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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
La mission de certification et ses enjeux
La mission confiée à la Cour
En application de l’article L.O. 132-2-1
du code des juridictions financières,
la Cour des comptes établit chaque
année, un rapport sur la certification
des comptes du régime général de
sécurité sociale, qu’elle remet au
Parlement et au Gouvernement.
Pour exercer cette mission, la Cour
applique les normes internationales
d’audit (ISA).
La Cour formule une opinion motivée
et indépendante, après avoir collecté
les éléments qui lui permettent
d’apprécier la régularité et la sincérité
des comptes du régime général de
la sécurité sociale et la fidélité de
l’image qu’ils donnent sur le résultat,
la situation financière et le patrimoine
de ce régime.
Le champ de la certification
Du fait de la création de la cinquième
branche autonomie au 1
er
janvier 2021,
le rapport annuel de la Cour présente
désormais
dix opinions
:
l
six
portent sur les comptes respectifs
de l’activité de recouvrement et des
branches maladie, accidents du travail-
maladies professionnelles (AT-MP),
famille, vieillesse et autonomie ;
l
quatre
concernent les comptes
des organismes nationaux : Agence
centrale des organismes de sécurité
sociale (Acoss), Caisse nationale
d’assurance maladie (Cnam), Caisse
nationale des allocations familiales
(Cnaf) et Caisse nationale d’assurance
vieillesse (Cnav). Les comptes de la
Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA) sont ceux de la
branche autonomie.
L’activité de recouvrement, c’est-à-dire
le réseau des Urssaf, assure le
recouvrement de cotisations et
contributions sociales, d’impôts et
taxes affectées et de produits divers,
pour le régime général et pour d’autres
attributaires (autres régimes et
organismes de sécurité sociale, Unédic,
État, etc.).
En 2021, les prélèvements publics
mis en recouvrement ont atteint
516,3 Md€, dont 406,9 Md€ pour le
régime général et 109,4 Md€ pour les
autres attributaires.
Les prélèvements sociaux soumis à certification
CERTIFICATION DES COMPTES
DU RÉGIME GÉNÉRAL
DE SÉCURITÉ SOCIALE -
Exercice 2021
Points essentiels
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
La mission de certification et ses enjeux
Les charges soumises à certification
À titre principal, les charges soumises
à certification correspondent à
des prestations des branches du
régime général et à des prestations
de solidarité versées par les caisses
d’allocations familiales pour le compte
de l’État (aides au logement, AAH,
prime d’activité) et des départements
(RSA).
En 2021, elles ont atteint au total
533,2 Md€, soit 21,4 % du PIB,
dont
483,5 Md€ pour les branches du régime
général.
Vieillesse
27 %
Autonomie
6 %
Maladie
45 %
AT-MP
3 %
Famille
20 %
Source : Cour des comptes
Charges du régime général (en % des charges de 2021)
Compte tenu de transferts internes à
la sécurité sociale, ainsi que de l’État et
des départements (163,1 Md€, contre
126,8 Md€ en 2019), les montants
de produits relevant de la mission de
certification de la Cour ont atteint
619,7 Md€ (24,9 % du PIB) en 2021
,
dont 460,6 Md€ pour les branches du
régime général.
Répartition entre les attributaires en 2021 (Md€)
A-A : Agirc-Arrco - Source : Cour des comptes
Vieillesse
113,5
Famille
50,8
AT-MP
13,4
Maladie
196,6
Autres
64,3
Unédic
39,4
Autonomie
32,5
Divers régimes
et caisses :
16,2
AOM : 9,7
FSV : 17,9
CPSTI : 3,5
CADES : 17,0
A-A
5,6
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
Depuis l’exercice 2006, la certification
par la Cour des états financiers du
régime général de sécurité sociale
apporte une contribution déterminante
à la transparence et à la fiabilisation
des comptes de la sécurité sociale :
- le degré de fiabilité des comptes du
principal régime de sécurité sociale
est examiné chaque année par la Cour,
institution indépendante ;
- les constats de la Cour sur l’efficacité
des dispositifs de contrôle interne
fournissent des indications précises
pour améliorer le paiement à bon droit
des prestations sociales et l’exhaustivité
de la collecte des prélèvements sociaux.
Dans le cadre de sa mission de certifi-
cation, la Cour s’assure de la correcte
application des principes comptables
généraux, en particulier celui d’indé-
pendance des exercices comptables les
uns par rapport aux autres.
À travers l’examen des dispositifs de
contrôle interne, elle apprécie dans
quelle mesure les comptes reflètent
les droits et obligations des entités de
sécurité sociale à l’égard des assurés,
des allocataires, des professionnels
et établissements de santé et des
cotisants.
En effet, les contrôles de toute nature
mis en œuvre par les organismes de
sécurité sociale ont pour finalité de
réduire les anomalies et erreurs par
rapport aux règles de droit applicables
qui affectent l’attribution et le calcul des
prestations sociales et le recouvrement
des prélèvements sociaux.
L’apport de la certification des comptes
Les opinions de la Cour sur les comptes 2021
Pour l’exercice 2021
, la Cour :
l
certifie avec réserve les comptes
des cinq branches de prestations du
régime général ;
l
refuse de certifier les comptes de
l’activité de recouvrement
(la Cour
avait constaté être dans l’impossibilité
de certifier les comptes 2020) ;
l
certifie avec réserve les comptes
des organismes nationaux.
Pour l’avenir, l’évolution des constats
de la Cour dépend :
- du renforcement des actions visant
à maîtriser les risques financiers qui
affectent les prélèvements sociaux
(non-exhaustivité) et les prestations
(erreurs d’attribution et de calcul)
;
- de la réalisation de
chantiers
informatiques de grande ampleur
contribuant à cet objectif ;
- de
l’amélioration de la justification
de certains postes comptables
.
Un rapport de certification dont la présentation évolue
Afin d’en améliorer la lisibilité, la
présentation du rapport sur la
certification des comptes du régime
général de sécurité sociale évolue
cette année :
- certaines formulations ont été ajus-
tées pour se rapprocher plus encore
des formulations recommandées par
les normes internationales d’audit ;
- les observations de la Cour distinguent
plus nettement les « anomalies signifi-
catives » qui traduisent des désaccords
sur les comptes d’une part et les « in-
suffisances d’éléments probants », qui
reflètent des incertitudes sur les mon-
tants comptabilisés d’autre part.
Ces évolutions de présentation n’ont
pas d’effet sur les opinions de la Cour.
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
Les principaux constats de la Cour
sur les comptes 2021
1 - Les modalités de comptabilisation des produits de cotisations et de
contributions sociales des travailleurs indépendants conduisent à ne pas
donner une image fidèle du déficit du régime général en 2021 et de son
évolution entre 2020 et 2021
Dans les comptes définitivement
arrêtés, le déficit du régime général et
du fonds de solidarité vieillesse (FSV)
s’élève à 24,4 Md€, contre 38,7 Md€
en 2020.
En 2020, le montant des appels
provisionnels de cotisations et de
contributions sociales effectués par
les Urssaf auprès des travailleurs
indépendants a été réduit de moitié
afin de soutenir leur trésorerie dans le
contexte de crise sanitaire.
De ce fait, le montant des produits de
2020 était minoré. Symétriquement,
le montant des produits de 2021
s’est trouvé majoré, à la suite de la
régularisation des cotisations dues par
les travailleurs indépendants au regard
des revenus 2020 qu’ils ont déclarés
en 2021.
Cet effet de périmètre conduit à
majorer de 5 Md€ le résultat 2021 du
régime général. Pour l’ensemble des
organismes sociaux qui reçoivent des
prélèvements sociaux de travailleurs
indépendants, cette majoration atteint
6,7 Md€.
Afin d’assurer la comparabilité des
exercices 2020 et 2021, la Cour a
préconisé de neutraliser l’effet de
périmètre lié à la minoration des
montants de prélèvements sociaux
appelés en 2020, en corrigeant le bilan
d’ouverture 2021 et en établissant un
compte de résultat
pro forma
2020.
Cette demande n’a pas été suivie. Si
elle l’avait été, il aurait été constaté,
pour le régime général, un déficit
pro
forma
pour 2020 de 31,2 Md€ et un
déficit pour 2021 de 27,8 Md€. Le
déficit ne se serait réduit entre 2020
et 2021 que de 3,4 Md€, au lieu de
13,4 Md€ dans les comptes arrêtés au
titre de 2021.
Évolution du déficit du régime général + FSV
- 20
0
- 40
- 60
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
Régime général + FSV, comptes publiés
Régime général + FSV, si les comptes avaient été corrigés
Source : Cour des comptes
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
Compte tenu de l’importance de
ce désaccord, la Cour a refusé de
certifier les comptes de l’activité
de recouvrement, qui comptabilise
l ’ e n s e m b l e d e s p r o d u i t s d e
prélèvements sociaux des travailleurs
indépendants et les notifie à ses
attributaires. Elle a par ailleurs
constaté les effets de ce désaccord
sur les comptes des branches maladie,
famille, vieillesse et, à un moindre
degré, autonomie, qui ont enregistré
les produits de prélèvements sociaux
des travailleurs indépendants sur la
base de ses notifications.
2 - D’autres difficultés ont affecté l’établissement ou la justification des comptes
La Cour a ainsi relevé :
l
un désaccord lié à la comptabilisation
incomplète par l’Acoss, sur les exercices
2020 ou 2021, des exonérations et
de l’aide au paiement en faveur des
employeurs de salariés des secteurs
particulièrement touchés par la crise
sanitaire et des réductions forfaitaires
en faveur des travailleurs indépendants
de ces mêmes secteurs ;
l
des incertitudes affectant l’estima-
tion des produits à recevoir de
remises versées par les entreprises
pharmaceutiques ;
l
pour la branche maladie, une
m a j o r at i o n e r r o n é e d u b i l a n ,
des erreurs de classement de
cer taines opérations dans les
comptes et d’importantes marges
d’amélioration pour la justification des
enregistrements comptables ;
l
la difficulté de la CNSA à établir
ses comptes et à fournir à la Cour des
éléments probants à l’appui de ces
derniers. De nombreuses anomalies
ont été détectées et corrigées dans le
cadre de l’audit.
3 - La création de la branche autonomie reste inaboutie
Depuis 2021, la sécurité sociale a une
cinquième branche de prestations : la
branche autonomie.
La Cour a constaté la difficulté de la
Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA) à établir les
comptes de la branche autonomie
dans des conditions fiables et, plus
généralement, à exercer ses missions
de caisse nationale du régime général.
Par certains aspects, la création de la
branche autonomie a été insuffisam-
ment accompagnée.
Le contrôle interne propre à la CNSA
est insuffisamment structuré au regard
des enjeux financiers de la branche.
À ce jour, la CNSA n’a pas une autorité
suffisante pour obtenir un renforcement
des dispositifs de contrôle interne
de la branche maladie (qui verse les
concours financiers aux établissements
médico-sociaux pour son compte), de la
branche famille (qui verse l’allocation
d’éducation de l’enfant handicapé)
et des maisons départementales des
personnes handicapées (MDPH).
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
4 - Dans le contexte de poursuite de la crise sanitaire, les contrôles ne sont pas
revenus à leur niveau antérieur et les risques financiers se sont accrus
L’exercice 2021 est resté marqué par
la prolongation de mesures exception-
nelles liées à la crise sanitaire.
Les procédures automatisées de
recouvrement amiable et forcé des
créances de prélèvements sociaux sur
les cotisants sont restées suspendues.
Des plans d’apurement progressif des
dettes considérables constituées par
les cotisants, en raison des possibilités
de report de paiement qui leur ont
été accordées, ont été engagés. Le
niveau des dettes à l’égard des Urssaf
accentue la portée financière du
risque de prescription des créances.
À ce jour, le nombre de contrôles de
l’assiette servant de base au calcul des
prélèvements sociaux n’a pas retrouvé
son niveau d’avant-crise.
L’assurance maladie a continué à
mettre en œuvre des dispositifs
exce pt i o n n e l s d e g a ra nt i e d e
f i n a n c e m e n t e n f a v e u r d e s
établissements de santé et n’a pas
repris ses contrôles sur les facturations
de séjours dans ces établissements.
Elle applique des contrôles allégés sur
les facturations des professionnels de
santé. Les contrôles sur les prises en
charge liées à la crise sanitaire (tests,
vaccination et télésanté) présentent
d’autres lacunes.
5 - Le déploiement de nouveaux outils informatiques structurants se poursuit,
avec des progrès significatifs attendus au-delà de 2021
Le développement des télétransmis-
sions et des échanges dématérialisés
entre les bénéficiaires des prestations
sociales et les organismes sociaux s’est
poursuivi en 2021.
Les déclarations des bénéficiaires
des prestations versées par les CAF
comportent fréquemment des erreurs,
involontaires ou non. Alimenté par des
données transmises par les employeurs
et les organismes sociaux, le dispositif
ressources mensuelles
(DRM)
doit
permettre de fiabiliser les montants
de salaires et de prestations sociales
pris en compte pour le versement de la
prime d’activité et du RSA.
Les erreurs affectant les données
de carrière prises en compte pour
attribuer les pensions de retraite sont
fréquentes. Le déploiement en 2021
des premières fonctionnalités du
nouveau système de régularisation
des carrières
(Syrca)
s’accompagne de
l’utilisation progressive du répertoire
de gestion des carrières unique
(RGCU)
, référentiel inter-régimes des
données de carrière. Ces évolutions
pourraient favoriser une réduction
des erreurs affectant les données de
carrière.
La fiabilisation du versement des
prestations d’assurance maladie
dépend de trois évolutions : la
généralisation de la dématérialisation
d e s p r e s c r i pt i o n s m é d i c a l e s ,
le renforcement des contrôles
automatisés visant à vérifier
a priori
la conformité à la réglementation
des facturations adressées par les
professionnels et les établissements de
santé et l’augmentation des contrôles
a posteriori
sur ces facturations. Ces
évolutions sont pour partie engagées.
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Synthèse du rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale - Exercice 2021
6 - En 2021, les dispositifs de maîtrise des risques de portée financière sont
restés insuffisamment efficaces
L’importance des erreurs qui affectent
les prestations versées nuit à la
correcte représentation que donnent
les comptes des branches de leurs
droits et obligations à l’égard de
leurs principaux tiers : les assurés,
les allocataires, les professionnels et
établissements de santé réglés en tiers
payant.
En 2021, la capacité des dispositifs
de contrôle interne à prévenir ou à
détecter les erreurs a connu des
évolutions variables selon les branches.
Des progrès sont intervenus pour la
branche vieillesse. La mobilisation des
services ordonnateurs a permis de
prévenir un nombre accru d’erreurs
d’attribution et de calcul des retraites.
Ces erreurs continuent cependant à
s’inscrire à un niveau élevé.
En revanche, les erreurs qui affectent
les remboursements de frais de santé,
du fait d’erreurs de facturation des
professionnels et des établissements
de santé, ont augmenté.
Les difficultés rencontrées par la
branche famille pour mettre en œuvre
la réforme des aides au logement
(calcul des prestations en fonction des
revenus d’activité et des prestations
sociales contemporains et révision
trimestrielle de leur montant) l’ont
conduite à alléger, à nouveau, ses
dispositifs de maîtrise des risques
financiers afin de redéployer des
effectifs vers la gestion courante
des prestations. Ces dispositifs
sont insuffisamment adaptés aux
risques accrus d’erreur de calcul
des prestations et ont une efficacité
déclinante. Enfin, les erreurs qui
affectent les prestations versées par
les CAF augmentent.
Pour l’ensemble des branches de
prestations du régime général, les
valeurs des indicateurs qui mesurent
les erreurs affectant les prestations
s’éloignent de plus en plus des
objectifs de réduction fixés par leurs
conventions d’objectifs et de gestion
avec l’État pour la période 2018-2022.
En 2021, une prestation de retraite
nouvellement attribuée sur sept a
été affectée d’au moins une erreur
de portée financière (une sur six en
2020). C’est également le cas d’une
indemnité journalière sur dix.
Le montant agrégé des erreurs
affectant les prestations versées par
les CAF en 2020 du fait de données
déclaratives non corrigées au bout
de 24 mois atteint 5,3 Md€, au titre
notamment du RSA, de la prime
d’activité et des aides au logement.
Le montant agrégé des erreurs
affectant les règlements de frais
de santé en 2021 atteint 2,5 Md€,
essentiellement au détriment de
l’assurance maladie. Il s’agit d’un
montant
a minima.
En particulier, il
ne couvre pas les règlements erronés
du fait de droits maintenus ouverts à
tort en faveur de certains assurés ou
d’erreurs de facturation des séjours
dans les hôpitaux publics et privés
non lucratifs.