ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
PRÉSERVER
L’EMPLOI
Le ministère du travail
face à la crise sanitaire
Rapport public thématique
Synthèse
Juillet 2021
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Un soutien massif et rapide à l’emploi tout au long
de la crise sanitaire
5
2
Des mesures d’urgence massives mises en place
avec réactivité
7
3
Une profusion de mesures à la rentrée 2020 au risque
d’un certain éparpillement
11
4
Un objectif atteint de préservation immédiate
des emplois en dépit de certaines limites et d’un coût
non maîtrisé
13
5
Le contrôle, un enjeu majeur insuffisamment
pris en compte
15
Orientations et recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un soutien massif et rapide
à l’emploi tout au long
de la crise sanitaire
Face à la crise sanitaire et à ses
conséquences économiques et sociales,
le ministère du travail a eu pour objectifs
d’assurer une certaine continuité du
fonctionnement courant des entreprises
tout en veillant aux conditions de travail
des salariés, de prévenir l’effondrement
immédiat de l’économie, de sécuriser
la situation de la plupart des acteurs et
d’éviter le basculement immédiat dans
la précarité de certains publics . À des
mesures d’urgence, ciblées et massives,
mises en œuvre avec rapidité dans les
premiers temps de la crise, a succédé
à l’été 2020 une profusion de mesures
répondant à des objectifs divers - faire
face à la poursuite de la crise sanitaire,
prendre
en
compte
de
nouvelles
urgences, préparer l’après-crise – au
risque d’une certaine confusion .
Les moyens engagés sur le périmètre
du ministère chargé de l’emploi sont
inédits : pour un budget exécuté de
13,4 Md€ en crédits de paiement sur
les programmes 102 et 103 en 2019 et
de 31,8 Md€ en 2020 (toutes missions
budgétaires confondues
1
), la délégation
générale à l’emploi et à la formation
professionnelle disposait début 2021 de
29,8 Md€, sans compter le financement
par l’Unédic de certaines mesures, ni
les crédits supplémentaires ouverts en
cours d’année .
Les principaux dispositifs déployés en
2020 et au premier semestre 2021 sont
rappelés dans le graphique suivant .
1 Programmes 102
Accès et retour à l’emploi
et 103
Accompagnement des mutations
économiques et développement de l’emploi
de la mission
Travail et emploi
, programme 356
Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d’urgence aux employeurs et aux
actifs précaires à la suite de la crise sanitaire
de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
et programme 364
Cohésion de la mission Plan de relance
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
NB : Le schéma mentionne le coût constaté (2020)
2
ou estimé (2021) des mesures mises en
œuvre. Les montants indiqués pour 2021 sont ceux votés en loi de finances initiale ou annoncés
lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’ouverture de crédits en loi de finances initiale
3
.
Sigles utilisés : APLD : activité partielle de longue durée ; CFA : centres de formation des
apprentis ; CP : crédits de paiement ; EA : entreprises adaptées ; IAE : structures de l’insertion
par l’activité économique ; PACEA : parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi
et l’autonomie ; PEC : parcours emploi compétence ; PRIC : pactes régionaux d’investissement
dans les compétences ; ProA : reconversion ou promotion par l’alternance ; Transco : transitions
professionnelles collectives.
Source : Cour des comptes
Un soutien massif et rapide à l’emploi
tout au long de la crise sanitaire
Mesures d’urgence, de soutien et de relance mises en œuvre
par le ministère du travail en 2020 et 2021
2 Sur le coût des mesures pour l’État, cf . Cour des comptes,
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire 2020 des crédits de la mission Travail et emploi
et
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire 2020 des crédits de la mission Plan d’urgence
, avril 2021 .
3 C’est notamment le cas pour l’aide aux permittents et saisonniers récurrents, ainsi que pour les
transitions collectives . Par ailleurs, les montants votés en loi de finances initiale ne couvrent pas
le coût de la prolongation de plusieurs aides, annoncée au premier trimestre 2021 (notamment
des aides à l’embauche en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation jusqu’à
la fin de l’année 2021) .
2020
(Exécution, CP)
2021
(Prévision, CP)
Activité partielle de crise et APLD
(État + Unédic)
:
14,7 Md€ selon le PLFR 2021
FNE-Formation « parcours » : 588 M€
FNE-Formation : 226 M€
Activité partielle de crise : 26,2 Md€
(État + Unédic) dont 11 M€ APLD
Soutien à Pôle Emploi : 250 M€
Soutien à France compétences : 750 M€
Soutien aux missions locales : 140 M€
Prolongation
des droits des chômeurs
(Unédic) :
680 M€
(estimation)
Soutien indirect
aux CFA
(maintien
des coûts)
Soutien
IAE et EA :
452 M€
Prolongation
des droits des chômeurs
(Unédic) :
3 Md€
(estimation)
Prime différentielle
permittents : 900 M€
(estimation)
« Année blanche » intermittents du spectacle :
750 M€
(estimation)
Accompagnement :
allocations Garantie jeunes et PACEA : + 117 M€
conseillers au Pôle Emploi : + 69 M€
I
AE jeunes : + 47 M€, formation 16-18 ans : 123 M€
Contrats aidés :
PEC jeunes : 240 M€, CIE : 172 M€
Prime à l’embauche apprentis : 800 M€
+ contrats Pro : 640 M€ en LFI + prolongation : 2,4 Md€
Abondement des PRIC de 175 M€ pour la formation
des jeunes et revalorisation de la rémunération
pendant la formation : 85 M€
Reconversion des salariés :
ProA (108 M€), Transco
(100 M€), CPF-PTP (100 M€), abondemement CPF (23 M€)
+ revalorisation rémunération de formation : 106 M€
Primes à l’embauche :
940 M€
Primes à l’embauche jeunes :
900 M€ en LFI + prolongation
+ prime embauche
handicap : 78 M€
Apprentis : 630 M€
Jeunes : 174 M€
Contrats de professionnalisation : 140 M€
PLAN # 1jeune1solution
Plan de relance
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au début de la crise sanitaire, grâce à
une très forte mobilisation des services
et des équipes dans la conception des
mesures et dans leur mise en œuvre,
l’État et ses opérateurs sont parvenus
à apporter une réponse rapide, en
dépit
de
difficultés
inhérentes
à
l’urgence .
L’intervention
de
l’État
dans
les
champs de l’emploi et du travail a été
centrée sur quelques mesures fortes :
l’activité partielle pour sécuriser les
entreprises et les salariés et éviter les
licenciements, le FNE-Formation pour
renforcer la formation professionnelle
des salariés placés en activité partielle,
et le maintien de droits à indemnisation
afin d’éviter le basculement immédiat
de
certains
demandeurs
d’emploi
dans
la
précarité
(report
de
la
réforme
de
l’assurance
chômage,
prolongation des droits des chômeurs
en fin de droit, adaptation du régime
des
intermittents
du
spectacle) .
L’organisation
des
conditions
de
travail dans un contexte d’épidémie
a également constitué un enjeu fort
pour le ministère du travail dès le
début de la crise .
Cette réactivité est d’autant plus à
souligner que de nombreux acteurs
publics ou privés étaient engagés
dans des réformes et n’étaient pas
toujours préparés à des conditions de
travail à distance ni à la fermeture de
leurs locaux . Tous ont renforcé leur
capacité à conduire leurs activités
à distance . La crise a aussi permis
d’instaurer un dialogue plus régulier
entre l’État et ses partenaires, au plan
national comme à l’échelon local, qu’il
conviendra de pérenniser après la
crise sanitaire .
S’agissant de l’activité partielle, la
France a retenu les enseignements
de la crise financière de 2008 en la
mettant immédiatement au cœur de
sa réponse en faveur de l’emploi, avec
des moyens financiers considérables
(33,8 Md€ prévus en 2020 dont
22,6 Md€ ouverts sur le budget de
l’État et 11,2 Md€ à la charge de
l’Unédic) et un régime parmi les plus
favorables en Europe . L’élaboration
des
textes
visant
à
modifier
profondément le dispositif antérieur
à la crise comme la mise en place des
crédits budgétaires ont été effectuées
avec célérité, avec des adaptations
régulières
pour
tenir
compte
de
l’évolution du contexte et de certaines
situations (régime différencié selon
les secteurs notamment) .
Des mesures d’urgence
massives mises en place
avec réactivité
2
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Malgré
sa
mobilisation,
l’Agence
de services et de paiement (ASP),
chargée de la gestion et du paiement
de l’activité partielle, n’a pu faire
face dans les premières semaines à
l’afflux massif d’inscriptions dans son
système d’information . Après quelques
semaines de difficultés, les services de
l’État comme l’ASP sont cependant
parvenus, en redéployant une partie de
leurs effectifs et en choisissant d’alléger
et d’automatiser les procédures, à
traiter les demandes des entreprises
dans des conditions reconnues par tous
comme satisfaisantes . Les paiements
ont ainsi été réalisés dans des délais
rapides (6,3 jours en moyenne en
2020) .
Le
choix
de
compléter
l’activité
partielle par un dispositif exceptionnel
de
formation
professionnelle
est
intervenu quelques semaines après le
début de la crise . Si la décision de confier
assez rapidement aux opérateurs de
compétences (Opco) l’instruction des
dossiers a été pertinente car les services
de l’État (les Direccte) étaient saturés, il
a entraîné certaines lourdeurs en raison
de la déconcentration de la gestion
(signature de quelque 159 conventions
bilatérales,
divergences
initiales
de
doctrine entre Direccte sur l’application
des règles), qui ont été progressivement
surmontées avec pragmatisme .
Des mesures d’urgence massives mises en place
avec réactivité
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des mesures d’urgence massives mises en place
avec réactivité
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
2020
2021
1
er
confinement
17 mars – 11 mai
Déconfinement
11 mai - 2 juin
Restrictions limitées
2 juin - 30 octobre
2
ème
confinement
30 octobre -
28 novembre
Allègement
des restrictions
en 4 phases
3 avril – 30 juin
23 mars :
création du régime exceptionnel d’activité partielle
25 mars :
prorogation de l’indemnisation des demandeurs
d’emploi en fin de droit
27 mars :
1
er
report de la réforme de l’assurance chômage
9 avril :
déploiement du régime exceptionnel de FNE-Formation
5 mai 2020 :
déploiement du plan de contrôle de l’activité partielle
1
er
juin 2020 :
modulation des taux de l’activité partielle
selon les secteurs
1
er
juillet 2020 :
démarrage de l’activité partielle de longue durée (APLD)
23 juillet 2020 :
présentation du plan « 1 jeune 1 solution »
5
août 2020 :
entrée en vigueur de l’aide à l’embauche de jeunes
de moins de 26 ans
25 août 2020 :
entrée en vigueur des mesures en faveur
de l’embauche d’alternants
26 août 2020 :
présentation du plan de soutien aux travailleurs
en situation de handicap
1
er
septembre 2020 :
début de l’ « année blanche » pour les intermittents
du spectacle
3 septembre 2020 :
présentation du plan de relance
23 octobre 2020 :
présentation du plan de soutien aux entreprises
sociales inclusives
1
er
novembre 2020 :
révision du régime exceptionnel du FNE-Formation
25 novembre 2020 :
nouvelle prorogation de l’indemnisation
des demandeurs d’emploi en fin de droit
21 décembre 2020 :
création de l’aide temporaire aux permittents
pour 4 mois
11 janvier 2021 :
déploiement des transitions collectives
5 février 2021 :
prolongation de 3 mois de l’aide temporaire
aux permittents
15 février 2021 :
assouplissement des conditions d’entrée
en Garantie jeunes
15 mars 2021 :
prolongation de l‘aide à l’embauche d’alternants
jusqu’au 31 décembre 2021
31 mars 2021 :
nouvelles règles de l’assurance chômage à compter
du 1
er
juillet 2021
13 avril 2021 :
mesures d’incitation au recrutement des saisonniers d’été
11 mai 2021 :
prolongation de « l’année blanche » pour les intermittents
du spectacle jusqu’au 31
décembre 2021
Couvre-feu /
Restrictions
territoriales
28 novembre 2020 -
3 avril 2021
28 mai 2021 :
- prolongation de l’aide aux permittents jusqu’au 31 août 2021
et de l’aide à l’embauche de travailleurs en situation de handicap
jusqu’au 31 décembre 2021
- assouplissement des conditions d’éligibilité à la Garantie jeunes
- mise en place du dispositif de sortie du régime exceptionnel
d’activité partielle jusqu’au 31 octobre 2021
Frise chronologique retraçant les principales étapes
de la crise sanitaire et les mesures prises en conséquence
Source : Cour des comptes
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
À partir de l’été 2020, le Gouvernement
a annoncé un nouvel ensemble de
mesures en faveur de l’emploi et de
la formation professionnelle . Pour la
plupart intégrées au Plan de relance,
elles devaient se substituer aux mesures
d’urgence initiales . Or, la persistance
de la crise sanitaire a compliqué le
calendrier de leur mise en œuvre . Ont
ainsi coexisté des mesures d’urgence du
début de crise, prorogées, des mesures
pour répondre à de nouvelles urgences
comme celle d’apporter une solution
aux quelques 750 000 jeunes arrivant
sur le marché du travail à la rentrée
2020, et enfin des mesures de plus long
terme dans un objectif de relance de
l’activité ou de prévention des effets
plus durables de la crise sur l’emploi .
Cette
superposition
explique
les
difficultés de déploiement au second
semestre 2020 de l’activité partielle
de longue durée (APLD), destinée
à prendre le relais du régime très
favorable d’activité partielle instauré
au début de la crise . La conclusion
d’accords
de
branches
relatifs
à
l’APLD a également été moins rapide
qu’attendu .
Son
déploiement
a
progressé au 1
er
trimestre 2021, mais
il ne concerne pas tous les secteurs
d’activité dans les mêmes proportions .
La
révision
du
régime
du
FNE-
Formation
le
1
er
novembre
2020
ne s’est concrétisée qu’au cours du
1
er
trimestre 2021 avec la conclusion
de conventions-cadres nationales avec
les Opco et une réorientation judicieuse
vers des parcours de formation . Celle-
ci s’inscrit dans le cadre de la priorité
désormais accordée à la formation
professionnelle des salariés, dans la
perspective de l’après-crise, alors que ses
ressources avaient été surtout dirigées
depuis 2018 vers l’apprentissage et
les demandeurs d’emploi . Comme des
moyens importants sont mobilisés en
faveur de dispositifs peu utilisés avant
la crise ou nouveaux - promotion ou
reconversion par l’alternance (ProA),
compte personnel de formation « de
transition », transitions collectives – il
importe de réaliser des bilans réguliers,
quantitatifs, qualitatifs et financiers,
et d’évaluer l’impact de ces différents
dispositifs .
Le plan « # 1 jeune 1 solution » a déployé
de nombreuses mesures en faveur des
jeunes au risque d’une dispersion des
moyens et d’une saturation des services
instructeurs .
Ce
choix
pragmatique
d’une réponse tous azimuts en faveur
des
jeunes,
remettant
parfois
en
question des orientations précédentes,
nécessite, là aussi, d’organiser un suivi
précis et régulier de leur déploiement .
Une profusion de mesures
à la rentrée 2020 au risque
d’un certain éparpillement
3
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Plusieurs mesures ont été lancées dès
le second semestre 2020 . Il en est ainsi
en particulier des aides à l’embauche
des apprentis et des jeunes, qui ont
connu un succès dès la rentrée 2020
pour la première, un peu plus tard pour
la seconde, répondant à l’objectif de
réactivité attendu de telles mesures .
Quelques difficultés dans la gestion de
ces aides, progressivement résolues au
premier trimestre 2021, ont toutefois
entraîné des retards de paiement aux
entreprises ; la prolongation de la crise
a entraîné au premier trimestre 2021 la
décision de prolonger certaines d’entre
elles jusqu’à la fin de l’année 2021 .
Pour l’accompagnement des jeunes,
l’objectif du doublement du nombre
d’entrées en Garantie jeunes prévu
en 2021 est ambitieux au regard des
modalités d’accompagnement et des
critères jusqu’alors appliqués . Cela
a conduit le ministère du travail, de
l’emploi et de l’insertion à faire évoluer
ces critères et à renforcer les moyens
alloués
aux
missions
locales .
On
observe une hausse des entrées dans
ce dispositif dans les premiers mois de
2021 par rapport à la même période
en 2019 (dernière année non affectée
par la crise) . Parallèlement, l’État a
révisé sa stratégie en recourant aux
contrats aidés pour les jeunes, alors
que
ce
mode
d’accompagnement
des jeunes était devenu marginal . Le
démarrage s’est avéré en-deçà des
attentes dans les derniers mois de
2020 et début 2021 pour les contrats
conclus dans le secteur marchand .
Afin de combler un « angle mort »
du plan d’urgence lancé au début
de la crise, le Gouvernement a créé,
à compter du 1
er
novembre 2020 et
pour une durée prorogée jusqu’en
mai 2021, puis à fin août 2021,
une aide aux salariés alternant des
périodes d’emploi et de chômage
(travailleurs « permittents ») et aux
saisonniers
récurrents .
En
raison
de la complexité des opérations de
détermination des ayants droit par
Pôle emploi, les premiers versements
à
quelque
535 000
bénéficiaires
sont intervenus en février 2021 ; des
paiements indus ont été constatés
pour près de 15 000 personnes,
selon le nombre de cas identifiés à
fin avril 2021 .
Enfin, dans le secteur des entreprises
sociales inclusives, un plan de soutien
de plus de 300 M€, conçu assez tôt,
n’a été déployé qu’à l’automne 2020,
réduisant les délais de préparation
des dossiers et d’instruction par les
services de l’État .
Le choix de mobiliser depuis l’été 2020
un très grand nombre de dispositifs,
anciens ou nouveaux, implique un
travail important de gestion et de
suivi par les services de l’État et les
autres acteurs qui en sont chargés . Il
convient dans ce contexte de veiller à
l’adéquation des moyens disponibles
pour le mettre en œuvre .
Une profusion de mesures à la rentrée 2020
au risque d’un certain éparpillement
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un objectif atteint de préservation
immédiate des emplois en dépit
de certaines limites et d’un coût
non maîtrisé
De premiers indices suggèrent que
l’activité partielle a bien évité, ou à tout
le moins différé, une partie de l’impact
négatif de la crise sur l’emploi, mais
la gestion de la sortie de crise sera
déterminante pour en établir le bilan
final . Les effets pervers habituellement
redoutés lorsque s’applique une telle
mesure (effets d’aubaine au profit
d’entreprises qui n’en auraient pas eu
besoin, versements en pure perte au
bénéfice d’entreprises non viables)
paraissent,
en
première
analyse,
relativement circonscrits .
4
Estimation du nombre de salariés effectivement placés en activité partielle,
en personnes physiques et en ETP
0
2
4
6
8
10
Nombre de salariés effectivement placés en activité partielle (en millions)
Nombre de salariés en ETP effectivement placés en activité partielle (en millions)
Source : Dares, Situation sur le marché du travail pendant la crise sanitaire au
21 mars 2021
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les deux autres principales mesures
d’urgence
appellent
un
jugement
nuancé .
D’une
part,
les
pouvoirs
publics
ont
souhaité
ouvrir
un
large accès au FNE-Formation pour
financer la formation des salariés
des entreprises recourant à l’activité
partielle . L’objectif de départ, louable,
était d’intégrer un volet « formation »
à une politique de maintien dans
l’emploi, alors que ce lien est trop
souvent absent . Il s’agissait de saisir
une
opportunité
d’améliorer
la
qualification de salariés disposant d’un
temps libéré, face à un durcissement
à venir des conditions du marché du
travail . Cependant, le bilan s’avère
médiocre
faute
d’un
ciblage
du
dispositif en termes de publics et
de contenus . Ainsi, les modalités de
mise en œuvre ont surtout permis le
financement de formations courtes et
non qualifiantes au profit de publics
variés, sans considération de leur
fragilité, ni de l’intérêt réel des projets
de formation pour les entreprises
ou
la
sécurisation
du
parcours
professionnel
des
intéressés .
Le
nécessaire recentrage du dispositif est
intervenu tardivement, du fait de son
lien avec les évolutions imprévisibles
du calendrier d’ajustement de l’activité
partielle .
D’autre part, la prolongation des droits
des chômeurs pendant la période de
confinement était une mesure d’équité
incontestable, qui a été mise en œuvre
avec célérité par Pôle emploi . Le coût
de cette mesure devrait s’élever au
total à 3,7 Md€ en raison de sa durée
(pendant le premier confinement puis
du 30 octobre 2020 au 30 juin 2021)
et du nombre élevé de bénéficiaires
(360 000 pendant la première période,
830 000 pendant la seconde) . Le coût
de la mesure d’« année blanche » pour
les intermittents du spectacle s’avère
très supérieur, par personne concernée,
à celui du dispositif de droit commun,
dans une proportion que ne justifie
pas toujours la particularité de leur
secteur . La différence de traitement est
particulièrement nette avec certaines
catégories
de
salariés
en
contrat
de travail précaire, intérimaires ou
permittents, pour lesquels le soutien
a été beaucoup plus mesuré et plus
tardif .
Les mesures mises en œuvre à partir
de l’été 2020 présentent un état
d’avancement variable . Le succès des
aides à l’embauche d’apprentis s’est
traduit par une nette augmentation du
nombre de contrats d’apprentissage
en 2020, même si elle s’est faite pour
partie au détriment des contrats de
professionnalisation .
L’impact
de
l’aide à l’embauche sur l’entrée des
jeunes sur le marché du travail depuis
la rentrée 2020 devra, pour sa part,
être analysé plus précisément, de
même que la concurrence éventuelle
entre les dispositifs mis en place . Il
est ainsi possible que les difficultés
de démarrage des contrats aidés en
faveur des jeunes soient en partie liés
au succès de l’aide à l’embauche des
jeunes à la même période .
Un objectif atteint de préservation immédiate
des emplois en dépit de certaines limites
et d’un coût non maîtrisé
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
5
Le contrôle, un enjeu majeur
insuffisamment pris en compte
Le déploiement massif de nouveaux
dispositifs
de
soutien
en
matière
de travail, d’emploi et de formation
professionnelle portait en lui-même
l’enjeu déterminant du contrôle du
versement des aides à bon droit, d’autant
plus que la priorité avait été accordée à
la rapidité de traitement des demandes .
Malgré la mobilisation des personnels
et des résultats incontestables obtenus,
les enjeux du contrôle n’ont pas été
correctement
appréhendés
par
les
pouvoirs publics . Le plan de contrôle a
été conçu dans une logique quantitative
et une volonté de démontrer une
rapidité de riposte face à la fraude, au
détriment de la qualité de celle-ci .
Faute d’une réflexion large en amont,
l’accent a été mis sur la recherche
de certaines formes de fraude très
médiatisées, telles que le cumul entre
activité partielle et télétravail dissimulé,
qui
se
sont
avérées
extrêmement
difficiles à établir . Les risques se situaient
en réalité tout autant, sinon davantage,
dans la surévaluation des heures et
des salaires déclarés et dans la mise en
place de fraudes organisées reposant
sur la création en chaîne de sociétés
coquilles ou sur l’usurpation d’identité .
De surcroît, certaines caractéristiques
du
dispositif
lui-même,
comme
la
modulation des taux ou la non-prise
en charge des congés, induisaient des
possibilités d’erreurs ou de risques de
tentatives de fraude en grand nombre .
Pour faire échec à ces formes d’abus, il
aurait fallu permettre rapidement des
croisements
de
données
nouveaux,
notamment
entre
les
demandes
d’indemnité, les déclarations sociales
nominatives, le fichier des comptes
bancaires . Ceux-ci n’ont été effectués
que
tardivement
et
de
manière
parcellaire . Il aurait également fallu
rétablir
rapidement
les
contrôles
a priori,
dont la suppression temporaire
pouvait
se
comprendre
dans
les
toutes premières semaines, mais ne se
justifiait plus au-delà . Les méthodes
de ciblage choisies ne permettent
même pas d’estimer ce qu’a pu être
le montant des trop-versés sur un
dispositif dont le coût budgétaire
excède 26 Md€ pour l’année 2020 .
L’ensemble justifie qu’un nouveau plan
de contrôle revienne sur l’ensemble
des indemnités versées, avec cette fois
les outils et les méthodes adéquats .
Certes, les lacunes constatées dans
la conception et le déploiement des
contrôles sont à apprécier dans le
contexte très particulier de l’urgence
dans laquelle ces contrôles ont été
menés, et des moyens disponibles . Mais
cette expérience doit inciter le ministère
du travail, de l’emploi et de l’insertion
à opérer une mutation culturelle dans
son rapport aux abus et aux fraudes,
mutation déjà opérée dans d’autres
administrations telles que la DGFiP
ou les Urssaf . L’existence de réseaux
de fraudes organisées devra à l’avenir
être prise en compte dès la conception
des dispositifs, et des progrès décisifs
doivent encore être accomplis dans
l’interfaçage des données .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le contrôle, un enjeu majeur insuffisamment
pris en compte
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Garantir le versement à bon droit
des aides liées à la crise
3.
Mettre en place des dispositions
permettant
la
restitution
des
allocations
d’activité
partielle
perçues par les entreprises n’ayant
pas enregistré de baisse de l’activité
(ministère du travail, de l’emploi et de
l’insertion)
5.
S’assurer
systématiquement
de
l’éligibilité au taux le plus favorable
d’allocation d’activité partielle des
entreprises qui en ont bénéficié
(ministère du travail, de l’emploi et de
l’insertion)
6.
Lancer
dans
les
services
déconcentrés de l’État une nouvelle
vague
de
contrôles
a
posteriori
sur les dossiers d’activité partielle
depuis
mars
2020,
dans
des
conditions qui permettront d’évaluer
par extrapolation l’ampleur totale
de la fraude
(ministère du travail, de
l’emploi et de l’insertion)
7.
Permettre
aux
services
de
contrôle de l’État et de l’Agence
de
services
et
de
paiement
de
réaliser les croisements de données,
notamment
sociales,
fiscales
et
bancaires, afin de mieux lutter contre
la fraude
(ministère des comptes
publics, Acoss, Cnam/MSA, ministère
du travail, de l’emploi et de l’insertion,
Agence de services et de paiement)
8.
Déployer
dans
les
services
déconcentrés de l’État un plan de
contrôle de la qualité des dossiers
instruits
par
les
opérateurs
de
compétences (Opco) au titre du
FNE-Formation
(ministère du travail,
de l’emploi et de l’insertion)
Mieux cibler les dispositifs
1.
Étudier, pour l’avenir, la baisse du
plafond de prise en charge au titre
de l’activité partielle des indemnités
versées par les entreprises à leurs
salariés à 3,5 ou 4 fois le Smic au
lieu de 4,5 fois le Smic
(ministère du
travail, de l’emploi et de l’insertion)
Suivre et évaluer les mesures ;
capitaliser les expériences
2.
À partir des données recueillies par
le comité d’évaluation des mesures
d’urgence, définir un programme
de
travail
partagé
d’évaluation
de l’impact des mesures dans le
domaine du travail et de l’emploi,
sous l’égide de France Stratégie
(France Stratégie, Insee, ministère du
travail, de l’emploi et de l’insertion,
ministère de l’économie, des finances
et de la relance)
4.
Prévenir systématiquement l’émer-
gence de fraudes organisées dès la
conception d’un nouveau dispositif
exceptionnel de prestation
(ministère
du travail, de l’emploi et de l’insertion)
Orientations
et recommandations
4
4 La numérotation des recommandations correspond à leur ordre de présentation au fil du
rapport .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
9.
Évaluer périodiquement les dispo-
sitifs de formation professionnelle
mobilisés en réponse à la crise afin de
pouvoir les adapter et, le cas échéant,
de changer de stratégie
(ministère du
travail, de l’emploi et de l’insertion)
10.
Mettre en place un suivi du
déploiement
de
l’ensemble
des
dispositifs de crise dans le réseau des
services déconcentrés de l’État de
manière à évaluer l’adéquation des
moyens disponibles pour le mettre
en œuvre
(ministère du travail, de
l’emploi et de l’insertion)
Orientations
et recommandations
4
4 La numérotation des recommandations correspond à leur ordre de présentation au fil du
rapport .