L’article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF) dispose
que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) présente chaque
année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport
public de la Cour des comptes.
La mesure de l’activité de la CDBF, juridiction administrative à
vocation répressive et, de ce fait, soumise à des règles de procédure strictes,
ne peut être appréciée que de façon globale. Si le nombre d’arrêts rendus
constitue l’un des indicateurs principaux de son activité, d’autres données,
telles que le nombre de saisines ou les délais de traitement des affaires,
doivent également être prises en considération et analysées.
Le nombre de déférés est un indicateur important dans la mesure où
il détermine l’activité et les productions de la Cour : réquisitoires
introductifs d’instance ou décisions de classement ; instructions et dépôts
de rapport ; décisions de renvoi et, au dernier stade de la procédure,
audiences publiques et arrêts. Compte tenu des délais de procédure, il y a
toujours un certain temps qui s’écoule avant de pouvoir mesurer les effets
de l’évolution à la hausse ou à la baisse des déférés.
Pour l’année 2019, les déférés se sont élevés à 14, soit un nombre
légèrement inférieur à celui de l’année 2018 (15). Sur 10 ans cependant, la
moyenne glissante des déférés est passée de 8,9 en 2010 à 15,6 en 2019,
marquant une progression de plus de 75 % de l’activité de la Cour. Après
deux années d’évolution à la hausse, les activités liées à l’instruction
diminuent également en 2019 avec 11 rapports déposés et 39 auditions de
personnes mises en cause et de témoins.
Conséquence de deux années, 2017 et 2018, particulièrement
dynamiques pour l’instruction des affaires, la CDBF a rendu 12 arrêts en
2019, chiffre bien supérieur à la moyenne glissante des 10 dernières années
(6,8 arrêts par an).
Présentation de la Cour de discipline
budgétaire et financière
La CDBF a été instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948,
plusieurs fois modifiée et codifiée depuis 1995 au CJF. Présidée par le Premier
président de la Cour des comptes et vice-présidée par le Président de la section
des finances du Conseil d’État, la Cour est composée paritairement de
conseillers d’État et de conseillers maîtres à la Cour des comptes. La CDBF
est une juridiction administrative spécialisée, de nature répressive, qui
sanctionne les atteintes aux règles régissant les finances publiques, commises
par les ordonnateurs, les comptables et les autres gestionnaires inclus dans le
champ de ses justiciables (article L. 312-1 du CJF).
Juridiction financière distincte de la Cour des comptes, la CDBF
remplit un office autonome, selon un droit spécifique et sur la base
d’infractions légales qui lui sont propres. Les infractions réprimées par la
Cour sont énoncées aux articles L. 313-1 et suivants du CJF. Elles portent
sur la violation des règles relatives à l’exécution des recettes, des dépenses
et à la gestion des biens des collectivités publiques (État ou collectivités
locales) ou des organismes publics ou privés soumis au contrôle de la Cour
des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes
(articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF). Elles visent aussi l’octroi d’avantages
injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour l’organisme ou le Trésor
public (article L. 313-6 du CJF) et l’omission faite sciemment de souscrire
les déclarations à produire aux administrations fiscales en vertu des
dispositions du code général des impôts et de ses annexes (article L. 313-5
du CJF). La loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 a en outre introduit un
article L. 313-7-1 au CJF faisant de la faute grave de gestion des
responsables d’entreprises publiques une infraction spécifique.
En application de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, la Cour peut
également intervenir en cas d’inexécution de décisions de justice.
Est justiciable de la CDBF, en application de l’article L. 312-1 du
CJF
1
, toute
personne
appartenant
au
cabinet
d’un
membre
du
Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’État, des
collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des
groupements
de
collectivités
territoriales,
et
tout
représentant,
administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au
1
Par une décision n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a
déclaré cet article conforme à la Constitution.
10
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale
ou territoriale des comptes. Sont également justiciables de la CDBF tous
ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus.
Les membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.
Si les ordonnateurs élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF
lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions, ils le sont en revanche
dans certaines hypothèses définies par le législateur (article L. 312-2 du
CJF). Les élus locaux peuvent en effet être mis en cause et renvoyés devant
la Cour lorsqu’ils commettent les infractions définies aux articles L. 313-7
et L. 313-12 du CJF, c’est-à-dire en cas d’inexécution de décisions de
justice
2
. Ils sont également justiciables, en application de l’article L. 312-2
du CJF, lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre en ayant pris un
ordre de réquisition et, à cette occasion, procuré un avantage injustifié à
autrui entraînant un préjudice pour le Trésor ou la collectivité publique
concernée
3
(article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur responsabilité peut être
engagée devant la CDBF lorsqu’ils agissent dans le cadre d’activités qui
ne constituent pas l’accessoire obligé de leurs fonctions électives, par
exemple en tant que dirigeants d’une association contrôlée par les
juridictions financières ou d’une société d’économie mixte
4
.
La CDBF peut être saisie
5
, conformément à l’article L. 314-1 du
CJF, par les autorités suivantes, toujours par l’organe du ministère public :
-
le Président du Sénat ;
-
le Président de l’Assemblée nationale ;
-
le Premier ministre ;
-
le ministre chargé du budget ;
-
les autres membres du Gouvernement pour les faits relevés à la charge
des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité ;
-
la Cour des comptes ;
-
les chambres régionales et territoriales des comptes ;
-
les procureurs de la République.
2
CDBF, 20 décembre 2001,
Région Guadeloupe.
3
CDBF, 30 juin 2006,
Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la
région d’Étaples-sur-Mer
, AJDA 2006, p. 2445.
4
CDBF, 13 juin 2003,
SEM Sarcelles Chaleur
, Lebon p. 121.
5
Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées où elle
peut être aussi saisie par les créanciers.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
11
Le procureur général près la Cour des comptes peut également saisir
la CDBF de sa propre initiative.
Les sanctions que peut prononcer la Cour sont des amendes, selon
un quantum encadré par la loi. La Cour peut en outre décider de publier ses
arrêts.
Les arrêts de la CDBF peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation devant le Conseil d’État.
Depuis 1948, la CDBF a rendu 238 arrêts
6
. Juridiction répressive,
gardienne des règles qui régissent l’utilisation de l’argent public et des
principes de bonne gestion, elle remplit aussi un rôle de dissuasion et de
rappel de la norme à l’égard des gestionnaires publics qui sont ses
justiciables.
La Cour contribue ainsi à la diffusion d’une culture de rigueur et de
bonne gestion en cohérence, notamment, avec les principes posés par la loi
organique relative aux lois de finances de 2001.
6
Le premier arrêt de la Cour a été rendu six années après la création de la Juridiction :
CDB, 30 juin 1954,
Maison centrale de Melun.
12
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Déroulement d’une affaire
devant la Cour de discipline budgétaire
et financière
Activité et performance de la Cour
en 2019
L’activité de la Cour
L’activité de la CDBF est analysée
au travers d’indicateurs
de
volume (v.
infra
, tableau n° 1) et de délais (v. plus loin, tableaux n° 2 et n° 3).
Ces indicateurs présentent un compte-rendu fidèle et précis de l’activité
annuelle de la Juridiction. Toutefois, leur évolution, parfois significative d’une
année sur l’autre, doit être appréciée avec recul en tenant compte, d’une part,
du nombre relativement limité d’affaires qui lui sont soumises et, d’autre part,
de ce que le traitement contentieux des affaires s’inscrit inévitablement dans
un cadre pluriannuel du fait des règles procédurales.
Afin
de
ne
pas
fausser
l’appréciation
des
résultats,
les
développements qui suivent ne prennent pas en compte les affaires
relatives à l’inexécution des décisions de justice
7
. Ces dernières, qui sont
présentées
infra
dans la partie consacrée aux classements, relèvent en effet
d’une logique et d’une procédure distinctes.
Les indicateurs de volume
Le nombre d’arrêts
notifiés s’établit à 12 en 2019. En deux ans, la
Cour a rendu autant d’arrêts que lors des quatre années précédentes, hors
questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ce résultat très
significatif ne tient pas compte de l’affaire qui a été audiencée au mois de
décembre 2019 et qui sera jugée en 2020. Au total, la Cour a tenu
10 audiences en 2019. La moyenne glissante sur 10 ans des arrêts rendus
est passée de 4 en 2010 à 6,8 en 2019, soit une progression de 70 %.
Le nombre de déférés transmis
s’élève à 14 en 2019. Il est
inférieur à celui de 2018 (15) et à la moyenne annuelle des déférés de la
période 2010 à 2019 (15,6). Mais la moyenne glissante sur 10 ans des
déférés transmis est passée de 8,9 en 2010 à 15,6 en 2019, soit une
progression de 75 %.
7
Les articles L. 313-12 et L. 314-1 du CJF prévoient la possibilité, pour la CDBF, de
sanctionner les manquements aux dispositions de l’article 1
er
de la loi n° 80-539 du
16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à
l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public.
14
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Tous les déférés enregistrés en 2019 proviennent des juridictions
financières, à parité entre la Cour des comptes et les chambres régionales
des comptes, auxquels s’ajoute une saisine à l’initiative du procureur
général. La répartition des déférés entre les chambres de la Cour des
comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes reste assez
variable sur les trois dernières années avec une moyenne sur 10 ans qui
s’établit à 54 % de déférés transmis par les premières et 46 % par les
secondes.
Sur une période de 10 ans, 95 % des déférés sont venus de la Cour
et des chambres régionales et territoriales des comptes. Il n’y a pas eu de
déféré émanant des présidents des assemblées parlementaires.
Le nombre de réquisitoires transmis
par le procureur général au
président de la Cour en 2019 (14, dont 2 supplétifs) est stable par rapport à
la moyenne constatée ces 10 dernières années (13,6).
Après deux années un peu exceptionnelles par le nombre de rapports
d’instruction déposés (40),
l’année 2019 a été marquée par
une baisse
des travaux liés à l’instruction, avec 11 rapports déposés
. Cependant,
sur 10 ans, la moyenne glissante des rapports déposés est passée de 7 en
2010 à 12,4 en 2019 soit une progression de 77 %.
Le nombre d’auditions de personnes mises en cause et de témoins
entendus a également été en baisse : 39 en 2019, sur 12 affaires, à comparer
à 59 en moyenne ces 10 dernières années, sur 13 affaires en moyenne.
Les travaux d’instruction sont réalisés par des rapporteurs de la
Cour, désignés parmi les 36 qui ont été nommés dans ces fonctions, assistés
par les deux greffières.
Les classements peuvent intervenir au début de la procédure, après
l’enregistrement du déféré, ou bien après le dépôt du rapport d’instruction.
Le nombre de classements
8
a été de 14 en 2019 (5 en 2018 et 12 en 2017).
Le taux de classement s’est établi, pour l’année, à 79 % pour le premier
stade
9
, niveau très nettement supérieur à la moyenne observée sur les
10 dernières années (29 %)
10
. Il a été de 21 % au second stade
11
, inférieur
à la moyenne observée sur les 10 dernières années (28 %).
8
Ne sont toutefois pas comptabilisés au sein de ces classements : ceux portant sur des
affaires d’inexécution des décisions de justice qui relèvent d’une démarche distincte.
En effet, dans ces affaires, le classement signifie que l’action du ministère public a
permis l’aboutissement de la demande qui, dès lors, est dénuée d’objet.
9
Calculé ainsi : nombre de classements divisé par le nombre de déférés.
10
Les décisions de classement rendues en 2019 sont rapportées aux déférés de l’année
alors qu’elles concernent pour partie des affaires transmises antérieurement au Parquet
général, notamment lorsque le juge pénal a également été saisi des mêmes faits.
11
Calculé ainsi : nombre de classements divisé par le nombre de réquisitoires.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
15
Tableau n° 1 :
affaires enregistrées, classées, jugées et état du stock
(par an, sur 10 ans, et en total depuis la création de la CDBF)
Années
Déférés
enregistrés
dans l’année
Classements au
1
er
stade
Art. L. 314-1-1
(1)
Classements au
2
ème
stade
Art. L. 314-6
(2)
Classements
au 3
ème
stade
(3)
Saisines directes
du procureur
général
Autres saisines
(révision, renvoi
après cassation)
Arrêts
rendus
Affaires en
stock au
31 décembre
2010
8
4
2
0
0
0
3
26
2011
16
5
0
0
1
2
7
32
2012
15
2
7
0
0
0
7
31
2013
11
2
1
1
0
0
4
34
2014
22
3
4
1
0
0
5
(4)
43
2015
20
7
4
1
2
0
8
45
2016
16
(5)
5
3
0
2
0
8
(4)
50
2017
20
5
7
0
0
0
5
52
(5)
2018
15
1
4
0
0
9
53
2019
14
11
3
1
0
12
42
Total depuis
1948
664
238
(6)
Source : CDBF
(1) Article L. 314-3 avant la réforme du CJF entrée en vigueur le 1/05/17.
(2) Article L. 314-4 avant la réforme du CJF entrée en vigueur le 1/05/17.
(3) Classements après avis des ministres, supprimé par la réforme du CJF entrée en vigueur le 1/05/17.
(4) Dont un arrêt relatif à des
questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) en 2014, trois en 2016.
(5) L’un de ces déférés a été déclaré irrecevable en 2017, diminuant ainsi le stock d’une affaire.
(6) Dont deux arrêts concernant des affaires relatives à l’inexécution d’une décision de justice.
16
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Les délais de traitement des affaires
Les délais de traitement des affaires présentés
infra
ne se limitent
pas à la période d’instruction des dossiers. Ils correspondent à la durée
globale de l’instance : ils incluent les diligences du ministère public
(réquisitoire initial et décision de renvoi), celles du rapporteur chargé de
l’instruction, ainsi que les autres fonctions du siège (désignation d’un
rapporteur, programmation et préparation des audiences publiques de
jugement et de la notification de l’arrêt).
L’irruption des QPC dans les procédures peut parfois être un facteur
significatif d’allongement des délais de traitement des affaires.
Il peut en être de même lorsque les affaires comportent un volet
pénal. Compte tenu notamment de la règle
non bis in idem
que le Conseil
constitutionnel a précisé par sa décision n° 2016-550 QPC du
1
er
juillet 2016, certains dossiers ont été laissés en attente, le temps que la
procédure pénale s’achève.
Les délais présentés ici sont ceux compris entre la date de
l’enregistrement du déféré au ministère public près la CDBF (ou de la
signature du réquisitoire introductif du procureur général, en cas de saisine
directe de la Cour) et la date de la notification de l’arrêt.
Enfin, la période prise en compte ne comprend pas les éventuels
événements postérieurs à l’arrêt rendu (recours en cassation puis renvoi
éventuel devant la CDBF).
Les objectifs de performance annuelle comportent un indicateur de
délai fixé à 36 mois pour la durée totale d’une affaire, calculé entre la date
de saisine par les autorités compétentes en vertu de l’article L. 314-1 du
CJF et la date de notification de l’arrêt.
À cet égard, sur les 12 arrêts rendus sur le fond en 2019, quatre
affaires ont été traitées en moins de trois ans, sept entre trois et cinq ans et
une en plus de cinq ans.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
17
Tableau n° 2 :
durée des instances CDBF
Années
moins de 3 ans
entre 3 et 5 ans
plus de 5 ans
en %
en mois
en %
en mois
en %
en mois
2010
67 %
22
33 %
52
2011
40 %
30
60 %
45
2012
71 %
24
14 %
59
14 %
75
2013
50 %
24
50 %
52
2014
25 %
33
50 %
51
25 %
61
2015
38 %
31
63 %
39
2016
60 %
30
40 %
44
2017
60 %
29
40 %
50
2018
67 %
29
33 %
41
2019
34 %
27
58 %
45
8 %
74
Source : CDBF
Note méthodologique : arrêts rendus dans l’année depuis 10 ans - hors affaires d’inexécution de
décisions de justice et hors affaires exceptionnelles
12
, en chiffres absolus [en moyenne, en mois] et
en pourcentage
13
; délai compris entre l’enregistrement du déféré au ministère public près la Cour
14
et la date de l’arrêt
.
Comme le fait ressortir le tableau n° 3, la durée totale d’une affaire,
au sens des documents annuels de performance, va de 626 jours à
2 241 jours, soit une moyenne en 2019 de 1 257 jours (41,2 mois), au-
dessus de la cible de l’indicateur fixé à 36 mois. Sur les 12 affaires jugées,
huit ont une durée totale supérieure à la valeur cible.
En ce qui concerne la phase d’instruction, sa durée s’est en moyenne
élevée à 603 jours en 2019. L’instruction la plus courte a duré 199 jours, la
plus longue 1 368 jours. Ces écarts sont dus à la complexité variable des
affaires. Pour ce qui est de la phase comprise entre le dépôt du rapport et
le prononcé de l’arrêt, sa durée moyenne a représenté 15 mois en 2019.
12
Excluant les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas
d’instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce
opposition ou sur autres recours atypiques (QPC).
13
Ce tableau s’inspire du rapport annuel du Conseil d’État ainsi que de l’indicateur n° 1
de l’objectif 1 du programme «
Justice judiciaire
».
14
Ou du réquisitoire introductif en cas de saisine directe par le procureur général.
18
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Tableau n° 3 : détail par phase
15
des instances CDBF des arrêts
de jugement rendus en 2019 (en nombre de jours)
Année 2019
1
ère
phase
Réquisitoire
2
ème
phase
Instruction
3
ème
phase
Renvoi et
audience
Total
en jours
Radio France : le chantier de réhabilitation
282
810
417
1 509
Radio France : les achats de biens
et de services
219
805
469
1 493
Radio France : visa du contrôleur général
économique et financier en matière
de rémunérations
203
650
624
1 477
Centre hospitalier d’Ajaccio
217
199
328
744
Chambre départementale d’agriculture
de la Gironde
265
510
(1)
372
1 147
(1)
Chambre départementale d’agriculture
de la Corrèze
345
320
382
1 047
Agence régionale de santé
Nouvelle-Aquitaine
173
288
314
775
Gestion des sociétés ERDF, EDF et RTE
102
1 368
771
2 241
Chambre de commerce et d’industrie
de La Rochelle
198
637
609
1 444
Ville de Paris
20
427
179
626
Chambre départementale d’agriculture
du Finistère
242
568
(1)
533
1 343
(1)
Direction régionale des entreprises,
de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi (Direccte) d’Alsace
210
650
383
1 243
Source : CDBF
(1) Pour ces deux affaires ayant donné lieu à une demande d’instruction complémentaire du ministère public,
après dépôt des rapports d’instruction, une année a été neutralisée dans le calcul de la durée de l’instance
(tableaux n° 2 et 3) et du délai moyen de traitement des procédures (tableau n° 5), la possibilité de demander
une instruction complémentaire, ouverte par l’article L. 314-6 du CJF, étant entrée en vigueur au
1
er
mai 2017, soit un an environ après le dépôt des rapports d’instruction initiaux.
Dans l’affaire « Gestion des sociétés ERDF, EDF et RTE » dont les
délais d’instruction apparaissent excessivement longs, l’instruction a été
complexe et a nécessité trois réquisitoires complémentaires, tandis que
deux rapporteurs se sont succédé pour l’instruction.
15
La phase 1 s’étend de l’enregistrement de la saisine au Parquet jusqu’à la date du
réquisitoire ; la phase 2 court du réquisitoire au dépôt du rapport d’instruction ; la
phase 3 comprend l’ensemble des étapes ultérieures : du dépôt du rapport jusqu’à la
date de notification de l’arrêt.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
19
Les moyens en personnel de la Cour
La CDBF est une juridiction qui mobilise relativement peu de
moyens. Les auteurs du rapport au Président de la République sur
l’exemplarité des responsables publics constatent que «
Contrairement aux
autres juridictions financières, la CDBF n’est pas dotée de magistrats
exerçant à temps plein
»
16
.
Le personnel permanent de la CDBF se compose d’un secrétaire
général à mi-temps, d’une greffière et d’une greffière adjointe.
Les rapporteurs, essentiellement des magistrats de juridiction
financière et des conseillers de tribunal administratif ou de cour
administrative d’appel, consacrent en moyenne 30 jours à une affaire.
La fonction de jugement sollicite les membres de la Cour en
moyenne 2,5 jours par membre délibérant et par audience.
Au total, les moyens en personnel de la CDBF ont été en 2019 de
4,8 postes équivalents temps plein.
Tableau n° 4 : moyens en personnel de la CDBF (en ETP)
En équivalent
plein temps
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Personnel
permanent
2,3
2,4
2,4
2,5
2,5
2,5
Rapporteurs
1,2
1,4
2
3
2
1,7
Fonction de
jugement
0,4
0,6
0,6
0,4
0,6
0,6
Total
3,9
4,4
5
5,9
5,1
4,8
Source : CDBF
Le Parquet général dédie pour sa part l’équivalent annuel de 1,6 ETP
de magistrat à la CDBF, auquel il convient d’ajouter un vérificateur à mi-
temps et un agent administratif.
16
Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics,
Renouer la confiance publique
, 8 janvier 2015, p. 148.
20
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Appréciation de la performance annuelle
de la Cour
Rappel des objectifs et des indicateurs de performance
Trois objectifs
ont été fixés à la CDBF :
1.
Réduire la durée
des procédures (entre l’enregistrement de la saisine
et la notification de l’arrêt) : cet objectif répond à la nécessité d’une
bonne administration de la justice et aux exigences liées au procès
équitable, qui s’expriment notamment dans les stipulations de
l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits
de l’homme (CEDH) retient toutefois, pour apprécier le caractère
raisonnable du délai de jugement, non pas l’arrivée de la saisine à la
Cour, mais la date à laquelle la personne est informée par écrit de son
accusation, laquelle se définit «
comme la notification officielle
émanant de l’autorité compétente du reproche d’avoir accompli une
infraction pénale
»
17
.
2.
Améliorer la qualité des arrêts
: il s’agit également d’un objectif
majeur pour une juridiction afin, notamment, de garantir la clarté de la
motivation et l’exercice d’un droit effectif au recours.
3.
Mieux faire connaître la CDBF
: cet objectif vise à mieux faire
connaître aux autorités compétentes pour saisir la Cour, les infractions
à l’ordre public financier ainsi que la jurisprudence.
Ces trois objectifs sont inspirés de ceux retenus par d’autres
juridictions, en particulier ceux du programme
Conseil d’État et autres
juridictions administratives.
Ces objectifs sont appuyés par les
indicateurs
suivants (un ou
plusieurs indicateurs par objectif), qui ne s’appliquent toutefois pas aux
affaires relatives à l’inexécution de décisions de justice :
17
CEDH, 26 septembre 2000,
Guisset c. France
: le délai commence à courir à la «
date
à laquelle le requérant fut averti de l’ouverture d’une information à son encontre
devant la Cour de discipline budgétaire et financière
» (point 80 de l’arrêt). CEDH,
11 février 2010,
Malet c. France
.
CE, 22 janvier 2007,
Forzy
, AJDA 2007, p. 697, note
Petit ; AJDA 2007, p. 1036, concl. Keller ; Rev. Trésor 2007, p. 725, note Lascombe et
Vandendriessche
(préjudice
du
fait
du
dépassement
du délai
raisonnable ;
condamnation de l’État à verser 4 000
€
).
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
21
Tableau n° 5 : indicateurs de performance annuelle de la CDBF
Objectif
Indicateur
Unités
Réalisé
2017
Réalisé
2018
Objectif
2019
Réalisé
2019
1
er
objectif :
réduire la durée
des procédures à
moins de 3 ans
Délai moyen de traitement des procédures CDBF
(1)
mois
37,2 mois
(5 arrêts)
33,3 mois
(9 arrêts)
Moins de 36
41,2 mois
(12 arrêts)
Proportion d’affaires en stock
depuis plus de 3 années (au 31-XII)
%
17 %
(9 affaires)
23 %
(12 affaires)
0 %
26 %
(11 affaires)
2
ème
objectif :
améliorer la
qualité des arrêts
Taux d’annulation en cassation
sur les 10 dernières années
(2)
%
0 %
0 %
0 %
0 %
3
ème
objectif :
accroître la
connaissance de
la jurisprudence
de la CDBF
Nombre de publications consacrées à la CDBF dans la
presse spécialisée au cours de l’année n
(3)
nombre
(valeur
absolue)
23
27
17
67
Nombre de personnes ayant reçu une formation ou ayant
participé à une intervention sur la CDBF
nombre
estimé
151
183
150
207
Source : CDBF
(1) Ce délai est calculé comme suit : délai moyen compris entre un déféré (ou une saisine directe par le procureur général) et la date de l’arrêt ; cet indicateur ne comprend donc
pas les affaires classées ; il ne retient pas davantage les affaires jugées sur renvoi après cassation et d’autres affaires exceptionnelles qui ne débutent pas par un déféré (recours
en révision…). Cet indicateur est complémentaire du tableau n° 2 ci-dessus.
(2) Calculé comme la part des décisions du Conseil d’État, rendues sur recours en cassation contre un arrêt de la CDBF, donnant une satisfaction partielle ou totale au requérant
(sur les 10 dernières années, soit arrêts rendus de 2010 à 2019 inclus).
(3) Hors ouvrages du type manuel de finances publiques,
Grands arrêts de la jurisprudence financière
,
Recueil de jurisprudence des juridictions financières
, etc.
22
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Appréciation de la performance de la CDBF en 2019
1
er
objectif : réduire la durée des procédures
Le
délai moyen de traitement
des affaires ayant donné lieu à arrêt
au cours de l’année 2019 s’établit à 41,2 mois alors qu’il était de 33,3 mois
en 2018 et de 37,2 mois en 2017. Il est donc excessif au regard des objectifs
que la Cour s’est fixés. Un effort particulier est pourtant accompli au stade
de l’instruction, en accord avec les rapporteurs en charge des dossiers. En
effet, lors de leur désignation, ces derniers s’engagent à instruire avec
diligence, sous réserve des difficultés particulières rencontrées lors de la
procédure (nécessité d’un réquisitoire supplétif en vue d’une extension du
périmètre initial, délais demandés par les parties et justifiés par une
situation particulière). Il reste que les efforts conjoints de la Cour et du
ministère public devront être accentués afin de maîtriser la durée de
chacune des étapes de la procédure et éviter que la dégradation constatée
en 2019 ne se poursuive.
L’indicateur
portant
sur
l’ancienneté
du
stock
au
31 décembre 2019 montre que 26 % des affaires ont plus de trois ans
d’ancienneté, soit 11 affaires dont quatre sont retardées du fait de
procédures judiciaires concomitantes. Si l’on excepte ces quatre affaires,
ce pourcentage est de 18 %.
Le
stock d’affaires
au 31 décembre 2019 correspond à 42 dossiers
en instance, chiffre en baisse de près de 20 % par rapport aux années
précédentes (53 en 2018 et 52 en 2017). L’augmentation des décisions de
classement et des arrêts rendus sur le fond expliquent cette évolution.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
23
Tableau n° 6 : détail de l’ancienneté du stock au 31-XII
(hors affaires d’inexécution de décisions de justice)
Stock
total
moins de 3 ans
entre 3 et 5
plus de 5 ans
en %
nombre
d’affaires
en %
nombre
d’affaires
en %
nombre
d’affaires
2010
26
85 %
22
15 %
4
0 %
0
2011
32
74 %
24
23 %
7
3 %
1
2012
31
84 %
26
13 %
4
3 %
1
2013
34
79 %
27
21 %
7
0 %
0
2014
43
91 %
39
9 %
4
0 %
0
2015
45
94 %
43
2 %
1
4 %
2
2016
50
90 %
45
6 %
3
4 %
2
2017
52
83 %
43
13 %
7
4 %
4
2018
53
77 %
41
15 %
8
8 %
4
2019
42
74 %
31
19 %
8
7 %
3
Source : CDBF
Les données exposées au tableau n° 6 montrent que 74 % des
affaires en stock ont moins de trois ans. L’effort en vue du traitement
diligent des dossiers doit être maintenu.
24
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
2
ème
objectif : améliorer la qualité des arrêts de la CDBF
Le taux de recours en cassation
contre des arrêts rendus par la
CDBF entre 2010 et 2019
18
s’élève à 21 % (14 pourvois sur 68 arrêts
rendus).
Le taux d’annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l’objet
d’un recours en cassation
– qui constitue l’indicateur associé à cet
objectif – s’élève à 0 % sur la période 2010 à 2019, aucun arrêt n’ayant été
cassé sur les recours formés. Le taux d’annulation en cassation constaté
depuis la création de la CDBF (1948 – 2019) est de 13 %, soit cinq arrêts
cassés, en totalité ou partiellement, sur les 39 recours introduits.
3
ème
objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de
la CDBF
Deux indicateurs permettent d’apprécier les efforts entrepris pour
atteindre cet objectif : le nombre de publications dans la presse spécialisée
intervenues dans l’année et celui des personnes formées sur la période. À
cet égard, l’année 2019 se caractérise par un accroissement de la
communication et de la visibilité de la CDBF.
Soixante-sept publications ont ainsi été consacrées à la Cour en
2019, contre 27 en 2018, ce qui est très supérieur à l’objectif de 17. Ces
nombres ne prennent pas en compte les informations publiées par la
direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances
dans son courrier électronique, ni les articles de la presse généraliste sur
l’activité de la CDBF.
L’effort de formation et d’information sur la CDBF a également été
poursuivi. La cible de 150 personnes a été atteinte avec 207 personnes
ayant assisté, soit à une intervention sur la CDBF
19
(à l’attention
d’universitaires et d’étudiants, de magistrats judiciaires ou financiers
français, de fonctionnaires ou magistrats étrangers), soit à une séance de
formation ou d’information à l’attention des magistrats et des personnels
de contrôle des juridictions financières.
18
Calculé comme suit : nombre d’arrêts rendus par la CDBF entre 2010 et 2019 ayant
fait l’objet d’un recours en cassation formulé par une ou plusieurs personnes
condamnées, ou par le ministère public près la CDBF.
19
Hors colloques universitaires n’associant pas un représentant de la CDBF.
La jurisprudence de la Cour de discipline
budgétaire et financière en 2019
Une présentation synthétique des arrêts rendus en 2019 est fournie
ci-après. Tous les arrêts rendus par la CDBF depuis sa création figurent sur
le site internet de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr, rubrique CDBF.
Sur les 12 arrêts rendus en 2019 par la CDBF, trois décisions
concernent la même entreprise, Radio-France. Trois sont également
relatives à des chambres départementales d’agriculture (CDA) et viennent
ainsi compléter la jurisprudence de la Cour sur ces établissements (deux
arrêts rendus en 2018 sur les CDA).
Dans les
12 arrêts, la CDBF a été amenée à confirmer et à préciser
sa jurisprudence sur plusieurs points.
Tout d’abord, la Cour a dû se prononcer sur l’application du principe
non bis in idem
, moyen soulevé par la défense dans une affaire jugée
20
. C’est
la seconde fois que la Cour se prononce sur ce principe depuis la décision
n° 2016-550 QPC du Conseil constitutionnel du 1
er
juillet 2016. La
personne renvoyée avait fait l’objet, au titre des mêmes faits et pour la
protection des mêmes intérêts sociaux, d’une procédure pénale ayant donné
lieu à une décision de classement sans suite et d’une procédure disciplinaire
ayant donné lieu à une décision d’exclusion temporaire de fonctions pour
une durée de 18 mois. La défense en déduisait que le cumul de ces
poursuites au titre de sanctions de même nature au sens de la jurisprudence
nationale et européenne portait atteinte au principe
non bis in idem
ce qui
devait conduire la Cour à dispenser de sanction son client. La Cour a écarté
les moyens soulevés par la défense.
La Cour a également rappelé que la responsabilité des personnes
renvoyées pouvait être engagée tant pour leurs agissements directs (comme
la signature de marchés) que pour leurs agissements indirects caractérisés
par un défaut d’organisation, d’encadrement ou de surveillance
21
.
20
CDBF, 2 décembre 2019,
Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de
la consommation, du travail et de l’emploi d’Alsace.
21
CDBF, 25 janvier 2019,
Radio France : les achats de biens et de services.
26
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Dans une affaire, la Cour a fait une application extensive de l’article
L. 313-4 du CJF en considérant que la rédaction de documents contractuels
en anglais constituait bien une infraction aux règles d’exécution des
dépenses au sens du CJF.
22
Enfin, la jurisprudence de la Cour sur la prise en compte des
circonstances de l’espèce a été illustrée par une affaire pour laquelle ces
circonstances ont été considérées comme absolutoires.
23
22
CDBF, 4 juillet 2019,
Chambre de commerce et d’industrie de La Rochelle.
23
CDBF, 13 février 2019,
Centre hospitalier d’Ajaccio.
Arrêt n° 227-760 du 25 janvier 2019
Radio France : le chantier de réhabilitation
I - Les infractions poursuivies
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le président-
directeur général de Radio France, le directeur général délégué, la
directrice financière ainsi que le directeur général adjoint chargé de la
sécurité, de l’architecture, des bâtiments et de l’intendance générale et
directeur chargé du projet de réhabilitation de la maison de la radio pour
différentes irrégularités relatives aux conditions de passation de marchés
avec deux fournisseurs.
Ces irrégularités consistaient en la signature de marchés
complémentaires et d’avenants à des marchés de services et de travaux sans
respecter les règles de publicité et de mise en concurrence.
La Cour a retenu la responsabilité des personnes renvoyées tant pour
leurs agissements directs (signature des marchés et avenants litigieux) que
pour leurs agissements indirects caractérisés par le défaut d’organisation,
d’encadrement ou de surveillance.
Pour sa défense, le président-directeur général avait notamment fait
valoir qu’il s’appuyait sur des délégations de pouvoirs très larges accordées
à ses adjoints. La Cour a considéré que ces délégations ne pouvaient
l’exonérer de sa responsabilité générale de direction de la société
impliquant un devoir général d’organisation, de contrôle et de surveillance.
Après avoir analysé les circonstances, la Cour a sanctionné par une
amende trois des personnes renvoyées et dispensé de peine la quatrième.
28
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III - Les faits et les infractions
1- Sur les conditions de passation d’un marché complémentaire et
de deux avenants à un marché de prestations de services
Radio France avait attribué à une société un marché ayant pour objet
une mission de direction de la cellule de synthèse et d’établissement des
plans
de
synthèse.
Ce
marché
avait
fait
l’objet
d’un
marché
complémentaire pour commander la réalisation d’une maquette en 3D de
l’auditorium de la maison de la radio, décision justifiée par le degré de
complexité et de précision des ouvrages à construire. La Cour, après avoir
observé que ces circonstances étaient parfaitement connues dès le contrat
initial qui prévoyait la réalisation de l’exécution de plans en 3D après la
réalisation du chantier, a considéré que l’évolution prévisible de la
technologie 3D ne constituait pas une rupture technologique telle qu’elle
pouvait être qualifiée de circonstances imprévues autorisant le recours à la
procédure
du
marché
complémentaire
au
sens
du
décret
du
30 décembre 2005 pris en application de l’ordonnance du 6 juin 2005
relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées
non soumises au code des marchés publics.
Radio France avait ensuite modifié le marché initial par cinq
avenants dont les deux derniers signés sur la période contrôlée. La Cour,
après avoir rappelé qu’un avenant à un marché ne peut être régulièrement
conclu qu’à la condition de ne pas en modifier substantiellement l’équilibre
économique, a considéré que le quatrième avenant qui avait eu pour effet
de porter l’augmentation cumulée des quatre premiers avenants à 40,69 %
du marché initial, bouleversait effectivement l’économie du marché,
obligeant le pouvoir adjudicateur à conclure un nouveau marché dans le
respect des règles de publicité et de mise en concurrence prescrites par
l’ordonnance et le décret de 2005 précité. En revanche, concernant le
cinquième et dernier avenant, après avoir constaté son caractère
transactionnel permettant à Radio France de mettre en place, à l’issue, une
nouvelle mise en concurrence, la Cour a jugé qu’il devait être regardé
comme régulier.
Pour ces différents manquements, la Cour a retenu contre le
président-directeur général de Radio France, le directeur général délégué,
la directrice financière et le directeur général adjoint l’infraction prévue par
l’article L. 313-4 du CJF.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
29
2- Sur les conditions de passation de deux marchés complémentaires
et d’un avenant à un marché de travaux
Radio France avait passé deux marchés complémentaires à un
marché
de
travaux
concernant
l’installation
de
cantonnements
supplémentaires. Cette décision était justifiée par l’augmentation
significative des effectifs du chantier en raison des cadences d’avancement
des travaux et des retards engendrés par les intempéries. Comme dans le
cas précédent, la Cour, après avoir observé que le besoin en cantonnement
était parfaitement connu dès le contrat initial et que le niveau des
intempéries n’avait pas été supérieur au seuil prévu dans le CCAP, a
considéré que ces faits ne pouvaient être qualifiés de circonstances
imprévues autorisant le recours à la procédure du marché complémentaire
au sens du décret du 30 décembre 2005 pris en application de l’ordonnance
du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes
publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Elle en a
déduit que l’avenant au marché complémentaire n° 1 qui avait pour support
un marché complémentaire conclu dans des conditions irrégulières et dont
il prolongeait l’objet de trois mois était également à ce titre entaché
d’irrégularité.
Pour ces différents manquements, la Cour a retenu contre le
président-directeur général de Radio France, le directeur général délégué
et le directeur général adjoint l’infraction prévue par l’article L. 313-4 du
CJF.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstances atténuantes globales la
complexité du chantier de réhabilitation de la maison de la radio qui avait
pâti d’une sous-évaluation initiale des besoins. Elle a également tenu
compte du fait que les montants concernés par les contrats irréguliers
étaient très faibles par rapport au coût global du chantier et que tant le
contrôleur général économique et financier que la commission interne des
marchés ne s’étaient pas opposés à leur signature.
La Cour a retenu comme circonstance absolutoire pour le second
grief que les marchés complémentaires auraient pu, compte tenu de leur
objet et de leur montant, prendre régulièrement la forme d’avenants.
Enfin, s’agissant de la directrice financière, elle a retenu comme
circonstance atténuante que le seul manquement qui lui était reproché était
intervenu alors qu’elle assurait l’intérim de la directrice générale déléguée.
30
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
V – Les sanctions
La CDBF a infligé une amende de 1 000
€
au directeur général
adjoint et de 500
€
au président-directeur général et au directeur général
délégué. Elle a prononcé une dispense de peine pour la directrice
financière.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 228-762 du 25 janvier 2019
Radio France : les achats de biens et de services
I - Les infractions poursuivies
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le président-
directeur général de Radio France, deux directeurs généraux délégués
successifs, la directrice financière ainsi que le directeur général adjoint
chargé des techniques et des technologies nouvelles pour différentes
irrégularités relatives aux conditions d’achats de biens et de services auprès
d’une vingtaine d’entreprises. Ces irrégularités, systémiques, non
contestées par les personnes mises en cause, consistaient notamment en
l’absence de recours aux procédures formalisées de passation des marchés,
de publicité préalable ou de respect des règles internes à l’entreprise et
notamment de saisine de la commission interne des marchés.
La Cour a retenu la responsabilité de l’ensemble des personnes
renvoyées tant pour leurs agissements directs (signature de contrats ou de
bons de commande irréguliers) que pour leurs agissements indirects
caractérisés par le défaut d’organisation, d’encadrement ou de surveillance.
Pour sa défense, le président-directeur général avait notamment fait
valoir qu’il s’appuyait sur des délégations de pouvoirs très larges accordées
à ses adjoints. La Cour a considéré que ces délégations ne pouvaient
l’exonérer de sa responsabilité générale de direction de la société
impliquant un devoir général d’organisation, de contrôle et de surveillance.
Après avoir analysé les circonstances, la Cour a sanctionné par une
amende quatre des personnes renvoyées et dispensé de peine la cinquième.
32
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstances atténuantes globales
l’antériorité des pratiques irrégulières et leur caractère systémique en
relevant que la direction précédente de l’entreprise n’avait pris aucune
initiative significative à la suite de l’entrée en vigueur des dispositions
introduites par l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par
certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des
marchés publics et son décret d’application du 30 décembre 2005. Elle a
également tenu compte de l’organisation des achats, morcelée, sans
système d’information dédié, qui ne permettait pas, notamment, de
regrouper les achats en familles homogènes, ni de vérifier la computation
des seuils. Enfin, elle a pris en considération l’enjeu majeur représenté, sur
la période concernée, par le chantier de réhabilitation de la maison de la
radio.
Pour le directeur général adjoint chargé des techniques et des
technologies nouvelles, la Cour a retenu comme circonstance atténuante le
fait qu’il n’était pas un spécialiste de l’achat public. En ce qui concerne la
directrice générale déléguée, elle a pris en compte le fait que le processus
de réforme interne des achats publics avait réellement débuté et s’était
accéléré sous sa direction. Enfin, s’agissant de la directrice financière, elle
a retenu comme circonstance atténuante que le seul manquement qui lui
était reproché était intervenu alors qu’elle assurait l’intérim de la directrice
générale.
IV – Les sanctions
La CDBF a infligé une amende de 3 000
€
au directeur général
délégué, de 1 500
€
au président-directeur général, de 1 000
€
à la
directrice générale déléguée et de 800
€
au directeur général adjoint chargé
des techniques et des technologies nouvelles. Elle a prononcé une dispense
de peine pour la directrice financière.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 229-766 du 25 janvier 2019
Radio France : visa du contrôleur général
économique et financier en matière
de rémunération
I - Les infractions poursuivies
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour deux présidents-
directeurs généraux successifs de Radio France ainsi que le directeur
général adjoint chargé des ressources humaines pour différentes
irrégularités relatives aux modalités d’intervention du contrôleur général
économique et financier en matière de rémunérations (CGefi).
La Cour a sanctionné l’un des présidents de l’entreprise pour avoir
continué à verser à un journaliste une même rémunération annuelle alors
que ses conditions d’emploi avaient été revues à la baisse. Elle l’a
également sanctionné pour ne pas s’être assuré auprès de ses services qu’ils
respectaient bien le refus de visa préalable opposé par le CGefi à une
demande d’augmentation de la rémunération d’un nouveau directeur de la
rédaction d’une antenne. Par ailleurs, la Cour a retenu la responsabilité du
directeur général adjoint en charge des ressources humaines pour absence
de saisine du CGefi, saisine incomplète et non-respect de son refus de visa
préalable sur différents dossiers de rémunérations.
En revanche, la Cour n’a pas suivi la décision de renvoi en relaxant
l’un des présidents de Radio France après avoir constaté la prescription des
faits reprochés. Sur ce point, la Cour a eu l’occasion de préciser à nouveau
sa jurisprudence sur les conditions de mise en
œ
uvre des règles de
prescription en matière de rémunérations. Elle a également précisé sa
jurisprudence sur les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article
L. 313-6 du CJF dans le domaine des rémunérations dont elle a fait un
usage autonome.
34
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III – Les faits et les infractions
1- Sur la question de la prescription
Le contrat de travail d’un journaliste de Radio France avait été
modifié à plusieurs reprises sans que le CGefi ne soit saisi pour visa
préalable comme le prévoyait les textes applicables au contrôle général
économique et financier de l’entreprise. La Cour, après avoir relevé qu’il
s’agissait bien d’un manquement du président-directeur général à ses
obligations, a cependant constaté que ces irrégularités étant intervenues en
période prescrite, la responsabilité du président ne pouvait plus être
recherchée pour ce motif. Poursuivant son raisonnement, elle a ensuite jugé
que le vice de procédure affectant les décisions irrégulières n’avait pu
vicier, par lui-même, les versements effectués au bénéfice du journaliste et
que dès lors, les versements antérieurs à la date de prescription étaient
couverts par celle-ci.
2- Sur les conditions de rémunération de deux journalistes de
Radio France
Dans le premier cas, un journaliste de l’entreprise avait continué à
percevoir une rémunération dont le montant fixé quelques années
auparavant n’était plus en adéquation avec les tâches effectivement
remplies par l’intéressé. La Cour a suivi la décision de renvoi, en retenant
contre le président-directeur général la seule infraction prévue à l’article
L. 313-6 du CJF. Elle a considéré que le président, alerté par le CGefi sur
la situation de l’intéressé dont le niveau de salaire était manifestement
disproportionné tant au regard de la hiérarchie des rémunérations de
l’entreprise que de son temps de travail effectif et des responsabilités
confiées, n’avait pas pris les mesures pour mettre un terme à cette situation.
Dans le second cas, un journaliste de Radio France avait vu sa
rémunération augmentée sur plusieurs années par l’octroi de primes sans
que les décisions correspondantes n’aient été soumises au visa préalable du
CGefi. A l’occasion d’une première promotion de l’intéressé, un avenant à
son contrat de travail avait été signé malgré le refus de visa du CGefi qui
estimait ne pas disposer de tous les éléments pour statuer en connaissance
de cause. Deux ans plus tard, un second avenant résultant d’une nouvelle
promotion avait été signé alors que le CGefi, estimant que sa saisine avait
pour objet de régulariser une situation déjà acquise, avait une nouvelle fois
refusé son visa. La Cour a retenu contre le président-directeur général de
Radio France, qui, informé du refus de visa opposé par le CGefi, n’avait
pris aucune mesure pour éviter que ses services ne violent les règles du
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
35
contrôle général économique et financier, l’infraction prévue par l’article
L. 313-4 du CJF. Elle a également retenu cette infraction contre le directeur
général adjoint chargé des ressources humaines pour ses divers
manquements au regard des règles relatives aux conditions du contrôle
général économique et financier.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstances atténuantes pour le directeur
général adjoint, l’absence de directeur général délégué en exercice et
l’urgence de la rentrée radiophonique lors de la signature litigieuse d’un
avenant au contrat de travail.
V – Les sanctions
La CDBF a infligé une amende de 2 500
€
au président-directeur
général de Radio France et de 1 500
€
au directeur général adjoint chargé
des ressources humaines. Elle a également prononcé la relaxe de l’un des
présidents renvoyés.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 230-805 du 13 février 2019
Centre hospitalier d’Ajaccio
I - Les infractions poursuivies
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour l’ancien directeur
du centre hospitalier d’Ajaccio pour des irrégularités relatives aux
conditions de passation du marché de traitement des déchets d’activités de
soins à risques infectieux et assimilés (DASRI).
Après avoir constaté les manquements aux règles des marchés
publics, la Cour a retenu la responsabilité du directeur de l’établissement
sur le seul fondement de l’article L. 313-4, rejetant l’incrimination de
l’article L. 313-6.
La
Cour,
prenant
en
compte
d’importantes
circonstances
absolutoires, a décidé de prononcer la relaxe du directeur du centre
hospitalier.
III – Les faits et les infractions
Le centre hospitalier d’Ajaccio avait confié à un prestataire,
l’enlèvement et le traitement de ses DASRI par un marché qui arrivait à
échéance le 15 décembre 2014. Sollicité par le directeur de l’établissement
pour prolonger le marché, le prestataire avait refusé l’avenant proposé. Le
centre hospitalier d’Ajaccio avait cependant continué à faire réaliser
l’enlèvement de ses déchets par ce prestataire entre décembre 2014 et
août 2015 en passant des bons de commande à cette entreprise. Les
prestations se traduisaient par l’émission de bons de commande
38
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
incomplets, ajustés à la facturation et antidatés. Le prestataire ayant, par
ailleurs, augmenté ses prix, le centre hospitalier avait dû supporter un
surcoût de près de 250 000
€
. Après avoir constaté ces irrégularités au
regard des règles des marchés publics, la Cour a retenu, contre le directeur
de l’établissement, l’infraction prévue par l’article L. 313-4 du CJF.
Cependant, elle a décidé de ne pas suivre le ministère public en ne
retenant pas l’infraction de l’avantage injustifié prévue par l’article
L. 313-6 du CJF. Rappelant tout d’abord qu’il n’existe pas un lien
automatique entre ces deux incriminations, elle a constaté qu’en l’espèce,
la situation monopolistique dans laquelle se trouvait le prestataire sur le
marché de l’enlèvement des déchets septiques et toxiques et les obligations
sanitaires qui pesaient sur le centre hospitalier expliquaient la dérive
constatée dans les prix des prestations en cause. Elle en a déduit qu’il n’y
avait pas lieu de regarder les irrégularités au regard des règles des marchés
publics comme ayant été de nature à octroyer à autrui un avantage injustifié
qui aurait causé un préjudice financier à l’établissement.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu différentes circonstances absolutoires tirées de la
chronologie des faits en lien avec les obligations sanitaires qui pesaient sur
le directeur du centre hospitalier.
Elle a tout d’abord indiqué que l’obligation d’élimination des
DASRI, dans les délais prescrits, était un impératif de santé publique dont
les directeurs d’hôpitaux étaient responsables.
Elle a ensuite rappelé qu’un groupement régional de commandes
avait été mis en place à l’initiative de l’agence régionale de santé, qui avait
décidé de procéder à un appel d’offres pour le traitement et l’élimination
des DASRI. Le directeur du centre hospitalier d’Ajaccio pouvait considérer
qu’un nouveau marché négocié au niveau régional prendrait le relais du
marché de son établissement à l’échéance de celui-ci. Le marché ayant été
déclaré infructueux, le groupement avait alors décidé d’engager avec la
société une procédure de négociation sur le fondement de l’article 35 du
code des marchés publics. Conscient des délais prévisibles pour que cette
nouvelle procédure aboutisse, le directeur du centre hospitalier avait pris
l’initiative de proposer au prestataire un avenant au marché pour assurer la
continuité du service et respecter les contraintes sanitaires, avenant qui a
été refusé. Le directeur avait demandé à ses services de préparer une
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
39
consultation pour mettre en place une solution en régie pour le traitement
des déchets mais la mise en
œ
uvre de cette solution demandait du temps.
Constatant que ni cette solution, ni la négociation menée par le groupement
n’avait abouti à l’été 2015, le directeur avait alors passé avec le prestataire
un marché particulier avant de quitter ses fonctions fin août 2015. Au total,
la Cour a considéré qu’il avait manifesté, dans des circonstances très
difficiles, le souci de concilier le respect des impératifs de santé publique,
l’adhésion à la recherche d’une solution régionale pour le traitement des
DASRI et la préservation des intérêts de l’hôpital dont il avait la charge.
V – Les sanctions
La Cour a prononcé la relaxe du directeur du centre hospitalier
renvoyé.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 231-770 du 22 mars 2019
Chambre départementale d’agriculture
de la Gironde
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le président de la
chambre départementale d’agriculture de la Gironde pour des irrégularités
liées au versement, par la chambre départementale, de subventions à des
organisations syndicales et à une association
24
.
La Cour a sanctionné le président, au titre des articles L. 313-4 et
L. 313-6 du CJF, pour avoir versé, à trois organisations syndicales, des
subventions qui ont contribué au soutien et au financement desdites
organisations. Elle l’a également sanctionné, au titre de l’article L. 313-4,
pour avoir versé des subventions à une association sans respecter les règles
des marchés publics.
Après avoir pris en compte des circonstances atténuantes, la Cour a
sanctionné par une amende de 2 500
€
le président de la chambre
départementale d’agriculture.
Un point particulier mérite d’être souligné. La Cour a requalifié les
conventions de versement de subvention passées avec une association, en
marchés de prestations de services.
24
Sur le même sujet, Cf. CDBF, 22 décembre 2010,
Chambre régionale d’agriculture
de la région Midi-Pyrénées (CRAMP)
;
CDBF, 13 décembre 2018, Chambre régionale
d’agriculture de Tarn-et-Garonne
;
CDBF, 13 décembre 2018, Chambre régionale
d’agriculture du Puy-de-Dôme.
42
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III – Les faits et les infractions
1- Sur le versement de subventions à des organisations syndicales
Entre 2010 et 2013, la chambre départementale d’agriculture de la
Gironde avait, dans chacun de ses budgets, attribué des subventions à trois
organisations syndicales d’exploitants agricoles. Si, comme le prévoient
les textes, les versements effectués avaient été précédés de la signature de
conventions annuelles avec les trois syndicats, les énonciations desdites
conventions relatives à l’objet des subventions avaient un caractère très
général correspondant à l’objet et aux modalités d’intervention des
syndicats d’exploitants agricoles intéressés, sans identifier d’actions
précises. De plus, les comptes rendus annuels qui avaient été adressés par
deux des trois organisations bénéficiaires, simples rapports d’activités, ne
permettaient pas de rendre compte précisément, comme demandé par les
conventions, de la réalisation des activités subventionnées.
La Cour en a déduit que les subventions versées par la chambre
d’agriculture de la Gironde aux trois organisations syndicales devaient être
regardées comme ayant contribué au soutien et au financement du
fonctionnement de ces organisations et non à la mise en
œ
uvre par elles
d’actions d’intérêt général agricole précisément identifiées. Après avoir
rappelé qu’en application du principe de spécialité qui s’applique aux
établissements publics, une chambre d’agriculture ne peut intervenir
directement au profit d’organismes tiers qu’en vue de concourir à des
actions d’intérêt général agricole et qu’un financement public des
organisations syndicales d’exploitants agricoles a été institué par la loi
n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002, la
Cour a jugé que le versement de subventions pour soutenir des
organisations syndicales constituait une infraction aux règles d’exécution
des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du CJF et qu’il était également
constitutif d’un avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6 du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, le président de la chambre
départementale.
2- Sur le versement de subventions à une association
Entre 2011 et 2013, la chambre départementale d’agriculture de la
Gironde avait versé chaque année une subvention à une association locale
dont l’objet était d’apporter un conseil juridique aux agriculteurs girondins,
prestation que la chambre départementale ne pouvait pas effectuer sur ses
ressources propres. Après avoir relevé que ces prestations confiées à
l’association pouvaient se rattacher à l’une des missions confiées aux
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
43
chambres départementales d’agriculture par les dispositions des articles
L. 511-3 et L. 511-4 du code rural et de la pêche maritime, la Cour en a
déduit que ces conventions, qui visaient à répondre aux besoins propres de
la chambre d’agriculture moyennant un prix fixé sous la forme d’un
versement forfaitaire annuel, devaient être regardées comme des marchés
de prestations de services. Poursuivant son raisonnement, la Cour a rappelé
que les prestations attendues auraient donc dû être soumises aux mesures
de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés publics de
services, ce qui n’avait pas été le cas. De plus, compte tenu des montants
en cause et des règles internes de la chambre départementale relatives à la
compétence du président en matière de marchés de prestations de services,
la convention pour 2011 aurait dû être soumise pour approbation à l’organe
délibérant.
La Cour a considéré que ces faits constituaient des manquements
aux règles d’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du CJF.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstance atténuante de responsabilité,
le fait que le président de la chambre départementale ait pris des mesures
correctives pour régulariser les situations litigieuses dès que leur caractère
irrégulier avait été porté à sa connaissance.
V – Les sanctions
Le président de la chambre départementale d’agriculture de la
Gironde a été condamné à une amende de 2 500
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Sur proposition du ministère public,
elle a également décidé de l’envoi d’une copie de l’arrêt à l’Assemblée
permanente des chambres d’agriculture.
Arrêt n° 232-792 du 22 mars 2019
Chambre départementale d’agriculture
de la Corrèze
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour deux présidents
successifs de la chambre départementale d’agriculture de la Corrèze pour
des irrégularités liées au versement, par la chambre départementale, de
subventions à une organisation syndicale
25
. Elle avait également renvoyé
l’un des présidents de la chambre départementale pour avoir mis fin à des
procédures contentieuses sans disposer des pouvoirs pour le faire.
Sur le premier manquement, la Cour a sanctionné les deux
présidents, au titre des articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF, pour avoir
versé à une organisation syndicale des subventions qui ont contribué au
soutien et au financement de ladite organisation.
Sur le second manquement, la Cour a sanctionné le président au titre
de l’article L. 313-4 du CJF mais elle n’a pas suivi le ministère public en
ne retenant pas l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du CJF.
La Cour a sanctionné par une amende de 1 000
€
l’un des présidents
de la chambre et, après avoir pris en compte des circonstances aggravantes
à l’encontre de l’autre président, l’a sanctionné par une amende de 2 500
€
.
25
Sur le même sujet, Cf. CDBF, 22 décembre 2010,
Chambre régionale d’agriculture
de la région Midi-Pyrénées (CRAMP)
; CDBF, 13 décembre 2018,
Chambre régionale
d’agriculture de Tarn-et-Garonne
;
CDBF, 13 décembre 2018,
Chambre régionale
d’agriculture du Puy-de-Dôme.
46
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III – Les faits et les infractions
1- Sur le versement de subventions par la chambre départementale
Entre 2011 et 2015, la chambre départementale d’agriculture de la
Corrèze avait, dans chacun de ses budgets, attribué des subventions à un
syndicat professionnel pour financer des évènements agricoles.
La Cour a constaté que les versements effectués entre 2011 et 2012
n’avaient pas été précédés de la signature de conventions annuelles avec le
syndicat professionnel. Pour les années 2013, 2014 et 2015, les versements
avaient bien été précédés de la conclusion de conventions mais ces dernières
étaient extrêmement sommaires, se bornant à énumérer les obligations des
parties et à fixer le montant de la subvention et ne définissant ni ses modalités
de versement ni les coûts financés. Enfin, les conventions produites pour 2014
et 2015 n’étaient pas valides puisque signées en août 2016, soit
postérieurement au versement de la subvention au bénéficiaire.
La Cour a par ailleurs observé que si un compte rendu financier avait
été produit chaque année
a posteriori
par l’organisation syndicale, avec à
l’appui les factures correspondantes, il ne permettait pas, en l’absence de
convention ayant préalablement défini ce que devait financer la subvention
de la chambre, de rendre compte de l’usage de celle-ci et du respect des
obligations de l’organisation syndicale. De plus, tous les comptes rendus
financiers produits pour les exercices 2011 à 2014, à l’exception de celui
de la foire d’Objat pour 2013 et de celui des finales départementales de
labour pour 2014, faisaient apparaitre un excédent global du coût de ces
manifestations. Faute pour la chambre d’agriculture de s’être assurée,
antérieurement au paiement des subventions, qu’elles ne permettraient pas
de couvrir d’autres coûts que ceux des manifestations dont il s’agissait, ou
d’avoir exigé, après avoir constaté l’excédent financier de plusieurs de ces
opérations, le reversement des sommes ayant excédé leur coût, la Cour en
a déduit qu’une partie des subventions versées au syndicat professionnel
avait été nécessairement utilisée non pas pour financer ces manifestations,
mais pour contribuer au financement du fonctionnement du syndicat.
La Cour a jugé que le fait, pour la chambre départementale
d’agriculture de la Corrèze, d’avoir versé, entre 2011 et 2014, des
subventions sans disposer des documents exigés des bénéficiaires par la loi
n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations et son décret d’application ou en
disposant de documents ne remplissant pas les conditions fixées par lesdits
textes, constituaient des manquements aux règles d’exécution des dépenses
au sens de l’article L. 313-4 du CJF.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
47
Par ailleurs, après avoir rappelé qu’en application du principe de
spécialité qui s’applique aux établissements publics, une chambre
d’agriculture ne peut intervenir directement au profit d’organismes tiers
qu’en vue de concourir à des actions d’intérêt général agricole et qu’un
financement public des organisations syndicales d’exploitants agricoles a
été institué par la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de
finances pour 2002, la Cour a jugé que le versement de subventions pour
soutenir, en partie, une organisation syndicale était également constitutif
d’un avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6 du CJF.
La Cour a sanctionné les deux présidents successifs de la chambre
départementale d’agriculture sur ces deux fondements.
2- Sur le dénouement des contentieux
La chambre départementale d’agriculture et une organisation
syndicale d’exploitants agricoles étaient liées par des relations juridiques
croisées donnant lieu au versement de différentes contributions en échange
des prestations rendues (location de locaux, mise à disposition de
personnels, traitement de dossiers de conseil juridique et fiscal). À la suite
de difficultés intervenues dans le paiement des engagements réciproques,
des contentieux avaient été intentés par les deux organismes en vue
d’obtenir le règlement des sommes dues, aucun accord transactionnel
n’ayant pu être trouvé pour régler ces litiges. Sur proposition du nouveau
président de la chambre départementale d’agriculture, le bureau de la
chambre, présidé par lui, avait décidé lors de sa première réunion tenue le
25 mars 2013 «
de s’en tenir aux décisions de justice antérieures et de
suspendre les appels de la chambre d’agriculture des 31 janvier 2013 et
25 février 2013
». Cette décision n’avait pas été précédée d’une
délibération de la chambre réunie en session ayant pour objet de prendre
cette décision ou de donner délégation au bureau pour la prendre à sa place,
en méconnaissance des dispositions de l’article D. 511-54-1 du code rural
et de la pêche maritime.
La Cour a jugé que le fait d’avoir mis fin à des procédures
contentieuses sans délibération de la session de la chambre départementale,
constituait une infraction aux règles d’exécution des dépenses au sens de
l’article L. 313-4 du CJF. Cependant, la perte de chance résultant de
l’abandon desdites procédures n’étant pas suffisamment établie pour que
le préjudice financier soit constitué, la Cour a estimé que les éléments
constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du CJF n’étaient pas
réunis.
48
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Elle a sanctionné, sur le seul fondement de l’article L. 313-4, le
président de la chambre départementale qui avait pris l’initiative de
proposer au bureau que la chambre se désiste des contentieux en cours
contre l’organisation syndicale et avait formellement procédé à ce
désistement sur la base de décisions prises par une autorité incompétente.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstance aggravante de responsabilité
à l’encontre de l’un des présidents, le fait qu’il ait été, avant d’être nommé
président de la chambre départementale d’agriculture, président de
l’organisation syndicale avec laquelle la chambre départementale avaient
les différents contentieux.
V – Les sanctions
Les deux présidents de la chambre départementale d’agriculture de
la Corrèze ont été condamnés respectivement à une amende de 1 000
€
et
de 2 500
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Sur proposition du ministère public,
elle a également décidé de l’envoi d’une copie de l’arrêt à l’Assemblée
permanente des chambres d’agriculture.
Arrêt n° 233-808 du 23 avril 2019
Agence régionale de santé
Nouvelle-Aquitaine
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le directeur de
l’agence régionale de santé (ARS) du Limousin
26
pour des irrégularités
liées à l’utilisation par l’ARS du Limousin du fonds d’intervention régional
(FIR) pour financer des opérations d’investissement réalisées à l’étranger.
Après avoir constaté que les dispositifs financés ne présentaient pas
un intérêt régional, la Cour a retenu la responsabilité du directeur de l’ARS
sur les fondements des articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF.
La Cour, prenant en compte diverses circonstances atténuantes, a
sanctionné par une amende de 500
€
le directeur.
III – Les faits et les infractions
De 2013 à 2015, des crédits prélevés sur les dotations du FIR allouées
à l’ARS du Limousin avaient été utilisés pour financer des dépenses
d’investissement à l’étranger, d’un montant d’environ 325 000
€
, consistant
en la construction d’un pôle mère-enfant à l’hôpital de M’Bour au Sénégal
et d’une unité Alzheimer au centre hospitalier de Rabat au Maroc.
26
L’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine est issue de la fusion, au
1
er
janvier 2016, des ARS du Limousin, de Poitou-Charentes et d’Aquitaine.
50
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
La Cour a tout d’abord rappelé que le code de la santé publique
n’interdisait pas, par principe, que le FIR soit mobilisé par une ARS pour
financer des dépenses d’investissement à l’étranger. Mais elle a déduit des
dispositions du code et de leur rapprochement avec celles définissant les
missions des ARS, que le FIR était un instrument mis à la disposition de
chacun de ces établissements pour financer des dépenses présentant un
intérêt en termes de politique de santé publique pour la circonscription
régionale dont il a la charge. Après avoir constaté que les dépenses
concernées au Sénégal et au Maroc avaient un lien avec la qualité des soins
en Limousin puisqu’elles contribuaient aux échanges de bonnes pratiques
et à la formation continue des professionnels de santé du Limousin, compte
tenu notamment des stages ou missions qu’ils pouvaient accomplir auprès
de ces établissements étrangers, la Cour a estimé que ce lien n’était pas
suffisant pour que ces dépenses, eu égard à leur montant et à leur objet,
puissent être regardées comme ayant effectivement un intérêt régional.
La Cour, considérant que ces faits constituaient des manquements
aux règles d’exécution des dépenses, a sanctionné cette irrégularité sur la
base de l’article L. 313-4 du CJF. Elle a également retenu l’infraction
prévue par l’article L. 313-6, le préjudice financier étant constitué pour
l’ARS du Limousin qui se trouvait privée, à due concurrence des sommes
en cause, de la possibilité de financer des actions d’intérêt régional
conformes aux objectifs du FIR.
IV – Les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstances atténuantes la mise en place,
par le directeur de l’ARS, d’un processus plus efficace et mieux contrôlé
pour l’utilisation du FIR ainsi que d’un dispositif coordonné et sélectif des
actions de coopération internationale dans le domaine de la santé. Elle a
également tenu compte du fait que le directeur avait régulièrement tenu sa
tutelle informée des investissements réalisés au Sénégal et au Maroc.
V – Les sanctions
Le directeur de l’ARS du Limousin a été condamné à une amende
de 500
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel
.
Arrêt n° 234-732 du 4 juin 2019
Gestion des sociétés EDF, ERDF et RTE
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II – Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le président-
directeur général de la société EDF, le président des conseils de
surveillance de la société ERDF et de la société RTE, le président du
directoire de la société RTE, le secrétaire général de la société EDF et le
secrétaire général de la société ERDF pour différentes irrégularités liées à
la prise en charge :
-
par les sociétés EDF, ERDF et RTE des frais de déplacement et de
représentation de M. X…, ancien président du directoire de RTE,
devenu président des conseils de surveillance d’ERDF et RTE ;
-
par la société EDF des prestations d’une société de conseil dirigée par
M. X… ;
-
par la société RTE d’honoraires d’avocat à l’initiative du même
M. X….
Sur le premier point, la Cour n’a pas suivi la décision de renvoi en
décidant de ne pas retenir les infractions prévues aux articles L. 313-4 et
L. 313-6 du CJF.
En ce qui concerne la prise en charge des prestations d’une société de
conseil, la Cour a sanctionné le président-directeur-général d’EDF pour avoir
signé une convention dont l’objet était, en partie, de rémunérer le président de
ladite société de conseil pour ses fonctions de président des conseils de
surveillance d’ERDF et RTE. Au vu des circonstances, elle a décidé en
revanche de ne pas retenir la responsabilité du secrétaire général d’EDF.
52
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Sur la prise en charge d’honoraires d’avocat, elle a retenu la
responsabilité de M. X… pour avoir engagé des dépenses de consultation
juridique sans disposer de la compétence ni des autorisations nécessaires.
La Cour a sanctionné par une amende deux des cinq personnes
renvoyées et a relaxé les trois autres.
III – Les faits et les infractions
1- En ce qui concerne la prise en charge par les sociétés EDF, ERDF
et RTE des frais de déplacement et de représentation de M. X…
a) Les dépenses directes supportées par la société RTE
Par une lettre de mission adressée par le président du directoire de
la société RTE à son prédécesseur, M. X…, ce dernier avait été sollicité
afin que, dans le cadre de ses mandats respectifs au sein du Conseil
international des grands réseaux électriques (CIGRE), de l’École
supérieure d’électricité et du Forum européen de l’énergie et des transports,
il exerce une mission de relais des positions de RTE et de défense des
intérêts de l’entreprise.
La lettre prévoyait que RTE mettrait à sa disposition les moyens
humains et matériels nécessaires à l’accomplissement de sa mission, avec
notamment la prise en charge d’un secrétariat et de ses frais de missions et
de représentation. La Cour, considérant qu’il n’était pas établi que les
dépenses effectivement remboursées excédaient le cadre fixé par la lettre
de mission ni qu’elles étaient incompatibles avec l’objet social de RTE ou
ne correspondaient pas à un intérêt social pour cette société, n’a pas retenu
les infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF.
Par ailleurs, la lettre de mission n’avait pas été soumise à
l’autorisation préalable du conseil de surveillance de RTE, comme le
prévoit le code de commerce, à partir du moment où M. X… avait été
nommé président du conseil de surveillance de l’entreprise. La Cour, après
avoir rappelé que la convention en cause avait été conclue à une date
antérieure à l’élection à la présidence de ce conseil, a considéré qu’il n’était
pas établi qu’en ne la soumettant pas au conseil de surveillance de RTE,
les dispositions du code de commerce, telles qu’interprétées par la Cour de
cassation, aient été méconnues. Elle n’a donc pas retenu sur ce point les
infractions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
53
b) Les remboursements de frais entre les sociétés EDF, ERDF et
RTE
Après l’élection de M. X… à la présidence des conseils de
surveillance de RTE et d’ERDF, et compte tenu de l’augmentation
importante de ses dépenses de représentation et de déplacement, les
secrétaires généraux des sociétés RTE, ERDF et EDF s’étaient accordés
sur le principe d’un partage des dépenses, jusqu’alors supportées par la
seule société RTE sur le fondement de la lettre de mission, à partir d’une
clé de répartition qui avait évolué par la suite en fonction de l’évolution des
mandats de M. X…
La Cour a tout d’abord rappelé que la mise en place d’un dispositif
de refacturation de frais entre sociétés appartenant à un même groupe
constituait une pratique courante et n’était pas, en soi, irrégulière.
Constatant ensuite qu’il n’était pas établi que les dépenses supportées par
les trois sociétés dans le cadre de cet accord n’aient pas été conformes à
l’objet de celui-ci ou à leur intérêt social et qu’il n’était pas davantage
démontré, eu égard à son objet et aux montants en cause, que l’accord
informel entre les trois sociétés entrait dans le champ du dispositif des
conventions réglementées prévu par les articles L. 225-86 et suivants du
code de commerce, la Cour a décidé de ne pas retenir les infractions
prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF.
La Cour a enfin relevé que les défraiements de M. X… au titre de
ses fonctions de président des conseils de surveillance de RTE et d’ERDF
auraient dû être soumis à l’autorisation préalable de ces conseils, en
application de l’article R. 225-60 du code de commerce. Après avoir noté
que le mécanisme de répartition des frais, mis en place par les secrétaires
généraux des trois sociétés, avait eu pour effet, en contournant les
dispositions du code de commerce, de priver les conseils de surveillance
de RTE et ERDF de leurs prérogatives, et que ce fait ne pouvait être ignoré
par le président-directeur général d’EDF, le président du directoire de RTE,
les secrétaires généraux des entreprises et M. X…, la Cour n’a pu que
constater que ce fait ne faisait pas partie des manquements qui lui étaient
soumis par la décision de renvoi.
2- En ce qui concerne la prise en charge par la société EDF des
prestations d’une société de conseil
Le président-directeur général d’EDF et M. X…, président et
représentant d’une société de conseil, avait signé une convention par
laquelle cette société s’était engagée à fournir à EDF une prestation de
conseil en réflexion stratégique et qu’à cette fin, la société de conseil
proposerait M. X… aux postes de président des conseils de surveillance de
RTE et d’ERDF.
54
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Concernant la prestation de conseil, la convention prévoyait que les
factures du prestataire seraient accompagnées d’un rapport décrivant son
activité, les résultats obtenus et faisant part de ses recommandations. Après
avoir relevé qu’aucun rapport écrit n’avait été joint à l’appui des demandes
de règlement, la Cour a observé que l’exécution de la convention avait
cependant donné lieu à de nombreuses restitutions orales effectuées par
M. X…
auprès
du
président-directeur
général
d’EDF.
Tout
en
reconnaissant la responsabilité du secrétaire général d’EDF, la Cour lui a
reconnu des circonstances exonératoires de responsabilité du fait qu’il
s’était vu indiquer que ce mode d’exercice des prestations convenait.
La Cour a par ailleurs déduit des termes de la convention précitée et
des factures réglées par EDF que les versements effectués en exécution de
cette convention visaient, au moins pour partie, à rémunérer M. X… pour
ses fonctions de président des conseils de surveillance de RTE et d’ERDF,
sous une forme autre que les jetons de présence qu’il avait demandés.
Considérant que la convention avait été signée en violation des dispositions
du décret n° 53-707 du 9 août 1953 modifié relatif au contrôle de l’État sur
les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet
d’ordre économique ou social qui prévoit que la rémunération du président
du conseil de surveillance doit être approuvée par le ministre chargé de
l’économie après consultation du ou des ministres intéressés, la Cour a
retenu l’infraction prévue par l’article L. 313-4 du CJF à l’encontre du
président-directeur général d’EDF. De plus, après avoir noté qu’EDF
s’était acquittée de factures tendant à la rémunération du président du
conseil de surveillance des sociétés ERDF et RTE alors que celle-ci aurait
dû, en application des dispositions de code de commerce, être fixée par les
conseils de surveillance de ces deux sociétés et ne lui incombait donc pas,
la Cour a sanctionné cette irrégularité sur la base de l’article L. 313-6 du
CJF.
3- En ce qui concerne la prise en charge par la société RTE
d’honoraires d’avocat à l’initiative de M. X…
M. X…, en sa qualité de président du conseil de surveillance de la
société RTE, avait sollicité d’un avocat une consultation juridique portant
sur les risques de prise illégale d’intérêts et de conflit d’intérêts
susceptibles d’affecter, compte tenu des fonctions de la personne
pressentie, la nomination du secrétaire général de la société RTE. Cette
consultation juridique n’avait donné lieu à aucune délibération du conseil
de surveillance ni avant sa réalisation, ni même après, dans le cadre d’une
régularisation. La Cour, après avoir relevé que M.
X … n’avait pas de
pouvoir d’engager cette dépense et qu’il n’ignorait pas cette contrainte
puisqu’il avait sollicité, peu après, une modification du règlement intérieur
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
55
de la société RTE pour autoriser à l’avenir le président du conseil de
surveillance à engager des dépenses de ce type, a décidé de le sanctionner
sur le fondement de l’article L. 313-4 du CJF.
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a accordé des circonstances exonératoires au secrétaire
général d’EDF (Cf.
supra
).
En revanche, elle a décidé de ne pas reconnaitre de circonstances
atténuantes à M. X… et au président-directeur général d’EDF notamment
parce que les infractions constatées avaient concerné des contrats dont ils
avaient personnellement engagé la conclusion et discuté les clauses, avant
de les signer, et dont les modalités ne pouvaient pas leur avoir échappé.
V – Les sanctions
Le président-directeur général d’EDF a été condamné à une amende
de 5 000
€
et M. X… à une amende 4 000
€
.
La Cour a décidé de ne pas sanctionner le président du directoire de
la société RTE, le secrétaire général de la société EDF et le secrétaire
général de la société ERDF.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 235-779 du 4 juillet 2019
Chambre de commerce et d’industrie
de La Rochelle
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II - Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le président de la
chambre de commerce et d’industrie (CCI) de La Rochelle pour des
irrégularités liées aux conditions de passation et d’exécution de plusieurs
contrats et avenants de prestations de services marketing ayant pour objet
la promotion de la région de La Rochelle en direction des voyageurs
européens qui consultent le site de compagnies aériennes à bas coûts. La
CCI avait également passé avec les sociétés prestataires, ou leurs filiales,
des contrats de services aéroportuaires.
Après avoir constaté que les contrats de services aéroportuaires et
ceux de prestations de services marketing devaient être regardés comme
dissociables, la Cour a estimé que les contrats de prestations de services
marketing étaient soumis en eux-mêmes aux dispositions du code des
marchés publics alors en vigueur. Après avoir procédé à l’examen des
conditions de passation des contrats et de leurs avenants ainsi qu’à leurs
conditions d’exécution, et relevé différentes irrégularités, la Cour a
sanctionné le président de la CCI sur le fondement de l’article L. 313-4 du
CJF. En revanche, faisant application de sa jurisprudence récente
27
, la Cour
a considéré que les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article
L. 313-6 du CJF n’étaient pas réunis.
27
Cf. CDBF, 3 mai 2018,
Office national des anciens combattants et victimes de
guerre.
58
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
La Cour, prenant en compte diverses circonstances atténuantes, a
sanctionné le président de la CCI par une amende de 1 500
€
.
Deux points particuliers méritent d’être soulignés.
La Cour a fait une application extensive de l’article L. 313-4 du CJF
en considérant que la rédaction de documents contractuels en anglais
constituait bien une infraction aux règles d’exécution des dépenses au sens
du CJF.
Par ailleurs, la Cour n’a pas fait droit aux arguments de la défense
qui, invoquant le lien indissociable entre les contrats de services
aéroportuaires et les contrats de prestations de services marketing
proposées par les mêmes sociétés ou leurs filiales, estimait que les contrats
de prestations étaient soumis à l’article 35-II-8° du code des marchés
publics et qu’ils étaient en conséquence dispensés des obligations de
publicité et de mise en concurrence. Ce modèle de contractualisation étant
largement répandu dans les aéroports français, l’arrêt de la Cour a donc une
portée très large.
III – Les faits et les infractions
La CCI de La Rochelle avait signé avec deux sociétés de transport à
bas coûts desservant son aéroport des contrats de services aéroportuaires.
De plus, la CCI avait également signé avec ces sociétés, ou la filiale de
l’une d’entre elles, plusieurs contrats de prestations de services marketing
ayant pour objet la promotion de la région de La Rochelle en direction des
voyageurs européens qui consultent le site de ces compagnies aériennes.
1- En ce qui concerne les conditions de passation des contrats
La Cour a dans un premier temps jugé que les contrats de services
aéroportuaires et de prestations de services marketing devaient être
regardés comme dissociables. Pour fonder sa position, elle a constaté que
les contrats avaient été signés à des dates différentes et que leur durée
n’était pas identique. De plus, l’exécution des contrats de desserte aérienne
était autonome par rapport à celle des contrats de prestations de services
marketing. Enfin, l’objet de ces derniers était de faire la promotion de la
région de La Rochelle sur le site internet d’une entreprise de transport à bas
coûts, sans la limiter à la promotion de la desserte effectuée par cette
entreprise. La Cour a estimé que la circonstance que les entreprises de
transport aient subordonné le maintien de leur desserte à la conclusion de
tels contrats de prestations de services marketing n’établissait pas le
caractère indissociable de ces contrats.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
59
Constatant que les contrats en cause avaient été passés sans mise en
œ
uvre d’une procédure formalisée et sans publicité préalable, elle a écarté
l’application de l’article 35-II-8° du code des marchés publics, jugeant
qu’il ne ressortait pas du dossier que les sociétés étaient les seules
susceptibles de délivrer de telles prestations de services marketing, ni qu’il
n’existait pas de concurrence suffisante dans le secteur considéré ou que
des considérations techniques imposaient de recourir aux services desdites
sociétés.
28
La Cour a retenu contre le président de la CCI l’infraction prévue
par l’article L 313-4 du CJF. En revanche, elle a rappelé que la constatation
d’une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses au sens de
l’article L. 313-4 du CJF ne suffisait pas, en tant que telle, à caractériser
l’infraction de l’avantage injustifié prévue à l’article L. 313-6 dudit code.
Si la conclusion des contrats en l’absence de toute mise en concurrence et
de publicité préalable pouvait être constitutive d’un avantage injustifié
octroyé à ces sociétés, l’infraction sanctionnée par l’article L. 313-6 du CJF
supposait également l’existence d’un préjudice subi par la personne
publique, lequel n’était en l’espèce pas établi.
2- En ce qui concerne le bouleversement de l’économie générale du
marché par les avenants
La Cour a analysé le renchérissement progressif de la prestation
généré par les avenants successifs et a estimé qu’il représentait moins de
15 % du montant annuel du contrat initial. Dans ces conditions, elle en a
déduit que ces avenants ne pouvaient donc être regardés comme ayant
bouleversé l’économie générale du marché initial ou changé son objet et
qu’en conséquence, l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du CJF n’était
pas constituée.
3- En ce qui concerne le commencement d’exécution des contrats
avant leur notification
La Cour, après avoir relevé que les contrats avaient été signés alors
qu’ils avaient déjà connu un commencement d’exécution, a considéré qu’il
s’agissait d’une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses
au sens de l’article L. 313-4 du CJF et a retenu la responsabilité du
président de la CCI à ce titre.
28
Cf. CDBF, 13 octobre 2017,
Opéra national de Bordeaux
.
60
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
4- En ce qui concerne le respect des procédures internes de la
chambre de commerce
La Cour, après avoir relevé que les contrats avaient été signés sans
avoir été soumis pour avis à la commission consultative des marchés de la
CCI comme le prévoyait pourtant son règlement intérieur, a considéré qu’il
s’agissait d’une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses
au sens de l’article L. 313-4 du CJF et a retenu la responsabilité du
président de la CCI à ce titre.
5- En ce qui concerne la rédaction des contrats et avenants en langue
anglaise
La Cour a tout d’abord rappelé les dispositions de l’article 5 de la
loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française qui
dispose que les contrats auxquels une personne morale de droit public est
partie sont rédigés en langue française, une exception à cette règle étant
permise pour les contrats conclus par une personne morale de droit public
gérant des activités à caractère industriel et commercial pour une exécution
intégralement hors du territoire national. Elle a ensuite considéré qu’eu
égard à la nature des prestations qu’ils prévoyaient, qui consistait
notamment en la création d’un lien depuis les sites internet des compagnies
aériennes vers des pages promotionnelles éditées par la CCI, ces contrats
avaient vocation à être exécutés, au moins partiellement, sur le territoire
national.
Une fois ce cadre posé, la Cour a jugé que la rédaction des
documents contractuels en français par les personnes morales de droit
public était une garantie de la bonne exécution des dépenses publiques. De
surcroît, s’appuyant sur le dernier alinéa de l’article 5 de la loi de 1994
précitée, qui dispose qu’« une partie à un contrat conclu en violation du
premier alinéa ne pourra se prévaloir d’une disposition en langue étrangère
qui porterait préjudice à la partie à laquelle elle est opposée », elle a
considéré que la conclusion d’un contrat en langue étrangère portait atteinte
à la sécurité juridique des relations contractuelles lorsque le contrat était
exécuté même en partie sur le territoire national. Elle en a conclu que le
non-respect de l’article 5 de la loi de 1994 constituait ainsi une infraction
aux règles d’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du CJF et
elle a donc retenu la responsabilité du président de la CCI à ce titre.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
61
IV – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a retenu comme circonstances atténuantes l’antériorité des
relations contractuelles entre la CCI de La Rochelle et les sociétés de
transport à bas coûts ou leurs filiales ainsi que la situation de forte
concurrence entre l’aéroport de La Rochelle et d’autres aéroports de la
région pour être desservi par des entreprises de transport aérien à bas coûts.
V – Les sanctions
Le président de la chambre de commerce et d’industrie de
La Rochelle a été condamné à une amende de 1 500
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site internet de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un
lien entre le site internet de la Cour et le
Journal officiel.
Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt par le président
de la chambre de commerce et d’industrie. Ce pourvoi est pendant fin 2019.
Arrêt n° 236-825 du 27 septembre 2019
Ville de Paris
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II – Les faits et les infractions
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le secrétaire
général de la Ville de Paris ainsi que la directrice adjointe des ressources
humaines et deux sous-directeurs de la direction des ressources humaines
pour des irrégularités liées à la rémunération d’agents contractuels. Dans
le premier cas, il s’agissait du versement d’une rémunération d’un montant
qui aurait été supérieur aux montants autorisés par les délibérations du
Conseil de Paris et dans le second cas, de l’octroi de compléments de
rémunérations ponctuels qui seraient intervenus en dehors de tout cadre
réglementaire.
Sur ces deux manquements présumés, la Cour n’a pas retenu la
responsabilité des personnes renvoyées, considérant que les infractions
n’étaient pas constituées.
III – La décision
La Cour a décidé de relaxer toutes les personnes renvoyées.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Arrêt n° 237-772 du 14 novembre 2019
Chambre départementale d’agriculture
du Finistère
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF ;
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant
un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
II – Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour deux présidents
successifs de la chambre départementale d’agriculture du Finistère et un
membre du bureau de la chambre pour des irrégularités liées au versement,
par la chambre départementale, de subventions à des organisations
syndicales et à une association, ainsi que pour l’achat de billets pour des
matchs de football.
La Cour a sanctionné les présidents successifs au titre des articles L.
313-4 et L. 313-6 du CJF, pour avoir versé, à six organisations syndicales,
des subventions qui ont contribué au soutien et au financement desdites
organisations. Elle les a également sanctionnés, au titre de l’article L.
313-4, pour avoir versé des subventions à des organisations syndicales et à
une association sans respecter les règles des marchés publics. Elle les a
enfin sanctionnés ainsi qu’un membre du bureau, au titre des articles
L. 313-4 et L. 313-6, pour avoir acheté des billets d’entrée et des
prestations associées pour des matchs de football, prestations devant être
considérées comme ayant bénéficié aux membres du bureau à titre
personnel.
Après avoir analysé les circonstances, la Cour a sanctionné par une
amende de 4 500
€
et de 2 000
€
, les deux présidents de la chambre
départementale d’agriculture et par une amende de 500
€
le membre du
bureau.
66
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Un point particulier mérite d’être souligné. La Cour a requalifié les
conventions de versement de subvention passées avec des organisations
syndicales et avec une association, en marchés de prestations de services.
Il s’agit du cinquième arrêt de la CDBF sur des chambres
d’agriculture
29
.
III – Les faits et les infractions
1- Sur le versement de subventions à des organisations syndicales
en dehors de toute convention
Entre 2010 et 2013, la chambre départementale d’agriculture du
Finistère avait, chaque année, versé des subventions à six organisations
syndicales ou assimilées. Les versements effectués n’avaient pas été
précédés de la signature de conventions annuelles avec les différentes
organisations et il ressortait du dossier que l’objet de ces subventions était
de leur apporter une aide pour leur fonctionnement et non de financer la
mise en
œ
uvre d’actions d’intérêt général agricole.
Après avoir rappelé qu’en application du principe de spécialité qui
s’applique aux établissements publics, une chambre d’agriculture ne peut
intervenir directement au profit d’organismes tiers qu’en vue de concourir
à des actions d’intérêt général agricole et qu’un financement public des
organisations syndicales d’exploitants agricoles a été institué par la loi
n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002, la
Cour, faisant application de sa jurisprudence constante sur les chambres
départementales d’agriculture, a jugé que le versement de subventions pour
soutenir des organisations syndicales constituait une infraction aux règles
d’exécution des dépenses au sens de l’article L. 313-4 du CJF et qu’il était
également constitutif d’un avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6
du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, les présidents successifs de la
chambre départementale.
29
Sur le même sujet, Cf. CDBF, 22 décembre 2010,
Chambre régionale d’agriculture
de la région Midi-Pyrénées (CRAMP)
;
CDBF, 13 décembre 2018
, Chambre
départementale d’agriculture de Tarn-et-Garonne
;
CDBF, 13 décembre 2018
,
Chambre départementale d’agriculture du Puy-de-Dôme
;
CDBF, 22 mars 2019
,
Chambre départementale d’agriculture de la Gironde.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
67
2- Sur les versements à des organisations syndicales d’exploitants
agricoles en application de conventions
Entre 2010 et 2013, la chambre départementale d’agriculture du
Finistère avait versé chaque année des subventions à deux organisations
syndicales en vertu de conventions dont l’objet était de mettre en place des
actions d’information ou de publication dans les matières du droit rural et
du droit social à destination des agriculteurs du département. Après avoir
relevé que ces prestations confiées aux organisations pouvaient se rattacher
à l’une des missions confiées aux chambres départementales d’agriculture
par les dispositions des articles L. 511-3 et L. 511-4 du code rural et de la
pêche maritime, la Cour en a déduit que ces conventions, qui visaient à
répondre aux besoins propres de la chambre d’agriculture moyennant un
prix fixé sous la forme d’un versement forfaitaire annuel, devaient être
regardées comme des marchés de prestations de services, soumis au code
des marchés publics. Poursuivant son raisonnement, la Cour a rappelé que
les prestations attendues auraient donc dû, compte tenu de leur montant
cumulé et de l’absence d’une durée d’exécution des conventions, faire
l’objet d’une procédure formalisée de passation des marchés, ce qui n’avait
pas été le cas. La Cour a considéré que ces faits constituaient des
manquements aux règles d’exécution des dépenses au sens de l’article
L. 313-4 du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, les présidents successifs de la
chambre départementale.
3- Sur les versements à une association
Entre 2010 et 2013, la chambre départementale d’agriculture du
Finistère avait versé chaque année des subventions à une association en
vertu d’une convention dont l’objet était de mettre en place des actions
d’expertise, d’analyse et d’études juridiques et fiscales à destination des
agriculteurs du département. Après avoir relevé que ces prestations
confiées à l’association pouvaient se rattacher à l’une des missions confiées
aux chambres départementales d’agriculture par les dispositions des
articles L. 511-3 et L. 511-4 du code rural et de la pêche maritime, la Cour
en a déduit que ces conventions, qui visaient à répondre aux besoins
propres de la chambre d’agriculture moyennant un prix fixé sous la forme
d’un versement forfaitaire annuel, devaient être regardées comme des
marchés de prestations de services, soumis au code des marchés publics.
Poursuivant son raisonnement, la Cour a rappelé que les prestations
attendues auraient donc dû, compte tenu de leur montant cumulé et de
l’absence d’une durée d’exécution des conventions, faire l’objet d’une
procédure formalisée de passation des marchés, ce qui n’avait pas été le
cas. En outre, ces prestations étant des consultations juridiques, comme
68
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
celles réalisées par ailleurs par les organisations syndicales examinées au
point 2, l’ensemble de ces prestations aurait dû faire l’objet d’un même
marché, au besoin alloti. La Cour a considéré que ces faits constituaient
des manquements aux règles d’exécution des dépenses au sens de l’article
L. 313-4 du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, les présidents successifs de la
chambre départementale.
4- Sur les achats de billets à une société anonyme sportive
professionnelle
Entre 2010 et 2013, la chambre départementale d’agriculture du
Finistère avait signé avec une société anonyme sportive professionnelle,
plusieurs contrats ayant pour objet l’achat de billets d’entrée et des
prestations associées pour des matchs de football. Il ressortait de
l’instruction que les places étaient remises aux seuls membres du bureau
de la chambre départementale d’agriculture, à charge pour eux de les
redistribuer aux membres élus de la chambre départementale. Après avoir
noté l’absence d’un cadre défini pour l’utilisation de ces billets et de tout
élément justificatif sur la nature professionnelle des contacts ayant pu être
établis lors de ces rencontres sportives, la Cour a considéré que ces
prestations devaient être considérées comme ayant bénéficié à des
membres du bureau à titre personnel. L’octroi de tels avantages n’étant
prévu par aucun texte applicable à ces derniers, la Cour a jugé que ces faits
constituaient une infraction aux règles d’exécution des dépenses au sens de
l’article L. 313-4 du CJF et qu’ils étaient également constitutifs d’un
avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6 du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, les présidents successifs de la
chambre départementale, ainsi qu’un membre du bureau.
IV – Les circonstances de l’affaire
La
Cour
a
retenu
comme
circonstances
atténuantes
de
responsabilité, le fait que le président de la chambre départementale
d’agriculture du Finistère avait pris les mesures nécessaires pour mettre un
terme aux irrégularités dès qu’il en avait eu connaissance par les travaux
de contrôle de la Cour des comptes. Elle a également tenu compte, en
l’espèce, du fait que le préfet, assistant à la plupart des sessions de la
chambre départementale au cours desquelles son budget était adopté,
n’avait jamais relevé de difficultés à propos de ces subventions. Elle a
rappelé,
enfin,
qu’il
appartenait
aux présidents de
la
chambre
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
69
départementale de connaître les textes législatifs applicables et la
jurisprudence de la CDBF en la matière, sans pouvoir arguer de leur
méconnaissance des règles et de l’antériorité des pratiques, puisque les
versements faisaient l’objet de décisions annuelles de la chambre
départementale et que ces opérations ne s’imposaient pas à elle.
V – Les sanctions
Les présidents de la chambre départementale d’agriculture du
Finistère ont été condamnés respectivement à une amende de 4 500
€
et de
2 000
€
. Le membre du bureau a été condamné à une amende de 500
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Elle a également décidé de l’envoi
d’une copie de l’arrêt au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et
à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.
Arrêt n° 238-794 du 2 décembre 2019
Direction régionale des entreprises,
de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi (Direccte) d’Alsace
I - Les infractions présumées
Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses
et des recettes de l’État ou des collectivités et organismes mentionnés
à l’article L. 312-1 du CJF.
II – Résumé
Le ministère public avait renvoyé devant la Cour le directeur de la
Direccte d’Alsace ainsi que le secrétaire général pour des irrégularités liées
au non-respect des règles de la commande publique, au paiement de
factures en l’absence de pièces justificatives et à la fausse certification du
service fait.
La Cour a retenu la responsabilité des deux personnes renvoyées au
titre de l’article L. 313-4 du CJF.
Après avoir analysé les circonstances, la Cour a sanctionné par une
amende de 5 000
€
le secrétaire général de la Direccte, auteur direct des
infractions, et par une amende de 1 000
€
, le directeur de la Direccte pour
avoir manqué à son devoir général d’organisation, de contrôle et de
surveillance de sa direction.
Un point particulier mérite d’être souligné. La Cour s’est prononcée
sur l’application du principe
non bis in idem
qui avait été soulevé par la
défense.
72
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
III – Sur l’application du principe
non bis in idem
La défense du secrétaire général faisait valoir que ce dernier avait
fait l’objet, au titre des mêmes faits et pour la protection des mêmes intérêts
sociaux, d’une procédure pénale ayant donné lieu à une décision de
classement sans suite et d’une procédure disciplinaire ayant donné lieu à
une décision d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de
18 mois. Elle en déduisait que le cumul de ces poursuites au titre de
sanctions de même nature au sens de la jurisprudence nationale et
européenne portait atteinte au principe
non bis in idem
ce qui devait
conduire la Cour à dispenser de sanction son client.
En premier lieu, la Cour, s’appuyant sur une jurisprudence du
Conseil d’État
30
, a considéré qu’il résultait de la réserve formulée par la
France, qui accompagne l’instrument de ratification du protocole n° 7
annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, que la règle
non bis in idem
définie par
l’article 4 dudit protocole ne trouvait à s’appliquer que pour les
«
infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux
statuant en matière pénale
». Elle en a déduit que la règle définie par le
protocole n° 7 n’était pas applicable en l’espèce.
En second lieu, la Cour, après avoir rappelé la jurisprudence récente
du Conseil constitutionnel sur les conditions du cumul des poursuites
31
, a
analysé cette question au regard de la procédure pénale et de la procédure
disciplinaire. En ce qui concerne la procédure pénale, la Cour a rappelé que
l’enquête préliminaire n’était pas un acte juridictionnel et que cette
procédure n’était pas un acte de poursuite au sens des dispositions de
l’article 75 du code de procédure pénale. En conséquence, la défense ne
pouvait pas se prévaloir d’une méconnaissance du principe
non bis in idem
.
En ce qui concerne la procédure disciplinaire, la Cour a relevé que les
sanctions prononcées ou encourues (exclusion temporaire en matière
disciplinaire, amende et publication de l’arrêt) n’étant en l’espèce pas de
même nature, au sens de la jurisprudence précitée du Conseil
constitutionnel, le cumul des poursuites était possible sans que la défense
ne puisse invoquer la violation du principe
non bis in idem
.
30
CE Ass., 12 octobre 2018,
SARL Super Coiffeur.
31
CC, décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014,
M. Stéphane R. et autres
et CC,
décision n° 2016-550 QPC du 1
er
juillet 2016,
M. Stéphane R. et autre.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
73
La Cour de discipline budgétaire et financière s’est déjà prononcée
sur le principe
non bis in idem
32
mais c’est la première fois qu’elle le fait
sur la question du cumul avec des poursuites disciplinaires.
IV – Les faits et les infractions
1- Sur l’absence de publicité adaptée en matière de commande
publique
Entre 2012 et 2014, la Direccte d’Alsace avait passé commande de
prestations informatiques, de mobilier de bureau et de bonbonnes d’eau
potable sans aucune publicité adaptée, alors que les montants des marchés
imposaient le recours à une telle procédure.
En ce qui concerne les prestations de développement d’un logiciel
de gestion, la Cour a écarté le moyen de la défense qui soutenait qu’il n’y
avait pas d’autres entreprises capables de fournir la même prestation en
considérant que cela n’était pas démontré.
33
La Cour a également écarté le moyen tiré de l’urgence supposée
pour la commande de mobilier de bureau.
La Cour, considérant que ces faits constituaient des manquements
aux règles d’exécution des dépenses, a sanctionné cette irrégularité sur la
base de l’article L. 313-4 du CJF.
Elle a sanctionné, sur ce fondement, à titre principal, le secrétaire
général de la Direccte d’Alsace chargé à ce titre de signer les actes et les
décisions relatifs à l’organisation et au fonctionnement de la direction mais
également, le directeur et ordonnateur de la Direccte, qui, à ce titre, avait
un devoir général d’organisation, de contrôle et de surveillance de sa
direction.
2- Sur les paiements sans pièces justificatives
Entre 2012 et 2015, la Direccte d’Alsace avait payé au total
79 674,66
€
TTC de dépenses en fournitures diverses au bénéfice de
différents fournisseurs. Les pièces justificatives correspondant à ces
paiements, réclamées notamment aux services de la Direccte au cours de
l’instruction, n’ont pu être produites.
32
CDBF, 30 décembre 2016,
Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance
vieillesse.
33
CDBF, 13 octobre 2017,
Opéra national de Bordeaux.
74
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
La Cour, considérant que le fait d’avoir ordonnancé des dépenses
sans disposer des pièces justificatives nécessaires constituait une infraction
aux règles d’exécution des dépenses prévues à l’article L. 313-4 du CJF a
sanctionné, dans les mêmes conditions que pour le grief précédent, le
secrétaire général de la Direccte à titre principal ainsi que le directeur.
3- Sur la fausse certification du service fait
Le secrétaire général de la Direccte avait signé une attestation de
service fait relative à la fourniture de deux tables de réunion pour un
montant total de 10 800
€
alors qu’il ressort du dossier que les mobiliers
n’ont jamais été livrés et que la facture a quand même été payée.
Considérant que le fait d’avoir attesté la certification du service fait,
alors que les commandes passées n’avaient pas été livrées, constituait une
infraction aux règles d’exécution des dépenses prévues à l’article L. 313-4
du CJF, la Cour a retenu la responsabilité du secrétaire général. Elle a jugé
qu’était sans effet sur le manquement les circonstances que cette fausse
attestation avait pour objectif de consommer les crédits budgétaires encore
disponibles en fin d’exercice et que l’entreprise avait dans un second temps
remboursé les sommes indument versées.
V – Sur les circonstances de l’affaire
La Cour a tout d’abord considéré que le fait, pour le directeur de la
Direccte, d’assurer ses fonctions de direction dans un contexte marqué par
d’importantes réorganisations des services et de s’appuyer, dans ce
contexte, sur un collaborateur expérimenté en lui laissant de larges
responsabilités pour la gestion courante de la direction, n’était pas de nature
à l’exonérer totalement de son obligation de surveillance et de contrôle.
Elle a retenu comme circonstance aggravante le fait que la Direccte
étant un service déconcentré de l’État notamment chargé de faire appliquer
le droit de la concurrence, son directeur et son secrétaire général avaient un
devoir particulier d’exemplarité en matière de gestion de la commande
publique. Elle a également retenu comme circonstance aggravante pour le
secrétaire général, le fait qu’il était parfaitement conscient que les
mobiliers commandés n’étaient pas livrés à la date à laquelle il avait attesté
le service fait.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2019
75
VI – Les sanctions
Le secrétaire général et le directeur de la Direccte d’Alsace ont été
condamnés respectivement à une amende de 5 000
€
et de 1 000
€
.
La Cour a décidé la publication intégrale de l’arrêt au
Journal officiel
de la République française et, en version anonymisée, sur
le site de la Cour, ainsi que la mise en place pendant un mois d’un lien entre
le site de la Cour et le
Journal officiel.
Décisions de classement du procureur
général et exécution des décisions
de justice
Décisions de classement du procureur général
Les décisions de classement du procureur général peuvent être
prises à deux stades de la procédure devant la CDBF :
- avant saisine de la Cour (article L. 314-1-1 du CJF : «
si le
ministère public estime qu’il n’y a pas lieu à poursuites, il procède au
classement de l’affaire
») ;
- après instruction (article L. 314-6 du même code : «
L’instruction
est close par le dépôt du rapport qui est versé au dossier. Le dossier est
adressé au ministère public qui peut prononcer par décision motivée le
classement de l’affaire, décider le renvoi devant la Cour ou demander un
complément d’instruction au président de la Cour
»).
En 2019, 14 décisions de classement ont été prises : 11 avant saisine
de la Cour, trois après instruction. Comparativement en 2018, il avait été
procédé à des décisions de classement sur cinq affaires.
Les affaires classées avant saisine de la Cour concernaient des
déférés dont les irrégularités apparaissaient insuffisamment établies.
En ce qui concerne les trois décisions de classement rendues après
instruction, deux d’entre elles concernaient des faits qui avaient également
fait l’objet d’une transmission au juge pénal et pour lesquels, dans un cas,
des condamnations avaient été prononcées, et dans l’autre cas, une
information judiciaire avait été ouverte. Saisi au titre des questions
prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans ses
décisions des 24 octobre 2014 et 1
er
juillet 2016, a en effet précisé les
conditions d’application de la règle
Non bis in idem
concernant le cumul
de poursuites et de sanctions, rappelant la nécessité de respecter le principe
de proportionnalité et d’abandonner les poursuites dès lors que sont
78
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
concernés des faits identiques conduisant à des sanctions de même nature
en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux.
La troisième affaire concernait, d’une part, un marché passé dans le
cadre d’une procédure se référant à des textes dont l’interprétation était
ambiguë, d’autre part, des difficultés de recouvrement de créances à la
résolution desquelles il n’est pas apparu que l’ordonnateur était resté
inactif, enfin, une opération d’apurement de créances réalisée dans des
conditions qui ne semblaient pas avoir méconnu la réglementation en
vigueur.
Aucun complément d’instruction n’a été demandé en 2019.
Exécution des jugements par les personnes
morales de droit public
Les articles L. 313-12 et L. 314-1 du CJF prévoient la possibilité,
pour la CDBF, de sanctionner les manquements aux dispositions de
l’article 1
er
de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes
prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par
les personnes morales de droit public.
En 2019, le procureur général a été saisi de 13 affaires nouvelles
concernant un défaut d’exécution de jugements condamnant l’État, une
collectivité locale ou un établissement public au paiement d’une somme
d’argent dont le montant est fixé par la décision elle-même. En outre, huit
affaires dont le procureur général avait été saisi en 2017 et 2018 restaient
pendantes, portant le stock des affaires en cours à 21.
Aucune affaire n’a donné lieu à une saisine de la CDBF en 2019. De
nombreux courriers de mise en demeure ont été adressés en vue d’obtenir
l’exécution des décisions de justice concernées. Douze dossiers sont
devenus sans objet, le litige ayant été réglé. Neuf affaires restent donc en
cours fin 2019.
Décisions du Conseil d’État,
juge de cassation des arrêts
de la CDBF
En 2019, le Conseil d’État a jugé dans une même décision de ne pas
renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les
demandeurs et de ne pas admettre le pourvoi en cassation au titre de la
procédure préalable (art. L. 822-1 du CJA)
34
.
Dans le cadre d’une instance devant la Cour de discipline budgétaire
et financière (CDBF), le procureur général avait demandé un complément
d’instruction sur le fondement des articles L. 314-6 et R. 314-4 du CJF.
Les parties avaient déposé une demande de question prioritaire de
constitutionnalité à l’encontre de ces dispositions, estimant qu’elles
portaient atteinte au principe d’équilibre des droits des parties, dans la
mesure où elles ne permettaient qu’au seul ministère public de demander
un complément d’instruction.
Dans sa décision, le juge de cassation a considéré que la demande
était dépourvue de caractère sérieux, au motif que les dispositions en cause
s’inscrivaient dans la phase dite d’enquête administrative, qui est préalable
à la phase proprement juridictionnelle, et durant laquelle les personnes
mises en cause ont accès au dossier et peuvent présenter des observations
écrites.
Par ailleurs, le Conseil d’État a pris une ordonnance de désistement
dans le cadre du pourvoi introduit le 28 décembre 2018 contre l’arrêt
n° 223-786 du 12 octobre 2018
35
.
34
Décision n° 427446 du 24 juillet 2019.
35
Ordonnance n °426211 du 26 mars 2019.
Activité internationale
La CDBF n’a pas eu d’activité internationale particulière en 2019.
La Cour est cependant concernée par différentes missions ou
initiatives menées par la Cour des comptes. Ainsi, en septembre 2019, des
représentants du siège et du ministère public se sont rendus à Rome pour
approfondir les échanges avec la Cour des comptes italienne, dont l’activité
juridictionnelle est très soutenue et efficace à l’égard indistinctement des
ordonnateurs, comptables et autres gestionnaires de fonds publics. Par
ailleurs, la Cour des comptes tunisienne a sollicité la Cour des comptes
pour l’aider à absorber sa Cour de discipline budgétaire et financière
conformément à la nouvelle loi organique relative adoptée en avril 2019.
À ce sujet, les études comparatives internationales montrent que les
juridictions financières françaises sont maintenant quasiment les seules à
avoir une Cour des comptes et une CDBF séparées.
Enfin, le XXIII
ème
congrès de l’INTOSAI, qui s’est réuni à Moscou
en septembre 2019, a adopté à l’unanimité la première norme
professionnelle internationale sur l’activité juridictionnelle des institutions
supérieures de contrôle qui englobe l’ensemble des attributions à caractère
juridictionnel qu’elles exercent directement ou indirectement, au travers
d’une composante ou d’une institution associée. Norme du rang le plus
élevé au sein de l’appareil normatif de l’organisation internationale,
l’INTOSAI P- 50 «
Principes des activités juridictionnelles des ISC
»
formule 12 principes fondamentaux qui concourent à la qualité des
procédures menées et des décisions rendues. Elle est appelée à servir de
référence pour toutes les institutions supérieures de contrôle qui exercent,
développent voire retrouvent des compétences contentieuses sur la
responsabilité des différents acteurs de la gestion publique.
Conclusion
Dans la continuité de l’année 2018, l’année 2019 de la CDBF a été
marquée par une activité juridictionnelle plus importante, la Cour ayant
tenu 10 audiences et prononcé 12 arrêts. Dans le même temps, le nombre
des déférés et des rapports d’instruction a connu une baisse par rapport aux
trois années précédentes. Le stock des affaires en cours (du déféré au
jugement) s’établit à 42 dossiers en fin d’année, un niveau bas qui n’avait
plus été atteint depuis 2013.
Par ailleurs, les délais de traitement des affaires se dégradent et sont
supérieurs aux délais que la Cour s’est fixés dans ses objectifs de
performance. Il s’agit là d’un axe prioritaire de progression pour l’action
des services de la Cour et de son ministère public. Sur cette question
centrale des délais de procédure comme sur celle de la qualité des déférés
et de la pertinence de la communication des décisions de la CDBF, un plan
visant à redynamiser l’activité de la Cour sera mis en
œ
uvre en 2020.
Parallèlement, les réflexions sur la responsabilité des gestionnaires
publics et sur sa nécessaire évolution se sont poursuivies en 2019. La Cour
des comptes et le Conseil d’État ont ainsi organisé un colloque sur la
responsabilité des gestionnaires publics, le 18 octobre 2019, qui a montré,
par le nombre et la qualité de ses participants comme par la richesse de ses
débats que cette question était d’actualité. Cette préoccupation est
d’ailleurs totalement partagée par nos concitoyens qui, dans le sillage du
mouvement dit des « gilets jaunes », ont été amenés à s’exprimer dans le
cadre du Grand Débat national. L’analyse d’une partie des contributions
qui ont été apportées à cette occasion montre un sentiment partagé par un
certain nombre de Français que ceux qui les gouvernent ou qui prennent
les décisions ne rendent pas toujours suffisamment compte de leur gestion
et de leurs résultats. Certains ont aussi exprimé leur impression d’une
forme d’impunité bénéficiant, selon eux, aux décideurs pris en faute ou
auteurs d’irrégularités.
84
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Ces attentes profondes, à la fois d’ailleurs du côté des gestionnaires
comme de nos concitoyens, en faveur de davantage de responsabilité, de
transparence, de régularité et de probité de la gestion publique, appellent
une réponse à laquelle la Cour de discipline budgétaire et financière peut
contribuer par la qualité et la diffusion de ses décisions.
Le présent rapport a été délibéré à la Cour des comptes le
dix-sept janvier deux mille vingt.
Ont délibéré : M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes,
président
de
la
Cour
de
discipline
budgétaire
et
financière ;
M. Gaeremynck, Président de la section des finances du Conseil d’État,
vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
MM. Larzul, Boulouis, Dacosta et Yeznikian, Mme Bergeal, conseillers
d’État, Mme Vergnet, MM. Geoffroy et Bertucci, Mmes Coudurier et
Casas, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres titulaires de la
Cour de discipline budgétaire et financière ; MM. El Nouchi et Quencez,
conseillers d’État, Mme Pittet et M. Miller, conseillers maîtres, membres
suppléants.
Était présente et a participé aux débats : Mme Hirsch de Kersauson,
Procureure générale, ministère public près la Cour de discipline budgétaire
et financière, assistée de Mme Camby, première avocate générale.
M. Savy, conseiller référendaire à la Cour des comptes et secrétaire
général de la Cour de discipline budgétaire et financière, assurait le
secrétariat de la séance.
Fait à la Cour des comptes, le 17 janvier 2020.
Didier MIGAUD
Votre navigateur WEB est obsolète. Mettez-le à jour pour plus de sécurité et de rapidité pour une meilleure expérience sur ce site