13, rue Cambon
75100 PARIS CEDEX 01
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www.ccomptes.fr
DEUXIEME CHAMBRE
TROISIEME SECTION
S2017-0917
RAPPORT PARTICULIER
(Articles L. 133-2, L. 143-3 et R. 143-1 du code des juridictions financières)
LA VALORISATION DE LA
RECHERCHE CIVILE DU CEA
Exercices 2007-2015
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 10 février 2017.
En application de l’article L. 143-1 du Code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
2
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
LISTE DES RECOMMANDATIONS
........................................................................
7
1
L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
...........................
9
1.1
Le CEA, un organisme public de recherche atypique
......................................
9
1.1.1 Une recherche d’excellence, en forte collaboration avec l’industrie
...............
11
1.1.2 Un financement peu lisible, en tension sur le nucléaire, et en déséquilibre sur
la valorisation
..................................................................................................
13
1.2
CEA Sciences, socle de la recherche fondamentale
.......................................
16
1.2.1 Une recherche académique d’excellence
........................................................
16
1.2.2 Une tradition de valorisation
...........................................................................
18
1.3
La direction de l’énergie nucléaire, un pilier en décroissance
.......................
19
1.3.1 Un budget en baisse, entre crise de la filière nucléaire et coût du
démantèlement
................................................................................................
20
1.3.2 Des effectifs en décroissance et l’abandon de certains programmes de
recherche
.........................................................................................................
21
1.4
CEA Tech, une ambition audacieuse de valorisation
.....................................
22
1.4.1 La recherche technologique de CEA Tech, une singularité en France
............
23
1.4.2 Une croissance massive et continue, à subvention constante
..........................
24
2
LA VALORISATION INDUSTRIELLE DE LA RECHERCHE
.......................
28
2.1
Le modèle « CEA » de valorisation industrielle de la recherche
...................
28
2.1.1 Une politique dynamique de dépôt de brevets, dont les coûts ne sont pas
compensés par les redevances associées
.........................................................
28
2.1.2 Une forte intensité de recherche partenariale, qui privilégie le contact direct
des entreprises
.................................................................................................
32
2.1.3 La création d’entreprise, un parcours encouragé et balisé par le CEA
............
35
2.1.4 Une ambition de diffusion technologique qui nécessite des moyens
..............
37
2.2
Les PRTT, la volonté du développement industriel régional
.........................
38
2.2.1 La création des PRTT, portée par une vision du transfert technologique
.......
38
2.2.2 CEA Tech sans financement de l’État ou sans recettes industrielles : les
modèles limites des différentes PRTT
.............................................................
40
2.2.3 La difficile mesure de l’impact de l’action du CEA en région
........................
43
2.3
L’interaction du CEA avec l’écosystème de la valorisation
..........................
44
2.3.1 Une utilisation efficace des outils « historiques » de valorisation
..................
44
2.3.1.1
Les incubateurs et les pôles de compétitivité
.......................................................
44
2.3.1.2
Les Instituts Carnot
..............................................................................................
45
2.3.1.3
Les autres programmes de valorisation de la recherche
.......................................
45
2.3.2 Un modèle de valorisation incompatible avec les nouveaux outils du PIA
....
46
2.3.2.1
Instituts de recherche technologique (IRT)
..........................................................
47
2.3.2.2
Société d'Accélération du Transfert de Technologie (SATT)
..............................
48
2.3.2.3
Fonds national d’amorçage
..................................................................................
50
2.3.2.4
France Brevet
.......................................................................................................
50
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
4
3
LA VALORISATION NON MESURABLE DE LA RECHERCHE
.................
54
3.1
Les collaborations scientifiques, nécessaires à l’innovation de rupture
.........
54
3.2
L’enseignement et les doctorants, facteurs de compétitivité
..........................
55
3.3
Contributions aux questions sociales ou politiques
........................................
56
ANNEXES
....................................................................................................................
58
En application des dispositions de l’article L. 143-1 du code des juridictions financières,
le présent rapport, dès lors qu’il est rendu public, ne contient pas d’information relevant d’un
secret protégé par la loi.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
5
SYNTHÈSE
Le CEA, organisme historique de recherche publique
Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a été créé en
1945, avec comme objectif de développer l’énergie atomique en France, pour des applications
civiles et militaires, et un statut sur mesure pour cette mission. Le rapport se limite à la recherche
civile du CEA, c’est-à-dire n’aborde pas les aspects concernant la direction des applications
militaires (DAM), sur la période 2007-2015.
Au-delà du nucléaire civil d’origine, les objets de recherche se sont progressivement
étendus : ses laboratoires travaillent désormais sur la physique de la matière, le climat,
l’astronomie, les sciences du vivant, la nanoélectronique, les énergies renouvelables ou la
robotique. La structuration assez hiérarchique de l’organisme, associée à une recherche de
qualité, a installé le CEA durablement dans le paysage de la recherche publique en France. Les
trois piliers de la recherche civile sont la direction de l’énergie nucléaire (DEN), CEA Sciences
1
et CEA Tech
2
.
La DEN soufre du « désamour » du nucléaire, avec une baisse de la subvention de l’État
et les difficultés financières de la filière. La décroissance de ses moyens a conduit à une
contraction des effectifs et un recentrage sur les recherches les plus financées par les partenaires
privés. Cette stratégie obère les possibilités d’innovation de rupture à moyen terme dans le
domaine de l’énergie nucléaire.
CEA Sciences représente le pôle de recherche fondamentale du CEA. Le tropisme
industriel du CEA s’y observe par la recherche d’applications découlant de ses résultats
scientifiques, des contrats de recherche partenariale proportionnellement importants et le dépôt
de brevets.
Enfin CEA Tech a fait le pari de la croissance financée par des recettes industrielles,
sans accompagnement par la puissance publique, et se retrouve aujourd’hui dans une situation
de forte dépendance aux contrats de recherche qui pourrait mettre en danger sa capacité à
continuer à innover à moyen terme. La soutenabilité de CEA Tech est en effet remise en cause
par sa stratégie de croissance externe : le choix doit être fait entre l’augmentation de la
subvention ou la réduction des activités de valorisation de CEA Tech pour qu’un équilibre entre
les contrats industriels et le ressourcement, c’est-à-dire la recherche en dehors de financements
sur projet, puisse être retrouvé.
L’inversion de la part relative des sources de financement entre subvention et recettes
industrielles pourrait induire un changement de la logique même de la valorisation : au lieu de
chercher à faire mieux bénéficier les partenaires des résultats de recherche, elle risque de
focaliser la recherche sur des sujets immédiatement et directement finançables par un partenaire
industriel. Qu’il s’agisse de la DEN ou de CEA Tech, cet effet de focalisation excessive sur la
recherche de cofinancements fait peser des risques sur l’excellence à terme de la recherche qui
y est menée, voire de la simple possibilité d’une valorisation par assèchement du ressourcement.
1
CEA Sciences correspond à la direction de la recherche fondamentale (DRF) dans l’organisation du CEA.
2
CEA Tech correspond à la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
6
La valorisation de la recherche, inscrite dans l’ADN du CEA
La recherche publique française se voit parfois reprocher son manque d’implication
pour la valorisation de ses travaux, en particulier industrielle. Le CEA est en ce sens atypique,
avec une devise « de la recherche à l’industrie » qui est un reflet fidèle du quotidien des équipes
de recherche. Des liens forts ont été progressivement tissés avec les industriels, tant dans le
domaine nucléaire (EDF, AREVA NP, AREVA NC) que dans les autres domaines de spécialité
du CEA (STMicroelectronics, Thalès, EADS). Une part importante du budget du CEA civil
(22 %) est ainsi issue de recettes industrielles.
Le CEA a bâti un modèle intégré de valorisation, reposant sur une activité intense de
dépôt de brevets, une force commerciale démarchant les entreprises afin d’obtenir de nouveaux
contrats de recherche, et un parcours interne de création d’entreprises quand il s’agit du seul
moyen de valorisation de nouvelles technologies. Ce modèle, original par rapport à celui
consistant à tirer des revenus de vente de licence de brevets, conduit cependant à des coûts de
propriété intellectuelle croissants.
La croissance de l’activité de CEA Tech repose sur une offre commerciale structurée et
la prospection intensive d’entreprises cibles, notamment des petites et moyennes entreprises
(PME). La création des plateformes régionales de transfert de technologies (PRTT), lancées en
2012, a permis d’étendre le champ de prospection à de nouvelles régions, au-delà des
implantations historiques du CEA à Saclay et Grenoble. Le bilan dressé fin 2015 est très positif,
ces plateformes ayant démontré leur capacité à répondre à un besoin, précédemment insatisfait,
de contrats de recherche, notamment avec des PME.
Les forces de prospection commerciale, qui rencontrent un grand nombre d’entreprises,
sont un élément unique dans le paysage de la valorisation de la recherche. Cette force
commerciale pourrait être mutualisée au sein du CEA ou partagée avec d’autres organismes de
recherche. La mesure de l’impact de ces PRTT sur l’économie reste par ailleurs une question
ouverte : le coût public complet est plus élevé que la seule subvention accordée au CEA, mais
les retours fiscaux directs et indirects sont également significatifs.
Le CEA a une longue tradition de valorisation de la recherche, et s’est organisé pour
mobiliser efficacement les financements historiques dédiés à la valorisation (Instituts Carnot,
incubateurs, pôles de compétitivité). Les investissements d’avenir ont bouleversé le paysage de
la valorisation de la recherche publique, en y introduisant des financements massifs et des règles
d’organisation contraignantes et structurantes, peu compatibles avec le modèle historique du
CEA.
Des aménagements ont donc été apportés à certains outils du Programme
d’Investissements d’Avenir (Institut de recherche technologique Nanoelec géré au sein du CEA
et participation indirecte aux sociétés d’accélération du transfert de technologies GIFT et Paris-
Saclay). Cependant, la structuration par le commissariat général à l’investissement (CGI) d’un
système national, avec les IRT et les SATT, revendiquant l’exclusivité de la gestion de la
propriété intellectuelle et de la maturation, vient en conflit avec le modèle du CEA. Les
aménagements consentis au CEA permettent une cohabitation transitoire, sans que la logique
de la juxtaposition des deux systèmes ne soit abordée.
Enfin, le CEA participe également à des formes plus diffuses de valorisation de la
recherche, par des collaborations scientifiques (notamment en médecine), la formation aux
métiers du nucléaire, l’accueil de doctorants et des apports ponctuels aux questions sociales ou
politiques.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
7
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1 (Direction du budget et Direction générale de la recherche et de
l’innovation)
: Clarifier la structure budgétaire du CEA présentée au législateur, en identifiant
les montants dédiés à la recherche fondamentale, au nucléaire et à la recherche technologique.
Recommandation n°
2 (Ministères de tutelle, CEA)
: S’assurer que la subvention du CEA
permet à CEA Tech de garantir une part de ressourcement suffisante.
Recommandation n°
3 (CEA) :
Optimiser le portefeuille des brevets maintenus en fonction
des licences concédées, ou des perspectives raisonnables de concession, afin d’en contenir le
coût.
Recommandation n°
4 (CEA)
: Modifier les clauses des contrats de licence de brevet,
notamment les clauses de sous-licence, afin que le CEA ait une juste part des recettes associées
en cas de succès.
Recommandation n°
5 (CEA) :
Utiliser les stratégies de communication pour augmenter le
flux d'affaires spontanés en matière de recherche partenariale.
Recommandation n°
6 (CEA) :
Utiliser la force de prospection commerciale pour diffuser les
technologies de CEA Sciences ou de la DEN et explorer, sous la forme d’accords bilatéraux
avec des partenaires du CEA, la possibilité de diffuser des technologies venant d’autres
organismes que le CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
8
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
9
1
L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
1.1
Le CEA, un organisme public de recherche atypique
Le CEA est un établissement à caractère scientifique, technique et industriel, doté de la
personnalité morale, ainsi que de l’autonomie financière et administrative
3
, créé en 1945
4
, avec
un article préambule qui lui donne une personnalité particulière, à la fois proche du
Gouvernement et très libre :
« De pressantes nécessités d'ordre national et international obligent à prendre les
mesures nécessaires pour que la France puisse tenir sa place dans le domaine des recherches
concernant l'énergie atomique.
La création d'un organisme susceptible d'assurer au pays le bénéfice de telles recherches
a été mise à l'étude.
Il est apparu que cet organisme devait être à la fois très près du Gouvernement, et pour
ainsi dire être mêlé à lui, et cependant doté d'une grande liberté d'action. »
Le champ d’action du CEA s’est progressivement élargi au-delà du nucléaire, son nom
ayant été changé en 2009 pour y adjoindre « et aux énergies alternatives ». Le nouveau décret
de 2016
5
confirme l’extension de son champ d’action aux énergies de façon générale, dès lors
que les compétences développées pour le nucléaire apportent un avantage compétitif.
L’article 2 de ce décret précise les missions du CEA, et en particulier « contribuer, au service
de la compétitivité de la France, au développement technologique et au transfert de
connaissances, de compétences et de technologies vers l'industrie, notamment dans le cadre
régional, ainsi qu'à la valorisation des résultats des recherches qu'il mène ».
Le CEA est ainsi un organisme public de recherche, historiquement axé sur le nucléaire
de défense et le nucléaire civil, et qui s’est progressivement diversifié en gardant une grande
flexibilité (pas d’emplois sous statut), et un lien fort avec l’industrie.
Le CEA est organisé en quatre directions opérationnelles, dont trois sont civiles : la
direction de l’énergie nucléaire (DEN) est dédiée à l’énergie nucléaire, CEA Sciences
6
à la
recherche amont et CEA Tech
7
à la recherche technologique.
3
Article L. 332-1 du code de la recherche.
4
Ordonnance n° 45-2563 du 18 octobre 1945 instituant un Commissariat à l'énergie atomique.
5
Décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Commissariat à l'énergie
atomique et aux énergies alternatives.
6
CEA Sciences est l’appellation grand public de la direction de la recherche fondamentale (DRF) dans
l’organisation du CEA.
7
CEA Tech est l’appellation grand public de la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation
du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
10
Ces trois directions ont des effectifs permanents du même ordre de grandeur en 2015 :
4 169 ETPT (équivalent temps plein travaillé) pour la DEN, 3 385 ETPT pour CEA Sciences,
et 3 103 ETPT pour CEA Tech. CEA Tech et CEA Sciences complètent leurs effectifs par des
effectifs hors-plafond (CDD - contrat à durée déterminée - et certains CDI – contrats à durée
indéterminée), et des doctorants ou post-doctorants.
Graphique n° 1 :
Effectifs 2015 des directions opérationnelles du CEA
Source : Cour des comptes, d’après données CEA. Les effectifs sous et hors plafond sont en ETPT, les doctorants
et post-doctorants sont ceux non comptabilisés en hors plafond, d’après les rapports d’activité.
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
DAM
DEN
CEA
Sciences
CEA Tech
Doctorant/post-
doctorant
Hors plafond
Sous plafond
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
11
1.1.1
Une recherche d’excellence, en forte collaboration avec l’industrie
Graphique n° 2 :
Répartition du budget de la recherche civile du CEA en M€, par type de
financement, entre 2007 et 2015
Source : Cour des comptes, d’après données CEA
Le budget annuel civil du CEA est globalement en croissance sur la période 2007-2015,
passant de 2,06 Md€ en 2007 à 2,65 Md€ en 2015
8
, une part substantielle de ce budget étant
affectée au démantèlement des installations nucléaires (environ 0,6 Md€/an) et au soutien
(0,5 Md€/an). L’agrégat de soutien regroupe les fonctions transverses aux directions
opérationnelles, mais également le support indispensable à la recherche, ce qui ne permet pas
d’avoir au niveau de la documentation budgétaire une vision claire de l’efficience de
l’organisation du CEA.
En se focalisant sur le budget dédié à la recherche civile, la tendance est aussi en
croissance, avec passage de 1,46 Md€ en 2007 à 1,71 Md€ en 2015. La structure de ce budget
s’est cependant modifiée avec le temps (voir graphique ci-dessus), avec une baisse de la
subvention pour charges de service public accordée par l’État, une relative stabilité des
financements industriels, et une augmentation des financements sur projet (principalement par
le PIA).
8
Source : Rapport annuel de performances (RAP) du programme 172 –
Recherches scientifiques et technologiques
pluridisciplinaires
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
1 600
1 800
2 000
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Industriels
Public sur projet
Subvention
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
12
Graphique n° 3 :
Principaux déposants de brevet auprès de l’INPI en 2015
Source : « Les palmarès de déposants de brevets », statistiques INPI, avril 2016
La part des financements industriels est particulièrement élevée, avec près de 400 M€/an
en moyenne sur la période. Pour comparaison, l’ensemble des financements industriels de la
recherche publique est évalué entre 780 M€
9
et 960 M€
10
: le CEA recueille à lui seul de 40 à
50 % de ces financements en France.
Cette appétence pour l’industrie se reflète ainsi avec une recherche financée à près de
20 % en moyenne par les entreprises, part qui passe à plus de 30 % pour CEA Tech (direction
de la recherche technologique), contre un taux moyen de 3 à 8 % au niveau français
11
. De même,
le CEA est un des plus gros déposant français de brevet auprès de l’Institut national de la
propriété industrielle (INPI) (4
ème
déposant en 2015, voir graphique ci-dessus), et le premier
organisme de recherche au monde pour les demandes de brevet à l’international (43
ème
déposant
mondial en 2015).
9
Données OCDE 2013, en combinant la « HERD » (
Higher Education Expenditure in R&D
– 280 M€) et la
« GOVERD » (
Government Intramural Expenditure in R&D
– 500 M€) financées par les entreprises.
10
Enquête
Valorisation, transfert de technologie et innovation issue de la recherche publique
, édition 2015, réseau
C.U.R.I.E.
11
Données OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques - 2013, part de la « HERD »
(2,78 %) et de la « GOVERD » (7,99 %) financées par les entreprises.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
13
Le lien avec les entreprises n’empêche pas le CEA de réaliser une recherche
fondamentale de qualité : l’Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
(AERES) concluait son rapport d’évaluation du CEA
12
en notant comme point fort l’excellence
scientifique.
Un autre indicateur de l’excellence de la recherche est le nombre de bourses de
l’European Research Council
(ERC) obtenues, ramené à la population des chercheurs. Ces
bourses européennes très sélectives, pouvant atteindre 2,5 M€ sur 5 ans, permettent à un
chercheur de constituer une équipe et d’acheter des équipements. Les chercheurs de CEA
Sciences (direction de la recherche fondamentale) obtiennent en moyenne 18,2 bourses ERC
pour 1000 chercheurs, contre 15,7 en moyenne pour l’Union Européenne, et 8,0 en moyenne
en France
13
.
1.1.2
Un financement peu lisible, en tension sur le nucléaire, et en déséquilibre sur
la valorisation
La répartition globalement stable des différentes sources de financement du CEA, entre
subvention, financement sur projet et contrats industriels, masque des variations au niveau des
directions opérationnelles du CEA. La DEN a ainsi vu sa subvention baisser de 110 M€ entre
2007 et 2015, ce qui n’est que partiellement compensé par la hausse des autres sources de
financement, le budget total étant en baisse de 65 M€.
A contrario
, la direction de la recherche
fondamentale (CEA Sciences) a vu sa subvention augmenter de 40 M€ sur la même période,
pour un budget total en hausse de 85 M€.
Enfin, la direction de la recherche technologique (CEA Tech) a une subvention
récurrente
14
quasi-stable (+ 4 M€ entre 2007 et 2015), mais a significativement augmenté son
budget global (+ 237 M€).
Comme l’indique le graphique ci-dessous, CEA Tech est ainsi en forte croissante sur la
période examinée, du fait de ressources hors subvention, tandis que la DEN est en décroissance,
principalement du fait de la baisse de sa subvention.
12
Rapport d’évaluation du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
, AERES,
août 2014.
13
Les détails du calcul et les données sources sont indiquées en 0
14
Entre 2010 et 2015, des redéploiements internes au CEA ont conduit à des financements additionnels à hauteur
de 10 M€/an en moyenne pour CEA Tech. La subvention récurrente est celle avant redéploiements.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
14
Graphique n° 4 :
Budget des directions civiles du CEA en M€, entre 2007 et 2015, et part de
subvention dans ce budget
Source : Cour des comptes, d’après données CEA
Le nucléaire souffre de la crise de la filière nucléaire depuis l’accident de Fukushima en
mars 2011, concomitant aux difficultés de l’
European Pressurized Reactor
(EPR) et aux
problématiques de vieillissement du parc actuel. Cette crise a conduit à des difficultés
financières pour les principaux donneurs d’ordre (EDF, AREVA NC, AREVA NP) et à une
diminution de leur contribution aux programmes de R&D de la DEN (voir graphique
ci-dessous). À ce facteur de tension externe s’ajoute les problèmes de financement du réacteur
Jules Horowitz (RJH), pour lequel le CEA a accepté de prendre en charge une part des surcoûts
après l’accord tripartite conclu en juillet 2015
15
. Le budget global de la DEN est ainsi en
décroissance et a des charges liées à la construction de réacteurs en croissance, ce qui contraint
à des arbitrages sur les programmes de recherche.
Quant à la valorisation de la recherche par CEA Tech, elle atteint les limites de sa
logique, avec une croissance importante des financements sur projet ou industriels, sans
croissance associée de la subvention de l’État. Les actions de ressourcement, c’est-à-dire les
actions de recherche non directement appliquée (regarnir les étagères), sont principalement
financées par la subvention et dans une moindre mesure par l’abondement Carnot
(voir § 2.3.1.2). Le CEA estime qu’un ratio de 30 % environ de subvention doit être garanti
pour que le ressourcement puisse avoir lieu : ce seuil a été atteint en 2011.
15
Protocole tripartite entre AREVA SA, AREVA TA et le CEA, signé le 20 juillet 2015, répartissant le surcoût de
552 M€ entre le coût du projet et le montant inscrit au plan à moyen et long terme (PMLT) du CEA.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
2007
2009
2011
2013
2015
DEN - total
CEA Tech - total
CEA Sciences - total
DEN - subvention
CEA Tech - subvention
CEA Sciences - subvention
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
15
Graphique n° 5 :
Financement des contrats de R&D de la DEN par les grands acteurs de la filière
nucléaire, en M€, entre 2007 et 2015
Source : Cour des comptes, d’après données CEA
Les ambitions principales du CEA, en matière nucléaire (DEN) ou de diffusion de la
technologie auprès des PME (CEA Tech), ne peuvent actuellement pas être encouragées au
niveau budgétaire. Le financement par l’État du CEA est en effet peu lisible du point de vue du
législateur, la documentation budgétaire étant difficilement compréhensible : les grands piliers
du CEA, à savoir le nucléaire, la recherche technologique et la recherche fondamentale,
n’apparaissent pas. Le budget civil du CEA provient du programme 172 (
Recherches
scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
– 605 M€ en 2015
16
) et du programme 190
(
Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables
– 838
M€ en 2015), et marginalement des programmes 191, 212
17
et 409 au titre de 2015. Ce budget
comprend en partie des fonds dédiés au démantèlement des installations et au programme ITER
(
International Thermonuclear Experimental Reactor
).
Le lien entre les programmes budgétaires et les grandes missions du CEA, telles que
décrites à l’article 2 du décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 relatif à l’organisation et au
fonctionnement du CEA, est ainsi ténu.
16
Données du RAP 2015 du programme 172, qui récapitule les sources du financement du CEA.
17
Le programme 212 compense notamment le soutien que le CEA apporte au délégué à la sûreté nucléaire et à la
radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), données RAP 2015 mission
Défense.
0
10
20
30
40
50
60
70
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
EDF
AREVA NC
IRSN
AREVA NP
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
16
Le ministère de l’industrie, tutelle de l’opérateur
18
, n’abonde ainsi pas directement le
budget du CEA, le programme 192 finançant indirectement les plans Nano 2012 puis Nano
2017, dont une partie revient au CEA. Ce ministère n’a pas de financement fléché pour
encourager le développement industriel, notamment des PME.
Concernant le bilan des dépenses par destination de l’opérateur, tel qu’il est présenté au
législateur dans la documentation budgétaire du programme 172, les postes principaux sont
l’énergie (878 M€ en 2015), le démantèlement-assainissement (610 M€ en 2015), les
technologies pour l’information et la santé (550 M€ en 2015), puis le soutien général (528 M€
en 2015). À nouveau, ces postes ne permettent pas de comprendre l’effort réalisé
spécifiquement pour le nucléaire, pour la recherche fondamentale, ou pour la valorisation de la
recherche.
1.2
CEA Sciences
19
, socle de la recherche fondamentale
Tableau n° 1 :
Vision synthétique de CEA Sciences, données 2015
Effectifs permanents
Budget de R&D
Subvention CEA
Contrats industriels
3 385
580 M€
433 M€
23 M€
Source : Cour des comptes d’après données CEA
1.2.1
Une recherche académique d’excellence
La recherche fondamentale du CEA était en 2007 séparée entre la direction des sciences
du vivant (DSV) et la direction des sciences de la matière (DSM). Ces deux directions ont été
réunies au 1
er
janvier 2016 dans la direction de la recherche fondamentale (DRF), également
appelée CEA Sciences.
Cette direction regroupe des instituts et des laboratoires de physique, de chimie, de
biologie et de sciences de l’univers. Historiquement, la DSM était axée sur la recherche en
physique (subatomique, lasers, physique du solide, fusion contrôlée, astrophysique), dans des
domaines théoriques comme expérimentaux. La DSV était plus axée vers la biologie, la
médecine et les biotechnologies : biologie structurale, imagerie biomédicale, effet des
rayonnements ionisants sur le vivant, sources d’énergie biomimétiques.
18
Article 1 du décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Commissariat
à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
19
CEA Sciences est l’appellation grand public de la direction de la recherche fondamentale (DRF) dans
l’organisation du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
17
CEA Sciences collabore de façon importante, notamment pour l’ancienne DSV, avec
les autres établissements de recherche et les universités, au travers de 42 unités mixtes de
recherche (UMR). Aux côtés des 3 385 permanents CEA au sein de CEA Sciences, environ
1 200 permanents d’autres établissements y travaillent. Le caractère fondamental des
recherches explique la part importante de la subvention du CEA sur le budget de CEA Sciences
(75 %).
Cette activité de recherche fondamentale conduit à d’excellents résultats, au niveau du
CEA, ce qui est illustré par les indicateurs bibliométriques.
Graphique n° 6 :
Ratio du nombre d’articles publiés, selon Nature Index, divisé par les effectifs de
différentes structures de recherche publiques en France, Allemagne et États-Unis
Source : nombre d’articles publiés du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, données Nature Index pour le CNRS, le
CEA, la Max Planck Society, la Fraunhofer Gesellschaft, et le Massachusetts Institute of Technology divisé par
les effectifs fin 2015 pour le CNRS, le CEA (rapport financier 2015), la Max Planck Society (rapport annuel 2015)
et la Fraunhofer Gesellschaft (rapport annuel 2015), et d’octobre 2015 pour le Massachusetts Institute of
Technology.
Le CEA a ainsi des performances en termes de publications scientifiques plus proches
du CNRS, du
Massachusetts Institute of Technology
(MIT) ou de l’équivalent allemand du
CNRS, la
Max Planck Society
, que de l’organisme allemand de recherche technologique
Fraunhofer Gesellschaft
, souvent considéré comme le parangon du transfert de technologie en
Europe. Si l’agrégation des résultats au niveau du CEA civil diminue la part de CEA Sciences,
CEA Tech et la DEN contribuant relativement de façon plus modérée aux publications
scientifiques, le résultat reste une bonne illustration des performances de CEA Sciences.
Enfin, l’attractivité internationale de CEA Sciences peut être observée à travers la
nationalité des doctorants qui aspirent à y travailler. Le nombre de contrat de thèse financés
chaque année est en légère croissance sur la période 2007-2015, avec 190 nouvelles thèses/an
environ sur 2007-2009, et 210 thèses/an sur 2013-2015. La croissance s’explique par les
financements de thèse sur projet (bourse ERC ou ANR par exemple), et les contrats des écoles
doctorales, avec en parallèle une baisse des thèses financées sur la subvention du CEA.
0,00
0,02
0,04
0,06
0,08
0,10
0,12
0,14
0,16
CNRS
CEA
Max Planck
Fraunhofer
Gesellschaft
MIT
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
18
Parmi ces doctorants, 47 nationalités différentes peuvent être dénombrées sur 2013-2015, avec
environ 65 % de français, et des contingents importants pour l’Italie, la Chine et l’Allemagne.
1.2.2
Une tradition de valorisation
La recherche d’excellence de CEA Sciences reste teintée de l’esprit du CEA, et de sa
devise « de la recherche à l’industrie.»
CEA Sciences est ainsi efficace pour obtenir des bourses de
l’European Research
Council
(
ERC grants
) : ces bourses, d’un montant de 150 k€ à 2,5 M€, sont financées par
l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, et récompensent l’excellence
scientifique d’un chercheur donné. Le graphique ci-dessous indique que CEA Sciences obtient
plus de bourses ERC pour 1 000 chercheurs que la moyenne française ou européenne, la
moyenne française étant près de deux fois plus faible que la moyenne européenne. En
segmentant par type de bourses, le CEA obtient un peu moins de
Starting grants
(2 à 7 ans
après la thèse) et de
Consolidator grants
(7 à 12 ans après la thèse) que la moyenne européenne,
mais plus de
Advanced grants
(> 10 ans de recherche), et quatre fois plus de
Proof of
concept grants
. Ces dernières bourses correspondent à un financement de la preuve de concept
d’une innovation sociale ou commerciale issue des recherches financées par une bourse ERC.
CEA Sciences semble ainsi plus apte que la moyenne des chercheurs européens à transformer
une recherche d’excellence, financée par une bourse ERC, en une innovation valorisable.
Graphique n° 7 :
Nombre de bourses ERC sur 2007-2015 pour mille chercheurs, à CEA Sciences, en
France et en Europe, par type de bourse
Source : Cour des comptes d’après données CEA-DRF, ERC (bourses par type et par pays), effectif CEA Sciences
en 2015, effectifs des chercheurs en France 2013 (source MENESR-DGESIP/DGRI-SIES), effectif des chercheurs
en Europe en 2013 (source Eurostat)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
CEA Sciences
France
Europe
ERC Synergie Grants
ERC Proof of Concept Grants
ERC Advanced Grants
ERC Consolidator Grants
ERC Starting Grants
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
19
Cette tradition de valorisation conduit CEA Sciences à déposer environ 66 brevets par
an
20
, et à obtenir des contrats de recherche avec des industriels à hauteur de 23 M€ en moyenne
sur 2011-2015, pour un budget de 600 M€. Ce montant peut être comparé aux 33 M€ de contrats
avec des tiers privés obtenus par le CNRS en moyenne sur 2013-2015, pour un budget annuel
total de l’ordre de 3 300 M€
21
: CEA Sciences obtient un montant de contrats industriels quatre
fois plus important que le CNRS proportionnellement à son budget.
Enfin, la gestion des ressources humaines permet d’encourager les chercheurs valorisant
leurs recherches. Le statut des collaborateurs du CEA, régi par l’accord du 16 décembre 2003,
est plus flexible que les statuts classiques des chercheurs ou enseignants-chercheurs : pour les
salariés relevant de l’annexe 1 (ingénieurs-chercheurs et cadres administratifs), le passage au
niveau E5 correspond à la promotion au grade de professeur des universités
22
. La promotion
peut être liée à l’excellence scientifique, mais la valorisation des recherches et les collaborations
avec des industriels sont également prises en compte. Une filière expert a en particulier été mise
en place pour les collaborateurs disposant de compétences spécifiques, permettant de
promouvoir des profils techniques et non uniquement académiques. Sur les 169 promotions au
niveau E5 des trois dernières années au sein de CEA Sciences, 72 concernait des ingénieurs-
chercheurs, et 63 des experts ou des experts seniors. La filière d’expertise est ainsi pleinement
reconnue par CEA Sciences.
1.3
La direction de l’énergie nucléaire, un pilier qui faiblit
Tableau n° 2 :
Vision synthétique de la DEN, données 2015
Effectifs permanents
Budget de R&D
Subvention CEA
Contrats industriels
4 169
550 M€
265 M€
188 M€
Source : Cour des comptes d’après données CEA
20
Moyenne 2007-2015, données CEA.
21
Données issues des comptes 2015 du CNRS, présentation au conseil d’administration du 25 mars 2016.
22
L’échelonnement indiciaire des professeurs d’université, tel que défini par le décret n° 2013-305 du
10 avril 2013 relatif à l’échelonnement indiciaire applicable aux corps d’enseignants-chercheurs et personnels
assimilés et à certains personnels de l’enseignement supérieur, correspond, après correction des valeurs de points
d’indice (point à 4,658 € bruts mensuels pour la fonction publique sur 2010-2015, point à 5,553 € brut/mois pour
le CEA en 2015), au niveau E5 de l’annexe 1 du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
20
1.3.1
Un budget en baisse, entre crise de la filière nucléaire et coût du démantèlement
La direction de l’énergie nucléaire étudie le fonctionnement des réacteurs nucléaires
actuels, leur maintien en condition, la préparation des réacteurs futurs, et les procédés actuels
ou futurs du cycle du combustible. Elle exploite ses propres installations nucléaires de
recherche, en conçoit de nouvelles (réacteur Jules Horowitz ou réacteur Astrid
23
), et doit gérer
le démantèlement des anciens sites. La recherche et la gestion des grands équipements sont
ainsi les deux grands volets pour la DEN.
La subvention du CEA à la DEN est en baisse continue sur la période 2007-2015,
passant de 375 M€ en 2007 à 265 M€ en 2015 (- 30 %). Cet effet a été compensé jusqu’en 2011
par une hausse de la contribution des industriels, passant de 220 M€ en 2007 à 265 M€ en 2011.
L’accident de Fukushima en mars 2011, combiné à la prise de conscience des problématiques
de vieillissement et de maintien en condition du parc existant, ainsi qu’aux surcoûts constatés
pour les programmes EPR
24
et RJH, ont mis en difficulté la filière électronucléaire, contractant
de ce fait les ressources de la DEN issues de contrats industriels.
Concernant les grands équipements, un financement complémentaire a été obtenu dans
le cadre des investissements d’avenir, 900 M€ ayant été dédiés au Nucléaire de demain
(programme 329), dont 651,6 M€ pour Astrid
25
, et 248,4 M€ pour le RJH
26
. La documentation
budgétaire indique que 506,4 M€ ont été obtenu par le CEA en provenance du programme 329
sur la période 2010-2015, la comptabilité interne du CEA ayant affecté 499,3 M€ à la DEN au
titre des investissements d’avenir. Les conventions entre l’État et le CEA prévoyaient des
versements d’au moins 657 M€ sur cette période, les retards constatés sur ces deux programmes
pouvant expliquer le décalage des versements. Si ces nouvelles sources de financement ont
limité la baisse de budget de la DEN, elles ne compensent pas la baisse conjuguée de la
subvention du CEA et des contrats avec les industriels de la filière. Le programme Nucléaire
de demain se substitue en partie à la baisse de la subvention de la DEN
27
, ne respectant pas le
principe d’additionnalité et de non substitution propre au PIA
28
: la diminution de la subvention
de la DEN de 111,5 M€ entre 2007 et 2015 est en effet à comparer au flux annuel moyen de
97 M€ du PIA sur 2011-2015. La Cour a déjà critiqué ces pratiques de débudgétisation dans le
rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
de 2015.
23
Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration
, démonstrateur de la filière à neutrons
rapides à caloporteur sodium, après Rapsodie, Phénix et Superphénix.
24
European Pressurized Reactor
, modèle de réacteur à eau pressurisée développé par AREVA NP, EDF et
Siemens, en construction en Finlande (Olkiluoto), en France (Flamanville) et en Chine (Taishan).
25
Convention du 9 septembre 2010 entre l'État et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
relative au programme d'investissements d'avenir (action « réacteur de 4e génération ASTRID »).
26
Investissements d'avenir, convention « CEA » du 14 juillet 2010 Action : « Réacteur Jules-Horowitz (RJH) ».
27
Les grands programmes nucléaires civils ont historiquement été financés par la subvention du CEA, voir
notamment Cour des comptes,
Rapport public annuel 2004.
Le pilotage des grands programmes nucléaires civils
du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), p. 199-224. La Documentation française, janvier 2004, 720 p.,
disponible sur www.ccomptes.fr.
28
La Cour avait déjà critiqué ce point dans le
Rapport public thématique
:
Le programme d’investissements
d’avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger.
La Documentation française
,
2 décembre 2015,
187 p., disponible sur www.ccomptes.fr. Voir notamment pages 48 et 143 sur la préexistence des programmes
Astrid et RJH.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
21
Ces grands équipements, notamment le projet RJH, ont connu des difficultés techniques
et des surcoûts très importants entre le budget initial et celui effectivement constaté. Des
protocoles ont été signés avec AREVA (maître d’oeuvre) en 2011, puis en 2015, laissant une
part importante des surcoûts constatés à la charge du CEA. Ces dérapages conduisent à une
appréciation parfois sévère sur la gestion financière de la DEN.
Le démantèlement est l’autre poste de coût qui n’était que partiellement financé : les
dépenses de démantèlement-assainissement des anciennes installations nucléaires du CEA
oscillaient entre 600 et 700 M€ entre 2011 et 2013, et se sont stabilisées à 740 M€/an depuis
2014. Jusqu’en 2015, elles étaient partiellement financées par la dotation budgétaire du
programme 190, le complément étant obtenu par la cession de titres AREVA du CEA à l’État.
La quote-part du capital d’AREVA SA détenue par le CEA est ainsi passée de 78,96 % en 2007
à 54,37 % en 2015. Depuis 2016, la dotation budgétaire du P190 couvre les dépenses de
démantèlement à hauteur de 740 M€/an.
La crise de la filière électronucléaire, la baisse de la subvention du CEA (– 30 %), et les
difficultés rencontrées sur le RJH et Astrid conduisent la DEN à une situation financière
tendue : le budget global de la DEN a baissé de 65 M€ entre 2007 et 2015.
1.3.2
Des effectifs en décroissance et l’abandon de certains programmes de recherche
La baisse du budget de la DEN s’est traduite par une baisse des effectifs, passant de
4 565 ETPT en 2007 à 4 169 ETPT en 2015. Dans le même temps, les effectifs affectés au
démantèlement ont augmenté de 160 ETPT, accentuant encore la baisse pour la R&D sur le
nucléaire (– 556 ETPT entre 2007 et 2015).
La recherche est restée intensive dans ce contexte de baisse des moyens humains et
financiers, avec une hausse de 67 % du nombre de publications sur la période 2007-2015. Le
recours plus important aux doctorants, avec un flux entrant de 49 doctorants en 2007 et
93 doctorants en 2015 a permis d’atténuer la baisse des effectifs permanents de recherche.
Des choix ont été effectués en 2013, avec l’arrêt de plusieurs programmes de recherche
amont financés à 80-90 % par la subvention du CEA. Cette recherche, intermédiaire entre la
recherche fondamentale et la recherche appliquée finançable par un industriel, a été recentrée
sur les thématiques non couvertes par la recherche académique. Les effets de la fatigue, de la
radiolyse sur la corrosion, la mécanique des structures ou le comportement des matériaux à base
de Zirconium, ont ainsi été abandonnés. En analysant les programmes du budget 2016 (tableau
ci-dessous), on observe que seuls ceux significativement soutenus par des recettes externes sont
encore menés. Les deux premiers programmes (RJH et Astrid) sont en pratique soutenus par
les investissements d’avenir. La part de recettes externes, hors effet du PIA, est ainsi de 50 à
90 %.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
22
Tableau n° 3 :
Programmes de la DEN inscrits au budget 2016, classés par part des dépenses
imputées sur les recettes internes
Nom du programme
Dépense (M€)
Part de recettes externes
Réacteur Jules Horowitz
159 403
25 %
Réacteurs de 4eme génération
121 648
3 %
Labos chaud et autres installations
58 442
30 %
Cycle actuel et du futur
72 633
59 %
Plateformes et travaux de simulation
23 400
51 %
2ème et 3ème génération (parc actuel)
54 461
89 %
Autres réacteurs expérimentaux
25 743
78 %
Études de scénarios
1 670
56 %
Source : Cour des comptes d’après données CEA-DEN-DISN
La stratégie consistant à ne retenir que les projets fortement financés par des partenaires
extérieurs est cohérente avec la baisse des ressources propres à la DEN, mais oriente les efforts
de recherche vers les résultats de court terme. Au-delà des deux projets de long terme financés
par les investissements d’avenir (RJH et Astrid), la DEN risque de perdre progressivement sa
capacité à innover autrement que de façon incrémentale dans le domaine du nucléaire, les
éventuelles innovations de rupture étant
ab initio
trop risquées pour être financées par un
partenaire extérieur.
1.4
CEA Tech
29
, une ambition audacieuse de valorisation
Tableau n° 4 :
Vision synthétique de CEA Tech, données 2015
Effectifs permanents
Budget de R&D
Subvention CEA
Contrats industriels
3 103
591 M€
157 M€
188 M€
Source : Cour des comptes d’après données CEA
29
CEA Tech est l’appellation grand public de la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation
du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
23
1.4.1
La recherche technologique de CEA Tech, une singularité en France
CEA Tech, nouvelle dénomination de la direction de la recherche technologique (DRT),
comporte trois instituts de recherche (Leti, Liten, List) et l’institut « CEA Tech en Région » qui
pilote les plateformes régionales de transfert de technologies (PRTT), lesquelles seront décrites
au § 2.2 du présent rapport. Le Leti est orienté vers les micro- et nanotechnologies, notamment
les puces informatiques, le Liten sur l’énergie et les nouvelles technologies associées, le List
sur la robotique et les systèmes numériques.
Le cas du campus de Grenoble est un exemple de la singularité que constitue CEA Tech,
avec le
Grenoble Innovation for Advanced New Technologies
(GIANT) : le site regroupe sur
250 hectares, des machines industrielle de nanoélectronique au sein de 8 500 m
2
de salles
blanches, des activités de recherche (Leti, Liten, CNRS), un incubateur d’entreprise (Minatec),
des plateformes de caractérisation de niveau mondial, des échanges avec les industriels
(STMicroelectronics, Siemens, Biomérieux), les partenaires académiques (Université de
Grenoble, Grenoble INP, Grenoble École de Management), un lien avec le CHU de Grenoble
avec la plateforme biomédicale Clinatec. La co-localisation d’étudiants, de chercheurs et
d’industriels, et la mise à disposition de matériels de très haute technologie, forment un campus
fécond, qui a durablement structuré l’écosystème de la microélectronique en France. Le modèle,
souvent évoqué, des campus américains de recherche, qui regroupe enseignement supérieur et
entreprises, semble se vivre depuis plusieurs années, en relative discrétion, au coeur de l’Isère.
La force de CEA Tech repose sur une organisation de la recherche très orientée vers les
entreprises. CEA Tech possède trois instituts labellisés « Carnot » depuis 2006, renouvelés en
2011 et 2016
30
: le Leti et le List sont labellisés, et le Liten participe à l’institut « Energies du
futur ». Cette force s’incarne par un nombre important de brevets déposés chaque année
(311 demandes de dépôt INPI en 2007, 608 en 2015), des contrats industriels nombreux allant
des grands groupes (ST Microelectronics, Soitec, Renault) aux start-up (Aledia, SymbioFCell,
Aselta nanographics), et une croissance nette de la recherche partenariale (+ 100 M€ entre 2007
et 2015).
Ce modèle d’une recherche publique, dans des domaines intensifs en capitaux, orientée
vers les entreprises, est relativement unique en France. Dans ses parangonnages à l’échelle
européenne, CEA Tech se compare à la
Fraunhofer Gesellschaft
(Allemagne), à l’IMEC
(Institut
de
microélectronique
et
composants,
Belgique),
au
TNO
(
Toegepast-
Natuurwetenschappelijk Onderzoek
, Pays-Bas), au VTT (
Valtion Teknillinen Tutkimuskeskus
,
Finlande). Globalement, la
Fraunhofer Gesellschaft
est significativement plus grande que les
autres homologues suivis : 24 084 employés fin 2015
31
, soit six fois plus que CEA Tech. CEA
Tech dépose néanmoins presque autant de brevets que son homologue allemand.
30
Lors de l’appel « Carnot 3 » en 2016, 29 instituts ont été labellisés, dont les 3 portés par CEA Tech.
31
Donnée issue du rapport annuel 2015 de la Fraunhofer Gesellschaft
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
24
Les sources de financement en 2013
32
sont plus variables que le modèle 1/3 de
subvention, 1/3 de contrats industriels, 1/3 de financements compétitifs souvent évoqué par le
CEA : la subvention oscille entre 14,5 % et 36 % pour les homologues étudiés
33
, CEA Tech
étant à 19 %
34
, les contrats industriels entre 14 et 74 %, CEA Tech étant à 36 %. Enfin l’ancrage
territorial des homologues européens a inspiré l’initiative de CEA Tech en région.
1.4.2
Une croissance massive et continue, à subvention constante
CEA Tech a vu son budget augmenter annuellement de 7 % en moyenne sur la période
2007-2015, passant de 354 M€ à 591 M€. Cette croissance s’est faite à subvention récurrente
35
quasi-constante, aux environs de 150 M€, les crédits étatiques augmentant de 75 M€/an
(+ 50 %) en prenant en compte le PIA.
Les nouveaux financements proviennent principalement des contrats industriels
(+ 100 M€ entre 2007 et 2015), des investissements d’avenir (75 M€/an en moyenne sur
2012-2015) notamment avec le plan Nano 2017, des financements européens (+ 40 M€ entre
2007 et 2015) et des collectivités territoriales (+ 30 M€ entre 2007 et 2015). La croissance de
financement s’est accompagnée d’une croissance des effectifs, et un déploiement en région par
l’intermédiaire des PRTT. CEA Tech a ainsi progressivement changé de dimension au sein du
CEA en devenant depuis 2014 le budget le plus important des trois directions opérationnelles
civiles.
Cette croissance enthousiaste s’est accompagnée d’une certaine prise de risques : des
prestations ont été réalisées pour des entreprises aux finances insuffisantes, conduisant à
l’inscription de provisions pour créances dans les comptes du CEA pour plusieurs dizaines de
millions d’euros. Un échelonnement des paiements est assez souvent accepté par le CEA, ce
qui peut générer des problèmes de trésorerie dans un contexte budgétaire tendu. La direction
financière du CEA a instauré un processus préventif de suivi financier avec CEA Tech, un suivi
curatif des créances douteuses, et la maîtrise de l’exposition à des clients risqués est en cours
de mise en oeuvre.
Ce changement de dimension s’accompagne d’un changement de philosophie :
la prépondérance des financements industriels ou sur projet conduit à mener des recherches
qui sont susceptibles, dans des délais assez brefs, de générer des recettes externes pour CEA
Tech. Ce risque est identifié par CEA Tech, qui promeut intensivement, en référence
à des bonnes pratiques européennes, une répartition 1/3 de subvention, 1/3 de financements
compétitifs et 1/3 de contrats industriels.
32
Données issues du rapport « Centres homologues, partenaires et concurrents de CEA Tech, Benchmark 2010-
2015, comparaisons et analyses ».
33
Ces chiffres sont de simples ordres de grandeur, les périmètres financiers (avec ou sans les supports, présence
ou non d’une part de recherche fondamentale) n’étant pas toujours comparables.
34
Le ratio de 19 % s’entend sur le budget total de CEA Tech, et non sur son budget recherche, c’est-à-dire hors
support.
35
Hors redéploiements internes au CEA à hauteur de 10 M€/an en moyenne sur 2010-2015.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
25
Ces bonnes pratiques semblent être partiellement remises en question par les derniers
parangonnages réalisés par la direction de la valorisation. CEA Tech est cependant resté
longtemps focalisé sur le développement des recettes externes, et n’a que peu de prise sur une
subvention constante depuis près de dix ans. Cette subvention est ainsi passée de 43 % du
budget de recherche en 2007 à 27 % en 2015, restant constante en valeur. L’État n’a pas ajusté
sa dotation budgétaire au CEA pour maintenir la subvention de CEA Tech constante en
pourcentage de son budget. Or la subvention permet de financer les fonctions supports et une
recherche indépendante des pressions des acteurs extérieurs, un ressourcement permettant de
proposer à l’avenir des solutions innovantes. L’innovation de rupture est en effet rarement
financée par des partenaires privés, le risque associé étant trop important par rapport aux
bénéfices attendus : la subvention a pour objet de permettre cette prise de risque technologique.
La direction du budget suggère d’ajouter au prix des prestations de recherche du CEA
une part qui sera affectée aux supports et au ressourcement («
overhead costs
»), ce surcoût
étant limité pour l’entreprise du fait du crédit impôt recherche (CIR). Pour une clientèle de
PME, le prix brut est néanmoins un facteur important
36
: 60 % des refus d’offres commerciales
de la PRTT de Toulouse sur 2013-2015 sont attribués à un prix trop élevé. Par ailleurs, le délai
de remboursement du CIR implique pour l’entreprise un besoin de trésorerie sur plus d’un an.
Pour les grands groupes, la concurrence d’organismes de recherche étrangers subventionnés
risque de diminuer la compétitivité coût du CEA.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le champ d’action du CEA s’est progressivement élargi et diversifié, au-delà de la
recherche dans le domaine nucléaire. Aussi serait-il utile que le compte-rendu budgétaire de
l’activité du CEA présenté par le programme 172 soit plus lisible et permette au législateur
comme aux tutelles de mieux comprendre les efforts financiers faits pour chacun des grands
objectifs assignés par décret à l’opérateur : la recherche fondamentale, la recherche nucléaire
et la recherche technologique. Ces activités ont une évolution et un mode de financement
distinct :
CEA Sciences représente le pôle de recherche fondamentale du CEA, dont l’AERES
reconnaissait en 2014
37
l’excellence de la recherche scientifique. Le tropisme industriel du
CEA s’y incarne par le taux d’obtention des « Proof of concept grants », la part des contrats
de recherche partenariale ou les dépôts de brevet. La flexibilité du statut des personnels permet
de ne pas se limiter au jugement par les pairs académiques pour les promotions et de valoriser
les experts.
36
Pour les PRTT de Lorraine et de Lille, l’État a choisi de subventionner de 15 à 25 % du montant des contrats
pour favoriser le développement de l’activité de R&D partenariale.
37
AERES, Rapport d’évaluation du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA),
Août 2014
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
26
La direction de l’énergie nucléaire (DEN) est dans une situation financière difficile : la
baisse continue de la subvention de l’État se conjugue à la crise de la filière électronucléaire
et aux dérives sur le RJH et Astrid. La recherche a été recentrée sur les projets les plus financés
par des partenaires extérieurs, en parallèle d’une réduction significative des effectifs. L’activité
scientifique persiste, mais cette stratégie risque de limiter la possibilité d’innovation en matière
nucléaire à moyen terme.
Enfin CEA Tech a enregistré une croissance importante de ses moyens entre 2007 et
2015, sans croissance de sa subvention récurrente. Sa recherche de haut niveau, alliée à un
haut degré d’interaction avec l’écosystème industriel, conduit à des résultats performants et
singuliers dans le paysage français de la recherche publique. Cependant, la décorrélation
progressive entre une subvention fixe et un budget tiré par les recettes externes fait peser un
risque sur la pérennité du modèle. La volonté de CEA Tech de croître n’a pas été articulée avec
un arbitrage en ce sens des financeurs publics.
Recommandation n° 1.
(DB, DGRI) : Clarifier la structure budgétaire du CEA
présentée au législateur, en identifiant les montants dédiés à la recherche fondamentale,
au nucléaire et à la recherche technologique.
Recommandation n° 2.
(Ministères de tutelle, CEA) : S’assurer que la subvention du
CEA permet à CEA Tech de garantir une part de ressourcement suffisante.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
27
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
28
2
LA VALORISATION INDUSTRIELLE DE LA RECHERCHE
La valorisation de la recherche du CEA est ici étudiée selon trois aspects : le modèle
historique des contrats de recherche, son développement avec la prospection régionale mise en
place par CEA Tech, et enfin la mobilisation des structures publiques de valorisation de la
recherche.
2.1
Le modèle CEA de valorisation industrielle de la recherche
Le modèle classique de la valorisation industrielle au CEA repose sur l’entretien et
l’extension permanente d’un large patrimoine de brevets, et l’utilisation de ce patrimoine
comme image de marque pour permettre la signature de contrats de recherche partenariale avec
des entreprises. En parallèle à ses liens avec des entreprises existantes, le CEA a également mis
en place des processus efficaces pour accompagner la création d’entreprise par ses personnels
ou à partir des technologies qu’il développe.
2.1.1
Une politique dynamique de dépôt de brevets, dont les coûts ne sont pas
compensés par les redevances associées
Les directions du CEA, principalement CEA Tech
38
, ont adopté une attitude très
proactive en matière de dépôt de brevets, conduisant à une croissance importante du nombre de
dépôts annuels (+ 152 % entre 2004 et 2014). Durant la même période, les redevances associées
étaient en nette décroissance sur la même période (- 41 % entre 2004 et 2014).
Cette propension à déposer des brevets est unique en Europe et s’appuie sur des
incitations financières pour les personnels du CEA à l’origine de ces brevets, en application des
dispositions de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle : la
Fraunhofer
Gesellschaft
dépose chaque année 2,10 brevets/100 personnes
39
, contre 6,6 brevets/100
personnes
40
au CEA. La note d’instruction générale NIG 519 du 9 septembre 2014 détaille le
dispositif de primes liées aux brevets :
•
une prime de rédaction pour l’auteur du mémoire technique,
•
une prime d’invention (dégressive en fonction du nombre de personnels CEA
concernés) lors de la délivrance du brevet,
•
une prime d’exploitation dépendant des revenus de licence (diminués des frais
de propriété intellectuelle et des frais de gestion).
38
CEA Tech est l’appellation grand public de la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation
du CEA.
39
Données nombre de dépôt de brevets et effectifs issus du rapport annuel 2015 de la
Fraunhofer Gesellschaft.
40
Donnée nombre de dépôts issue du rapport annuel 2015 du CEA, et effectifs du rapport financier 2015 du CEA
(effectifs civil).
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
29
Ces différentes primes s’élèvent au total à 2,6 M€ en 2014, montant à comparer aux
15 M€ de redevances perçues pour cette même année.
L’équilibre économique de l’activité des brevets est précaire : si l’on excepte le brevet
lié à la détection de l’encéphalite spongiforme bovine qui a généré d’importants revenus à la
DSV jusqu’en 2007 (15 M€ en 2003), les revenus de CEA Sciences s’établissent à environ
1 M€/an en moyenne sur 2009-2014, et ceux de la DEN de l’ordre de 1,5 M€/an. Seul
CEA Tech atteint des revenus significatifs avec 14 M€/an en moyenne. Ces revenus sont stables
dans le temps, tandis que le nombre de brevets déposés croît chaque année (voir Graphique n°
8 :).
Graphique n° 8 :
Nombre de brevets déposés chaque année, sur 2003-2014, par direction
opérationnelle du CEA
Source : Cour des comptes d’après données CEA
41
Ces revenus de licence sont relativement faibles si on les ramène au nombre de familles
de brevets actifs (voir Graphique n° 9 :). La
Fraunhofer Gesellschaft
génère ainsi des revenus
de licence six fois supérieurs avec un portefeuille de brevet comparable (10 % de brevets en
plus), le MIT génère près de deux fois plus de revenus avec trois fois moins de brevets en
portefeuille. Ces écarts s’interprètent principalement par le fait que le CEA dépose
significativement plus de brevets que ses concurrents, sans augmenter d’autant les revenus de
licence associés.
41
« Rapport relatif à la valorisation des activités de recherche du CEA », chiffres et données de l’année 2014,
Direction de la valorisation du CEA.
0
100
200
300
400
500
600
700
2003
2005
2007
2009
2011
2013
CEA Tech
DEN
CEA Sciences
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
30
Les coûts de propriété intellectuelle étant eux dépendants du nombre de brevets déposés
et du portefeuille de brevets à maintenir, ils croissent linéairement d’environ 2 M€/an. Le
tableau de l’annexe 1 résume les recettes et une partie des coûts, et indique que l’activité
brevets, hors coûts internes CEA, est déficitaire depuis 2009, et que les pertes s’accroissent
avec le temps (+ 22 M€ en 2007, -16 M€ en 2014)
42
. À ces montants, il conviendrait également
d’ajouter les coûts internes liés au personnel travaillant directement sur les brevets.
Sur le plan comptable, la valeur des brevets à l’actif du bilan n’intègre pas les frais de
recherche et développement liés aux brevets. La valeur cumulée d’acquisition des brevets est
ainsi de 3,3 M€ en 2015, et la valeur nette de 0,4 M€. Cette valeur semble très largement
sous-évaluée (le budget annuel de CEA Tech est de l’ordre de 600 M€), et ne matérialise pas la
richesse technologique que le CEA peut diffuser. La valorisation de cet actif, éventuellement
de manière extracomptable, en y incluant les frais de R&D, permettrait de mieux apprécier la
contribution du CEA à la création d’actifs pour l’État, ainsi que la rentabilité associée à cet
actif.
Graphique n° 9 :
Revenus de licence par organisme rapporté au nombre de brevets actifs en
portefeuille (en k€/brevet actif, données 2015)
Source : Cour des comptes d’après rapports annuels 2015 du CEA, du MIT, du Max Planck Institute, du CNRS et
de la Fraunhofer Gesellschaft.
42
L’année 2015 a vu, pour la première fois sur la période 2005-2015, les coûts externes de propriété intellectuelle
diminuer, à hauteur de 6 % par rapport à 2014.
20,8
3,8
20,2
10,4
2,4
0
5
10
15
20
25
Fraunhofer
Gesellschaft
CEA
MIT
Max Planck
CNRS
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
31
Les considérations précédentes ne prennent pas en compte l’impact sur les revenus de
la recherche partenariale : les partenaires industriels contractent d’autant plus volontiers que le
CEA leur garantit l’accès à un vaste portefeuille de brevets, et se charge de leur garantir
l’exclusivité dans leur domaine pour les connaissances nouvelles. Le portefeuille de brevet
devient ainsi un élément de différenciation (compétitivité hors coût), une image de marque
valorisable en tant que telle. Cette philosophie du dépôt intensif de brevet pourrait cependant
être remise en cause sur trois points : l’entretien des brevets pourrait être limité aux brevets
exploités dans les quelques années qui suivent le dépôt, la recherche de contrefacteur pourrait
être plus active, et les contrats de licence pourrait prévoir une clause associant pleinement le
CEA en cas de réussite.
Le CEA civil consent, chaque année, en moyenne 22 licences liées à un brevet du CEA
sur un total de 130 licences/an environ, à comparer aux 600 à 700 brevets déposés chaque année.
Par comparaison, le
Massachusetts Institute of Technology
a en 2015 consenti 110 licences,
pour 341 brevets déposés
43
. La croissance du portefeuille de brevet du CEA n’induit pas de
croissance du nombre de licences liées au brevet ou du montant des redevances : le portefeuille
de brevets pourrait être rationnalisé, pour éviter l’entretien des brevets au-delà de quatre ou
cinq ans par exemple, sur tout ou partie des territoires couverts par ce brevet, si aucune licence
n’a été accordée depuis le dépôt, et si aucune perspective raisonnable de licence n’existe.
La recherche de contrefacteur consiste à identifier des entreprises produisant des
produits ou des services en utilisant, sans licence, des éléments de propriété intellectuelle
protégés par des brevets. La négociation consiste alors à concéder
a posteriori
une licence, faute
de quoi une action judiciaire en contrefaçon est intentée. Cette stratégie est souvent vue comme
plutôt coûteuse, avec des résultats incertains en cas de procès : les deux actions intentées sur la
base de brevets CEA ont conduit à des transactions. L’exemple de France Brevets, qui met en
oeuvre cette stratégie de recherche de contrefacteurs sur le portefeuille de brevets qui lui est
confié est instructif : dans le cas du programme NFC
44
, France Brevets a cumulé 35,5 M€ de
coûts et 41,0 M€ d’investissements entre 2012 et 2016 pour 14,2 M€ de revenus, ce qui ne
paraît pas à ce stade encourageant. Toutefois, si la rentabilité directe de la recherche de
contrefacteur peut être faible ou négative, son aspect dissuasif est nécessaire pour que des
contrats de licence puissent être négociés. L’effort à consentir en recherche de contrefacteur
doit ainsi être proportionné au marché potentiel des licences, et non uniquement aux gains liés
aux contentieux en contrefaçon.
Enfin, concernant le contenu des contrats de licence, le cas analysé par la Cour illustre
quelques limites des clauses actuelles : un taux est prévu dans le contrat entre le CEA
et le partenaire privé, taux réduit en cas de volumes importants, avec comme assiette l’ensemble
des ventes liées à la licence et aux sous-licences concédées par le partenaire. Le CEA
ne peut pas s’opposer à la signature de sous-licences par son partenaire, et dispose d’un simple
droit d’information. Rien dans le contrat de licence n’empêche ce dernier de négocier
des taux de redevances plus importants avec ses sous-licenciés, ce qui a été le cas dans
son contrat de sous-licence avec un autre industriel basé à l’étranger.
43
Source : MIT
Technology License Office, statistics
for
fiscal
year
2016
44
La technologie NFC (
Near field communication
) est un protocole de communications électroniques de courte
distance (de l’ordre de 1 à 4 cm)
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
32
Le partenaire bénéficie ainsi d’une plus-value sur les redevances de brevets, liée à l’écart
entre le taux issu du contrat avec le CEA et dans celui négocié avec l’industriel étranger, sans
que la justification économique de cette plus-value ne soit évidente. Le fait de conditionner le
droit de sous-licence à un accord préalable du CEA, et de prévoir un meilleur partage des
revenus de sous-licence entre le CEA et le licencié, permettrait d’optimiser les bénéfices que
tire le CEA de sa politique de brevet en cas de succès des applications commerciales en
découlant.
2.1.2
Une forte intensité de recherche partenariale, qui privilégie le contact direct
des entreprises
La recherche partenariale est une des particularités du CEA, avec une part importante
des recettes externes issues de contrats avec des industriels : de l’ordre de 20 à 25 % pour le
CEA, et jusqu’à 35 % pour CEA Tech. L’essentiel des partenariats est noué au niveau de la
DEN, avec la filière électronucléaire (EDF, AREVA, ANDRA), et au niveau de CEA Tech,
avec des entreprises plus diversifiées (grands groupes, entreprises de taille intermédiaire (ETI),
PME). La dynamique des recettes industrielles a été contrastée entre les différentes directions
opérationnelles du CEA sur la période : les recettes de la DEN et de CEA Sciences ont décru,
suite à la crise de la filière électronucléaire et la fin de contrats liés à la détection du prion, et
cru au niveau de CEA Tech.
Graphique n° 10 :
Part des recettes industrielles dans le budget 2015 de différents organismes
publics de recherche
Source : Cour des comptes d’après rapports annuels 2015 du CEA, de la Fraunhofer Gesellschaft et du CNRS, et
du Massachusetts Institute of Technology
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
CNRS
Fraunhofer
Gesellschaft
CEA
CEA Tech
MIT
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
33
Le nouveau décret relatif au CEA inscrit dans les missions de l’organisme le fait « de
contribuer, au service de la compétitivité de la France, au développement technologique et au
transfert de connaissances, de compétences et de technologies vers l’industrie, notamment dans
le cadre régional, ainsi qu’à la valorisation des résultats des recherches qu’il mène ».
CEA Tech
45
a mené sur la période 2007-2015 une politique très volontariste de
développement des recettes externes. Cette politique a conduit à conclure près de
500 partenariats industriels au niveau de CEA Tech, dont 20 % de TPE/PME. Pour développer
ces partenariats, CEA Tech a adopté une démarche proactive de rencontre des entreprises,
notamment au travers d’évènements : au niveau de la PRTT de Toulouse par exemple, près de
400 entreprises ont été rencontrées depuis la création de la plateforme en 2013, avec
l’organisation d’évènements dédiés (
CEA Tech Day
,
afterworks
), participation à des salons,
rencontre avec des clusters d’entreprises.
Dans cette logique de prospection commerciale, CEA Tech a inauguré en 2011 une salle
d’exposition (
showroom
) de démonstrateurs technologiques issus de ses travaux. Le showroom
de Grenoble a ainsi accueilli 752 visites en 2014, et un showroom mobile a été développé pour
déployer ces démonstrateurs au plus proche des clients potentiels. Ce concept a été transposé
en région, en Midi-Pyrénées et en Lorraine notamment, au travers des PRTT.
Photo n° 1 :
Vue du showroom CEA Tech de Grenoble
Source : CEA Tech, documentation « Le Showroom », 2014
45
CEA Tech est l’appellation grand public de la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation
du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
34
Les nouvelles entreprises prospectées sont principalement des PME
46
, au travers des
PRTT. Ces entreprises étant peu familières des organismes publics de recherche, CEA Tech a
développé une offre de service adaptée, après une première enquête réalisée en 2010 auprès des
PME de la région grenobloise. Les premiers contrats portent sur des durées courtes, de l’ordre
de 1 à 3 mois, pour imaginer une solution technologique à un problème donné (offre
« Conception innovante » ou « Expertises »). L’étape suivante consiste à spécifier puis
concevoir la solution, ce que permet l’offre « Pépite » dédiée aux PME, en 6 à 12 mois.
Enfin un projet bilatéral (1 à 3 ans) ou un laboratoire commun (3 à 5 ans), permettent
d’expérimenter avec les moyens du CEA un démonstrateur ou un prototype de la solution. Cette
gamme permet de proposer des offres légères, rapides et peu coûteuses, pour que les entreprises
puissent tester les prestations de CEA Tech avant de s’engager dans des contrats de plus long
terme pour un développement plus innovant.
Pour continuer la croissance du volume d’affaires, CEA Tech considère qu’une
croissance des effectifs dédiés à cette action est nécessaire. Le ratio entre le nombre
d’entreprises prospectées et le nombre de contrats signés est de l’ordre de 10
47
, et constitue une
contrainte externe. La conséquence que CEA Tech semble en tirer est que, pour augmenter les
recettes externes liées aux contrats de recherche partenariale, il est nécessaire d’augmenter le
nombre d’entreprises prospectées, et donc le nombre d’ETP dédiés aux partenariats industriels
(
business development
). L’hypothèse sous-jacente est que seul le contact direct auprès du client
potentiel permet de déclencher une signature de contrat.
Cette hypothèse se traduit également par une communication grand public faible, et une
notoriété du CEA bien en-deçà de son ampleur dans la valorisation de la recherche. L’étude
Ipsos « Notoriété et image du CEA » de novembre 2013 indique que 38 % des personnes
sondées connaissent le CEA, et elles connaissent principalement ses activités nucléaires, et de
façon moins nette celles liées aux biotechnologies/santé, et au développement des énergies
alternatives. Le sondage effectué par la Cour (annexe 1) indique que 60 % des organismes
interrogés connaissent le CEA, ratio significativement plus élevé que celui obtenu par Ipsos,
mais lié au fait que les sondés font tous partie de l’écosystème des entreprises innovantes. Mais
seuls 28 % des sondés disposent d’un point de contact au CEA, quand 40 % pensent faire partie
du champ technologique du CEA. Par ailleurs, la notoriété du CEA est plus faible dans les
régions où il est implanté depuis peu, ce qui indique que le contact direct ou semi-direct semble
être le principal canal de communication utilisé.
Le nom de l’organisme, CEA, illustre ce décalage entre les activités de recherche et
l’image perçue : le décret 2016-311 du 17 mars 2016 confirme le changement d’appellation de
2009, en nommant l’organisme le « commissariat à l’énergie atomique et aux énergies
alternatives ». Cependant le sigle CEAEA ou CEA
2
n’a pas prospéré, contrairement à celui de
l’IFPEN
48
. Le nom de CEA reste ainsi très lié à l’énergie atomique, qui ne représente qu’un
tiers de son activité de recherche civile avec la DEN.
46
Cette prospection porte ses fruits, les nouveaux partenaires industriels des PRTT en 2016 étant 79 PME et
36 ETI.
47
Données estimatives pour la PRTT Midi-Pyrénées, obtenues avec le ratio « P6 »/« P1 » dans le suivi des clients,
c’est-à-dire le nombre d’entreprises prospectées divisé par le nombre de contrats signés.
48
IFP Energies nouvelles, nouveau nom de l’Institut français du pétrole.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
35
Cette faible notoriété, principalement cantonnée aux activités liées au nucléaire et peu
sur les activités de valorisation de la recherche à destination des entreprises, en ce compris les
TPE/PME, limite le flux d’affaires spontanées. Des moyens humains importants sont ainsi
essentiels pour développer le chiffre d’affaires. L’AERES recommandait en 2014
49
d’intensifier la communication du CEA ayant pour but le dialogue citoyen. Il conviendrait dans
le champ de la valorisation de la recherche de réfléchir aux stratégies de communication
permettant de limiter le recours à la prospection directe.
2.1.3
La création d’entreprise, un parcours encouragé et balisé par le CEA
Certains résultats de recherche du CEA ne peuvent être valorisés auprès d’entreprises
existantes, et peuvent conduire à des créations d’entreprises dédiées à ces innovations. Le
parcours de création d’entreprise, l’essaimage, est structuré au sein du CEA, avec notamment
une délégation à l’essaimage créée en 1985
50
.
La NIG 575
51
crée un comité à l’essaimage du CEA qui peut décider de mettre un projet
en incubation : le créateur d’entreprise est libéré de ses obligations professionnelles pour une
durée de six mois, renouvelable deux fois, peut obtenir un prêt d’honneur jusqu’à 40 000 €, un
congé pour création d’entreprise de 1 à 4 ans, et disposer du soutien de la délégation à
l’essaimage. En contrepartie, le CEA dispose,
via
CEA Investissement, d’un droit de prise de
participation dans l’entreprise créée lors de sa constitution, jusqu’à 15 % du capital initial (parts
fondateurs).
La délégation à l’essaimage de la direction de la valorisation anime régulièrement des
journées « création d’entreprise » pour susciter des projets, et rappeler les dispositions dont
bénéficient les personnels du CEA, avec un rythme d’une à trois journée(s) chaque année.
L’essaimage peut également concerner des porteurs de projet extérieur au CEA qui cherchent
à valoriser des technologies issues des laboratoires du CEA. Des comités réguliers à l’essaimage
étudient les projets soumis, et décident de l’incubation ou des prolongations d’incubation de
ces projets.
Sur la période 2007-2015, 88
start-up
ont été créées ou soutenues par le CEA, 9 d’entre
elles datant de l’année 2015. Pour comparaison, la
Fraunhofer Gesellschaft
revendique
131 spin-off
52
, et 24 nouvelles sociétés établies en 2015
53
, soit approximativement 1,0 nouvelle
société établie pour 1 000 permanents, contre 0,8 pour le CEA et 2,1 pour le
Massachusetts
Institute of Technology
54
.
49
« Rapport d’évaluation du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) », AERES,
Août 2014.
50
« Les incubateurs publics d’entreprises technologiques innovantes », rapport IGAENR, juillet 2001.
51
Note d’instruction générale 575 du 12 décembre 2008, et circulaire d’application n° 1 DRT/Valo du
24 novembre 2009.
52
Source : Fraunhofer Venture, page consultée en octobre 2016.
53
Source : rapport annuel 2015 de la Fraunhofer Gesellschaft.
54
Source : site internet du MIT pour les effectifs 2015, et du MIT
Technology Licensing Office
pour les sociétés
crées en 2015.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
36
La création de
start-up
ne se limite pas à CEA Tech, la recherche fondamentale de CEA
Sciences ayant conduit à des innovations de rupture prometteuses, notamment
via
NAWATechnologies (nouveaux matériaux basés sur des nanotubes de carbone), Posithôt
(générateur de positons) ou Prestodiag (détection rapide de bactéries).
CEA Investissement, société anonyme filiale à 100 % du CEA, a pris des parts
fondateurs, en application de la NIG 575, dans 56 de ces sociétés, et a cédé par la suite ses parts
dans 6 d’entre elles, pour une plus-value de 1,9 M€. La plus-value latente pour les 50 sociétés
toujours en portefeuille s’élevait en juin 2016 à 6,2 M€ : les parts fondateurs représentent ainsi
un revenu potentiel d’environ 1,1 à 1,2 M€/an, transféré du CEA, qui supporte les salaires et
les frais de laboratoires durant la maturation, à CEA Investissement, qui bénéficie de la
plus-value de cession des parts fondateurs. Ce transfert gratuit à CEA Investissement du droit
d’acquérir des actions à leur montant nominal pourrait être compensé par le versement de
dividendes au CEA, lors de la réalisation de la plus-value. Ces dividendes permettraient aux
laboratoires à l’origine du projet de bénéficier financièrement de son succès.
Au-delà des parts fondateurs, CEA Investissement finance également l’amorçage des
sociétés issues du CEA, ou intervenant dans le champ technologique du CEA.
CEA Investissement disposait au 30 juin 2016 de 19 sociétés en portefeuille (avec des parts
fondateurs pour 15 d’entre elles), financées pour l’amorçage, et 30 autres sociétés était au
portefeuille du fonds Amorçage Technologie Innovation – ATI
55
(avec des parts fondateurs
pour CEA Investissement dans 11 d’entre elles). Les montants investis en phase d’amorçage
sont de l’ordre de la centaine de milliers au demi-million d’euros dans chaque entreprise, et ont
pour objectif de financer le passage du concept au produit ou service.
Cette activité d’amorçage est souvent vue comme faiblement rentable voire déficitaire.
L’association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) effectue des enquêtes
annuelles de la performance du financement en France, et mesure le taux de rendement interne
(TRI) des différents fonds. Un TRI doit être supérieur à l’inflation pour que l’investissement
soit à rentabilité nulle. Le TRI à 10 ans du capital investissement
56
dans son ensemble était à
10,0 % en 2015, celui de l’amorçage à 2,6 %
57
, à comparer au taux moyen d’inflation sur 10 ans
de 1,5 % sur 2005-2014
58
, la moitié des fonds d’amorçage ayant un TRI nul ou négatif. Cette
activité n’est pour l’instant pas rentable chez ATI, mais CEA Investissement arrive à dégager
un résultat positif sur l’amorçage, avec un taux de rendement interne (TRI) brut de l’ordre de
20 % au 31 décembre 2015.
Le taux de survie des
start-up
du CEA est au-dessus de la moyenne nationale pour les
entreprises de la catégorie « Activités spécialisées, scientifiques et techniques »
59
: ce taux
moyen est de 72,7 % à trois ans pour la génération 2006 contre 79,4 % au CEA sur la période
2005-2009, 79,6 % à trois ans pour la génération 2010 contre 90,1 % au CEA sur la période
2010-2014.
55
Voir § 2.3.2.3 pour les détails concernant ce fonds, dont CEA Investissement est actionnaire et gestionnaire, et
auquel il a apporté plusieurs de ses investissements.
56
Le capital investissement regroupe l’amorçage, le développement, la transmission et les fonds généralistes.
57
« Performance nette des acteurs français du capital-investissement à fin 2015 », AFIC, 29 juin 2016.
58
Taux moyen calculé à partir des taux annuels d’inflation en France relevés par l’INSEE.
59
« Entreprises créées en 2010 : sept sur dix sont encore actives trois ans après leur création », Insee Première
n° 1543, avril 2015.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
37
Parmi les
start-up
issues du CEA, le filtre de CEA Investissement au niveau de
l’amorçage permet de ne parfois pas retenir des projets qui ne sont pas immédiatement viables.
Le CEA semble en effet parfois pousser des projets dont la pérennité n’est pas garantie : Kwele,
lancé en 2008, a été arrêté la même année, Prone Systems, lancé en 2013 a également été arrêté
la même année, Pac Sol, soutenu par le CEA, a été lancé en 2011 et arrêté en 2012
60
.
L’indicateur sur le nombre de
start-up
créées peut ainsi induire une forme de contrainte
implicite, forçant la création d’entités qui ne sont pas complètement matures.
2.1.4
Une ambition de diffusion technologique qui nécessite des moyens
La diffusion technologique de ses résultats de recherche dans les régions fait partie des
missions du CEA depuis 1982
61
, et a été réaffirmé dans le nouveau décret de 2016. Cette
mission est essentiellement portée par CEA Tech
62
, en particulier par les PRTT. L’exemple des
PRTT (voir § 2.2.2) permet cependant d’illustrer la limite de la croissance autonome de
CEA Tech : faute de subvention, la valorisation prend le pas sur le ressourcement, et il devient
difficile de continuer à effectuer des contrats de recherche partenariale sans création de
nouvelles connaissances. La subvention permet en effet de financer les coûts fixes, notamment
les équipements de recherche, les fonctions support et le ressourcement. En cas de croissance
du volume d’affaires, l’augmentation des coûts fixes conduit, à subvention fixe, à effectuer des
arbitrages sur le ressourcement : la valorisation de la recherche se fait ainsi, indirectement, au
détriment du ressourcement.
Le CEA a été sollicité fin 2015 par la présidence de la République pour proposer un
plan de croissance de ses activités de valorisation technologique, dit plan « alpha ». En se
comparant aux modèles européens d’opérateurs de recherche technologique, notamment la
Fraunhofer Gesellschaft
allemande, CEA Tech estime que le potentiel économique des
entreprises françaises lui permettrait d’augmenter ses recettes industrielles de 35 % (+ 80 M€).
Cependant, pour rééquilibrer ses différents modes de financement, la subvention devrait être
augmentée de 150 M€ (+ 100 %) pour retrouver le seuil d’équilibre de 33 % du budget global
de CEA Tech. Le plan moyen-long terme (PMLT) du CEA approuvé en juin 2015 prévoit une
légère baisse de la subvention de CEA Tech de 151,6 M€ en 2016 à 149,7 M€ en 2026, à
comparer à l’ambition d’une subvention de 300 M€ du plan « alpha » présenté par le CEA.
60
Il peut être noté que ces entreprises n’ont pas fait l’objet d’une prise de participation par CEA Investissement.
61
Décret n° 82-734 du 24 août 1982 modifiant le décret n° 70-878 du 29 septembre 1970 et le décret n° 72-1158
du 14 décembre 1972 modifiés relatifs au commissariat à l’énergie atomique.
62
CEA Tech est l’appellation grand public de la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation
du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
38
Le CEA a également présenté à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la
mer, chargée des relations internationales sur la climat un plan stratégique de transition
énergétique dans le cadre de la loi TECV
63
lors de l’été 2016, pour défendre une augmentation
de la subvention du CEA portée par le programme 190 : une augmentation de 32 M€ était
demandée par le CEA. À la date du présent rapport, cette demande n’a pas eu de suite, le projet
annuel de performance (PAP) 2017 indiquant au contraire une baisse de 3 M€ de cette
subvention entre la loi de finances initiale (LFI) 2016 et le PLF 2017.
CEA Tech, après avoir fait croître continûment ses recettes industrielles (+ 100 M€ entre
2007 et 2015) sans croissance de sa subvention, arrive ainsi aux limites de son modèle. Le cas
des PRTT illustre la dérive probable de CEA Tech en cas de persistance d’une part trop faible
de subvention dans son budget. Au-delà des leviers d’efficacité que le CEA peut trouver dans
sa gestion, la croissance de CEA Tech nécessite au préalable une vision partagée avec les
tutelles de ses modalités de financement et de la viabilité de son modèle.
2.2
Les PRTT, la volonté du développement industriel régional
En 2012, CEA Tech
64
a fait le pari d’un développement d’antennes régionales pour faire
croître le volume des contrats de recherche partenariale. Le constat était que l’essentiel des
contrats signés l’était avec des entreprises géographiquement proches des sites de Grenoble ou
de Saclay. Ces plateformes régionales de transfert de technologie sont une expérimentation
originale, signe d’une vision stratégique claire de CEA Tech.
Après avoir rappelé le fondement de cette vision, le mode de financement des PRTT et
leurs perspectives seront étudiés, ainsi que la mesure de leur impact économique.
2.2.1
La création des PRTT, portée par une vision du transfert technologique
Le principe des PRTT repose sur l’hypothèse d’une offre insuffisante de services de
valorisation de la recherche au plus près des entreprises.
Le premier constat macroéconomique dressé par le CEA est la faiblesse du financement
privé de la recherche publique en France, par comparaison à l’Allemagne. En utilisant les
données de l’OCDE (graphique ci-dessous), il apparaît que l’Allemagne a un financement privé
de sa recherche publique d’environ 0,11 % du produit intérieur brut (PIB) annuel depuis 2008,
contre moins de 0,04 % en France.
63
Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
64
CEA Tech correspond à la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
39
Graphique n° 11 :
Montant, en point de PIB, de la recherche publique financée par les entreprises,
en France et en Allemagne, entre 2000 et 2013
Source : Cour des comptes d’après données OCDE (agrégation HERD et GOVERD, divisée par le PIB
en € courants)
Le second constat, géographique, est que CEA Tech effectuait 95 % de ses partenariats
en 2011 avec des établissements des régions Rhône-Alpes et Île-de-France, quand ces régions
ne cumulaient que 26 % des établissements industriels. La proximité géographique entre les
implantations des laboratoires et les établissements industriels semble ainsi un facteur important
pour nouer des contrats de recherche partenariale.
Ces deux constats impliquent ainsi qu’il existe une demande insatisfaite en prestations
de recherche partenariale, et qu’une présence régionale est nécessaire pour aller à la rencontre
de cette demande. Le 15 octobre 2012, le Premier ministre a annoncé le lancement de
l’expérimentation des PRTT, avec trois objectifs, déclinés à l’article 2 de la convention
État-CEA de décembre 2012
65
:
•
Diffusion des technologies génériques de CEA Tech en région, en allant
au-devant des entreprises sur le terrain.
•
Développement de plateformes technologiques locales, adaptées aux besoins des
acteurs régionaux, et complémentaires des moyens actuels du CEA.
•
Association avec les autres acteurs locaux de la recherche publique, pour
mutualiser les moyens et les compétences, et permettre le ressourcement
technologique.
La contrainte fixée par l’article 3 de la convention consiste à ne pas mobiliser la
subvention du CEA ou les financements de l’État pour faire fonctionner ces PRTT. Ces centres
doivent ainsi fonctionner avec des financements industriels ou des financements publics hors
État.
65
« Convention d’expérimentation État-CEA relative à la création par le CEA de nouvelles plates-formes
régionales de transfert technologique » du 21 décembre 2012.
0,00%
0,02%
0,04%
0,06%
0,08%
0,10%
0,12%
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
France
Allemagne
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
40
Le bilan établi en décembre 2015 par le Conseil général de l’économie (CGE)
66
est
positif : les objectifs initiaux de chiffre d’affaires ne sont pas atteint, mais atteignent 24 M€ en
2015, sans effet d’éviction sur les autres recettes industrielles de CEA Tech. Les plateformes
ont permis de nouer des relations avec de nouvelles entreprises industrielles en région, dans une
large variété de domaines industriels
67
, qui sont globalement très satisfaites de leurs relations
avec le CEA. Des partenariats ont été développés avec des institutions de recherche (Mines
Telecom
68
, CNRS
69
, CETIM
70
, ENSAM
71
, INP
72
), pour articuler les interventions de chaque
organisme, notamment en région. Le ressourcement technologique, notamment les doctorants,
a permis de créer des liens avec les laboratoires académiques locaux. Enfin, les régions ont
accompagné ce mouvement, en finançant les « équipes coeurs », c’est-à-dire les personnels
dédiés à la prospection commerciale, ainsi que les locaux et des équipements.
La mission du CGE de décembre 2015 a recommandé la poursuite de l’expérimentation
des PRTT, estimant que le pari était réussi. Ces conclusions ont été reprises par le comité de
pilotage des PRTT le 15 janvier 2016. La décision de pérenniser ces plateformes n’était
cependant pas encore prise au niveau ministériel à la clôture de l’instruction.
2.2.2
CEA Tech sans financement de l’État ou sans recettes industrielles : les
modèles limites des différentes PRTT
L’article 3 de la convention État-CEA sur les PRTT stipulait que les plateformes ne
pouvaient faire appel aux financements compétitifs nationaux ou à la subvention du CEA. Le
modèle économique reposait ainsi sur un financement initial des régions, et une rapide hausse
des contrats privés pour atteindre une cible de 75 % de recettes industrielles, et de 25 % financés
par les régions pour le ressourcement
73
. Cette cible était dès 2012 en deçà du modèle à 33 % de
subvention promu par CEA Tech.
66
« Évaluation de l’expérimentation des plateformes régionales de transfert technologique de CEA Tech », Conseil
général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (2015/30/CGE/SG) et Inspection générale
de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (2015-095), décembre 2015.
67
Aéronautique, agroalimentaire, automobile, Luxe-Textile, Chimie, Santé, Habitat-BTP, etc.
68
Partenariat stratégique entre CEA Tech et l’Institut Mines Telecom et Armines, 5 novembre 2012.
69
Protocole d’accord CEA-CNRS, 7 décembre 2012.
70
Convention de partenariat stratégique entre CEA Tech et le CETIM, 10 septembre 2013.
71
Convention de partenariat stratégique entre CEA Tech et l’ENSAM, 19 novembre 2013.
72
Partenariat stratégique entre CEA Tech et les Instituts polytechniques de Bordeaux, Grenoble, Nancy et
Toulouse, 20 novembre 2013.
73
Annexe 1 de la « Convention d’expérimentation État-CEA relative à la création par le CEA de nouvelles plates-
formes régionales de transfert technologique » du 21 décembre 2012.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
41
Tableau n° 5 :
Financements et effectifs des PRTT (Toulouse, Bordeaux, Nantes) entre 2013 et 2015
Recettes en €
2013
2014
2015
Recettes industrielles (réalisées)
8 452 000
17 612 000
23 590 000
Recettes industrielles (cible)
10 800 000
23 000 000
35 000 000
Financements publics
1 360 000
3 426 000
11 223 000
ETPT (réalisé)
60
1 183
1 797
ETPT (cible)
60
125
200
Source : Cour des comptes d’après données CEA
Les financements publics représentaient 14 % des recettes totales en 2013, et 32 % en
2015, contre une cible à 25 %. Ces financements sont principalement issus des Régions, à
l’exception de la PRTT de Toulouse qui reçoit des financements du Fonds européen de
développement régional (FEDER, 7,0 M€ sur 2013-2015), du Fonds national pour
l'aménagement et le développement du territoire (FNADT, 1,0 M€ sur 2013-2015) ou du contrat
de plan État-Région (CPER, 0,9 M€ sur 2013-2015).
Deux autres PRTT ont été lancées après la première vague Toulouse-Bordeaux-Nantes,
à l’initiative de l’État, avec des objectifs de diffusion technologique mâtinés d’aménagement
du territoire. La PRTT de Lorraine
74
a été lancée en 2014 dans le cadre du Pacte lorrain, avec
un financement reposant très majoritairement sur des fonds publics : l’installation du CEA et
son fonctionnement initial sont financés sur deniers publics, et les contrats de recherche sont
également aidés par l’État et la Région, de 15 à 25 % selon la taille de l’entreprise
75
. La PRTT
de Lille a été lancée fin 2015
76
, et repose sur le même schéma d’un financement public de la
plateforme, et d’une aide aux industriels pour les contrats confiés au CEA. Le démarrage de la
PRTT de Lorraine est significativement plus lent que les cibles initiales, les recettes
industrielles peinant à croître, en dépit d’un taux de subvention supérieur à 90 %.
74
« Convention entre l’État, la Région Lorraine et le CEA pour l’installation de la plate-forme régionale du CEA
en Lorraine », 26 mars 2014.
75
Cette subvention suit le régime d’aide d’État notifié N 520a/2007.
76
« Convention partenariale pour la création d’une plateforme régionale de transfert technologique CEA Tech en
région Nord-Pas de Calais », 4 décembre 2015.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
42
Tableau n° 6 :
Financement de la PRTT Lorraine en 2014 et 2015
en €
2014
2015
Recettes industrielles (réalisées)
326 000
375 000
Recettes industrielles (cible)
1 500 000
3 000 000
Financements publics (réalisés)
3 232 000
4 016 000
Financements publics (cible)
7 700 000
11 330 000
Source : Cour des comptes d’après données CEA
La première vague des PRTT (Toulouse, Bordeaux, Nantes) conduit à un modèle
CEA Tech sans subvention. La focalisation très forte sur la prospection des clients limite
drastiquement la création de connaissances nouvelles, avec en particulier très peu de dépôts de
brevets par rapport aux autres équipes de CEA Tech. Cinq brevets étaient déposés en
juillet 2015, contre près de 24 attendus en appliquant la moyenne du CEA (6,6 brevets/100
personnes/an). La majorité des financements sont issus de contrats industriels, ce qui polarise
les équipes sur des projets de court terme, et ne permet pas de développer une recherche
prospective suffisante. Les PRTT illustrent paradoxalement le risque pour CEA Tech d’une
trop grande dépendance dans les financements industriels : une recherche appliquée
dynamique, mais qui peine à créer les nouvelles connaissances qu’elle pourra diffuser demain.
La mission menée par le CGE préconise ainsi d’ouvrir l’accès aux financements compétitifs de
l’État et à la subvention du CEA pour que le modèle puisse se pérenniser.
La seconde vague de PRTT (Lorraine et Lille) illustre un modèle CEA Tech très
fortement subventionné (< 10 % de recettes industrielles). Le recul est plus limité sur ces PRTT,
mais la logique des conventions est de créer une filière industrielle par transfert technologique,
et non d’améliorer la compétitivité d’une filière préexistante par des contrats de recherche
partenariale. L’utilisation de la PRTT pour faire émerger de nouvelles entreprises semble plus
difficile qu’initialement escompté, un bilan à trois ans permettant probablement de mieux
estimer l’impact de CEA Tech dans l’écosystème régional.
Pour la première vague de PRTT, CEA Tech a démontré une capacité remarquable de
prospection commerciale, démultipliant les contacts avec les entreprises, et atteignant en trois
ans près de 24 M€ de recettes industrielles. Cette activité de démarchage, appuyée sur une
organisation très professionnelle de suivi des clients potentiels, un discours commercial rodé et
des espaces de démonstration (
showroom
) de qualité, semble unique en France. Cette méthode
gagnerait en efficacité en diffusant, outre les résultats de recherche du CEA, ceux d’autres
institutions publiques de recherche. L’expérimentation d’une mise à disposition des forces
commerciales des PRTT à d’autres partenaires du CEA, sur la base d’accords bilatéraux,
permettrait d’accroître l’efficacité de cette démarche.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
43
2.2.3
La difficile mesure de l’impact de l’action du CEA en région
La mission d’évaluation des PRTT du CGE en 2015 a, comme le demandait sa lettre de
mission, posé le cadre d’une évaluation de l’impact économique des PRTT, combinant des
indicateurs quantitatifs, une démarche économétrique avec un échantillon de référence, et une
évaluation qualitative avec des «
success stories
».
Un premier indicateur peut être le coût public des prestations réalisées par les PRTT de
la première vague. Si ces PRTT ne disposent pas d’un financement direct de l’État, il faut
rappeler que les entreprises qui délèguent une activité de R&D à une entité publique bénéficie
d’un doublement du crédit impôt recherche
77
, soit un taux effectif de 60 % pour les dépenses
de R&D inférieures à 12 M€
78
. Le taux de financement public des activités des PRTT s’élève
ainsi à 73 % en 2015 en combinant les financements publics directs et 60 % des recettes
industrielles : pour 1 € investi (en net) par une entreprise, la sphère publique finance 2,7 €.
La démarche économétrique est plus difficile à mener, l’impact de l’activité du CEA
demandant de comparer deux groupes similaires, dont l’un contracte avec le CEA, et l’autre
non (groupe « témoin » ou contrefactuel). Une analyse de ce type a été menée sur les données
d’export des douanes : l’hypothèse consistait à tester si l’implantation d’une PRTT dans une
région conduit ou non à des augmentations statistiquement significatives d’exportations pour
une catégorie de produits donnée. En effet, si l’innovation apportée par le CEA apporte un
surcroît de compétitivité, ce surcroît devrait se traduire par une augmentation directe ou
indirecte des exportations de produits ou de services intégrant cette innovation.
La méthode, détaillée en annexe n° 3, étudie ainsi les données d’export des douanes, par
catégorie de produits et par région, en comparant les régions ne disposant d’aucun centre
CEA Tech ou de PRTT, et la région Midi-Pyrénées, où une PRTT a été implantée en 2013,
distinguant la période 2010-2012 et 2013-2015. Le résultat est que les effets observés sur les
catégories de produits les plus significatives sont ambivalents, et ont probablement d’autres
explications que l’implantation de la PRTT.
Une étude menée à l’échelle européenne par un cabinet de conseil belge
79
, sur
commande de l’association européenne des organismes de recherche technologique (EARTO),
tente de chiffrer au niveau macroscopique l’impact du CEA en termes d’emplois et de retours
fiscaux. Il en ressort que chaque emploi du CEA induit 3,5 emplois ailleurs dans l’économie
européenne, et que l’activité civile du CEA génère chaque année 2,2 Md€ de retours fiscaux,
montant à comparer au 850 M€ de subvention. Cette étude tente ainsi de démontrer que la
subvention accordée au CEA est bien investie.
La mesure économique de l’impact des activités de diffusion technologique reste un
problème complexe, la sélection d’un échantillon témoin et d’un échantillon exposé, identiques
en tout point en dehors d’un contrat avec le CEA, restant un exercice assez abstrait.
77
Article 244 quater B du code général des impôts, II d) 1°
78
Article 244 quater B du code général des impôts, II d), 10
ème
paragraphe
79
“Economic footprint of 9 European RTOs, Final report”, IDEA Consult SA, December 2015
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
44
Les éléments rassemblés indiquent que l’effet, s’il existe, doit prendre en compte tous
les financements publics (dont le CIR), n’est pas direct et massif (analyse économétrique), mais
qu’en dépit de son caractère diffus, il pourrait être important (analyse du cabinet de conseil
belge).
Concernant plus spécifiquement les forces de prospection commerciales, combinant des
démonstrateurs, des
showrooms
et des effectifs dédiés au contact avec les industriels, il s’agit
d’un élément assez atypique dans la valorisation de la recherche publique. L’efficacité de cette
approche de la prospection commerciale gagnerait à être évaluée concrètement pour démontrer
la pertinence de ce modèle.
2.3
L’interaction du CEA avec l’écosystème de la valorisation
Le CEA est un organisme de recherche puissant en matière de valorisation, réalisant à
lui seul près de la moitié des recettes privées de l’ensemble de la recherche publique française.
Il a intégré dans son fonctionnement les différents dispositifs de valorisation de la recherche
publique, mais son modèle économique a conduit à des frictions lors du déploiement des outils
issus des investissements d’avenir.
2.3.1
Une utilisation efficace des outils historiques de valorisation
Le CEA mobilise les différents financements dédiés à l’innovation, et est présent dans
la plupart des dispositifs soutenus par l’État et promouvant la valorisation de la recherche
publique : incubateurs, pôles de compétitivité, Instituts Carnot, programme Eurêka, programme
Cap’tronic, etc.
2.3.1.1
Les incubateurs et les pôles de compétitivité
Le CEA est ainsi membre de l’incubateur technologique du campus Paris-Saclay,
IncubAlliance, et fondateur de l’incubateur Grenoble Alpes Innovation (GRAIN)
80
, ces deux
incubateurs étant respectivement les 1
er
et 3
ème
plus importants récipiendaires des fonds du
programme 172 dédiés au soutien aux incubateurs
81
.
De même, le CEA est membre de 31 pôles de compétitivité (sur 71 pôles existants), et
administrateur de 18 d’entre eux
82
. L’appartenance à ces pôles permet de mobiliser ensuite le
80
La SATT Linksium à Grenoble a depuis fin 2014 repris l’activité d’incubation d’entreprises.
81
« Évaluation du dispositif d’incubation issu de l’appel à projets du 25 mars 1999 », rapport 2014-066 de
l’IGAENR, septembre 2014.
82
Rapport annuel 2015 du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
45
fonds unique interministériel (FUI, programme 192) pour les projets de recherche labellisés, ou
des aides de l’agence nationale de la recherche (ANR) dédiées aux pôles de compétitivité.
2.3.1.2
Les Instituts Carnot
Le cas des Instituts Carnot illustre l’efficacité du CEA pour tirer parti des financements
publics pour la valorisation, et la perte de vitesse de ces financements au profit des nouveaux
outils.
Les trois instituts de CEA Tech
83
sont des Instituts Carnot
84
, ce qui conduit à des
financements au titre des abondements Carnot de l’ordre de 16 M€/an sur la période 2007-2015,
soit de l’ordre de 30 % du total des abondements Carnot versés par l’ANR
85
. La directrice du
CEA-Leti est également la présidente de l’association des Instituts Carnot (AiCarnot). Les trois
instituts ont été renouvelés en 2016 lors des labellisations Carnot 3, avec un bilan très
satisfaisant lors de l’évaluation par l’ANR fin 2015.
L’abondement Carnot n’a cependant pas accompagné la croissance de l’activité des
Instituts : en 2008, sur 205 M€ de recettes contractuelles pour les différents Instituts, l’ANR
versait 60,7 M€ d’abondements (30 %). En 2015, les recettes contractuelles avaient augmenté
à 455 M€, l’abondement diminuait à 57 M€ (12,5 %)
86
. Le niveau initial d’abondement (30 %)
pouvait permettre de financer le ressourcement des organismes, mais il s’établit désormais à un
niveau trop faible pour que ce ressourcement soit effectif. Le dispositif Carnot semble avoir
subi le même effet de ciseau que le CEA avec sa subvention : les recettes industrielles ont
considérablement crû, quand les financements publics pérennes sont en légère décroissance.
L’équilibre initial de 30 % de subvention ou abondement sur le budget total n’est ainsi pas
maintenu, ce qui remet en question la soutenabilité du ressourcement scientifique.
2.3.1.3
Les autres programmes de valorisation de la recherche
Au-delà de ces labels institutionnels, le CEA mobilise également la plupart des sources
de financement recensées par le CGE dans sa revue des dépenses 2015 concernant les aides à
l’innovation
87
: des thèses CIFRE
88
, le programme Eurêka
89
, programme Cap’tronic, concours
83
CEA Tech correspond à la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation du CEA.
84
Le Leti et le List sont des Instituts Carnot, le Liten l’est au travers du Carnot « Energies du futur ».
85
Financement ANR-Carnot attribués au CEA rapportés aux « crédits hors AAP – Institut Carnot » des rapports
annuels de l’ANR, diminués le cas échéant du programme inter Carnot-Fraunhofer (PICF) si disponible.
86
Données de recettes contractuelles et d’abondement issues des rapports annuels de l’ANR, 2008 et 2015.
87
Voir notamment la liste du rapport « Revue de dépenses 2015 – Les aides à l’innovation », CGE-IGF-CGEDD,
juin 2015.
88
Conventions industrielles de formation par la recherche – CIFRE, financées en partie par le programme 172.
89
Programme regroupant 42 pays, lancé en 1985, qui vise à renforcer la recherche précompétitive en Europe. Le
CEA est notamment partenaire des clusters Catrene (OpenES) – devenu Penta, Euripides (Intex) – devenu
Euripides
2
, Itea3 (Emphysis), Celtic-Plus (Tilas), Eurogia+ (CAPZinc).
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
46
i-Lab, etc. Les deux derniers exemples illustrent la force du CEA pour allier recherche et
industrie.
Le programme Cap’tronic est géré par l’association Jessica France, fondée en 1991 par
le CEA et l’ANVAR (devenu Oséo puis BPIFrance), et a pour objectif d’aider les PME
françaises à améliorer leur compétitivité en intégrant des solutions électroniques ou logicielles
dans leurs produits. Ce programme est soutenu par le programme 192, pour 4 M€/an environ,
et les documents budgétaires
90
rappellent que l’évaluation de Cap’Tronic a conclu qu’1 M€ de
subvention de l’État se traduisait par 10 M€ de chiffre d’affaires supplémentaires, et 80 emplois
créés ou maintenus. Ce soutien dans la durée, depuis 25 ans, est suffisamment rare pour être
signalé.
Le concours i-Lab montre que l’accompagnement à l’essaimage du CEA conduit à des
projets de qualité. Ce concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies
innovantes, existant depuis 1999 et organisé par le ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche, récompense les jeunes pousses technologiques les plus prometteuses, avec des
subventions pouvant aller jusqu’à 450 000 €. Les
start-ups
issues du CEA ont obtenu en cumulé
7,7 M€ d’aides, sur un budget total de 60,6 M€ issu du programme 172, soit 13 % du total
national.
2.3.2
Un modèle de valorisation incompatible avec les nouveaux outils du PIA
Lors du rapport de la commission Juppé/Rocard en 2009
91
, préconisant un
investissement de l’État de 35 Md€, 3,5 Md€ étaient fléchés sur l’action 3 « Créer quelques
campus d’innovation de dimension mondiale, mieux valoriser les résultats de la recherche
publique et soutenir la recherche partenariale ». Sur ce montant, la valorisation et le transfert
de technologies étaient estimés à 1 Md€, et le renforcement des Instituts Carnot à 0,5 Md€.
Cette action s’est traduite dans le programme d’investissements d’avenir
92
par une
enveloppe de 600 M€ pour les Instituts Carnot, 600 M€ pour le Fonds national d’amorçage
93
,
911 M€ pour le Fonds national de valorisation (SATT, CVT
94
et France Brevets), et 1 975 M€
pour les Instituts de recherche technologique (IRT).
Ces nouveaux outils ont modifié de façon importante le paysage de la valorisation de la
recherche, et conduit le CEA à s’adapter à des modèles de diffusion technologique différents
de celui qu’il avait construit.
90
PAP 2017 du programme 192, action n° 02.
91
« Investir pour l’avenir – Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national », rapport au Président de
la République, novembre 2009.
92
Rapport d’activité annuel 2015, Commissariat général à l’investissement.
93
Le Fonds national d’amorçage est lié à l’action 5 « Encourager la création d’entreprises innovantes et
l’innovation sociale » de la commission Juppé-Rocard, mais a un lien avec l’activité d’essaimage du CEA.
94
Consortium de valorisation technologique, peu utilisés par le CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
47
2.3.2.1
Instituts de recherche technologique (IRT)
Tableau n° 7 :
Vision synthétique des IRT, données 2015
Nombre d’IRT
IRT dont le CEA est
partenaire
Enveloppe PIA
Versements PIA
8
1
1 975 M€
230 M€
Source : Cour des comptes d’après données CGI
L’ambition des IRT consistait à ce que l’État finance le lancement de nouveaux instituts
de recherche, capable de mener de façon autonome leurs propres recherches, et qui puissent à
horizon 2020 être financés par les partenaires industriels, par les revenus de la propriété
intellectuelle créée, et par les financements compétitifs.
La note méthodologique du commissariat général à l’investissement (CGI) concernant
les IRT a fait l’objet d’un arbitrage interministériel diffusé le 18 janvier 2012
95
: les IRT doivent
« constituer une nouvelle entité de recherche technologique », « être doté[s] d’une personnalité
juridique propre ». Ce modèle implique en particulier que la propriété intellectuelle issue de la
recherche propre de l’IRT appartienne à 100 % à l’IRT. L’atténuation de la rigueur de cette
règle avec le ratio dit des 80/20 ne concerne que les partenaires industriels.
Concernant le CEA, le fait que la propriété intellectuelle soit transférée à l’IRT entre en
contradiction avec son propre modèle de valorisation industrielle. Pour néanmoins bénéficier
des financements du PIA associé, le CEA a pesé pour instaurer un IRT dérogatoire, Nanoelec,
qui n’est pas doté de la personnalité juridique, et est simplement isolé comptablement au sein
du CEA. La mise en place de cet IRT a été complexe, un audit préalable de l’IGAENR
96
ayant
été diligenté pour vérifier la conformité du projet du CEA avec « les principes d’efficacité, de
transparence et de partage des risques technologiques et financiers entre acteurs privés et
publics fixés par l’appel à projet ». Cet audit a validé le modèle proposé par le CEA. L’audit de
l’IRT Nanoelec diligenté en 2014 par l’ANR
97
a considéré que le CEA avait tenu ses
engagements. Concernant les autres IRT
98
, le CEA participe
a minima
, avec un montant
symbolique (Bioaster), ou
via
des conventions
ad hoc
(System X ou Jules Verne).
95
« Investissements d’avenir : validation du guide méthodologique sur les IRT (1
ère
et 2
ème
réunions) », compte-
rendu des réunions interministérielles tenues le vendredi 16 décembre 2011 et le mercredi 20 décembre 2011.
96
« Projet d’institut de recherche technologique de Grenoble », rapport IGAENR/IGF, novembre 2011.
97
« Rapport de suivi annuel, exercice 2014 - Convention ANR-10-AIRT-05 », Agence nationale de la recherche,
3 mars 2015.
98
Huit IRT existent : Nanoelec, System X, Bioaster, St Exupéry, Jules Verne, M2P, Railenium et Bcom.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
48
Graphique n° 12 :
Décomposition du financement de la R&D associée au programme «
EasyTech
»
de l’IRT Nanoelec, pour la période 2012-2015
Source : Cour des comptes, d’après attestations comptables de l’IRT Nanoelec 2012 à 2015
L’IRT Nanoelec est composé de 20 membres du consortium, 114 partenaires associés,
dispose d’un budget annuel d’environ 50 M€, a déposé 58 brevets et créé deux jeunes pousses.
L’ambition du CEA d’aider les PME à accéder plus facilement aux résultats de la recherche
publique s’incarne dans le programme « Easytech ». Ce programme démarre par un
rendez-vous de conseil, puis la rencontre d’experts. Si le projet semble viable, il se poursuit par
une labellisation du projet et l’accompagnement de la PME par un expert Easytech. Il peut être
noté que l’IRT mobilise l’association Jessica France (portant le programme Cap’Tronic) pour
proposer le programme Easytech à des PME au-delà de la région grenobloise, couplant ainsi un
dispositif ancien, ayant fait ses preuves, au nouvel outil du PIA.
Sur la période 2012-2015, 136 projets ont été réalisés, pour 9,10 M€ de dépenses de
R&D, dont 3,67 M€ de subventions. L’IRT Nanoelec n’ayant pas de personnalité juridique
propre, contrairement aux sept autres IRT, les dépenses de R&D engagées par les entreprises
le sont avec le CEA, et sont ainsi éligibles au doublement de l’assiette de crédit impôt recherche.
Cela conduit à un reste à charge pour les entreprises contractant avec l’IRT de 2,17 M€, soit un
taux d’aide publique d’environ 76 % pour ce programme.
2.3.2.2
Société d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT)
Tableau n° 8 :
Vision synthétique des SATT, données 2015
Nombre de
SATT
SATT dont le CEA est
actionnaire
Enveloppe PIA
Versements PIA
14
2
900 M€
183 M€
Source : Cour des comptes d’après données CGI
3,67
3,26
9,10
2,17
Dépenses de
R&D
Subvention IRT
CIR
Reste à charge
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
49
Les SATT sont des sociétés privées à capitaux publics, qui ont pour ambition de
regrouper les équipes de valorisation des structures publiques sur une zone donnée. Elles visent
à effectuer le lien entre la recherche publique et les acteurs privés de l’innovation, en gérant la
propriété intellectuelle, la maturation des projets et leur incubation. La convention État-ANR
99
indiquait que « Le soutien de l'État sera essentiellement consacré au financement de la
maturation et des preuves de concept. »
Pour que les SATT puissent fonctionner, le guide méthodologique des SATT
100
indique
que les actionnaires de la SATT doivent lui confier la gestion de l’intégralité de leur propriété
intellectuelle (passée et future, avec une licence exclusive et le droit de sous-licencier), ainsi
que l’exclusivité de la valorisation issue des recherches (notamment les personnels dédiés à la
valorisation). Les SATT devaient à terme être équilibrées, les recettes, liées aux redevances de
propriété intellectuelle ou aux plus-values de cessions des
start-up
pour lesquelles la SATT a
une part au capital, couvrant les frais de structure.
Schéma n° 1 :
Rôle des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) selon le réseau
des SATT
Source : réseau des SATT
Ce modèle de gestion de la propriété intellectuelle déléguée à la SATT, et d’exclusivité
de la valorisation entrait à nouveau en conflit avec le modèle intégré du CEA. Un aménagement
a été trouvé pour la SATT de Grenoble (GIFT
101
, devenu Linksium Grenoble Alpes), l’annexe 3
indiquant que le CEA et l’INRIA peuvent, sans que ceci ne constitue une obligation, confier la
maturation d’un projet à la SATT. De même pour la SATT Paris-Saclay, l’aménagement a
consisté à ce que le CEA ne soit pas directement actionnaire, mais à ce que sa participation
transite par la fondation de coopération scientifique Paris-Saclay, ce qui rend inopérant les
accords d’exclusivité.
Le CEA milite pour aménager le fonctionnement des SATT, les établissements étant
actionnaires d’une SATT n’ayant plus la possibilité de gérer leur propriété intellectuelle ou la
maturation des projets issus de leurs recherches, ce qui peut être un obstacle en cas de
collaboration entre le CEA et un laboratoire académique.
99
Investissements d'avenir, convention État-ANR Action : « valorisation - Fonds national de valorisation », JORF
n° 0175 du 31 juillet 2010.
100
« Projets de sociétés d’accélération du transfert de technologie - guide méthodologique », Commissariat général
à l’investissement, 2010.
101
Contrat ANR-10-SATT-0014, projet Grenoble-alpes Innovation Fast Track (GIFT), notifié le 7 juillet 2014.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
50
Des discussions ont eu lieu sur un partenariat CEA-Université d’Aix Marseille dans le
cadre du programme européen KIC Innoenergy (projet I Smart) : la SATT Sud-Est arguait du
mandat exclusif de l’université d’Aix-Marseille pour disposer des brevets issus de ce projet. Le
partenariat entre le CEA et l’université ayant été signé antérieurement au mandat exclusif à la
SATT, la collaboration a pu se poursuivre, mais le CEA évite désormais les collaborations avec
un partenaire de la SATT qui pourrait conduire à un dépôt de brevet, ce qui paraît contre-
productif.
2.3.2.3
Fonds national d’amorçage
Tableau n° 9 :
Vision synthétique du fonds national d’amorçage, données 2015
Nombre de fonds
financés
Fonds dont le CEA est
actionnaire (indirect)
Enveloppe PIA
Versements PIA
16
1
600 M€
150 M€
Source : Cour des comptes d’après données CGI
Le fonds national d’amorçage (FNA) est un fonds de fonds, ne finançant pas directement
les entreprises, mais les fonds d’amorçage qui réalisent ensuite les investissements. Le fonds
Amorçage Technologique Investissement (ATI), géré par CEA Investissement, a reçu 18 M€
de la part du FNA, 13 M€ de CEA Investissement, les partenaires industriels ayant porté le total
des engagements à 38 M€.
Le fonds ATI vient augmenter les capacités de financement de CEA Investissement. Au
31 décembre 2015, ATI avait financé douze nouveaux dossiers, en plus des réinvestissements
dans des participations existantes.
CEA Investissement envisageait, fin 2015, de lancer un second fonds, ATI2, pour
accroître son horizon temporel (la durée d’ATI étant fixée statutairement à douze ans) et ses
moyens d’intervention, avant la clôture de l’action FNA des investissements d’avenir. Une des
problématiques est le statut de CEA Investissement comme gestionnaire de fonds, qui devrait
nécessiter un agrément de l’autorité des marchés financiers (AMF).
2.3.2.4
France Brevet
Tableau n° 10 :
Vision synthétique de France Brevet, données 2015
Enveloppe PIA
Versements PIA
50 M€
45 M€
Source : Cour des comptes d’après données CGI
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
51
France Brevets est un « fonds souverain » qui gère un portefeuille de brevets provenant
de la recherche publique ou privée, en agrégeant ces brevets pour constituer des grappes
technologiques plus aisées à licencier. Les licences peuvent être concédées soit
ex ante
(cas
classique), soit
ex post
dans le cas d’un contrefacteur. L’entreprise a cumulé 30,4 M€ de pertes
sur 2011-2015, pour un chiffre d’affaires cumulé de 11,2 M€ (rentabilité de – 270 %), sa
rentabilité à terme restant une question ouverte.
Le modèle intégré du CEA, qui gère déjà un large portefeuille de brevets avec des
thématiques proches, ne permet pas de tirer pleinement parti de la stratégie de France Brevets :
la constitution de grappes technologiques cohérentes est déjà réalisée en interne au CEA, et la
recherche de contrefacteur reste pour l’instant une source de coût et non un levier de financement
potentiel. Actuellement, aucun brevet du CEA n’est en gestion dans le portefeuille de brevets de
France Brevets.
Des échanges ont eu lieu entre France Brevets et le CEA dans le cadre d’un contentieux
entre Soitec, entreprise issue des laboratoires du CEA et dont CEA Investissement possède
14,5 %
102
, et Silicon Genesis (Sigen), entreprise américaine concurrente. Au final, toutefois, il
n’a pas été jugé nécessaire d’avoir recours à France Brevets.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le modèle du CEA en matière de valorisation de la recherche, incarné par CEA Tech,
repose sur une activité intense de dépôt de brevets, ce portefeuille servant d’image de marque
pour accroître le volume des contrats de recherche partenariale. Le CEA a en parallèle mis en
place un modèle efficace de création d’entreprise et de soutien financier de ces dernières,
notamment au travers de sa filiale CEA Investissement.
Ce modèle, original par rapport à celui consistant à tirer des revenus de vente de licence
de brevets, conduit cependant à des coûts de propriété intellectuelle croissants, sans claire
corrélation avec l’attractivité du CEA comme partenaire de recherche, et ne conduit presque
pas à des recherches de contrefacteurs. Une rationalisation du portefeuille de brevets
permettrait de limiter les coûts associés, et les contrats de licence devraient être mieux
encadrés, notamment en matière de sous-licences.
La croissance de l’activité de CEA Tech repose sur une offre commerciale structurée et
la prospection intensive d’entreprises cibles, notamment des PME. L’image du CEA reste
cependant très associée à l’énergie nucléaire : des actions de communications sur les activités
technologiques du CEA permettraient d’augmenter le flux spontané d’affaires sans croissance
des effectifs commerciaux.
La recherche de nouveaux partenaires en région a conduit à la création des plateformes
régionales de transfert de technologies (PRTT), lancées en 2012. Le bilan dressé fin 2015 est
très positif, ces plateformes ayant démontré leur capacité à répondre à un besoin,
précédemment insatisfait, de contrats de recherche.
102
La recapitalisation de Soitec en 2016 a conduit à une augmentation de capital de CEA Investissement de 45 M€
en mars 2016, souscrite à 100 % par le CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
52
Les forces de prospection commerciale, qui rencontrent un grand nombre d’entreprises,
sont un élément unique dans le paysage de la valorisation de la recherche. Cette force
commerciale de CEA Tech pourrait également être mutualisée avec CEA Sciences et la DEN
ou partagée avec d’autres organismes de recherche. La mesure de l’impact de ces PRTT sur
l’économie reste une question ouverte : le coût public complet est plus élevé que la seule
subvention accordée au CEA, mais les retours fiscaux directs et indirects sont également
significatifs. Une analyse économétrique basée sur les données d’export n’a pas permis
d’apporter un éclairage utile.
Le CEA a une longue tradition de valorisation de la recherche, ce qui lui a permis de
s’insérer dans les dispositifs successifs d’aides à l’innovation. Sa structuration lui permet
d’être efficacement représenté dans les différents comités liés à la valorisation ou à la diffusion
technologique. Les investissements d’avenir ont bouleversé le paysage de la valorisation de la
recherche publique, en y introduisant des financements massifs et des règles d’organisation
contraignantes et structurantes, peu compatibles avec le modèle historique du CEA.
Des aménagements ont donc été apportés à certains outils du PIA :
•
L’IRT Nanoelec dispose d’un statut dérogatoire, qui a été accepté par le commissariat
général à l’investissement. Dépourvu de personnalité juridique, les prestations confiées par
des entreprises à l’IRT Nanoelec bénéficient d’un doublement du crédit impôt-recherche,
ce qui n’est pas le cas pour les sept autres IRT.
•
Le CEA a obtenu un aménagement concernant le mandat exclusif confié à la SATT dans le
cas de GIFT et de Paris-Saclay. Cependant, la gestion exclusive de la propriété
intellectuelle par les SATT entre en conflit avec le modèle intégré du CEA lors de
collaborations avec des partenaires académiques.
Mais d’une manière générale le modèle intégré du CEA ne s’inscrit pas dans l’ambition
du commissariat général à l’investissement d’un système de valorisation autonome,
mutualisant les moyens des différents opérateurs de recherche. L’articulation entre le système
optimisé à l’échelle nationale du CGI et l’expertise du CEA sur ses domaines de compétences
reste malaisée, et constitue une source de friction.
Le CEA considère que les dispositifs ayant eu des aménagements spécifiques figurent
parmi ceux qui obtiennent les meilleurs résultats et souhaiterait que de tels aménagements
soient facilités à l’avenir.
Recommandation n° 3.
(CEA) : Optimiser le portefeuille des brevets maintenus en
fonction des licences concédées, ou des perspectives raisonnables de concession, afin
d’en contenir le coût.
Recommandation n° 4.
(CEA) : Modifier les clauses des contrats de licence de brevet,
notamment les clauses de sous-licence, afin que le CEA ait une juste part des recettes
associées en cas de succès.
Recommandation n° 5.
(CEA) :
Utiliser
les
stratégies
de
communication
pour
augmenter le flux d’affaires spontanées en matière de recherche partenariale.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
53
Recommandation n° 6.
(CEA) : Utiliser la force de prospection commerciale pour
diffuser les technologies de CEA Sciences ou de la DEN et explorer, sous la forme
d’accords bilatéraux avec des partenaires du CEA, la possibilité de diffuser des
technologies venant d’autres organismes que le CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
54
3
LA VALORISATION NON MESURABLE DE LA RECHERCHE
La valorisation de la recherche civile a été abordée au chapitre précédent sous l’angle
de la valorisation chiffrable, directement et financièrement, des travaux de recherche. Une
acception plus large de la valorisation, indirecte ou non chiffrable financièrement, est ici
abordée. Le fait qu’aucun chiffre ne puisse aisément y être associé n’empêche pas les modes
alternatifs de valorisation d’avoir des répercussions sociales ou économiques importantes.
Trois modes de valorisation sont ici esquissés : la collaboration scientifique, mode usuel
de diffusion des connaissances dans la recherche, l’enseignement et la formation, de façon
comparable aux établissements d’enseignement supérieur, et la contribution aux débats
politiques et sociaux.
3.1
Les collaborations scientifiques, nécessaires à l’innovation de rupture
Les nombreuses publications scientifiques du CEA sont, en tant que telles, un vecteur
de valorisation de la recherche : en faisant part au reste de la communauté scientifique du
résultat de leurs travaux, les chercheurs du CEA permettent à d’autres de se les approprier, puis
d’en tirer, directement ou
in fine
, de nouvelles innovations. Le fait que le CEA dépose au
préalable ses brevets avant de publier ne limite pas la possibilité pour d’autres équipes de
continuer les travaux initiés au CEA.
Les indicateurs bibliométriques ont pour objet de quantifier ce mode de valorisation,
sans que le lien entre l’indicateur et la qualité des travaux ne soit facile à appréhender : le
nombre d’articles publiés, le taux de citation, le type de journal publiant l’article ou des
indicateurs combinés (type H-index) ont pour ambition d’associer un chiffre à des travaux de
recherche, mais ne quantifient que dans un jeu d’hypothèses assez restrictif la qualité des
travaux
103
, ou indirectement l’efficacité de la dépense publique en matière de recherche.
L’appréciation de la qualité de la recherche est ainsi délicate, sans que cette difficulté ne doive
occulter l’importance de ce mode de diffusion des connaissances.
La valorisation par collaboration avec d’autres domaines de recherche est ainsi souvent
laissée de côté, seul le chercheur effectuant le « dernier pas », c’est-à-dire transformant un
ensemble de résultats scientifiques en un produit ou un service innovant, étant réputé la
valoriser. Le fonctionnement du système de recherche reste basé sur une spécialisation
importante de chaque individu, et ne peut être efficace que si les connaissances circulent entre
les différentes équipes.
103
“
White Paper – Measuring Research Outputs through Bibliometrics”, Prepared by the Working Group
on Bibliometrics, University of Waterloo
, mars 2016
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
55
À titre d’illustration, à défaut de pouvoir proposer une évaluation plus systématique, les
travaux des équipes du CEA ont fait l’objet de collaborations dans le domaine de la médecine,
notamment vétérinaire. Le CEA a ainsi développé un test de détection de l’encéphalite
spongiforme bovine (ESB), qui a démontré en 2001 être capable de détecter l’infection trois
mois avant l’apparition des signes cliniques. Ce test a été commercialisé par Bio-Rad sous
licence CEA et été appliqué par la suite pour la tremblante du mouton et de la chèvre. Plus
récemment, le CEA a développé un test de diagnostic rapide de la maladie Ébola,
eZYSCREEN®, pour aider à contenir l’épidémie sévissant en Guinée. Les collaborations avec
des médecins ou des pharmaciens se développent également au service hospitalier
Frédéric Joliot (SHJF), avec des travaux en imagerie médicale et l’évaluation thérapeutique
innovantes portant sur les maladies neuro-dégénératives, neuro-inflammatoires, oncologiques
ou cardiovasculaires.
Les collaborations ne se limitent pas à CEA Sciences
104
: CEA Tech
105
a développé des
nanoparticules lipidiques capables de se fixer sur des tumeurs solides (Lipidots®), et a, en
collaboration avec le SHFJ, démontré son utilisation pour l’imagerie pré-opératoire ou pour
guider le chirurgien. Une autre collaboration a été nouée dans les années 1970, conduisant à un
GIP en 1997 («ARC – Nucleart »), avec la restauration d’oeuvre d’art par rayons gamma, afin
de détruire des organismes présents sur les oeuvres, ou de polymériser localement des résines
radiosensibles.
Sans qu’un chiffre simple ne puisse être excipé pour quantifier l’efficacité de la
diffusion des connaissances, quelques exemples permettent d’illustrer l’importance des
fertilisations croisées entre les laboratoires de recherche, essentielles pour que des innovations
de rupture puissent être obtenues. Dans le cas d’Ébola, l’intérêt social du test de détection
précoce peut très largement excéder la seule prise en compte des revenus de licence associés.
3.2
L’enseignement et les doctorants, facteurs de compétitivité
De manière analogue aux collaborations avec les autres équipes de recherche,
l’enseignement et la formation de doctorants ou post-doctorants permet la diffusion des
connaissances par les personnes ainsi formées.
Le CEA assure ainsi des formations pour l’institut national des sciences et techniques
nucléaires (INSTN), avec en moyenne 10 500 heures d’enseignement dispensées chaque année
sur la période 2010-2015, la tendance étant à la baisse du fait de la contraction des effectifs. Cet
institut de formation permet de diffuser les bonnes pratiques du nucléaire, de permettre à la
filière électronucléaire de recruter des employés qualifiés ou de former ses propres employés,
et de contribuer à l’image d’excellence du nucléaire français.
104
CEA Sciences correspond à la direction de la recherche fondamentale (DRF) dans l’organisation du CEA.
105
CEA Tech correspond à la direction de la recherche technologique (DRT) dans l’organisation du CEA.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
56
De façon plus générale, la formation des doctorants (1 146 au CEA en 2015) et des post-
doctorants (230 au CEA en 2015), contribue à diffuser les connaissances du CEA, et à former
une main d’oeuvre hautement qualifiée, qui facilite indirectement les collaborations futures
entre les entreprises où ces docteurs seront recrutés et le CEA. La formation par la recherche,
dans un organisme ayant un fort tropisme pour l’industrie, favorise également l’émergence
d’entrepreneurs innovants, y compris en dehors des domaines d’expertise du CEA.
À nouveau, la valeur ajoutée sociale d’une formation de haut niveau ou spécialisée dans
le domaine nucléaire ne peut se limiter aux recettes éventuelles directement liées à cette
formation.
3.3
Contributions aux questions sociales ou politiques
Pour clore ce chapitre sur la valorisation non chiffrable, la contribution des chercheurs
aux débats sociaux et politiques est abordée, au travers de trois exemples : le climat, les
pyramides d’Égypte et le Tour de France.
Le CEA a apporté des contributions importantes au Groupe d'experts international sur
l'évolution du climat (GIEC), à travers Jean Jouzel (directeur de recherche émérite au CEA), ou
Valérie Masson-Delmote, climatologue au CEA et coprésidente du groupe chargé d'établir les
faits scientifiques sur les causes et les évolutions du changement climatique au sein du GIEC.
Des outils de détection de particules cosmiques, les muons, utilisés en astronomie, ont
été mis à contribution dans des travaux d’archéologie en Égypte, dans le cadre de la mission
ScanPyramids. En accumulant sur de longues durées le flux de muon, les appareils du CEA
sont capables de détecter des vides dans les pyramides, potentiellement des chambres cachées,
avec une méthode non destructive et non invasive. Cette méthode pourrait être étendue au génie
civil, notamment la détection de vides lors de creusements de tunnel.
Enfin dans un autre registre, les caméras infra-rouge du CEA Tech (List) ont été utilisées
durant le Tour de France 2016 pour traquer des potentiels moteurs ou des batteries cachées dans
le cadre du vélo ou dans le pédalier. Une comparaison des méthodes a été effectuée par CEA
Sciences avec différents moyens (radiographie, muonographie, détection magnétique et infra-
rouge), puis des moyens d’imagerie ont été déployés pendant l’épreuve.
Ces quelques exemples illustrent des modes sociaux de valorisation de la recherche,
dans la mesure où l’aspect économique n’est pas le plus important. Les résultats scientifiques
et les moyens de la recherche sont utilisés, à coût marginal faible, pour répondre à des questions
de la vie quotidienne.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
57
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La valorisation de la recherche se limite trop souvent à une équation économique, où
les subventions versées doivent, directement, conduire à des ressources au moins équivalentes
pour la sphère publique.
Des valorisations indirectes ou non chiffrables sont également possibles, et socialement
importantes : collaborations scientifiques et fertilisation croisée, formation des jeunes
générations et d’une main d’oeuvre qualifiée, contribution à des débats et à des solutions pour
la vie quotidienne. Aucun de ces modes ne justifie à lui seul l’activité de recherche publique,
mais ils ne doivent pas pour autant être occultés dans une analyse panoramique de la
valorisation de la recherche d’un organisme.
Ces actions gagneraient à être valorisées par le CEA, notamment en matière de
communication grand public, illustrant l’expertise du CEA en dehors du nucléaire et pour des
applications de la vie courante.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
58
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
59
ANNEXES
Annexe n° 1. Données chiffrées
............................................................................................
60
Annexe n° 2. Résultats du sondage de notoriété
...................................................................
61
Annexe n° 3. Méthode d’exploitation des statistiques douanières
........................................
66
Annexe n° 4. Liste des abréviations
......................................................................................
67
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
60
Annexe n° 1.
Données chiffrées
Tableau n° 11 :
Nombre de bourses ERC obtenues, par type de bourses, entre 2007 et 2015
Source : Cour des comptes, d’après données CEA et ERC
Tableau n° 12 :
Recettes et dépenses annuelles liées aux brevets du CEA civil, de 2005 à 2014
Données
en
M€
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Redevances
perçues
33,83
26,29
26,49
18,31
15,35
13,68
17,19
19,24
19,23
14,55
22,45
Solde
hors
primes
de
rédaction
et
d’invention
22,04
13,90
11,02
0,97
-4,11
-8,82
-6,59
-6,95
-8,23
-16,09
Source : Cour des comptes d’après données CEA (rapport relatif à la valorisation et données partielles 2015)
Note : le solde est positif s’il excède a minima les coûts internes de main d’oeuvre, soit 3 M€/an
106
Données CEA Sciences (DRF), nombre de permanents CEA.
107
Données MENESR-DGESIP/DGRI-SIES, nombres d’ETP de chercheurs publics en 2013.
108
Données Eurostat, nombres d’ETP de chercheurs dans les administrations publiques et dans l’enseignement
supérieur en 2013.
CEA Sciences
France
Total
ERC Starting Grants
36
402
10 086
ERC Consolidator Grants
3
129
990
ERC Advanced Grants
17
264
2 178
ERC Proof of Concept Grants
7
38
459
ERC Synergie Grants
1
1
24
Nombre de chercheurs
3 510
106
104 340
107
876 800
108
Total ERC/(1000 chercheurs)
18,2
8,0
15,7
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
61
Annexe n° 2.
Résultats du sondage de notoriété
Un sondage a été réalisé en utilisant la plateforme internet « Typeform », pour connaître la
notoriété de CEA Tech auprès des entreprises et de l’écosystème d’appui à l’innovation des
entreprises.
Ce questionnaire a été envoyé aux pôles de compétitivité, aux chambres de commerce et
d’industrie, aux SATT, et aux incubateurs d’entreprises soutenus par le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche, en leur demandant de le faire suivre à leurs
adhérents. Les entreprises touchées sont ainsi celles qui sont les plus susceptibles d’interagir
avec la recherche publique, étant déjà identifiées comme faisant partie de l’écosystème
d’innovation, et en contact avec des structures les aidant dans ces démarches.
Une analyse descriptive des résultats est effectuée ci-dessous.
Au total, 284 personnes ont consulté le questionnaire, et 136 réponses ont été reçues, les
répondants étant répartis dans 30 départements différents. L’échantillon est trop faible pour que
des analyses statistiquement significatives ne puissent être menées, mais donne une première
idée de certaines tendances dans la connaissance des institutions publiques de recherche.
La typologie des répondants indique que les entreprises sont majoritaires, les deux autres
catégories importantes étant les incubateurs et les pôles de compétitivité. Les entreprises ayant
été atteintes par des messages adressés à des incubateurs, des pôles de compétitivité, des CCI
ou des SATT, elles sont théoriquement déjà sensibilisées aux problématiques de valorisation
de la recherche publique.
Tableau n° 13 :
Typologie des répondants
Nombre de réponses
Une entreprise
94
Un incubateur ou un lieu d'accueil d'entreprises
21
Un pôle de compétitivité
7
Une CCI
3
SATT
3
Autre
8
Total
136
Source : Cour des comptes
Parmi les entreprises, l’essentiel d’entre elles sont des très petites ou des petites
entreprises. Ces ratios sont relativement cohérents au vu de la typologie des entreprises
françaises (voir Insee Références, édition 2015 – Fiches – Structure du système productif), avec
96 % de microentreprises, 4 % de PME, et moins de 0,5 d’ETI ou de grands groupes.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
62
Tableau n° 14 :
Taille des entreprises ayant répondu au questionnaire
Nombre de réponses
Très petite entreprise (< 9 salariés)
61
Petite entreprise (10 à 49 salariés)
22
Moyenne entreprise (50 à 249 salariés)
4
Entreprise de taille intermédiaire (250 à 4 999 salariés)
4
Grand groupe (> 5 000 salariés)
3
Total
94
Source : Cour des comptes
Pour l’échantillon des répondants, les organismes les plus connus en matière de
recherche publique, soit implicitement ceux valorisant la recherche publique auprès des
entreprises ou de leur écosystème, sont le CNRS, les SATT puis les Universités. CEA Tech
apparaît paradoxalement comme relativement peu connu par rapport aux autres institutions
publiques de recherche. Le même constat se retrouve au niveau des points de contact : les
Universités, les SATT, puis le CNRS sont les organismes dont les répondants disposent le plus
de point de contact.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
63
Tableau n° 15 :
Notoriété relative des différents organismes de recherche publique
Connu ?
Point de contact ?
Champ
technologique ?
CEA Tech
60 %
28 %
40 %
CNES
51 %
13 %
17 %
CNRS
93 %
54 %
66 %
France Brevets
31 %
12 %
France
Innovation
Scientifique et Transfert SA
16 %
12 %
INRIA
74 %
35 %
43 %
Inserm (Transfert)
38 %
13 %
38 %
INRA
68 %
26 %
31 %
SATT
84 %
62 %
Universités
82 %
67 %
Ne sait pas
21 %
Source : Cour des comptes
Indépendamment de la taille du répondant, les sondés s’accordent pour considérer que
plus une entreprise est grande, plus il lui est facile d’interagir avec les institutions de recherche
publique. Les grandes entreprises sont ainsi celles qui peuvent le plus facilement tirer parti des
résultats de la recherche publique.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
64
Tableau n° 16 :
Capacité des entreprises à interagir avec les institutions publiques de recherche, en
fonction de la taille de l’entreprise (1 = interactions difficiles, 5 = interactions faciles)
Typologie des
répondants
Nombre
de
réponses
Note pour
TPE (< 9
salariés)
Note pour
PME (10-249
salariés)
Note pour
ETI (250 –
4 999
salariés)
Note pour
> 5 000
salariés
< 9 salariés
80
2,38
2,90
3,78
4,10
10 - 49 salariés
27
2,25
2,92
3,83
4,39
50 - 249 salariés
10
1,63
2,63
3,56
4,00
250
–
4 999
salariés
11
2,00
2,50
3,36
3,29
> 5 000 salariés
5
2,40
2,50
3,25
4,40
Moyenne
133
2,28
2,83
3,68
4,10
Source : Cour des comptes
Le coût estimé d’un projet de R&D est également croissant avec la taille du répondant :
les petites institutions considèrent que les projets de R&D menés avec une institution publique
coûtent de 500 000 à 800 000 €, quand les grandes institutions estiment ces projets à plusieurs
millions d’euros. Le coût de ce projet peut d’ores et déjà être rédhibitoire pour une petite
entreprise, les budgets alloués à la R&D pour une entreprise de moins de 9 salariés étant
significativement plus faibles que 500 000 €/an. Le fait que le coût d’un projet de R&D soit si
mal estimé est lié au fait que ces données ne sont jamais communiquées en dehors des contacts
bilatéraux. La publication, en accès libre, de quelques estimations de coût pour un projet de
recherche, pourrait éviter l’autocensure des petites entreprises.
Tableau n° 17 :
Coût estimé d’un coût de projet de R&D avec une institution publique, en fonction
de la taille du répondant
Taille des répondants
Nombre de
réponses
Coût moyen
estimé en €
< 9 salariés
80
533 000
10 - 249 salariés
37
861 000
250 – 4 999 salariés
11
2 259 000
> 5 000 salariés
5
3 000 000
Moyenne
133
868 000
Source : Cour des comptes
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
65
Enfin la ventilation géographique indique que dans les régions où le CEA est implanté
depuis moins longtemps (LRMP ou PACA), il est moins connu, et les institutions disposent
moins fréquemment d’un point de contact. Cette disparité géographique indique que la
communication du CEA passe essentiellement par le contact direct ou semi-direct, et très peu
par des moyens grand public.
Tableau n° 18 :
Ventilation géographique, pour les 4 régions ayant le plus de réponses, de la
notoriété du CEA
Région
Nombre de
réponses
CEA
connu ?
Point de
contact CEA ?
Champ
technologique
du CEA ?
Languedoc-Roussillon-
Midi-Pyrénées
40
55 %
20 %
38 %
Provence-Alpes-Côte d'Azur
38
55 %
18 %
34 %
Île-de-France
31
65 %
39 %
35 %
Auvergne-Rhône-Alpes
4
75 %
75 %
75 %
Total
136
61 %
32 %
42 %
Source : Cour des comptes
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
66
Annexe n° 3.
Méthode d’exploitation des statistiques douanières
Pour évaluer l’impact des PRTT sur la compétitivité des entreprises qui sont situées à
proximité de ces plateformes, une étude économétrique a été menée la Cour des comptes.
L’hypothèse de départ était que les contrats de recherche menés par les PRTT devaient
augmenter la compétitivité des entreprises par l’intégration de nouvelles technologies dans leurs
procédés de fabrication (compétitivité coût) ou dans leurs produits (compétitivité hors coût).
Les données utilisées sont les exportations et le PIB de chaque région (selon les
subdivisions
ante
2016). Concernant les exportations, les données à la maille régionale et pour
chaque type de produit dans la nomenclature CPF4 (classification des produits français – 4) des
douanes, ont été obtenues auprès de la Direction Nationale des Statistiques du Commerce
Extérieur. Le produit intérieur brut, à nouveau à la maille régionale, pour chaque trimestre entre
2010 et 2014 est obtenu auprès d’Eurostat, et la ventilation pour 2015 a été déduite des données
2014 en y appliquant le taux de croissance du PIB national, à partir des données de l’INSEE.
Un groupe témoin est constitué avec les régions au sein desquelles le CEA n’est pas
implanté (Bretagne, Normandie, Centre, etc.), et la région Midi-Pyrénées, ou la première PRTT
a été déployée en 2013, constitue le groupe exposé. Les autres régions où le CEA est
historiquement présent (Île-de-France, Rhône-Alpes, PACA), ou celles où les PRTT sont
arrivées plus tardivement (Aquitaine, Pays de la Loire, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine) ne sont
pas prises en compte, l’effet PRTT étant plus difficile à isoler. Au sein du groupe exposé, la
différence entre « avant » l’installation de la PRTT (2010-2012) et « après » (2013-2015) est
comparé à la différence entre le comportement du groupe témoin pour chacune de ces périodes.
Le modèle économétrique consiste ainsi à effectuer une régression, pour chaque ligne
de produit en nomenclature CPF4, entre le PIB et les exportations, pour chaque trimestre, avec
des constantes supplémentaires à ajuster pour avant ou après 2013, et avec ou sans PRTT
(groupe témoin et groupe exposé).
Le résultat de l’analyse est assez limité : parmi les trois lignes de produit les plus
significatives, deux conduisent à une baisse relative des exportations en Midi-Pyrénées par
rapport aux régions témoins après installation de la PRTT (Portes et fenêtres en métal,
composants électroniques), tandis que la troisième ligne de produit (Outillage) bénéficie d’un
effet positif de la PRTT. Il faut garder à l’esprit que cette analyse consiste à mettre en évidence
une corrélation entre l’effet d’installation de la PRTT à Toulouse, et une variation dans les
exportations relatives entre le groupe témoin et le groupe exposé. Cette corrélation peut être
expliquée par d’autres effets que la simple installation de la PRTT.
En conclusion, les données d’export ne permettent pas de mettre en évidence un effet
net d’augmentation de la compétitivité des entreprises de Midi-Pyrénées après l’établissement
de la PRTT.
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
67
Annexe n° 4.
Liste des abréviations
Aéres
:
Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
AFIC
:
Association française des investisseurs pour la croissance
AiCarnot
:
Association des instituts Carnot
ANR
:
Agence nationale de la recherche
ANVAR
:
Agence nationale de valorisation de la recherche
Astrid
:
Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration
ATI
:
Amorçage technologique investissement
BPIFrance
:
Banque publique d’investissement
CDD
:
Contrat à durée déterminée
CDI
:
Contrat à durée indéterminée
CEA
:
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
CEA Tech
:
Appellation commerciale de la DRT
CETIM
:
Centre technique des industries mécaniques
CGE
:
Conseil général de l'économie
CGI
:
Commissariat général à l’investissement
CHU
:
Centre hospitalier universitaire
CIFRE
:
Conventions industrielles de formation par la recherche
CNRS
:
Centre national de la recherche scientifique
CPER
:
Contrat de plan État-région
CVT
:
Consortium de valorisation technologique
DB
:
Direction du budget
DEN
:
Direction de l’énergie nucléaire du CEA
DGE
:
Direction générale des entreprises
DGRI
:
Direction générale de la recherche et de l’innovation
DISN
:
Direction de l'innovation et du soutien nucléaire
DRF
:
Direction de la recherche fondamentale du CEA (« CEA Sciences »)
DRT
:
Direction de la recherche technologique du CEA (« CEA Tech »)
DSM
:
Direction des sciences de la matière du CEA, désormais intégrée à la DRF
DSV
:
Direction des sciences du vivant du CEA, désormais intégrée à la DRF
EARTO
:
European Association of Research and Technology Organisations
ENSAM
:
École nationale supérieure d’arts et métiers
ERC
:
European Research Council
ESB
:
Encéphalite spongiforme bovine
ETP
:
Équivalent temps-plein
ETP
:
Équivalent temps-plein travaillé
ETI
:
Établissement de taille intermédiaire
FEDER
:
Fonds européen de développement régional
FNA
:
Fonds national d’amorçage
FNADT
:
Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire
FUI
:
Fonds unique interministériel
GIANT
:
Grenoble Innovation for Advanced New Technologies
GIEC
:
Groupe d'experts international sur l'évolution du climat
GIFT
:
Grenoble-alpes Innovation Fast Track
GRAIN
:
Grenoble Alpes Innovation
LA VALORISATION DE LA RECHERCHE CIVILE DU CEA
68
IGAENR
:
Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la
recherche
IGF
:
Inspection générale des finances
IMEC
:
Institut de microélectronique et composants
INP
:
Institut national polytechnique
Insee
:
Institut national de la statistique et des études économiques
INSTN
:
Institut national des sciences et techniques nucléaires
INRIA
:
Institut national de recherche en informatique et en automatique
ITER
:
International Thermonuclear Experimental Reactor
IRT
:
Institut de recherche technologique
KIC
:
Knowledge and Innovation Communities
Leti
:
Laboratoire d'électronique et de technologie de l'information
LFI
:
Loi de finances initiale
Liten
:
Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les
nanomatériaux
List
:
Laboratoire d'intégration de systèmes et des technologies
MIT
:
Massachusetts Institute of Technology
NFC
:
Near field communication
NIG
:
Note d’instruction générale
OCDE
:
Organisation de coopération et de développement économiques
PAP
:
Projet annuel de performance
PLF
:
Projet de loi de finances
PIA
:
Programme d’investissements d’avenir
PIB
:
Produit intérieur brut
PME
:
Petites et moyennes entreprises
PMLT
:
Plan moyen-long terme
PRTT
:
Plateforme régionale de transfert de technologie
RJH
:
Réacteur Jules Horowitz
R&D
:
Recherche et développement
SATT
:
Société d'accélération du transfert de technologie
SHFJ
:
Service hospitalier Frédéric Joliot
Sigen
:
Silicon Genesis
TECV
:
(loi) transition énergétique pour la croissance verte
TNO
:
Toegepast-Natuurwetenschappelijk Onderzoek
TPE
:
Très petite entreprise
TRI
:
Taux de rendement interne
UMR
:
Unité mixte de recherche
USPTO
:
United States Patent and Trademark Office
VTT
:
Valtion Teknillinen Tutkimuskeskus