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Chapitre IX
La dépense de médicament
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
259
_____________________
PRÉSENTATION
_______________________
La France se caractérise par un niveau de prescription et de
consommation de médicaments supérieur à celui de ses voisins européens
sans que cela se justifie par des indicateurs de morbidité ou de mortalité
différents.
Au
contraire,
cette
situation
peut
avoir
des
conséquences
dommageables en termes de santé publique, à cause du mauvais usage du
médicament.
Les conséquences en termes de maîtrise des dépenses de santé sont
également importantes. Les dépenses de médicaments remboursables
délivrés en ville ont en effet évolué très rapidement depuis plus de 10 ans.
Elles représentent 20,2 Md€ en 2005, soit un tiers des dépenses de soins de
ville dont elles « tirent » la croissance (elles ont contribué à plus de 50,7 %
à la croissance de ces dépenses entre 2004 et 2005). Quant aux achats de
médicaments à l’hôpital, ils s’élèvent à 4 Md€, dépenses en forte
augmentation depuis dix ans.
Après
une
actualisation
des
conditions
de
l’admission
au
remboursement des médicaments délivrés en ville, la Cour analyse le
comportement des prescripteurs et des consommateurs en ville puis les
conditions de l’achat de médicaments dans les établissements de santé
publics et privés, afin de dégager des voies d’amélioration.
Cette étude a été réalisée en collaboration entre la Cour et les
chambres régionales des comptes
288
.
La Cour s’étant intéressée régulièrement dans le passé à la question
du médicament
289
, ce chapitre sera également l’occasion de faire le suivi
des recommandations énoncées dans les précédents rapports sur la
sécurité sociale.
288 . Ont participé à l’enquête les Chambres d'Aquitaine, d’Auvergne, de Basse
Normandie, de Bretagne, de Bourgogne, du Centre, de Champagne-Ardenne, de
Corse, de Franche-Comté, de Haute Normandie, d’Ile-de-France, du Limousin, de
Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais, des Pays de la Loire, de Picardie, du Poitou-
Charentes, de Provence-Alpes-Côte d'Azur, du Rhône-Alpes.
289. Voir les rapports sur la sécurité sociale de 2001 pp. 85-110, 2002, pp 368-382,
2003 pp. 213-216 et 2004 pp. 305-355.
C
OUR DES COMPTES
260
I - L’admission au remboursement
Un médicament ne peut être commercialisé sur le marché français
que s’il dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée
soit par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS), soit par son homologue européenne, l’agence européenne
d’évaluation des produits de santé (EMEA).
L’attribution de l’AMM, qu’elle soit française ou européenne, est
fondée sur trois critères : l’efficacité, l’innocuité et la qualité du
médicament
290
. Le médicament obtient une AMM dès lors que son
rapport bénéfices/risques a été jugé positif. Il en résulte que l’AMM n’a
pas pour objet de limiter le nombre de médicaments admis sur le marché,
ni de comparer les médicaments entre eux. Cette comparaison est censée
intervenir au stade suivant, où la commission de la transparence formule,
à la demande du laboratoire concerné, un avis sur l’admission au
remboursement du produit.
Toutefois, tant les conditions de l’évaluation des médicaments à fin
d’admission au remboursement, que celles de leur évaluation après
commercialisation souffrent d’insuffisances au regard d’un objectif de
maîtrise de la dépense.
A
Les critères de l’évaluation initiale
La commission de la transparence, transférée de l’AFSSAPS à la
HAS par la loi du 13 août 2004, est chargée d’évaluer, indication par
indication, le service médical rendu par un médicament (SMR), ainsi que
l’amélioration du service médical rendu par le même médicament
(ASMR)
291
.
1
Les critères de l’admission au remboursement
a)
Le SMR
L’appréciation du SMR prend en compte six critères, fixés par le
décret du 27 octobre 1999 (art. R. 163-3-I. du CSP) : l'efficacité, les effets
290. La législation en vigueur a été modifiée par la loi du 26 février 2007 portant
diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du
médicament, qui a transposé la directive communautaire 2004/27/CE.
291. L’évaluation de la commission de la transparence intervient au stade de la
demande de première inscription d’un médicament sur la liste des médicaments
remboursables et au stade de la demande d’extension d’indication.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
261
indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, la
gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif
ou symptomatique du traitement médicamenteux et enfin son intérêt pour
la santé publique (ISP).
Le SMR est mesuré sur une échelle comprenant 4 niveaux, qui
déterminent le taux de remboursement
292
: les médicaments ayant un
SMR important sont remboursés à 65 %, ceux ayant un SMR modéré ou
faible à 35 %, tandis que les médicaments présentant un SMR insuffisant
ne peuvent être inscrits sur la liste des médicaments remboursables.
Le SMR, tel qu’il est aujourd'hui appliqué, ne permet pas une
grande sélectivité dans l’admission des spécialités au remboursement. En
2006, seules 16 spécialités ont été considérées comme ayant un « SMR
insuffisant » au stade de la première inscription (soit 3,5 % de l’ensemble
des SMR attribués). La même proportion se retrouve au stade des
extensions d’indications. De manière symétrique, le taux d’attribution de
« SMR important » est très élevé (87 % en 2006). Ainsi, la quasi-totalité
des médicaments ayant obtenu une AMM sont admis au remboursement
au taux le plus élevé.
Cette situation est en partie due au fait que le SMR est
principalement évalué à partir de l’efficacité et des effets indésirables du
médicament, pondérés par la gravité de la pathologie. Le critère d’intérêt
de santé publique, qui fait certes l’objet d’une définition approfondie dans
un document élaboré par la HAS
293
, est peu utilisé en pratique. En
particulier, les trois dimensions de l’impact de santé publique (l’impact
du médicament sur l’état de santé de la population, la réponse apportée à
un besoin de santé publique, l’impact du médicament sur le système de
santé) n’apparaissent pas toujours distinctement dans les avis de la
commission de transparence, ni la pondération respective des différents
critères d’évaluation.
Il en résulte une confusion entre les notions de « SMR insuffisant »
et d’inefficacité du produit, alors que le terme de « SMR insuffisant »
devrait signifier plutôt « insuffisant pour justifier une prise en charge par
la solidarité nationale », soit parce qu’il présente un intérêt clinique
limité, soit parce qu’il n’est pas considéré comme prioritaire.
292. La fixation du taux de remboursement appartient au directeur de l’UNCAM,
mais la décision de celui-ci est liée par le SMR déterminé par la commission de la
transparence.
293. Rapport du groupe de travail de la commission de la transparence sur l’impact de
santé publique des médicaments : « Intérêt de santé publique des médicaments :
principes et méthode d’évaluation », février 2006.
C
OUR DES COMPTES
262
La Cour avait souligné dans son rapport sur la sécurité sociale de
2004
294
les lacunes du référentiel utilisé par la commission de la
transparence. Elle ne peut que recommander une nouvelle fois la réforme
des critères d’admission au remboursement, selon un schéma qui
permette de ne pas réduire le SMR à l’intérêt clinique du médicament
(efficacité, effets indésirables) mais prenne en compte l’intérêt de santé
publique selon des modalités qui restent à définir.
Une autre difficulté réside dans la possibilité pour certains
médicaments de se voir attribuer des indications remboursables et
d’autres non remboursables, puisque la commission de la transparence se
prononce indication par indication. Aux termes de l’article L. 162-4 du
code de la sécurité sociale, le médecin est censé faire figurer sur
l’ordonnance la mention « NR » (non remboursable) lorsqu’il prescrit un
médicament dans une indication non remboursable. Cette obligation n’est
pas effective du fait de la difficulté pour le médecin de faire le partage
entre les indications remboursables et non remboursables d’un même
produit et de l’absence de contrôle, les contrôles réalisés par la CNAMTS
sur ce phénomène demeurant très théoriques, puisqu’elle ne peut
remonter à la pathologie. Cette situation se complique encore davantage
dans les cas où il existe des dosages différents pour un même principe
actif et une même indication et où seuls certains dosages sont admis au
remboursement
295
.
b)
L’ASMR
L’avis de la commission de la transparence comporte également,
de manière concomitante, l’appréciation, pour chacune des indications
thérapeutiques, de l’amélioration du service médical rendu (ASMR)
apportée par le médicament. Ce critère suppose donc une comparaison du
médicament avec les alternatives thérapeutiques existantes, qui peut
s’effectuer soit directement (en comparant un produit A au produit B),
soit indirectement en comparant les deux produits à un placebo.
Les médicaments qui n’apportent pas d’amélioration du service
médial rendu (classés en « ASMR V ») ne peuvent être inscrits sur la liste
des médicaments remboursables que s’ils apportent « une économie dans
294. Cf. recommandation n°39 : « compléter la réforme de la commission de la
transparence, en accélérant la parution du décret précisant le nouveau référentiel de
l’évaluation des médicaments, en lui confiant les missions de l’observatoire du
médicament, en intégrant des experts médico-économiques et en excluant le LEEM,
enfin en lui donnant les moyens humains et financier adéquats ».
295. A titre d’exemple, plusieurs spécialités de la classe des statines sont concernées
par ce phénomène.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
263
le coût du traitement médicamenteux ». Il en résulte que l’admission au
remboursement dépend à la fois du SMR et de l’ASMR. L’ASMR
détermine également le niveau de prix (ASMR I, II et III
=
avantage de
prix, IV
=
léger avantage de prix possible, V
=
prix plus bas que celui des
médicaments comparables).
L’analyse des décisions rendues par la commission de la
transparence fait apparaître une majorité de médicaments ayant une
ASMR V, c'est-à-dire n’apportant aucune amélioration
296
.
Par ailleurs, le caractère non obligatoire et donc non systématique
des
essais
cliniques
contre
comparateurs
est
problématique.
La
commission de la transparence ne dispose pas du pourcentage exact de
dossiers présentant des essais cliniques contre comparateurs, mais une
estimation réalisée à partir d’un échantillon laisse à penser que moins de
la moitié des dossiers dispose de ces données. Or les évaluations
indirectes contre placebo n’apportent pas le même niveau de preuve.
Il serait par conséquent souhaitable de rendre obligatoires, dans
tous les cas où cela est possible, de tels essais contre comparateurs au
stade de l’évaluation par la commission de la transparence.
2
L’absence d’analyse médico-économique
Le constat dressé par la Cour dans son rapport sur la sécurité
sociale de 2004 sur l’absence d’expertise médico-économique est
toujours vrai : «
ni la commission de la transparence, recentrée sur sa
mission d’expertise médicale, ni le comité économique des produits de
santé (CEPS) dont la mission est de réguler les prix, n’assument
actuellement la mission transversale d’analyse médico-économique
».
Les comparaisons internationales montrent que d’autres pays, sans
recourir à la notion de SMR, définissent des priorités et restreignent plus
énergiquement l’accès au remboursement de certains médicaments.
Ainsi en Allemagne, selon une étude de l’IRDES
297
, la réforme
décidée en 2004 a exclu la prise en charge de nombreux médicaments :
les médicaments de prescription non obligatoire, même s’ils sont
prescrits, sauf traitement standard de maladies graves et/ou pour les
enfants de moins de 12 ans ; certains médicaments de prescription
obligatoire pour les plus de 18 ans, en particulier pour les problèmes
296. 58 % en 2005, 54 % en 2006.
297. Source : IRDES, questions d’économie de la santé n°99 : « les politiques de prise
en charge des médicaments en Allemagne, Angleterre, France », octobre 2005.
C
OUR DES COMPTES
264
mineurs (états grippaux, rhumes) ; les médicaments dont l’indication est
une amélioration de la qualité de vie.
En Angleterre, selon la même étude, plusieurs groupes de produits
sont exclus de la prescription, notamment sur la base d’arguments
médico-économiques (médicaments à risque de mésusage ; produits dont
les coûts ne sont pas justifiés au regard des priorités du National Health
Service (NHS) ; et seules les versions les moins chères sont prises en
charge pour 17 médicaments comme les antalgiques, les laxatifs, les
benzodiazépines, etc.). Le rapport coût-efficacité d’un médicament est
ainsi un critère essentiel dans les décisions de prise en charge en
Angleterre.
En France, la réforme de l’assurance-maladie par la loi du 13 août
2004 n’a pas permis de combler cette lacune. Certes, l’UNCAM s’est vu
transférer la compétence de fixer le taux du remboursement, mais avec
une limite importante
puisqu’elle n’a aucune compétence sur les prix
auxquels s'applique ce taux.
Selon la CNAMTS, une voie de réforme possible pourrait consister
à donner le droit à l’UNCAM, sur la base d’une évaluation médicale et
médico-économique
298
, de refuser la prise en charge de certains produits
dont l’efficacité n’est pas suffisamment démontrée par rapport à leur coût.
Une telle réforme, qui paraît en effet cohérente avec le transfert de
compétence entre l’Etat à l’assurance-maladie déjà intervenu en matière
de CCAM (cf. chapitre VIII), supposerait cependant un encadrement par
l’Etat.
B
L’évaluation des médicaments « en vie réelle »
Le suivi des médicaments après leur commercialisation peut
s’exercer dans le cadre du suivi post-AMM comme dans celui de la
réévaluation de la liste des médicaments remboursables. Une place à part
est réservée à la prescription hors AMM, qui est l’un des aspects de
l’utilisation en vie réelle des médicaments.
1
Le suivi des médicaments après l’obtention de l’AMM
a)
Les décisions de pharmacovigilance
La surveillance du risque et du bon usage des produits de santé
constitue une mission essentielle de l’AFSSAPS. La possibilité introduite
298. Selon la HAS, une telle évaluation médico-économique pourrait relever de ses
attributions. Un groupe de travail a d’ailleurs été mis en place à cet effet.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
265
par la loi du 26 février 2007 de renouveler l’AMM au bout de cinq ans,
désormais sans limitation de durée, va encore accroître les exigences en
matière de pharmacovigilance.
Le directeur général de l’AFSSAPS a la possibilité de suspendre
ou de retirer une autorisation de mise sur le marché notamment lorsque la
balance bénéfices-risques n’est pas considérée comme favorable dans les
conditions normales d’emploi ou lorsque l’effet thérapeutique annoncé
fait défaut
299
.
Dans les faits, les décisions de retraits et de suspensions d’AMM
interviennent souvent tardivement. Certains médicaments, dont la balance
bénéfices-risques est contestée depuis plusieurs années et qui ont été
retirés du marché dans des pays voisins, restent commercialisés en
France.
Certes, la réévaluation de la balance bénéfices-risques d’un
médicament est un processus complexe et la pharmacovigilance ne se
limite pas aux retraits et suspensions d’AMM. Il n’en demeure pas moins
que l’introduction de restrictions d’indications dans les résumés
caractéristiques de produits (RCP) n’a évidemment pas le même effet
qu’une mesure de suspension ou de retrait d’AMM.
L’information relative à la pharmacovigilance pourrait être
améliorée : les rapports d’enquête de pharmacovigilance ne sont pas
publiés, ni, sauf exception, les études de pharmaco-épidémiologie ayant
conduit à des modifications des RCP. Le signalement par l’AFSSAPS des
modifications de RCP pour raisons de pharmacovigilance n’est pas
systématique.
Les
comptes-rendus
de
la
commission
de
pharmacovigilance sont mis en ligne avec un délai de 3 ou 4 mois (
cf.
infra
) et sont parfois incomplets.
b)
Les études post-AMM
La surveillance des médicaments après leur commercialisation est
longtemps restée insuffisante faute d’études ou d’essais post-AMM
réalisés sous l’égide des pouvoirs publics. Or, ces études sont utiles pour
poursuivre l’évaluation de la balance bénéfices-risques des médicaments
en situation réelle, identifier les risques non étudiés ou tardifs qui
pourraient apparaître lors de l’utilisation d’un médicament et étudier
l’impact sur le système de soins de l’utilisation de ce médicament. Ces
études peuvent être réalisées par les laboratoires pharmaceutiques à la
299. Article L. 5121-9 du CSP issu de la loi du 26 février 2007 transposant la
directive européenne 2004/27/CE sur le médicament.
C
OUR DES COMPTES
266
demande de la commission de la transparence, du CEPS ou de
l’AFSSAPS, ou bien être financées ou réalisées par les pouvoirs publics.
Les études réalisées par les firmes pharmaceutiques
La réglementation communautaire impose depuis novembre 2005
aux laboratoires pharmaceutiques d’intégrer des plans de gestion des
risques (PGR) dans le dossier d’AMM de certains produits
300
. Ces plans
peuvent prévoir des études post-AMM et/ou un plan de minimisation des
risques. Ils peuvent également être déposés en post-AMM suite à la mise
en évidence d’un signal de pharmacovigilance. En 2006, 16 études post-
AMM ont ainsi été soumises à l’AFSSAPS ainsi que 9 études
observationnelles.
A ces études post-AMM demandées par l’AFSSAPS s’ajoutent des
études post-inscription à la demande de la commission de la transparence.
Toutefois, en dépit de l’accord-cadre conclu en juin 2003 entre le CEPS
et le LEEM (Les Entreprises du médicament), qui était supposé élargir le
champ des études post-AMM et prévoir leur financement, le nombre
d’études post-AMM effectivement menées à terme reste très faible : un
bilan réalisé en mai 2007 sur les 131 études demandées depuis 1997 par
le CEPS et/ou la commission de la transparence a montré que seulement
12 % des études avaient été menées à terme et que pour 43 %, le
protocole était en cours de mise en oeuvre.
Aucune sanction n’a été prévue à l’encontre des laboratoires qui ne
mettraient pas en oeuvre ces études ou les mettraient en oeuvre avec retard.
Un avenant du 29 janvier 2007 à l’accord cadre précité du 13 juin 2003
entre le CEPS et le LEEM se contente d’indiquer que « les délais dans
lesquels les études doivent être entreprises (…) sont définis par l’avenant
à la convention [signée entre le laboratoire et le CEPS], qui peut prévoir
également les conséquences à tirer du non-respect de ces délais ».
Les études financées par les pouvoirs publics
L’AFSSAPS n’a financé que six études post-AMM de 1999 à
2004, soit une par an en moyenne. Le retrait de plusieurs médicaments du
marché intervenu entre 2001 et 2004 a conduit cependant à développer
davantage les études post-AMM : depuis 2005, l’AFSSAPS a mis en
place un programme d’études dont les grands axes sont approuvés par le
conseil scientifique, doté d’un budget d’environ 800 000 €. Le nombre
300 . Nouveaux médicaments, médicaments génériques lorsqu’un problème de
sécurité a déjà été identifié avec le médicament princeps, médicaments déjà
commercialisés mais dont la demande d’extension de l’autorisation de mise sur le
marché entraîne des changements significatifs des conditions d’emploi du produit.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
267
d’études de pharmaco-épidémiologie financées par l’agence a fortement
progressé : 19 études ont été financées de 2005 à 2006. Toutefois, ces
études ne sont pas rendues publiques.
Pour sa part, le groupement d’intérêt scientifique « évaluation
épidémiologique des produits de santé » créé en août 2004 entre le
ministère de la santé, la CNAMTS et l’INSERM afin de développer
l’évaluation post-AMM n’a eu qu’une activité limitée : seules trois études
ont débuté sur les cinq initialement prévues.
Un meilleur équilibre entre les études post-AMM conduites par les
autorités publiques et celles conduites par le secteur privé doit donc être
recherché, l’intervention publique demeurant trop réduite, en dépit des
premières évolutions constatées depuis quelques années. Ce GIP a
entrepris mi-2007 d’y remédier.
2
Le suivi des médicaments après l’admission au
remboursement
Pas plus qu’au stade de l’admission au remboursement, la France
n’a développé de système réellement sélectif au stade de la réévaluation
des médicaments en cours de commercialisation. Le cas de la
réévaluation des médicaments à SMR insuffisant est symptomatique.
Longtemps attendue, cette réévaluation a finalement eu lieu entre
1999 et 2001, à la demande conjointe des ministres chargés de la santé et
de la sécurité sociale. La commission de la transparence avait alors évalué
le SMR de 4 490 spécialités. Elle a conclu que pour 835 d’entre elles, le
SMR était insuffisant pour justifier leur remboursement par la sécurité
sociale. Mais dans un premier temps, aucun déremboursement n’a été
décidé : ces spécialités ont simplement fait l’objet de baisses de taux et de
baisses de prix. Dans un deuxième temps, les pouvoirs publics ont décidé
de procéder à une actualisation de leur réévaluation en trois vagues :
-
la première vague a porté sur 60 médicaments considérés comme
n’ayant pas de place dans la stratégie thérapeutique. Ils ont été
déremboursés par arrêté du 24 septembre 2003. L’économie qui en a
résulté a représenté, selon la DSS, 43 M€ en année pleine ;
-
la deuxième vague a concerné 245 médicaments de prescription
médicale facultative. La HAS a recommandé, le 14 septembre 2005, la
radiation de la liste des médicaments remboursables de la très grande
majorité de ceux-ci. Le ministre de la santé et des solidarités a décidé
le retrait du remboursement de 152 de ces 245 médicaments et le
maintien jusqu’au 1er janvier 2008 de 61 d’entre eux, à un taux de
C
OUR DES COMPTES
268
remboursement de 15 %
301
, assorti du paiement du ticket modérateur
pour les patients en ALD. La deuxième vague de réévaluation a permis
au total 460 M€ d’économies en année pleine (345 M€ pour 2006) ;
-
la troisième vague, qui a rapporté 34 M€ d’économies en année
pleine, a concerné 133 médicaments, principalement à prescription
médicale obligatoire. La HAS a jugé le SMR insuffisant pour 89
d’entre eux. Le ministre n’a pas suivi l’avis de la HAS. Pour
48 vasodilatateurs, il a décidé de conserver leur prise en charge à
hauteur de 35 %, tout en leur appliquant une baisse de prix pouvant
aller jusqu’à 20 %. Les 41 médicaments restants sont remboursés par
l’assurance-maladie
à
15 %
au
lieu
de
35 %,
avant
d’être
complètement déremboursés au 1er janvier 2008.
Les décisions prises ainsi lors des deuxième et troisième vagues ne
vont pas dans le sens d’une gestion active de la liste des produits
remboursables et ne permettent donc pas d’affecter les financements
collectifs en priorité à la prise en charge des traitements les plus perfor-
mants. Même si elles ne sont, dans certains cas, que temporaires, elles
témoignent de la difficulté des pouvoirs publics à réviser la liste des
spécialités remboursables.
De surcroît, parmi les scénarios possibles, c’est l’un de ceux qui
rapportait le moins d’économies pour l’assurance-maladie qui a été
retenu, sachant que le déremboursement total des spécialités à SMR
insuffisant aurait pu se traduire au total par 147 M€ d’économies pour
l’année 2007.
C
La transparence de l’évaluation des médicaments
La directive communautaire 2004/27 CE, qui a accru les
obligations des agences en matière de transparence, a été transposée par
la loi du 26 février 2007. Cette directive reprend plusieurs obligations
déjà en vigueur en droit français, mais qui n’étaient que partiellement
mises en oeuvre par l’AFSSAPS.
1
L’identification et la gestion des conflits d’intérêt
Pour assurer leurs missions d’évaluation, l’AFSSAPS et la HAS
s’appuient largement sur des experts externes. La crédibilité de cette
expertise suppose la transparence des procédures d’évaluation et la
gestion des conflits d’intérêt. Or, celle-ci reste insuffisante.
301. Cette décision a nécessité une évolution du droit en vigueur pour autoriser le
maintien temporaire de la prise en charge de médicaments ayant un SMR insuffisant.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
269
La déclaration d’intérêts des experts travaillant pour l’AFSSAPS
constitue une obligation légale depuis la loi du 1
er
juillet 1998 sur le
renforcement de la sécurité sanitaire. Depuis 2005, l’AFSSAPS a pris des
mesures pour améliorer la détection et la gestion des conflits d’intérêt
(déclarations électroniques, détermination des niveaux de conflits,
exclusion de l’expert concerné par un conflit d’intérêt majeur). Le rapport
annuel des déclarations d’intérêt (RAPDI) 2006, publié fin juillet 2007,
montre que 81 experts n’ont pas fourni à temps leurs déclarations
d’intérêts, ce qui représente 7 % de non-déclarants contre 11,5 % en
2005. L’évolution positive observée en 2006 doit être poursuivie.
La déclaration d’intérêts des agents de l’AFSSAPS n’a commencé
à être mise en oeuvre qu’au premier semestre 2006. La loi du 26 février
2007, qui a retenu le principe d’une déclaration annuelle des experts et
des agents, a amélioré le dispositif. Toutefois, la question du délai de
publication de ces déclarations des conflits reste posée.
En ce qui concerne la HAS, les déclarations d’intérêt des
rapporteurs extérieurs devant la commission de la transparence, pourtant
prévues par l’article R. 163-17 du code de la sécurité sociale, ne sont ni
systématiques, ni actualisées.
L’identification des conflits d’intérêt est également problématique
à l’INCa, dont le comité de déontologie ne s’est réuni qu’une fois par an,
sans examiner ce sujet depuis fin 2005.
2
La publication des rapports d’évaluation d’AMM (RAPPE)
La publication des RAPPE, prévue par la directive et figurant déjà
dans la loi de 1998 sur la sécurité sanitaire, a été reprise par la loi du 26
février 2007. La publication des RAPPE n’avait débuté qu’en juin 2004.
Dans un premier temps, l’AFSSAPS a choisi de publier les RAPPE pour
les seules AMM correspondant à de nouveaux médicaments ou à des
extensions d’indications majeures.
3
La publication des ordres du jour, des comptes-rendus et du
règlement intérieur des commissions
La disposition la plus novatrice de la directive communautaire
concerne la publication du règlement intérieur, des ordres du jour, et des
comptes-rendus, assortis des décisions prises, du détail des votes et des
explications de vote, y compris les opinions minoritaires des commissions
en charge de l’évaluation des médicaments (commission d’AMM,
commission de la pharmacovigilance, commission chargée du contrôle de
la publicité, commission de la transparence).
C
OUR DES COMPTES
270
Le site Internet de l’AFSSAPS ne comporte actuellement qu’une
partie des informations requises par la directive communautaire de 2004,
contrairement aux engagements pris par l’AFSSAPS en 2006. En juillet
2007, les ordres du jour des commissions ne sont toujours pas rendus
publics. En moyenne, les comptes-rendus des commissions d’AMM sont
mis en ligne avec sept mois de retard, et ceux de la commission de
pharmacovigilance avec un délai de trois ou quatre mois. S’agissant des
sept autres commissions
302
, seule leur composition figure sur le site de
l’AFSSAPS, sauf pour la commission chargée du contrôle de la publicité,
dont le règlement intérieur a été mis en ligne en 2007.
S’agissant de la commission de la transparence, la publication des
comptes-rendus et des ordres du jour n’est pas encore effective.
4
Les progrès attendus
Au regard de la situation actuelle, les dispositions de la loi du 26
février 2007 constituent un net progrès dans la recherche d’une
transparence accrue. Néanmoins, la loi n’impose aucun délai de
publication des comptes-rendus des réunions des commissions et des
RAPPE. Or, si l’on peut comprendre que la mise en ligne de ces
documents ne puisse être immédiate, il n’en demeure pas moins que le
délai actuel pour les comptes-rendus de la commission d’AMM n’est pas
satisfaisant. De même, les délais de publications des RAPPE sont parfois
excessifs.
D’autre part, la question de la transparence du fonctionnement des
groupes de travail reste entière. Ces groupes de travail, qui sont plus
d’une cinquantaine, effectuent l’essentiel du travail d’examen des
évaluations préalablement réalisées par les experts internes ou externes,
les commissions n’examinant au fond que les rares dossiers qui ne font
pas l’objet d’un consensus. Or, le site Internet de l’AFSSAPS ne
mentionne ni l’existence, ni la composition ni les travaux de ces groupes
d’experts. L’obligation de transmettre une déclaration d’intérêt est
insuffisamment respectée dans ces groupes. S’agissant du groupe de
travail sur les conditions de prescription et de délivrance (GTCPD), qui
joue un rôle crucial pour la taille du marché du futur médicament
puisqu’il peut restreindre ou non les conditions de prescription et de
délivrance des médicaments, le RAPDI 2005 indiquait que seuls sept de
302 . Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des
recommandations sur le bon usage du médicament, commission nationale de
matériovigilance, commission nationale de biovigilance, commission nationale des
stupéfiants et psychotropes, commission chargée du contrôle de la publicité en faveur
des objets, appareils et méthodes présentés comme bénéfiques pour la santé;
commission nationale de la pharmacopée, commission de la cosmétologie.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
271
ses 15 membres avaient fourni une déclaration d’intérêt datée de 2005,
six avaient une déclaration de plus d’un an et deux n’avaient fourni
aucune déclaration.
II - La consommation et la prescription
A
La consommation
1
Etat des lieux
La France consomme davantage de médicaments par habitant que
ses voisins européens.
Si le nombre de consultations par personne diffère relativement
peu entre la France (4,9 par an), l’Allemagne (5,2), l’Espagne (4,8) et les
Pays-Bas (3,2), en revanche le niveau de médicaments consommés est
très supérieur en France : en moyenne, les Français consomment 1,9
médicament par semaine et par personne, contre 1,6 pour les Allemands,
1,4 pour les Espagnols et 1,3 pour les Néerlandais. De même, le nombre
de médicaments prescrits par semaine est de 1,6 contre 1,2 en Allemagne
et en Espagne, et 0,9 aux Pays-Bas
303
.
Bien que la consommation d’antibiotiques ait baissé de 13% entre
2002 et 2005, la France continue de se caractériser par une consommation
d’antibiotiques deux fois plus élevée en moyenne annuelle qu’en
Allemagne et au Royaume-Uni et trois fois plus élevée qu’aux Pays-
Bas
304
. Les Français figurent également parmi les premiers consomma-
teurs de statines en Europe, avec une consommation moyenne de 50 %
supérieure à celle de l’Allemagne
305
, sans que cet écart puisse
s’expliquer par des différences d’état de santé de la population. La France
se
situe
également
parmi
les
plus
grands
consommateurs
de
tranquillisants et d’hypnotiques, mais aussi de veinotoniques et de
vasodilatateurs, en dépit de leur classement parmi les médicaments à
service médical rendu insuffisant.
La consommation de médicaments est très concentrée, notamment
sur les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes atteintes
303. Source : Enquête IPSOS « Les Européens, les médicaments et le rapport à
l’ordonnance », février 2005. Sondages réalisés entre décembre 2004 et janvier 2005.
304. Source : Sophie Pépin, Philippe Ricordeau, « la consommation d’antibiotiques :
situation en France au regard des autres pays européens », Points de repère, novembre
2006.
305. Source : CNAMTS, Point d’information mensuel du 14 avril 2005.
C
OUR DES COMPTES
272
d’affection de longue durée (ALD). Selon les estimations du régime
général, 1,5 millions de personnes de plus de 65 ans consomment
régulièrement plus de sept médicaments de classes thérapeutiques
différentes.
Cette forte consommation de médicaments est susceptible d’avoir
des effets négatifs sur la santé notamment lorsqu’elle conduit au
développement de résistances (antibiotiques, etc.) ou à des risques de
iatrogénie médicamenteuse (effets indésirables liés à la prise simultanée
de plusieurs produits). Environ 130 000 personnes sont hospitalisées en
France chaque année en raison d’un accident lié à la prise de
médicaments, dont au moins 40 % seraient évitables.
2
Les actions sur les comportements des patients
Si les habitudes de prescription des médecins jouent un rôle
déterminant pour expliquer la forte consommation de médicaments en
France, les patients peuvent parfois influencer ce comportement de
prescription. L’étude IPSOS précitée indique que 46 % des médecins
français déclarent faire l’objet d’une « pression à la prescription », contre
36 % des médecins allemands ou espagnols et seulement 20 % des
médecins néerlandais. Il semble toutefois exister un malentendu entre
médecins et patients en France, puisque 58 % des médecins français
déclarent ressentir une attente de prescription pour des rhumes par
exemple, alors que seuls 24 % des patients disent l’estimer nécessaire.
Outre leur possible influence sur les médecins, les patients sont
directement responsables de la correcte observance des traitements
prescrits. C’est pourquoi l’information grand public sur le médicament et
les actions d’éducation thérapeutique constituent deux vecteurs pour
infléchir les comportements des patients en matière de consommation de
médicaments. Or, l’intervention publique dans ces deux domaines reste
insuffisante.
a)
L’information grand public sur le médicament
L’information sur le médicament à destination du grand public
souffre, comme l’information à destination des prescripteurs (cf. infra),
d’un trop grand éparpillement et de la place excessive laissée à
l’information privée.
S’agissant de
l’assurance maladie, la Cour avait analysé dans son
rapport sur la sécurité sociale de 2005 le succès de la campagne sur le bon
usage des antibiotiques conduite entre 2002 et 2005 et avait regretté
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
273
qu’une seule campagne de ce type ait été réalisée
306
. A ce jour, une seule
autre campagne grand public est envisagée : elle concerne la lutte contre
la iatrogénie médicamenteuse.
L’AFSSAPS
dispose
également
d’une
gamme
d’outils
d’information à destination du grand public. Ceux-ci sont principalement
mis à disposition du public sur son site Internet, d’un accès
particulièrement difficile jusqu’à présent. La refonte annoncée de ce site
devrait toutefois permettre de structurer les informations aussi bien par
type de public que par type de produit et par thème de santé.
La HAS communique avec le grand public essentiellement par
l’intermédiaire de son site Internet, qui lui, est déjà structuré par type de
public.
Quant à l’INPES, il tend à développer des actions dans le domaine
de l’éducation du patient.
L’ensemble de ces intervenants produit une information assez
hétérogène, qui ne couvre pas l’ensemble des questions que se posent les
assurés. Une meilleure coordination entre acteurs publics serait
nécessaire.
Faute d’une information publique suffisante, une place importante
est donc laissée à l’information « privée » sur le médicament. C’est
précisément pour tenter de la contrôler que la loi du 13 août 2004 confie à
la HAS la mission « d’établir une procédure de certification des sites
informatiques dédiés à la santé ». La HAS a pour l’instant élaboré une
recommandation pour aider les internautes à chercher des informations
sur la santé et à évaluer la qualité des sites web. Par ailleurs, un message
de sensibilisation a été rédigé à destination des médecins afin qu’ils
connaissent mieux l’utilisation d’Internet par les patients et soient incités
à dialoguer avec eux sur le sujet. Mais il ne s’agit pas encore de
certification : la HAS n’a pour l’instant réalisé qu’un état des lieux sur les
systèmes d’évaluation de la qualité des sites.
b)
Les programmes d’aide à l’observance
Quelques firmes pharmaceutiques proposent des programmes
« d’aide à l’observance » ou « d’accompagnement des patients ». Ces
programmes, qui visent à améliorer l’observance des traitements
médicamenteux, peuvent avoir des effets pervers lorsqu’ils s’apparentent
à de la publicité et permettent de contourner l’interdiction de publicité
directe auprès du public pour les médicaments de prescription.
306 . Cf recommandation n°33 : « développer fortement l’information des assurés
sociaux sur les bonnes pratiques de prévention et de soins ».
C
OUR DES COMPTES
274
Initialement développés aux Etats-Unis, ces programmes ont été
implantés depuis quelques années en France : l’AFSSAPS, via la
commission de contrôle de la publicité, a été saisie depuis 2001 de
15 programmes de ce type, dont six durant la seule année 2006. En l’état
actuel de la réglementation, il n’existe pas de cadre juridique spécifique
permettant d’encadrer de telles initiatives et les dossiers sont examinés au
cas par cas. Pour l’instant, huit programmes ont été autorisés par
l’AFSSAPS, mais elle n’exclut pas que d’autres aient été mis en place
sans qu’elle soit consultée. Selon l’AFSSAPS, ces programmes ne
seraient d’ailleurs pas des programmes d’aides à l’observance, mais
plutôt des programmes d’éducation des patients (sur les modalités
d’administration d’un produit, le contexte de prise en charge globale
d’une pathologie, etc.).
Par ailleurs, une recommandation de l’agence européenne du
médicament du 14 novembre 2005, dépourvue de portée réglementaire,
indique en annexe que les plans de gestion des risques (PGR) désormais
requis pour certains médicaments peuvent comprendre des programmes
d’aide à l’observance réalisées par les entreprises pharmaceutiques. Selon
l’AFSSAPS, les plans de gestion des risques européens se bornent pour le
moment à prévoir des programmes d’éducation thérapeutique : seuls deux
d’entre eux prévoient un programme « d’accompagnement » des patients.
En France, ces deux programmes devraient dans un premier temps se
limiter à des actions d’information/formation des professionnels de santé.
Mais un bilan à six mois est prévu qui réexaminera la question de la mise
en place éventuelle d’un plan d’accompagnement.
Une proposition de loi est en cours de préparation afin d’encadrer
ces
programmes.
Le
développement
des
initiatives
des
firmes
pharmaceutiques dans ce domaine nécessite en effet une clarification du
cadre juridique. Les travaux en cours devront encadrer strictement ces
programmes, qui ne peuvent être autorisés qu’à la condition d’apporter
une réelle valeur ajoutée, de respecter les droits des patients et de
concerner des médicaments apportant une véritable amélioration du
service médical rendu.
B
La qualité de la prescription et ses déterminants
potentiels
Les spécificités françaises en termes de volume et de qualité
peuvent s’expliquer par un certain nombre de facteurs, examinés ci-
dessous, au premier rang desquels les lacunes de la formation des
médecins et de l’information mise à leur disposition.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
275
1
Le volume et la qualité des prescriptions
Les
médicaments
consommés
sont
pour
l’essentiel
des
médicaments prescrits : la place de l’automédication en France est
faible
307
(6 % des achats de médicaments en pharmacie).
Le niveau de prescription des médecins français est élevé par
rapport aux autres pays européens et ce constat n’a pas évolué depuis
vingt ans. Ainsi, 90 % des consultations de généralistes donnent lieu à
prescription d’un médicament en France, contre 83 % en Espagne, 72 %
en Allemagne et 43 % aux Pays Bas
308
. Cette forte prescription n’est pas
le fait de quelques médecins mais d’une pratique d’ensemble : il existe
« un modèle français de prescription
309
».
La qualité des prescriptions est également régulièrement mise en
cause par l’assurance-maladie. Ainsi que l’avait relevé la Cour dans son
rapport sur la sécurité sociale de 2004, les études restent dispersées et
sans cohérence d’ensemble. Les études ponctuelles disponibles soulignent
néanmoins que les pratiques de prescriptions peuvent s’écarter des
recommandations professionnelles, voire des indications de l’AMM :
-
une étude menée en 2004 en Lorraine et Champagne-Ardenne auprès
d’un échantillon de patients souffrant de dépression montre que seuls 4
traitements sur 10 sont conformes aux recommandations scientifiques ;
-
une enquête de la CNAMTS menée en 2002 visant à mesurer la
conformité des traitements hypolipémiants (anti-cholestérol) aux
recommandations de l’ANAES et de l’AFSSAPS a montré que, dans
30% des cas, la prescription d’un traitement de ce type n’avait pas été
précédée d’une analyse du taux de LDL cholestérol et que, même dans
un tel cas, la moitié des prescriptions concernait des patients dont le
taux était inférieur au seuil préconisé pour l’instauration d’un
traitement hypolipémiant ;
-
une enquête de la CNAMTS sur la consommation de trois
benzodiazépines publiée en 2001 a montré que les posologies usuelles
maximales recommandées par l’AMM n’étaient pas respectées et que
les durées de traitement étaient dépassées dans près de la moitié des
cas pour deux de ces médicaments.
En théorie, la prescription en dehors des indications de l’AMM
n’est pas admise au remboursement, mais cette obligation ne fait
307. Source : Les entreprises du médicament (LEEM), site Internet.
308 . Source : Enquête IPSOS réalisée pour la CNAMTS « Les Européens, les
médicaments et le rapport à l’ordonnance », février 2005. Sondages réalisés entre
décembre 2004 et janvier 2005.
309. Source : rapport du haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie.
C
OUR DES COMPTES
276
qu’exceptionnellement l’objet d’un contrôle. La Cour relève que cette
situation pourrait représenter entre 15 % et 20 % du total des
prescriptions et reste très mal évaluée. On ignore en particulier largement
son impact financier et son impact sur la santé publique en médecine de
ville. Il serait nécessaire de mieux connaître et d’encadrer cette pratique.
L’article 56 de la loi de la LFSS 2007, qui autorise à titre dérogatoire et
dans certaines conditions le remboursement de médicaments prescrits
hors AMM, ne constitue à cet égard qu’une première étape dans la
recherche d’un encadrement de ces prescriptions.
2
Les bases de données sur le médicament
Afin d’être utilisable par les prescripteurs, une base de données sur
le médicament devrait présenter plusieurs caractéristiques :
-
regrouper l’ensemble des données administratives et médicales des
médicaments sur le marché, qui sont actuellement dispersées (AMM,
dénomination commune internationale, SMR, ASMR, date éventuelle
de commercialisation, taux de remboursement et prix) ;
-
permettre la prescription en dénomination commune internationale
(DCI) ;
-
être codifiée, structurée et intégrable dans les logiciels d’aide à la
prescription.
Les bases actuelles (base AMM et bases utilisées par les
prescripteurs) ne répondent pas à l’ensemble de ces critères.
a)
La base AMM
La LFSS pour 2001 prévoyait dans son article 47 que « d’ici au
1
er
janvier 2003, l’AFSSAPS mettra en oeuvre une banque de données
administratives et scientifiques sur les médicaments et les dispositifs
médicaux ». Le décret d’application de cette disposition n’a été pris que
le 25 mars 2007. Le contenu de cette banque de données se limite aux
données régulatoires de base : le décret précise en effet que la banque de
données comprend les informations contenues dans le répertoire des
spécialités pharmaceutiques et dans le répertoire des groupes génériques
ainsi que les RCP et les notices des médicaments pour lesquels l’AMM
est en cours de validité.
La base AMM est toujours en cours de réalisation par
l’AFSSAPS.
Elle
ne
contient
pour
l’instant
que
les
résumés
caractéristiques des produits des AMM délivrées après le 1
er
janvier 2002.
La reprise du stock des 13 500 AMM antérieures à cette date n’a été
engagée qu’en 2006. Selon l’AFSSAPS, elle devrait s’achever fin 2008.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
277
b)
Les bases de données utilisées par les médecins
Il existe aujourd'hui trois bases codifiées et structurées sur le
médicament utilisées par les médecins. Deux bases sont privées (Vidal et
Claude Bernard) tandis que la troisième est publique (Thériaque).
Aucune de ces trois bases ne répond totalement aux critères
mentionnés ci-dessus, ce qui avait conduit à confier au fonds pour la
promotion de la formation médicale (FOPIM), créé par la LFSS de 2001,
l’élaboration d’une base de connaissances publique sur le médicament.
Mais la disparition du FOPIM début 2004 et le transfert de ses missions à
la HAS semblent s’être accompagnés de la renonciation au projet de base
de données publique sur le médicament.
Thériaque
La base Thériaque a été créée il y a près de vingt ans par le centre
national
hospitalier
d’information
sur
le
médicament
(CNHIM),
association de la loi 1901. Depuis janvier 2004, Thériaque est gérée et
financée dans le cadre du système d’information sur les produits de santé
(SIPS), groupement d’intérêt économique associant le CNHIM (40 % des
voix), la CNAMTS (40 %), la MSA (10 %) et la CANAM (10 %).
L’avenir de Thériaque semble menacé puisqu’un conflit a éclaté fin 2006
entre les partenaires du GIE et que le CNHIM envisage de se désengager
du GIE en août 2007. La base Thériaque, principalement financée par
l’assurance maladie, peut être considérée comme la seule base
indépendante sur le médicament. Elle est en effet la seule à n’avoir aucun
lien, direct ou indirect, avec l’industrie pharmaceutique.
La HAS a commandé une étude afin d’évaluer les trois principales
bases présentes sur le marché (Thériaque, Claude Bernard et Vidal), dans
la perspective notamment de la certification des logiciels d’aide à la
prescription. Cette étude
310
, réalisée en avril 2006, conclut que la créa-
tion d’une base publique ex nihilo n’est pas souhaitable vu le niveau de
qualité des bases existantes et que les trois bases répondent aux enjeux de
la certification des logiciels d’aide à la prescription (cf. infra). Elle
préconise toutefois la production d’une information publique complémen-
taire nécessaire à la prescription en DCI
311
et propose de confier cette
mission à Thériaque.
310. Etude de faisabilité portant sur le développement d’une base de connaissance
publique pour la prescription et la dispensation de tous les médicaments répondant
aux objectifs de la certification des logiciels d’aide à la prescription.
311. Cette information contiendrait la correspondance entre nom de molécule et nom
de marque, ainsi que les RCP associés aux noms de molécules.
C
OUR DES COMPTES
278
Pourtant s
i la HAS endosse les deux premières conclusions
de
l’étude, elle rejette la troisième sur la nécessité de produire cette
information publique complémentaire.
Quelles que soient les motivations et considérations qui
peuvent justifier cette position, elles ne devraient pas remettre
en cause
le diagnostic posé depuis de longues années sur la nécessité
d’une base publique d’information sur le médicament, diagnostic qui
semblait d’ailleurs partagé par de nombreux acteurs, au premier rang
desquels les médecins. Dans ce contexte,
Thériaque apparaît
supérieure dans des domaines essentiels pour une base de
données publique sur le médica-ment : indépendance à l’égard
de l’industrie pharmaceutique, exhaustivité (Thériaque recense
tous les médicaments disponibles en France, AMM ville et
hôpital, les autorisations temporaires d’utilisation de cohorte, les
autorisations
temporaires
d’utilisation
nominatives
et
les
préparations hospitalières de l’AP-HP), contenu (elle est la seule
à faire figurer le SMR et l’ASMR du médicament) et gratuité
. En
revanche, elle est, pour des raisons techniques, moins facilement
intégrable dans les logiciels d’aide à la prescription.
La HAS estime que le travail qu’elle conduit actuellement
d’élaboration d’une charte de qualité des bases de médicaments permettra
de mettre sur le même plan les trois bases en ce qui concerne leur
exhaustivité. Cette charte devra en effet être signée par les organismes
gérant les bases de données sur lesquelles s’appuient les logiciels d’aide à
la prescription pour que ces derniers puissent être certifiés. Toutefois,
selon la Cour, l’intérêt d’une base publique demeure, d’une part car les
modalités de certification et de contrôle de ces bases par la HAS ne sont
pas encore connues et, d’autre part, parce que seule une base publique
comme Thériaque permet la mise à disposition gratuite de l’information.
La Cour reste donc convaincue de la nécessité d’une base publique
et d’accès gratuit sur le médicament.
3
La formation médicale
a)
La formation initiale
La formation médicale initiale, essentiellement orientée vers la
clinique, laisse peu de place en France à l’enseignement de la
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
279
pharmacologie. Un rapport d’information du Sénat
312
a souligné qu’avec
un volume horaire d’environ 80 heures, cet apprentissage est le plus court
d’Europe. Des catégories de médicaments (sérums, vaccins, désinfectants,
antidotes et antiparasitaires) sont passées sous silence et seules trois
heures de formation sont consacrées aux antibiotiques. Les futurs
praticiens ne sont pas non plus informés de l’inefficacité de certains
produits, dont la France détient le record de prescriptions (vasodilatateurs,
veinotoniques, etc.). Par ailleurs, la formation médicale n’aborde
pratiquement pas l’économie de la santé : les futurs médecins ne sont pas
informés du coût des thérapeutiques.
En outre, comme le soulignait le rapport précité, les étudiants en
médecine sont soumis très tôt à l’influence des laboratoires, tant dans le
cadre de l’hôpital pour les fiches posologiques (la présélection de
médicaments par la pharmacie de l’établissement connaît souvent des
pressions commerciales fortes), que par le rôle des professeurs
d’université. Certaines universités étrangères ont adopté des règles
destinées à limiter la présence des laboratoires. En France, aucun état des
lieux ne semble avoir été réalisé sur cette question.
Alors même que les textes relatifs aux études médicales sont co-
signés par le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé,
ce dernier est traditionnellement peu impliqué dans la formation initiale
des médecins. Il serait pourtant nécessaire que le ministère trouve toute sa
place au sein de la commission pédagogique nationale des études
médicales
313
chargée de donner son avis sur l'élaboration et la révision
des programmes des enseignements des premier et deuxième cycles.
b)
La formation continue et l’évaluation des pratiques
professionnelles
En raison de l’évolution rapide des connaissances médicales et des
traitements, l’évaluation des pratiques professionnelles comme la
formation médicale continue revêtent une importance particulière pour la
qualité de la prescription de médicaments.
Rappels généraux
Inscrite au code de déontologie depuis le décret du 6 septembre
1995, l’obligation de formation continue des médecins libéraux s’est vu
312. Rapport d’information n°382 sur les conditions de mise sur le marché et de suivi
des médicaments, 2006.
313. Le rôle et la composition de la CNEM sont définis dans le décret n° 91-136 du
31 janvier 1991.
C
OUR DES COMPTES
280
conférer un caractère législatif par les ordonnances de 1996, puis par la
loi du 4 mars 2002 qui a confié la gestion de la FMC à la profession, par
l’intermédiaire de trois conseils nationaux de la formation professionnelle
continue (CNFMC) compétents respectivement pour les médecins
libéraux, les médecins hospitaliers et les autres médecins salariés. Ces
conseils, chargés d’agréer les organismes de formation et d’établir des
barèmes nationaux pour s’assurer du respect de l’obligation de FMC, ont
été installés en février 2004.
Par ailleurs, la loi du 9 août 2004 a instauré une obligation
d’évaluation de la pratique professionnelle (EPP). Cette évaluation est
partagée entre la Haute Autorité de santé et la profession. La HAS est
chargée
de
définir
les
méthodes
d’évaluation
des
pratiques
professionnelles. Pour les médecins libéraux, les prestataires d’EPP
peuvent être soit des médecins habilités par les URML et formés par la
HAS, soit des organismes agréés par la HAS.
La mise en oeuvre de ces dispositifs n’a véritablement commencé
qu’à partir de 2005 pour la formation médicale continue et 2007 pour
l’évaluation des pratiques professionnelles. La nouvelle organisation qui
se met en place ne présente pas toutes les garanties d’efficacité et
d’indépendance
nécessaires,
notamment
pour
la
question
de
la
prescription.
L’absence de priorité marquée en matière de médicament
Ni le ministère ni l’assurance maladie n’ont véritablement les
moyens de définir des priorités en matière de FMC et d’EPP, afin d’en
faire notamment un outil d’influence des prescriptions.
En ce qui concerne la FMC, la DGS ne dispose que d’une voix
consultative au sein des CNFMC et l’assurance maladie n’y est pas
représentée. Les CNFMC doivent définir pour cinq ans des thèmes
prioritaires de formation prenant en compte les objectifs de la politique de
santé publique, les plans d'action de santé publique ainsi que les
programmes de santé. Toutefois, ces thèmes ne sont pas obligatoires (ils
font l’objet d'une bonification de 20 % de crédits de formation) et les
CNFMC n’auront pas les moyens de peser véritablement sur les choix de
FMC, qui appartiendront en premier lieu aux financeurs. Sur les cinq
priorités définies pour les cinq prochaines années, une seule concerne le
médicament (la iatrogénie)
314
.
314. Les autres sont le rôle et place des praticiens en cas de crise sanitaire, la
prévention vaccinale, la prévention et dépistage des cancers, la prévention des risques
environnementaux, comportementaux et professionnels.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
281
En ce qui concerne l’EPP, les textes ne prévoient pas la possibilité
pour la HAS de définir des thèmes prioritaires. La CNAMTS, qui
participe au financement du dispositif, n’a pas non plus la possibilité de
demander un ciblage des crédits.
Une indépendance qui n’est pas garantie
Alors que la qualité et l’indépendance des formations sont censées
être garanties par les nouvelles procédures d’agrément, celles-ci ne
permettent pas d’éviter les conflits d’intérêt.
On note en particulier qu’aucun financement public nouveau
n’étant consacré à la FMC, celle-ci est appelée à rester essentiellement
financée par les firmes pharmaceutiques. Et de fait, selon un bilan
récemment dressé par l’IGAS
315
, l’essentiel de la formation médicale
continue (entre 300 M€ et 600 M€ par an selon l’IGAS) est financé par
les firmes pharmaceutiques.
Le code de bonnes pratiques passé entre le LEEM et les CNFMC
et signé par le ministre de la santé le 22 novembre 2006 est supposé
encadrer les pratiques des entreprises : qualité scientifique, transparence
de financements, évaluation de la formation par les participants. Mais les
engagements sont peu précis et le code est dépourvu de tout caractère
contraignant.
4
L’encadrement de la visite médicale
La visite médicale constitue le premier moyen d’information des
médecins sur le médicament. C’est également le premier outil de
promotion pour l’industrie pharmaceutique, qui y consacre, selon le
rapport précité du Sénat
316
, environ 80 % de ses dépenses de marketing,
soit
l’équivalent
de
8 500 €
par
médecin.
On
compte
environ
24 000 visiteurs médicaux en France.
La visite médicale influence considérablement les habitudes de
prescription. Une étude de l’IRDES
317
a ainsi montré que, quel que soit
315. Rapport n°2006-002 de janvier 2006 « mission relative à l’organisation juridique,
administrative et financière de la formation continue des professions médicales et
paramédicales ».
316. Rapport d’information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des
médicaments, juin 2006.
317. « La diffusion de l’innovation pharmaceutique en médecine libérale : revue de la
littérature et premiers résultats français », Questions d’économie de la santé n° 73,
novembre 2003.
C
OUR DES COMPTES
282
le médicament étudié, le nombre de lignes prescrites par trimestre était
fortement corrélé à l’investissement promotionnel des firmes.
Afin d’encadrer la visite médicale, la loi du 13 août 2004 a confié à
la HAS une mission de certification de la visite médicale des firmes, afin
d’en garantir la conformité à la charte de la visite médicale signée le
22 décembre 2004 entre le LEEM et le CEPS. La HAS a élaboré son
référentiel de certification à partir du contenu de la charte et la
certification est opérationnelle depuis novembre 2006.
Selon le préambule de la charte, la visite médicale a « pour objectif
principal d’assurer la promotion des médicaments auprès du corps
médical et de contribuer au développement des entreprises du
médicament. Elle doit à cette occasion favoriser la qualité du traitement
médical dans le souci d’éviter le mésusage du médicament, de ne pas
occasionner de dépenses inutiles et de participer à l’information des
médecins ». Or ces deux objectifs peuvent être contradictoires.
Un avenant du 21 juillet 2005 prévoit que le CEPS arrête chaque
année la liste des classes thérapeutiques pour lesquelles il estime qu’une
réduction de la visite médicale est nécessaire, en fonction de
considérations relatives au bon usage du médicament ou aux dépenses de
l’assurance-maladie. En cas de non-respect du taux d’évolution du
nombre de visites décidé par le CEPS, ce dernier peut procéder à une
baisse temporaire ou définitive du prix des spécialités concernées. Il
s’agit là de l’aspect le plus contraignant de la charte, mais tout dépendra
de l’application qui en sera faite.
S’il est trop tôt pour apprécier les premiers résultats obtenus, on
peut toutefois porter un jugement sur le principe même de la charte. Si ce
dispositif constitue la première tentative d’encadrement de la visite
médicale, sa principale limite réside dans la faiblesse des possibilités de
vérification des principaux engagements pris par les firmes, qu’il s’agisse
de la fréquence des visites, de la publicité comparative, du contenu de la
présentation orale ou des documents distribués au médecin... Enfin, on
peut craindre que la certification par la HAS ne donne une caution à la
visite médicale dont celle-ci ne disposait pas jusqu’à présent.
Pour contrebalancer les effets de la visite médicale, la CNAMTS
s’est pour sa part dotée depuis 2003 de délégués de l’assurance-maladie
(DAM), dont l’objectif est de présenter aux professionnels de santé les
priorités de la maîtrisé médicalisée définis chaque année. On compte
environ 700 DAM, chiffre qui doit être mis en perspective avec les
24 000 délégués médicaux de l’industrie pharmaceutique. Aucun bilan
national de l’activité des DAM et de leur impact vraisemblable sur les
prescriptions n’est disponible à ce stade.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
283
5
Les logiciels d’aide à la prescription
Une deuxième mission impartie à la HAS par la loi du 13 août
2004 est la certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP), dont
l’objectif est d’améliorer la sécurité et la qualité de la prescription et de
faciliter le travail du prescripteur.
Le référentiel de certification est élaboré. Parmi les critères de
certification figure la possibilité de prescrire en dénomination commune
internationale (DCI), dont l’intérêt est double : accroître la sécurité des
patients en diminuant le risque d’absorber deux fois le même médicament
et accroître la possibilité de substitution par les pharmaciens.
Une difficulté réside dans la base de données à laquelle est adossée
le LAP. En effet, si l’on souhaite que les LAP mettent à disposition des
informations sur le SMR et l’ASMR d’un médicament, cela impose que
soit enfin achevée la base de données médicaments offrant ces
informations (cf. supra). Dès lors, la HAS considère que le préalable à la
certification des LAP est l’adhésion de la base de données qu’ils utilisent
à une « charte de qualité » qu’elle a elle-même définie
318
. Le rapport du
prestataire extérieur précité indique que l’état actuel des bases de données
médicaments privées « ne fait pas obstacle à la certification des LAP ».
Comme la précédente, cette seconde mission de la HAS a le mérite
de tenter d’encadrer des pratiques préexistantes. Toutefois, quelques
difficultés peuvent d’ores et déjà être soulignées. Ainsi, si la plupart des
critères du référentiel doivent faire l’objet de « contrôles » de la part de
l’organisme certificateur, certains, pourtant importants, ne font l’objet que
d’« engagements » des éditeurs de LAP, ce qui affaiblit la portée de la
certification
319
. Le critère n° 9 du référentiel soulève une difficulté
spécifique. Il prévoit en effet que « le LAP met toujours à disposition
l’information sur le médicament qui provient des bases de données
signataires de la charte de qualité. Cette information est différenciée de
celle ayant une autre origine ». Cette formulation laisse entendre que
l’information contenue par des logiciels certifiés peut provenir d’une
318. Cette charte de qualité reprend les huit critères du référentiel de certification qui
mettent en jeu la base médicaments.
319 . Il en va ainsi par exemple du critère 26 sur l’absence de considérations
promotionnelles dans la sélection, l’ordre et la présentation des médicaments ou du
critère 62 sur l’absence d’affichage de publicité.
C
OUR DES COMPTES
284
autre origine que de bases de données signataires de la charte de qualité,
ce qui affaiblit le degré de fiabilité du logiciel
320
.
6
Les supports d’information destinés aux médecins
La Cour avait recommandé dans ses rapports sur la sécurité sociale
de 2004 et 2005 de
« définir une stratégie de communication publique sur
le médicament et sur la stratégie thérapeutique, fondée sur l’expertise
scientifique et l’impact de santé publique »
321
et de
« mettre en place,
sous la responsabilité de la Haute Autorité de santé, une stratégie globale
de production des recommandations de bonnes pratiques et moderniser
leur mode de diffusion »
322
.
Malgré des améliorations certaines, ces
recommandations n’ont pas été réellement mises en oeuvre.
La loi du 13 août 2004 assigne un rôle primordial à la HAS en
matière d’information médicale. Son portefeuille comporte à ce jour
22 types de productions scientifiques. Ce chiffre apparaît excessif, surtout
si l’on ajoute les produits des autres institutions
323
.
La HAS a concentré ses efforts en 2005 sur la simplification des
messages et l’amélioration de leur lisibilité par une charte graphique
notamment. En 2006, les efforts ont porté sur la perception de ces
documents: études d’investigation de terrain, pré-publication pour ajuster
la communication, pré-tests de compréhension de nouveaux documents
avant diffusion, post-tests d’évaluation de la perception des documents
diffusés. Le caractère novateur de cette démarche doit être salué.
La
HAS
et
l’AFSSAPS
produisent
toutes
les
deux
des
recommandations professionnelles. Le contenu des recommandations de
bonne pratique (RBP) de l’AFSSAPS est d’un accès parfois difficile et
l’AFSSAPS n’a toujours pas engagé d’enquête de satisfaction et d’étude
d’impact auprès des prescripteurs concernant la qualité de ses productions
et notamment des RBP. S’agissant des critères de choix des thèmes des
RBP, des progrès ont été enregistrés dans les années récentes : l’agence
axe ses RBP sur les gammes thérapeutiques faisant l’objet d’un nombre
320. Selon la HAS, d’autres bases de données concernant le médicament peuvent
aussi être utilisées dans les LAP, mais pour d’autres fonctions. Elles peuvent porter
sur des produits non concernés par la certification (homéopathie, cosmétiques, etc.).
321. Voir le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2004, recommandation n°43.
322. Voir le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, recommandation n°31.
323. En quelques années, se sont en effet succédé les fiches de transparence, les fiches
de stratégie thérapeutique, les fiches-produit, les fiches de bon usage du médicament,
les fiches Transpa-Flash, sans que les spécificités de chacune soient forcément
évidentes pour les lecteurs.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
285
important de prescriptions (statines, antibiotiques, antidépresseurs,
antidiabétiques, antisécrétoires gastriques, traitement de l’ostéoporose).
Les recommandations professionnelles élaborées par la HAS
témoignent d’un plus grand souci d’accessibilité, avec notamment la
présence d’une synthèse. Mais la ligne de partage entre les deux
institutions n’est pas toujours clairement définie et on peut regretter qu’il
n’existe pas de portail Internet commun pour les recommandations
professionnelles des deux agences.
Enfin, la CNAMTS déploie de réels efforts pour diffuser aux
professionnels de santé une information synthétique et facilement
utilisable, sous différentes formes (lettre aux médecins, lettre aux
pharmaciens, supports mémos), qui lui permettent de mettre l’accent sur
les axes de la maîtrise médicalisée.
7
La maîtrise médicalisée : bilan 2005 et 2006
La maîtrise médicalisée a pour objet d’inciter les médecins à
réduire leurs prescriptions sur certains postes jugés prioritaires.
Dans le cadre de la convention médicale du 12 janvier 2005, les
médecins libéraux et l’assurance-maladie se sont ainsi engagés pour 2005
sur des objectifs de maîtrise médicalisée concernant trois classes de
médicaments : antibiotiques, psychotropes, statines. L’avenant n° 12 à la
convention médicale a ajouté deux nouveaux thèmes dans le domaine du
médicament : la réduction des dépenses d’inhibiteurs de la pompe à
protons (IPP) dès 2005 et d’hypertenseurs (IEC-Sartans) à partir de 2007.
En 2005, la CNAMTS avait évalué les économies susceptibles
d’être ainsi engendrées par la maîtrise médicalisée à 285 M€, auxquels
s’ajoutent 55 M€ d’économies sur les génériques. Selon la CNAMTS, les
économies finalement générées en 2005 sur ce poste se sont élevées à
201 M€ en 2005, au lieu des 340 M€ attendues. Toutefois, les économies
obtenues par la maîtrise médicalisée sont encore plus réduites si l’on
neutralise les baisses de prix et la générication pour s’intéresser aux seuls
volumes, c’est-à-dire aux prescriptions. En effet, l’année 2005 a été
marquée par la baisse de prix de 88 présentations pharmaceutiques, parmi
lesquelles des statines et des médicaments génériqués. Au total, la DSS
estime
ainsi
à
seulement
17 M€
les
économies
générées
par
l’infléchissement des prescriptions sur les trois classes visées par la
convention médicale (6 M€ pour les antibiotiques, 9 M€ pour les statines
et 2 M€ pour les psychotropes).
Les objectifs de maîtrise médicalisée pour 2006 étaient moins
ambitieux qu’en 2005 pour les statines, les psychotropes et les
antibiotiques. En mars 2007, le bilan définitif pour l’année 2006 n’était
C
OUR DES COMPTES
286
pas disponible. Dans un point d’information mensuel d’octobre 2006, la
CNAMTS estimait que fin août 173 M€ d’économies avaient d’ores et
déjà été réalisées sur le poste médicament : 36 M€ pour les antibiotiques,
95 M€ pour les statines, 13 M€ pour les psychotropes, 12 M€ pour les
IPP, 22 M€ pour les génériques. Mais à nouveau, ce chiffrage ne tient pas
compte des baisses de prix de certains médicaments, lesquels relèvent du
plan médicament et non de la maîtrise médicalisée.
Selon les estimations
324
de la DSS, réalisées sur la base des
données GERS à fin octobre, les économies, nettes des effets prix et
générication réalisées en 2006 sur les trois classes thérapeutiques, seraient
de 140 M€, contre 197 M€ attendus. S’agissant des économies liées au
développement des génériques, il est impossible de distinguer l’effort des
pharmaciens et l’effort des médecins.
Au final, il semble donc que la maîtrise médicalisée a permis,
depuis 2005, de modifier les prescriptions des médecins, mais dans des
proportions moindres que ce qui était initialement attendu.
III - L’achat des médicaments dans les
établissements de santé
Depuis une précédente enquête de la Cour sur la consommation de
médicaments à l’hôpital
325
, des réformes sont intervenues. La mise en
place de la T2A, notamment, a eu pour conséquence de profondément
modifier en 2004-2005 certaines composantes de l'acte d'achat pour les
médicaments les plus coûteux. Elle a de facto interrompu le régime de
libre négociation en vigueur depuis 1987. La question de l’achat prend
donc dans ce contexte une signification nouvelle.
Les juridictions financières ont procédé à des comparaisons entre
hôpitaux publics, mais aussi entre ces derniers et le secteur privé (PSPH
et cliniques privées), comme le prévoit le code des juridictions financières
depuis 2005 (art.132-3-2). Après avoir mesuré l'évolution des dépenses et
des prix, elles en ont cherché les facteurs d'explication dans les politiques
nationales et les pratiques de terrain.
324. Ces évaluations sont réalisées en retenant comme tendance la croissance annuelle
moyenne entre 2002 et 2005, en neutralisant l’effet des déremboursements pour les
psychotropes (les autres classes visées par l’avenant 12 n’ayant pas fait l’objet de
déremboursements) et en corrigeant des effets de stockage des génériques (statines,
IPP, antibiotiques) et de l’épidémie de grippe (antibiotiques).
325. Voir le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2004, pp. 305 à 356.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
287
A
L'évolution de la dépense et des prix
1
La croissance de la dépense est préoccupante
Les ventes annuelles des laboratoires pharmaceutiques à l'hôpital
public (soit les ventes destinées à la fois à la consommation interne et à la
rétrocession) dépassent 4 Md€ depuis 2003. Leur part dans les charges
des établissements, qui approche désormais 10 %, est en constante
progression. De 1994 à 2004, la dépense a été multipliée par trois à
périmètre constant
326
.
Certes la dépense globale a, pour la première fois, reculé (de 1 %)
en 2006. Mais ce résultat a été influencé par la baisse de l'activité de
rétrocession à la suite d'une réforme réglementaire
327
et par le passage
en officine de spécialités auparavant en réserve hospitalière (pour plus
d'1 Md€ en 2005). Avec le même périmètre qu'en 2002, les achats de
médicaments par l’hôpital ont en réalité augmenté de 7 % en 2005.
Au sein de cet ensemble, la croissance accélérée de la
consommation interne de l'hôpital (10 % de 2004 à 2005) s'explique
largement par l'accroissement de la consommation des molécules
onéreuses (1,2 Md€ en 2005). Ces dernières représentaient 19% en valeur
des consommations hospitalières en 2002, mais plus de 40 % en 2005,
année au cours de laquelle elles ont progressé de 22 %. Dans le même
temps, les achats des autres spécialités n'augmentaient que faiblement. La
DHOS considère que cette forte dérive consomme l'équivalent d'un point
d'ONDAM tous les ans, ce qui constitue bien un problème structurel pour
la marge de manoeuvre financière globale, quelles que puissent être les
économies en résultant sur les durées de séjour, du reste non mesurées.
Les perspectives financières de moyen terme sont peut-être plus
préoccupantes encore, compte tenu du nombre de molécules anti-
cancéreuses en cours de développement.
326. Hors effet de la sortie de certains médicaments de la réserve hospitalière.
327. Voir le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2006, p. 125.
C
OUR DES COMPTES
288
2
Les évolutions de prix sont contrastées
a)
Les données disponibles
En dépit des recommandations faites par la Cour en 2002
328
, on ne
dispose pas d'un instrument de suivi des dépenses qui permette de
descendre à un niveau suffisamment fin, notamment pour les prix
pratiqués. Il y a deux sources publiques principales : sur la base des
déclarations des laboratoires, l'AFSSAPS donne une fois par an le
montant des ventes aux établissements de santé sans qu'on puisse y
distinguer la destination effective des médicaments (consommation ou
rétrocession). La DHOS, de son côté, produit à partir du PMSI des
statistiques détaillées, établissement par établissement (hors privé à but
lucratif), mais seulement pour la moitié environ (en valeur) des
médicaments. En outre, la DREES mène depuis 2005 une enquête
annuelle donnant les quantités et les prix, mais seuls les établissements
volontaires fournissent des informations.
Les conclusions présentées ici sont donc fondées sur l’enquête
conduite par les juridictions financières.
L’enquête des juridictions financières
Pour les hôpitaux publics, l'enquête a porté sur un échantillon de
50 établissements allant des CHU aux hôpitaux locaux et représentant
67 000 lits. Les établissements de toute taille inscrits au programme de
contrôle des chambres régionales des comptes pour 2006 ont ainsi
constitué une matière abondante et représentative puisqu'ils réalisent 25 %
des séjours enregistrés dans les hôpitaux français et 23 % de la dépense
pharmaceutique de 2005.
Les juridictions n'avaient évidemment pas les mêmes moyens
d'investigation à l'égard du secteur privé ; elles ont donc moins cherché à
collecter des données pour être statistiquement représentatives qu'à repérer
des exemples d'organisation et des pratiques susceptibles d'aider à la
réflexion à venir. L'achat de médicaments de ces établissements a atteint
1 Md€ en 2005.
Dans un premier temps, ont été analysés les prix pratiqués en 2004,
2005 et 2006 sur les classes de produits suivantes : antibiotiques,
inhibiteurs de la pompe à protons, héparines à bas poids moléculaires,
anti-cancéreux, anti-viraux, erythropoïétines, immunosuppresseurs et
immunoglobulines. Puis des entretiens approfondis ont été menés dans une
328. « Bâtir le système d'information sur la consommation de médicaments à l'hôpital
dont doivent disposer les pouvoirs publics, l'assurance maladie et les hôpitaux : accès
à des bases de données complètes et fiables, codage du médicament à l'hôpital,
observatoires régionaux ».
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
289
partie des hôpitaux concernés, en veillant à toucher des établissements de
tailles très diverses.
Elles permettent de dégager quelques caractéristiques communes.
Cependant, les médicaments se séparent en deux groupes différents par la
dynamique de leurs prix et les possibilités de négociation: d'une part les
produits intégrés aux groupes homogènes de soins (GHS) de la T2A et ci-
après qualifiés de produits à prix libres, d'autre part ceux qui, figurant sur
une liste spéciale arrêtée par le ministre (ci-après « liste en sus »), sont
remboursés en sus du tarif GHS aux hôpitaux par l'assurance maladie à
hauteur d'un tarif de responsabilité (TR) fixé par le CEPS.
b)
Les écarts de prix globaux
Les écarts de prix entre établissements publics sont substantiels :
couramment de un à trois, ils peuvent aller jusqu'à sept voire dix, premier
indice d'une pratique non optimisée.
NB : Dans le graphique ci-dessus, chacun des points reliés par les courbes représente
un hôpital. Les prix ne sont pas exprimés en valeur absolue mais en valeur relative :
pour chacun des trois médicaments l'hôpital qui a le prix le plus faible constitue la
base 100. Pour Augmentin©, les prix vont de 100 à 700, avec seulement quatre
niveaux intermédiaires. Pour les deux autres produits, il y a au contraire
presqu'autant de prix différents que d'acheteurs, mais avec un écart global de 100 à
400 (de 100 à 220 pour Ceftriaxone© si on exclut un cas très défavorisé.
Source :
Juridictions financières
L’enquête n'a pas identifié, parmi les établissements, de bons et de
mauvais acheteurs : au cours d'un même exercice, les meilleurs prix sont
Ecarts de prix constatés:
3 exemples parmi les antibiotiques
0,000
0,100
0,200
0,300
0,400
0,500
0,600
0,700
0,800
prix d'ofloxacine &
augm entin (en €/ucd*)
0,000
0,500
1,000
1,500
2,000
2,500
3,000
prix ceftriaxone (en € /ucd*)
Ofloxacine cps
Ceftriaxone 1g
Augmentin 1g sachet
C
OUR DES COMPTES
290
obtenus par des établissements très divers suivant les produits et d'un
exercice à l'autre les meilleurs ne rééditent pas leur performance. Il n’y a
donc pas d'établissement susceptible d'être érigé en exemple. Le lien
statistique n'est pas non plus établi entre niveau de prix et volume d'achat,
que les volumes importants soient le fait d'établissements importants ou
de groupements.
En revanche, les prix varient considérablement en fonction de la
date de passation des marchés, parce que divers événements comme la
délivrance de nouvelles AMM ont un impact sur la valeur relative des
spécialités et le contexte des négociations. L’animation du marché des
officines de ville peut avoir également des effets sur les prix consentis à
l’hôpital.
c)
Les médicaments à prix libres
Ces médicaments sont les plus classiques et donnent lieu aux
achats de plus gros volume. Leurs prix peuvent être très diversifiés, au
point parfois d'avoir presque autant de niveaux différents que d'acheteurs,
même si les écarts ne sont pas forcément importants ; c'est que les
négociations surviennent à des moments différents, entre des acheteurs
plus ou moins bien informés et des vendeurs soumis à des contingences
variables. Marché monopolistique et asymétrie d'informations ne sont pas
incompatibles avec la diversité des prix.
Les prix moyens de la plupart de ces produits ont été orientés à la
baisse entre 2004 et 2006, surtout pour les produits génériqués de fraîche
date. Les produits qui n'ont pas de génériques ont les prix les plus élevés
de leur classe et leurs prix n'ont pas baissé sur la période ; ils ont même
augmenté dans plusieurs cas. Lorsque les génériques sont anciens, on
trouve des prix tendant à l'uniformité, sans nécessairement de perspective
de baisse ultérieure. A l'inverse, les prix peuvent baisser très fortement
pendant les trois ou quatre ans qui suivent l'apparition d'un générique,
constat d'autant plus intéressant que les brevets de nombreux produits
importants vont arriver à échéance dans les prochaines années.
Encore faut-il que les hôpitaux achètent ces génériques. Or les
génériqueurs ne répondent pas forcément aux appels d'offres et, d'autre
part, les acheteurs classent souvent le prix moins favorablement que
d'autres critères de sélection, qui sont objectifs (conditionnement et coût
global d'acquisition, amplitude des gammes de présentations dite formes
galéniques…) ou non. Enfin une partie des acheteurs ne choisit pas le
meilleur moment pour passer les marchés ou ne fait pas jouer la clause de
révision applicable en cas d'apparition de générique, faute simplement
d'être informée des perspectives d'introduction de nouvelles spécialités.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
291
La concurrence est aussi possible entre équivalents thérapeutiques,
mais prescripteurs et acheteurs ne connaissent pas tous les cas existants
d'équivalence et ne tirent pas forcément les conséquences pratiques de
ceux qu'ils connaissent, notamment au moment crucial de la définition
des lots. Dans de nombreux établissements, toutes les molécules
équivalentes au sein d'une classe sont référencées, sans donc être mises en
concurrence entre elles. A contrario, dans les cas où les molécules sont
perçues comme équivalentes, l'apparition du générique de la principale
d'entre elles peut se traduire par la baisse des prix des autres.
Pour de nombreux médicaments, traitant notamment des maladies
longues, l'intérêt commercial de la vente à l'hôpital réside surtout dans
l'effet d'entraînement de la prescription initiale sur celles de la ville. Ils
sont souvent cédés gratuitement ou presque aux établissements, du moins
tant que leur vente en ville est très rémunératrice.
d)
Les médicaments de la
liste en sus
Il n'y a pas de critère légal d'inscription sur cette liste par le
ministre, mais elle correspond à un ensemble de produits censés cumuler
les caractéristiques suivantes : ils sont récents, assez coûteux pour avoir
un impact massif sur le coût de la prise en charge, ils traitent des maladies
engageant le pronostic vital et il faut que chaque établissement puisse en
disposer, mais leur prescription effective est trop peu fréquente ou
trop
inégalement répartie pour qu'on puisse en prévoir le coût annuel par
établissement.
Cependant, cette liste représente maintenant la moitié environ de la
dépense en médicaments des hôpitaux, proportion en rapide croissance. Il
s'agit surtout (pour 40 %) de produits anti-cancéreux, qui progressent en
dépense à un rythme annuel proche de 20 %. En second lieu cela
concerne les anti-hémorragiques pour patients hémophiles, l’EPO pour
patients
cancéreux
ou
dialysés,
les
immunomodulateurs
et
les
médicaments pour maladies orphelines. Certains d'entre eux entraînent
des coûts de traitement annuels de plusieurs centaines de milliers d'euros
par patient.
La fixation d'un tarif de responsabilité (TR), qui n'est pas un prix
mais une limite de remboursement par l'assurance maladie, a pour la
plupart d'entre eux abouti à la suppression de toute négociation entre les
laboratoires et les établissements, au motif qu'une baisse éventuelle du
prix d'achat pourrait provoquer une diminution du TR. Ce gel du prix a pu
également empêcher la négociation sur les autres éléments de la
transaction ; il peut priver les groupements d'une partie de leur intérêt.
Pourtant la loi prévoit que les établissements qui auront négocié un prix
C
OUR DES COMPTES
292
inférieur au TR conserveront une partie de la différence, mais cette
mesure incitative est le plus souvent dépourvue d'effet.
La plupart des anti-cancéreux,
les anti-hémorragiques,
les
immunosuppresseurs ont presque partout un prix égal au TR. Cela se
traduit pour beaucoup d'établissements par une baisse par rapport aux prix
de 2004, parce que le TR a été fixé dans la plupart des cas à un niveau
inférieur au prix moyen d'alors ; inversement, certains établissements ont
subi une hausse.
Ecarts de prix constatés sur les produits de la liste en sus:
l'exemple ELOXATINE 100
300,000
350,000
400,000
450,000
500,000
prix en € /ucd*
Prix 2006
Prix 2004
TR
24 hôpitaux
*: UCD= unité commune de dispensation
Alors que les prix de ce médicament étaient très divers en 2004, ils sont désormais
alignés sur le TR, à quelques rares exceptions. Les meilleurs acheteurs doivent payer
jusqu'à 40 % plus cher qu'avant la réforme, les moins bons ont vu leur prix baisser de
près de 10 %.
Source :
Juridictions financières
Il y a des exceptions, car le TR n'impose évidemment pas un prix
aux vendeurs. Ainsi le prix des immunoglobulines a augmenté après
publication du TR, qu'elles soient d'origine humaine ou animale (alors
que l'argument invoqué pour justifier cette hausse a surtout été la
difficulté de la collecte du sang humain).
A l'inverse, le prix des EPO et des taxanes (anti-cancéreux) a
baissé. Dans le cas des EPO, c'est l'effet de l'existence reconnue
d'équivalences thérapeutiques, effet qui pourrait être sensiblement accru
si tous les établissements de santé ne référençaient qu'une seule des
molécules de cette classe (ce choix fait baisser le prix de 2,5 % à 5 %).
Quant aux deux taxanes, l'une a été génériquée, ce qui a fait baisser
son prix depuis 2004 à un niveau très inférieur au TR. Elle aurait donc pu
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
293
ne pas figurer sur la liste. Mais cela aurait faussé la concurrence :
l’appartenance à la liste et la prise en charge automatique et intégrale par
l'assurance maladie constituent un avantage compétitif dont les pouvoirs
publics ont été vite conscients. Le dispositif a ainsi un effet pervers : un
produit cher pris en charge « en sus » évincera un produit, même
génériqué et bon marché, mais intégré à un GHS. Aussi l'ensemble des
taxanes a-t-il été inscrit sur la liste, avec cette conséquence paradoxale
qu'il a paru nécessaire d’attribuer au produit génériqué un TR supérieur
au prix de marché de l'époque. Quant au produit non génériqué, on lui a
aussi accordé un TR supérieur au prix moyen pratiqué, malgré de fortes
progressions en volume (c'est le premier médicament hospitalier), du fait
de son inscription sur la liste en sus.
e)
Comparaison des prix entre établissements publics et privés
Pour autant qu'on puisse en juger à partir de sources partielles, les
prix obtenus par le secteur privé n'ont pas d'avantage systématique sur
ceux
du
public.
La
comparaison
n'est
pas
cependant
dénuée
d'enseignements.
Lorsque le contexte est stable (produits à prix libres non
génériqués ou au contraire génériqués depuis longtemps), la performance
est globalement équilibrée entre les deux secteurs : selon les produits, les
meilleurs prix moyens se trouvent tantôt dans le secteur public, tantôt
dans le secteur privé. Cependant le prix le plus bas de l'échantillon se
rencontre plus souvent dans un hôpital public, même lorsque le secteur
privé l'emporte pour les prix moyens ; à l’inverse il y a plus souvent des
prix très élevés dans le secteur public que dans le secteur privé, sans
doute parce que ce dernier bénéficie d'une meilleure circulation de
l'information sur les prix pratiqués.
Pour les classes de produits marquées par un événement récent
(AMM de génériques ou parution des TR de la liste en sus), la
performance dépend nettement de la date des négociations ; l'avantage
revient alors conjoncturellement à l'acheteur ayant le mieux choisi son
moment et structurellement à celui qui a le meilleur dispositif de veille ou
la plus grande réactivité à l'égard des vendeurs.
B
La politique publique
Les stratégies entre acteurs nationaux, industrie et pouvoirs
publics, sont déséquilibrées. Celle des producteurs est claire, constante et
dotée de moyens. Certains de ses traits éclairent la problématique
hospitalière :
C
OUR DES COMPTES
294
-
la demande est influençable, notamment par l'intensité relative de la
promotion qui porte par priorité sur les articles à forte marge ;
-
parmi les composantes du chiffre d'affaires, les arbitrages se font
préférentiellement en faveur des prix élevés. C'est perçu comme une
nécessité logique à cause de la limitation des durées d'amortissement,
et comme une nécessité tactique dans un marché fait de l'assemblage
de marchés nationaux où les autorités régulatrices procèdent par
comparaison ;
-
la profitabilité de l'activité repose avant tout sur son caractère
monopolistique, qui stimule la recherche et détermine l'information des
acheteurs, du moins tant qu'un tiers impartial n'assume pas cette
information.
Du côté de la puissance publique, la question est notamment de
savoir si la dérive des dépenses en médicaments coûteux a suscité une
mobilisation à la hauteur du problème. De ce point de vue, la politique
spécifique de l'achat hospitalier présente des faiblesses, aggravées par les
interférences d'autres politiques dotées de plus de moyens.
1
Les limites de la politique de l'achat hospitalier
a)
Les aléas de la méthode
La politique de l'achat hospitalier porte encore la marque des
vicissitudes qu'elle a connues entre 2003 et 2005. Le constat fait en 2003
par la DHOS de certaines insuffisances de l'achat hospitalier a confirmé
celui fait par la Cour en 2002 et sa recommandation de renforcer les
compétences des acheteurs Le chiffrage d'économies potentielles a
justifié le lancement d'une démarche d'amélioration sur la base du
volontariat, puis celui d'un plan d'économies impératives et immédiates.
Mais les deux exercices se sont superposés, à leur détriment mutuel.
L'échec a, dès 2005, conduit la DHOS à revenir à une approche plus
décentralisatrice et sans lien affiché avec des objectifs budgétaires.
Certes, l’approche décentralisatrice est défendable, elle est même
cohérente avec l'esprit général de la réforme hospitalière. Son efficience
suppose cependant que les objectifs affichés soient clairs et non
contradictoires et il faut que les moyens nécessaires soient donnés aux
acteurs, d'autant plus que le constat de départ signalait les insuffisances
de ces derniers. En tout état de cause, la démarche reporte les effets
économiques escomptés vers un terme assez lointain (« ambition 2015 »
est un des noms du chantier).
La DHOS a pour rôle de suggérer des orientations de fond, de
suivre les initiatives et d'assurer la diffusion des bonnes pratiques
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
295
éventuelles. Elle ne le fait pas seule puisque a été créé un comité
stratégique de suivi des initiatives, où sont présents les représentants de
l'hôpital public et privé (hors le secteur à but lucratif). Mais au cours de
sa première année de fonctionnement, ce comité a pris conscience de la
difficulté spécifique du chantier de rationalisation quand il s'agit des
médicaments et il n'a pas encore vu remonter d'innovation significative.
b)
Des orientations sans moyens d'action suffisants
Les leviers de la politique de l'achat promus par l'administration
sont intitulés « spécialisation, massification et déprolifération ». Ils sont
en principe cohérents et appelés à s'entre-appuyer. Ils ne sont cependant
pas dénués d'ambiguïtés :
-
la
spécialisation
peut
s'entendre
comme
un
élément
de
professionnalisation de la fonction achat, mais aussi comme une
répartition
des
compétences
entre
acheteurs
de
plusieurs
établissements ;
-
la « massification » renvoie à l'idée que l'accroissement du volume
d'achat renforce la position de l'acheteur dans la transaction. Elle plaide
pour la constitution de groupements, qui ont par ailleurs d'autres
avantages puisqu'ils permettent des économies de gestion et des
spécialisations de compétences.
Prise en ce sens, cette notion est pourtant approximative. La seule
agrégation des besoins de plusieurs établissements a peu de chances de
susciter des baisses de prix. Celles-ci supposent que soient crédibles
auprès du fournisseur le risque de perte de marché ou de déréférencement
(éviction de la liste des produits que l’établissement peut acheter) ou la
perspective d'un accroissement conditionné par un effort sur le prix. Cela
implique la possibilité de voir transférer un achat d'une spécialité à une
autre, équivalent thérapeutique ou générique, dans tous les cas où il n'y a
pas de monopole véritable. C'est en fait ce que vise la notion de
« déprolifération »
-
la « déprolifération » consiste à réduire le nombre de spécialités
achetées dans les hôpitaux, en concentrant les référencements des
produits équivalents sur l'un d'eux. L'effet sera amplifié si l'exercice a
lieu à l'échelle d'un groupement d'établissements. Pour l'instant, les
référencements sont trop nombreux dans les hôpitaux français. Les
raisons avancées par les acheteurs sont diverses, mais la raison
objective la plus notable relève d'une action possible des pouvoirs
publics : c'est un défaut d'information certaine des acteurs de terrain
sur la question des équivalences thérapeutiques. Il manque une
information opérationnelle précise, commode d'accès et portant la
C
OUR DES COMPTES
296
marque d'une autorité incontestable. Nombre d'acheteurs pâtissent
également de leur ignorance des échéances industrielles à venir
(expiration des brevets, mises sur le marché de produits concurrents,
notamment génériques). Or, faute de progrès dans ce domaine, la
« déprolifération » risque de rester limitée ; car c'est d’elle, bien plus
que de la « massification », que dépend l'amélioration des résultats.
Ces leviers promus par l'administration ne sont pas encore
accompagnés des moyens de leur efficacité.
La documentation élaborée au niveau national par la HAS ou
l'AFSSAPS n'est pas adaptée au problème, malgré l'important effort de
transparence entrepris par ces organismes. Il y a dans certaines adminis-
trations des réticences à l'égard de toute action en ce sens, soit par crainte
de la difficulté, soit par souci de ne pas s'ingérer dans la liberté ou la
responsabilité des gestionnaires et prescripteurs. L’élaboration d’une
documentation nationale ne figure pas au programme de la HAS.
Le problème est certes délicat, du fait notamment du mode
d'élaboration des AMM qui ne fournit pas beaucoup d’éléments de
comparaison entre médicaments. Il est néanmoins soluble dès lors qu'on
en chargera effectivement l'autorité la moins contestable, la HAS, qui
pourra débuter par les classes, économiquement lourdes, dans lesquelles
des redondances sont le plus communément évoquées.
Le sujet des génériques est conceptuellement plus simple, mais les
acheteurs seraient plus efficients s'ils avaient une meilleure visibilité du
calendrier des sorties (la réflexion vaut a priori pour l'ensemble des mises
sur le marché, mais l'information est abondante lorsqu'il s'agit des
princeps). Il faut certes ne pas accréditer l'idée, déjà trop répandue, qu'il
n'y a de concurrence possible qu'à l'expiration des brevets; cependant la
transparence pourrait être davantage organisée de façon à ce que les
acheteurs perfectionnent leur propre calendrier de consultations.
2
L'interférence d'autres politiques
La politique relative à l'achat des médicaments doit coexister et
composer avec d'autres. Certaines d'entre elles ont une finalité ou des
incidences qui convergent avec ses objectifs et peuvent la faciliter. C'est
notamment le cas de deux axes de la politique hospitalière : d'une part, la
responsabilisation des praticiens, qui est l'un des objets de la réforme de
l'organisation et de la tarification et qui doit en bonne logique aboutir à
une sensibilisation aux dépenses d'achat, d'autre part l'accroissement de la
transparence, de la collégialité et de l'interdisciplinarité avec notamment
la généralisation des commissions des médicaments et des dispositifs
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
297
médicaux stériles (COMEDIMS), qui décident des référencements dans
chaque établissement.
Deux autres politiques, en revanche, limitent la marge de
manoeuvre de celle portant sur les achats ou la contraignent.
a)
La politique générale des prix des médicaments
Du fait de la réforme instituant la liste en sus, les acheteurs sont de
facto contraints d'appliquer les résultats d'une négociation nationale,
lesquels sont fonction de la politique gouvernementale. Dès lors, la
politique générale de fixation des prix au niveau national s’est appliquée
au domaine hospitalier qui jusque là ne connaissait en principe que la
négociation décentralisée.
Pour la première vague de fixation de TR, qui a concerné à la fin
de 2004 des médicaments déjà commercialisés, le CEPS a accepté les
propositions des laboratoires pour la moitié environ des produits. Dans les
autres cas les prix de marché ont servi de référence, comme la loi le
prévoyait, sauf lorsqu'ils étaient très supérieurs à ceux des pays voisins ;
le niveau retenu a cherché à être inférieur à la moyenne pratiquée mais
supérieur, le plus souvent, aux prix les plus bas. Pour les nouvelles
inscriptions, la règle est d’appliquer à la liste en sus les principes de la
politique générale. Ceux-ci consistent essentiellement à accepter les
propositions des laboratoires si elles ne détonnent pas avec les niveaux
pratiqués ou demandés dans les pays voisins. La Cour a déjà signalé dans
le RALFSS de 2004 les incidences coûteuses de ce choix. A ce stade, il
faut retenir qu'il s'impose désormais aux achats hospitaliers. Son corrélat,
déjà à l'oeuvre pour la ville, est que la maîtrise globale de la dépense passe
par la recherche d'économies compensatrices sur d'autres postes.
b)
La liste en sus
La liste en sus recèle deux types de contradictions avec la politique
de rationalisation des achats : elle est contradictoire avec l'objectif de
responsabilisation et elle peut être la source d’un effet inflationniste.
La contradiction avec l'objectif de responsabilisation
La prise en charge automatique par l'assurance maladie, hors GHS,
n'est pas une incitation à la négociation du prix et l'alignement
systématique sur le TR risque d'accoutumer à l'idée que celle-ci n'est ni
utile ni nécessaire et de dissuader la recherche d’améliorations
qualitatives de l'offre. A l'inverse -mais ce n'est pas un avantage-, elle
risque aussi de déplacer la concurrence possible vers les « marges
arrière » sans répercussion sur l'assurance maladie.
C
OUR DES COMPTES
298
La DHOS doit donc convaincre les hospitaliers de la pertinence
d'une politique de rationalisation à laquelle échappe par principe la moitié
du champ des médicaments, celle dont la charge croît le plus vite. Sa
crédibilité pourrait en être entamée.
Un effet inflationniste probable
La liste en sus peut être un obstacle sérieux à la maîtrise de la
dépense. Le reproche ne porte certes pas sur un effet prix mais sur la
dépense.
L’entrée en vigueur du régime s'est traduite par une baisse des prix
pour une majorité d'établissements et une majorité de produits. Pour
l'avenir, la fixation des TR traduira simplement la politique générale des
prix des médicaments. A tout le moins, le mécanisme pourra prévenir les
prix locaux aberrants. L'effet positif sur les prix de 2005 et 2006 a du
reste donné des arguments aux partisans de l'extension voire de la
généralisation de la liste au-delà des classes actuellement retenues ; on
peut en effet imaginer les attraits d'un régime dans lequel les
établissements n'auraient plus à négocier ni à organiser de procédures de
mise en concurrence, même si cela paraît relever d'une inspiration
éloignée de celle de la T2A. La preuve n'est cependant pas faite à ce jour
qu'un négociateur national unique aurait de meilleurs résultats que la
négociation décentralisée.
Mais l’argument essentiel contre l'extension de la liste en sus est la
responsabilité que la DHOS, par exemple, lui a imputée dans la dérive
des dépenses. Elle peut se discuter : l'institution de la liste en sus n'a pas
inauguré un nouveau rythme ; celui-ci était déjà élevé avant 2004 et la
Cour remarquait en 2001 que les trois quarts de l'augmentation des
dépenses étaient dus à un effet de structure qu'une partie au moins de la
dérive actuelle ne fait que perpétuer. Mais il n'est pas douteux que le
nouveau système recèle des facteurs propres de dérapage : d'une part la
prise en charge en sus de la T2A fait sauter un plafond budgétaire plus ou
moins ressenti jusque là, d'autre part elle encourage un déport des
prescriptions vers les spécialités de la liste. La composition de celle-ci
autorise ces comportements opportunistes, même si le risque n'a pas été
mesuré précisément à ce jour
329
.
L'effet net d'ensemble de ces facteurs de dérive est difficile à
chiffrer car on ne sait pas mesurer l'ampleur que pouvaient avoir, avant la
réforme, les attitudes de rétention de prescription des produits en cause.
Cet effet est néanmoins plausible et c'est ce qui explique que
329. La DHOS espère progresser sur ce plan en 2007.
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
299
l'instauration de la liste en sus ait été rapidement perçue à la fois comme
nécessaire et problématique.
Dès lors, la régulation des TR de la liste en sus ne peut valoir
régulation de la dépense. On peut le vérifier à propos de produits dont la
consommation augmente considérablement mais dont les prix ne sont pas
révisés (ou ne le sont pas à hauteur du chiffre d'affaires excédant celui
dont l'estimation avait servi de base à la détermination du prix ou du
TR
330
).
Des améliorations possibles
La question, rendue pressante par les perspectives de mises sur le
marché à moyen terme et par la faiblesse des marges de manoeuvre
offertes par les autres charges hospitalières, est donc de savoir si les effets
inflationnistes du dispositif peuvent être maîtrisés. Plusieurs pistes
s'offrent à la réflexion :
-
la définition d’un mécanisme de régulation « volume/prix ». La
possibilité juridique en existe depuis 2006 avec l’article 40 de la LFSS
pour 2006 : les entreprises peuvent en effet se voir demander une
contribution si le chiffre d'affaires réalisé au titre des spécialités
inscrites sur la liste de rétrocession (liste assez proche de la liste en
sus) progresse plus rapidement que l'ONDAM. Le CEPS peut d'autre
part affecter a priori à certains produits de la liste en sus un montant de
dépenses de l'assurance maladie, au-delà duquel les prix pourront être
abaissés, à moins que le laboratoire ne préfère verser une contribution
pour préserver son prix. Les premières mesures d’application étaient
envisagées pour l’été 2007 ;
-
la réduction de la liste en sus. On peut envisager de limiter au
minimum technique la présence des produits sur la liste en sus. Un
effort statistique et normatif suffisant, à partir du PMSI et des
référentiels en cours d'élaboration, devrait permettre de réduire la
difficulté de prévision qui est, du moins en cancérologie, la première
justification du mécanisme de la liste.
Par ailleurs, le rythme des sorties de la liste en sus devrait à moyen
terme être plus soutenu qu'il ne l'a été jusqu'ici: seules six radiations
ont été déjà enregistrées, du reste pour d'autres raisons que celle décrite
ici, contre 32 nouvelles inscriptions. Plus globalement, la liste devrait
être réduite : il y a probablement un écart entre ce qu'elle représente
actuellement, soit la moitié des achats et le besoin auquel elle répond.
330. L'accord cadre passé avec la profession empêche de modifier les prix pendant
cinq ans, y compris pour les médicaments apportant un progrès « modéré ».
C
OUR DES COMPTES
300
En toute logique, les critères d'inscription devraient être resserrés
autour de la notion médicale de fréquence des prescriptions ;
-
on peut enfin se demander si la meilleure technique de financement
des prescriptions en cause est celle qui a été retenue en France. Un
système fondé sur la forfaitisation a priori d'un supplément, assortie
d'un contrôle ex post à fin de correction, n'aurait pas les mêmes travers.
On peut admettre qu'il était techniquement difficile de l'envisager il y a
quelques années, mais il conviendrait de réétudier le problème en
s'aidant des systèmes d'information plus ambitieux qui vont être mis en
place.
C
Les pratiques des établissements
Dans les établissements, la performance de l'achat est fonction de
l'intelligence des référencements comme de la rationalité économique des
prescriptions, en volume et en qualité, de la compétence des responsables
des achats, de leur approche de la négociation, de leur choix des
procédures, de leur usage du groupement. Etre en état de profiter
pleinement de l'offre de génériques, par exemple, ou de créer des enjeux
commerciaux
motivants
pour
les
laboratoires
implique
des
investissements internes intellectuels et parfois matériels. On abordera ici
des thèmes de progrès possibles repérés par l'enquête et, pour certains
d'entre eux, mis en avant par la tutelle.
1
Les prescriptions appellent un effort de discipline
Dans son rapport de 2002, la Cour avait recommandé que soient
élaborés et diffusés des référentiels de bon usage. Le sujet reste
d'importance majeure pour la santé publique puisque la DGS estime à 1,3
million le nombre annuel de patients et à 10% la proportion des séjours
hospitaliers
qui
subissent
un
événement
iatrogénique
en
cours
d'hospitalisation, évitable dans au moins 40% des cas et d'un coût global
proche de 400 M€ par an.
L'enquête a montré que la diffusion de référentiels s'imposait
d'autant plus que le contrôle interne des prescriptions, assigné par la loi
aux pharmaciens, était souvent rendu impossible par le circuit du
médicament. Il est donc opportun que les contrats de bon usage des
médicaments (CBU) rendus obligatoires par la loi (art. L. 162-22-7 du
CSS) imposent le contrôle de la conformité globale des prescriptions aux
AMM ou à des référentiels élaborés par l'AFSSAPS ou l'INCa (décret du
24 août 2005). La surveillance de l’obligation des CBU a été confiée à
des observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de
l'innovation thérapeutique (OMEDIT) placés auprès des ARH et
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
301
généralisés par le même décret. Son non respect est sanctionné par la
réduction du taux de prise en charge des médicaments en cause par
l'assurance maladie.
La DHOS considère que la bonne exécution des CBU pourrait
constituer une solution à la dérive des dépenses de médicaments coûteux.
L'hypothèse est qu'une responsabilité substantielle dans cette dernière
peut être imputée aux comportements de prescription déviants. Mais elle
apparaît optimiste et ne donne pas d'idée de la correction à attendre ni du
laps de temps nécessaire.
2
Des référencements et une approche de la négociation qui
n'ont pas assez évolué
Le référencement des produits, dont on a vu que dépendait une part
du jeu de la concurrence, relève de la responsabilité des COMEDIMS,
institutions généralisées depuis 2000 pour assurer la transparence, la
motivation et l'interdisciplinarité des décisions (sauf pour les ATU). De
grands espoirs ont été fondés dans cette instance. La situation de terrain
est cependant très inégale et les récents CBU ont souvent dû, pour
l'améliorer, comporter des clauses relatives à la participation des
médecins aux COMEDIMS. On peut craindre également qu'il y ait des
limites à l'efficacité de leur travail de sélection, notamment du fait de
leurs moyens actuels d'information scientifique, des insuffisances de la
connaissance des coûts de traitement ou du défaut d'effectivité des
décisions en l'absence de contrôle des ordonnances.
En termes de nombre de référencements et de « déprolifération »,
les COMEDIMS sont encore loin d'avoir significativement renforcé la
position de négociation des acheteurs. L'enquête a montré que même
lorsque les pharmaciens conviennent de la substituabilité des produits, de
nombreuses raisons sont invoquées pour conserver un référencement
large voire exhaustif, qu'elles soient de principe ou purement locales,
fondées sur des faits ou sur des représentations.
Or, un facteur important de compétitivité, confirmé par la
comparaison avec certaines entreprises privées, consiste à créer des
enjeux pour le vendeur, objectif auquel concourt le travail sur le
référencement. Il faut à la fois pouvoir déplacer des achats d'un produit à
l'autre et prendre des engagements attractifs. Certains groupes privés
prennent même le parti de déréférencer périodiquement l'un ou l'autre de
leurs fournisseurs pour entretenir l'esprit de compétition.
Concentrer les référencements sur certaines spécialités et tenir des
engagements d'achat volontaristes supposent une cohésion interne
certaine, car il faut éviter que les prescripteurs désavouent par leurs
C
OUR DES COMPTES
302
pratiques les options des négociateurs, problème que l'existence d'une
COMEDIMS ne suffit pas nécessairement à résoudre. A cet égard,
l’exemple de certains opérateurs privés s'avère instructif. L'enquête a
montré que la solution pouvait certes consister en un intéressement
personnel aux économies mais, plus souvent encore, en une politique de
présence des gestionnaires et de dialogue constant dans les services, ne
serait-ce que pour contrebalancer la présence des visiteurs médicaux et
surtout vérifier l'adhésion des médecins aux choix d'achat.
3
L'insuffisance de la connaissance des prix et des coûts et de la
professionnalisation de l'achat
Les acheteurs publics ont les plus grandes difficultés à évaluer leur
performance relative car le marché entretient l'opacité sur les prix, du
moins hors de la liste en sus. C'est un des aspects les plus notables de
l'asymétrie d'information. Un instrument de mutualisation serait donc
souhaitable. La FHF a du reste lancé une initiative en la matière.
Le secteur privé s’en est doté, avec les centrales de référencement,
prestataires de services externes, à un coût collectif modeste en termes
financiers comme en termes d'aliénation de la liberté des opérateurs. La
plus grande partie des achats passe par elles, du fait de leur connaissance
actualisée du marché, de leur expertise des techniques de négociation et
de l’externalisation des tâches qu'elles permettent notamment aux petits et
moyens établissements.
Ces centrales fournissent de surcroît à leurs adhérents une
information sur les prix qui permet au minimum à chacun d'avoir
l'assurance de ne pas traiter lui-même hors des conditions du marché s'il
veut négocier individuellement, voire de disposer d'une référence de
départ pour faire valoir des arguments spécifiques (cf. ci-dessus) : c'est en
soi un stimulant pour la recherche de rationalisations. C'est l'instrument
de mutualisation et d'optimisation qui manque au secteur public.
La connaissance des coûts de gestion de l'achat (procédures,
approvisionnement, stockage, charge des produits périmés…) est elle
aussi largement absente des établissements publics, davantage que des
cliniques privées. Cette faiblesse symptomatique est évidemment un
obstacle à certaines prises de conscience et à la mise en place de moyens
de modernisation, qu'ils soient internes ou externes.
Le secteur privé paraît également avoir une certaine avance dans la
professionnalisation des fonctions, sujet déjà soulevé par la Cour en 2002.
Celle-ci peut d'abord consister en la spécialisation d'une équipe et la
dissociation des tâches entre celles du pharmacien, chargé de l'expertise,
celles d'une cellule administrative et éventuellement celles d'un acheteur
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
303
chargé
de
la
négociation,
sachant
que
cette
distinction
devra
s'accompagner si possible d'échanges tout au long du processus. Ce
dispositif différencié ne se trouve guère que dans les plus grands
établissements
publics
ou
certains
groupements.
Une
étape
supplémentaire consiste à recruter un acheteur issu de la distribution ou
de l'industrie, comme dans certains groupes privés ou à la fédération des
CLCC. En un sens, les centrales de référencement fonctionnent comme
un facteur externalisé de professionnalisation pour l'ensemble des
établissements indépendants.
4
La gestion des procédures n'est pas assez réactive
Une différence évidente entre les secteurs public et privé tient à
l’application par le premier du code des marchés publics. Le secteur privé
à but non lucratif a lui aussi depuis 2006 des obligations, mais celles-ci
sont moins contraignantes. De manière générale les acheteurs privés y
gagnent en possibilités de réactivité aux évolutions du marché, car les
délais incompressibles de procédure sont nettement plus brefs et la
faiblesse des coûts de transaction favorise les mouvements d'adaptation.
Au surplus, la rigidité procédurale est en soi un encouragement à la
redondance des référencements, par précaution. Les acheteurs privés y
gagnent également en liberté de négocier.
Il n'est cependant pas certain que ces disparités juridiques suffisent
à expliquer les différences d'approche. L'enquête a montré chez au moins
certains opérateurs privés une attitude plus volontariste et plus confiante
dans l'apparition d'opportunités, y compris à l'égard de la liste en sus,
confiance assortie d'une veille plus attentive à l'égard des évolutions de la
concurrence parmi les offreurs. A l'inverse les hôpitaux n'ont jusqu'ici
exploité que partiellement les possibilités de négociation ménagées par le
nouveau code des marchés et les établissements (petits et moyens
notamment) restent plutôt attachés à l'appel d'offres alors même que la
procédure est plus coûteuse, plus rigide et pas toujours justifiée par la
configuration de l'offre. Il est vrai que son surcoût n'est pas connu des
acheteurs.
De même, les potentialités de la définition des lots, qui peut à elle
seule ouvrir ou fermer la concurrence, sont souvent mal utilisées.
L'enquête a même mis au jour des choix d'allotissement manifestement
destinés à éviter le jeu de la concurrence.
Enfin le facteur temps n'est pas assez souvent perçu comme un
facteur déterminant de performance : optimiser la durée et la fréquence
des marchés, leurs clauses d'adaptation, mais aussi leur date peut
constituer la principale source de gains. On remarquera que des centrales
privées lancent leurs consultations après
la vague annuelle des marchés
C
OUR DES COMPTES
304
publics, sachant pertinemment que les laboratoires ont des objectifs de
chiffre à atteindre.
5
Les groupements d'achat et de référencement doivent encore
préciser leur finalité
La Cour avait recommandé en 2002 de modifier le code des
marchés publics en ce qu'il dissuadait la constitution des groupements
d'achat entre établissements publics. Cela a été fait. Les groupements
d'achat des établissements hospitaliers constituent maintenant une réalité
bien vivante et diversifiée, qui assure une part importante des achats
hospitaliers. Mais ils sont soumis désormais à la concurrence montante
des centrales, prestataires externes, et à des restructurations avec, par
exemple, la constitution d'un groupement national des plus gros
établissements. Celle-ci pose du reste pour l'instant autant de questions
qu'elle n'en résout, notamment parce qu'elle ambitionne d'aller au-delà de
la massification des volumes et d'assumer différentes fonctions de la
chaîne d'achat. Les enquêteurs des CRC ont rencontré des responsables
hospitaliers indécis à l'égard de l'intérêt réel de la formule de groupement
ou de son niveau territorial adéquat, en partie sous l'effet indirect des
options très ouvertes retenues par le ministère.
Il est vrai aussi qu'en termes de prix obtenus dans les marchés, les
groupements ne se distinguent pas par une performance particulière,
surtout depuis l'instauration de la liste en sus. La différence ne survient
nettement qu'à partir du moment où le groupement acquiert une force de
frappe en assumant le référencement centralisé au lieu de se contenter
d'agréger les référencements de ses adhérents. C'est ce à quoi la FNCLCC
est parvenue pour ses vingt adhérents après plusieurs années de
concertation, donnant ainsi toute son utilité à l'idée de groupement.
________________________
SYNTHÈSE
_________________________
La nécessaire maîtrise des dépenses de médicaments en ville
appelle des mesures plus énergiques que celles déjà engagées.
Le circuit de la mise sur le marché et de l’admission au
remboursement ne permet toujours pas de jouer un rôle de filtre efficace
dans l’introduction de médicaments, ni au stade de l’évaluation initiale,
ni au stade de la réévaluation en cours de vie des produits.
De même, en dépit des efforts de maîtrise médicalisée, les
prescriptions des médecins restent très peu encadrées en France. La
formation et l’information en matière de médicament, essentielles pour
influencer le niveau et la qualité des prescriptions, demeurent très
insuffisantes, malgré certains efforts récents. Ces éléments, ajoutés à
l’insuffisance de l’accompagnement des patients, se conjuguent pour
LA DÉPENSE DE MÉDICAMENT
305
expliquer les spécificités françaises en matière de prescription et de
consommation de médicaments.
De même, à l’hôpital, la situation actuelle se caractérise par une
croissance rapide des dépenses de médicaments sur la moitié (en valeur)
des achats, par des perspectives plus préoccupantes encore et par une
politique spécifique peu directive. La seule régulation par l'ONDAM, qui
suppose que l'hôpital dégage des économies pour compenser une dérive
d'origine externe, ne suffira pas.
Certaines mesures commencent à être mises en oeuvre, tels que
l'élaboration et la diffusion des référentiels de bon usage ou le
développement des compétences d'acheteur, mais les effets sont loin
d'être déjà sensibles. L'édification d'un système d'information susceptible
de fournir des données fiables et complètes progresse lentement. En
revanche le constat ne peut qu'être négatif sur la diffusion de listes
d'équivalents thérapeutiques (la diffusion d'éléments d'information
opérationnels serait déjà appréciable).
De nombreuses améliorations doivent être apportées aux pratiques
des établissements. Le parti de miser sur la responsabilité des
professionnels hospitaliers et sur leur évolution culturelle est défendable,
à condition de leur fournir plus d'aides, notamment documentaires, qu'on
n'y consent aujourd'hui. Mais le problème financier devrait durer, voire
s'aggraver et reste contredit par d'autres aspects de la politique
hospitalière et de la politique du médicament. A la jonction de ces
domaines, des mesures techniques doivent être prises sur la liste en sus
qui relèvent uniquement de l'autorité nationale. Enfin il y a des
enseignements pragmatiques à tirer du secteur privé et à diffuser de
façon privilégiée.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
27.
Faire
aboutir
la
réforme
des
critères
d’admission
au
remboursement des médicaments et réviser de manière plus régulière la
liste des médicaments remboursables, en permettant la prise en compte de
critères médico-économiques dans les deux cas.
28.
Renforcer l’implication des acteurs publics dans le domaine des
études post-AMM et prévoir un mécanisme de sanction pour les firmes qui
ne réalisent pas les études qui leur sont demandées ou qui les réalisent
avec retard.
29.
Renforcer la transparence des groupes de travail de l’AFSSAPS et
instituer des délais maxima pour la communication de ses décisions.
30.
Elaborer une base de données publique sur le médicament offrant
une information exhaustive, indépendante, actualisée et d’accès gratuit.
C
OUR DES COMPTES
306
31.
Réduire le nombre de spécialités référencées à l'hôpital en
développant l’information des acheteurs et des prescripteurs sur les
équivalences thérapeutiques. Mettre le sujet au programme de travail de la
HAS.
32.
Promouvoir auprès des hôpitaux les pratiques de référencement et
d'allotissement les plus efficaces et doter les établissements d'une base de
données sur les prix en s'inspirant de l’action des centrales de
référencement.
33.
Mettre à l’étude un dispositif de régulation prix/volume de la
dépense en médicaments coûteux dans les établissements hospitaliers.
34.
Resserrer les critères d'inscription sur la liste en sus des
médicaments hospitaliers.