LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
157
La gestion par la fédération française de
football de ses « droits de marketing »
Les « droits de marketing » de la fédération française de football
(FFF) recouvrent tous les modes de valorisation commerciale de ses
signes distinctifs, de l’image de l’équipe de France ou des compétitions
qu’elle organise. Ils portent sur les espaces publicitaires figurant sur les
tenues sportives, les panneaux installés dans les stades, les publicités
réalisées avec des joueurs, les opérations de relations publiques, etc…
Leur commercialisation est assurée par un mandataire, intermédiaire
mettant en relation, contre rémunération, la FFF et les annonceurs
désireux de conclure avec elle un contrat de partenariat. Le poste
comptable « sponsoring »
représentait 39 M€ en 2005-2006, soit près du
tiers des produits d’exploitation de la fédération, ce qui situe
l’importance de ces ressources.
Le rapport public de la Cour de 2001 avait relevé que la
fédération française de football avait confié l'exclusivité de la
représentation de ses intérêts commerciaux dans des conditions
critiquables. En dépit de ses engagements antérieurs, aucun des mandats
qu’elle avait conclus pour « l'utilisation, l'exploitation ou la reproduction
du sigle de la FFF et de l'image collective de l'équipe de France » n'avait
été précédé d'un appel à la concurrence. En outre, l'exécution de ces
mandats au cours de la période contrôlée avait été discutable sur de
nombreux points : retenues peu justifiées opérées par le mandataire,
reversement tardif par celui-ci des sommes collectées, comptes rendus
difficilement exploitables,… La fédération s’était alors notamment
engagée, pour la période suivante 2002-2006, à lancer un appel à la
concurrence pour le choix de son mandataire. Or, parmi l’ensemble des
observations de gestion qui ont été émises par la Cour à l’occasion de
son dernier contrôle effectué en 2007, il apparaît que les conditions dans
lesquelles a été mis en place, par l’ancien président de la fédération, le
dispositif contractuel actuellement en vigueur appellent à nouveau de
sérieuses critiques.
158
COUR DES COMPTES
1 -
L’attribution des droits de marketing
a)
La procédure de consultation
La FFF a lancé à la fin de l’année 2001 une consultation
pour attribuer un mandat exclusif de commercialisation de ses
droits de marketing pour la période 2002-2006, en distinguant
dans son cahier des charges trois lots concernant respectivement
les droits de l’équipe de France masculine A, ceux de la Coupe de
France et ceux des autres sélections et compétitions. A l’issue de
cette procédure de consultation, seuls deux candidats sont restés
en lice, avec des propositions qui différaient sensiblement : ainsi,
pour le premier lot, qui était le plus important, un groupe
proposait une commission de 14,5 % jusqu’à 150 MF de recettes
obtenues par son intermédiaire et de 17,5 % au-delà, alors que son
concurrent proposait un taux de commission uniforme de 15 % ;
par ailleurs, le premier groupe s’engageait sur un minimum
garanti de recettes, contrairement au second. En définitive, le
choix de la fédération s’est porté sur le premier candidat pour les
deux premiers lots. Des négociations se sont alors engagées entre
celui-ci et la FFF pour finaliser les contrats de mandat. Elles ont
abouti près d’un an après, le 11 décembre 2002, à la signature de
deux accords concernant d’une part les équipes de France
masculines A, A’ et espoirs, et d’autre part la Coupe de France.
L’exigence d’une mise en concurrence, que la fédération s’était
engagée à respecter et qui est également un impératif de saine
gestion, était donc apparemment respectée.
b)
Les faiblesses de la procédure
Pour autant, les conditions de déroulement et de conclusion
de cette consultation appellent de nombreuses réserves.
Une concurrence restreinte
La fédération ayant décidé de consulter un nombre restreint
de candidats, puisqu’ils ne représentaient que trois groupes, cette
procédure a abouti en définitive à la présentation de deux offres
seulement. La fédération avait par ailleurs demandé aux candidats
d’indiquer dans leurs offres le montant des recettes de marketing
qu’ils pouvaient garantir pour chacun des lots : même si elle
n’était pas tenue de retenir la proposition la plus élevée et si, par
ailleurs, des informations pouvaient lui être demandées par les
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
159
candidats, cette disposition ne pouvait que donner au mandataire
en titre un avantage sur ses concurrents, puisqu’il connaissait de
façon directe et détaillée l’état de ce marché spécifique, ainsi que
les contrats de marketing en cours. De fait, c’est bien le groupe
mandataire qui a été à nouveau choisi, en raison notamment, selon
la commission de dépouillement des offres, de « sa bonne
connaissance du dossier ».
Une consultation tronquée
La FFF avait omis d’indiquer lors de cette consultation
qu’elle avait préalablement cédé certains droits de marketing à un
groupe qui avait depuis longtemps le statut d’« équipementier
officiel » de l’équipe de France masculine A. Cette carence dans
la
rédaction
du
cahier
des
charges
ne
pouvait
qu’être
ultérieurement exploitée par le mandataire, au motif qu’il n’avait
pas disposé d’une information exhaustive lui permettant de
proposer en toute connaissance de cause le montant des minima
de recettes garantis, puisque ceux-ci avaient été établis sur la base
d’une exclusivité qui n’était pas avérée.
Des négociations finales dépassant le cadre de la consultation
La conclusion des contrats de mandat a exigé plus d’une
année de négociations, marquées par la volonté du mandataire
d’obtenir des compensations pour cette absence d’exclusivité. Le
premier contrat a ainsi porté non seulement sur le lot n° 1 (équipe
de France masculine A), mais également sur le lot n° 3 A (autres
équipes de France masculines et féminines), alors que la fusion de
ces lots n’était pas prévue lors de la consultation : le mandataire a
fait valoir qu’un regroupement des droits relatifs à l’ensemble des
équipes de France permettrait une maximisation des recettes de la
FFF. Par ailleurs, alors qu’aucun droit d’entrée n’était non plus
envisagé lors de la consultation, le contrat de mandat a
indiqué
que les deux parties s’étaient entendues pour fixer un « droit
complémentaire forfaitaire exceptionnel » de 590 000 € hors
taxes. Le groupe mandataire a indiqué à la Cour qu’il s’agissait
d’une commission, non prévue à l’origine, mais qu’il avait
acceptée dans un souci de bonnes relations avec la FFF, afin de
lui permettre de répondre à de nouvelles revendications
financières émises par les joueurs de l’équipe de France avant la
Coupe du monde 2002. Non seulement l’objet réel de ce
versement ne se déduisait guère de son intitulé, mais il sortait
manifestement du cadre de la consultation.
160
COUR DES COMPTES
2 - Les avenants et protocoles d’accords
Plusieurs avenants et protocoles d’accord ont modifié par la suite
les contrats initiaux.
c)
L’avenant n° 1
Moins de six mois après la passation des deux contrats, un
premier avenant, qui avait un effet rétroactif, a été conclu le 5 mai
2003 pour modifier les dispositions initiales.
La réduction des minima garantis de recettes
Les contrats de mandat comportaient une clause prévoyant
explicitement de tenir compte, dans les minima garantis de
recettes, du chiffre d’affaires réalisé en exécution des contrats qui
avaient déjà été conclus par la FFF (41). Le mandataire a en
conséquence rapidement obtenu par la signature d’un avenant n° 1
que les recettes de droits de marketing provenant du contrat
conclu par la FFF avec l’équipementier sportif précité soient
décomptées dans les minima garantis de recettes auxquels il
s’était engagé. Cette modification desserrait notablement les
obligations qui pesaient sur lui, puisque les recettes ainsi prises en
compte s’élevaient à 15 M€ par période biennale, soit près de
30 % des minima garantis dans le cas où l’équipe de France était
qualifiée pour l’Euro 2004, ou encore près de 25 % dans le cas où
elle était qualifiée pour la Coupe du monde 2006, hypothèses qui
se sont réalisées par la suite.
La fusion des minima garantis de recettes
Le même avenant a en outre décidé la fusion des minima
garantis prévus dans les deux contrats, ce qui revenait à étaler sur
un rythme biennal, et non plus annuel, l’obligation contractée
dans le contrat Coupe de France. Cette décision a été présentée
comme justifiée par la difficulté de distinguer, dans la prise en
compte des recettes provenant de l’équipementier sportif, celles
qui se rattachaient aux différentes équipes de France, à la Coupe
41) Les minima garantis de recettes s’élevaient pour le contrat des équipes de France,
sur un rythme biennal, à 30,5 M€ en cas de qualification à l’Euro 2004 et à 40,4 M€
en cas de qualification à la Coupe du monde 2006. Pour le contrat de la Coupe de
France, ils étaient fixés à 10,67 M€ sur un rythme annuel.
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
161
de France ou aux autres catégories. L’application d’une clef de
répartition à partir des recettes réelles aurait pourtant été
concevable. Cette modification contractuelle a privé la fédération
d’une ressource importante pour 2002-2003, puisque les recettes
de marketing liées à la Coupe de France ne s’étaient alors élevées
qu’à 4,33 M€, soit 6,34 M€ de moins que le minimum garanti.
Peu de temps après, le 30 juin 2003, la FFF a adressé au
mandataire une facture de près de 4,3 M€ (
42
) au titre de la
garantie de recettes qui était convenue à l’origine dans le contrat
Coupe de France, mais qui était devenue désormais inapplicable.
Interrogé sur cette facture, qui a dû être annulée ultérieurement
par la FFF, le président en fonction à cette date a indiqué à la
Cour qu’il n’avait pas eu conscience du caractère rétroactif de cet
avenant.
d)
L’avenant n° 2
La fédération a conclu en avril 2004 avec le mandataire alors
titulaire un nouvel avenant, qui présente la particularité de n’être
pas précisément daté et qui a introduit des novations importantes :
suppression rétroactive au 1
er
juillet 2003 de toute garantie de
minima de recettes ; attribution rétroactive d’une rémunération au
titre du contrat conclu par la FFF avec l’équipementier sportif ;
fixation rétroactive d’une rémunération pour la commercialisation
de droits de marketing relevant de lots qui n’avaient pourtant pas
été attribués lors de la consultation initiale ; prolongation de quatre
années de la durée des contrats, en contrepartie d’un montant de
4,4 M€ dû par le mandataire ; augmentation de deux points des taux
de commission pendant ces quatre années supplémentaires.
Ainsi, alors que le premier avenant avait déjà autorisé
l’intégration dans les minima garantis de recettes du contrat conclu
par la FFF avec son équipementier sportif, ce second avenant
prévoyait également de rémunérer le mandataire à ce titre. Si ces
dispositions correspondaient effectivement à la mise en oeuvre des
clauses contenues dans les contrats initiaux, il n’en allait pas de
même, en revanche, de la suppression pure et simple des minima
garantis de recettes, qui bouleversait l’économie originelle de ces
contrats. Pour justifier cette suppression, l’avenant n°2 invoquait à
nouveau les accords conclus entre la fédération et l’équipementier
sportif, mais également d’autres accords analogues intervenus par
42) La comptabilisation de ce montant dans les produits de l’exercice 2002/2003 a
conduit les commissaires aux comptes à émettre une réserve.
162
COUR DES COMPTES
la suite entre la FFF et diverses sociétés spécialisées dans le négoce
de champagne, la location de voitures et les transports aériens, en
indiquant que l’ensemble de ces contrats interféraient avec les
droits de marketing qui avaient été confiés sans restriction au
mandataire. Or, dans le premier cas, cette interférence avait déjà été
prise en compte par l’avenant n°1 sous la forme d’une réduction des
minima garantis et était prévue dans l’avenant n°2 sous la forme de
compensations financières. Quant aux accords conclus entre la
fédération et les autres sociétés, leurs enjeux étaient strictement
délimités : s’ils empêchaient le mandataire d’accéder désormais aux
secteurs du champagne, de l’automobile et des compagnies
aériennes, ils lui laissaient cependant la possibilité de trouver des
opportunités commerciales dans d’autres secteurs. En outre, ils
auraient pu donner lieu à des compensations financières, sans pour
autant supprimer totalement l’obligation des minima garantis de
recettes. En fait, les arguments invoqués ne pouvaient justifier la
remise en cause d’un élément essentiel des contrats initiaux. En
définitive, à l’occasion d’un réexamen des conditions contractuelles
entraîné par l’absence d’exclusivité totale, le mandataire a obtenu,
dans un premier temps la fusion des minima garantis, puis, dans un
second temps, leur suppression complète.
Enfin, le nouvel avenant a prolongé pour quatre années, en
dehors de toute procédure de mise en concurrence, l’attribution des
contrats de mandat, jusqu’à l’issue de la Coupe du monde 2010
pour le contrat des équipes de France et jusqu’au 30 juin 2010 pour
le contrat de la Coupe de France. Cette absence de mise en
concurrence était non seulement contraire aux engagements pris par
la fédération à l’issue du précédent contrôle de la Cour, mais
également aux termes de la consultation initiale ainsi que des deux
contrats de mandat. En contrepartie, le mandataire alors titulaire
s’est engagé à payer un montant de 4,4 M€ «
au titre de droit
d’exclusivité complémentaire, forfaitaire et exceptionnel
», sans
que ce montant résulte d’une évaluation précise par la FFF de
l’impact de la prolongation des contrats. Le président de la
fédération en fonction en 2004 a par ailleurs indiqué que
l’augmentation de deux points des taux de commissionnement pour
ces quatre années supplémentaires avait été justifiée par la volonté
d’inciter le mandataire à développer l’exploitation des images de
l’équipe de France A et de la Coupe de France : cet argument
revenait en somme à substituer une incitation financière coûteuse et
à l’efficacité aléatoire à une garantie de recettes qui avait été fixée
dans le cadre d’une consultation.
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
163
Au total, la conclusion des deux avenants a profondément
modifié l’économie des contrats signés moins de dix-huit mois
auparavant. Si l’on compare ainsi, pour les exercices 2002-2003 à
2005-2006, les recettes de droits de marketing effectivement
encaissées par la fédération avec celles qu’elle aurait perçues si les
minima garantis avaient été appliqués, une simulation fait
apparaître - sous réserve de certaines hypothèses et conventions
(43) - une diminution théorique des recettes de la FFF de 11,83 M€
pour ces quatre saisons (5,74 M€ pour le contrat des équipes de
France et 6,09 M€ pour le contrat de la Coupe de France). Même
en tenant compte en sens inverse du droit d’exclusivité de 4,4 M€
apporté par l’avenant n°2, cette évaluation montre bien le sens et
l’importance du rééquilibrage entraîné par la signature des deux
avenants.
e)
Le protocole relatif aux droits audiovisuels
La fédération et le mandataire ont en outre signé en avril
2004, toujours en l’absence de mise en concurrence, un protocole
portant sur l’exploitation audiovisuelle des matches de l’équipe de
France A et de la Coupe de France. Ce protocole, qui n’est pas
davantage daté que le second avenant, s’applique rétroactivement
du 1er juillet 2003 jusqu’au terme de la Coupe du monde 2010, ce
qui l’aligne sur l’avenant n°2 du contrat des droits de marketing.
En définitive, le groupe déjà mandataire des droits de marketing a
donc à nouveau été investi, pour plus de sept ans, de mandats
exclusifs
pour
l’acquisition
des
droits
audiovisuels
de
retransmission sur le territoire national, lorsque l’équipe de France
A joue à l’extérieur, et pour la commercialisation de ces mêmes
droits dans le monde entier et sur le territoire national, lorsqu’elle
joue à domicile.
Deux arguments ont été avancés pour justifier ce protocole.
Il a tout d’abord été indiqué que le groupe mandataire alors
titulaire détenait, directement ou par sa filiale allemande, les droits
d’exploitation audiovisuelle de certaines fédérations de football
étrangères, alors même que la FFF - qui pourtant ne les possédait
pas encore - les avait cédés à un télédiffuseur français. Par ailleurs,
43) Prise en compte des minima garantis pour les montants fixés en cas de
qualification de l’équipe de France pour l’Euro 2004 et pour la Coupe du monde
2006 ; valorisation des recettes obtenues de l’équipementier sportif
à hauteur des
montants forfaitaires retenus dans l’avenant n° 1 ; absence de prise en compte des
autres partenariats négociés directement par la FFF, ainsi que des protocoles ultérieurs
(droits audiovisuels, transaction) ; etc…
164
COUR DES COMPTES
le protocole affirmait que la commercialisation des droits de
marketing était inextricablement liée aux négociations qui devaient
être engagées avec les fédérations étrangères pour les droits
d’exploitation audiovisuelle : ce lien présenté comme indissociable
n’avait pourtant aucunement été mis en avant par la FFF lors de la
consultation initiale.
Il convient d’observer que, lors de ces négociations, la FFF
se trouvait confrontée à un risque de déficit d’exploitation pour
l’exercice 2003-2004. Le président de la fédération a cherché à
obtenir rapidement des recettes afin de pouvoir présenter des
comptes équilibrés lors de l’assemblée générale qui devait marquer
l’arrivée à échéance de son mandat. Toutefois, les créances qui ont
ainsi été obtenues sur le mandataire au titre de ses droits
d’exclusivité (4,4 M€ pour les droits de marketing et 5,6 M€ pour
les droits audiovisuels) n’ont pas été versées en numéraire, mais
ont donné lieu à une simple compensation avec diverses dettes de
la fédération. Ainsi, les 5,6 M€ correspondant au mandat sur les
droits audiovisuels devaient être partiellement compensés par des
factures qui avaient été adressées en 2003 par le mandataire pour
des achats de droits audiovisuels. Or ces factures avaient été
qualifiées d’exorbitantes par ce même président, qui avait demandé
au mandataire de lui fournir des justifications probantes. Que
l’appréciation alors portée par la FFF sur ces factures, dont le
mandataire affirmait en sens inverse qu’elles correspondaient aux
conditions de marché de l’époque, soit ou non pertinente, le fait
que la fédération ait pu ainsi décider de compenser une créance
avec des engagements dont elle avait elle-même contesté le
montant ne peut que susciter l’étonnement.
3 - Le protocole transactionnel final
Par la suite, le vice-président de la fédération en charge
des affaires économiques a indiqué, au cours d’un conseil fédéral
qui s’est tenu le 23 février 2006, qu’ «
il est rapidement apparu à
la nouvelle équipe dirigeante de la FFF que la signature en 2003
et 2004 des avenants aux contrats marketing et du protocole
d’accord
droits
TV
avait
profondément
déséquilibré,
au
détriment de la FFF, la relation résultant des contrats initiaux du
11 décembre 2002
». Cependant, l’hypothèse d’une rupture
unilatérale des contrats a été écartée, car, «
même s’ils
entraînaient des conséquences financières préjudiciables aux
finances de la fédération, les avenants de 2003 et 2004 avaient
été librement signés par le président de l’époque et constituaient
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
165
des
documents
engageant
juridiquement
la
FFF
».
Des
négociations se sont alors engagées entre les nouveaux dirigeants
de la fédération et le groupe qui avait repris les activités du
mandataire. Ces négociations ont abouti à la conclusion d’un
protocole ne remettant pas en cause les accords précédents, mais
comportant des concessions réciproques et aux termes duquel le
groupe qui avait repris les activités du mandataire a notamment
accepté, pour retrouver des relations normales avec son mandant,
et sans pour autant reconnaître la position de la FFF, de lui verser
une somme forfaitaire et transactionnelle de 3 M€.
Le contrôle de la Cour met en lumière les erreurs et les déficiences
de la gestion de la fédération française de football lors de la consultation
qui a été organisée en 2001 pour l’attribution du mandat de
commercialisation des droits de marketing, puis lors de la négociation
jusqu’en 2004 des avenants et contrats ultérieurs. La fédération a
notamment accordé une prorogation pour quatre années des contrats
initiaux et mis en place un protocole sur les droits audiovisuels sans
aucune mise en concurrence, en contradiction directe avec les règles
qu’elle avait établies elle-même. Le second avenant a en outre supprimé
rétroactivement les clauses de minima garantis de recettes, qui
constituaient un élément fondamental
des contrats initiaux.
Lors de l’instruction de la Cour, le mandataire titulaire jusqu’en
juillet 2004 a exposé que ces négociations avaient résulté des seules
pratiques de la FFF, dès lors que celle-ci avait indiqué aux candidats
qu’elle attribuerait un mandat exclusif de commercialisation des droits de
marketing, alors même qu’elle en avait déjà négocié une partie et qu’elle
s’apprêtait à en négocier d’autres. Cet argument lui a permis d’obtenir
une prolongation des mandats et une révision de leurs conditions
financières, au motif que ces modifications permettaient de rétablir un
équilibre contractuel qui avait été rompu du fait que la FFF n’avait pas
respecté ses engagements initiaux.
Il reste qu’en définitive les errements constatés trouvent leur
origine dans les insuffisances de gouvernance et dans les défaillances de
gestion qui ont pu
alors s’observer au sein de la fédération française de
football, qu’il s’agisse de ses carences juridiques lors de la rédaction du
cahier des charges de la consultation initiale ou de la faiblesse manifeste
de sa capacité de négociation financière lors de la conclusion des
contrats et protocoles ultérieurs.
166
COUR DES COMPTES
La
Cour estime que
les
fédérations
sportives, désormais
confrontées pour les plus importantes d’entre elles au développement du
sport-spectacle et en conséquence à la nécessité d’une gestion rigoureuse
de leurs recettes commerciales, tant dans le domaine des droits de
marketing que dans celui des droits audiovisuels, doivent dorénavant
développer une professionnalisation indispensable de leurs modes
internes de gestion et d’organisation. Elles doivent en outre parvenir à
concilier cette évolution nécessaire avec leur mission fondamentale de
développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre. Le
ministère chargé des sports devrait, en ce qui le concerne, inciter
prioritairement les fédérations à promouvoir et à généraliser cette
nouvelle approche.
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
167
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES SPORTS
Le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports prend acte des
dysfonctionnements graves et répétés concernant plusieurs contrats passés
par la fédération française de football. Les pratiques relevées par la Cour
contreviennent aux règles imposées par le code du sport qui prévoient
notamment un appel préalable à la concurrence pour tout contrat d’intérêt
collectif relatif à des opérations d’achat ou de vente de produits ou services
par les fédérations agréées. Elles conduiront le ministère à engager une
réflexion sur les adaptations du code du sport susceptibles de mieux garantir
le respect des règles de mise en concurrence, en particulier lorsque les
enjeux économiques sont importants.
Par ailleurs, le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
souscrit pleinement à la recommandation de la Cour des comptes relative au
développement sportif et à la professionnalisation des modes de gestion des
fédérations : « le ministère chargé des sports devrait, en ce qui le concerne,
inciter prioritairement les fédérations à promouvoir cette nouvelle
approche ».
Il est déterminé à poursuivre sa politique tendant à encourager les
fédérations à se structurer davantage pour répondre efficacement à la
complexité des problèmes de gestion liés à la montée en puissance des enjeux
économiques et financiers dans le sport. Ce contexte implique que les
fédérations se dotent de compétences techniques et juridiques accrues
notamment en matière de contrats, afin de les sécuriser et se prémunir des
contentieux.
Cet objectif de professionnalisation de la gestion concerne aussi les
dirigeants associatifs élus pour lesquels la mise en place d’une école
supérieure de management du sport constitue une réponse appropriée. C’est
ainsi qu’une mission d’étude a récemment été confiée à M. Jean BRETSCH
visant à élaborer les bases de cette future école.
168
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT
DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
J’ai pris connaissance de l’insertion sur « La gestion par la
Fédération française de football de ses « droits de marketing » et souhaitais
vous apporter les précisions suivantes.
A la suite du rapport public de la Cour des comptes de 2001 et en
raison des observations qui y étaient faites, j’avais expressément demandé au
Directeur général de la Fédération française de football, qui cumulait
également les fonctions de Directeur du service marketing, de veiller
personnellement au respect de l’engagement de faire appel à la concurrence.
A cet effet, la FFF avait pris soin de s’entourer de différents conseils,
Carat Sports, agence spécialisée dans le marketing sportif, et du cabinet
d’Avocat Franklin également spécialisé dans ces domaines.
Le choix de ces conseils avait été fait par le Directeur général. Ce
sont dans ces conditions qu’ont été établis les documents de consultation à
l’origine des difficultés rencontrées par la suite.
Il est donc paradoxal qu’en ayant pris de telles précautions il puisse
être constaté par la Cour que les difficultés qui se sont posées dans la
négociation puis dans l’application des mandats résultaient de l’ambiguïté
des documents de consultation.
Que ce soit quant au choix restreint des candidats ou quant à la
« consultation tronquée », ni le Conseil fédéral ni le Président de la
Fédération n’ont pris part à ces décisions ou à la sélection des candidats.
Ainsi, les mandats ont été attribués par le Conseil fédéral dans la plus
grande clarté, après consultation de la commission de dépouillement des
offres composée de membres élus et salariés de la Fédération française de
football et aux travaux de laquelle je ne participais pas.
C’est la Commission marketing qui, épaulée par la juriste de la
Fédération a longuement négocié les contrats avec les équipes de la société
Sportfive, candidat retenu.
J’ai été parfois consulté sur des points d’achoppement, ou des
arbitrages, afin d’arrêter la position définitive de la Fédération, ce que les
erreurs ou imprécisions ci-avant rappelées ne facilitaient pas.
Quant aux contrats relatifs aux droits de diffusion télévisuelle des
matches de l’Equipe de France, j’avais signé avec TF1 une convention qui, à
l’instar des contrats précédemment signés par le FFF sous la présidence de
mes prédécesseurs, concédait au diffuseur de télévision les droits sur l’image
des rencontres de l’Equipe de France disputées à l’étranger, alors que la
Fédération française de football n’était pas titulaire de ces droits, ce dont
personne ne s’était inquiété.
LA GESTION PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL
DE SES « DROITS DE MARKETING »
169
La rédaction et la mise au point de ces contrats relevaient du service
marketing de la FFF qui les représentait à ma signature en fin de processus.
J’ai donc signé le contrat avec TF1 en toute bonne foi, sans avoir été
alerté du risque juridique qu’il représentait.
S’il est vrai que les montants des factures émises par Sportfive au titre
des droits de retransmission télévisuelle des quatre matches de qualification
de l’Equipe de France au Championnat d’Europe en 2004 nous avaient dans
un premier temps paru exorbitants, j’ai exigé et obtenu la preuve de ce qu’ils
correspondaient effectivement aux sommes déboursées par la société
Sportfive pour acquérir les droits en question avant d’accepter leur
compensation avec les droits forfaitaires dus par Sportfive à la Fédération en
application de l’avenant n° 2 aux mandats de décembre 2001 et du protocole
relatif aux droits audiovisuels.
J’imagine que ces vérifications peuvent être effectuées auprès de la
société Sportfive.
Je crois devoir souligner que les victoires de l’Equipe de France à la
Coupe du Monde 1998 et au Championnat d’Europe 2000 avaient
grandement contribué à une inflation des indemnités demandées par les
fédérations étrangères pour la retransmission des rencontres disputées dans
leur pays par l’Equipe de France.
Est-il besoin de rappeler qu’en tant que Président bénévole, assisté
d’un Directeur général, de conseils extérieurs et des différents services
compétents de la Fédération auxquels j’étais tout naturellement amené à
faire confiance, conforté par le Conseil fédéral (dont la plupart des membres
sont toujours en fonction), j’ai toujours pensé agir, en toutes circonstance, au
mieux des intérêts de la Fédération française de football.
Quant aux erreurs relevées, il a été établi que je n’en ai en aucun cas
tiré un quelconque avantage personnel.
J’ai pris note des conclusions de l’insertion en ce qu’elle invite les
fédérations sportives à « développer une professionnalisation indispensable
dans leurs modes internes de gestion et d’organisation ».
C’est ce à quoi j’espérais que la FFF parviendrait en recourant à
différents conseils et par les processus mis en place en interne.
170
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT DE SPORTFIVE
J’ai bien reçu l’insertion sur « la gestion par la fédération française
de football de ses droits de marketing » destiné à figurer dans le prochain
rapport annuel de la Cour des comptes que vous avez bien voulu m’adresser
en ma qualité de témoin dans cette affaire et vous en remercie bine vivement.
* Permettez moi de revenir simplement sur un point ( II - Les avenants et
protocoles d’accords – A – L’avenant n°1 et B- L’avenant n° 2) qui me paraît
fondamental.
Bien que les minima garantis par Sportfive dans les contrats signés en
décembre 2002 aient été ultérieurement fusionnés puis supprimés pour les
motifs que vous rappelez, Sportfive a toujours atteint ces minima dans la
mesure où elle n’en a pas été empêchée.
Ainsi, sur la période 2002/2003-2003/2004, le minimum garanti au
titre du contrat « Equipes de France » a été très largement dépassé puisque
Sportfive a apporté à la Fédération française de football des contrats d’un
montant total supérieur à 43 millions d’euros alors que le minimum garanti
était de 30,5 millions d’euros, soit un dépassement de 41 %.
Ai titre du contrat « Coupe de France », le minimum garanti était
légèrement inférieur à 10,7 millions d’euros par saison. Il a été dépassé lors
de la saison 2003/2004, Sportfive ayant apporté à la Fédération des contrats
d’une valeur totale de 11,4 millions d’euros. Pour la saison 2002/2003,
Sportfive a été empêchée d’atteindre ce minimum, qui avait été expressément
stipulé dans le contrat en considération d’une retransmission de la
compétition sur TF1, car la quasi-totalité des rencontres ont été diffusées sur
Eurosport, dont l’audience est bien entendu sans commune mesure avec celle
de la première chaîne de télévision de France, malgré cela, Sportfive a pu
apporter à la Fédération des contrats d’une valeur totale de près de
7,9 millions d’euros.
Pour compléter cette appréciation, il est intéressant de relever que
Sportfive a apporté à la Fédération 62,6 millions d’euros de recettes
publicitaires au total pour ces deux saisons, alors que la somme des minima
garantis était de 51,8 millions d’euros.
Je ne dispose malheureusement d’aucune information sur les résultats
des saisons suivantes, ayant quitté Sportfive en 2004, mais vous pourrez sans
doute aisément vérifier que les minima garantis, quoique supprimés, ont été
atteints par Sportfive.