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TROISIÈME CHAMBRE
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Quatrième section
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Arrêt n° S2019-1247
Audience publique du 12 avril 2019
Prononcé du 20 mai 2019
UNIVERSITÉ DE LYON 3
JEAN MOULIN
Exercices 2012 à 2016
Rapport n° R-2019-0301
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2018-55 RQ-DB en date du 25 octobre 2018, par lequel le Procureur
général près la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre de
MM. X et Y, agents comptables
de l’
Université de Lyon 3 Jean Moulin, au titre des exercices
2012 à 2016, notifié le 9 novembre 2018 aux agents comptables concernés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de
l’
Université Lyon 3 Jean Moulin, par
MM. X et Y de 2012 à 2016 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu les décrets n°
62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la
comptabilité publique et n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu les lois et règlements applicables aux établissements publics nationaux à caractère
scientifique, culturel et professionnel ;
Vu les deux mémoires produits par MM. X et Y, le 4 décembre 2018 et le mémoire
complémentaire de M. X produit le 11 décembre 2018 ;
Vu le rapport n° R-2019-0301
à fin d’arrêt de
M. Olivier MOUSSON, conseiller maître, chargé
de l’instruction
;
Vu les observations écrites formulées par M. X
après la clôture de l’instruction
;
Vu les conclusions n° 213 du Procureur général du 5 avril 2019 ;
Vu
les pièces à l’appui du dossier
;
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Entendu lors de l’audience publique du
12 mars 2019, M. Olivier MOUSSON, conseiller maître,
en son rapport, M. Benoît GUÉRIN, avocat général, en les conclusions du ministère public, les
parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées
;
Entendu en délibéré M. Emmanuel GLIMET, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur l’ensemble d
es charges
1.
Attendu qu’il existe un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense pour le poste
comptable de l’Université
de Lyon 3 Jean Moulin qui prévoyait, notamment un contrôle
« par sondage » et «
au fil de l’eau
» « en continu » de 10% des primes de formation
continue du personnel administratif, et un contrôle exhaustif des primes de formation
continue versées aux enseignants ; que faute de précision temporelle, de nature à
permettre d’identifier avec précision les dépenses qui pouvaient conformément
au plan de
contrôle
ne pas faire l’objet de diligences précises,
il ne sera pas possible, en cas de
paiement irrégulier, de considérer que ledit plan de contrôle a bien été respecté, de façon
à permettre la remise gracie
use totale d’un débet éventuel
;
2. Attendu que les comptables
n’établi
ssen
t pas l’existence de circonstances constitutiv
es de
la force majeure, au sens
du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée ;
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de
M. X, au titre de
l’
exercice 2014 :
3. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour de la
responsabilité encourue par M. X, à raison
d’insuffisances de diligences pour le recouvrement
d’une créance
correspondant à une prestation de formation continue ;
Sur les faits
4.
Attendu qu’une créance correspondant à une prestation de formation continue d’un montant
de 3 000
€
résultant d’un titre émis le 15 avril 2013
, aurait dû être réglée au 31 mai 2013 ;
qu’elle n’a
pas été recouvrée au 31 décembre 2013 ;
qu’elle
a été admise en non-valeur le
17 décembre 2014 ;
Sur le droit applicable
5. Attendu qu
’en application de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963, «
[…] les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement
des recettes (…),
que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se
trouve engagée «
dès lors (…) qu'une recette n'a pas été recouvrée
» ;
6. Attendu qu'aux termes des articles 11 et 12 du décret n°
62-1587 du 29 décembre 1962
susvisé les comptables publics sont seuls chargés «
de la prise en charge et du recouvrement
des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par
un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de
l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes
publics sont habilités à recevoir
» ; qu'aux termes de l'article 165 de ce même décret, «
les
créances de l'établissement peuvent faire I'objet : soit d'une remise gracieuse, en cas de gêne
des débiteurs ; soit d'une admission en non-valeur, en cas d'insolvabilité des débiteurs
» ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
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7. Attendu que, le comptable fait valoir que la facture de 3 000
€
en question a été admise par
l’ordonnateur
tardivement, le 15 avril 2013,
à l’encontre du débiteur
, alors que la convention
de formation prévoyait un règlement en trois versements dont le dernier aurait dû intervenir
avant le 31 mai 2013
; que les preuves de l’exercic
e de diligences adéquates, complètes et
rapides en vue de son recouvrement ont été apportées, grâce aux trois relances opérées entre
début juin et fin septembre 2013,
suivie d’
une re
mise à l’huissier le 18 décembre 2013 et
de
la production d’
un certifi
cat d’irrecouvrabilité établi, le 8 octobre 2014,
par l’huissier
diligenté ;
que la dite créance a été admise en non-
valeur par décision du conseil d’administration du
16 décembre 2014 ;
S
ur l’existence d’un manquement
8. Attendu que le comptable a apporté les preuves de ses diligences complètes, adéquates et
rapides, mais
non couronnées de succès, en vue d’obtenir
le recouvrement de cette
créance ;
9. Attendu
en conséquence qu’il
n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable
à raison de la présomption de charge n°
1 à l’encontre de M.
X ;
Sur la
charge n° 2, soulevée à l’encontre de
M. X, au titre de
l’
exercice 2014 et de M. Y,
au titre de
l’
exercice 2016 :
10. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la Cour de la
responsabilité encourue par MM. X et Y, pour avoir versé une subvention
de 30 000 €
à
l’association sportive de l’U
niversité Lyon 3 au titre de
l’
exercice 2014 pour M. X, et au titre de
l’
exercice 2016 pour M. Y ;
qu’une convention aurait dû être signée puisque la subvention
dépassait la somme de 23 000
€, prévue par l’
article 10 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; que cette
absence de conventionnement aurait dû amener les agents comptables à suspendre le
paiement de cette subvention en application des articles 19, 20, et 38 du décret dit GBCP et
l’article 60 de la loi n°63
-156 (contrôle de la validité de la dette-pièces justificatives
insuffisantes) ;
que ces faits sont présomptifs d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en
jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Y ;
11. Attendu également
que le Ministère public souligne dans son réquisitoire l’absence
des
mandats correspondants aux paiements de ces subventions, qui ont été obtenus au cours de
l’instruction complémentaire
;
Sur les faits
12. Attendu que, MM. X et Y
ont versé une subvention de 30 000 € à l’association sportive de
l’université
au titre de l’exercice 2014
, par M. X, et au
titre de l’exercice 2016 pa
r M. Y ;
13. Attendu que la décision d
’accorder cette subvention n’a
pas donné lieu à l’établissement
d’une convention,
ainsi que le disposait
l’article 10 de la loi
n° 2000-231 du 12 avril 2000
susmentionnée ;
Sur le droit applicable
14.
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963, «
(
…
) les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des
dé
penses (…), que la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics se
trouve engagée,
dès lors (…) qu'une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
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15. Attendu qu'aux termes des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, le
comptable public est tenu d’exercer, en matière d’ordres à payer le contrôle «
de la validité de
la dette
» qui inclut notamment la reconnaissance des justifications des paiements ;
16. Attendu, spécifiquement, que le décret n° 2001-
495 du 6 juin 2001 pris pour l’application
de l’article 10
de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des
aides
octroyées par les personnes publiques prévoit la conclusion d’une convention, avec
l’organisme de droit privé qui bénéficie
d
‘une subvention, «
définissant l’objet, le
montant, les
modalités de versement et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée
» dès lors que
le montant octroyé dépasse 23 000 €
;
Sur les éléments apportés à décharge par les comptables
17. Attendu, selon M. X
, qu’en l’
absence de nomenclature en 2014,
puisqu’un
arrêté fixant la
liste des pièces justificatives n’a été publié que le 22 avril 2016, qu’il n’appartenait pas à la
Cour des comptes de
demander l’application d’une nomenclature voisine
; que se fondant sur
une décision de principe du juge de cassation, M. X
indique qu’il lui appartenait,
éventuellement en se référant à une autre nomenclature, de se faire produire
l’ensemble des
justifications lui permettant d’exercer complètement toutes les diligences de contrôle
auxquelles il était tenu par la réglementation des dispositions réglementaires sur la
comptabilité publique ; que selon cette interprétation, les pièces justificatives pertinentes et
nécessaires à l’exercice des contrôles incombant au comptable sont celles
qui lui permettent
de contrôler la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, la disponibilité des crédits, l’exacte
imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent et la justification du service fait
et
que la convention, toujours selon son in
terprétation, ne relevait d’aucun de ces contrôles
;
18. Attendu en outre,
d’après
les analyses de MM. X et Y, que le statut particulier de cette
association constituée sur la base de la loi n° 84-610 du 17 juillet 1984 pour favoriser la
pratique sportive, attestait que celle-ci avait une activité qui relevait bien des missions
assignées à l’u
niversité ;
19. Attendu, toujours selon les deux comptables, qui ne contestent pas le versement de la
subvention en l’absence de convention,
qu
e l’université
avait manifesté une volonté explicite
de verser une subvention de ce montant au travers du procès-verbal de la commission de la
formation et de la vie universitaire, en date du 26 janvier 2016, de la délibération du conseil
d’administration
précisant son objet, en date du 26 février 2016 et, enfin, de la décision
attributive cosignée par le directeur du service des sports et par la directrice des affaires
financières sur délégation du président d
e l’u
niversité et de
l’établissement
, accompagnée
d’un
bon de commande en date du 15 mars 2016 ;
20. Attendu,
toujours à l’estime d
es deux comptables, que ces différents éléments attestent
bien que l’autorité compétente pour engager ou autoriser la dépense en avait admis le principe
et le montant préalablement au paiement,
l’activité subventionnée demeurant
dans le cadre
des missions assignées à l’u
niversité ;
21. Attendu également que, citant une décision du
Conseil d’É
tat, M. X soutient que la décision
d’attribution
de la subvention crée un droit au profit du bénéficiaire désigné, décision
qu’il y a
lieu de distinguer de la convention éventuelle qui se bornerait à en fixer les conditions
d’utilisation
; qu
’en l’espèc
e, la décision de
l’ordonnateur du 5 juillet 2010
aurait créé des droits
au bénéfic
e de l’association
;
qu’ainsi
le manquement
, à condition qu’il soit constitué, n’aurait
pas causé de préjudice à l’organisme public
;
Sur l’existence d’un manquement
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22. Attendu
qu’il appartient au comptable public, après s’être
assuré du caractère suffisant et
cohérent sur la nature des contrôles que les comptables publics doivent opérer en la matière,
qu’il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de
la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d’une part complètes et précises, d'autre part cohérentes au regard de la catégorie de
la dépense définie dans une nomenclature applicable ; que si les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de
suspendre le paiement jusqu'à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications ou les
attestations nécessaires ;
23.
Attendu qu’en l’absence de nomenclature
, directement applicable au moment des
paiements,
comme dans le cas de l’espèce
, le comptable public doit, avant toute chose, exiger
la production de toutes les justifications qui lui permettent de garantir les contrôles que la
réglementation lui prescrit, au
besoin après s’être référé à des nomenclatures voisines,
sans
toutefois considérer que celles-ci puissent lui être opposables ;
24. Attendu
en matière de paiement d’une subvention, d’un montant supérieur à 23
000 €,
que
l’exigence d’une convention a pour mission de préciser les conditions auxquelles la subvention
est octroyée, notamment «
les modalités de versement et les conditions d’utilisation de la
subvention attribuée
», qui, contrairement
aux analyses de MM. X et Y, constituent des
éléments du contrôle de la validité de la dette, notamment de l’exactitude des calculs de
liquidation ;
qu’en s’abstenant d’
exiger la convention, prévue par la loi du 12 avril 2010,
MM. X et Y ont négligé de se faire produire une pièce de nature à encadrer, à préciser, voire
à placer sous condition de réalisation d’une obligation de faire,
les modalités de liquidation et
de versement de la subvention
; qu’ainsi, la décision du conseil d’administration ne constituait
pas à elle seule une
pièce suffisante à l’appui de la demande de paiement
;
25. Attendu, en conséquence, que ces versements sont constitutifs d
’
un manquement,
conformément aux
dispositions de l’article 60 VI de la loi du 23 février 1963 susvisée
, pour
défaut de contrôle de la validité de la dette ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
26. Attendu
dans le cas particulier, que la délibération
du conseil d’administration
D2016-03 en date du 1
er
mars 2016,
certes antérieure à l’entrée en vigueur de la
nomenclature
désormais
applicable a
ux établissements publics de l’É
tat, n
’emportait
aucune disposition
relative à un échéancier de paiement de la subvention ;
que l’instruction a permis de démontrer
que l’université n’avait pas placé
sous condition, ni en 2014, ni en 2016, le versement de la
subvention annuelle à l’association dont l’objet entrait, par ailleurs, dans les mi
ssions
assignées par le code de l’éducation aux établissements publics
à caractère scientifique,
culturel et professionnel ;
qu’en cons
é
quence et dans le cas de l’espèce,
il apparaît que le
manquement
du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’u
niversité de Lyon 3 ;
27.
Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963 susvisée, «
lors
que le manquement du comptable (…)
n’a pas causé de
préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’
espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette
somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
28. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour
les exercices 2014 et 2016 est fixé à 152 0
00 €
; qu’ainsi le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de
MM. X et Y
s’élève à
228
€
pour chacun des deux
exercices 2014 et 2016 ;
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29.
Attendu qu’aucune circonstance de l’espèc
e ne peut être invoquée pour moduler la somme
à mettre à la charge des comptables ;
30.
Attendu qu’il y a lieu d’arrêter le montant de cette somme à
228
€ au titre
de l’exercice
2014 et à 228
€
au titre
de l’exercice
2016 ;
Sur la charge n° 3, soulevée à l’encontre de M.
X, au titre des exercices 2012, 2013 et
2014 et de M. Y au
titre de l’exercice 2015
:
31. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la troisième chambre
de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par MM. X et Y pour avoir versé des
indemnités de formation continue à des agents auxquels ces rémunérations accessoires ne
seraient pas dues, «
pour défaut de contrôle de la validité de la dette » ;
Sur les faits
32.
Attendu que l’instruction complémentaire a permis d’obtenir les bulletins de paye
manquants (à concurrence de 7 392,20
€) au titre de l’exercice 2013, ce qui monte à
12 620,56
€
les primes de formation continue versées en 2013 ;
33. Attendu que M. X a versé des indemnités de formation continue à son prédécesseur, à lui-
même ainsi qu’à deux agents de l’université (le directeur de la formation continue ainsi que
son assistante), entre 2012 et 2015, à hauteur respectivement de 10 326,05 €
en 2012,
12 620,56 €
en 2013 et 12 673,35 €
en 2014, et que M. Y a versé à hauteur de 11 861,81
€
en
2015 des indemnités de formation continue à son prédécesseur et au directeur de la formation
continue sans avoir contrôlé la validité de la dette ;
Sur la réglementation applicable
34.
Attendu qu’en application de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963, «
(
…
) les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des
dépenses
(…), que la responsabilité personnelle et pécuniaire des compta
bles publics se
trouve engagée
dès lors (…) qu'une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
35. Attendu qu'aux termes des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, le
comptable p
ublic est tenu d’exercer, en matière d’ordres à payer
le contrôle «
de la validité de
la dette
» qui inclut notamment la reconnaissance des justifications des paiements ;
36. Attendu spécifiquement, sur les dépenses en cause, que les dispositions des article 6 et 7
du décret n° 85-1118 du 18 octobre 1985 relatif aux activités de formation continue dans les
établissements d’enseignement supérieur relevant du ministère de l’éducation nationale,
respectivement codifiées désormais aux articles D. 714-60 et D. 714-61 du code de
l’éducation,
prévoient que :
-
les enseignants-chercheurs «
qui participent au-delà de leurs obligations statutaires de
service, à la conclusion et à la réalisation des contrats de formation professionnelle avec
d’autres personnes m
orales peuvent percevoir une rémunération dans une limite arrêtée
conjointement par le ministre chargé du budget et le ministre de l’éducation nationale. Ces
rémunérations sont réparties par l’ordonnateur sur proposition des responsables des
formations
»
et
elles
«
sont
exclusives
de
l’attribution
pour
les
enseignements
complémentaires correspondant à l’exécution de ces mêmes contrats
» ;
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- «
les personnels qui, en dehors de leur activité principale, sont soit responsables de
l’organisation des actions de
formation continue, soit chargés de la gestion financière et
comptable de ces actions, ne peuvent être rémunérés au moyen d’indemnités pour travaux
complémentaires établies annuellement et calculées en fonction de volume d’activités de
formation continue d
e l’établissement, selon des modalités arrêtées par le ministre chargé du
budget et le ministre de l’éducation nationale
» ;
Sur la réponse des agents comptables
37. Attendu que MM. X et Y
indiquent qu’ils
prennent « acte de la jurisprudence de la Cour
des comptes concernant les indemnités de formation continue versées aux agents
comptables » ; et que M. Y précise à sa décharge que cette jurisprudence a motivé son refus
de percevoir pour lui-même cette prime de fonction ;
38. Attendu, selon
l’argumentation développée,
que le directeur de la formation continue, qui
appartient au corps des professeurs des universités, aurait exercé cette activité en dehors de
son activité principale et au-delà de ses obligations de service et
qu’il
pouvait donc prétendre
au versement de ces indemnités conformément aux dispositions de
l’article D. 714
-61 du code
de l’éducation
;
39. Attendu que, pareillement,
l’assistante du directeur
de la formation continue exerçait en
2012 des travaux supplémentaires
liées à la formation continue, telle l’accueil de personnes,
ce dont les signatures de responsables attesteraient ;
Sur l’existence d’un manquement
40. Attendu q
u’il appartient au comptable public, après s’être
assuré du caractère suffisant et
cohérent sur la nature des contrôles que les comptables publics doivent opérer en la matière,
qu’il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la
nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d’une part complètes et précises, d'autre part cohérentes au regard de la catégorie de la
dépense définie dans une nomenclature applicable ; que si ce contrôle peut conduire les
comptables à porter une appréciation juridique su
r les actes administratifs à l’origine de la
créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation
en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité ; que si les pièces
justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux
comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l’ordonnateur leur ait produit les
justifications ou les attestations nécessaires ;
41.
Attendu, comme dans le cas de l’espè
ce,
qu’en l’absence de nomenclature ou dans le
silence d’une nomenclature applicable, le comptable public doit, avant toute chose, exiger la
production de toutes les justifications qui lui permettent de garantir les contrôles que la
réglementation lui pres
crit, au besoin après s’être référé à des nomenclatures voisines, sans
toutefois considérer que celles-ci puissent lui être opposable ;
42.
Attendu qu’il n’est pas contestable, au simple énoncé de la fonction qu’ils occupent, que
le directeur en charge de la formation continue, ou sa collaboratrice exercent nécessairement,
au titre de leur activité principale, l’organisation des actions de formation continue,
et que les
agents comptables
s’
emploient, également au titre de leur activité principale, à la gestion
administrative et comptable desdites actions ;
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43.
Attendu s’agissant spécifiquement du directeur de la formation continue
que sa qualité de
professeur des universités ne changeait pas sa situation au regard de l’impossibilité pour lui
de percevoir ces indemnités, au titre de ses fonctions de directeur, mises en avant par la
référence constante aux dispositions de l’article D. 714
-
61 du code de l’éducation, fonction
dans laquelle il avait bien la charge, au titre de son «
activité principale […]
de
l’organisation
des actions de formation continue
»
; qu’il n’est pas allégué qu’il aurait perçu ces indemnités
au titre des dispositions de l’article D. 714
-
60 du code de l’éducation nationale, qui ne
visent
que les enseignants-chercheurs participant à «
l’organisation
» des actions de formation
continue mais «
au-delà de leurs obligations statutaires
» et «
sur proposition des
responsables de formation
»
; qu’il ressort de l’instruction et des éléments rapportés que
l’assistante du directeur ne participait pas à l’organisation des actions de formation continue,
en dehors de son activité principale, ni à leur gestion financière ou comptable ;
44.
Attendu qu’il
ressort des pièces du dossier que les fonctions exercées par les différents
bénéficiaires étaient nécessairement portées à la connaissance des agents comptables ;
45. Attendu que MM. X et Y ont ouvert leur caisse afin de verser des indemnités relatives à la
formation continue, alors que les documents, qui leur étaient produits en guise de justifications,
attestaient qu’elles n’étaient pas dues
; qu’avant de donner suite à ces ordres de payer, et en
l’absence d’une nomenclature précisément applicable, il leur revenait de solliciter la production
de toute justification ou de tout document attestant de
l’implication de leurs bénéficiaires
désignés, dans l’organisation ou la gestion desdites actions,
en dehors de leur activité
principale ; qu’ainsi ces paiements se sont trouvés privés de fondement
;
46.
Attendu qu’e
n procédant à ces différents paiements, en 2012, 2013, 2014 et 2015, les
comptables successifs ont manqué à leurs obligations de contrôle de la «
validité de la
créance
» (2012) ou «
de la dette
» et
qu’
ils ont, en conséquence, engagé leur responsabilité
au titre de l’article 60
VI de la loi du 23 février 1963 précitée ;
Sur
l’existence d’un
préjudice financier
47. Attendu que les manquements des comptables, qui se sont traduits par le paiement de
rémunérations complémentaires dépourvues de justification, ont causé un préjudice financier
à l’u
niversité, au sens des dispo
sitions du troisième alinéa du VI de l’article 60 d
e la loi du
23 février précitée ;
48.
Attendu qu’aux termes des mêmes dispositions, «
lorsque le manquement du comptable
(
…
) a causé un préjudice financier
à l’organisme
public concerné (
…
) , le comptable a
l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
qu’ainsi
, il y a lieu de constituer M. X, débiteur
de l’U
niversité Lyon 3 pour la somme de
10 326,05
€
au titre de sa gestion de 2012, 12 620,56
€
au titre de sa gestion de 2013 et
12 673,35
€
au titre de sa gestion de 2014, et M. Y débiteur pour la somme de 11 861,81
€
au
titre de sa gestion de 2015 ;
49.
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de
la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu
’en l’espèce, cette date
est le 9 novembre 2018, date de réception du réquisitoire par MM. X et Y;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
S2019-1247
9
/
10
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
En ce qui concerne M. X
Au titr
e de l’exercice 2012 (Charge n°
3)
Article 1.
–
M. X
est constitué débiteur de l’
Université de Lyon 3 Jean Moulin au titre de
l’exercice 2012
, pour la somme de 10 326,05
€
augmentée des intérêts de droit à compter du
9 novembre 2018.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet
de règles de contrôle
sélectif a
u titre de l’exercice 2013 (Charge n°
2).
Article 2.
–
M. X
devra s’acquitter d’une somme de
228
€, en application du deuxième alinéa
du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-
156 du 23 février 1963. Cette somme ne peut faire l’objet
d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Au titre de l’exer
cice 2013 (Charge n° 3)
Article 3.
–
M. X
est constitué débiteur de l’Université
de Lyon 3 Jean Moulin au titre de
l’exercice 2013, pour la somme de 12 620,56 €
, augmentée des intérêts de droit à compter du
9 novembre 2018.
Le paiement n’entrait pas dans
une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
Au titre de l’exercice 2014 (Charge n°
1)
Article 4.
–
Il n’y a pas lieu de mettre en je
u la responsabilité de M. X au titre de la charge
n° 1.
Au titre de l’exercice 2014
(Charge n° 3)
Article 5.
–
M. X
est constitué débiteur de l’Université
de Lyon 3 Jean Moulin au titre de
l’exercice 2014
, pour la somme de 12 673,35
€, augmentée des intérêts de droit à compter
du
9 novembre 2018.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
En ce qui concerne M. Y
Au titre de l’exercice 2015 (Charge n°
3)
Article 6.
–
M. Y
est constitué débiteur de l’Université
de Lyon 3 Jean Moulin au titre de
l’exercice 2015
, pour la somme de 11 861,81
€, augmentée des intérêts de droit à compter
du
9 novembre 2018.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle
sélectif.
Au titre de l’exercice 2016 (Charge n°
2)
Article 7.
–
M. Y devr
a s’acquitter d’une somme de
228
€, en application du deuxième alinéa
du VI de l’article 60 de la loi
n° 63-156 du 23 février 1963. C
ette somme ne peut faire l’objet
d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
S2019-1247
10
/
10
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Article 8.
–
Les décharges de MM. X et Y
ne pourront être données qu’après apurement des
débets et des sommes à acquitter, fixés ci-dessus.
Fait et jugé en la Cour des Comptes, troisième chambre, quatrième section.
Présents : M. Gilles MILLER, président de section, président de la formation, MM. Emmanuel
GLIMET, Louis VALLERNAUD et Mme Michèle COUDURIER, conseillers maîtres.
En présence de Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Gilles MILLER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants e
t
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’u
n pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R. 142
-19 du même code.