
ion des États
membres pour la période 2017-2020.
COUR DES COMPTES
74
Schéma n° 1 :
les principaux textes législatifs et réglementaires français
Source : Cour des comptes
Note : en France, la SNBC 3 en cours de mise au point va arrêter la répartition des efforts entre
les secteurs et la panoplie des instruments de politique publique associées. Elle va parallèlement
fixer le mix entre vecteurs de décarbonation de la production électrique. Ce sont de vrais choix
de politique publique, qui donnent lieu à de vifs débats et seront formalisés in fine dans la LPEC
votée par le Parlement.
Schéma n° 2 :
la SNBC s’inscrit dans une stratégie plus globale
énergie et climat
Source : Cour des comptes
Note : le Gouvernement inscrit la SNBC dans une
stratégie plus globale énergie et climat. La stratégie
française énergie climat (SFEC) incluant également
la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)
et le plan national d’adaptation au changement
climatique (PNACC).
ANNEXES
75
Le
premier plan national d’adaptation au changement climatique
(PNACC), issu de la loi du 3 août 2009 sur la programmation du Grenelle
de l’environnement, a couvert la période 2011
-2015. Un nouveau
programme, le PNACC 2, lui succède en 2018 jusqu’en 2022. Conforme
aux objectifs fixés par l’accord de Paris, il vise à mieux protéger les
Français des risques liés aux événements climatiques extrêmes et à
renforcer la résilience des principaux secteurs économiques face aux
évolutions du climat.
Le plan climat
(juillet 2017) a pour objectif d’accélérer la mise en
œuvre de l’accord de Paris, conclu en décembre 2015 à l'is
sue de la
21
ème
Conférence des parties (COP), et de le rendre irréversible. Il exprime
ainsi les enjeux nationaux et internationaux de la solidarité climatique. Ce
plan comporte six thématiques déclinées en 23 axes. La politique de lutte
contre le réchauffement climatique énoncée par le Plan climat vise à
réduire la consommation énergétique et les émissions de gaz carbonique
(CO2) dans les secteurs les plus énergivores. Il institue des mécanismes
d'aide financière pour encourager et accompagner les particuliers et les
petites et moyennes entreprises (PME) dans cet effort.
Le plan sobriété énergétique (octobre 2022) est un plan national de
sobriété énergétique pour contrer la crise énergétique liée à la guerre en
Ukraine pour mettre en œuvre l’objectif de réd
uire la consommation
d’énergie (toutes énergies confondues) de 10
% entre 2019 et 2024 et de
40
% d’ici 2050. L’objet ultime de ce plan est d’éviter des pénuries de gaz
l’hiver 2022
-
2023 et d’éviter des rationnements qui pourraient s’imposer
pour y faire face.
Le plan de sobriété énergétique s’articule autour de quatre parties :
les engagements communs à tous les secteurs, les engagements par secteur,
les programmes de soutien pour les citoyens, la sensibilisation des citoyens
(campagne de communication pour inciter aux écogestes). Le plan présente
une série de mesures à la fois transversales et spécifiques aux différents
secteurs consommateurs d’énergie.