1
Cour de discipline budgétaire et financière
Formation plénière
Arrêt du 26 juin 2017 «
École nationale supérieure Louis Lumière
»
N° 214-758
--------------
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
---
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
siégeant à
la
Cour des comptes, en audience publique, a rendu l
’
arrêt suivant
:
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1
er
de son livre III, relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code des marchés publics alors en vigueur ;
Vu le décret n° 91-602 du 27 juin 1991 relatif à l
’
École nationale supérieure
Louis Lumière ;
Vu l
’
arrêté du 10 avril 1995 fixant les modalités du contrôle financier de l
’
École
nationale supérieure Louis Lumière ;
Vu la communication du 27 novembre 2014, enregistrée le même jour, par laquelle le
président de la troisième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près
la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la
décision, prise par ladite chambre, de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière
des faits laissant présumer l
’
existence d
’
irrégularités susceptibles de constituer des infractions
passibles des sanctions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions
financières, concernant la gestion de l
’
École nationale supérieure Louis Lumière (ENSLL),
ensemble les pièces à l
’
appui de cette communication ;
Vu le réquisitoire du 12 février 2015 par lequel le procureur général a saisi de cette
affaire le
président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 19 février 2015, par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Alain Levionnois, alors conseiller
référendaire à la Cour des comptes ;
2
Vu la lettre du 5 octobre 2015 du procureur général, ensemble l
’
avis de réception de
cette lettre, par laquelle, conformément aux dispositions de l
’
article L. 314-4 du code des
juridictions financières alors en vigueur, a été mise en cause au regard des faits de l
’
espèce :
Mme Francine X..., directrice de l
’
École nationale supérieure Louis Lumière depuis le
1
er
mai 2007 ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du
6 juillet 2016 transmettant au procureur général le dossier de l
’
affaire, après dépôt du rapport
de M. Levionnois, en application de l
’
article L. 314-4 du code des juridictions financières alors
en vigueur ;
Vu la lettre du procureur général du 20 octobre 2016 informant le président de la Cour
de discipline budgétaire et financière, après communication du dossier de l
’
affaire, de sa
décision de poursuivre la procédure en application de l
’
article L. 314-4 du code des juridictions
financières alors en vigueur ;
Vu les lettres du 25 octobre 2016 par lesquelles, en application de l
’
article L. 314-5 du
code des juridictions financières alors en vigueur, le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier de l
’
affaire au ministre de l
’
économie et
des finances ainsi qu
’
à la ministre de l
’
éducation nationale, de l
’
enseignement supérieur et de
la recherche ;
Vu la décision du procureur général du 20 janvier 2017 renvoyant Mme X... devant la
Cour, en application de l
’
article L. 314-6 du code des juridictions financières alors en vigueur
ainsi que la lettre du même jour envoyée par lui à l
’
intéressée pour l
’
informer de sa décision ;
Vu la lettre recommandée adressée le 25 janvier 2017 par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière à Mme X... lui transmettant la décision de renvoi du
procureur général ; l
’
avisant qu
’
elle pouvait prendre connaissance du dossier de l
’
affaire et
produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l
’
article L. 314-8 du code des
juridictions financières alors en vigueur ; et la citant à comparaître le 7 avril 2017 devant la
Cour, ensemble l
’
avis de réception de cette lettre ;
Vu les lettres recommandées adressées le 6 mars 2017 et le 4 avril 2017 par la greffière
de la Cour de discipline budgétaire et financière à Mme X..., la citant à comparaître le
28 avril 2017 puis, après rectification, le 12 mai 2017 devant la Cour, ensemble les avis de
réception de ces lettres ;
Vu le mémoire en défense produit par Maîtres Latournerie et Brillat pour Mme X..., le
12 avril 2017, ensemble les pièces à l
’
appui ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport d
’
instruction de M. Levionnois ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en
application de
l’
article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l
’
article L. 314-12
du code des juridictions financières ;
Entendu en leurs plaidoiries, Maîtres Latournerie et Brillat pour Mme X..., Mme X...
ayant été invitée à présenter ses explications et observations, la défense ayant eu la parole en
dernier ;
Après en avoir délibéré ;
3
Sur la compétence de la Cour
1.
Considérant qu
’
aux termes de l
’
article L. 312-1 du code des juridictions financières,
sont notamment justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière les fonctionnaires
et agents de l
’
État et de ses établissements publics, ainsi que tout représentant, administrateur
ou agent des autres organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des comptes ;
2.
Considérant que
Mme
X..., directrice d’un établissement public de l’État régi par les
dispositions du décret n°
91-602 du 27
juin
1991 susvisé,
est justiciable de la Cour en cette
qualité
;
Sur l
’
absence d
’
avis du ministre de l
’
économie et des finances et de la ministre de
l
’
éducation nationale, de l
’
enseignement supérieur et de la recherche
3.
Considérant que l
’
absence de réponse du ministre de l
’
économie et des finances et de la
ministre de l
’
éducation nationale, de l
’
enseignement supérieur et de la recherche aux demandes
d
’
avis formulées le 25 octobre 2016 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en
application de l
’
article L. 314-5 du code des juridictions financières
en vigueur jusqu’au
30 avril 2017 ;
Sur la prescription
4.
Considérant qu
’
aux termes de l
’
article L. 314-2 du code des juridictions financières :
«
La Cour ne peut être saisie après l
’
expiration d
’
un délai de cinq années révolues à compter
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l
’
application des sanctions prévues
par le présent titre.
» ;
5.
Considérant que les faits présomptifs d
’
irrégularités qui sont visés par la décision de
renvoi ont été portés à la connaissance du ministère public près la Cour de discipline budgétaire
et financière par la communication susvisée du 27 novembre 2014 du président de la troisième
chambre de la Cour des comptes ; qu
’
il en résulte que les faits postérieurs au 27 novembre 2009
ne sont pas couverts par la prescription de cinq ans ;
I.
Sur le respect des règles relatives au contrôle financier de l
’
École nationale
supérieure Louis Lumière
Sur les faits
6.
Considérant qu
’
aux termes de l
’
article 6 de l
’
arrêté interministériel du 10 avril 1995
fixant les modalités du contrôle financier de l
’
École nationale supérieure Louis Lumière, en
vigueur au moment des faits, devaient être soumis au visa préalable du contrôleur financier les
marchés, conventions, contrats, commandes, baux, dont le montant dépassait la moitié du seuil
fixé à l
’
article 123 du code des marchés publics, soit, dans la rédaction de ce code en vigueur
au moment de la publication de cet arrêté, 150 000 francs (22 868
€ TTC
; 19 120
€
HT) ;
7.
Considérant que la directrice de l
’
ENSLL a engagé au cours des années 2010 à 2012,
sans visa du contrôleur financier de cet établissement public, les dépenses suivantes :
-
l
’
achat en juillet 2010, pour un montant de 20 800
€
HT, de prestations d
’
acousticien
conseil en vue de la définition d
’
un cahier des charges acoustique des locaux de
l
’
ENSLL, alors en construction ;
4
-
la commande, le 20 juillet 2010, à un groupement de trois entreprises, de prestations de
maîtrise d
’œuvre des travaux d’
aménagement de la partie, dite de la « zone son » des
locaux de l
’
ENSLL, pour un montant de 36
825 € HT
;
-
la commande, par un ordre de service daté du 18 juillet 2011, de travaux d
’
aménagement
de la « zone son » des locaux de l
’
ENSLL, pour un coût total de 690 242,12
€
HT, à
trois sociétés ;
-
la fourniture et l
’
installation d
’
équipements audiovisuels et mobiliers spécifiques, par
un marché alloti, notifié en janvier 2012, pour un montant total de 1 383 102
€ HT
;
-
la fourniture et l
’
installation d
’
équipements audiovisuels et mobiliers spécifiques,
commandés en mai 2012 aux sociétés
Marechal Electric
,
pour 70 348 € HT
, et
E.E.S
.,
pour 66 675,04
€ HT
, et en juillet 2012 à la société
FL Décors
,
pour 41 256 € HT
;
-
l
’
acquisition d
’
équipements et de fournitures informatiques présentant un caractère
homogène : entre le 10 mai et le 14 décembre 2011 à la société
Apple Sales
International
, pour 23 023
€
HT, entre le 10 mai et le 12 juillet 2012 à la société
Dell SA
, pour 57 403
€
HT, et entre le 5 juin et le 22 octobre 2012 à la société
France Systèmes
, pour 12 608,35
€
HT ;
-
l
’
achat le 31 janvier 2012 à la société
ARRI
d
’
une caméra numérique et ses accessoires,
pour un montant de 68 265,50 € HT
;
Sur la qualification juridique des faits et l
’
imputation des responsabilités
8.
Considérant que Mme X... a signé les conventions et les accords par lesquels l
’
ENSLL
s
’
engageait vis-à-vis de fournisseurs, qu
’
elle en a visé les factures, sans que ces engagements
de dépenses aient été soumis au visa préalable du contrôleur financier de l
’
ENSLL ; qu
’
elle
porte ainsi la responsabilité directe des engagements de dépenses relatifs à ces opérations ;
9.
Considérant qu
’
en procédant à l
’
engagement de dépenses, sans avoir préalablement
obtenu le visa du contrôleur financier, pour des achats dont le montant excédait le seuil prévu
par l
’
arrêté interministériel du 10 avril 1995 précité, Mme X... a commis une infraction aux
règles mentionnées à l
’
article L. 313-1 du code des juridictions financières et engagé sa
responsabilité sur ce fondement ;
II.
Sur le respect des règles relatives à la commande publique
10.
Considérant que l
’
École nationale supérieure Louis Lumière est un établissement public
de l
’
État, à ce titre soumis à la règlementation des marchés publics, tel qu
’
elle résultait au
moment des faits déférés à la Cour, du décret n° 2006-975 du 1
er
août 2006 ;
11.
Considérant
qu
’
une
note
interne,
établie
par
la
directrice
de
l
’
École
le
11 septembre 2007, a défini les modalités de la consultation des entreprises en matière de
procédures adaptées, en imposant, pour les achats unitaires compris entre l
’
ancien seuil des
marchés passés sous forme écrite, soit 4
000 €, et 30
000 € HT, la production de trois devis, et
à défaut, en cas de production de deux devis seulement, de faire certifier la procédure par
l
’
ordonnateur de l
’
établissement public ; que cette instruction envisageait l
’
hypothèse d
’
une
absence de mise en concurrence, qui devait alors faire l
’
objet d
’
une justification explicite ;
qu
’
au-delà de 30
000 € et jusqu’
à 67
500 € HT, l’
instruction du 11 septembre 2007 exigeait une
publicité sur le portail Internet de l
’
École, ainsi qu
’
une publication au bulletin officiel des
marchés publics ou dans un journal d
’
annonces légales ;
5
Sur les faits, leur qualification juridique et l
’
imputation des responsabilités
II-1. Sur les prestations de maîtrise d
’œuvre
et les travaux d
’
aménagement de la « zone
son »
12.
Considérant que l
’
ENSLL a conclu, le 20 juillet 2010, une convention de maîtrise
d
’œuvre avec
un groupement de trois entreprises pour la réalisation de prestations de maîtrise
d
’œuvre des travaux d’
aménagement de la « zone son » des locaux de l
’
ENSLL au sein de la
Cité du cinéma ; que le montant des prestations commandées par ce contrat était de
36 825
€
HT, dont 28
825 € au titre de la tranche ferme et 8
000 € pour une tranche
conditionnelle ;
13.
Considérant que cette commande, qui a bien revêtu une forme écrite, pouvait faire
l
’
objet d
’
un marché passé selon une procédure adaptée (MAPA), au sens de l
’
article 28 du code
des marchés publics dans sa rédaction alors applicable, sous condition de faire l
’
objet d
’
une
publicité appropriée ;
14.
Considérant qu
’
en exécution de la convention de maîtrise d
’œuvre, Mme
X... a émis
sept mandats de paiement au profit du groupement pour un montant total de 34
974,81 € TTC,
soit 29
243,15 € HT, au titre de la tranche ferme, y compris les révisions de prix contractuelles
;
que la tranche conditionnelle n
’
a pas été affermie ;
15.
Considérant que l
’
ENSLL a confié les travaux d
’
aménagement de la « zone son » au
maître d
’
ouvrage de la construction de la Cité du cinéma, la société
EuropaCorp Studios
, pour
un coût de 690 242,12
€ HT
; que cette décision a fait l
’
objet d
’
un ordre de service en date du
18 juillet 2011, signé par la société
EuropaCorp Studios
, « maître d
’
ouvrage », la société
Vinci Immobilier
, « promoteur », la société
La
Nef Lumière
, « acquéreur bailleur » et l
’
ENSLL,
« preneur/locataire », représentée par sa directrice, Mme X... ;
16.
Considérant que cet ordre de service se présentait comme un acte d
’
exécution du contrat
de promotion immobilière conclu le 28 mai 2009 entre les sociétés
EuropaCorp Studios
et
Vinci Immobilier
pour la construction alors en cours de la Cité du cinéma ; qu
’
il avait pour objet
de confier au promoteur immobilier choisi par la société
EuropaCorp Studios
la réalisation de
travaux supplémentaires, nécessaires à l
’
installation de l
’
ENSLL dans les locaux et mis à la
charge de celle-ci ;
17.
Considérant que Mme X... a émis, entre décembre 2011 et avril 2013, cinq mandats de
paiement au profit de la société
EuropaCorp Studios
, pour un montant total de
825 529,57
€
TTC, soit 690 242,12
€
HT, pour le paiement de ces travaux ;
18.
Considérant que l
’
article 40 du code des marchés publics imposait notamment au
pouvoir adjudicateur de publier un avis d
’
appel public à la concurrence dans le bulletin officiel
des annonces des marchés publics ou au moins dans un journal habilité à recevoir des annonces
légales ; que, tant pour l
’
achat des prestations de maîtrise d
’œuvre que pour la réalisation des
travaux d
’
aménagement de la « zone son », aucune mesure de publicité ou de mise en
concurrence n
’
a été réalisée ; que, toutefois, en application du 8° du II de l
’
article 35 du code
des marchés publics applicable au moment des faits, les pouvoirs adjudicateurs pouvaient
conclure sans publicité ni mise en concurrence des marchés négociés ne pouvant être confiés
qu
’
à un opérateur économique déterminé notamment pour des raisons techniques ;
6
19.
Considérant que, pour des raisons tenant tant à la nature des travaux à réaliser qu
’
à la
circonstance que ces travaux devaient être effectués sur un bâtiment en cours de construction
sous la maîtrise d
’
ouvrage de la société
EuropaCorp Studios
, les prestations en cause ne
pouvaient être confiées qu
’
au maître d
’œuvre
choisi par cette société et aux entreprises retenues
par elle pour la construction de ce bâtiment ;
20.
Considérant,
par
suite, que, dans les circonstances de l
’
espèce, aucun manquement aux
règles mentionnées à l
’
article L. 313-4 ne peut être reproché à Mme X... et qu
’
il n
’
y a donc pas
lieu d
’
engager sa responsabilité sur ce fondement ;
II-2. Sur les autres marchés
Sur le marché de fournitures et d
’
installation d
’
équipements audiovisuels et
mobiliers spécifiques (dialogue compétitif)
21.
Considérant que l
’
ENSLL a choisi, pour la passation d
’
un marché alloti de fournitures
et d
’
installation d
’
équipements audiovisuels et de mobiliers spécifiques, de recourir à la
procédure de dialogue compétitif, régie par les articles 36 et 67 du code des marchés publics
alors applicable ;
22.
Considérant que l
’
avis d
’
appel à la concurrence n
’
a fait l
’
objet d
’
une publication qu
’
au
bulletin officiel des marchés publics (BOAMP), à l
’
exclusion du Journal officiel de l
’
Union
européenne (JOUE), alors que l
’
avis de marché envoyé en publication le 20 juillet 2011 faisait
mention d
’
une estimation de la valeur de 2 347 000
€
HT et que les trois lots notifiés en
janvier 2012 représentaient en prix de base un engagement total de 1 383 102
€
HT, supérieur
au seuil des marchés européens, soit 130 000
€
HT au 1
er
janvier 2012 s
’
agissant des marchés
de fournitures ;
23.
Considérant que le nombre minimum de candidatures admis à la procédure de dialogue
était fixé à deux et le nombre maximal à trois par le règlement de consultation, ce qui n
’
était
pas conforme aux dispositions de l
’
article 67 du code des marchés publics dans sa rédaction
issue du décret n° 2010-1177 du 5 octobre 2010, selon lequel : «
[…]
Le pouvoir adjudicateur
peut décider de limiter le nombre de candidats qui seront admis à participer au dialogue. Il
mentionne cette décision dans l
’
avis d
’
appel public à la concurrence. Il fixe dans cet avis un
nombre minimum de candidats admis à présenter une offre et peut également fixer un nombre
maximum. Ce nombre minimum ne peut être inférieur à trois.
[…]
Lorsque le nombre de
candidats satisfaisant aux critères de sélection des candidatures est inférieur au nombre
minimum, le pouvoir adjudicateur peut continuer la procédure avec les seuls candidats
sélectionnés
[…]
» ; que le rapport d
’
analyse des offres daté de janvier 2012 confirme que
seulement deux candidatures ont été admises à la phase de dialogue ;
24.
Considérant que le même rapport d
’
analyse des offres fait ressortir que la phase de
dialogue et celle de l
’
analyse des offres ont été conduites sans tenir compte de l
’
allotissement
initialement prévu, les deux candidats ayant concouru simultanément pour les trois lots
considérés comme de simples divisions de leur offre globale ; que la phase du dialogue n
’
a pas
fait l
’
objet de procès-verbaux, ce qui constitue un manquement à l
’
obligation de transparence
de la procédure ; qu
’
il n
’
a de surcroît été établi aucun rapport de présentation de la procédure
de dialogue compétitif ni apporté de justification sur le choix du recours à cette procédure ;
7
25.
Considérant qu
’
il n
’
a pas été établi de cahier des clauses administratives particulières,
en méconnaissance des dispositions de l
’
article 11 du code des marchés publics alors applicable,
précisant notamment les modalités de révision des prix annoncées dans le règlement de la
consultation ;
26.
Considérant qu
’
il résulte de ce qui précède que ce marché a été passé selon une
procédure de publicité et de mise en concurrence qui n
’
était pas conforme aux dispositions du
code des marchés publics applicable en juillet 2011 ;
Sur les marchés de fourniture et d
’
installation d
’
équipements audiovisuels et
mobiliers spécifiques (procédure adaptée)
27.
Considérant que, pour pallier l
’
impossibilité d
’
allouer l
’
un des lots du marché passé
après dialogue compétitif notifié en janvier 2012, l
’
ENSLL a passé trois autres marchés en
procédure adaptée concernant respectivement :
-
la fourniture de lignes et de boîtes de branchements électriques pour les éclairages
audiovisuels, marché notifié le 4 mai 2012, pour un montant de 70 348
€
HT ;
-
la fourniture et l
’
installation de deux ensembles de supports de projecteurs
suspendus, marché notifié le 9 mai 2012, pour un montant de 66 675,04
€
HT ;
-
la fourniture et l
’
installation de rideaux-cyclos pour quatre studios de prise de vue,
marché notifié le 3 juillet 2012, pour un montant de 41 256
€
HT ;
28.
Considérant que la publicité et la mise en concurrence préalable concernant ces trois
marchés s
’
est limitée à une publication de l
’
avis d
’
appel à la concurrence sur le site Internet de
l
’
École, alors que, pour les montants en cause, l
’
instruction interne du 11 septembre 2007 sur
les procédures d
’
achat en deçà des seuils des marchés formalisés prévoyait également une
publication au BOAMP ou dans un journal d
’
annonces légales, ainsi que l
’
établissement d
’
un
dossier de consultation des entreprises ;
29.
Considérant que le délai qui a séparé la publication de l
’
avis d
’
appel à la concurrence et
la date limite de remise des offres a été limité à deux semaines pour le marché attribué à la
société
Marechal Electric
et pour celui attribué à la société
E.E.S.
et à 20 jours, mais
entrecoupés de deux « ponts », pour le marché conclu avec la société
FL Décors
; que pour
chacun des trois marchés, l
’
École n
’
a reçu qu
’
une seule offre ;
30.
Considérant qu
’
il résulte de ce qui précède que la procédure de publicité et de mise en
concurrence mise en œuvre pour ces trois marchés n’
a pas été conforme à la règlementation
applicable à l
’
ENSLL et n
’
a pas satisfait aux obligations de transparence et d
’
égalité d
’
accès à
la commande publique ;
31.
Considérant, en outre, que le total des trois mandatements émis au profit de la
société
E.E.S
., à concurrence de 87 252,04
€ HT, excédait son offre retenue limitée à
66 675,04
€ HT et que le total des huit mandatements émis au profit de la société
FL Décors
, à
concurrence de 62 802
€ HT excédait également l’
offre de cette entreprise qui était de
41 256
€
HT ; qu
’
en conséquence, une partie des règlements, ordonnancés au bénéfice de ces
deux fournisseurs, est intervenue en dépassement des montants des marchés qui avaient été
acceptés ;
8
Sur les marchés d
’
équipement et de fournitures informatiques
32.
Considérant que la directrice de l
’
ENSLL a émis, entre le 10 mai 2011 et le
12 juillet 2012, 13 mandats de paiement, pour un montant total de 57 403
€
HT, au bénéfice de
la société
Dell SA
pour l
’
acquisition d
’
ordinateurs portables ou fixes ; entre le 10 mai 2011 et
le 14 décembre 2011, sept mandats de paiement, pour un montant total de 23 022,95
€
HT, au
bénéfice de la société
Apple Sales International
pour l
’
acquisition d
’
ordinateurs de cette
société ; entre le 5 juin et le 22 octobre 2012, trois mandats, pour un montant total de
12 608,35
€
HT, au bénéfice de la société
France Systèmes
, pour l
’
acquisition de serveurs ; le
31 janvier 2012, deux mandats, d
’
un montant global de 68 265,50
€
HT, au bénéfice de la
société
ARRI
, pour l
’
acquisition d
’
une caméra numérique et ses accessoires ;
33.
Considérant que l
’
acquisition de ces matériels et équipements informatiques et
électroniques auprès de ces quatre sociétés est intervenue en dehors de tout contrat écrit et de
toute mise en concurrence ;
34.
Considérant, au surplus, que dans ces différents achats le choix des entreprises
attributaires a été effectué en fonction des marques des produits qu
’
elles commercialisaient, en
contradiction avec les dispositions du IV de l
’
article 6 du code des marchés publics, aux termes
duquel : «
Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d
’
un mode ou procédé de
fabrication particulier ou d
’
une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une
marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu
’
une telle mention ou référence aurait pour effet
de favoriser ou d
’
éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits
[…]
», sauf
«
[…]
si elle est justifiée par l
’
objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une
description suffisamment précise et intelligible de l
’
objet du marché n
’
est pas possible sans elle
et à la condition qu
’
elle soit accompagnée des termes : " ou équivalent "
» ;
35.
Considérant que pour l
’
ensemble de ces opérations, Mme X..., directrice de l
’
ENSLL,
a procédé à des commandes de travaux, de prestations ou de fournitures, au profit de l
’
ENSLL,
dans des conditions irrégulières au regard des dispositions du code des marchés publics ou des
dispositions internes applicables dans l
’
établissement public en matière de procédures d
’
achat ;
que Mme X... a commis une infraction aux règles mentionnées à l
’
article L. 313-4 du code des
juridictions financières et a engagé sa responsabilité sur ce fondement ;
III.
Sur les circonstances
36.
Considérant que Mme X... a eu à gérer le transfert dans des nouveaux locaux de l
’
École
qu
’
elle dirigeait dans des conditions difficiles ; que l
’
équipe administrative et technique qui
l
’
assistait était très restreinte ; qu
’
elle a demandé l
’
appui de l
’
autorité de tutelle pour disposer
d
’
un soutien logistique et financier, lequel ne lui a pas été accordé ; que ces faits sont
susceptibles de constituer des circonstances atténuantes de la responsabilité de Mme X... ;
IV.
Sur l
’
amende
37.
Considérant qu
’
une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances
de l
’
espèce conduit à infliger à Mme X... une amende 400 euros ;
9
V.
Sur la publication de l
’
arrêt
38.
Considérant qu
’
il n
’
y a pas lieu, en application de l
’
article L. 313-15 du code des
juridictions financières et dans les circonstances de l
’
espèce, de publier le présent arrêt ;
ARRÊTE
:
Article 1
er
: Mme Francine X...
est condamnée à une amende de quatre cents euros (400 €)
;
Article 2 : Le présent arrêt ne sera pas publié.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, formation plénière, le
12 mai deux mille dix-sept, par M. Larzul, conseiller d
’
État, président ; MM. Guyomar,
Boulouis, Derepas et Dacosta, conseillers d
’
État ; MM. Maistre, Bertucci, Mme Coudurier,
conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Notifié le 26 juin deux mille dix-sept.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis
de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République
près les tribunaux de grande instance d
’
y tenir la main, à tous les commandants et officiers de
la force publique de prêter main-forte lorsqu
’
ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le président,
La greffière,
Tanneguy Larzul
Isabelle REYT