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LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
133
Le service public de l’équarrissage
A la demande du président de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du Sénat,
formulée en application de l’article 58-2 de la LOLF, la Cour des
comptes a contrôlé en 2005 le fonctionnement du SPE
38
.
Parallèlement au contrôle de la Cour, le Gouvernement a décidé,
sur le fondement de la loi du 23 février 2005 relative au développement
des territoires ruraux, de procéder à une nouvelle réforme du SPE, dont
le régime juridique et financier avait déjà fait l’objet de plusieurs
modifications
depuis
1997.
Cette
réforme
réduit
le
périmètre
d’intervention du SPE, en transfère la gestion à l’Office national
interprofessionnel de l’élevage et de ses productions (ONIEP) et fait
exécuter le service dans le cadre d’un marché public national.
La Cour a réalisé en 2007 un contrôle de suivi de cette réforme.
Une audition a été organisée par la commission des finances du Sénat le
26 septembre 2007 au vu des résultats de ce contrôle. Le point a ainsi été
fait sur les mesures prises.
Si des améliorations ont été apportées à la gestion du service, le
recours à un marché public n’a pas permis d’en contenir les coûts en
raison des caractéristiques oligopolistiques de ce secteur et que le
financement
du SPE n’est toujours pas assuré.
En 1996, la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB),
dite de la « vache folle », a conduit l’Etat à imposer, dans l’urgence,
l’élimination par incinération des matières animales susceptibles de
contenir des agents de transmission de cette épizootie qui, transformées
en farines et en graisses, représentaient un risque pour la santé publique.
Les équarrisseurs ont été requis de détruire les cadavres d’animaux.
L’exploitation de leurs sous-produits, sur différents marchés comme
l’alimentation animale ou les cosmétiques, limitée auparavant, était
interdite.
27)
Ce rapport a été publié en annexe du rapport d’information
du Sénat n° 432 en
date 28/06/2006
134
COUR DES COMPTES
Dès lors l’intervention de l’Etat a été jugée nécessaire pour
restaurer l’équilibre économique du secteur de l’équarrissage qu’avait
organisé une loi de 1975, les équarrisseurs effectuant gratuitement, dans
un but d’hygiène publique, la collecte des cadavres d’animaux en
contrepartie de leur valorisation sur le marché. Un service public de
l’équarrissage (SPE), dont l’exécution matérielle a été confiée aux
entreprises privées d’équarrissage, a ainsi été mis en place par une loi du
26 décembre 1996 à compter du 1
er
janvier 1997, afin de faire contrôler et
financer par l’Etat la collecte et l’élimination des cadavres d’animaux, des
saisies sanitaires en abattoirs et des tissus animaux dangereux pour la
santé humaine. La plupart des opérations finales d’incinération sont
assurées par des entreprises de cimenterie.
Le service public de l’équarrissage a été jusqu’en 2006 géré dans
un cadre départemental par le préfet, chargé de passer les marchés publics
avec les entreprises d’équarrissage agréées, et par les directions
départementales des services vétérinaires (DDSV), responsables au plan
sanitaire du respect de la réglementation et, au plan financier, du contrôle
du service fait avant paiement des factures de ces entreprises par le
Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations
agricoles (CNASEA), affectataire des ressources du SPE.
L’absence de réelle concurrence
La Cour avait remarqué qu’il était sans doute plus réaliste de
chercher à renforcer les outils d’évaluation dont dispose l’Etat pour
fixer
les
barèmes
de
remboursement
des
prestations
des
équarrisseurs que de rechercher un renforcement de la concurrence
par le seul biais juridique d’appels d’offres.
L’équilibre de la loi du 31 décembre 1975 reposait sur
l’attribution de territoires exclusifs d’intervention, ce qui a
encouragé la concentration de ce secteur de longue date dominé
par deux entreprises. Or, l’Etat n’a jamais su tirer toutes les
conséquences, pour la négociation des tarifs et le contrôle des
coûts du SPE, de la structure oligopolistique de ce marché et de la
taille, relativement étroite, du segment particulier du traitement des
déchets qu’il constitue.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
135
Ce secteur, caractérisé par l’existence de monopoles
géographiques locaux, présente en outre des indices de pratiques
anticoncurrentielles devant lesquelles la Cour a noté les faiblesses
de la réaction administrative.
Les appels d’offre se sont avérés pour la plupart
infructueux depuis 1997 et ont débouché sur un système de
réquisitions préfectorales peu performant, avant d’être remplacé en
2006 par un marché public national à lots départementaux passé
pour trois ans (2006-2009), également insatisfaisant.
Ce marché a certes mis un terme au système de réquisition
des équarrisseurs : la Cour avait relevé qu'il ne saurait être un mode
de gestion permanent et critiqué le niveau trop élevé des indemnités
qu’il autorisait. Depuis le 17 juillet 2006, les prestations de
l’équarrissage sont donc réalisées dans le cadre d’un marché dont la
responsabilité a été confiée à l’ONIEP. Les résultats décevants de
ce marché confirment les doutes formulés par la Cour sur le choix
d'une
procédure de marché national à lots départementaux.
En effet, la plupart des réponses à l’appel d’offres ont été
uniques pour chaque lot et la profession a pu ainsi juxtaposer les
mêmes monopoles territoriaux que dans le passé, l’administration
n’ayant eu le choix entre deux offres concurrentes recevables que
dans un seul département
39.
Au total, selon l’analyse transmise à la Cour par le
ministère de l’agriculture et de la pêche, « la répartition des
candidatures correspond plus ou moins à la carte actuelle des
entreprises réquisitionnées en vue de l’exécution du SPE » ; ce
ministère, assisté par l’ONIEP, a difficilement obtenu
une baisse de
prix de 9 %, par rapport à l’offre initialement remise.
La Cour relève que le recours, dans ce marché public, à des
lots départementaux est incohérent avec l’organisation économique
et la gestion technique des prestations d’équarrissage et ne permet
pas un contrôle approfondi des tarifs des équarrisseurs. En outre, le
marché a été conclu pour une prestation globale, incluant la collecte
qui représente les deux tiers des charges, la transformation et
l’incinération par les cimentiers, ce qui accroît l’opacité qui
continue de caractériser l’économie du secteur.
39) Sur les 92 lots du marché, 88 ont fait l’objet d’une candidature unique. De plus,
pour les quatre départements qui ont fait l’objet d’une pluralité de candidatures, celle-
ci est très relative, puisque pour trois d’entre eux, l’une des deux candidatures
déposées n’est pas recevable au plan technique.
136
COUR DES COMPTES
L’augmentation des tarifs
Contrairement aux attentes de l’Etat et à ce qu’ont obtenu les
abatteurs fin 2005
dans le cadre de contrats privés pour les
prestations d’équarrissage ne relevant pas du service public (-15 %
en moyenne), une forte hausse des prix a été observée lors de la
passation du marché public. Cette augmentation obère les
allégements de charges escomptés de la réduction de périmètre du
service public. En effet le SPE supporte, dans le cadre du marché
public, une hausse moyenne de 19 % de ses tarifs. Cette
augmentation ne peut être présentée comme une actualisation
raisonnable des barèmes antérieurs, qui d'ailleurs avaient été
régulièrement révisés à la hausse sous le régime des réquisitions ;
au surplus ces tarifs avaient déjà subi une augmentation de 6,3 %
entre 2003 et 2006, les prix de l’incinération ayant pourtant
parallèlement baissé de 35 % au cours de la même période pour
encore diminuer de 15 % dans le marché public. L’administration
explique pour partie la hausse des tarifs par l’alourdissement des
contraintes réglementaires, pourtant en voie d’allègement, et par
l’augmentation du prix des carburants.
Dans ces conditions, la diminution des dépenses relevant du
SPE qui représentaient 191 M€ en 2005 et devraient s’élever à
150 M€ en 2007, est essentiellement imputable à la régression de
40 % des volumes de déchets traités depuis la réforme de 2005, qui
a réduit le périmètre des dépenses publiques à la prise en charge de
l’élimination des cadavres d’animaux trouvés morts en exploitation.
En revanche, à périmètre constant, les dépenses du SPE ainsi réduit
auront augmenté de 15 % entre 2005 et 2007.
Certes, l’écart entre les prix obtenus des équarrisseurs par les
abattoirs d'une part et par le SPE d'autre part tient compte d'une
structure différente des prestations. La Cour s’interroge néanmoins
sur l’ampleur de la hausse des tarifs dans le marché public. Elle
s’étonne également que l’Etat n’ait pu obtenir des équarrisseurs la
répercussion
des
progrès
de
productivité
résultant
de
la
concentration et de l’industrialisation du secteur, dont les
investissements de modernisation ont été soutenus par des aides
publiques nationales et européennes.
Des comparaisons avec d’autres pays européens, connaissant
aussi une situation de faible concurrence, révèlent des différences
de tarifs substantielles et des prix sensiblement plus faibles qu'en
France dans certains pays. Les éléments en la possession de
l’administration, peu homogènes, sont de ce fait peu exploitables.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
137
La Cour recommande que, dans la perspective de la révision du
marché public passé pour trois ans, l’Etat, sans exclure la recherche
et la sanction des pratiques anticoncurrentielles, renforce ses
instruments de négociation et de contrôle. Il serait utile, à cet égard,
d’établir des comparaisons systématiques tant avec les tarifs
pratiqués en dehors du périmètre du SPE qu’avec les barèmes en
vigueur dans les pays
européens voisins, qui paraissent, en
première analyse, avoir mieux maîtrisé leurs coûts.
Les évolutions résultant du transfert de
gestion
La Cour, dans sa communication de 2006, avait qualifié de
dysfonctionnement majeur du SPE les défaillances des directions
départementales des services vétérinaires dans le contrôle de
l’exécution des marchés et du service fait, ce qui débouchait sur de
fréquentes anomalies, non détectées, voire sur des irrégularités
manifestes
40
.
À cet égard, le transfert à un organisme unique, l’ONIEP, de
la gestion et du contrôle du SPE, à compter de juillet 2006, répond
aux critiques de la Cour sur les irrégularités et les insuffisances qui
résultaient de la dissociation de la fonction d’ordonnateur entre les
services déconcentrés de l’Etat et le CNASEA. Il est cependant
regrettable que l’ONIEP ne soit toujours pas doté du cahier des
charges de gestion et des objectifs de performance qui semblaient
nécessaires à la Cour et que le ministère de l’agriculture et de la
pêche annonce pour 2008 au plus tôt.
Une structure de gestion administrative, financière et
comptable a désormais été mise en place à l’ONIEP, qui contrôle le
service fait et assure le paiement des équarrisseurs. Les vérifications
effectuées de façon méthodique sur les stocks et les tournées sont
plus efficaces que le régime antérieur de la gestion partagée par les
services vétérinaires et le CNASEA.
Il importe que les contrôles soient systématiquement poursuivis et
approfondis.
40) Dans un département, par exemple, en raison de graves insuffisances des
contrôles, de nombreuses anomalies n’ont pas été exploitées par l’administration.
L’attestation de service fait a ainsi été délivrée pour des animaux non morts ou
introuvables ; certaines prestations n’étaient pas éligibles en raison de la modicité des
poids collectés ; la pesée n’était pas assez précise ; le SPE, gratuit pour l’usager mais
financé sur fonds publics, a été utilisé afin de satisfaire à l’obligation, payante,
d’élimination des déchets produits par une clinique vétérinaire ; des déplacements
systématiques causaient des facturations excessives.
138
COUR DES COMPTES
Les incertitudes et les risques de l’exécution du service
L’augmentation du coût du SPE résulte non seulement de
l’évolution des tarifs du service public, mais aussi de conditions
d’exécution encore imparfaites. Le marché public en cours
comporte à cet égard plusieurs clauses techniques qui présentent
des risques.
Au stade de la collecte existe un risque lié au mode
d’évaluation des volumes enlevés, l’unité d’oeuvre retenue pour la
facturation
étant le tonnage et non plus le nombre de passages en
ferme. Or, le niveau actuel d’équipement des équarrisseurs en
matériels de pesée crée, de fait, différentes incertitudes sur les
poids effectivement collectés. Les écarts entre les déclarations des
éleveurs et les poids enlevés ont actuellement une incidence
financière limitée mais sont de nature à altérer la répartition des
contributions entre les différentes filières d’élevage. Il est donc
nécessaire que l’ONIEP obtienne la généralisation progressive -
qui est prévue - de matériels conformes et adaptés et,
parallèlement, l’amélioration des méthodes d’enregistrement des
poids collectés.
Au stade de la transformation existe un risque de
rémunération excessive des opérateurs, en raison de l’inscription,
dans le marché public lui-même, d’un coefficient technique
forfaitaire fixe de transformation des tonnages de déchets collectés
en farines (28 %) surévalué d’un point par rapport au taux de
transformation (27 %) qui figure dans le rapport annuel du
Syndicat des industries françaises des coproduits animaux
(SIFCO).
Il existe enfin un risque lié au choix d’une prestation globale
dans le marché public, qui fait craindre que ne soient pas restituées
au service public les évolutions favorables de coûts qui pourraient
affecter certaines des prestations (collecte, transformation et
incinération). C’est le cas en particulier pour la baisse du coût
d’incinération des farines qui bénéficie à l’équarrisseur en
l’absence de clause du marché relative à sa répercussion. Selon
l’ONIEP, l’option d’un prix différencié par prestation n’a pas été
retenue « pour des raisons sanitaires de traçabilité des farines »,
mais cet argument est d’autant moins convaincant que le
découpage par prestation existait dans le système antérieur au
marché public sans préjudice pour l’organisation et la sécurité du
service public.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
139
Les carences persistantes de l’information économique et
financière
Les carences de l’information économique et financière,
relevées par la Cour dans sa communication de 2006, ont rendu
l’administration,
qui
redoutait
une
interruption
du
service,
totalement dépendante des données fournies par les entreprises
d’équarrissage.
Celles-ci ont ainsi su lui imposer leurs prix, en optimisant
leurs circuits de collecte en fonction de leurs impératifs de gestion,
sans que l’Etat ait pu se mettre en mesure d’homogénéiser ses
relevés et de rendre cohérentes ses propres statistiques. Les
incertitudes résultant de l’imperfection des outils d’information et
d’analyse économique dont disposait l’administration ont contribué
à accroître les difficultés du pilotage de ce service public.
Il en est résulté que l’administration n’a pas été en mesure
de respecter les engagements du Gouvernement vis-à-vis du
Parlement, qui prévoyaient le dépôt annuel d’un bilan chiffré et
détaillé. Le bilan des années 2002 et 2003 n’était toujours pas
établi en avril 2005 et le Parlement a finalement renoncé à cette
information pourtant essentielle en abrogeant, dans la loi relative
au développement des territoires ruraux, les dispositions du code
rural qui imposaient un bilan annuel.
Par ailleurs, en raison des réserves qu’appellent les résultats
de l’appel d’offres préalable au marché de 2006, en particulier au
regard de l’évolution des tarifs imposés au service public, il est
regrettable que les institutions de contrôle de l’Etat n'aient pas
accès, dans un cadre juridique qui n’est ni une concession, ni une
délégation de service public, mais un simple marché de prestations
de service, aux comptes des entreprises prestataires, dont la
surveillance des coûts et des marges est dès lors impossible. Au
terme du marché actuel, une évolution du statut du SPE devrait être
examinée dans la perspective d'une maîtrise de sa charge
financière.
140
COUR DES COMPTES
L’hypothèque des contentieux
Des risques contentieux concernant respectivement la taxe sur
les achats de viande et la taxe d’abattage affectent le bilan passé du
SPE et hypothèquent
la pérennité de son financement.
a) Un premier contentieux sur le financement du SPE par
une taxe sur les achats de viande, antérieurement au 1er janvier
2004, a été introduit devant le juge administratif par les entreprises
de distribution.
Pour la période 1997-2000, le SPE était en effet financé par
une taxe sur les achats de viande mise à la charge des entreprises
de distribution réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 2,5 MF
qui
l’ont
contestée
avec
succès
sur
le
fondement
de
l’incompatibilité de ses modalités avec les règles communautaires.
L’Etat a dû rembourser les sommes perçues, soit plus de 400 M€
en tenant compte des intérêts moratoires.
Pour la période 2001-2003, l’Etat, qui a réformé à la fin de
l’année 2000 l’assiette, le taux et le mécanisme d’affectation de la
taxe afin de la rendre conforme aux règles communautaires, est
toujours confronté à un contentieux important. En effet, après avoir
engagé le remboursement de la taxe sur les achats de viande sur la
totalité de la période 1997-2003, il a décidé de limiter ce
remboursement au montant collecté entre 1997 et 2000.
Des redevables, au nombre de 1215, avaient obtenu un
remboursement de la taxe perçue après 2000, pour un montant de
525 M€, augmenté de 28 M€ d’intérêts moratoires. La décision
ayant été prise de ne rembourser que la taxe perçue avant 2000, ces
montants auraient dû être reversés à l'Etat, mais la procédure de
recouvrement de ces sommes que l’administration estime avoir
remboursées à tort n'a pas été mise en oeuvre. Or, ces rappels sont
prescrits au 31 décembre 2007.
Les redevables, au nombre de 9906, qui n’avaient obtenu
aucun remboursement, ont saisi le juge administratif. L’enjeu de
ces contentieux toujours en cours est de 1,19 Md€.
Au total, le montant de la taxe contestée s’élève à 1,71 Md€,
hors intérêts moratoires.
b) Un second contentieux, relatif à la taxe d’abattage sur
lequel repose en grande partie le financement actuel du SPE, a été
introduit en septembre 2006 devant le Conseil d’Etat par deux
fédérations
professionnelles
représentant
les
abattoirs.
Les
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
141
requérants font notamment valoir qu’ils assurent désormais
l’élimination de leurs propres déchets dans un cadre contractuel de
droit commun et ne doivent donc pas contribuer au financement
des déchets de l’amont de la filière viande par le biais d’une taxe
qu’il leur est difficile de répercuter.
Le recours permanent au budget de l’Etat
Malgré les mesures d’adaptation régulièrement mises en
oeuvre, le financement du SPE, devenu chroniquement déficitaire,
repose en dernier recours sur des contributions du budget de l’Etat.
Depuis 2004, le SPE est financé par la taxe d’abattage, par
une dotation budgétaire du ministère de l’agriculture et de la pêche
et par une contribution des éleveurs, mais son équilibre est en
réalité tributaire du budget de l’Etat.
Or les dotations prévues en loi de finances initiale, d’un
montant de 34 M€ pour 2004 et 2005 puis de 44 M€ pour 2006 et
2007, se sont révélées très insuffisantes. Le CNASEA a ainsi dû
recevoir,
en
2004,
une
avance
remboursable,
dont
le
remboursement, plusieurs fois reporté, s’est de surcroît effectué
pour partie en utilisant le produit d’une taxe versée par erreur en
2001. Des compléments importants ont été accordés en loi de
finances rectificative au CNASEA qui a perçu plus de 100 M€ sur
ce fondement entre 2004 et 2006. Ces subventions additionnelles
n’ont toutefois pas suffi à restaurer l’équilibre du SPE.
Pour 2006, aux termes de l’arbitrage du Premier ministre du
23 juin 2005, le financement du SPE reposait, outre la dotation
budgétaire, sur une contribution des éleveurs de 8 M€, le restant
devant provenir de la taxe d’abattage. Cet équilibre financier a été
remis en cause par le renchérissement du SPE résultant des
médiocres résultats économiques de l’appel d’offres et par
l’impossibilité d’obtenir la participation financière de l’ensemble
des éleveurs. En effet, l’effort contributif n’a reposé, dans un
premier temps, que sur les éleveurs de porcs et de volailles dont
était escompté un versement de 4 M€ en année pleine et de
seulement 2 M€ en 2006, compte tenu de la date d’entrée en
vigueur de la réforme.
Un nouvel arbitrage a, dès lors, dû intervenir le 23 mai 2006
pour augmenter notamment la taxe d’abattage sur les bovins avec
effet au 17 juillet 2006 en prévoyant un réexamen du dispositif de
financement au 1
er
juillet 2007.
142
COUR DES COMPTES
La charge du budget de l’Etat relative au SPE a dû être à
nouveau majorée en 2006 par un virement au compte du SPE des
ressources budgétaires de l’ONIEP au titre de l’élimination des
farines animales stockées par l’Etat, à hauteur de 16 M€. Au total,
alors que la subvention de l’Etat, inscrite en loi de finances pour
2006 pour un montant de 44 M€, était versée à hauteur de 42 M€
seulement, le concours budgétaire effectif
a été porté en exécution
à 92 M€, d’abord par la consommation, au titre de cet exercice, de
34 M€ ouverts en loi de finances rectificative, puis
en fin
d’exercice par un redéploiement de 16 M€ des ressources d’origine
budgétaire de l’ONIEP.
La reconduction du déficit et le déséquilibre du financement
La
comptabilité
autonome
du
service
public
de
l’équarrissage, qu’exige la réglementation communautaire au titre
du contrôle des aides d’Etat autorisées dans le secteur agricole, fait
apparaître un déficit du compte du SPE géré par l’établissement
public auquel l’Etat en confie la gestion ; ce déficit, déjà constaté
au CNASEA, subsiste à l’ONIEP : il s’établissait à 45,5 M€ lors
du transfert de gestion entre les deux établissements,en raison du
volume alors non financé des factures ressortissant de la période
antérieure. Il a été réduit, compte tenu des financements reçus,
mais n’a pas été apuré.
Les ressources reçues par l’ONIEP pour son premier
exercice de gestion du SPE ne lui ont en effet pas permis de
restaurer l’équilibre financier du service. Celui-ci reste, au total,
déficitaire de 30,6 M€ au 17 juillet 2007 et, compte tenu de la très
faible réserve de crédits budgétaires existante et des prévisions de
rentrée de taxe d’abattage, l’insuffisance de financement du service
en fin d’exercice s’établirait, selon le ministère de l’agriculture et
de la pêche, à 50 M€ avant la mise en oeuvre de mesures de
redressement.
L’ONIEP est contraint de rééchelonner les paiements du
SPE, alors qu’il avait réussi, au début de sa gestion, à respecter le
délai de 45 jours prévu par le marché public. Cette situation
entraîne le paiement d’intérêts moratoires, onéreux et supérieurs au
coût des emprunts de
l’Etat.
La difficulté de trouver des compléments de ressources d’un
niveau suffisant fait peser une menace sérieuse et persistante de
déséquilibre du SPE. La Cour remarque en particulier que le
ministère de l’agriculture et de la pêche escompte pour 2008 une
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
143
participation de tous les éleveurs à hauteur de 12 M€ alors que
seuls les éleveurs de porcs ont contribué au financement du SPE, à
hauteur de 1,8 M€ en 2006, et que les éleveurs de volailles ne se
sont toujours pas acquittés de leurs obligations. Elle relève par
ailleurs que ce ministère, qui avait présenté en 2006 comme une
mesure exceptionnelle le redéploiement de 16 M€
dans les
comptes de l’ONIEP pour pallier l’insuffisance de crédits
budgétaires, envisage de renouveler, à hauteur de 3,6 M€, cette
opération qui affecte la sincérité de son budget.
En dépit du produit de la taxe d’abattage, estimé à 90 M€ en
2007, le ministère de l’agriculture et de la pêche ne parvient pas à
porter les ressources du SPE à la hauteur de son besoin de
financement annuel. Il n’est pas en mesure de limiter son
engagement budgétaire à 44 M€ et de respecter l’équilibre
déterminé pour le financement du service public de l’équarrissage
avec le Parlement et les autorités européennes.
*
La réforme du service public de l’équarrissage a certes amélioré
les conditions de sa gestion, mais n'a pas réglé ses problèmes financiers.
Au plan économique, le service public de l'équarrissage est assuré à des
tarifs qui paraissent pouvoir être réduits. Au plan
financier, les déficits
du SPE demeurent et s’accumulent, alors que les montants en jeu, somme
toute modestes, pourraient faire l’objet de mesures correctrices.
Pour que le redressement du service public de l’équarrissage se
poursuive, la Cour recommande les actions suivantes :
le maintien des efforts de rigueur de l’ONIEP dans la gestion
courante du SPE,
le respect de la sincérité dans la détermination au budget de
l’Etat des crédits nécessaires au SPE,
la sanction des éventuelles pratiques anticoncurrentielles,
la mise en place d’un encadrement juridique plus efficace de
ce service public ainsi que de mécanismes de régulation
efficaces des marchés et des prix face à un oligopole
solidement organisé,
la recherche de dispositifs techniques pour l’élimination des
déchets animaux permettant une nouvelle réduction du
périmètre du service public, sans préjudice au plan sanitaire.
144
COUR DES COMPTES
La Cour relève enfin que, parallèlement à la mise en oeuvre des
réformes, la régression de l’épizootie a permis d’entreprendre une
évolution de la réglementation sanitaire et économique, qui tend à
rapprocher les normes françaises des normes prévalant, en moyenne, sur
le territoire de l’Union européenne.
Cette situation aura pour effet d’alléger progressivement les
contraintes pesant sur les professionnels de la filière viande, d’élargir
leurs facultés de valoriser sur le marché les sous-produits et déchets issus
des animaux non ruminants et, par voie de conséquence, d’améliorer
l’équilibre de leurs exploitations. Cette évolution ouvre, à terme, la
perspective
d’un
allègement
des
charges
publiques
relatives
à
l’équarrissage, alors que celles-ci continuent de croître à périmètre
constant.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
145
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
Vous trouverez ci-après les précisions qu’il me paraît utile d’apporter
à la Cour en réponse à son insertion.
Sur l’évolution du coût des prestations
Conformément au cahier des clauses administratives particulières du
marché, il peut être procédé à une révision exceptionnelle du prix unitaire
dans l’hypothèse où la structure des coûts présentée par le titulaire dans son
offre est modifiée.
Au terme de la première annuité du marché public, le constat du
déficit annuel a amené le ministère à étudier la possibilité de recourir à cette
clause. Toutefois, les données économiques ne présentaient pas une évolution
justifiant la modification du prix du marché (possibilité de prolonger la
durée du marché ; valorisation des farines en engrais et en électricité ; levée
des contraintes françaises de traitement des eaux de rejet des sites
d’équarrissage ; réduction de coût de la sous-traitance chez les cimentiers).
Pour l’avenir, deux pistes peuvent être avancées pour enclencher cette
clause de révision et obtenir une diminution du prix :
- à court terme : la valorisation sous forme d’engrais des farines
issues des cadavres de catégorie 2. Un arrêté en ce sens doit paraître d’ici la
fin de l’année ;
- à moyen terme : la revalorisation des tarifs d’achat d’électricité
produite à partir de biomasse animale (régis à ce jour par l’arrêté du
13 mars 2002) pourrait se traduire par une diminution du coût de la
prestation compte tenu de la hausse de la valorisation énergétique des
déchets.
Sur le déficit du compte du Service Public de l’Equarrissage (SPE) à
l’office de l’élevage
L’absence de levée de la mise en réserve de crédits de Loi de
Finances Initiale (LFI) sur la subvention d’Etat, et les sous-déclarations de
certains abattoirs, ont contribué à aggraver le déficit annuel du SPE.
En outre, il me paraît difficile, à court terme, de faire porter aux
filières, dont la contribution a déjà été accrue, la couverture du déficit. Ce
dernier s’est aggravé en 2007 compte tenu notamment de l’annulation de la
mise en réserve de la subvention accordée et devrait atteindre 45 M€ à la fin
de l’exercice budgétaire. Ce montant prend en compte l’ensemble des
prestations réalisées et des recettes à recevoir au 31 décembre 2007 et non
uniquement les prestations adressées à l’office et dont le service fait a été
certifié.
146
COUR DES COMPTES
La décision prise le 19 juillet dernier en concertation avec les filières
d’augmenter les taux de la taxe d’abattage et d’étendre la participation des
éleveurs doit permettre d’équilibrer le financement annuel du dispositif.
Deux arrêtés parus au Journal officiel le 31 octobre se traduisent par une
augmentation des taux de la taxe d’abattage (dont le produit annuel passe de
87 M€ en 2007 à 91,4 M€ en 2008) et par une généralisation de la
participation des éleveurs (dont le produit rapportera 12 M€ en année pleine
contre 3,7 M€ aujourd’hui). La subvention de l’Etat est inscrite à hauteur de
44 M€, dans le projet de loi de finances pour 2008.
Enfin, des travaux sont actuellement conduits par mes services afin
d’améliorer le dispositif relatif à l’équarrissage, notamment par la réduction
de son coût. Une des pistes consiste à envisager une libéralisation partielle
ou totale du service public d’ici à la fin du marché prévue en juillet 2009. La
mise en place progressive d’associations, à l’instar d’ « ATM (Association
Trouvés Morts) Porc », capables de se substituer à l’Etat dans les
négociations avec les équarrisseurs, le coût du service public, la diminution
du risque relatif à l’encéphalopathie spongiforme bovine et la valorisation
accrue des sous-produits animaux, justifient ces travaux. En cas de
libéralisation, la charge pour le budget de l’Etat devrait être fortement
réduite. Il importe toutefois que ces évolutions permettent de maintenir toutes
les garanties sanitaires apportées aujourd’hui par le SPE.
Sur les conséquences du redéploiement de crédits des farines vers le SPE
Dans le nouveau dispositif de financement présenté aux filières le
19 juillet 2007, une subvention exceptionnelle et supplémentaire était prévue
par l’Etat pour 3,6 M€ au titre de la deuxième annuité du marché.
La révision à la baisse du coût annuel du marché, 147 M€ au lieu de
151 M€ prévus initialement, ne rend plus nécessaire le redéploiement de
3,6 M€ à partir des crédits des farines animales. En tout état de cause, ce
redéploiement aurait été sans incidence sur le calendrier et le financement
des opérations d’élimination des farines.
Sur les indicateurs de performance fixés au gestionnaire du SPE
Si à ce jour il n’existe pas d’indicateur de performance au sens de la
Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) établi pour la gestion
du SPE par l’office de l’élevage, des objectifs, indicateurs et plan d'action
relatifs à la gestion du SPE ont été définis et leur formalisation est prévue
dans le cadre de la future convention d'objectifs avec l'office de l'élevage, en
cours d'élaboration et dont la mise en oeuvre est prévue pour 2008.
Sur le moindre coût de l’équarrissage à l’étranger
Il paraît assez délicat de comparer les coûts de l’équarrissage en
Europe tant la nature de la prestation, les conditions d’exécution et les
contraintes réglementaires et sanitaires propres à chaque Etat, diffèrent d’un
pays à l’autre et ont forcément un impact sur le prix. Toutefois, une enquête
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
147
de mes services auprès du réseau des attachés agricoles d’un certain nombre
de pays de l’Union européenne est en cours pour préciser ce point.
Même si la France tend à aligner sa réglementation sur la
réglementation européenne en matière de valorisation des sous-produits, il
n’en demeure pas moins qu’actuellement les possibilités de valorisation
offertes aux équarrisseurs comme aux autres acteurs du SPE sont moins
importantes que dans le reste de l’Europe. Il existe déjà en Allemagne et au
Royaume-uni une filière de biodiesel produit à partir de graisses animales.
La France s’investit dans des projets d’implantation d’usine de ce type d’ici
2010. En Suède, le système « Biomal » permet d’éliminer directement les
cadavres sans transformation et de produire une matière valorisable en
énergie électrique ou sous forme de chaleur.
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
La Cour des comptes fait état des améliorations observées dans la
gestion du service public de l’équarrissage (SPE) à la suite de la réforme
mise en place en 2006, mais souligne que le coût du SPE peut être réduit et
que son financement demeure déséquilibré. Les critiques et recommandations
de la Cour appellent de ma part les observations suivantes.
Sur l’échec économique de l’appel à la concurrence et la tarification du
SPE.
Comme le relève la Cour, contrairement aux attentes de l’Etat, une
forte hausse des tarifs du SPE a été observée lors de la passation du marché
public alors que l’on constatait, dans le même temps, une baisse du prix
d’autres prestations d’équarrissage récemment sorties du périmètre du SPE.
Certes, les structures de coût de ces deux types de service ne sont pas tout à
fait comparables, néanmoins il importe d’être particulièrement vigilant face
à la tentation que pourraient avoir certains prestataires de profiter de
l’absence de concurrence pour pratiquer des tarifs excessifs sur le marché
public.
Le renforcement des outils d’évaluation et l’amélioration de
l’information économique et financière à la disposition de l’administration
constituent une piste qui mérite d’être explorée en priorité, non seulement
pour sanctionner les éventuelles pratiques anticoncurrentielles, mais
également pour renforcer le pouvoir de négociation de l’Etat et lui permettre
de fixer au mieux de ses intérêts financiers les barèmes de remboursement
des prestations des équarrisseurs. Il importe en particulier de s’assurer que
les baisses de coûts affectant certaines des prestations sont bien répercutées
148
COUR DES COMPTES
dans les tarifs des équarrisseurs. Il est d’ores et déjà possible à cet égard de
tirer les conséquences, en termes de coûts de transformation, de la fermeture
de l’usine d’Etampes, dont la clause de révision des tarifs, prévue par le
marché en cours en cas de modification de la structure de coûts du
prestataire, pour tenir compte de l’élargissement des possibilités de
valorisation des farines issues de matières de catégorie 2. A moyen terme,
l’opportunité du recours à une procédure d’appel d’offres pour un marché
national à lots départementaux pourra, comme le recommande la Cour, être
réexaminée.
Sur le financement du SPE et la sincérité de la budgétisation des
coûts supportés par l’Etat
Selon la décision arrêtée en 2005, le financement du SPE doit être
assuré par une dotation budgétaire de 44 millions d’euros, le solde
provenant d’une contribution des éleveurs et du produit de la taxe
d’abattage. Les arrêtés interministériels signés le 23 octobre dernier
augmentent la taxe d’abattage et la participation des éleveurs afin d’assurer
la prise en charge du coût du SPE conformément à cette décision. Selon le
ministère de l’agriculture, cette revalorisation de la taxe d’abattage et de la
contribution des éleveurs, associée à une diminution structurelle du gisement
d’animaux à enlever, devrait permettre d’atteindre l’équilibre du budget du
SPE en 2008. La plus grande attention sera portée au respect de cet
équilibre. S’Il devait ne pas être atteint spontanément, il devrait être
recherché à travers une nouvelle hausse de la contribution des éleveurs, qui
est demeurée jusqu’à l’arrêté d’octobre 2007 très inférieure à la cible de
8 M€ en raison de l’absence de contribution des éleveurs de ruminants.
Sur la réduction à moyen terme du périmètre du service public.
La Cour invite à juste titre à rechercher des dispositifs techniques
d’élimination des déchets animaux permettant une nouvelle réduction du
périmètre du service public, sans préjudice au plan sanitaire.
Plusieurs facteurs convergents sont susceptibles de permettre à moyen
terme une réduction du périmètre du SPE : la diminution du risque relatif à
l’encéphalopathie spongiforme bovine ; les évolutions de la réglementation
sanitaire française, qui est en voie d’alignement sur la réglementation
européenne, et l’élargissement des possibilités de valorisation des sous-
produits animaux qui en découle ; la mise ne place progressive
d’interprofessions susceptibles de devenir les interlocuteurs des équarisseurs
et de négocier directement leurs prestations ; le progrès technique, tant en
matière d’élimination que de valorisation des sous-produits animaux.
A terme, la libéralisation pourrait être partielle ou totale, selon les
choix qui seront faits en matière de mutualisation des charges liées aux
réglementations sanitaires et environnementales imposées aux éleveurs.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
149
RÉPONSE DU DIRECTEUR DE L’OFFICE DE L’ÉLEVAGE
La Cour note dans la conclusion de son rapport que l'évolution
réglementaire "ouvre, à terme, la perspective d'un allègement des charges
publiques relatives à l'équarrissage, alors que celles-ci continuent de croître
à périmètre constant".
Cette observation de la Cour appelle deux remarques :
Les évolutions réglementaires susceptibles de concerner le SPE
consistent principalement en la valorisation en engrais des farines
de catégorie 2 (issues de cadavres de non ruminants, porcs et
volailles). Cette évolution est attendue. La mise en place d'une
telle valorisation obligera cependant à une collecte et une
transformation séparées entraînant des surcoûts préalables. Ce
dispositif ne sera vraisemblablement susceptible d'être rentable
que dans des régions telles que la Bretagne où les élevages hors
sol sont denses. Des évolutions réglementaires complémentaires
pourraient également alléger le coût du marché en permettant aux
éleveurs hors sol de traiter eux-mêmes les cadavres d'animaux
avec des dispositifs alternatifs tels que la méthanisation ou
l'hydrolyse alcaline. Des expérimentations co-financées par
l'Office sont actuellement en cours.
Il convient de noter par ailleurs que, si le prix unitaire moyen de
la prestation a progressé
(+ 19% au 2
ème
semestre 2006 par
rapport au 1
er
semestre 2006, + 1% en 2007 par le jeu de la clause
de révision du marché), les dépenses sont désormais maîtrisées.
Les volumes collectés sur le 1
er
exercice d'exécution (juillet 2006 –
juillet 2007) ont été inférieurs de 4,4 % par rapport aux
estimations initiales. Les dépenses, y compris la participation des
éleveurs, ont atteint 148,9 millions d'euros, alors que la prévision
était de 153,6 millions, soit une moindre dépense de 4,7 millions
d'euros ;
La Cour recommande "la mise en place d'un encadrement juridique
plus efficace de ce service public, ainsi que de mécanismes de régulation
efficaces des marchés et des prix face à un oligopole solidement organisé".
Elle souligne plus particulièrement "qu'il est regrettable que les
institutions de contrôle de l'Etat n'aient pas accès, dans un cadre juridique
qui n'est ni une concession, ni une délégation de service public, mais un
simple marché de prestations de service, aux comptes des entreprises
prestataires dont la surveillance des coûts et des marges est dès lors
impossible".
150
COUR DES COMPTES
Je souhaite porter à la connaissance de la Cour que le CCTP du
marché prévoit en son article 15 la fourniture d'un compte rendu annuel
technique et financier. La partie technique consiste en la transmission, outre
les éléments mensuels d'activité fournis par les titulaires par voie
électronique et qui comprennent toutes l'information relatives à chacun des
2 600 000 enlèvements réalisés chaque année (nombre de cadavres, poids,
distances parcourues), des informations sur les moyens humains et matériels
mis en oeuvre dans le cadre du SPE. Le compte rendu financier comprend les
comptes annuels des entreprises qui exécutent les prestations, ainsi que des
éléments de comptabilité analytique sur les charges et recettes du service,
par département pour la collecte, par usine pour la transformation. Les
premiers bilans ont été transmis avant l'été à l'Office. Leur exploitation est en
cours et devrait être terminée d'ici le début de l'année 2008. L'article 12 du
même CCTP prévoit pour la PRM la possibilité d'une part, de faire des
contrôles sur place, d'autre part l'obligation pour le titulaire de fournir toute
pièce qui serait demandée par la PRM.
La Cour relève par ailleurs "que le recours à des lots départementaux
ne permet pas un contrôle approfondi des tarifs des équarrisseurs. En outre
le marché a été conclu pour une prestation globale incluant la collecte qui
représente les deux tiers des charges, la transformation et l'incinération par
les cimentiers, ce qui accroît l'opacité qui continue de caractériser
l'économie du secteur".
Il convient de préciser, pour que la Cour ait une meilleure
compréhension de la mécanique de la fixation du prix du marché, les
éléments suivants : des données détaillées sur les coûts
ont été demandées
aux candidats à l'appui de leurs offres. Ces éléments portaient sur les
charges
(charges
externes,
personnel
technique
et
administratif,
amortissements, frais financiers, frais de siège) des centres et usines et sur
les charges composant le coût de collecte qui ont été comparées aux
principaux ratios couramment utilisés en matière de transport. L'analyse du
coût de transformation a été réalisée par usine et non par département.
Après négociation, le prix de chaque prestation ayant été revu, il a été
demandé au titulaire de s'engager sur un prix unique, intangible sur la durée
du marché, réévalué en fonction de l'évolution d'indices INSEE des
principales composantes du coût. Chaque prestataire est par ailleurs payé
directement par l’Office, comme le prévoit la réglementation relative aux
marchés publics. Le prix unique a donc pour unique objectif la simplification
de la gestion administrative mais repose effectivement sur la prise en compte
de chaque prestation.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
151
La Cour pointe "les incertitudes et les risques de l'exécution du
service". Elle met particulièrement en exergue trois points :
1) « au stade de la collecte existe un risque lié au mode d'évaluation des
volumes enlevés, l'unité d'oeuvre retenue pour la facturation étant le tonnage
et non plus le nombre de passages en ferme ».
Il convient de rappeler à la Cour, comme elle même avait pu le
souligner dans des rapports antérieurs, que le précédent dispositif de
rémunération à l'enlèvement présentait l'inconvénient de ne pas permettre de
chiffrer le tonnage. Les unités utilisées, cadavres, enlèvements, tonnes, ne
permettaient pas une connaissance précise des volumes de cadavres collectés
et transformés ni des farines produites. La prestation de transformation était
cependant payée à la tonne de déchets bruts en entrée usine. Aucune
procédure de pesée à réception des tournées n'avait été arrêtée et les
contrôles sur place, à de très rares exceptions près, étaient inexistants. Dans
la mesure où les sous-produits SPE étaient mélangés dans les usines de
transformation, seules les déclarations des équarrisseurs permettaient de
connaître le volume de farines incinérées à indemniser. Ces déclarations
portaient tant sur un coefficient de transformation spécifique aux cadavres
différent du coefficient technique de l'usine, afin de calculer le volume
produit de farines dites SPE, que sur les tonnages de sous-produits SPE
entrant en usine, puisque aucune liaison avec le poids de la collecte ne
pouvait être réalisée.
Les seuls éléments de tonnage à la disposition de l'administration en
charge du paiement résidaient dans les statistiques professionnelles du
SIFCO et des enquêtes non exhaustives des DDSV.
En outre, si l'outil SIGAL, opérationnel en quasi-totalité depuis le
mois de septembre, permet de vérifier par des recoupements avec la BDNI
que les enlèvements de bovins ont bien été réalisés, car le cadavre est bien
répertorié, il n'en est pas de même à l'heure actuelle pour les espèces
porcines et la volaille, dont seul un contrôle en élevage pourrait permettre de
confirmer la réalité de l'enlèvement.
L'utilisation de la tonne comme unité d'oeuvre alliée à un contrôle
important des modalités de pesée apparaissait donc comme le seul moyen de
connaître de façon précise les volumes mis en oeuvre par les équarisseurs.
Il est à ce propos rappelé que le poids retenu pour le paiement est le
poids pesé sur un pont bascule homologué (poids effectif) et que les
modalités de pesées dans chaque établissement
intermédiaire font l'objet de
contrôles physiques systématiques, mensuels ou bimensuels, de la part de
l'Office.
Un contrôle documentaire permet de vérifier que la somme des poids
des enlèvements d'une tournée est bien égale au poids de la tournée. Il peut
donc y avoir des imprécisions de répartition entre espèces, ou entre SPE et
152
COUR DES COMPTES
hors SPE (dans le cadre des tournées mixtes minoritaires), mais il n'y a pas
d'imprécisions sur le poids de la matière mise en oeuvre. La totalité de la
prestation est donc payée sur un poids dont l’évaluation est contrôlée.
Une fois ce tonnage connu, il ne reste plus qu'à s'assurer de la
régularité des flux de matière, la farine SPE comme la farine non SPE de
catégories 1 et 2 étant incinérée en flux tendu.
Cette simplification administrative a permis de limiter à 3,8 ETP les
personnes en charge du contrôle documentaire et de l'ordonnancement des
factures et à 7,3 ETP au total le personnel hors contrôle en charge du SPE
(16,8 ETP auparavant au CNASEA), tout en permettant d'assurer un contrôle
harmonisé sur l'ensemble du territoire comme l'a mentionné la Cour dans
son rapport.
2) « au stade de la transformation existe un risque de rémunération excessive
des opérateurs en raison
d'un coefficient technique forfaitaire fixe de
transformation des tonnages de déchets collectés en farines ».
Il existe effectivement un risque de surfacturation du marché qui reste
inférieur à 0,15 % du coût total du marché.
3) « Il existe enfin un risque lié au choix d'une prestation globale dans le
marché public, qui fait craindre que ne soient pas restituées au service public
les évolutions favorables qui pourraient affecter certaines prestations" et
notamment l'incinération. »
Tout d'abord, il convient de porter à l'attention de la Cour que le
marché public a profité de la baisse tendancielle du coût de l'incinération
puisque le prix unique du marché est constitué avec une prestation
d'incinération à 55 €/T en moyenne, inférieure aux 65 €/T relevés par la
Cour en 2006. Le prix de chaque prestation technique a en effet bien été
détaillé dans l'offre technique des candidats. Par ailleurs, le titulaire s'est
engagé pour une durée du marché de 3 ans renouvelable 2 fois sur un prix
ferme et intangible. Il est prévu une révision annuelle en fonction d'indices,
qui concernent également l'incinération, et une révision exceptionnelle en
fonction notamment d'évolutions règlementaires ou techniques qui pourraient
concerner le cas échéant l'incinération.
L'établissement d'un prix distinct d'incinération pour le marché ne se
serait pas traduit par une réduction du prix de l'incinération pour l'Etat, dans
la mesure où il aurait été impossible de définir au préalable une règle
d'évolution du prix susceptible de permettre une répercussion des
fluctuations du marché.
La Cour s'étonne enfin de ce que "l'option d'un prix différencié par
prestation n'ait pas été retenue selon l'ONIEP pour des raisons sanitaires de
traçabilité des farines", alors que le découpage par prestation existait dans
le système antérieur au marché public pour l'organisation et la sécurité du
service public.
LE SERVICE PUBLIC DE L’EQUARRISSAGE
153
Pour être mieux compris de la Cour, il est nécessaire de préciser que
la crainte de l’Etat portait plus précisément sur le risque d'infructuosité de
certains lots techniques, notamment pour la transformation ou l'incinération
qui aurait pu entraîner des problèmes pour la traçabilité du dispositif. Cela
avait été le cas pour les marchés antérieurs. Par ailleurs si les arrêtés de
réquisition dans le système précédant le marché étaient distincts, ils
concernaient un seul et même opérateur qui réalisait la collecte et la
transformation, et les incinérateurs réquisitionnés étaient déjà ses clients
pour les matières transformées hors SPE.
La Cour regrette que "l'ONIEP ne soit toujours pas doté du cahier des
charges de gestion et des objectifs de performances qui semblaient
nécessaires à la Cour et que le Ministère de l'agriculture et de la pêche
annonce pour 2008 au plus tôt ".
C’est pourquoi l'ONIEP a souhaité se doter d'indicateurs de
performances sur les délais de traitement des factures. Un premier rapport a
été communiqué lors d'un récent conseil plénier de l'établissement.
Elle souligne également enfin que les contrôles doivent être
systématiquement poursuivis et approfondis. Je signale à ce propos à la Cour
qu’une évolution des contrôles a été engagée. Les éléments d'activité
transmis désormais par les équarrisseurs par le biais du système intégré
d'information de la DGAL font l'objet de contrôles informatiques poussés
permettant de vérifier leur cohérence. Ils sont complétés par des contrôles
sur place des agents qui visent à vérifier la conformité de ces données, soit
globalement, soit de façon ciblée, avec celles des bordereaux d'enlèvement,
des tickets de pesée et des documents commerciaux. L'attention sur la pesée
et sur l'ensemble des autres dispositions imposées par le CCTP est
maintenue.
154
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CNASEA
Conformément au décret n° 2006-877 du 13 juillet 2006, le CNASEA
n’assure plus la gestion des mesures SPE et Coproduits qui a été confiée à
l’ONIEP depuis cette date. Antérieurement, le CNASEA a géré le service
public de l’équarrissage en 1997 et la gestion des Coproduits à partir de la
fin de l’année 2000, et ce jusqu’à la date du transfert à l’ONIEP.
Le CNASEA a assisté l’Office de l’Elevage pour la reprise des
dispositifs par convention en date du 18 mai 2006, notamment par la mise à
disposition temporaire d’un chargé de mission, jusqu’au 31 octobre 2006.
Concernant la note de présentation et le chapitre II, paragraphe A,
1
er
alinéa du projet d’insertion, le CNASEA tient à rappeler qu’il s’est
conformé strictement à la circulaire interministérielle du MAP/DGAL
n° SPDA2/MD/0402 du 7 février 1997, qui précisait les tâches incombant à
chaque intervenant du dispositif sanitaire et financier du SPE (services de
l’Etat DDAF/DDSV, CNASEA, MAP-DGPEI).
A ce titre, il n’appartenait pas au CNASEA d’assurer le contrôle du
« service fait » des prestations, qui a toujours été dévolu aux services de
l’Etat
(autorités
sanitaires
principalement
que
sont
les
directions
départementales des services vétérinaires).
LE CNASEA, dans le cadre des missions d’établissement payeur qui
lui étaient confiées, effectuait un contrôle exhaustif des bases juridiques
tarifaires
(lettres
de
commandes,
marchés
publics
et
réquisitions
préfectorales), avant paiements des factures (portant la mention de
certification du service fait par les DSV) aux entreprises prestataires du SPE
(équarrisseurs, transports et cimentiers-incinérateurs).
Au chapitre II, paragraphe C, il est admis que le passif « hérité » par
l’ONIEP du CNASEA, s’établissait à 45,5 M€ lors du transfert. Sans remettre
en cause le montant de la charge estimée, il est opportun d’affirmer que le
CNASEA ne peut être tenu en aucun cas pour responsable de ce déficit. En
effet, les causes structurelles de ce passif sont connues et soulignées par la
Haute Juridiction, à savoir : insuffisance du produit de recouvrement de la
taxe d’abattage, hétérogénéité tarifaire départementale des réquisitions,
absences récurrentes de financement des filières animales.