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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2019-1582
Audience publique du 6 juin 2019
Prononcé du 27 juin 2019
COMMUNE DE SCEAUX
(HAUTS-DE-SEINE)
Appel d’un
jugement de la chambre
régionale des comptes Île-de-France
Rapport n° R-2019-0171
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 22 décembre 2017 au greffe de la chambre régionale des comptes
Île-de-France, par laquelle le Procureur général près la Cour des comptes a élevé appel du
jugement n° 2017-0019 J du 18 octobre 2017 par lequel la chambre a prononcé un non-lieu
concernant le paiement, au cour
s de l’exercice 2010, d’une prime d’activité par
Mme X, comptable de la commune de Sceaux ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire du
procureur financier n° RQ-2016-0309 du 15 novembre 2016, notifié le 18 novembre 2016 au
comptable et au maire de Sceaux ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de Mme Isabelle GRAVIÈRE-TROADEC, conseillère maître, chargée de
l’instruction
;
Vu les observations du maire de Sceaux en date du 24 janvier 2019, enregistrées le 25 janvier
2019 au greffe ;
Vu les conclusions n° 322 de la Procureure générale du 28 mai 2019 ;
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Entendu, lors de l’audience publique du 6 juin 2019 Mme
Isabelle GRAVIÈRE-TROADEC,
conseillère maître, en son rapport, M. Christophe LUPRICH, substitut général, en les
conclusions du ministère public ; les autres parties,
informées de l’audience,
n’étant
ni
présentes ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Sur la recevabilité de la requête
1. Attendu que dans son mémoire en défense, Mme X, comptable de la commune de Sceaux,
soutient qu’il y aurait un doute sur le respect du délai d’appel
et, à ce titre, invoque une fin de
non-recevoir tirée de la tardivité de la requête du Procureur général ;
2. Attendu, toutefois, qu’il ressor
t des pièces du dossier que le Procureur général a reçu le
jugement de la chambre régionale des comptes le 4 novembre 2017 et qu’il a introduit sa
requête en appel le 22 décembre 2017
; qu’ainsi l’appel est intervenu dans le délai de deux
mois à compter de la notification du jugement, conformément aux dispositions de l’article
R. 242-23 du code des juridictions financières ;
3. Attendu que l
a requête contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du
requérant
; qu’elle est appuyée d’une copie du jugement attaqué
;
4. Attendu qu’il y a lieu dès lors de déclarer recevable la requête
;
Sur la charge unique du jugement
5. Attendu que le réquisitoire susvisé a fait grief à Mme X
d’avoir payé, par un mandat collectif
n° 35 du 18 janvier 2010, à l’ensemble des agents communaux, pour un montant total de
31
416,78 €, une prime d’activité, dénommée «
part variable » sur les bulletins de paie, sans
disposer d’une délibération du consei
l municipal ;
6. Attendu que par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes a décidé qu’il n’y
avait pas lieu à charge à l’encontre de la comptable dans la mesure
où la délibération conférant
un fondement à cette prime n’est intervenue que que
lques jours après le versement opéré ;
qu’en outre, selon le jugement, il résulterait des écritures de l’ordonnateur et de la comptable
que cette dernière avait connaissance, au moment du paiement, du projet de délibération ;
7. Attendu que l’appelant cont
este le non-lieu prononcé, en invoquant une erreur de droit, et
demande à la Cour de constater que le manquement de la comptable a causé un préjudice
financier à la commune ;
Sur le manquement
8. Attendu que l’appelant conteste le raisonnement suivi par l
es premiers juges pour décharger
la comptable
; qu’il
fait valoir que la délibération du conseil municipal ne peut disposer que
pour le futur
; qu’au surplus, si cette délibération prévoit un effet rétroactif, elle le limite dans
le temps à 10 jours, soit une entrée en vigueur le 1
er
février 2010 ;
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9. Attendu que, selon le maire de Sceaux, la prime versée constitue un avantage
collectivement acquis par les fonctionnaires de la commune antérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique territoriale, que l’article 111 du texte permet de maintenir
;
10. Attendu qu’il précise à cet effet, dans ses observations du 24 janvier 2019, que le comité
des œuvres sociales (COS) de
la Ville de Sceaux a voté le 20 décembre 1968 la mise en place
d’une prime de fin d’année correspondant à un 13
ème
mois ; que cet avantage collectivement
acquis aurait ensuite été scindé en deux parties : une « prime de 13
ème
mois », versée par le
COS et
approuvée par délibération du 30 juin 1997 en tant qu’avantage collectivement acquis,
une «
prime d’activité
» versée par la commune, qui n’a fait l’objet d’aucune délibération dans
la mesure où elle «
était déjà versée par la Ville, et que les crédits étaient inscrits au budget
» ;
qu’enfin la délibération du 11 février 2010 «
qui a
remis à plat l’intégralité du régime
indemnitaire des agents de la Ville de Sceaux, l’a intégrée explicitement à l’ensemble des
primes versées aux agents de la Ville
» ;
11. At
tendu qu’il résulte de ce qui précède que la prime d’activité payée le 18 janvier 2010 l’a
été sur le fondement d’aucune délibération autre que celle du 11 février 2010
; qu’ainsi le
paiement est intervenu sans que la comptable dispose de la délibération institutrice, pièce
justificative dont la production est requise par l’annexe I de l’article L.
1617-19 du code général
des collectivités territoriales ;
12. Attendu que, dès lors, Mme X a manqué à ses obligations de contrôle de la production des
justifications
; qu’il convient donc d’infirmer le jugement du 18 octobre 2017 et, par suite de
l’effet dévolutif de l’appel, de constater le manquement précité et de statuer sur l’existence
d’un préjudice financier pour la collectivité
;
Sur l’existe
nce
d’un préjudice
financier pour la commune
13. Attendu que, selon l’ordonnateur, le versement de la prime d’activité n’a causé aucun
préjudice financier à la commune, «
cette prime étant pérenne depuis son institution initiale le
20 décembre 1968
» ;
14. At
tendu, toutefois, que la collectivité subit un préjudice financier au sens de l’article 60 de
la loi du 23 février 1963
dès lors qu’un paiement est indu ; qu’en conséquence, il convient de
déclarer Mme X débitrice envers la commune pour un montant de 31 41
6,78 € ;
15.
Attendu qu’en application du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ;
16. Attendu qu’au cas d’espèce, ce premier acte est la notification du réquisitoire du procureur
financier, dont Mme X a accusé réception le 18 novembre 2016
; qu’il convient, dès lors, de
retenir cette date pour le décompte des intérêts légaux ;
Su
r l’absence d’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense
17. Attendu que Mme X
a indiqué qu’il n’y avait pas eu de plan de contrôle hiérarchisé de la
dépense approuvé
pour l’exercice 2010 ; qu’en conséquence, la comptable était tenue
d’exercer un contrô
le exhaustif des dépenses ;
Par ces motifs,
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DÉCIDE
:
Article 1
er
.
La requête du Procureur général près la Cour des comptes contre le jugement
n° 2017-0019 J du 18 octobre 2017 de la chambre régionale des comptes Île-de-France est
déclarée recevable.
Article 2
.
Le jugement précité est infirmé en ce qu’il a prononcé un non
-lieu.
Article 3.
Mme X
est constituée, au titre de l’exercice 2010, débitrice de la commune de
Sceaux de 31
416,78 €, somme augmentée des intérêts de droit à compter du 18 novem
bre
2016.
Article 4.
Mme X
était tenue d’exercer un contrôle exhaustif des dépenses, en l’absence
d’un plan de contrôle sélectif approuvé pour l’exercice 2010.
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Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes, quatrième
chambre,
première
section.
Présents : M. Gilles ANDRÉANI, président de chambre, président de la formation ;
Mme Catherine DÉMIER, conseillère maître, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ,
Yves ROLLAND et Jérôme-Michel MAIRAL, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Gilles ANDRÉANI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions
de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai d
e deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R. 142
-19 du même code.