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Jugement n° 2020-0008
Audience publique du 3 novembre 2020
Jugement prononcé le 3 décembre 2020
Foyer de vie départemental
« Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure
Eure-et-Loir
028 018 990
Exercices 2015 à 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des établissements publics
locaux ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié ;
Vu le réquisitoire du ministère public R/19/076/REQ du 17 septembre 2019 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du foyer de vie départemental « Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure, par Mme Christine X... en fonction du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre
2017 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou communiquées au cours de
l’instruction ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le rapport n° 2020-0003 de M. Vincent Sivré, président de section, communiqué au
ministère public le 3 février 2020 ;
Vu les conclusions n° C/20/004/JAFJ du 17 février 2020 du procureur financier ;
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Après avoir entendu lors de l’audience publique du 3 novembre 2020 M. Vincent Sivré,
président de section, en son rapport, et M. Jean-Marc Le Gall, procureur financier, en ses
conclusions, les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience, n’étant ni présentes ni
représentées ;
Entendu en délibéré Mme Annick Nenquin, première conseillère, réviseure, en ses
observations ;
Sur les présomptions de charges n° 1, 2 et 3 soulevées à l’encontre de Mme Christine X...
au titre respectivement des exercices 2015, 2016 et 2017
1-
Sur le rappel du réquisitoire
ATTENDU que, par réquisitoire susvisé du 17 septembre 2019, le procureur financier ayant
saisi la chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par
Mme Christine X..., comptable du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-
sur-Eure, a estimé que sa responsabilité personnelle et pécuniaire pouvait être mise en jeu à
hauteur de 55 776,87 euros au titre de l’exercice 2015 (charge n° 1), de 54 732,98 euros au titre
de l’exercice 2016 (charge n° 2) et de 17 505,66 euros au titre de l’exercice 2017 (charge n° 3)
pour avoir procédé au paiement de mandats d’admission en non-valeur sans disposer d’une
décision et d’un état précisant pour chaque titre le montant admis
;
2-
Sur le droit applicable
ATTENDU qu’aux termes de l’article 60-1 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des
dépenses, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de
comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / Les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils
sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions
prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle
et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement
payée (…) » ;
ATTENDU qu’aux termes de l'article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à
la gestion budgétaire et comptable publique, « Le comptable public est tenu d'exercer le
contrôle : (…) 2° S'agissant des ordres de payer (...) d) De la validité de la dette dans les
conditions prévues à l'article 20 » ; que ledit article 20 du même décret prévoit que le contrôle
des comptables publics sur la validité de la dette porte notamment sur « 2° L'exactitude de la
liquidation ; (…) 5° La production des pièces justificatives » ;
ATTENDU que l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT)
dispose que, « Avant de procéder au paiement d'une dépense (…), les comptables publics des
collectivités territoriales, des établissements publics locaux (…) ne doivent exiger que les
pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du
présent code » ; qu'en application de la rubrique 143 « admissions en non-valeur » de la
nomenclature annexée à l'article précité D. 1617-19 du CGCT dans sa version issue du décret
du 25 mars 2007, et de la rubrique 133 dans sa version issue du décret du 20 janvier 2016
applicable à compter du 23 janvier 2016, il est exigé pour le paiement des admissions en non-
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valeur les pièces justificatives suivantes : « 1. Décision ; 2. État précisant pour chaque titre le
montant admis » et qu’un renvoi précise que ces pièces « peuvent soit faire l'objet d'une
délibération spécifique, soit être remplacées par une liste de créances admises en non-valeur
annexée au compte administratif » ;
ATTENDU, enfin, que l'instruction codificatrice n° 11-022-M0 du 16 décembre 2011 prévoit
que « La décision d'admission en non-valeur relève de la compétence de l'assemblée délibérante
et précise pour chaque créance le montant admis » ;
3-
Sur les manquements du comptable à ses obligations
ATTENDU que la comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de
la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63-156 susvisée ;
-
Sur les éléments de fait
ATTENDU
que
Mme
Christine
X..., comptable
du
foyer
de
vie
départemental
« Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure, a pris en charge les mandats suivants d’admission en
non-valeur imputés au compte 654 « pertes sur créances irrécouvrables » :
EXERCICES
N° MANDAT
DATE
D'ÉMISSION
DATE DE PRISE
EN CHARGE
MONTANT
(en
€
)
2015
2248
21/01/2016
31/12/2015
55 776,87
2016
2189
20/01/2017
31/12/2016
54 732,98
2017
2270
31/01/2018
31/12/2017
17 505,66
ATTENDU qu’à l'appui des mandats précités étaient joints des états de restes à recouvrer
indiquant, par exercice, les sommes restant à recouvrer, soit 55 776,87 euros pour 2015,
54 732,98 euros pour 2016 et 17 505,66 euros pour 2017 ; que figurent également au dossier
les délibérations du conseil d’administration du foyer de vie départemental « Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure des 23 octobre 2014, 19 octobre 2015 et 24 octobre 2016 approuvant et
arrêtant le budget pour les exercices respectifs 2015, 2016 et 2017, ainsi que des lettres du
conseil départemental d’Eure-et-Loir des 20 mai 2015, 21 avril 2016 et 15 décembre 2016
proposant d’arrêter le montant des dépenses et des recettes par groupe fonctionnel dont, pour le
compte 654 « pertes sur créances irrécouvrables », une somme de 56 092,69 euros pour chacun
des exercices 2015, 2016 et 2017 ;
ATTENDU que, s’il y a correspondance exacte entre chacun des mandats et les états de restes
qui leurs sont annexés, ces états ne répondent pas aux prescriptions de l’annexe de l’article
D. 1617-19 précitée relative aux pièces justificatives, qui impose la production d’une décision
et d’un état justifiant les montants admis ;
-
Sur les réponses des parties
ATTENDU qu’en réponse, la comptable fait valoir en premier lieu que les titres concernés,
datant des années 2001 à 2009 et relatifs à des exercices jugés, étaient déjà prescrits à son
arrivée dans le poste comptable de Courville-sur-Eure, qu’il lui était donc juridiquement
impossible de les poursuivre, qu’elle n’a pu obtenir le recouvrement des titres émis au nom du
conseil départemental d’Eure-et-Loir ou des Hauts-de-Seine, et qu’elle avait formulé à son
arrivée dans le poste des réserves quant aux titres impayés ;
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ATTENDU toutefois, d’une part, que l’admission en non-valeur ne concerne que la
comptabilité de l’ordonnateur et du comptable et n’exonère pas un débiteur de sa dette, et que
ni l’admission en non-valeur ni même la prescription d’un titre ne font obstacle à son éventuel
recouvrement ; que, d’autre part, la présomption de charge ici examinée porte non pas sur
l’absence de recouvrement de titres de recettes, mais sur l’absence des pièces justificatives dont
les mandats d’admission en non-valeur devaient être assortis ; que ce moyen ne peut donc
qu’être écarté ;
ATTENDU que la comptable soutient, en deuxième lieu, que les titres 1786/2001, 1787/2001
et 268/2002 sont des titres de rattachement émis avec un mauvais typage qui aurait rendu
impossible leur annulation et justifié dès lors leur admission en non-valeur, et qu’un jugement
de la chambre régionale des comptes avait dégagé la responsabilité de son prédécesseur sur un
sujet identique ; qu’elle ajoute que le titre 183814011-1 de 2013 représente un ordre de
reversement suite à la prise en charge d’un mandat correctif de 2013 sur un mandat d’admission
en non-valeur déjà traité ;
ATTENDU toutefois que, s’agissant en l’espèce d’une présomption de charge pour défaut de
contrôle de la production des pièces justificatives exigées à l’appui des mandats d’admission
en non-valeur, ces éléments portant exclusivement sur le bien-fondé desdits mandats sont
inopérants et doivent être rejetés ; qu’au demeurant le mauvais typage invoqué pour certains
titres objets des mandats n’est pas établi par les pièces du dossier ;
ATTENDU que la comptable soutient, en troisième lieu, que la pièce justificative relative aux
titres 1019/2003 et 1143/2004 est constituée par le jugement de la chambre régionale des
comptes qui a engagé la responsabilité de ses prédécesseurs pour le non-recouvrement des titres
objet de ces mandats ;
ATTENDU que, par jugement n° 2014-0014 du 1
er
juillet 2014, non frappé d’appel, la chambre
régionale a constitué débiteurs les comptables prédécesseurs de Mme Christine
X..., chacun
pour l’un des titres évoqués ci-dessus par cette dernière ; que toutefois ce jugement met en jeu
la responsabilité des comptables de la trésorerie de Courville-sur-Eure en poste au cours des
exercices 2007 à 2009 pour défaut de diligences rapides, complètes et adéquates dans le
recouvrement de ces titres ; qu’il ne fait donc pas obstacle à la mise en jeu éventuelle de la
responsabilité de Mme Christine X... sur le terrain du défaut de pièce justificative accompagnant
les mandats d’admission en non-valeur, quand bien même ces mandats admettent en non-
valeur, parmi d’autres, les titres objet du jugement ; qu’en outre, en vertu des dispositions
précitées de l’article D. 1617-19 du CGCT selon lesquelles les comptables publics ne doivent
exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie
à l’annexe I du CGCT, ce jugement ne peut être substitué aux pièces justificatives dont le
comptable devait assurer le contrôle de la production ;
ATTENDU que l’appel formé par le président du conseil d’administration du foyer de vie
départemental
« Gérard
Vivien »
de
Courville-sur-Eure
contre
l’ordonnance
du
28 janvier 2010, par laquelle la chambre régionale a déchargé le comptable de sa gestion des
exercices 2003 à 2006, a été rejeté pour irrecevabilité par l’arrêt n° 61294 du 9 juin 2011 de la
Cour des comptes ; que la comptable soutient, en quatrième lieu, que c’est pour tenir compte
de cet arrêt que la direction du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-
Eure a décidé de prononcer l’admission en non-valeur, sur plusieurs exercices, des créances
non recouvrées ; que l’admission en non-valeur au fil des années selon les crédits budgétaires
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Jugement n° 2020-0008 – Foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir)
était la seule solution dont disposait l’établissement au regard de l’importance, de l’ancienneté
et de l’impossibilité de recouvrer les titres en reste ;
ATTENDU toutefois que, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, ce
moyen est inopérant à l’encontre d’une présomption de manquement pour défaut de pièce
justificative des mandats d’admission en non-valeur et ne peut qu’être également rejeté ;
ATTENDU que la comptable fait valoir, en dernier lieu, s’agissant des pièces justificatives,
qu’elle a fait application des dispositions du décret du 25 mars 2007 qui prévoit que la décision
accompagnant le mandat d’admission en non-valeur peut prendre la forme d’une liste des
créances admises en non-valeur et qu’une telle liste figurait bien à l’appui des mandats
litigieux ;
ATTENDU que la nomenclature prévoit, tant dans sa rédaction issue du décret du 25 mars 2007
que dans celle du décret du 20 janvier 2016, que les pièces justificatives (décision et état
précisant pour chaque titre le montant admis) « peuvent, soit faire l'objet d'une délibération
spécifique, soit être remplacées par une liste de créances admises en non-valeur annexée au
compte administratif » ; qu’en l’espèce, toutefois, aucun des comptes administratifs du foyer
de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure pour les exercices 2015, 2016 et
2017 ne comporte une telle liste et que l’état de restes figurant, pour chaque exercice en cause,
à l’appui des mandats ne correspond pas plus à une telle liste ; que ce dernier moyen doit dès
lors être également écarté ;
ATTENDU que Mme Delphine Y…, ordonnatrice, fait valoir à titre de justificatifs des mandats
en cause les délibérations des 23 octobre 2014, 19 octobre 2015 et 24 octobre 2016 par
lesquelles le conseil d'administration du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de
Courville-sur-Eure a approuvé et arrêté le budget et les tarifs de l'établissement pour les
exercices 2015 et 2016, et la copie du courrier du 7 mai 2012 du conseil départemental d'Eure-
et-Loir reconnaissant l'admission en non-valeur des créances datant de 1988 à 2006 pour un
montant global de 878 759,57 euros et proposant d'inscrire une somme de 56 092,69 euros au
compte 654 « Perte sur créances irrécouvrables » du budget du foyer de vie départemental
« Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure pour 2012 ;
ATTENDU toutefois que ces documents, qui n’identifient pas de façon précise les créances que
le conseil d'administration de l'établissement aurait accepté d'admettre en non-valeur, ne
peuvent être considérés comme correspondant aux pièces justificatives exigées ;
-
Sur l’application du droit au cas d’espèce
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que la comptable ne disposait pas des pièces
justificatives qui, en application des textes précités, devaient accompagner les mandats
d’admission en non-valeur litigieux ;
ATTENDU que, selon le représentant du ministère public en ses conclusions à fin de jugement,
les écritures d’admission en non-valeur sont des dépenses qui n’entraînent pas de décaissement
et qui ne constituent pas par elles-mêmes des paiements libératoires bien que budgétaires, et
que le défaut des pièces requises à l’appui des mandats en cause, pour critiquable qu’il soit, ne
correspond à aucun des cas prévus par le I de l’article 60 de la loi de finances pour 1963
modifiée de nature à fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de la
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comptable ; qu’il considère ainsi que la responsabilité de Mme Christine X... ne peut être
recherchée ;
ATTENDU toutefois, en premier lieu, qu’en application des dispositions législatives et
réglementaires applicables, d’une part, doivent être produits à l’appui d’un mandat d’admission
en non-valeur une décision et un état et, d’autre part, il incombe aux comptables, s’agissant
notamment des ordres de payer, d’exercer le contrôle de la production de ces pièces
justificatives ;
ATTENDU, en second lieu, qu’une admission en non-valeur, si elle n’entraîne pas un
décaissement, se traduit par l’inscription d’une charge réelle au compte 654 de la collectivité,
qui réduit le résultat annuel du compte administratif et donc les sommes à affecter en fin
d’exercice ; qu’une admission en non-valeur emporte, de fait, la renonciation par la collectivité
à rechercher et à faire rechercher par le comptable le recouvrement de la recette, et la disparition
budgétaire et comptable d’une recette dans les comptes du foyer de vie départemental « Gérard
Vivien » de Courville-sur-Eure, quand bien même l’admission en non-valeur préserve le
caractère exécutoire du titre et la possibilité, théorique, de bénéficier de l’acquittement de tout
ou partie de la créance en cas de retour à meilleure fortune du débiteur ; qu’une admission en
non-valeur a dès lors pour conséquence la renonciation à une créance au bilan de l’établissement
public et sa transcription budgétaire et comptable se traduit par un appauvrissement patrimonial
de ce dernier ;
ATTENDU qu’au vu des pièces du dossier, Mme Christine X... ne s’est pas assurée de la
production des justifications requises au moment de la prise en charge des mandats d’admission
en non-valeur ; qu’en l’absence de justifications suffisantes, elle aurait dû suspendre les
écritures comptables considérées et demander toutes précisions à l’ordonnateur, conformément
à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’elle a ainsi manqué à
ses obligations de contrôle de la validité de la dépense ;
ATTENDU que, par voie de conséquence, il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité de
Mme Christine X..., comptable du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-
sur-Eure, à raison des présomptions de charges n° 1 à 3, au titre de sa gestion des comptes de
2015 à 2017 ;
4-
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée : « (…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public,
l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers
ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
ATTENDU qu’un préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de
décaissement ou un défaut de recouvrement d'une recette, donnant lieu à une constatation dans
la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la
personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des
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Jugement n° 2020-0008 – Foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir)
comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit
payée une dépense qui n'était pas effectivement due ; que lorsque le manquement du comptable
porte sur l'exactitude de la liquidation de la dépense et qu'il en est résulté un trop-payé, ou
conduit à payer une dépense en l'absence de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non
échue, ou à priver le paiement d'effet libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même,
sauf circonstances particulières, causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ;
qu’à l'inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre
du paiement d'une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que sont l'exacte
imputation budgétaire de la dépense ou l'existence du visa du contrôleur budgétaire lorsque
celle-ci devait, en l'état des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit être
regardé comme n'ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice
financier à l'organisme public concerné ; que le manquement du comptable aux autres
obligations lui incombant, telles que le contrôle de la qualité de l'ordonnateur ou de son délégué,
de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de la
certification du service fait, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris
d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature,
que l'ordonnateur a voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait ;
ATTENDU que le représentant du ministère public n’a pas conclu sur l’existence ou non d’un
préjudice financier causé au foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-
Eure; que le comptable et l’ordonnateur estiment que le manquement de la comptable n’a pas
entraîné de préjudice financier pour le foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de
Courville-sur-Eure; que le juge des comptes n’est pas tenu par l’appréciation des parties ;
ATTENDU qu’en l’espèce, le manquement d’un comptable à l’obligation qui lui incombe de
contrôler la production des pièces justificatives requises doit être regardé comme n'ayant, en
principe, pas causé un préjudice financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des
pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements, que la dépense repose
sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard
de la nomenclature, que l'ordonnateur a voulu l'exposer et, le cas échéant, que le service a été
fait ;
ATTENDU que ni les délibérations budgétaires produites pour chaque exercice, ni le courrier
du 7 mai 2012 du conseil départemental d’Eure-et-Loir, dont la rédaction ne répond pas aux
obligations de la nomenclature des pièces justificatives, n’établissent la volonté du conseil
d’administration du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure
d’admettre en non-valeur les titres figurant sur les mandats, et que cette volonté ne saurait être
présumée ; qu’il résulte de ce qui précède que la prise en charge des mandats d’admission en
non-valeur litigieux était dépourvue de fondement juridique et dès lors indue ; que ce caractère
indu est constitutif d’un préjudice financier pour le foyer de vie départemental
« Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure, au sens des dispositions du troisième alinéa du
paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
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Jugement n° 2020-0008 – Foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir)
5-
Sur le débet
ATTENDU qu’il y a lieu de constituer Mme Christine X... débitrice du foyer de vie
départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure pour la somme de 55 776,87 euros au
titre de l’exercice 2015, de 54 732,98 euros au titre de l’exercice 2016 et de 17 505,66 euros au
titre de l’exercice 2017 ;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette
date est le 23 septembre 2019, date de réception du réquisitoire par Mme Christine X... ;
6-
Sur le contrôle sélectif de la dépense :
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963, « les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été
mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises
à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous
l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, une remise
gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans
l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la
somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI (…) » ;
ATTENDU qu’appelée à produire le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) des
comptes du foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure, la comptable
a produit un plan mentionnant qu’il est applicable au seul exercice 2013 ; que si elle soutient
qu’il était également applicable en 2014 et 2015, elle ne l’établit pas ; qu’elle a produit un
second plan qui serait applicable à l’année 2016, qui porte sa signature et celle du directeur
départemental des finances publiques d’Eure-et-Loir, mais qui n’est pas daté ; qu’elle doit dès
lors être considérée comme n’ayant produit aucun plan au titre des exercices 2015 et 2016 ;
qu’elle a transmis un troisième plan, d’une durée de trois ans, signé par la comptable le
17 janvier 2017 et approuvé par le directeur départemental le 20 janvier 2017 ; que toutefois,
ce plan de contrôle hiérarchisé de la dépense ne mentionne pas le contrôle des mandats
d’admission en non-valeur ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la comptable
aurait dû opérer, au cours de chaque exercice, un contrôle
a priori
et exhaustif des mandats en
cause ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que l’éventuelle remise gracieuse des débets
prononcés devra laisser à la charge du comptable une somme au minimum égale au double de
la somme maximale visée au deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi de finances de 1963
modifié, soit 453 euros au titre de l’exercice 2015 et de l’exercice 2016 et 531 euros au titre de
l’exercice 2017 ;
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PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
Article 1
er
:
Sur
la charge n° 1, Mme Christine X... est constituée, au titre de sa gestion du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2015, débitrice du foyer de vie départemental « Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure pour la somme de cinquante-cinq mille sept cent soixante-seize euros et
quatre-vingt-sept centimes (55 776,87 euros), augmentée des intérêts de droit à compter du 23
septembre 2019.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
Article 2 :
Sur
la charge n° 2, Mme Christine X... est constituée, au titre de sa gestion du 1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2016, débitrice du foyer de vie départemental « Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure pour la somme de cinquante-quatre mille sept cent trente-deux euros et
quatre-vingt-dix-huit centimes (54 732,98 euros), augmentée des intérêts de droit à compter du
23 septembre 2019.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
Article 3 :
Sur
la charge n° 3, Mme Christine X... est constituée, au titre de sa gestion du 1
er
janvier 2017 au 31 décembre 2017, débitrice du foyer de vie départemental « Gérard Vivien »
de Courville-sur-Eure pour la somme de dix-sept mille cinq cent cinq euros et soixante-six
centimes (17 505,66 euros), augmentée des intérêts de droit à compter du 23 septembre 2019.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
Article 4 :
Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par
Mme Christine X... au titre des exercices 2015 et 2016, pour lesquels elle est constituée
débitrice par les articles 1
er
et 2 du présent jugement, s’élève à 151 000 euros. En conséquence,
le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme Christine X... au titre de
chacun des débets prononcés aux articles 1
er
et 2 ci-dessus devra comporter un laissé à charge
qui ne pourra être inférieur à 453 euros, correspondant à trois millièmes de son cautionnement.
Article 5 :
Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par
Mme Christine X... au titre de l’exercice 2017, pour lequel elle est constituée débitrice par
l’article 3 du présent jugement, s’élève à 177 000 euros. En conséquence, le montant de la
remise gracieuse qui pourra être accordée à Mme Christine X... au titre du débet prononcé à
l’article 3 ci-dessus devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à 531 euros,
correspondant à trois millièmes de son cautionnement.
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Jugement n° 2020-0008 – Foyer de vie départemental « Gérard Vivien » de Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir)
Article 6
: Il est sursis à la décharge de Mme Christine X… pour sa gestion du 1
er
janvier 2015
au 31 décembre 2017 jusqu’à la constatation de l’apurement des débets prononcés à son
encontre.
Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Fait et jugé par Mme Brigitte Beaucourt, présidente de section, présidente de séance,
Mmes Annick Nenquin et Emmanuelle Borel, premières conseillères, et MM. Éric Dumand et
Sylvain Maréchal, conseillers.
En présence de Mme Isabelle Martin-Vallet, greffière de séance.
La greffière de séance
Isabelle Martin-Vallet
La présidente de section, présidente de séance
de la chambre régionale
des comptes Centre-Val de Loire
Brigitte Beaucourt
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement
à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y
tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés
par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de
deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du
même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un
jugement peut être demandée après expiration des délais, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du
même code.