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PREMIÈRE CHAMBRE
S 2022-1310
DEUXIÈME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
L’
ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE
(2016-2021)
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une
contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 9 juin 2022
En application de l’article L. 143
-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
2
AVANT-PROPOS
En application des dispositions des articles L. 143-1 et L. 143-0-2 du code des
juridictions financières, la Cour rend publiques ses observations et ses recommandations, au
te
rme d’une procédure contradictoire qui permet aux représentants des organismes et des
administrations contrôlées, aux autorités directement concernées, notamment si elles exercent
une tutelle, ainsi qu’aux personnes éventuellement mises en cause de faire c
onnaître leur
analyse.
À l’issue d’une phase de contradiction sur un relevé d’observations provisoires en mai
2022 avec la direction générale du Trésor, la direction du Budget, la Caisse des dépôts, la
Banque de France et, pour ce qui concerne des extraits, la fédération bancaire française, la Cour
a transmis aux autorités concernées le présent relevé d’observations définitives et l’a rendu
public.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
3
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
............................................................................................
3
SYNTHESE
....................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
............................................................................................
10
INTRODUCTION
...................................................................................................
11
1
UNE PARTICULARITE FRANÇAISE, UNE POPULARITE QUI NE SE
DEMENT PAS
.....................................................................................................
13
1.1
Les caractéristiques de l’épargne
réglementée
...............................................
13
1.1.1 Le cadre réglementaire
....................................................................................
13
-
le plan d’épargne
-logement (PEL)
.......................................................................
16
-
le livret jeune
........................................................................................................
17
-
le livret d’épargne
-entreprise (LEE)
.....................................................................
17
1.1.2
Les avantages comparés par rapport aux autres produits d’épargne bancaires
ou d’assurance vie
...........................................................................................
18
1.2
Un mode d’épargne largement utilisé
............................................................
20
1.2.1 Un outil largement diffusé : le livret A
...........................................................
21
1.2.2 Des encours en progression constante mais inégalement répartis
...................
21
1.2.3
Une place dans l’épargne des ménages importante mais à relativiser
.............
24
2
LE MODELE ECONOMIQUE
DE L’EPARGNE REGLEM
ENTEE
................
29
2.1
La part non centralisée gérée par les banques
................................................
29
2.1.1 Les parts de marché des banques
....................................................................
29
2.1.2 Une épargne participant à la transformation bancaire
.....................................
30
2.1.3
Une estimation conventionnelle de l’utilisation de l’épargne réglementée
.....
31
2.2
La part centralisée
: le fonds d’épargne
.........................................................
34
2.2.1 Un cadre de gestion contraint, une gouvernance qui présente des particularités
..................................................................................................................
35
2.2.2
Une fragilisation de la situation financière du fonds d’épargne
......................
37
2.2.2.1
Un bilan marqué par la part croissante des actifs financiers
.................................
37
2.2.2.2
Un compte de résultat reflétant une évolution structurelle de l’activité du fonds
d’épargne
..............................................................................................................
40
2.2.2.3
Une activité de crédit en ralentissement
...............................................................
44
2.2.2.4
Une gestion d’actifs en croissance mais nécessairement prudente
.......................
45
2.2.2.5
Une trésorerie en croissance sensible
...................................................................
49
2.2.2.6
Le modèle prudentiel et le contrôle des risques
...................................................
49
2.2.2.7
Le risque de liquidité et la sur-centralisation
........................................................
51
2.2.3 Un modèle économique sous contrainte
..........................................................
51
2.3
Au total, une épargne qui finance l’économie
................................................
55
3
FAIRE EVOLUER L’EPAR
GNE REGLEMENTEE ET SES USAGES
...........
59
3.1
Faire évoluer le modèle économique de l’épargne règlementée sans léser les
épargnants
.......................................................................................................
59
3.1.1
Retrouver l’esprit d’une épargne populaire
.....................................................
59
3.1.1.1
Poursuivre l’action contre la multi
-détention
.......................................................
59
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
4
3.1.1.2
Modifier les plafonds du livret A et du LDDS : une mesure complexe et aux
effets incertains
....................................................................................................
60
3.1.1.3
Écarter l’idée d’une fiscalisation des livrets
.........................................................
62
3.1.1.4
Poursuivre la relance du livret d’épargne populaire
.............................................
63
3.1.2
Redonner des marges à l’épargne réglementée
...............................................
64
3.1.2.1
Redonner un sens à l’épargne
-logement
...............................................................
66
3.2
Les conditions d’un usage de l’épargne régleme
ntée pour de nouveaux types
d’investissement
.............................................................................................
70
3.2.1 Des usages de fond à élargir suivant une doctrine claire
.................................
70
3.2.1.1
L’évolution «
au fil de l’eau
»
..............................................................................
71
3.2.1.2
La relance d’un effort massif de construction de logements et d’équipements
collectifs
...............................................................................................................
71
3.2.1.3
Les questions posées par l’élargissement des emplois du fonds d’épargne dans le
cadre du plan de relance
.......................................................................................
72
3.2.1.4
Une utilisation pour des investissements en fonds propres inopportune
..............
74
3.2.1.5
La perspective d’un élargissement durable à de nouveaux emplois dans le cadre
d’une stratégie affichée, cohérente et relativement circonscrite
...........................
75
3.2.2
La nécessaire préservation d’un modèle de gestion particulier et transparent
76
ANNEXES
....................................................................................................................
80
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
5
SYNTHESE
L’épargne réglementée occupe une place particulière dans l’épargne des ménages
français depuis le XIX
e
siècle. Avec un encours global de près de 834
Md€
1
, soit 14% de
l’épargne financière des ménages, elle constitue l’un des éléments principaux
de la stratégie
d’épargne
de la quasi-
totalité d’entre eux, notamment du fait de son rôle de précaution, et
contribue, par le processus de transformation bancaire, au financement du logement social et
d’autres
secteurs de l’économie.
Une épargne largement diffusée, une spécificité à relativiser
Du fait du rôle de l’État et de la garantie qu’il lui apporte, l’épargne réglementée apparaît
particulièrement attra
ctive et sûre en période d’incertitude, comme
ce fut le cas en 2008-2009
et en 2020-2021, conduisant à chaque fois à un afflux significatif de dépôt (+
45 Md€ pour la
seule année 2020). Les avantages de ces produits, dont le plus connu est le livret A, expliquent
leur popularité non démentie : sécurité, liquidité, fiscalité avantageuse, rémunération garantie.
Ils ne sont toutefois pas les seuls produits d’épargne à bénéficier de caractéri
stiques
particulières, l’assurance vie
en euros
, sans être un produit d’épargne réglementée
stricto sensu
,
présentant des atouts en réalité assez comparables.
L’épargne réglementée est diffusée largement dans toutes les couches de la société, en
particulier le livret A détenu par 83 % des Français. Si les encours les plus élevés sont plutôt
concentrés sur les ménages les plus âgés et les plus fortunés, on constate que les jeunes ont été
très nombreux à ouvrir des livrets en 2020. Autant
qu’un produit d’épar
gne, le livret A est un
des piliers de la culture financière des Français et revêt de fait une forte sensibilité politique.
Mais il est aussi l’objet de critiques académiques
, voire de certaines autorités monétaires
comme la Banque centrale européenne, qu
i considèrent que l’épargne réglementée joue un rôle
néfaste en économie ouverte et dans la transmission des signaux de la politique monétaire. Ce
dernier point est toutefois à relativiser depuis que le changement du mode de calcul intervenu
en 2018 a conduit à une désindexation partielle du taux du livret A
par rapport à l’inflation.
Un modèle économique fondé sur la transformation bancaire mais fragilisé par la
situation globale des taux d’intérêt
La ressource importante et relativement stable constituée
par l’épargne réglementée
participe à la transformation bancaire suivant des dispositions légales et réglementaires précises
et différentes selon qu’il s’agit des établissements bancaires de la place ou du fonds d’épargne
géré par la Caisse des dépôts et consignation (CDC)
dans le cadre d’un mandat de l’
État.
Les banques jouent un rôle central non seulement parce que, depuis la réforme de 2008,
elles
distribuent toutes et dans les mêmes conditions (à l’exception des règles propres à
la
mission d
’accessibili
té bancaire incombant à la Banque postale) les différents livrets et plans
d’épargne
, mais aussi parce
qu’elles conservent une partie significative des dépôts (un peu plus
de 40 % pour le livret A et le livret de développement durable et solidaire - LDDS, 50 % pour
le livret d’épargne populaire
- LEP
, la totalité pour l’épargne
-logement).
1
Encours total à fin 2021 (livrets A, bleus, livrets de développement durable et solidaire, liv
rets d’épargne
populaire,
plans et comptes d’épargne logement
,
plans d’épargne populaire
, livrets jeunes), source Banque de
France.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
6
Un équilibre semble avoir été atteint entre les réseaux distributeurs historiques et les
autres
établissements. Le taux de centralisation au fonds d’épargne converge vers
la même
cible. Au total,
avec l’achèvement en 2020 de l’option de
sur-centralisation, les banques ont
trouvé entre elles d’une part et entre elles et la CDC d’autre part une forme d’équilibre qui
montre que la banalisation de la distribution du livret A est désormais entièrement réalisée.
Le coût de la ressource
de l’épargne réglementée
, malgré les aménagements de la
formule de calcul du taux de rémunération du livret A, est resté supérieur aux taux de marché
et à ceux de la Banque centrale européenne. Cette différence de coûts par rapport à celui de la
ressource bancaire constaté en général ailleurs en Europe concerne les livrets mais plus encore
les plans d’épargne
-logement. Pour les banques, il convient toutefois de relativiser cette
contrainte : le traitement prudentiel
de l’épargne réglementée
est neutre du point de vue des
besoins de fonds propres et des ratios de liquidité ; l
es produits sont tellement connus qu’ils
nécessitent un faible effort commercial et qu’ils constituent même la «
première brique » de la
stratégie d’épargne des ménages, facilitant ainsi une relation de confiance e
t de fidélité avec
leur banque
; enfin, la rémunération versée par le fonds d’épargne pour la part centralisée
(850
M€ en 2020)
atténue en bonne partie le coût de la ressource.
Les banques s’acquittent sans réelle difficulté des obligations d’emplois impos
ées par
la loi pour ce qui concerne le livret A et le LDDS
. Elles n’ont en fait eu aucun mal à le faire
car, s’agissant notamment des prêts aux petites et moyennes entreprises, leurs encours de crédit
se situaient déjà au-delà de ces obligations. Il en est probablement de même pour les prêts à la
transition écologique et énergétique et pour les prêts à l’économie sociale et solidaire, même si
l’absence de traçabilité dans les bilans bancaires oblige à se contenter d’indications statistiques
relativement rustiques. Des actions sont en cours pour améliorer ce suivi,
à l’initiative de la
Banque de France. Par ailleurs, les travaux que nécessitera la mise en œuvre de la taxonomie
européenne devraient faciliter le suivi des financements fléchés vers les investissements
contribuant à la réduction de l’empreinte climatique. Au total, il ne paraît pas utile
à ce stade
d’élaborer de nouvelles
obligations.
Un fonds d’épargne solide
sur le plan financier mais aux équilibres économiques
très contraints
Centralisant près de 60 % des encours de livrets A et de LDDS et la moitié des encours
de
livrets d’épargne populaire
(LEP), soit au total de 285
Md€ fin 2020
et 297 Md€ fin 2021
,
le f
onds d’épar
gne remplit une double mission d
e protection de l’épargne populaire
et de
trans
formation d’une partie de cette épargne à vue en prêts de long terme finançant le logement
social et des emplois d’intérêt général.
Le cadre de gestion défini entre l’
État et la CDC fixe des règles contraignantes en ce qui
concerne notamment les emplois afin de garantir en permanence la solvabilité et la liquidité du
fonds. La ressource étant indexée sur le taux de rémunération du livret A, les emplois sont eux
aussi en grande partie, indexés, ce qui assure la robustesse de la gestion actif-passif. La
solvabilité est garantie par un niveau de fonds propres (14 %) sensiblement au-dessus des
obligations réglementaires. La liquidité, indispensable pour permettre de faire face à des retraits
à tout moment alors que les prêts engagent le fonds sur des durées relativement longues, est
assurée par des placements financiers de qualité et mobilisables rapidement, même dans des
périodes de forte tension sur les marchés comme au printemps 2020 : les ratios réglementaires
fixés tant par la loi française que par le « comité de Bâle » sont respectés.
Le fonds d’épargne obéit à une gouvernance
propre au sein de la CDC,
où l’intervention
du ministère de l’économie joue un rôle déterminant justifié par le caractè
re particulier de
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
7
l’épargne réglementée
. Si l
’utilisation du fonds à des fins de politique économique n’est pas
contestable, les orientations peuvent évoluer rapidement en fonction de choix politiques sans
nécessairement passer par le processus ordinaire qui voit la commission de surveillance de la
CDC exercer une vigilance accrue depuis le renforcement du cadre de décision et de contrôle
instauré par la réforme de la CDC de 2020.
Depuis la réorganisation de la CDC en 2018,
le fonds d’épargne reste une enti
té distincte
avec son propre cadre de gestion et ses propres états financiers (non consolidés avec ceux du
groupe CDC) mais sa direction (DFE) a été scindée : elle continue de jouer son rôle dans la
définition de la stratégie, le suivi du cadre de gestion, de la gestion actif-passif et de la liquidité,
l’établissement des comptes,
mais
les missions d’exécution et de gestion sont désormais exercés
par les pôles « métiers » de la CDC,
la direction de la gestion d’actifs pour l
es placements
financiers, la Banque des territoires pour l’activité de prêts, la direction des risques groupe pour
le suivi des risques, et les directions supports pour le soutien administratif (direction des
ressources humaines, direction des systèmes d’i
nformation, direction financière, etc.). Cette
mutualisation métiers, justifiée par des objectifs
de professionnalisation et d’optimisation des
moyens, a pu soulever des interrogations mais
les gestionnaires, même lorsqu’ils gèrent des
lignes d’actifs identiques pour le fonds d’épargne et pour la section générale,
sont tenus par les
règles du mandat de gestion. La comitologie, encore relativement récente mais assez complète,
évolue dans un sens positif sous le contrôle de la commission de surveillance et du comité du
fonds d’épargne et sous la supervision
de
l’A
utorité de contrôle prudentiel et de résolution
(ACPR).
Sur le
plan financier, le bilan du fonds d’épargne est marqué depuis plusieurs années
par une montée des actifs financiers par rapport aux prêts, ce qui révèle une déformation de
l’activité résultant d’une progression très ralentie de la production nouvelle de prêts
par rapport
à la dynamique de croissance des encours de dépôts centralisés. Au 31 décembre 2021, les actifs
financiers (au sens comptable) représentent 42 % du bilan total, contre en moyenne 30 % dans
les années 2016-2018.
La décroissance relative de l’activité de prêt s’explique principalement
par un contexte général de ralentissement des mises en chantier de logements
à l’échelle
nationale, mais aussi par une perte de compétitivité des prêts de la Banque des territoires. Cette
situation doit être suivie avec attention pour au moins deux raisons. D’une part, et même si
l’activité de portefeuille financier est un élément essentiel de
l’équilibre financier du modèle,
le fonds d’épargne ne peut continuer de voir son métier historique –
qui est aussi sa raison d’être
–
reculer au profit d’une activité financière qui l’apparenterait à un fonds commun de
placement. D’autre part, l’activité
de placement financier entraîne un besoin de fonds propres
sans commune mesure avec ce qu’exige l’activité de prêt (peu risquée et largement garantie),
sauf à n’acheter que des titres souverains (pondérés à 0) mais au prix d’une rémunération quasi
-
nulle.
Le recul sensible du produit net bancaire (PNB) et du résultat annuel entre 2015 et 2020
(le net rebond en 2021 s’expliquant par des éléments
conjoncturels) traduit la forte contrainte
qui s’exerce sur les deux activités du fonds. Pour ce qui concerne les
prêts, bien que la double
indexation des ressources et des emplois protège en grande partie le modèle, la forte baisse des
taux de marché a obligé la Banque des territoires, pour rester compétitive, à consentir des prêts
dégageant une marge d’intermédiation de plus en plus étroite. Même s’il peut apparaître bas, le
taux plancher du livret A à 0,5 % a en réalité constitué une contrainte importante dans un
contexte de taux proches de zéro. Le relèvement récent du taux de rémunération à 1 % rend
l’équation encore plus difficile tant que les taux de marché n’auront pas remonté. Pour ce qui
concerne la gestion d’actifs, même si une partie importante des placements est constituée
d’obligations indexées, le reste est placé à taux fixe, généralement sur des titres d
e qualité,
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
8
relativement courts et donc peu rémunérés, ou en actions, par nature volatiles, ce qui offre très
peu de marge de manœuvre comme le montre l’évolution de la contribution des activités de
portefeuille au résultat. Pour piloter le résultat, le fon
ds d’épargne a eu recours ces dernières
années à la réalisation d’une partie importante de son stock de plus
-values latentes, qui se
reconstitue lentement du fait de la place importante des titres peu risqués dans la politique
d’allocation.
Des marges
d’am
élioration du rendement peuvent toutefois être identifiées. Les charges
d’exploitation, constituées à présent de refacturations de frais par la section générale de la CDC,
connaissent une progression plus rapide que le PNB. Il apparaît nécessaire d’intensi
fier les
travaux de comptabilité analytique pour mieux suivre les coûts imputés au fonds d’épargne.
Par
ailleurs, le fonds doit supporter des charges qui pèsent proportionnellement plus lourd,
notamment la rémunération versée aux réseaux bancaires distributeurs (malgré la diminution
du taux à 0,30
%) et la commission d’accessibilité bancaire versée à la Banque postale (330 M€
en 2020).
Enfin, le prélèvement de l’
État doit être ajusté en fonction du niveau de fonds propres.
L’analyse de l’utilisation de l’ép
argne réglementée par les banques et par le fonds
d’épargne permet de présenter à quelles grandes catégories d’emplois elle est utilisée
: le livret
A
(343 Md€ fin 2021) contribue au financement de différents secteurs de l’économie,
principalement par la transformation des dépôts en prêts au logement social, au secteur public
local et aux petites et moyennes entreprises, ainsi que par la détention d’actifs financiers (titres
souverains, obligations d’entreprises et actions pour la part du fonds d’épargne n
on transformée
en prêts).
Adapter le modèle de l’épargne réglementée sans le bouleverser
Tout en veillant à ne pas fragiliser le modèle de l’épargne réglementée, il est possible
d’envisager des adaptations permettant de répondre à certaines critiques et de
desserrer les
contraintes.
La relative concentration
des montants détenus d’
épargne réglementée du point de vue
social et démographique justifie non seulement de parachever l’action contre la multi
-détention
et les livrets inactifs, mais aussi de corriger les effets non désirables résultant de la possibilité
de détenir simultanément un livret A et un LDDS au plafond : la fusion des deux livrets
présenterait l’avantage de la simplicité, mais elle
pourrait avoir des conséquences difficiles à
apprécier sur la fixation du taux de centralisation ou la répartition nouvelle des dépôts entre
établissements bancaires. Un plafonnement global du livret A et du LDDS pour limiter
l’avantage dont dispose
nt
aujourd’hui les détenteurs d’encours élevés
risquerait de provoquer
des transferts d’épargne non souhaitables
. La fiscalisation des livrets serait difficile à justifier
si des régimes fiscaux dérogatoires sensiblement plus importants étaient maintenus, et aurait en
définitive un impact fiscal et social limité. Pour les ménages les moins favorisés des mesures
d
’encouragement
à
l’épargne
ont été conduites autour du LEP : les effets des nouvelles règles
entrées en vigueur en 2021 seront à apprécier dans le temps.
La nécessité de redonner des marges
de manœuvre
a
u fonds d’épargne
conduit à
recommander que la commission d’accessibilité bancaire versée à la Banque postale ne soit
plus à sa charge mais relève d’un autre financement incombant à l’État. L’avenir de l’épargne
logement mérite par ailleurs une réflexion pour voir dans quelles conditions cette épargne, dont
l’utilité reste justifiée, pourrait être relancée
. Une solution doit être maintenant rapidement
trouvée pour les PEL les plus anciens dont les taux de rémunération sont élevés. Compte tenu
du coût pour les finances publiques comme pour les établissements financiers, et de la mauvaise
allocation de l’épargne qui en résulte, la Cour recommande de réfléchir à un dispositif
de
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
9
suppression de cet avantage peu justifié et même disproportionné par rapport à un motif
d’intérêt général qui a disparu.
U
ne réflexion de fond sur l’utilisation de la ressource
pour les besoins publics est
aujourd’hui nécessaire
. La situation actuelle, en laissant une place croissante à la gestion
d’actifs par rapport au métier historique et principal de prêts au logement social,
pose problème.
Sans compromettre sa mission principale, certains nouveaux champs d’intervention pourr
aient
être explorés, à condition qu’il existe une rentabilité économique suffisante
, que les exigences
de liquidité et de rendement soient respectées
et qu’une éventuelle extension s’inscrive dans
une doctrine clairement formalisée, interdisant toute intervention non justifiée par une carence
de financement privé
ou un motif sérieux d’intérêt général
.
Enfin, il est important que les indispensables changements n’aient pas pour effet
d’effacer la particularité du fonds d’épargne du point de vue financier, co
mptable et de la
gouvernance. La mission de ce dernier reste la protection de l’épargne des Français et le
financement, grâce à celle-
ci, d’investissements collectifs d’intérêt général utiles au pays. Il
faut donc veiller au maintien d’une transparence suffisante, ce qui implique que l’État, sans se
départir de ses prérogatives, intervienne dans la gestion du fonds d’épargne de façon plus
formalisée, mieux justifiée et plus prévisible. Du côté de la CDC qui, si elle n’en a pas le
contrôle, n’assure pas moins une réelle maîtrise opérationnelle du fonds, une vigilance s’impose
pour que soit respecté le modèle particulier du fonds d’épargne au sein du nouveau groupe
CDC.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
10
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 :
DGT, DB, CDC
–
Inscrire au budget général de l’État l
es
crédits nécessaires à la compensation à la Banque Postale de la charge d’accessibilité
bancaire
Recommandation n° 2 :
DGT, Banque de France - Mettre en place un dispositif
permettant de réduire les avantages de taux dont bénéficient les PEL souscrit avant 2011
Recommandation n° 3 :
DGT, CDC
–
Actualiser
la doctrine d’utilisation du fonds
d’épargne au regard de la stratégie globale d’investissement de l’État et de celle de l’Union
européenne.
Recommandation n° 4 :
CDC, DGT - Veiller au respect du modèle particulier du
fonds d’épargne au sein du nouveau groupe CDC
.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
11
INTRODUCTION
Le sujet de l’épargne des ménages a re
trouvé une certaine actualité
avec l’accroissement
sensible des flux enregistrés à partir du premier confinement du printemps 2020 et prolongé
jusqu’au milieu de l’année 2021. Ce «
surplus
» d’épargne, observé dans l’ensemble des
grandes économies occidentales, a conduit les autorités à adresser aux ménages des messages
les incitant à reprendre le plus rapidement possible leurs comportements de consommation et
de dépense d’avant
-crise.
L’épargne réglementée, du fait de sa place dans notre pays et de son
rôle d’épargne de précaution, s’est trouvée au cœur de ces débats, même si, en réalité, sa
contribution à
l’accroissement de
l
’épargne est
comparable à celle des produits de fonds propres
et très loin derrière de celle du numéraire et des dépôts à vue (les comptes bancaires).
Graphique n° 1 :
Flux cumulés
d’épargne
sur quatre trimestres glissants
–
en Md€ et en %
2
Source : Banque de France (2
emes
trimestres, enquête trimestrielle sur l’épargne des ménages)
Cet accroissement des flux
d’épargne réglementée s’explique principalement par un
réflexe de précaution des ménages comme cela se produit généralement en cas de survenance
brutale d’une période
de forte incertitude
3
. Au-delà des oscillations conjoncturelles, sa place
dans l’épargne des ménages constitue l’un des piliers de l’épargne française et de sa
transformation par le système bancaire.
2
Ne figurent pas dans ce graphique les parts d’autres supports, principalement l’assurance vie en euros,
les titres de créance détenus via des organismes de placement collectif ou encore les fonds immobiliers, qui, eux,
ont enregistré un niveau élevé de décollecte.
3
En 2008-2009, si le livret A avait connu une forte poussée de sa collecte (dans un contexte, au surplus,
de banalisation de sa distribution et surtout de relèvement de sa rémunération à 4 %), il avait ensuite enregistré
une décollecte dès le deuxième trimestre 2009 après la baisse progressive du taux à 1,25 % (Banque de France,
bulletin du 2
e
trimestre 2010).
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
2017
2018
2019
2020
2021
Produits de fonds propres
Produits de taux
Part du numéraire et des dépôts à vue
Part de l'épargne réglementée
part des actions et de l'assurance vie en unités de compte
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
12
Régulièrement présentée comme une particularité française, elle est parfois perçue par
certaines autorités monétaires comme une anomalie qui gênerait la transmission de la politique
monétaire ou
un archaïsme qui limiterait la diversification de l’épargne f
inancière et éloignerait
les Français de placements plus risqués et supposés être plus directement utiles au financement
du développement économique
4
. Le débat est réactivé actuellement du fait du retour de
l’inflation
, qui a conduit le ministre de
l’écono
mie, des finances et de la relance à relever la
rémunération du livret A et du livret de développement social et solidaire (LDDS) de 0,5 à 1%,
et du livret d’épargne populaire
(LEP) de 1 à 2,2% à partir du 1
er
février 2022.
L
a gouvernance et l’organisation de
la
gestion du fonds d’épargne présentent des
particularités déjà décrites par la Cour
5
. La Cour avait alors formulé trois recommandations :
-
établir et publier une doctrine d’emploi du fonds
d’épargne, satisfaisant la doub
le
exigence d’une activité d’intérêt général et de
l’existence d’une défaillance de marché
;
-
établir l’existence d’une défaillance de marché avant
toute décision ministérielle
concernant un nouvel emploi du fonds d’épargne, ou le
renouvellement d’un dispos
itif
existant, comme l’enveloppe de 20 Md€ pour le
secteur public local ;
-
rationaliser les outils publics existants en matière de financement du secteur public
local, en clarifiant le rôle des deux principaux
instruments à disposition de l’État, SFIL
6
et f
onds d’épargne.
La première (avec l’élaboration d’une doctrine d’utilisation en 2019) et la troisième
(après l’entrée de la SFIL dans le giron du groupe CDC en 2020) recommandations peuvent
être considérées comme mise en œuvre
; la nécessité de clarifier l
a doctrine d’emploi et
notamment de préciser la notion de
défaillance de marché permettant de justifier l’intervention
du fonds d’épargne reste d’actualité
.
Le présent rapport est organisé autour de trois parties :
-
la première dress
e un panorama de l’éparg
ne réglementée,
de son poids dans l’épargne
des ménages, de son image auprès des Français et de ses relations avec les autres
instruments d’épargne en introduisant des comparaisons européen
nes ;
-
la deuxième partie procède à une analyse des équilibres économiques et financiers de
l’épargne réglementée et du fonds d’épargne,
de la gouvernance de ce dernier et des
instruments mis en place en gestion et en supervision pour assurer la spécificité et la
protection des fonds recueillis ;
-
la troisième esquisse
des pistes d’évolution de l’épargne réglementée dans un contexte
de reprise de l’inflation, de retournement
possible
des taux d’intérêt et de
développement de la politique d’investissements de l’
État.
4
Avis de 2016 et 2018 de la Banque centrale européenne où elle indiquait «
d’une façon générale, (ne)
pas (être) favorable à la réglementation de la rémunération de l’épargne, étant donné qu’une telle réglementation
déroge au principe d’une économie de marché
ouverte où règne la libre concurrence, crée des problèmes pour
l’efficacité de la transmission de la politique monétaire et, dans une certaine mesure, pour la stabilité financière.
»
5
Cf. Cour des comptes,
Le fonds d’épargne
, référé, décembre 2016.
6
Banque publique de développement (financement du secteur public local et des exportations), filiale à
99,99 % du groupe CDC.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
13
1
UNE PARTICULARITE FRANÇAISE, UNE POPULARITE QUI
NE SE DEMENT PAS
L’épargne réglementée occupe de longue date une place particulière dans l’épargne des
ménages. Elle a accompagné tout au long des XIX
e
et XX siècles
la constitution d’une épargne
populaire, solide et diffusée dans la population pour protéger les individus et les familles contre
les aléas de la vie,
la construction d’un système bancaire et financier destiné à la transformer
en fonction des besoins d’équipement collectif et de développement de l’initiative privée.
Si l’épargne réglementée ne peut être étudiée indépendamment de l’épargne financière
des ménages dans son ensemble, le choix fait pour cette enquête a consisté à centrer cette
première partie principalement sur les livrets les plus connus car les plus largement détenus, le
livret A et le livret de développement durable et solidaire (LDDS).
1.1
Les caractéristiques de
l’épargne réglementée
L’épargne réglementée constitue une particularité française qui a peu d’équivalents en
Europe et
qui s’explique par l’histoire financière et par l’importance
des dispositifs
réglementaires visant à encourager et protéger l’épargne des ménages.
Elle offre à ces derniers
des produits simples, répondant à un objectif de précaution, généralement liquides, bénéficiant
de la part de l’
É
tat d’une garantie sur le capital et d’une rémunération évoluant en fonction de
l’inflation
; pour le système financier, elle constitue une ressource stable et contribue à
transformer les dépôts des épargnants en emplois d’intérêt général de long terme.
1.1.1
Le cadre réglementaire
Les produits sont dits réglementés car leur existence et leurs caractéristiques sont régies
par des textes législatifs et réglementaires. Ils sont de ce fait identiques pour tous les épargnants
et quel que soit le réseau bancaire auprès de qui ils sont ouverts
7
. Ce sont généralement des
livrets d’épargne disponible
à tout moment, ou des
plans d’épargne à disponibilité plus réduite.
Les dispositions légales figurent au chapitre 1
er
du titre II du livre II du code monétaire
et financier (CMF) aux sections 1 à 5 ; : elles sont précisées par des dispositions réglementaires.
Au plan fiscal, le régime de ces différents produits d’épargne est déterminé par les dispositions
de l’article 157 du code général des impôts
(CGI).
L’épargne
-logement, qui, à la différence des
au
tres produits, procède d’un contrat entre l’épargnant et l’établissement bancaire tout en étant
réglementée par l’
État, est également régie par des dispositions du code de la construction et de
l’habitat
(CCH).
Les produits dits d’épargne réglementés sont
les suivants selon la présentation de la
Banque de France dans son rapport sur l’épargne réglementée
8
:
7
À
condition que l’établissement bancaire ait signé une convention avec l’
État.
8
Depuis 2009, la Banque de France (jusqu’en 2020, l’observatoire qui avait été créé en son sein et
désormais dissous) publie un rapport annuel sur l’épargne réglementée où sont analysées les évolutions des
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
14
-
le livret A et le livret bleu
Le versement est
d’un montant minimum
(
à l’ouverture et des opérations ultérieures
) de
10
€
pour le livret A (1,50
€
si le livret est ouvert à la Banque postale). Le plafond des dépôts
s’élève à 22 950 €
depuis le 1
er
janvier 2013 (hors capitalisation des intérêts) pour les personnes
physiques, 76 500
€
pour les associations et les copropriétés de moins de 100 lots principaux,
et 100 000
€
pour les copropriétés de plus de 100 lots principaux. Il n’y a pas de plafond pour
les organismes d’h
abitation à loyer modéré (HLM). Le livret bleu, distribué uniquement dans
le réseau du Crédit mutuel, ne peut être détenu simultanément à un livret A.
Le taux de rémunération, fixé à 0,5 % entre le 1
er
février 2020 et le 1
er
février 2022, a
été revalorisé à 1 %. La formule de calcul actuelle
9
consiste à retenir la valeur la plus élevée
entre la moyenne semestrielle des taux à court terme en
euros €STR
10
et de l’
inflation hors
tabac, assortie
d’
un taux plancher de 0,50 %.
La formule en vigueur
est moins protectrice à l’égard de l’inflation (qui n’est prise en
compte qu’indirectement)
que la formule précédente (Cf. encadré). Les intérêts sont exonérés
de tout impôt et prélèvement social. Cette nouvelle formule a marqué une étape importante avec
la désindexation partielle
du taux par rapport à l’inflation.
Les fonds collectés sur les livrets A sont centralisés (à hauteur de 59,5 % en cible 2022)
au fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts
(CDC) pour financer principalement le
logement social et la politique de la ville. Les établissements de crédit collecteurs conservent à
leur bilan l’encours non centralisé
pour financer la création et le développement des petites et
moyennes entreprises (PME),
la transition énergétique et la réduction de l’empreinte climatique
ainsi que
l’économie sociale et solidaire
.
produits d’épargne. Les statistiques présentées ic
i sont issues des derniers rapports annuels et des données
détaillées fournies en sus par les services de la Banque.
9
Arrêté du ministre de l’économie et des finances du 14 juin 2018 pour une entrée en vigueur au 1
er
février
2021, amendé par l’arrêté du 2
7 janvier 2021.
10
Le taux €STR (taux courts dans la zone euro) remplace le taux Eonia (taux interbancaire à court terme).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
15
Évolution des modes de fixation et des taux du livret A
Du 1
er
juillet 20
04 jusqu’à fin janvie
r 2008, le taux du livret A était fixé à partir de :
- taux Euribor 3 mois mensuel moyen du mois m-1 (respectivement décembre et juin) , exprimé
avec deux décimales ;
-
taux d’inflation glissant annuel, donné par l’indice
INSEE des prix à la consommation hors tabac
du mois m-1 (respectivement décembre et juin), exprimé avec une décimale.
Le résultat était majoré de 0.25 % et arrondi aux 0,25 % les plus proches.
Au 1
er
février 2008, une nouvelle formule de calcul du taux a été mise en place. Le taux est égal, après
arrondi au quart de point le plus proche ou à défaut au quart de point supérieur, au chiffre le plus élevé
entre :
-
la moyenne arithmétique entre, d’une part, la moitié de la somme de la moyenne mensuelle
de
l’Eu
ribor 3
mois et de la moyenne mensuelle de l’Eonia (exprimées avec deux décimales) et, d’autre
part, l’inflation en France mesurée par la variation sur les douze derniers mois connus de l’indice INSEE
des prix à la consommation
de l’ensemble des ménages ho
rs tabac (exprimé avec une décimale) ;
-
l’inflation majorée d’un quart de point.
La formule actuelle est la suivante et consiste à retenir la valeur la plus élevée entre :
-
d’une part, le résultat de (moyenne semestrielle des taux à court terme en euros €STR + moyenne
semestrielle inflation hors tabac) / 2 et,
-
d’autre part, un taux plancher de 0,50
%.
Entre 1970 et 2022, les taux résultant de ces règles ont varié entre 0,50% au minimum et 8,50 % au
maximum.
Graphique n° 2 : Évolution du taux du livret A et du taux
d’inflation de 1970 à 2022 –
en %
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
16
-
le livret de développement durable et solidaire (LDDS)
Le plafond des dépôts est de 12 000
€
(hors capitalisation des intérêts) depuis le
1
er
octobre 2012. Le taux de rémunération est identique à celui du livret A et les intérêts sont
également
exonérés de tout impôt et prélèvement social. Il n’est possible de détenir qu’un seul
LDDS par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil
de solidarité, soumis à une imposition commune.
Les fonds collectés sont centralisés à hauteur de 59,5 %
au fonds d’épargne. L’
encours
non centralisé finance la création et le développement des PME, la transition énergétique et la
réduction de l’empreinte climatique, et l’économie sociale et
solidaire ;
-
le livret d’épargne populaire
(LEP)
L
e montant minimum à l’ouverture est de 30
€
, l
’ouverture
étant soumise à un plafond
de revenu. Le plafond des dépôts s’élève à 7
700
€ (hor
s capitalisation des intérêts), et le taux
de rémunération, fixé à 1 % depuis le 1
er
février 2020, est passé à 2,2 % au 1
er
février 2022. Les
intérêts sont exonérés de tout impôt et prélèvement social. Les fonds collectés sont centralisés
au fonds d’épargne à hauteur de 50
% ;
-
le compte d’épargne logement
(CEL)
Il
s’adresse aux personnes physiques
, majeures et mineures. Le montant minimum à
l’ouverture est de 300 €, l
es versements doivent être supérieurs à 75
€
. Le plafond des dépôts
s’élève à
15 300
€
(hors capitalisation des intérêts), et le taux de rémunération, fixé à 0,25 %
au 1
er
février 2020, a été revalorisé à 0,75 % au 1
er
février 2022. Cette rémunération est, sous
certaines conditions, augmentée d’une prime d’État
pour les CEL ouverts avant le 1
er
janvier
2018. Les intérêts sont soumis aux prélèvements sociaux et, depuis 2018, fiscaux ;
-
le p
lan d’épargne
-logement (PEL)
Il ne peut être ouvert
qu’un PEL par personne. Le versement minimum d’ouverture est
de 225
€
puis les versements sont libres à condition qu’ils atteignent un minimum de 540
€
par
an. Les conditions de retrait sont contraignantes et irréversibles, tout retrait du PEL entraînant
sa clôture. Au-delà de dix
ans, il n’est plus possible
de faire de versement, et la durée totale
d’un PEL ouvert après le 28 février 2011 ne peut excéder 15 ans
. Passé cette échéance, le PEL
ne produit plus d’intérêt
.
Le taux d’intérêt varie en fonction de la date d’ouverture
et repose sur
une formule de calcul arrêtée réglementairement et ne pouvant descendre en-
dessous d’un taux
plancher
11
. Les PEL ont été progressivement assujettis aux prélèvements sociaux et fiscaux de
droit commun.
11
Le taux est égal à 0,7 × taux swap 5 ans novembre n-1 + 0,3 × (taux swap 10 ans novembre n-1
–
taux
swap 2 ans novembre n-1). Il est arrondi au quart de point supérieur sans pouvoir être inférieur au taux plancher
de 1,0 % actuellement en vigueur et fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l
’é
conomie, du budget et du
logement (taux en vigueur depuis le 1
er
février 2016, non modifié en février 2022).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
17
Graphique n° 2 :
Taux
12
des PEL selon la
date d’ouverture –
en %
Source : rapport sur
l’épargne réglementée
2020, Banque de France
-
le livret jeune
Il est réservé aux personnes physiques âgées de plus de 12 ans et de moins de 25 ans et
peut être conservé jusqu’au
31 décembre qui suit le 25
ème
anniversaire du titulaire. Il
n’est
possible d
’
en
détenir qu’un par personne
, mais il peut être détenu simultanément avec un livret
A
13
. Le taux de rémunération peut varier selon les établissements bancaires.
Il n’y a pas
d’obligation réglementaire pour les établissements de crédit dans l’emploi des fonds déposés.
Le plafond des dépôts s’élève à 1
600
€
(hors capitalisation des intérêts). Les intérêts sont
exonérés de tout impôt et prélèvement social ;
-
l
e livret d’épargne
-entreprise (LEE)
Il permet à un créateur (ou repreneur)
d’entreprise d’
épargner pendant une période de
deux à cinq ans en vue de bénéficier d’un prêt à taux réduit en proportion de l’éparg
ne
accumulée.
Le montant minimum à l’ouverture du LEE est de 750 €
. Les versements sont libres
à condition de verser un minimum de 540
€
par an. Pendant la période d’épargne, les fonds
déposés et les intérêts acquis ne sont pas disponibles, sous peine de clôture du compte, comme
pour un PEL
. À la fin de la phase d’épargne prévue par le contrat, si le souscripteur ne se
manifeste pas, le livret est prolongé automatiquement au moins un an aux mêmes conditions,
dès lors que le plafond n’est pas atteint et que la durée de détention du plan n’excède pas
cinq
ans. L
e plafond des dépôts s’élève à
45 800
€
(hors capitalisation des intérêts). Le taux de
rémunération est égal à 75 % du taux du livret A avec arrondi au quart de point inférieur. Les
livrets ouverts à compter du 1
er
janvier 2014 sont soumis à l’impôt sur le revenu mais sont
12
Taux brut.
Prime d’État supprimée à compter de 2003 sauf en cas de demande de prêt
.
13
Ce qui, en pratique, permet à une famille de deux adultes et deux enfants de détenir quatre livrets A,
deux LDDS et deux livrets jeunes, soit au total 119 000
€ défiscalisés et rémunérés au taux du livret A (voire plus
pour les livrets jeunes).
0,00
2,00
4,00
6,00
8,00
10,00
12,00
taux
prime d'Etat
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
18
exonérés des prélèvements sociaux
14
.
Il n’est possible de détenir qu’un LEE par foyer fiscal.
Les fonds accumulés en capital et intérêts par l’épargnant sont exclusivement destinés à
financer la création ou la reprise d’entreprises, les réinvestissements amortissables, les
immobilisations incorporelles des entreprises créées ou reprises depuis moins de cinq ans.
1.1.2
Les avantages comparés par rapport aux
autres produits d’épargne bancaires
ou d’assurance vie
Les livrets d’épargne réglementée offrent aux épargnants
des atouts : sécurité, liquidité,
fiscalité avantageuse, rémunération garantie.
Dans le contexte de taux bas, leur rémunération nette est positive (mais négative en
termes réels), ce qui les place à un niveau proche des comptes à terme et de la moyenne des
contrats d’assurance vie en eur
os et à un niveau nettement supérieur à celui des livrets bancaires
classiques (hors offres promotionnelles type « super livret
»). À l’exception des comptes à
terme
et de l’assurance vie avant huit ans
, tous ces produits présentent des garanties
équivalentes en termes de liquidité et de sécurité du capital. La rémunération peut en revanche
varier, par décision unilatérale quoiqu’encadrée de l’État pour l’épargne réglementée, par choix
de l’établissement bancaire pour les livrets classiques et les comptes à
terme ou de la compagnie
d’assurance pour les contrats d’assurance vie. Dans les faits, la rémunération de ces différents
produits suit l’évolution générale des taux d’intérêt et de l’inflation
, même si un plancher de
rémunération est souvent assuré.
L
’ex
onération fiscale et sociale concerne le livret A, le LDDS, le LEP et le livret jeune
dans la limite de leurs plafonds respectifs.
Les autres produits d’épargne réglementée sont
fiscalisés dans les conditions de droit commun
15
. L
’assurance vie
, qui, pour ce qui concerne les
contrats en euros, présente de nombreuses similitudes avec l’épargne réglementée,
bénéficie
d’un régime fiscal
spécifique et globalement avantageux au-delà de huit ans
16
, et
d’un régime
ad hoc
favorable en ce qui concerne les droits de succession.
En période de taux bas, le livret A et le LDDS se trouvent concurrencés par les dépôts
bancaires, et, dans une certaine mesure, par
l’assurance
-vie en euros. Les données comparant
la rémunération des différents produits d’épargne bancaire sont pub
liées chaque mois par la
Banque de France.
14
Pour les livrets ouverts avant 2014, les intérêts sont exonérés de tout impôt et prélèvement social sauf
en cas de retrait anticipé des fonds dans les deux premières années.
15
Pour les PEL ouverts à partir de 2011 en ce qui concerne les prélèvements sociaux et pour les PEL
ouverts depuis 2018 en ce qui concerne les prélèvements sociaux et fiscaux.
16
La fiscalité des revenus est d’abord de droit commun puis
sensiblement allégée au bout de huit ans
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
19
Graphique n° 3 :
Rémunération comparée des différents produits d’épargne bancaire proposés aux
ménages de 2016 à 2022
–
en %
Source
: Cour des comptes, d’après Banque de France, Taux de rémunération des dépôts bancaires
(publication
mensuelle)
(a) y compris dépôts à vue, rémunérés à des taux proches de 0(f) données provisoires (g) y compris bons de caisse, autres
comptes d'épargne à régime spécial, plans d
’
épargne populaire et emprunt subordonnés
Le graphique n°3
17
montre que la hiérarchie des rémunérations est relativement
homogène
jusqu’à la revalorisation récente des taux du livret A/LDDS et du LEP. L’ensemble
des produits a connu une baisse de rémunération au cours des cinq dernières années,
sensiblement plus forte pour les produits concurrentiels que pour les produits réglementés, ce
qui peut donner lieu à critiques sur une certaine « viscosité
» de l’épargne réglementée
. Le
maintien du LEP et du PEL à un niveau relativement élevé
jusqu’en 2022
(1 % pour une
moyenne de 0,63 %)
ne s’est pas
traduit pour autant par un intérêt accru pour ces produits : le
premier a été en recul pendant des années, et le PEL connaît depuis 2017 un nombre plus élevé
de clôtures que d’ouvertures ainsi qu’une décollecte nette (sauf en 2020)
18
.
Après prise en compte des prélèvements fiscaux et sociaux et des droits de succession,
au terme de huit ou dix ans, le livret A, le LDDS et le PEL offrent des rémunérations très
proches, supérieures à celles des livrets ordinaires ou même des comptes à terme, mais
inférieures à celles
du LEP et même de l’assurance vie en euros.
17
Complété pour le mois de février 2022 avec les nouveaux taux de rémunération du livret A/LDDS et
du LEP, mais pas pour les autres supports dont les effets sur leur niveau de rémunération du relèvement du taux
du livret A ne sont pas connus.
18
La poursuite de la progression de l’encours des PEL étant dû principalement à la capitalisation des
intérêts des PEL existants, notamment les plus anciens.
0,00
0,50
1,00
1,50
2,00
2,50
3,00
oct-17
oct-18
oct-19
oct-20
oct- 2021 (f)
févr-22
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
20
La rémunération réelle après inflation a tendance à se dégrader depuis le milieu de 2021,
ce qui a conduit les pouvoirs publics à revaloriser les taux des livrets au 1
er
février 2022.
Graphique n° 1 :
Évolution du taux du livret A (nominal et réel) et des taux interbancaires de 2000 à
2022
–
en %
Source :
Cour des comptes, d’après Insee (taux d’inflation, indice
mensuel des prix à la consommation en
glissement annuel), Banque de France (taux du livret A, taux Euribor 12 mois fin
d’année et fin février pour 2022
)
Depuis le début des années 2000, le taux du livret A a suivi une évolution parallèle à
celle des taux interbancaires,
tout en restant positif en termes réels jusqu’en 2021.
Toutefois, à
partir de 2011-2012, il a connu des diminutions moins sensibles que les taux interbancaires,
restant constamment positif du fait de l’existence d’un taux plancher quand les seconds
sont
passés en-dessous de zéro à partir de 2015. Depuis 2021, la rémunération réelle du livret A est
devenue nettement négative du fait de l’accélération de l’inflation. Pour autant, la revalorisation
du 1
er
février 2022 a renforcé son attractivité par rapport aux taux de marché qui ne se sont que
très légèrement redressés pour le moment, ce qui peut expliquer le nouvel afflux de dépôts
enregistrés en février 2022
19
. À
la différence de ce qui avait pu s’observer en 2005
-2006 et en
2010-2011 où la revalorisat
ion du taux du livret A avait suivi d’un à deux ans le redressement
des taux d’intérêt, le relèvement du taux du livret A est intervenu cette fois
-ci en premier.
1.2
Un
mode d’
épargne largement utilisé
Des enquêtes régulières montrent les atouts de l
’épargne réglementée aux yeux des
Français, tous âges et toutes catégories confondus, en particulier sa sécurité et sa liquidité.
L’attachement des Français à l’épargne réglementée s’est confirmé en 2020 et 2021.
19
Les dépôts ont été supérieurs aux retraits de 2,9 Md€ en février 20
22.
-2,00
-1,00
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
taux du livret A
taux livret A réel
taux Euribor 12 mois
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
21
1.2.1
Un outil largement diffusé : le livret A
Une enquête de septembre 2021 du
Centre d’études et de connaissance sur l’opinion
publique (CECOP)
et de l’Institut français d’opinion publique (
IFOP) pour le Cercle de
l’épargne do
cumente
l’opinion
des Français sur le livret A
20
. Selon cette enquête, le livret A
n’apparaît pas comme un produit intéressant au plan financier, mais c’est le cas de pratiquement
tous les placements à l’exception de l’immobilier et, dans une moindre mesure, de l’assurance
vie.
L’
intérêt pour ce produit a néanmoins progressé depuis 2015, et notamment en 2020.
Tableau n° 1 :
Opinions sur l'intérêt financier d'un placement dans le contexte actuel (en %)
intéressant
pas intéressant
un bien immobilier que l
’
on loue
62
38
assurance-vie
48
52
Actions
39
61
livret A
26
74
SICAV
25
75
Source : CECOP/IFOP (septembre 2021)
L’intérêt perçu est le plus élevé chez les jeunes
,
puis décroît en fonction de l’âge,
probablement du fait d’une connaissance croissante des produits d’épargne avec l’âge (et le
niveau de patrimoine). En revanche,
l’opinion est
relativement homogène quel que soit le
niveau de revenu ou de patrimoine : entre 25 et 30 % des personnes interrogées jugent le livret
A intéressant, l’opinion la plus élevée concernant les ménages gagnant moins de 3
000
€ par
mois (entre 25 et 28 %) et possédant un patrimoine financier inférieur à 7500
€ (34
%).
1.2.2
Des encours en progression constante mais inégalement répartis
Après avoir baissé pendant plusieurs années, le nombre de livrets A est reparti à la
hausse. Au 31 décembre 2020, il
s’élève à 55,7
M
€
, dont 54,9 M
€
détenus par des personnes
physiques et 0,82 M
€
par des personnes morales. Depuis le 31 décembre 2019, le nombre de
livrets A
s’est accru
de 50 000 unités (+ 0,1 %)
21
, les ouvertures (2,6 millions) excédant les
clôtures (2,5 millions)
22
.
20
Les Français, l’épargne, la retraite et la dépendance
, septembre 2021.
21
61 000 livrets de plus pour les personnes physiques, 11 000 livrets de moins pour les personnes morales.
22
Chiffre le plus bas depuis 2016 qui avait enregistré 7,8 millions de clôtures notamment du fait du
transfert à a CDC de près de 5 millions de livrets inactifs en vertu de la loi Eckert.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
22
Graphique n° 2 :
Évolution du nombre (en millions)
et de l’encours
(en Md
€)
des livrets A de 2008 à
2020
Source :
Rapport 2020 sur l’épargne réglementée (Banque de France)
Près de 83 % des Français détiennent un livret A, chiffre stable depuis 2016
23
. La
proportion est moins élevée pour le LDDS (36 %), stable également. En revanche, le livret
d’épargne populaire (LEP) ne concerne plus que 10
% des Français.
Graphique n° 3 :
Évolution du nombre (en millions)
et de l’encours
(
en Md€
) des LDDS de 2008 à
2020
Source Rapport 2020 sur
l’épargne réglementée (Banque de France)
23
Le chiffre étonnamment haut des années antérieures, proche de 100
%, peut s’expliquer par le nombre
de livrets inactifs.
51
59
60
62
63
63
62
61
56
55
55
55
55
163
185
191
216
246
266
263
256
259
272
284
298
326
-
50
100
150
200
250
300
350
0
10
20
30
40
50
60
70
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Nombre de livrets A personnes physiques
Nombre de livrets A personnes morales
Encours des livrets A
25
25
25
25
24
25
25
25
24
24
24
24
24
78
69
68
70
91
101
102
101
101
104
108
112
121
-
20
40
60
80
100
120
140
0
5
10
15
20
25
30
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Nombre de LDDS
Encours des LDDS
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
23
Graphique n° 4 :
Évolution du nombre (en millions)
et de l’encours (en Md€)
des LEP de 2008 à 2020
Source Rapport 2020 sur l’épargne réglementée (Banque de France)
Enfin, l’épargne
-logement connaît depuis plusieurs années une diminution du nombre
de livrets et du taux de détention dans la population française (22% en 2016, 19% en 2020),
mais une progression toujours rapide de ses encours, essentiellement parce que les intérêts
servis peuvent être capitalisés, au-delà même du plafond. L
e nombre d’ouvertures est, depuis
2017, inférieur au nombre de clôtures (solde net de près de
–
0,6 million en 2020).
Graphique n° 5 :
Évolution du nombre (en millions)
et de l’encours (en Md€)
des PEL
Source Rapport 2020 sur l’épargne réglementée (Banque de France)
L’encours moyen d’un livret A est de 5
858
€ pour une personne physique
. Il est un peu
inférieur pour le LDDS (5
002 €
), mais évolue de manière parallèle, les deux livrets étant utilisés
par les épargnants sans réelle distinction. Quant au LEP, son encours moyen - 5 604
€
-
progresse nettement moins vite que les deux autres (+ 13 % seulement par rapport à 2009).
13,2
11,8
10,9
10,4
10,0
9,2
8,9
8,9
8,9
8,7
8,5
7,3
7,0
8,7
8,4
65,1
58,1
54,4
52,4
50,9
48,3
46,5
45,6
44,9
44,1
43,4
39,4
39,3
-
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
70,0
0
5
10
15
20
25
30
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Nombre de LEP
Nombre de LEP (corrigé de l'effet de la clause de grand-père)
Encours des LEP
15
15
14
13
13
259
270
276
282
294
240
250
260
270
280
290
300
0
5
10
15
20
25
30
2016
2017
2018
2019
2020
Nombre de PEL
Encours des PEL
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
24
Graphique n° 6 :
Encours moyen par livret
en €
Source : Caisse des dépôts
Ces moyennes cachent d’importantes disparités sociodémographiques.
Les livrets A au-
dessus du plafond (avec les intérêts capitalisés) représentent 30
% de l’encours total du livret A
(mais seulement 7% en nombre), les livrets au-dessus de 15 300
€ plus de 64
%, tandis que les
livrets dont l’encours est inférieur à 150
€
ne pèsent que 0,2
% de l’encours total.
Les épargnants de plus de 65 ans détiennent 21% des livrets (soit leur poids dans la
population française) mais 34 % des encours
; à l’inverse, les moins de 25 ans représentent
27 % des livrets et seulement 12 % des encours. En 2020, la moitié des ouvertures a été le fait
d’
étudiants, de chômeurs et
d’
inactifs.
1.2.3
Une place dans l’épargne des ménages
importante mais à relativiser
Le taux d’épargne financière
a été stable en France entre 2009 et 2019 : il atteint 5,9 %
du revenu disponible brut en moyenne
24
, trois points de moins qu’en Allemagne, trois points
de plus qu’en Italie et au Royaume
-Uni. La crise économique à la suite de la pandémie de covid-
19 a entraî
né une forte hausse du taux d’épargne financière
: il atteignait 12,4 % fin 2020, une
évolution comparable s’observant ailleurs en Europe
, avant de redescendre en 2021 (9,1 %)
tout en restant à un niveau supérieur à celui d’avant
la crise.
24
Contre 4,7% en moyenne sur la période 1990-
2019. Le taux d’épargne financière, après une hausse
sensible en 2009, est ensuite redescendu autour de 5 % tout en restant à un niveau sensiblement supérieur à celui
des années 1990-2008.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
25
Graphique n° 7 :
Taux d’épargne financière des ménages des principaux
États européens
–
en % du
revenu disponible brut
Source : Banque de France
L
es taux d’épargne sont difficilement comparables
entre États, car ils dépendent de
nombreux facteurs institutionnels (choix d’imposition directe ou indirecte, système de retraite
s,
poids des services publics), démographiques ou culturels. Par ailleurs, la situation française doit
être appréciée a
u regard de son niveau d’investissement
et de la capacité d’épargne non
seulement des ménages mais aussi des entreprises et des administrations publiques.
La bonne appréciation du niveau d’épargne financière des ménages et de son évolution
doit également tenir compte du niveau de leur endettement financier. L’endettement des
ménages est constitué principalement de crédits à l’habitat censés être couvert
s en partie par la
valeur des biens immobiliers. Pour autant, le niveau de cet endettement immobilier peut justifier
la constitution d’une épargne de précaution
par les ménages. De plus, la réduction des taux des
crédits immobiliers a pu inciter les ménage
s à s’endetter davantage pour limiter leur apport
personnel et ainsi moins puiser dans une épargne placée le cas échéant à des taux plus élevés
(épargne-logement par exemple).
Les comparaisons internationales indiquent que les ménages français sont plus endettés
(101,4 % du revenu disponible brut au deuxième trimestre 2021) que les ménages des
principales économies européennes (97,9 % pour la zone euro) ; entre le quatrième trimestre
2019, juste avant le premier confinement, et le quatrième trimestre 2020,
le taux d’endettement
des ménages français s’est même accru de 3,4
points contre 2,7 points dans la zone euro. Si les
ménages français sont généralement considérés comme épargnant davantage que la moyenne
européenne (moins tout de même que les Allemands), ils sont aussi, et de loin, les plus endettés.
La place de
l’épargne réglementée dans l’ensemble de l’épargne financière des ménages
est à relativiser. Avec des encours de 834
Md€ à fin 2021, elle représente 14
% du total des
- 10,0
- 5,0
0,0
5,0
10,0
15,0
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Allemagne
Espagne
France
Italie
Royaume-Uni
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
26
encours de placements
financiers. Cette part n’a cessé de reculer depuis près de dix ans, comme
l’ensemble des produits de taux dont l’encours est passé de 70
% de l’épargne financière à 63
%
en 2021
; à l’inverse, l
a part des produits de fonds propres a cru de 29 à 36
%. L’ave
rsion
traditionnelle des Français pour les produits d’épargne risquée a tendance à reculer.
Graphique n° 8 :
Encours des placements financiers des ménages en valeur de marché (en %)
Source
: Cour des comptes, d’après Banque de France
En fait, l
a France est loin d’être le
seul État européen où les ménages détiennent une
part significative de leur épargne sous forme de numéraire, dépôts à vue et livrets bancaires
(réglementés ou non). Elle est m
ême l’un de ceux où cette part est la moins élevée
(29 % du
total des actifs financiers contre 33 % en Italie, 40 % en Allemagne, 42 % en Espagne).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
27
Graphique n° 9 :
Part du numéraire et des dépôts bancaires dans le total des actifs financiers des
ménages en 2020 ( en %)
Source
: Cour des comptes, d’après OCDE
S’il est exact que l’épargne financière des ménages français est globalement moins
investie en actions que dans le reste de l’Europe, c’est moins en raison du poids de l’épargne
bancaire que de celui de l’assurance vie et de l’absence
de fonds de pension.
L
’épargne est fortement tributaire des particularités nationales qu’elles soient
culturelles, démographique ou institutionnelles (notamment en ce qui concerne le financement
des retraites) et i
l est difficile d’envisager de faire converger le
modèle français vers un autre
modèle européen (qui au demeurant est difficile à identifier), sauf à passer par des changements
très profonds dont l’acceptation sociale et politique est loin d’être acquise
25
.
Enfin, l
a part de l’épargne réglementée dans la «
sur collecte
» d’épargne en 2020
-2021
doit être relativisée. L
’épargne engendrée par les confinements successifs a favorisé aussi bien
l’épargne réglementée et les dépôts à vue (dont les flux ont doublé, de 48,8 Md€ en 2019 à
95,8
Md€ en 2020) que les achats d’actions
en direct (qui ont dépassé 13 Md€ en 2020)
ou les
versements sur l’assurance vie en unités de compte (passés de 2 M
d
€ en 2019 à 16,8 Md€ en
2020).
De même, la part de l’épargne réglementée dans la création monétaire de 2020 est
secondaire.
25
Comme la mise en place de fonds de pension.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
28
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
L’épargne réglementée occupe de longue date une place particulière
en France. Si elle
présente des avantages bien identifiés (liquidité, sécurité, rémunération positive
fixée par l’État
et défiscalisée), ceux-ci sont à comparer aux
caractéristiques d’autres produits d’épargne
,
comme l’assurance vie
en euros, qui peuvent également bénéficier de dispositifs avantageux
tout en offrant des garanties comparables en termes de sécurité et de rémunération.
Grâce à sa popularité non démentie,
à son rôle d’épargne de précaution
et à sa relative
stabilité
, l’épargne réglementée
voit ses encours continuer de croître, même pour les livrets
d’épargne populaire et l’épargne
-logement qui ont souffert
d’une
certaine désaffection depuis
plusieurs années.
Les Français ont un
niveau élevé d’épargne que l’on peut mettre en regard de leur
niveau d’endettement
également élevé. Enfin, la hausse des dépôts sur des produits de
l’épargne réglementée en
2020-2021
n’explique pas à elle seule
l’accroissement
de l
’épargne.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
29
2
LE MODELE ECONOMIQUE
DE L’EPARGNE
REGLEMENTEE
L’épargne réglementée n’est pas seulement encadrée pour ce qui concerne sa
distribution et sa collecte, mais aussi pour son utilisation par les établissements bancaires pour
la part non-centralisée et par la Caisse des dépôts (CDC) pour la part centralisée au fonds
d’épargne.
2.1
La part non centralisée gérée par les banques
2.1.1
Les parts de marché des banques
L’épargne réglementée est aujourd’hui distribuée par les principaux réseaux bancaires
et ne constitue plus un sujet de tension entre eux, les parts de marché étant désormais
relativement stables. La répartition des encours montre toutefois que les réseaux historiques
(Caisse d’épargne, Banque Postale
et Crédit agricole notamment) restent nettement devant leurs
concurrents, notamment pour le livret A, par rapport à la répartition des parts de marché
globales
26
. Pour le livret A, ces réseaux historiques représentent, avec le Crédit mutuel, 89 %
des encours.
Les taux de centralisation convergent progressivement, conformément à la réforme de
2013
27
avec des taux devant tendre d’ici à 2022 vers 62% pour les réseaux historiques et 56,7
%
pour les autres, pour un taux global de 59,5 %. Ces mouvements,
ainsi que la fin de l’option de
sur centralisation en 2018
28
,
ont obligé la CDC à gérer la liquidité du fonds d’épargne avec une
grande réactivité, notamment dans des périodes de turbulence des marchés financiers comme
au printemps 2020.
La diminution sensible des taux de rémunération a pu inciter des réseaux de distribution
alternatifs à proposer aux épargnants, à la faveur de la généralisation d’internet, des livrets
concurrents attractifs (bonus pendant quelques mois) avec pour cible non équivoque les
détenteurs de livrets réglementés proches des plafonds. Ces stratégies poursuivent en général
deux buts
: d’une part, accéder aux dépôts à vue et ainsi diversifier les passifs des é
tablissements
en question pour être mieux armés face à une éventuelle crise sur le marché obligataire (allant
dans le sens de la réglementation prudentielle)
; d’autre part,
démarcher de nouveaux clients,
en particulier les plus fortunés, au moyen d’un liv
ret semblant offrir les mêmes garanties que
les livrets réglementés ou bancaires classiques avec un niveau de rémunération supérieur, pour
pouvoir ensuite leur proposer des produits plus rémunérateurs (assurance-vie, placements en
titres, etc.). Ces initiatives ont une portée limitée et ne semblent pas se consolider.
26
L’agrégat comptable «
dettes envers la clientèle
» regroupe l’encours de l’ensemble des comptes à vue
et à terme de la clientèle des particuliers et des entreprises.
27
Décret n° 2013-688 du30 juillet 2013.
28
Décret n° 2018-83 du 12 février 2018 relatif au régime de centralisation des dépôts collectés au titre du
livret A et du livret de développement durable
, l’échéance finale ayant été fixée au 1
er
avril 2020. La suppression
de cette option, ouverte en 2011, se justifiait par une situation d’excès de ressources pour le fonds d’épargne.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
30
Les équilibres auxquels le système bancaire est parvenu treize ans après l’entrée en
vigueur de la réforme de l’épargne réglementée semblent convenir à la profession.
L’anticipation des mouveme
nts de dépôts et de retraits est cependant à mieux
documenter.
Faute d’information disponible jusqu’à une date récente, les évolutions des
mouvements ne sont pas analysables au niveau des dépôts et retraits. Seul le solde est connu de
la direction du fonds
d’épargne
de la CDC par les échanges comptables avec les distributeurs.
Des travaux sont en cours avec la Banque de France pour constituer des séries mensuelles
distinguant dépôts et retraits. En application de l’arrêté du 10 juin
2020 du ministre de
l’éc
onomie et des finances
29
, ces séries, en cours d’alimentation depuis janvier 2021
, font
toujours l’objet de travaux de mise en cohérence et de fiabilisation des
données.
2.1.2
Une épargne participant à la transformation bancaire
L’épargne réglementée apparaît sur la durée relativement stable et s’appuie sur un
modèle solide pour les banques
: le capital est garanti par l’
État et ne pèse pas sur leurs fonds
propres
; la gestion de la liquidité relève du fonds d’épargne (en fonction du taux de
centralisation).
Concernant le ratio de levier, le règlement dit « CRR 2 »
30
prévoit une dérogation
permettant
aux établissements de crédit d’exclure du calcul du ratio de levier l’épargne
réglementée centralisée. Pour le ratio dit « LCR »
31
, l’
acte délégué
32
prévoit que l
’épargne
réglementée non centralisée est traitée comme un dépôt clientèle liquide et un taux de sortie de
trésorerie de 5 ou 10 % est appliqué conformément aux articles 24 et 25. Par ailleurs, les
établissements de crédit peuvent obtenir l’autorisation du
superviseur de bénéficier des
dispositions de l’art
icle
26 leur permettant de déclarer les flux résultant des produits d’épargne
réglementée centralisés sur base nette (en diminuant les flux sortants sur l’encours total
d’épargne réglementée des flux entra
nts liés au remboursement par la CDC)
33
.
Concernant enfin le ratio NSFR
34
, le règlement CRR prévoit que l
’épargne
réglementée
non centralisée, en tant que « dépôt de la clientèle de particulier », est considérée comme un
« élément apportant un financement
stable » en application de l’article 427 de CRR.
Au total, le traitement prudentiel de l’épargne réglementée applicable aux
établissements bancaires apparaît désormais cohérent avec la nature de ces produits.
L’étroitesse
de la marge
d’intermédiation
est avancée par les banques pour souligner le
surcoût engendré par cette ressource dans un contexte où la politique monétaire de la Banque
centrale européenne (BCE) leur offre des conditions de refinancement sensiblement plus
avantageuses jusqu’à présent.
De fait, même après la baisse à 0,5 % entre 2020 et 2022, le taux du livret A et du LDDS
est resté sensiblement au-dessus des taux de marché du fait
de l’application du plancher
29
Arrêté relatif à l’application de l’article R221
-127 du code monétaire et financier fixant le contenu et
les modalités de transmission des statistiques relatives à l’épargne réglementée à la Banque de
France.
30
Cash reserve ratio
(règlement européen 2019/876).
31
Liquidity coverage ratio
.
32
Règlement délégué (UE) 2015/61.
33
Cette autorisation ne vaut que pour les établissements ayant opté pour la centralisation dite
« décadaire » (quatre fois par mois) permise par
l’article 5bis du décret n°
2011-275 du 16 mars 2011.
34
Net stable funding ratio
.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
31
réglementaire. Marqué par une relative rigidité, il entraîne un surcoût, surtout en période de
baisse rapide et prolongée des taux comme cela fut le cas depuis plus de dix ans. Cette situation
s’est encore accentuée avec le relèvement du taux
du livret A à 1 %.
De même, l’épargne
-logement pose un problème de coût de la ressource mais
d’une
nature un peu différente (cf.
infra
).
Cependant, différents éléments conduisent à nuancer le bilan coûts-avantages pour les
établissements bancaires.
Certes, il faut ajouter à la rémunération servie aux épargnant le
s charges d’exploitation
comme pour l’ensemble des ressources bancaires.
À
l’inverse,
le coût de la ressource est
remboursé par le fonds d’épargne pour la part centralisée, à hauteur de 0,3
% pour le livret A
et le LDDS, de 0,4 % pour le LEP, ce qui représente une recette de 850
M€ alors que la
rémunération de la part non centralisée constitue elle une charge.
Selon les estimations de la DGT, avec un taux du livret A de 0,5 % et du LEP de 1 %,
le coût moyen de la ressource livret A ou LDDS (les taux de centralisation varient en fonction
des établissements) est de 0,024
% de l’encours total
, celui de la ressource LEP de 0,3 % de
l’encours total
35
. Par ailleurs,
la garantie de l’
État est gratuite. Enfin, les coûts de distribution,
de marketing et de publicité sont très réduits par ra
pport à d’autres produits bancaires
. Avec un
taux du livret A à 0,50 % comme ce fut le cas de mars 2020 à février 2022, le coût net de la
ressource
n’était pas très éloigné
de l’équilibre
pour les banques.
2.1.3
Une
estimation conventionnelle de l’
utilisation
de l’épargne réglementée
Lors de la banalisation du livret A en 2009, le législateur a fixé des obligations d’emploi
aux établissements bancaires pour la part de l’épargne réglementée conservée dans leurs bilans.
Des aménagements ont été apportés par la suite pour prendre en compte de nouvelles priorités,
comme la transition énergétique ou le développement de l’économie sociale et solidaire. Ces
obligations sont justifiées par les avantages commerciaux que confère le droit pour ces
établissements de distrib
uer auprès de leur clientèle des produits d’épargne attractifs et
nécessitant un faible investissement commercial et publicitaire
36
.
Les obligations d’emploi actuellement en vigueur ont été fixées par un arrêté du ministre
chargé de l’économie du 10 juin 2020 en application de l’article 145 de la loi
n° 2019-486 du
22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) modifiant
notamment les dispositions concernant les prêts de transition énergétique et écologique.
35
Ces chiffres moyens sont obtenus en faisant la différence entre le coût pour les banques de la
rémunération des encours non centralisés (sur la base d’un taux de rémunérat
ion de 0,50
% et d’un taux de
centralisation de 60,5
%) et, d’autre part, la rémunération complémentaire versée par le fonds d’épargne sur la part
centralisée (0,30 % sur 60,5
% de l’encours total pour le livret A/LDDS et 0,40
% pour le LEP). Ils ne prennent
pas en compte les coûts de distribution et de gestion des banques.
36
La question de la marque « livret A
» pourrait se poser, alors qu’elle représente probablement une
valeur immatérielle significative. Le fonds d’épargne ou l’
État pourraient étudier cette question, moins pour
demander le cas échéant aux établissements bancaires une rémunération en contrepartie du droit de commercialiser
les livrets que pour protéger la réputation de la « marque
» contre des offres d’investissement trompeuses voire
frauduleuses qui se multiplient depuis plusieurs années, notamment sur internet.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
32
Graphique n° 10 :
Répartition
des obligations d’emploi de l’épargne réglementée (livret A,
LDDS, LEP, livret jeune) conservée dans les bilans bancaires
–
en %
Source : Cour des comptes
, d’après fédération bancaire française
Jusqu’en décembre
2020, les données collectées par la Banque de France concernaient
les prêts pour travaux d’économie d’énergie
dans les bâtiments anciens.
La mise en œuvre des
nouvelles dispositions de la loi PACTE conduit à élargir significativement le périmètre des
prêts à prendre en compte (notamment les prêts au logement neuf), ce qui nécessite un important
travail de collecte de données organisé par la Banque de France et dont les résultats complets
ne sont pas encore connus.
Une estimation des encours de prêts finançant des logements neufs respectant la norme
RT2012 et des éco-prêts à taux zéro a été réalisée pour 2020
37
. À fin 2020, la Banque de France
estime l’encours des prêts finançant les
logements avec la norme RT2012 à 169
Md€
pour les
établissements distribuant des produits
d’épargne réglementée
. La mesure des prêts aux
ménages est plus complexe, car les emprunts souscrits ont souvent de multiples usages. Les
travaux statistiques conduits par la Banque de France, alliant la collecte automatisée
d'informations sur Internet et des techniques de
data science,
ont conduit à une estimation de
3,8 Md€ pour l’année 2020
38
. Au total, les prêts bancaires destinés à la transition énergétique
et écologique s
’élèveraient à
173 Md€
en 2020.
Les données sur les prêts à l’économie sociale et solidaire (ESS) sont encore plus
limitées. Un deuxième arrêté ministériel, également en date du 10 juin 2020, dispose que, à
partir de janvier 2021, les nouveaux financements et les encours destinés à financer les
entreprises de l’ESS feront partie des indicateurs présents
dans la collecte mensuelle sur
l’épargne réglementée. Ces
indicateurs portent sur les financements à des entreprises de toutes
tailles. La Banque de France a établi une méthodologie pour identifier ces prêts. En décembre
37
Cf.
Rapport sur l’épargne réglementée 2020
, (p. 56 à 58).
38
Source :
Rapport sur l’épargne réglementée 2020
, p. 57. Sont ainsi pris en compte une part des crédits
à la consommation des ménages supposée financer une partie des dépenses de rénovation énergétique des ménages.
La Cour n’a pas expertisé ce travail statistique de la Banque de France qui en est à ses débuts.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
emplois de
diversification
financement des
organismes
d'économie sociale et
solidaire
financement de la
transition énergétique
financement des
PME
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
33
2020, les crédits à
l’ESS ont été estimés
à 35,5
Md€, ce qui correspondrait à 16
% des encours
d’épargne réglementée non centralisée, soit trois fois plus que l’obligation légale
.
Le suivi du respect des obligations d’emploi de l’épargne réglementée est en fait
théorique car il n’existe pas dans les bilans bancaires d’affectation comptable de ressources
d’épargne à des emplois
identifiés
, les ressources étant fongibles qu’il s’agisse de comptes à
vue, de dépôts sur livrets, de dépôts à terme, de refinancements interbancaires, de la part de la
Banque centrale, etc. Les présentations rendues publiques relèvent à ce stade d’un exercice
pédagogique consistant à rapprocher, d’une part, les encours de prêts bancaires aux secteurs
v
isés par les dispositions réglementaires et, d’autre part, les sources de refinancement à la
disposition des banques, dont l’épargne réglementée.
À
titre d’illustration
(tableau n°2), les
203 Md€ d’épargne
non centralisée sont répartis
(hors fonds placés en trésorerie) entre prêts aux PME, prêts à la transition énergétique et prêts
à l’économie sociale et solidaire suivant les ratios d’emploi.
Tableau n° 2 :
Parts de l’épargne réglementée dans les prêts bancaires à la transition énergétique et
aux PME en 2020
–
en Md€
Prêts de transition
énergétique et écologique
Prêts aux
PME
Prêts à l'ESS
Montants financés par l
’
épargne réglementée
20
162
10
Part de l’épargne réglementée dans le
total
12%
30%
28%
Montants financés par d'autres ressources
bancaires
152
375
25
Total
173
537
36
Source
: Cour des comptes, d’après fédération bancaire française, Banque de France
Cette présentation
–
théorique faut-il le rappeler
–
montre que la part conservée par les
établissements bancaires contribue à leurs encours totaux de crédit à hauteur de 30% pour les
PME, de 12 % pour la transition énergétique et de 28
% pour l’ESS
39
.
Cette
mesure de l’utilisation réelle de l’épargne réglementée se heurte pour le moment
à un écueil tenant à la capacité de produire des données fiables
, les méthodes utilisées jusqu’à
présent apparaissant relativement rudimentaires.
Par ailleurs
, les obligations d’emploi sont peu contraignantes car elles ont été instaurées
alors que les établissements bancaires finançaient de longue date les PME, dans une moindre
mesure la transition énergétique et écologique ou l’ESS. Avant même que la loi n’intervienne
en 2008, leurs encours de crédit se situaient très au-delà des seuils fixés par le législateur.
Cette remarque concerne particulièrement les prêts aux PME, pour au moins deux
raisons. D’une part, l’encours de crédits aux PME était dès 2009 (plus de 200 Md€) très
supérieur à l’obligation légale
; d’autre part, l’ex
-
Codevi, dont les encours n’étaient jusqu’alors
pas centralisés, avait précisément pour fonction de financer le crédit aux PME
39
Le calcul sur l’ESS a été ajouté, à partir de chiffres de la
Banque de France, en suivant la même
méthodologie que la fédération bancaire française.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
34
Tableau n° 3 :
Emploi de l’encours de livrets A et LDDS non centralisé en faveur des PME
–
en Md€
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Encours d'épargne restant au bilan en fin d’année
148
145
146
153
160
166
181
seuil minimum de 80 %
118
116
117
122
128
133
145
Encours de prêts aux PME
337
342
359
381
414
444
537
Évolution des encours d'épargne restant dans les
bilans bancaires
-1
-3
2
7
7
7
15
Montant des prêts nouveaux aux PME
75
86
81
100
105
112
116
Source : Cour des comptes,
d’après rapports sur l’épargne réglementée 2016 et 2020
Sans surprise, les données présentées dans le rapport annuel sur l’épargne réglementée
indiquent que les encours de crédit aux PME sont nettement supérieurs à l’obligation légale
(environ quatre fois plus). Il est plus intéressant de relever que cette activité est en définitive
peu sensible aux évolutions des encours d’épargne non centralisée
: le flux annuel de nouveaux
de crédits était de l’ordre de 80
Md€ malgré une relative décollecte sur les année
s 2014-2016.
En ce qui concerne les prêts en faveur de la transition énergétique et écologique, la
faiblesse des indicateurs de suivi devrait être réglée par les travaux décrits précédemment. À ce
stade, e
n attendant la mise en œuvre de
la nouvelle taxonomie européenne, il est difficile de
trier les prêts à l’actif des banques en fonction de leur contribution à la transition écologique
40
.
La Banque de France estime que les données figurant dans le
rapport sur l’épargne
réglementée doivent être appréciées au-delà de leur rôle de confirmation formelle du respect
des obligations légales
d’emploi et qu’elles permettent d’apprécier
les conditions d’accès au
financement
41
.
Les travaux qu’elle a engagés
avec les banques et les pouvoirs publics visent à
fournir des données sur le financement de la transition énergétique de plus en plus de précises
et comparables au niveau européen.
Au total, il paraît
aujourd’hui
inutile de modifier de nouveau les obligations légales dont
le principal mérite est d’expliquer simplement l’utilisation par les banques de l’épargne déposée
sur des livrets réglementés.
2.2
La part centralisée
: le fonds d’épargne
Le f
onds d’épargne remplit une double mission :
•
d
e protection de l’épargne populaire centralisée en son sein,
•
d
e transformation d’une partie de cette épargne à vue en prêts de long terme finançant
le logement social et des emplois d’intérêt général.
40
La taxonomie européenne désigne la classification des activités économiques ayant un impact favorable
sur l
’
environnement. Son objectif est d'orienter les investissements vers les activités « vertes ». Initialement
instaurée en 2020, une nouvelle classification a été proposée par la Commission européenne le 31 décembre 2021
intégrant le gaz et le nucléaire
. S’agissant de l’activité de financement, elle aurait pour
effet de classifier les crédits
en fonction de leur empreinte climatique, avec la possibilité d’un allègement de la charge en capital.
41
Cf.
enquête trimestrielle sur l’accès des entreprises au crédit en France et
le volet français du
Bank
lending survey
européen.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
35
La loi a confié la gestion du fonds à la CDC depuis 1837 et les prêts octroyés par le
f
onds d’épargne ont accompagné nombre de grandes politiques publiques d’investissement
d’intérêt général : logement social, développement du rail, électrification,
notamment.
2.2.1
Un cadre de gestion contraint, une gouvernance qui présente des
particularités
L’existence et l’autonomie de ges
tion du f
onds d’épargne sont garanties par la loi et
par
le cadre de gestion établi par un accord entre l’
État et la CDC. Sa principale ressource est
constituée par l’
épargne réglementée centralisée. Les emplois sont autorisés par le ministre
chargé de l’
économie, qui en définit les conditions. Le code monétaire et financier, le cadre de
gestion fixé par l’
État et la CDC et
les lettres d’autorisation
ministérielles permettent
d’arrêter
une doctrine des emplois qui sont principalement des prêts à long terme finançant le logement
social et la politique de la ville
42
et, via des enveloppes complémentaires, le secteur public local
et les infrastructures. Ces financements interviennent en appui des politiques publiques avec
une additionnalité par rapport aux financements de marché
, c’est
-à-dire, pour les emprunteurs,
avec un bénéfice particulier que le marché ne peut leur apporter
43
.
Le f
onds d’épargne comporte un portefeuille financier lui permettant d’assurer
sa
couverture en taux et en liquidité et de contribuer à son résultat. Ces placements, gérés selon
les principes de l’investisseur
avisé, participent
au financement de l’économie française.
Le f
onds d’épargne délègue,
dans le cadre des règles de gestion agréées par le ministre :
-
la mise en place, la commercialisation et la gestion de ses prêts à la Banque des
Territoires de la CDC ;
-
la gestion de ses placements financiers à la direction des g
estions d’
actifs de la CDC.
L’exécution
par la CDC du mandat de gestion est soumise au contrôle de la DGT, des
instances de gouvernance de la Caisse, et, depuis la réforme de 2020
44
, de l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR). Ce cadre se décline dans trois documents fondamentaux
signés par le ministre chargé de l’économie (non publiés au Journal officiel
45
) et communiqués
à la commission de surveillance de la Caisse sans qu’elle ait à les approuver
:
-
une convention de mandat entre l’
État et la CDC ;
-
un
règlement régissant les prêts du fonds d’épargne
;
-
u
n règlement en matière de gestion de portefeuilles d’actifs financiers.
Les emplois sont autorisés par le ministre chargé de l’économie, qui en définit les
conditions par simple lettre énumérant en quelques pages les objectifs généraux visés sur la
base d’un dossier documentaire
relativement succinct
46
.
Une étude d’impact plus fournie à la
42
Articles L. 221-5 et L. 221-7 du Code monétaire et financier.
43
Taux d’intérêt avantageux et identique quelle que soit la localisation géographique de l’emprunteur
(mutualisation nationale), prêts de plus long terme, atteinte d’un objectif de po
litique publique ou existence
d’externalités.
44
Décret n° 2020-94 du 5 février 2020 relatif au contrôle interne et externe de la Caisse des dépôts et
consignations.
45
À la différence par exemple des conventions de mandat signées depuis 2010 pour les programmes
d’investissement d’avenir (PIA).
46
Même si la décision du ministre est précédée de travaux techniques préparatoires entre la DGT et la
CDC.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
36
fois sur la dimension macro-
économique attendue d’un nouvel emploi prescrit par le ministre
et sur les équilibres fina
nciers et les risques en résultant pour le fonds d’épargne mériterait
d’être réalisée et jointe systématiquement.
La CDC, représentée par la
direction du fonds d’épargne (
DFE) et la Banque des
Territoires, a des relations régulières avec la DGT, avec notamment un point mensuel avec le
bureau BancFin.
La Banque des territoires, de son côté, entretient des relations fréquentes avec les
ministères techniques (logement, santé, transport, etc.) au titre du financement des projets qui
s’inscrivent dans les priorités de politiques publiques, mais aussi
des opérateurs
de l’
État
47
avec
lesquelles des conventions de partenariat peuvent être signées.
Des programmes d’act
ions
peuvent également
être mis en œuvre avec les services de l’
État comme par exemple le pacte
d’investissement pour le logement social
(dit « pacte constructif ») signé le 25 avril 2019 : la
mise en œuvre de ce pacte a nécessité l’adaptation du cadre de
gestion pour allonger la maturité
maximale des prêts sur la partie foncière des opérations de financement de logement social de
60 à 80 ans en zone tendue, porter de 4 à 8 Md€ l’enveloppe de prêts à taux fixe en vue de
financer la réhabilitation, le développement et la restructuration du secteur et faciliter le
réaménagement de la dette des organismes de logement social engagés dans des
rapprochements
48
.
Le règlement en matière de gestion d’actifs encadre la politique d’investissement, en
définissant la nature des actifs éligibles, les pondérations maximales de chaque catégorie
d’actifs et les règles de limitation prudentielle des risques. L
a doctrine de gestion financière est
inspirée par un principe de prudence avisée et dictée par les impératifs de sécurit
é de l’épargne.
En conséquence, les placements réalisés doivent être de grande qualité
49
et également alloués
pour une part significative en actions cotées et en actifs non cotés
50
. Cette allocation est
déterminée avec l’objectif de réduire les risques
présents et futurs.
La dernière modification du règlement en matière de gestion d’actifs comporte deux
innovations
: d’une part, le fonds est désormais autorisé à effectuer des placements sur des
marchés non européens (dans la limite de 10 %)
; d’autre par
t, le fonds est autorisé à souscrire
aux emprunts
de 750 Md€ émis par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance
conformément à la décision du Conseil européen du 14 décembre 2020.
L
’
établissement public a connu ces dernières années plusieurs réorganisations
accompagnées de transferts d’activités
regroupées en cinq grands métiers : Banque des
territoires, Bpifrance, Gestion des participations stratégiques
, Gestion d’Actifs (GDA),
Retraites et Solidarités.
La direction du fonds d’épargne
(DFE) a été scindée et repose
désormais sur deux métiers, les prêts sur fond d’épargne conçus et déployés par la
BDT et la
gestion des actifs financiers déléguée au pôle GDA.
Le fonds d’épargne n’est donc plus une
direction au sens organisationnel du terme même s
’
il dispose d
’
équipes en propre, qui veillent
à la mise en œuvre des mandats de gestion par les entités concernées.
La DFE assure, sous la supervision de la commission de surveillance et de ses divers
comités
notamment le comité du fonds d’épargne
, le pi
lotage du fonds d’épargne, la collecte et
la centralisation de la collecte, la gestion prudentielle du fonds d’épargne et gestion
en lien avec
47
Principalement l’Agence nationale de cohésion des territoires (
ANCT),
l’Agence nationale de
rénovation urbaine (ANRU),
l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (
ANAH).
48
Lettre du ministre de l’économie et des finances du 1
er
août 2019.
49
Une quotité de 50 % minimum étant réservée aux titres d’
États européens
50
Private equity
, fonds d’immobilier, d’infrastructures et de dettes
, pour une part très réduite.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
37
l’
A
CPR, l’établissement des comptes
. Elle diffuse les éléments de cadrage à la Banque des
territoires et à la direction de gestion des actifs (GDA). Même si cette situation
s’explique
d’abord par des raisons circonstancielles
, l
e directeur du fonds d’épargne
actuel est également
directeur de la gestion des actifs de la section générale ; les avantages et les inconvénients de
ce cumul de fonctions seront à apprécier dans la durée. L
e directeur du fonds d’épargne
est
nommé après avis du ministre
, tout en s’insérant dans une ligne hiérarchique et managérial
e qui
le place sous l’autorité du directeur général de la CDC
.
La mutualisation métiers, justifiée par des raisons évidentes de professionnalisation et
d’optimisation des moyens,
peut soulever une interrogation, les mêmes équipes gérant
simultanément des actifs de la section générale et des actifs
du fonds d’épargne
, parfois des
lignes de placement communes, mais dans le cadre de mandats de gestion qui obéissent à des
objectifs et des limites de risques propres
. L’ACPR
comme la DGT considèrent que la
spécificité des fonds d’épargne est bien assurée.
S’appuyant sur le
co
mité du fonds d’épargne
, la commission de surveillance joue un
rôle important,
renforcé à l’occasion de la réforme de 2020
. Elle émet un avis sur les projets de
décisions relatives au taux de centralisation et sur la rémunération des réseaux distributeurs,
donne son accord pour l’émission de titres de créances au bénéfice du fonds
, approuve les
comptes et délibère sur le niveau des fonds propres du fonds d’épargne.
Progressivement, ces
instances exercent un droit de regard de plus en plus poussé même si leurs pouvoirs de décision
restent circonscrits
par les prérogatives spécifiques reconnues au directeur général et à l’
État.
La commission de surveillance a approuvé une
doctrine d’emploi du fonds d’épargne le
9 janvier 2019. Elle est tenue régulièrement inf
ormée de la politique d’allocation stratégique et
d’investissement, et le modèle prudentiel ainsi que ses évolutions récentes
lui sont présentés
régulièrement,
après examen en comité du fonds d’épargne.
Le fonds d’épargne dispose d’
une comitologie, parfois récente, assez complète, qui
évolue dans un sens positif pour mieux suivre ses risques spécifiques. Pour autant, le rôle du
ministre reste primordial et les orientations peuvent évoluer rapidement en fonction de choix
politiques qui échappent à la comitologie.
2.2.2
Une fragilisation de la situation financière
du fonds d’épargne
Les comptes annuels et semestriels
du fonds d’épargne
, présentés en normes sociales,
ne sont pas consolidés avec ceux du groupe CDC. La Cour des comptes a constaté que les
mêmes commissaires aux comptes certifient les comptes consolidés du groupe et les comptes
sociaux du fonds d’épargne.
2.2.2.1
Un bilan marqué par la part croissante des actifs financiers
Sur un bilan total de 330,4
Md€ en 2020,
les opérations avec la clientèle (prêts aux
organismes de logement social et au secteur public local) représentent 55 %
du total de l’actif
en 2021
51
après 58 % en 2020 et 61 % en 2015. La part des opérations interbancaires et
51
Les chiffres 2021 ont été communiqués à la Cour le 6 avril 2022, le rapport financier n’étant pas encore
publié à cette date alors que la communication financière sur les résultats a eu lieu le 24 mars.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
38
assimilées (pour l’essentiel
en titres souverains) et des obligations, actions et autres titres à
revenu fixe et variable est passée de 39 % en 2015 à 45 % en 2021.
Graphique n° 11 :
Décomposition de l’actif de 2015 à
2021
–
en % du total
Source
: Cour des comptes, d’après comptes sociaux du fonds d’épargne
Le recul de la part des prêts au logement social et au secteur public local dans le total
de l’actif doit être nuancé sur une période un peu plus long
ue
: elle était en effet de l’ordre de
50 % en 2011-2012.
Traduction de la fonction de transformation du fonds d’épargne,
l
’actif se caractérise
par ailleurs par une durée résiduelle moyenne (ou duration) longue par rapport à son passif,
avec des prêts d’une durée
moyenne assez stable (autour de 15 ans)
et des actifs financiers d’une
durée inférieure et qui a eu tendance à se raccourcir ces dernières années.
Tableau n° 4 :
Valeur au bilan (en Md€) et durée résiduelle moyenne (en années)
2017
2018
2019
2020
Valeur bilan
Durée
Valeur bilan
Durée
Valeur bilan
Durée
Valeur bilan
Durée
Titres non
indexés
33,0
3,1
35,9
2,6
47,2
3,1
64,5
2,7
OAT indexées
32,8
8,6
35,1
7,9
35,6
7,4
33,4
8,0
Prêts
184,0
15,4
187,3
15,6
190,0
14,6
192,0
14,8
Source : Caisse des dépôts
En valeur, les obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sont stables (mais leur
part en recul) et le quasi-
doublement en valeur des titres provient d’abord de l’accroissement
des titres courts à taux fixe
52
(notamment des bons du Trésor). Ceci a pour effet de dégager une
52
Les titres à taux fixe représentent, en 2020, 40,7 % de la valeur au bilan du portefeuille titres, contre
35,5 % en 2017 (source : Caisse des dépôts).
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
opérations interbancaires et assimilées
opérations avec la clientèle
obligations, actions et autres titres
comptes de régularisation et actifs divers
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
39
rentabilité quasiment nulle dans le contexte actuel et entraîne une contrainte par rapport à un
passif du fonds d’épargne qui reste exclusivement à taux variable (indexé sur l’inflation).
Tableau n° 5 :
Bilan du fonds d’épargne de 2015 à
2021
–
Le passif
–
en Md€
Passif
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Opérations interbancaires et assimilées
241,2
240,3
249,7
258,5 271,5
295,9
310,8
Opérations avec la clientèle
0,1
0,1
0,1
0,1
0,1
0,1
0,1
Comptes de régularisation et passifs divers
2,3
2,1
2,1
2
2
2,2
2,9
Provisions
1,7
2,1
2,4
2,4
2,8
2,7
2,7
Fonds pour risques bancaires généraux (FRBG)
3,2
3,9
4,7
5,6
5,9
5,2
6,8
Capitaux propres (hors FRBG)
6,5
6,3
6,3
6,3
6,2
6,4
7,1
dont résultat de l'exercice
1,1
0,6
0,6
0,6
0,4
0,2
0,7
Total passif
254,9
254,8
265,3
275 288,4
312,5
330,4
Source :
états financiers sociaux du fonds d’épargne
(rapport financier CDC)
Le passif du fonds d’épargne est constitué des opérations interbancaires et assimilées –
c’est
-à-
dire des dépôts par les banques de l’épargne réglementée centralisée –
à hauteur de 94 %
en 2021 ; cette part est stable sur la période 2015-
2020. Les fonds propres comprennent, d’une
part, les capitaux propres
stricto sensu
(réserves, report à nouveau, résultat de l’exercice) et,
d’autre part, le fonds pour risques bancaires généraux (FRBG)
: leur part est elle aussi très stable
(4,2 % en 2021). Les provisions, qui sont passées
de 1,7 Md€ en 2015 à 2,
7
Md€
en 2021, sont
constituées en quasi-totalité des provisions sur prêts déficitaires (logement très social
notamment). Le
résultat de l’exercice
, en recul continu entre 2015 et 2020, est remonté en 2021
grâce aux revenus des obligations indexées et aux produits financiers (5,1 % des capitaux
propres, contre 11,3 % en 2015).
La baisse du résultat du fonds d’épargne s’explique avant tout par des raisons
structurelles (rétrécissement de la marge au-dessus du taux du livret A sur les nouveaux prêts)
et par une pression sur les résultats financiers du fait de conditions de rémunération des
placements récents, notamment les plus courts, proches de zéro alors que la rémunération du
passif est restée bloquée au niveau du plancher de 0,5 %.
Le fonds pour risques bancaires généraux (FRBG), qui renforce le niveau de fonds
propres, a connu des ajustements en fonction des résultats annuels : il a progressé sensiblement
jusqu’en 2019 grâce aux résultats
positifs
qui ont permis de le doter jusqu’à 5,9 Md€
(contre
3,2 Md€ en 2015), puis a fait l’objet d’une reprise de 0,7 M€ en 2020 permettant de compenser
la faiblesse du résultat opérationnel et
d’ajuster le niveau global des fonds propres à celui en
forte hausse des dépôts bancaires
; en 2021, le FRBG a pu faire l’objet d’une dotation d
e
1,6
Md€ et atteint 6,8 Md€
. Après être tombé à 3,9 % en 2020, le ratio entre les fonds propres
au sens large et les dettes et provisions a retrouvé en 2021 un niveau proche de celui des années
2018-2019 (4,4 %).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
40
Graphique n° 12 :
Structure du passif du fonds d’épargne de 2015 à
2021
–
en Md€ (à gauche) et
en % (à droite)
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
Le hors bilan
Les engagements de financement correspondent principalement aux propositions de
prêts non encore formalisées. Ils annoncent les crédits nouveaux à venir. À leur déclin prononcé
depuis 2015 correspond ensuite, à quelques mois d’intervalle, celui de la produ
ction nouvelle
de crédits notamment en faveur du logement social. Le hors bilan enregistre par ailleurs les
opérations de couverture et de marché sur des
instruments financiers à terme de taux d’intérêt,
de change
ou d’actions
53
.
2.2.2.2
Un compte de résultat reflé
tant une évolution structurelle de l’activité du fonds
d’épargne
Le compte de résultat du fonds d’épargne se présente d’une façon assez similaire au
compte de résultat d’un établissement de crédit, où l’indicateur représentatif de l’activité est le
produit net bancaire (PNB) résultant de la différence entre les intérêts perçus sur les encours de
prêts et les intérêts dus sur les dépôts, des produits et charges financières engendrés par le
placement des dépôts non transformés en crédits, et des commissions payées aux établissements
collecteurs de dépôts. Sur ce PNB sont imputés les charges d’exploitation conduisant à un
résultat brut d’exploitation, indicateur de la performance opérationnelle
, puis le coût du risque
(les pertes constatées sur des crédits en défaut) et les dotations ou reprises de provisions au
FRBG et aux provisions réglementées. Le résultat net ne tient pas compte du versement effectué
53
La comptabilisation des résultats sur ces instruments est fonction de l’intention de gestio
n.
0,0%
0,5%
1,0%
1,5%
2,0%
2,5%
3,0%
3,5%
4,0%
4,5%
5,0%
0
50
100
150
200
250
300
350
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
FRBG
capitaux propres
dettes et provisions
capitaux propres/dettes et provisions
(capitaux propres+FRBG)/dettes et provisions
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
41
à l’
État en rémunération de s
a garantie, ce versement n’étant pas systématiqu
e mais fonction
du résultat de
l’exercice.
Tableau n° 6 :
Compte de résultat du fonds d’épargne de 2015 à
2021
–
en M€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Intérêts et produits assimilés
5 043
4 295
3 991
4 478
3 505
3 096
4 554
Intérêts et charges assimilées
-4 048
-3 492
-3 044
-3 115
-3 320
-3 044 -3 162
Revenus des titres à revenu variable
505
589
493
542
626
402
1 003
Commissions (charges nettes)
-235
-224
-471
-325
-356
-333
-342
Gains ou pertes sur opérations des portefeuilles de
négociation
15
-25
-41
95
-43
11
-42
Gains ou pertes sur opérations des portefeuilles de
placement et assimilés
687
454
541
45
376
-396
466
Autres produits et charges d'exploitation bancaire
nets
-5
-7
-11
-13
-17
-24
-23
Produit net bancaire
1 962
1 590
1 458
1 707
771
-288
2 454
Charges générales d'exploitation
-135
-138
-140
-157
-152
-164
-169
Résultat brut d'exploitation
1 827
1 452
1 318
1 550
619
-452
2 285
Coût du risque
54
-26
-117
98
-1
13
-8
0
Résultat d'exploitation
1 801
1 335
1 416
1 549
632
-460
2 285
Résultat courant
1 801
1 335
1 416
1 549
679
-460
2 285
Dotations et reprises nettes
-718
-714
-766
-993
-267
670 -1 576
Résultat net
1 083
621
650
556
412
210
709
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
De 2015 à 2020, le PNB du fonds d’épargne a connu une diminution progressive, puis
rapide à partir de 2019 pour aboutir à un PNB négatif en 2020. Cette dégradation a toutefois
connu un retournement très fort en 2021 grâce aux obligations indexées et aux produits
financiers.
Prévisible depuis plusieurs années
55
et de nature structurelle, cette fragilisation du
modèle économique du fonds d’épargne
résulte du rétrécissement sévère de la marge
d’intermédiation (52 M€
en 2020)
et de l’affaiblissement des produi
ts financiers, alors que les
commissions, constituées quasi-
exclusivement de la commission d’accessibilité bancaire
versée à la Banque postale, ont progressé de près de 100
M€ (+
40 %).
Les revenus financiers du portefeuille ont sensiblement reculé entre 2015 et 2020
56
,
reflet, d’une part, de la diminution des rendements notamment obligataires et, d’autre part,
de
la volatilité du marché des actions ; ils sont même négatifs en 2020 à cause de moins-values
entraînées par la chute brutale au printemps
qui n’a pu être entièrement rattrapée en fin d’année
.
Ils ont enregistré un fort redressement en 2021.
Ces différentes évolutions conduisent à un résultat d’exploitation en diminution
constante entre 2015 et 2020, le résultat net 2020
n’étant
positif que grâce à une reprise sur le
54
Provisions pour crédits en défaut.
55
Cf. Cour des comptes,
Le fonds d’épargne
, référé, 2016.
56
Passant de 1
207 M€ en 2015 (revenus des titres à revenu variable + gains ou pertes sur opérations de
portefeuille) à 17 M€ en 2020 avant de remonter à 1
427 M€ en 2021.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
42
FRBG de 0,7 M€.
La situation s’est inversée en
2021, avec un PNB et un résultat
d’exploitation
de respectivement 2,4 Md€ et 2,3 Md€
, mais pour des raisons davantage circonstancielles que
structurelles, autorisant une dotation du
FRBG de 1,6 Md€
.
Graphique n° 13 :
La performance économique du fonds d’épargne de 2015 à
2021
–
en M€ (à
gauche) et en % (à droite)
57
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
La
rentabilité du fonds d’épargne est inférieure
à celle des établissements bancaires, ce
qui est cohérent avec sa mission d’intérêt général.
Tableau n° 7 :
PNB rapporté au total du bilan
–
en %
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
fonds d'épargne
0,8
0,6
0,5
0,6
0,3
-0,1
0,7
6 principaux groupes bancaires
2,2
2,1
2,1
2,1
2
1,7
1,6
autres groupes
1,5
1,6
1,6
1,6
1,5
1,4
nd
Source
: états financiers du fonds d’épargne, ACPR pour les données bancaires
La décomposition strictement comptable du PNB fait ressortir que les activités de prêts
et de trésorerie dégagent une marge négative qui doit être compensée chaque année par des
produits financiers, lorsque la situation des marchés financiers le permet.
57
Le ratio de performance économique a été calculé à partir du résultat d’exploitatio
n et non du résultat
net, ce dernier étant trop sensible aux dotations de provisions effectuées en fin d’exercice.
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
-1 000
-500
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
produit net bancaire
résultat d'exploitation
ratio résultat d'exploitation/capitaux propres hors FRBG
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
43
Graphique n° 14 :
Décomposition du PNB de 2015 à 2020
–
en M€
Source
: Cour des comptes, d’après états financiers du fonds d’épargne
Cette présentation comptable doit être nuancée par une présentation plus économique
conduisant à n’imputer sur les activités de prêts que leur quote
-part de charges
58
. Il en résulte
une nette amélioration de la marge sur prêts. Toutefois le tableau fourni par la CDC omet
d’imputer symétriquement
la quote-part de charges des activités financières, ce qui a conduit la
Cour à recalculer le résultat financier.
Tableau n° 8 :
Formation du résultat économique du fonds d’épargne –
en M€
2016
2017
2018
2019
2020
clé de répartition de la collecte (quote-part activité de prêts)
nd
69,6%
68,2%
65,3%
60,2%
Marge sur prêts
nd
527
884
460
1 082
Marge des activités financières
nd
431
683
-22
-985
Marge toutes activités
1 161
958
1 567
438
97
Résultat opérationnel (PNB)
1 590
1 458
1 707
771
-288
Résultat financier
1 786
1 888
1 806
1 429
-275
Clé de répartition de la collecte (quote-part activités financières)
nd
30,4%
31,8%
34,7%
39,8%
Résultat financier recalculé
nd
931
823
311
-1 370
Résultat courant
1 335
1 416
1 549
679
-460
Résultat net
621
650
556
412
210
Source :
Cour des comptes, d’après
Caisse des dépôts
La baisse de près de dix points de la quote-part des charges imputée aux activités de
prêts entre 2017 et 2020 contribue à l’amélioration de la marge sur
prêts. La déformation de
l’activité du fonds d’épargne permet de faire porter sur les activités financières une part
croissante du coût de la ressource conduisant à une marge sur activités financières et à un
résultat financier dégradés par rapport à la présentation fournie à la Cour.
58
Notamment le coût des dépôts répartis entre les activités de prêts à 60% et les activités financières à
40 % (chiffre 2020).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
44
La projection de la marge nette d’intérêt (MNI) qui est suivie périodiquement par les
instances de la CDC fait apparaître une évolution parallèle à celle du PNB. Après le creux de
2020 (MNI à 402
M€, insuffisante pour couvrir les frais d’exploitation et la commission à la
Banque postale), il est anticipé une remontée en 2021 à 1 Md€ grâce aux dividendes actions
puis une nouvelle diminution pour se stabiliser autour de 750 M€ de 2022 à 2029. Hors
dividendes actions, la MNI serait proche de zéro.
2.2.2.3
Une activité de crédit en ralentissement
Le rôle du fonds d’épargne consiste à transformer une épargne liquide
(quoique très
stable en fait) dont la rémunération est indexée sur le taux du livret A
59
et donc
l’inflation
et les
taux courts en emplois de long voire très long terme, rémunérés pour partie de manière variable
(prêts indexés sur le taux du livret A, obligations
indexées sur l’inflation
, actions) et pour une
autre de manière fixe (prêts à taux fixe mais refinancés, placements à taux fixe).
Tableau n° 9 :
Dépôts centralisés au fonds d’épargne –
en M€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Dépôts centralisés
236,0
235,2
243,0
251,2
261,2
283,5
296,1
Encours de crédit
176,4
182,4
185,1
188,5
190,0
191,9
193,0
Écart
59,6
52,8
57,8
62,7
71,2
91,6
103,2
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
Entre 2015 et 2021, si
le total des dépôts centralisés au fonds d’épargne a crû de
25 %,
les
encours de crédits n’ont progressé que
de 9 %
, l’excédent de ressources atteignant
103
Md€
au 31 décembre 2021.
Les encours de crédits connaissent de plus une diminution progressive de leur
rendement moyen du portefeuille de prêts, comme pour l
’ensemble du secteur bancaire.
Tableau n° 10 :
Rendement des prêts en % des encours moyens
2016
2017
2018
2019
2020
Rendement des prêts
du fonds d’épargne
(yc provisions pour risques et ch. et
hors coût du risque)
1,6
1,5
1,6
1,4
1,4
Rendement moyen des crédits secteur bancaire français
nd
nd
2,7
2,6
2,3
Source : Caisse des dépôts ; ACPR pour données bancaires
Les prêts au logement social sont indexés sur le taux du livret A, mais la marge en sus
a eu tendance à se réduire pour permettre à la CDC de rester compétitive, le taux du livret A ne
pouvant passer sous le taux plancher ; les prêts déficitaires accordés pour des programmes très
sociaux engendrent par ailleurs une charge croissante (provisions de 2,6 Md€ en
2021 contre
1,6 Md€ en 2015
60
), ce qui montre qu
’il existe une limite économique à la baisse des taux de
s
crédit.
59
Une partie d
e la ressource du fonds d’épargne correspondant à la part centralisée du LEP, certes limitée
dans l’encours total (19,5 Md€ fin 2020), est toutefois rémunérée à un taux sensiblement supérieur (2% depuis le
1
er
février 2022), ce qui pèse sur la marge d’inte
rmédiation.
60
Soit un taux de provisionnement pour prêts déficitaires passé de 1,1 à 1,5 % de l’encours de prêts.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
45
Cette contrainte de compétitivité a conduit la Banque des territoires à proposer des prêts
à taux fixe financés sur des ressources alternatives et moins chères provenant de la section
générale de la CDC ou
d’institutions
financières européennes (Banque européenne
d’investissement, Banque de développement du Conseil de l’Europe). L’offre de crédit de la
Banque des territoires a pu ainsi regagner en compétitivité, mais en laissant une part plus
importante de ressources
placée en actifs financiers faute de l’
utiliser
pour l’activité de prêts.
La production nouvelle de crédits toutes catégories confondues (crédits d’équipement,
crédits au logement social et à la politique de la ville, crédits divers) a reculé d’un tiers entre
2016 et 2021. La baisse est moins prononcée pour les crédits au logement social et à la politique
de la ville (- 25
%) que pour les crédits d’équipement
aux collectivités locales (- 68 %). En
2021, le solde entre la production de crédits nouveaux
(11,8 Md€) et les remboursements de
crédits arrivé
s à échéance (10,8 Md€) est de seulement 1 Md€
, niveau le plus bas de la période
2016-2021.
La lente érosion de la part de marché de la Banque des territoires qui en résulte (77 %
des encours de prêts aux organismes de logement social en 2015, 74 % en 2019
61
) illustre la
contrainte de compétitivité qui pèse sur l’activité de prêt du fonds d’épargne. Pour autant,
il est
possible que cette diversification des origines de financement du logement social se ralentisse.
En effet, elle a concerné principalement de grands organismes de logement social et son
extension à des organismes de taille plus réduite peut se révéler moins aisée pour la
concurrence. Le réseau de proximité de la Banque des territoires peut contribuer au maintien
d’une relation privilégiée avec de nombreux organismes sur l’ensemble du territoire. Par
ailleurs, la Banque des territoires a instauré dans ses nouvelles offres de prêt des indemnités
pour remboursement anticipé de façon à dissuader le recours à des financements concurrents.
Enfin ses prêts ont un avantage spécifique avec
l’exonération de la moitié de la taxe foncière
sur les nouveaux logements sociaux construits.
2.2.2.4
Une
gestion d’actifs
en croissance mais nécessairement prudente
La gestion d’actifs représente une part croissante du fonds d’épargne.
61
Données issues des bilans agrégés des organismes de logement social (source : ministère chargé du
logement).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
46
Graphique n° 15 :
Évolutions
comparées de l’encours de crédits et du portefeuille financier –
en M€
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne
La situation récente a accentué cette tendance,
le surcroît d’épargne
de 2020-2021 ayant
conduit à devoir accroître le portefeuille financier et le compte courant à la CDC.
Graphique n° 16 :
L’utilisation du surcroît d’épargne
en 2020-2021
–
en M€
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne
Une gestion active du portefeuille financier est nécessaire aux équilibres du fonds
d’épargne. Elle permet d’
assurer à tout moment la liquidité et de préserver le résultat dans un
contexte de resserrement de la marge sur intérêt. Cela implique de prendre en compte des
contraintes spécifiques et induit une gestion globalement prudente.
Les titres détenus sont majoritairement émis par des entités publiques, en particulier des
titres souverains dont une bonne part de titres de dette de l’
État (obligations et bons du Trésor),
puis des obligations de grandes entreprises ou de grandes banques, enfin des actions mais pour
une part limitée compte tenu des contraintes de protection du capital qui s’imposent au fonds
d’épargne.
Ce sont majoritairement des titres à revenu fixe, ce qui est une contrainte pour la
0
50
100
150
200
250
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
encours de crédits
portefeuille financier
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
18 000
20 000
accroissements des encours
de crédit
accroissement du
portefeuille financier
accroissement compte
courant section générale
CDC
2020
2021
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
47
gestion actif-passif. Les portefeuilles sont gérés dans une optique de long terme et pour
l’essentiel en gestion directe et active. Les enjeux environnementaux, sociaux et de
gouvernance (ESG) sont intégrés au pr
ocessus de gestion de l’ensemble de ces portefeuilles
62
.
Les règles relatives aux
décisions d’investissement/désinvestissement
fixent un cadre de
délégation formalisé avec une comitologie commune à la section générale et au fonds d’épargne
qui n’appelle pas
d’observation.
Tableau n° 11 :
Les actifs financiers du fonds d’épargne par catégories de titres –
en Md
€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Effets publics et valeurs assimilées
44,0
43,0
46,9
49,3
56,7
68,0
83,0
Obligations et autres titres à revenu fixe
18,7
15,2
19,2
22,0
26,3
30,3
31,4
Actions et autres titres à revenu variable
12,4
11,9
12,1
12,5
12,9
13,3
15,1
Total
75,1
70,1
78,2
83,8
96,0
111,6
128,4
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne
La place des titres souverains, et particulièrement des titres souverains français, est
prédominante. Les actifs détenus sont de grande qualité, comme le montre la notation qui est
au minimum AA pour 71% des titres (en valeur), situation peu changée par rapport à 2015.
Tableau n° 12 :
Allocation d’actifs financiers au 31 décem
bre 2020
–
en %
fonds d'épargne
placements des assureurs
Titres souverains français
45
19
Autres titres souverains
7
nd
Autres placements obligataires et monétaires
23
22
Actions cotées françaises
10
9
Autres actions
ɛ
nd
Trésorerie
5
nd
Créances sur établissements de crédit à terme
9
nd
Comptes de régularisation
2
nd
Total
100
Source
: Cour des comptes, d’après états financiers sociaux du fonds d’épargne
et fédération française
de l’assurance
L
’apparition depuis 2021 de valeurs hors zone euro, comme le permet un arrêté
ministériel d’août 2020,
permet certes de diversifier les risques mais entraîne aussi une
contrainte en termes de gestion actif-passif puisque ces valeurs sont dans des devises autres que
l’euro
. La gestion du risque de change
63
permet de limiter fortement l’impact sur le résultat
.
Le niveau des plus ou moins-values latentes renseigne sur la richesse potentielle et
l’espoir de résultats futurs
.
62
Cf. bilan de l’investissement
responsable :
07/21%20041-Bilan-investissement-responsable-2021.pdf
63
Les opérations de couverture étant comptabilisées en hors bilan.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
48
Graphique n° 17 :
Analyse du portefeuille financier du fonds d'épargne
–
en Md€ et en %
Source
: états financiers du fonds d’épargne
Si, en montant, le niveau de plus-values latentes
s’est reconstitué depuis 2018 et atteint
12,7
Md€ au
31 décembre 2021, il a régressé en pourcentage de la valeur nette comptable entre
2015 et 2021
64
, à l’inverse de la section générale de la CDC dont le taux de plus
-values latentes
a, au contraire, progressé
65
. Cette situation peut avoir deux explications
: d’une part,
une
politique de placement dans des titres moins risqués mais aussi moins susceptibles de se
valoriser, d’autre part,
une consommation opportuniste des plus-values latentes dans le cadre
du pilotage du résultat, le cumul de ces deux phénomènes pouvant aboutir, dans une certaine
mesure, à une forme «
d’appauvrissement
» à long terme. De fait, la consommation des plus-
values latentes a représenté de 2015 à 2020, sauf en 2018, entre 30 et 40 % du PNB, puis 19 %
en 2021.
Tableau n° 13 :
Les réalisations de plus-
values du fonds d’épargne –
en M€
et en %
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Gains ou pertes sur opérations des portefeuilles de
placement et assimilés (plus-values + provisions)
687
454
541
45
376
-396
466
en % du PNB
33
29
37
3
49
ns
19
Source : états financiers sociaux du fonds
d’épargne
En dépit d’une gestion
active mais nécessairement prudente, le rendement des actifs
financiers a sensiblement reculé de 2016 à 2020 ; les chiffres 2021 ont enregistré un net rebond
plus conjoncturel que durable. Comparé au rendement du
portefeuille titres de l’ensemble du
secteur bancaire, le rendement du fonds d’épargne est sensiblement inférieur, ce qui peut
s’expliquer par une structure d’actifs différente.
64
Tandis que le niveau des dépréciations s’est lui nettement amélioré (c’est
-à-dire a reculé), passant de -
2,5 % en 2015 à -1,6 % au 30 juin 2021 (une perte importante ayant il est vrai été passée dans les comptes 2020).
65
22 % en 2020 contre 13 % en 2015.
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
valeur nette comptable
plus ou moins-value latente
% de plus ou moins-value latente
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
49
Tableau n° 14 :
Rendement des encours moyens d’actifs financiers gérés –
en %
2016
2017
2018
2019
2020
Rendement des actifs financiers yc PMV et couverture (hors
frais de négo) et yc provision
2,1
2,3
2,0
1,5
-0,2
Id. mais hors résultat de macro-couverture et de trésorerie
2,5
2,4
2,0
1,7
0,1
rendement du portefeuille-titres secteur bancaire français
nd
nd
2,4
5,5
1,4
Source : Caisse des dépôts ; ACPR pour données du secteur bancaire
2.2.2.5
Une trésorerie en croissance sensible
Avec 7
Md€ au
31 décembre 2021, les comptes courants à la CDC représentent 2,4 %
du total des dépôts centralisés.
Pour des raisons de gestion, le fonds d’épargne a tous ses
comptes courants à la CDC, qui le traite comme tous ses autres clients. Rien ne précise dans la
convention de gestion du fonds d’épargne que ses disponibilités doiv
ent être déposées sur des
comptes courants à la CDC.
Ce point mériterait d’être explicité et justifié.
2.2.2.6
Le modèle prudentiel et le contrôle des risques
Le modèle prudentiel du fonds d’épargne
est défini comme un dispositif interne
d’identification, de mesur
e, de gestion et de pilotage des risques auxquels le fonds est exposé.
Il consiste à réaliser une évaluation deux fois par an des besoins en fonds propres (BFP)
66
avec
les objectifs suivants :
-
d
éterminer le niveau du prélèvement de l’
État au titre de la rémunération de sa garantie,
calibré de telle façon que le niveau des fonds propres soit toujours supérieur au total des
fonds propres économiques ;
-
s
’assurer de l’adéquation du niveau des fonds propres aux risques et prendre des
mesures correctrices le cas échéant ;
-
piloter les investissements du
fonds d’épargne.
Le modèle prudentiel est
régulièrement actualisé pour tenir compte d’un nouveau
scénario
(choc de taux, choc actions, etc.) ou d’une évolution dans l’appétit au risque
. La
direction financière du f
onds d’épargne
(DFFE) utilise des modèles internes sur le risque de
crédit (modèles élaborés par la DRG), sur le risque de taux (modèle élaboré par la DFFE) et sur
le risque de liquidité
67
.
L’appréciation de la soutenabilité du modèle de l’épargne réglemen
tée dépend des
différents scenarios
d’évolution des taux
: la poursuite de la situation actuelle inchangée, de
moins en moins probable à mesure que se renforcent les anticipations inflationnistes et les
pressions pour une remontée des taux ; une hausse rap
ide et sensible de l’inflation suivie mais
avec retard d’une remontée des taux
; une remontée progressive, relativement maîtrisée et
concomitante de l’inflation et des taux. Ces différents scénari
os sont modélisés, le récent
66
Le BFP économique est calculé sur cinq ans. Les projections sont réalisées en intégrant des scénarii
d’évolution
des variables macro-
économiques, des variables de marché ainsi que les scénarios d’activité cohérents
de collecte de dépôts et de production des prêts.
67
Géré et encadré par le processus ILAAP (
Internal Liquidity Adequacy Assessment Process
), en français
Évaluation de l’adéquation du niveau de liquidité
.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
50
rapport de l’ACPR sur le fonds d’épargne mettant en exergue les conséquences possibles pour
le fonds d’épargne.
La sensibilité de la marge nette d’intérêt (MNI) a été modélisée autour de quatre
scénarios : +/- 0,50 % sur les taux nominaux et +/-
0,50 % sur l’inflation par rapport au scé
nario
central. Les résultats font apparaître un redressement significatif en cas de remontée des taux
mais de baisse simultanée de l’inflation, un redressement plus modeste en cas de remontée
simultanée des taux et de l’inflation, mais une baisse de la MNI
sous le seuil de la rentabilité
en cas de baisse des taux que l’inflation remonte ou qu’elle baisse également.
Différents
stress
ont été testés sur une douzaine de scénarios ; tous montrent une grande
sensibilité à des hypothèses sur les taux et
l’inflation mais celles
-ci pourraient être invalidées si
les niveaux réels constatés étaient nettement supérieurs
68
. Au 31 décembre 2020, le BFP
économique est calculé à 12,1 Md€ pour un
niveau effectif de fonds propres à 11,7
Md€
, soit
une insuffisance de 0,415
Md€ conduisant l’
État à ne pas effectuer de prélèvement et à autoriser
une reprise de provision du FRBG. Sur l’année 2020, le
BFP total a augmenté
de 318 M€
principalement du fait du risque global
de taux (+183 M€)
et du risque actions (+124 M€).
Le
BFP lié au risque de crédit
69
représente 48% du total, à moitié sur prêts et titres de dettes et
l’autre moitié sur le risque
actions. À
l’inverse, le niveau de fonds propres disponibles s’est
dégradé de 460 M€ par rapport à 2019.
Tableau n° 15 :
Besoins en fonds propres au 31 décembre 2020
–
en Md€
BFP réalisé 2019
BFP réalisé 2020
11 754
12 071
Pilier 1
5 836
5 988
risque de crédit :
5 684
5 875
Prêts
2 031
2 012
Titres
871
957
Actions
2 782
2 906
risque opérationnel
149
109
Pilier 2
5 917
6 083
Risque global de taux
5 552
5 736
Risque de concentration
365
347
Fonds propres disponibles
12 116
11 656
Résultat après provisions (avant ajustement FRBG)
679
-460
Excédent (+) ou déficit (-) de fonds propres
362
-415
Source : Caisse des dépôts
Au 31 décembre
2020, le ratio de solvabilité s’établit à 13,65
% contre 14,41 % en
2019 ; cette diminution est liée
, d’abord, à la baisse des fonds
propres CET1
70
et, pour un impact
68
L’inflation annualisée est de 2,8% en France en décembre 2021 (contre une hypothèse dans les stress
tests à 1,3%, soit au pire 2,3% en cas de remontée de 100 points de base.
69
C’est
-à-dire au risque de contrepartie sur les prêts, les titres et les actions.
70
Common equity tier 1
. Mesure de la solidité du capital d’une banque (solvabilité) par rapport à ses
actifs, introduite en 2014 (Bâle III). Comme tous les actifs ne présentent pas le même risque, les actifs acquis par
une banque sont pondérés en fonction du risque de crédit et du risque de marché que présente chaque actif. Il est
attendu de tous les établissements qu’ils atteignent un ratio de 4,5% en 2019.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
51
moindre, à la hausse des actifs pondérés par le risque ou RWA
71
(principalement sur le risque
de crédit). Pour autant, le ratio est très au-dessus des
minima
réglementaires.
Le suivi des risques de concentration nominale, sectorielle et géographique
72
donne lieu
à un dispositif complémentaire (suivi semestriel fondé sur une vision économique des risques).
Bien que le portefeuille soit majoritairement exposé sur les OLS (50 %
de l’exposition par
groupe de contrepartie), le segment du prêt au logement social consomme peu de fonds propres
(10 % du montant total). Il en est de même pour le segment des souverains qui connaît une
hausse de son exposition depuis décembre 2018 (21% mais une consommation de seulement
4 % des fonds propres
grâce à la pondération à zéro des titres d’
État). Enfin, avec 7 % des
encours, le besoin de fonds propres des titres de grandes entreprises (
Corporates
) représente
49 % du besoin en fonds propres, du fait notamment du poids des actions et de leur pondération.
Les actifs financiers représentent en réalité une part prépondérante et globalement croissante
du BFP (risque de crédit titres et actions, risque global de taux, une part du risque de
concentration). L
a déformation de l’activité du fonds d’épargne au profit de la gestion d’
actifs
exerce donc une contrainte forte qui pose question
, sauf à n’ac
heter que des titres souverains
pondérés à zéro mais faiblement rémunérés. Enfin, certaines contreparties individuelles font
l’objet d’un suivi particulier en raison de leur taille ou de leur degré de risque.
2.2.2.7
Le risque de liquidité et la sur-centralisation
Le maintien constant d’un niveau de liquidité suffisant pour permettre au fonds
d’épargne de faire face à d’éventuels retraits
nets de dépôts supérieurs à la norme habituelle, à
une augmentation des encours de prêts, ou encore à une baisse de la valeur des actifs financiers
constitue un élément essentiel de la sécurité
du processus de transformation d’une épargne sur
livrets disponible à tout moment pour l’épargnant en emplois de long voire de très long terme.
L
a direction du fonds d’épargne suit la liquid
ité du fonds au travers de plusieurs indicateurs à
date et prospectifs.
Les dispositions légales conduisent à suivre deux ratios
, l’un définissant un seuil
minimal de ressources par rapport aux emplois de 125
%, l’autre un seuil d’alerte fixé à
135 %,
leur activation pouvant conduire à activer la sur-centralisation. Le niveau actuel du ratio effectif
(174 % en 2021, 189
% d’ici à 2026) ne suscite aucune alarme
. Les ratios « bâlois » de liquidité
affichent eux aussi des résultats très au-delà des seuils
minima
.
2.2.3
Un modèle économique sous contrainte
L
’activité
et la gestion des risques de bilan sont contraintes par le cadre de gestion et
par l’importance des interventions
de l’
État au travers de décisions rendues plus complexes par
le niveau des taux d’intérêt
. L
e modèle économique du fonds d’épargne doit également prendre
en compte des charges et des prélèvements sur lesquels il peut exister, sous certaines conditions,
des marges de manœuvre.
Les coûts du fonds d’épargne sont principalement composés des rémun
érations sur les
dépôts. Du fait de la baisse des taux des livrets au cours de la période 2015-2021, celles-ci ont
71
Risk-weighted assets
.
72
Risque découlant de la concentration sur une seule contrepartie, un seul secteur ou un seul État.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
52
reculé globalement de 24,4 %, la baisse plus forte de la rémunération du LEP
s’expliquant
par
le recul des dépôts centralisés. En revanche, l
e complément d’intérêt versé aux réseaux
bancaires distributeurs (qui peut en réalité s’assimiler à une commission de distribution) a
diminué deux fois moins vite (en dépit de la diminution du taux à 0,30 %) et pèse donc
proportionnellement plus.
Tableau n° 16 :
Rémunérat
ion des dépôts par le fonds d’épargne de 2015 à
2021
–
en M€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Évolution
2015-2021
Livret A, LDDS
1 891
1 602
1 624
1 687
1 771
1 309
1 355
-28%
LEP
372
348
272
267
250
200
195
-48%
Total intérêts déposants
2 263
1 950
1 896
1 954
2 021
1 509
1 550
-31%
Complément d
’
intérêt versés aux réseaux
993
766
750
775
804
852
912
-8%
Total
3 256
2 716
2 646
2 729
2 825
2 361
2 462
-24%
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
I
l convient d’ajouter à la rémunération des dépôts la commission d’accessibilité
versée
à la Banque Postale (338
M€ en
2021
) et les charges d’exploitation refacturées par la CDC
(169
M€)
qui enregistrent une progression sensible.
Tableau n° 17 :
Coût de la ressource et ch
arges d’exploitation du
fonds d’épargne –
en M€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Évolution 2015-2021
Rémunération des dépôts
3 256
2 716
2 646
2 729
2 825
2 361
2 462
-24%
Commission d'accessibilité
versée à La Banque postale
235
225
470
320
350
330
338
+44%
Charges d’exploitation
135
138
140
157
152
164
169
+25%
Total
3 626
3 079
3 256
3 206
3 327
2 855
2 969
-18%
Source
: états financiers sociaux du fonds d’épargne (rapport financier CDC)
L
es charges d’exploitation, constituées pour l’essentiel de frais refacturés par la section
générale, ont augmenté de 25 % entre 2015 et 2021.
Tableau n° 18 :
Les charges d’exploitation du fonds d’épargne –
en milliers d’€
2016
2017
2018
2019
2020
répartition en %
Charges directes
34 967
30 876
8 639
7 922
8 182
5%
Masse salariale (a)
32 284
28 483
8 149
7 242
7 496
5%
Autres charges
2 289
1 925
197
463
468
0%
Dotations amortissements
395
468
293
217
219
0%
Charges indirectes (b)
43 590
41 762
10 933
13 927
14 280
9%
SGG (y compris charges semi-
directes)
11 330
11 408
3 279
5 496
5 554
3%
SGG informatique
32 259
30 355
7 655
8 430
8 726
5%
Prestations achetées (c)
63 486
71 519
132 668
135 751
137 185
84%
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
53
DFIN
6 140
5 485
5 957
6 337
6 404
4%
DEOF
3 969
4 554
4 178
5 028
5 081
3%
BDT
53 377
60 228
119 122
119 543
120 806
74%
GDA
0
1 251
3 411
4 842
4 893
3%
Prestations vendues
-4 299
-4 727
-20
-23
0
0%
ACPR
1 200
1 200
1 300
1 200
4 400
3%
Total des charges d'exploitation
138 000
140 456
157 117
151 830
164 048
100%
Source : Caisse des dépôts
Les charges ACPR en représentent une part croissante (3 %), mais elles ne peuvent
expliquer à elles seules cette augmentation.
Le ratio des charges d’exploitation sur
PNB (excluant la rémunération des réseaux
distributeurs) s
’
est dégradé de 2016 à 2020,
le chiffre de 2019 s’expliquant avant tout par la
chute du PNB et celui de 2020 par un PNB négatif
; en 2021, ce ratio s’améliore fortement et
passe sous le niveau des année
s 2016 à 2018. Ces variations s’expliquent avant tout par la
volatilité du PNB. L’essentiel des charges étant désormais constitué de charges refacturées, il
est difficile d’identifier avec précision l’évolution des grands postes de dépenses, et en
particul
ier l’évolution des dépenses informatiques
.
Tableau n° 19 :
Les charges d’exploitation rapportées au PNB –
en %
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Charges d’exploitation/PNB
8,7
9,6
9,2
19,7
NS
6,9
Source : Caisse des dépôts
La section générale dans son ensemble assure pour le compte du fonds
d’
épargne et lui
refacture :
•
des prestations bancaires : centralisation de la trésorerie, traitement numéraire,
intermédiation et gestion pour les opérations de marché ;
•
des prestations administratives : mise à disposition de moyens, en personnel et en
matériel notamment.
La
DFE comptabilise un coût de gestion estimé pour l’année en cours ainsi qu’une
régularisation correspondant à l’écart entre le montant comptabilisé au titre de l’exercice
précédent et le coût de gestion réel qui n’est connu qu’au semestre suivant.
Depuis la
réorganisation
de l’établissement public
, le fonds
d’
épargne constitue un « tiers » (ou client)
pour le calcul des coûts.
À la suite des observations de la DGT, un comité de pilotage de la facturation au fonds
d’épargne
a été mis en place en octobre 2019 pour valider la facture estimée puis réelle. Toute
évolution significative des coûts facturés ou modification d’imputation des coûts est soumise à
l’instance
de validation avant facturation. En 2019, dans le cadre de la centralisation des
« fonctions supports métiers », le service ressources humaines et le service des risques des
métiers ont rejoint la direction des ressources humaines et la direction des risques du groupe.
Par ailleurs, le périmètre pris en compte pour le calcul des coûts s’est élargi par l’incorporation
d’activités de la
direction des risques ainsi que de la direction juridique et fiscale ; les charges
de ces activités sont désormais réallouées aux différents métiers. Les coûts sont ventilés selon
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
54
la méthode dite ABC (
Activity Based Costing
). Chaque métier qui assure une prestation pour le
compte du fonds
d’é
pargne a ses propres règles de calcul et identifie ainsi des ressources sur
des activités qui elles-mêmes
utilisent des inducteurs pour répartir sur les clients.
Les charges d’exploitation facturées au fonds d’épargne
fin 2019 (155,4
M€
) ont fait
l’objet, à
titre exceptionnel,
d’une décision de
remboursement de 3,6 M€ correspondant
à la
régularisation de 2017 qui avait pesé sur le montant 2018
73
.
Pour 2020 et les exercices suivants, la CDC a prévu de maintenir une trajectoire de coûts
en ligne avec l’évolution budgétaire de l’
établissement public
à laquelle il conviendra d’ajouter
la refacturation des dépenses particulières occasionnées par la mise en conformité ACPR, la
modernisation des systèmes d’information ou tout autre élément spécifique lié à l‘activité du
fonds d’épargne
.
L’état d’avanceme
nt des actions engagées pour améliorer la comptabilité
analytique au sein de l’établissement public est suivi en commission de surveillance. Il
importera que ces travaux aident à expliciter les coûts refacturés au fonds d’épargne.
Finalement, en dépit des contraintes exogènes et endogènes qui pèsent sur le fonds
d’épargne, la principale marge de manœuvre dont dispose l’
État réside dans la détermination
du niveau du prélèvement destiné à couvrir chaque année le coût de la garantie de passif dont
le fonds d’é
pargne bénéficie.
La garantie de l’
É
tat est définie par l’article 120 de la loi n°
2008-1443 du
30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. Elle couvre les sommes déposées par les
épargnants sur les livrets ainsi que les intérêts afférents à ces sommes, dans la limite de 50 000
€
par déposant et par établissement où sont déposées ces sommes, soit un seuil nettement
supérieur au montant maximum qu’une personne peut légalement détenir
74
. La gratuité ainsi
accordée sur l’ensemble des encours représente un avantage pour les établissements bancaires,
alors qu’elle est
en général
rémunérée s’agissant de la part centralisée. S
i cette garantie est
appelée, l’
État peut obtenir le remboursement de la part non centralisée par le fonds de garantie
des dépôts et de résolution (FGDR) ; pour la part centralisée, l’
É
tat bénéficie d’une créance
directe sur le f
onds d’épargne
75
.
Le passif du f
onds d’épargne
(contrepartie des créances détenues par les établissements
correspondant à l’épargne centralisée) bénéficie également
d’une garantie de l’
État. Celle-ci
fait l’objet d’une rémunération fixée chaque année par
décret après avis de la commission de
surveillance.
L’usage veut que l’
É
tat prélève l’excédent de fonds propres du
f
onds d’épargne,
ce qui signifie
qu’il
abandonne la rémunération de sa garantie lorsque le f
onds d’épargne doit
faire face à une augmentation importante de son besoin en fonds propres ou lorsque son résultat
ne pe
rmet pas de couvrir le besoin en fonds propres. Cette garantie n’ayant jamais été mise en
œuvre, son coût réel est donc nul, et ne fait pas l’objet d’un provisionnement
76
. Par ailleurs,
l’actif du fonds d’épargne est également couvert par des garanties publ
iques pour ce qui
concerne les prêts aux OLS dont les collectivités locales se portent garants sauf incapacité
financière
77
. Ces différentes garanties offrent un cadre très protecteur.
73
Cette remise a été déduite de la facture 2019 soit 155,4 M€
-
3,6 M€ = 151,8 M€. La progression
2018/2019 est donc limitée à 1,1%.
74
Par exemple, la détention concomitante d’un
livret A et d’un LDDS fixe le plafond par personne à
34
950 €. Même en tenant compte des intérêts capitalisés, on reste éloigné du plafond de 50
000
€.
75
L’
État est subrogé dans les droits de l
’
établissement à l
’
égard du fonds d
’
épargne
76
Mais elle est inscrite en hors-
bilan (de même que la garantie globale sur l’ensemble de l’épargne
réglementée).
77
La caisse de garantie du logement social (CGLS) se substituant alors à la collectivité locale.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
55
Tableau n° 20 :
Les prélèvements sur le
fonds d’épargne versé
s
à l’
État
–
en M€
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Prélèvement au titre des résultats N (prélèvement réalisé en N+1)
618
575
543
0
0
310
Commission complémentaire LBP : charge comptabilisée en N au
titre de N
225
340
320
350
330
338
Commission complémentaire LBP : charge comptabilisée en N au
titre de N-1
130
Commission complémentaire LBP : total charge comptabilisée en N
225
470
320
350
330
338
Fonds d’épargne –
TOTAL
843
1 045
863
350
330
648
Source : Caisse des dépôts
Le prélèvement proprement dit (1
ère
ligne du tableau n° 20) ne constitue pas une charge,
mais est calculé après le résultat. Il
n’apparaît donc pas
dans les comptes mais correspond à un
simple flux de trésorerie
. Sa nature exacte n’est pas clairement établie. S’il doit être considéré
comme
une rémunération de garantie, il devrait être calculé par rapport à l’encours des dépôts,
être versé tous les ans et comptabilisé en charge
, alors qu’il est en réalité fixé en fonction de
l’écart entre le niveau de fonds propres et le besoin de fonds propr
es calculé, ce dernier, comme
évoqué plus haut,
étant sensible d’abord au niveau des actifs (notamment financiers) et des
risques attachés. C’est pour préserver le niveau de fonds propres que l’
É
tat n’a effectué aucun
prélèvement en 2019 et en 2020. Le caractère discrétionnaire de sa fixation et son traitement
comptable font donc plutôt penser à un dividende sur résultat.
2.3
Au total, une épargne qui finance l’économie
Les informations sur l’emploi de l’épargne réglementée contenues dans le rapport
annuel de la Banque de France présentent de manière séparée la part non centralisée et la part
centralisée au fonds d’épargne.
Si
l’on se place du point de vue de l’épargnant, il est intéressant
de présenter les emplois détaillés
d’un livret d’épargne, qu’ils rés
ultent
d’une transformation
par l’établissement bancaire ou par le fonds d’épargne.
La présentation schématique indiquée
ici constitue un exercice théorique car elle agrège des données reconstituées pour ce qui
concerne la part décentralisée (comme vu en § 2.1.) avec des données de bilan du fonds
d’épargne
pour ce qui concerne la part centralisée. Elle repose par ailleurs sur une hypothèse
de centralisation de 59,5 %, qui est également une simplification.
I
l est supposé que l’épargnant
-type dispose sur son livret A
d’une somme
de 20 000
€
qui contribue, par le biais de la transformation par
l’
établissement bancaire et par le fonds
d’épargne
, au financement
de secteurs très divers de l’économie
78
.
Tableau n° 21 :
Utilisation de 20
000 € déposés sur un livret A –
en €
et en % (estimation théorique)
Prêts aux petites et moyennes entreprises
6 480
32%
Prêts au logement social
6 022
30%
Titres souverains français
2 247
11%
Autres titres obligataires et monétaires
1 152
6%
78
Ces chiffres étant en deçà de l’ensemble des
financements bancaires octroyés aux cibles concernées.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
56
Divers (trésorerie, créances diverses)
1 193
6%
Prêts au secteur public local
838
4%
Prêts pour la transition écologique
810
4%
Actions
508
3%
Prêts à l’économie sociale et solidaire
405
2%
Autres titres souverains
344
2%
Total
20 000
100%
Source
: Cour des comptes, d’après états financiers sociaux du fonds d’épargne et fédération bancaire française
(données 2020)
Près des trois quarts (72 %) des ressources du livret A contribuent à financer des crédits
aux petites et moyennes entreprises (PME) pour 32 %, au logement social pour 30 %, au secteur
public local pour 4 %, au secteur de la transition écologique également pour 4
%, à l’économie
sociale et solidaire pour 2 %. Le livret A finance par conséquent de larges secteurs de
l’économie et en premier lieu les PME
; une même analyse du LDDS donnerait une part plus
importante de prêts aux PME
79
.
Le quart restant est placé
, via le fonds d’épargne,
sur différents supports
financiers : titres souverains français (11 %)
, titres souverains d’États étrangers
(2 %), titres
obligataires ou monétaires de grandes entreprise (6 %), enfin actions (3 %).
La comparaison de la
répartition de l’épargne déposée sur un livret A avec
celle de
l’ensemble des ressources des banques
montre des similitudes assez fortes et quelques
différences (graphique n° 18). Tout en conservant sa fonction première de financement du
logement social, le livret A a diversifié ses emplois à la faveur notamment de la banalisation de
2009 et contribue assez largement, comme l’ensemble des dépôts et livrets bancaires, au
financement d
e l’économie.
79
La part non centralisée étant utilisée exclusivement à 80 % pour du crédit aux PME.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
57
Graphique n° 18 :
Comparaison entre la répartition des actifs des six principaux groupes bancaires
français et la répartition des emplois du livret A
–
en % en 2020
Source
: Cour des comptes, d’après fédération bancaire française, ACPR et fonds d’épargne (pr
êts aux
entreprises : prêts aux sociétés non financières pour les banques, prêts aux PME pour le livret A)
Cette comparaison théorique doit être interprétée avec précaution car elle repose sur des
agrégats qui ne sont pas homogènes
80
.
Il n’en demeure pas moins que la structure d’emploi du
livret A est en définitive assez proche de celle des bilans bancaires, avec certes une part de prêts
plus élevée mais à l’inverse une part de trésorerie plus faible, et une part d’actifs financiers
relativement comparables (environ un quart des emplois) mais alloués différemment
81
.
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
Le modèle économique de l’épargne
réglementée est celui de la transformation bancaire
des dépôts en crédits, mais avec quelques particularités et contraintes propres.
En ce qui concerne la part décentralisée
, un point d’équilibre semble avoir été trouvé
entre les établissements bancaires treize ans après la banalisation du livret A. Pour ces
établissements, cette ressource présente des avantages non négligeables même si son coût, plus
lent à s’adapter à la réalité de marché et bloqué à la baisse par le
taux plancher du livret A,
pè
se sur les marges dans un contexte de taux d’intérêt faibles. Les règles d’emploi fixées par
80
La part des prêts au logement social dans le bilan des banques, qui ne figure pas dans les chiffres de
l’ACPR, a été calculée à partir des données de bilan 2019 des organismes de logement social (source
:
Les
organismes de logement social - chiffres clés
, édition 2019)
81
Une part de titres de dettes, et probablement de dette souveraine, plus élevée dans le cas du livret, à
l’inverse une part d’autres actifs notamment d’actions moins élevée
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Trésorerie
Titres de dette
détenus
Prêts et
avances
dont prêts aux
entreprises
dont prêts
logement
social
Divers
(dérivés,
créances à
terme)
Autres actifs
Bilans des 6 principaux groupes bancaires
livret A
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
58
le législateur sont respecté
es, même si elles s’avèrent en définitive peu contraignantes et
impossibles à suivre précisément du fait de la fongibilité des ressources dans les bilans
bancaires.
L’épargne réglementée conservée dans les bilans bancaires contribue bien au
financement des secteurs visés par le législateur et ne
représente même qu’une partie
minoritaire des concours bancaires octroyés à ces secteurs.
S
ans qu’il soit nécessaire de
procéder à des changements de règles dont la portée est en fait limitée, la poursuite des travaux
de fiabilisation des statistiques d’emploi des fonds est nécessaire, en attendant les avancées qui
devraient résulter de la mise en œuvre de la taxonomie
européenne.
La part centralisée au fonds d’épargne géré par l
a CDC obéit à un cadre de gestion
con
trôlé par l’
État et soumis à des contraintes politiques, juridiques et économiques
particulières visant, d’une part, à garantir sa solidité, d’autre part, à orienter la ressource vers
des emplois d’intérêt général. Si la structure bilantielle
reste solide,
le fonds d’épargne subit
un recul sensible de sa rentabilité du fait de la situation des taux d’intérêt et de la pression
exercée sur la marge d’intermédiation. L’écart qui se creuse entre des ressources relativement
dynamiques et des encours de prêts en faible progression conduit à un fort accroissement de la
part des actifs financiers, entraînant
une déformation de l’activité du fonds d’épargne qui n’est
pas sans conséquence sur la gestion actif-passif et sur le besoin de fonds propres. La gestion
nécessairement prudente en termes de placements financiers conduit à privilégier des titres peu
risqués (notamment des titres souverains) et donc peu rémunérateurs, ce qui ne permet pas de
compenser le fort rétrécissement de la marge sur prêts constaté depuis plusieurs années. Le
modèle économique du fonds d’épargne est donc très contraint,
et certaines marges
mériteraient d’être davantage exploitées sans que cela ne modifie pour autant la situation
sur
le plan structurel.
Au total, l’épargne réglementée contribue au financement de l’économie française
au
profit de secteurs en définitive assez variés, même si elle constitue une ressource relativement
coûteuse en période de taux bas.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
59
3
FAIRE EVOLUER L’EPAR
GNE REGLEMENTEE ET SES
USAGES
Des évolutions apparaissent nécessaires pour permettre à
l’épargne réglementée
de
mieux répondre aux objectifs qui la sous-tendent. Ces évolutions doivent être conduites avec
prudence pour ne pas mettre en péril le financement de certaines politiques publiques, ni
remettre en cause la confiance que les épargnants accordent à ces produits.
Ces évolutions doivent avoir pour objectif de consolider le modèle économique de
l’épargne réglementée et d’envisager le cas échéant une adaptation de ses
usages. Elles restent
toutefois dépendantes du contexte économique et financier général et de ses incidences futures
sur le niveau des taux d’intérêt.
3.1
Faire évoluer le
modèle économique de l’épargne règlementée sans léser
les épargnants
La poursuite d’une situation de fort excédent des ressources par rapport aux emplois
(qui ne concerne que le fonds d’épargne et non la part conservée par les banques)
accentue la
pression sur le modèle économique de l’épargne réglementée tout en renforçant
la concentration
des encours sur les livrets et plans les plus dotés. Sans bouleverser des équilibres subtils ni léser
les épargnants confrontés par ailleurs à une dégradation de la rémunération réelle de leur
épargne, il paraît opportun d’envisager des a
daptations qui permettraient de redonner des
perspectives et de sortir de situations figées et sources de rentes.
3.1.1
Retrouver
l’esprit d’un
e épargne populaire
3.1.1.1
Poursuivre l’action contre la multi
-détention
La direction générale du Trésor indique ne disposer
d’
aucune donnée précise concernant
la multi-détention de livrets A et de LDDS en particulier. Lorsque les dispositions avaient été
prises en 2011 pour le livret A, le taux de fraude était estimé à 10 % ; il serait aujourd'hui tombé
à moins de 1 % grâce aux contrôles automatisés réalisés avec la base de données Ficoba (fichier
des comptes bancaires) et à la coopération entre les banques et la direction générale des finances
publiques (DGFip)
82
.
Le titre II du décret n°2021-277 du 12 mars 2021 relatif au contrôle de la détention des
produits d'épargne réglementée prévoit que
ce dispositif automatisé de contrôle soit étendu d’ici
au 1
er
janvier 2024
à l’ensemble des produits d’épargne réglementée, laissant ainsi le temps à
la DGFip et aux banques de procéder aux développements informatiques nécessaires à la mise
en conformité de leurs bases de données.
82
Pour plus de détail, voir l’encadré n°
7 p. 38 du rapport 2017 su
r l’épargne réglementée.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
60
La mise en place de la loi Eckert
83
contribue également à renforcer l’efficacité
du
dispositif.
Au titre de la première année d’application
de la loi en 2016,
la CDC s’était vue ainsi
transférer 5,5 millions de comptes bancaires inactifs pour un montant de 1,9
Md€
dont 1
Md€
pour les seuls livrets A, LDDS et LEP. À fin 2017, le nombre total de livrets réglementés
transférés s’él
evait à 5,3 millions de comptes pour un encours cumulé de 1,3
Md€.
3.1.1.2
Modifier les plafonds du livret A et du LDDS : une mesure complexe et aux
effets incertains
Les constats présentés par la Banque de France dans son rapport annuel sur l’épargne
réglementée montrent que l’épargne réglementée se concentre de plus en plus sur les catégories
de ménages les plus aisés et les plus âgés. Le doublement du plafond du livret A y a contribué.
La période récente semble avoir encore accentué le phénomène, la « sur collecte » de 2020-
2021 ayant concerné les déciles les plus élevés (en termes de revenu et de patrimoine) de la
population française
84
.
Le niveau du plafond du livret A (22 950
€) et plus encore la possibilité de le cumuler
avec un LDDS (12 000
€), portant le plafond global à près de 35
000
€, interrog
ent compte
tenu, d’une part, du niveau de rémunération
a fortiori
après le relèvement décidé pour le
1
er
février 2022 e
t, d’autre part, de l
a défiscalisation des intérêts.
Graphique n° 19 :
Répartition des livrets A en nombre et en encours par tranche d’encours –
en %
83
Loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d
’
assurance
vie en déshérence.
84
D. Bounie et alii,
Dynamiques de consommation dans la crise :
les enseignements en temps réel des
données bancaires
, Conseil d’analyse économique, focus, n° 049
-2020, octobre 2020.
https://www.cae-
eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus049-cb.pdf
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
30,0
35,0
40,0
inférieur à 150 €
Encours
150-
1 500 €
Encours 1 500-
15 300 €
Encours 15 300-
19 125 €
19 125-
22 950 €
supérieur à 22 950 €
% en nombre
Part de l'encours total
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
61
Source : Banque de France
Les livrets se situant dans les tranches les plus élevées sont le moins susceptibles de
connaître des mouvements et encore moins des retraits. Le même constat peut être fait pour le
LDDS, dont les caractéristiques en font un produit utilisé par les épargnants comme un
deuxième livret A.
Une telle accumulation des sommes aux
plafonds sur les deux livrets n’est pas
nécessairement utile aujourd’hui compte tenu des difficulté
s
d’usage de
la ressource. De plus,
elle contribue à alourdir la dépense fiscale qui est, de fait, concentrée sur les encours de livrets
les plus élevés.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées.
Une première piste serait de fusionner le livret A et le LDDS en instaurant un plafond
unique (au maximum le plafond actuel du livret A). Elle présenterait
l’avantage de la simplicité.
Il est avéré que ces deux produits ne présentent plus de réelle différence du point de vue de
l’épargnant.
Cette piste soulève toutefois plusieurs difficultés. En premier lieu, la répartition des
dépôts entre établissements bancaires présente des différences entre les deux produits, la part
des réseaux historiques restant plus élevée pour le livret A que pour le LDDS. Une fusion des
deux pourrait donc se traduire par des effets pas complètement homogènes entre établissements
bancaires. Par ailleurs, une fusion des deux livrets aboutirait en fait à une absorption du LDDS
par le livret A, ce dernier étant une marque tellement puissante qu’il
serait délicat de faire
disparaître. Si elle est moins forte
, l’appellation LDDS permet néanmoins d’afficher qu’une
partie de l’épargne réglementé
e est fléchée vers des objectifs (transition écologique et économie
sociale et solidaire) à forte portée politique.
Une autre piste consisterait à conserver les deux livrets mais à instaurer un plafonnement
global
. Il est difficile d’envisager de revenir s
ur le doublement du plafond du livret A. Plus de
9 millions de livrets ont un encours supérieur à 15 300
€
; si le plafond était abaissé à ce niveau,
la ressource livret A diminuerait globalement de plus de 55 Md€. S’agissant du LDDS, plus de
9 millions de livrets ont un encours supérieur à 6
000 €
; un abaissement du plafond à ce montant
entraînerait une diminution globale de la ressource de 46 Md€. Les sommes rendues ainsi
disponibles seraient replacées par les épargnants sur d’autres produits, probableme
nt
l’assurance vie pour la majorité, entraînant des flux massifs qui ne seraient pas nécessairement
souhaités par les compagnies d’assurance dans le contexte actuel.
L’instauration d’un plafond global (par exemple 25
000
€ ou 28
000
€) permettrait de
limit
er l’avantage procuré aux ménages les plus aisés tout en ayant probablement des effets
moins massifs en volume car elle toucherait des ménages détenant à la fois un livret A et un
LDDS proches des plafonds. En fonction des possibilités des systèmes d’infor
mation bancaire,
une étude d’impact pourrait éclairer les différentes options.
Ces options suscitent une réticence de la profession bancaire qui souligne leur caractère
complexe et coûteux. L
a gestion d’un plafonnement global
pourrait ainsi être difficile dans le
cas où l’épargnant détiendrait un livret A dans un établissement et un LDDS dans un autre
85
, ce
qui ne doit toutefois pas représenter le cas le plus fréquent.
85
C
e qui impliquerait, dès lors, d’assurer en t
emps réel un mécanisme de surveillance des flux et des
soldes cumulés (y compris en intégrant le système des quinzaines) pour garantir le respect du plafond.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
62
3.1.1.3
Écarter
l’idée d’une fiscalisation des livrets
La hausse de la
fiscalité de l’épargne rég
lementée est régulièrement évoquée,
notamment pour
inciter les épargnants à se diriger vers d’autres produits
. Le débat se focalise
en fait sur le livret A du fait du doublement de son plafond et des possibilités légales de multi-
détention au sein d’un même foyer fiscal. Le coût pour l’
État de ces exonérations est indiqué
tous les ans en loi de finances. Pour 2022, les montants de dépenses fiscales ont été estimés
(tableau n°22), les montants des exonérations des autres placements financiers étant indiqués à
titre de comparaison.
Tableau n° 22 :
Les principales dépenses fiscales en matière d’épargne financière
Montant
en M€
Nombre de
ménages
concernés
Montant par
ménages en €
Réduction d'impôt pour la souscription de parts de fonds
communs de placement dans l'innovation (FCPI)
49
23 215
2 111
Réduction d'impôt pour la souscriptions en numéraire au
capital initial ou aux augmentations de capital de PME
57
39 530
1 442
Réduction d'impôt pour la souscription de parts de fonds
d'investissement de proximité (FIP)
12
10 747
1 117
Réduction d’impôt pour de la souscription de parts de fonds
d’investissement de proximité outre
-mer (FIPOM)
4
3 740
1 070
Réduction d'impôt pour la souscription de parts de fonds
d'investissement de proximité (FIP) investis dans les
entreprises corses
8
8 408
951
Exonération des revenus provenant de l
’
épargne salariale
220
11 200 000
20
Exonération des intérêts et primes versés dans le cadre de
l'épargne logement
411
23 000 000
18
Exonération des intérêts des livrets d'épargne populaire
19
7 300 000
3
Exonération des intérêts des livrets A
131
54 900 000
2
Exonération des intérêts des livrets de développement
durable
56
24 200 000
2
Exonération des intérêts des livrets bleus
12
non déterminé
Exonération des intérêts des livrets jeune
3
non déterminé
Livrets réglementés - exonération de prélèvements sociaux
(chiffres 2021)
177
non déterminé
86
Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux
bons ou contrats de capitalisation et d'assurance vie
1 289
non déterminé
87
Exonération des dividendes capitalisés et des gains de
cession dans le cadre d’un plan d’épargne en actions
245
88
non déterminé
86
L’exonération sociale ne concerne que les livrets, donc pas l’épargne
-
logement. Si l’on retient
seulement le nombre de ménages détenteurs d’un livret A (en considérant par approximation que les ménages
détenteurs d’un LDDS et ceux détenteurs d’un LEP sont également détenteurs d’un livret A), on arrive à un
montant de 3
€ par ménage.
87
D’après l’Insee
, 46
% des ménages détiennent un contrat d’assurance vie (chiffre 2017, tableaux de
l’économie française 2019), ce qui, sur la base de près de 30 millions de ménages (chiffres Insee 2020) donnerait
un montant de dépense fiscale par ménage de 93
€.
88
Chiffr
e 2020. Sur la base d’un nombre de détenteurs de plans d’épargne en actions de 6 millions de
ménages (chiffre 2017), on arrive à montant de 41
€.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
63
Source : Cour des
comptes, d’après loi de finances pour 2022 et loi de financement de la Sécurité sociale pour
2022
L
a dépense fiscale en faveur des différents produits d’épargne réglementée représente
un montant de plus de 800 M€, dont 131 M€ pour le livret A
, mais surtout
plus de 400 M€ pour
l’épargne
-logement
89
. On peut donc estimer qu’un ménage détenteur d’un livret A et d’un
LDDS serait exonéré à hauteur de 8 € en moyenne
sur la base d’un taux de rémunération passé
à 1 %
; s’il détient un PEL d’avant 2018 mais de moins de douze ans, il est exonéré d’impôt sur
le revenu (mais pas de prélèvement sociaux) à hauteur de 18
€.
Ces chiffres sont des moyennes qui masquent des situations disparates
: d’une part, les
ménages concernés sont par définition les ménages imposables, so
it en fait (si l’on considère
que la part des ménages imposables parmi les détenteurs des livrets est de 57 % comme pour
l’ensemble des ménages) un avantage moyen non plus de 8 mais de 16 €
; d’autre part, cette
moyenne vaut pour un encours moyen de 5 858
€ (et 5
000
€ pour le LDDS),
soit un avantage
total de 105
€ par an au maximum. Il s’agit de montants qui restent inférieurs aux
exonérations
obtenues sur d’autres produits d’épargne, autour de 1
000-2 000
€ par ménage pour les produits
de fonds propres non cotés et donc très risqués, et plus de 90
€ par ménage pour les contrats
d’assurance vie ou 41
€ pour un plan d’épargne en actions (PEA), même s’il est vrai que, dans
ces deux derniers cas, le régime fiscal ne devient favorable qu’à l’issue d’une durée
minimale
de placement
(huit ans pour l’assurance
-vie, cinq ans pour un PEA).
L’élément fiscal ne peut donc être considéré comme déterminant pour l’épargne
réglementée. Il est probable qu’une fiscalisation des intérêts des livrets d’épargne réglementée
aurait un coût politique non négligeable pour un espoir très mince voire nul de réallocation de
l’épargne concernée
au profit de produits plus risqués.
Par ailleurs, la stabilité et la clarté des règles fiscales semblent apparaître préférables en
matière d’ép
argne
90
, les choix des épargnants devant se fonder sur une appréciation non faussée
des performances des différents produits d’épargne et de leur adéquation par rapport à leurs
besoins.
Une fiscalisation des livrets ne pourrait donc avoir qu’un objectif de rendement fiscal,
mais on voit mal dans ce cas pourquoi elle devrait se limiter à l’épargne réglementée.
3.1.1.4
Poursuivre la relance du
livret d’épargne populaire
La mesure la plus adaptée p
our renforcer le caractère populaire de l’épargne
réglementée consiste à relancer le LEP après des années de déclin
. En dépit d’une rémunération
élevée (1 %, 2,2 % depuis le 1
er
février 2022), seule une personne sur deux éligible au LEP y a
effectivement recours
91
.
89
Il s’agit des plans ouverts de moins de douze ans ouverts avant 2018 (les plans de plus de douze ans
sont soumis aux prélèvements fiscaux et sociaux, de même que ceux ouverts après 2018).
90
Cf. Éric Lombard, cité dans « Des fonds propres pour les entreprises », Acte IV, Rencontres
économiques d’Aix
-en-Provence 2021, p. 19 : «
Il faut garder une fiscalité stable dès lors que cela donne un
certain équilibre et est compétitif par rapport aux concurrents
, pense Éric Lombard.
Le levier fiscal est
antinomique de la pédagogie nécessaire. Si, à long terme, l’intérêt des Français est d’investir plus en actions, ce
qui est le cas, cet intérêt devrait suffire sans avantage fiscal particulier
».
91
Une étude détaillée sur les détenteurs de LEP a été réalisée par la Banque de France dans son rapport
sur l’épargne réglementée de 2018
(pp. 30 et suiv.).
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
64
La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 a
simplifié le contrôle de l’éligibilité au LEP
et dématérialisé le contrôle des revenus et de l’éligibilité des demandeurs
92
; la DGT estimait
qu’
environ 75 % des LEP devraient pouvoir être contrôlés de façon dématérialisée en 2021. La
concomitance de cette réforme, de la campagne de communication
qui l’a accompagnée
et du
relèvement du taux de rémunération à partir du 1
er
février 2022 semblent avoir enclenché un
afflux sensible des dépôts. Au premier trimestre 2022, selon les données de la DGT, le rythme
d’ouverture de nouveaux livrets a atteint 205
000 par mois (contre 43 000 par mois au cours du
second semestre 2021) et l’
encours
total a progressé de 1,9 Md€ (+ 7,5
%).
Il est toutefois un peu tôt pour en conclure à un réel redémarrage de cette épargne
populaire
93
. L
e LEP souffre moins d’un niveau insuffisant de dépôts
94
que d’un vieillissement
structurel du profil des épargnants. Au-delà des efforts de simplification et de communication,
i
l serait nécessaire de disposer d’éléments d’analyse complémentaire, notamment quant à la
capacité d’épargne réelle d’une partie des ménages éligibles
. Il ne faut exclure non plus un
éventuel relèvement du plafond (7700
€).
3.1.2
Redonner des marges à l’épargne
réglementée
3.1.2.1
Financer autrement la mission d’accessibilité bancaire
La mission d’accessibilité bancaire a pour objectif de favoriser la pré
-bancarisation de
populations qui, pour des motifs très divers (illettrisme, illectronisme, difficultés cognitives,
barrière linguistique…), n’ont pas la capacité
d’utiliser des moyens
de paiement standards et
n’ont pas accès à l
a bancarisation traditionnelle.
La Banque Postale a des obligations spécifiques au titre de cette mission en matière de
distribution et de fonctionnement du livret A
95
qui permettent son utilisation par ces publics
comme un quasi compte-courant.
En complément de ces obligations légales, la convention relative à la distribution et au
fonctionnement du livret A entre
l’
État et la Banque postale impose à celle-ci de proposer
gratuitement un ensemble de services complémentaires et de fournir un écosystème spécifique,
se matérialisant notamment par la mise en œuvre d’une politique d’accueil et
d’ac
compagnement au guichet adaptée. Les livrets A relevant de la
mission d’accessibilité
bancaire représentent 8 % des 15,3 millions de livrets A ouverts à la Banque postale en 2018 et
2,2 % des 55 millions de livrets A détenus en France à cette date.
En dépit de ses récentes évolutions telles que le développement de nouvelles offres
commerciales à bas coût dans l
’ensemble des rése
aux bancaires, le marché ne permet pas de
répondre aux besoins très spécifiques de la population concernée. Plusieurs études menées en
2018 et 2019
96
ont permis de sérier ces besoins et de réaffirmer la nécessité de maintenir en
92
En permettant aux banques d’interroger directement les services de la DGFip par voie électronique.
93
Les projections sur le niveau auquel le taux de rémunération pourrait être fixé cet été au vu de
l’évolution de l’inflation indiquent une revalorisation t
rès sensible.
94
Le nombre de mouvements moyens en 2020 est de 3,5 versements et de 2,8 retraits.
95
Articles L. 221-2, L. 221-3, L. 518-25 et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.
96
Faisant suite à une recommandation de la Cour des comptes (2017), cf.
Communication à la commission
des finances du Sénat sur les politiques publiques en faveur de l’inclusion bancaire et de la prévention du
surendettement
.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
65
l’état le périmètre de la mi
ssion confiée à la Banque postale. Ces études ont aussi confirmé que
le caractère universel de la mission était indispensable à la satisfaction de ce besoin social.
La consultation publique réalisée en 2019 auprès du Comité consultatif du secteur
financier (CCSF) a conforté ces enseignements. Si la
mission d’accessibilité bancaire
contribue
à ce que la France affiche l’un des taux de bancarisation les plus élevés d’Europe
, les modalités
de
son financement par le fonds d’épargne pose
nt question.
Le fonds d’é
pargne assume en effet la charge de la rémunération complémentaire
d’accessibilité bancaire
prévue au deuxième alinéa de
l’article L. 221
-6 du code monétaire et
financier ; cette rémunération est calculée de manière à assurer à La Banque postale une
compensation proportionnée aux missions de service d
’
intérêt économique général qui lui sont
conférées en application de la présente section. Son montant est fixé par arrêté du ministre
chargé de l
’
économie
pour une période pluriannuelle (l’arrêté en cours
date du 7 août 2021 fixe
les montants annuels pour les exercices 2021 à 2026). Il est calculé de manière à assurer à La
Banque postale une «
compensation proportionnée aux missions de service d’intérêt
économique général
» dont le montant ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir
les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte d’un
bénéfice raisonnable. Cette rémunération
est soumise au régime européen des aides d’
État en
matière de service d’intérêt économ
ique général
97
et fait
l’objet d’une approbation de la
Commission européenne pour une période pluriannuelle.
À
l’issue de la procédure de notification à la Commission européenne, cette dernière a
adopté le 26 juillet 2021 une décision de compatibilité du montant de la rémunération prévu par
l’
État pour la période 2021-2026.
Tableau n° 23 :
Rémunération complémentaire versée à la Banque Postale au titre de la mission
d’accessibilité bancaire de 2021 à 2026
–
en M€
2021
2022
2023
2024
2025
2026
total
338
321
303
287
269
252
1 770
Source : DGT
L’
intégration de la Banque Postale dans le groupe CDC et sa consolidation au plan
comptable depuis 2020 créent une situation nouvelle pour ce qui concerne l’appréciation de
l’étanchéité entre le fonds d’épargne et le groupe.
Les informations fournies dans les comptes
sur les flux cro
isés entre le groupe consolidé et le fonds d’épargne sont du reste perfectibles
comme le montre l’erreur –
sans portée comptable
–
relevée dans une note des états financiers
consolidés
98
. Le traitement comptable et financier de la commission d’accessibilité
bancaire
doit être apprécié dans ce contexte. Du fait de sa « double casquette » de gérant du fonds
d’épargne et d’
entité consolidante de la Banque postale, la CDC doit gérer des intérêts qui
risquent de ne pas être complètement alignés.
Cette charge pour
le fonds d’épargne devrait être déduite du résultat net et donc de la
contribution versée à l’
État en ajustant le niveau de cette dernière et en inscrivant un passif dans
97
Dit « Paquet Almunia » de 2011-2012.
98
Note 2.10.2.1.
Transactions avec les parties liées
–
entités non contrôlées par le Groupe
–
Le fonds
d’épargne
(rapport financier groupe 2020). Cette note indique d’ailleurs à tort un prêt du fonds d’épargne à la
Banque postale de 67 Md€, alors que c’est l’inverse (les dépôts de la Banque postale centralisés au fonds d’épargne
constituent une dette de ce dernier et non une créance)
; l’erreur signalée à la direction du fonds d’épargne devrait
être corrigée dans les prochains états financiers.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
66
les comptes du fonds d’épargne correspondant au montant de l’engagement fixé du rest
e par
l’
É
tat d’ici à 2026
99
. En conséquence, la Cour recommande que
l’
État inscrive la charge qui lui
incombe au budget général et mette ainsi fin à une débudgétisation.
Recommandation n° 1 : DGT, DB, CDC
–
Inscrire au budget général de l’État les
crédits
nécessaires à la compensation à la Banque Postale de la charge d’accessibilité
bancaire.
3.1.2.1
Redonner un sens à
l’épargne
-logement
3.1.2.1.1
Un système en partie dévoyé
L’épargne
-logement contribue de moins en moins à sa vocation initiale de financement
des projets immobiliers des ménages. Entre 2016 et 2020, le flux de nouveaux prêts, déjà faible
en 2016, s
’
est fortement réduit pour conduire à une production quasi-nulle.
Tableau n° 24 :
Transformation de l’épargne
-logement en prêts
–
en Md€ et en %
2016
2017
2018
2019
2020
Encours des dépôts
291,7
305,0
310,8
317,1
325,9
Flux des prêts nouveaux versés
0,1
0,0
0,0
0,0
0,0
Encours des prêts
2,8
2,1
1,7
1,3
1,0
Ratio « Encours de prêts/ Encours des dépôts » (en %)
1,0
0,7
0,5
0,4
0,3
Source
: DGT d’après SGFGAS
De moins en moins souvent débloqué en raison de la baisse tendancielle des taux
d’intérêt
100
, le PEL est détourné de l
’objectif historique d’accession à la propriété pour devenir
un produit d’épargne de long terme.
Pour les banques, l’épargne
-logement est devenue une
ressource dont elles ne se servent plus directement pour financer le logement et qu’elles
replacent à la BCE moyennant une rémunération très inférieure à ce que la ressource leur coûte.
Pour les ménages,
c’est un placement financier s’apparentant, pour les PEL anciens, à une
véritable rente, au bénéfice notamment de détenteurs âgés détenant des encours élevés
101
.
L’avenir de l’épargne
-logement mérite une réflexion entre les pouvoirs publics, les
établissements de crédit et les professionnels de l’immobilier. L’impasse actuelle résulte du
99
Cf. arrêté du ministre de l’économie, des finances et de la relance du 7
août 2021.
100
Le taux d’intérêt des prêts accordés au titre d’un PEL est égal au taux contractuel ou taux de
rémunération du PEL majoré de frais de gestion et de frais financiers
de l’établissement prêteur (CCH, art. R. 315
-
36). Pour la période 2016-2020,
le taux s’élève
au maximum à 3,20 % entre le 01/02/2015 et le 31/01/2016 (taux
contractuel de 2 %) ; 2,70 % entre le 01/02/2016 et le 31/07/2016 (taux contractuel de 1,5 %) ; 2,20 % depuis le
01/08/2016 (taux contractuel de 1 %).
101
37 % des encours sont détenus par des personnes de plus de 65 ans. 34 % des encours correspondent
à des plans supérieurs au plafond de 61 200
€, 22
% à des plans compris entre 40 000 et 61 200
€.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
67
niveau des taux d’intérêt, situation dont on ne peut exclure qu’elle change à l’avenir et,
probablement, de l’existence de prêts alternatifs plus avantageux
comme le prêt à taux zéro ou
l’éco
-prêt à taux zéro. Pour autant, le besoin des ménages
–
notamment des jeunes ménages -
de se loger et d’accéder à la propriété n’a pas disparu, au contraire. C
omme le montrent les
ouvertures de PEL qui concernent majoritairement des jeunes, des étudiants et des employés
102
,
l
e produit a encore du sens et il serait imprudent de laisser son recul s’installer dans la durée
alors qu’il reste un temps fort dans la stratégie d’épargne des ménages. La préoccupation
compréhensible de la profession bancaire au sujet des anciens PEL et du décalage de
rémunération par rapport aux taux de marché
ne doit pas occulter l’opportunité d’une réflexion
globale sur le produit.
3.1.2.1.2
Un coût pour les finances publiques et pour les banques qui n’est plus
justifié par
un motif d’intérêt général
En attendant une évolution éventuelle de la situation, résultant principalement d’une
remontée des taux d’intérêt qui la rendrait de nouveau attractive pour les emprunteurs,
l’épargne
-logement constitue une charge l
ourde pour l’
État comme pour les banques.
En ce qui concerne l’
É
tat, la dépense fiscale correspondant à l’exonération fiscale des
PEL de moins de douze ans ouverts avant 2018 (c’est
-à-dire concrètement, les PEL ouverts
entre 2010 et 2018 rémunérés à 2,50 % ou 2 % pour ceux ouverts de 2016 à 2018) est estimée
à 400 M€
sans que l’
État ne retire aucun retour financier ni ne flèche la ressource vers des
emplois d’intérêt général comme c’est le cas pour les livrets réglementés.
Le coût pour les établissements bancaires est encore plus significatif.
S
elon la Banque de France, le taux d’intérêt moyen des comptes à terme hors PEL de
plus de deux ans est de 0,78 %, alors que le taux moyen des PEL de plus de 2 ans est de 2,6 %
103
.
Cette situation résulte du poids
dans l’encours total de PEL bénéficiant de taux de rémunération
figés à leur niveau d’ouverture et aujourd’hui en fort décalage par rapport aux taux d’intérêt. Si
les PEL les plus anciens, rémunérés à plus de 5,25 %, ne représentent plus que 11 % des encours
totaux, les PEL rémunérés entre 3,50 et 4,50 % représentent 28 % des encours et les PEL
rémunérés entre 2,50 et 3,50 % pèsent pour 45 % des encours totaux : les trois quarts des
encours sont donc rémunérés à 2,50 %
104
.
À fin décembre 2021, la Banque de France estime que le taux moyen (pondéré par les
encours) des PEL ouverts avant 2011 est de 4,51 %, garantissant un rendement sans équivalent
au regard du niveau de risque encouru. L’écart de performance instantané
- celui qui est observé
sur le premier trimestre 2022 - avec les placements obligataires ou en actions, s'est encore accru
en raison de l’évolution des m
archés des actions et des obligations.
Depuis 2011, le taux de rémunération des nouveaux PEL a été constamment supérieur
au taux résultant de la formule de calcul, avec un écart pouvant aller jusqu’à 2
%
105
. Même s’il
102
En 2020, les ouvertures de PEL ont été effectuées par des employés pour 25 % et par des étudiants et
enfants mineurs pour 43 %.
103
Cf. Banque de France,
Rapport 2020 sur l’épargne réglementée
(encadré p. 41). La Banque estime
que si les PEL ouverts avant 2021 étaient rémunérés au taux en vigueur pour les nouveaux PEL, soit 1 %, il en
résulterait un gain de l’ordre de 3,9 Md€
en matière de ressources pour le financement de l’économie française.
104
Soit 2,075 % nets de prélèvements sociaux.
105
Le taux est resté à 2,50
% jusqu’en janvier 2015, alors que le taux calculé était passé 2,31
% en janvier
2011 à 0,40 % en janvier 2015.
L’EPARGNE REGLEMENTE
E
68
est provisionné dans leurs comptes, le taux des PEL fait peser un coût durablement important
sur le passif des banques, sans aucun mécanisme d’ajustement au cours du temps
.
Les PEL et CEL engendrent pour les établissements bancaires des engagements de deux
natures : une obligation de prêter au c
lient dans le futur à un taux déterminé fixé à l’ouverture
du contrat et une obligation de rémunérer l’épargne dans le futur à un taux fixé à l’ouverture du
contrat pour une durée indéterminée. Le coût de ces engagements fait l’objet de provisions
présentées au passif dont les variations sont enregistrées en produit net bancaire au sein de la
marge d’intérêts.
Sur les six principaux établissements bancaires qui totalisent un encours total de
323
Md€ au 31 décembre 2020, soit 99 % de l’encours total de l’épa
rgne-logement, le montant
total de provisions atteint 2,1 Md€. Les provisions pour risque d’épargne
-logement concernent
principalement les PEL de plus de dix ans (encours de 108 Md€ et provisions de 1,3 Md€
).
Tableau n° 25 :
Les provisions liées à l’épargne