44, rue Alexis de Villeneuve - 97488 Saint-Denis Cedex - www.ccomptes.fr
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec
les destinataires concernés,
a été délibéré par la chambre le 24 juillet 2018.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
COMMUNE DE MAMOUDZOU
Département de Mayotte
Exercices 2014 et suivants
Cahier n° 2 : La commande publique
COMMUNE DE MAMOUDZOU
Lors du passage du ROD 1 au ROD 2, il convient de supprimer la mention de
confidentialité de la couverture,
l’
avant-propos ainsi que
l’indication en rouge
figurant dans
l’en
-tête
et d’
insérer dans les annexes la dernière réponse du (ou des) contrôlé().
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-1-
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
...............................................................................................................................
2
RECOMMANDATIONS
...........................................................................................................
4
1
PROCÉDURE
.......................................................................................................................
6
2
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
.......................................................................................
6
2.1
L’ORGANISATION DE LA FONCTION
.....................................................................
7
2.1.1 La direction de la commande publique
.............................................................................
7
2.1.2 Les procédures internes
..................................................................................................
10
2.1.3 Les risques
......................................................................................................................
13
2.2
LA MISE EN ŒUVRE DES PROCÉDURES
.............................................................
19
2.2.1 La couverture des besoins de la collectivité
...................................................................
20
2.2.2 Les procédures de passation
...........................................................................................
23
2.2.3
L’exécution des contrats
.................................................................................................
30
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-2-
SYNTHÈSE
Concentrant la plupart des structures administratives, institutionnelles et commerciales,
ainsi que la
majorité de la population de l’île de Mayotte, la commune de Mamoudzou affiche
une politique d’achat et d’investissement ambitieuse. Entre 2014 et 2017, les dépenses
d’équipement ont été multipliées par quatre.
En 2016, la collectivité a réorganisé ses services afin de créer une direction de la
commande publique ayant pour mission de recenser les besoins, de planifier et programmer les
achats, et de mettre en œuvre les procédures de mise en concurrence.
Laissée à la charge des différentes directions opérati
onnelles, la commande publique n’a
pas été optimisée et a donné lieu à une désorganisation du service initialement chargé de la
mettre en œuvre.
La répartition « éclatée » de la commande publique semble procéder de la
volonté de diffuser une « culture de la commande publique » au sein de la collectivité, sans
pour autant pouvoir identifier clairement les responsabilités correspondantes, contrairement à
l’organigramme
.
En l’absence de centralisation de la fonction achat, la collectivité n’a pas une
connaissance exhaustive de ses contrats en cours, de leur nombre, de leur objet, de leur durée,
et de leur montant. L’archivage des dossiers n’est pas satisfaisant et la traçabilité des procédures
n’est pas effective, à l’instar du marché de collecte des ordures ménagères d’un montant de
6,3
M€. Faute de cartographie des achats, de définition des besoins, et de procédures internes
formalisées pour l’engagement de la dépense, des achats de l’ordre de 5
M€ sur la section de
fonctionnement et de 2
M€ en section d’inves
tissement sur la période 2014-2017 ont été
effectués en dehors de toute application des dispositions du code des marchés publics. Lorsque
les achats et les travaux sont réalisés en référence à cette règlementation, leurs procédures sont
fréquemment entaché
es d’anomalies.
Plutôt que de solliciter l’appui de la direction dédiée, les services acheteurs ont fait
appel, dans des conditions de mise en concurrence contestables, à des bureaux d’études et
d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Cette pratique a conduit
la collectivité à une externalisation
de ses missions.
Certaines procédures de marché de service n’ont également pas prospéré, sans que la
collectivité n’ait pu justifier de difficultés particulières. Les marchés de fournitures et de
services révèlent une insuffisance dans la caractérisation du besoin. Les procédures de passation
présentent des fragilités en matière d’appel à la concurrence et de sélection des entreprises.
Les travaux de rénovation des écoles repris à la suite de la dissolution du syndicat mixte
d'investissement et d'aménagement de Mayotte (SMIAM) n’ont pas amélioré les pratiques de
la collectivité. Le recours à des avenants supérieurs à 20 % du montant initial du marché en
témoigne ; à titre d’exemple, un marché pour l’assainissement concl
u pour un montant de
297 958
€ a été porté à
446 937
€ à la suite d’un avenant, ce qui correspond à une augmentation
de 50
%. Malgré l’existence de marchés, la collectivité a satisfait certains de ses besoins par
des commandes hors marchés, de l’ordre de 7
00 000
€ en 2017.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-3-
Au vu de ce qui précède, l’organisation et les pratiques hétérogènes en matière de
commande publique présentent des faiblesses. Elles constituent un chantier prioritaire pour que
le respect des principes de liberté d’accès à l’achat public, d’égalité de traitement des candidats
et de transparence des procédures soit garanti. L’objectif inhérent d'efficacité de la commande
publique et de bonne utilisation des deniers publics associé à ces principes ne pourra être atteint
que par une réfle
xion aboutie sur la base de l’ensemble des constatations.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-4-
RECOMMANDATIONS
1
RÉGULARITÉ
N°
Domaine
Objet
Réalisé
En cours
de
réalisation
Non
réalisé
Page
1
Organisation
de la fonction
Mettre en place des tableaux de bord
permettant le suivi interne
de l’état
d’avancement
de
l’ensemble
des
marchés, ainsi que la publication
externe de ceux supérieurs à 25 000
€
en application de l’article 107 du
décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
relatif aux marchés publics.
X
14
2
Organisation
de la fonction
Archiver un exemplaire de chaque
dossier de marché public au sein de la
direction de la commande publique, et
assurer
sa
conservation
conformément aux dispositions de
l’article
108
du
décret
du
25 mars 2016.
X
15
3
Mise en
œuvre des
procédures
Mettre en œuvre une nomenclature
interne de classification des dépenses
en vue de la computation des seuils
conformément aux dispositions du
chapitre II du titre III du décret du
25 mars 2016.
X
21
4
Mise en
œuvre des
procédures
Généraliser le recours aux procédures
de marchés publics pour satisfaire les
besoins de la commune en matière de
travaux, de fournitures et de services,
conformément aux dispositions de
l'article
42
de
l'ordonnance
n° 2015-899
du
23
juillet
2015
relative aux marchés publics et des
articles 25 et suivants du décret du
25 mars 2016.
X
23
5
Mise en
œuvre des
procédures
Respecter le principe d’allotissement
des marchés publics conformément
aux dispositions de l’article 12 du
décret du 25 mars 2016.
X
24
6
Mise en
œuvre des
procédures
Respecter l’article 59 du décret du
25 mars 2016 en éliminant les offres
irrégulières.
X
26
1
Les recommandations sont classées sous la rubrique « régularité » lorsqu’elles ont pour objet de rappeler
la règle (lois et règlements) et sous la rubrique « performance » lorsqu’elles portent sur la qualité de la gestion,
sans que l’application de la règ
le ne soit mise en cause.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-5-
7
Mise en
œuvre des
procédures
Respecter les seuils de publicité et de
mise
en
concurrence
obligatoire
conformément aux articles 31 à 37 du
décret du 25 mars 2016.
X
26
8
Mise en
œuvre des
procédures
Attribuer
les
marchés
à
l'offre
économiquement la plus avantageuse
en application de l'article 62 du décret
du 25 mars
2016 au terme d’une
appréciation objective et impartiale
de l’ensemble des offres
recevables.
X
30
PERFORMANCE
N°
Domaine
Objet
Réalisé
En cours
de
réalisation
Non
réalisé
Page
1
Organisation
de la
fonction
Mettre en œuvre un plan de formation
des
acteurs
de
la
commande
publique.
X
8
2
Organisation
de la
fonction
Normaliser le contenu des dossiers
afin de pouvoir justifier, le cas
échéant, du respect des principes de
traçabilité et de transparence des
procédures d’achat.
X
16
3
Organisation
de la
fonction
Conforter les moyens de la direction
de la commande publique à travers
l’allocation
de
moyens
humains
supplémentaires et l’adoption d’un
règlement
intérieur
unifiant
et
actualisant
l’ensemble
des
procédures d’achat.
X
17
4
Organisation
de la
fonction
Définir des critères de sélection des
assistants à maîtrise d’ouvrage au
regard des besoins que ses ressources
en interne ne sont pas en mesure de
satisfaire.
X
19
5
Mise en
œuvre des
procédures
Procéder à une cartographie des
achats par service et à des plans
pluriannuels
d’acquisitions
des
fournitures et services.
X
23
6
Mise en
œuvre des
procédures
S’attacher
à
mieux
maîtriser
l’analyse préalable des besoins ainsi
que les phases de conception et
d’exécution des travaux, afin de
limiter le recours aux avenants.
X
32
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-6-
1
PROCÉDURE
L’examen de la gestion de la commune de Mamoudzou a été ouvert le 2 mai 2017 par
lettre du président de la chambre adressée à M. Majani, ordonnateur en exercice sur l’ensemble
de la période de contrôle. Le contrôle de la commande publique, objet de ce second cahier, a
débuté le 27 septembre 2017, date qui clôturait l’instruction du premier cahier portant sur les
finances et les ressources humaines.
En application de l’article L. 243
-
1 du code des juridictions financières, l’entretien de
fin de contrôle a e
u lieu le 21 février 2018 avec l’ordonnateur.
Dans sa séance du 22 mars 2018, la chambre a adopté des observations provisoires
transmises au maire.
Seule la société de conseil X
, destinataire d’un extrait,
a répondu.
La chambre, dans sa séance du 24 juillet 2018, a arrêté, après avoir examiné cette
réponse, les observations définitives suivantes :
2
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
Chef-lieu de Mayotte, Mamoudzou est la commune la plus peuplée du département et
concentre l’ensem
ble des structures administratives, institutionnelles, ainsi que la majorité des
activités éc
onomiques de l’île
avec la zone artisanale et commerciale de Kaweni. De ce fait,
elle est aussi la commune la plus attractive en terme d’emplois
: 94 000 personnes et
14 000 véhicules affluent chaque jour pour y travailler. Cette particularité fait de Mamoudzou
une ville avec des enjeux importants dans le domaine des transports, de l’aménagement des
espaces publics et du stationnement, ainsi que de la sécurité des biens et des personnes.
Le projet
d’investissement
en 2014 s’inscrit dans ce contexte, et s’est traduit notamment
à
travers
l’adoption
par
délibération
en
mars
2016
d’un
programme
pluriannuel
d’investissement (PPI) pour les années
2016 à 2020. Ainsi, relèv
ent entre autres d’opérations
prioritaires d’investissement
: le renouvellement urbain de Kaweni pour 1,4
M€, la
réhabilitation de l’habitat insalubre pour 9,5
M€, le schéma directeur de l’éclairage public pour
13,2
M€, ou encore la mise en place de la vid
éo-protection pour 4,8
M€. Ces opérations, d’un
montant initial de 49
M€, ont été réévaluées à 64,9
M€ fin novembre 2017.
La collectivité a lancé d’autres chantiers importants qui ne sont pas inclus dans le PPI
:
la réorganisation du service de collecte de
s déchets ménagers d’un montant de 20
M€, ou encore
la rénovation et la construction des écoles dont le coût total est estimé à 69
M€. Compte tenu
de la dissolution du syndicat mixte d’investissement et d’aménagement de Mayotte (SMIAM),
les communes se sont vues réattribuer cette compétence, avec un accompagnement financier de
l’
État
par l’intermédiaire de la dotation spéciale de construction et d’équipement des
établissements scolaires (DSCEES). La délibération de novembre 2015 valide les opérations de
programmation pluriannuelle 2016-2019 de construction des écoles pour 10,9
M€, et de
rénovation pour 7
M€, et sollicite cette dotation.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-7-
Les dépenses d’équipement connaissent en conséquence une évolution sur la période,
passant de 4,5
M€ en 2014 à 21,6
M€ en
2016
. Elles s’établissent à plus de 18
M€ au compte
de gestion 2017.
Les dépenses d’équipement ont ainsi été multipliées par quatre sur la période.
Parallèlement, la collectivité a souhaité placer cette nouvelle mandature dans le cadre
d’une maîtrise des d
épenses à caractère général. Celles-ci ont effectivement diminué de 2
M€
entre 2014 et 2017.
Dans ce contexte, l’organisation de la commande publique au sein de la collectivité et
la maîtrise de sa fonction achat constituent des enjeux en matière de dépenses publiques et de
performance de la gestion.
Le précédent rapport d’observations de la chambre en 2011 avait notamment porté sur
la fiabilité des comptes et la gestion de la commande publique.
Sur ce dernier point, plusieurs de ces recommandations sont e
n cours de mise en œuvre
plus de sept années après : une partie des opérations déléguées sous mandat à la SIM, à hauteur
de 12
M€, a été progressivement réintégrée dans les comptes
; si le service gestionnaire des
marchés publics a été conforté et l’inform
ation du conseil municipal en matière de passation
des marchés publics effective depuis 2016, la commande publique reste perfectible.
L’organisation et les procédures de passation et d’exécution des contrats demeurent
contestables. Ces constats seront développés dans le rapport ci-après.
2.1
L’ORGANISATION DE LA FONCTION
Dans le précédent rapport, l’existence d’un service de la commande publique fusionné
avec le service juridique, une organisation déconcentrée et une politique autonome de certaines
directions e
n matière d’achat avaient été soulevées. En réponse, une direction de la commande
publique avait été créée en juillet 2011. La mise en place d’une direction de la commande
publique au sein du département en charge des finances et de la commande publique, sous la
responsabilité directe du directeur général adjoint (DGA), n’a été effective que courant
2016,
suite au recrutement de son directeur le 1
er
août 2016
, soit cinq années après. Jusqu’à cette date,
l’organisation est restée à l’identique
: chaque service instructeur préparait son marché, avec
l’assistance de la directrice des affaires juridiques qui vérifiait le respect de la procédure
; elle
lançait les publications validées par le maire.
2.1.1
La direction de la commande publique
2.1.1.1
L’organisation des ser
vices acheteurs
La restructuration a pour objet de sécuriser la commande publique par le biais d’une
liaison étroite avec les directions des finances, de l’aménagement et des services techniques
en
centralisant toutes les commandes, après définition des besoins par les directions et
transmission des éléments techniques.
Cette restructuration fait suite aux précédentes recommandations de la chambre ainsi
qu’aux préconisations d’un audit interne de l’organisation des achats réalisé par un cabinet
extérieur en novembre 2016 ; ce dernier avait diagnostiqué un service déstructuré et une
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-8-
fonction achat éclatée dans l’ensemble des services. Une deuxième phase de cet audit consistait
à assister techniquement les agents à la mise en œuvre de la fonction achat
; cett
e prestation n’a
pas été réalisée
et la collectivité n’a pas été en mesure d’en expliquer la raison.
Suivant ses préconisations, la direction de la commande publique était jusqu’à
récemment composée d’un directeur (cadre A
2
), d’une secrétaire, d’un gestio
nnaire marchés
publics (cadre B
3
), d’un responsable des moyens généraux et d’un responsable magasin. Deux
postes, un acheteur et un contrôleur, restaient à pourvoir.
En réalité, en dépit de la création de cette nouvelle direction dédiée, l’organisation de
la
commande publique demeure éclatée dans les différents services, tels que les services
techniques et de l’aménagement. La multiplicité des acteurs et des pratiques, le manque de
communication, voire les différends entre les services, et l’absence de conn
aissance réelle de
ses marchés par la collectivité n’ont pas facilité les travaux de la chambre.
A titre d’illustration, le poste d’acheteur vacant à la direction de la commande publique
a été transformé en poste de responsable des marchés de travaux, rattaché à la direction générale
adjointe des services techniques (DGAST), ce recrutement ayant pour objet de renforcer cette
direction dans la rédaction et le suivi des marchés publics. Selon la chambre, ce type de poste
doit être transversal entre l’ensembl
e des services acheteurs de la commune afin de sécuriser
les procédures et de définir une cartographie des achats. Chaque direction opérationnelle ne
disposant pas de référent marché, de nombreux agents peuvent donc être concernés par la
commande publique,
à l’instar des chargés d’opération auprès de la DGAST.
Peu d’agents se forment aux procédures d’achat public, alors que ce domaine vient de
faire l’objet d’une importante réforme réglementaire
4.
En 2015, 12 agents ont suivi une
formation spécifique auprès du CNFPT, 8 en 2016 et 6 en 2017. Au cours des trois années de
référence, aucun agent de la direction de la commande publique n’a suivi ces formations
; seul
le directeur a une formation spécifique à la commande publique ; le gestionnaire des marchés
pub
lics, faisant fonction d’adjoint, est quant à lui titulaire d’un certificat d’études juridique et
immobilière. Aucun plan de formation n’avait été élaboré au sein de la direction de la
commande publique. Dans ces conditions, la chambre recommande à la collectivité de mettre
en œuvre un plan de formation des acteurs de la commande publique.
2.1.1.2
Les missions de la direction de la commande publique
La mission générale d’une direction de la commande publique est d’assister les services
dans la passation des marchés publics et d’effectuer un suivi des procédures d’achat.
Tel que présenté dans l’organigramme, la collectivité dispose d’une direction de
la
commande publique en charge du recensement des besoins, de la planification et de la
programmation des achats, de la mise en œuvre des procédures d’achat et du conseil dans les
choix des procédures. La fiche de poste du directeur lui confie au surplus la gestion
administrative et juridique des procédures, le contrôle, la notification, et les suivis financiers et
comptables des marchés.
2
Agent d’encadrement supérieur.
3
Agent d’encadrement intermédiaire.
4
Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et décret n° 2016-360 du
25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-9-
En réalité, le service de la commande publique n’assure pas le recensement des besoins,
chaque service agissant de façon autonome. Il ne gère pas non plus les plannings de mise en
concurrence et le suivi des procédures en cours, qui sont assurés pas les directeurs
opérationnels. De même ce service n’effectue pas le suivi des seuils d’achats à partir desquels
une procédure formalisée doit être mise en place.
Alors que les procédures internes prévoient son intervention en appui administratif et
juridique pour les marchés supérieurs à 25 000
€, il s’avère que ces derniers ne lui sont pas
systématiquement soumis. Pour les achats inférieurs à ce seuil, les services sont totalement
autonomes, la direction se limitant à rappeler la nécessité de deux devis ; le contrôle effectué
par le DGA finances au stade du mandatement sur le logiciel finances SEDIT apparaît
insuffisant dès lors
que les dépenses ont fait l’objet d’un engagement vis
-à-
vis d’un tiers.
Elle est également dessaisie avant même que les marchés soient notifiés puisque les
réponses aux candidats non retenus ainsi que les notifications sont effectuées par le service
gesti
onnaire qui va suivre l’exécution du marché.
Toutefois, cette direction peut être
questionnée sur la régularité d’avenants ou d’éventuels risques contentieux. Dans ce cas, il
apparait difficile pour elle d’apporter des réponses précises sans être associée
en amont à la
procédure d’achat.
La chambre relève une dilution de l’activité de commande publique entre les différentes
directions
; elle souligne que la désorganisation du service est contraire à l’organigramme
affiché. Ces constats laissent transparaître de réelles difficultés quant aux partages des missions
et des tâches, et l’absence d’arbitrage réel de la hiérarchie permettant de clarifier les
responsabilités de chacun.
Au 1
er
octobre 2016, la commune a fait le choix de dématérialiser les procédures pour
les marchés d’un montant égal ou supérieur à 90
000
€ en application de l’article 43 de
l’ordonnance n° 2015
-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui pose le principe
de la généralisation de l’obligation de dématérialisation. Cette dém
arche a été communiquée à
l’ensemble des opérateurs économiques début octobre
2016 par voie de presse.
En sa qualité d’administratrice sur la plateforme www.achatpublic.com, seule la
direction de la commande publique a les droits d’accès permettant la déma
térialisation des
procédures. Il a été néanmoins précisé que les marchés ne se trouvent sur cette plateforme que
dans la seule mesure où la direction en est effectivement informée. Lorsqu’elle n’a pas été
associée à la rédaction d’un dossier de consultatio
n des entreprises (DCE), elle se déporte en
communiquant au service acheteur les codes administrateur pour qu’il effectue lui
-même la
publication du DCE. Par conséquent, la commune ne peut justifier de l’exhaustivité de la
dématérialisation des procédures
d’un montant supérieur à 90
000
€.
Concernant l’ouverture des plis dématérialisés, la direction n’y est aujourd’hui plus
associée. Elle fait office de « boite aux lettres » en transférant ces plis aux services acheteurs.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-10-
2.1.2
Les procédures internes
2.1.2.1
L’adoption d’une procédure interne de publicité et mise en concurrence
Dans sa démarche de restructuration de la commande publique, la commune a élaboré
en juin 2017 une procédure interne définissant les règles de publicité et de mise en concurrence
des ma
rchés à procédure adaptée (MAPA). Son application s’impose donc à l’ensemble des
services municipaux, et est opposable aux tiers.
Tableau n° 1 : procédure interne de publicité et de mise en concurrence des MAPA
Source : Délibération n° 67/CMDZ/2017 du 30 juin 2017
Cette procédure rappelle les règles de seuils des procédures et marque la volonté
d’améliorer l’organisation et les procédures de passation de marché public. Elle s’avère
insuffisante et restrictive car limitée aux marchés à procédures adaptées,
d’autant que la
commune ne dispose pas de guide interne pour aider les services dans la préparation et le suivi
de leurs procédures, ni même de nomenclature des fournitures et services.
A ce règlement interne s’ajoutent des notes de service relatives à la
mise en œuvre de la
réforme du code des marchés publics par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 aux procédures
adaptées, à l’usage des bons de commande ainsi que du progiciel de gestion des marchés publics
(MARCO).
Ces documents paraissent parfois contradictoires ; ainsi, le service de la commande
publique a présenté le projet de règlement intérieur des achats suite à l’audit, qui prévoyait une
consultation de trois devis en dessous de 25
000 € et un avis d’appel public à la concurrence
(AAPC) au-delà. C
es formalités n’ont pas été reprises dans la décision fondatrice. La direction
des finances a pourtant présenté un projet de note en décembre 2017 ayant pour objet d’imposer
aux services acheteurs la production de deux devis minimum pour les achats inférieurs à
25 000
€. La chambre observe que ce document prévoit une consultation simplifiée avec
trois
devis seulement pour les marchés supérieurs à 25 000 € et inférieur à 90 000 €, la mise en
concurrence n’étant pas organisée pour les marchés inférieurs à ces
montants. En conséquence,
l’ensemble de ces prescriptions mériterait d’être clarifiées.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-11-
La chambre a constaté l’existence de pratiques diverses en matière d’achats de faibles
montants, lesquels sont effectués sous forme de lettres de commandes ou de consultations, sans
que la direction de la commande publique ait pu définir la différence entre ces procédures
d’achat.
L’étude de plusieurs actes d’achat confirme la méconnaissance du règlement interne par
les services : une lettre de consultation relative à
l’installation d’un écran LED extérieur d’un
montant de 82 550
€ sans publicité prévoit une consultation de
trois entreprises mais les seules
pièces établissant la réalité de cette consultation sont un tableau comparatif des offres et une
lettre à l’un des
candidats non retenus ; cette lettre de consultation figure dans la liste des
marchés passés par la collectivité (MAPA). À
l’inverse, des lettres de consultation relatives à
l’achat de véhicules ne figurent pas dans le tableau des marchés. Une lettre de
commande pour
l’achat de deux groupes électrogènes pour un montant de 59
660
€ a fait l’objet d’une
consultation directe sans devis ni tableau comparatif. Une lettre de commande relative à des
travaux de remplacements de projecteurs plateau polyvalent Kaweni est présentée sous la forme
d’un «
marché valant cahier des charges
». Enfin, lors d’une visite sur place en février 2018 il
est apparu que de nombreux bons de commandes étaient pris sur la base généralement d’un seul
devis ; ces bons sont gérés par le service des finances : chaque direction fait sa demande de
devis et le transmet, parfois accompagné d’une note explicative, au service finances qui saisit
alors le bon sur SEDIT.
Aucun document global ne fixe d’objectifs communs notamment en matière
d’utilisation des critères d’insertion, de marchés réservés, d’usage des critères de jugement des
offres (valorisation du mieux disant ou du moins disant, utilisation de critères spécifiques, etc.)
et de négociation.
Afin de renforcer le pilotage et la sécurité juridique de la commande publique, la
commune a fait l’acquisition en
2016 du progiciel MARCO qui permet la rédaction simplifiée
des dossiers de consultation, la gestion en temps réel de l’ensemble des achats publics et la
planification des achats.
Ce lo
giciel n’a été utilisé que quelques mois plus tard en 2017. Une formation de
deux
jours a été organisée pour les agents de divers services : services techniques, service juridique,
PRU, développement durable, service finances et direction de la commande publique. Alors
qu’une note de service d’avril 2017 recommande son utilisation pour l’ensemble des achats dès
le premier euro, et le rend obligatoire pour les achats supérieurs à 90 000
€, l’ensemble des
marchés en cours n’est pas saisi sur cet outil qui app
araît sous-employé, notamment dans la
rédaction des pièces du dossier de consultation des entreprises. La mise en place de ce logiciel
représente une dépense annuelle de l’ordre de 12
500 € correspondant au paiement de la licence
et au contrat de maintenance. Depuis son acquisition en 2016, la chambre observe que ce
logiciel, à la fois performant et sous-
utilisé, a représenté un coût de 33 000 € pour un usage
modéré.
Concernant les consultations à faible montant (CFM), la direction de la commande
publique a indiqué que ce module existait sur le logiciel
; il n’est pas utilisé de façon
systématique par les services acheteurs.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-12-
2.1.2.2
Le circuit décisionnel
La direction de la commande publique a indiqué que des rapports d’opportunité avaient
été instaurés en 2016
pour les marchés d’un montant supérieur à 25
000
€
; ils sont désormais
expressément prévus depuis fin juin 2017 sur le règlement interne. Il s’agit du premier
document formalisé dans la procédure d’achat
; rédigé et présenté par le service acheteur, il doit
permettre à la direction des finances de vérifier la disponibilité des crédits et au maire de
s’assurer du réel intérêt de la demande d’achat. En réalité, ce rapport se fait de manière
sporadique et non standardisée
; par exemple, pour l’achat de scooters en 2017, l’un des bons
de commande contient uniquement trois devis, l’autre contient deux devis et une note
d’opportunité.
Conformément aux dispositions de l’article 22 du code des marchés publics en vigueur
jusqu’au 31 mars
2016, reprises dans la versi
on actuelle de l’article L. 1411
-5 du code général
des collectivités territoriales (CGCT), cinq membres titulaires et cinq membres suppléants ont
été élus pour composer la commission d’appel d’offres (CAO) de la commune.
Concernant les modalités pratiques des réunions de ces CAO, un échantillon
représentatif des convocations et des dossiers soumis à consultation sur les exercices 2014 à
2017 n’a pu être constitué par la chambre
: seuls des dossiers de 2017 et un de 2016 ont pu être
remis par la direction de la commande publique. Ces dossiers ne contiennent pas les copies des
convocations aux commissions, ce qui fait obstacle à la vérification du respect des délais
règlementaires de convocation tels que prévus aux articles L. 2121-11 et L. 2121-22 du code
précité.
Ces convocations sont traitées par la direction des affaires juridiques, sans concertation
préalable avec la direction de la commande publique, contrairement à ce que permet le logiciel
MARCO. Cette absence de transversalité peut expliquer des dysfonctionnements dans les délais
de convocation mais aussi dans la bonne tenue des dossiers. Les propositions de l’audit CITIA
confiaient à la direction
de la commande publique le soin d’assurer le secrétariat des
commissions, ce qui aurait permis une homogénéisation et une rigueur dans les pratiques. La
collectivité maintient pourtant l’attribution de cette tâche à la direction des affaires juridiques.
Concernant les marchés d’un montant inférieur aux seuils européens, la commune a
institué un comité des MAPA (CoMapa) dans le cadre de
l’article 27 du décret
n° 2016-360
relatif aux marchés publics ; il prévoit pour certains marchés une procédure adaptée dont les
modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des
caractéristiques des besoins à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs
économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat.
Le règlement intérieur des achats mentionné ci-avant prévoit ainsi la consultation de ces
CoMapa pour rendre des avis sur le choix des titulaires de marchés publics au vu des rapports
établis par les services pour les procédures adaptées d’un montant supérieur ou égal à 90
000
€.
Avant l’adoption de ce règlement intérieur, les conditions de réunion
des CoMapa étaient
aléatoires. La réalité des convocations à ces commissions n’a pu être établie en dépit des
demandes faites par la chambre aux services concernés.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-13-
2.1.3
Les risques
L’organisation de la commande publique apparaît instable et préjudiciable au re
spect
des règles de la commande publique ; les tableaux de bord et de suivi des marchés sont
incomplets ; la tenue des dossiers ainsi que leur archivage souffrent de nombreuses
insuffisances. Bien que récente, l’organisation paraît régulièrement modifiée,
ce qui fait
obstacle à une connaissance par les agents des responsabilités et rôles de chacun. Alors que
25 agents tous services confondus ont bénéficié de formations spécifiques en marchés publics,
et que l’audit du cabinet privé avait pour objet l’assist
ance technique dans la mise en place de
procédures, la collectivité se prévaut d’un manque de personnel qualifié pour justifier soit des
irrégularités constatées, soit du recours à des cabinets d’études.
2.1.3.1
Dans le suivi des dossiers
Le défaut de tableaux de bord
La direction de la commande publique ne dispose pas de tableaux de bord de gestion et
de suivi de l’exécution des marchés publics en cours. Des achats sont réalisés hors marchés
publics alors même que ceux-ci existent
; à titre d’exemple, alors que
la direction de la
commande publique et celle des finances avaient indiqué que les marchés de fournitures et
d’entretien avaient été passés à compter de
2016, et que les dépenses antérieures relevaient ainsi
de dépenses hors marché, un marché à bons de commande, toutes fournitures confondues, était
en cours d’exécution depuis 2013.
En dépit de nombreuses demandes, la collectivité n’a pu communiquer une liste fiable
des marchés passés durant la période de contrôle ; elle a transmis plusieurs listes
progressivement complétées. Celles-ci comprennent des erreurs sur le mode de passation, la
première liste indiquant que tous les marchés avaient été passés en MAPA. De même, alors que
le tableau identifie un marché de 4,8
M€ passé en 2017 avec la société
A pour des travaux de
mise en œuvre d’un dispositif de vidéo protection urbaine, le rapport d’analyse des offres de ce
marché établit le prix de la prestation de cette entreprise à 375
933 €. La chambre observe que
cette liste mentionne la passation de marchés dont
la commune n’a pas la maîtrise d’ouvrage, à
l’instar du marché passé avec la société
B en 2016 pour la fourniture et pose de conteneurs de
semi-
enterrés, qui relève de la communauté d’agglomération Dembéni
-Mamoudzou
(CADEMA), ou encore du marché de collations scolaires qui a été signé par le maire en cette
qualité alors que cette compétence relève de la caisse des écoles. Il en va de même du marché
d’assistance à la collecte des ordures ménagères qui a été lancé alors que le processus de
transfert de cette compétence à la CADEMA était connu ; ce marché a été signé le 24 décembre,
une semaine avant son transfert effectif
; la commune a continué à exécuter ce marché jusqu’au
19 avril 2016 et à émettre des mandats entre 2015 et 2016 pour un montant total de 26 794
€.
La lisibilité des achats est rendue difficile par l’attribution de numéros de marché
différents selon les lots, voire l’attribution de deux numéros pour un même lot, alors que la
numérotation doit se faire par opération. Chaque direction opérationnelle a ses propres
numérotations et suivis des marchés ; la direction de la commande publique tient un double
enregistrement, informatique et sur support papier, des marchés auxquels elle attribue un
numéro après la notification ; consciente de ces difficultés, elle proposait en novembre 2017
d’y remédier en établissant une liste exhaustive des achats.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-14-
Selon le dernier tableau actualisé transmis en février 2018, les marchés passés par la
collectivité entre 2014 et 2017, hors bons de commande, représenteraient a minima un volume
de 112 M€.
Tableau n° 2 : Liste des marchés passés depuis 2014
nombre
volume en €
nombre
volume en €
nombre
volument en €
nombre
volume en €
Mapa sans
publicité
Mapa avec
publicité
procédures
formalisées**
20
3 254 799
39
5 680 227
source : direction des finances de la collectivité
type de MP
selon
procédures
2014
2015
2016
2017
35 799 717
497
49 076 620
* ne sont pas comptabilisés les marchés de formation dont le prix n'a pas été communiqué
** les nombres ne réflètent pas le nombre d'opérations puisque attribution d'un numéro par lot
55
5 873 435 *
203
13 145 065
390
L’ancien article 133 du code des marchés publics imposait la publication au cours du
premier trimestre de chaque année d’une liste des marchés conclus l'année précédente ainsi que
le nom des attributaires. Pour les marchés publics conclus à compter du 1
er
avril 2016, les
acheteurs sont soumis au respect de l’article 107 du décret du 25 mars
2016, lequel prévoit que
l’acheteur propose sur son profil d'acheteur, au plus tard le 1
er
octobre 2018, un accès libre,
direct et complet aux données essentielles des marchés publics répondant à un besoin dont la
valeur est égale ou supérieure à 25 000
€
HT. Dans ces conditions, la chambre rappelle à la
collectivité la mise en place de tableaux de bord permettant le suivi interne de l’état
d’avancement de l’ensemble de s
es marchés, ainsi que la publication externe de ceux supérieurs
à 25 000
€ en application de l’article 107 du décret du 25 mars
2016.
Le défaut d’archivage et de traçabilité
L’organisation aboutit à une tenue désordonnée des dossiers. Les documents papiers
sont conservés de manière dispersée, soit au sein des directions et services, soit au sein de la
direction de la commande publique. Chaque porteur de projet procède à un archivage selon sa
propre méthode.
L’absence de rigueur dans le suivi des pièces des
marchés par les services et le défaut
de conservation des pièces justificatives ont été relevés
; à titre d’exemple, la chambre a dû
solliciter la préfecture pour analyser le marché relatif à la mission de maitrise d’œuvre relative
aux opérations de rénova
tion des établissements scolaires 2017 qui n’a pas pu être retrouvé
dans les archives de la direction de la commande publique. Des difficultés ont été rencontrées
pour reconstituer les dossiers dans leur ensemble et notamment pour disposer des offres des
c
andidats. Certains marchés n’ont pu être communiqués faute de réponse des services
instructeurs, à l’instar du marché passé
en 2015 avec le bureau d’études CET concernant des
études « environnement, urbanisme, aménagement du territoire, socio éco ». Certai
ns plis n’ont
pas été retrouvés dans les archives, s’agissant par exemple du marché de rénovation de l’école
élémentaire PFF Kaweni passé avec
l’entreprise
C.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-15-
Les documents échangés dans le cadre des procédures de marchés publics doivent être
triés et conservés afin de répondre au principe de communicabilité de plein droit des archives
publiques, prévue par l’article L. 213
-1 du code du patrimoine, mais aussi de permettre à la
commune d’assurer au mieux sa défense dans le cadre des litiges qui pourraient
l’opposer à un
fournisseur. Ces dispositions imposent à l’acheteur de conserver les pièces constitutives du
marché public pendant une durée minimale de cinq ans pour les marchés publics de fournitures
ou de services et de dix ans pour les marchés publics
de travaux, de maîtrise d'œuvre ou de
contrôle technique à compter de la fin de l'exécution du marché public. L'acheteur conserve
également les candidatures et les offres ainsi que les documents relatifs à la procédure de
passation pendant une période minimale de cinq ans à compter de la date de signature du marché
public. Passé ces délais, seuls quelques éléments essentiels tels que le procès-verbal de la
commission d’ouverture des plis, le rapport d’analyse des offres ou le procès
-verbal de la
commission
d’attribution sont conservés définitivement. Les autres sont triés ou détruits.
La
méconnaissance de ces dispositions pourrait engager la responsabilité non seulement de la
collectivité mais également des élus et des agents. La chambre rappelle à la collectivité les
dispositions applicables, récemment réitérées par l’article 108 du décret n°
2016-360 du
25 mars 2016
relatif aux marchés publics, en matière d’archivage et de conservation des
dossiers.
Parallèlement, la collectivité doit veiller à mettre en œu
vre la réglementation relative à
la dématérialisation des comptes dans le secteur public local. L’examen de la fonction achat a
démontré que très peu de dépenses étaient « typées » dans le logiciel finances SEDIT
lorsqu’elles sont passées dans le cadre d’un marché public. L’absence de rigueur de la
collectivité et des services du comptable public font obstacle à un contrôle fiable des achats et
alourdit le montant des dépenses recensées « hors marché », sauf à procéder à une vérification
au cas par cas des références mentionnées ou non sur les pièces justificatives.
Le défaut de qualité des dossiers
Les dossiers examinés souffrent de l’absence de certaines pièces ou éléments de
procédures. Ainsi, sont parfois absents aux dossiers les rapports d’analyse des
offres ou
équivalents
; certaines pièces ne sont pas signées, comme l’acte d’engagement ou le
cahier des
clauses administratives particulières (CCAP), ou ne sont pas datées. Ces insuffisances
fragilisent la sécurité juridique des procédures en cas de recours contentieux
: l’ignorance de la
date de signature d’un marché fait obstacle au départ des délais de recours contentieux
; le
défaut de signature d’un marché constitue un vice du consentement qui invalide le contrat.
La chambre observe aussi une hétérog
énéité des documents de consultation, d’analyse
des offres, et d’attribution selon les services. De telles différences font obstacle au contrôle
interne de la fonction achat par la collectivité.
Par ailleurs, les procès-verbaux de la CAO devraient être plus explicatifs : bien
qu’aucune disposition règlementaire ne régisse la rédaction du procès
-verbal, celui-ci doit
retracer le processus décisionnel et indiquer le nom des entreprises attributaires ; à défaut,
l’ordonnateur n’est pas en mesure de donner suit
e à la procédure. En pratique, les
procès-
verbaux ne sont pas complets et renvoient au rapport d’analyse des offres pour le choix
de l’attributaire
; certains procès-verbaux revêtent uniquement la signature des membres sans
évoquer le déroulement de la consultation, ni le classement des offres et les décisions
d’attribution. La seule lecture des documents ne permet pas de connaître les décisions prises.
Ces insuffisances soulignent le rôle défaillant des commissions.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-16-
L’engagement par l’ordonnateur d’un projet de réorganisation de l’ensemble de la
fonction achat au sein de la collectivité qui devrait aboutir à plus d’encadrement et de
formalisme dans la tenue des dossiers pourrait constituer une piste d’amélioration
. La chambre
recommande à la collectivité de procéder à une normalisation du contenu de ses dossiers afin
de pouvoir justifier, le cas échéant, du respect des principes de traçabilité et de transparence.
2.1.3.2
Dans la structure interne :
Une organisation instable
La direction de la commande publique s’efforce d’assister les services dans le processus
d’achat lorsqu’elle est sollicitée ou qu’elle a connaissance de la passation de marchés. Elle
exerce malgré tout son devoir d’alerte, comme cela a pu être le cas dans la passation du marché
de la mairie anne
xe de Kaweni par la DGAST, où le rapport d’analyse des offres était partial et
le délai à respecter entre l’attribution du marché et sa signature était méconnu.
Ce défaut de pilotage et de stratégie peut conduire la direction à désengager sa
responsabilité
et refuser parfois de rédiger les lettres de rejet des candidatures lorsqu’elle ne
partage pas l’analyse des services, ou bien à ne pas assurer ses obligations sur la plateforme
dématérialisée.
Une note interne provisoire redéfinissant la répartition des tâches de préparation,
passation et exécution des marchés a été diffusée, sans que l’ensemble des cadres supérieurs ne
soit assuré de son caractère exécutoire. La direction de la commande publique se limiterait au
contrôle de la procédure pour les marchés de travaux supérieurs à 209 000
€, la diffusion des
DCE aux entreprises pour les marchés de travaux compris entre 90 000
€ et 209
000
€, et la
réception des plis, outre une mission de conseil et d’appui auprès des services acheteurs qui en
feraient la demande. Un projet de note de service générale sur la procédure de passations des
marchés par la ville a été présentée, ayant pour objet d’homogénéiser les pratiques des services
et sécuriser les procédures. Le présent rapport est cependant fondé sur les constatations
effectuées au sujet de l’organisation antérieure à la délibération du 21
décembre 2017, laquelle
perdurait fin juillet 2018
5
.
La surcharge de travail de la direction susmentionnée aurait conduit à ce choix selon la
collectivité. Cette réorganisation serait temporaire et ferait suite à des mesures conservatoires.
Une telle décision impliquerait qu’il y ait un responsable achat ou
un acheteur public dans
chaque service, ce qui n’est pas le cas. Cette volonté ne participe pas à la résolution des
difficultés
: elle va à l’encontre des procédures préalablement initiées et du bon fonctionnement
du service alors que la chambre a pu const
ater que ce type d’organisation expose la commune
à plusieurs risques.
En décembre 2017, la collectivité a supprimé et regroupé les directions des affaires
juridiques, des assemblées et assurances et de la commande publique en une seule direction,
sous la responsabilité du DGA secrétaire général. Cette réorganisation conduit à la création
d’un poste de «
directeur des affaires juridiques, assemblées, assurances et contrats », auprès
de qui sera placé un chargé de mission ; aucune mission de ce nouveau directeur ne fait
spécifiquement référence à la commande publique ; il est seulement fait mention de sa mission
«
d’assistance et conseil juridique des services de la ville
». L’organisation revient à un service
5
La collectivité n
’a pas informé la chambre d’un changement de situation avant cette date.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-17-
de la commande publique fusionné avec le service juridique et met à mal les tentatives
d’amélioration de l’o
rganisation de cette fonction. Le directeur de la commande publique
jusqu’alors en poste a été réaffecté dans une autre direction.
En parallèle, trois nouveaux postes de chargé d’opération au sei
n de la DGAST, dont un
poste de responsable des marchés de travaux, ont été créés en septembre 2017. La collectivité
défend cette nouvelle réorganisation en arguant d’un pilotage des achats par le chef du projet
au soutien duquel sont mobilisés tant les services juridiques que techniques. Elle envisage
néanmoins de rattacher ce dernier poste d’ingénieur territorial, aux missions très larges en
termes d’organisation et de coordination des achats du service technique, à la nouvelle direction
des affaires juridiques et de la commande publique ; un tel rattachement avait été suggéré lors
de l’audit privé et assurerait le caractère transversal de ce poste.
La commune a aussi informé la chambre de son souhait d’activer la direction
« logistique et manifestation »,
avec pour mission d’effectuer en interne des prestations et de
mettre en place une régie de petits travaux. Inversement, celles qui nécessitent une expertise
particulière, comme en matière de contentieux et dommages de travaux publics, seraient
externalisés.
Eu égard à la déconcentration des compétences en matière de commande publique, la
commune aurait à gagner à adopter un guide de procédure détaillé, présentant les principales
notions et caractéristiques des marchés publics. Bien que non obligatoire, il permettrait de
sécuriser les procédures pour l’ensemble des achats, mais aussi de faciliter l’appropriation et la
compréhension par les agents des textes relatifs aux marchés publics. Parallèlement, la
collectivité doit renforcer la direction en charge de la commande publique en lui donnant les
moyens humains et matériels d’exercer sa mission transversale d’assistance et de contrôle
interne. Dans ces conditions, la chambre recommande à la collectivité de conforter les moyens
de cette direction à travers l’allocation de moyens humains supplémentaires et l’adoption d’un
règlement intérieur unifiant et actualisant l’ensemble des procédures d’achat.
Le recours aux bureaux d’études
Pour l’assister dans la réalisation de ses missions, la commune conclut des marchés
d’assistance, d’études, de diagnostics et de maîtrise d’œuvre. La totalité de ces marchés
recensés par la chambre s’élève à un montant de 4,5 M€ sur la période de contrôle.
Les marchés
de maîtrise d’œuvre, lorsqu’ils sont identifiés en tant que tel dans la liste des marchés fournie,
représentent 2,3 M€.
Certaines études requièrent un degré de technicité justifiant le recours à des prestataires
externes. Il en va ainsi notam
ment pour des études sur des aléas naturels, l’élaboration d’un
plan paysage, l’élaboration d’un plan communal de lutte contre l’habitat indigne ou encore
l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement lumière ou d’un plan de déplacement
communal. À
l’inverse, certaines études semblent relever d’une volonté d’externalisation des
missions malgré les compétences disponibles au sein de la collectivité.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-18-
À ce titre, la «
mission de maîtrise d’œuvre relative aux études pour la réhabilitation des
trois établissements scolaires » a été attribuée en 2015 à la société D pour un montant de
13 800
€. La chambre observe que les diagnostics constituent des examens visuels de l’état
général des écoles ; ainsi, concernant «
l’école Kaweni stade
», le diagnostic fait état de vitres
manquantes, de portes et sanitaires cassés, de rambardes délabrées, autant de constats
qu’auraient pu réaliser les services techniques de la collectivité. De même, le bureau d’étude se
réfère fréquemment aux observations du contrôle sécurité VERITAS dont les diagnostics
pouvaient permettre d’évaluer une partie des travaux de rénovation. Concernant la mission
DCE, celle-
ci pouvait être réalisée en interne compte tenu du transfert d’un ingénieur du
SMIAM à la collectivité pour assurer les projets de rénovations, ainsi que des nombreux travaux
en cours lesquels présentent des similitudes permettant une optimisation du travail de rédaction
des pièces contractuelles.
La collectivité a passé un accord cadre relatif à une mission d’assistance à l’inst
ruction
de permis de construire avec le cabinet E le 3 novembre 2017 pour un montant de 73 475
€. La
prestation concerne l’assistance dans l’instruction de permis de construire et la mise en place
de procédures au travers notamment la formation et l’accomp
agnement des agents. Si ce besoin
paraît justifié au regard du nombre de recours contentieux en matière d’urbanisme dont fait
l’objet la collectivité, ainsi que des spécificités de son territoire qui subit une forte pression
démographique, la chambre appel
le toutefois l’attention de la commune sur le fait que les
activités d’instruction et d’autorisation d’urbanisme ne peuvent, par leur nature liée à l’exercice
de prérogatives de puissance publique, être déléguées à des prestataires privés. La mission du
ca
binet doit ainsi être circonscrite à l’assistance.
Plusieurs prestations ont été confiées au Cabinet X, qui se définit comme le premier
laboratoire de recherche, de conseil et de formation, spécialisé dans le développement durable,
installé à Paris et à Mayotte. Sa spécialité à Mayotte est la gestion des déchets. Ce cabinet est
aussi sélectionné par la commune pour des missions diverses d’accompagnement, de
diagnostic, de contrôle, de communication ou encore de formation des contrats aidés (CUI).
Le premie
r marché analysé est celui relatif à une mission d’assistance, de contrôle et de
communication dans le cadre des marchés de collecte des ordures ménagères et assimilées et
du marché de collecte des encombrants pour un montant de 157 935 €, passé le
24 décembre 2015 et transféré de plein droit à la CADEMA dès la semaine suivante. La
convention prévoit u
ne mission d’une durée de
deux ans, inférieure à la durée du marché de
collecte de cinq
ans, alors que l’objet premier de la mission est de « mettre en place
un système
de management de la qualité » par le « contrôle des prestations délivrées par le prestataire de
collecte ». Compte tenu de l’objet et du montant de la prestation, qui correspond à l’équivalent
de deux emplois temps plein, la collectivité pourrait réaliser cette prestation en interne. Au sein
de la direction de la propreté urbaine, un agent est en charge de la coordination de la propreté
urbaine et de l’entretien des abords de points de regroupement ; il est parfois amené à effectuer
sa mission sur place simultanément avec le cabinet.
Sur conseil de ce cabinet, la collectivité a passé le 12 août 2016 un marché relatif à la
fourniture et à la pose de conteneurs semi enterrés pour la collecte des déchets ménagers avec
la société B
d’un montant de 74 670 €. Cette prestation ne satisfait aucun besoin compte tenu
du transfert de compétence de la collecte des déchets ménagers. Même si le transfert du marché
est intervenu après sa signature et la charge financière a été au final supportée par la CADEMA,
la
commune a assuré la mise en œuvre et le suivi de ce marché avec les coûts liés à la publication
et à la mobilisation de son personnel administratif. Alors que la mission de contrôle et
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-19-
communication confiée au cabinet X est concomitante à la passation du marché de collecte, ce
type d’extraction des déchets n’était pas prévu initialement, les pièces contractuelles prévoyant
l’expérimentation de nouveaux contenants au moyen de colonne
s externes, et non au moyen de
conteneurs semi-enterrés tels que proposés par la société B.
L’acquisition de ces conteneurs a
nécessité la conclusion d’avenants avec les prestataires, peu de temps après la conclusion du
marché pour cinq années.
Le second marché analysé est un marché d’expertise et d’assistance à maitrise d’ouvrag
e
pour définir le projet culturel et les modalités de gestion et de fonctionnement de la MJC de
M’Gombani, pour un montant de 39
650
€. L’objet de la mission consiste en premier lieu à
conseiller les élus, qui auraient pu s’appuyer sur les compétences de l
a collectivité pour recruter,
sous réserve de la recherche d’un profil particulier, un directeur culturel et vie associative dont
les missions apparaissent être couvertes par ce marché.
Le troisième marché sélectionné dans l’analyse des marchés conclu avec
X a été signé
le 15 mai 2017 pour un montant de 24 800 €. Il concerne une mission d’accompagnement à
l’anticipation de la requalification de la voirie communale. Ce marché a pour objet d’aider la
DGAST afin de mettre en place des processus efficaces et pérennes permettant d’interagir avec
les riverains et concessionnaires et de piloter les interventions visant à une durée de vie
satisfaisante des voiries. La chambre relève que cette prestation aurait pu être menée par le
service de la voirie.
De façon plus générale, la collectivité dispose d’agents qualifiés pour la passation des
marchés publics : outre la direction de la commande publique, la DGAST regroupe 150 agents
dont 20 administratifs ; pilotée par un attaché territorial en qualité de directeur général adjoint,
elle dispose de quatre ingénieurs et de trois chargés d’opération en charge des écoles, des voiries
et des cimetières, ainsi que d’un cadre pour des marchés de travaux en voi
e de recrutement. Ce
vivier constitue une ressource pour traiter d’une majorité de ses besoins sans avoir recours à
des bureaux d’études. En effet, le recrutement d’un assistant à maitrise d’ouvrage intervient
généralement pour des opérations de travaux co
mplexes lorsque le maître d’ouvrage ne dispose
pas en interne des compétences nécessaires ou des ressources suffisantes. Dans ces conditions,
la chambre recommande à la collectivité de définir des critères de sélection des assistants à
maîtrise d’ouvrage a
u regard des besoins que ses ressources en interne ne sont pas en mesure
de satisfaire.
2.2
LA MISE EN ŒUVRE DES PROCÉDURES
La chambre a procédé à l’examen d’un échantillon représentatif de marchés passés entre
2014 et 2017. Il a été composé de telle sorte à réunir des marchés de fournitures et services et
des marchés de travaux, des procédures formalisées et des procédures adaptées de tous
montants, ou bien des procédures concernant des besoins récurrents, notamment en matière de
fournitures et services, ainsi
que des marchés de prestations intellectuelles. L’échantillon inclut
aussi des dépenses passées en dehors de tout marché formalisé.
Pour la constitution de l’échantillon spécifique à la passation et à l’exécution des
marchés, la collectivité n’a pas été en mesure de remettre à la chambre l’ensemble des dossiers.
À
titre d’exemple,
au 24 juillet 2018 les offres des candidats non retenus au marché public de
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-20-
collecte des déchets ménagers signé n’ont
toujours pas été produites en dépit des sollicitations
pour les besoins du contrôle.
2.2.1
La couverture des besoins de la collectivité
L’examen
des achats de la collectivité a révélé des faiblesses dans la définition de ses
besoins qui se traduisent par un recours inefficient aux procédures de marchés publics.
2.2.1.1
Le défaut de computation des seuils
En application des articles 20 et 21 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, pour
déterminer la procédure à mettre en œuvre, l’acheteur doit procéder au calcul de la valeur
estimée du besoin. En matière de fournitures, il doit notamment se baser soit sur le montant des
fournitures acquises au cours de l’année précédente, en l’actualisant des besoins prévisibles à
venir, soit sur la valeur estimée des fournitures à acquérir au cours de l’année suivant la
conclusion de marché. Tout fractionnement des achats ou toutes modalités de calcul différents
conduisant à contourner l’application des règles de passation des marchés publics sont
proscrites.
Conformément aux dispositions du chapitre II du titre III du décret du 25 mars 2016, les
marchés inférieurs à 25 000
€
HT peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence
préalable, à condition que les collectivités veillent à choisir une offre pertinente et à ne pas
contracter systématiquement avec la même entreprise. Entre 25 000 et 90 000
€
HT, elles
doivent recourir à une procédure adaptée, dont elles déterminent librement les modalités en
fonction des caractéristiques des besoins à satisfaire, du nombre d’entreprises susceptibles d’y
répondre et des circonstances de l’achat.
La publicité de ces achats doit également être adaptée
aux circonstances. À partir de 90 000
€
HT, la publicité par insertion d’une annonce au Bulletin
officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) ou d’un journal d’annonces légales, est
obligatoire. Au-delà de 209 000
€
HT pour les fournitures et services, ou 5 225 000
€
HT pour
les travaux, les collectivités doivent recourir à l’une des procédures formalisées listées par la
règlementation.
Malgré l’existence d’une direction de la commande publique, en
charge notamment du
recensement des besoins et de la planification et programmation des achats, chaque dépense est
organisée par chaque service utilisateur sur la base de la rédaction d’un DCE, de lettres de
commande ou de lettres de consultation en fonct
ion du montant prévisionnel de l’achat et du
service. En pratique, lorsque des besoins nouveaux sont pressentis, les services estiment
l’enveloppe financière selon des modalités inconnues et peuvent consulter le service marché
pour savoir s’il faut avoir r
ecours à une procédure particulière. À défaut de règles internes, et
en l’absence d’une nomenclature et cartographie des achats propres à la commune, les seuils de
procédures sont souvent dépassés. Cette absence de suivi dans la gestion des petits achats, tels
que les fournitures et petits équipements, a été constatée, la direction de la commande publique
n’ayant pas la maitrise des achats de fonctionnement.
L’ensemble des commandes analysées et conclues hors procédures de marché public
relevées sur la période 2014-
2017 s’élève à plus de 5
M€ sur la section fonctionnement et plus
de 2
M€ en section d’investissement.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-21-
L’examen des dépenses de fonctionnement
a révélé des défaillances dans la gestion des
achats et le respect du droit de la commande publique. Au cours de l’année
2016, la
quasi-totalité des achats hors marché dépasse le seuil de procédure obligatoire de 25 000
€, et
parfois celui de publicité formalisée obligatoire de 90 000
€. Il en va ainsi notamment de l’achat
de vêtements de travail, d’un montant total de 186
296
€, ou l’achat de billets d’avion pour
176 385
€. Certaines dépenses dépassent le seuil des marchés formalisés fixé à 209
000
€ pour
les fournitures et services, comme par exemple, les dépenses de fournitures et petits
équipements d’un montant total de 290
308
€.
Ces achats dépassent les seuils de publicité et de mise en concurrence chaque année
pour la plupart ou en cumulant plusieurs exe
rcices pour certains, révélant ainsi l’existence d’un
besoin régulier
de la collectivité. L’irrégularité est d’autant plus importante lorsque la commune
fait appel de façon récurrente aux mêmes prestataires, comme c’est le cas dans certains
domaines : 466 745
€ ont été dépensés auprès de l’agence de voyage
F
sur l’ensemble de la
période de contrôle ; des vêtements de travail ont été acquis pour un montant cumulé de
140 315
€ avec la seule entreprise
G.
Compte tenu des prévisions budgétaires pour ces dépenses, cette situation ne semble pas
résulter du seul défaut d’organisation en termes de planification et de globalisation des besoins
de la commune. Bien que ces anomalies se répètent d’un exercice à un autre, la collectivité ne
prend pas de mesures pour adap
ter ses modalités d’achat alors que les exécutions budgétaires
caractérisent des dépassements des seuils. La chambre observe que la définition des besoins de
la collectivité en amont des procédures n’est pas assurée.
Dans ce contexte, il serait de bonne gestion que la direction de la commande publique,
en charge aussi de la gestion des stocks, centralise le recensement annuel des besoins et la
recherche de prestataires. Pour ce faire, la commune doit établir la nomenclature interne de ses
dépenses. La chambre lui rappelle que cette nomenclature est nécessaire au respect des seuils
de publicité prévus par les dispositions du chapitre II du titre III du décret n° 2016-360 du
25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
2.2.1.2
Des besoins insuffisamment couverts par les marchés conclus
Pour satisfaire ses besoins en fournitures d’entretien et en fournitures administratives,
la collectivité a passé des marchés à bons de commande par deux appels d’offres décomposés
chacun en quatre lots, conclus respectivement les 26 mars et 26 juin 2016, et reconductibles
trois fois.
Alors qu’il s’agit de groupements de commandes avec le centre communal d’action
sociale (CCAS) et la caisse des écoles, les montants minimums des marchés, de 17 781
€ pour
les fournitures administratives et de 4 509
€ pour les fournitures d’entretien, ne sont pas
conformes aux prévisions budgétaires qui établissent ces dépenses à une moyenne de 90 000
€
par an
; la commune ne fait pas l’effort d’évaluer ses besoins au plus proche de ses
consommations. En retenant un minimum trop bas et en ne fixant pas de maximum, les prix
sont majorés dès lors que l’attrait des marchés à bons de commande pluriannuels pour les
entreprises réside dans une garantie d’un volume d’achat en contrepartie de prix minorés.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-22-
Des dépenses sont effectuées hors marchés. Concernant les fournitures administratives,
ces dépenses s’élèvent selon la collectivité à 75
582
€ au cours de l’année
2016, en dépit du
marché passé dès le mois de juin. Alors que ces quatre lots ont été reconduits le 1
er
août 2017,
les dépenses hors marché s’élèvent à 7
739
€ au 31 décembre 2017. Si un marché de fournitures
à bon de commande ne peut anticiper tous les besoins de la collectivité, celle-ci ne peut passer
des achats hors marché qu’en ce qui concerne des dépenses spécifiques. Ainsi, l’achat
d’étiquettes et de registres photos non prévu au marché paraît justifié.
À
l’inverse, l’achat hors
marché de 500 stylos quatre
couleurs, alors que le lot 1 prévoit l’achat de stylos de couleurs
différentes, ne parait pas justifié. La collectivité doit se conformer au marché passé pour couvrir
ses besoins récurrents.
Concernant les fournitures d’entretien, selon les services de la commune ce marché ne
couvre pas la palette des besoins ce qui explique les dépenses hors marchés. Les contrats ont
pourtant été reconduits par courrier du 4 octobre 2017 malgré l’intention de la collectivité de
relancer la procédure avec des nouveaux bordereaux de prix unitaires (BPU) actualisés.
Paradoxalement, alors que la collectivité admet l’in
suffisance de ce marché, les dépenses hors
marché d’un montant de 32 420 € en
2016
ont chuté à 460 € en 2017 ce qui implique qu’il
couvrirait en réalité les besoins de la commune. Certaines de ces dépenses paraissent justifiées
car non prévues dans les lot
s tel l’achat de shampoing de carrosserie.
À
l’inverse, l’achat de
seaux, serpillères et détergents pour les écoles pouvait être couvert par les lots « matériel de
nettoyages » et « produits nettoyants ». Pareillement, le lot «
papiers d’hygiène et sacs
poubelle » prévoit la fourniture de sacs poubelles de 110 L
; l’achat de sacs poubelles noirs de
130 L hors marché pour un montant de 8
482 € en décembre 2017, au surplus avec l’entreprise
attributaire de ce lot, ne paraît ainsi pas justifié.
Un accord cadre à marchés subséquents de quatre ans a été notifié le 4 janvier 2017 à
deux entreprises pour les services de traiteurs et livraisons des repas au groupement comprenant
la commune, le CCAS et la caisse des écoles. Ce marché bien que signé et notifié, n’a f
ait
l’objet d’aucune exécution
; selon la directrice des finances, cet accord cadre ne répondait pas
aux besoins réels de la collectivité et une résiliation du marché serait actuellement examinée.
Par conséquent, la collectivité continue en 2017 à passer des bons de commandes sur ces
prestations, avec des entreprises qui n’ont pas répondu à l’appel à la concurrence, à hauteur de
31 688
€ de commandes. La commune passe des commandes hors marché identiques à celles
prévues dans le bordereau des prix unitaires du titulaire prestataire H, pour un montant de
51 000
€.
À
l’inverse, elle n’a effectué que 18 300 € de commandes auprès de la sociéte
I,
pourtant classée première dans l’ouverture des plis. Au total les dépenses couvertes par l’objet
du marché et passées
hors marché s’élèvent à plus de 74
000
€ en 2017.
La gestion par la collectivité de ses besoins en matériels roulants ne paraît pas non plus
satisfaisante. En 2015, un marché a été attribué pour un montant de 155 100
€ à l’entreprise
J
concernant l’acquis
ition de nacelles et de véhicules utilitaires. Malgré ce marché, il a été relevé
l’acquisition d’autres matériels roulants au cours de cet exercice (7
véhicules, deux scooters,
des vélos à assistance électrique) pour un montant total de 117 656
€. Pareillement, alors qu’un
marché a été conclu en octobre 2016
relatif à l’acquisition de camion
26 T, camion 10 T, deux
véhicules sans permis et des véhicules citadins, la commune a fait des acquisitions hors marchés
de même nature pour un montant total de 124 330
€. En 2017, aucun marché n’a été publié et
76
553 € d’achat ont ainsi été effectués hors marchés publics. En périphérie, la chambre observe
qu’aucun contrat n’a davantage été passé concernant les prestations d’entretien des véhicules,
lesquelles sont systématiquement passées hors marché avec les mêmes sociétés. Sur la période
2014 à 2017, ces dépenses se cumulent à un montant de 309
873 €.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-23-
Au regard de ces constats, la chambre recommande à la collectivité de procéder à une
cartographie des achats par servi
ce et à des plans pluriannuels d’acquisitions des fournitures et
services, lesquels lui permettront d’optimiser les achats en termes de sécurité des procédures et
de maitrise des coûts.
Elle l’invite à généraliser le recours aux procédures de marchés publi
cs
pour satisfaire ses besoins en matière de travaux, de fournitures et de services, conformément
aux dispositions de l'article 42 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics et des articles 25 et suivants de son décret d’ap
plication n° 2016-360 du
25 mars 2016.
2.2.2
Les procédures de passation
La méconnaissance par la collectivité des obligations en matière de publicité et de
sélection des entreprises porte atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique.
2.2.2.1
Les obligations de publicité
La publicité a pour objet d’informer les acteurs économiques d’un secteur donné du
lancement d’une procédure d’achat et de susciter leur concurrence afin d’accroitre les chances
d’obtenir l’offre économiquement la plus avantageuse
. Pour être efficace, elle suppose de
donner suffisamment d’audience et de clarté à cette information.
L’examen des procédures de publicité a révélé, lorsqu’elles sont organisées, leur
caractère insuffisant voire dissuasif. Elles ne permettent pas de solliciter un panel satisfaisant
de candidats.
L’absence de publicité
:
La commune a lancé en 2014 un marché d’acquisition de matériels roulants
; suite aux
observations de la préfecture, elle a été contrainte de le retirer puisque les offres avaient été
ouvertes avant la date limite de dépôt fixée par le règlement de consultation, et leur analyse
effectuée avant la réunion de la CAO ; malgré ce retrait, les matériels roulants seront acquis en
2014 pour un montant total de 218
107 €. Le 13 janvier 2015 un AAPC a été publié concernant
l’acquisition d’une nacelle et d’un véhicule
utilitaire aménagé. Le bordereau de prix fait état de
l’acquisition de deux scooters 50 cm3 non répertoriés dans l’ensemble des pièces du DCE
; le
marché a été attribué dans sa totalité pour un montant de 155
100 € à l’entreprise
J. En 2016,
un marché décomposé en quatre lots a été lancé ; alors que deux entreprises avaient répondu à
l’appel d’offre, le lot 4 concernant la fourniture et livraison de véhicules citadins a été déclaré
sans suite pour motif d’intérêt général, sans que ce point n’ait été justif
ié dans le procès-verbal
de la CAO.
Dans l’attente de la livraison du groupe scolaire Tsoundzou T24, la commune a passé
un marché de transport scolaire avec
l’entreprise
K couvrant la période du 1
er
octobre 2014 au
28 février 2016. À son échéance, la collectivité a envisagé de procéder au renouvellement de
ce marché, mais en a finalement abandonné l’idée. Ce service demeure assuré par l’entreprise
K
sans que la commune ne justifie d’une procédure de mise en concurrence
; son maintien en
qualité de prestata
ire résulte d’une note du service de la vie scolaire, non datée et dont la qualité
du signataire n’est pas renseignée, qui informe souhaiter poursuivre ce marché sans le relancer
et sans passer d’avenant, sur la base du même BPU. Le service financier justi
fie ce maintien
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-24-
par l’imminence de livraison de l’école. Le contrat étant arrivé à échéance en février
2016,
avant l’ordre de service de redémarrage des travaux de cette école, dont la livraison n’est
toujours pas intervenue en juillet 2018, la chambre observe que la collectivité ne respecte pas
les règles de la commande publique.
Ainsi qu’il a été vu, 466
748 € de frais liés aux déplacements et voyages des agents ont
été engagés sur la période de contrôle avec la société F
, en l’absence de toute procédure
. Afin
de couvrir ces dépenses, un marché public aurait été lancé en novembre 2016, publié sur le
profil acheteur, au BOAMP, au JOUE ainsi que dans la presse locale, sans qu’aucun justificatif
ni même le marché ne justifie des démarches engagées ; seule la décision de déclaration
d’infructuosité a été communiquée. Ce premier appel d’offres n’aurait reçu qu’une seule
proposition de l'agence M; il aurait été demandé de relancer le marché pour insuffisance de
concurrence. Toutefois, aucun élément étayant cette
infructuosité n’a pu être produit. Un
deuxième marché est alors lancé sous la forme d’un accord cadre à bons de commande en
février 2017, l’AAPC est publié dans les journaux locaux, et fait référence à des publications
au BOAMP et JOUE dont la réalité n’a
pu être justifiée
; cet AAPC respecte l’obligation
d’indiquer que la nouvelle procédure fait suite à une déclaration de procédure infructueuse.
Pour ce deuxième marché, seule l'agence F a fait acte de candidature
; alors qu’elle a rendu une
offre répondant aux exigences du règlement de consultation, ce deuxième marché ne semble
pas abouti, sans que la direction de la commande publique ne puisse en justifier la raison ; la
CAO n’a pas été réunie afin de décider de la suite à donner à ce marché, et le candidat n’étant
lui-
même pas informé. Aucun marché n’a été notifié et les dépenses sont réalisées hors marchés
en toute illégalité.
Une opération de rénovation de l’école pré professionnelle de formation (PPF) de
Kaweni a été lancée en septembre 2015 en marché unique de sept « affaires
» tout corps d’état.
Sur sept offres reçues, quatre ont été déclarées irrecevables car les sociétés ont candidaté sur
quelques « affaires
» qu’elles ont considérées comme des lots. Au vu de ce constat, la commune
aurait dû publier un nouvel AAPC, lequel ne paraissait pas suffisamment clair quant à l’objet
du marché. Au demeurant, et ainsi que l’a relevé l
e contrôle de légalité, le terme « affaire »
n’est pas utilisé dans le code des marchés publics et s’apparente plus dans ce contexte à celui
de « lot
» prévu par l’article 10 de ce code. Outre l’obligation pour la collectivité de diffuser
des appels à la c
oncurrence dénué d’ambiguïté,
la chambre lui rappelle le principe
d’allotissement des marchés publics, désormais prévu à l’article 12 du décret de
2016, afin
d’assurer un large accès des entreprises à la commande publique.
La société C a été retenue pour u
n montant de 421 620 €, soit 20 % supérieur à
l’enveloppe affectée à l’opération. La commune a justifié le choix de cette procédure « tout
corps d’état » par des contraintes budgétaires et calendaires très restreintes qui l’a conduite à
une gestion de l’opération en maîtrise d’œuvre interne par le biais d’un marché global. Le délai
contractuel est d’un mois et
deux jours de préparation, ce qui paraît bref pour des travaux de
cette envergure, et ce d’autant plus que cette entreprise accuse de nombreux retard
s sur des
marchés passés avec la collectivité, concomitants à celui-ci. Les deux autres entreprises dont
l’offre avait été jugée recevable proposaient un délai de trois mois de travaux, dont 15 jours de
préparation de chantier.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-25-
Concernant la mission confiée au bureau D
, si l’intitulé du marché sur le tableau de suivi
fait mention d’un marché d’études, il apparaît qu’il constitue à la fois un marché d’études
(diagnostics de rénovation) et un marché de maîtrise d’œuvre avec préparation des DCE pour
les travaux de rénovation. Ce marché a été attribué pour un montant de 13 800
€
; la même
année, cette société a bénéficié d’un marché de maîtrise d’œuvre «
rénovation de trois
établissements scolaires » identiques à ceux concernés par les études pour un montant de
29 300
€. Dans ces conditions, la séparation des deux opérations en deux marchés distincts ne
paraît pas pertinente, d’autant plus que la réunion des deux pour un montant total de 43
100 €
dépassait le seuil de publicité obligatoire.
Le marché passé avec le cabinet X
concernant une mission d’accompagnement à
l’anticipation de la requalification de la voirie a été passé à la suite d’une note d’un chargé
d’opération voirie à l’attention du maire en mai 2017, proposant l’offre de ce cabinet
accompagnée de l
a convention d’assistance pour un montant de 24
800
€. Il
semblerait ici qu’il
s’agisse d’un marché de gré à gré bien que la procédure n’ait pas été précisée dans la
convention. Cette procédure peut être utilisée si le montant du marché est inférieur à
25 000
€
en application de l’article 30 du décret du 25 mars
2016 ; en général, il a un coût plus
élevé par défaut de mise en concurrence, et la collectivité doit se prémunir de recourir
systématiquement au même prestataire. La chambre observe que la prestation proposée par ce
cabinet se situe juste en dessous de ce seuil de publicité et de mise en concurrence obligatoire
et aurait pu être complétée par des devis comparatifs.
Une publicité insuffisante
A l’inverse de ce qu’il a été constaté concernant le marc
hé de déplacements, la commune
n’a pas souhaité relancer des procédures pour lesquelles les consultations n’avaient abouti qu’à
une seule offre régulière. Dans un tel cas, le pouvoir adjudicateur peut décider d'analyser l'offre
et de procéder à l'attribution du marché à la seule entreprise candidate, dès lors que le principe
d'égalité accès à la commande publique a été respecté, et qu'une concurrence effective a pu
s'observer. Toutefois, il peut décider de déclarer cette procédure sans suite, s’il estime qu
'il n'a
pas eu tous les éléments pour faire un choix objectif.
En novembre 2016, la direction de la commande publique a lancé une consultation pour
un accord cadre à marchés subséquents de quatre ans pour les services de traiteurs et de livraison
des repas, par groupement de commande avec le CCAS et la caisse des écoles. Ce marché a été
passé selon la procédure négociée comme le permet l’article 28 du décret de
2016
s’agissant
d’une prestation de service spécifique, sans montant minimum ni maximum. Alors que le
règlement de consultation prévoyait l’attribution aux quatre premières entreprises, seulement
deux ont répondu à l’appel à la concurrence et se sont donc vues
notifier le marché le
4 janvier
2017. Selon le rapport d’analyse des offres, l’AAPC a été publié dans trois journaux
locaux le 10 novembre 2016 ainsi que sur le profil acheteur de la ville, et laissait 25 jours aux
entreprises pour répondre. Le premier ra
pport d’analyse des offres en date du 22 décembre
2016
fait état de l’irrégularité de l’entreprise
H
qui n’a pas fourni sa simulation financière comme
l’imposait l’article VII.1 du règlement de consultation
; un délai de cinq jours lui a été imparti
confo
rmément à l’article VIII.1 du règlement de consultation par courriel du 23
décembre 2106.
Dans un premier temps, l’offre de ce candidat a donc été déclarée irrégulière en application de
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-26-
l’article 59 du décret
6
. Un deuxième rapport d’analyse a été dressé le
26 décembre 2016 avant
l’expiration du délai de
cinq jours imparti à cette entreprise, alors que celle-
ci n’a pas
communiqué sa simulation financière, pourtant expressément prévue par le règlement de
consultation au titre des pièces composant le dossier de candidature. Alors que le pouvoir
adjudicateur estime lui-même que cette simulation était utile à la comparaison des offres des
candidats et à l’appréciation du critère du prix, le deuxième rapport admet la recevabilité de
cette second offre et classe cette entreprise au 2e
rang. Il méconnaît ainsi l’article VIII.2 du
règlement de consultation qui stipule que les offres qui demeurent irrégulières sont éliminées.
Si la collectivité semble justifier cette démarche par l’absence d’autres candidats, sans urge
nce
invoquée elle pouvait déclarer le marché sans suite pour défaut de concurrence suffisante, ou
bien conclure avec le seul candidat dont l’offre était régulière.
La chambre lui rappelle que les
offres irrégulières doivent être écartées en application de
l’article 59 du décret 25 mars
2016.
Début décembre 2015, un AAPC concernant une mission de conception, réalisation et
mise en œuvre d’un plan de communication pour la règlementation du stationnement est publié
sur les journaux locaux pour un montant compr
is entre 40 000 € et 90 000 €. Le marché a été
notifié mi-janvier 2016
pour un montant global de 89 655 € et une durée de 24 mois à la société
N. La procédure de publicité semble insuffisante au vue du montant estimé entre 40 000
€ et
90
000 €, à la limite
des seuils de publicité formalisée, et alors qu’une seule candidature d’un
prestataire mahorais a été réceptionnée. L’élargissement de la publicité au niveau régional,
voire national, aurait pu permettre une mise en concurrence plus conséquente. L’insuffi
sance
de concurrence aurait pu être mise en avant pour déclarer la procédure sans suite et affiner le
besoin dès lors que la fourchette de prix annoncée dans l’AAPC ne permet pas de mesurer le
niveau d’assistance que la commune requiert réellement pour la
réalisation de cette mission,
puis relancer la procédure avec une publicité élargie.
Pareillement, la publicité effectuée au BOAMP, au JOUE et dans la presse locale pour
l’appel à la concurrence d’un accord cadre relatif à la mission d’assistance à l’instr
uction de
permis de construire publiée le 4 mai 2017 n’a suscité le dépôt d’aucune offre. Début juin 2017,
l’appel d’offre est donc déclaré infructueux et relancé sous la forme d’une procédure négociée
sans publicité ni mise en concurrence préalable. La SARL E est alors consultée par courriel
courant juin 2017 pour transmission d’une proposition avant la fin du mois. La commune a
ainsi préféré passer le marché de gré à gré sans que des motifs d’urgence à conclure n’aient été
avancés.
La chambre invite la collectivité à respecter les seuils de publicité et de mise en
concurrence obligatoire conformément aux articles 31 à 37 du décret n° 2016-360 du
25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Une publicité contre-productive
Les mentions figurant dans les AAPC peuvent être de nature à faire obstacle à une réelle
concurrence selon qu’elles sont contradictoires ou apparaissent trop contraignantes pour les
entreprises susceptibles de candidater.
6
«
Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de
la consultation notamment parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en
matière sociale et environnementale
. »
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-27-
Ainsi concernant le marché de fournitures administratives passé en 2016, la chambre
observe dans un premier temps que l’AAPC prévoit un délai contradictoire de « maximum 10
(quinze) jours » de livraison à compter de la date fixée par l’ordre de service qui prescrira de
commencer la livrai
son. Seulement cinq entreprises ont répondu à l’appel d’offres, toutes ayant
leur siège à Mayotte et ce malgré un délai de deux mois ouvert pour candidater. L’absence de
candidatures d’entreprises hors département peut être liée à un délai trop court de li
vraison
exigé par le règlement de consultation, qui est pondéré à 25 % dans les critères de jugement des
offres.
Le même constat peut être fait concernant le marché de fournitures d’entretien où
seulement trois entreprises mahoraises ont répondu à l’appel
à la concurrence. Dans ce marché,
le règlement de consultation prévoit un délai de livraison de 10 jours ; ce critère est pondéré à
30
%. La chambre observe que ce délai, de nature à restreindre la concurrence, n’est au
demeurant pas exigé par la collectiv
ité au stade de l’exécution du marché.
À
titre d’exemple,
une commande passée par la commune le 5 décembre 2016 à la société G
a fait l’objet d’une
livraison plus d’un mois après, soit bien au
-delà du délai de livraison de 10 jours ; aucune
pénalité de ret
ard n’a été mise à la charge du fournisseur en dépit des dispositions du cahier des
clauses administratives particulières de ce marché.
Eu égard à l’objet de ces marchés, un délai de livraison adapté aux spécificités locales
pourrait être envisagé pour permettre aux entreprises de répondre.
2.2.2.2
La sélection des offres
Le processus de sélection des entreprises comporte nécessairement deux étapes, d’abord
la sélection des candidatures, qui consiste à apprécier, de manière globale, les capacités
professionnelles, techniques, et financières des entreprises soumissionnaires, et ensuite la
sélection des offres, qui consiste en l’analyse des propositions au regard du cahier des charges,
selon des critères de jugement annoncés dans l’avis d’appel public à la concurren
ce et le
règlement de la consultation. L’examen des rapports d’analyse des offres de l’échantillon a
révélé des irrégularités commises par les services instructeurs, de nature à fausser la
concurrence.
L’adéquation des notes attribuées au offres des candidats et la réalité de leur proposition
soulèvent des remarques. À
titre d’exemple, la passation du marché de collation scolaire
s’effectuait au regard de la valeur technique de l’offre (60 points) et du
prix (40 points). La
société O a bénéficié du lot n°
3 en ayant fourni l’offre économiquement la plus avantageuse
classée au 1
er
rang. La chambre observe néanmoins que si le critère de la valeur technique,
pondéré à 60, est détaillé en six sous critères, l
e rapport d’analyse des offres ne permet pas de
connaître les motifs d’attribution des notes à chaque candidat ; la société
O a ainsi obtenu 10/10
à tous les sous-
critères et obtient le marché, bien qu’elle ait présenté le prix unitaire le plus
élevé. Dans tous les cas, la procédure de consultation de ce marché est irrégulière dès lors que
c’est la CAO de la commune et non celle de la caisse des écoles qui a attribué ce marché.
Pour le marché d’assistance sur la maison des jeunes et de la culture (MJC) de
M’Gombani attribué au Cabinet
X, le procès-verbal de la CAO fait apparaître le choix du
candidat retenu sans qu’aucune analyse des offres ne soit présentée. Les conditions d’attribution
de ce marché n’ont pu être examinées en l’absence de production du dossier de l’autre société
candidate. Le scénario produit par le cabinet X
à l’appui de son offre correspond en tous points
au contenu de la mission attendue.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-28-
Le marché d’assistance à la collecte des ordures confiés au cabinet susmentionné
soulève des remarques. Début juillet 2015, date de remise des plis, cinq offres ont été
réceptionnées par l’acheteur
; le mémoire technique remis par la collectivité concernant la
société attributaire est une version du 26 octobre 2016, postérieure à la signature du marché.
Sur ces cinq offres, des écarts de prix ont été relevés, deux propositions étant au-dessus du seuil
des 209 000
€. Dans son analyse des offres, la commune écarte les deux offres
, des montants
respectifs de 647 395
€ et 472
100
€,
en leur attribuant la note de zéro
; l’AAPC ne fixant pas
de prix maximum à la consultation, ces offres ne sont pas irrégulières. Compte tenu de l’absence
d’évaluation du besoin par la collectivité, celle
-
ci aurait dû recourir à un appel d’offres et non
à une procédure adaptée.
L’offre de la société
L est rejetée car la proposition financière effectuée est sur 12 mois
au lieu de 24 comme demandé dans le règlement de consultation. Dans ce cas, l’offre devait
être rejetée au stade de sa recevabilité, conformément à l’article 35
du code des marchés publics
et à l’article 8.2 du règlement de consultation, et non au stade l’analyse pour se voir attribuer la
note de 0.
Les modalités d’attribution des offres sont fixées par le règlement de consultation à 10
pour la valeur technique et 10 pour le prix soit 50 % de pondération pour chaque critère. Les
modalités de calcul du prix ne paraissent pas adéquates : la commune a retenu pour le calcul du
prix la formule suivante : 10-((offre*10)/offre minimale)-10)=note. Pour les sociétés qui ont
présenté une offre avec un important écart de prix, cela revient à leur attribuer une note
négative ;
les formules de notation permettant l’octroi de notes négatives o
u supérieures à la
note maximum peuvent donner lieu à des contentieux
7
. Dans son guide sur les prix, la direction
des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances conseille d’utiliser à cet effet
la formule la plus répandue parmi les méthodes proportionnelles : Note sur 10 = (prix le plus
bas/prix de l’offre examinée) x 10. Elle considère que c’est la méthode la plus simple et la plus
neutre car elle octroie à l’offre recevable la plus basse la meilleure note, les autres offres étant
notées proportionnellement à celle-
ci. La chambre observe que c’est la méthode usuellement
pratiquée par la collectivité dans la passation de ses marchés. En l’espèce, l’application de cette
méthode aurait conduit à attribuer la note de 10/10 à X, 8,01 à P (et non 7,6), 3,3 à Q et 2,4 à
R.
Si l’offre d’
X
d’un montant de 157
935
€
est la moins-disante, la décomposition de son
prix révèle
qu’elle englobe pour le volet communication
,
d’un coût estimatif de 34
580
€
,
uniquement les prestations intellectuelles à l’exclusion des supports de communication tels les
spots radio, les dépliants, affiches, magnets et autres badges, dont le coût global est évalué à
10 000
€
8
. Or le
CCAP et l’acte d’engagement prévoyai
ent que, pour le volet
sensibilisation-communication, le mémoire technique devait comprendre une proposition
financière incluant les prestations intellectuelles, le coût des insertions presse et les livrables
réalisés ainsi que le coût des évènementiels. Dès lors, compte tenu du caractère global et
forfaitaire du prix
, de l’absence de variante autorisée et autre option,
du caractère indissociable
des prestations intellectuelles et des supports de communication pour réaliser ce volet, non
seulement
l’offre de prix n’était pas conforme au règlement de la consultation
mais l’offre était
incomplète au regard de l’objet du marché
.
7
CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe, n° 362532
8
La société présente également une option à 9 000
€ sans les badges.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-29-
Concernant la valeur technique des offres, il est observé que la société P a obtenu 4/3
au sous critère organisation ; le dernier sous-
critère noté sur 3 points a pour objet d’évaluer «
la
motivation et l’explication de la proposition chiffrée
», ce critère parait surpondéré et
insuffisamment détaillé. La société P a obtenu la note de 3/3 alors que sa proposition financière
n’est pas détaillée entre les missions de contrôle de collecte, communication et assistance, la
dernière rubrique cumulant la totalité de l’offre à 64
7
395 €.
P
n’obtient que la note de 2/3 alors
que sa proposition financière est motivée et différenciée. En tous les cas, le rapport d’analyse
des offres ne mentionne aucune remarque permettant d’apprécier la notation des candidats et
justifier les écarts de notation. Le procès-
verbal d’attribution, non signé, n’est pas da
vantage
explicite. Il est coché la case « élimination des offres
» alors qu’aucune offre n’a été déclarée
irrégulière.
Concernant le marché passé avec la société B, plusieurs irrégularités caractérisent la
procédure de passation de ce marché. Outre la circonstance que la compétence collecte
appartient depuis 2016 à la CADEMA, la procédure de passation a été effectuée par la
cabinet X
, sans bénéficier d’une convention d’assistance à maitrise
d’ouvrage. La convention
d’assistance, contrôle et communication des marchés de
collecte des ordures ménagères, et
notamment son article 5, ne prévoit pas une telle délégation en matière de rédaction des pièces
contractuelles et analyses des offres.
C’est
aussi ce cabinet qui a signé le document attestant de
la livraison des marchandises et le suivi des travaux.
Dans ce marché, l’offre de la société
A a été jugée irrecevable au motif de dépassement
du seuil de 208
999 € pour les procédures adaptées, et de
présentation de deux conteneurs semi
enterrés, alors que les variantes étaient autorisées dans le règlement de la consultation. La
chambre observe que compte tenu de l’objet de la prestation qui concerne des fournitures avec
pose, l’entreprise pouvait estimer présenter une offre dans le cadre d’un marché de travaux.
Bien que l’analyse des offres soit complète et détaillée, le prix proposé par la société
B parait
anormalement bas par rapport aux propositions des autres candidats, étant deux fois moins élevé
que la proposition de la société S et 3,7 fois moins élevé que la proposition de la société A. La
chambre observe que l’offre de
B
pour l’importation depuis la métropole et la pose de quinze
conteneurs semi enterrés est de 74
670 €, soit moins de 5
000
€ par conteneur. Selon l’article
53 de l’ordonnance n° 2015
-
899 du 23 juillet 2015, lorsqu’une offre semble anormalement
basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur
le montant de son offre. Aucune précision ne semble avoir été demandée à la société B sur le
contenu de son offre financière. En dépit de ces écarts de prix significatifs, la société X
n’a pas
alerté la commune
sur les risques d’attribution du contrat à ce prestataire
.
Les méthodes de notation d
es offres n’assurent pas une sélection de l’offre
économiquement
la plus avantageuse. Ainsi pour le marché d’étude confié à
D, les critères de
jugement des offres étaient le prix (60 %) et la pertinence de la note méthodologique (40 %).
Seulement trois entreprises ont remis une offre, le 7 avril 2015 : D, T et U. T
a présenté l’offre
la moins-disante en termes de prix mais obtient la note la plus basse en terme de capacité
technique. Alors que D
n’a pas de références en rénovation scolaire, ce dernier obtie
nt la même
note que les autres candidats ; ceux-
ci n’obtiennent que la note de 0,75 alors que la collectivité
indique qu’ils ont des références solides et ont déjà travaillé avec le SMIAM. Dès lors que
seulement 0.17 point distingue les offres d’
D et T
, l’
attribution de la même note en termes de
références a conduit à attribuer le marché à D
, lequel n’a «
pas les références souhaitées ».
Néanmoins, l’offre du candidat
T communiquée par les services communaux à la chambre ne
contient aucun document établissa
nt les références de ce bureau d’étude
; est seulement
présentée une « note méthodologique » succincte de six
pages. Concernant l’offre du candidat
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-30-
retenu, il s’agit d’un mémoire méthodologique de 13 pages, dont la moitié composée des CV
détaillés des trois personnes composant ce bureau. Les références sont limitées et ont seulement
trait à des travaux sur réseaux d’eau avec le SIEAM. La description des moyens est sommaire.
À
l’inverse, le mémoire technique, complété d’un dossier de présentation, du bureau d’études
U est complet. Il méritait notamment la note de 1 en références. Néanmoins, eu égard à la
pondération du prix et à l’attribution de minimum 0
,25 point par sous-critère technique
(correspondant à des moyens insuffisants), le bureau d’études
U ne pouvait obtenir le marché
même avec l’attribution de seulement
un point aux autres BET sur la valeur technique.
L’appréciation des offres par la collectivité apparaît parfois critiquable. Les modalités
de sélection et de jugement des offres dans le cad
re du marché de traiteur n’appellent pas
d’observations particulières
: les critères de sélection sont détaillés, celui relatif à la valeur
technique (60 %) est divisé en quatre sous-critères eux-mêmes pondérés
; l’analyse des offres
est détaillée et perme
t de contrôler les motifs d’attribution des notes aux candidats. La chambre
observe néanmoins des anomalies quant au jugement des candidats sur la valeur technique de
leur offre : le traiteur I
obtient la note de 97,5 %, les appréciations révélant qu’il s’agit d’un
professionnel notoire dont les moyens logistiques dépassent les besoins de la ville ;
l’entreprise
H obtient la note de 77 % sur la valeur technique alors que les appréciations révèlent
des lacunes dans son offre et se bornent à relever qu’il s’agit d’une entreprise « en pleine
expansion ». Dans la mesure où quatre candidats devaient être retenus et seulement deux ont
répondu à l’appel d’offres, ces anomalies sont à relativiser. Néanmoins, la décision de la
collectivité de retenir l’offre de
H, malgré son irrégularité,
est d’autant plus surprenante qu’en
dépit de la notification du marché aux entreprises, celui-ci ne figure pas dans la liste des marchés
transmise par la collectivité et n’a jamais été exécuté.
Au vu de ce qui précède, la chambre invite la commune à attribuer les marchés à l'offre
économiquement la plus avantageuse en application de l'article 62 du décret n° 2016-360 du
25 mars 2016
relatif aux marchés publics au terme d’une appréciation objective et impartiale
de l’ensemble des offre
s recevables.
2.2.3
L’exécution des contrats
Le suivi de l’exécution des marchés de travaux de rénovation des écoles et des marchés
de fournitures et de services a été mal assuré par la commune.
2.2.3.1
Les travaux dans les écoles
Suite à la dissolution du SMIAM, la commune a retrouvé sa pleine compétence en
matière de construction et rénovation des écoles maternelles et primaires ; la collectivité a
l’obligation de continuité de service par transfert des marchés passés via la conclusion d’un
avenant de changement de
maître d’ouvrage. C’est le cas en particulier pour la reprise du
marché des travaux pour la réalisation du groupe scolaire Tsoundzou I T18 et T6 (devenu
I T24).
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-31-
Parallèlement, la collectivité a lancé un plan pluriannuel de rénovation des écoles qui
ne concerne que onze écoles sur quelques secteurs seulement : école maternelle T9 de Kaweni,
école maternelle T9 de Doujani, le groupe scolaire de MGombani, les écoles élémentaires de
Cavani sud 1 et sud 2, les écoles maternelle et école élémentaire de Passama
inty stade, l’école
élémentaire de Mtaspéré Bonovo, les écoles maternelles de Vahibé, Jardin Fleuri, et Cavani
Sud.
Le cas du groupe scolaire Tsoundzou I T24
Pour la continuation de cette opération divisée en 17 lots, la collectivité a poursuivi les
marchés passés par le SMIAM en 2009, 2011 et 2012 pour les lots 2 à 11 et 14, et a publié un
AAPC le 16 février 2016 pour la réattribution des lots 12 à 17 en procédure adaptée. Aucun
élément n’a permis de déterminer les motifs d’une procédure différenciée entr
e les premiers et
les derniers lots de cette opération, ces derniers ayant aussi fait l’objet d’un commencement
d’exécution avec le SMIAM.
Concernant la poursuite des lots conclus avec le SMIAM, la possibilité de recours aux
avenants pour poursuivre les tr
avaux a été méconnue par la commune. L’article 20 de l’ancien
code des marchés publics indiquait que le montant cumulé des avenants ne devait pas engendrer
un bouleversement de l’économie du marché, dont le seuil a été fixé à 15
% par les
jurisprudences.
Au-delà,
les
acheteurs
publics
pouvaient
recourir
à
un
« marché
complémentaire », négocié sans publicité ni mise en concurrence, qui permettait une
augmentation allant jusqu’à 50
% du montant initial du marché.
L’article 139
-6° du décret du 25 mars 2016
crée un seuil précis d’encadrement
:
désormais, les avenants dont le montant est inférieur à 15 % (pour les marchés de travaux) et
10 % (pour les marchés de fournitures et de services) du montant du marché, sont en toutes
circonstances réputés légaux. S’i
l est possible de conclure des marchés complémentaires selon
la procédure négociée sans publicité et sans mise en concurrence dans le secteur d’achat des
fournitures, pour les travaux ou services, on ne parle plus de marché complémentaire mais
d’avenant supplémentaire au marché initial. L’encadrement des avenants a pour objet
d’empêcher la modification substantielle du contrat qui impliquerait une remise en concurrence
des entreprises évoluant sur le marché.
S’agissant de l’école Tsoundzou T 24, les avenant
s sur certains lots ont souvent pour
effet d’augmenter le montant du marché, par l’intégration de prestations ou de produits
supplémentaires au marché et pour un montant significatif. Certains avenants ont augmenté
jusqu’à 50
% le montant initial du marché, sur les lots de plomberie, de menuiserie intérieure,
de peinture et d’assainissement. Outre des irrégularités tenant à leur montant, des avenants
souffrent d’irrégularités entachant leur validité à raison de défaut de signature par les membres
de la CAO
ou par l’ordonnateur.
La chambre observe par ailleurs qu’un «
marché valant cahier des charges » a été passé
en octobre 2017 avec la société V pour la reprise du lot 6 relative à la réalisation des faux
plafonds pour un montant de 71 394
€. Ce marché étai
t confié à la société W, pour un montant
initial de 126 000 € et aucune pièce au dossier n’établit que ce marché a pris fin ni a été
réceptionné. Il s’agit d’une reprise de lot de gré à gré par la commune en octobre 2017 sans
publicité ni mise en concurrence.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-32-
S’agissant des lots relancés par la commune, la chambre observe que pour le lot 12
relatif aux travaux de métallerie, la CAO consultée s’est écartée de la proposition du maitre
d’oeuvre dans le rapport d’analyse désignant l’offre de l’entreprise
C comme économiquement
la plus avantageuse. Elle a décidé d’attribuer le marché au deuxième dans l’ordre,
l’entreprise
Y, au motif que
l’entreprise
C accusait de nombreux retards sur des marchés en
cours.
Pourtant, si la collectivité semble avoir été vigilante quant au relancement de ces
marchés afin de se voir livrer le groupe scolaire, il apparaît que peu après la notification, de
nombreux avenants ont été passés, pour des montants parfois significatifs dépassant les 25 %.
Dans ces conditions, la chambre reco
mmande à la collectivité de s’attacher à mieux maîtriser
l’analyse préalable des besoins ainsi que les phases de conception et d’exécution des travaux,
afin de limiter le recours aux avenants.
Alors que le délai de livraison de ces travaux relancés par la commune était de 10 mois,
conformément aux actes d’engagement, le groupe scolaire n’est toujours pas livré en
juillet
2018, et accuse près d’une année de retard. En application des dispositions combinées du CCAP
et de l’article 20 du CCAG travaux auquel ce
lui-ci renvoie sans y déroger, la collectivité est
fondée à réclamer des pénalités du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre.
Ces pénalités journalières sont fixées à 1/3000 du montant de l'ensemble du marché
éventuellement modifié par avenant. À
ces pénalités s’ajoute celle forfaitaire prévue par le
CCAP de 1/1000 du montant du marché en cas de non-
respect de la date limite d’achèvement
ou du délai d’exécution des travaux.
A titre d’exemple, pour l’exécution du lot 13 «
clôture » signé le 24 juin 2016 avec la
société Y
, l’article 3 de l’acte d’engagement fixe le délai d’exécution à 10 mois. L’ordre de
service de démarrage des travaux notifié le 8 juillet 2016 prévoit un commencement
d’exécution le 11 juillet suivant. Compte tenu du délai de 10 mois, et des 15 jours d’intempéries
réputées prévisibles, les travaux devaient être exécutés le 26 mai 2017. Au regard du montant
total du marché fixé à 121 134
€ après avenant, au 26
juillet 2018 la commune peut donc
prétendre à 427 pénalités journalières, soit 17 241
€, auxquelles s’ajoute la pénalité forfaitaire
de 121
€, représentant un total de
17 362
€.
La mise en œuvre de la programmation pluriannuelle
Concernant le plan pluriannuel de rénovation des écoles, un marché de maîtrise d’œuvre
de quatre lots a été passé en 2017 pour un montant de 3 840 000
€. Alors qu’aucuns travaux
n’ont fait l’objet de publication à ce jour, des travaux de clôture, menuiseries intérieure
s et
extérieures, électricité et plomberie ont été effectués dans le groupe
scolaire de M’Gombani
(lot 1) pour un montant de 308 041
€ en
2016. Pareillement, des travaux de rénovation de
carrelage d’une salle de classe, rénovation et réparation de sanitaires, réhabilitation du réfectoire
au niveau peinture, électricité et soudure dans les écoles élémentaires Cavani sud 1 et Sud 2 ont
été réalisés en dehors des lots 2 et 4 qui y pourvoient.
De manière générale sur l’année 2017, des bons de commandes ont été passés pour des
travaux dans les écoles, en dehors de toute procédure de mise en concurrence, notamment pour
des travaux dépassant un montant de 25 000
€. La totalité des achats passés selon ce procédé
s’élève à plus de 700
000
€.
À
titre d’exemple, des travaux de rénovation d'un sanitaire,
réhabilitation des deux salles de classe de l'école Primaire et la réalisation de deux points d'eau
dans deux salles de classe, réhabilitation électrique de la salle de réfectoire maternelle de
Tsoundzou 2, ont été attribués à la société Z pour un montant de 29 705
€.
COMMUNE DE MAMOUDZOU
-33-
Des prestations concernent des opérations de rénovation des sanitaires, dont la totalité
des bons de commande en 2017 s’élèvent à plus de 274
000 €. La collectivité a fait valoir une
situation d’urgence nécessitant une intervention sans délai lors de la re
ntrée scolaire 2017, eu
égard à l’insalubrité des locaux et aux mécontentements des usagers, conformément à
l’adoption d’une enveloppe budgétaire de 500
000 € par le maire pour faire face à ces besoins
urgents. Néanmoins, il a pu être observé que certaines lettres de commande intervenaient sur
des marchés lancés ou en cours de programmation. À tout le moins, ce procédé révèle un défaut
d’anticipation et une méconnaissance de la collectivité de ses besoins les plus urgents, alors que
le plan de rénovation a
été adopté dès novembre 2015 sans que les marchés de travaux n’aient
encore été lancés.
Enfin, l’examen des bons de commandes communiqués à la chambre, lesquels ne sont
pas exhaustifs, révèlent près de 15
000 € de fournitures de plomberie qui s’ajoutent au
x marchés
de rénovation des sanitaires déjà évoqués. La collectivité a fait part de ses réflexions concernant
la passation d’un marché de fournitures de plomberie et
la réalisation de ces travaux en régie, à
l’instar des interventions d’ores et déjà effect
uées dans les écoles par les services communaux.
2.2.3.2
Les marchés de fournitures et de services
L’exécution des marchés de fournitures et de services ne fait pas l’objet d’un suivi
rigoureux tant au niveau des délais que des prestations.
S’agissant de l’exécution du marché passé relatif à l’acquisition de camions et véhicules,
les lots 1 et 2 relatifs à l’acquisition d’un camion 26T et de deux camions 10T auprès de la
société AA, pour des montants respectifs de 308 000
€ et 116
500
€, n’avaient pas été mandat
és
au 15 février 2018 alors que les dépenses ont été engagées sur le budget 2017. Les actes
d’engagements de ces deux lots ont été signés par le maire le 28 décembre
2016, avec des délais
de livraison de neuf mois hors décembre et août, à compter de la notification du bon de
commande. Les pièces communiquées à la chambre attestent de bons de commandes signés fin
mars 2017 et reçus par le titulaire le 15 mai 2017. Une erreur de rédaction a dû se glisser dans
ces bons de commande qui indiquent une notification du marché début décembre 2017, soit
plus de sept mois après leur réception par le titulaire.
Certaines conventions ne prévoient aucune durée du marché en méconnaissance des
dispositions de l’article 39 de l’ordonnance
du 23 juillet 2015
et de l’article 1
6 du décret du
25 mars 2016
, à l’instar de la convention conclue avec le cabinet
X concernant une mission
d’accompagnement à l’anticipation de la requalification de la voirie de Mamoudzou. Cette
convention n’est au demeurant pas datée.
Concernant le march
é d’assistance à la collecte, aucun bilan ou compte rendu de la
mission réalisée en cours ou fin de celle-ci ne semble avoir été réalisé contrairement aux
stipulations de
l’article 11 de la convention, ce qui a été confirmé par le directeur de la
commande publique.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
-34-
Enfin, la commune a sollicité un cabinet d’avocat fin août
2016 afin de réaliser une
contre-
expertise de l’analyse effectuée par le cabinet
X, en détaillant les avantages et
inconvénients des scénarios proposés, et de vérifier la sécurité
juridique de la proposition d’
X
quant à la gestion de la MJC par une association, pour des honoraires de 4
000 €, Cette
prestation aurait pu être inclue dans la mission de conseil initiale, ou bien être traitée par le
service juridique de la collectivité à réception des travaux.
_______________________________ CONCLUSION ______________________________
L’article 1 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 consacre la liberté d’accès à la
commande publique, l’égalité de traitement des candidats, et la transparence des procédures
comme les principes fondamentaux de la
commande publique. Ils permettent d’assurer
« l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».
L’organisation interne de la commune devra veiller d’une part, à l’efficience de la fonction
achat et d’autre part, à garantir
la sécurité juridique des procédures suivies.
En termes de dépenses de fonctionnement courantes, la commune doit également veiller
à mettre en place une cartographie des achats afin de recenser ses besoins et optimiser ses
dépenses. Celles de fourniture
s ou de prestations, notamment, doivent faire l’objet d’un seul
marché couvrant plusieurs exercices.
En termes de dépenses d’investissement, les réflexions doivent porter sur les choix des
acteurs
9
et les modalités de passation et d’exécution des marchés dans le cadre d’une
programmation pluriannuelle. Ces démarches permettront de veiller à la sécurité juridique des
actes correspondants ; elles faciliteront la réception des travaux selon les règles fixées sur le
plan technique et les délais contractuels.
9
Maître d’œuvre, assistance à maîtrise d’ouvrage.
Les publications de la chambre régionale des comptes
Mayotte
sont disponibles sur le site :
www.ccomptes.fr/fr/crc-la-reunion-et-mayotte