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Le 28 juillet 2021
Le Premier président
à
Monsieur Jean Castex
Premier ministre
Réf. : S2021-1738
Objet
: L
a mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir (2010
-2020)
En application des dispositions de l’article
L. 111-3 du code des juridictions financières,
la Cour a
conduit une enquête sur la mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir
(PIA) plus de dix ans après son lancement et cinq ans après un premier rapport public
consacré au PIA
1
. Fruit de travaux menés par plusieurs chambres et couvrant une grande
partie des domaines d’intervention du PIA
sur la période 2010-2020 (PIA 1, 2 et 3), cette
enquête est intervenue alors que le Gouvernement a décidé de poursuivre ce programme
exceptionnel en lançant un PIA 4 doté de 20
Md€
, dont les moyens ont été en partie intégrés
au plan de relance.
Engagé après le vote de la loi de finances rectificative de mars 2010 et confirmé depuis
par les gouvernements successifs, le PIA a mobilisé 57
Md€ de dotations budgétaires autour
des priorités définies dans le rapport Juppé-
Rocard de 2009 : la recherche et l’enseignement
supérieur, l’innovation dans les entreprises, le déploiement des réseaux nu
mériques et la
diffusion du numérique dans les usages économiques et sociaux, la transition écologique
notamment dans l’habitat et les transports.
L
e Grand plan d’investissement
(GPI) engagé en
2018
s’
est inscrit dans la continuité du PIA. Il a mobilisé des moyens à hauteur de 57
Md€
combinant des crédits budgétaires ministériels classiques, les 10
Md€ du PIA 3,
des dépenses
fiscales et des interventions sur fonds propres ; il a également été intégré dans le plan de
relance en 2020.
À l’issue de son enquête, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de
l’article R.
143-11 du code des juridictions financières, d
appeler votre attention sur les
observations suivantes.
1
Cour des comptes,
Le programme d’investissement
s
d’avenir
: une démarche exceptionnelle, des dérives à
corriger
, rapport public thématique, décembre 2015.
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1.
UN INSTRUMENT AMBITIEUX ET DÉROGATOIRE
, UNE MISE EN ŒUVRE
EN PROGRÈS
Combinant subventions budgétaires classiques, dotations non consommables,
avances remboursables, prêts, investissements en fonds propres directs ou indirects, le PIA a
permis
d’assurer des financements dans la durée
, sans échapper désormais au contrôle
parlementaire. La rebudgétisation réalisée à partir de 2017 avec l
’inscription des crédits dans
trois missions budgétaires
et l’aba
ndon de la pratique dérogatoire de consommation intégrale
concomit
ante des autorisations d’engagement et des crédits de pa
iement, comme la Cour
l’avait recommandé en 2015
, ont
permis au Parlement d’exercer un meilleur
contrôle des
moyens consacrés à ce programme,
sans remettre en cause l’objectif politique de
« sanctuarisation » des dotations budgétaires correspondantes
Les spécificités qui subsistent en matière budgétaire
sont à l’origine de
lourdeurs de
gestion
, comme l’illustrent
les modalités très complexes de redéploiement des crédits entre
programmes. Elles conduisent de plus à faire coexister dans le budget de l
Etat deux
catégories de
budgets d’investissements
- ceux des missions PIA et ceux des ministères -, ce
qui,
comme la Cour l’a fréquemment relevé de façon plus générale ne facilite pas l’appréciation
de l’ensemble des moyens consacrés à une politique
publique donnée.
Sa
mise en œuvre s’appuie sur une organisation
spécifique. Structure de taille réduite,
le
secrétariat général pour l’investissement (SGPI), qui a succédé en 2017 au commissa
riat
général à l’investissement
, joue un rôle important de coordination et de suivi. Il gagnerait à se
concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée (mobilisation interministérielle, stratégie,
contrôle, évaluation) plutôt que de gestion (exemple des Grands défis) et à se renforcer dans
des domaines critiques (systèmes d’information,
suivi des
fonds d’investissement, contrôle
interne). De son côté, le comité de surveillance du PIA a contribué dans la période récente à
un renforcement significatif de l’expertise et de la vision stratég
ique.
Pour la mise en place du PIA 4, la loi de finances initiale pour 2021 maintient cette
organisation, tout en renforçant les responsabilités des ministères dans le suivi des actions,
comme la Cour l’avait souhaité en 2015
.
Il reste à s’assurer qu
e les administrations
disposeront de la capacité à reprendre elles-mêmes la gestion des actions PIA relevant
aujourd’hui des opérateurs
, ce qui sera nécessaire le jour où les conventions arriveront à
échéance.
Les objectifs initiaux devraient être globalement atteints, mais avec un retard de
quelques années par rapport au programme initial du fait de la complexité du montage des
projets et de la durée des investissements. À fin 2020, 48,3
Md€ étaient engagés
sur les
57
Md€
du PIA. Les décaissements
s’élevaient à
26,9
Md€ fin 2020
, ce chiffre ne prenant en
compte, pour les dotations non consommables, que les revenus annuels et non le montant
brut. Le GPI a pu monter en puissance rapidement grâce à la labellisation de programmes
déjà engagés ou
en voie de l’être
et du fait de la place occupée par le plan d’investissement
dans les compétences (PIC)
2
.
Les interventions en fonds propres ont pris une importance croissante, le PIA
contribuant au dynamisme du secteur français du capital-investissement. L
’impact effectif
des
fonds d’investissement est
toutefois difficile à apprécier à ce jour. Les particularités et les
durées relativement longues d’investissement conduisent à une montée en charge lente : sur
près de 9
Md€ de crédi
ts ouverts (dont il est vrai 3,8
Md€ au titre du PIA 3), les engagements
se montent à 5,9
Md€.
2
Cf.
Cour des comptes,
La conception et les conditions de
la mise en œuvre du
P
lan d’invest
issement dans les
compétences
Ministère du travail
période 2018 à 2022
, référé, avril 2021.
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La démarche induite par le PIA a entraîné des effets positifs. Elle a ainsi favorisé une
compétition entre les porteurs de projets et a joué un rôle de structuration, en particulier dans
le monde de la recherche,
qui s’est adapté
à des méthodes de priorisation des financements
propices à la recherche de l’excellence
, ou dans certains domaines industriels (transports
notamment). Le PIA a également eu un r
éel effet d’entraînement sur d’autres financements
publics et privés, traduisant la mobilisation autour d’écosystèmes de l’innovation
, même si
l’effet de levier affiché mérite d’être fortement relativisé
puisqu’il agrège
cofinancements privés
et publics (BPI France, Banque e
uropéenne d’
investissement). Le faible avancement de
certaines actions révèle aussi des difficultés structurelles qui nécessitent des actions de long
terme (par exemple
d’organisation de filières, de formation professionnelle, d’adaptation de
normes) ou impliquent une certaine stabilité des politiques et des réglementations (comme le
montre
a contrario
l’effet des changements
de
politique sur l’action consacrée au moteur
thermique du futur).
Enfin, l
impact global du PIA et du GPI sur le volume de l
’investissement
public est
difficile à apprécier
. Compte tenu du poids de l’investissement public local, les variations
observées en longue période sont en effet davantage déterminées par le rythme
d’investissement d
es administrations publiques l
ocales que par l’effet du PIA.
2.
UNE DÉMARCHE DE PERFORMANCE ET
D’
ÉVALUATION ENCORE
LIMITÉE
Le suivi et le pilotage du PIA obéissent davantage à une approche budgétaire
qu’à une
mesure de la performance et des risques.
Cette remarque concerne en particulier le suivi par le SGPI de l
’action des opérateurs,
même si celle-ci est globalement efficace et réalisée à un coût modéré avec toutefois des
situations divergentes d’un opérateur à l’autre
3
. Malgré un effort louable pour suivre les effets
du
PIA dans le compte général de l’État (CGE),
les données comptables restent
insuffisamment exploitées
, alors qu’il
serait
nécessaire, s’agissant d’un programme
d’investissement financé
sur fonds publics, de connaître et de retracer chaque fois que
possible
ses effets sur la constitution d’actifs (matériels, financiers, immatériels).
De même, le contrôle interne et la maîtrise des risques restent trop limités, alors que
l’ampleur du programme, la complexité de sa gestion reposant sur des délégation
s
successives à des gestionnaires et gestionnaires délégués et la part prise par les actifs
financiers justifieraient une meilleure structuration de ces fonctions au sein de l’État, qui est
en définitive
l’u
ltime porteur de risques. Ce constat est valable tout particulièrement pour les
investissements via des fonds et des fonds de fonds.
L’information donnée à la représentation
nationale sur leurs modalités de sélection, leurs niveaux de risque, leurs investissements et
leurs performances devrait être significativement enrichie.
Mais au-delà de ces limites, la principale faiblesse relevée tient au caractère tardif et
encore limité de la démarche d’évaluation des actions financées alors même qu’elle
était
inscrite dès l’origine au cœur de ce qui devait faire l’originalité et la valeur ajoutée du PIA
.
Sans méconnaître les difficultés
méthodologiques auxquelles se heurte l’évaluation
, ni le fait
que peu d’actions sont aujourd’hui achevées, il re
ste que celle-ci
n’est
toujours pas à la hauteur
des financements mobilisés. Plus de dix ans après le lancement du programme
, l’évaluation
reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs.
3
Du fait notamment de règles de calcul des coûts hétérogènes, ce qui conduit à retenir un mode de calcul forfaitaire
pour le PIA 4.
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Les travaux disponibles, encore trop rares (évaluation à mi-parcours des laboratoires
et équipements d’excellence, évaluation par l’Ademe des actions financées jusque 2019
notamment) font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de
recherche et d’innovation, sur la structuration d’organisations jusqu’alors dispersées, sur des
changements profonds qui rapprochent la France des standards internationaux (par exemple,
en matière de recrutement de post-doctorants, sur les publications scientifiques). Mais ils
révèlent aussi des difficultés plus structurelles, comme l’insuffisante insertion professi
onnelle
des chercheurs, ou les limites rencontrées, malgré la création des s
ociétés d’
accélération du
transfert de technologies (SATT),
dans la diffusion de l’innovation vers des solutions viables
au plan économique.
Les analyses de la Cour mettent en lumière également les pratiques développées et
certaines
raisons des échecs, qu’il conviendrait de mieux partager entre les différentes parties
prenantes
; s’agissant par exemple de l’action
« Véhicules et transports du futur », la réussite
du volet ferroviaire et du volet naval contraste avec les résultats mitigés du volet automobile,
et les bilans font ressortir l’importance d’autres facteurs
clés tels que le rôle des grands
donneurs d’ordre publics, ou
,
à l’inverse
, des stratégies non coordonnées aboutissant à un
échec (Cloud souverain).
Sur un plan plus général, certaines comparaisons internationales
font état d’une
amélioration globale, quoique contrastée, des performances de la France,
sans que l’on puisse
en
déduire un effet direct du PIA : la diffusion du numérique dans les entreprises s’améliore
ainsi depuis 2010 sans permettre pour autant à la France de rattraper le peloton de tête
européen ; par rapport aux autres grandes nations innovantes (États-Unis, Chine, Allemagne,
Japon, Corée du Sud, Royaume-Uni), la France dispose de quelques points forts (innovation
« à la frontière » par exemple), mais les résultats globaux restent hétérogènes.
L’appréciation des effets macro
-économiques du PIA reste très limitée, les complexités
méthodologiques et les interactions avec une multitude de dispositifs publics (fiscaux,
subventionnels, réglementaires, etc.) rendant l’exercice particulièrement délicat.
Ainsi,
s
’agissant d
e l
’innovation
de rupture, par nature risquée et aléatoire,
l’appréciation d
es
rendements et de
l’impact sur la productivité
est difficilement quantifiable
ex ante
. En outre, la
littérature académique n’est pas unanime sur le nombre d’années nécessaires avant de
pouvoir observer à la fois les premières retombées et les pleins effets des investissements en
recherche et développement (R&D).
C’est pourquoi les évaluations conduites jusqu’ici sont
essentiellement micro-économiques mais les particularités de chaque investissement en
rendent les conclusions peu généralisables.
En dépit de la complexité inévitable
d’un tel travail, la Cour juge qu’il est indispensable
que la démarche d
’évaluation enregistre des progrès significatifs s’agissant d’
un programme
dont l’ambition est d’asseoir dans la durée une stratégie d’innovation et de rupture. Malgré
les
progrès récents enregistrés
à la suite du rapport d’évaluation du comité de surveillance
de
2019, les résultats à ce jour restent en effet limités. Le SGPI a élaboré récemment une
procédure visant, d’une part, à normaliser et homogénéiser les évaluations à venir et, d’autre
part, à les inscrire dans un cadre de suivi combinant évaluations
ex ante
,
in itinere
et
ex post
.
Tout en notant l’intérêt d’év
aluations
in itinere
du fait de la longueur des actions, une
appréciation solide du PIA nécessitera de réaliser systématiquement les évaluations
socio-économiques
ex post
pour l’ensemble des actions.
La Cour ne manquera pas de suivre avec attention la mis
e en œuvre effective et les
premiers résultats de la procédure récemment mise en place en la matière par le SGPI.
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3.
UN AVENIR LIÉ À LA DÉFINITION
D’UNE
POLITIQUE GLOBALE DE
SOUTIEN À
L’INVESTISSEMENT
Le PIA était à l’origine une démarche conçue comme
exceptionnelle et massive en
réponse à un contexte bien déterminé : la crise financière majeure de 2007-2008 et une phase
de consolidation budgétaire rapide qui risquait de mettre à mal l’effort d’investissement
nécessaire au renforcement de la croissance
potentielle de l’économie en sortie de crise
.
En dépit du fait que le contexte de départ a profondément évolué, que la nécessité de
soutenir l’investissement public ne fait plus guère débat aujourd’hui et que de nombreux
programmes nationaux ou européens
d’investissement ont vu le jour
depuis 2010, les
gouvernements successifs ont fait le choix de poursuivre le recours au PIA sans en modifier
substantiellement les lignes générales. Le lancement récent du PIA 4 confirme cette
orientation qui tend implicitem
ent à pérenniser un outil conçu à l’origine comme exceptionnel
.
Au regard du contexte actuel, profondément renouvelé et durablement marqué par la
crise de la covid 19, la Cour estime que le moment est venu pour ouvrir une réflexion de fond
sur le devenir de cet instrument. Sans prétendre préjuger de ses conclusions, plusieurs points
d
’attention devraient
, selon elle, être pris en compte dans cette réflexion. Ils concernent tant
l’outil PIA considéré isolément que
s
a place dans la stratégie globale d’investissement de
l’
État.
S’agissant de l’outil lui
-même, s
a réintégration dans les politiques d’investissement
de
droit commun est une question qui se posera inévitablement à terme et qui doit être anticipée.
Même si la loi de finances pour 2021 autorise une prolongation conditionnelle pour cinq ans
supplémentaires des conventions PIA, l
’État
aura à arbitrer
sur la poursuite ou l’arrêt de
certaines actions. Il a commencé à le faire pour les
laboratoires d’excellence (
Labex), dont six
sont déjà pérennisés et bénéficient de la dévolution définitive d’un capital, tandis que les Labex
situés hors instituts d’exce
llence (Idex) doivent prendre fin en 2024
; s’agissant des
équipements d’excellence (
Équipex)
, l’absence de modèle économique robuste conduira à
privilégier une approche sélective et prudente. Les
décisions seront d’autant plus délicates
que le relais par
d’autres financements
(crédits budgétaires de droit commun ou financements
externes) peine à se mettre en place.
Le développement des investissements via des fonds de fonds pose par ailleurs la
question de la cohérence entre
une politique d’investissement de l’État
obéissant à des
objectifs stratégiques (politique industrielle, innovation de rupture, etc.) et
l’intermédiation par
des instruments financiers (fonds de fonds) qui suivent une logique indépendante dans le
cadre juridique contraignant dit de «
l’État investisseur avisé »
. Cette interrogation vaut en
particulier pour les investissements effectués, dans des proportions certes encadrées, dans
des entreprises étrangères.
La réflexion doit également
porter sur l’articula
tion du PIA avec les autres programmes
d’investissement
: GPI,
fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) dont la Cour a demandé la
rebudgétisation, ou encore, au niveau européen,
le plan d’investissement pour l’Europe (PIE
ou plan Juncker) en 2015 et
InvestEU
en 2020. Cette multiplication d’instruments
aux visées
stratégiques proches rend difficile
l’appréciation d’ensemble des
politiques de soutien à
l’investissement
et de leurs modes de pilotage. Elle contribue également à élargir la notion
d’investissement stratégique à de nouvelles catégories de dépenses (dépenses d’éducation,
de formation).
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Il conviendrait également de prendre en compte les dispositifs fiscaux (crédit
impôt-
recherche pour l’instrument le plus puissant en France)
, réglementaires, monétaires et
prudentiels
qui influent sur les décisions d’investissement des acteurs privés
. En effet, le
soutien à l’investissement dépend
aussi de leur appétence au risque,
aujourd’hui contrainte
par
l’
environnement économique et réglementaire. Les solutions de financement de marché
restent ainsi insuffisantes pour accompagner la croissance des
startups,
dont certaines, en
dépit de l’appui initial du PIA,
ont été cédées par la suite à des groupes étrangers, faute
d’investisseurs français.
U
ne approche globale de l’investissement
ne peut être dissociée
d’une analyse sur la manière de redonner à l’ensemble des acteurs de l’économie le sens du
long terme.
Plus largement, la réflexion à engager doit porter sur la stratégie globale
d’investissement de l’État.
La notion d’invest
issement stratégique, considéré comme vertueux par principe, risque
en effet de se diluer si la poursuite du PIA et la juxtaposition continue de nouveaux plans ou
outils à visées générales ou sectorielles ne sont pas précédées de la
définition d’une doctrine
globale d’investissement
.
De ce point de vue, l’acquis
en termes de méthode du PIA peut orienter les décisions
vers les investissements de qualité
agissant à long terme sur la structure de l’appareil productif
français. Il peut aussi favoriser une approche stratégique de l’investissement public, combinant
la conception classique d’accumulation
nette
de capital fixe avec la prise en compte d’enjeux
vi
taux pour l’avenir du pays, ce qui n’avait pas été fait jusqu’à présent mais
devrait commencer
à être dans le PIA 4. I
l s’agit en particulier de secteurs où la France conserve des positions
fortes, comme la défense et la sécurité, dont les innovations sont
susceptibles d’avoir des
retombées civiles importantes,
l’agriculture et l’
autonomie alimentaire, la sécurisation de toutes
les chaînes
d’approvisionnemen
t
. L’actualisation de la doctrine d’investissement du PIA
amorcée en 2020 revêt encore à cet égard une portée trop
limitée, loin du souhait d’une
refondation complète exprimé par le comité de surveillance du PIA.
La nécessité de définir une politique globale d’investissement implique
de mettre en
place une gouvernance adaptée. De ce point de vue, la Cour note que certaines évolutions
ont été amorcées récemment avec l
a création d’un nouvel échelon de supervision, le
comité
interministériel de l’innovation présidé par le Premier ministre
. En outre, le comité de
surveillance du PIA
s’est vu reconnaître une mission supplémentaire de conseiller du
Gouvernement sur les choix d’investissement.
Alors que le SGPI est aujourd’hui circonscrit
pour l’essentiel
au rôle de secrétariat général d
e l’instrument
PIA, une réflexion est à engager
pour permettre à l’État
de se doter
d’une capacité
de conception et de mise en
œuvre
des
choix d’investissements publics,
impliquant
l’ensemble des administrations concernées
.
Dans une période marquée à la fois par une situation très dégradée des finances
publiques et par
l’importance
des
besoins d’investissement
nécessaires à la croissance à
moyen-long terme
4
,
le risque existe de voir se poursuivre deux tendances à l’œuvre
: la
prolongation du PIA
d’une part
, le développement
parallèle d’outils nouveaux,
nationaux ou
européens de soutien à l’investissement
d’autre part
. Ce double mouvement fait peser des
risques sur la cohérence d’ensemble de l’action publique, sa correcte adéquation aux pr
iorités
collectives du pays et
l’efficience de l’effort financier
consenti par la collectivité. Prévenir ces
risques exige que soit adoptée une approche plus stratégique et plus globale de la politique
de soutien à l’investissement
,
s’appuyant sur
les enseignements de dix années de mise en
œu
vre du PIA, et que les conséquences en soient tirées tant au plan de la gouvernance de
cette politique que des instruments à mobiliser
4
Cf.
Cour des comptes,
Une stratégie des finances publiques pour la sortie de crise
, communication au Premier
ministre, juin 2021.
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Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à
l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que
vous aurez donnée à la présente communication
5
.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code
:
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
l’article L.
143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez à
la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et votre
administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici
5
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
(
à l’adresse électronique suivante
:
greffepresidence@ccomptes.fr
(cf. arrêté du 8 septembre 2015 modifié portant application du décret n° 2015-146 du 10 février 2015 relatif à la
dématérialisation des échanges avec les juridictions financières).