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022
F
MINISTÈRE
DE LA TRANSITION
ÉCOLOGIQUE
Liberté
Égalité
Fraternité
Paris, le
2 4 DEC,
?117'
La ministre
à
Monsieur le Premier président de la Cour des
comptes
13 rue Cambon
75100 Paris cedex 01
Objet : Remarques du ministère de la transition écologique sur les observations définitives de la Cour
relatives à la politique de développement des biocarburants
Par courrier en date du 26 octobre 2021, vous m'avez transmis les observations définitives de l'enquête menée
par la Cour des comptes sur la politique de développement des biocarburants.
Comme le souligne la Cour, la Taxe Incitative Relative à l'Utilisation d'Énergie Renouvelable dans les
Transports (TIRUERT, anciennement TIRIB) est aujourd'hui le principal outil incitatif au service du
développement des biocarburants.
La TIRUERT incite les opérateurs qui mettent les carburants à la
consommation à y incorporer de l'énergie renouvelable. Ils bénéficient en effet d'une exonération de taxe
proportionnelle au niveau d'incorporation qu'ils ont réussi à atteindre.
S'y ajoutent des tarifs réduits de TICPE pour certains produits, notamment à forte teneur en biocarburants, qui
visent à compenser le surcoût des biocarburants par rapport aux combustibles fossiles, et à renforcer
l'attractivité de ces carburants. Je souscris à la recommandation n°3 de la Cour, qui propose de fonder les tarifs
de réduction de TICPE accordées aux carburants contenant une forte teneur en biocarburant sur des données
fiables et objectives. Cette recommandation est bien prise en compte dans le cadre de la révision de la directive
sur la taxation de l'énergie actuellement en cours au niveau européen.
Le rapport de la Cour se montre critique sur le bilan écologique de la politique en faveur des
biocarburants. Si on ne peut que partager certains points de vigilance, en particulier en ce qui concerne
les impacts sur la biodiversité et l'utilisation des sols, le constat fait par la Cour me semble à nuancer.
En particulier, s'il est exact que les émissions de CO2 associées aux biocarburants restent significatives
sur l'ensemble du cycle de vie, ils n'en constituent pas moins un des principaux leviers de
décarbonation du secteur des transports.
Ainsi, chaque lot mis à la consommation en France est contrôlé et
doit prouver notamment qu'il assure au moins une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre par
rapport à un carburant fossile. En moyenne, les biocarburants émettent 63% de gaz à effet de serre en moins
par rapport à leur équivalent fossile. Par conséquent, l'utilisation de biocarburants a permis de réduire de 4,5%
les gaz à effet de serre liés à la consommation de carburants, soit 6,5 millions de tonnes de CO2 évitées chaque
année. J'ajoute que les biocarburants contribuent également à nos objectifs de part d'énergie renouvelable dans
notre consommation d'énergie.
Hôtel de Roquelaure
246 boulevard Saint-Germain — 75007 Paris
Tél : 33(0)1 40 81 21 22
www.ecologie.gouv.fr
Je souscris à la recommandation n°2 de la Cour consistant à porter auprès de l'Union européenne une évolution
des règles de calcul des émissions de gaz à effet de serre associées aux lots de biocarburants, afin de mieux
prendre en compte l'impact du transport et de distinguer leurs différentes zones géographiques de provenance.
Ce changement de règle de calcul permettrait de différencier les biocarburants selon leurs gains
environnementaux et de valoriser les plus vertueux. La France portera cette demande dans le cadre de la
révision, en cours, de la directive sur les énergies renouvelables.
En ce qui concerne les atteintes à la biodiversité, les impacts sur l'occupation des terres, et les risques
de changement d'affectation des sols,
il convient de rappeler que la France a exclu l'huile de palme de la
TIRUERT depuis 2020 et l'huile de soja à partir du
ter
janvier 2022. Ces ressources sont celles dont
l'exploitation a le plus d'impact sur la biodiversité et l'utilisation des terres : la valorisation de la palme et du soja
dans les biocarburants augmentent les surfaces de productions de ces matières premières, avec un risque de
voir des terres riches en carbone (forêts primaires, tourbières...) être détournées de leur fonctionnalité initiale.
Ainsi, les biocarburants actuellement valorisés dans les transports présentent un risque sensiblement plus faible
d'impact sur les changements d'affectation des sols. La réglementation européenne en vigueur prévoit de
maintenir la part de cette biomasse à 7 % de l'énergie utilisée dans les transports. La stratégie nationale de lutte
contre la déforestation importée (SNDI) demande de plus de « plafonner l'utilisation des biocarburants de
première génération à leur niveau de 2020 ». Dans un contexte de décroissance attendue de la consommation
de carburants liquides dans le secteur routier, les bioliquides de 1
ère
génération les plus vertueux doivent
continuer à jouer un rôle pour la réduction des émissions des secteurs les plus difficiles à décarboner par
d'autres moyens, par exemple certaines mobilités lourdes qui ne peuvent être électrifiées. Ils peuvent aussi être
utilisés pour la production électrique pilotable dans les zones non interconnectées (ZNI).
En ce qui concerne la recommandation n°1 de la Cour sur la production d'un rapport d'évaluation des impacts
environnementaux et agronomiques des matières premières utilisées pour la production de biocarburants, je
souligne que plusieurs études sont d'ores et déjà disponibles à l'échelle internationale. Ainsi, l'Office français de
la biodiversité, avec le soutien d'un groupe de travail pluridisciplinaire constitué de chercheurs issus d'institutions
publiques et travaillant sur des thématiques complémentaires à la biodiversité telles que le bilan carbone et la
prospective, pourra :
produire à court terme un bilan de la littérature scientifique existante ;
dresser à moyen terme (1 année) une cartographie et réaliser une synthèse des incidences des
biocarburants et cultures intermédiaires à vocation énergétique sur la biodiversité.
Ces résultats seront utilisés pour la révision de la stratégie française énergie climat, à compter de 2023, pour
laquelle une concertation préalable a été lancée.
Par ailleurs, le développement des biocarburants dits « avancés », sans concurrence alimentaire, est
aujourd'hui une priorité pour la filière.
Ces biocarburants avancés sont en particulier un enjeu-clé pour la
décarbonation du secteur aérien.
Ce constat a conduit le Gouvernement à proposer une stratégie d'accélération « produits biosourcés et
biocarburants durables » dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA4), qui vise précisément à
soutenir les investissements dans de nouvelles capacités de production.
Dans ce cadre, un appel à manifestations d'intérêt (AMI) a été organisé en 2020, qui a permis d'identifier 15
projets industriels innovants dans la perspective du développement d'une filière française de production de
carburants durables, avancés ou de synthèse, à destination de l'aéronautique. Consécutivement à l'AMI, un
appel à projets (AAP) a été lancé le 29 juillet 2021, concernant d'une part les travaux d'ingénierie préalables à la
décision d'investissement dans des projets mettant en oeuvre des procédés avancés de fabrication déjà matures,
d'autre part, des travaux de démonstration visant des projets dont le niveau de maturité est plus faible. Une
enveloppe de 200 M€ a été prévue au titre du
PIA
4 pour aider au financement des études d'ingénierie et aux
démonstrateurs retenus dans le cadre de cet AAP.
J'ajoute que le mécanisme incitatif actuel donne un avantage significatif aux biocarburants élaborés à partir de
ressources issues de l'économie circulaire, tels que les déchets ou résidus. Ces matières premières bénéficient
en effet, via la TIRUERT d'un soutien deux fois plus important par unité d'énergie.
En ce qui concerne les contrôles sur la durabilité des biocarburants, la Cour souligne à juste titre le
renforcement des moyens mis en oeuvre par mon ministère pour garantir la durabilité et la traçabilité des
biocarburants :
depuis deux ans, le dispositif national de suivi des biocarburants a en effet été renforcé et
modernisé par la Direction générale de l'énergie et du climat, avec le déploiement d'une base de données et une
multiplication des contrôles.
En particulier, s'agissant de la recommandation n°4, la base de données « Carbure » est fonctionnelle, les
opérateurs y enregistrent leurs lots depuis le mois de mars. L'outil continue d'évoluer avec des mécanismes
d'analyse automatique des données et un élargissement progressif aux autres carburants alternatifs comme
l'électricité ou les carburants à base d'hydrogène. La Direction générale de l'énergie et du climat travaille
également avec la Commission européenne pour la mise en place d'une base de données européenne sur les
biocarburants. La mise en oeuvre de cette base de données constituera un atout pour tracer les lots de
biocarburants mis à la consommation, connaître leur origine et leur performance environnementale.
Barbara POMPILI