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Chapitre VIII
Les médecins libéraux : démographie,
revenus et parcours de soins
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
189
_____________________
PRÉSENTATION
____________________
La Cour a déjà examiné certains aspects de l’exercice de la
médecine libérale dans ses rapports de 2000, sous l’angle des politiques
conventionnelles, de 2003, dans le cadre de l’analyse des instruments de
régulation des dépenses d’assurance maladie, et en 2005, au titre des
actions sur les comportements des professionnels de santé d’une part et des
revenus des radiologues d’autre part.
Pour le présent rapport, la Cour a porté son attention sur deux
réformes récentes destinées à restructurer profondément l’organisation des
soins de ville : la classification commune des actes médicaux, qui a pour
objectifs de normaliser les actes techniques accomplis par les médecins et
de redistribuer les revenus entre les différentes spécialités médicales, et le
parcours de soins coordonné, qui réorganise l’accès et l’orientation des
patients dans le système de soins.
L’importance des enjeux financiers et des incidences sur la qualité
de soins ont conduit à procéder à un premier bilan de ces réformes,
replacées au préalable dans le contexte de l’évolution démographique et de
la politique de régulation des effectifs et des revenus des médecins qui ont
connu des inflexions marquées sur la période récente.
I - La démographie médicale et l’organisation de la
médecine de ville
Ces dernières années ont été marquées par le passage d’un discours
dominant sur une « pléthore » médicale à celui d’une possible « pénurie »
de médecins. Dès lors, se pose la question de la pertinence de ces discours
et des mesures prises à partir de telles analyses. La nouvelle donne
démographique met en évidence des problèmes d’organisation des soins
et pourrait ainsi être l’occasion d’une réorganisation des tâches et de
l’offre de soins en ville
200
.
200. Pour des raisons de disponibilité des données, les développements qui suivent ne
traiteront pas de l’offre de soins ambulatoires apportée par les médecins salariés et les
consultations externes des hôpitaux.
C
OUR DES COMPTES
190
A
La situation démographique
1
L’incertitude sur les données démographiques
a)
Les effectifs de médecins libéraux
Au 1
er
janvier 2006, le nombre de médecins tous modes d’exercice
confondus s’élevait à 207 277 en France métropolitaine selon le fichier
national de l’ordre des médecins et selon -après redressement- le
répertoire ADELI (Automatisation DEs LIstes des professions de santé)
de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (DREES) du ministère de la santé.
A cette date, la DREES dénombrait, hors DOM, 121 634 médecins
libéraux, l’ordre des médecins, 110 991, la caisse nationale d’assurance
maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avec son fichier SNIR
(système national inter régimes) 114 615 et la caisse autonome de retraite
des médecins de France (CARMF) 124 470.
Ces chiffres varient dans une fourchette de 12 % environ. Les
champs couverts ne sont pas directement comparables. En outre, les
données recueillies par chacun des organismes résultent de démarches
distinctes et peuvent ne pas toujours être cohérentes entre elles.
Cette absence de données fiables, cohérentes et partagées est
préjudiciable à la définition d’une politique sur les effectifs libéraux.
b)
Le retard pris par le projet de répertoire partagé des
professionnels de santé (RPPS)
Un répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) est
actuellement en cours d’élaboration. Ce répertoire unique, reposant sur un
identifiant attribué à chaque professionnel, servira de référence à tous les
acteurs
ayant
besoin
de
traiter
des
informations
relatives
aux
professionnels de santé. Le RPPS devrait conduire, entre autres, à une
amélioration de la qualité et de la fiabilité des informations ainsi qu’à un
meilleur suivi de la démographie, à la condition toutefois qu’il soit
réellement partagé par tous les acteurs. Le RPPS, prévu pour être
opérationnel fin 2004, ne devrait l’être qu’en 2007.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
191
2
Des problèmes de répartition plus que d’effectifs
a)
La baisse attendue du nombre de médecins
La France, avec une densité
201
de 340 médecins pour 100 000
habitants en 2004, se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE
(289) et légèrement au-dessus de celle de l’Union européenne à 15 (326).
Sa population médicale
202
se caractérise par un vieillissement plus
marqué de sa pyramide des âges, avec un âge moyen plus élevé pour les
libéraux (49,8 ans) que pour les salariés (47,8 ans) et par une féminisation
accrue (38,4 %), y compris en médecine libérale, même si les femmes
privilégient le salariat.
Il n’y a jamais eu autant de médecins en France qu’aujourd’hui.
Cependant, la démographie médicale française devrait connaître une
évolution nouvelle à partir de 2008 : le nombre de médecins, qui a
constamment crû jusqu’à présent, devrait commencer à baisser. Cette
inversion de tendance résulte essentiellement de la conjonction, d’une
part, de l’entrée en exercice de promotions de médecins nettement moins
nombreuses (en raison de la baisse du
numerus clausus
jusqu’au milieu
des années 1990), d’autre part, d’importantes sorties d’activité attendues
(avec la cessation d’activité des nombreux professionnels appartenant à la
tranche d’âge des 45-60 ans).
Des projections démographiques ont été réalisées. L’incertitude qui
affecte la connaissance des effectifs médicaux libéraux actuels selon les
sources se retrouve dans les projections démographiques sur l’évolution
du nombre de médecins libéraux à l’horizon 2025. Pour la CARMF
203
,
les effectifs de médecins libéraux chuteraient de 25 % d’ici 2025. Selon
les projections de la DREES
204
, le nombre total de médecins en activité
devrait diminuer de près de 10 % sous l’hypothèse d’un
numerus clausus
à 7 000 à partir de 2006. Cette diminution concernerait essentiellement
les médecins libéraux dont le nombre diminuerait de 15 % de 2002 à
2025, mais toucherait peu les médecins salariés. Toujours d’après ces
travaux de la DREES, la densité médicale globale devrait reculer
d’environ 15 % (de 335 médecins pour 100 000 habitants en 2002 à 283
en 2025, soit un niveau équivalent à celui de 1985). Dans ces conditions,
201. Source des données chiffrées sur la densité : Eco-santé OCDE-IRDES.
202. Source des données chiffrées sur l’âge et le taux de féminisation : fichier ADELI
de la DREES, 1
er
janvier 2006.
203. Source : CARMF, dossier de presse « les vrais chiffres de la démographie des
médecins libéraux », décembre 2006.
204. Source : DREES, « La démographie médicale à l’horizon 2025 : une actualisa-
tion des projections au niveau national », Etudes & Résultats n° 352, novembre 2004.
C
OUR DES COMPTES
192
il parait difficile d’évoquer un risque de « pénurie » comme on l’entend
fréquemment et cela même si la hausse attendue de la demande de soins
médicaux, suite notamment à l’accroissement et au vieillissement de la
population, doit être prise en considération.
b)
Des inégalités de répartition
Plus que par une insuffisance globale de praticiens, la France se
caractérise par leur inégale répartition tant territoriale que disciplinaire.
De fortes disparités territoriales
Les médecins disposent du libre choix de leur lieu d’exercice. Ce
principe de libre installation a entraîné de fortes disparités de densité
médicale. Selon le fichier SNIR 2004 de la CNAMTS, la densité des
omnipraticiens libéraux qui est en moyenne de 100 pour 100 000
habitants en France descend à 75 en Seine Saint Denis pour atteindre 136
dans les Pyrénées Orientales, tandis que la densité des spécialistes
libéraux qui est de 88 pour la France, chute à 34 en Lozère et culmine à
244 à Paris.
La répartition géographique des médecins libéraux, à l’instar de
celle de l’ensemble du corps médical, montre de manière générale un
héliotropisme marqué et donc une opposition très forte entre le nord et le
sud du pays, exception faite de l’Ile-de-France. Les zones dans lesquelles
des problèmes existent sont des zones rurales isolées et la périphérie de
certaines villes.
Des analyses à un niveau géographique plus fin ont été menées par
l’observatoire national de la démographie des professions de santé
(ONDPS), l’assurance maladie et les missions régionales de santé (MRS).
Les MRS sont chargées notamment de déterminer les orientations
relatives à la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux et
sont ainsi chargées d’identifier les zones déficitaires en matière d’offre de
soins médicaux.
Si les conclusions des travaux de l’assurance maladie et des MRS
aboutissent à un résultat équivalent (4 % de la population seraient
concernées par des difficultés d’accès aux soins de premier recours, ce
qui conduit à relativiser le constat de « pénurie »), les zones déficitaires
définies par la CNAMTS et les MRS ne se superposent que
partiellement : sur 4 078 communes en zone déficitaire, les deux études
en partagent seulement 1 000. Par exemple, en région PACA, la
CNAMTS a identifié des zones sous dotées voire très sous dotées alors
que les MRS n’en observent aucune. Inversement, en région Auvergne,
les MRS relèvent plus de 400 communes déficitaires quand la CNAMTS
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
193
en trouve moins d’une centaine, sachant que le nombre de communes
sous
dotées
identifiées
comme
telles
par
les
deux
approches
simultanément est d’une cinquantaine. Les raisons de ces écarts tiennent à
des méthodes d’analyse différentes : l’étude de l’assurance maladie part
de données nationales, celle des MRS de données régionales dont celles
issues de la connaissance des acteurs de terrain. On trouvera, ci-après, la
carte de la répartition des omnipraticiens libéraux par bassin de vie établie
par la CNAMTS selon que la zone est sous dotée voire très sous dotée ou,
au contraire, sur dotée voire très sur dotée, et la carte des communes
déficitaires en médecins généralistes
205
définies par les MRS.
Le zonage réalisé par les MRS s’avère hétérogène car les méthodes
utilisées ont différé en fonction de la région. Cette situation pose
problème car le classement des zones est opposable aux partenaires
conventionnels en application de l’article L. 162-14-1 du code de la
sécurité sociale qui dispose que les aides conventionnelles à l’installation
et à l’exercice ne seront attribuées que dans ces zones déficitaires. Les
MRS devraient être prochainement chargées de redéfinir les zones
déficitaires en médecins généralistes sur la base d’une approche
homogène entre régions. Une telle méthode plus homogène de
détermination de ces zones s’impose d’autant plus que la réduction
globale du nombre de médecins risque d’accentuer les disparités.
Des déséquilibres entre spécialités
La forte croissance du nombre de médecins (en ville et à l’hôpital)
s’est accompagnée d’une augmentation encore plus forte du nombre de
spécialistes qui sont désormais majoritaires (51 %). Chez les médecins
libéraux, les effectifs des spécialistes (53 645 selon la CNAMTS au
31 décembre 2005), tout en restant inférieurs à ceux des omnipraticiens
(60 970 dont 54 297 généralistes), ont aussi progressé plus fortement.
Par ailleurs, les effectifs des différentes spécialités n’évoluent pas
au même rythme. Les travaux de la DREES montrent, sur l’ensemble des
médecins, que les spécialités les plus touchées par la diminution attendue
des effectifs seraient l’ophtalmologie, la psychiatrie et l’ORL.
205. Les travaux ont pu porter sur les omnipraticiens, notamment en Ile de France, ou
sur les seuls généralistes. Cette différence cependant n’explique pas les écarts
observés entre les deux études.
Répartition des omnipraticiens libéraux par bassin de vie (analyse CNAMTS)
Communes déficitaires en médecins généralistes (analyse des MRS)
194
C
OUR DES COMPTES
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
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DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
195
Il n’en reste pas moins que la médecine générale souffre d’une
désaffection marquée alors qu’elle est reconnue depuis 2004 en tant que
spécialité. En témoignent, par exemple, les affectations en troisième cycle
des études médicales suite aux épreuves classantes nationales (ECN) de
2004, 2005 et 2006, où les centaines de postes non pourvus ont été, pour
la quasi-totalité, des postes en médecine générale (voir infra). Or,
médecin de premier recours, le généraliste est le maillon essentiel dans le
parcours de soins coordonné. Il y a là un paradoxe fort entre la
désaffection actuelle vis-à-vis de cette spécialité et les attentes à l’égard
du généraliste pour la rationalisation et l’optimisation des soins.
B
La démographie médicale et l’organisation du
système de soins
L’avenir
de
la
démographie
médicale
pose
un
problème
d’organisation du système de soins. En effet, les besoins en médecins et
donc leur nombre sont largement dépendants des missions qu’ils
remplissent et de l’organisation du système dans lequel ils exercent.
1
Un pilotage non encore abouti
Début 2007, le transfert recommandé par la Cour en 2002 des
questions de démographie médicale de la direction générale de la santé
(DGS) à la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
(DHOS) du ministère de la santé était toujours en attente. Pour mémoire,
la Cour
206
estimait en 2002 « problématique (…) le maintien à la DGS
des questions de démographie médicale et d’effectifs des professions de
santé, alors que l’organisation des soins, pilotée par la DHOS, dépend
fortement des effectifs de professionnels de santé et de leur répartition
entre les différents secteurs de soins ». Le transfert devrait donc permet-
tre, outre la fin de difficultés de coordination, la mise en évidence du lien
étroit entre la démographie médicale et l’organisation de l’offre de soins.
Par ailleurs, plusieurs outils de pilotage ont été créés ces dernières
années. L’ONDPS, créé en 2003, a pour mission le diagnostic national
comme régional de la démographie des professions de santé. Ses travaux,
qui se caractérisent par le rassemblement des données démographiques
disponibles et leur confrontation, sont essentiels. Puis, la loi relative à
l’assurance maladie de 2004 a institué les MRS et le comité de la
démographie médicale. Ce comité a pour objet la transmission d’un avis
sur le
numerus clausus
alors que l’ONDPS est chargé, depuis le plan de
démographie médicale de janvier 2006, d’émettre un avis sur les effectifs
206. Voir le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, pp. 185 et suivantes.
C
OUR DES COMPTES
196
à former. Cette redondance ne s’est néanmoins pas encore exprimée, le
comité de la démographie médicale restant un acteur virtuel en l’absence
de nomination de ses membres et l’élargissement des missions de
l’ONDPS, mentionné dans le plan de démographie médicale de janvier
2006, n’ayant pas encore été mis en oeuvre. Enfin début 2007, l’avenant
conventionnel relatif au dispositif de majoration forfaitaire de 20 % de la
rémunération des médecins généralistes exerçant en cabinet de groupe
dans les zones déficitaires a prévu la création d’un observatoire
conventionnel de la démographie médicale pour évaluer l’efficacité de
l’aide.
Si l’intérêt de disposer d’outils de pilotage est évident, la
multiplication d’instances ayant des finalités communes doit être
supprimée.
2
L’inadaptation des mesures de régulation
Différentes mesures de régulation sont intervenues sans cohérence
entre elles ni avec le contexte.
a)
Le mécanisme d’incitation à la cessation d’activité (MICA)
Il y a quelques années le discours dominant dénonçait une
« pléthore » de praticiens. Les pouvoirs publics mettaient alors en place
un régime de pré retraite (le MICA), destiné aux médecins libéraux
conventionnés et ayant pour objectif de réduire l’offre de soins
ambulatoires et de contribuer à maîtriser les dépenses. Ce régime a
rencontré un grand succès auprès des médecins libéraux et un quart de
ceux âgés de 57 à 65 ans en ont bénéficié. Son coût total pour la période
1998 à 2006 a été de 1 136 M€, dont 774 M€ à la charge de l’assurance
maladie (le reste étant à la charge des médecins en activité).
Le MICA a été ouvert aux praticiens jusqu’en 2003 et même avec
des dérogations jusqu’en 2004, alors que des questions sur l’éventuelle
« pénurie » de médecins étaient déjà à l’ordre du jour. Désormais, les
actions visent à prolonger l’activité professionnelle des médecins au
moyen notamment du dispositif de cumul emploi/retraite.
b)
Le numerus clausus
De même, les actions sur le
numerus clausus
, qui fixe le nombre de
places en deuxième année de médecine, ont été très contrastées depuis sa
création en 1971. La recherche d’une maîtrise des dépenses par la
limitation du nombre de prescripteurs a conduit à une forte baisse du
numerus clausus
qui est passé de 8 588 en 1971 à 3 500 en 1993. A
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
197
l’inverse, depuis le début des années 2000 et l’émergence du discours sur
une possible « pénurie », le
numerus clausus
a été relevé de 3 850 en
2000 à 7 100 en 2007.
Il résulte de la réduction du
numerus clausus
durant les années 90,
que le nombre de médecins entrant actuellement en activité n’a jamais été
aussi faible. Le
numerus clausus
a ainsi évolué de façon trop « tranchée »
depuis son instauration.
Par ailleurs, sa fixation constitue un exercice délicat en raison de
l’interaction de nombreuses variables déterminantes de l’offre et de la
demande de soins médicaux, outre la méconnaissance des besoins dans
l’absolu. De plus, le
numerus clausus
n’a de conséquence sur l’offre de
soins que dix ans plus tard compte tenu de la durée des études médicales.
Enfin, la fixation du
numerus clausus
par arrêté pris conjointement
par le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé n’est
pas utilisée comme un instrument de meilleure répartition géographique.
Alors que l’augmentation du
numerus clausus
de 6 200 en 2005 à plus de
7 000 à partir de 2006 et jusqu’à 2010 offre une opportunité d’influer sur
la répartition géographique des médecins dès leur formation, l’arrêté du
19 avril 2006 fixant le
numerus clausus
pour l’année universitaire 2005-
2006, a augmenté de façon homothétique (+ 12 %) le
numerus clausus
de
chaque faculté. Ce faisant, l’arrêté a privilégié la logique universitaire au
détriment du besoin médical et renforcé les déséquilibres de densité
médicale.
c)
Les épreuves classantes nationales (ECN)
Les épreuves classantes nationales (ECN) qui se sont substituées
aux concours de l’internat en 2004 sont le passage obligé pour l’accès au
troisième cycle des études médicales. A la différence des concours de
l’internat, les ECN concernent tous les futurs médecins qu’ils se destinent
à la médecine générale ou à une autre spécialité : tous doivent, en
fonction de leur rang de classement et du nombre de postes ouverts par
les pouvoirs publics, choisir une discipline parmi les onze proposées et un
lieu de formation (parmi les vingt huit « subdivisions » existantes).
Parmi ces onze disciplines, neuf disciplines sont constituées d’une
unique spécialité
207
, les deux autres (la discipline « spécialités
207. Il s’agit de l’anesthésie-réanimation, de la biologie médicale, de la gynécologie
médicale, de la gynécologie obstétrique, de la médecine générale, de la médecine du
travail, de la pédiatrie, de la psychiatrie et de la santé publique.
C
OUR DES COMPTES
198
médicales
208
» et la discipline « spécialités chirurgicales ») regroupant
chacune plusieurs spécialités.
Ce système ne permet pas de réguler la répartition entre spécialités
en raison d’un nombre de postes offerts aux étudiants toujours supérieur
au nombre de postes choisis même si, comme cela a été le cas en 2006
contrairement aux années précédentes, le nombre de candidats inscrits
aux épreuves était supérieur au nombre de postes offerts. Ainsi en 2006, il
y avait 5 176 candidats inscrits aux ECN pour 4 760 postes ouverts, mais
en raison de l’absence des étudiants aux épreuves (276) ou de la non
validation de leur deuxième cycle d’études médicales (375) permise par
la pratique des redoublements de complaisance ou de démissions (95),
seuls 4 430 postes ont été pourvus. 330 postes sont ainsi restés vacants,
quasi exclusivement en médecine générale
209
alors même que le nombre
de postes offerts dans cette spécialité avoisinait les 50 % du total des
postes offerts.
Postes pourvus à l’issue des ECN
ECN
2004
2005
2006
Postes offerts
3 988
4 803
4 760
Postes pourvus
3 368
3 822
4 430
Postes non pourvus
620
981
330
Médecine générale
MG
Postes offerts
1 841
2 400
2 353
Postes pourvus
1 232
1 419
2 030
Postes non pourvus
609
981
323
Ratio
2004
2005
2006
Postes offerts MG /Total postes offerts
46%
50%
49%
Postes pourvus MG /Total postes pourvus
37%
37%
46%
Source :
Données ministère de la santé
Il conviendrait donc notamment de réguler le nombre de postes
offerts de façon à ce que
in fine
le ratio de postes pourvus en médecine
générale sur le total des postes pourvus atteigne le seuil de 50 %.
Afin d’atteindre cet objectif, le nombre de postes offerts en
médecine générale rapporté au total des postes offerts devrait dépasser la
208 . La discipline « spécialités médicales » comprend 17 diplômes d’études
spécialisées (DES) qui vont de la cardiologie à la rhumatologie en passant par la
dermatologie.
209. Ces postes vacants en médecine générale sont de plus inégalement répartis sur le
territoire : ils correspondent notamment aux villes moyennes de la périphérie du
bassin parisien (comme les subdivisions d’Amiens, Angers, Caen, Dijon, Reims,
Rouen, Tours). Source : DREES, « Les affectations des étudiants en médecine à
l’issue des ECN 2006 », Etudes & Résultats n° 571, avril 2007.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
199
barre des 50 % et ce d’autant plus qu’il convient également de tenir
compte de la désaffection qui se produit en cours d’activité au détriment
de la médecine générale. Une enquête de l’ordre des médecins publiée en
septembre 2006 montre en effet que sur les 96 275 médecins généralistes
recensés tous statuts confondus, seulement 62 % déclarent exercer
exclusivement la médecine générale, tandis que 14 % d’entre eux ne la
pratiquent qu’à temps partiel et que 24 % ne la pratiquent plus du tout.
d)
Les aides financières incitatives
L’Etat, l’assurance maladie ou encore les collectivités territoriales
ont été amenés à prendre ces dernières années des mesures financières
incitatives en faveur des zones sous médicalisées. On notera, notamment,
la majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans
les zones déficitaires prévue par la loi de 2004 relative à l’assurance
maladie et négociée au début de l’année 2007 (voir infra), les aides à
l’installation ou au maintien de professionnels de santé et les aides aux
étudiants en médecine prévues par la loi relative au développement des
territoires ruraux de 2005, les dispositifs d’exonération fiscale notamment
en zone déficitaire, en zone franche urbaine (ZFU) ou de taxe
professionnelle en zone de revitalisation rurale (ZRR), le dispositif de
dérogation au parcours de soins prévu par la LFSS 2006 pour les
consultations auprès d’un médecin généraliste s’installant en zone
déficitaire, les contrats de bonne pratique (CBP) mis en oeuvre en 2005
par l’assurance maladie, enfin les nombreuses mesures incitatives prises
au niveau régional ou local
210
.
Comme le suggère cette liste, ces aides sont nombreuses, voire
foisonnantes au niveau régional et local, rendant encore plus illisible le
système. Leur recensement est difficile à faire. Ces aides ne sont, dès lors,
pas forcément connues des intéressés. Sur ce point, des mesures pour une
meilleure information des professionnels de santé ont été prises
dernièrement comme la mise au point des outils « CartoS@nté » et
« InstalS@nté ».
Ces aides ne sont pas systématiquement évaluées ce qui peut
s’expliquer par le caractère récent de la plupart d’entre elles. Certaines
210. Dans le cadre de son enquête sur les mesures nationales, régionales et locales de
régulation de la répartition géographique des professionnels de santé, l’IRDES a ainsi
identifié en 2005 137 mesures régionales ou locales. Parmi celles-ci, on trouve
notamment des aides pendant la formation des professionnels de santé par exemple
sous la forme de bourses d’étude sous condition de stage ou d’installation dans la
région.
C
OUR DES COMPTES
200
aides peuvent être significatives en montant
211
. En outre, pour les
mesures régionales et locales, se pose la question de leur mise en
cohérence par rapport à une évaluation nationale des besoins en
professionnels de santé.
Enfin, ces aides ne répondent pas aux déterminants du choix du
lieu d’exercice. Ceux-ci accordent une grande importance à la dimension
« qualité de vie » qui relève plus d’une problématique liée à
l’aménagement du territoire que d’une question de rémunération. Sur ce
dernier point, selon les statistiques de la CNAMTS, les régions où la
densité médicale est la plus forte sont aussi celles où les honoraires
moyens par médecin sont les plus faibles. Selon le fichier SNIR 2004 de
la CNAMTS, les honoraires moyens par médecin actif à part entière
s’élevaient à 171 000 € dans la Mayenne où la densité est de 121
médecins libéraux pour 100 000 habitants tandis que ces mêmes
honoraires sont de 148 000 € dans les Bouches-du-Rhône où la densité
s’élève à 273.
3
L’intérêt des mesures axées sur l’organisation
a)
La coopération entre professionnels de santé
L’évaluation des besoins en médecins est liée à la redéfinition
réglementaire de leurs compétences dans le but de les utiliser de manière
optimale. Les transferts de compétences entre professionnels de santé
devraient ainsi permettre selon un récent rapport
212
« de faire face, en
partie seulement, à la diminution annoncée de la démographie médicale,
mais aussi d’optimiser le système de soins, de régulariser des pratiques
existantes non reconnues, d’éviter la mise en place d’organisations
parallèles sources de conflits et de baisse de la qualité des soins,
d’apporter
une
légitime
reconnaissance
à
certains
professionnels
paramédicaux ».
Des expérimentations ont été réalisées en 2005, d’autres étaient en
cours en 2006 et début 2007. La Haute Autorité de santé (HAS) a été
chargée par le ministre de la santé d’établir une recommandation sur la
coopération entre professionnels de santé ; les résultats seront disponibles
à la fin 2007. Sans attendre, en application de la LFSS 2007, les
211. Ainsi en 2005, les seules exonérations ZFU, au demeurant indûment classées par
la DGI dans les charges professionnelles, ont représenté un montant de 102 M€ qui
ont bénéficié à plus de 2 700 médecins soit en moyenne une réduction d’impôt de plus
de 37 000 € par médecin concerné.
212. Mission « coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de
compétences », rapport d’étape, octobre 2003.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
201
opticiens-lunetiers peuvent adapter, dans le cadre d’un renouvellement,
les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs suite à un décret
du 13 avril 2007 et les infirmiers peuvent prescrire certains dispositifs
médicaux suite à un arrêté du 13 avril 2007.
b)
Les mesures d’adaptation du mode d’exercice
En France, l’exercice médical reste encore majoritairement
organisé sur un mode individuel. Ce modèle ne correspond cependant
plus aux aspirations des jeunes médecins pour des raisons de qualité de
vie
(limitation
des
plages
horaires,…)
et
de
mode
d’exercice
professionnel (rejet d’une pratique isolée,…). La féminisation du corps
médical renforce ces tendances. Dans ces conditions, les mesures visant à
mieux organiser le travail des médecins et à rompre leur isolement,
semblent mieux répondre au problème du choix du lieu d’installation.
C’est ainsi qu’ont été prises dernièrement diverses mesures pour
permettre un exercice en lieux multiples, mettre en oeuvre le statut de
collaborateur libéral, favoriser des formes d’exercice en groupe ou
faciliter
l’accès
aux
technologies
de
l’information
et
de
la
communication.
4
La nécessité d’une politique plus volontariste
Lors de la négociation début 2007 de l’avenant conventionnel
relatif au dispositif de majoration forfaitaire de 20 % de la rémunération
des médecins généralistes exerçant en cabinet de groupe dans les zones
déficitaires, l’assurance maladie avait prévu, parallèlement, de réguler la
démographie médicale dans les zones sur médicalisées en réduisant de
20 % sa participation aux cotisations sociales des médecins qui
s’installeraient dans les zones très sur dotées. Mais cette proposition n’a
pas été retenue dans l’accord. L’avenant signé
213
prévoit seulement la
réalisation au premier trimestre 2009 d’un bilan du dispositif d’aide pour
permettre aux partenaires conventionnels de décider des éventuelles
mesures d’ajustement du dispositif, si les effets de l’aide se révélaient
insuffisants. Pourraient ainsi être appliquées des mesures de régulation
complémentaires, le cas échéant financières, notamment dans les zones
très surdotées. Sur ce point, la Cour estime que des mesures de régulation
financières dans les zones sur médicalisées devront être mises en oeuvre si
les effets de l’aide s’avéraient insuffisants.
213 . Arrêté du 23 mars 2007 portant approbation de l’avenant n° 20 à la convention
nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes.
C
OUR DES COMPTES
202
Les politiques suivies jusqu’à présent pour réduire les disparités
territoriales en matière d’offre de soins ont toujours privilégié les mesures
incitatives et préservé la liberté d’installation. Le plan de démographie
médicale libérale lancé en janvier 2006 est ainsi strictement incitatif alors
que la convention d’objectifs et de gestion 2006-2009 entre l’Etat et la
CNAMTS prévoit l’étude par l’assurance maladie des solutions propres à
régler les questions liées aux zones sur médicalisées.
Les inégalités d’accès aux soins qui risquent de s’aggraver du fait
de la répartition déséquilibrée des médecins sur le territoire plaident pour
des mesures plus contraignantes comme la Cour l’a déjà écrit dans son
rapport public thématique sur les personnels des établissements publics de
santé de 2006
214
. S’il paraît difficile de refuser le conventionnement de
nouveaux médecins dans les zones excédentaires, il convient de réguler la
liberté d’installation des médecins s’installant par des mesures nettement
dissuasives (baisse importante ou suppression de la prise en charge des
cotisations sociales par l’assurance maladie, voire autres pénalités
financières).
II - Les rémunérations et les revenus des médecins
libéraux
Les revendications financières des médecins libéraux sont
permanentes, les crises récurrentes, les actions médiatiques fréquentes.
Bien que multiples, ces revendications se focalisent sur quelques sujets
emblématiques et constants comme la revalorisation du tarif de la
consultation ou le droit à dépassement des tarifs opposables.
214.
Il est fait observer que le protocole d'accord signé le 19 avril 2007 entre
l'UNCAM et les infirmiers libéraux et relatif à la revalorisation des tarifs prévoit ainsi
d’« instaurer prioritairement une régulation de l'évolution démographique des
infirmiers libéraux organisant les installations dans les régions où la densité en
infirmiers libéraux est la plus faible ». Depuis, le protocole d'accord signé le 22 juin
2007 entre l'UNCAM et les infirmiers libéraux prévoit que, dans les bassins de vie à
forte densité d'infirmiers libéraux, seuls les départs ouvriront l'accès à de nouveaux
conventionnements. Parallèlement, dans les bassins de vie où la densité est
particulièrement faible, des mesures d'incitation à l'installation seraient développées
par les caisses d'assurance maladie et les installations en groupe seraient favorisées.
Ce dispositif nécessite toutefois un aménagement du cadre juridique.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
203
En 2004
215
, les recettes libérales des 114 160 médecins présents au
31 décembre 2004 dans la base du SNIR
216
représentaient un montant
tous régimes de 18 149 Md€ dont 1 974 M€ de dépassements.
Selon une étude de la DREES conduite selon des modalités décrites
plus loin, la recette brute, rapportée au médecin, était de l’ordre de
159 800 €, et le revenu d’activité libérale, net de charges professionnelles,
était d’environ 80 600 €.
Des écarts substantiels de revenu net sont observés entre les
radiologues (197 800 €) et les psychiatres (58 500 €) ainsi que les
pédiatres
et
les
dermatologues
(61 100 €).
Le
revenu
net
des
omnipraticiens était, quant à lui, de 61 800 €.
Un examen attentif des méthodes d’élaboration de ces données
révèle de nombreuses lacunes et insuffisances. Ces informations montrent
cependant des évolutions notables caractérisées notamment, au cours de
ces
toutes
dernières
années,
par
une
dérive
des
dépassements
d’honoraires.
A
Qu’entend-on par « revenus » des médecins
libéraux ?
Les organisations professionnelles de médecins libéraux justifient
leur demande de revalorisation tarifaire par la nécessaire évolution de leur
revenu, sans définir clairement les motifs de cette revendication :
maintien, rattrapage ou augmentation de pouvoir d’achat, réévaluation de
leur position dans l’échelle française des revenus.
Confrontés à cette demande récurrente et sans fondement explicite,
les pouvoirs publics et l’assurance maladie opposent plusieurs constats :
-
le pouvoir d’achat
217
des médecins libéraux a augmenté ;
-
leur revenu a évolué plus favorablement que celui des salariés
218
;
-
l’évolution des tarifs n’est pas le seul facteur de croissance du
revenu : s’y ajoutent trois déterminants essentiels que sont le volume
215. Les données 2005 sont encore provisoires et doivent être utilisées avec prudence
compte tenu de reports de liquidation importants opérés de 2005 sur 2006 (en raison
de l’entrée en vigueur de la T2A et de la CCAM) et de la non alimentation du SNIR
par huit régimes spéciaux (soit 2,6 % des dépenses).
216. Le SNIR est le système national collectant les données de tous les régimes.
217. Le pouvoir d’achat est calculé en déflatant le revenu net de charges du coût de la
vie (indice des prix à la consommation de l’INSEE) : c’est le revenu en monnaie
constante.
218. DREES, Etudes et résultats n° 578, juin 2007.
C
OUR DES COMPTES
204
d’actes réalisés, l’évolution des charges à déduire de la recette brute et
la structure des actes.
C’est dans cette optique qu’a été présentée en annexe du PLFSS
pour 2007 l’analyse suivante fondée pour la dernière année sur des
données provisoires
219
:
« Entre 2000 et 2004, en monnaie constante, les revenus des
généralistes ont progressé annuellement de 2,6 % et celui des spécialistes
de 3,1 %. Cette hausse du pouvoir d’achat des médecins est supérieure à
celle observée sur la même période pour l’ensemble des salariés. En effet,
entre 2000 et 2004, la progression annuelle du pouvoir d’achat du salaire
moyen net s’est limitée à 0,4 %, le salaire minimum progressant quant à
lui à un rythme annuel de 2,1 %, supérieur à la progression du salaire
moyen net mais inférieur à la progression du pouvoir d’achat des
médecins ».
Cette formulation, outre qu’elle se concentre exclusivement sur
l’évolution et non sur les niveaux des revenus, prête à confusion en
mentionnant le terme de « revenu » des médecins et ouvre un débat très
complexe en introduisant une comparaison avec le revenu d’activité des
salariés.
1
Les informations disponibles sur les revenus d’activité
libérale des médecins.
Les informations disponibles sur le revenu d’activité libérale des
médecins puisent leur source dans les travaux de la DREES
220
,
régulièrement publiés depuis plusieurs années. Ces derniers alimentent
l’annexe du PLFSS ainsi que les études de l’INSEE
221
. Par ailleurs, l’un
des indicateurs des programmes de qualité et d’efficience prévu dans la
LFSS (non renseigné en 2007) semble reprendre le même concept de
revenu annuel moyen net de charges des médecins. Il importe donc que
ces informations soient clairement définies et établies sur des bases
incontestables.
a)
Méthode utilisée par la DREES
La DREES utilise deux sources d’informations : le SNIR pour les
recettes libérales et les données de la DGI, à savoir les déclarations
fiscales des médecins faites au titre des bénéfices non commerciaux
219. Point 3.1.2 de l’annexe 7 réalisé à partir des travaux de la DREES.
220. Cf. en dernier lieu Etudes et résultats n° 562 mars 2007.
221. Les revenus d’activité des indépendants, INSEE Références édition 2006.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
205
(BNC) sur le formulaire 2035 qui comporte recettes et charges
professionnelles déductibles.
Pour estimer le revenu d’activité libérale net de charges avant
impôts, la DREES croise ces deux fichiers. A partir des déclarations
fiscales, elle calcule la part des débours (chèques impayés notamment) et
la part des honoraires rétrocédés aux médecins remplaçants ainsi que le
taux des charges professionnelles déductibles : elle applique ensuite ces
résultats à la masse d’honoraires comptabilisés dans le SNIR.
b)
Approximations et lacunes de la méthode
Elles sont nombreuses et concernent à la fois les recettes prises en
compte et les modalités de passage des recettes brutes aux revenus nets.
Pour les recettes, deux problèmes de nature différente doivent être
distingués :
-
le
premier,
crucial,
caractérise
l’ensemble
des
professions
indépendantes et réside dans le fait qu’elles ont souvent également une
activité salariée : le revenu d’activité libérale ne représente donc
qu’une partie, au demeurant variable selon les individus, du revenu
total d’activité, seule référence pertinente dans toute comparaison avec
les professions salariées.
D’après les carnets statistiques
222
de la CNAMTS, les médecins à
exercice libéral exclusif
223
représentent 80 % du total des médecins
libéraux : 20 % des médecins libéraux perçoivent donc des salaires en
complément de leur activité libérale. Ce pourcentage serait, toutefois,
bien supérieur. Des travaux en cours de la DREES l’évaluent à 41 %
224
.
La polyactivité, au demeurant très variable selon les spécialités, semble
croître avec l’âge chez les hommes. C’est parmi ceux de 50 à 55 ans
qu’elle est la plus répandue. Toujours selon ces travaux, l’impact de
l’activité salariée sur le revenu est important :
pour les médecins
libéraux qui perçoivent des salaires, ceux-ci constituent en moyenne
13 % de leurs revenus d’activité et ce pourcentage augmente avec
l’âge (17 % des revenus pour les médecins de plus de 55 ans qui
perçoivent des salaires).
222. Exploitation annuelle du SNIR-professionnels de santé.
223. Ce calcul ne tient pas compte des praticiens hospitaliers à temps plein ayant une
activité privée.
224. Ces travaux confirment une précédente enquête de la DREES réalisée entre 1996
et 1999 portant sur un échantillon de 900 médecins dans laquelle plus d’un tiers des
généralis-tes et la moitié des spécialistes libéraux déclaraient une activité mixte leur
procurant respectivement 15 % et 28 % des recettes libérales.
C
OUR DES COMPTES
206
Il conviendrait donc d’adopter une double démarche : d’une part,
calculer le revenu d’activité libérale pour les médecins n’ayant aucune
activité salariée, d’autre part calculer le revenu complet d’activité pour
l’ensemble
des
médecins.
Or,
la
DREES
utilise
une
méthode
intermédiaire qui consiste à rapporter à chaque médecin, ayant ou non
une activité salariée, la seule recette libérale de l’ensemble des
médecins
225
. Cette méthode a pour conséquence mécanique de mention-
ner un revenu libéral moyen par médecin peu pertinent, sous-évalué pour
les médecins à exercice exclusivement libéral, surévalué pour les
médecins à activité mixte et surtout de minorer le revenu moyen total.
-
le second problème relatif aux recettes libérales prises en compte
réside dans leur non exhaustivité : celle-ci tient à la nature du système
d’information utilisé, le SNIR, alimenté par la liquidation des feuilles
de soins présentées au remboursement et par certains versements faits
aux médecins par les caisses (forfaits, aides à la télétransmission,
primes de responsabilité civile professionnelle
226
) en France métropo-
litaine.
En 2004, le montant d’honoraires comptabilisé dans le SNIR
(18 149 M€) était ainsi sous-évalué d’environ 5 % (938 M€).
Décomposition des honoraires non pris en compte
D’une part, il manque des honoraires
227
: ceux non présentés au
remboursement (198 M€), les soins financés par l’aide médicale d’Etat
(40 M€), les honoraires des médecins non conventionnés (97 M€), les
soins délivrés dans les DOM (407 M€).
D’autre part, lors de l’établissement annuel des comptes nationaux
de la santé, le montant issu du SNIR peut être corrigé à la hausse (par
exemple de 206 M€ en 2004) lorsque l’évolution des honoraires issue du
225. La DREES prend aussi en compte tout honoraire à partir du premier euro alors
que la CNAMTS exploite en routine un sous-groupe plus représentatif de l’activité
réelle appelé « actifs à part entière (APE) qui soustrait tous les médecins installés ou
partis en cours d’année, ceux âgés de 65 ans qui continuent leur activité, ceux qui sont
non conventionnés (876 en 2004) et ceux qui exercent à temps plein à l’hôpital. La
prise en compte des honoraires des seuls médecins APE conduirait à minorer les
recettes brutes de 1,5 % chez les omnipraticiens et de 7,7 % chez les spécialistes.
226. Il s’agit notamment de la prise en charge depuis 2006 par l’assurance maladie
d’une part importante (entre 66 et 55%) des primes de responsabilité civile payées par
les obstétriciens, les chirurgiens et les anesthésistes dans la limite d’un seuil respectif
de 18 000, 15 000 et 7 000€.
227 . Il n’est pas question ici des paiements en liquide exigés par certains
professionnels de santé qui, selon des témoignages récents, n’ont pas disparu.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
207
SNIR paraît trop faible par rapport à l’évolution observée pour le régime
général, ce qui laisse penser que les données du SNIR sont incomplètes.
En outre, ce montant de recettes n’intègre pas diverses aides
directes (par exemple aides à la reconversion vers la médecine du travail
ou forfaits pour la formation continue).
Enfin n’apparaît pas l’aide que constitue la part des cotisations
sociales des médecins de secteur 1, payée par les caisses d’assurance
maladie en contrepartie du respect des tarifs opposables : selon la
CNAMTS, cette dépense était de 1,15 Md€
228
.
c)
Les incertitudes liées aux modalités de passage des recettes brutes
aux revenus d’activité libérale (recettes nettes)
Deux problèmes doivent être mentionnés :
-
le premier est lié à l’absence de distinction des déclarations fiscales
selon le secteur conventionnel auxquels appartiennent les médecins
(secteur 1ou 2)
229
;
En conséquence, la DREES calcule le revenu moyen par spécialité
tous secteurs confondus : au niveau des recettes, les dépassements
d’honoraires du secteur 2 sont donc lissés sur l’ensemble des
médecins. De même les charges sont lissées sans tenir compte de la
différence importante qu’engendre la participation de l’assurance
maladie à la prise en charge des cotisations des médecins de secteur 1 ;
-
le second problème réside dans la déperdition importante du nombre
de médecins dont les revenus sont finalement retenus : celle-ci résulte
principalement de la constitution même du fichier DGI relatif aux BNC
mais aussi de certains choix statistiques de la DREES.
228. Dans les comptes nationaux de la santé, ce montant figure dans les agrégats de la
dépense de santé par type de financeur, en subvention en faveur du système de soins
sous l’intitulé « subvention aux ménages ».
229. Les déclarations fiscales prévoient pourtant cette information mais elle est mal
renseignée (seuls 34 % des médecins remplissent la rubrique). Une case « code
d’activité » figure sur la fiche récapitulative BNC 2035 avec 4 occurrences : C1
(secteur 1 sans droit à dépassement), C2 (secteur 1 avec droit à dépassement), C3
(secteur 2 avec honoraires libres), C4 (médecin non conventionné).
C
OUR DES COMPTES
208
Nombre de médecins pris en compte dans les bases de référence
CNAMTS
DGI
DREES
Omnipraticiens
60 832
58 668
58 050
Sous total des 16 spécialités traitées par la DREES
49116
38258
36 728
Total des spécialistes
53 328
39 465
Médecins et étudiants remplaçants
13 982
Total général
114 160
112 115
94 778
Source :
CNAMTS, DGI, DREES
Le regroupement croissant des médecins en sociétés, en particulier
en sociétés d’exercice libéral (SEL) créées en 1990 et soumises à l’impôt
sur les sociétés, réduit d’autant le nombre de médecins déclarant leurs
recettes en BNC
230
. Cette déperdition concerne plus de 12 000 médecins
pour l’essentiel des spécialistes
231
.
Par ailleurs, la DREES n’estime les revenus que des 16 spécialités
les plus importantes sur les 24 répertoriées dans le SNIR, ce qui écarte
quelque 1 200 médecins. Ses méthodes de lissage conduisent enfin à
l’éviction de 1 530 autres déclarations : « les déclarations fiscales ayant
des honoraires supérieurs aux honoraires maximaux (lissés sur trois ans)
présents dans le SNIR sont enlevées ainsi que les déclarations fiscales
présentant des charges négatives ou des honoraires nuls »
232
.
Cet examen met en lumière la nécessité de travaux destinés :
-
à améliorer la méthode de calcul du revenu libéral des médecins ;
-
à la compléter par des données relatives à l’activité salariée afin de
mettre à la disposition des pouvoirs publics et de l’UNCAM une
information complète sur le revenu d’activité des médecins et non sur
leur seul revenu libéral.
La DREES s’est d’ailleurs engagée dans cette voie en construisant
l’appariement des déclarations fiscales de l’impôt sur le revenu avec les
230. C’est en radiologie (spécialité la plus rémunératrice) que cette déperdition est la
plus importante : 51 % des effectifs (5 554 radiologues dans le fichier CNAMTS,
2 712 dans le fichier DREES).
231. En 2004 la DGI a enregistré, dans le secteur médical, au titre de l’impôt sur les
sociétés les déclarations de 1 247 SEL et de 519 autres sociétés. Les données relatives
aux médecins regroupés dans ces sociétés ne sont cependant pas fiables et appellent
des études complémentaires. L’ordre des médecins, pour sa part, en a recensé 1866
début 2004.
232. Note de méthodologie figurant dans Etudes et résultats n° 412.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
209
fichiers de la CNAMTS. Cette opération devrait produire une information
statistique anonymisée regroupant les informations sur l’ensemble des
revenus d’activité perçus par les professionnels de santé, selon les
catégories socio professionnelles et les caractéristiques de ces professions
(sexe, âge, secteur de conventionnement, mode d’exercice).
Cette opération devrait aboutir prochainement
233
: la DREES
prépare un test en vraie grandeur qui sera réalisé par l’INSEE fin 2007 (si
l’accord de la commission nationale de l’informatique et des libertés -
CNIL- est obtenu) et qui conduira à la constitution d’une base de données
en 2008.
2
Les limites théoriques de cette connaissance
a)
La nécessité d’apprécier d’autres déterminants du revenu
professionnel
Au-delà des difficultés de mesure évoquées plus haut, le revenu
d’activité libérale établi sur des bases comptables doit s’apprécier en
tenant compte d’autres éléments.
C’est ce que montrait une étude ancienne
234
, réalisée en 1991 par
le CERC (centre d’étude des revenus et des coûts) : son objet était de
cerner et de quantifier les déterminants du revenu des médecins après une
décennie de profondes mutations, en particulier la forte croissance de
l’offre médicale et des honoraires, la féminisation de la profession, la
montée en charge du secteur 2 et des dépassements, l’organisation des
médecins en cabinet de groupe sous des formes juridiques variées, autant
de facteurs qui avaient eu déjà pour conséquence de créer de forts écarts
entre spécialités médicales et à l’intérieur même des spécialités.
Parmi les déterminants passés en revue, on en retiendra quelques
uns qui mériteraient d’être actualisées, compte tenu des transformations
233. L’expérience d’appariement faite sur le département de Haute Garonne est
prometteuse puisque les déclarations de revenus des médecins de ce département
figurant dans les fichiers de la CNAMTS ont été retrouvées à 89 % après une
recherche automatique portant sur les seules variables sexe, nom, prénom et date de
naissance.
234. « Le revenu des médecins libéraux et ses déterminants » : étude réalisée sur un
échantillon de 1 400 médecins conventionnés exerçant depuis plus d’un an et
appartenant à cinq spécialités jugées caractéristiques, généralistes, cardiologues
(spécialité
médicale)
chirurgiens
généraux
et
orthopédiques,
ophtalmologues
(spécialité mixte) et psychiatres. Cette étude n’a pas été actualisée.
C
OUR DES COMPTES
210
évidentes
intervenues
depuis
lors,
en
particulier
la
stagnation
démographique des médecins
235
:
-
l’activité salariée complémentaire, déjà évoquée, qui semble occuper
une place importante ;
-
la durée effective du travail et sa corrélation - très variable selon les
spécialités- avec le niveau de revenu ;
-
le travail non rémunéré du conjoint qui, en 1991, concernait 60 % des
généralistes et un tiers de spécialistes et représentait jusqu’à 8 % du
bénéfice des généralistes, 3 % de celui des cardiologues, entre 1 % à
2 % pour les autres ;
-
la carrière caractérisée notamment par l’exercice très répandu d’une
activité salariée de plusieurs années avant l’installation (60 % des
généralistes surtout en remplacement et 75 % à 90 % des spécialistes
surtout en activité hospitalière) ;
-
l’organisation en cabinet de groupe, déjà majoritaire pour les
disciplines techniques et significatives pour les spécialités cliniques
(37 % de généralistes et 24 % de psychiatres). A cette époque, on
notait un surplus significatif de revenus pour les médecins regroupés.
Les sociétés d’exercice libéral (SEL) crées par la loi du 1
er
décembre 1990 ont vraisemblablement accentué ces constats : elles
permettent aux professionnels libéraux (dont les médecins) d’adopter un
statut plus proche des sociétés commerciales que des sociétés civiles.
Les SEL et leurs effets
De 2002 à 2004, elles sont passées, dans le milieu médical, de 532
à 1247.
Les SEL ont un statut sui generis : à la différence des sociétés
civiles où chaque individu déclare ses revenus en BNC et est totalement
responsable, la SEL est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), adopte une
comptabilité de type commercial et chacun de ses membres n’est
responsable que dans la limite de ses apports.
Les SEL facilitent la collaboration entre professionnels, le
financement des investissements et la transmission des parts :
- 25 % du capital peuvent être détenus par un investisseur ne
participant pas à l’activité ;
- le professionnel peut rester dans le capital pendant 10 ans après sa
cessation d’activité et percevoir des dividendes ;
- il peut céder ses parts (avec exemption de l’impôt sur les plus-
values en cas de retraite).
235. Entre 1995 et 2004, les effectifs de médecins libéraux sont restés constants :
113 546 et 114 160 (SNIR).
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
211
En outre, les SEL offrent de multiples possibilités d’optimisation
patrimoniale : arbitrage entre rémunération et dividendes, versement des
dividendes ou mise en réserve…
Enfin seule donne lieu à imposition sur le revenu la part des
bénéfices effectivement distribuée (à la différence des sociétés de
personnes, ou l’intégralité du bénéfice constaté est intégrée aux revenus).
Ces indications montrent la nécessité de mettre en place un outil
d’analyse financière de ces sociétés pour mesurer la profitabilité de
l’activité médicale qui s’y exerce, selon une démarche similaire à celle
instaurée depuis 5 ans par la DREES pour le suivi des cliniques privées.
b)
Les difficultés théoriques d’une comparaison entre activité libérale
et salariée : la question du capital et du revenu de remplacement
L’appréhension du revenu d’activité des médecins pose deux
problèmes théoriques, dès lors qu’on souhaite le comparer à celui des
salariés :
-
à l’instar de toutes les professions non salariées, il s’agit de revenus
mixtes comme les dénomme la comptabilité nationale, dans la mesure
où le bénéfice tiré de l’entreprise constitue à la fois le revenu du travail
et la rémunération des capitaux apportés ;
-
le partage entre le revenu immédiat et le revenu différé n’a pas le
même équilibre que pour les salariés : la dynamique de revenu dans le
cycle de vie est très différente, les médecins bénéficiant d’un capital
professionnel en fin de carrière qu’ils peuvent consommer.
Ces caractéristiques sont du reste discriminantes non seulement
entre professions salariées et non salariées, mais aussi entre professions
indépendantes et même entre spécialités médicales. L’étude du CERC
précitée qui avait quantifié ce phénomène montrait l’importance du
capital professionnel acquis et consommable à la retraite. Les deux postes
les plus importants étaient à l’époque (et restent sans doute) le local
professionnel et le droit de présentation (vente de la clientèle). On notait
cependant le cas particulier des chirurgiens, dont le capital professionnel,
beaucoup plus important, était constitué de parts sociales de cliniques.
Le revenu après cessation d’activité est aussi dépendant des
revenus de remplacement. Ceux-ci doivent être appréhendés dans leur
globalité et non limités à ceux distribués par la caisse autonome de
retraite des médecins de France (29 240 € en 2005). Comme beaucoup
d’actifs, les médecins sont de plus en plus fréquemment des
C
OUR DES COMPTES
212
polypensionnés qui perçoivent des retraites d’autres régimes. Au total la
retraite moyenne totale s’élevait à 42 100 €
236
en 2005.
B
L’évolution du revenu d’activité libérale des
médecins sur dix ans
Le revenu net par médecin résulte de la combinaison de plusieurs
paramètres : d’une part ses recettes, elles-mêmes fonction du volume
d’activité et des tarifs facturés (tarifs opposables sur la base desquels
rembourse la sécurité sociale et dépassements), d’autre part des éléments
déductibles, à savoir les débours et les charges.
1
Le volume et la nature de l’activité
De 1995 à 2005, le nombre total d’actes réalisé par les spécialistes
a augmenté de +3,7 % en moyenne par an et celui des généralistes de
+1,8 %.
Compte tenu de l’évolution démographique différente pour chaque
catégorie (plus forte pour les spécialistes), le nombre d’actes par
spécialiste a augmenté en moyenne par an de +1,4 % et de +0,5 % par
médecin généraliste, avec une nette différenciation à partir de 2000 : le
nombre d’actes par médecin baisse chez les généralistes, alors que celui
des spécialistes augmente fortement.
Evolution du nombre d'actes par médecin
90,00
100,00
110,00
120,00
130,00
140,00
150,00
1980
1985
1990
1995
2000
2004
années
indice 100 = 1980
nombre actes par médecin
nombre actes par spé
nombre actes par MG
Source :
SNIR
236. Données provenant de l’échantillon interrégimes de retraites (EIR).
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
213
Ces évolutions générales doivent être précisées par nature d’actes,
cliniques ou techniques, différenciation qui renvoie non seulement au
clivage médecine générale-médecine spécialisée, mais aussi inter-
spécialités.
Le deuxième graphique ci-dessous montre que l’activité clinique
des généralistes a augmenté régulièrement (+3,4 % par an sur la période),
alors que diminuait leur activité technique dont la part est au demeurant
peu significative (-1,7 % par an).
En revanche, en ce qui concerne les spécialistes, actes techniques
et cliniques augmentent fortement (+3,5 % par an en actes cliniques,
c'est-à-dire plus que les actes cliniques des généralistes et +3,9 % par an
en actes techniques). Depuis quelques années cependant, une inversion de
tendance s’est produite : la croissance des actes cliniques, auparavant
supérieure à celle des actes techniques, lui est désormais inférieure. Selon
les informations récentes de la CNAMTS, le parcours de soins coordonné
a prolongé cette tendance de fond : il a infléchi l’activité clinique des
spécialistes, mais n’a eu aucun impact sur la croissance soutenue de leur
activité technique.
Evolution du nombre d'actes
par catégorie
50,00
100,00
150,00
200,00
250,00
300,00
1980
1985
1990
1995
2000
2004
années
indice 100=1980
cliniques MG
cliniques spécialistes
techniques spécialistes
techniques MG
Source :
SNIR
S’ils représentent les trois quarts du nombre total d’actes réalisés,
les actes cliniques ne représentent que 53 % des honoraires totaux
facturés (9 700 M€ sur 18 227 M€ en 2005) : 97 % du nombre d’actes et
88 % des honoraires chez les généralistes et 45,6 % du nombre d’actes et
30,4 % des honoraires chez les spécialistes.
C
OUR DES COMPTES
214
2
Les recettes remboursables
De 1995 à 2004, la croissance en valeur des honoraires sans
dépassement (honoraires remboursables) est assez similaire pour les deux
catégories de médecins. Cependant, comme le montre le schéma ci-
dessous, cette croissance est due à l’augmentation du volume d’activité
chez les spécialistes alors que, chez les généralistes, elle provient d’une
évolution favorable des tarifs opposables.
Evolution des dépenses remboursables en volume et en valeur (RG+SLM
)
90
100
110
120
130
140
150
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
années
indice 100=94
mg volume
spécialistes volume
mg valeur
spécialistes valeur
Source :
CNAMTS (dépenses du régime général et des sections locales mutualistes)
3
Les autres facteurs déterminants
Sur la base des informations décrites plus haut (informations de la
DREES sur les revenus) sont examinés les autres facteurs qui déterminent
le revenu net des médecins, à savoir la facturation des dépassements et les
déductions qui réduisent les recettes brutes.
Les montants ci-dessous sont présentés par médecin et en termes
réels (en monnaie constante, euros 2005) sur deux périodes différentes
(de 1993 à 2000 et de 2000 à 2004 -le choix de 2004 comme dernière
année vient de ce que les résultats provisoires de 2005 publiés par la
DREES paraissent peu fiables en raison des problèmes déjà évoqués qui
ont perturbé le SNIR).
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
215
Evolution du revenu et de ses composantes
En milliers d’euros 2005
Omnipraticiens
1
TCAM
en %
14 spécialités
2
TCAM
en %
Ecart en
%
1993
Honoraires sans dépassement par praticien
97,9
153,2
56,4%
Part des dépassements (en %)
6,60%
10,30%
Honoraires totaux par praticien
104,8
170,8
63,0 %
Taux débours et charges (en %)
46,7 %
52,4 %
Revenu net par praticien
57,5
83,7
45,6%
2000
00/93
00/93
Honoraires sans dépassement par praticien
109,9
+1,4
168,9
+1,4 %
56,5%
Part des dépassements (en %)
5,50 %
11,2 %
Honoraires totaux par praticien
114,2
+ 1,2
190,1
+ 2,1%
66,4%
Taux débours et charges (en %)
50,5 %
51,5 %
Revenu net par praticien
58,5
+ 0,2
92,2
+ 1,4
57,6%
2004
04/00
04/00
Honoraires sans dépassement par praticien
113,9
+ 1,4
181,1
+ 1,8
58,9%
Part des dépassements (en %)
5,50 %
14,1 %
Honoraires totaux par praticien
120,6
+ 1,4
211,4
+ 2,7
75,3 %
Taux débours et charges (en %)
49,7 %
51,5 %
Revenu net par praticien
62,9
+ 1,8
104,9
+ 3,3
66,7%
Source :
d’après les informations de la DREES et de l’INSEE
Ces évolutions mettent en évidence quelques phénomènes
significatifs :
-
Le pouvoir d’achat des médecins (revenu net en monnaie constante
2005) a augmenté sur l’ensemble de la période, avec une nette accen-
tuation du phénomène de 2000 à 2004 pour les deux catégories de
médecins : pour les omnipraticiens, le pouvoir d’achat a augmenté de
+0,2 % par an en moyenne de 1993 à 2000 et de +1,8 %
237
de 2000 à
2004, pour les spécialistes de +1,4 % et de +3,3 %. Les chiffres
provisoires de 2005 semblent marquer néanmoins une décélération qui
devra être confirmée ;
-
l’écart de pouvoir d’achat s’est accru entre omnipraticiens et
spécialistes : celui des spécialistes qui était supérieur de 45,6 % en
1993 l’est de 66,7 % en 2004. Ce creusement s’est accentué durant la
dernière période ;
237. Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) du revenu net des omnipraticiens
de 2000 à 2004 est de +1,8 % (et non de +2,6 % comme mentionné dans l’annexe du
PLFSS 2007)
216
C
OUR DES COMPTES
-
cette divergence est due à la facturation des dépassements
d’honoraires. En effet, les honoraires remboursables évoluent de
manière assez similaire pour les deux catégories de médecins alors que
la part des dépassements dans leurs recettes connaît une évolution
opposée : en faible baisse chez les omnipraticiens, cette part est passée
chez les spécialistes de 10,3 % à 14,4 % des recettes entre 1993 et
2004. Ces chiffres sont calculés tous médecins confondus et non sur les
seuls médecins facturant des dépassements ;
-
enfin, la part des déductions opérées sur les recettes brutes
(rétrocessions, débours et charges professionnelles) est inférieure chez
les généralistes (la part des rétrocessions et débours est plus élevée,
mais celle des charges plus faible). Toutefois, l’écart entre généralistes
et spécialistes s’est amenuisé en passant de 5,8 points à 1,8 points de
1993 à 2004 : la part déduite des recettes a augmenté de 3 points pour
les généralistes au cours de la période alors que celle des spécialistes
diminuait d’environ 1 point dans le même temps : ce facteur atténue le
creusement de l’écart dû à la facturation des dépassements vue ci-
dessus.
4
La diversité entre les spécialités
Ces constats généraux recouvrent une telle diversité entre
spécialités qu’il convient de les considérer avec circonspection : en effet,
les niveaux de revenu, leurs composantes et leur évolution sont très
différents selon la spécialité et ne paraissent pas relever de corrélations
bien établies :
-
la hiérarchie des revenus nets a peu varié sur longue période (1993-
2004 en monnaie constante euros 2005) : elle place en tête les
spécialités à dominante technique
238
avec un net écart entre les deux
premières et les autres (la radiologie -201 400 €- et l’anesthésie
-153 300 €-) ; l’ophtalmologie est la seule spécialité à dominante
clinique à figurer dans les hauts revenus (en 4
ème
position des
spécialités avec 114 500 €) ;
-
les évolutions ont davantage touché les spécialités à dominante
clinique en particulier la dermatologie qui, en 2003, se situe en avant-
dernier rang. Les deux dernières spécialités (dermatologie avec un
revenu net de 62 200 € et la psychiatrie avec 59 600 €) se situent
derrière la médecine générale (62 900 €) ;
-
la combinaison des facteurs, dont résulte le revenu, est très variable et
les phénomènes prévisibles ne sont pas avérés : facturation de
238 . Spécialités à dominante technique : anesthésistes, cardiologues, chirurgiens,
gastro-entérologues, ORL, pneumologues, stomatologues ; spécialités à dominante
clinique : dermatologues, gynécologues, ophtalmologues, pédiatres, psychiatres,
rhumatologues.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
217
dépassements qui compenserait des recettes faibles en tarifs opposables
ou taux de charges plus élevé pour les recettes les plus basses en raison
du poids des charges fixes.
Le graphique ci-dessous montre la position de chaque spécialité
par rapport à la moyenne des spécialités (la radiologie n’est pas
représentée car elle sortirait du cadre et écraserait l’échelle) en ce qui
concerne ses honoraires sans dépassement, ses honoraires totaux et son
revenu net. On constate ainsi que, pour les stomatologues, l’effet des
dépassements est en partie neutralisé par celui des charges : les honoraires
sans dépassement (HSD) les situent 25 % au dessous de la moyenne des
spécialités, les honoraires totaux (HT) 10 % au-dessus et les revenus
exactement dans la moyenne.
Ecarts des honoraires et des revenus de chaque spécialité
par rapport à la moyenne des spécialités
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
anesthésie
cardiologie
chirurgie
gastro
orl
pneumologie
stomatologie
dermatologie
gynécologie
ophtalmo
pédiatrie
psychiatrie
rhumatologie
spécialités
1= moyenne toutes spécilaités
HSD
HT
revenu
Note de lecture : les anesthésistes occupent une place stable par rapport à la
moyenne des spécialités : +48 % en HSD, +38 % en HT (ce qui signifie que leur taux
de dépassements est un peu inférieur à la moyenne), +43 % en revenu net.
Source :
Cour des comptes à partir des données CNAMTS et DREES
C
La question des dépassements d’honoraires et du
nouveau secteur optionnel
L’article 24 de la loi du 30 janvier 2007 permet au ministre de la
sécurité sociale de se substituer, jusqu’au 2 juillet 2007, aux partenaires
218
C
OUR DES COMPTES
conventionnels aux fins de création du secteur optionnel
239
, distinct des
deux secteurs existants que sont les secteurs 1 et 2.
Cette contrainte exercée par le pouvoir réglementaire sur les
partenaires conventionnels reflète la forte tension politique qu’a
engendrée une question mal cernée, née de la rédaction ambiguë du
préambule et du dernier article du protocole relatif à la chirurgie conclu le
24 août 2004.
Dans un tel contexte, une confusion dommageable s’est installée
entre plusieurs préoccupations, certes connexes, celle des dépassements
facturés par les médecins en sus de leurs honoraires remboursables, celle
du secteur 2, enfin celle de la chirurgie.
1
L’ensemble des dépassements facturables
En 2005, pour la France métropolitaine, les dépassements
représentaient 1 918 M€ sur un montant facturé total de 18 559 M€
(SNIR), soit 10,3 % des recettes perçues par la totalité des médecins.
Il existe plusieurs types de dépassements facturés en sus :
-
ceux qui tiennent aux circonstances de l’acte médical (DE
=
exigence
particulière du patient et ED
=
entente directe) ;
-
ceux qui tiennent au statut du médecin (DP
=
droit permanent octroyé
à certains médecins en fonction de leur notoriété lors de la création des
tarifs conventionnels opposables et secteur 2 à honoraires différents
240
ouvert en 1980). A noter que les dépassements du secteur 2 ne sont pas
facturables aux bénéficiaires de la CMUC ;
-
ceux qui résultent à la fois du statut du médecin et de la position de
l’assuré dans le parcours de soins coordonné, créés en 2005
241
(DM
=
dépassements maîtrisés pour les médecins de secteur 2 ayant
choisi l’option de coordination et DA
=
dépassements autorisés pour les
médecins de secteur 1 en cas de non respect du parcours).
Les omnipraticiens facturaient 357 M€ de dépassements en 2005
(sur un total d’honoraires de 7 463 M€), soit un taux de dépassement de
5 % pour l’ensemble de la profession et de 43 % rapporté aux seuls
239. Cet article, introduit par amendement au cours du vote par le Sénat de la LFSS
2007 (article 47) a été invalidé par le Conseil constitutionnel et réintroduit (article 24)
dans la loi du 30 janvier 2007 ratifiant l’ordonnance n° 2005-1040 relative à
l’organisation de certaines professions de santé.
240. C’est le terme officiellement utilisé pour désigner le secteur 2 car, en théorie, il
ne s’agit pas d’un secteur à honoraires libres, les médecins de secteur 2 étant tenus de
fixer leurs tarifs avec « tact et mesure » selon le code de déontologie (cf. infra).
241. Voir les développements consacrés au parcours de soins coordonné dans le
présent chapitre.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
219
médecins de secteur 2 (12 % d’entre eux). A l’exception de quelques
périodes de tension marquées par la facturation de dépassements sauvages
(comme en 2002 par exemple), la question des dépassements se pose peu
pour cette catégorie.
Quant aux spécialistes, ils facturaient 81,3 % des dépassements
(1 561 M€ sur un total d’honoraires de 11 096 M€) ; ce montant se
répartit comme suit : 80 % en secteur 2, 3,7 % en DP, 12 % en DE et
3,7 % en ED. Globalement, les médecins de secteur 2 ont une activité
moindre que leurs confrères du secteur 1 et ce sont les dépassements qui
leur permettent d’avoir au total des montants d’honoraires plus
importants. En 2004, les spécialistes APE du secteur 1 avaient en
moyenne 211 600 € d’honoraires et 5 500 € de dépassements soit un total
de 217 000 €. Les chiffres correspondants pour le secteur 2 sont de
154 700 € d’honoraires et de 73 000 € de dépassements
La prédominance des dépassements chez les spécialistes du secteur
2 (69 % du montant total des dépassements) explique que la question des
dépassements se focalise généralement sur cette catégorie de médecins.
Toutefois, l’importance relative des DE (12 %) et l’évolution
récente du taux de dépassement des spécialistes en secteur 1 incitent à la
plus grande vigilance afin d’éviter le développement d’une pratique non
contrôlable de contournement des tarifs opposables : entre 1985 et 2000,
le taux est resté assez stable en passant de 1,4 % à 1,6 % mais en 2004 il
était de 2,6 % (et de 6,5 % pour les gynécologues).
2
Les dépassements des spécialistes du secteur 2
Le montant des dépassements des spécialistes connaît une
croissance soutenue et heurtée : +21 % en moyenne par an de 1985 à
1990 en raison principalement de l’augmentation des effectifs de
médecins libéraux passés de 38 000 à 50 000 (source SNIR), +5,5 % par
an de 1990 à 2000, enfin +11,6 % par an depuis 2000. Cette accélération
tient principalement au taux de dépassement facturé par rapport au tarif
opposable, l’augmentation du nombre de médecins en secteur 2 et celle
du nombre d’actes facturés avec dépassement constituant des facteurs de
croissance moins importants.
a)
Les effectifs en secteur 2
Dès l’ouverture du secteur 2 les effectifs ont progressé rapidement
dans toutes les spécialités mais se sont stabilisés à partir de 1990, à
l’exception de la chirurgie : 20 % en 1985, 38,5 % en 1990 et 36,9 % en
2002. En effet, la convention de 1990 a réservé l’accès au secteur 2 aux
seuls praticiens qui s’installaient pour la première fois et avaient en outre
acquis une expérience professionnelle particulière validée par un titre, en
220
C
OUR DES COMPTES
particulier les anciens chefs de clinique des universités, assistants des
hôpitaux (ACCAS). Le règlement conventionnel de 1998 a toutefois
permis aux ACCAS déjà installés en secteur 1 de 1980 à 1990 d’opter
pour le secteur 2, pendant un délai limité à un mois.
Part des médecins en secteur 2
0,0%
10,0%
20,0%
30,0%
40,0%
50,0%
60,0%
70,0%
80,0%
90,0%
1985
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
chirurgiens
total spécialistes
Source :
DSS
Il convient de souligner que le choix du secteur 2 est aujourd’hui
majoritaire chez les spécialistes qui s’installent (51 % d’entre eux), mais
ce taux est de 90 % chez les ORL et de 34 % chez les dermatologues.
Dans cet ensemble, la chirurgie constitue une particularité avec un
taux très élevé dès le départ : 30 % en 1985, 66,5 % en 1990 et plus de
80 % en 2005. Le rattrapage offert en 1998 aux ACCAS déjà installés en
secteur 1 de 1980 à 1990 a sans doute entériné une situation de fait,
puisque le taux de chirurgiens installés en secteur 2 a connu un saut en
1997 (en passant en un an de 71 % à 76 %).
b)
Nombre d’actes facturés avec dépassement et taux de dépassement
La croissance du nombre d’actes facturés avec dépassement est
parallèle à celle des actes réalisés (+2 % par an de 1990 à 2004) : en
d’autres termes, la part d’actes facturés avec dépassement n’augmente
pas.
C’est en revanche le taux de dépassement qui explique avant tout
la croissance du montant des dépassements facturés. Ce taux est passé de
23 % à 51 % entre 1985 et 2005 avec des différences importantes entre
spécialités.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
221
Source :
CNAMTS
L’évolution de l’effectif des spécialistes exerçant en secteur 2 et
celle des taux de dépassement pratiqués constituent bien entendu un
obstacle croissant à la mise en oeuvre des principes essentiels de notre
système de protection sociale, que sont l’égalité d’accès aux soins et la
liberté de choix des assurés :
-
8 % n’ont pas d’assurance maladie complémentaire ;
-
85 % sont couverts par un organisme complémentaire d’assurance
maladie, mais près de 40 % de ces assurés n’ont pas de prise en charge
des dépassements.
En ce qui concerne les 7 % restants, bénéficiaires de la CMUC, la
conséquence en est davantage un refus de soins, les dépassements ne leur
étant, en principe, pas facturables
242
. Il convient de souligner que cet
aspect important de la question des dépassements -transfert de
financement sur les ménages et refus de soins pour les bénéficiaires de la
CMUC- était jusque récemment très mal connu et qu’il commence
seulement à faire l’objet d’études spécifiques.
242. La réalité est un peu différente car des dépassements leur sont facturés. Dans son
rapport sur les dépassements d’honoraires médicaux (avril 2007), l’IGAS a mis en
évidence ce phénomène : si globalement, pour eux, les dépassements sont contenus en
nombre (1,6 % au total), le pourcentage devient significatif dans certaines spécialités :
13 % en chirurgie générale ou urologique, 8 % pour les consultations d’anesthésie, de
dermatologie, de gynécologie et de chirurgie orthopédique.
Taux de dépassement des médecins APE du secteur 2
1985 - 2004
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
30,0%
35,0%
40,0%
45,0%
50,0%
55,0%
85
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
2000
2001
2002
2003
2004
Total chirurgiens
Tot. spécialistes
222
C
OUR DES COMPTES
3
Les chirurgiens
Comme
l’ont
montré
les
développements
précédents,
les
chirurgiens se sont toujours démarqués de l’ensemble des spécialités, tant
en nombre de médecins exerçant en secteur en 2 (lui-même fonction de la
forte proportion d’ACCAS) qu’en taux de dépassement pratiqué.
En raison de la négociation relative au secteur optionnel dont cette
spécialité est à l’origine, la CNAMTS a produit des analyses affinées sur
cette discipline. Celle-ci se compose de plusieurs sous-spécialités dont les
effectifs sont les suivants :
Effectif libéral
APE secteur 1 en
2005
Effectif libéral
APE secteur 1 DP
en 2005
Effectif libéral
APE secteur 2 en
2005
TOTAL
Chirurgie générale*
508
19
1 927
2454
Neurochirurgie
16
0
65
81
Chirurgie urologie
63
3
447
513
Chirurgie orthopédique
et traumatique
195
5
1 162
4 362
TOTAL
782
27
3 601
4 410
*Chirurgie générale, infantile, maxillo-faciale, plastique, thoracique et cardiaque,
vasculaire, viscérale.
Source :
SNIR 2005 provisoire
Les dépassements en chirurgie sont plus fréquents pour les actes
cliniques (76 %) que techniques (47 %), en revanche le taux de
dépassement facturé est plus important pour les actes techniques (113 %)
que cliniques (73 %), ce qui met en évidence un phénomène en apparence
paradoxal selon lequel le taux de dépassement croît avec la valeur du tarif
opposable. Certaines dérives ont été cernées par la CNAMTS qui
concernent les cas de dépassement que l’on peut qualifier d’exor-
bitants
243
: 3 et 4 fois le tarif opposable.
243. Dans cette étude, la CNAMTS a examiné les actes avec des dépassements variant
entre 0 % et 700 %. Elle en avait écarté les taux supérieurs à 700 % qualifiés
«d’extrêmes ».
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
223
Dépassements supérieurs à 200 % (plus de 3 fois le tarif opposable)
Libéraux
Hospitaliers à temps plein
activité privée
Moins de 20 % des actes
3 369
90 %
326
65 %
Entre 20 et 50 % des actes
230
6 %
30
6 %
Entre 50 et 80 % des actes
107
3 %
57
11 %
plus de 80 % des actes
30
1 %
85
17 %
Total des médecins concernés
3 736
100 %
498
100 %
Note de lecture : 1 % des chirurgiens libéraux et 17 % des HTP facturent plus de
80 % de leurs actes avec un dépassement supérieur à trois fois le tarif opposable.
Source :
CNAMTS
Les disparités géographiques sont également très importantes et
s’expliquent en partie par une corrélation intéressante qui suggère un effet
d’entraînement redoutable : plus la part de médecins en secteur 2 dans un
département est importante, plus le taux de dépassement pratiqué est
élevé.
Relations entre la part de chirurgiens en secteur 2
et le montant moyen des dépassements par département
0 €
20 €
40 €
60 €
80 €
100 €
120 €
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Part de médecins en secteur 2
Montant moyen des dépassements
Note de lecture : les points du graphique représentent les divers départements
.
Source :
SNIR 2004
Enfin, certaines sous-spécialités remettent totalement en question
le principe d’égal accès aux soins : dans deux sous-spécialités -la
chirurgie urologique et orthopédique- le monopole du secteur 2 s’exerce
sur une part importante du territoire national : 27 départements ne
224
C
OUR DES COMPTES
disposent d’aucun chirurgien urologue de secteur 1 aussi bien parmi les
574 urologues libéraux que parmi les 116 urologues hospitaliers
244
. La
situation est identique, s’agissant de la chirurgie orthopédique, dans 16
départements.
Bien qu’une telle situation ne soit pas acceptable, les partenaires
conventionnels n’ont guère réagi. La CNAMTS ne s’est saisie de la
question que récemment à l’occasion de la création en 2006 de la
direction du contrôle contentieux et de la répression des fraudes. Cette
prise de conscience s‘est manifestée par la volonté de s’attaquer aux cas
manifestes d’abus et de les déférer devant les instances disciplinaires de
l’ordre
245
.
L’ordre des médecins s’en tient, pour sa part, à l’article 53 du code
de déontologie qui indique que « les honoraires doivent être déterminés
avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur,
des actes dispensés ou de circonstances particulières »
246
et exclut toute
hypothèse de normalisation
247
. Bien que l’ordre ait reconnu des abus (en
évoquant « les abus d’honoraires, même en faible nombre, qui jettent le
discrédit sur l’ensemble de la profession ») sa position constante a été
rappelée en décembre 2005.
4
Quelle légitimité pour le secteur optionnel ?
Outre l’importance et la fréquence des dépassements observés en
chirurgie, ce secteur a bénéficié d’un protocole particulièrement
244. C’est le cas du Rhône, des Hauts de Seine, de l’Essonne,du Val de Marne,de la
Seine et Marne, de la Gironde, des Alpes Maritimes, du Puy de Dôme, de la Cote
d’Or, des Cotes d’Armor mais aussi de départements moins urbains comme l’Ain, les
Alpes de Haute Provence, l’Ardèche, l’Aube, l’Aude, l’Aveyron, la Corrèze, la
Dordogne, l’Eure, la Corse du Sud, le Gard, l’Indre, la Haute Saône, la Haute Loire et
la Sarthe. Cela concerne 27 % de la population française. Par ailleurs, en prenant en
compte les départements où le pourcentage de spécialistes du secteur 2 est supérieur à
90 %, il y a lieu de rajouter huit autres départements tous de taille importante. 20% de
la population française est concernée.
245 . A cette fin, elle a procédé à un ciblage, dans dix CPAM, des médecins
pratiquant, pour 80 % de leurs actes, des dépassements supérieurs à trois fois le tarif
opposable. Neuf médecins ont ainsi pu être identifiés. La saisine des ordres régionaux
concernés doit être effectuée.
246. Le serment d’Hippocrate prononcé par chaque médecin lorsqu’il soutient sa
thèse indique que « je donnerai mes soins gratuits à l’indigent et je n’exigerai jamais
un salaire au dessus de mon travail ».
247. Tout manquement à l’article 53 est passible de poursuites devant les instances de
l’ordre, mais celles ci sont peu nombreuses et aboutissent rarement. Mais l’ordre
indique notamment que « la référence au tarif opposable et l’existence d’un
coefficient multiplicateur « acceptable » que l’on pourrait appliquer à ce tarif
opposable ne peuvent être retenus».
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
225
avantageux en août 2004. Fondé notamment sur le constat « de la crise
que traverse cette spécialité depuis plusieurs années », constat qui peut au
demeurant être parfaitement contesté, ce protocole comportait neuf points
et la déclaration liminaire évoquait un engagement conditionnel visant à
créer en chirurgie un secteur optionnel de liberté tarifaire encadrée
248
.
Deux ans après la signature de ce protocole, une crise très
médiatisée a éclaté au motif que deux des neuf points du protocole relatifs
à la liberté d’installation et aux revalorisations tarifaires n’auraient pas été
suivis d’effet.
La mission d’évaluation confiée à l’IGAS en vue de faire un bilan
d’application du protocole a conclu que les engagements tarifaires avaient
été tenus. Selon les estimations de la DSS, le protocole avait induit des
dépenses supplémentaires de 126 M€. Sur la base de 5800 chirurgiens ou
de 4 300 chirurgiens APE, il a donc généré un gain moyen annuel
d’honoraires variant entre 21 000 et 29 000 € par chirurgien soit plus que
le salaire moyen net annuel constaté en 2004 en France métropolitaine
(22 232 €). Ces gains financiers s’ajoutent à ceux déjà constatés en
matière de dépassement.
L’importance des dépassements nécessite maintenant une réaction
de la part des pouvoirs publics et des partenaires conventionnels pour
aboutir à une régulation du secteur 2 autrement que par le biais
-inefficace- du respect du tact et de la mesure. Cette régulation qui,
compte tenu de l’état des lieux, ne peut être limitée à la chirurgie devrait
conduire à l’instauration d’un double taux de plafonnement (taux de
dépassement et part des actes à tarifs opposables) et à la modulation de ce
double taux selon les spécialités et les zones géographiques, afin de
garantir l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Ce faisant
on ne ferait que revenir à la notion de seuil minimal d’actes à tarif
opposable prévu pour le secteur 2 par la convention de 1990
249
.
Cette nécessaire régulation devra être articulée avec les décisions
susceptibles d’être prises en matière de secteur optionnel par les
partenaires conventionnels qui viennent encore tout récemment de
réaffirmer leur souhait de le mettre en place (en application de la loi du
30 janvier 2007 aucune décision n’ayant été prise par le ministre de la
248. « Elle (une solution pérenne) pourrait consister en la création d’un « secteur
optionnel » en honoraires opposables et dont le plafond des dépassements est négocié
en accord entre l’UNCAM, l’UNOCAM et les organisations médicales. L’objectif de
ce secteur est d’atteindre, pour ces professions, au 30 juin 2005, un niveau minimal de
tarification chirurgicale compte tenu de la participation des organismes complémen-
taires ».
249. Ce seuil était de 25 % mais il n’a jamais été mis en oeuvre, la convention de 1990
ayant été annulée par le juge administratif.
226
C
OUR DES COMPTES
santé avant juillet 2007, la décision est reportée aux négociations
conventionnelles à venir).
III - La classification commune des actes médicaux
Pour pouvoir être pris en charge par l’assurance maladie
obligatoire, les actes accomplis par les professionnels de santé libéraux
doivent être inscrits sur une liste à partir de laquelle sont fixés les tarifs de
remboursement. Pour les actes médicaux, cette double fonction a été
assurée jusqu’en 2005 par la nomenclature générale des actes
professionnels (NGAP).
Celle-ci affectait chaque acte médical d’une lettre-clef
250
dont la
valeur était fixée par les partenaires conventionnels. Pour les 1 500 actes
techniques répertoriés, la lettre-clef était elle-même modulée par un
coefficient (l’appendicectomie était cotée KCC 70 par exemple). En
raison de la faible évolution de la NGAP, certains actes n’ont pas fait
l’objet d’une mesure d’inscription et ont été facturés par les médecins par
assimilation avec des actes cotés.
Parallèlement, dans les établissements de santé publics et privés, a
été développé le catalogue des actes médicaux (CDAM) destiné à décrire
et à coder les actes réalisés, en particulier pour alimenter les informations
constitutives du PMSI introduit dès 1990 dans les établissements
(programme de médicalisation des systèmes d’information)
251
.
Divers éléments ont donc convergé vers la nécessité de refondre la
classification tarifante des actes médicaux : l’obsolescence de la NGAP
dont la hiérarchie des tarifs était par ailleurs devenue peu pertinente ; le
projet de codage des actes (un code identifiant par acte) inscrit dans la loi
depuis janvier 1993 ; enfin le projet d’introduire une description des actes
proche de celle du PMSI dans les établissements publics et privés qui
rendait inenvisageable une coexistence durable de deux systèmes de
description des actes. Leur fusion était l’objet de la classification
commune des actes médicaux (CCAM).
Cependant, cette dernière se limite aux actes techniques délivrés
par les médecins, la classification des actes cliniques restant à effectuer.
En outre, la CCAM ne porte pas sur les actes accomplis par les
infirmières, les kinésithérapeutes, les dentistes, les sages-femmes, les
anatomo-cytopathologistes qui restent soumis à la NGAP.
250. Par exemple C (consultation) et V (visite) pour les actes cliniques et, pour les
actes techniques, K-KC (actes de spécialités et de chirurgie pratiqués par le médecin).
251. Pour les spécialistes intervenant dans les cliniques, leurs actes étaient donc
décrits selon le CDAM dans le PMSI et facturés en honoraires cotés selon la NGAP.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
227
A
Les principes de la CCAM
La mise en place d’une classification tarifante des actes médicaux
a été décidée formellement par la commission permanente de NGAP le
15 février 1996. Cette date a marqué le début officiel d’un chantier de dix
ans.
Les principes de la CCAM sont les suivants : constituer une liste
des actes exhaustive, bijective (un code correspond à un libellé et un
seul), non ambiguë (ce que comprend l’acte doit être précisé de façon
explicite), compréhensible pour tous et évolutive.
Son élaboration a reposé sur trois étapes principales :
-
la hiérarchisation des actes d’une spécialité, décrits avec le concours
des sociétés savantes, selon quatre critères : la durée, le stress lié au
risque pour le patient, la compétence technique et l’effort mental pour
le praticien. Les éléments autres que la durée étant des données en
partie subjectives, la méthode a consisté à déterminer pour chaque
spécialité un acte de référence servant d’unité de mesure
252
;
-
le passage de la hiérarchie par spécialité à une hiérarchie inter-
spécialités afin de définir une échelle commune. Il en est résulté qu’à
chaque acte a été attribué un score de travail, calculé en nombre de
points. Multiplié par un facteur de conversion monétaire
253
, ce score
de travail a constitué le premier élément du tarif de l’acte ;
-
la prise en compte des autres éléments de coût à rémunérer : il s’agit
du coût de la pratique
254
, qui recouvre les charges professionnelles des
praticiens (frais de personnel, de matériel, charges locatives….) : ces
charges ont été évaluées avec l’institut de la recherche sur l’économie
de la santé (IRDES) à partir des données de la direction générale des
impôts
255
. Elles sont affectées à chaque acte au prorata du travail
médical, en euros par acte.
252. Par exemple en néphrologie, l’acte de référence est la ponction biopsie du rein
par
voie
transcutanée,
après
repérage
échographique,
radiographique
ou
scanographique.
253. Ce facteur de conversion monétaire s’élève à 0,44 € et a été calculé sur la base
des fréquences d’actes en 2004 comme le ratio : (montant total des honoraires 2004 –
coût de la pratique)/nombre total de points d’après la CCAM cible.
254. Il s’agit d’un coût moyen qui varie selon la spécialité : il est élevé pour les
disciplines utilisant un matériel coûteux (imagerie, radiothérapie) et peut atteindre
60 % du chiffre d’affaires ; il est plus modeste pour les disciplines essentiellement
cliniques (43 % pour la médecine générale). Le coût réel varie davantage en fonction
du lieu, du mode d’installation et d’exercice de chaque praticien.
255. Pour les actes relativement rares (pratiqués seulement par certains médecins
d’une spécialité) et particulièrement coûteux, des coûts « spécifiques » ont été évalués
à partir d’enquêtes.
228
C
OUR DES COMPTES
Au total, chaque acte a ainsi été affecté d’un code et d’un tarif en
euros.
La comparaison de deux actes de la même discipline comportant le
même coût de la pratique illustre le fait que les tarifs de la CCAM cible
sont proportionnels aux scores de travail.
Ainsi l'échographie
biométrique et morphologique d'une grossesse
uniembryonnaire effectuée au premier trimestre est codée JQQMO10
pour un tarif cible de 61,47 €, correspondant à un score de travail de 73
points
256
.
L'échographie biométrique et morphologique d'une grossesse
unifoetale effectuée au deuxième trimestre, codée JQQM018, a un tarif
cible de 100,19 € correspondant à un score de travail de 119 points.
La CCAM ainsi élaborée constitue en principe un instrument de
gestion tarifaire à la fois pertinent -une hiérarchisation et une valorisation
rénovées- et souple puisqu’un seul acte peut voir son tarif modifié sans
entraîner toute une classe d’actes dans son sillage. Le codage permet par
ailleurs de connaître, pour chaque acte désormais identifié, l’exacte
quantité d’actes réalisés et d’estimer l’impact d’une mesure tarifaire, ce
que ne permettait pas le système de cotation par lettres-clefs et
coefficients. Enfin, la mise en place concomitante de la T2A dans les
cliniques a aussi renforcé cette flexibilité : en créant les tarifs forfaitaires
de séjours (GHS), elle a fait disparaître l’ancienne tarification des frais
d’hospitalisation versés à la clinique (les forfaits de salle d’opération) et,
de facto, toute indexation de celle-ci avec la cotation des actes de
praticiens.
B
Une application qui s’éloigne des principes initiaux
Dans le courant de l’année 2002, alors que la hiérarchisation de la
CCAM était en voie d’achèvement, des négociations relatives à sa mise
en oeuvre ont été menées entre les caisses nationales et les syndicats de
médecins qui ont abouti à un accord conclu en février 2005. Il a été
décidé que la CCAM se substituerait le 31 mars 2005 à la NGAP, en tant
que nomenclature tarifante des actes et fin 2005 au CDAM, en tant que
classification descriptive des actes dans le PMSI.
Mais la mise en oeuvre telle qu’elle a résulté des négociations
conventionnelles s’est éloignée sur plusieurs points importants des
principes initiaux.
256. Le calcul de ce tarif cible se décompose ainsi à : 73*(0,44 €+0,402€) = 61,47 €,
où 0,44 € est le facteur de conversion monétaire et 0,402 € le coût de la pratique.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
229
1
Les coefficients techniques modificateurs
Les modificateurs constituent des informations associées au libellé
des actes qui ont pour effet d’en majorer le tarif lorsqu’ils sont accomplis
dans certaines circonstances, comme par exemple les interventions
d’urgence, de nuit, ou le fait de soigner un enfant ou une personne âgée.
Si le maintien de ces modificateurs apparaît justifié, l’introduction par
voie
de
négociations
conventionnelles
de
modificateurs
qui
contreviennent à la logique même de la CCAM, selon laquelle à un acte
correspond un tarif et un seul, est critiquable.
Certains modificateurs ont ainsi été introduits dans la CCAM
comme un moyen de maintenir le niveau de tarification de l’ancienne
NGAP. Par leur nombre et par leur objet, ces coefficients remettent en
cause la cohérence initiale de la démarche puisqu’un même acte est coté
de manière différente selon son auteur.
Pour une radiographie pulmonaire le tarif simple sans modificateur
s’applique si cet acte est réalisé par un généraliste.
Si le même acte
est réalisée par un pneumologue ou un rhumato-
logue le tarif
est affecté du modificateur Y et majoré de 15,8 %.
Si la radiographie est réalisée par un radiologue, le tarif est affecté
du modificateur Z et majoré de 21,8 %.
2
Un objectif de neutralité financière abandonné
Les travaux de la CCAM avaient été conçus pour permettre de
redistribuer les honoraires entre les différentes disciplines, sur la base de
la nouvelle échelle commune et du principe d’une neutralité financière
globale. Un transfert de financement entre la radiologie et la chirurgie
était en particulier sous-jacent au projet, qui devait notamment générer
une économie de 200 M€ sur les actes de radiologie.
Or
ce
principe
n’a
guère
été
appliqué
dans
les
textes
conventionnels successifs (accord de février 2005, avenants 12 de mars
2006 et 23 de mars 2007) :
-
dans l’accord de février 2005, les actes des spécialités perdantes ont
vu en effet leurs tarifs maintenus au lieu d’être baissés alors que les
tarifs des spécialités gagnantes ont été majorés, dans une première
étape, du tiers de l’écart vers les tarifs cibles (tels que fixés dans la
CCAM originelle). Ce premier train de mesures a coûté 180 M€ à
l’assurance maladie ;
-
l’avenant n° 12 du 3 mars 2006 a accéléré l’octroi des hausses
supplémentaires. Cet avenant dont le coût se monte à 23,1 M € prévoit
des hausses supplémentaires pour les disciplines qui ont subi une
230
C
OUR DES COMPTES
baisse de leur activité liée à la mise en place du parcours de soins
coordonné,
à
savoir
l’oto-rhino-laryngologie,
la
rhumatologie,
l’allergologie, l’angéiologie. Pour les actes concernés, le taux de
revalorisation a été porté de 33 % à 66 % ou 100 % de l’écart entre les
tarifs cibles et les tarifs de départ ;
-
l’avenant n° 23 de mars 2007 représente un nouveau surcoût global
de 63,8 M€. Certes, il prévoit des baisses de tarifs qui sont estimées à
69 M€, grâce notamment à une baisse de 6,6 % des actes de médecine
nucléaire, de 10 % de certains actes de cardiologie, enfin de 40 % du
supplément de numérisation en radiologie. Cependant ces baisses sont
inférieures aux hausses consenties pour financer le passage de 33 % à
58 % de l’écart par rapport aux tarifs cibles pour d’autres disciplines ;
en outre inférieures aux 200 M€ d’économies prévues dans la CCAM
cible.
Au total ce dispositif asymétrique et contraire au principe de
redistribution initialement envisagé a donc engendré un surcoût total
estimé à 268 M€ pour l’assurance maladie
257
. Le tableau suivant récapi-
tule les hausses et les baisses intervenues, en mettant l’accent sur les deux
disciplines les plus exposées, chirurgie et radiologie.
Application de la CCAM dans le temps
En M€
Avenant n°23
CCAM cible
CCAM mars 2005
Avenant n°12 mars
2006
avril 2007
Montants
constatés
en 2004
Objectif
cible
Objectif
cible %
1ère
étape
CCAM
%
Montants
%
Montants
CCAM
V6
2ème
étape
CCAM
%
Total disciplines
gagnantes
2371,5
315,6
13,3%
174
7,3%
18
0,8%
2 980,50
138
4,6%
dont chirurgie
633,4
89,9
14,2%
39,9
6,3%
689,88
35,5
5,1%
Total disciplines
perdantes
258
3987,5
-283,1
-7,1%
-6,9
0,2%
5,1
0,1%
4 108,10
-74,2
-
1,8%
dont radiologie
(y compris
forfaits
techniques)
2597
-200,0
-7,7%
0
0%
2914,99
-69,4
-
2,4%
Total
6 359
32,5
0,5%
180,9
2,80%
23,1
0,4%
7 088,60
63,8
0,9%
Note de lecture : dans la ligne « total », les montants de 6 359 M€ et de 7 088,6 M€
correspondent au total en base des honoraires de disciplines gagnantes et perdantes. Les
autres montants indiquent l’impact sur ces bases des hausses et des baisses de tarifs.
Source :
CNAMTS
257. Ce chiffrage n’intègre pas l’avenant n° 24 à la convention nationale entre les
médecins et l’assurance maladie conclu au cours de l’été 2007, pris dans le cadre du
plan d’économies consécutif à l’alerte déclenchée le 29 juin 2007. Ce plan prévoit
notamment une mesure de baisse des tarifs de radiologie.
258. Compte non tenu de la radiothérapie et de la médecine nucléaire.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
231
3
Une extension excessive du champ de la négociation
Comme le montre l’exemple des chirurgiens, les négociations
conventionnelles ont dès lors inclus comme un volet récurrent la
revalorisation des actes, sans correspondance avec des évolutions réelles ;
mais aussi, ce qui est encore plus discutable, la revalorisation des
coefficients modificateurs et ce en distinguant même entre secteurs 1 et 2
(distinction contraire à la logique de valorisation objective des actes).
En effet, parallèlement aux négociations sur la mise en oeuvre de la
CCAM, les chirurgiens ont obtenu la signature d’un protocole d’accord
propre à cette spécialité le 24 août 2004 (voir supra). Parmi les mesures
adoptées, deux devaient conduire à une augmentation de 25 % de leurs
recettes hors dépassements et se sont traduites notamment par
l’instauration de deux modificateurs : une majoration transitoire J de
6,5 % (MTC) pour tous les chirurgiens et un forfait modulable
(K+11,5 %) pour les seuls chirurgiens de secteur 1.
Si l’on se réfère à la CCAM stricto sensu, les chirurgiens n’ont
obtenu que le tiers du gain prévu par la CCAM cible et seraient donc en
droit d’obtenir l’augmentation moyenne prévue par celle-ci, soit
14,2 %
259
. En revanche, si l’on tient compte des modificateurs J et K,
l’augmentation d’ores et déjà accordée aux chirurgiens du secteur 1 est
supérieure à 25 %, soit près du double de celle prévue par la CCAM
cible.
4
L’absence de classification pour les actes cliniques
Le coût de la mise en place de la CCAM s’est déjà ainsi révélé
important alors même que la classification n’est mise en oeuvre que de
façon partielle, puisqu’elle est limitée aux actes techniques, à l’exclusion
des actes cliniques qui représentaient en 2004 près des trois quarts des
soins médicaux remboursables.
Le projet de refonte de la nomenclature des actes cliniques destiné
à hiérarchiser les consultations par niveaux est également en cours, mais
se heurte à des difficultés de définition et de valorisation des critères de
différenciation par niveaux. Dans l’attente des mesures définitives seule
une revalorisation partielle d’abord transitoire puis permanente a été
décidée.
259. Hausse moyenne y compris les actes perdants.
232
C
OUR DES COMPTES
IV - Le médecin traitant (MT) et le parcours de
soins coordonné (PSC)
Parmi les nombreuses dispositions que comporte la réforme de
l’assurance maladie (loi du 13 août 2004) la création du médecin traitant
(articles 7 à 10) a été présentée comme une mesure phare : en moins d’un
an, cette mesure devait en effet conduire à inscrire dans une organisation
nouvelle des soins médicaux -le parcours de soins coordonné- l’ensemble
des assurés de plus de 16 ans (soit 50 millions de bénéficiaires) et la
totalité des médecins généralistes et spécialistes, libéraux et salariés,
exerçant en ville et/ou en établissement.
Le principe en est simple : tout assuré désigne un médecin traitant
et le consulte avant de recourir à un autre médecin prescrit par le MT.
Pour renforcer l’acceptabilité de la réforme, le législateur a décidé
d’associer les professionnels de santé à sa mise en oeuvre et a confié aux
partenaires conventionnels le soin de définir l’essentiel des mesures
d’application.
Dans le volet de la loi consacré à l’amélioration de la coordination
des soins, cette mesure est confortée par la création du dossier médical
personnel (DMP), initialement appelé dossier médical partagé et par la
modification de la prise en charge des affections de longue durée (ALD).
A
Le contexte
Avant d’examiner les réalisations intervenues entre le vote de la loi
et la fin de 2006, il apparaît nécessaire de rappeler le contexte dans lequel
le nouveau dispositif s’inscrit.
1
Le prérequis politique
La conception de la réforme de 2004 a été orientée par un
prérequis politique : effacer les effets de la réforme mise en oeuvre par les
ordonnances de 1996, réconcilier les médecins libéraux avec les pouvoirs
publics
et
l’assurance
maladie,
remettre
sur
les
rails
la
vie
conventionnelle.
Ce choix initial explique trois caractéristiques essentielles du
dispositif MT/PSC :
-
il doit préserver les fondements de la médecine libérale que sont
notamment le libre choix du patient et le paiement à l’acte ;
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
233
-
la définition de ses modalités d’application est déléguée aux
partenaires conventionnels, sur la base des principes fixés par le
législateur
260
;
-
ses novations structurelles doivent s’inscrire progressivement dans la
continuité des pratiques antérieures.
Dans ces conditions, la difficulté de l’exercice est extrême : il
s’agit de pallier les principaux défauts dus à l’inorganisation des soins
médicaux, sans pour autant créer une rupture jugée politiquement
insoutenable.
2
Les travaux préparatoires
L’élaboration du dispositif s’est nourrie des travaux préparatoires
menés, dans cette perspective, par le haut conseil pour l’avenir de
l’assurance maladie (HCAAM) et par des missions particulières de
l’IGAS
261
.
Un
diagnostic
commun
a
été
formulé
sur
l’insuffisante
organisation du système de soins, source d’inefficience médicale et
économique : « le système de soins n’est justement pas organisé comme
un système, car il ne coordonne pas avec systématisme, pour les patients
qui s’adressent à lui, tous les moyens dont il dispose » (HCAAM).
Les travaux préparatoires ont également estimé que les expériences
antérieures d’amélioration de la coordination, initiées par l’ordonnance du
24 avril 1996 (filières et réseaux) et par la convention médicale de 1997
et son avenant n°1 (option du médecin référent) étaient insuffisamment
développées et évaluées. Toutefois, dans l’esprit de continuité ci-dessus
rappelé, un approfondissement des éléments existants a été préféré à une
réorganisation radicale s’inspirant peu ou prou de formules anglo-
saxonnes
262
, peu compatibles au demeurant avec le maintien politique-
ment souhaité des principes de la médecine libérale à la française.
Le HCAAM soulignait par ailleurs la diversité du recours au
système de soins : en 2004, 15 % de la population avait une
consommation inférieure à 40 € par an et la consommation de la
population en ALD était 9,6 fois plus importante que celle du reste de la
population.
De son côté, l’IGAS distinguait trois aspects organisationnels à
améliorer :
260. L’article 8 de la loi étend à cette fin le champ de compétences des partenaires
conventionnels défini dans l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.
261. Rapport du HCAAM de janvier 2004, rapport IGAS n° 2004-043 d’avril 2004.
262. Filière de soins dans le cadre du National Health Service britannique ou réseaux
mis en place par les Health Maintenance Organizations américaines.
234
C
OUR DES COMPTES
-
le suivi en continu des assurés bien portants, axé sur la prévention et
le maintien en bonne santé, confié à un médecin de famille/médecin
traitant ;
-
la coordination entre médecins lors de la survenue d’un épisode
pathologique et de traitements n’ayant pas de caractère grave ni
coûteux ;
-
la prise en charge des malades chroniques ou polypathologiques le
plus souvent inscrits en ALD (affection de longue durée) qui comporte
elle-même deux volets : d’une part, un approfondissement du protocole
de soins existant, à savoir le PIRES
263
auquel la LFSS de 2004 donne
un fondement législatif, d’autre part une meilleure définition du suivi
coordonné de ces malades.
En dépit de la diversité des prises en charge à organiser, le choix
du législateur s’est porté sur un dispositif unique, à charge pour les
partenaires conventionnels de savoir développer et harmoniser des
réponses adaptées à ces besoins spécifiques.
3
Les problèmes connexes pris en compte
Outre
l’insuffisante
organisation
des
soins
médicaux,
la
modélisation du nouveau dispositif a tenté de prendre en compte certains
problèmes connexes importants, les uns spécifiques aux médecins
généralistes, les autres aux spécialistes, déjà examinés dans le
développement consacré aux rémunérations et revenus des médecins
libéraux.
-
en ce qui concerne les premiers, il s’agit de la désaffection constatée
dont cette discipline est l’objet, due davantage aux conditions
d’exercice de la profession qu’à des facteurs purement financiers ;
-
en ce qui concerne les seconds, il s’agit principalement des tensions
créées par la dérive du secteur 2 instauré en 1980 (honoraires
opposables
facturés
avec
dépassements)
et
des
revendications
particulières des spécialités chirurgicales.
B
Les principes novateurs
1
Un dispositif général fondé sur la responsabilisation des
assurés
Le dispositif MT/PSC s’impose à l’ensemble des assurés et des
médecins : contrairement aux précédentes tentatives d’amélioration de la
coordination des soins, il ne s’agit ni d’expérimentations (filières et
réseaux) ni d’une option facultative (médecin référent).
263. Protocole interrégime d’examen spécial.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
235
Les modalités choisies pour généraliser le dispositif sans le rendre
obligatoire, ce qui romprait alors le principe de liberté de choix du
patient, reposent sur une seconde novation : la responsabilisation de
l’assuré dont la prise en charge financière est modulée en fonction de son
comportement vertueux ou non. Il n’y a pas d’équivalent pour les
médecins
264
.
Ce système est à base d’incitations négatives : il n’y a pas
d’incitation positive en cas de comportement vertueux de l’assuré, tels
que tiers payant ou taux de remboursement plus favorable. Il s’appuie sur
la mise en cohérence des régimes d’assurance maladie obligatoire et
complémentaires par le biais des contrats responsables : ceux-ci
interdisent aux régimes complémentaires le remboursement de tout ou
partie des incitations négatives ou pénalités.
2
Des relations nouvelles entre assurés, médecins généralistes et
spécialistes
a)
La relation entre médecin traitant et assuré
Le dispositif instaure une relation juridique nouvelle entre
médecins traitants et assurés tout en entérinant une réalité qui préexistait à
la réforme, le médecin de famille : tout médecin se voit en effet rattacher,
à l’intérieur de sa patientèle, une population identifiée d’assurés qu’il
prend en charge en tant que MT, car chaque assuré désigne son MT avec
l’accord signé de ce dernier.
Ceci ouvre la possibilité de cerner voire d’orienter les pratiques du
MT en fonction des caractéristiques médico-administratives de sa
population de patients suivis. Cette perspective intéressante qui dépasse
les actions permises par les relevés individuels d’activité et de
prescription (RIAP) trouve un début de concrétisation dans l’avenant
n° 23 de mars 2007 : celui-ci définit des actions de prévention telles que
la vaccination antigrippale chez les personnes âgées, les traduit en
objectifs quantifiés (taux de couverture de 75 % des personnes âgées de
plus de 65 ans) et précise que ces objectifs seront déclinés et évalués pour
chaque MT au vu de sa patientèle.
264. Des sanctions sont en revanche prévues à l’encontre des médecins en ce qui
concerne le DMP : leur adhésion à la convention ou son maintien sont subordonnés à
la consultation ou à la mise à jour du dossier. Ces sanctions sont, aux termes de la loi,
applicables à compter du 1
er
juillet 2007, mais le DMP ne sera qu’ultérieurement mis
en oeuvre.
236
C
OUR DES COMPTES
Le médecin de famille avant la réforme
Selon l’enquête santé soins et protection sociale (ESPS) réalisée par
l’IRDES auprès des ménages en 2002, 90% des personnes interrogées
avaient un généraliste habituel. Cette proportion s’élevait à plus de 95 %
parmi les personnes ayant un risque vital possible ou important.
Ces résultats, obtenus auprès des assurés, sont confortés par ceux
d’une enquête réalisée par la DREES en 2002 auprès des médecins
généralistes libéraux sur le contenu et l’issue de leurs consultations
265
.
Dans 75 % des cas, les généralistes assuraient un suivi régulier des
patients qu’ils examinaient. Seules 7 % des consultations et visites avaient
été a contrario l’occasion d’une première rencontre entre le médecin et le
patient, les autres concernant des patients vus occasionnellement. Le
recours au médecin était motivé dans plus de 40 % des cas par le suivi
d’une affection chronique.
b)
La relation entre le médecin traitant et les autres médecins
Le dispositif transforme aussi la relation entre médecins traitants et
médecins de second recours (dans la pratique, la relation entre
généralistes et spécialistes) : aux termes de la loi, les seconds doivent être
« prescrits » par les premiers, reconnus comme niveau de premier
recours. Certaines exceptions de bon sens sont prévues qui tiennent soit
aux circonstances de la consultation chez le spécialiste (urgence ou
éloignement du lieu de résidence), soit aux spécialités elles-mêmes dont
certaines, définies par la convention en application de la loi de 2004,
doivent demeurer en accès direct.
Accès directs et consultations adressées avant la réforme
Selon les données recueillies par l’IRDES en 2004
266
, l’accès
direct aux spécialistes résultant d’une initiative personnelle concernait
32 % des consultations.
Parmi les 68 % de consultations restantes, 4% n’étaient pas
renseignées quant à leur origine et 64 % représentaient des consultations
adressées : 30 % de consultations faisaient suite à la demande du
spécialiste de revoir son patient, 27 % au conseil d’un généraliste, moins
de 7 % au conseil d’un autre spécialiste.
Trois catégories de spécialistes se distinguaient en matière d’accès
aux soins :
- les spécialistes pour lesquels l’accès se faisait principalement à
l’initiative du patient : les dermatologues (61 % en accès direct), les
ophtalmologistes (57 % en accès direct) et les gynécologues (47 % en
accès direct) ;
265. Etudes et résultats n° 315 juin 2004.
266. Questions d’économie de la santé n° 106 avril 2006.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
237
- les spécialistes consultés très majoritairement après conseil
médical (y compris celui du spécialiste consulté) : les anesthésistes,
radiologues, endocrinologues, chirurgiens, pneumologues, cardiologues,
gastro-entérologues et rhumatologues ;
- enfin ceux qui avaient un accès mixte sur adressage ou sur
initiative du patient, essentiellement les psychiatres et les ORL (40 % des
séances en accès direct).
Après pondération par la fréquence des consultations pour chacune
des spécialités, les gynécologues réalisaient avant la réforme 31 % des
accès directs aux spécialistes, les ophtalmologues 21 %, les dermatologues
12,6 %.
c)
Le partage des informations médicales et médico-administratives
Enfin, la coordination entre le patient et les différents médecins qui
le prennent en charge doit être favorisée par la circulation et le partage
des données médicales rendus possibles par le DMP et des données
médico-administratives de l’assurance maladie mises à disposition des
médecins par le webmédecin (également créé par la loi d’août 2004)
267
.
Le principe du partage des informations médicales entre
médecins
268
est différent de celui introduit par la loi 2002-303 (relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé) qui donne le
droit aux patients d’avoir accès au dossier médical le concernant : le
DMP est appelé à concilier ces deux caractéristiques récentes de
l’information médicale.
3
Un dispositif renforcé par la démarche de maîtrise
médicalisée
Dans ses principes essentiels, le dispositif MT/PSC introduit donc
des transformations structurelles significatives dans l’organisation des
soins médicaux : il vise principalement à renforcer, sur la durée, les
missions du médecin de premier recours et à éviter, grâce à la
coordination et au partage des données médicales, la redondance voire
l’inutilité de certains actes cliniques et techniques réalisés par les
spécialistes.
267. Les hésitations sur le contenu du DMP et les retards pris dans sa mise en place
ont conduit à reporter sa généralisation au-delà du 1
er
juillet 2007, date prévue par la
loi. Le webmédecin, quant à lui, prévu par l’avenant conventionnel de mars 2006 est
en phase de montée en charge.
268 . Voir le chapitre X relatif au partage des données entre les systèmes
d’information de santé.
238
C
OUR DES COMPTES
Il est prolongé et renforcé par la démarche de maîtrise médicalisée,
remodelée par la loi d’août 2004 et progressivement déployée par la
convention médicale du 12 janvier 2005 et ses avenants 12 de mars 2006
et 23 de mars 2007.
La maîtrise médicalisée
Le cadrage financier triennal de la maîtrise médicalisée qui
accompagnait la présentation de la loi du 13 août 2004 comportait deux
volets.
Le premier est destiné à agir sur les pratiques médicales par le biais
des recommandations de la Haute Autorité de santé et celui de l’évaluation
des pratiques professionnelles : la diminution des dépenses correspondante
a été estimée à 2,5 Md€ sur trois ans (hors effets du DMP estimés à
1 Md€).
Le second volet est ciblé sur la maîtrise des prescriptions et devrait
générer, sur trois ans également, des économies estimées à 2,3 Md€ sur les
produits et 0,8 Md€ sur les indemnités journalières.
En 2004, la prescription représentait 39,3 Md€ en dépenses
remboursables
contre
16,5 Md€
d’honoraires
(18,2 Md€
avec
les
dépassements) : elle concerne davantage les médecins généralistes qui
généraient 78 % des dépenses.
C
La mise en place du parcours de soins coordonné
La loi du 13 août 2004 a nécessité d’importants travaux dans un
laps de temps très court, la date d’application retenue étant le 1
er
juillet
2005 (le 1
er
janvier 2006 pour les incitations négatives).
1
La mise en place matérielle de la nouvelle organisation
Celle-ci s’est ajoutée, pour la CNAMTS, à d’autres grands
chantiers : l’introduction de la classification commune des actes
médicaux (CCAM versant actes techniques), la réforme tarifaire des
établissements de santé (tarification à l’activité), la création de la
franchise de 1€ par acte.
a)
La désignation du MT
L’application matérielle du PSC a supposé en premier lieu l’envoi
des formulaires de désignation du MT aux 50 millions de bénéficiaires
potentiels et l’enregistrement de cette information dans la base de
données des assurés : au 1
er
juillet 2005, plus de la moitié des
bénéficiaires du régime général avait choisi un médecin traitant. Au
1
er
mai 2006, ce taux était de 80 % tous régimes confondus (près de
41 millions sur 50). Ce nombre correspond approximativement à
l’ensemble de la population ayant consulté dans l’année, puisque 20 %
environ de la population ne consomme aucun soin durant une année.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
239
b)
Le système de facturation-liquidation
Le parcours de soins a nécessité en second lieu la conception et la
réalisation du nouveau modèle de feuille de soins ainsi que l’adaptation
des applicatifs de liquidation. Deux types de modifications ont en effet
découlé de la réforme : les premières, assez classiques, ont pris en compte
les nouvelles prestations facturables ou les revalorisations tarifaires
examinées plus loin, les secondes, plus significatives, ont dû introduire de
nouveaux critères de liquidation relatifs à la situation de l’assuré et des
médecins au regard du PSC.
En outre, compte tenu de la brièveté du délai, la CNAMTS a dû
intégrer
en
cours de chantier les
précisions
issues des
textes
d’application : les adaptations informatiques se sont succédé à un rythme
élevé avec 17 versions entre janvier 2005 et septembre 2006.
Malgré un risque fort de dégradation du système, les difficultés ont
été globalement surmontées :
-
une augmentation des rejets de feuilles de soins a été constatée au
début de l’application (3,1 % d’août à décembre 2005 au lieu de 2,4 %
en 2004), due aux erreurs de codification ou de facturation ;
-
l’analyse des résultats sur la période 2004-2006 montre en revanche
que le délai moyen de traitement des feuilles de soins papier, après un
allongement maximum de 2,2 jours calendaires au cours des 2
ème
et
3
ème
trimestres 2006 était, fin 2006, supérieur de 1 jour seulement au
délai initial (8,4 jours contre 7,4). Il n’y a pas eu non plus de
détérioration du volume des flux de feuilles de soins électroniques.
c)
Les actions d’information et de communication
Tant au niveau national que dans les caisses locales, la réforme a
fait l’objet d’un fort investissement d’accompagnement et d’information
auprès des assurés et des professionnels de santé. Outre la multiplication
des brochures et des pages Internet, on retiendra le recours à deux plates
formes téléphoniques nationales dédiées aux assurés et aux praticiens
ainsi que l’intervention massive des délégués de l’assurance maladie.
Quelques chiffres
La plate forme dédiée aux assurés a enregistré plus d’un million
d’appels durant les onze premiers mois de l’année 2005 avec un maximum
en juin 2005 de 145 716 appels. En novembre 2005, elle n’enregistrait plus
que 6881 appels et a été fermée.
La plate forme dédiée aux professionnels de santé a surtout été
mobilisée dans les trois premiers mois de l’année 2005 (4765 appels en
janvier 2005, 4985 en mars 2005). En mai 2005 elle n’enregistrait plus que
1451 appels et a été fermée. Toutefois les demandes ont amené à la rouvrir
240
C
OUR DES COMPTES
le 2 janvier 2006 pour quatre mois. Elle a durant cette période traité plus
de 18 000 appels.
d)
La mise en place d’indicateurs de suivi
Le tableau de bord de la CNAMTS accessible à toutes les caisses
sur Intranet suit le degré d’application du nouveau dispositif, notamment
le nombre de bénéficiaires de l’assurance maladie ayant désigné un
médecin traitant, le choix d’un généraliste ou d’un spécialiste pour les
bénéficiaires du régime général, le nombre moyen de patients pris en
charge par un médecin traitant (dont le nombre moyen de patients en
ALD).
Ce tableau de bord comporte aussi des indicateurs relatifs au
respect du dispositif tels que l’évolution hebdomadaire des consultations
selon la position dans le PSC et l’importance des incitations négatives
appliquées aux assurés non respectueux du parcours de soins.
Ces indicateurs alimentent pour partie la batterie d’indicateurs
mise en place au niveau du ministère au sein d’un comité dénommé
comité ONDAM placé sous la houlette de la direction de la sécurité
sociale : elle permet d’informer régulièrement le ministre sur le niveau de
mise en oeuvre de toutes les mesures découlant de la loi d’août 2004. Les
trois items qui concernent le PSC stricto sensu montrent que la pleine
montée en charge du PSC était quasiment achevée en juillet 2006.
2
Les modalités du dispositif MT/PSC à fin 2006
L’absence de rupture, posée comme une absolue nécessité par le
pouvoir politique, conduit à ne pouvoir apprécier la pertinence du
nouveau dispositif que dans la durée : les constats de la Cour se limitent
donc aux réalisations des deux exercices 2005 et 2006.
Par ailleurs, si l’application et le respect du dispositif sont suivis
grâce aux indicateurs vus plus haut, il convient de préciser qu’aucune
définition des instruments d’évaluation de ses effets n’a été pour l’instant
élaborée. La Cour estime que cette carence, qui a déjà caractérisé les
expérimentations
de
coordination
antérieures,
doit
être
corrigée
rapidement.
a)
Les textes d’application
A l’exception d’un décret
269
, les textes réglementaires sont tous
parus : ils sont au demeurant peu nombreux, car seules les dispositions
269. Décret définissant les modalités d’application de la diminution du taux de
remboursement pour les bénéficiaires de la CMUC non respectueux de parcours.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
241
relatives à la participation de l’assuré, aux médecins salariés également
impliqués par le parcours et au secteur des assurances complémentaires
relèvent du champ réglementaire. Pour les deux premiers items, les textes
réglementaires se sont calqués sur les dispositions conventionnelles qui
les ont précédés.
En vertu du principe de délégation déjà évoqué, c’est la convention
médicale du 12 janvier 2005 qui constitue le bloc principal ainsi que six
des 16 avenants dont la parution s’est échelonnée de mai 2005 à
novembre 2006
270
.
Cette convention unique a été signée par trois des cinq syndicats
représentatifs de la profession : la CSMF (confédération des syndicats
médicaux français), le SML (syndicat des médecins libéraux) et Alliance ;
la FMF et MG France n’ont pas signé.
b)
Un premier niveau de recours insuffisamment défini
La volonté d’associer l’ensemble des médecins à la définition du
dispositif et d’aboutir à la conclusion d’une convention unique
271
a
orienté le contenu des textes. Si le préambule de la convention affirme la
volonté commune des partenaires de construire une première ligne de
soins, la convention a peu développé ce volet.
Deux dispositions législatives estompent d’ailleurs la fidélisation à
un médecin généraliste. D’une part, le MT peut être généraliste ou
spécialiste, ce qui pose par ailleurs un problème juridique
272
: toutefois, la
quasi-totalité des bénéficiaires du régime général (99,5 %) a désigné un
généraliste comme médecin traitant. D’autre part, l’assuré peut en
changer à tout moment alors que l’IGAS préconisait une fidélisation d’un
an par exemple : selon une étude de la CNAMTS moins de 5% des
bénéficiaires auraient changé de MT en 2006.
270. Fin mars 2007, la convention connaît 23 avenants signés par les partenaires : les
avenants n° 12 de mars 2006 et n° 23 de mars 2007 constituent l’exercice annuel
d’actualisation de la convention (prévu au point 1.5 de la convention : bilan d’étape
annuel) et consacrent un chapitre au PSC.
271. Les médecins spécialistes n’avaient pas signé de convention depuis 1997.
272. Dans un avis du 28 janvier 2005, rendu sur la convention nationale des médecins
libéraux, le conseil national de l'ordre des médecins a relevé que cette faculté ouverte
par la loi est en contradiction avec le principe de l’exercice exclusif de la spécialité et
a conclu son avis en précisant que « le médecin spécialiste devra remplir les missions
du médecin traitant, mais ce statut ne saurait permettre à son titulaire d’assurer la prise
en charge d’un patient en dehors de la spécialité au titre de laquelle il est inscrit à
l’ordre ».
242
C
OUR DES COMPTES
Le suivi des assurés bien portants et des malades chroniques figure
dans la liste des missions qui incombent au MT : les termes de prévention
et d’éducation thérapeutique sont mentionnés.
L’avenant n° 12 du 23 mars 2006 a donné un début de
concrétisation à la prévention en définissant les thèmes suivants
273
:
-
promotion du dépistage organisé du cancer du sein ;
-
prévention du risque iatrogène médicamenteux chez les personnes
âgées de plus de 65 ans ;
-
prévention des risques cardio-vasculaires des patients diabétiques.
Quant au rôle spécifique du MT vis-à-vis des malades chroniques
ou polypathologiques relevant notamment d’une ALD (6,5 millions
d’assurés qui concentrent 60 % des dépenses), il n’est pas traité de
manière globale : il s’agit plutôt des pièces d’un puzzle qu’il serait
souhaitable de corriger, compléter et assembler.
ALD et MT
L’article 6 de la loi du 13 août 2004 charge le MT d’établir le
protocole de soins. Cette disposition n’est en soi pas nouvelle puisqu’elle
préexistait à la loi dans l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale :
mais le terme de médecin traitant ne présentait pas alors le caractère
administratif et exclusif que lui a donné la loi du 13 août 2004.
Avant la réforme, les médecins généralistes établissaient un peu
plus de la moitié des protocoles d’admission en ALD (PIRES) mais moins
de 20 % pour des affections telles que le VIH ou la tuberculose active.
En raison des difficultés rencontrées lors de l’établissement des
nouveaux protocoles par le seul MT, la CNAMTS a autorisé des
dérogations temporaires à la loi par voie de circulaire interne non publiée.
Cette situation est insatisfaisante et doit être rapidement corrigée.
Comme on le verra plus loin, ce dispositif ALD a été défini en
partie pour apporter aux médecins généralistes devenus médecins traitants
une augmentation du revenu qui ne se traduise ni par une revalorisation
générale de la consultation ni par la création d’un forfait par patient suivi.
Ce compromis insatisfaisant marque la nécessité d’une réflexion
approfondie et globale sur les fonctions et le mode de rémunération du
médecin généraliste comme acteur des soins de première ligne.
273. Ces thèmes ont été enrichis par l’avenant n° 23 signé le 30 mars 2007 et surtout
précisés : ils doivent être déclinés en objectifs individualisés par MT en fonction des
caractéristiques de la population qui lui est rattachée.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
243
c)
La coordination des soins dans le parcours
La convention s’est davantage préoccupée des modalités de
l’accompagnement du patient, tout au long de son parcours dans le
système de soins et s’est appliquée à définir de manière générale les
différents cas de figure mettant en contact le MT et les autres médecins.
Trois situations principales ont été répertoriées :
-
une relation ponctuelle entre le MT qui adresse le patient à un autre
médecin consulté pour avis désigné sous le terme de consultant
274
. Le
caractère ponctuel de cette consultation pour avis exclut que le
praticien consultant ait reçu le patient dans les 6 mois qui la précèdent
et le reçoive dans les 6 mois qui la suivent. De même, il est précisé
qu’un tel avis ne peut être demandé plus d’une fois par semestre pour
une même spécialité et une même pathologie, sauf à en informer le
service du contrôle médical (une exception a été introduite par
l’avenant n° 10 pour les psychiatres qui peuvent coter un avis de
consultant tout en recevant le patient une ou deux fois dans la semaine
qui suit l’avis
275
) ;
-
une relation durable entre le MT qui adresse le patient et un autre
médecin désigné sous le terme de correspondant : à la suite de cet
adressage initial, le médecin correspondant délivre un traitement sous
forme de soins itératifs lequel doit faire l’objet, aux termes de la
convention d’un plan de soins, non mis en oeuvre à ce jour ;
-
une relation chaînée entre plusieurs médecins qui s’adressent
successivement un patient, sans que ce dernier consulte à nouveau son
médecin traitant. Le vocable de soins séquentiels désigne cette
situation. L’inclusion dans le parcours de soins des actes techniques, y
compris ceux pratiqués lors d’une hospitalisation, implique que cette
troisième situation est fréquente. Or, si la loi définit la possibilité
d’exceptions à la consultation préalable du MT, liées à la circonstance
d’urgence ou d’éloignement ou à la nature de la spécialité demeurée en
accès direct, elle ne prévoit pas expressément le cas des soins
séquentiels.
La prescription par le MT d’un autre médecin se réduit dans la
convention à un rôle de conseil et d’orientation : « dans ce parcours de
soins coordonné, le patient est incité à consulter en première intention son
MT qui le conseillera selon sa situation et l’orientera, en tant que de
274. L’avis de consultant n’est pas une création de la convention de 2005 et du
parcours de soins : tant le code de déontologie qui a valeur réglementaire (article 60,
R 4127-60 du code de santé publique) que la NGAP (ancien article 18- Consultations
faisant intervenir 2 médecins) l’avaient déjà formalisé.
275. L’extension de cette possibilité aux autres spécialités est explicitement revendi-
quée par au moins une organisation professionnelle.
244
C
OUR DES COMPTES
besoin et avec son accord, vers un autre praticien : le médecin
correspondant, qu’il choisit librement ».
Il résulte de ce libre choix du patient, maintenu comme principe
intangible, que le rôle d’orientation du MT se limite à diagnostiquer la
nécessité de recourir ou non à un autre médecin. Le MT n’a pas de réseau
de correspondants préétabli, organisé et connu de l’assuré ; il n’est pas
non plus tenu d’orienter son patient vers un spécialiste à honoraires
opposables (secteur I).
Le préambule de la convention indique à cet égard que le médecin
traitant s’appuie « sur un réseau de professionnels de santé, en ville ou à
l’hôpital, qu’il sait pouvoir consulter sur les différents aspects de la prise
en charge diagnostique ou thérapeutique de son patient ». La convention
médicale a ainsi entériné l’une des lacunes mises en évidence par le
HCAAM : « la coordination est plus souvent le fruit de réseaux
relationnels personnels que d’une démarche construite. ».
La formalisation de ces contacts entre le MT et les autres
médecins, à savoir l’adressage et le retour d’information, est sommaire et
peu contraignante : la mise en place du futur DMP sera de nature à pallier
cet inconvénient :
-
l’adressage : le médecin correspondant répond aux sollicitations du
médecin traitant et le médecin consultant à la demande explicite du
médecin traitant. Aucun formulaire ni modèle de lettre d’adressage ne
s’impose et aucun délai n’est par ailleurs mentionné entre la
consultation du MT et celle du spécialiste ;
-
le retour d’information : le médecin correspondant doit « tenir
informé, avec l’accord du patient, le médecin traitant de ses
constatations et les lui transmettre, dans des délais raisonnables
276
,
nécessaires à la continuité des soins et compatibles avec la situation
médicale du patient ». Le médecin consultant « s’engage à adresser au
médecin traitant ses conclusions et propositions thérapeutiques et de
suivi. ».
Les dispositions conventionnelles sont peu différentes de celles qui
figuraient déjà à l’article 60 du code de déontologie (R. 4127-60 du code
de la santé publique) : « Le médecin doit proposer la consultation d'un
confrère dès que les circonstances l'exigent ou accepter celle qui est
demandée par le malade ou son entourage… A l'issue de la consultation,
le consultant informe par écrit le médecin traitant de ses constatations,
conclusions et éventuelles prescriptions en en avisant le patient. »
Le nouveau modèle de feuille de soins élaboré en concertation
avec les médecins ne prend pas en compte la diversité des situations
276. La convention mentionne que ces délais pourront être précisés par avenant : cette
disposition n’a pas été suivie d’effet.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
245
répertoriées dans la convention. La feuille de soins est en effet organisée
selon un arbre de décision simplifié et ne peut être remplie de façon
pertinente que dans les situations élémentaires : consultation chez le MT
ou consultation de second recours chez un spécialiste. En cas de soins
séquentiels et de consultation de troisième recours (patient adressé à un
spécialiste par un spécialiste), aucune case n’est prévue. Or, la feuille de
soins est à ce jour le seul support permettant de qualifier la situation du
patient et du médecin au regard du parcours de soins : outre sa nature
déclarative, sa conception inadaptée rend problématique la fiabilité de la
liquidation et des indicateurs qui en découlent.
D
Les caractéristiques financières du dispositif à fin
2006
1
La valorisation des nouvelles fonctions
Le préambule de la convention indique : « En premier lieu, et
compte tenu de la volonté d’organiser le système de soins primaires et
secondaires, les parties signataires conviennent de reconnaître le rôle de
chaque intervenant du parcours de soins coordonné et de valoriser ses
fonctions ». La convention a défini les éléments tarifaires spécifiques du
PSC en distinguant les missions du MT et celles des médecins consultants
ou correspondants. Cependant les solutions adoptées ont conduit à un
dispositif tarifaire très complexe et sont empreintes de préoccupations
connexes, d’ailleurs différentes selon qu’il s’agit des généralistes et des
spécialistes.
a)
La rémunération du médecin traitant
Alors qu’il est le pivot du nouveau système, le médecin traitant ne
bénéficie d’aucune rémunération spécifique pour ses deux missions
désormais formalisées : le suivi régulier des patients qui l’ont désigné et
leur orientation dans le système de soins.
Sa nouvelle rémunération passe par le versement d’un forfait
annuel de 40 € par patient en ALD qui rétribue un suivi pour l’heure
assez peu défini. Cette rémunération inclut la rédaction du protocole de
soins qui donnait lieu auparavant au paiement d’un forfait de 50 € par
protocole. Le passage d’une rémunération sur le flux des ALD entrants à
une rémunération sur le stock des patients en ALD a représenté un gain
supplémentaire annuel de l’ordre de 190 M€ pour les médecins traitants.
A travers la rémunération du MT se pose la question, plus
générale, de la juste rémunération du médecin généraliste et de ses
missions. Un dispositif obligatoire et généralisé à l’ensemble des assurés
peut difficilement donner lieu au paiement d’un forfait significatif par
246
C
OUR DES COMPTES
assuré ou patient suivi, sauf à envisager de le substituer pour partie et
progressivement au paiement à l’acte.
Cette
difficulté
s’accroît
lorsqu’on
raisonne
en
dépenses
d’assurance maladie obligatoire : celle-ci finance en effet les forfaits à
100 %, la participation des assurés étant pour l’heure liée au
remboursement des actes (par le biais du taux de remboursement des
prestations).
Cette contrainte financière se traduit par une minoration du coût
global des rémunérations forfaitaires qui s’opère en limitant le nombre de
médecins et/ou d’assurés visés par la mesure et débouche sur des
dispositifs optionnels (option médecin référent
277
, contrats de santé
publique) ou sur des dispositifs obligatoires mais ciblés (forfait ALD,
forfait diabétique etc.).
Quelques ordres de grandeur en dépenses d’assurance maladie
Le forfait médecin référent a été fixé à 45,73 € par patient ayant
opté : le nombre d’assurés optants était de 1 236 000 en 2004, soit un
montant d’environ 56 M€ ;
Le nouveau forfait ALD est de 40 € pour 6,5 millions de patients en
ALD, soit un montant d’environ 260 M€, équivalent au coût de la
revalorisation de 1 € de la C qui est intervenue l’année suivante (le 1
er
août
2006)
278
.
Le forfait destiné à prévenir les risques cardiovasculaires chez les
patients diabétiques serait de 10 € dans l’expérience pilote envisagée par
l’avenant du 23 mars 2007. Son application aux 2 millions de patients
diabétiques qui s’ajouterait au forfait ALD représenterait un coût de
20 M€.
b)
La rémunération des médecins consultants et correspondants
Les médecins consultants et correspondants, le plus souvent
spécialistes, sont rémunérés de manière spécifique quand l’assuré s’est
277. La convention nationale du 12 janvier 2005 a prévu la mise en oeuvre d’un
dispositif permettant la convergence du médecin traitant et de l’option médecin
référent : après une intervention du législateur (article 103 de la LFSS) autorisant le
règlement du sujet par arrêté à défaut de conclusion d’un avenant conventionnel avant
le 31 janvier 2007, un avenant (n° 18) a été signé le 7 février 2007. Celui-ci prévoit
une indemnité forfaitaire proportionnelle et dégressive, calculée en fonction du
nombre de patients adhérents au médecin référent au 12/02/05 : (45,73 € x patients
adhérents)-(40 € x patients en ALD).
278. L’avenant conventionnel n° 23 prévoit deux nouvelles augmentations de 1 € de
la C en 2007 et 2008. L’augmentation de 2008 est toutefois conditionnée aux marges
de manoeuvre de la LFSS pour 2008 et aux engagements des médecins en matière de
maîtrise médicalisée et de la prévention.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
247
placé dans le parcours en consultant préalablement son médecin traitant.
Toutefois, ce principe simple s’applique de manière complexe dans la
mesure où d’autres critères de différenciation ont été retenus pour prendre
en compte l’ensemble des problèmes de rémunération propres aux
médecins spécialistes, en particulier la tension sur le secteur 2.
Les tarifs des spécialistes dans leur ensemble
S’agissant des tarifs opposables
279
(sur la base desquels est calculé
le
remboursement
de
l’assurance
maladie
obligatoire)
aucune
rémunération spécifique n’est due au titre des actes techniques réalisés
dans le parcours et la consultation pour avis ponctuel du médecin
consultant, cotée C2 soit 42 €
280
s’applique à tous les spécialistes mais
pas aux médecins généralistes, alors que l’ancien article 18 de la NGAP
déjà cité comportait un avis coté C 1,5 pour les MG.
Les majorations facturables par les spécialistes de secteur 1
281
-
la consultation du médecin correspondant est augmentée d’une
majoration de coordination MCG ou MCS de 3 € : elle s’applique aux
médecins généralistes et spécialistes mais ne concerne que les
médecins de secteur 1
282
;
-
cette majoration de coordination (MCG ou MCS de 3 €) est
complétée par une majoration provisoire clinique
283
MPC de 2 €.
Cette dernière s’applique que l’assuré ait consulté ou non son MT,
mais elle ne s’applique qu’aux spécialistes de secteur 1 : pour ces
derniers, le tarif opposable de la CS est donc de 28 € (23 + 3 + 2) pour
les patients dans le parcours de soins ;
-
parallèlement, d’autres majorations ont été instituées qui ont pour
résultat de fixer les tarifs opposables des spécialistes de secteur 1 au
279. Les tarifs indiqués sont ceux en vigueur fin 2006.
280. Ce choix de cotation implique que toute revalorisation de la consultation des
généralistes (C) bénéficie également aux spécialistes.
281 . Les spécialistes de secteur 2 peuvent aussi facturer ces majorations aux
bénéficiaires de la CMUC, auxquels en revanche ils ne peuvent facturer de
dépassements.
282. A l’instar de leurs tarifs de CS, la majoration de coordination est supérieure pour
les psychiatres, neuropsychiatres et neurologues (4€) et pour les cardiologues (3,27€).
283. La majoration provisoire clinique (MPC) de la CS a été créée par l’arrêté du
22/09/03 (JO du 25/09/03), dans l’attente de la nouvelle classification commune des
actes médicaux cliniques qui aura pour fonction de hiérarchiser les actes cliniques en
niveaux : elle était de ce fait réservée à certaines spécialités (dermatologie, rhumato-
logie, endocrinologie, psychiatrie, neuropsychiatrie, gynécologie, ophtalmologie,
médecine interne). Avec la mise en place du parcours de soins coordonné, la MPC a
perdu sa fonction initiale et a été étendue à toutes les spécialités.
248
C
OUR DES COMPTES
même niveau (28 €) pour les assurés de moins de 16 ans non soumis au
parcours de soins que celui des assurés de plus de 16 ans respectueux
du parcours.
Ces diverses formes de revalorisation tarifaire ont eu pour
conséquence d’augmenter significativement la charge de l’assuré
(ménages et complémentaires), même en cas de respect du parcours de
soins : ainsi, avec un taux de remboursement non pénalisé (de 70 %), le
reste à charge est passé de 6,9 € à 8,4 € pour une consultation chez un
spécialiste de secteur 1.
Le choix de l’option de coordination pour les médecins de secteur 2
Pour les spécialistes de secteur 2, une option de coordination a été
créée : parfois appelée dispositif optionnel dans la convention, ce qui
entraîne une confusion possible avec le secteur optionnel prévu par le
protocole chirurgie d’août 2004, elle a pour objectif d’introduire dans le
secteur 2 une maîtrise des dépassements, compensée par une prise en
charge par l’assurance maladie d’une partie des cotisations sociales des
médecins. Elle s’adresse aux généralistes et aux spécialistes.
Cette option qui préfigure l’éventuelle définition d’un secteur
nouveau à dépassements maîtrisés (secteur optionnel) s’applique aux
patients dans le parcours, mais aussi aux assurés de moins de 16 ans non
soumis au parcours : les actes cliniques doivent être facturés aux tarifs
opposables du secteur 1 (c'est-à-dire avec les majorations réservées à ce
secteur) et les actes techniques avec des dépassements maîtrisés plafonnés
à 15% des tarifs opposables.
L’option de coordination a remporté un faible succès : à la fin de
septembre 2006, les 286 médecins adhérents représentaient 3,8 % des
omnipraticiens de secteur 2 et les 596 spécialistes 3 % du secteur 2.
Ainsi une grille tarifaire compliquée a été définie par les
partenaires conventionnels : aux critères liés à la situation de l’assuré
dans le parcours de soins se sont ajoutés des critères relatifs à la spécialité
et surtout au secteur conventionnel d’appartenance des médecins (secteur
1 ou 2 avec dépassements).
2
Les pénalisations pour non respect du parcours de soins
La loi prévoit deux types de pénalisations, non remboursées par les
assurances complémentaires dans le cas des contrats responsables
284
, qui
se sont appliquées à compter du 1
er
janvier 2006.
284. Depuis 2002, les contrats d’assurance complémentaire dont l’adhésion n’est pas
subordonnée à un questionnaire médical sont exonérés de la taxe de 7 % sur les
contrats d’assurance. En outre, lorsqu’ils sont obligatoires et souscrits en entreprise,
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
249
a)
La majoration du ticket modérateur
Une majoration de la participation de l’assuré (prévue au I de
l’article L. 322-2) a été instituée « pour les assurés et les ayants droit
n’ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin
sans prescription de leur médecin traitant ».
Deux décrets parus en novembre 2005 en ont précisé les
modalités : fourchette de majoration (fixée entre 7,5 % à 12,5 %) à
l’intérieur de laquelle l’UNCAM a compétence pour décider le taux de
majoration (en l’occurrence 10 %), plafonnement (l’augmentation du
ticket modérateur ne peut dépasser 2,50 € par acte), exceptions à la
majoration dont les principales sont :
-
cas d’urgence et d’éloignement du lieu de résidence habituelle prévus
par la loi ;
-
ALD protocolisée prévue par la loi ;
-
soins itératifs et soins séquentiels tels que définis par la convention
médicale de janvier 2005 ;
-
spécialités laissées en accès direct (préalablement définies dans la
convention médicale de janvier 2005) : gynécologie médicale, gynéco-
logie obstétrique, ophtalmologie, psychiatrie et neuro-psychiatrie.
b)
Les dépassements autorisés
Le paiement de dépassements d’honoraires aux médecins relevant
de certaines spécialités a été prévu pour les patients qui les consultent
sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas
d’un protocole de soins.
La loi a délégué à la convention le soin de définir les modalités de
ces dépassements. Celles-ci ont compliqué le schéma initial :
-
les dépassements incitatifs au respect du parcours ne sont facturables
que par les spécialistes de secteur 1 (ou secteur 2 ayant choisi l’option
de coordination ou recevant des bénéficiaires de la CMUC, puisqu’ils
sont astreints dans ce cas à facturer en tarifs opposables) ;
-
ils sont facturables aux patients hors parcours dans les spécialités qui
ne sont pas désignées comme étant en accès direct, mais ils sont aussi
celle-ci peut déduire de ses cotisations fiscales et sociales le montant du financement
qu’elle leur consacre.
Sur la base de l’article 57 de la loi d’août 2004 et le décret du 29 septembre 2005,
seuls les contrats d’assurance complémentaire ne prenant pas à leur charge les
pénalisations pour non respect du parcours de soins coordonné (majoration du ticket
modérateur et dépassement autorisé) ainsi que la franchise de 1 € pourront prétendre
aux déductions fiscales et sociales : ce sont les contrats responsables.
250
C
OUR DES COMPTES
facturables dans les spécialités en accès direct : la convention et ses
avenants ont en effet défini par exception, à l’intérieur de chacune de
ces spécialités, les actes relevant de l’accès direct, les autres actes étant
de facto soumis aux règles du parcours de soins.
Le champ d’application des deux pénalités est donc différent par
rapport à la notion d’accès direct : la majoration de ticket modérateur ne
s’applique à aucun des actes des spécialités en accès direct, alors que le
dépassement autorisé peut s’appliquer aux actes des spécialités en accès
direct dès lors qu’ils ne figurent pas dans la liste des actes spécifiés
comme étant en accès direct. Ainsi une consultation chez un gynécologue
n’est jamais passible d’une majoration de ticket modérateur mais peut,
suivant le motif de cette consultation, donner lieu à la facturation d’un
dépassement autorisé par le spécialiste de secteur 1. Cette double
définition de l’accès direct, législative et conventionnelle, rend le système
inutilement complexe : l’objectif recherché était de permettre la
facturation des dépassements autorisés dans toutes les spécialités, mais la
pratique montre que les médecins ne font guère usage de cette faculté (cf.
infra).
La convention a limité les dépassements autorisés en pourcentage
par acte (17,5 %) et plafonné en pourcentage leur part dans le chiffre
d’affaires du médecin pour en modérer l’usage (la part des honoraires des
actes sans dépassement doit être supérieure à 70 % du total des honoraires
perçus).
Le taux de dépassement de 17,5 %, autorisé dans la convention,
s’applique non pas au tarif de base de la CS (23 €) mais au tarif avec
double majoration (28 €), ce qui conduit à facturer 33 € une CS hors
parcours. Pour l’assuré pénalisé, dont le taux de remboursement passe
également de 70 % à 60 %, le reste à charge est de 19,2 € (40 % de 33 €)
au lieu de 6,9 € avant la réforme (30 % de 23 €).
Incitations négatives du PSC et franchise de 1 €
La franchise de 1 € par acte est due dans tous les cas de figure,
indépendamment du comportement vertueux ou non des assurés :
plafonnée à 50 € par an, elle s’ajoute donc aux incitations négatives du
PSC et présente avec elles quelques différences de champ d’application.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
251
En ce qui concerne les assurés en sont exonérés les assurés de
moins de 18 ans, les bénéficiaires de la CMUC
285
, les femmes enceintes
et les titulaires d’une pension militaire d’invalidité.
En ce qui concerne le périmètre des actes elle ne s’applique pas aux
hospitalisations, mais s’applique aux actes de biologie dont le tarif
remboursé est supérieur à 1 €.
3
Les premiers effets financiers du dispositif
La loi d’août 2004 et les dispositions conventionnelles qui l’ont
suivie mettent en place de nombreuses mesures dont les conséquences
financières à court et long termes s’intriquent : leur évaluation est rendue
difficile et conduit le ministère à prendre l’inflexion du taux de croissance
constaté de l’ONDAM comme critère pertinent, sans chercher à en isoler
les causes. La croissance des dépenses d’assurance maladie en soins de
ville est en effet passée de +8 % en 2002 à +3,5 % en 2005.
Dans cet ensemble, le PSC n’a pas fait l’objet d’une prévision
financière particulière, bien que ce dispositif entraîne à la fois des
surcoûts certains, dus à la valorisation des nouvelles missions, et des
économies potentielles, dues à une optimisation des soins médicaux.
Les surcoûts sont difficiles à cerner : la création de nouvelles
prestations ou majorations constitue en effet, selon la DSS et la
CNAMTS, un canal particulier par lequel sont passés des financements
supplémentaires destinés à revaloriser le revenu des médecins. Sans le
parcours de soins, ils auraient de toute façon été octroyés sous une autre
forme, pour répondre à plusieurs finalités non explicitées : rééquilibrage
de la profession de médecin généraliste, évolution attendue du revenu des
médecins,
récompense
des
efforts
de
la
maîtrise
médicalisée,
compensation des pertes subies du fait même du parcours de soins…
286
285. Les bénéficiaires de la CMUC sont soumis aux règles et aux pénalités du
parcours de soins : les honoraires et les pénalités qui leur sont appliquées sont ceux
des spécialistes de secteur 1, puisque le régime de la CMUC prévoit que les
spécialistes de secteur 2 sont tenus de facturer en tarifs opposables. Quant à la
majoration du ticket modérateur, elle ne s’applique pas en l’attente du décret
d’application : la mise en oeuvre en est effet difficile puisque les bénéficiaires de la
CMUC ont droit au tiers payant.
286. L’avenant n° 12 de mars 2006 a en effet compensé les pertes subies par huit
spécialités dont le volume d’actes a baissé du fait du parcours de soins coordonné :
ont été alloués 31,5 M€ d’honoraires remboursables supplémentaires, soit 22 M€ en
dépenses remboursées.
252
C
OUR DES COMPTES
a)
Les effets conjugués du parcours de soins
Les effets favorables attendus du parcours de soins consistent
principalement en une baisse des volumes d’actes de spécialistes,
cliniques et techniques : l’économie qui en résulte pour l’assurance
maladie obligatoire a été chiffrée à 76 M € en année pleine par la
CNAMTS (au vu des constats réalisés sur les mois d’application de la
réforme en 2005 et 2006). Ce chiffre a été calculé uniquement sur les
actes cliniques (dépenses en droit constaté du régime général) par
différence entre la dépense constatée et la prévision tendancielle établie à
fin 2004. Dès lors que les indicateurs de la CNAMTS montrent un respect
important du parcours de soins (87 % des actes ne dérogeraient pas aux
règles), on peut supposer que cette tendance favorable se confirmera. En
revanche, il semble qu’aucune décélération des actes techniques ne soit
intervenue.
Les effets redoutés du parcours de soins résidaient principalement
dans un risque de multiplication des consultations de généralistes due au
passage obligé chez le MT, dans une augmentation non maîtrisée des avis
ponctuels de spécialistes (C2), enfin dans une facturation excessive des
dépassements autorisés. Sur la période examinée (s’arrêtant fin octobre
2006), ces risques semblent avoir été jugulés :
-
le nombre de consultations des généralistes est réputé ne pas avoir
augmenté, la croissance observée dans les dénombrements du régime
général étant principalement attribuée, selon le ministère et la
CNAMTS, à une épidémie de grippe ;
-
les avis ponctuels, bien qu’en croissance régulière, demeurent
raisonnables par rapport aux diverses hypothèses formulées au
démarrage de la réforme : 8 millions d’actes ont été facturés en C2 sur
les douze premiers mois d’application, soit une augmentation de 60 %
par rapport à 2004
287
; ils représentaient un peu plus de 4 % des actes
cliniques des spécialistes avant la réforme et un peu moins de 8 % en
juin 2006 ;
-
enfin, les dépassements autorisés sont très peu importants pour deux
raisons : d’une part, le parcours est globalement respecté (il n’y a que
13 % des actes jugés hors parcours), d’autre part les spécialistes de
secteur 1 ne les facturent que dans 13 % des cas possibles.
Les effets de transfert sont inhérents au parcours de soins
coordonné, en raison des incitations négatives décrites plus haut : la
majoration du ticket modérateur constitue un transfert de l’assurance
maladie obligatoire vers les ménages, alors que les dépassements
autorisés s’analysent davantage comme une augmentation de la recette
287. La cotation C2 préexistait en effet au parcours de soins ; en 2004, 5 millions
d’actes avaient été facturés en C2.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
253
des spécialistes de secteur 1 à la charge exclusive des ménages. Le
respect du parcours par les assurés minore la portée de ce transfert.
b)
Les chiffrages
Sans prendre en compte les mesures intervenues en 2006
(notamment en vertu de l’avenant de mars 2006), les effets conjugués des
dispositions relatives au seul parcours de soins se traduisent en année
pleine de la manière suivante :
Coût du dispositif du parcours de soins et gains pour les médecins
En M€
Coût assurance
maladie
Organismes
complémentaires
Ménages
Gain des
médecins
Surcoûts
+ 496
+ 63
+ 172
+ 731
Economies
- 307
- 28
- 12
- 347
Solde
+ 189
+ 35
+ 160
+ 384
Source :
Extrapolation en année pleine des effets du parcours, établie par la
CNAMTS (France entière tous régimes)
Le financement supplémentaire accordé aux médecins est de
384 M€ dont 42 % proviennent des seuls ménages (en vertu des contrats
responsables) : il se répartit en +270 M€ pour les généralistes et +114 M€
pour les spécialistes (sans que l’on puisse différencier la part respective
bénéficiant aux secteurs 1 et 2).
En intégrant les principales mesures de l’avenant annuel de mars
2006, les recettes supplémentaires (évaluées en année pleine) accordées
aux médecins atteignent 755 M€, ce qui représente un peu moins de 4 %
du total des honoraires de 2004.
254
C
OUR DES COMPTES
Recettes accordées aux médecins
En M€
Coût assurance
maladie
Généralistes
Spécialistes
Gains des
médecins
Mesures PSC
+ 189
+ 270
+ 114
+ 384
Compléments de
l’avenant 2006
- 1 € sur C
-mesures
d’accompagnement
+ 251
+ 22
+ 320
+ 19
+ 32
+ 339
+ 32
Total
+ 462
+ 590
+ 165
+ 755
Source :
Cour : tableau établi à partir des notes d’estimation financières de la DSS
______________________
CONCLUSION
________________________
A l’issue de ces analyses distinctes mais convergentes il apparaît
que le manque de connaissance suffisamment précise, des revenus des
médecins libéraux ou, dans une moindre mesure, des zones considérées
comme sous dotées en médecins constitue un premier obstacle à l’adoption
de mesures pertinentes de régulation de l’activité des médecins.
Les outils à disposition de l’Etat et de la CNAMTS qui permettraient
de réguler l’activité des médecins apparaissent en outre souvent inadaptés.
Les mesures de limitation du nombre de médecins ont été mises en oeuvre
de manière trop heurtée (numerus clausus) et n’ont permis ni de garantir
une répartition géographique des médecins conforme aux besoins de la
population, ni d’assurer un équilibre entre médecins généralistes et
médecins spécialistes d’une part, entre secteur conventionné et secteur à
honoraires libres d’autre part.
Ces outils ont par ailleurs été en partie détournés de leur objet. La
classification commune des actes médicaux a certes permis de mettre en
place, mais seulement pour les actes techniques, une méthode de codage et
de cotation scientifiquement fondée. Il en résulte en principe une meilleure
capacité de suivi et de pilotage des dépenses de soins, pour les actes
accomplis à titre libéral ou hospitalier. En revanche l’objectif de
rééquilibrage entre les différentes disciplines n’a été que très partiellement
atteint à ce jour et celui de neutralité financière dans la mise en place de
cette nouvelle classification a été abandonné.
Le parcours de soins coordonné constitue une nouveauté. La mise en
place du médecin traitant s’est effectuée dans des délais courts et offre
l’opportunité de développer en direction des médecins des actions ciblées
en fonction des caractéristiques particulières des patients. Toutefois, la
délégation de sa mise en oeuvre aux partenaires conventionnels a eu pour
conséquence de faire prévaloir les préoccupations tarifaires des médecins.
LES MÉDECINS LIBÉRAUX
:
DÉMOGRAPHIE
,
REVENUS ET PARCOURS DE SOINS
255
En outre, la négociation conventionnelle a conduit à un maquis tarifaire
illisible par l’assuré, en raison de la prise en compte de considérations
étrangères au seul parcours de soins, en l’occurrence différentes pour les
médecins généralistes et les spécialistes.
Une large partie du territoire est désormais confrontée, pour
certaines spécialités, à un monopole de fait des médecins de secteur à
honoraires libres. Dans un contexte de progression sensible des revenus
des médecins, les dépassements d’honoraires ont cru de manière très
préoccupante, essentiellement pour les spécialistes du secteur à honoraires
libres. Le reste à charge des assurés s’est sensiblement accru, tandis que
les assurés font face à des obstacles croissants aux principes d’égalité
d’accès aux soins et de libre choix, sans que les économies attendues du
parcours de soins coordonnés et de la CCAM aient été suffisantes pour
compenser les surcoûts que ces réformes ont générés pour l’assurance
maladie.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
19.
Réduire le nombre d’instances chargées des questions de
démographie médicale.
20.
Mettre en place des mécanismes de pénalisation financière
complétant les dispositifs incitatifs existants afin de mieux répartir l’offre
de soins sur le territoire et de préserver l’égal accès aux soins.
21.
Poursuivre les transferts de compétences entre professionnels de
santé.
22.
Disposer le plus rapidement possible d’une connaissance fine des
revenus des médecins libéraux entre le secteur 1 et le secteur 2.
23.
Mettre en place une analyse financière des sociétés d’exercice
libéral.
24.
Faire respecter l’objectif de neutralité financière initialement
arrêté pour la CCAM en programmant des baisses de tarif en particulier
pour les radiologues.
25.
Réexaminer le dispositif des dépassements autorisés du secteur 1
qui engendre une grande part de la complexité de la tarification du
parcours de soins coordonné.
26.
Conduire sans tarder une réflexion sur l’articulation du paiement à
l’acte et du paiement au forfait des médecins généralistes.