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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA PRÉVENTION
INSUFFISANTE DU
RISQUE D’INONDATION
EN ÎLE-DE-FRANCE
Rapport public thématique
Synthèse
Novembre 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un risque majeur d’inondation en Île-de-France dont
la gravité est insuffisamment prise en compte
par les collectivités locales et perçue par la population
8
2
Des actions encore limitées de réduction
du risque d’inondation
11
3
Le manque de stratégie coordonnée à l’échelle
du bassin de la Seine
16
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent un important risque naturel
juste après les sécheresses . Une crue majeure de la Seine, analogue à celle de 1910,
est susceptible de provoquer jusqu’à 30 Md€ de dommages selon une évaluation
récente de l’OCDE . Les autorités publiques s’y préparent depuis longtemps . En
particulier, quatre lacs réservoirs ont été construits en amont de Paris entre 1949
et 1990, à la fois pour maintenir l’étiage du fleuve et protéger la capitale et son
agglomération des crues hivernales .
Hauteurs d’eau des crues historiques au pont d’Austerlitz à Paris de 1910 à 2018
1910
1924
1945
1955
1982
2001
2016
2018
8,62
7,32
6,55
7,10
6,15
5,21
6,10
5,85
Hauteur d’eau (m)
Crues centennales
Crues cinquantennales
Crues décennales
Source : direction départementale des territoires (DDT) Eure, présentation au comité de pilotage
du 11 avril 2019 sur le plan de prévention des risques d’inondation de la Seine
Depuis les plans « grands fleuves » sur la Loire en 1994, le Rhône en 2004 et la Seine
en 2007 ont eu pour ambition de prévenir les risques d’inondation en engageant
une démarche de développement durable à l’échelle de chaque bassin . La mise
en œuvre de la directive européenne cadre sur l’eau en 2000, visant un bon état
écologique et chimique des masses d’eau en 2027, puis de la directive inondation
de 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, a permis de
généraliser de nouveaux outils comme les plans de gestion du risque d’inondation .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Or, les crues de 2016 et 2018 sont venues raviver la conscience de ce risque
majeur en Île-de-France . Ces dernières années, elles ont donné lieu à plusieurs
rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), du Conseil général de l’environnement et du développement durable et
de l’Inspection générale de l’administration, dont il importe aujourd’hui de vérifier
si les recommandations ont été suivies d’effet .
La formation commune à la Cour et à la chambre régionale des comptes Île-
de-France a cherché à évaluer l’état de la connaissance du risque lié à une crue
centennale de la Seine ainsi que les objectifs fixés et les moyens financiers déployés
pour le prévenir . Elle a ensuite examiné l’efficacité et l’efficience des leviers destinés
à réduire le risque : ceux visant à maîtriser l’aléa naturel des crues (digues et lacs
réservoirs, autres solutions fondées sur la nature), puis ceux visant à réduire la
vulnérabilité en renforçant la résilience des territoires .
La gestion de crise n’a été abordée que pour évaluer son rôle dans la réduction de
l’impact des crues . Enfin, l’enquête a analysé dans quelle mesure la gouvernance
et la stratégie de gestion durable de la Seine au cours des dernières années ont
contribué à prévenir le risque d’inondation .
La distinction entre l’aléa et le risque
L'aléa est un phénomène, naturel ou technologique, plus ou moins probable
sur un espace donné . La vulnérabilité exprime le niveau d'effet prévisible de
ce phénomène sur des enjeux liés à l'homme et à ses activités . Un aléa qui se
produit dans un lieu vide de toute présence humaine ou de biens ne représente
pas un risque . Le risque est la conjugaison d’un aléa et d’un enjeu exposé à
l’aléa : il peut être défini comme la probabilité d’occurrence de dommages
compte tenu des interactions entre facteurs d’endommagement (aléas) et
facteurs de vulnérabilité (peuplement, répartition des biens) .
Aléa
Enjeu
Risque
×
=
Source : ©AURCA 2021
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Organisation et outils de la politique de prévention des risques d’inondation
*
compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI)
Bassin versant de la Seine
Île-de-France
Établissement
publics territoriaux
de bassin (EPTB)
Métropole
du Grand Paris
(Paris et petite couronne)
Départements
Intercommunalités
(EPCI)
*
Communes
Schéma directeur d’aménagement
et de gestion des eaux
(adopté par le comité de bassin)
Plan de gestion
des risques d’inondation
(approuvé par le préfet
coordonateur de bassin)
Schéma
de cohérence
territoriale
Schéma directeur
de la région Île-de-France
(adopté par le conseil régional)
Plan de prévention
des risques d’inondation
(arrêté réglementaire du préfet
de département)
Plan local
d’urbanisme
intercommunal
Plan local d’urbanisme
Compétence État
Compétence
collectivité territoriale
Document
d’urbanisme
Doit respecter
Doit être compatible avec
Légende :
Plan communal de sauvegarde,
document d’information
communal sur les risques majeurs
Échelle géographique
Stratégie locale de gestion
des risques d’inondation
de la métropole francilienne
(approuvé par le préfet coordonateur
de bassin et le préfet de la zone de
défense et de sécurité)
Programme d’action
de prévention
des indondations
(porté par un EPTB)
PAPI : objectifs chiffrés
de réduction du risque,
contrat de financement
Déclinaison opérationnelle
à l’échelle d’un bassin de risque
Décliné par
Programme d’action
de prévention
des indondations
(porté par un EPCI)
Maître
d’ouvrage
d’une action
concrète
Maître
d’ouvrage
d’une action
concrète
Maître
d’ouvrage
d’une action
concrète
Maître
d’ouvrage
d’une action
concrète
Maître
d’ouvrage
d’une action
concrète
Source : Cour des comptes
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un risque majeur d’inondation en
Île-de-France dont la gravité est
insuffisamment prise en compte
par les collectivités locales
et perçue par la population
La connaissance de l’aléa en cours
d’amélioration
Les crues de la Seine sont le plus
souvent à cinétique lente même
si des épisodes avec des temps de
concentration plus courts (12 à 24
heures) sont apparus ces dernières
années sur certains affluents de la
Seine (grand et petit Morin, Loing) .
Les inondations par débordement,
désormais bien connues, font l’objet
de nombreuses cartes mises à la
disposition du grand public au travers
des plans de prévention des risques
d’inondation (PPRI) ou sur des sites
internet dédiés comme
Géorisques
ou
cartoviz.institutparisregion.fr
En revanche, les inondations du
fait des remontées de nappe et des
ruissellements sont plus difficiles
à appréhender . Les ruissellements
constituent pourtant le tiers environ des
dommages assurés en Île-de-France . Ils
doivent constituer un point d’attention
majeur des politiques publiques dans
les prochaines années . L’État doit
veiller à mettre à la disposition de
tous les acteurs (citoyens, entreprises,
administrations) les informations
disponibles sur ce risque, notamment
sur les inondations par remontées de
nappe, mieux connues depuis peu .
La mise en place encore très
récente de programmes d’action
de prévention des inondations
par les collectivités territoriales
Conformément aux exigences de la
directive de 2007 relative à l’évaluation
et à la gestion des risques d’inondation,
les territoires à risque important ont
bien été identifiés en Île-de-France .
Deux stratégies locales de gestion du
risque inondation (celle dite « de la
métropole francilienne », pilotée par
l’État et couvrant toute la région Île-
de-France, et celle de Meaux) ont été
adoptées ainsi que huit programmes
d’action de prévention des inondations
(dits PAPI) . Seuls deux d’entre eux sont
relativement anciens : celui de la Seine
et de la Marne franciliennes, piloté par
l’établissement public territorial Seine
Grands Lacs, et celui de l’Yerres . Tous
les autres sont postérieurs à 2018 . Les
périmètres ont en effet évolué au gré
des crues : ainsi les crues du Loing et de
la Juine en 2016 ont conduit à adopter
de nouveaux programmes d’action .
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un risque majeur d’inondation en Île-de-France
dont la gravité est insuffisamment prise en compte
par les collectivités locales et perçue par la population
État d’avancement des programmes d’action de prévention des inondations
sur le bassin Seine-Normandie
Légende :
PAPI labellisé (fond blanc)
PAPI en projet (fond noir)
Territoire à risque important d’inondation
Cours d’eau principaux
Bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands
Département
PAPI
PAPI
N
Les couleurs emplyées sur la carte correspondent
aux différents PAPI.
Source : Drieat Île-de-France, délégation de bassin, août 2021
En raison de l’intérêt de ces
programmes d’action pour tous les
acteurs de la prévention du risque
d’inondation (citoyens, associations,
entreprises, assureurs, élus, etc .), il
conviendrait de mettre en place une
base de données accessible à tous pour
suivre l’avancement de leurs actions .
Le manque d’objectifs ambitieux
et coordonnés des collectivités
territoriales d’Île-de-France
en faveur de la prévention du risque
Selon l’OCDE, une crue centennale
atteignant la hauteur maximale
atteinte par celle de 1910 (soit
8,60 mètres au pont d’Austerlitz)
causerait des dommages directs
dont le coût serait proche de 30 Md€ .
La Caisse centrale de réassurance
estime à 19  Md€ les dommages
relatifs aux seuls biens assurés,
montant supérieur au seuil d’appel de
la garantie qui lui a été accordé l’État
(2,7 Md€) .
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un risque majeur d’inondation en Île-de-France
dont la gravité est insuffisamment prise en compte
par les collectivités locales et perçue par la population
Coût des dommages directs selon les scénarios d’inondation
Source : OCDE, 2014.
Malgré le niveau des dommages
potentiels, les collectivités territoriales
n’ont pas fixé d’objectifs chiffrés de
réduction de ces dommages . Elles
mobilisent dès lors peu le fonds
de prévention des risques naturels
majeurs en faveur de la région Île-
de-France : le montant cumulé de
ses engagements s’est élevé à 65 M€
et celui de ses dépenses à 23 M€ de
2009 à 2021, soit des niveaux très
inférieurs à ârt ceux des autres régions
concernées par le risque d’inondation .
Il convient donc de renforcer l’ambition
des programmes d’action de prévention
des inondations en termes de réduction
du risque et que les collectivités
territoriales les dotent des moyens
financiers correspondants .
La faible conscience du risque
au sein de la population
Même si des initiatives émanent
des services de l’État, de certaines
collectivités locales et des assureurs, les
actions de sensibilisation doivent être
renforcées dans la durée et évaluées
au moyen d’indicateurs de perception .
Hauteur d’eau au pont d’Austerlitz
Coûts
Crue de 7,23 m (crue de 1924)
3,2 Md€
Crue de 8,12 m (hauteur qu’aurait aujourd’hui le débit de la crue de 1910)
13,5 Md€
Crue de 8,62 m (hauteur maximum atteinte lors de la crue de janvier 1910)
29,4 Md€
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des actions encore limitées de
réduction du risque d’inondation
2
Les systèmes d’endiguement,
les ouvrages de protection
et leur cohérence amont-aval :
des investissements majeurs
à programmer
L’agglomération parisienne est
beaucoup moins protégée contre
les grandes crues que d’autres
métropoles internationales : le niveau
de protection théorique concerne,
pour la petite couronne, une crue de
retour de 30 à 50 ans, voire de 10 à
20 ans entre le pont d’Iéna et Issy-les-
Moulineaux, et pour le reste de Paris,
une crue de retour de cent ans . À titre
de comparaison, Londres est protégée
face à une crue de retour de mille ans
et vise une protection pour un retour
de 10  000 ans d’ici à 2 100 . Pour
leur part, les nouveaux quartiers et
infrastructures critiques de Francfort
sont protégés face à une crue de retour
de deux cents ans .
La gestion des digues a été réorganisée
à la suite de la loi de modernisation
de l'action publique territoriale et
d'affirmation des métropoles
de
2014, qui a confié la gestion des
milieux aquatiques et la prévention
des inondations (dite Gemapi) aux
établissements publics de coopération
intercommunale .
En Île-de-France, la Métropole du Grand
Paris a pris en charge avec difficulté la
gestion d’environ 120 km de digues et
murettes, assurée auparavant par les
départements, dont elle devra assurer
la remise aux normes, en s’appuyant
sur la taxe que la loi de 2014 lui permet
de lever . Cependant, les départements
ont fait des choix de gestion différents :
ainsi, le département du Val-de-Marne
a conservé, par convention avec la
métropole, la gestion de son propre
réseau de digues tandis que celui des
Hauts-de-Seine l’a transférée à la
Métropole . Autres ouvrages de protec-
tion, les quatre lacs réservoirs gérés par
l’établissement Seine Grands Lacs, qui
ont pour fonction à la fois de maintenir
l’étiage sur tout le bassin de la Seine et
de prévenir les inondations, notamment
hivernales, bénéficient à l’ensemble des
collectivités riveraines . Cependant,
ils sont situés en amont de certaines
crues et insuffisants pour contenir une
crue de type 1910, ce qui a justifié le
lancement d’un projet de casier pilote
sur le site de La Bassée, à la jonction
de la Seine et de l’Yonne . La suite du
projet est conditionnée à l’évaluation
de son impact environnemental et
à la mobilisation des financements
nécessaires (600 M€ valeur 2013) .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des actions encore limitées de réduction
du risque d’inondation
Grands lacs et projet de La Bassée
Source : EPTB Seine Grands Lacs
Le ralentissement dynamique
des crues et la restauration
des capacités naturelles
d’infiltration et d’écoulement :
des réalisations lentes
La préservation et la restauration de
zones d’expansion des crues sont un
moyen important, identifié dans le plan
de gestion des risques d’inondation du
bassin de la Seine, pour ralentir les crues
et réduire les dommages en aval . Il
s’agit cependant d’opérations lentes et
difficiles à réaliser en raison notamment
de la nécessaire concertation avec les
agriculteurs . L’établissement public
territorial de bassin Seine Grands Lacs
a ainsi été chargé, dans le cadre du
programme d’action de prévention des
inondations de la Seine et de la Marne
franciliennes, de recenser les zones
d’expansion des crues potentielles en
vue de définir des territoires pilotes .
Par ailleurs, la renaturation des zones
les plus sensibles a pris la forme
d’une opération emblématique sur
les berges de l’Yerres, d’un montant
de 83 M€, à Villeneuve-Saint-Georges
où les crues de 2016 et 2018 ont été
particulièrement dévastatrices .
La réduction de la vulnérabilité :
un enjeu majeur,
des actions à renforcer
Un premier moyen de réduire la
vulnérabilité consiste à réglementer
le développement de l’urbanisation
dans les zones à risque : c’est l’objet
des plans de prévention des risques
d’inondation arrêtés ces 20 dernières
années, qui s’imposent aux documents
d’urbanisme .
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des actions encore limitées de réduction
du risque d’inondation
Nombre de logements construits en zones inondables entre 2000 et 2018
(aléas PPRI, crue d'occurrence centennale)
Colombes (92)
Vigneux-sur-Seine (77)
Vitry-sur-Seine (94)
Gennevilliers (92)
Meaux (77)
Choisy-le-Roi (94)
Créteil (94)
Paris 13 (75)
Asnière-sur-Sine (92)
Chelles (77)
Paris 15 (75)
Boulogne-Billancourt (92)
Ivry-sur-Seine (94)
Issy-les-Moulineaux (92)
Alfortville (94)
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
Source : Institut Paris Région, d’après Fichiers Fonciers 2020 (DGFiP), Aléas PPRI (Drieat)
Malgré cette règlementation, la densité
de population n’a cessé d’augmenter
en zone inondable en région parisienne,
en raison sans doute du faible degré de
contrainte de ces plans . Anciens mais
aussi incomplets, ils ne prennent pas
en compte les risques de ruissellement
ou de remontées de nappe . De plus,
des incohérences entre départements
sont pointées par certains acteurs .
Pourtant, leur révision n’est pas une
priorité de l’État .
Les progrès en matière de résilience de
l’habitat restent trop limités . En premier
lieu, il est nécessaire de mieux prendre
en compte le risque d’inondation dans
les documents d’urbanisme, ce qui
n’est pas encore suffisamment le cas .
Par exemple, l’analyse du premier arrêt
du projet de schéma de cohérence
territoriale, adopté en janvier 2022 par
la Métropole du Grand Paris, montre
que son contenu reste nettement en
deçà des préconisations des services
de l’État en matière de prévention
du risque d’inondation . De même,
il est essentiel que les plans locaux
d’urbanisme
dont l’élaboration relève
désormais des intercommunalités,
intègrent les prescriptions des plans
de prévention des risques d’inondation .
Les services de l’État doivent renforcer
leurs actions à la fois de pédagogie et
de contrôle dans ce domaine .
Il convient aussi que les opérations
d’aménagement intègrent très en
amont les exigences de la résilience
au risque d’inondation . Certaines
opérations de renouvellement urbain
le font depuis peu . La direction
régionale et interdépartementale de
l’environnement, de l’aménagement et
des transports
d’Île-de-France a élaboré
la « charte quartiers résilients » en
concertation avec les différents acteurs
De façon générale, les compagnies
d’assurances ont un rôle accru à jouer
dans la responsabilisation des acteurs .
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des actions encore limitées de réduction
du risque d’inondation
La grande vulnérabilité des réseaux
(électricité, gaz, télécommunications,
réseau numérique, transports,
chauffage, eau potable, assainissement),
constitue un enjeu majeur mais sous-
estimé jusqu’aux crues de 2016 et 2018 .
La Seine (mesure à la station Paris-Austerlitz, échelle de gauche) et les principaux
impacts sur les réseaux
8,62
CRUE 1910
8,96
CRUE 1658
7,32
CRUE 1924
6,80
Impacts majeurs sur le réseau
de transport en commun
5,88
5,20
CRUE 2018
7,50
Impacts majeurs
sur le réseau électrique
7,12
CRUE 1955
3,20
3,70
4,30
Début de fermeture des voies
sur berge piétonnes
Début de fermeture à la circulation
des voies sur berge
Interruption de la circulation
fluviale à Paris
Premières fermetures sur le réseau
de transport en commun
6,10
CRUE 2016
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
5,5
6,0
6,5
7,0
7,5
8,0
8,5
9,0
Fermeture complète des voies sur berge
En mètres
Source : secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris.
Sous la pression de l’État, les
opérateurs ont davantage pris
conscience de la nécessité de réaliser
des diagnostics de vulnérabilité et de
renforcer leurs réseaux . Néanmoins,
leur degré de préparation est très
inégal et des investissements majeurs
doivent être réalisés .
Les actions de réduction de la
vulnérabilité des petites et moyennes
entreprises restent inexistantes .
Elles ne font pas partie des priorités
de la chambre de commerce et
d’industrie de Paris Île-de-France ni
de celles de la région qui pourrait
pourtant les soutenir en cohérence
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des actions encore limitées de réduction
du risque d’inondation
avec sa compétence en matière de
développement économique .
Enfin, le patrimoine culturel francilien
est très concerné par le risque
d’inondation mais il manque jusqu’ici
d’un pilotage effectif par le ministère
de la culture des actions de réduction
de sa vulnérabilité .
Le besoin de soutenir davantage les
communes pour la gestion de crise
La préparation à la gestion de crise
constitue une composante essentielle
de la réduction de la probabilité
des dommages, et donc du risque
d’inondation . Son efficacité et son
rapport coût-bénéfice sont appréciés
et soulignés par tous les acteurs . Elle
nécessite toutefois une coordination des
acteurs publics et privés très complexe
à mettre en place . Les exercices
constituent un moyen intéressant de
préparation des populations et des
collectivités concernées comme l’a
montré l’exercice Sequana, intervenu
peu de temps avant les crues de 2016 .
Il mériterait d’être renouvelé, même
sous des formes plus modestes, afin
de maintenir la vigilance des acteurs .
L’obligation légale de réaliser des
plans communaux de sauvegarde n’est
respectée que par 60 % des communes
en Île-de-France ; l’obligation de les
tester lors d’exercices tous les cinq ans
est
a fortiori
encore moins respectée . La
raison en est probablement l’absence
de sanction de ces manquements .
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’Île-de-France s’inscrit dans le bassin
hydrographique de la Seine . C’est à
cette échelle que l’État, les collectivités
locales et l’ensemble des acteurs
concernés (opérateurs de réseau, as-
sociations, entreprises, assureurs, etc .)
doivent se coordonner en vue d’un
pilotage efficace de la prévention du
risque d’inondation . Or, ce pilotage est
insuffisant dans le bassin de la Seine .
La perte de vision globale depuis
la fin du plan Seine
Comme les autres plans « grands
fleuves » avant lui, l’ambition initiale
du plan Seine 2007-2013 était de
garantir la réciprocité des intérêts
environnementaux, sociaux et
économiques, et de prévention
des inondations . Doté de 121  M€
d’engagements financiers partagés par
l’État, l’agence de l’eau et les régions,
ses axes d’action portaient à la fois sur
les inondations, la qualité de l’eau, la
qualité des milieux et le développement
durable du fleuve .
Cependant, le plan Seine n’a pas été
renouvelé en 2014 . Seul un deuxième
contrat de plan interrégional, porté par
le préfet coordonnateur de bassin, a été
conclu pour la période 2015-2020 entre
l’État et les régions Basse-Normandie,
Île-de-France, Champagne-Ardenne
et Picardie . D’un montant de 99 M€,
il était recentré sur trois thèmes : le
changement climatique ; la gestion des
risques d’inondation ; la préservation et
la restauration des ressources en eau,
des espaces et des espèces aquatiques .
L’absence de tout volet économique
reflète le désengagement des régions .
Contrairement aux plans Loire et
Rhône-Saône, le plan Seine n’a
pas entraîné l’adhésion effective
des différentes parties prenantes,
notamment des régions, à une vision
commune du fleuve et à des objectifs
partagés . Cela s’explique par trois
différences notables : Le montant total
de son contrat de plan interrégional
était faible, y compris pour les actions
consacrées à la prévention des
inondations ; L’implication financière
des régions était réduite à l’exception
de Grand Est  ; Sa gouvernance
n’impliquait pas le vaste réseau des
acteurs concernés .
De fait, pendant la période 2015-2020,
un « comité plan Seine » a été animé
par la direction régionale et inter-
départementale de l'environnement,
de l'aménagement et des transports
Île-de-France, en partenariat avec
l’agence de l’eau Seine-Normandie .
Il a joué un rôle de coordination des
acteurs concernés sur le plan technique
par le risque d’inondation, avant d’être
supprimé en 2021 . Ainsi, il n’existe
pas un forum de travail sur les sujets
relatifs au risque d’inondation de la
3
Le manque de stratégie
coordonnée à l’échelle
du bassin de la Seine
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le manque de stratégie coordonnée
à l’échelle du bassin de la Seine
Seine avec tous les acteurs concernés
(élus, techniciens, associations) comme
les « forums des acteurs » dans le bassin
de la Loire ou du Rhône .
Dans ces conditions, la Cour
recommande que l’État et les
collectivités locales compétentes
rendent compte annuellement des
avancées de la politique de prévention
du risque d’inondation en réunissant
les représentants de l’ensemble des
acteurs concernés .
La nécessité de renforcer le rôle
du préfet coordonnateur
Le bassin de la Seine est caractérisé
par le manque d’intérêt et de volonté
fédératrice des collectivités locales
en amont et en aval de la région
parisienne . Ainsi, la région Île-de-France
refuse de s’engager dans la prévention
des inondations, malgré les liens directs
de certaines actions nécessaires
avec ses compétences en matière
d’aménagement du territoire et de
développement économique . Cette
dispersion des actions et des acteurs
dans le bassin de la Seine est contraire
au principe de solidarité, normalement
fondateur de la stratégie nationale du
risque d’inondation, qui vise à répartir
équitablement les responsabilités et
l’effort de réduction des conséquences
négatives des inondations entre tous
les territoires et acteurs concernés :
amont-aval, urbain-rural, rive droite-
rive gauche . Ce manque de fédération
des acteurs explique la disparition du
plan Seine et a abouti à des stratégies
non coordonnées .
Certes,
les
deux
documents
stratégiques à l’échelle du bassin en
matière de qualité de l’eau et de risque
d’inondation sont cohérents : le schéma
directeur d’aménagement et de gestion
des eaux et le plan de gestion des
risques d’inondation . D’ailleurs, dans
un but de simplification, ils pourraient
être fusionnés .
Cependant, la stratégie d’aménagement
et de développement de la Seine
laisse de côté l’amont du fleuve, dont
l’agglomération parisienne . En effet,
la disparition du plan Seine a été
concomitante de la désignation en
2013 d’un délégué interministériel au
développement de la Vallée de la Seine,
placé auprès du Premier ministre, dont
les travaux ont abouti en 2015 à la
conclusion par l’État et les régions Île-
de-France et Normandie d’un contrat
de plan interrégional État-régions
Vallée de la Seine d’un montant total
d’environ un milliard d’euros, doté
de trois axes : la gestion des espaces
et le développement durable  ; la
maîtrise des flux et déplacements ; le
développement économique .
Le contrat de plan interrégional État-
régions 2022-2027 Vallée de la Seine
devrait comporter un volet « qualité
environnementale et transition
écologique » avec quatre axes  :
l’aménagement économe de l’espace
(lutte contre l’artificialisation) ; la
gestion vertueuse de l’eau et des
milieux aquatiques  ; la transition
environnementale et le changement
climatique ; la valorisation de l’espace
fluvial . La prévention du risque
d’inondation n’en fait pas partie .
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le manque de stratégie coordonnée
à l’échelle du bassin de la Seine
Surtout, le périmètre géographique
de ce contrat de plan « Vallée de la
Seine » va de la confluence de l’Oise
à l’estuaire de la Seine . Il ne comprend
pas la partie amont du bassin,
qui ne dispose donc plus d’aucun
contrat de plan interrégional à partir
de 2022 .
Périmètre de la vallée de la Seine défini en avril 2013
La manche
Normandie
Île-de-France
Carte réalisée avec Cartes & Données - © Articque
Paris
Métropole Rouen
Normandie
CU du Havre
Seine Métropole
CU Caen
la Mer
0
50 km
Cherbourg
en Cotentin
Hauts-
de-Seine
Seine-
Saint-Denis
Yvelines
Val-d’Oise
Seine-Maritime
Calvados
Eure
Manche
HAROPA PORT
Périmètre de la vallée de la Seine
Principales agglomérations
Limites régionales
Limite des départements de la vallée de la Seine
Seine
N
Source : Cour des Comptes d’après DREAL Normandie IGN – AdminExpress COG 2022, schéma
stratégique Vallée de la Seine
Dans ce contexte, il convient de
permettre au préfet coordonnateur
de bassin de jouer effectivement le
rôle qui lui est dévolu par le code de
l’environnement . La prévention du
risque d’inondation implique une
gouvernance partagée et efficace à
l’échelle du bassin de la Seine . Cela
suppose que le préfet coordonnateur
de bassin joue pleinement son rôle
d’animation et de coordination de
la politique de l’État en matière
d'évaluation et de gestion des risques
d'inondation, en donnant les impulsions
nécessaires aux services de l’État .
En particulier, il convient d’inciter
davantage les collectivités locales en
amont et en aval de l’agglomération
parisienne à travailler en commun sur
l’enjeu des inondations . À cet égard,
l’indispensable action de coordination
attendue de l’État serait plus efficace si
elle était exercée effectivement par le
préfet coordonnateur de bassin comme
le prévoient les textes . La mise en œuvre
de la stratégie de l’État à l’échelle du
bassin doit être placée sous son autorité .
C’est pourquoi la Cour recommande
in
fine
d’affecter le délégué au développe-
ment de la Vallée de la Seine auprès du
préfet coordonnateur de bassin .
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
Mieux définir, financer et évaluer les
stratégies territoriales pour faire face
au risque majeur de crue centennale
à l’échelle de l’Île-de-France et mieux
informer sur ce risque
1.
Conformément à la directive
européenne relative à l’évaluation et
à la gestion des risques d’inondation,
mettre en place une base de
données sur l’état d’avancement des
programmes d’action de prévention
des inondations, accessible au public
au plus tard en 2025
(ministère de la
transition écologique et de la cohésion
des territoires)
2.
Dimensionner les financements
des programmes d’action de
prévention des inondations (PAPI) en
fonction des objectifs plus ambitieux
de réduction de l’exposition au risque
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires, EPTB
Seine Grands Lacs, EPTB Entente
Oise-Aisne, métropole du Grand Paris,
structures porteuses de PAPI)
3.
Rendre toutes les informations
disponibles sur les risques d’inondation
(y compris par remontées de nappe
ou par ruissellement) accessibles aux
particuliers, aux administrations et aux
entreprises, renforcer les actions de
sensibilisation au risque d’inondation
au sein des programmes d’action de
prévention des inondations (PAPI) et
vérifier régulièrement le niveau de
perception du risque d’inondation
par la population francilienne au
moyen d’un indicateur inclus dans
ces programmes
(ministère de la
transition écologique et de la cohésion
des territoires, ministère de l’intérieur
et des outre-mer - préfet de région Île-
de-France et préfet de police de Paris,
EPTB Seine Grands Lacs, EPTB Entente
Oise-Aisne, structures porteuses de
PAPI en Île-de-France)
Renforcer les actions de réduction du
risque d’inondation en Île-de-France
4.
Poursuivre sans délai le
recensement
des
systèmes
d’endiguement de la Métropole
du Grand Paris et adopter à brève
échéance un plan de financement
pour leur mise en conformité
(métropole du Grand Paris).
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
5.
Renforcer la sensibilisation de
l’ensemble des intercommunalités
franciliennes à la prévention du risque
d’inondation, particulièrement dans
le contexte des nouveaux schémas
de cohérence territoriale (SCoT) et
de leur mise en œuvre dans les plans
locaux d’urbanisme intercommunaux
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires,
ministère de l’intérieur et des outre-
mer - préfet de région Île-de-France,
métropole du Grand Paris)
6.
Mettre en œuvre un dispositif
de soutien aux diagnostics de
vulnérabilité au risque d’inondation
en faveur des très petites et
moyennes entreprises ainsi que des
opérateurs de réseaux pour les inciter
à réaliser les investissements clés et
à prendre les mesures d’organisation
nécessaires
(région Île-de-France,
chambre de commerce et d’industrie
de Paris Île-de-France)
Appuyer ces actions par une stratégie
durable et un pilotage plus cohérent
à l’échelle du bassin de la Seine
7.
Évaluer annuellement les avancées
de la politique de prévention du risque
d’inondation, tant à l’échelle du bassin
que de la région, et en rendre compte
aux acteurs dans un format large
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires,
ministère de l’intérieur et des outre-
mer - préfet coordonnateur de bassin,
agence de l’eau Seine-Normandie,
collectivités et établissements
porteurs des programmes d’action)
8.
Placer
le
délégué
a u
développement de la Vallée de
la Seine sous l’autorité du préfet
coordonnateur de bassin
(ministère
de la transition écologique et de la
cohésion des territoires, ministère de
l’intérieur et des outre-mer)