Les aides au développement agricole
_____________________
PRESENTATION
____________________
Le développement agricole, autrefois la « vulgarisation agricole »,
recouvre principalement des programmes de recherche appliquée à
l’agriculture ainsi que la diffusion des connaissances tirées de ces
recherches par des informations, des formations et des conseils donnés
aux agriculteurs. Il peut s’agir, par exemple, de déterminer les meilleures
pratiques de fertilisation ou d’irrigation selon les cultures, d’en informer
les agriculteurs par divers moyens (articles dans des revues, réunions…)
et de les aider individuellement à les mettre en oeuvre en leur donnant des
conseils adaptés aux caractéristiques de leur exploitation.
Le développement agricole mobilise environ 15 000 ingénieurs et
techniciens qui apportent leur concours à l'agriculture et qui peuvent
promouvoir des modèles de développement particuliers en insistant plus
ou moins, par exemple, sur l’augmentation des rendements ou la
préservation de l’environnement. L’orientation des programmes de
développement a ainsi toujours été un enjeu majeur pour l’Etat et les
syndicats d’exploitants agricoles.
Le développement agricole est assuré par de nombreux organismes
de nature variée qui bénéficient de ressources publiques de diverses
origines (subventions de l’Etat ou des collectivités territoriales, taxes
affectées…). Parmi ces organismes, figurent notamment les chambres
d’agriculture et les instituts techniques propres à chaque filière qui sont
les principaux bénéficiaires des « aides au développement agricole » de
l'Etat
dont le montant total est d’environ 100 M€ par an. Ces aides
étaient
naguère
gérées
par
une
association
nationale
pour
le
développement agricole (ANDA) regroupant l’Etat et les représentants de
la profession agricole. Dans son rapport public annuel publié en 2000, la
Cour avait vivement critiqué la gestion de cette association et reproché
au ministère de l'agriculture d’abandonner à la profession ses
prérogatives en matière de développement agricole.
348
COUR DES COMPTES
La distribution de ces aides a alors fait l’objet depuis 2001 de
plusieurs réformes successives. La Cour en présente ici le bilan et appelle
à
une
révision
plus
fondamentale
des
objectifs
des
aides
au
développement agricole et de l’organisation de leur distribution.
I
-
Les réformes accomplies
A - Une longue et difficile reprise en main par l’Etat
La
gestion
de
l'ANDA
était
marquée
par
de
nombreux
dysfonctionnements : reconduction automatique des aides aux mêmes
organismes ; financement d’activités étrangères au développement
agricole, notamment d’activités syndicales ; absence d’évaluation des
aides et de contrôle des actions subventionnées ; faible articulation entre
le développement, la recherche et l’enseignement etc. Ces critiques, faites
par la Cour en 2000, étaient encore valables en 2001.
L'Etat a fait à cette date deux premières réformes. Il
a d’abord
reconnu que le financement d’activités syndicales par l’ANDA (à hauteur
de 11 M€ dans son budget pour 2001) était contestable et une loi a
transféré la charge du financement des syndicats agricoles à son budget
général à partir de 2002.
Un décret d’octobre 2001 a ensuite institué de nouvelles
procédures, plus satisfaisantes, d’attribution des aides et de suivi des
conventions avec les bénéficiaires. Ces réformes ont suscité de très vives
oppositions
en 2001 et 2002
entre les représentants de l’Etat et ceux des
organismes membres du conseil de l’agriculture française
120
au sein
de
l’ANDA, paralysant le fonctionnement de l'association, ce qui a conduit
le ministre de l’agriculture à prononcer sa dissolution.
L’ANDA a été remplacée en 2003 par un établissement public,
l’agence de développement agricole et rural (ADAR). L’adjonction du
qualificatif « rural » à « développement agricole » est source de confusion
car il existe par ailleurs des aides au développement rural cofinancées par
l’Union européenne et le budget national et payées par le CNASEA. Pour
éviter cette confusion, l’expression « développement agricole » est
utilisée ici pour désigner le « développement agricole et rural » au sens du
texte créant l'établissement public.
120) FNSEA, CNJA, assemblée permanente des chambres d’agriculture et
confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole ; la
FNSEA et les trois autres organismes sont très liés.
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
349
Les statuts de l’ADAR donnaient un pouvoir important à un
directeur désigné par l’Etat et la majorité du conseil d’administration aux
membres
du
conseil
de
l’agriculture
française.
Le
conseil
d’administration a freiné certaines réformes, comme la réorientation des
crédits de l’agence, et a voulu prendre lui-même des décisions
individuelles d’attribution de subventions. Il a ainsi remis en cause la liste
des lauréats d’un appel à projets dressé par un jury indépendant. Le
contrôleur d’Etat de l’ADAR ayant toutefois relevé que plusieurs
membres du conseil pouvaient être accusés de prise illégale d’intérêt, ces
décisions ont été rapportées. Constatant que leur pouvoir était ainsi limité,
les organisations professionnelles ont accepté que l’Etat prenne
directement en charge la gestion des aides au développement agricole.
Une nouvelle réforme est intervenue. L’ADAR a été supprimée et
remplacée en 2006 par un compte d’affectation spéciale « développement
agricole et rural » (CASDAR) géré par la direction générale de
l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’agriculture,
les organisations professionnelles n’ayant plus, en droit, qu’un rôle
consultatif à travers une commission spécialisée du conseil supérieur
d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. La
prépondérance des représentants de la profession au sein de cette
commission est toutefois regrettable. Des personnalités qualifiées plus
nombreuses en matière de recherche agronomique, de protection de
l’environnement ou de sécurité sanitaire, par exemple, pourraient
contribuer à éclairer les orientations de la politique de développement.
Les années 2002 et 2005 ont ainsi été marquées par des conflits qui
ont presque paralysé le fonctionnement de l’ANDA puis de l’ADAR et,
les réformes ayant été engagées dans la précipitation, les années 2003 et
2006 ont été consacrées à la mise en place de l’ADAR puis du CASDAR.
Le traitement des problèmes de fond relatifs aux orientations de la
politique du développement agricole a donc pris beaucoup de retard. Dès
la fin de 2002, la direction du budget et le comité permanent de
coordination des inspections du ministère de l’agriculture défendaient
pourtant un dispositif proche de celui finalement adopté en 2006 et
l’étape de l’ADAR aurait donc pu être évitée dans la succession des
réorganisations.
350
COUR DES COMPTES
B - Une gestion plus rigoureuse
1 -
Le financement des aides
L’ANDA était financée par l’affectation d’une dizaine de taxes
parafiscales sur les produits agricoles et, dans son rapport public de 2000,
la Cour avait critiqué la complexité et la fragilité juridique de ce dispositif
ainsi que les difficultés de recouvrement de ces taxes. Elle notait aussi
que ce mode de financement conduisait l’ANDA à répartir ses aides aux
instituts techniques dans une logique de « juste retour » des taxes payées
par chaque filière, indépendamment de toute considération d’efficacité.
La création de l’ADAR s’est accompagnée en 2003 d’une réforme
du financement des aides au développement agricole avec, conformément
aux recommandations de la Cour, le remplacement des taxes parafiscales
par une taxe unique sur le chiffre d’affaires des exploitations qui est
recouvrée par les services fiscaux.
2 -
Les budgets et comptes
L’examen des procédures budgétaires de l’ANDA en 2001 et 2002
a mis en évidence de graves errements. L’association avait ainsi pris
l’habitude d’exécuter ses budgets sans attendre l’approbation, nécessaire,
des ministres. Elle a payé des subventions à un institut technique sans que
son programme de développement ait été agréé, sans qu’une convention
ait été signée et alors même qu’un rapport de l’inspection générale des
finances avait relevé des irrégularités dans la gestion des actions de
développement de cet institut.
Les comptes 2001 et 2002 de l’ANDA présentaient une irrégularité
manifeste dans la mesure où ils ne tenaient aucun compte de
prélèvements de 11 et 58 M€ sur les réserves de l’ANDA votés en 2001
et 2002 par le Parlement. Les représentants de l’Etat à l’assemblée
générale de l’ANDA les ont cependant approuvés sur instruction des
ministres pour clore le dossier de l’ANDA sans nouveaux heurts avec la
profession.
La création de l’ADAR puis du CASDAR a permis d’adopter des
pratiques budgétaires et comptables plus satisfaisantes.
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
351
3 -
Le contrôle des subventions
Le contenu des conventions passées par l’ANDA avec les
bénéficiaires de ses subventions était insatisfaisant et le contrôle de leur
exécution était mal assuré. Le directeur de l’ADAR, désigné comme
liquidateur de l’ANDA, a ainsi refusé de payer 2,2 M€ sur les soldes des
conventions passées par l’ANDA, même si sa fermeté aurait pu être
encore plus grande.
Malgré quelques excès de formalisme
121
, les dispositions du décret
d’octobre 2001 permettaient d’améliorer le contrôle des aides
122
. Elles ont
été ensuite assez largement reprises dans les textes réglementaires qui ont
accompagné la création de l’ADAR puis du CASDAR et, sous les
réserves développées ci-dessous, le contrôle des aides au développement
est devenu nettement plus rigoureux.
II
-
La répartition des aides entre les bénéficiaires
A - Une logique générale d’abonnement aux aides
1 -
Les caractéristiques générales de la répartition des aides
La définition du développement donnée par la loi d’orientation
agricole de 1999 étant très large, il est nécessaire de définir des priorités
avant
d’attribuer
les
aides.
Les
programmes
de
développement
subventionnés doivent ainsi s’inscrire dans le cadre de contrats d’objectifs
passés par l’ADAR puis l’Etat avec l’assemblée permanente des
chambres d’agriculture et l’association de coordination des instituts
techniques lesquels doivent respecter des priorités nationales. Les contrats
d’objectifs et priorités nationales établis par l’ADAR ont été repris par la
DGER en 2006 mais, en raison des divergences entre l’Etat et la
profession, ces documents sont très généraux. Les orientations nationales
n’ont jamais été très contraignantes et la répartition des aides a toujours
été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction
des subventions dans une logique de financement pérenne de structures.
121) Comme la décomposition des programmes en plusieurs actions requérant
chacune une convention spécifique.
122) Avec par exemple l’obligation de passer un contrat avec les sous-traitants.
352
COUR DES COMPTES
Ces aides sont attribuées à trois catégories de bénéficiaires : les
chambres d’agriculture, les instituts techniques, pour des montants
globalement égaux (40 M€ en 2006), et, plus secondairement (6 M€), les
divers « organismes nationaux à vocation agricole ».
La principale inflexion de ces dernières années réside dans une
décision prise par l’ADAR, à l’initiative de l’Etat, de consacrer une part
de son budget à des appels à projets. En 2004, l’Etat souhaitant porter
cette part à 30 % et la profession s’y opposant, le conseil d’administration
de l’ADAR l’a fixée à 10 % en 2005 et 20 % en 2006 dans sa délibération
sur les priorités du développement agricole. Cependant elle n’était encore
que de 10 % dans le budget du CASDAR pour 2006 (10 M€) et n'est que
de 12 % dans celui de 2008.
Si on neutralise la part consacrée aux appels à projets, la répartition
des aides entre les trois catégories de bénéficiaires et à l’intérieur de
chacune de ces catégories est quasiment la même en 2000 et en 2006. Les
variations notables ont surtout résulté du souci de répondre aux
sollicitations pressantes et peu justifiées de certaines filières au profit de
leur institut ou de relever la dotation des plus petits organismes, dans les
deux cas en invoquant les difficultés financières des bénéficiaires.
En 2006, 7 M€ ont certes été consacrés au financement des pôles
d’excellence rurale. Cette innovation est discutable, le financement de ces
pôles relevant
de la politique de développement rural avec laquelle la
confusion est ainsi entretenue. De plus, cette aide est exceptionnelle, car
elle a été attribuée par prélèvement sur le surplus des produits de
liquidation de l’ADAR.
2 -
Le cas particulier des organismes nationaux à vocation
agricole
Depuis l’époque de l’ANDA, des aides au développement agricole
sont attribuées à un même groupe « d’organismes nationaux à vocation
agricole »
dans des conditions dérogatoires aux procédures d’attribution
de ces aides. Contrairement aux instituts techniques et aux chambres
d’agriculture, leurs projets ne sont pas coordonnés par des contrats
d’objectifs passés avec leurs « têtes de réseau » et ne donnent pas lieu à
une expertise indépendante. Leurs actions sortent parfois du champ du
développement agricole (par exemple, aides attribuées pour améliorer la
gouvernance des coopératives agricoles, assurer des services de
remplacement ou faciliter l’installation des jeunes agriculteurs).
Outre la coopération agricole, ces organismes nationaux sont
depuis très longtemps constitués des mêmes huit associations ou
fédérations d’associations, dont trois ont les mêmes membres que le
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
353
conseil de l’agriculture française, alors même que d’autres structures
pourraient être aidées.
La Cour considère que les aides attribuées à ces organismes
devraient être beaucoup plus sélectives et reposer sur une expertise
indépendante de leurs projets. Elle prend acte de l’intention du ministre
d’étudier cette dernière recommandation.
B - Des aides particulières critiquables en 2006
1 -
Les appels à projets
Les dossiers des organismes répondant aux appels à projet sont
examinés par un jury indépendant qui propose au ministre de l’agriculture
une liste de lauréats. L’appellation « jury » est ambiguë dans la mesure où
cet organe n’est pas souverain. Sa composition est tenue secrète pour
éviter les pressions, ce qui est compréhensible, mais discutable sur le plan
des principes.
A la suite de l’appel à projets de 2006, le ministre de l’agriculture a
retenu 28 projets, pour un montant total de subventions de 9,6 M€, dont
trois ne figuraient pas sur la liste proposée par le jury. L’un d’eux était
certes le mieux classé par le jury parmi les candidats éliminés mais les
deux autres étaient beaucoup plus mal classés. De plus, ces trois projets
ont bénéficié d’une subvention de 1 M€ ce qui a entraîné une réduction de
plus de 5 % des subventions accordées aux autres lauréats pour respecter
la dotation budgétaire alors que le jury considérait qu’une réfaction de
plus de 3 % pourrait remettre en cause l’équilibre financier de leurs
projets.
2 -
Les subventions accordées aux syndicats
Si les syndicats d’exploitants reçoivent désormais, en fonction de
leurs résultats aux élections consulaires, des subventions inscrites au
budget de l’Etat (programme « gestion durable de l’agriculture »), ils
peuvent aussi recevoir des aides du CASDAR pour des projets de
développement.
C’est ainsi que le Centre National des Jeunes Agriculteurs a déposé
un dossier en réponse à l’appel à projets pour 2006, mais qu'il a été classé
au dernier rang par le jury. Le ministre de l’agriculture a néanmoins agréé
ce projet, en sus des trois autres évoqués ci-dessus, et lui a attribué une
subvention de 260 000 € par un arrêté spécifique du 11 décembre 2006,
en dehors de la procédure des appels à projets et sans autre avis technique
que celui, négatif, du jury de l’appel à projet.
354
COUR DES COMPTES
Ce projet, très imprécis selon ce jury, a pour objet de financer la
création d’un observatoire national de la création et de la transmission des
exploitations agricoles, ce qui devrait relever de la politique de
développement rural. De plus, si une base de données sur l’installation
des agriculteurs peut présenter en elle-même un intérêt, il n’est pas pour
autant souhaitable d’en confier la réalisation à une organisation syndicale,
surtout dans des conditions aussi peu transparentes.
III
-
L’efficacité de la politique de développement
agricole
A - Une politique mal évaluée
et des indices
d’inefficacité
L’efficacité des aides au
développement agricole
n’a jamais été
vraiment évaluée. Des instances d’évaluation ont été mises en place avec
la création de l’ADAR mais elles n’ont pas eu le temps de réaliser des
travaux approfondis. L’imprécision des objectifs visés à travers ces aides
est un obstacle à leur évaluation, de même que la très grande proximité
entre ces objectifs et ceux de la politique de
développement rural
qui
mobilise des moyens bien plus importants. Ces difficultés se reflètent
dans le choix des quatre indicateurs du programme « développement
agricole et rural » du budget de l’Etat : deux ne sont pas pertinents et
deux pourraient être fusionnés
123
. Sous ces réserves, les éléments
d’information disponibles permettent quelques constats.
Les enjeux du développement agricole ont beaucoup évolué. Les
préoccupations relatives à l’environnement, à la qualité des produits ou à
la sécurité sanitaire se sont ainsi ajoutées à l’amélioration des rendements.
Les organismes en charge du développement se sont mobilisés
tardivement et parfois avec réticence sur ces nouveaux enjeux. Les
conflits entre les membres de l’ANDA dans les années 2000 à 2002 ont
d’ailleurs souvent porté sur la prise en compte de ces nouvelles priorités
dans la distribution des aides au développement.
L’abandon par l’Etat de ses prérogatives en matière de définition
des objectifs du développement agricole jusqu’à 2001 a aussi eu pour
effet que le développement s’est éloigné de l’enseignement et de la
recherche. Le ministère de l’agriculture s’efforce depuis lors de les
rapprocher et des progrès importants ont été faits en ce sens, mais il
faudrait aller encore plus loin.
123) Leur révision a été annoncée par le ministre de l’agriculture à la Cour pour 2009.
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
355
Les aides au développement agricole sont attribuées surtout aux
chambres d’agriculture et aux instituts techniques qui sous-traitent
largement la réalisation de leurs programmes à d’autres structures. Le
champ des organismes intervenant dans le domaine du développement ne
s’arrête cependant pas là. Il y a depuis très longtemps un foisonnement
d’organismes faisant du développement agricole, en général avec des
ressources publiques
124
. Celles-ci sont d’origines multiples : aides au
développement agricole du CASDAR mais aussi subventions du
CNASEA (notamment aux ADASEA), taxes affectées aux chambres
d’agriculture, contributions volontaires obligatoires
125
prélevées au profit
des instituts techniques, subventions des offices et des collectivités
territoriales etc. Les risques d’incohérence des programmes ou de double
financement des mêmes projets ne sont pas négligeables.
L’ANDA avait été créée en 1966 dans le but de coordonner leurs
interventions, mais n’y est jamais vraiment parvenue. Finalement, les
agriculteurs peuvent se voir proposer sur les mêmes sujets des conseils
contradictoires de plusieurs organismes qui se font concurrence pour
obtenir des fonds publics.
B - De nouvelles réformes souhaitables
Dans le reste de l’Europe, le développement agricole est de plus en
plus souvent une activité privée et concurrentielle avec paiement par les
agriculteurs des conseils qui leur sont donnés. A défaut de suivre cette
voie qui a des avantages non négligeables, il conviendrait, comme y
invite le Conseil économique et social dans son avis du 14 février 2007,
de reposer la question des objectifs de cette politique et de l’organisation
et des moyens à mettre en place pour les atteindre.
La Cour s’interrogeait en 2000 sur « la légitimité de l’ANDA à
constituer un lieu de transit obligatoire de la totalité des fonds qui lui sont
actuellement affectés » et cette interrogation reste pertinente à l'égard du
CASDAR. La source de cette légitimité est parfois trouvée dans la
redistribution entre les instituts et entre les chambres opérée par un
système d’aides nationales. Il n’existe cependant aucune mesure de cette
redistribution pour les aides au développement agricole. Le schéma
suivant, dont l’impact sur la répartition des ressources entre régions et
filières reste à établir, pourrait en conséquence être envisagé :
124) Certaines de ces ressources proviennent des agriculteurs eux-mêmes comme la
taxe sur leur chiffre d’affaires qui alimente le CASDAR mais il s’agit bien de
prélèvements rendus obligatoires par l’Etat dans un but d’intérêt général, donc de
ressources publiques.
125) Voir le rapport public de la Cour de février 2007.
356
COUR DES COMPTES
−
l’Etat étant mal placé pour définir des politiques territoriales, les
subventions du CASDAR aux chambres d’agriculture pourraient
être remplacées par l’affectation directe à celles-ci du produit de la
taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations dans leur région ;
−
la recherche appliquée à chaque filière relevant plutôt d’un
financement professionnel, les subventions du CASDAR aux
instituts pourraient être remplacées par des cotisations volontaires
obligatoires ;
−
les aides du CASDAR (ou d’un programme de la mission
agriculture) seraient alors recentrées sur des projets innovants, en
lien avec la recherche et l’enseignement ou dont les enjeux
dépassent le champ d’une région ou d’une filière
126
, sélectionnés sur
appel d’offres. Des aides pourraient être aussi apportées pour
faciliter une restructuration des organismes de développement.
L’évolution de la nomenclature budgétaire de l’Etat va dans ce sens.
Si le CASDAR était en 2006 une mission avec un seul programme, deux
programmes ont été distingués en 2007 : le premier regroupe les aides aux
chambres et instituts et le second les subventions attribuées dans le cadre
d’appels à projets.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Au bout de sept ans et après trois réformes, les recommandations
faites par la Cour en 2000 ont été pour la plupart suivies d’effet. L’Etat a
ainsi repris en main, malgré de nombreuses difficultés, la gestion des aides
au développement agricole et l’a nettement améliorée.
Toutefois, dans le cadre institutionnel actuel, des progrès sont
encore possibles. La Cour recommande en particulier de revoir la
répartition des aides et d’augmenter la part des subventions versées sur
appels à projets, au moins jusqu’à 20 %. Elle recommande aussi de
renforcer l’expertise technique dans les procédures de sélection des
dossiers et d’attribution des aides, notamment pour ce qui concerne les
« organismes nationaux à vocation agricole ».
La Cour considère en outre que, après avoir clairement distingué les
prestations qui relèvent de financements privés et publics, l’Etat doit
désormais se donner une véritable politique du développement agricole
avec des objectifs clairs, distincts de ceux des autres politiques agricoles, et
en évaluer les résultats. Cette politique ne sera vraisemblablement efficace
que s’il recentre ses interventions sur le soutien de projets que ni les
acteurs locaux ni les filières ne peuvent correctement prendre en charge.
126) Les subventions aux ONVA ne subsisteraient que si elles répondent à ces
conditions.
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
357
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
* Dans la partie « I – A – Une longue et difficile reprise en main par l’Etat »,
la Cour considère, à propos de la commission technique spécialisée pour le
développement agricole et rural, créée au sein du conseil supérieur
d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, que
« la prépondérance des représentants de la profession au sein de cette
commission est toutefois regrettable ».
Sans écarter l’idée avancée par la Cour d’un élargissement de la
commission à des personnalités qualifiées, je considère particulièrement
nécessaires le dialogue, l’échange et la concertation avec l’ensemble des
familles du développement agricole représentées au sein de la commission.
Elle fait de ce dialogue un facteur-clef de la qualité des programmes et de
leurs capacités à orienter les pratiques dans un sens concret et opérationnel.
Il est à préciser en outre que la composition de la commission est
fixée par décret. Celle-ci, émanation directe du Conseil supérieur
d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire
(CSO), ne peut que rester proche du conseil dans sa composition.
* Dans la partie « II – A- 1 – Les caractéristiques générales de la répartition
des aides »,
la Cour fait état, pour la répartition des aides sur la période
2000 à 2006, de « sollicitations pressantes et peu justifiées de certaines
filières au profit de leur institut ».
Des actions de fond ont été engagées au cours de l’année 2006 sous la
forme d’actions d’accompagnement, pour mener des restructurations lourdes
au sein de plusieurs structures de développement. Peuvent être cités à cet
égard le regroupement de l’Institut technique de la vigne et du vin et
l’Etablissement national technique pour l’amélioration de la viticulture
(ENTAV) au sein du nouvel institut français de la vigne et du vin, ainsi que la
reprise d’une partie des activités du centre technique de la salaison, de la
charcuterie et des conserves de viande (CTSCCV) par l’Institut technique du
porc (ITP), pour constituer à cette occasion l‘Institut de la filière du porc
(IFIP) qui prend en charge l’ensemble des actions de recherche de la filière.
Par ailleurs, des menaces de crises sanitaires ont amené à financer en
2006 des actions complémentaires, notamment en direction de l’Institut
technique de l’aviculture (ITAVI)
* Dans la partie « II- B- 1 – Les appels à projets »,
la Cour souligne que le
« le jury considérait qu’une réfaction de plus de 3 % (dans les demandes de
financement) pourrait remettre en cause l’équilibre financier de leurs
projets ».
358
COUR DES COMPTES
Le jury, composé d’experts scientifiques et techniques, n’a pas pour
objet de fournir à l’administration des avis d’ordre économique et financier.
Ces aspects du traitement des dossiers de candidature relèvent en effet
directement des services de la direction générale de l’enseignement et de la
recherche (DGER) du ministère, au titre de sa mission de gestion
administrative
et
financière
des
programmes
éligibles
au
compte
d’affectation spéciale « développement agricole et rural ».
Par ailleurs, il est de pratique courante dans les appels à projets sur
des activités de recherche et de développement, de revoir à la baisse les
demandes financières des porteurs de projet. Ainsi, l’agence nationale de la
recherche ou l’Union européenne opèrent-elles assez couramment des
réfactions de l’ordre de 15 à 20 % sur les financements qui leur sont
demandés.
* Dans la partie « II- B- 2- Les subventions accordées aux syndicats »,
la
Cour ne juge pas souhaitable de confier le projet d’un observatoire national
de la création et de la transmission des exploitations agricoles à une
organisation agricole.
Il convient de souligner la nécessité de disposer d’un observatoire
national de la création et de la transmission des exploitations. En effet,
l’autorité publique ne détient des données que sur les exploitations aidées et
la conduite de la politique publique impose de disposer de l’exhaustivité des
données.
De plus, jusqu’à présent, les données n’étaient disponibles qu’à
l’échelon départemental alors que cette base de données est nationale et
qu’elle sera accessible via Internet à tous les acteurs de l’installation.
Suite aux observations de la Cour, je m’engage à veiller à la qualité et
à la transparence de ces données dont l’utilité est avérée.
Par ailleurs, ce dossier a pu, comme certains d’autres, être desservi
face à un jury en raison de son caractère plus socio-économique que
strictement scientifique et technique. Néanmoins, le Centre national des
jeunes agriculteurs a été le seul à proposer un projet.
On notera enfin que la critique formulée par le jury, concernant le
caractère peu concret des modalités de mise en oeuvre du projet, s’avère
largement infirmée par le travail de partenariat réalisé depuis la fin de
l’année 2006 et par la remise en juillet 2007 d’un rapport intermédiaire
détaillant l’ensemble des actions engagées par les nombreux partenaires du
projet.
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
359
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
La Cour constate que la reprise en main par l’Etat des aides au
développement agricole, qui s’est notamment traduite par la création du
compte
d’affectation
spéciale
« Développement
agricole
et
rural »
(CASDAR), a permis une nette amélioration de la gestion des aides. Elle
formule toutefois des critiques et des recommandations qui appellent les
observations suivantes.
Sur le champ et les objectifs de la politique de développement agricole
Le souci de la Cour de bien distinguer, d’une part, le développement
agricole, qui recouvre essentiellement des programmes de recherche
appliquée à l’agriculture et la diffusion des connaissances tirées de ces
recherches, et d’autre part, le développement rural, qui fait l’objet d’aides
cofinancées par l’Union européenne et l’Etat et payées par le CNASEA,
apparaît particulièrement bienvenu compte tenu de la relative confusion des
objectifs et du foisonnement d’organismes faisant du développement agricole
à partir de ressources publiques d’origines diverses.
La comparaison avec les autres pays d’Europe où, comme le souligne
la Cour, le développement agricole tend à devenir assez largement une
activité privée et concurrentielle, doit au minimum conduire à une
clarification des objectifs de la politique de développement agricole et à
l’identification précise des prestations qui paraîtront devoir continuer à
relever de financements publics.
Sur l’efficacité des aides au développement agricole et la rationalisation
des financements publics
La clarification du champ et des objectifs de la politique de
développement agricole doit permettre de renforcer et d’améliorer
l’évaluation de son efficacité qui, comme le relève la Cour, est aujourd’hui
insatisfaisante. La révision des indicateurs du programme « Développement
agricole et rural », annoncée par le ministre de l’agriculture pour 2009, est
effectivement nécessaire.
Par ailleurs, la clarification des champs d’intervention des différents
financeurs du développement agricole apparaît indispensable pour prévenir
les risques d’incohérence des programmes ou de double financement des
mêmes projets, mis en évidence par la Cour. Il est effectivement souhaitable
de recentrer les interventions de l’Etat sur le soutien de projets que ni les
acteurs locaux ni les filières ne peuvent correctement prendre en charge. Le
schéma proposé par la Cour, consistant à affecter directement aux chambres
d’agriculture le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations
agricoles de leur région et à remplacer par des cotisations volontaires
obligatoires les subventions du CASDAR aux instituts techniques propres à
chaque filière, constitue à cet égard une piste qui mérite d’être explorée.
360
COUR DES COMPTES
Sur la répartition des aides entre les bénéficiaires
La clarification des objectifs et la définition des priorités de la
politique de développement agricole doivent permettre une attribution des
aides beaucoup plus sélective, en rupture avec la logique d’abonnement aux
aides dénoncées par la Cour. L’augmentation de la part des subventions
versées sur appels à projets et le renforcement de l’expertise technique dans
les procédures de sélection des dossiers, doivent ainsi constituer des objectifs
prioritaires, avant même toute évolution du cadre institutionnel.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE « JEUNES AGRICULTEURS »
La Cour des Comptes déclare que le dossier du CNJA (dont la
dénomination nouvelle est Jeunes agriculteurs depuis 2002) a été classé au
dernier rang par le jury de l’appel à projets, or, jamais ce point n’a été porté
à notre connaissance.
Jeunes Agriculteurs s’étonne donc de voir apparaître
une telle mention qu’il juge négative et de nature à porter préjudice à son
image, surtout dans un document destiné à être rendu public.
Je vous saurai gré de bien vouloir retirer cette observation.
Vous considérez que le dossier relève du développement rural, or le
sujet porte exactement sur les enjeux d’avenir de l’agriculture (l’installation
et la transmission). Il est donc justifié que le financement provienne du
développement agricole et rural.
L’attribution de cette subvention me semble être faite de façon
transparente puisque l’ensemble des acteurs impliqués dans les politiques
publiques liées à l’installation et à la transmission des exploitations
agricoles (CLPA des ADASEA, ministère de l’agriculture et de la pêche,
APCA, MSA, FNSAFER, GIE des ADASEA, CNASEA), membres du comité
de pilotage du projet, avaient connaissance du dépôt de ce dossier et se
réunissent dans le cadre des comités de pilotage.
Je tiens en outre à vous démontrer l’intérêt de ce dossier, dont la mise
en oeuvre très rapide me semble à cet égard exemplaire. En effet, plus de 80
structures départementales techniques assurent la mobilisation de l’ensemble
des données.
Il s’agit d’un dossier qui s’intègre parfaitement dans les objectifs du
Programme National de Développement Agricole et Rural qui mentionnent
de
manière
sans
équivoque
dans
ses
« Enjeux
et
Priorités »,
« l’accompagnement
à
la
transmission »
et
« l’accompagnement
de
l’installation ».
LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
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Cette base de données permettra de faire des propositions concrètes
pour la formation et l’exploration de nouvelles propositions pour
l’installation des jeunes et la transmission des exploitations à travers des
dynamiques collectives. C’est un réel outil d’amélioration des connaissances
disponibles et surtout d’aide à la décision pour des agriculteurs, futurs
agriculteurs et des structures parties prenantes au développement agricole.
La mise en oeuvre est très rapide à travers toutes les ADASEA
départementales et je vous fais parvenir le compte-rendu intermédiaire du
projet envoyé début juillet 2007, avec la totalité des fiches techniques et de
mise en oeuvre. Je vous informe également qu’un site Internet provisoire, en
cours d’élaboration, fait état de cet observatoire (www.adasea.net
).