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PRÉSENTATION À LA PRESSE DU RAPPORT RELATIF AU BILAN
D
’É
TAPE DE LA LOI DE TRANSFORMATION
DE LA FONCTION PUBLIQUE
Mercredi 8 novembre 2023
9h
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence.
J’ai grand plaisir à vous
accueillir
aujourd’hui
pour
vous présenter le rapport des juridictions financières portant sur le
bilan d’étape de la loi
de transformation de la fonction publique.
Je souhaite avant tout
saluer le travail remarquable et très approfondi de l’ensemble
des
artisans de ce rapport, qui sont nombreux
. Ce travail est en effet
issu d’une formation
spécifique, la formation « inter-juridictions »
compétente pour l’ensemble de la fonction
publique. Je remercie chaleureusement
André Barbé
, qui préside cette formation
permanente, la contre-rapporteure
Michèle Coudurier
, les rapporteurs généraux
Philippe
Buzzi
et
Alain le Bris
et l’ensemble des équipes
de la Cour et des chambres régionales des
comptes qui ont contribué à ce travail. Je leur transmets mes félicitations.
J’aimerais m’arrêter un instant sur
la formation inter-juridictions relative à la fonction
publique, en vous détaillant sa composition et son fonctionnement.
Cette instance réunit
toutes les juridictions financières, c’est
-à-dire les différentes chambres
de la Cour et chambres régionales des comptes, avec l’objectif d’appréhender les trois
versants de la fonction publique dans une approche transversale, générale et horizontale. En
effet, les agents publics sont soumis à un statut unifié, dont la Direction générale de la
fonction publique est le garant. Néanmoins, ce statut se décompose en trois versants, avec
des particularismes, dont deux versants
relèvent d’autres employeurs que l’
Etat : les
collectivités territoriales et les établissements de santé. Ces employeurs sont de la
compétence des chambres régionales des comptes
Je suis très attaché aux travaux conjoints entre la Cour et les chambres régionales et
territoriales des comptes
; dans le cas de la fonction publique,
j’ai vite pris conscience que
cette approche conjointe était obligatoire, si nous voulons appréhender le sujet dans toute
sa transversalité.
Il est important d’insister sur la
spécificité de cette formation, car la
Cour n’est pas une
2
institution rigide, bien au contraire.
Elle adapte ses travaux elle adapte ses méthodes, afin
que ses constats et recommandations sur les
politiques publiques qu’elle
analyse soient
ancrés et territorialisés.
Nous avons donc créé cette formation inter-juridictions.
C
’est la première fois qu’est présenté publiquement l’un des rapports qui sont issus
de la
formation inter-juridictions « fonction publique »
. Après
la publication d’un
rapport sur le
télétravail post-Covid dans les fonctions publiques d'Etat et territoriale, la formation inter-
juridictions a inscrit à sa programmation deux opus, pour évaluer l'application de la dernière
grande loi de transformation de la fonction publique datant de 2019: le premier, celui qui
vous est présenté ce jour, est centré sur la fluidité et la régularité de la gestion des agents
publics, que ce soit en termes de recrutement ou de temps de travail ; le second, en cours
d’instruction, porte
sur la réforme du dialogue social dans les fonctions publiques
un sujet
qui est au cœur de l’actualité. Nous aurons l’occasion de revenir devant vous avec ce
rapport.
***
(I)
Avant de vous dévoiler les trois principaux messages que nous livre cette enquête,
j’aimerais souligner à quel point elle est
ambitieuse, et ce à plusieurs égards.
En premier lieu, elle est éminemment transversale : elle a porté sur les trois versants de la
fonction publique (fonction publique de l’État, fonction publique hospitalière et fonction
publique territoriale) et l’ensemble des agents publi
cs, y compris les agents contractuels
.
Rappelons
ici qu’en France, la fonction publique désigne l’ensemble des agents, titulaires ou
contractuels, occupant un poste au sein de ces trois versants.
Un salarié sur cinq travaille dans la fonction publique ; cela représente 22% de la
population active, de 5,6 millions d’agents titulaires ou contractuels –
45% dans la fonction
publique d’Etat, 34% dans la territoriale et 21% dans l’hospitalière
. Ont été exclus du
périmètre du contrôle uniquement les personnels militaires, qui ne relèvent pas du code
général de la fonction publique, les personnels des établissements publics à caractère
administratif qui recrutent selon les règles du droit privé ou selon un droit public particulier,
et les personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial, leur
personnel étant quasi-exclusivement soumis au droit privé.
En second lieu,
et c’est aussi une dimension de son ambition,
cette enquête fait la
synthèse de données et informations multiples, et très complètes.
L’équipe s’est appuyée
sur les données de synthèse disponibles auprès des administrations, notamment la direction
générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP),
la direction générale de
l’offre de soins (DGOS) et la direction générale des collectivités locales (DGCL)
, mais aussi sur
l’exploitation de fichiers de paie
de l’ensemble des agents de la fonction publique d’État
,
ainsi que sur les observations faites lors de contrôles antérieurs par les chambres de la Cour
et les chambres régionales. Le travail a été aussi mené sur le terrain, auprès de 57
collectivités publiques.
Troisième dimension de cette ambition, ce rapport se présente comme un
bilan d’étape
,
3
quatre ans après sa promulgation,
de la mise en œuvre de la loi du 6 août 2019 de
transformation de la fonction publique (LTFP).
Ce travail n’avait jamais été fait
auparavant
et comme je l’ai déjà dit, il se poursuit
actuellement sur le volet social.
Je voudrais tout de
suite mettre un bémol, sur les 4 ans, et la Premiere ministre le souligne, dans ces 4 ans il y a
eu la crise Covid, ce qui a ralenti la mise en œuvre, on le comprend.
La LTFP s’inscrit dans le mouvement d’évolution des règles applicables aux agen
ts publics,
depuis la refonte du statut général de la fonction publique entre 1983 et 1986. Elle se
distingue par le large spectre des dispositions qu’elle a créées ou modifiées, ainsi que par sa
transversalité
la majorité de ces dispositions intéressent deux, voire les trois versants de la
fonction publique.
La LTFP adoptée comporte 95 articles regroupés en cinq thématiques : le dialogue social,
que nous allons traiter à part, la gestion des ressources humaines, le cadre de gestion des
agents publics, la
mobilité et les transitions professionnelles et l’égalité professionnelle.
L’entrée en vigueur des dispositions de la loi a nécessité, à date de juillet 2023, pas moins de
140 textes d’application.
Ce bilan d’étape a été d’autant plus complexe à mener que
, près de quatre ans après la
publication de la loi, sa mise en œuvre et son suivi apparaissent défaillants
. Plusieurs
mesures réglementaires d’application font encore défaut. Le cadrage et le suivi de mesures
nouvelles comme la rupture conventionnelle et
son régime d’indemnisation sont peu
formalisés. Par ailleurs, même si un nombre très important de décrets ont d’ores
-et-déjà été
publiés, le retard pris dans la publication de certains textes d’application altère la portée de
la loi, comme pour l’encadrement du dispositif des autorisations spéciales d’absence.
Il en est de même pour les rapports au Parlement prévus par la loi :
le rapport, primordial,
sur les actions entreprises au sein de la fonction publique de l’État pour assurer le respect de
la durée
légale du travail, n’a pas encore été présenté au Parlement, alors qu’il aurait dû
l’être en août 2020
.
Evidemment, c’est vrai que la crise Covid est intervenue, mais elle est
terminée et il y aurait une place pour le faire depuis.
Ainsi, les autorités chargées de la mise
mise en œuvre
de la LTFP, au premier rang desquelles
la direction générale
de l’administration et
de la fonction publique (DGAFP), doivent veiller à
donner sa pleine mesure à la loi votée.
***
(II)
J’en viens
aux trois principaux messages de ce rapport :
-
Le premier, c’est que les employeurs publics peinent à se saisir de
des
opportunités offertes par la Loi,
pour répondre à la question de l’attractivité
des emplois publics grâce à un recours plus diversifié aux contrats,
-
Le second message,
c’est que de nombreux freins brident encore la les modes
de recrutement statutaire et les parcours professionnels, alors que la loi prévoit
des dispositifs de fluidification ;
4
-
Enfin, troisième et ultime message, notre enquête révèle que le respect de la
du
rée annuelle de travail doit encore faire l’objet d’efforts soutenus, pour
atteindre la remise en ordre inscrite dans la loi.
*
(1)
En premier lieu, donc, les employeurs publics ne se sont pas entièrement saisi des
facultés de recours aux agents contractuels, élargies par la loi.
Je précise que la Cour n’a pas à apporter de jugement sur l’opportunité de telle ou telle
disposition, mais uniquement sur son application. La LTFP a accompagné la montée en
puissance des agents contractuels, afin, entre autres, de
répondre aux enjeux d’attractivité
qui affectent les employeurs publics
.
Ces derniers ont en effet de plus en plus de mal à recruter par la voie du concours, dans un
contexte global de tension sur le marché du travail : j’en veux pour preuve le nombre
d’i
nscriptions aux épreuves des concours de recrutement des fonctions publiques, qui baisse
de façon régulière, de même que le taux de sélectivité des recrutements, qui diminue tout
autant. En conséquence, la part des agents contractuels dans les trois fonctions publiques
progresse continument : elle a crû de 5 points en 4 ans pour atteindre 23,5%, alors que les
effectifs totaux pendant cette période
ont cru d’environ 2 % et ceux des titulaires ont baissé
de 1,4%.
Les dispositions de la LTFP offrent quelques réponses partielles à ce contexte dont les causes
sont bien sûr plus larges :
le contrat à durée indéterminée (CDI) en primo-recrutement, le
contrat pour des emplois de direction ou encore le contrat de projet.
Or,
ce qu’on constate c’est que
le recours à ces nouveaux dispositifs par les employeurs
publics demeure limité, et il apparaît que les gestionnaires publics manifestent à leur égard
un certain attentisme
. Peu de CDI en primo-recrutement ont été conclus, et ce dispositif était
principalement utilisé au sein de Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
.
Seuls 1 900 contrats de projet ont été signés dans la fonction publique de l
État, parfois aucun
dans certains ministères, et seuls 11 % des emplois fonctionnels étaient occupés par des
contractuels dans la fonction publique territoriale.
Par ailleurs
l’élargissement
des possibilités de recrutement des agents contractuels n’est
pas accompagné par
le déploiement d’un cadre de
gestion formalisé, et piloté, pour ces
derniers.
La montée en puissance des agents contractuels devrait inciter les employeurs
publics à rechercher un cadre de gestion approprié à ces personnels de plus en plus
nombreux
cadre de gestion qui devrait être mieux articulé avec celui des fonctionnaires
pour éviter toute friction entre agents publics.
C’est pourquoi
la Cour préconise
l’élaboration d’un cadre conventionnel pour les
contractuels publics proche de celui des conventions collectives, selon les possibilités
ouvertes par la LTFP en 2019.
Ce n’est pas encore le cas.
*
5
(2)
J’en viens au second message de notre rapport
: la fluidité des parcours
professionnels
n’a fait que de
s progrès très timides.
La LTFP prévoyait en effet plusieurs dispositions visant la rénovation des modes de
recrutement
, ainsi qu’
une simplification de la gestion des ressources humaines et des
mobilités.
Dans ces différents domaines, quelques avancées sont perceptibles, sans être
encore entièrement satisfaisantes.
Je débuterai par le sujet essentiel du début de parcours professionnel,
c’est
-à-dire le
recrutement.
La rénovation globale
des modalités d’organisation des concours est toujours en
attente,
il s’agit là
de fluidifier les recrutements et les rapprocher des candidats. A titre
d’illustration, le
déploiement du concours national à affectation locale
, qui offre une visibilité
pour l’employeur public comme pour le candidat, reste peu usité
dans la fonction publique de
l’Etat, sauf par le ministère de l’intérieur et des outre
-mer. Le
recrutement sur titres,
largement déployé dans la fonction publique hospitalière, demeure encore trop rare dans la
fonction publique de l’État et reste
même en suspens dans la fonction publique territoriale. Au
total,
il faut bien l’admettre,
les facultés offertes par la loi en matière de concours et de
recrutement sont peu utilisées.
C’est pourquoi la Cour préconise de développer les concours nationaux à affectation locale
et d’élargir la possibilité de recrutement sur titres, y compris par la reconnaissance des
acquis de l’
expérience professionnelle.
Autre levier de fluidité : la mobilité entre les fonctions publiques, sujet lancinant mais
primordial pour répondre aux besoins publics et diversifier les carrières.
En ce domaine, la
Cour constate également que les lignes ont peu bougé, malgré les nouvelles dispositions de
la LTFP.
Tout d’abord, les
lignes directrices de gestion, nouvel instrument créé par la LTFP, sont un
vecteur de transformation de la gestion des ressources humaines. Or, ce vecteur est
aujou
rd’hui encore peu opérant :
on y retrouve principalement des rappels statutaires, et peu
d’orientations stratégiques
spécifiques et qualitatives.
Surtout le développement des mobilités entre les trois versants de la fonction publique est
toujours difficile à mettre en œuvre, bien qu’il soit
facilité par la LTFP. Ces mobilités se
heurtent à des obstacles récurrents (écarts des régimes indemnitaires à fonctions
comparables, notamment) et à un défaut de connaissance, par les candidats, des perspectives
d’évolution de leur carrière et des différences d’organisation des employeurs publics.
Pour
remédier à ces difficultés, des expérimentations ont été lancées dans six régions en 2022, avec
l’installation de comités locaux d'emploi public
. Toutefois,
aucune évaluation n’a
encore
permis de mesurer leur efficacité.
S’agissant des mobilités vers le secteur privé,
sujet sur lequel il faudra un jour revenir, la
LTFP a renforcé et mieux ciblé le contrôle des principes de déontologie applicables dans les
trois fonctions publiques
, afin de prévenir notamment les conflits d’intérêt
; mais il est
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cependant difficile de déterminer si ces dispositions ont mené à une plus grande fluidité dans
les mobilités.
Enfin, la loi
a instauré, à titre expérimental, un dispositif de rupture amiable entre l’agent
public et son administration, toujours dans le but d’améliorer
la fluidité des parcours
professionnels.
Cette procédure dite de « rupture conventionnelle » constitue une nouvelle
possibilité de cessation définitive de fonctions pour les agents publics, fonctionnaires ou non-
titulaires.
La Cour fait le constat
que ce dispositif a fait l’objet d’une
appropriation rapide : un nombre
croissant
d’agents
publics a demandé à en bénéficier (près de 2000 agents depuis 2020). A
l’heure actuelle,
il manque toutefois une doctrine interministérielle pour arrêter les décisions
et, surtout, pour fixer le montant des indemnités de rupture. La
Cour conduit d’ailleurs une
enquête spécifique sur ce point. Aussi la Cour recommande-t-elle de préciser le cadre de ce
dispositif au demeurant novateur et intéressant.
Au terme de ces deux premiers messages de notre rapport, j’aimerais insister sur le fa
it que
de nombreuses dispositions de la LTFP répondent en partie à la question de l’attractivité,
même si ce
t enjeu n’était pas au cœur des objectifs
de la loi.
C’est pourquoi la Cour
recommande aux employeurs publics de mieux se saisir des possibilités offertes par la LTFP
en termes de modalités de recrutement des agents titulaires et contractuels, et de
fluidification des parcours professionnels.
*
(3)
J’en arrive enfin au troisième et dernier message de notre rapport
: le respect et
l’harmonisation du temps de travail dans la fonction publique faisaient l’objet de
dispositions prioritaires de la LTFP
, mais leur mise en œuvre demeure inachevée et
insatisfaisante.
La Cour a en effet constaté
que les dispositions de la LTFP visant l’harmonisation et
l’optimisation du temps de travail semblent avoir été
assez largement laissées de côté
depuis 2019.
Cela est d’autant plus problématique que la loi prévoyait un calendrier
prioritaire de mise en œu
vre pour ces dispositions. Quelques sujets en particulier souffrent
toujours d’un manque criant d’harmonisation des régimes
: le respect de la durée légale du
travail, d’une part, qui a été au premier plan des sujets abordés dans le cadre de la
discussion du texte ;
les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à certains
événements familiaux, d’autre part.
Permettez-moi de développer plus particulièrement le sujet du respect de la durée légale
du travail
, et le manque d’harmonisation au s
ein des trois fonctions publiques.
Il existe en
effet de nombreuses dérogations aux règles de droit commun sur la durée légale annuelle
du travail. Ces dérogations historiques, pointées par notre rapport, proviennent de décisions
des employeurs publics locaux et de certaines administrations, de maintenir
des régimes de
travail plus favorables à leurs agents, c’est
-à-dire inférieurs à la durée légale annuelle de
1 607 heures.
7
Ces régimes dérogatoires ont été abrogés par la LTFP, qui a imposé théoriquement la
redéfinition de nouveaux cycles de travail.
En parallèle, la loi a maintenu le droit pour les
agents faisant l’objet de sujétions particulières, de continuer à bénéficier légalement de
cycles de travail inférieurs. L
’enquête de
s juridictions financières montre cependant que les
efforts d’alignement ont été
,
jusqu’à présent
, très contrastés.
Le mouvement de régularisation a certes été amorcé dans les collectivités territoriales.
Mais certaines ambiguïtés subsistent sur les sujétions particulières et sur les autorisations
spéciales d’absence, qui rendent difficile l’appréciation des efforts entrepris. Par ailleurs,
certaines collectivités persistent dans leur refus de mettre en œuvre les dispositions de la
LTFP
faut-
il rappeler que la loi s’applique
? Elle est là pour ça.
La mise en œuvre globale et effective de l’harmonisation du temps de travail dans la
fonction publique territoriale reste donc délicate à apprécier globalement, malgré les
rapports des chambres régionales des comptes et des inspections à ce sujet.
Les
différences de situation qui perdurent, produisent des inégalités de traitement des agents
territoriaux assurant des misions équivalentes. Il convient donc
de continuer d’
exercer une
grande vigilance dans le contrôle, pour limiter les risques
d’inégalités voir
de dérive.
Les efforts pour faire respecter le temps de travail dans
la fonction publique de l’Etat
sont
tout aussi, voire plus insuffisants : les régimes dérogatoires au sein de la fonction publique
de l’État, dont l’ampleur avait déjà été soulignée par un rapport
de l’inspection générale
des finances en
2019, n’ont pas été revus
. En conséquence, la proportion d’agents de l’État
travaillant moins de 1 607 heures demeure identique à la situation pré-LTFP, voire a été
étendue pour tenir compte de nouvelles situations, comme l’administration des douanes
afin de faire face au Brexit !
La Cour relève que ce statu quo sur la durée de travail des agents publics de l’Etat est
préjudiciable, à plusieurs titres
.
D’abord
, il est porteur, comme dans la fonction publique
territoriale, d’inégalités de traitement entre des agents effectuant
des
missions
équivalentes
, ce qui n’est
évidemment pas acceptable.
Ce
statu quo
est aussi préjudiciable
au respect du temps de travail et à l’harmonisation des
règles y compris dans les collectivités locales. Ces dernières justifient en effet le maintien de
leurs propres régimes, par la faible harmonisation des régimes au sein de l’Etat. C’est vrai
que si l’Etat ne donne pas l’exemple, ensuite il ne peut pas donner de leçons.
Certaines
collectivités soulèvent l’argument du principe de parité entre elles
-
mêmes et l’Etat, dans le
cadre du contrôle de légalité exercé par les préfectures. La Cour a relevé les nombreuses
instructions données aux préfets, pour un contrôle sur les délibérations des collectivités
locales liées au temps de travail.
Néanmoins, l’exercice n’est pas suffisant, et plusieurs
collectivités maintiennent un nombre important de régimes dérogatoires, en contournant
parfois les obligations de délibération sur ce sujet par des délibérations de régularisation
dites « de façade ». En conséquence, le contrôle de légalité préfectoral peine à les
sanctionner, car il ne dispose pas, à la différence des chambres régionales et territoriales des
comptes, des moyens d’investigation leur permettant d’apprécier leur réalité pratique.
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Enfin, notre rapport souligne que la Direction générale de l’administration et de la fonction
publique a adopté une position plutôt en retrait, sur ce sujet pourtant majeur du respect
du temps légal de travail
.
C’est la priorité de la loi,
ça ne semble pas toujours être celle de
l’administration.
En premier lieu, et je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, le
rapport à présenter
au Parlement sur les actions mises en œuvre pour assurer le respect de la durée effective du
temps de travail dans la fonction publique de l’État,
fait toujours défaut,
alors qu’il aurait dû
être présenté en 2020. Font également défaut les parutions de plusieurs décrets,
notamment sur les mesures d'adaptation aux sujétions auxquelles sont soumis certains
agents de l’État
, et sur les
autorisations spéciales d’absence.
En somme, la
problématique de l’harmonisation du temps de travail dans l
a fonction
publique demeure. Elle semble connaître des phénomènes de résistance quel que soit le
versant de la fonction publique concerné.
La LTFP encourage la responsabilisation des employeurs publics pour décider des régimes
spécifiques dérogeant à la durée légale de travail de 1 607 heures par an
. Mais elle
suppose, en contrepartie, une revue de gestion de l’ensemble de ces dispositifs au regard de
critères à objectiver, comme la pénibilité ou les sujétions particulières.
C’est ça qui doit
fonder les dérogations, et non pas un patchwork incontrôlé.
Dans cette perspective, la Cour recommande donc
au ministère de l’Intérieur
de dresser et
de
publier un bilan de l’harmonisation du temps de travail dans la fonction publique
territoriale.
La Cour préconise également de publier un état des lieux des régimes dérogatoires à la
durée annuelle du travail de 1
607 heures dans la fonction publique de l’État et mettre fin
aux situations non prévues par les textes
.
***
Mesdames, messieurs,
voici les éléments d’an
alyse et les recommandations que je
souhaitais porter à votre connaissance.
J’espère que ce bilan d’étape nourrira le débat public et accompagnera les décideurs sur le
sujet le plus essentiel à l’action de l’Etat, à savoir ses effectifs et son attractivité.
Sans leurs
agents,
l’Etat, les collectivités locales et l’ensemble des ser
vices publics seraient réduits à des
coquilles vide. I
l est d’autant plus important de prendre ce sujet très au sérieux, que
les
employeurs publics se trouvent
face à des enjeux d’attractivité
importants, mis en lumière
par d’autre nombreux rapports des ju
ridictions financières.
Enfin, notre rapport sera bientôt complété, je le rappelle, par une publication du même
type sur les dispositions de la loi relatives au dialogue social.
Merci de votre attention et de votre intérêt
. Je suis à votre disposition, ain
si que l’équipe
qui a instruit ce rapport, et que je remercie à nouveau chaleureusement, pour vos questions.
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