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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S 2017-0230
Audience publique du 15 décembre 2016
Prononcé du 9 février 2017
OFFICE
PUBLIC DE L’HABITAT
DORDOGNE HABITAT (DORDOGNE)
Appel d’un jugement de la chambre
régionale d
es comptes d’Aquitaine,
Poitou-Charentes
Rapport n° 2016-1264
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2015 au greffe de la chambre régionale des
comptes
d’
Aquitaine, Poitou-Charentes, par laquelle le procureur financier près cette juridiction
a interjeté appel de non-lieu à charge prononcé au titre de la présomption de charge n° 2, par
ladite chambre dans son jugement n° 2015-0017 du 7 août 2015 sur les comptes de
l’
Office
pub
lic de l’habitat
(OPH) Dordogne Habitat ;
Vu le réquisitoire n° 2014-0058 du 18 décembre 2014 ainsi que le réquisitoire supplétif
n° 2015-0007 du 17 février 2015 par lequel le procureur financier près la chambre régionale
des comptes a saisi cette juridiction en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M. X
, comptable de l’OPH Dordogne Habitat pour le paiement de deux
mandats (n° 10853 et n° 10854)
d’un montant total de 35
876,65
€ au cours de l’exercice
2008 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique, applicable au moment des faits ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller référendaire ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 792 du 1
er
décembre 2016 ;
Entendu, lors de l’audience publique du
15 décembre 2016, M. BONNAUD, conseiller
référendaire, en son rapport, M. Gilles MILLER, avocat général, en les conclusions du
ministère public ;
Après avoir entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, en ses observations ;
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Attendu que par jugement du 7 août 2015, la chambre régionale des comptes d
Aquitaine,
Poitou-Charentes a prononcé un non-lieu en ce qui concerne la mise en jeu de la
responsabilité de M. X, comptable
de l’office public de l’habitat Dordogne
Habitat,
s’agissant
de la présomption de charge n°
2 soulevée au titre de l’exercice 2008
par le réquisitoire
supplétif du 17 février 2015, en considérant
que l’action du représentant du
ministère public
était prescrite sur ledit exercice ;
Attendu que le requérant
demande à la Cour d’infirmer cette disposition du jugement au motif
que la chambre régionale des comptes aurait fait une lecture erronée des dispositions de
l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 en considérant que
l’
interruption de la prescription extinctive de responsabilité, qui résulte
de l’intervention d’
un
réquisitoire du ministère public, ne vaudrait que pour les seuls faits concernés par ce
quisitoire, cette lecture méconnaissant l’indivisibilité du jugemen
t du compte et la notion de
« premier acte »
mentionnée par l’article 60 précité
;
qu’
il demande, subsidiairement, à la Cour
de statuer au fond et de dire que M. X a manqué à ses
obligations et que ce manquement n’a
pas causé de préjudice
à l’office public de l'habitat
;
Sur la de
mande d’infirmation du
non-lieu prononcé par le jugement du 7 août 2015
Attendu que le compte 2008 de
l’OPH
Dordogne Habitat a été produit le 4 novembre 2009 à
la chambre régionale des comptes ;
Attendu que l’alinéa IV de l’
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que «
le
premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du
31 décembre de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit
ses comptes au juge des comptes
(…)
;
d
ès lors qu
aucune charge n'a été notifiée dans ce
délai à son encontre, le comptable est déchargé de sa gestion au titre de l'exercice concerné ;
dans le cas où le comptable est sorti de fonction au cours de cet exercice et si aucune charge
n'existe ou ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il est quitte de cette
gestion
» ;
Attendu que M. X a fait valoir en première instance que le réquisitoire supplétif du
17 février 2015 présentait une présomption de charge nouvelle qui ne venait ni compléter
ni développer
la
première
charge
du
réquisitoire
initial
du
18 décembre 2014 ;
qu’en
conséquence,
sa responsabilité sur l’exercice 2008 ne pouvait plus être mise en jeu, par
l’effet de la prescription prévue par l’article 60
-IV de la loi du 23 février 1963 ; qu
’il ressort du
dossier que les premiers juges ont admis ce moyen et
qu’ils
ont prononcé un non-lieu
à charge ;
Attendu que le procureur financier conteste ce raisonnement et soutient, d’une part, que la
notification d’une charge fait obstacle à la prescription extinctive de responsabilité sur
l’ensemble du compte et, d’autre part, que le réquisitoire initial ayant été pris avant l’expiration
du délai de cinq ans, il restait fondé à soulever de nouvelles charges tant qu’un jugement
définitif n’était pas intervenu sur l’exercice concerné
;
Attendu que
l’article 60 de
la loi du 23 février 1963 ne fix
e de délai que pour l’intervention du
premier acte de la mise en jeu de la responsabilité du comptable
; qu’aucune disposition du
texte ne vient fixer de limite de date pour la prise d’actes ultérieurs, qu’ils suivent ce premier
acte ou qu’ils en soient in
dépendants
; que la loi dispose, en outre, que la notification d’une
telle charge fait obstacle à la décharge de droit qu’elle instaure
;
Attendu qu’il résulte de ces dispositions que le délai au cours duquel un premier acte pouvait
intervenir, au cas
d’espèce,
pour mettre en jeu la responsabilité du comptable public expirait
le 31 décembre 2014 ; que le réquisitoire initial mettant en jeu la responsabilité de M. X pour
des faits relevant de sa gestion, au cours
de l’exercice 2008
,
du compte de l’office
public de
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l'habitat Dordogne Habitat a été pris le 18 décembre 2014 et notifié à M. X
avant l’expiration
du délai de prescription ; que ce premier acte de la mise en jeu de la responsabilité du
comptable a
eu pour effet d’interrompre
la prescription quinquennale
de l’action publique
et a
fait obstacle à la décharge de droit instaurée par la loi ; que dès lors, M. X demeurait justiciable
de la chambre régionale des comptes pour la gestion du compte de l’exercice 2008
de l’OPH
Dordogne Habitat et que le procureur financier restait en droit de saisir la chambre en vue de
la mise en jeu de la responsabilité du comptable ;
Attendu, en conséquence, qu’en prononçant un non
-lieu sur la présomption de charge
soulevée par le réquisitoire supplétif du 17 février 2015 au seul motif que le premier acte de la
mise en jeu de la responsabilité du comptable ne peut correspondre qu’à une charge
précisément identifiée et n’interrompt le délai de prescription que pour la charge qu’il soulève
et non pour l’ensemble des opérations d’un exercice, la chambre régionale des comptes
d
Aquitaine, Poitou-Charentes a commis une erreur de droit
; qu’il y a donc lieu, sans qu’il soit
besoin d’examiner les autres moyens de la requête, d’infirmer le jugement
du 7 août 2015 en
ce qu’il a prononcé un non
-lieu sur ladite présomption de charge ;
Sur la présomption de charge soulevée par le réquisitoire supplétif du 7 février 2015
Attendu qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, il
appartient à la Cour de statuer sur les
griefs formulés par le procureur financier dans son réquisitoire supplétif du 17 février 2015 ;
Attendu que selon le ministère public, M. X a engagé sa responsabilité personnelle et
pécuniaire au titre de l’ex
ercice 2008 pour avoir payé les mandats n° 10853 et n° 10854 émis
le 12 décembre 2008,
alors qu’il ne disposait pas de l’accusé de réception de la notification du
marché ; que cette notification
n’est établie que par l’accusé de réception signé
le 12 janvier
2009 ; qu’il in
duit de cette constatation que
le marché n’était pas exécutoire
et ne pouvait donc
valablement justifier les paiements en cause
; qu’il fixe
la somme pour laquelle M.
X a engagé
sa responsabilité, du fait d
un contrôle insuffisant de la créance, à 35 876,65
€, montant
cumulé des deux mandats précités ;
Attendu qu’il résulte de l’instruction
que
, d’une part,
le mandat n° 2008-10854
, objet d’une
retenue de garantie,
n’a pas donné lieu à décaissement
; que son inscription en compte de
charge ne saurait donc, à elle seule, donner lieu à mise en jeu de la responsabilité du
comptable public ; que
, d’autre part,
le mandat n° 2008-10853 a été payé le 12 janvier 2009 ;
qu’il est établi et non contesté que le marché en cause a été notifié, au plus tard, le 12 janvier
2009
; qu’il s’en déduit que
le marché était notifié lors du paiement, moment où s’apprécie la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le réquisitoire, le défaut de preuve de la
notification par accusé de réception ne saurait conduire le comptable à mettre en doute le
caractère exécutoire du marché dès lors qu’il disposait de suffisamment d’éléments justifiant
de sa transmission à l’entreprise titulaire
du marché ;
Attendu qu’il n’y a dès lors pas lieu de mettre en jeu la responsabilité person
nelle et pécuniaire
de M. X au titre de ces paiements ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
Le jugement n° 2015-0017 du 7 août 2015 de la chambre régionale des comptes
d’Aquitaine, Poitou
-Charentes
est infirmé en ce qu’il a prononcé un non
-lieu sur la présomption
de charge n° 2 formulée par le réquisitoire supplétif du 17 février 2015, au motif que
l’interruption de la prescription extinctive de responsabilité, qui résulte de l’intervention
d’un
réquisitoire du ministère public, ne vaudrait que pour les seuls faits concernés par
ce réquisitoire.
Article 2
Il n’y a pas lieu
de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la présomption
de charge mentionnée
à l’article 1
er
.
Fait et jugé par M. Jean-Philippe VACHIA, président de chambre, président de séance,
M. Yves ROLLAND, conseiller maître, président de section, Mme Anne FROMENT-MEURICE,
présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Jean-Yves
BERTUCCI, Olivier ORTIZ et Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillers maîtres.
En présence de Mme Valérie Guedj, greffière de séance.
Valérie GUEDJ
Jean-Philippe VACHIA
Conformément aux dispositions de
l’article R. 142
-16 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de de
ux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R. 142
-15 du même code.