LA QUALITE DE L’INFORMATION FINANCIERE
COMMUNIQUEE AUX DONATEURS PAR LES
ORGANISMES FAISANT APPEL A LA GENEROSITE
PUBLIQUE
3 octobre 2007
Vous le savez, à côté de ses rapports sur les organismes qui font
appel à la générosité du public - le nouveau rapport sur la Ligue
nationale contre le cancer est le 22
ème
, compte non tenu de la
vérification des fonds « tsunami » recueillis par 32 organismes, dont
27 n’avaient pas été contrôlés par elle jusque-là,- la Cour conduit aussi
des enquêtes « horizontales ». Elle l’a fait au cours des dernières
années sur les déclarations de campagne d’appel à la générosité du
public, sur les comptes d’emploi et sur les libéralités, notamment
Le rapport sur «
la qualité de l’information financière
communiquée aux donateurs par les organismes faisant appel à la
générosité publique
» se rattache à cette catégorie d’enquêtes.
La loi du 7 août 1991 impose aux organismes qui procèdent à
des campagnes nationales d’appel à la générosité du public d’établir
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un « compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du
public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de
dépenses ». Elle donne mission à la Cour des comptes de le contrôler
« afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par les
organismes aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité
publique ».
Les organismes qui font appel à la générosité publique sont
soumis à une réglementation comptable désormais précise et détaillée
pour établir leurs comptes annuels. En revanche, le compte d’emploi
des ressources collectées auprès du public, bien qu’il soit une annexe
des comptes annuels depuis une ordonnance du 28 juillet 2005, ne
rend souvent qu’imparfaitement compte de l’utilisation des fonds
reçus des donateurs. Pourquoi, allez-vous
demander ? Et bien parce
que la construction d’un compte d’emploi n’est pas aussi encadrée que
celle d’un document comptable traditionnel. C’et un compte de
« cuisinière » établi en flux. Il doit
en particulier rendre compte de
catégories de dépenses comme les frais de fonctionnement, les frais
d’appel et les missions sociales. Vous voyez tout de suite qu’il y a une
possibilité d’interprétation assez large, qui dépend du type d’activité.
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Si un organisme a beaucoup d’actionS de terrain, une grande partie du
personnel va concourir aux missions sociales. Au contraire, s’il
subventionne des tiers, la situation sera différente. De même, il est
parfois difficile de faire la part entre ce qui est frais d’appel ou
dépenses de communication, qui doivent figurer en frais de
fonctionnement. Mais selon la décision qui est prise, l’information
communiquée pourra être plus ou moins proche de la réalité.
Aussi la Cour a-t-elle conduit une enquête sur la qualité de
l’information financière ainsi communiquée aux donateurs et au
public.
Elle vous présente une synthèse, qui est nourrie des
constatations faites au cours des contrôles antérieurs, des
échanges avec différentes instances et institutions, et des résultats
de vérifications spécifiques auprès de dix organismes
.
J’insisterai sur trois points.
Le premier concerne la rubrique des « missions sociales »
, sans
doute la rubrique la plus importante du compte d’emploi pour les
donateurs.
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Il s’agit, en effet, des dépenses qui concourent à la réalisation
des causes mises en avant dans les campagnes d’appel à la générosité
publique. Pour les isoler, l’organisme doit disposer d’un système qui
peu être plus ou moins sophistiqué de répartition analytique des
charges. Pour que les pratiques de répartition analytique des charges
parfois observées ne faussent pas la présentation de ces missions
sociales, la Cour recommande de respecter quelques principes.
Je citerai :
- l’information des instances associatives sur les méthodes
analytiques retenues,
- la permanence de celles-ci,
- la traçabilité des charges du compte de résultat aux emplois du
compte d’emploi et inversement. (par exemple savoir comment le
poste « personnel » est éclaté) ;
Le deuxième point est la question des « ratios »
.
La plupart des organismes en utilisent dans leurs appels à la
générosité publique, c’et plus parlant, sous la forme de pourcentages
simples ou de diagrammes circulaires. La liberté est totale en ce
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domaine. Or, les méthodes de construction des mêmes indicateurs
peuvent varier d’un organisme à l’autre, voire d’une année à l’autre
pour un même organisme, sans parler d’un certain nombre de
pratiques contestables dont la finalité sinon la justification est de faire
apparaître des indicateurs avantageux.
Il n’appartient pas à la Cour d’imposer des indicateurs ni une
méthodologie. Mais l’expérience acquise la conduit, sur ce point aussi,
à recommander de respecter quelques principes :
-
un indicateur n’est pas comparable sans précaution d’un
organisme à l’autre ;
-
il doit pouvoir être vérifié aisément dans les documents
comptables ;
-
il doit être accompagné de commentaires rappelant la
question à laquelle il tend à apporter une réponse ;
-
enfin, il doit être validé par les instances associatives qui
vérifieront notamment sa cohérence avec la stratégie de
l’organisme. Vous remarquerez que nous insistons
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beaucoup sur le rôle qui doit être celui des instances
associatives
Le troisième point est celui du suivi des fonds non utilisés
. Je
l’ai déjà mentionné à propos de la Ligue nationale contre le cancer.
La question est simple : quand les fonds recueillis auprès du
public n’ont pas été intégralement dépensés durant l’année, le compte
d’emploi de l’exercice doit le faire apparaître car la non-utilisation est
aussi un « emploi », et le compte d’emploi de l’exercice suivant doit
reprendre en ressources ce solde restant à utiliser. C’est ce qu’a prévu
l’arrêté pris par le Premier ministre le 30 juillet 1993 pour
l’application de la loi du 7 août 1991, après l’avis d’une commission
qui faisait une large place aux représentants des organismes caritatifs.
Pourtant la plupart de ceux-ci ne procèdent pas ainsi
. L’écho
rencontré par le rapport de la Cour sur « l’aide française aux victimes
du tsunami du 26 décembre 2004 » a amplement montré pourtant que
les donateurs sont concernés par l’éventuelle non-utilisation des fonds.
Elle a montré également que le donateur, lorsqu’il est bien informé,
s’oppose très rarement à une réaffectation des fonds.
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Alors que cette information permettrait aux donateurs de vérifier
que l’organisme parvient à utiliser l’argent collecté dans un délai
raisonnable, il ressort de l’enquête que les comptes d’emploi établis
par la plupart des organismes ne permettent pas de disposer de cette
information. Le suivi pluriannuel des ressources issues de la
générosité publique est, de ce fait, très partiel.
Pourquoi ?
Certains organismes considèrent qu’il est plus commode de
calquer la construction du Compte d’emploi sur celle du compte de
résultat. Mais ceci a un côté réducteur, car le compte de résultat ne
rend compte que des opérations d’une période donnée, qui est
l‘exercice comptable (en général un an). Pour les opérations pérennes,
appelées patrimoniales il est accompagné d’un bilan. Or le compte
d’emploi n’est pas accompagné d’un bilan, même si certains
organismes publient leur bilan dans le même document. Pour remédier
à cette difficulté, le mécanisme des « fonds dédiés » institué par le
règlement comptable du 16 février 1999 pour le suivi des ressources
affectées, qui pourrait pallier cette insuffisance, et qui constitue une
formule simple, au point de vue comptable, pour traiter la situation
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des fonds non immédiatement dépensés, sans passage obligatoire par
le résultat et la mise en évidence
d’excédents ou déficits, qui peuvent
être mal interprétés, est très peu employé pour les sommes apportées
par la générosité du public. (Moins de 10 % des fonds)
Il paraît indispensable que
la procédure des fonds dédiés soit
mise en oeuvre dans tous les cas où l’objet de l’appel est plus
restreint que l’objet social de l’organisme et qu’elle soit élargie
aux fonds affectés par les instances associatives
. En tout état de
cause, pour rendre compte aux donateurs,
la Cour doit pouvoir
examiner l’utilisation de la totalité des sommes collectées, même si
elles n’ont été inscrites ni en charges ni en « fonds dédiés »
. Il lui
faut disposer, pour assurer sa mission, de documents qui permettent de
suivre sur plusieurs exercices les ressources collectées non utilisées,
que ces ressources aient été affectées ou non.
Or il existe une forte tentation pour les organismes de se
soustraire à l’obligation que leur impose la loi de 1991, en privant de
substance le compte d’emploi des ressources collectées auprès du
public, à la fois
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-
en n’isolant pas la part des ressources apportées par la
générosité du public dans l’ensemble des ressources
souvent très diverses dont ils disposent ; Ce qui est le cas
lorsque le compte d’emploi et le compte de résultat ne
font qu’un.
-
et en rendant impossible de suivre au-delà de l’année
l’utilisation des fonds non utilisées au cours de celle-ci, à
l’exception -dans les faits très minimes pour les
ressources de la générosité publique- des « fonds
dédiés ».
La Cour continuera donc à tenir auprès des donateurs le rôle que
lui a confié le législateur le 7 août 1991 : vérifier l’emploi – ce qui
inclut l’éventuel non emploi – des fonds collectés auprès du public.
Puis-je anticiper une question que vous ne manquerez pas de
poser au sujet des deux rapports publiés aujourd’hui ?
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Est-il
des
points
auxquels
les
donateurs
doivent
être
particulièrement attentifs pour s’assurer qu’ils disposent d’une
information financière exhaustive et transparente. ?
Face à une information parfois luxuriante, qu’ils se rappellent
qu’une information financière devrait toujours être accompagnée des
commentaires littéraires indispensables et simples sur l’origine, le
mode de construction et la signification des chiffres, tableaux et
graphiques mis en avant, et qu’elle devrait être éclairée par
l’indication claire des objectifs et de la stratégie retenus par les
instances délibérantes de l’organisme. Par exemple, je n’ai pas
dépensé les fonds cette année parce que j’envisage, l’année prochaine
de mettre en oeuvre un programme d’investissement.
***
Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention.