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Les aides de l’État en faveur du sport
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La crise sanitaire a lourdement affecté le monde sportif, dans le
secteur marchand comme dans le domaine du sport professionnel et
amateur, en provoquant un arrêt des pratiques et une fermeture de tous les
établissements d’activités physiques et sportives.
L’exercice en club a été fortement perturbé, et même impossible lors
des périodes de confinement. Le retour à un fonctionnement normal n’a
donc pu être que progressif, compte tenu d’une situation sanitaire
demeurant incertaine. La mise en œuvre des diffé
rents protocoles
sanitaires en fonction des disciplines et des publics, l’instauration des
gestes barrières puis du passe sanitaire ont durablement influencé les
usages, occasionnant des coûts supplémentaires et dissuadant certains
sportifs de reprendre leur entraînement.
La pratique du sport de compétition a également été réduite par les
restrictions sanitaires. Les championnats nationaux amateurs ont été
reportés ou annulés, tout comme certains événements nationaux et
internationaux, parfois organisés dans des formats réduits. Après la
clôture de la saison 2019/2020, intervenue en mars et avril 2020 selon des
modalités variables, la saison 2020/2021 des clubs professionnels s’est
déroulée à huis clos, puis en fonction de jauges limitant le public présent.
La période est aussi venue souligner les fragilités du modèle
économique des clubs et des fédérations, dont les sources de revenus,
principalement issues des prises de licences, de la billetterie, du
sponsoring
et des droits télévisuels, ont été fortement réduites voire taries. Les pertes du
monde sportif ont motivé une intervention massive des pouvoirs publics, qui
ont dégagé d’importants moyens financiers pour le soutenir.
Analyser les conséquences de la crise
suppose d’appréhender
finement le monde sportif, un exercice rendu complexe par la diversité des
enjeux et des statuts juridiques des entités concernées, ainsi que par une
connaissance statistique imparfaite, que le Conseil d’État avait relevée en
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COUR DES COMPTES
632
2019 dans une étude sur la politique publique du sport
522
. En février 2020,
avant le début de la crise sanitaire, l’observatoire du groupe
BPCE
523
classait
le
monde
sportif
en
deux
grands
ensembles :
112 000 entreprises
524
(78 Md€ de chiffres d’affaire et 333
000 emplois) et
360 000 associations
525
(13 Md€ de budget cumulé et 115
000 emplois).
La gestion de la crise sanitaire dans ce secteur s’est
faite dans le
contexte particulier de la réforme de la gouvernance publique du sport.
D’une part, la direction des sports (DS) a été recentrée sur des missions
régaliennes, tout en étant intégrée au ministère de l’éducation nationale,
de la jeunesse et des sports, ce qui a entraîné une reconfiguration de son
réseau territorial. D’autre part, l’agence nationale du sport (ANS) a été
créée par la loi du 1
er
août 2019 sous la forme d’un groupement d’intérêt
public et dotée d’un budget de 284 M€, avec pour obje
ctif de partager entre
le mouvement sportif, l’État, les collectivités territoriales et le monde
économique le pilotage des principaux dispositifs de soutien au sport
« pour tous » et au sport de haut niveau. La crise sanitaire a mis à
l’épreuve cette nouv
elle organisation, posant la question de son efficacité.
La Cour a conduit une enquête au 1
er
semestre 2021
526
auprès de la
DS et de ses services déconcentrés, de l’ANS, de cinq fédérations (boxe,
équitation, football, gymnastique, tennis) et d’autres organi
sations
représentatives des acteurs du sport. Des contrôles sur pièces et sur place
ont été menés
527
.
Il en ressort que les acteurs publics ont su dans l’urgence réagir à
la crise (I) mais que les différentes mesures de soutien ont été mises en
œuvre par éta
pes successives, sans vision consolidée de leur distribution
aux bénéficiaires (II). Les pouvoirs publics ont privilégié la gestion de
l’urgence plutôt que la relance du secteur, et doivent à présent
impérativement conduire un bilan financier des mesures q
u’ils ont
déployées, en évaluer les effets et accroître leurs contrôles (III).
522
Conseil d’État,
Étude annuelle 2019 - Le sport : quelle politique publique ?,
octobre 2019
.
523
Observatoire du groupe BPCE,
La filière sport prend ses marques
, février 2020.
524
Selon les auteurs de l’étude, sont concernées les entreprises ayant elles
-mêmes déclaré
à l’Urssaf que leur champ principal d’activité était le sport et celles dont l’activité est
principalement associée au sport mais qui ne sont pas enregistrées comme telles.
525
Seules 40
000 d’entre elles sont employeuses.
526
L’enquête n’a pas traité la préparation a
ux Jeux olympiques et paralympiques de
Tokyo, ni celle des JOP de Paris. Cette question doit en effet donner lieu à une enquête
de la Cour en vertu de l’article 29 de la loi du 18 mars 2018 relative à la préparation des
Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
527
Ils concernaient les dispositifs de compensation des pertes de billetterie (DS), de
rénovation énergétique des bâtiments sportifs (ANS) et le fonds territorial de
solidarité (Délégation régionale académique à l’engagement, à la jeunesse et au
x
sports d’Île
-de-France - DRAJES).
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
633
I -
Une gestion de crise maîtrisée dans le cadre
de la nouvelle gouvernance du sport
A -
Les interventions complémentaires de la direction
des sports et de la nouvelle agence nationale du sport
La DS et l’ANS ont apporté pendant la crise des réponses
coordonnées. Une comitologie de crise s’est mise en place sous l’autorité
de la DS avec le concours des différents acteurs du sport, dont l’ANS. La
DS s’est également inscrite dans l’organisation de gestion de crise
gouvernementale, participant aux travaux du centre interministériel de
crise (CIC), placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur, et de la cellule
de continuité de l’activité économique, organisée autour du ministre d
e
l’économie, des finances et de la relance. La DS a œuvré à la définition
collégiale des besoins du monde sportif pour en être le relais auprès des
pouvoirs publics. Avec l’ANS, elle a proposé des mesures spécifiques au
sport, d’ordre réglementaire, admin
istratif ou financier, en sus des mesures
de droit commun.
En première ligne, elle a assuré ses missions normatives, édictant
les premières mesures de restriction des pratiques et événements sportifs
en coopération avec l’ANS. Elle a ainsi produit des cadr
es de référence
régulièrement actualisés (instructions, guides, communiqués, tableaux de
synthèse, foires aux questions) pour accompagner les acteurs de terrain
dans la mise en œuvre des mesures sanitaires relatives au sport
528
.
Préparation et déploiement des guides et protocoles sanitaires
La procédure relative aux protocoles sanitaires n’a pas été formalisée
par écrit. Elle a donné lieu à un processus de validation adressé aux
directeurs techniques nationaux
via
le flash info bimensuel les concernant.
La DS réceptionnait les documents pour une analyse globale (réglementaire,
pratique et sanitaire). Cette action a reposé sur un petit nombre d’agents
relevant du bureau en charge de l’accompagnement des fédérations, en lien
528
La DS a
d’abord
publié différentes instructions puis, à compter de la rentrée de
septembre, plusieurs versions successives des tableaux de synthèse détaillant les
mesures sanitaires, parfois à quelques jours d’intervalle. En parallèle, les fédérations
sportives ont fait évoluer leurs protocoles spécifiques en lien avec elle.
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634
avec le seul médecin en fonction au sein de la direction. Les documents
étaient ensuite transmis au CIC qui assurait le lien avec le Centre de crise
sanitaire (CCS) pour vérifier leur conformité aux recommandations du Haut
Conseil de la Santé Publique. Une fois le document stabilisé, les protocoles
étaient validés en CIC thématique. Cet investissement de la direction s’est
traduit par le déploiement de 84 protocoles fédéraux
529
.
Ces mesures ont été complétées par l’ANS, qui a adapté ses
dispositifs d’intervention afin que ses crédits soient pr
ioritairement utilisés
pour satisfaire des besoins immédiats. Dès mars 2020, des échanges portant
sur la mise en œuvre des projets sportifs fédéraux ont été noués avec les
fédérations. Le déploiement des dispositifs « Emploi » et « Équipements
sportifs » a été assuré en concertation avec les services déconcentrés
chargés d’en assurer l’instruction, ainsi qu’avec l’ensemble des acteurs de
la gouvernance de l’agence. Tous ont été maintenus
530
et suivis par les
instances de gouvernance qui ont continué à se réunir malgré la crise.
Dans ce cadre, l’évolution rapide des règles applicables induite par
le contexte sanitaire a mis sous tension les fédérations et les clubs. Des
critiques ont, à l’occasion, pu être formulées, notamment sur le décalage
entre les annonces officielles
n’émanant pas toujours du ministère des
sports
et leur mise en œuvre effective.
B -
L’articulation avec les instances nationales
et fédérales
Les fédérations ont poursuivi leur activité à distance, qu’il s’agisse
du travail de leurs salariés ou du fonctionnement de leurs instances de
gouvernance
531
. Elles ont participé aux différents groupes de travail mis en
place par l’État et, pour accompagner son action, ont joué un rôle
d’interface avec les clubs et leurs licenciés.
529
La DS a été impliquée dans l
a préparation d’une trentaine de protocoles relatifs à des
évènements sportifs intervenus durant la crise sanitaire. Cette mission a été reprise en
mars 2021 par la délégation interministérielle aux grands évènements sportifs (DIGES).
530
Le dispositif de so
utien à l’emploi a été maintenu pour préparer la reprise d’activités
même en cas d’interruption ou lorsque le chômage partiel a été mobilisé. Des souplesses
ont été offertes (décalage des dates limites de dépôt des dossiers, régularisation
a posteriori
des pièces justificatives).
L’
ANS a maintenu les subventions aux
fédérations, avec un décalage possible du financement de certaines actions en 2021,
compte tenu du report des Jeux olympiques de Tokyo. Dans ce contexte exceptionnel,
des dérogations ont été accordées aux athlètes concernés par les Jeux de Tokyo pour
reprendre leurs pratiques et poursuivre leur préparation.
531
Elles ont pu s’appuyer sur l’ordonnance n° 2020
-321 du 25 mars 2020 portant
adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
635
Elles ont mené des actions de représentation pour adapter les
dispositifs de droit commun à leurs spécificités. La fédération française
d’équitation (FFE) a ainsi plaidé pour une meilleure prise en compte des
centres équestres, qui sont des entreprises agricoles. Les fédérations ont
également réalisé des analyses juridiques des restrictions, dont les règles
évoluaient au rythme de la pandémie. Elles ont recensé les aides nationales
et régionales, de droit commun et sectorielles, déployées par l’État et les
collectivités territor
iales et réalisé un travail d’actualisation des protocoles
sanitaires. Des initiatives ont été prises pour communiquer vers les clubs
et les services territoriaux des fédérations. Certaines ont mis en place des
boucles de courriels ou créé des lignes téléphoniques ouvertes à leurs
adhérents
532
.
Des fédérations plus ou moins déstabilisées selon les disciplines
Les sports de contact et en salle ont été les plus fortement
déstabilisés : la fédération de boxe a ainsi perdu la moitié de ses licenciés à
la rentrée 2020. Les fédérations organisant de grands événements sportifs
ont également été fortement touchées, comme la fédération de tennis, qui a
dû organiser l’édition
2020 du tournoi de Roland-Garros avec un nombre
limité de spectateurs, conduisant à une perte financière de 85
M€. D’autres
fédérations sont toutefois parvenues à limiter leurs pertes, voire à dégager
des bénéfices. Les fédérations de football et de gymnastique ont ainsi
enregistré un résultat net comptable positif en 2020. Des disciplines ont
même
bénéficié d’un regain d’intérêt
: l’équitation, pratiquée à l’air libre
avec une distance naturelle entre les pratiquants, a enregistré une
augmentation de 5 % du nombre de ses licenciés.
Les perspectives demeurent en tout état de cause incertaines, entre
poursuite des effets de la crise et retour progressif à la normale. À ce titre,
les cinq fédérations étudiées par la Cour anticipaient toutes un déficit pour
la saison 2020/2021 ou l’année 2021
533
.
532
La FFE a fait état de 28 000 appels et de 40 000 courriels de ses membres en 2020.
533
Qu’il s’agisse d’un budget prévisionnel voté en déficit ou d’une prévision d’exécution
connaissant la même situation.
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636
Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF)
534
s’est
inscrit dans ces démarches en recensant régulièrement les besoins des clubs
535
.
Sur le plan financier, il a participé en 2020 à la création d’un fonds d’urgence
pour les fédérations en difficulté, d’un montant de 0,9
M€, cofinancé avec
l’ANS, auquel il
a apporté 0,3
M€
536
. Il a également abondé de 0,5
M€ le fonds
de soutien à la production audiovisuelle géré par l’ANS
537
.
II -
Des mesures sectorielles
s’additionnant
aux aides de droit commun sans vision consolidée
A -
Une importante mobilisation des dispositifs
de droit commun
Le monde sportif a été l’un des plus touchés par la crise, en
particulier dans l’événementiel. Cela s’explique par la mise en place de
mesures successives de lutte contre le virus au printemps 2020 (application
d’un plafond de 5
000 spectateurs pour les manifestations sportives
accueillant du public, puis instauration de huis clos et enfin suspension
sine
die
des compétitions) et par leur reconduction sur tout ou partie du territoire
national aux différentes phases de la pandémie. Les mesures concernant la
pratique sportive, en milieux clos comme ouvert, ont rapidement mis en
difficulté les associations et clubs sportifs, qui se sont trouvés dans
l’incapacité de poursuivre leur activité –
mettant au chômage partiel leurs
employés lorsqu’ils en a
vaient
et donc d’accueillir leurs licenciés.
Si la crise n’a pas encore produit tous ses effets, elle a déjà eu un
impact majeur sur l’ensemble des activités sportives. Il n’existe toutefois
pas à ce jour de chiffres officiels consolidant ses effets financiers, aussi
bien en termes de charges que de produits. Les données disponibles sont
donc à apprécier avec prudence, le travail fin d’analyse et de chiffrage des
conséquences de la crise restant à mener. Des travaux de l’observatoire du
534
Réunissant 107 fédérations et 180 000 associations, soit 16 millions de licenciés
et 3,5 millions de bénévoles, le CNOSF joue un rôle de porte-parole du mouvement sportif
auprès des pouvoirs publics.
535
Via
ses comités départementaux et régionaux olympiques et sportifs (CDOS et CROS).
536
Sur les 64 demandes reçues, 25 fédérations ont reçu un soutien compris entre 30 et
50 000
€.
537
Ce fonds est destiné à accroître l’exposition des disciplines et des événements sportifs
émergents en accompagnant financièrement les fédérations, les structures agréées (clubs,
comités, ligues) et les associations pour leur permettre de prendre en charge une partie des
coûts de production des événements et reportages qu’elles supportent.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
637
groupe BPCE ont mo
ntré que l’impact récessif de la crise pour le monde
sportif
538
pourrait être de l’ordre de 20
Md€ en 2020. Toutefois, faute de
connaissance fine de l’évolution des charges, ils ne permettent pas de
préjuger de ses pertes ou bénéfices. Concernant plus particulièrement les
associations, leurs différentes sources de revenus (licences, billetterie,
sponsoring
, droits télévisuels) ont été affectées, mais différemment selon
les disciplines. Issus de l’enquête annuelle de l’Institut national de la
jeunesse et de l’
éducation populaire (INJEP), les derniers chiffres
disponibles montrent que les prises de licences ont marqué un
infléchissement (- 4 %)
539
.
Dans ce contexte, ce sont essentiellement les dispositifs de droit
commun qui ont soutenu le monde sportif, entreprises et associations
confondues. Les aides correspondantes ont atteint 4,2
Md€, auxquels
s’ajoutaient 3,1 Md€ de prêts garantis par l’État à la rentrée de
septembre 2021
540
. Cette filière a pu bénéficier de conditions de prise en
charge plus favorables, le sport ayant été classé comme prioritaire lors de
la séance du comité interministériel du tourisme du 14 mai 2020
541
. Les
enquêtes disponibles font apparaître que la mobilisation a été variable
suivant les dispositifs et les acteurs concernés. Elle s’est néanmoi
ns
accélérée à partir de la fin de l’année 2020, les soutiens de droit commun
représentant à cette époque de l’ordre de 1,2
Md€, complétés par plus de
1,6 Md€ de prêts garantis par l’État
542
.
Le contrôle de la Cour a montré que le mouvement sportif
(fédérations, instances territoriales, clubs) avait fortement recouru aux
reports de charges et à l’activité partielle. Il a moins sollicité les autres
dispositifs de soutien, notamment le fonds de solidarité. Il semble que
certaines associations n’avaient, dans un premier temps, pas besoin d’un
soutien de ce type ou ne remplissaient pas les conditions pour en bénéficier.
538
Une étude, publiée en février 2021, anticipait en effet pour 2020 une baisse du chiffre
d’affaire de 21 % pour les entreprises du sport et une réduction de 30 % des res
sources
des associations sportives. Ces données sont toutefois à manier avec prudence car elles
ont été établies sur la base d’enquêtes et de projections. Pour mémoire, une première
étude, réalisée en juin
2020, a évalué à 24 Md€ la perte des seules entrep
rises du sport.
539
- 8 % en intégrant les titres de participation autres que les licences. Cette diminution,
variable suivant les disciplines, est vraisemblablement sous-évaluée. Les fédérations ayant
le choix de la temporalité des données transmises, celles qui ont pris la saison sportive
2019/2020 comme référence ont, de fait, minoré l’impact de la crise sur la prise de licences.
540
Le périmètre des associations et entreprises concernées n’est toutefois pas
strictement identique à celui de l’étude de l’obs
ervatoire du groupe BPCE.
541
Les conditions pour bénéficier des aides étaient assouplies et plus favorables en
termes de taux, de montants ou de plafonds. Font également partie des secteurs
prioritaires la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, l’événemen
tiel et la culture.
542
L’effet de périmètre lié à la création en mars 2021 de l’aide compensant les coûts
fixes non couverts reste marginal. Elle représentait en effet 75 M€ en août 2021.
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638
Tableau n° 1 :
aides de droit commun en faveur du secteur
du sport
543
(en Md€)
Dispositifs
Montants
Références
Sources
Prise en charge par
l’État des indemnités
de
chômage partiel
1,32
juil-21
Ministère du travail, de
l’emploi
et de l’insertion
Versements au titre du
Fonds national de
solidarité
2,24
août-21
Ministère de
l’économie, des
finances
et de la relance
Exonération de charges
0,60
mai-21
Ministère des solidarités
et de la santé
Aide visant à
compenser les coûts
fixes non couverts
0,08
août-21
Ministère de
l’économie, des
finances
et de la relance
Sous-total
4,24
Prêts garantis par l’État
3,06
août-21
Ministère de
l’économie, des
finances
et de la relance -
Banque de France
Source : Cour des
comptes d’après les données DS
B -
Un empilement des mesures spécifiques en faveur
du mouvement sportif
Au-delà des aides de droit commun dont ont profité les entreprises
de la filière économique du sport, le mouvement sportif professionnel et
associatif a bénéficié d’aides spécifiques, dont la mise en place a été
annoncée en plusieurs étapes.
543
Incluant les entreprises privées et le mouvement sportif (clubs, fédérations et autres
organismes du sport).
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
639
Schéma n° 1 :
mesures de soutien en faveur du mouvement sportif
lors de la crise sanitaire
Source : Cour des comptes
1 -
Des mesures d’abord réglementaires au 1
er
semestre 2020
Au cours du premier semestre 2020, la DS a piloté l’élaboration de
mesures essentiellement réglementaires en faveur des clubs et fédérations,
pratiquants et athlètes, organisateurs d’événements.
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640
Avec le ministère de la culture, elle a adapté la réglementation relative
aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force
majeure
544
, avec un dispositif d’avoir applicable en cas d’annulation. Cette
mesure visait à concilier le soutien à la trésorerie des entreprises du secteur de
l’év
énementiel et des associations avec le respect des droits des
consommateurs. La DS a également porté une mesure de soutien aux clubs
professionnels
via
le relèvement des plafonds des subventions versées et des
prestations de services commandées par les collectivités territoriales
545
.
2 -
Des mesures financières limitées jusqu’à la rentrée 2020
Pour faire face à l’arrêt des activités de ses opérateurs, la DS a
financé sur ses fonds propres une augmentation des subventions à l’Institut
national du sport, de l’exper
tise et de la performance (INSEP)
546
, aux
centres de ressources d’expertise et de performance sportive (CREPS), aux
écoles et au musée national du sport pour un montant de 2,31 M€. Avec le
ministère de l’agriculture, elle a également créé, pour les centres é
questres
et les écoles d’équitation, un dispositif d’aide exceptionnelle destiné à
financer les soins prodigués aux animaux dont ils sont propriétaires
pendant le premier confinement, au cours duquel la pratique de l’équitation
était interdite
547
.
Pour sa p
art, outre l’adaptation de ses dispositifs ordinaires, l’ANS
a déployé, en juin 2020, un fonds de solidarité de 15 M€, financé pour
moitié par la DS.
544
Par les ordonnances n° 2020-538 du 7 mai 2020 et n° 2020-1597 du
16 décembre 2020, qui donnent la faculté aux organisateurs ou propriétaires des droits
d’exploitation d’une manifestation sportive
de proposer un avoir aux spectateurs ou
partenaires « hospitalités » des compétitions et événements ayant dû être annulés. Cette
faculté a été également offerte aux exploitants d’établissements d’activités physiques et
sportives, fortement touchés par la fermeture de leurs salles et espaces.
545
Le décret n° 2020-1227 du 6 octobre 2020 a porté le plafond des subventions que
peuvent verser les collectivités territoriales
aux clubs à 3,1 M€ jusqu’à fin 2020, en
conditionnant cette aide à des actions de solidarité entre les clubs professionnels et leurs
clubs amateurs,
et relevé le plafond d’achat de prestations de services pour la saison
2020/2021 à 4 M€
. Selon une estimation des ligues professionnelles, cette disposition
a permis aux clubs sportifs et professionnels de bénéficier de 5,4 M€ de recet
tes
supplémentaires.
546
L’Insep a estimé son manque à gagner en 2020 à 5 M€, dont 4 M€ liés à la suspension
de l’accompagnement sur site des athlètes. La DS a mené un audit financier à ce sujet.
547
L’Institut
français du cheval e
t de l’
équitation (IFCE) a g
éré ce dispositif de 21 M€,
exclusivement financé par le ministère de l’agriculture
: 13,58
M€
ont été versés à
5 549 établissements accueillant 113 224 équidés.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
641
Le fonds territorial de solidarité
Voté par le conseil d’administration de l’ANS en juin 2020, ce fonds
a bénéficié, à la rentrée 2020, à 3 000 associations, 530 structures
d’entraînement et 9
000
sportifs. Il a fait l’objet d’une note d’orientation de
l’agence le 30
juin 2020, déclinée ensu
ite par des notes d’orientation
régionales précisant notamment le calendrier de dépôt et de traitement des
dossiers. La dotation du fonds territorial de solidarité, d’un montant de
15 M€, a été répartie en trois enveloppes, dont une de 12 M€ pour
accompagner les associations sportives les plus fragiles et faciliter la rentrée
des clubs ; elle a été gérée par les services déconcentrés.
Dans le cadre de son enquête, la Cour a procédé au contrôle des
dossiers de subventions instruits par les DDCS d’Île
-de-France et
centralisés à la DRJSCS
548
. En Île-de-France, 399 demandes ont été reçues,
dont 113, considérées comme inéligibles, ont été rejetées. Parmi les
286
dossiers éligibles, 260 ont donné lieu à l’attribution de subventions d’un
montant total de 1 260
900 €, soit un montant moyen faible, 4
850
€ par
demande, et un taux de sélection de 92 %.
Le contrôle d’un échantillon de 42 dossiers a permis de dresser les
constats suivants :
-
les notes d’orientation
nationale et régionales, tout en détaillant les
demandes éligibles, n’ont pas fixé de critères précis d’analyse des
demandes, laissa
nt de ce fait une large autonomie d’appréciation aux
instructeurs ;
-
le calendrier de mise e
n œuvre imposé par la DRAJES d’Î
le-de-France
était trop contraint pour permettre une instruction approfondie des
dossiers
: les associations avaient jusqu’au 8
septembre 2020 au plus tard
pour déposer leur dossier, dont l’instruction par les services devait être
achevée le 15 septembre, soit en cinq jours ouvrés ;
-
les commentaires laissés par les instructeurs sont succincts, voire
inexistants, et ne permettent pas de connaître précisément les raisons du
rejet, du refus ou de l’acceptation de la demande
: 14 des 42 dossiers
contrôlés par la Cour présentaient des anomalies sur l’inéligibilité ou
l’éligibilité des demandes et la légitimité de l’attribution de la subventio
n
au regard des buts recherchés par le dispositif ;
548
Les directions départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
(DDJSCS) sont devenues au 1
er
janvier 2021 les services départementaux à la jeunesse,
à l’engagement et au sport (SDJES). Les directions régionales de la jeunesse, des sports
et de la cohésion sociale (DRJSCS) sont devenues au même moment les délégations
régionale
s à la jeunesse, à l’engagement et au sport (DRAJES).
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642
-
sur le fonds
, les attributions d’aides mettent en évidence des effets
d’aubaine, certaines associations présentant des situations financières
confortables, et des risques de cumuls ;
-
à la date de l’enquêt
e de la Cour, aucun contrôle
a posteriori
n’avait été
mené, même si les bénéficiaires devaient adresser aux services un compte
rendu financier de l’opération subventionnée.
Le calendrier particulièrement tendu conjugué à des moyens restreints
a donc conduit à une instruction peu approfondie et à des contrôles
a posteriori
limités à la seule transmission du compte rendu financier.
3 -
Septembre 2020-avril 2021 : de nouvelles annonces multipliant
mesures d’urgence et de relance
À mesure de la prise de conscience des conséquences de la crise,
l’État a multiplié les annonces de soutien financier au monde sportif. Entre
septembre 2020 et avril 2021, il s’est ainsi engagé à lui attribuer des aides
sectorielles pour un montant total de 506
M€.
En septembre 2020, dans le cadre du plan « France relance » doté
de 100
Md€, six mesures d’un montant global de 122
M€ ont ainsi été
annoncées pour le sport, essentiellement tournées vers la transition
écologique et la transformation numérique (59
M€), le soutien à l’emploi
(52
M€
) et le soutien aux clubs et aux associations (11
M€).
La mesure de soutien à la transition énergétique
des équipements sportifs
Le plan de relance gouvernemental prévoit une enveloppe de 50 M€,
pilotée par l’ANS, dont 25 M€ sont gérés au niveau national l
orsque la
demande de subvention est supérieure ou égale à 0,5 M€, l’autre part étant
gérée au niveau des services déconcentrés. L’objectif est de permettre une
économie d’énergie de 30 % après travaux d’équipements sportifs détenus
par les collectivités territoriales, qui sont les bénéficiaires de ce dispositif.
Pour cette enveloppe, 54 projets ont été adressés à l’ANS dont
33 seulement ont été déclarés éligibles et complets
549
, pour un montant
sollicité de 32,1 M€, en regard des 25 M€ disponibles. La Cour a
contrôlé
un échantillon de 12 dossiers ayant fait l’objet d’un rejet pour inéligibilité
ou d’une attribution. Elle a pu dresser les constats suivants :
-
le cadre d’instruction a été clairement fixé par une
note de service et
l’ANS a formé les correspondants départementaux
;
549
Trois dossiers avaient par ailleurs été retirés en amont.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
643
-
l’instruction des projets à deux niveaux (d’abord territorial, puis national)
a permis d’écarter 21 projets qui n’étaient pas éligibles
550
; cette situation
soulève la question de la qualité des instructions menées dans les services
territoriaux, qui semblent avoir laissé au niveau national la responsabilité
d’écarter certains dossiers déclarés éligibles à leur niveau
;
-
pour certains dossiers retenus, la présentation de la performance
énergétique après travaux pouvait reposer sur des éléments déclaratifs ;
-
le calendrier très tendu entre la publication de la note de service, le
25 février 2021, et la date butoir pour déposer les dossiers, le
16 avril
2021, fragilise l’effet incitatif du dispositif, qui aura moins suscité
de nouveaux projets que facilité le financement de projets existants,
produisant mécaniquement des effets d’aubaine
;
-
il apparaît, dès aujourd’hui, que certaines conditions d
e financement ne
sont plus tenables : les porteurs de projet devront impérativement notifier
les marchés de travaux aux entreprises avant le 31 décembre 2021, ce
qu’un nombre croissant d’entre eux juge intenable
; une prorogation des
délais s’avérera donc indispensable pour éviter qu’ils ne perdent le
bénéfice des subventions
551
.
En novembre 2020, l’État a annoncé la mise en place d’une
enveloppe supplémentaire de 254
M€, portée en avril 2021 à 384
M€, pour
financer des aides d’urgence et de relance pour le s
port amateur et
professionnel. La plus grande partie de ces fonds (237
M€) a été affectée à
un dispositif de compensation partielle des pertes de billetterie des
associations, fédérations et sociétés organisatrices
552
. Un «
Pass’ sport
»,
doté de 100
M€, a é
galement été instauré pour favoriser la pratique sportive
chez les plus défavorisés. Par ailleurs, le fonds de solidarité mis en place
par l’ANS en 2020 a été prolongé en 2021 pour un nouveau montant de
15
M€. Enfin, 32
M€ ont été annoncés pour permettre à
l’agence du service
civique de financer 5 000 contrats, notamment dans les comités régionaux
olympiques et sportifs pour aider les clubs à demander les aides de l’État
553
.
550
Les dossiers sont déposés par les porteurs de projets auprès des services déconcentrés
de l’État en charge des sports
, qui vérifient leur éligibilité, leur conformité et leur
complétude, puis les transmettent au service des é
quipements sportifs de l’ANS.
551
Le principe selon lequel les travaux pouvant être subventionnés devront
impérativement être terminés le 31 décembre 2022 sera également à ajuster.
552
107 M€ pour la période allant jusqu’au 1
er
janvier 2021 et 130 M€ supplémentaires
annoncées en avril 2021 pour la période allant jusqu’au 1
er
juillet 2021.
553
À
ces mesures spécifiques au sport peut être également intégrée l’aide en faveur des
exploitants de remontées mécaniques (598 M€ consommés au 1
er
septembre 2021) mise
en place à partir de mars 2021, qui relève également d’un soutien au secteur touristique.
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COUR DES COMPTES
644
Le fonds de compensation des pertes de billetterie
Ce fonds vise à compenser partiell
ement les pertes d’exploitation
liées aux restrictions d’accueil du public pour les manifestations et
compétitions sportives qui se sont tenues avec des jauges réduites, afin de
venir
en
aide
aux
structures
les
plus
fragilisées.
Annoncé
le
17 novembre 2020,
le
dispositif
a
été
créé
par
un
décret
du
11 décembre 2020 qui a fixé les bénéficiaires (associations, sociétés et
fédérations sportives délégataires, ligues professionnelles et organisateurs de
manifestations sportives), les manifestations et compétitions sportives et les
recettes éligibles, ainsi que les modalités de calcul de l’aide et de son
versement (un acompte de 70 % dans les meilleurs délais, puis le solde après
réception
par l’administration des documents comptables certifiés détaillant
les excédents bruts d’exploitation (EBE),
qui peut conduire à réduire l’aide
attribuée).
Une première enveloppe de 107 M€ a été attribuée pour couvrir la
période allant du 10 juillet au 31 décembre 2020. Un décret du 23 août 2021
a prolongé le dispositif pour la période allant du 1
er
janvier au 30 juin 2021,
avec une nouvelle enveloppe de 130
M€. La DS, gestionnaire du dispositif,
a procédé à l’instruction des dossiers.
Pour la première enveloppe de 107 M€, 365 demandes ont été
adressées à la DS, 298 ont reçu une réponse positive, 36 une réponse
négative et 31 sont en attente. La Cour a contrôlé 37 dossiers ; ses constats
portent sur :
-
le formalisme réduit de la procédure, puisqu’au
-delà des décrets précités,
les critères d’éligibilité, les modalités d’instruction et les pièces
demandées étaient précisées dans une notice sur le site internet du
ministère et par une simple procédure interne à la DS ;
-
le caractère déclaratif et le nombre restreint des pièces demandées : un
formulaire détaillant les données nécessaires au calcul de l’aide, certifié
par un tiers de confiance (commissaire aux comptes ou expert-comptable),
un relevé d’identité bancaire, un ét
at de situation au répertoire SIRENE ;
-
une instruction du dossier se limitant à vérifier l’éligibilité du demandeur,
l’existence de la manifestation et la complétude du dossier
; la réception
des EBE pourra conduire à la récupération d’indus
si la situation définitive
est plus favorable que celle estimée initialement ;
-
l’outil de suivi interne à la DS ne retrace pas toutes les étapes de
l’instruction des dossiers (date d’arrivée, levée de réserves)
et ne permet
pas une consolidation rapide des données pour du
reporting
. La
prolongation du dispositif doit conduire à régler ces fragilités.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
645
Ce dernier dispositif, mobilisant les fonds les plus importants parmi
les mesures spécifiques, a donc pu être rapidement déployé, au prix
cependant de mesures d’instruction
réduites.
III -
Des mesures essentiellement tournées
vers l’urgence, sans ambition structurelle
ni moyens de contrôle
A -
Des aides financières relevant de l’urgence
et insuffisamment coordonnées entre les acteurs
Comme dans plusieurs autres secteurs économiques, la Cour a
constaté une confusion entre les mesures d’urgence et les mesures de
relance, ces dernières ayant en fait principalement servi à compléter les
premières. En effet, en dehors des dispositifs de soutien à la formation et à
la transformation énergétiq
ue et numérique ainsi qu’à la prise de
licences
554
, les autres mesures consistent en des aides de soutien
économique visant à conforter la stabilité financière des acteurs pour éviter
des défaillances.
La majeure partie des aides sectorielles mises en place entre
septembre 2020 et avril 2021 pour un montant total de 506
M€ (cf.
supra
),
vise ainsi à compenser les pertes de recettes des acteurs sportifs, en sus des
dispositifs de droit commun existants : la compensation des pertes de
billetterie, qui représente
près de la moitié de l’enveloppe totale (237
M€),
constitue une intervention d’urgence, au bénéfice essentiellement des
ligues et clubs professionnels, et non de relance.
À cette déviation de la relance vers l’urgence s’ajoute une absence
de coordination et de ciblage des mesures. Durant la période, les
collectivités territoriales
555
et les fédérations ont apporté une réponse
rapide mais peu ciblée aux associations pour les aider à passer le cap de la
crise. Au vu de l’impact variable de la crise sur les di
fférents sports et au
sein de chaque fédération, le soutien de l’État aurait pu être modulé en
554
Le «
Pass’ sport
» devrait être reconduit au-delà de la seule saison sportive
202
1/2022 et s’inscrire dans la durée comme un dispositif d’aide aux publics
défavorisés pour leur permettre de pratiquer une discipline sportive.
555
Une enquête de l’ANDES (Association nationale des élus du sport) auprès de ses
adhérents montre que la majorité des collectivités ayant répondu ont fait le choix de
sanctuariser leur budget en faveur du sport.
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COUR DES COMPTES
646
fonction de la situation financière des clubs
556
. Positive dans son principe,
cette dynamique de financement public n’a pas fait l’objet d’une
concertation ni d’un
e coordination, ce qui a conduit à la multiplication des
dispositifs en faveur de structures, souvent petites, qui ont peiné à identifier
ceux auxquels elles étaient éligibles.
Il est ainsi regrettable qu’il n’y ait pas eu un meilleur ciblage des
structures bénéficiaires. Dans les cinq fédérations plus particulièrement
étudiées par la Cour dans le cadre de son enquête, la majorité des mesures
mises en place repose sur une logique de guichet et d’aide indifférenciée,
sans analyse fine de la situation des bénéficiaires
557
. Ce constat illustre les
critiques régulièrement émises par la Cour sur les insuffisances du suivi
financier, par les fédérations, de leurs instances territoriales et des clubs. Les
fédérations peinent dans les faits à cibler leurs aides sur les structures les plus
fragiles. Au final, les mesures fédérales et le soutien des collectivités
territoriales ont pu recouper les objectifs des mesures nationales, entraînant
un effet de cumul. Les clubs éligibles ont pu bénéficier de plusieurs
dispositifs ayant la même finalité.
Par ailleurs, les aides ont été versées sans condition, ce qui n’a pas
favorisé des adaptations structurelles pourtant nécessaires. Le niveau
important des aides consenties par l’État
558
lui offrait pourtant une base
solide pour demander en retour des engagements sur des réformes
structurelles, consistant notamment à renouveler le modèle économique du
mouvement sportif (recherche de nouveaux publics, diversification de
l’offre, poursuite de la professionnalisation, soutien à la numér
isation) et à
repenser la politique de licences des fédérations, pour les adapter à des
pratiques moins continues, plus souples et flexibles.
556
Pour mémoire, l
’enquête de l’association Recherches et Solidarités publ
iée
en mai 2021 sur la situation du monde associatif dans son ensemble indique que deux
tiers des répondants considèrent leur résultat 2020 acceptable (déficit acceptable,
proche de l’équilibre ou en excédent). 14 % anticipent un déficit pouvant dépasser 10
%
des produits et 4 % n’excluent pas un dépôt de bilan à court ou moyen terme.
557
Par exemple,
l’aide aux clubs de la FFF à hauteur de 10
€ par licencié est
automatique,
dès lors qu’elle est demandée.
558
Il s’agit d’un niveau élevé, représentant (aides de droit commun comprises mais hors
prêts garantis) sept fois les enveloppes budgétaires annuelles de 650
M€
(programme 219
Sport
et programme 350
Jeux olympiques et paralympiques 2024
).
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
647
B -
Un indispensable travail d’agrégation des aides
versées par bénéficiaire pour éviter
toute surcompensation
La cris
e a révélé la faiblesse des capacités d’observation et d’analyse
de la DS. Ce constat confirme celui formulé par le Conseil d’État dans son
étude susmentionnée, qui avait mis en évidence l’insuffisance des moyens
consacrés à la production de statistiques publiques relatives au sport et,
plus largement, un problème de fiabilité des données relatives à ce secteur,
avec pour conséquence un déficit en termes de connaissances.
Si des améliorations sont intervenues ces dernières années sur ce
point
559
, la situation reste encore insatisfaisante. Concernant la mise en
œuvre des différents soutiens, la DS n’a pas une connaissance précise des
aides versées aux différents acteurs. Ainsi, elle ne dispose pas
d’informations complètes sur le nombre de structures classées pa
r catégorie
selon leur forme juridique, ni d’une ventilation exacte des montants d’aides
distribuées
permettant
au
moins
d’en
connaître
les
principaux
bénéficiaires. Aussi se trouve-t-
elle aujourd’hui dans l’incapacité d’avoir
une vision d’ensemble des aid
es générales et sectorielles versées à chacun
d’entre eux et ne peut donc identifier d’éventuels effets d’aubaine, sur
lesquels la Cour attirait l’attention dans son rapport public annuel 2021
560
.
A fortiori
la DS n’a pu réguler son niveau d’aides sectoriell
es selon
l’intensité des aides de droit commun déjà perçues
561
.
Il apparaît désormais indispensable d’ajuster le versement des soldes
des aides en cas de niveaux manifestement excessifs de soutien, en raison
d’effets de cumuls des dispositifs et/ou de la sit
uation réelle de trésorerie
des structures concernées
562
.
559
Une annexe budgétaire relative au sport a été créée à l’occasion du PLF 2021. Cette
première version est toutefois perfectible dans sa présentation et dans son contenu, trop
parcellaire et qui ne donne pas de vision transversale des moyens alloués par l’État à la
politique du sport. Des travaux importants menés par l’INJEP sont par ailleurs achevés
ou en cours d’achèvement (édition 2020 du baromètre na
tional des pratiques sportives,
enquête décennale relative aux pratiques physiques et sportives, édition 2020 des
chiffres clés du sport).
560
Cf. Cour des comptes,
Le fonds de solidarité à destination des entreprises
, rapport
public annuel, mars 2021. Ce chapitre a mis en évidence des effets de cumul avec
d’autres aides et
des risques de fraude.
561
La DS doit pouvoir associer les différents acteurs à ce chantier. À titre d’e
xemple,
elle n’a aucune visibilité sur le recours des collectivités territoriales au dispositif de
déplafonnement des subventions versées et des prestations de services commandées aux
clubs professionnels.
562
Un mécanisme de correction
a posteriori
des aides versées a certes été institué, mais
il ne concerne que le fonds de compensation des pertes de billetterie, et son impact ne
pourra être apprécié qu’à la fin du versement des soldes d’aides.
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COUR DES COMPTES
648
Tableau n° 7 :
recensement des aides financières annoncées (en M€)
Aides financières pour le sport
Porteur
Budget
(en M€)
Nature
de
l’aide
Dispositif de droit commun
État
4 233
Urgence
Prêts garantis par l’État
(PGE)
État
3 061
Urgence
Aide en faveur des exploitants de remontées
mécaniques
État
598
Urgence
Surdotation à l’INSEP (1,05
M€) et aux CREPS,
écoles et musée national du sport (1,26
M€)
Ministère des
sports
2,31
Urgence
Fonds territorial de solidarité 2020
ANS
15
Urgence
Dispositif d’aides exceptionnelles aux centres
équestres
Ministère de
l’agriculture
20,7
Urgence
Fonds d’urgence aux fédérations co
-financés par
l’ANS (0,57
M€) et par le CNOSF (0,33
M€)
ANS/CNOSF
0,9
Urgence
Emplois pour les jeunes dans le sport
ANS
40
Relance
Soutien aux clubs et associations
ANS
11
Urgence
Transition énergétique des équipements sportifs
ANS
50
Relance
Transformation numérique des fédérations
ANS
8
Relance
Transformation numérique des données
et nouveaux services du sport
DS
1
Relance
SESAME
563
DS
12
Relance
Fonds de compensation des pertes de billetterie (1)
DS
101
Urgence
Fonds de compensation des pertes de billetterie (2)
DS
130
Urgence
Pass’ sport
DS
100
Relance
Fonds territorial de solidarité 2021
ANS
15
Urgence
5 000 postes de service civique
ASC
32
Relance
Nota : Les montants de ce tableau ne peuvent être additionnés pour le moment car ils prennent en considération des
subventions, d’une part, et des prêts garantis, d’autre part. Par ailleurs, c
ertaines lignes indiquent des montants
déjà décaissés alors que d’autres lignes correspondent à des financements prévus mais non encore versés.
Source
: Cour des comptes d’après les données DS et direction du budget
563
Le dispositif SESAME (Sésame vers l’Emploi pour le Sport et l’Animation dans les
Métiers de l’Encadrement) permet d’accompagner les jeunes les plus défavorisés vers
une qualification en vue d’un emploi dans les métiers de l’encadrement du sport ou de
l’animation.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
649
C -
La nécessité d’un renforcement du
contrôle de
l’État sur les fédérations délégataires de service public
Les différentes aides financières ont fait l’objet de notes
d’orientation pour définir leurs modalités d’instruction, de versement et de
contrôle. Les vérifications sur pièces de la Cour sur le fonds territorial de
solidarité, le dispositif de soutien à la transition énergétique des
équipements sportifs et le fonds de compensation des pertes de billetterie
ont montré que les calendriers contraints de mise en œuvre de ces
dispositifs et le
s faibles effectifs disponibles pour assurer l’instruction des
demandes de subvention avaient nui à la qualité du processus, d’autant que
les critères d’attribution des aides étaient dans certains cas trop généraux
(cf. les encadrés
supra
).
Cette situatio
n a été aggravée par l’absence de moyens suffisants
pouvant être dégagés pour mettre en œuvre les contrôles
a posteriori
des
aides versées.
Ces constats renforcent la nécessité de développer des fonctions de
contrôle, tant dans les fédérations qu’au niveau
national, à l’ANS comme
à la DS. Cette dernière ne dispose aujourd’hui que d’un dispositif
externalisé d’audit ciblé, confié à des prestataires, dont l’intérêt est limité,
puisque sa finalité n’est pas de vérifier la solidité de la situation financière
générale des fédérations mais seulement la rigueur des procédures utilisées
et la fiabilité des méthodes d’évaluation des coûts.
Dans la perspective du rôle plus stratégique qu’elle a vocation à
assumer depuis la création de l’ANS et afin de superviser le d
éploiement
des politiques du sport, la DS doit se doter de moyens de contrôle en propre
et développer une véritable fonction de contrôle de gestion et d’audit. Elle
pourra ainsi nourrir son dialogue stratégique avec les fédérations et assurer
un suivi des effets de la crise et des différentes mesures déployées pour
soutenir les acteurs.
Pour remédier à ces faiblesses, l’État doit s’appuyer sur son pouvoir
de délégation, comme la Cour l’a recommandé dans son chapitre du rapport
public annuel 2018 sur l’État
et le mouvement sportif
564
. Elle relevait que
la délégation accordée aux fédérations était un levier qui restait à activer.
La délégation est en effet l’acte juridique majeur par lequel l’État,
indépendamment de toute subvention, délègue un service public à des
bénéficiaires, qui disposent de ce fait de pouvoirs « disciplinaires »
564
Cour des comptes,
L’État et le mouvement sportif : mieux garantir l’intérêt général
,
rapport public annuel, février 2018.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
650
importants, du monopole de la délivrance des titres nationaux, de
l’organisation des compétitions nationales et de la responsabilité de
sélectionner et d’entraîner les équipes de Fr
ance
565
. Plus largement, si
l’obtention de la délégation est d’une grande valeur économique pour les
fédérations délégataires, qui en tirent souvent leur principale source de
revenus, elle constitue parallèlement pour la DS un moyen sans pareil
d’influence s
ur les fédérations, dont elle doit se saisir résolument pour
s’assurer que les orientations fédérales prennent bien en compte ses
priorités politiques relevant de l’intérêt général (respect de l’éthique et des
valeurs sportives, principes de bonne gouvernance, lutte contre le dopage,
les discriminations et les atteintes sexistes et sexuelles, formation et
intégration des jeunes joueurs, etc.).
Avec le contrat de délégation créé par la loi du 24 août 2021
confortant le respect des valeurs de la République, l
’État doit réaffirmer les
droits et obligations conférés aux fédérations sportives délégataires de
prérogatives de puissance publique et mettre en place, en lien avec l’ANS,
un dialogue stratégique annuel pour, notamment, contrôler le respect des
engagemen
ts pris par chacune des parties. Les sept décrets d’application
dont la publication doit intervenir prochainement devront veiller à ce que
le pouvoir de l’État soit effectivement conforté.
565
Articles L. 131-14 et L. 131-15 du code du sport.
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
651
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Face à une crise d’une ampleur ex
ceptionnelle, les pouvoirs publics
et les différents acteurs du monde sportif se sont mobilisés pour en limiter
les effets. La direction des sports et l’agence nationale du sport ont joué
un rôle central pour associer les partenaires, assurer la diffusion de
l’information, identifier les besoins et, dans un deuxième temps, proposer
une réponse spécifique au secteur. Bien que cette dynamique doive être
saluée, elle a souffert de limites qui ont trait aux difficultés structurelles du
monde du sport, identifiées depuis plusieurs années.
Si un réel effort d’association et de concertation a été mené, la
réponse opérationnelle, notamment territoriale, s’est dispersée et n’a pas
été coordonnée. Ce constat souligne combien il est important que la
nouvelle gouvernance territoriale du sport se mette en place rapidement
pour répondre à cet enjeu.
À court terme, le choix d’une action rapide et peu discriminante peut
se comprendre dans un contexte de crise soudaine. La connaissance de la
situation financière des acteurs territoriaux, très variable et insuffisante
pour orienter les soutiens, n’a pas permis de cibler finement les structures
bénéficiaires, avec le risque de potentiels effets de cumuls et d’aubaine. Il
est nécessaire de dresser rapidement un bilan détaillé des mesures
générales et sectorielles déployées, d’adapter les attributions futures à la
situation réelle des bénéficiaires et d’inscrire dans la durée un suivi
financier effectif des structures concernées.
L’enquête a également montré qu’une confusion s’éta
it installée
entre réponse à l’urgence et soutien à la relance. Aussi, cette période
charnière n’a pas constitué un levier pour répondre aux enjeux du secteur
en termes d’organisation et de modèle économique. Les montants
importants consacrés aux acteurs du sport auraient pourtant dû conduire
à formaliser des engagements en faveur d’une diversification de l’offre
sportive et d’une professionnalisation du secteur, et à promouvoir une
mutualisation entre les acteurs, voire un système préventif d’auto
-
assuranc
e permettant de sortir d’une dépendance étroite à des ressources
soumises aux aléas conjoncturels.
Alors que la situation sanitaire s’améliore progressivement, un
complet retour à la normale n’est pas acquis, comme en témoigne la baisse
du nombre de licenciés. De nouvelles habitudes prises pendant cette
période exceptionnelle ont modifié les attentes et pratiques sportives. Cette
évolution doit inciter les pouvoirs publics et le mouvement sportif à mener
rapidement une réflexion collective sur les modèles économiques des
mondes amateur et professionnel, qui ont chacun montré leur fragilité à
l’occasion de la crise sanitaire.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
652
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
établir dans les meilleurs délais une répartition consolidée des
mesur
es d’urgence et du plan de relance déployés par l’État, en
évaluer les impacts et identifier les éventuels effets d’au
baine et de
cumul (DS, ANS, DB) ;
2.
r
enforcer les moyens de suivi et de contrôle de l’attribution et d
u
versement des aides (DS, ANS) ;
3.
mett
re en œuvre un suivi financier des structures territoriales des
fédérations pour consolider leurs aides nationales, territoriales et
fédérales et apprécier leur situation financière (DS, ANS, fédérations).
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Réponses
Réponse du Premier ministre
..................................................................
655
Réponse du président et du directeur général de
l’Agence nationale
du sport (ANS)
........................................................................................
658
Destinataire n’ayant pas répondu
Madame la présidente du Comité national olympique et sportif français
(CNOSF)
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Dans le contexte de la crise sanitaire qui a imposé des mesures de
restriction limitant la pratique sportive, l'organisation des compétitions et
l'accès aux lieux de leur déroulement, l'État a déployé des mesures de
soutien très conséquentes en faveur du sport amateur et professionnel
comme des loisirs sportifs marchands. Le chapitre que la Cour des comptes
entend consacrer aux aides en faveur du sport, dans son rapport annuel
2022, appelle les observations suivantes de ma part.
Face à l'ampleur de la crise et à sa soudaineté, la Direction des
sports (DS) s'est très rapidement mobilisée, en lien avec l'Agence nationale
du sport (ANS), pour accompagner les acteurs du monde sportif, piloter la
préparation et l'application des protocoles sanitaires, et porter les
premières mesures réglementaires visant à soutenir directement ou
indirectement la trésorerie des clubs professionnels et amateurs et des
salles de sport, avec le dispositif des avoirs et le relèvement des plafonds
des subventions des collectivités. Ainsi que la Cour le reconnait, cette
dynamique doit être saluée, comme la méthode et la logique de
concertation qui ont permis d'élaborer, très rapidement et en y associant
l'ensemble des acteurs, les réponses opérationnelles aux difficultés de l'un
des secteurs les plus fragilisés par la crise sanitaire.
Si les aides déployées dessinent
a posteriori
un paysage complexe de
« mesures sectorielles s'additionnant aux aides de droit commun », cette
situation s'explique par la nécessité d'apporter une réponse immédiate
permettant d'agir dans l'urgence, et par la volonté de préserver les emplois
du secteur dans un contexte de crise sans précédent. Les leviers
s'inscrivaient dans une durée qu'il était difficile d'anticiper, d'où la
nécessaire adaptation des différents dispositifs à mesure que la crise
perdurait. En outre, une seule réponse transversale ne pouvait pas prendre
en compte les enjeux et la diversité des besoins sectoriels.
Dans le champ du droit commun, le maintien ou le renforcement des
restrictions administratives durant de longs mois et les confinements
successifs ont imposé d'adapter les aides et de réviser leurs montants, dans
le cadre de l'encadrement temporaire européen lui-même modifié à six
reprises par la Commission européenne. En dehors des dispositifs de droit
commun et des prêts garantis par l'É
tat (plus de 7 Md€) et du dispositif
d'aide en faveur des exploitants de remontées mécaniques (0,6 Md€), le
Gouvernement a mis en place des dispositifs de soutien spécifiques dont :
-
le dispositif de compensation partielle des pertes de billetterie des
clubs
professionnels,
associations,
fédérations
et
sociétés
organisatrices (207 M€) ;
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COUR DES COMPTES
656
-
le fonds de solidarité de l'ANS doté dès l'été 2020 de 15 M€ pour
soutenir les petites associations et reconduit au même niveau en 2021,
les associations non employeuses n'étant pas éligibles au fonds de
solidarité ;
-
le soutien au sport amateur a également impliqué un redéploiement
au sein du budget de l'ANS afin de mobiliser un fonds d'urgence en
faveur des fédérations, à hauteur de 10 M€ en
2021, en priorité pour
celles qui se trouvaient les plus fragilisées par la diminution du
nombre de leurs licenciés.
En première analyse, il apparait que le soutien de l'État au secteur
sportif a permis de couvrir un tiers de la perte de chiffre d'affaires cumulé
des entreprises et associations
œuvrant
dans ce domaine d'activité, et a
empêché la disparition d'environ 15 % de ces acteurs économiques ainsi
que l'ensemble des emplois afférents.
Le constat de la Cour faisant valoir que les acteurs publics ont
privilégié la gestion de l'urgence plutôt que la relance du secteur paraît devoir
être nuancé. Alors que les aides financières d'urgence visent à conforter la
stabilité des acteurs et à éviter des défaillances, les dispositifs de soutien à
l'emploi, à la formation, à la transformation numérique et énergétique qui
relèvent du plan de relance ont bien une portée structurelle. Ainsi, 22 M€ ont
été consacrés au sport dans le cadre du plan de relance. C'est le cas également
du Pass'sport doté de 100 M€ dès 2021
et maintenu en 2022, dont la vocation
est d'augmenter durablement le nombre de pratiquants, ainsi que du plan
des 5
000 équipements de proximité auxquels 200 M€ doivent être consacrés
en trois ans, dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de
Paris en 2024. Il apparait ainsi que les pouvoirs publics ont travaillé
concomitamment à la gestion de l'urgence et à la relance du secteur, sans
privilégier fondamentalement la première sur la seconde.
La complexité de la situation n'a pas empêché le Gouvernement de
travailler à l'articulation des aides et d'accompagner le secteur pour que
les bénéficiaires puissent se saisir des outils mis à leur disposition. Les
phénomènes de surcompensation et les effets d'aubaine doivent
impérativement être évités ou corrigés. Je souscris pleinement à l'analyse
de la Cour à cet égard, comme à sa recommandation d'établir une
répartition consolidée des mesures d'urgence et du plan de relance
déployés par l'État en faveur du sport.
C'est pourquoi le mécanisme de compensation des pertes de
recettes de billetterie pour le sport professionnel, encadré par les
décrets n° 2020-1571 du 11 décembre 2020 et n° 2021-1108 du
23 août 2021, utilise l'excédent brut d'exploitation comme outil de
régulation pour les deux périodes couvertes entre le 10 juillet 2020 et le
29 juin 2021, ce qui implique le cas échéant des remboursements si le
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
657
préjudice est
in fine
inférieur aux hypothèses initiales, et plafonne à 14
M€ le montant total perçu
par les bénéficiaires à la fois de ce dispositif
et de celui sur les coûts fixes. L'État a donc veillé à l'articulation des
différentes aides entre elles, comme en témoigne aussi, par exemple, le
décret n°2021-1295 du 5 octobre 2021 instituant une aide exceptionnelle
en faveur des personnes physiques et morales de droit privé encadrant
des activités sportives et particulièrement affectées par la fermeture des
remontées mécaniques, qui impose de connaître la situation des
bénéficiaires au regard du fonds de solidarité.
Concernant les moyens de suivi et de contrôle des aides, que la Cour
invite à renforcer, il convient de distinguer ce qui relève, d'une part, à court
terme, du déploiement des dispositifs d'urgence et de relance, d'autre part
des mesures structurelles à envisager à plus long terme.
Dans un premier temps, l'analyse et la consolidation des mesures
allouées en urgence ou en vue de la relance ont été anticipées et trouveront
leur point d'orgue à l'occasion du 4
ème
colloque de l'Observatoire de
l'économie du sport début mars 2022. Les travaux conduits dans ce cadre
permettront d'estimer au plus juste, comme la Cour le souhaite, l'impact
récessif de la crise sanitaire dans le champ sportif, tout en évaluant le plus
finement possible les impacts des niveaux d'aide allouée aux acteurs sportifs,
au titre des différents dispositifs d'urgence et de relance.
À plus long terme, je partage la préoccupation de la Cour en
considérant que l'on ne pourra pas faire l'économie d'un examen
rigoureux des modèles respectifs du sport professionnel et du sport
amateur, de leurs fragilités et des leviers à mobiliser, notamment pour
diversifier leurs ressources. Des actions sont d'ores et déjà engagées
pour soutenir la professionnalisation des associations amateurs avec
notamment les aides à l'emploi de l'ANS. Cette dynamique doit
s'amplifier et s'étendre à tous les acteurs. S'agissant de ces constats, la
crise sanitaire a été cependant plutôt un révélateur et ces observations
pouvaient être faites préalablement à elle.
Tel que l'indique la Cour, la crise sanitaire et l'intervention forte de
l'État en soutien au monde du sport doivent donner lieu à une réflexion
collective sur les modèles économiques des mondes amateur et
professionnel, qui ont révélé leur fragilité dans le cadre de la crise
sanitaire. Ainsi, cette dernière et la défaillance de Mediapro ont mis par
exemple en lumière, la trop forte dépendance du football professionnel aux
droits.
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COUR DES COMPTES
658
S'agissant enfin du suivi financier des fédérations et de leurs
structures territoriales, je souhaite que l'État se dote, comme le propose la
Cour, d'une véritable fonction de contrôle de gestion et d'audit. À cet
égard, conformément aux préconisations de la Cour, ont été lancés les
travaux permettant d'aboutir à une cartographie des missions respectives
de l'ANS et de la DS, et de proposer des évolutions de périmètre afin de
clarifier la répartition des missions et de renforcer la qualité de
l'intervention publique de l'État en matière sportive. En effet, la
clarification des compétences entre l'ANS et la DS doit être plus aboutie,
dans un cadre clairement défini où la direction des sports doit être en
charge de la stratégie nationale, d'une activité de contrôle, et des sujets
réglementaires, et l'ANS de la mise en
œuvre
de ces orientations. Ce
renforcement du rôle de la DS dans la définition de la stratégie nationale
et la démarche évaluative doit permettre de réduire la dispersion des
moyens en ciblant mieux sur des priorités clairement affirmées et d'entrer
dans une véritable logique de performance. L'ANS pourrait ainsi renforcer
sa fonction de contrôle de gestion des fédérations dans le cadre fixé par le
ministère des sports et adapter son soutien en fonction de l'analyse de leurs
comptes, le ministère se concentrant sur le contrôle des obligations des
fédérations en matière d'éthique et d'intégrité et sur le pilotage de son
opérateur principal.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT ET DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE
L’AGENCE NATIONAL
E DU SPORT (ANS)
L’action de l’Agence nationale du Sport
(ANS), tout comme celle de
la direction des sports, s’est inscrite en 2020 comme en 2021 dans un
contexte doublement bouleversé :
la crise sanitaire de la covid 19 a impacté de manière majeure tant le
fonctionnement de l’Agence (mis en place du télétravail
, modalités
revues et accélérées de décision) que celui de ses partenaires, qu’il
s’agisse des services déconcentrés de l’É
tat, des collectivités
territoriales, des fédérations, de leurs organes déconcentrés, des clubs
qui leur sont affiliés, ou d’autres a
ssociations proposant des activités
physiques et sportives ;
la poursuite de la réorganisation des services de l’État au niveau
territorial, avec la mise en place des Délégations régionales
académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES) et
des services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux
sports
(SDJES).
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
659
Comme le relève la Cour, le déploiement des dispositifs de soutien
d’urgence, adaptés en permanence face aux évolutions de la pandémie, a
permis d’apporter une première répo
nse aux difficultés rencontrées par
l’ensemble du monde sportif. Ce déploiement poursuivait avant tout
l’objectif d’un soutien effectif avec un impact réel sur ses bénéficiaires.
Le caractère inédit, tant par son ampleur que par son intensité, de la crise
sanitaire n’a pas permis, dans un premier temps, de différencier la nature
du soutien financier en fonction de la situation économique des
fédérations, d’une part, parce que l’impact de la crise sur leurs activités
n’était pas encore évaluable, d’autre par
t, parce que les règles encadrant
les pratiques ont évolué très régulièrement (selon le sport, la nature et
même le lieu de la pratique, etc.).
La Cour regrette l’effet d’aubaine que ce dispositif a pu créer. Si le
fonds territorial de solidarité (FTS) avait, certes, pour objectif de financer
les associations les plus en difficulté, ce dernier ne constituait pas l’unique
objectif. Les concours alloués au titre du FTS pouvaient également prendre
la forme d’aides de natures diversifiée : aides au renforcement
de la
continuité éducative (vacances apprenantes, quartiers d’été…), à la
relance ou à la reprise de l’activité sportive, aides ponctuelles à l’emploi.
Compte tenu de la crise sanitaire et s’agissant du contrôle
postérieur à l’attribution, l’ANS tient à r
appeler que les associations
disposent d’un délai supplémentaire pour transmettre le bilan de leurs
actions financées (soit au 30 septembre 2021 pour des projets
subventionnés en 2020
au lieu du 30 juin en temps normal), ce qui, de
fait, a pu retarder le contrôle assuré par des services.
Ainsi, dans ce contexte instable, l’Agence a, néanmoins, réussi à
maintenir un pilotage effectif de ses différents dispositifs, sans omettre de
les inscrire dans ce qui constitue son « ADN », c’est
-à-dire la construction
partagée au sein de la gouvernance de l’Agence (Commissions
spécialisées, instances délibératives, Bureau et Conseil d’Administration,
notamment). Les dispositifs ainsi finalisés l’ont été en toute transparence,
en impliquant également l’échelon territoria
l. Les réponses apportées ont
permis d’initier des dialogues, directs et constructifs, mettant bien en
évidence l’intérêt d’évolutions, parfois profondes, à apporter dans
l’organisation et des modalités de fonctionnement de bénéficiaires des
concours de l’
Agence.
La Cour soulève toutefois plusieurs interrogations légitimes qui
rejoignent les préoccupations et les axes de travail de l’Agence et seront
traitées, en fonction de leur nature, au cours des prochains mois ou années
à venir :
-
La nécessité d’un cad
re partagé avec les autres acteurs de la
«
gouvernance du sport ». Ce besoin, bien identifié, constitue l’un des
objectifs prioritaires de l’Agence. L’espace de réflexion et d’action
qu’elle offre y contribue d’ores et déjà et le permettra davantage
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COUR DES COMPTES
660
encore
à l’avenir. Sa création, encore récente (Loi du 1
er
août 2019)
et sa déclinaison territoriale, structurée autour du décret du 20
octobre 2020, se situent dans une temporalité très voisine de celle de
la crise sanitaire, ce qui a inéluctablement été de nature à impacter et
contraindre très directement les ambitions en la matière.
-
Le besoin d’une meilleure structuration de l’évaluation des dispositifs
et des modalités de suivi de l’activité de l’Agence de manière plus
générale. Les réflexions conduites actu
ellement au sein de l’Agence,
en particulier dans le cadre de la définition de sa « stratégie de
développement », engagée depuis plusieurs mois et appelée à être
finalisée en fin de premier semestre 2022, ont bien pour objectif de
répondre à ces interrogations. Les préconisations qui seront avancées
en regard des interrogations relatives au modèle socioéconomique
des fédérations sportives et des clubs devraient, ainsi, à titre
d’illustration, constituer de judicieux apports.
-
La question de l’évaluation. El
le est également bien appréhendée par
l’Agence comme constitutive d’un des enjeux majeurs. L’évaluation
des effets des politiques publiques dans le sport, sujet central pour
l’Agence en tant que qu’acteur clef de la nouvelle gouvernance, qui
connaît une montée en puissance, traduite, en particulier, en termes
de déploiement de dispositifs, est un réel défi. Dès que ses modalités
opérationnelles auront été adoptées, il conviendra d’en tirer les
conséquences sur le plan des ressources humaines et d’intégrer,
de
manière précise et explicite, ces objectifs dans les dispositions
correspondantes de la convention d’objectifs et de moyens (COM)
signée entre l’État et l’Agence. Cette dernière doit effectivement être
renforcée sur la thématique de l’évaluation.
La Cour relève, enfin, que la Direction des sports du ministère
chargé des sports ne paraît plus disposer aujourd’hui de moyens
d’observation, d’analyse et a fortiori de prospective à la hauteur des enjeux.
Or, les dispositifs correspondants, qui doivent être performants,
sont indispensables à la définition et à la déclinaison opérationnelle d’une
politique et d’actions d’intérêt général. Le fait que la Cour ait dû faire
référence aux études de la BPCE ou du CNOSF, dont la qualité est
indéniable, et non à des étu
des réalisées et diffusées par l’État, illustre la
nécessité que la puissance publique puisse disposer de données produites
par des services statistiques relevant de son périmètre, actualisées, fiables
et mobilisables rapidement et à moindre coût. Il paraît, à cet endroit, très
souhaitable, à l’analyse et à l’expérience de l’ANS, que la Direction des
Sports puisse être en capacité effective de travailler sur ces questions de
manière beaucoup plus étroite avec l’INJEP et l’Insee et de les inscrire en
particu
lier dans les programmes de travail de ces Instituts. L’Agence
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LES AIDES DE
L’ÉTAT EN FAVEUR DU
SPORT
661
pourrait aussi être opportunément dotée en son sein de ressources
humaines lui permettant d’assurer des démarches d’observation,
d’analyse et de prospective au service de la mise en œuvre de se
s objectifs
et actions. Quel que soit le choix d’organisation retenu, une réponse
adaptée est indispensable en la matière, la situation actuelle ne devant pas
perdurer, car elle nuit à la fiabilité et l’efficacité de réponses.
L’attention de la Cour est, e
n outre, attirée sur quelques données :
-
la Cour aurait pu opportunément mentionner le fait que la plupart des
collectivités territoriales ont également maintenu aux mêmes niveaux
leurs subventions pendant la crise, et que nombre d’entre elles ont
également mis en place des dispositifs dédiés de soutien ;
-
s’agissant du contrôle relatif à la mesure de soutien à la transition
énergétique des équipements sportifs et de la remarque de la Cour des
comptes sur les éventuelles prorogations de délais, l’Agence indiq
ue
qu’elle a, à ce jour, été destinataire de 32 demandes de prorogation
(sur 166 dossiers retenus, soit 19,3 %) : 8 au niveau national
(sur 33 dossiers retenus, soit 24,2 %) et 24 au niveau régional
(sur 133 dossiers retenus, soit 18 %).
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