Les opérations immobilières
Kléber / Convention à Paris
_____________________
PRESENTATION
____________________
Le regroupement des services parisiens du ministère des affaires
étrangères devait être une illustration exemplaire à la fois de la démarche
de modernisation de cette administration et de la nouvelle politique
immobilière de l’Etat conduite par le ministère chargé du budget.
Sans doute positif sous l’angle de la modernisation administrative,
l’ensemble d’opérations immobilières conclues en 2007 pour réaliser ce
projet se solde, toutefois, par un bilan - encore provisoire - moins
convaincant d’un point de vue financier et nettement insatisfaisant en
termes de qualité de gestion patrimoniale.
En choisissant comme site de regroupement l’ancien siège de
l’Imprimerie nationale, situé rue de la Convention dans le 15
ème
arrondissement, l’Etat a, en effet, racheté ces locaux (28.000 m²), en juillet
2007, pour 325 M€ HT, au groupe privé qui les avait lui-même acquis de
l’entreprise publique, en janvier 2006, pour 85 M€ HT. Ce rachat a été
financé par la vente, en avril 2007, pour 404 M€ HT,
du centre des
conférences internationales de l’avenue Kléber (24.000 m²), un ensemble
immobilier de prestige
situé à proximité des Champs Elysées.
Certes, la comparaison des prix de vente et de rachat de l’ancien
siège de l’Imprimerie nationale ne saurait ignorer la forte croissance des
prix du marché de l’immobilier parisien intervenue entre 2003 – année de
la conclusion de la vente de son siège par l’entreprise publique - et 2007,
ni la restructuration complète dont ont fait l’objet les bâtiments. Il n’en
reste pas moins que l’Imprimerie nationale a vendu cet immeuble au plus
bas, tandis que l’Etat l’a racheté au prix fort.
636
COUR DES COMPTES
Alors même que « l’Etat propriétaire » s’est engagé dans un
programme national de cessions de grande ampleur (2,3Md€ depuis
2004), sa nouvelle gestion immobilière est, en l’espèce, loin d’avoir porté
ses fruits, faute d’avoir été véritablement appliquée. Il s’agissait pourtant
de la plus importante restructuration immobilière réalisée jusqu’à présent
dans ce nouveau cadre.
Inspirée, en 2006, par les conclusions d’un rapport de la mission
d’évaluation et de contrôle de la commission des finances de l’Assemblée
nationale
1
, la nouvelle politique immobilière de l’Etat a été décrite dans
une circulaire du premier ministre du 28 février 2007. L’objectif est
d’aboutir à un parc moins onéreux et mieux adapté au service public,
grâce à une gestion immobilière plus stratégique, mieux organisée et
conduite avec un plus grand professionnalisme.
Une distinction essentielle est désormais opérée entre, d’une part,
« l’Etat propriétaire », représenté par le ministère chargé du budget et
plus particulièrement France Domaine, créée le 1
er
février 2006 par
transformation de l’ancien service des domaines et, d’autre part, les
administrations
affectataires
des
locaux,
dorénavant
soumises
à
l’obligation d’acquitter un loyer.
C’est dans ce contexte qu’ont été lancées, au premier semestre
2006, les recherches d’immeubles puis conclues en moins d’un an les
transactions qui vont permettre au ministère des affaires étrangères de
remédier, en 2009, à la dispersion actuelle de ses 3.000 agents
2
entre huit
sites parisiens (au total environ 90.000 m² de surfaces utiles).
Après
plusieurs
propositions
de
regroupement
finalement
abandonnés, le ministère a défini, en mai 2006, un nouveau schéma de
localisation : son coeur historique resterait dans les bâtiments du quai
d’Orsay (le ministre, son cabinet et l’ensemble des directions politiques,
soit environ 1.200 personnes) ; les autres services seraient regroupés dans
un immeuble de bureaux, moderne et fonctionnel, dans Paris
intra muros
ou en proche banlieue ; les archives diplomatiques seraient transférées du
quai d’Orsay à La Courneuve dans un bâtiment construit à cet effet
3
.
1) Rapport d’information présenté en juillet 2005 par M. Georges Tron, député de
l’Essonne.
2) Outre l’immeuble historique du quai d’Orsay et l’ensemble de l’avenue Kléber
(8ème), ce ministère occupe : un hôtel particulier au 20, rue Monsieur (7ème) et
différents immeubles et locaux au 6, rue de Talleyrand (7ème), au 57, Bd des
Invalides, au 103, rue de l’Université (7ème), au 244, bd St Germain ou encore au 3,
avenue de Lowendal (7ème).
3) Voir dans le présent rapport : « Le centre des archives diplomatiques du ministère
des affaires étrangères »
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
637
Fin 2006, l’Etat a pris la double décision d’acquérir l’immeuble de la
rue de la Convention pour y installer les services à regrouper et de mettre en
vente les sept immeubles qu’ils occupaient, dont l’ensemble immobilier
Kléber, comprenant à la fois des bureaux et le Centre des conférences
internationales, constituait la pièce maîtresse.
I
-
Un vaste ensemble d’opérations conjointes
L’acquisition de l’ancien siège de l’Imprimerie nationale puis la
cession de l’ensemble immobilier de l’avenue Kléber ont constitué deux
opérations liées, conduites en parallèle, avec le même souci d’aboutir avant
les échéances électorales du printemps 2007. Le lien établi entre les
opérations et la contrainte de calendrier ont été peu favorables aux intérêts
de l’Etat.
A - Des cessions immobilières majeures
La loi de finances initiale pour 2006 comportait un objectif
ambitieux de cessions immobilières, d’un montant de 480 M€ qui devait
contribuer à limiter le déficit budgétaire. Pour l’atteindre, le ministère
chargé du budget, et notamment France Domaine, se sont mobilisés pour
trouver au plus vite d’importants ensembles immobiliers à céder. Dans ce
contexte budgétaire pressant, la vente du centre de conférences de l’avenue
Kléber et des bâtiments contigus occupés par le ministère des affaires
étrangères s’est rapidement imposée.
1 -
La cession du centre Kléber
La procédure de vente de cet ancien grand hôtel de luxe a été
engagée par un appel d’offres lancé le 9 février 2007. Dix offres recevables
ont été remises, allant de 225 M€ à 404 M€.
Cette dernière, présentée par
un investisseur étranger, dépassait de 46 M€ la proposition classée en
deuxième position. Nettement supérieure aux estimations dont disposait
l’administration (155 M€ en 2005 selon le service des Domaines), elle a été
retenue et la vente a été juridiquement conclue le 26 avril 2007.
Compte tenu de l’emplacement et du caractère exceptionnels de cet
ensemble immobilier, ainsi que de la hausse des prix de l’immobilier de
bureau parisien à l’époque, la question de l’opportunité d’un deuxième tour,
prévu par le règlement de l’appel d’offres, s’est posée. Cette option a
finalement été écartée, du fait selon l’administration, de l’importance de
l’écart entre la meilleure offre et la suivante. En réalité, de moins bonnes
raisons ont aussi interféré.
638
COUR DES COMPTES
Malencontreusement, les résultats du premier tour de l’appel
d’offres, qui devaient évidemment rester strictement confidentiels dans la
perspective d’un éventuel second tour, ont été connus des acteurs concernés
du marché dans les heures qui ont suivi l’ouverture des plis. Par ailleurs, le
parallélisme et la liaison en termes de financement entre cette procédure de
cession et les négociations menées dans le même temps par l’Etat pour
l’acquisition de l’ancien siège de l’Imprimerie nationale, alors que le
ministère des affaires étrangères était préoccupé de régler le relogement de
ses services avant les prochaines échéances politiques, ont également
dissuadé de faire jouer plus avant la concurrence.
Tout comme « l’Etat actionnaire » s’attache à sécuriser ses
procédures d’acquisition ou de cession de titres sur le marché, « l’Etat
propriétaire » devrait se
mettre en
mesure de
mieux assurer la
confidentialité des siennes.
2 -
Les autres cessions
Outre l’ensemble Kléber, ont également été cédés l’immeuble de la
rue de l’Université à l’Assemblée nationale, pour un montant de 9,9 M€, et,
plus récemment, l’hôtel particulier de la rue Monsieur, pour un montant de
142 M€.
Le transfert à titre onéreux de l’immeuble du 244, boulevard Saint-
Germain
au
ministère
de
l’écologie,
du
développement
et
de
l’aménagement durable, pour un montant de 96,3 M€, n’est pas encore
intervenu, le financement par ce ministère étant lui-même tributaire de
produits de cessions à venir. Les ventes de trois autres sites n’ont pas non
plus encore été effectuées
4
.
Au total, le produit des cessions opérées à ce jour s’élève à
555,90 M€.
B - L’acquisition de l’immeuble de la rue de la Convention
1 -
La cession par l’Imprimerie nationale en 2003
Depuis plusieurs années, cette entreprise publique, dont l’Etat détient
100 % du capital social, avait décidé, en raison d’une situation financière
difficile, de vendre son implantation de la rue de la Convention, où se
trouvaient son siège et les ateliers attenants, au demeurant inadaptés aux
activités industrielles qui s’y exerçaient.
4)
6, rue de Talleyrand (7ème); 57, bd des Invalides (7ème); 3,avenue de Lowendal
(7ème)
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
639
A
l’issue
de
deux
consultations
successives,
l’Imprimerie
nationale
5
avait signé, le 19 juin 2003, un compromis de vente avec la
filiale d’un investisseur international, pour un prix de 85 M€ HT.
L’acquéreur s’engageait également à verser un complément de prix dans
le cas où, avant le 31 décembre 2007, le produit de la location ou de la
revente de l’immeuble excéderait des montants préalablement fixés.
Ce compromis de vente a été conclu à un mauvais moment, alors
que les prix de l'immobilier de bureau à Paris avaient fortement baissé.
Pour autant, l’Etat, en tant qu’actionnaire et tuteur de l’entreprise, s’était
donné pour priorité de rétablir la situation financière dégradée de
l’entreprise et lui a imposé la vente de son siège.
Ce choix s’est révélé d’autant plus préjudiciable que, par suite des
délais de libération des locaux et de réalisation des travaux de
dépollution, l’acte de vente n’a été signé que deux ans et demi plus tard,
le 31 janvier 2006, après le retournement à la hausse des prix du marché.
Mais le compromis de vente ne prévoyait le versement d’aucun
acompte, et la clause de complément de prix était loin de répercuter à due
concurrence la hausse des prix du marché, sans que les engagements
signés ne permettent de modifier le prix de vente conclu en 2003. Au
contraire, l’Imprimerie nationale a été contrainte, pour assurer sa
trésorerie, de contracter un prêt-relais de 50 M€ qui a généré des frais
financiers de l’ordre de 6 M€.
Au surplus, la vente a été conclue à un prix particulièrement bas,
inférieur de 10 M€ à une estimation du service des domaines, remontant à
avril 2002, elle-même intrinsèquement faible, car portant sur l’immeuble
en l’état, c'est-à-dire aménagé et utilisé principalement pour des activités
industrielles d’impression, et non sur sa valeur potentielle, après
restructuration en usage commercial, de bureau ou de logement. Or, au
lendemain de la signature du compromis de vente, l’acquéreur demandait
au préfet un agrément autorisant la transformation d’une partie importante
des locaux d’activités en locaux de bureaux (13.249 m² sur 26.286 m²),
qui a été obtenu dès le 26 septembre 2003, donnant après coup à
l’immeuble une valeur bien supérieure.
5) Voir, dans le présent rapport, p. 419 et suivantes, l’insertion consacrée à
l’Imprimerie nationale. Les comptes et la gestion de cett<e entreprise publique ont été
examinés par la Cour au titre de ses contrôles périodiques. Elle a aussi fait l’objet
d’une autre enquête de la Cour effectuée sur le fondement de l’article 58-2 de la loi
organique relative aux lois de finances, à la demande du président de la commission
des finances de l’Assemblée nationale.
640
COUR DES COMPTES
En outre, tel que rédigé, le compromis de vente a permis à
l’acquéreur de transférer l’immeuble à une filiale de droit luxembourgeois,
et ce faisant de rendre non imposable, notamment en France, les plus-
values susceptibles d’être dégagées en cas de cession ultérieure.
Enfin, bien qu’au même moment plusieurs administrations, dont le
ministère des affaires étrangères, étaient à la recherche de locaux, l’Etat ne
s’est aucunement interrogé, à cette époque, sur les possibilités de
rationaliser les implantations de ses propres services en utilisant les
bâtiments libérés par l’Imprimerie nationale.
2 -
L’acquisition par l’Etat en 2007
La perspective d’une vente de l’ensemble immobilier Kléber
imposait au ministère des affaires étrangères de trouver au plus vite un site
de substitution. A la suite d’un appel aux opérateurs lancé durant l’été
2006, le ministère et France Domaine ont, dans un premier temps, examiné
quatre propositions : l’une dans Paris
intra muros
et les autres en
périphérie. Elles furent toutes écartées, en raison de leur localisation ou de
leurs caractéristiques. La possibilité d’une installation dans l’ancien siège
de l’Imprimerie Nationale n’a été envisagée par le ministère et France
Domaine qu’à la fin de l’année 2006. La négociation a aussitôt été
engagée.
a)
Le choix d’un conseil immobilier et son rôle ambigu
Pour l’aider à sélectionner les implantations possibles, le ministère
des affaires étrangères a fait appel, en juillet 2006, aux services d’un
conseil immobilier. Son recrutement a été effectué par appel à la
concurrence, mais sans respecter toutes les règles de la consultation
6
.
Ce marché d’assistance a été interrompu de façon anticipée, par le
ministère, à compter du 30 octobre 2006, au motif que la mission de
l’expert était achevée. Pourtant, à cette époque, le ministère n’avait pas
encore trouvé le site recherché.
Malgré l’interruption du marché, la société conseil a néanmoins
continué à intervenir. Elle a ainsi pris part aux discussions qui devaient
conduire à l’achat de l’immeuble de la rue de la Convention. A la demande
du ministère des affaires étrangères et de France domaine, elle en a même
validé le prix d’acquisition.
6) L’objet social de la société incluait la fonction d’agent immobilier, alors que l’avis
d’appel à la concurrence précisait que la prestation à effectuer devait l’être par un
conseil en immobilier n’exerçant pas la profession de marchand de biens ou d’agent
immobilier. Cette candidature, comme d’ailleurs d’autres parmi celles qui furent
admises, aurait donc dû être écartée avant l’examen des offres.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
641
Ces prestations, faites sans titre, n’ont pas été rémunérées par
l’administration. Cependant cette même société conseil, qui avait aussi
procédé à l’estimation, pour le compte du ministère des affaires
étrangères, de l’hôtel particulier de la rue Monsieur, a par ailleurs été le
conseil de l’un des acquéreurs dudit immeuble.
Selon la société conseil, la prolongation de son intervention au-
delà du 30 octobre 2006 a eu le caractère d’ « une prospection
commerciale », restée sans suite dans le cas de l’immeuble de la rue de la
Convention, mais réussie dans le cas de la rue Monsieur, où elle a pu se
positionner auprès de l’acquéreur et où elle bénéficiera « d’une
commission d’intermédiation, à la charge exclusive » de celui-ci lors de
la signature de l’acte de vente.
En agissant comme elle l’a fait, l’administration porte une lourde
responsabilité dans le développement de cette situation à tout le moins
ambiguë.
b)
La validation contestable du prix d’acquisition
Utilisées pour attester le bien-fondé du prix acquitté par l’Etat, les
évaluations réalisées à l’époque, tant par la société conseil que par France
Domaine, apparaissent élevées.
La société conseil a estimé la valeur de l’immeuble à 335 M€ HT
sur la base d’une valeur locative identique à celle figurant dans les
documents produits par le vendeur mais en recourant à un taux de
capitalisation sensiblement plus faible que celui retenu par France
Domaine
7
.
De son côté, France Domaine, à la fois évaluateur et négociateur
de l’achat au nom de l’Etat, a fourni une estimation à première vue
moindre, à hauteur de 300 M€ HT, mais assortie d’une marge de 10 % en
plus ou en moins et reposant sur une valeur locative de 550 €/m² quand,
au même moment, à l’occasion de l’estimation d’un autre immeuble en
état futur de restructuration, il retenait, à partir de références immobilières
précises, une valeur locative de 500 €/m² dans le même arrondissement,
valeur confirmée par une étude publiée à la mi-2007. Or sur cette base, la
valeur vénale de l’immeuble de la rue de la Convention se serait établie à
275 M€, soit 50 M€ de moins que le prix acquitté.
7) 4,30 % contre 4,75 %.
642
COUR DES COMPTES
c)
Les réserves du Conseil de l’immobilier de l’Etat
Créé, en octobre 2006, pour jouer en quelque sorte le rôle d’un
conseil de surveillance en matière de politique immobilière, le conseil de
l’immobilier de l’Etat a notamment été chargé de rendre un avis sur le
schéma pluriannuel de stratégie immobilière que doit présenter chaque
ministère. Il a été saisi, en décembre 2006, de celui du ministère des
affaires étrangères, mais l’hypothèse d’un relogement dans l’immeuble de
la rue de la Convention lui a alors été résolument occultée, alors que le
choix de ce site et les négociations avec le vendeur étaient déjà largement
engagés.
Une fois informé, le président du conseil de l’immobilier de
l’Etat
8
, dans une lettre du 23 mars 2007 adressée aux services du premier
ministre et restée sans réponse, a exprimé ses réserves sur le rachat de
l’immeuble de l’Imprimerie nationale, fondées sur la localisation dans un
quartier central de Paris
ainsi que sur le prix élevé du rachat. Il y
suggérait également de rechercher des solutions alternatives.
d)
Un prix d’acquisition élevé
L’écart entre le prix de la vente par l’Imprimerie nationale et le
prix du rachat par l’Etat trouve une part de justification dans la forte
hausse de l’immobilier de bureaux constatée en 2006 et 2007. Il résulte
également du coût de la restructuration des bâtiments, dont le montant
s’élèverait, selon le vendeur, à 100 M€, chiffre que la Cour n’est en
mesure ni de confirmer ni d’infirmer. Enfin, le prix acquitté par l’Etat
(325 M€ HT) intègre aussi un montant de 10 M€ HT de travaux
supplémentaires exécutés par le vendeur à la demande du ministère des
affaires étrangères.
De facto, l’Etat aura également supporté le complément de prix de
18 M€ imposé par la clause de « retour à meilleure fortune » prévue dans
l’acte de cession de l’ancien siège de l’Imprimerie nationale. Après avoir
tenté en vain d’obtenir de l’entreprise publique et de sa tutelle – l’Etat - la
modification de cette clause, le vendeur a mené la négociation de telle
sorte que le prix finalement accepté par l’Etat a pris en compte cet
élément.
8) Le conseil de l’immobilier de l’Etat a été créé en octobre 2006 afin de «
formuler
régulièrement au ministre chargé des domaines des recommandations et des
préconisations opérationnelles pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de
l’Etat
».
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
643
De façon plus générale, ne disposant d’aucune alternative et s’étant
lui-même enfermé dans un calendrier contraignant, l’Etat ne se sera
jamais mis en situation de véritablement négocier.
Dans l’hypothèse d’un montant de travaux de 100 M€ exécutés par
le vendeur, la plus value réalisée s’élèverait à environ 120 M€, hors frais
de portage financier de l’immeuble, soit 1,4 fois le prix
payé pour l’achat
de l’immeuble à l’Imprimerie nationale.
e)
Une plus-value susceptible d’échapper à l’impôt
La plus-value dégagée par l’investisseur vendeur aura été d’autant
plus appréciable qu’elle est susceptible d’être non imposable dès lors que
la société venderesse est une filiale de droit luxembourgeois. L’enjeu
financier peut être évalué à environ 40 M€, si la plus-value était bien de
120 M€.
Cette
possibilité
d’exonération
tient
à
une
divergence
d’interprétation entre les juridictions françaises et luxembourgeoises sur
la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Si le vendeur a été pressé
de conclure, ce n’est sans doute pas sans lien avec la signature, le
24 novembre
2006,
d’un
avenant
à
cette
convention,
et
avec
l’engagement du processus de ratification de ce texte qui devait le rendre
applicable à compter du 1
er
janvier 2008. De fait, l’exonération fiscale a
pris fin à compter de cette date à la suite de la complète ratification de
l’avenant par les parties française et luxembourgeoise.
Ainsi, le vendeur était
donc
lui aussi vraisemblablement
spécialement soucieux de pouvoir réaliser rapidement la cession de
l’immeuble. Cet élément n’a cependant pas été pris en compte dans la
négociation.
II
-
Le bilan d’ensemble
A - Un effort de regroupement significatif
Au terme des opérations engagées, le regroupement sur deux sites
des services parisiens du ministère devrait bien se traduire par une
réduction des surfaces aujourd’hui occupées et par des économies de
fonctionnement. Toutefois, la portée de ces réductions et économies
gagnerait à être précisée.
644
COUR DES COMPTES
1 -
La réduction des surfaces occupées
Selon le ministère, les superficies occupées devraient être
ramenées de 88.000 m² à 50.000 m², soit une diminution de 43 %.
Cependant, ces chiffres n’intègrent pas le nouvel immeuble des
archives construit à La Courneuve, d’une superficie de 27.233 m² (10.869
m² pour les bureaux et annexes et 16.364 m² pour les archives). En le
prenant en compte, la réduction serait de 7,6 % seulement. Elle atteindrait
26 % en déduisant les surfaces affectées au seul stockage des archives et à
l’Hôtel du ministre.
Le ratio de superficie par agent serait ramené, grâce au
regroupement, de 30 à 18 m². En incluant l’immeuble de La Courneuve,
hors les superficies de stockage, il serait de 22 m².
2 -
Des économies de fonctionnement attendues mais non
réellement évaluées
Une économie de fonctionnement, de l’ordre de 5,5 M€, est
attendue de la suppression des liaisons de toute nature entre sites, de la
réduction des dépenses de maintenance et de gains substantiels sur les
contrats de prestations de services
Néanmoins, il s’agit d’une évaluation approximative avancée sans
véritable étude chiffrée. La validation globale du projet a, en effet, été
obtenue du ministre chargé du budget sans qu’un bilan d’exploitation
précis par agent n’ait été établi. Certes, le ministère des affaires
étrangères a fourni une analyse des gains potentiels du regroupement,
mais cette évaluation, datée de janvier 2007, se fonde sur un site non
identifié, pour lequel le loyer budgétaire serait de 455 € / m²,
sensiblement au-dessous des prix du marché.
B - Un bilan financier nuancé
Budgétairement, les opérations en cause ne sont pas imputées sur
le budget général, mais sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du
patrimoine immobilier de l’Etat ». Leur solde financier, tel que retracé
dans le compte d’affectation spéciale, devrait être positif. Néanmoins,
l’équilibre financier global pour l’Etat sera, en réalité, plus tendu.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
645
1 -
Le solde des opérations retracées dans le compte spécial
devrait être positif
a)
Les recettes
Le financement des opérations est assuré par le produit des
cessions, qui s’élevait au 30 novembre 2007 à 555,9 M€.
Selon la règle
de fonctionnement du compte d’affectation spéciale, une déduction de
15 %, soit 83,4 M€, sera affectée au désendettement de l’Etat. Les
recettes nettes utilisables par le ministère des affaires étrangères
s’élevaient donc à 472,5 M€.
1)
Recettes enregistrées sur le compte d’affectation spéciale
RECETTES (M€)
Cession Kléber
404,00
Cession Rue de l’Université
9,90
Cession Rue Monsieur
142
S/TOTAL
555,9
Contribution au désendettement
- 83,4
TOTAL
472,5
Sources : ministère des affaires étrangères et France Domaine
Devrait s’ajouter à ce bilan provisoire, dans
les mois à venir, le
produit des cessions prévues des immeubles de l’avenue de Lowendal, du
boulevard des Invalides et de l’avenue de Talleyrand.
L’éventuel transfert de l’immeuble du 244 boulevard Saint-
Germain
au
ministère
de
l’écologie,
du
développement
et
de
l’aménagement durable aura au mieux un effet net nul, la recette pour le
ministère « vendeur » étant équilibrée par une dépense de même montant
du ministère « acheteur ».
b)
Les dépenses
Le coût global de l’opération de regroupement s’élève, à ce jour, à
452,6 M€ TTC. Il inclut, outre divers frais administratifs, le montant de
l’achat de l’immeuble de la rue de la Convention, les loyers intercalaires
correspondant au maintien dans les lieux du site Kléber jusqu’au 31 mars
2009
9
et les travaux complémentaires effectués rue de la Convention par
le ministère des affaires étrangères.
9) Si le ministère des affaires étrangères devait se maintenir dans les lieux au-delà du
31 mars 2009, les loyers seraient majorés de 25 % jusqu’au 30 juin 2009, de 30 %
entre le 1er juillet et le 30 septembre et de 35 % entre le 1er octobre et le 1er février
2010. Si la libération, n’était pas intervenue le 1er février, la vente serait résolue de
plein droit.
646
COUR DES COMPTES
Ce bilan n’est encore que partiel. Il devra ultérieurement prendre
en compte d’autres dépenses, notamment le coût des travaux de
rénovation prévus dans l’immeuble du Quai d’Orsay, estimé actuellement
à 60 M€ de façon approximative.
2)
Dépenses enregistrées sur le compte d’affectation spéciale
DEPENSES (M€)
Acquisition immeuble
325,00
TVA
63,70
Frais administratifs
1,00
Loyers intercalaires Kléber
32,8
TVA sur loyers
6,4
Loyers intercalaires rue Monsieur
8,5
TVA sur loyers
1,6
Travaux complémentaires
20
TVA sur travaux
3,9
TOTAL
462,7
Sources : ministère des affaires étrangères et France Domaine
Au total, dans le compte d’affectation spéciale, déduction faite de
la contribution au désendettement de l’Etat, les recettes (472,5 M€) sont
supérieures aux dépenses connues (462,7 M€). Normalement, elles
devraient le rester, à la condition que les cessions prévues soient bien
réalisées et que les dépenses restent dans les prévisions.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
647
2 -
Le bilan financier global pour l’Etat
Pour l’Etat, le bilan financier global doit cependant prendre en
compte deux autres éléments :
- la TVA perçue sur les opérations concernées, qui constitue une
recette du budget général et doit donc être déduite des dépenses
enregistrées TTC sur le compte d’affectation spéciale, celles-ci
étant ainsi ramenées
à un montant de 387,3 M€ HT ;
- le coût du transfert des archives diplomatiques sur le site de La
Courneuve, soit 64,9 M€ HT, qui, à l’inverse, doit être ajouté à
l’ensemble des dépenses.
N’étant pas imputé sur le compte d’affectation spéciale mais sur le
budget général, le transfert des archives a, en effet, échappé au principe
d’équilibre du financement des dépenses par les recettes des cessions.
Ceci a notamment été rendu possible par le portage juridique et
financier particulier utilisé pour réaliser le nouveau centre des archives
diplomatiques
10
: l’investissement correspondant est assuré par une
entreprise moyennant le versement par l’Etat d’un loyer annuel (3,8 M€
hors taxe) pendant 28,17 annuités. Le coût total de 64,9 M€ HT recouvre
la valeur actualisée de ces loyers, sur la base d’un taux d’actualisation de
4 %, soit 58,7 M€, le coût d’acquisition du terrain (1,9 M€), ainsi que les
dépenses inutilement engagées par l’Etat durant toute la phase où fut
envisagée la conduite de cette opération en maîtrise d’ouvrage publique
(environ 4,3 M€).
En définitive, le bilan financier global du regroupement des
services parisiens du ministère s’établit, au 30 novembre 2007, en
dépenses à 452,2 M€ HT, non compris les autres charges à venir,
notamment le coût de la rénovation des bâtiments du quai d’Orsay.
En regard, les recettes ressortent pour un montant de 472,5 M€ de
produit des cessions réalisées à ce jour
11
, alors que des dépenses restent à
venir. Le bilan global est donc incertain même si des recettes sont encore
attendues, trois immeubles restant à vendre. Par ailleurs, ce bilan fait
abstraction de la perte de recettes qui résulterait de la non imposition de la
plus value réalisée par le vendeur de l’immeuble de la rue de la
Convention.
10) Voir l’insertion du présent rapport (pages 671 et suivantes) consacrée à cette
opération.
11) Hors contribution au désendettement de l’Etat (83,4 M€).
648
COUR DES COMPTES
C - Les enseignements à tirer
Cette première illustration d’envergure des nouvelles orientations
de la politique immobilière de l’Etat est particulièrement instructive du
point de vue, plus large, de la qualité et des performances de la gestion
patrimoniale.
1 -
Une insuffisante unité de pilotage
En dépit de la collaboration effective entre France Domaine et le
ministère des affaires étrangères, les dysfonctionnements observés dans la
conduite des opérations témoignent des progrès qui restent à accomplir
pour assurer une véritable unité de pilotage de la politique immobilière,
sous la direction du ministère chargé du budget.
En l’espèce, le ministère occupant – celui des affaires étrangères -
a mené de bout en bout la recherche et la sélection du site de
regroupement, tandis que la négociation du prix avec le vendeur a reposé
sur France Domaine. Dans un contexte marqué par une précipitation
certaine, sans véritable urgence, et par l’absence de réelle recherche de
solution alternative, l’Etat n’a jamais été, de son fait, en bonne situation
pour négocier un meilleur prix. En réalité, France Domaine n’aura pas été
en mesure d’assurer pleinement son rôle de propriétaire et de garant de la
cohérence de la stratégie immobilière de l’Etat. En outre, le conseil de
l’immobilier de l’Etat a été délibérément tenu à l’écart.
De même, alors que France Domaine relève du ministère chargé du
budget, la dimension fiscale des opérations n’a aucunement été prise en
considération.
2 -
Un professionnalisme encore défectueux
L’acquisition de l’ancien siège de l’Imprimerie nationale pose
également la question de l’expertise et de la professionnalisation des
services de l’Etat dans un secteur, l’immobilier, aux enjeux financiers
lourds et complexes.
Une première difficulté a trait aux conditions d’évaluation des
biens. De ce point de vue, le recours à des prestataires privés extérieurs à
l’administration, dont l’utilité n’est pas contestée, devrait s’effectuer
suivant des principes et des modalités mieux définis. Par ailleurs, les
évaluations réalisées par l’Etat devraient davantage tenir compte des
évolutions les plus récentes du marché et des mouvements possibles et
non pas seulement des transactions passées.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
649
Une deuxième difficulté tient à l’absence de séparation organique,
au sein de France Domaine, entre la fonction d’évaluation et celle de
négociation. Cette confusion n’est optimale ni pour l’une ni pour l’autre.
Pour les acquisitions immobilières les plus importantes, un
encadrement plus précis des procédures devrait être recherché, à l’instar
de ce qui existe en matière de cessions de participations avec
l’intervention d’une commission chargée de veiller à la transparence et à
la qualité des opérations.
De façon générale, un renforcement des ressources humaines de
France Domaine en compétences spécialisées reste nécessaire.
3 -
Une véritable stratégie à définir
Obéissant en priorité à une logique budgétaire de court terme, la
politique immobilière de l’Etat privilégie l’objectif de cession, au
détriment d’une vision plus stratégique. La conduite d’opérations au coup
par coup, dans le cadre du compte d’affectation spéciale où les cessions
conditionnent les acquisitions, n’offre pas une garantie d’optimisation
financière suffisante.
La politique immobilière de l’Etat devrait reposer, non pas sur une
approche par administration, mais sur une stratégie et une vision
patrimoniale d’ensemble. En dépit des efforts entrepris depuis deux ans,
une telle approche reste à construire.
L’Etat pourrait de la sorte mieux intégrer le facteur temps dans la
conduite de ses projets immobiliers et dans la gestion de ses interventions
sur le marché. Il éviterait ainsi qu’obéissant à des préoccupations de court
terme une entreprise publique cède son siège, à contre cycle et de façon
peu optimale, puis que l’Etat le rachète peu après au prix fort.
650
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Cette première opération d’envergure, effectuée dans le cadre de
la nouvelle politique immobilière de l’Etat, permet à la Cour, qui
poursuit actuellement une enquête d’ensemble sur cette politique, de
formuler d’ores et déjà quelques recommandations :
−
Marquer de façon plus effective la séparation entre « l’Etat
propriétaire » et les administrations occupantes ;
−
Promouvoir une vision et une gestion d’ensemble qui mettent
fin aux logiques ministérielles ;
−
Améliorer
le
professionnalisme,
notamment
de
France
Domaine, dans la conduite des opérations de cessions et
d’acquisitions ;
−
Intégrer dans la gestion immobilière l’ensemble des enjeux
patrimoniaux pour l’Etat, qu’il s’agisse de la fiscalité ou de la
gestion actif / passif de son patrimoine ;
−
Assurer une meilleure gouvernance d’ensemble de la politique
immobilière, en particulier en faisant jouer au conseil de
l’immobilier de l’Etat le rôle de conseil de surveillance qui lui
revient.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
651
RÉPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET
EUROPÉENNES
L’insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes relatif
aux opérations immobilières Kléber/Convention à Paris appelle de ma part
les observations suivantes.
Sur le projet de regroupement proprement dit, le MAEE ne peut que
confirmer les bénéfices escomptés d’une telle opération attendue depuis de
nombreuses années :
−
véritable rationalisation administrative et fonctionnelle par la
réduction du nombre d’implantations et celle des surfaces
occupées ;
−
économies
de
fonctionnement
significatives
et
gains
de
productivité élevés, étant entendu qu’il est aujourd’hui impossible,
même si cela est regrettable comme le relève la Cour, de les
cerner avec précision ;
−
amélioration des conditions de travail des personnels et impact
d’un tel projet sur l’organisation des services. Il est à noter
d’ailleurs la forte attente des personnels de mon ministère à
l’égard de ce projet de regroupement.
Au total, davantage qu’un projet strictement immobilier, cette
opération doit être vue comme un véritable « projet managérial ».
Remarques spécifiques
1/ « La cession de l’ensemble immobilier Kléber et l’acquisition de l’ancien
siège de l’Imprimerie nationale ont constitué deux opérations liées, conduites
en parallèle, avec le même souci d’aboutir avant les échéances électorales du
printemps 2007. Le lien établi entre les opérations et la contrainte de
calendrier ont été peu favorables aux intérêts de l’Etat. » )
Contrairement à ce qu’écrit la Cour, le lien entre les deux opérations
est resté purement logique et aucune décision n’a été prise sous la
contrainte : ce n’est pas la cession de Kléber qui a imposé la recherche d’un
site de remplacement, mais c’est la séquence inverse qui a été mise en oeuvre
; il a été clair dès le montage de ce projet début 2006, lorsqu’a été prise la
décision de principe d’opérer un regroupement des implantations du MAEE,
que c’était l’identification d’un site de regroupement qui commanderait dans
un second temps la mise en oeuvre des cessions des immeubles parisiens
occupés par le MAEE. Il aurait en effet été insensé que le Département
acceptât de céder ses emprises sans avoir de certitude quant à sa localisation
future. Cela étant, compte tenu des délais nécessaires à la préparation du
dossier technique d’appel d’offres en vue de la cession de l’immeuble Kléber
(notamment l’ampleur des diagnostics techniques à joindre au dossier), il a
été convenu entre le MAEE et France Domaine de préparer en amont, dès
652
COUR DES COMPTES
l’automne 2006, cette phase technique ; dans cette affaire comme pour toutes
les autres cessions, l’Etat conservait la possibilité de ne pas donner suite à
l’appel d’offres, ce qui relativise quelque peu la « contrainte » supposée qui
aurait pesé sur cette cession.
La Cour relève néanmoins à juste titre la promptitude avec laquelle le
processus d’acquisition du site Convention, puis le lancement de la cession
de l’immeuble Kléber ont pu être conduits ; les services du MAAE et du
ministère du budget ont à cet égard strictement mis en oeuvre les instructions
reçues de la part de leurs ministres respectifs et du cabinet du Premier
ministre, soucieux de faire aboutir avant le printemps 2007 cette opération
immobilière ambitieuse menée dans le cadre de la nouvelle politique
immobilière de l’Etat.
2/ « Enfin, bien qu’au même moment plusieurs administrations, dont le
ministère des affaires étrangères, étaient à la recherche de locaux, l’Etat ne
s’est aucunement interrogé, à cette époque, sur les possibilités de
rationaliser les implantations de ses propres services en utilisant les
bâtiments libérés par l’Imprimerie nationale. ».
Pour ce qui concerne le seul ministère des affaires étrangères, en juin
2003 lorsque l’Imprimerie nationale a signé le compromis de vente pour ses
locaux, le MAEE n’était pas à la recherche de locaux. Les réflexions lancées
par le ministre des affaires étrangères M. Michel Barnier à partir du mois
d’avril 2004 ont porté sur un projet de regroupement total des services
parisiens sur un site unique à acquérir ou à construire représentant une
surface de l’ordre de 80 000 m2, sans commune mesure avec celle offerte par
l’ancien siège de l’Imprimerie nationale. L’abandon de ce projet de site
unique puis la décision de regrouper les services du MAEE sur deux
emprises, celle du Quai d’Orsay et celle d’un immeuble à acquérir, ont alors
amené l’Etat à s’intéresser au site de l’ancienne Imprimerie nationale à
partir de l’automne 2006.
3/ « Dans un contexte marqué par une précipitation certaine, sans véritable
urgence, et par l’absence de solution alternative, l’Etat n’a jamais été, de
son fait, en bonne situation pour négocier un meilleur prix. (…) En outre, le
conseil de l’immobilier de l’Etat a été délibérément tenu à l’écart. »
Contrairement à ce qu’écrit la Cour, cette opération n’a fait l’objet
d’aucune précipitation, puisque le MAEE a pris le temps de procéder à un
large « appel au marché » par voie de presse, et de s’adjoindre un conseil
immobilier qui a pu durant plusieurs mois analyser les offres reçues et
explorer toutes les solutions alternatives : outre l’immeuble de la rue de la
Fédération explicitement mentionné comme solution de repli, deux
immeubles situés à La Défense et à Issy-les-Moulineaux ont également fait
l’objet d’études poussées.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
653
Contrairement à ce qu’écrit la Cour, l'hypothèse d'un relogement des
services du MAEE dans l'immeuble de la rue de la Convention n’a pas été
résolument occultée au CIE. Ce dernier ne pouvait en effet ignorer les
projets précis de regroupement du ministère des affaires étrangères puisque
le Secrétaire général du CIE avait, dès le 14 novembre 2006, participé à une
réunion interministérielle au cours de laquelle le cabinet du Premier ministre
avait validé le schéma immobilier d’ensemble incluant l’achat de l’immeuble
de la rue de la Convention, avec comme solution de repli l’immeuble de la
rue de la Fédération, ainsi que le programme des cessions envisagées.
Le MAEE a eu connaissance de la lettre adressée par le Président du
CIE le 23 mars 2007 au Premier ministre par laquelle il a exprimé ses
observations sur cette opération d’achat de l’immeuble de la rue de la
convention. Les services du MAEE ont transmis, le 5 avril, un projet de
réponse au Cabinet du Premier ministre.
4/ « a) Le choix d'un conseil immobilier et son rôle ambigu ; Son recrutement
a été effectué par appel à la concurrence, mais sans respecter toutes les
règles de la consultation. (…) Ces prestations, faites sans titre, n’ont pas été
rémunérées par l’administration. (…) En agissant comme elle l’a fait,
l’administration porte une lourde responsabilité dans le développement de
cette situation à tout le moins ambiguë. »
Le MAEE a estimé indispensable de s’entourer des conseils d’un
cabinet spécialisé dans le montage d’opérations de ce type. Le recrutement
du conseil immobilier s’est fait par appel d’offres restreint en procédure
adaptée, avec une première phase de sélection des candidatures, et une
seconde phase de remise des offres par les candidats retenus. La commission
d’appel d’offres a vérifié la régularité formelle des dossiers présentés par les
candidats et leur aptitude à honorer le cahier des charges, mais n’a pas
vérifié, ce qui aurait dû être fait, les statuts des entreprises candidates ; cette
carence est vraie pour l'ensemble des candidats admis à présenter une offre,
qui ont ainsi été traités sur un pied d’égalité.
La décision de mettre fin à la relation contractuelle entre le MAEE et
son conseil immobilier a été prise d’un commun accord entre les deux
parties, au motif qu’aucune des pistes explorées par le conseil n’avait abouti.
Par ailleurs, la nouvelle piste identifiée (l’immeuble de la rue de la
Convention) a été proposée spontanément au MAEE et à France Domaine
par les responsables du groupe Carlyle, rendant dès lors le rôle d'un conseil
superfétatoire. Pour autant, l’administration n’a pas voulu se priver (dans
son propre intérêt et avec l’accord de ce conseil) de demander à cette
société, dont elle avait pu apprécier le professionnalisme et la compétence,
certains documents d’ordre général lui permettant, d’une part, d’estimer la
valeur de l’immeuble de la rue de la Convention, d’autre part, de s'assurer
de la faisabilité du bouclage financier de l’opération de regroupement de ses
services.
654
COUR DES COMPTES
S’agissant de la vente de l'immeuble de la Rue Monsieur, en novembre
2007, le MAEE ne peut que souligner que le prix proposé par l’acquéreur
était très sensiblement supérieur à l'offre classée en deuxième position. Les
conseils dont il s’est entouré relèvent de la seule responsabilité de cet
acquéreur.
5/ « La réduction des surfaces occupées – (…) Le ratio de superficie par
agent serait ramené, grâce au regroupement, de 30 à 18 m². En incluant
l’immeuble de La Courneuve, hors les superficies de stockage, il serait de
22 m². »
La situation immobilière du MAEE se présente comme suit aux stades
actuel et intermédiaire : la situation intermédiaire fait apparaître une
moyenne de 11,17 m² de surface de bureau par agent contre 12,67 m²
actuellement. Les ratios dans la situation ultime de regroupement sur trois
sites parisiens ne peuvent pas être calculés à ce stade en raison, d’une part,
des incertitudes qui pèsent sur les surfaces utiles disponibles à terme (études
techniques encore à conduire sur le site du Quai d'Orsay), d’autre part des
incertitudes qui pèsent sur les effectifs en raison des réflexions en cours dans
le cadre de la RGPP. Au vu des éléments dont il dispose, le ministère
considère qu’il aura achevé son opération de regroupement sur trois sites à
l'échéance 2011 – 2012.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE STRATÉGIES AND CORP.
Dans son rapport, la Cour met en exergue d’une part les conditions
d’intervention de la société STRATÉGIES AND CORP. en tant que conseil du
ministère de affaires étrangères et d’autre part, la qualité de son évaluation
du prix de l’immeuble de la rue de la Convention.
La société mise en cause entend porter sur ces deux points les
précisions suivantes :
1 –
Sur le marché de conseil immobilier du ministère des affaires
étrangères
Le marché lui a été attribué après appel à la concurrence. La société
STRATÉGIES ANS CORP. n’a aucun motif de penser que les règles du code
des marchés publics n’aient pas été strictement observées par le ministère à
l’initiative de cet appel à concurrence.
La société STRATÉGIES AND CORP. entend souligner que le marché
d’assistance a été interrompu à l’initiative de l’Administration, sans
contestation sur la qualité du service rendu, mais simplement par l’extinction
de l’objet de la mission.
LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES KLEBER / CONVENTION
655
2 – Sur la qualité de l’évaluation remise gracieusement à l’Administration
par STRATÉGIES AND CORP. de l’immeuble de la rue de la Convention
Le loyer figurant dans les documents de commercialisation de la
société propriétaire stipulait un prix de 550 € par an le m
2
auquel s’ajoutait
une quote-part dite de RIE (pour Restaurant Inter Entreprises) de 25 € par
an, par mètre carré, de bureaux loués.
Le coût réel de location de chaque mètre carré de bureau était ainsi
de 575 m
2.
STRATEGIES AND CORP entend souligner que la présentation
opérée par le propriétaire est un usage de place constant, consistant à isoler
les surfaces nécessaires à la restauration interentreprises pour en répercuter
le coût au prorata des surfaces réellement occupées par chacun des
locataires de l’immeuble.
S’agissant d’un immeuble monolocataire, il eût été envisageable pour
le propriétaire de ne pas faire de différence entre les surfaces de bureaux et
les surfaces dédiées au restaurant d’entreprises, ce qui aurait alors
augmenté à la valeur locative d’immeuble.
Il ne saurait enfin être reproché à STRATEGIES AND CORP d’avoir
utilisé un taux de capitalisation différent de celui proposé par France
Domaines, l’écart relatif entre les deux taux étant de l’ordre de 10 % ; il
s’agit là d’un écart naturel de jugement sur l’état d’un marché, et non pas
d’un manquement quelconque à ses obligations professionnelles.