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Le rôle et la stratégie du CNRS
_____________________
PRESENTATION
____________________
En 2002, la Cour avait rendu publiques
les conclusions d’une
enquête portant sur le Centre national de la recherche scientifique
(CNRS)
41
.
Elle
avait
constaté
« une
absence
de
stratégie
de
développement de l’organisme » qui pouvait être rapportée à une
organisation qui n’avait « pas véritablement changé depuis un quart de
siècle », « une structure particulièrement éclatée » et une capacité de
manoeuvre de la direction générale « très faible ». La Cour avait alors
appelé à la conclusion rapide d’un contrat pluriannuel avec l’Etat afin de
fixer les étapes de la « profonde et nécessaire transformation » de
l’organisme.
La nouvelle enquête, conduite entre juillet 2006 et mars 2007, a
porté sur une période au cours de laquelle l’équipe de direction a été
renouvelée plusieurs fois.
Le contrat d’action pluriannuel signé en 2002
comme l’avait souhaité la Cour, n’a pas été appliqué dans la durée, et
enfin la réforme décidée en 2005 a été remise en cause au moment même
où elle était mise en oeuvre.
Une telle instabilité est d’autant plus préjudiciable que le CNRS
doit s’adapter à un environnement qui a profondément changé :
l’affirmation du rôle de l’Union européenne, la création de deux agences
sur le plan national et l’autonomie croissante accordée aux universités
créent un contexte nouveau que le CNRS ne peut ignorer. La mutation du
paysage de la recherche conduit ainsi à poser de manière nouvelle la
question des missions du CNRS. Le CNRS étant un opérateur majeur de
la recherche publique française, c’est la cohérence d’ensemble de cette
politique qui est en cause et qui doit trouver réponse de façon urgente.
41) Rapport public annuel 2001, publié en janvier 2002 (pages 383 et suivantes)
114
COUR DES COMPTES
Dans ce contexte, la Cour s’est interrogée sur la stratégie et le
rôle du CNRS, mais aussi sur les outils comptables et budgétaires dont la
modernisation peut fournir un point d’appui pour accompagner les
priorités scientifiques. Elle s’est également penchée sur les modes de
fonctionnement du centre sous l’angle de leur efficacité et de leur
pertinence par rapport à la politique de la recherche publique.
I
-
Des missions à clarifier
A - Un paysage de la recherche redessiné
1 -
La place du CNRS dans la recherche publique française
Le CNRS est un établissement public à caractère scientifique et
technologique (EPST), catégorie instituée par la loi du 15 juillet 1982
modifiée d’orientation et de programme pour la recherche et le
développement technologique. Il a été initialement créé en 1939 avec
pour vocation de fédérer les organismes d’Etat et de coordonner les
recherches menées à l’échelon national. En 1945, il s’est orienté vers la
recherche fondamentale, la recherche appliquée étant confiée à des
organismes spécialisés, comme le Commissariat à l’énergie atomique.
Depuis les années 1960, le CNRS a développé une politique
d’association, notamment avec les universités, avec lesquelles il partage
80 % de ses unités de recherche.
Le CNRS est dirigé par un président et un directeur général dont
les fonctions respectives ont évolué dans le temps. En dehors du conseil
d’administration, le comité national de la recherche scientifique et le
conseil scientifique jouent un rôle dans la gouvernance de l’établissement
en matière d’évaluation et d’orientation scientifique. Le fonctionnement
du CNRS repose, outre ses unités de recherche, sur des directions
nationales, des départements scientifiques et des délégations régionales.
Le CNRS est de loin le plus grand EPST et représentait en 2005
près du quart du budget civil de recherche et développement. Sa place au
sein de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement
supérieur est plus faible, du fait de l’inscription dans cette mission des
crédits liés à l’enseignement supérieur. En 2006, le CNRS comptait
26 000 agents, dont 11 500 chercheurs et 14 500 ingénieurs et techniciens
et regroupait près de 1200 unités de recherche et de service. Son budget
s’élevait à 2 738 M€, financés à hauteur de 75 % par une subvention pour
charges de service public versée par l’Etat.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
115
L’établissement est régi par le décret du 24 novembre 1982
modifié qui lui fixe pour missions « d’évaluer, d’effectuer ou de faire
effectuer toutes recherches présentant un intérêt pour l’avancement de la
science ainsi que pour le progrès économique, social et culturel du pays »
mais aussi de contribuer à la valorisation de la recherche, de développer
l’information scientifique, d’apporter son concours à la formation et de
participer à la prospective scientifique.
2 -
La mutation du paysage de la recherche
Depuis la précédente intervention de la Cour, l’environnement
dans lequel évolue le CNRS a profondément changé, que ce soit sur le
plan européen, national ou régional.
a)
L’espace européen de la recherche
La Communauté européenne a organisé sa politique en faveur de la
recherche autour de programmes cadres pour la recherche et le
développement (PCRD). A ce titre, le 7
ème
PCRD qui couvre la période
2007 à 2013 prévoit globalement 50,5 Mds€ de crédits, ce qui représente
une hausse de 63 % par rapport au programme précédent. Il s’agit pour la
Communauté européenne de se positionner comme un acteur au service
d’une stratégie globale de recherche en Europe. Elle a ainsi élargi ses
domaines d’intervention par rapport aux schémas traditionnels dans
lesquels elle se cantonnait initialement, à savoir les très grands
équipements et les projets majeurs associant le secteur public et le secteur
privé. Elle intervient désormais plus largement sur des thématiques où le
CNRS est impliqué, celui-ci étant en 2005 le premier organisme européen
bénéficiaire des aides de la Ccommission européenne pour un montant
d’environ 200 M€. Le développement de la politique communautaire de
la recherche s’inscrit dans la stratégie adoptée par le Conseil européen de
Lisbonne en 2000 au travers de laquelle l’Union européenne s’est donné
comme horizon de devenir l’économie de la connaissance la plus avancée
du monde. Cette orientation s’est en particulier traduite par l’objectif fixé
au Conseil européen de Barcelone de 2002 d’accroître la part des
dépenses de recherche et développement au sein de l’Union de 1,9 % du
PIB à 3 % d’ici à 2010.
b)
La création d’agences au niveau national
En 2005 et 2006, deux agences ont été créées au niveau national
dont les missions ont un impact direct sur celles du CNRS : l’Agence
nationale de la recherche (ANR) et l’Agence d’évaluation de la recherche
et de l’enseignement supérieur (AERES).
116
COUR DES COMPTES
L’ANR a été créée le 7 février 2005, sous la forme d’un
groupement d’intérêt public et transformée le 1
er
janvier 2007 en
établissement public administratif avec pour mission le financement de
projets de recherche. Dès 2005, la capacité d’engagement de l’agence
s’est élevée à 700 M€, 35 appels à projet ont été lancés et 4500 projets de
recherche ont été soutenus. L’ANR est donc désormais un acteur à part
entière du paysage de la recherche.
Pour les années à venir, les projections liées à la loi de programme
du 18 avril 2006 pour la recherche prévoient que les crédits destinés au
financement de projets passeraient de 1,1 Md€ en 2008 à 1,5 Md€ en
2010. L’agence devrait ainsi disposer à moyen terme d’une capacité
d’engagement correspondant à près de la moitié du budget actuel du
CNRS et au double des crédits d’intervention dont il dispose aujourd’hui.
Ces projections montrent que les pouvoirs publics entendent faire jouer à
l’ANR un rôle structurant qui ne peut être sans effets pour le CNRS.
La loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche a
également prévu la création d’une seconde agence chargée de l’évaluation
de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’AERES s’est vu
notamment confier l’évaluation des équipes de recherche, évaluation
qu’elle pourra conduire directement ou en s’appuyant sur les organismes
existants. La question de l’articulation de ses missions avec celles du
Comité national de la recherche scientifique, organisme qui évalue les
chercheurs du CNRS depuis 1945, est donc posée.
c)
La montée en puissance des universités
Les recherches du CNRS en partenariat avec les universités sont
une évolution déjà ancienne et se matérialisent par la constitution d’unités
mixtes de recherche (UMR). Plus de 90 % des laboratoires du CNRS sont
ainsi associés à une autre personne morale. Ces taux n’ont que faiblement
progressé entre 2000 et 2005, passant de 89,3 % en 2000 à 92,5 % en
2005. Parmi les partenaires du CNRS, les universités et les grands
établissements d’enseignement supérieur jouent un rôle déterminant,
puisque 81 % des unités du CNRS étaient associées à un établissement de
ce type en 2005. Le CNRS ne compte ainsi que 100 unités de recherche
qui lui sont propres. Deux lois récentes modifient le cadre dans lequel les
partenariats entre le CNRS et l’université se concluaient jusqu’ici.
La loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche a prévu un
ensemble de dispositifs nouveaux de coopération scientifique entre les
nombreux acteurs de la recherche, dans l’objectif d’une meilleure
structuration de celle-ci : il s’agit en particulier des pôles de recherche et
d’enseignement supérieur (PRES) et des réseaux thématiques de
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
117
recherche avancés (RTRA). Selon que l’accent est porté sur l’un ou
l’autre de ces outils, les conséquences pour le CNRS peuvent apparaître
différentes : s’il peut en effet s’accommoder d’un fonctionnement en
réseau et plaide d’ailleurs pour un tel schéma, une structuration de la
recherche par grands pôles géographiques, dont le point d’attache
principal résiderait dans les sites qui les hébergent et qui sont souvent des
sites universitaires, pose en revanche plus directement la question de la
place
qui
peut
revenir
à
un
centre
de
recherche
national
et
pluridisciplinaire.
La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des
universités fait évoluer les modalités de gouvernance des universités dans
l’objectif de renforcer leur capacité de prise de décision, ce qui ne sera
pas sans conséquence sur les relations des universités avec le CNRS.
L’ensemble de ces évolutions redessine le paysage dans lequel
évolue le CNRS, paysage au demeurant déjà fort complexe, comme la
Cour l’a relevé à travers l’exemple du département du vivant du CNRS et
de l’Inserm dans son rapport public thématique de mars 2007 sur la
gestion de la recherche publique dans les sciences du vivant. Elles tendent
en effet à rapprocher la France des formes d’organisation pratiquées chez
ses partenaires qui reposent sur un tissu universitaire d’excellence
structuré par des agences de financement nationales, auxquelles
s’adjoignent des établissements spécialisés dans la recherche disposant
d’un spectre d’action variable selon les pays. Ce spectre va d'un rôle
d'opérateur de recherche, comme en Allemagne avec le « Max Planck
Institut », à l'aide à la structuration de la recherche au travers d'agences de
moyens financiers et éventuellement humains, comme aux Etats-Unis et
au Royaume-Uni. Or, les missions du CNRS et ses modes de
fonctionnement n’ont pas été conçus pour s’inscrire dans ce nouvel
environnement, qui pose en particulier la question de l’articulation de
l’action du CNRS avec celle de l’ANR et des universités, appelées à
devenir, comme c’est le cas à l’étranger, des intégrateurs de la recherche.
B - L’absence de stratégie suivie dans la durée
Si l’environnement dans lequel évolue le CNRS a été réformé en
profondeur, tel n’est pas le cas du CNRS. Par rapport à ces évolutions
structurantes, la stratégie de l’établissement n’est en effet pas stabilisée.
Un contrat avec l’Etat a certes été signé mais il n’a pas été appliqué dans
la durée. Depuis, deux projets d’inspirations différentes ont été
développés par les dirigeants qui se sont succédé. Une telle instabilité est
évidemment préjudiciable, aucune stratégie ne pouvant être conçue et
mise en oeuvre sans continuité.
118
COUR DES COMPTES
1 -
Une gouvernance marquée par l’instabilité
a)
L’instabilité des dirigeants de l’établissement
Depuis 2000, quatre équipes de direction se sont succédé au CNRS
alors que le président et le directeur général sont en principe désignés
pour quatre années. Cette instabilité se traduit dans les conseils
d’administration qui ont délibéré sur les comptes financiers : de 2003 à
2006, ce n’est jamais la même équipe de direction qui a animé les débats.
La crise qu’a connue le CNRS à la fin 2005 et au début 2006 a
constitué le point d’orgue de cette instabilité. Le 5 janvier 2006, le
président démissionnait et son successeur était nommé le 11 janvier. Dans
le même temps, le directeur général était démis de ses fonctions, le
ministre de la recherche annonçant le départ de ce dernier le 9 janvier et
nommant son successeur le 17 janvier. Cette situation peut trouver sa
source dans deux causes principales. D’une part, les textes instituant le
CNRS ont organisé un partage des rôles entre le président et le directeur
général qui implique, pour fonctionner sans difficultés, une parfaite
cohésion. D’autre part, les alternances gouvernementales conduisent
souvent à des changements de dirigeants en cours de mandat.
b)
Les modifications introduites par le décret du 12 février 2007
Pourtant, le décret constitutif du CNRS a été modifié à trois
reprises depuis 2000, dont deux fois avec l’objectif d’assurer une plus
grande stabilité dans les fonctions de direction au sein du CNRS et le
mode de gouvernance du centre a été à ce titre très largement modifié.
Le décret du 25 octobre 2000 avait porté le mandat du président et
du directeur général de trois à quatre ans et élargi les fonctions du
président. Alors qu’il n’assurait auparavant que la présidence du conseil
d’administration, le président était désormais chargé d’animer et de
coordonner la politique générale du CNRS, le directeur général étant
responsable de sa direction scientifique, administrative et financière.
Dans son rapport public de 2001, la Cour avait insisté sur l’importance
qui s’attachait dans ce cadre à «une bonne intelligence des rôles entre le
président et le directeur général ». La crise qu’a connue le CNRS fin 2005
est l’illustration des risques liés à la dualité de la direction.
La modification réglementaire adoptée le 12 février 2007 à la
demande de la nouvelle direction du CNRS a parachevé l’évolution
engagée en 2000 vers un renforcement des pouvoirs du président : là où le
fonctionnement du centre était précédemment entre les mains de son
directeur général, le nouveau système introduit une autorité hiérarchique
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
119
claire du président sur le directeur général dont les pouvoirs propres sont
réduits. Si le directeur général continue à diriger le CNRS, c’est
désormais « sous l’autorité du président du centre » dont les attributions
en matière d’organisation sont renforcées. Et c’est dorénavant sur
proposition du président du centre que le directeur général doit être
nommé. Ces nouvelles dispositions réglementaires devraient en principe
permettre au CNRS de bénéficier à l’avenir d’une gouvernance stable.
2 -
Trois stratégies successives depuis 2002
a)
Un contrat avec l’Etat qui n’a pas été appliqué dans la durée
Conformément à la recommandation de la Cour en 2002, un
contrat d’action pluriannuel a été conclu entre le CNRS et l’Etat pour la
période 2002-2005. Sa faiblesse majeure est qu’il n’a pas été mis en
oeuvre dans la durée. Son suivi a en effet été réalisé pour la dernière fois
au conseil d’administration de juin 2004, avec des éléments chiffrés ayant
trait aux exercices 2002 et 2003. Les éléments recueillis par la Cour
montrent que des pans entiers du contrat n’ont pas été suivis d’effet et il
n’existe pas de bilan global concernant sa mise en oeuvre. La raison
principale en est que les deux équipes dirigeantes qui se sont succédé
depuis sa conclusion ont chacune défini leur propre stratégie.
Mais il est vrai également que, si le contrat a pu être perdu de vue
par les nouvelles équipes dirigeantes, c’est qu’il présentait des lacunes.
En premier lieu, le contrat d’action pluriannuel n’était pas accompagné
par une programmation des moyens financiers du CNRS. Il ne permettait
donc ni de donner une indication des moyens budgétaires que l’Etat
souhaitait mobiliser en faveur du CNRS, ni de traduire concrètement les
priorités définies par le contrat, ni enfin de définir les efforts demandés au
centre en matière de gestion. Dans ces conditions, le contrat d’action
pluriannuel s’apparentait plus à un plan stratégique négocié avec les
pouvoirs publics qu’à un réel contrat permettant de prévoir l’évolution
effective du CNRS durant la période.
En deuxième lieu, la déclinaison chiffrée des actions stratégiques
est restée lacunaire au niveau du contrat lui-même et ce n’est qu’une fois
le contrat signé que s’est posée la question de la définition d’indicateurs
de suivi et d’objectif. Ceux-ci ont été présentés une seule fois en juin
2004. Surtout, il ne s’agissait pas véritablement d’indicateurs d’objectifs,
aucune valeur cible n’étant fixée pour les différentes actions.
Enfin, les priorités scientifiques ont été définies de telle manière
qu’elles incluaient de fait la quasi-totalité des champs de recherche du
CNRS et ne constituaient donc pas réellement des priorités. Au
120
COUR DES COMPTES
demeurant, de telles priorités auraient supposé, pour prendre tout leur
sens, une déclinaison des moyens en équipement, personnel et
fonctionnement qui pouvaient leur être affectés.
Les leçons des faiblesses de cette contractualisation en matière de
priorités scientifiques, de mécanisme de suivi et de trajectoire financière
associée devront être tirées dans la perspective de la négociation d’un
nouveau contrat.
b)
Une profonde
réforme en 2005 qui n’a pas été mise en oeuvre
Sous l’égide du directeur général nommé en 2003, une réforme en
profondeur du CNRS a été lancée qui allait au-delà des évolutions
prévues par le contrat d’action pluriannuel. Cette réforme, intitulée
« notre projet pour le CNRS » s’appuyait sur des objectifs scientifiques et
proposait un changement des structures du CNRS pour y faire face. Ses
objectifs scientifiques se situaient dans la perspective d’un paysage de la
recherche fondé sur la concurrence internationale et sur un couplage fort
entre la recherche et ses applications. Sur ces bases, un projet d’évolution
des structures du CNRS a été adopté par le conseil d’administration du
19 mai 2005. Il prévoyait, d’une part, la mise en place de six
départements
scientifiques,
dont
deux
départements
transverses,
regroupés au sein d’une direction scientifique générale et, d’autre part, la
mise en place de cinq directeurs interrégionaux pour représenter le CNRS
en région. Il était également prévu d’associer plus largement le conseil
d’administration
aux
décisions
d’attribution
de
moyens
entre
départements scientifiques et de créer un comité d’évaluation externe
pour évaluer les performances de l’établissement.
La nouvelle organisation devait être opérationnelle le 1
er
janvier
2006. Approuvée par le conseil d’administration, elle ne s’est cependant
pas concrétisée, une nouvelle direction ayant été nommée au moment où
la réforme était mise en place. Sans porter de jugement sur une réforme
qui n’a pas été menée à son terme, la Cour a déjà constaté, lors de
l’enquête qu’elle a conduite sur la gestion de la recherche publique dans
les sciences du vivant
42
, « les effets dommageables des conditions dans
lesquelles elle a été remise en cause : intervenue en phase finale de sa
mise en oeuvre, alors qu’elle avait été longuement délibérée au sein de
l’établissement et avec sa tutelle, son interruption soudaine a frappé d’un
degré d’incertitude supplémentaire l’exercice déjà difficile de la fonction
de pilotage au sein de l’établissement. » Ce jugement a été largement
corroboré à l’occasion du contrôle de l’organisme dans son ensemble
mené entre juillet 2006 et mars 2007.
42) Rapport public thématique de mars 2007
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
121
c)
Un nouveau plan stratégique en préparation
Les positions de la nouvelle équipe dirigeante en matière
d’organisation ont été présentées et adoptées au conseil d’administration
de juin 2006. Elles tiennent en deux axes : une réforme des statuts visant
à renforcer les pouvoirs du président ; une remise en cause de la direction
scientifique générale et des directions interrégionales. Il s’agit ainsi de
réaffirmer
la
responsabilité
centrale jouée par
les
départements
scientifiques et de confier la coordination des actions régionales à une
nouvelle direction nationale, la direction des partenariats.
Sur le plan stratégique, la nouvelle équipe de direction a choisi de
procéder avec deux horizons temporels différents : d’une part, des
orientations scientifiques à long terme qui se projettent jusqu’en 2020 et,
d’autre part, un contrat avec l’Etat sur une période de quatre ans.
L’existence de ces deux horizons de temps devrait faciliter la conclusion
d’un contrat avec l’Etat orienté vers les problématiques de gestion et
éviter ainsi les écueils qui ont pu être constatés lors de la précédente
contractualisation. En décembre 2007, le document d’orientation
stratégique «
le CNRS – vision 2020 » n’était pas encore finalisé et la
négociation d’un contrat à plus court terme avec l’Etat n’avait pas débuté.
Les versions successives du plan stratégique du CNRS témoignent
de l’importance croissante accordée à la question du positionnement du
CNRS dans son nouvel environnement. Si la réponse de l’établissement,
se fondant en cela sur certains exemples étrangers, est qu’il doit conserver
l’ensemble de ses fonctions actuelles, le plan stratégique se situe
désormais dans la perspective d’offrir le meilleur service au sein d’un
paysage de la recherche recomposé. Le CNRS serait ainsi « un appui et
un complément aux agences de financement », se distinguant par sa
capacité à prendre des risques et à faire émerger de nouvelles priorités
scientifiques.
Sa
valeur
ajoutée
dans
la
recherche
publique
se
manifesterait en particulier par sa capacité à
« fédérer les compétences »,
notamment dans le cadre des réseaux thématiques de recherche avancée
(RTRA). Ses modalités de contractualisation avec les universités seraient
renouvelées au travers de deux nouveaux outils présentés à la Cour en ces
termes : « les laboratoires de recherche communs (LRC) ayant vocation à
être gérés par le CNRS et les dotations versées aux équipes de recherches
labellisées (ERL) relevant d’une gestion prioritairement universitaire ».
Le
plan
stratégique
du
CNRS
laisse
ainsi
penser
que
l’établissement est prêt à s’acheminer vers un schéma dans lequel trois
fonctions distinctes lui reviendraient : d’une part, un rôle d’opérateur de
recherche sur des thématiques de recherches émergentes ou risquées et les
secteurs nécessitant de grandes infrastructures ; d’autre part, un rôle
122
COUR DES COMPTES
d’agence de moyens au bénéfice en particulier des universités pour
accompagner leur activité de recherche ; enfin, une mission de fédérateur,
au travers notamment des réseaux thématiques de recherche avancée.
Cette stratégie reviendrait donc à modifier fondamentalement les
conditions de partenariat qui ont prévalu jusqu’à ce jour avec les
universités à travers les unités mixtes de recherche puisque le CNRS
occuperait une place particulière dans certains secteurs de recherche,
notamment dans les sciences dures, et se placerait en situation
d’accompagner les universités par un « label » et des dotations affectées
de façon globale pour le reste.
Sans se prononcer sur une stratégie qui n’est pas encore finalisée,
la Cour note que ce processus est pour l’heure interne au CNRS et que
ces orientations ne semblent pas avoir fait l’objet d’une concertation
préalable avec les partenaires concernés et en particulier avec les
universités. En outre, il apparaît que les positions respectives des deux
directions générales compétentes du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche sur cette inflexion stratégique peuvent avoir
différé même si elles sont, selon le ministère, désormais harmonisées. Or,
c’est au ministère, dans sa fonction centrale d’orientation stratégique de
ses domaines de compétence, qu’il appartient de concevoir les rôles
respectifs du CNRS et des universités dans ces nouveaux partenariats.
La Cour n’a cessé dans ses dernières publications sur la gestion de
la recherche publique en France
43
d’attirer l’attention sur la complexité de
son organisation et sur les faiblesses devenues quasi structurelles qui en
résultent et entravent son efficience comme l’efficacité de la dépense
publique ; elle a souligné sans relâche la nécessité d’une rationalisation et
d’une cohérence d’ensemble de cette organisation ; elle considère
aujourd’hui comme urgente la clarification du rôle à jouer par le CNRS
dans le nouveau paysage de la recherche, tant sa place est déterminante
pour le positionnement de ses principaux acteurs.
43) « La gestion de la recherche publique dans les sciences du vivant » (mars 2007) ;
« La recherche en faveur des sciences et technologies de l’information et de la
communication » (février 2007) ; « La gestion de la recherche dans les universités »
(octobre 2005).
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
123
II
-
Une modernisation comptable et budgétaire à
poursuivre
Entre 2000 et 2007, les outils comptables et budgétaires du CNRS
ont connu une profonde transformation. Cette évolution s’inscrit dans le
nouveau contexte créé par la loi organique relative aux lois de finances, le
nouveau cadre budgétaire et comptable et la loi de sécurité financière.
Elle témoigne de l’importance désormais accordée à l’existence
d’informations financières fidèles à la réalité. A ce titre, la modernisation
des outils comptables et budgétaires entreprise au sein du CNRS reflète
l’évolution que connaît la sphère publique dans son ensemble. Elle
montre les lacunes des systèmes précédemment utilisés, les importants
efforts entrepris pour y remédier mais aussi le chemin qui reste à
parcourir pour disposer d’une information fiable, pertinente par rapport à
la stratégie et partagée par les acteurs concernés.
A - Une modernisation comptable à inscrire dans la durée
Le compte de résultat du CNRS se caractérise par l’importance de
la subvention d’exploitation du ministère de la recherche (84 % des
produits d’exploitation en 2005) et par la place des dépenses de personnel
(69 % des charges d’exploitation en 2005). Entre 2000 et 2005, les
sources de financement du CNRS se sont diversifiées et les dépenses hors
personnel ont connu une forte dynamique. Les charges ayant évolué de
façon plus soutenue que les produits, le CNRS présente un résultat net
cumulé légèrement déficitaire sur la période. Si la situation financière du
CNRS restait saine fin 2005, la dégradation du fonds de roulement et de
la trésorerie invite pour l’avenir à un suivi attentif des équilibres
comptables de l’établissement.
Ces données doivent être néanmoins considérées avec prudence.
Les comptes produits par le CNRS jusqu’en 2005 présentent en effet des
lacunes très significatives, dont certaines ont été corrigées en fin de
période. Ces lacunes affectent tant la présentation des comptes que leur
contenu, en particulier en matière d’inventaire du patrimoine du CNRS,
de recensement des risques auxquels il doit faire face ou encore de
rattachement des charges et des produits à l’exercice pertinent.
A partir des comptes 2005 et dans la perspective d’une certification
de ses comptes 2008 par des commissaires aux comptes, le CNRS s’est
engagé dans un important chantier de modernisation. Les principaux
défauts existants dans la tenue des comptes ont été identifiés ainsi que les
mesures permettant d’y remédier et une part d’entre elles a d’ores et déjà
124
COUR DES COMPTES
été mise en oeuvre. Cette évolution a été rendue possible notamment par
la mise en service au 1
er
janvier 2007 d’un nouveau système
d’information budgétaire, financier et comptable.
L’effort entrepris doit être activement poursuivi si le CNRS veut se
mettre en situation de disposer en 2008 de comptes certifiables. Il reste en
effet encore beaucoup à faire. Il importe en particulier que les procédures
comptables soient fixées de sorte que l’établissement puisse présenter
dans la durée, année après année, des comptes certifiables reposant sur un
environnement de contrôle de qualité. La Cour tient enfin à souligner les
enjeux financiers
44
de la modernisation comptable ainsi engagée. Si un
scénario dans lequel le CNRS peut remédier aux défauts de qualité de ses
comptes sans remettre en cause ses équilibres financiers est envisageable,
sa réalisation supposera en effet un suivi attentif.
B - La modernisation budgétaire
1 -
Un budget désormais en prise avec l’activité
Jusqu’en 2006 inclus, le budget était présenté en trois sections, la
première regroupant les dépenses de personnel, la deuxième les charges
liées à l’administration et aux services communs, et la troisième les crédits
destinés aux laboratoires ainsi qu’aux opérations programmées. Les crédits
de personnel étant présentés sous une forme globalisée, ce découpage ne
permettait pas d’apprécier l’effort consenti en faveur des unités de
recherche et des différentes disciplines auxquelles ils étaient destinés. De
même, le partage entre les crédits de fonctionnement et les crédits
d’équipement était peu lisible. Enfin, les règles d’affectation des ressources
aux différentes sections budgétaires rendaient très difficile la lecture de
l’évolution globale des ressources. L’utilité des documents budgétaires
était en outre obérée par l’écart existant entre les budgets primitifs votés
par le conseil d’administration, les budgets tels qu’ils résultaient des
décisions modificatives intervenant en cours d’année et les budgets
finalement exécutés, cet écart étant pour l’essentiel lié à d’importants
reports de crédits.
A partir de 2007, la présentation du budget du CNRS a été
profondément modifiée en application du nouveau cadre budgétaire et
comptable. Cette évolution remédie à l’essentiel des défauts constatés en
matière de lisibilité des documents budgétaires.
44) L’impact des ajustements repérés par l’agence comptable se situe dans une
fourchette
allant d’une réduction du résultat de 150 M € à une amélioration de celui-
ci de 150 M€.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
125
La novation principale consiste en ce que le budget a désormais
pour objectif de traduire l’activité du CNRS. Le budget est en effet
structuré autour de trois agrégats : le premier concerne les activités de
recherche conduites par les unités de recherche, le deuxième les actions
communes et le troisième les fonctions supports. Au travers du premier
agrégat, il existe pour la première fois une affectation des dépenses à
l’activité scientifique qui porte non seulement sur le fonctionnement mais
aussi sur le personnel. Les dépenses sont ensuite déclinées par groupes de
disciplines et par regroupements géographiques. Ces informations
modifient l’orientation des documents budgétaires : ceux-ci apparaissent
désormais clairement en lien avec les missions du centre. Le budget peut
constituer à ce titre un instrument de pilotage de la politique scientifique,
ce qu’il n’était pas auparavant conçu pour être. Les annexes concernant les
indicateurs de performance de la LOLF et les crédits dont bénéficient les
unités de recherche, quelle que soit l’origine des financements, constituent
en outre des sources d’information nouvelles et de première importance,
même si la qualité des données présentées ne peut être considérée comme
suffisante à ce stade. Dans le même temps, le budget est plus simple à
analyser. Il permet en effet de suivre de manière globale les recettes et les
dépenses, ce qui n’était pas possible avec l’ancienne présentation par
sections équilibrées en dépenses et en recettes. Au total, la présentation du
budget selon la nouvelle nomenclature représente un saut qualitatif d’une
réelle ampleur et fournit l’assise nécessaire pour accompagner la stratégie
scientifique du CNRS.
2 -
Des faiblesses structurelles à surmonter
Le nouveau cadre budgétaire et comptable doit trouver son
prolongement dans une adaptation des modes de gestion. Il s’agit en
particulier de la plus grande liberté de manoeuvre laissée à l’établissement
pour modifier l’affectation de ses crédits en cours d’année, contrepartie de
l’approfondissement du dialogue conduit avec les pouvoirs publics en
amont de l’adoption du budget. A ce titre, la mise en oeuvre du nouveau
cadre budgétaire et comptable aura été l’occasion pour le CNRS de
formaliser ses procédures. Mais, cette formalisation a souvent consisté à
retranscrire les modes de gestion antérieurs, faisant courir le risque que ne
perdurent des pratiques héritées du passé et qui avaient fait perdre de sa
pertinence au budget. L’attention du CNRS et de ses ministères de tutelle
devrait se porter en particulier sur quatre sujets qui ne sont pas sans lien.
126
COUR DES COMPTES
a)
La lisibilité de la politique d’investissement
Si la nouvelle présentation du budget remédie à l’essentiel des
défauts
du
système
antérieur,
tel
n’est
pas
le
cas
en
matière
d’investissement, car elle ne donne pas de vision prévisionnelle globale des
investissements à réaliser. Cette situation pose d’ailleurs problème
s’agissant de la comptabilisation de la subvention pour charges de service
public qui doit différer selon le type de dépenses que finance cette
subvention. Sans remettre en cause l’autonomie de gestion dont disposent
les
laboratoires
pour
effectuer
indifféremment
des
dépenses
de
fonctionnement et d’investissement, il serait donc souhaitable que le CNRS
présente un tableau de financement prévisionnel global lors du budget
primitif, celui-ci ne faisant l’objet d’une présentation détaillée qu’au
moment du compte-rendu d’exécution budgétaire. Ceci fournirait l’assise à
une discussion sur des choix qui engagent l’avenir ainsi que sur leurs
modalités de financement.
b)
La réduction du niveau des reports
Dans son rapport public de 2001, la Cour avait critiqué
l’importance des crédits non consommés qui généraient des reports sur
l’exercice suivant, obérant la lisibilité et la pertinence des documents
budgétaires. Force est de constater que cette tendance, si elle a connu un
frein brutal en 2003, a depuis repris vigueur, les crédits ouverts non
consommés s’établissant à 386 M€ en 2006. Ils représentaient 346 M€ en
2005, dont 314 M€ ont été reportés sur 2006, et se concentraient sur les
dotations allouées aux laboratoires et tout particulièrement le soutien de
base apporté aux unités de recherche.
Ainsi en 2005, pour 810 M€ de crédits effectivement dépensés à ce
titre, 224 M€ de crédits non consommés ont été reportés sur l’exercice
suivant. Cette situation paradoxale tient en partie à la notification aux
unités de crédits extrêmement parcellisés et souvent durant l’été, ce qui
ne les met pas en situation d’engager effectivement les crédits qui leur
sont alloués. La direction du CNRS s’est employée dans la période
récente à raccourcir ses délais de notification des crédits aux unités.
Néanmoins, on ne peut estimer, comme le fait le CNRS, que « la
situation des reports peut être considérée comme satisfaisante à la fin de
l’année 2005 », car elle permet notamment de faire face « aux restes à
payer ». Elle témoigne plutôt des insuffisances de la procédure
budgétaire. D’une part, ce que le CNRS appelle des « restes à payer » ne
devrait pas être reporté sur l’exercice suivant mais figurer dans les
dépenses de l’exercice en cours, dès lors qu’il s’agit bien de charges à
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
127
payer, après service fait. D’autre part, le CNRS constate sur l’exercice en
cours les ressources qu’il obtient, même si celles-ci, comme c’est souvent
le cas pour les financements de projets dont bénéficient les laboratoires,
couvrent des dépenses pluriannuelles. Ce double phénomène engendre
mécaniquement des reports dont une large part n’a aucune justification.
Une révision de la procédure budgétaire sur ces points devrait donc
aboutir à une baisse sensible du niveau des reports et permettre en outre
d’intégrer dès le budget primitif une prévision de reports, ce qui rendrait à
ce document toute sa pertinence.
c)
L’affectation des crédits aux unités de recherche.
Le circuit des notifications budgétaires internes au CNRS est
double : notification des autorisations de programmes aux départements
scientifiques puis aux unités de recherche ; notification des crédits de
paiement aux ordonnateurs secondaires que sont les délégations
régionales. Il résulte de ce double circuit déjà critiqué par la Cour en 2002
que les unités de recherche fondent leurs prévisions de dépenses sur le
niveau des autorisations de programmes, sans tenir compte des crédits de
paiement effectivement disponibles. Depuis la mise en oeuvre du nouveau
cadre budgétaire et comptable, et le remplacement des autorisations de
programme par des autorisations d'engagement, le principe qui prévaut
est celui d'une égalité entre les montants des autorisations d'engagement
et des crédits de paiement. Ce principe n’existait toutefois pas jusqu’en
2006. Or, entre 2000 et 2006, les crédits de paiement votés en faveur du
CNRS ont été inférieurs de 292 M€ (dont 229 M€ en 2002 et 2003) aux
autorisations de programmes qui lui ont été affectées. Cette situation,
dont la responsabilité incombe tant à l’établissement qu’à ses autorités de
tutelle, a conduit à des décisions critiquables.
D’une part, le maintien d’un niveau conséquent d’autorisations de
programme a permis au gouvernement d’afficher dans les lois de finances
initiales entre 2000 et 2003 une augmentation globale des crédits en
faveur du CNRS alors que l’examen des crédits de paiement montrait leur
baisse. D’autre part, au moment où cet écart s’est matérialisé et s’est
inscrit dans la durée,
le CNRS a fait le choix de continuer à déléguer les
autorisations de programmes aux unités de recherche, alors que la
couverture financière des engagements qu’elles permettaient n’était pas
assurée par l’allocation de crédits de paiements suffisants. Enfin, si la
situation qu’a connue le CNRS ne pourra plus se produire à l’avenir, la
question demeure du traitement du stock d’autorisations de programmes
non couvert par des crédits de paiement, désormais chiffré à 240 M€ par
l’établissement et ses tutelles. Par un échange de courrier de 2006, ceux-
ci ont prévu de résorber cet écart sur vingt ans maximum, correspondant à
128
COUR DES COMPTES
des tranches annuelles de 12 M€ minimum de crédits libres d’emplois que
le CNRS s’est engagé à annuler. Cette solution pèsera donc à long terme
sur les budgets du centre et devrait conduire à maintenir pendant deux
décennies le double circuit budgétaire existant au sein de l’établissement.
En l’espèce, une prise en compte adéquate du calendrier des
investissements pluriannuels des laboratoires ainsi que des dépenses liées
aux projets sur lesquels ils disposent de financements contractuels aurait
sans doute permis d’aboutir à une solution plus satisfaisante, même si elle
aurait supposé un important effort d’explication auprès des laboratoires.
A défaut, l’annulation en temps utile des autorisations de programmes
non couvertes par des crédits de paiements était la solution normale.
Pour
l’avenir,
la
Cour
invite
l’établissement
à
accélérer
l’apurement de cet écart en allant chaque année le plus loin possible dans
l’annulation des autorisations d’engagements liées à des crédits libres
d’emplois et en se fondant pour cela sur une appréciation rigoureuse des
reports de crédits.
d)
Des moyens à inscrire dans une perspective pluriannuelle
L’ensemble de ces évolutions devrait faciliter la conclusion d’un
contrat d’objectifs et de moyens assorti d’un engagement des pouvoirs
publics sur une trajectoire de financement pluriannuelle.
Entre 2000 et 2006, les dépenses exécutées par le CNRS ont
progressé à un rythme annuel proche de 5 %, du fait en particulier d’une
forte dynamique des crédits alloués aux laboratoires et aux opérations
programmés qui sont passés de 481 M€ en 2000 à 810 M€ cinq ans plus
tard. Cette dynamique est pour une large part liée à une augmentation de
56 % en cinq ans des « ressources propres » du centre. Ce terme doit
néanmoins être interprété avec prudence, ces ressources correspondant
pour une part croissante à des financements d’origine publique. Elles
témoignent de l’évolution institutionnelle du paysage de la recherche, et
notamment du développement des financements sur projets au travers
d’agences nationales ou communautaires. Si la subvention versée au
CNRS au titre de la loi de finances demeure la ressource principale du
centre, sa part se réduit ainsi progressivement et passe de 81 % des
ressources budgétaires globales en 2000 à 75 % en 2005. Durant la
période, elle a augmenté à un rythme moyen annuel de 2,4 %. Elle a
toutefois connu des à coups très sensibles, bien plus prononcés que ne le
laissaient présager les lois de finances. Elle a en particulier diminué de
141 M€ entre 2001 et 2002, ce qui n’a pas placé l’établissement dans des
conditions satisfaisantes pour exercer ses responsabilités de gestion.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
129
Pour l’avenir, il importe que le CNRS puisse se situer dans une
perspective de moyen terme. Cette perspective devra s’inscrire dans le
cadre de la programmation des moyens inscrite dans la loi de programme
pour la recherche du 18 avril 2006 et tenir compte du contexte nouveau
créé par l’évolution du paysage institutionnel de la recherche. A cet
égard, dans un rapport de février 2007 sur la contractualisation des
organismes
de
recherche
avec
l’Etat,
l’inspection
générale
de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche a formulé des
pistes, évoquant des contrats d’objectifs et de moyens assortis de
perspectives de financement conservatoires mais révisables annuellement
ou encore des contrats prévoyant différents scénarios d’exécution et
associant réalisation des objectifs et obtention de moyens nouveaux.
S’agissant du CNRS, il apparaît nécessaire que la clarification des
attentes formulées à son égard par ses tutelles s’accompagne d’une
trajectoire de financement pluriannuelle.
Au total, le CNRS dispose désormais avec le nouveau cadre
budgétaire et comptable d’un outil de pilotage qui lui permettra de
mobiliser de façon efficace ses crédits dès lors qu’il aura mis un terme à
des pratiques de gestion inadaptées. Il importe pour ce faire que le CNRS
fasse partager cet outil à ses personnels afin de construire avec eux et
avec les pouvoirs publics les conditions d’un dialogue transparent et
approfondi sur les moyens nécessaires à son action dans la durée.
III
-
Des modes de fonctionnement à adapter
La définition d’une stratégie de long terme du CNRS ainsi que la
négociation d’un contrat pluriannuel avec l’Etat supposent une vision
claire des missions qui reviennent au centre dans le nouveau paysage de
la recherche. Mais le CNRS doit aussi disposer de modes de
fonctionnement adaptés à son nouvel environnement. A ce titre, le Cour
s’est penchée sur quatre sujets : l’organisation, les outils de pilotage, la
gestion des personnels et la gestion des unités de recherche
45
.
45) La Cour n’a pas traité les questions spécifiques liées aux personnels ingénieurs et
techniciens, ni les problématiques associées à la valorisation de la recherche, sujet sur
lequel elle a effectué un ensemble de recommandations dans le cadre de son rapport
public thématique de mars 2007 portant sur la gestion de la recherche publique dans
les sciences du vivant.
130
COUR DES COMPTES
A - L’organisation
Si la Cour avait critiqué en 2002 le mode de fonctionnement
centralisé du CNRS, force est de constater que cette situation n’a pas
changé. Ainsi, l’essentiel des décisions relève du comité de direction de
l’établissement qui réunit de façon hebdomadaire, sous la présidence du
directeur général, les directeurs de départements scientifiques et le
secrétaire général. Ce mode de prise de décision descend jusqu’à un
niveau de détail très important, ce qui le distingue d’un type de
gouvernance dans lequel les instances dirigeantes arbitreraient des
priorités et confieraient leur mise en oeuvre aux échelons opérationnels
sur la base d’un mandat clair. C’est d’ailleurs l’intention du CNRS que de
se rapprocher de ce mode de gouvernance et de faire
jouer à la direction
un rôle comparable à celui d’une « holding » opérant au bénéfice de
départements scientifiques ou d’instituts plus autonomes.
En deuxième lieu, l’organisation repose sur une séparation nette
entre les instances spécialisées dans la gestion que sont les délégations
régionales et les instances nationales que sont les départements
scientifiques. Si cette solution assure la cohérence des fonctions de
gestion regroupées auprès du secrétaire général, elle ne garantit pas
a
priori
que les préoccupations financières seront prises en charge au
niveau des départements scientifiques qui constituent pourtant l’épine
dorsale du centre. C’est bien l’un des problèmes majeurs rencontrés en
matière budgétaire. Il n’est en outre pas certain que le découpage à la fois
thématique et géographique sur lequel repose l’organigramme du CNRS
assure la meilleure lisibilité pour l’extérieur, notamment pour les
partenaires internationaux ou régionaux.
Ces questions renvoient finalement aux rôles respectifs des
départements scientifiques et des délégations régionales comme interfaces
avec l’extérieur et entre la direction et les unités de recherche : les
réformes successives de l’organisation de l’établissement montrent qu’il
s’agit d’un enjeu majeur en matière de pilotage de l’établissement. Sans
revenir sur une réforme qui a été finalement rejetée, l’équilibre actuel
n’apparaît pas pleinement satisfaisant : une meilleure articulation entre les
responsabilités de gestion et les responsabilités scientifiques ainsi qu’un
mode de fonctionnement plus lisible pour les partenaires du centre
méritent d’être recherchés.
A ce titre, il apparaît, d’une part, que les disciplines qui
fonctionnent sur le mode d’instituts, comme l’institut national des
sciences de l’univers, disposent d’une bonne visibilité internationale,
d’une réelle capacité à fédérer leurs partenaires et de responsabilités
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
131
financières clairement assumées. Les bonnes pratiques dont témoigne ce
mode de fonctionnement reposent en large partie sur des formes de
gouvernance particulières, associant de façon formalisée et régulière les
différents établissements concernés par la discipline au sein du conseil de
l’institut. La transposition de ces modes de fonctionnement dans les
départements scientifiques est une piste qui est étudiée par le CNRS
aujourd’hui. D’autre part, le CNRS estime que les nouvelles formes de
relations contractuelles qu’il envisage avec les universités pourraient
l’amener à faire évoluer son dispositif des délégations régionales.
B - Les instruments de pilotage
La gestion d’une institution de la taille et de la complexité du
CNRS doit reposer sur des outils de pilotage robustes et partagés, ce qui
n’est pas encore le cas.
a)
Des systèmes d’informations qui doivent être partagés
Les systèmes d’information du CNRS ont fait l’objet d’une
évolution lourde en 2007 qui permettra de disposer d’un support unifié
pour toutes les applications de gestion. Cette évolution aura été
néanmoins particulièrement longue à mettre en oeuvre et demeure
inachevée : elle ne concerne pas encore le logiciel utilisé au sein des
laboratoires et il n’a pas été trouvé de solution pour mettre en commun
dans les unités mixtes de recherche les données saisies au titre de la
gestion universitaire et celles saisies au titre de la gestion du CNRS.
En ce sens, la définition d’un schéma informatique global apparaît
comme une priorité pour l’avenir. Elle suppose une réflexion conjointe
avec les instances chargées du pilotage des systèmes d’information des
universités, l’enjeu étant d’obtenir une vision consolidée et fiable de
l’activité des unités de recherche sans laquelle aucun pilotage du secteur
ne pourra être réellement entrepris.
b)
Des partenariats qui doivent structurer l’activité des laboratoires
Le CNRS est au coeur d’un réseau de partenariats multiples qu’il
s’est attaché dans la période récente à mieux formaliser, en particulier
avec les universités. La démarche engagée depuis 2002 avec les
partenariats
dits
« renforcés »,
puis
« rénovés »,
témoigne
des
incontestables avancées réalisées dans ce domaine, que la direction des
partenariats créée au sein de l’établissement a pour mission d’amplifier.
132
COUR DES COMPTES
La recherche reposant sur l’activité de multiples entités de petite
taille, il importe néanmoins de savoir si les partenariats ainsi négociés
permettent à ces unités de prendre leurs décisions quotidiennes de façon
satisfaisante, c’est-à-dire en disposant d’un cadre organisé, formalisé et
sécurisé par delà la période de négociation du contrat lui-même. Il
apparaît à cet égard un certain nombre de faiblesses, la multiplication des
intervenants dans le paysage de la recherche ayant même tendance à
rendre le système plus difficile à maîtriser pour les laboratoires. La
politique de partenariat devrait avoir en particulier pour objectif qu’il soit
possible de suivre de façon constante et transparente les ressources
humaines et budgétaires des unités mixtes afin notamment de pouvoir
effectuer une programmation au sein de leurs établissements de
rattachement. Elle suppose ainsi une mise en réseau des systèmes
d’information et l’identification d’un interlocuteur responsable.
c)
Une évaluation qui doit éviter les redondances
L’évaluation occupe une place majeure en matière scientifique.
Elle se concrétise au sein du CNRS par le rôle que joue dans son
fonctionnement quotidien le comité national de la recherche scientifique.
Cet organisme placé auprès du CNRS est chargé de l’évaluation de ses
chercheurs et de ses équipes de recherche, évaluation effectuée au sein de
sections composées majoritairement de membres élus par les personnels.
Au regard de cette particularité, partagée avec l’enseignement supérieur,
le comité national a été l’objet de critiques.
Lors de la présente enquête, le coût que représente le
fonctionnement du comité national a été estimé à 10 M€. Ce coût
mériterait d’être individualisé dans les documents budgétaires du CNRS.
S’agissant de l’activité du comité national, son secrétariat général a
identifié des marges de manoeuvre pour faire progresser les procédures
d’évaluation et les suites qui leur sont réservées. Les garanties de qualité
que le processus d’évaluation du comité national est en mesure d’apporter
sont d’autant plus importantes que la création en 2006 d’une agence de
l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est venue
modifier la perspective dans laquelle le rôle du comité national peut être
apprécié. Conçue pour évaluer les établissements de recherche, les unités
de recherches, les formations de l’enseignement supérieur et valider les
procédures d’évaluation des personnels dans les établissements de
recherche, l’AERES ne voit son champ d’action aucunement limité par
les textes l’ayant instituée, même s’il est prévu qu’elle peut confier une
partie de ses missions à des instances existantes. La question d’une
redondance entre le comité national et l’agence en matière d’évaluation
des équipes de recherche du CNRS est donc clairement posée.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
133
A
ce
stade,
l’articulation
des
deux
instances
suscite
des
interprétations divergentes entre le CNRS et son ministère de tutelle, le
premier estimant que son activité d’évaluation ne sera pas affectée et le
second que le comité national devra se concentrer à l’avenir sur
l’évaluation des chercheurs. La manière dont se réglera cette question sera
un révélateur du positionnement du CNRS vis-à-vis du paysage de la
recherche. A ce titre, la Cour ne peut que recommander que les
redondances soient évitées.
C - La gestion des personnels
a)
La gestion prévisionnelle
En 2001, la Cour avait insisté sur la nécessité pour le CNRS de se
donner les moyens d’opérer une gestion prévisionnelle de ses emplois dans
la perspective des départs massifs à la retraite qui s’annonçaient. Un
plan
de gestion prévisionnelle de l’emploi scientifique a ainsi été élaboré en
2002 et a permis à l’établissement de disposer d’un cadre de référence pour
ses arbitrages des années suivantes. En 2007, la direction du centre dispose
de prévisions plus fines et moins pessimistes de départs ; elles conduisent
néanmoins à prévoir un renouvellement sur 10 ans de la moitié des
effectifs permanents présents en 2006 avec des effets contrastés selon les
disciplines, certaines d’entre elles, comme les sciences de l’homme et de la
société et, dans une moindre mesure, les sciences du vivant, étant
particulièrement touchées. Ces éléments sont utilisés pour la préparation
des campagnes annuelles de recrutement.
Il conviendrait néanmoins que s’adjoigne à cette politique de court
terme une stratégie de moyen terme permettant de disposer d’orientations
sur une répartition du potentiel de recherche cohérente avec les priorités
scientifiques affichées. Or, le CNRS ne dispose pas, au moins de façon
explicite, d’une projection de ce que serait son effectif souhaitable à
l’horizon 2016 et donc des départs à remplacer par départements
scientifiques.
Une
telle
prévision
constitue
pourtant
un
élément
déterminant non seulement de sa politique scientifique mais aussi de sa
gestion financière.
b)
L’interdisciplinarité
L’interdisciplinarité figure comme un objectif fort dans tous les
documents stratégiques du CNRS et a donc bénéficié d’une réelle
continuité entre les différentes équipes de direction qui se sont succédé.
C’est le signe d’une évolution des thématiques de recherche vers des sujets
134
COUR DES COMPTES
à l’interface de plusieurs disciplines dont témoigne en particulier la
création d’un département « environnement et développement durable ».
La notion d’interdisciplinarité apparaît néanmoins ambiguë : elle
peut renvoyer à des structures ou à des programmes. Or, les données
disponibles ne permettent pas de conclure à une évolution du CNRS depuis
2000 en faveur du recrutement de chercheurs à profil interdisciplinaire
relevant de différentes sections du comité national et de la création
d’équipes de recherches pluridisciplinaires. Ces données témoignent ainsi
des logiques encore largement disciplinaires qui s’attachent à la gestion des
carrières des chercheurs au travers de leur département scientifique et de
leur section de rattachement au sein du comité national. C’est plus dans la
mise en place de programmes de recherches interdisciplinaires que l’effort
a été porté, sans que ceux-ci ne soient nécessairement réalisés par des
chercheurs ou des équipes eux-mêmes pluridisciplinaires. Pour l’avenir, il
importe ainsi de préciser le contour donné à l’interdisciplinarité afin que
les objectifs et indicateurs pertinents puissent être construits et permettent
de mesurer les effets réels de la politique entreprise.
c)
La mobilité et la gestion des carrières
La mobilité peut s’entendre à l’intérieur du CNRS entre champs
disciplinaires mais aussi à l’extérieur, en particulier avec d’autres
structures de recherche ou d’enseignement. Cette orientation en matière de
ressources humaines a fait l’objet d’une priorité moins soutenue dans la
durée que l’interdisciplinarité. Ses résultats apparaissent, tout comme en
matière d’interdisciplinarité, relativement stables dans le temps.
Une procédure de mobilité interne a été mise en place pour les
personnels ingénieurs, techniciens et administratifs et connaît un large
succès. Il n’existe pas de procédure similaire pour les personnels
chercheurs, la tentative réalisée entre 2003 et 2005 n’ayant pas été
concluante. Les mouvements au sein de l’effectif du CNRS ont toutefois
nettement augmenté du fait de l’élargissement du recours à des personnels
sur statut non permanent (doctorants et post-doctorants), ceux-ci
représentant plus de 1500 personnes en équivalent temps plein en 2005.
En ce qui concerne les mobilités entre l’enseignement supérieur et la
recherche, les dispositifs existants n’ont pas connu d’évolutions notables et
les passerelles demeurent limitées. Un budget est réservé depuis 2002 à
l’accueil de 500 enseignants-chercheurs en délégation au sein du CNRS.
Le rapprochement entre chercheurs et enseignants-chercheurs au sein des
unités mixtes de recherche aurait pu laisser présager un développement de
cette formule. Elle demeure néanmoins marginale et les effectifs concernés
ont fortement décru entre 2004 et 2006. De plus, si l’accueil d’enseignants-
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
135
chercheurs sous forme de détachement ou de délégation constitue un des
indicateurs de performance définis au titre de la loi organique relative aux
lois de finances, les objectifs retenus demeurent limités : ils visent à
reproduire en 2007 les résultats obtenus en 2005, soit l’accueil d’un effectif
d’enseignants-chercheurs équivalent à 5,5 % des chercheurs du CNRS.
Dans le même temps, il n’a pas été donné suite aux propositions formulées
par le CNRS d’élargir les possibilités pour ses personnels chercheurs et
ingénieurs d’effectuer des services d’enseignement.
Enfin, sur les questions de rémunération et plus généralement sur
l’attractivité de la France pour l’accueil de personnels de recherche, le plan
stratégique préparé par le CNRS appelle à une revalorisation d’ampleur des
carrières dans un cadre statutaire assoupli. Sur ce sujet d’importance, il
reste que les éléments de comparaison internationale sont peu nombreux et
difficiles à interpréter.
Au total, il apparaît que les conditions d’une évolution consensuelle
vers un rapprochement statutaire des chercheurs et des enseignants-
chercheurs n’ont pas été réunies alors même que la mixité des unités de
recherche a pour effet que ces personnels se côtoient de plus en plus. Cette
situation justifierait des modes de recrutement coordonnés et des modalités
de gestion des carrières permettant de construire des parcours jalonnés de
périodes de recherche et de périodes d’enseignement, comme c’est
largement le cas à l’étranger, même lorsque différents statuts existent. Pour
les enseignants-chercheurs, la loi du 10 août 2007 précitée a d’ailleurs
prévu la possibilité que leur service d’enseignement soit modulé par le
président de l’université pour tenir compte de leur activité de recherche.
Le fait que les évolutions constatées en matière de gestion des
ressources humaines soient timides tient sans doute à la sensibilité de ces
sujets pour les personnels concernés mais aussi à une organisation
qui ne
favorise pas suffisamment les adaptations globales. Au sein du CNRS, si
une direction des ressources humaines a été créée, le rôle et la composition
du comité national sont demeurés identiques. Dès lors, il n’est pas
surprenant que les évolutions de la gestion des personnels continuent à
s’opérer au coup par coup. La politique des ressources humaines ne repose
pas encore sur un type d’organisation qui permettrait de faire émerger des
projets d’évolution sous une forme susceptible de susciter l’adhésion des
personnels et de leurs représentants.
Sur ces sujets, il revient également au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche de procéder à une réflexion associant
l’ensemble des partenaires afin de construire les conditions d’une
harmonisation et d’un rapprochement des carrières des chercheurs et
enseignants chercheurs.
136
COUR DES COMPTES
D - La gestion des unités de recherche
a)
Des charges administratives croissantes
Les
laboratoires
de
recherche
supportent
des
charges
administratives croissantes. La recherche est en effet une activité de plus
en plus technique et internationalisée, générant ainsi des achats plus
complexes et des missions plus diverses. Au sein du CNRS, en outre, le
développement de la mixité dans les unités de recherche a pour effet que
les laboratoires se trouvent en situation d’utiliser des procédures et des
systèmes d’information différents au quotidien. Enfin, et de façon plus
récente, le développement des financements sur projets et les impératifs
de gestion qu’ils génèrent impliquent une activité administrative
supplémentaire. Ces évolutions compliquent la gestion au sein des
laboratoires et conduisent à mobiliser de plus en plus directement les
directeurs d’unité et les chercheurs sur ces questions. Il en ressort un
entrelacs de responsabilités administratives propre à chaque laboratoire,
sans qu’un schéma cible ait été défini.
Ce diagnostic est encore corroboré par le fait que le siège du
CNRS ne dispose pas d’une connaissance précise de l’encadrement
administratif dont bénéficient ses laboratoires, connaissance qui est
pourtant un préalable à la définition d’une stratégie en la matière. Les
données
agrégées
montrent
qu’il
existe
en
moyenne
un
poste
d’administratif pour dix chercheurs, ingénieurs et techniciens. Le taux
d’encadrement par champ disciplinaire fait apparaître de fortes disparités,
allant d‘un poste d’administratif pour deux chercheurs à l’institut de
physique nucléaire et de physique des particules à des taux trois fois plus
faibles pour la chimie ou les sciences du vivant. Il est plus difficile
d’obtenir des données sur les personnels administratifs présents en
fonction de la taille des unités de recherche. Les éléments disponibles
montrent qu’il n’existe qu’un demi-poste administratif dans près de la
moitié des laboratoires du CNRS. Seules les unités les plus dotées
regroupent ainsi des pôles administratifs d’une taille suffisante pour
assurer une permanence de gestion et se spécialiser sur certaines
fonctions. En tout état de cause, l’absence de données consolidées au sein
des unités mixtes permettant de faire apparaître l’ensemble des personnels
limite la pertinence de ces chiffres, pourtant déjà difficiles à recueillir.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
137
b)
Une gestion à simplifier radicalement
La gestion des unités mixtes de recherche qui constituent
désormais l’essentiel des unités du CNRS apparaît ainsi à la fois
excessivement complexe et insuffisamment transparente : chacun des
partenaires gère ses apports en moyens humains et financiers selon ses
propres règles sans qu’il existe de système d’information permettant de
mettre ces données à la disposition de tous les partenaires de l’unité. Ce
système mérite d’être radicalement simplifié. En l’état actuel des
structures de recherche marquées par la prépondérance des unités mixtes,
cette simplification pourrait passer par la mise en place d’un système
d’opérateur unique dans lequel un des partenaires impliqués dans l’unité
serait responsable de l’ensemble de sa gestion. Cette solution avait déjà
été recommandée par la Cour en 2002 et n’a été mise en oeuvre que de
façon marginale, dans le cadre d’une expérience conduite par la
délégation Côte d’azur du CNRS, le centre considérant que de
nombreuses difficultés en compliquaient la mise en oeuvre.
Cette expérience montre toutefois la faisabilité d’une telle
approche, les précautions techniques qui doivent l’entourer et l’effort
d’accompagnement qui doit être entrepris auprès des personnels
concernés. Si les leçons de cette expérience sont tirées, il existera une
assise pour généraliser le recours à un opérateur unique de gestion sur la
base d’une convention-type qui mériterait de faire partie du menu des
négociations des contrats quadriennaux. Pour les unités dont la gestion
serait confiée aux établissements universitaires, cette formule suppose
néanmoins
que
ceux-ci
améliorent
leurs
propres
modes
de
fonctionnement dont les faiblesses ont été présentées dans le rapport
public thématique que la Cour a consacré en 2005 à la gestion de la
recherche universitaire.
A lui seul toutefois, l’opérateur unique de gestion ne règlera pas
tous les problèmes posés par la gestion au niveau des laboratoires. Il
pourrait d’ailleurs se révéler préjudiciable à la visibilité du système si sa
mise en place ne s’accompagnait pas d’une réflexion d’ensemble, portant
notamment sur un rapprochement des règles de gestion des universités et
du CNRS et sur la mise en place rapide d’un système d’information
partagé. Cette réflexion devrait viser trois objectifs en matière de gestion :
la simplification, la globalisation et la sécurité. Il pourrait en particulier
s’agir de mettre effectivement en place le contrat de laboratoire déjà
prévu par le contrat d’action pluriannuel signé en 2002 avec l’Etat. Ce
contrat aurait vocation à retranscrire les engagements en moyens
financiers et humains pris par les établissements en faveur d’un
laboratoire. Il pourrait être l’occasion de donner aux unités de recherche
138
COUR DES COMPTES
une plus large autonomie de gestion sur leurs crédits récurrents en
contrepartie d’engagements en matière d’objectifs et de moyens fixés sur
le rythme quadriennal de leur évaluation.
Une telle autonomie suppose que les laboratoires disposent d’un
environnement administratif à même d’assurer leur sécurité juridique et
financière et pourrait donc donner lieu à des modalités de mise en oeuvre
différenciées selon leur taille. En effet, doter les plus grosses unités d’une
large autonomie de gestion ne devrait pas susciter de difficultés
insurmontables ; en revanche, pour les plus petits laboratoires qui sont de
loin les plus nombreux, des formes de mutualisation des moyens
administratifs pourraient être expérimentées de sorte à garantir à ces
laboratoires un environnement administratif suffisamment étoffé pour
qu’ils puissent également prétendre à une plus large autonomie de
gestion. Quels que soient les modes de partenariats retenus entre le CNRS
et les universités, la simplification des formes de gestion pourrait ainsi
aller de pair avec une plus large autonomie des unités de recherche.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Face à l’évolution du paysage de la recherche sur le plan
international, national et régional, le CNRS n’est pas parvenu dans les
dernières années à inscrire une stratégie dans la durée, du fait
notamment de l’instabilité de ses dirigeants. La période qui s’ouvre doit
conduire le Centre à arrêter le repositionnement stratégique que
nécessite la mutation de son environnement. A ce titre, trois conclusions
et recommandations principales se dégagent.
En premier lieu, le devenir du CNRS dans le nouveau paysage de
la recherche doit être clarifié. Cette clarification doit porter en priorité
sur les missions respectives du CNRS et des universités. Pour ce qui est
du CNRS, l’enjeu est de définir le rôle qui doit lui revenir à l’avenir, que
ce soit en tant que fédérateur de compétences, en tant qu’opérateur direct
de recherche ou encore en tant qu’agence de moyens au bénéfice d’une
recherche
conduite
par les
universités.
Ces choix
sont de
la
responsabilité du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche après concertation avec l’ensemble des partenaires concernés.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
139
En deuxième lieu, la modernisation engagée sur le plan comptable
et budgétaire doit être poursuivie. Elle fournira à l’établissement une
assise pour accompagner sa stratégie scientifique, ce qui n’était pas le
cas auparavant. La poursuite de l’effort entrepris
passe par la traduction
de la réforme comptable dans des procédures sécurisées, la lisibilité de la
politique d’investissement, une gestion plus rigoureuse des reports et une
résorption rapide de l’écart existant entre les dotations allouées aux
laboratoires sous forme d’autorisations de programmes et de crédits de
paiements. C’est sur ces bases que le CNRS pourra conclure un contrat
d’objectifs avec l’Etat assorti de moyens financiers selon des modalités
novatrices.
En troisième lieu, les modes de fonctionnement de l’établissement
sont appelés à évoluer pour se mettre en cohérence avec son
environnement. Il s’agit de doter le CNRS d’une organisation plus lisible,
visible et efficace. Cette organisation doit pouvoir reposer sur des
instruments de pilotage robustes et partagés, en matière de systèmes
d’information, de politique partenariale ou encore d’évaluation des
chercheurs et des équipes de recherche. Concernant les ressources
humaines, les passerelles entre l’emploi de chercheur et l’emploi
d’enseignant-chercheur et plus généralement toute autre forme d’activité
méritent d’être facilitées afin que puissent se construire des parcours tout
au long d’une carrière mais aussi que soit garantie l’attractivité de la
recherche publique française. Il convient enfin de simplifier radicalement
la gestion des unités de recherche, ce qui suppose qu’elle soit assurée par
l’un ou l’autre des partenaires engagés dans une unité en lieu et place de
la multiplicité des circuits administratifs existant actuellement.
Les évolutions récentes du paysage de la recherche appellent
désormais une réponse urgente à ces questions et en particulier à celle
portant sur les missions du CNRS. Il en va en effet de la cohérence
d’ensemble de la politique publique de la recherche.
140
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Mon département ministériel prend acte des analyses et constatations
de la Cour à partir des observations faites sur les comptes et la gestion de
l’organisme de 1999 à 2006. La réponse s’attachera à donner sur les
différents points soulevés par la Cour, une synthèse des positions du
ministère prenant en compte les actions menées en 2007 et notamment le vote
de la loi relative aux responsabilités et libertés des universités du 10 août
2007, qui n’est pas sans conséquences sur le positionnement de l’organisme
I - Des missions à clarifier
Le ministère partage totalement l’analyse de la Cour sur les
évolutions du paysage de la recherche qui peuvent influer sur la stratégie du
CNRS : développement de la part des financements sur projets à travers la
création de l’Agence nationale de la recherche mais aussi des programmes
cadre européens, création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur, autonomie accrue des universités dans leur
politique de recherche. Ces évolutions du paysage de l’enseignement
supérieur et de la recherche résultent par ailleurs pour l’essentiel de
l’impulsion des pouvoirs publics à travers la loi de programme pour la
recherche du 18 avril 2006, et la loi relative aux libertés et responsabilités
des universités. Ces évolutions, pour importantes qu’elles soient, ne
remettent pas en cause la nécessité d’un CNRS, opérateur global
pluridisciplinaire et national de la recherche. Elles commencent déjà, pour
certaines d’entre elles, à se traduire dans l’action de l’organisme, même si,
de manière générale, leur impact ne peut être que progressif et dans
l’ensemble à moyen terme.
1) Le financement sur projets
S’agissant du financement sur projets, la Cour note à juste titre que le
CNRS était, en 2005, le premier organisme européen bénéficiaire des aides
de la Commission européenne. On retrouve les mêmes résultats dans le cadre
des financements sur projets de l’ANR, dont le CNRS est, là aussi et de loin,
le premier bénéficiaire français. Ces constatations expliquent largement la
dynamique des ressources propres au CNRS et la progression sensible de ces
recettes à travers les budgets 2006, 2007 et le budget prévisionnel 2008, dans
un contexte de stabilisation de la subvention pour charges de service public,
conforme par ailleurs aux hypothèses de programmation figurant en annexe
de la loi de programme pour la recherche. Cette modification dans
l’équilibre des financements est bien prise en compte dans la politique
budgétaire du CNRS. Ainsi la note de présentation du BP 2008 de
l’organisme indique que « dans le nouveau contexte de l’organisation de la
recherche en France, l’ANR et les autres agences de financement sur projet
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
141
sont devenues les principaux financeurs des projets scientifiques de court et
moyen terme des laboratoires. Il appartient au CNRS d’en tirer les
conséquences sur ses propres interventions financières ». La part des
financements sur projets dans les ressources des principaux organismes de
recherche est en outre un des indicateurs retenus de performance du
programme 172 de la LOLF.
Inversement la programmation de l’ANR repose sur des consultations
et des travaux d’analyse sectoriels, qui associent les grands organismes de
recherche et notamment le CNRS. L’articulation existe bien entre l’Agence
de financements de projets qu’est l’ANR et des organismes de recherche
comme le CNRS consultés sur sa programmation et s’organisant pour que
leurs unités soient bénéficiaires des appels d’offres. La création de l’ANR
enfin laisse une large place au CNRS pour anticiper l’avenir et développer la
recherche « à risque », relever les défis à long terme et fédérer les
compétences nécessaires aux projets fortement pluridisciplinaires. Le Centre
pourra le faire en tant qu’opérateur dans ses unités propres de recherche ou
dans ses UMR (en responsabilité partagée), ou en tant que financeur, par
appels d’offres, dans le cadre de grands programmes interdisciplinaires. On
notera que les missions du CNRS, telles que définies dans son décret
statutaire, permettent ces inflexions puisqu’ il peut « effectuer ou faire
effectuer des recherches ».
2) La création de l’AERES
La création de l’AERES, comme le souligne la Cour à juste titre, doit
conduire le CNRS à repenser les missions de ses instances d’évaluation pour
éviter les redondances. De fait, l’articulation entre la nouvelle Agence et les
instances d’évaluation du CNRS ont bien été prévues dans le décret
constitutif de l’AERES. Ainsi, le Comité national de la recherche scientifique
contribuera à l’évaluation des unités de recherche par sa participation aux
comités de visite organisés par l’AERES. Il pourra donc recentrer son action
propre sur l’évaluation des personnels ainsi que sur la conjoncture et la
prospective de la recherche. Une contribution dans ce domaine sera très
précieuse pour la définition de la stratégie nationale de la recherche. Les
modes de travail mis en place entre l’AERES et les organismes de recherche,
dans le cadre de l’évaluation des unités de recherche des vagues
contractuelles B et C des universités, montrent qu’une bonne cohérence
pourra être atteinte sans trop de difficultés. On notera ainsi que seront
évaluées par l’AERES non seulement les unités mixtes et les unités propres
des universités, mais aussi les unités propres du CNRS et des autres
organismes les plus associés aux universités.
142
COUR DES COMPTES
3) La montée en puissance des universités
Même si le système des UMR comporte des lourdeurs de gestion et
contribue à un manque de lisibilité de la recherche, il ne faut pas oublier
que, sous forme d’unités associés puis d’unités mixtes, il a fortement
contribué au développement et à la structuration de la recherche dans
l’Université, à tel point que les enseignants-chercheurs sont maintenant plus
nombreux que les chercheurs dans les unités mixtes de recherche avec le
CNRS. La constitution des PRES, à travers la loi de programme pour la
recherche, permet de coordonner sur un site les actions de formation et de
recherche des établissements d’enseignement supérieur membres, notamment
en matière de formation doctorale et de valorisation de la recherche. Les
PRES
constitués sous forme d’EPCS
ont ainsi vocation à être, au niveau
d’un même site, les interlocuteurs principaux, voire uniques des organismes
de recherche. L‘expérience de Nancy mérite d’être signalée et encouragée,
un seul contrat pour le volet recherche ayant été signé entre le CNRS et les
trois universités de Nancy pour la période 2005-2009. Les dispositions de la
loi du 10 août 2007, par une gouvernance resserrée, par les compétences
nouvelles, en matière de patrimoine immobilier mais surtout en matière
budgétaire et en matière de gestion de ressources humaines, donnent des
leviers nouveaux aux universités pour définir et mettre en oeuvre une
politique scientifique. Des mesures comme la possibilité de modulation des
services au bénéfice des jeunes enseignants-chercheurs les plus productifs en
recherche, le recrutement de contractuels ou les nouvelles procédures de
recrutement plus rapides et ouvertes peuvent être sur ce point décisives. Les
organismes de recherche ne peuvent que se féliciter d’avoir des partenaires
universitaires coordonnées sur un site et renforcés dans leur capacité
d’élaboration de politique scientifique, même si leur politique partenariale
doit évoluer compte tenu de ce renforcement. Il s’agit là d’un objectif
prioritaire qui doit être clairement lisible dans le prochain plan stratégique
du CNRS.
La coopération doit se faire sur la base d’une responsabilité partagée
des UMR,
dans le cadre du contrat quadriennal unique des universités,
élaboré sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche (MESR). Cela suppose l’existence d’un dossier unique accepté par
tous comme une référence, une évaluation par l’AERES sous sa
responsabilité, la saisie de cette évaluation par les partenaires du contrat
(MESR, CNRS et établissement d’enseignement supérieur) pour affiner la
politique scientifique et une négociation entre tous les partenaires avant
signature du contrat. Dans ce cadre le CNRS participe, aux côtés de la
DGES et de la DGRI, aux réunions dites de caractérisation des
établissements et est consulté sur le texte de stratégie scientifique présenté
par l’université.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
143
Il est vraisemblable que le positionnement du CNRS sera variable
selon le champ disciplinaire et selon les universités concernées. Ainsi que le
suggère la Cour, le CNRS aurait toute sa place dans des secteurs nécessitant
une importante concentration de moyens (physique nucléaire, certains
domaines des sciences de l’univers, des sciences de la vie et des STIC). Dans
d’autres disciplines (sciences humaines et sociales par exemple), le rôle de
l’université serait renforcé, le CNRS accompagnant le dispositif davantage
dans une logique d’agence de moyens.
Les deux directions générales DGRI et DGES ont sur l’évolution des
rapports entre le CNRS et les universités une position commune et
harmonisée.
4) La préparation du plan stratégique et du contrat
Comme cela a été indiqué précédemment, le CNRS a déjà
partiellement pris en compte certaines des évolutions déjà signalées, mais la
mise au point du plan stratégique de l’organisme et la négociation du contrat
avec l’Etat doivent permettre au CNRS de prendre en compte les évolutions
progressives induites par les changements du paysage de la recherche. Il est
évident, par exemple, que toutes les universités ne progresseront pas au
même rythme dans leur capacité à définir une politique de recherche et
qu’une institution comme l’AERES n’a pas encore atteint « son rythme de
croisière ».
Le ministère partage les appréciations de la Cour sur le caractère
imparfait et inachevé du contrat d’objectifs de 2002 et de son exécution,
comme sur les inconvénients de l’instabilité de la gouvernance de
l’organisme. Il note cependant que la modification opérée lors de la refonte
des statuts du 12 février 2007 devrait donner une stabilité à la gouvernance
de l’organisme.
La version du plan stratégique préparée par le CNRS et disponible
début septembre avait déjà intégré bon nombre des évolutions du paysage de
la recherche. Cependant, comme le souligne la Cour des Comptes, ce
document stratégique n’a pas fait l’objet de concertations suffisantes. Même
si la préparation d’un plan stratégique relève avant tout d’un processus
d’élaboration interne à l’établissement, elle doit aussi reposer sur un
dialogue avec la tutelle ministérielle et avec les principaux partenaires de
l’organisme et notamment la sphère universitaire. Telles sont en tout cas les
recommandations que fait la direction générale de la recherche et de
l’innovation,
dans
le
« document
de
doctrine »
élaboré
sur
la
contractualisation des établissements de recherche. Par ailleurs, le plan
stratégique du CNRS a été élaboré pour l’essentiel avant l’élément nouveau
que représentent l’adoption de la loi du 10 août 2007 et les nouvelles
compétences des universités. Ces différents facteurs expliquent la demande
qui a été faite à l’organisme de reporter de quelques mois l’adoption de son
plan stratégique. Ce plan stratégique devra également intégrer les
144
COUR DES COMPTES
recommandations du groupe de travail sur le partenariat universités–
organismes de recherche dont l’animation a été confiée à l’ancien ministre
François d’Aubert. En tout état de cause le plan stratégique puis le contrat
d’établissement devront être conclus d’ici la fin 2008.
II - Une modernisation comptable et budgétaire à poursuivre
S’agissant de la modernisation budgétaire et comptable en cours au
CNRS, dont la Cour des Comptes note qu’elle va globalement dans le bon
sens, il convient de souligner qu’elle s’inscrit nécessairement, par son
ampleur et la diversité de ses modalités de mise en oeuvre, dans une
démarche pluriannuelle : l’année 2007 constitue ainsi la première année de
mise en oeuvre effective du nouveau cadre budgétaire défini en dernier lieu
par le décret n° 2005-1578 du 16 décembre 2005 et, concomitamment, la
première année de mise en service du nouveau système d’information
financier de l’établissement. C’est notamment sur la base d’un bilan détaillé
de la mise en oeuvre de ce nouveau cadre que le ministère souhaite conduire
avec l’établissement en 2008, et qui devra être étendu à l’ensemble des EPST
auquel le nouveau régime s’applique, que les modalités de traitement des
faiblesses identifiées par la Cour pourront être précisément définies. Elles
appellent cependant d’ores et déjà les observations suivantes.
1) L’amélioration de la lisibilité de la politique d’investissements de
l’organisme
A l’occasion de la mise en oeuvre de la LOLF, le choix a été fait de
verser à l’ensemble des organismes de recherche une subvention pour
charges de service public indifférenciée, couvrant l’intégralité des charges
de fonctionnement comme d’investissement de chaque établissement (étant
noté que s’agissant du CNRS ces charges correspondent à un nombre très
important d’opérations mais à une part très minoritaire du budget). Dans un
souci
de
globalisation
du
financement
des
établissements
et
de
responsabilisation de leurs dirigeants, le choix a été fait de confier à leur
conseil d’administration le soin de définir la ventilation de cette subvention
globale entre la part couvrant des charges de fonctionnement et la part
couvrant des charges d’investissement. Si le ministère ne souhaite pas
remettre en cause cette orientation de fond qui lui paraît garder sa
pertinence dans le cadre de la déclinaison au niveau des opérateurs de l’Etat
des principes de la LOLF, il partage avec la Cour des comptes le souci de
pouvoir disposer à travers la présentation du budget d’une lecture plus aisée
de la politique d’investissement des EPST et en particulier du CNRS et des
modalités de financement de celle-ci. Il n’est donc pas hostile à une
amélioration sur ce point du cadre défini par le décret n° 2002-252 du
22 février 2002, passant par exemple par la présentation, en annexe au
budget de dépenses de l’établissement, d’un compte de résultat prévisionnel,
d’un tableau de financement abrégé et d’un tableau de passage du résultat à
la capacité d’autofinancement.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
145
2)
La réduction du niveau des reports
Le ministère partage les observations et demandes de la Cour tendant
à mieux identifier les différentes causes de report de crédit et à fiabiliser les
montants correspondants. Il est à souligner que le CNRS a modifié en 2007
les modalités de comptabilisation des financements que perçoivent les
laboratoires au titre des projets auxquels ils répondent. La prise en compte
de ces financements « à l’avancement » devrait être de nature à elle seule à
faire diminuer le montant des reports constatés d’un exercice sur l’autre.
3) l’affectation des crédits aux unités de recherche
Le ministère partage au plan technique le diagnostic de la Cour sur le
caractère imparfait de la solution qui a été retenue pour traiter le défaut de
couverture en crédits de paiement, évalué en 2006 à 240 M€, d’autorisations
d’engagement ouvertes au budget du CNRS et mises à disposition des
laboratoires au titre de leur fonctionnement, à l’occasion de la mise en
oeuvre du nouveau cadre budgétaire et comptable à compter du 1
er
janvier
2007. La résorption brutale de cet écart, qui résultait de très sévères
« abattements reports » décidés en 2002 et 2003, par annulation des AE non
couvertes au 1
er
janvier 2007 ce serait toutefois traduite par l’affichage
d’une importante réduction des moyens récurrents délégués aux laboratoires,
alors même que commençaient à être mis en oeuvre les engagements
budgétaires de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 et
que montaient en charge les financements de l’Agence nationale pour la
recherche. Le choix a donc été fait d’un étalement dans le temps du
règlement de cette difficulté. Il convient de noter à ce sujet que le mécanisme
défini en 2006 a été effectivement mis en oeuvre en 2007, par la fixation d’un
plafond d’engagement compatible avec les capacités de paiements de
l’établissement, et qu’il continuera à l’être en 2008 par la fixation d’un
nouveau plafond d’engagement incluant un objectif de réduction de l’écart
entre AE et CP ; le niveau de cet objectif sera fixé notamment en fonction du
niveau des moyens d’engagements disponibles de l’établissement en 2008,
tous types de recettes confondus et compte tenu des crédits à reporter de
2007.
4) l’inscription des moyens dans une perspective pluriannuelle
Le contrat qui sera conclu avec l’établissement en 2008 s’inscrira
dans le cadre pluriannuel défini par la loi de programme pour la recherche,
qui avait par elle-même pour objet de donner aux établissements de
recherche une visibilité pluriannuelle d’ensemble sur l’évolution de leurs
moyens, qu’ils proviennent du budget général ou des agences de
financement. Il convient de souligner qu’en parallèle le ministère de la
recherche s’est attaché à garantir aux établissements, et particulièrement au
CNRS, la meilleure visibilité possible sur les moyens mis annuellement à leur
disposition, qui contribue à garantir la conduite dans des conditions
normales de travaux de recherche qui se déroulement par nature dans un
146
COUR DES COMPTES
cadre pluriannuel. C’est ainsi que le budget du CNRS a été exonéré de toute
régulation en 2004 et 2005, qu’il a connu un niveau d’annulation très limité
en 2006, n’affectant que des crédits de rémunération disponibles en fin de
gestion, et qu’il a pu bénéficier, comme les autres EPST, de modalités de
mise en oeuvre adaptées des mises en réserve de crédits décidées en
application de l’article 51 de la LOLF en 2007 et 2008 (réduction des
niveaux de mise en réserve par rapport aux normes définies transversalement
pour les opérateurs de l’Etat, libération d’une partie des crédits gelés en
2007).
III – Des modes de fonctionnement à adapter
1) La gestion et le pilotage des unités mixtes de recherche
Le ministère partage les constats de la Cour sur l’insuffisance des
systèmes d’information à différents niveaux : absence de cohérence entre les
systèmes d’informations du CNRS à l’échelon central et ceux existant au
niveau du laboratoire, systèmes d’informations différents entre les tutelles
d’une unité mixte de recherche, diversités de solutions entre les organismes
de recherche. Tout ceci explique, malgré des progrès réels, la relative
faiblesse des systèmes d’information en matière de recherche, avec les
inconvénients qui en résultent pour le pilotage. Cette amélioration des
systèmes d’information est un des chantiers importants que la DGRI a
entrepris. Les réflexions en cours sur la refonte du décret financier des
universités et des systèmes d’information financières et comptables intègrent
cette nécessité de connaissance des ressources consolidées des laboratoires
(rapport en cours d’élaboration de l’IGF et l’IGAENR de processus, dans
leur mission d’accompagnement de la mise en place de la loi du 10 août
2007).
Au-delà
de
la
question
des
systèmes
d’informations,
c’est
effectivement toutes les modalités de gestion des unités mixtes de recherche
qui doivent être réexaminées. Comme indiqué précédemment, ce système, qui
a été très bénéfique pour la recherche à l’université, est aussi source de
complexités de gestion et d’un trop grand émiettement des unités. D’où la
nécessité de revoir complètement le fonctionnement de ce système pour en
améliorer l’efficacité et favoriser l’action des directeurs de laboratoires.
C’est pourquoi il a été décidé de créer un groupe de travail associant, au
côté des directions du ministère, dirigeants des organismes de recherche et
présidents et secrétaires généraux d’université, groupe dont la présidence a
été confiée à l’ancien ministre délégué à la recherche François d’Aubert. Ce
groupe aura à aborder les sujets techniques identifiés par la Cour : système
d’information, harmonisation des régimes fiscaux des universités et des
organismes, place des directeurs de laboratoire dans la chaîne de
responsabilité des universités, rapprochement des règles de gestion des
personnels. Il devra étudier les conditions de réussite de procédures de
recours à l’opérateur de gestion ou à un système de caisse unique. Mais il
devra également aborder des questions plus stratégiques comme la
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
147
responsabilité de la politique de valorisation de la recherche, les
responsabilités en matière de pilotage scientifique de l’unité et d’une
manière plus générale les conditions d’un partenariat rénové entre
organismes de recherche et universités, pouvant tenir compte de la diversité
des situations. Les conclusions de ce groupe devraient être rendues pour le
premier trimestre 2008.
2) La gestion des personnels
Comme le remarque la Cour, des modifications se sont déjà produites
dans la politique de recrutement des chercheurs du CNRS. La montée en
charge de l’ANR et la mise en place par le ministère de contrats post-
doctoraux ont induit une augmentation sensible du poids des chercheurs non
titulaires dans l’organisme, lui donnant des possibilités accrues de
réorientation de son potentiel scientifique. Ces potentialités s’ajoutent à
celles qui sont exploitées, au bénéfice des STIC ou du développement
durable, dans ses campagnes annuelles de recrutement de chercheurs
titulaires.
S’agissant du rapprochement et de l’harmonisation des carrières des
chercheurs et des enseignants-chercheurs, il convient d’abord de rappeler
que même si le modèle anglo-saxon repose essentiellement sur les universités
pour mener des activités de recherche, des pays autres que la France, et non
des moindres (Allemagne et Pays-Bas notamment), connaissent également
une dualité chercheurs et enseignants-chercheurs.
L’harmonisation et le rapprochement des carrières des chercheurs et
des enseignants-chercheurs constituent toutefois un objectif du MESR. La loi
du 10 août 2007 comporte plusieurs dispositions allant dans ce sens :
possibilité
pour
les
chercheurs
d’être
élus
présidents
d’université,
participation des chercheurs et des ITA des organismes aux instances des
universités qui les hébergent, et surtout possibilité de moduler les services
des
enseignants-chercheurs.
Cette
mesure,
qui
devrait
concerner
prioritairement les jeunes enseignants-chercheurs les plus féconds en
recherche, pourrait permettre à ceux-ci de bénéficier de conditions de travail
comparables à celles dont ils bénéficieraient dans un organisme. C’est ce
rapprochement des conditions de travail et la multiplication des échanges qui
peuvent favoriser le sentiment d’appartenance à une même communauté. Le
renforcement d’universités aptes à définir une stratégie de recherche et
pouvant utiliser leurs nouvelles compétences en matière de gestion des
ressources humaines devraient logiquement aboutir à un fort volet de gestion
des ressources humaines dans ce contrat entre les établissements,
éventuellement regroupés dans un pôle de recherche et d’enseignement
supérieur
,
et les organismes de recherche. L’accueil d’enseignants-
chercheurs en délégation, le recrutement de chercheurs dans les universités
et la participation des chercheurs à l’enseignement, pourraient être traités
dans ce cadre contractuel.
148
COUR DES COMPTES
Il conviendrait par ailleurs de renforcer les incitations à la mobilité et
de mieux organiser les passerelles, afin que les chargés de recherche
puissent aussi bien évoluer en directeurs de recherche qu’en professeurs des
universités. Plus généralement, il serait souhaitable que le recrutement des
directeurs de recherche et des professeurs d’université devienne un vrai
concours externe ouvert aux chargés de recherche et aux maîtres de
conférences.
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Je tiens à saluer la qualité de ce rapport, dont je partage largement
les constats et les recommandations. Je relèverai pour ma part quatre points
particuliers.
D’abord, sur la nécessaire évolution des missions de l’établissement,
je rejoins pleinement les préoccupations de la Cour. A ce titre, les
conclusions de la mission d’audit chargée de la revue générale des politiques
publiques en matière de recherche et d’enseignement supérieur mais aussi
les résultats de missions plus ponctuelles comme celle de M. François
d’Aubert sur les partenariats entre universités et organismes de recherche
nous apporteront des éléments stratégiques et opérationnels essentiels pour
clarifier le devenir du CNRS dans le nouveau paysage de la recherche. En
tout état de cause, et comme l’indique la Cour, toute évolution du CNRS
devra viser à limiter les redondances entre structures et à dégager des
synergies. A titre d’illustration, la création de l’Agence de l’Evaluation de la
Recherche et de l’Enseignement Supérieur devrait conduire à revoir en
profondeur le rôle du comité national de la recherche scientifique, organisme
placé auprès du CNRS et chargé de l’évaluation des chercheurs et des
équipes de recherche.
Enfin, mes services veilleront à encourager l’établissement à
poursuivre la modernisation qu’il a engagée sur les plans budgétaire et
comptable. Déjà, concernant le cas particulier de l’investissement, la
circulaire de la direction du Budget relative à la préparation des budgets
2008 des opérateurs de l’Etat prévoit expressément la présentation d’un
tableau de financement comme le recommande la Cour. S’agissant des
reports, l’établissement s’est engagé à déléguer plus rapidement ses crédits
aux unités de recherche afin que les dépenses puissent être exécutées plus
rapidement dans l’année. Sur le rythme d’apurement de l’écart entre les
autorisations de programme (AP) et les crédits de paiements (CP), la
direction du Budget a soutenu les propositions suggérées par la Cour. Ainsi,
les reports de crédits de l’exercice 2006 sur l’exercice 2007 ont été soumis à
conditions : annulation en fin d’année de 25 M€ d’AP non utilisées et
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
149
présentation d’un plan pluriannuel d’apurement du décalage entre les AP et
les CP, notamment.
En revanche, l’analyse de la Cour sur l’évolution de la subvention
allouée à l’établissement, qui aurait connu des « à coups très sensibles » doit
être nuancée. Il convient de souligner que l’examen des comptes de résultat
du CNRS démontre une croissance continue de ses dépenses, ce qui implique
que les variations de la subvention n’ont pas pesé sur l’activité de
l’établissement. En outre, les nouvelles règles issues de la LOLF encadrent
désormais les mécanismes de mise en réserve de crédits et donnent ainsi
davantage de visibilité aux établissements sur les moyens dont ils disposent.
Concernant l’élaboration d’un contrat d’objectifs avec l’Etat, l’intérêt
d’un tel dispositif dans le cadre de la recherche n’est pas contestable.
Cependant, un contrat d’objectifs et de moyens ne saurait être efficace
qu’assorti d’objectifs stratégiques clairs et stables dans le temps. Une
réforme des structures de l’établissement apparaît ainsi comme un préalable
à une contractualisation portant sur tout ou partie des moyens. La Cour a
démontré que ces conditions ne sont pas encore réunies aujourd’hui.
L’absence de contrat pluriannuel de moyens ne constitue pas un préalable à
cet égard.
Enfin, la mise en oeuvre des recommandations de la Cour sur la
définition plus claire des responsabilités au sein de l’établissement et le
développement d’outils de pilotage plus fiables sont à encourager. Mes
services sont naturellement disposés à apporter leur concours à ce travail.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE NATIONAL
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
La Cour met en évidence trois majeurs que l’on retrouve, dans un
ordre différent, dans les conclusions et recommandations de son rapport :
1)
la clarification nécessaire du rôle du CNRS dans le nouveau
paysage, en particulier des universités,
2)
les modes de fonctionnement de l’établissement qui sont appelés à
évoluer pour se mettre en cohérence avec son environnement,
3)
la modernisation engagée sur le plan comptable et budgétaire.
150
COUR DES COMPTES
Rôle du CNRS et nouveaux modes de fonctionnement
Il n’appartient pas à l’établissement de commenter les observations
de la Cour sur l’instabilité de sa gouvernance ; mais il revient à
l’établissement d’observer que son efficience, telle qu’elle peut être mesurée
par la qualité de ses travaux de recherche et par leur valorisation, a pu être
néanmoins maintenue et même renforcée. Ainsi, dans la période sous revue :
-
la part des publications des laboratoires du CNRS est passée de
10,5 % en 2003 à 12,2 % du total des publications scientifiques de
l’espace européen de la recherche en 2006,
-
le CNRS est le 1
er
organisme européen bénéficiaire des aides du
6
ème
PCRD,
-
le CNRS a été systématiquement dans les 10 premiers déposants
de brevets français,
-
- en moyenne, 30 start-up ont été créées par an issues de ses
laboratoires,
-
l’internationalisation de ses activités s’est accrue avec un quart
des chercheurs désormais recrutés à l’étranger et plus de la
moitié des publications scientifiques qui sont désormais co-
signées avec des laboratoires étrangers.
De même, la priorité décidée il y a bientôt sept ans sur les sciences et
technologies de l’information et de la communication (STIC), ainsi que sur
les sciences du vivant (SDV), ont été maintenues depuis cette date. Elle se
traduit par un niveau de recrutement élevé de chercheurs pour les STIC et,
pour SDV, par un niveau toujours élevé de dotation annuelle par chercheur
et un niveau élevé de recrutements d’ingénieurs et techniciens.
La question de l’articulation de l’action du CNRS avec celle des
universités est bien, aujourd’hui, un aspect essentiel de la stratégie du centre.
A cet égard, son rôle, son rôle, tel qu’il est défini dans son projet de plan
stratégique « horizon 2020 », a fait l’objet de débats au sein de son conseil
d’administration, dans lequel la conférence des présidents d’universités est
représentée, et du groupe de travail sur le plan stratégique qui en émane.
Selon ce projet, le CNRS considère qu’à l’instar des principaux acteurs de la
recherche dans le monde, il doit exercer à la fois une fonction d’opérateur de
recherche, travaillant en interaction permanente avec les universités, et celle
d’agence de moyens, favorisant la mise en cohérence du système national de
recherche.
Cette mission ne saurait toutefois se limiter, comme le suggère la
Cour, à certains secteurs des « sciences dures », pas plus qu’elle ne saurait
se limiter à une allocation de dotation globale aux universités qui ne soit pas
fléchée vers les projets, les équipes, les laboratoires et les plateformes
mutualisées.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
151
L’étude de nouvelles modalités du partenariat entre les universités et
les EPST (gestion des unités mixtes, affectation de moyens, articulation des
modes de recrutement au sein des unités mixtes, etc.) a été confiée par le
gouvernement à un comité placé sous la présidence de M. d’Aubert, auquel le
CNRS apportera toute sa contribution.
A terme, certains nouveaux modes de fonctionnement pourraient
induire une évolution de l’organisation du CNRS, en particulier son
articulation entre le pilotage scientifique national et la gestion de proximité.
La modernisation comptable et budgétaire
La Cour note que le CNRS s’est engagé « dans un important chantier
de modernisation » de ses outils comptables et budgétaires, tout en
soulignant le chemin qui reste à parcourir en matière d’inventaire du
patrimoine, de recensement des risques et de rattachement des charges et
produits à l’exercice pertinent. L’établissement est conscient de ces
insuffisances, et il y remédie. Un travail d’assainissement de la base
comptable de gestion des immobilisations incorporelles a été conduit, et les
dépenses correspondantes sont désormais intégrées à l’actif du bilan.
Parallèlement, une mise à jour des immobilisations corporelles inventoriées
a été effectuée, ainsi qu’une mise à jour des immobilisations corporelles
inventoriées a été effectuée, ainsi qu’une modification des méthodes de
comptabilisation
permettant
une
appréciation
plus
fine
des
durées
d’immobilisation et la mise en oeuvre du critère de contrôle des biens.
Un
recensement
des
risques
(juridiques,
industriels
et
environnementaux, créances irrécouvrables) a été effectué et s’est traduit par
une dotation aux provisions au bilan 2007 et au projet de budget primitif
2008. Enfin, un meilleur rattachement des charges et produits à l’exercice
pertinent est assuré d’une part par une comptabilisation exhaustive des
charges dès le constat du service fait dans le système d’information, d’autre
part par une inscription systématique de produits à recevoir ou de produits
comptabilisés d’avance en matière de recettes contractuelles depuis 2007.
Tout en considérant que l’adoption par le CNRS d’un nouveau cadre
budgétaire en 2007 remédie à l’essentiel des défauts constatés en matière de
lisibilité budgétaire, la Cour identifie trois faiblesses relatives au niveau des
reports, à la lisibilité de la politique d’investissement et à l’écart persistant
entre autorisations de programme et crédits de paiement.
Soucieux d’améliorer le taux de consommation de ses crédits,
l’établissement a pris un ensemble de mesures, différenciées en fonction de la
nature du financement. Concernant les dépenses financées par la subvention
pour charges de service public, une modification du calendrier de
notification des crédits, jointe à une annualisation stricte des moyens alloués
et à la dénotification en fin d’exercice des crédits non engagés par les
structures opérationnelles, devra conduire dès la fin de gestion 2007 à une
consommation satisfaisante des crédits ouverts ; un résultat analogue devrait
152
COUR DES COMPTES
être obtenu, de manière plus progressive, dans l’utilisation des autres
financement
(pour
l’essentiel
obtenus
sur
contrats
et
subventions
pluriannuels)
en
alignant
le
montant
des
recettes
comptabilisées
annuellement sur le niveau d’exécution de ces contrats et en systématisant,
comme il a été indiqué, les inscriptions de charges à payer et de produits
comptabilisés d’avance.
En matière d’investissement, la Cour suggère que le CNRS présente
un tableau de financement prévisionnel global lors du budget primitif. Le
CNRS présente déjà au conseil d’administration sa politique d’investissement
en détaillant dans ses documents budgétaires cinq types d’investissements :
les
investissements
immobiliers
et
informatiques,
les
très
grandes
infrastructures de recherche, les équipements nationaux (flotte de l’INSU,
etc.), les équipements mi-lourds (d’un coût supérieur à 130 000 €). La seule
information manquante est le montant des achats d’équipements réalisés par
les laboratoires dans leur dotation globale.
Prédéterminer ce montant conduirait à une rigidification de la gestion
des laboratoires contraire aux besoins de réactivité de la science. Par
ailleurs, une simple information statistique n’aurait que peu de signification
politique
s’agissant
principalement
de
petits
équipements
(seuil
d’immobilisation à 800 €).
La résorption de l’écart résiduel entre autorisations de programme et
crédits de paiement dans la comptabilité budgétaire du CNRS a fait l’objet
d’un accord entre celui-ci et ses tutelles aux termes duquel l’établissement
devra annuler chaque année 12 M€ de crédits libres d’emploi au minimum.
Cet accord, qui laisse au CNRS la totalité de la charge d’apurement, limite
très sensiblement
ses marges de redéploiement de crédits ; aussi
l’accélération à laquelle l’invite la Cour ne saurait être envisagée sans
l’octroi de moyens spécifiques.
LE CNRS partage les conclusions formulées par la Cour au terme de
ses observations sur le budget de l’établissement : la conclusion d’un contrat
d’objectifs et de moyens ne pourrait qu’améliorer la lisibilité de la stratégie
du centre et faciliter sa mise en oeuvre dans les unités de recherche, elles-
mêmes en attente d’indications sur leur perspectives financières à moyen
terme.
Analysant l’organisation du centre et les instruments de pilotage dont
il dispose, la Cour souligne la nécessité d’étendre la rénovation du système
d’information engagée en 2007 au logiciel des laboratoires, en cohérence
avec les applications de gestion utilisées par ses partenaires dans les unités
mixtes. Telle est bien l’intention du CNRS. Cependant, le travail sur l’outil
informatique doit être précédé d’un identification commune des besoins
fonctionnels des directeurs des laboratoires puis d’une convergence des
règles de gestion.
LE ROLE ET LA STRATÉGIE DU CNRS
153
Le CNRS souhaite enfin apporter une précision et un commentaire en
réponse aux observations qui lui sont faites sur la gestion de ses personnels.
S’il rejoint pleinement la Cour dans sa recommandation d’une stratégie de
moyen terme mettant en cohérence l’évolution du potentiel de recherche et
les priorités scientifiques affichées, il précise qu’une telle programmation à
horizon 2012 a d’ores et déjà été établie par l’organisme.
Evaluation et Interdisciplinarité
L’évaluation tient une place centrale au CNRS ; elle est, pour son
activité scientifique, une pratique systématique qui tend à s’étendre à
l’ensemble de son activité avec la création en 2007 d’une direction de l’audit
interne ; les observations de la Cour sur le rôle et la stratégie du CNRS
prennent toute leur place dans ce contexte.
En matière d’évaluation scientifique, le CNRS souhaite préciser que le
coût de fonctionnement du comité national recouvre, pour 70 % de son
montant, le coût des personnels affectés au secrétariat général du comité
national (1 M€) et surtout le temps passé en réunions et préparation par les
membres du comité (6,2 M€) avant tout pour assurer le recrutement des
chercheurs à travers les jurys d’admissibilité et l’évaluation périodique des
chercheurs. L’évaluation des unités de recherche relevant désormais de
l’AERES, le CNRS, en tant que client de l’Agence, sera attentif à la
conformité des évaluations de l’Agence aux standards internationaux : débat
contradictoire,
composition
internationale
des
comités
d’évaluation,
transparence des conclusions…
Le développement de l’interdisciplinarité, priorité constante du
centre, doit, selon le rapport, s’appuyer sur le recrutement de chercheurs à
profil interdisciplinaire. Le CNRS s’interroge sur l’existence de tels profils,
privilégiant pour sa part la mise en synergie de chercheurs de disciplines
différentes autour d’objets de recherche transverses.