L’article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF)
dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF)
présente chaque année au Président de la République un rapport qui est
annexé au rapport public de la Cour des comptes.
La mesure de l’activité de la CDBF, juridiction administrative à
vocation répressive et, de ce fait, soumise à des règles de procédure
strictes, ne peut être appréciée que de façon globale. Si le nombre d’arrêts
rendus constitue l’un des indicateurs principaux de son activité, d’autres
données telles que le nombre de saisines communiquées ou les délais de
traitement des affaires doivent également être prises en considération et
analysées.
Le nombre de saisines est un indicateur important dans la mesure
où il détermine l’activité et les productions de la CDBF : réquisitoires
introductifs d’instance ou décisions de classement, instructions et dépôts
de rapport, décisions de renvoi et au dernier stade de la procédure,
audiences publiques et jugements.
Pour l’année 2015, les saisines se sont élevées à 23, au-dessus de la
moyenne constatée pendant la période 2006-2015 (15 saisines). Ce niveau
relativement
élevé
s’explique
notamment
par
la
plus
grande
sensibilisation des chambres de la Cour des comptes et des chambres
régionales des comptes à la saisine de la CDBF.
La CDBF a rendu huit arrêts en 2015, au-dessus de la moyenne
constatée depuis 2006 (cinq arrêts par an). Le nombre de rapports déposés
et le nombre d’auditions de personnes mises en cause et de témoins sont
aussi au-dessus de cette moyenne (respectivement dix par rapport à huit et
57 par rapport à 39).
Malgré le nombre élevé de saisines enregistrées en 2015, le
nombre d’affaires en stock en fin d’année n’a que faiblement progressé,
en raison, notamment, de l’augmentation du nombre de décisions de
classement. Il s’établit à 46 fin 2015, au lieu de 43 fin 2014.
Compétences de la Cour de discipline
budgétaire et financière
La
CDBF
a
été
instituée
par
la
loi
n°
48-1484
du
25 septembre 1948, plusieurs fois modifiée et codifiée depuis 1995 au
CJF. Elle est présidée par le Premier président de la Cour des comptes,
vice-présidée par le Président de la section des finances du Conseil
d’État, et composée de conseillers d’État et de conseillers maîtres à la
Cour des comptes. La CDBF est une juridiction administrative
spécialisée, de nature répressive, qui sanctionne les atteintes aux règles
régissant les finances publiques, commises par les ordonnateurs, les
comptables et les gestionnaires publics inclus dans le champ de ses
justiciables (article L. 312-1 du CJF).
Juridiction financière distincte de la Cour des comptes, la CDBF
remplit un office autonome selon un droit spécifique et sur la base
d’infractions légales qui lui sont propres. Les infractions réprimées par la
Cour sont énoncées aux articles L. 313-1 et suivants du CJF. Elles portent
sur la violation des règles relatives à l’exécution des recettes, des
dépenses et à la gestion des biens des collectivités publiques (État ou
collectivités locales) ou des organismes publics ou privés soumis au
contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales
des comptes (articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF). Elles concernent aussi
l’octroi d’avantages injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour
l’organisme ou le Trésor public (article L. 313-6 du CJF) et l’omission
faite
sciemment
de
souscrire
les
déclarations
à
produire
aux
administrations fiscales en vertu des dispositions du code général des
impôts et de ses annexes (article L. 313-5 du CJF). La loi n° 95-1251 du
25 novembre 1995 a en outre introduit un article L. 313-7-1 du CJF
faisant de la faute grave de gestion des responsables d’entreprises
publiques une infraction spécifique.
En application de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, la Cour peut
également intervenir en cas d’inexécution de décisions de justice.
Est justiciable de la CDBF, en application de l’article L. 312-1 du
CJF, toute
personne
appartenant
au
cabinet
d’un
membre
du
Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’État, des
collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des
groupements
de
collectivités
territoriales,
et
tout
représentant,
administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au
contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre
régionale ou territoriale des comptes. Sont également justiciables de la
8
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
CDBF tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes
désignées ci-dessus.
Les membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.
Si les ordonnateurs élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF
lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions, ils le sont malgré tout
dans certaines hypothèses définies par le législateur (article L. 312-2 du
CJF). Les élus locaux peuvent en effet être mis en cause, et renvoyés
devant la Cour lorsqu’ils commettent les infractions définies aux articles
L. 313-7 et L. 313-12 du CJF, c’est-à-dire en cas d’inexécution de
décisions de justice
1
. Ils sont également justiciables, en application de
l’article L. 312-2 du CJF, lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre
en ayant pris un ordre de réquisition et, à cette occasion, procuré à autrui
un avantage injustifié entraînant un préjudice pour le Trésor ou la
collectivité publique concernée2 (article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur
responsabilité peut être engagée devant la CDBF lorsqu’ils agissent dans
le cadre d’activités qui ne constituent pas l’accessoire obligé de leurs
fonctions électives, par exemple en tant que dirigeants d’une association
contrôlée par les juridictions financières ou d’une société d’économie
mixte
3
.
La CDBF peut être saisie4, conformément à l’article L. 314-1 du
CJF par les autorités suivantes, toujours par l’organe du ministère public :
-
le Président de l’Assemblée nationale ;
-
le Président du Sénat ;
-
le Premier ministre ;
-
le ministre chargé des finances ;
-
les autres membres du Gouvernement pour les faits relevés à la
charge des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité ;
-
la Cour des comptes ;
-
les chambres régionales et territoriales des comptes ;
-
le Procureur général près la Cour des comptes.
1
CDBF, 20 décembre 2001,
Région Guadeloupe.
2
CDBF, 30 juin 2006,
Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la
région d’Étaples-sur-Mer
, AJDA 2006, p. 2445.
3
CDBF, 13 juin 2003,
SEM Sarcelles Chaleur
, Lebon p. 121.
4
Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées où elle
peut être aussi saisie par les créanciers.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
9
Les sanctions que peut prononcer la Cour sont des amendes selon
un quantum encadré par la loi. La Cour peut en outre décider de publier
ses arrêts de condamnation au
Journal officiel
de la République française.
Les arrêts de la CDBF peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation devant le Conseil d’État.
Depuis 1948, la CDBF a rendu 204 arrêts
5
. Juridiction répressive,
gardienne des règles qui régissent l’utilisation de l’argent public et des
principes de bonne gestion, elle remplit aussi un rôle de dissuasion et de
rappel de la norme à l’égard des gestionnaires publics qui sont ses
justiciables.
La Cour contribue ainsi à la diffusion d’une culture de rigueur et
de bonne gestion dans la sphère publique. Cette mission est d’autant plus
nécessaire que la réforme budgétaire de l’État a diminué les contrôles
exercés
a priori
sur les ordonnateurs et les gestionnaires publics. La
culture de performance et de responsabilité, consubstantielle à la loi
organique relative aux lois de finances de 2001, accroît ainsi, dans les
domaines où elle s’applique, l’importance des contrôles et des sanctions
a posteriori
.
5
Le premier arrêt de la Cour a été rendu six années après la création de la Juridiction :
CDB, 30 juin 1954,
Maison centrale de Melun.
10
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Déroulement d’une affaire devant la
Cour de discipline budgétaire et
financière
Activité et performance de la Cour en
2015
L’activité de la Cour
I -
L’activité de la CDBF est analysée
au travers d’indicateurs
de
volume (v.
infra
, A, et tableau n° 1) et de délais (v. plus loin, B, et
tableaux n° 2 et n° 3). Ces indicateurs présentent un compte-rendu fidèle
et précis de l’activité annuelle de la Juridiction. Toutefois leur évolution,
parfois significative d’une année sur l’autre, doit être analysée avec recul
en tenant compte, d’une part du nombre relativement limité d’arrêts
rendus et d’autre part du fait que le traitement contentieux des affaires
s’inscrit inévitablement dans un cadre pluriannuel du fait des règles
procédurales.
Afin
de
ne
pas
fausser
l’appréciation
des
résultats,
les
développements qui suivent ne prennent pas en compte les affaires
relatives à l’inexécution des décisions de justice. Ces dernières, qui sont
présentées
infra
dans la partie consacrée aux classements, relèvent en
effet d’une logique et d’une procédure distinctes.
Les indicateurs de volume
A -
Le nombre d’arrêts
s’établit à huit en 2015. Ce résultat est
supérieur à ceux constatés les années précédentes (cinq arrêts rendus en
2014, quatre en 2013) et à la moyenne constatée depuis 2006 (cinq).
Le nombre de saisines
de la Cour s’élève à 23. Il est légèrement
supérieur à celui de 2014 (22) et en forte augmentation par rapport à celui
des années antérieures. De 2006 à 2015, la moyenne annuelle des saisines
a, en effet, été de 15.
Les 23 saisines enregistrées en 2015 proviennent toutes des
juridictions financières. 12 déférés ont été transmis par des chambres
régionales des comptes (au lieu de huit en 2014 et de cinq en 2013), neuf
par la Cour des comptes (13 en 2014, six en 2013) et deux saisines sont à
l’initiative du procureur général. Sur les trois dernières années, la
répartition du nombre des saisines entre les chambres de la Cour des
comptes et les chambres régionales des comptes a donc été équilibrée.
12
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Sur une période de dix ans, 96% des saisines sont venues de la
Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Les saisines
émanant
des
présidents
des
assemblées
parlementaires
ont
été
exceptionnelles.
Le nombre de réquisitoires transmis
par le procureur général au
président de la Cour en 2015 (16) a été supérieur à la moyenne constatée
ces 10 dernières années (10).
Le nombre de rapports d’instruction
déposés en 2015 (10) a, lui
aussi, été supérieur à la moyenne constatée ces 10 dernières années (8,5),
de même que le nombre d’auditions réalisées (57 en 2015 à comparer à
39).
Le nombre de classements
6
est de 12 en 2015 (huit en 2014,
quatre en 2013). Le taux de classement s’établit ainsi en 2015 à 60 %. Il
est inférieur au taux moyen de classement de 63 % constaté depuis la
création de la CDBF mais il est supérieur aux taux observés au cours des
deux dernières années (50 % en 2013 et 2014).
6
Ne sont toutefois pas comptabilisés au sein de ces classements, ceux portant sur des
affaires d’inexécution des décisions de justice qui relèvent d’une démarche distincte.
En effet, dans ces affaires, le classement signifie que l’action du ministère public a
permis l’aboutissement de la demande qui, dès lors, est dénuée d’objet. Le détail des
décisions portant sur ce type particulier d’affaires est présenté ci-après.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
13
Tableau n° 1 :
affaires enregistrées, classées et jugées, taux de classement et état du stock
(par an, sur 10 ans, et en total depuis la création de la CDBF)
Années
Saisines
enregistrées
dans l’année
Nombre de
classements au
1
er
stade
(Art. L. 314-3)
Nombre de
classements au
2ème stade
(Art. L. 314-4)
Nombre de
classements
au 3ème stade
(Art. L. 314-6)
Nombre de
saisines
directes du
procureur
général
Autres
saisines
(révision,
renvoi
après
cassation…)
Nombre
d’arrêts rendus
Taux
de
classement
(1)
Nombre
d’affaires en
stock au 31
décembre
2006
16
3
4 (3)
1
1
0
6
73 %
27
2007
12
2
4
0
0
0
3
60 %
30
2008
16
6
0
1
0
1
5
70 %
35
2009
14
9
7
0
0 (2)
0
6
73 %
27
2010
8
4
2
0
0
0
3
56 %
26
2011
16
5
0
0
1
2
7
50 %
32
2012
15
2
7
0
0
0
7
60 %
31
2013
11
2
1
1
0
0
4
50 %
34
2014
22
3
4
1
0
0
5
50 %
43
2015
21
7
4
1
2
0
8
60 %
46
total depuis
1948
599
135
143
75
28
10
204 (4)
(1) Hors affaires inexécution des décisions de justice. Calculé ainsi :
[nombre de classements x 100] divisé par [nombre de renvois + nombre de classements].
Pour le calcul, sont prises en compte seulement les affaires classées ou renvoyées au cours de l’année en question.
(2) En 2009, le procureur général avait par ailleurs saisi la Cour d’une affaire d’inexécution de décision de justice.
(3) A cela s’ajoute le classement d’une affaire d’inexécution de décision de justice provenant d’une saisine directe par le procureur général.
(4) Dont 2 arrêts concernant des affaires relatives à l’inexécution d’une décision de justice
14
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Les délais de traitement des affaires
B -
Les délais de traitement des affaires présentés
infra
ne se limitent
pas à la période d’instruction des dossiers. Ils correspondent à la durée
globale de l’instance : ils incluent donc les diligences du ministère public
(réquisitoire initial, décision de poursuivre et décision de renvoi), celles
du rapporteur chargé de l’instruction, ainsi que les autres fonctions du
siège (désignation d’un rapporteur, programmation et préparation des
audiences publiques de jugement et de la notification de l’arrêt).
Les délais présentés ici sont ceux compris entre la date de
l’enregistrement de la saisine au ministère public près la CDBF (ou de la
signature du réquisitoire introductif du procureur général, en cas de
saisine directe de la Cour) et la date de la notification de l’arrêt.
Enfin, la période prise en compte ne comprend pas les éventuels
événements postérieurs à l’arrêt rendu (recours en cassation puis renvoi
éventuel devant la CDBF).
Les objectifs de performance annuelle (v.
infra
III, point B. 1)
comportent également un indicateur de délai.
À cet égard, sur les huit arrêts rendus en 2015, trois affaires ont été
traitées en moins de trois ans, cinq entre trois et cinq ans et aucune en
plus de cinq ans.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
15
Tableau n° 2 :
durée des instances CDBF
Années
moins de 3 ans
entre 3 et 5 ans
plus de 5 ans
en %
en mois
en %
en mois
en %
en mois
2006
20 %
32
40 %
56,5
40 %
96,5
2007
100 %
71
2008
75 %
26
25 %
48
2009
83 %
27
17 %
64
2010
67 %
22
33 %
52
2011
40 %
30
60 %
45
2012
72 %
24
14 %
59
14 %
74,5
2013
50 %
24
50 %
52
2014
25 %
33
50 %
51
25 %
61
2015
38 %
31
62 %
39
Note méthodologique : arrêts rendus dans l’année depuis 10 ans - hors affaires d’inexécution
de décisions de justice et hors affaires exceptionnelles
7
, en chiffres absolus [en moyenne, en
mois] et en %
8
; délai compris entre l’enregistrement du déféré au ministère public près la
Cour
9
et la date de l’arrêt
.
Comme le font ressortir les tableaux n° 2 et n° 3, la durée des
instructions (2
ème
phase de la procédure) s’est améliorée par rapport aux
années précédentes. La durée d’instruction la plus longue (650 jours, soit
22 mois) a concerné une affaire complexe qui a donné lieu à un grand
nombre d’auditions et dans laquelle cinq personnes ont été renvoyées
devant la Cour.
7
Excluant les arrêts rendus sur renvoi après cassation, qui ne nécessitent pas
d’instruction complémentaire, les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce
opposition ou sur autres recours atypiques (QPC).
8
Ce tableau s’inspire du rapport annuel du Conseil d’État ainsi que de l’indicateur
n° 1 de l’objectif 1 du programme «
Justice judiciaire
».
9
Ou du réquisitoire introductif en cas de saisine directe par le procureur général.
16
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Tableau n° 3 :
détail par phase
10
des instances CDBF des arrêts de
jugement rendus en 2015
(en nombre de jours)
Année 2015
1
ère
phase
Réquisitoire
2
ème
phase
Instruction
3
ème
phase
Renvoi et
audience
Total en jours
Etablissement public
du campus de
Jussieu
85
650
428
1 163
Etablissement public
de coopération
culturelle « l’Autre
Canal »
204
399
500
1 103
Entreprise minière et
chimique
129
265
390
784
Grand port maritime
de Nantes - Saint-
Nazaire
43
476
398
917
Assistance publique-
Hôpitaux de
Marseille
46
366
730
1 142
Société
d’aménagement du
Val-de-Marne et de
développement des
villes et du
département du Val-
de-Marne
378
238
526
1 142
Association pour la
gestion du régime
d’assurance
des créances des
salariés
293
488
518
1 299
Fondation nationale
des sciences
politiques et Institut
d’études politiques
de Paris
86
422
586
1 094
10
La phase 1 s’étend de l’enregistrement de la saisine au Parquet jusqu’à la date du
réquisitoire ; la phase 2 court du réquisitoire au dépôt du rapport d’instruction ; la
phase 3 comprend l’ensemble des étapes ultérieures : du dépôt du rapport jusqu’à la
date de notification de l’arrêt.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
17
Les moyens en personnel de la Cour
II -
(hors ministère public)
La CDBF est une juridiction qui mobilise relativement peu de
moyens. Les auteurs du rapport au Président de la République sur
l’exemplarité des responsables publics constatent que
« Contrairement
aux autres juridictions financières, la CDBF n’est pas dotée de
magistrats exerçant à temps plein »
11
.
Le personnel permanent de la CDBF se compose d’un secrétaire
général à mi-temps, d’une greffière (0,9 ETP) et d’une greffière adjointe.
Les rapporteurs, essentiellement des magistrats de juridiction
financière et des conseillers de tribunal administratif ou de cour
administrative d’appel, consacrent en moyenne 30 jours à une affaire.
Il est précisé, à cet égard, que le décret n° 2015-571 du
27 mai 2015 relatif aux procédures applicables devant la CDBF a,
notamment, élargi les possibilités de choix des rapporteurs et limité la
durée de leur fonction.
Enfin, la fonction de jugement sollicite les membres de la Cour en
moyenne 2,5 jours par membre délibérant et par audience.
Au total, les moyens en personnel de la CDBF ont été en 2015 de
4,4 équivalents plein temps, soit 0,24 % des effectifs de la Cour des
comptes et des CRTC (respectivement 725 et 1050 ETP en 2014).
Tableau n° 4 :
moyens en personnel de la CDBF
En équivalent
plein temps
2013
2014
2015
Personnel
permanent
2,3
2,3
2,4
Rapporteurs
1,5
1,2
1,4
Fonction de
jugement
0,3
0,4
0,6
Total
4,1
3,9
4,4
11
Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics,
« Renouer la confiance publique », 8 janvier 2015, p. 148.
18
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Appréciation de la performance annuelle de
III -
la Cour
Rappel des objectifs et des indicateurs de
A -
performance
Trois objectifs
ont été fixés à la CDBF :
1.
Réduire la durée
des procédures (entre l’enregistrement de la saisine
et la notification de l’arrêt) : cet objectif répond à la nécessité d’une
bonne administration de la justice et aux exigences liées au procès
équitable, qui s’expriment notamment dans les stipulations de
l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des
droits de l’homme (CEDH) retient toutefois, pour apprécier le
caractère raisonnable du délai de jugement, non pas l’arrivée de la
saisine à la Cour, mais la date à laquelle la personne est informée par
écrit de son accusation, laquelle se définit « comme la notification
officielle émanant de l’autorité compétente du reproche d’avoir
accompli une infraction pénale »
12
.
2.
Améliorer la qualité des arrêts
: il s’agit également d’un objectif
majeur pour une juridiction afin, notamment, de garantir la qualité de
la motivation et l’exercice d’un droit effectif au recours.
3.
Mieux faire connaître la CDBF
: cet objectif est spécifique à la
CDBF et vise à mieux faire connaître aux autorités compétentes pour
saisir la Cour, les infractions à l’ordre public financier ainsi que la
jurisprudence.
Ces trois objectifs sont inspirés de ceux retenus par d’autres
juridictions, en particulier ceux du programme
« Conseil d’État et autres
juridictions administratives ».
Ces objectifs sont appuyés par les
indicateurs
suivants (un ou
plusieurs indicateurs par objectif), qui ne s’appliquent toutefois pas aux
affaires relatives à l’inexécution de décisions de justice :
12
CEDH, 26 septembre 2000,
Guisset c. France
: le délai commence à courir à la
«
date à laquelle le requérant fut averti de l’ouverture d’une information à son
encontre devant la Cour de discipline budgétaire et financière
» (point 80 de l’arrêt).
CEDH, 11 février 2010,
Malet c. France
.
CE, 22 janvier 2007,
Forzy
, AJDA 2007,
p. 697, note Petit ; AJDA 2007, p. 1036, concl. Keller ; Rev. Trésor 2007, p. 725, note
Lascombe et Vandendriessche (préjudice du fait du dépassement du délai
raisonnable ; condamnation de l’État à verser 4.000 €).
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
19
Tableau n° 5 :
indicateurs de performance annuelle de la CDBF
Objectif
Indicateur
Unités
Réalisé
2014
Objectif
2015
Réalisé
2015
1
er
objectif :
réduire la durée
des procédures à
moins de 3 ans
Délai moyen de traitement des procédures CDBF
(1)
mois
49 mois
(4 arrêts)
Moins de 36
35,6 mois
(8 arrêts)
Proportion d’affaires en stock
depuis plus de 3 années (au 31-XII)
%
9 %
(4 affaires)
0 %
6 %
(3 affaires)
2
ème
objectif :
améliorer la
qualité des arrêts
Taux d’annulation en cassation
sur les 10 dernières années
(2)
%
9 %
0 %
0 %
3
ème
objectif :
accroître la
connaissance de
la jurisprudence
de la CDBF
Nombre de publications consacrées à la CDBF dans la
presse spécialisée au cours de l’année n
(3)
nombre
(valeur
absolue)
10
17
16
Nombre de personnes ayant reçu une formation ou ayant
participé à une intervention sur la CDBF
nombre
estimé
274
150
245
(1) Ce délai est calculé comme suit : délai moyen compris entre un déféré (ou une saisine directe par le procureur général) et la date de l’arrêt ; cet indicateur ne
comprend donc pas les affaires classées ; il ne retient pas davantage les affaires jugées sur renvoi après cassation et d’autres affaires exceptionnelles qui ne débutent
pas par un déféré (recours en révision…). Cet indicateur est complémentaire du tableau n° 2 ci-dessus.
(2) Calculé comme la part des décisions du Conseil d’État, rendues sur recours en cassation contre un arrêt de la CDBF, donnant une satisfaction partielle ou totale au
requérant (sur les dix dernières années, soit arrêts rendus de 2006 à 2015 inclus).
(3) Hors ouvrages du type manuel de finances publiques, Grands arrêts de la jurisprudence financière, Recueil de jurisprudence des juridictions financières, etc.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
20
Appréciation de la performance de la CDBF en 2015
B -
1
er
objectif : réduire la durée des procédures
Le
délai moyen de traitement
des affaires ayant donné lieu à arrêt
au cours de l’année 2015 s’établit à 35,6 mois, alors qu’il était de 49 mois
en 2014 et 38 mois en 2013. Il est conforme aux objectifs que la Cour
s’est fixés et marque une amélioration par rapport aux années
précédentes. Un effort particulier est accompli au stade de l’instruction,
en accord avec les magistrats et rapporteurs en charge des dossiers. En
effet, lors de leur désignation, ces derniers s’engagent à instruire avec
diligence, sous réserve des difficultés particulières rencontrées lors de la
procédure (nécessité d’un réquisitoire supplétif en vue d’une extension du
périmètre initial, délais demandés par les parties et justifiés par une
situation particulière). Il reste que les efforts conjoints de la Cour et du
ministère public devront être poursuivis afin de maîtriser la durée de
chacune des étapes de la procédure.
L’indicateur
portant
sur
l’ancienneté
du
stock
au
31 décembre 2015 montre que 6 % des affaires ont plus de trois ans
d’ancienneté, soit trois affaires. Il y a lieu cependant de préciser que,
parmi celles-ci, deux affaires qui ont été jointes ont donné lieu à une
question prioritaire de constitutionnalité et à des demandes de report
formulées par des personnes renvoyées. Ces deux affaires devraient être
jugées par la CDBF lors d’audiences programmées en janvier 2016. La
troisième affaire a donné lieu à un rapport d’instruction communiqué au
ministère public en juillet 2013. Il appartient au procureur général de
décider des suites qu’il compte réserver à cette affaire.
Le
stock d’affaires
au 31 décembre 2015 correspond à 46 dossiers
en instance (43 en 2014 et 34 en 2013).
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
21
Tableau n° 6 :
détail de l’ancienneté du stock au 31-XII
(hors affaires d’inexécution de décisions de justice)
stock
total
moins de 3 ans
entre 3 et 5 ans
plus de 5 ans
en %
nombre
d’affaires
en %
nombre
d’affaires
en %
nombre
d’affaires
2008
35
91 %
32
6 %
2
3 %
1
2009
27
89 %
24
11 %
3
0 %
0
2010
26
85 %
22
15 %
4
0 %
0
2011
32
74 %
24
23 %
7
3 %
1
2012
31
84 %
26
13 %
4
3 %
1
2013
34
79 %
27
21 %
7
0 %
0
2014
43
91 %
39
9 %
4
0 %
0
2015
46
94 %
43
2 %
1
4 %
2
Les données exposées au tableau n° 6 montrent que 94 % des
affaires en stock ont moins de trois ans. Cependant l’effort en vue du
traitement diligent des dossiers doit être maintenu.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
22
2
ème
objectif : améliorer la qualité des arrêts de la CDBF
Le taux de recours en cassation
contre des arrêts rendus par la
CDBF entre 2006 et 2015
13
s’élève à 19 % (10 pourvois sur 54 arrêts
rendus), soit un taux de recours en baisse par rapport à ceux constatés en
2014 et 2013 (23 %).
Le taux d’annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l’objet
d’un recours en cassation
– qui constitue l’indicateur associé à cet
objectif – s’élève à 0 % sur la période 2006 à 2015, aucun arrêt n’ayant
été cassé sur 10 recours formés. Le taux d’annulation en cassation
constaté depuis la création de la CDBF (1948 – 2015) est de 15 %, soit
cinq arrêts cassés, en totalité ou partiellement, sur les 33 recours
introduits.
3
ème
objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de
la CDBF
Deux indicateurs permettent d’apprécier les efforts entrepris pour
atteindre cet objectif : le nombre de publications dans la presse
spécialisée intervenues dans l’année et celui des personnes formées sur la
période.
16 publications ont été consacrées à la CDBF en 2015, ce qui est
très proche de l’objectif de 17. Ces nombres ne prennent pas en compte
les informations publiées par la direction des affaires juridiques du
ministère des finances dans son courrier électronique, ni les articles de la
presse généraliste sur l’activité de la CDBF.
L’effort de formation et d’information sur la CDBF a été
poursuivi. La cible de 150 personnes à atteindre a été dépassée avec
245 personnes ayant assisté, soit à une intervention sur la CDBF
14
(à
l’attention d’universitaires et d’étudiants, de magistrats judiciaires ou
financiers français, de fonctionnaires ou magistrats étrangers), soit à une
séance de formation ou d’information à l’attention des magistrats et des
personnels de contrôle des juridictions financières.
13
Calculé comme suit : nombre d’arrêts rendus par la CDBF entre 2006 et 2015 ayant
fait l’objet d’un recours en cassation formulé par une ou plusieurs personnes
condamnées, ou par le ministère public près la CDBF.
14
Hors colloques universitaires n’associant pas un représentant de la CDBF.
La jurisprudence de la Cour de discipline
budgétaire et financière en 2015
Une présentation synthétique des huit arrêts rendus en 2015 est
fournie ci-après. Tous les arrêts rendus par la CDBF depuis sa création
figurent sur le site internet de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr,
rubrique CDBF.
S’agissant du respect des règles de la commande publique, la
CDBF a précisé la portée des obligations qui pèsent sur les gestionnaires
publics en cas de recours à des marchés complémentaires et elle a
confirmé la nécessité d’une approche spécifique dans l’appréciation de la
notion de bouleversement économique d’un marché lors de l’examen
d’avenants
15
. N’ayant pas eu à connaître ces dernières années de faits
concernant le fonctionnement de régies d’avances et de régies de recettes,
une affaire lui a permis de procéder à certains rappels
16
. Le non-respect
des compétences des assemblées délibérantes par leur président a été
sanctionné dans deux affaires
17
.
La CDBF a confirmé son exigence dans la caractérisation de
l’infraction de l’article L. 313-6 du CJF (octroi d’un avantage injustifié à
autrui). Elle n’a pas regardé comme établie cette infraction quand
l’avantage injustifié n’a pas pu être solidement démontré
18
.
La CDBF se montre très attentive aux circonstances de l’affaire et
aux contraintes qui pèsent sur les gestionnaires publics. Elle a accordé
des circonstances absolutoires de responsabilité dans plusieurs affaires,
en particulier lorsque certains de ces gestionnaires avaient mené à bien
un processus de régularisation
19
.
15
CDBF, 22 janvier 2015,
Établissement public du campus de Jussieu.
16
CDBF, 10 avril 2015,
Établissement public de coopération culturelle « L’autre
canal ».
17
CDBF, 13 octobre 2015,
Société d’aménagement du Val-de-Marne et de
développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94)
; CDBF,
4 décembre 2014,
Fondation nationale de sciences politiques et Institut politique de
Paris
.
18
CDBF, 13 octobre 2015,
Société d’aménagement du Val-de-Marne et de
développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94)
; CDBF,
4 décembre 2014,
Fondation nationale de sciences politiques et Institut politique de
Paris
.
19
CDBF, 16 juin 2015,
Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire
; CDBF,
17 juillet 2015,
Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM)
.
Arrêt n° 197
-
713 du 22 janvier 2015,
Etablissement public du campus de Jussieu
Les infractions retenues
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-3 du CJF : engagement d’une dépense par une personne
non habilitée.
Résumé
II -
Le campus universitaire de Jussieu, situé au coeur de Paris, était
occupé par des immeubles qui ont dû être désamiantés et réhabilités. Un
« établissement public du campus de Jussieu » (EPCJ) a été créé en 1997
pour assurer la maîtrise d’ouvrage de ces opérations.
Pour les mener à bien, cet établissement public a notamment eu
recours à des marchés complémentaires, tant de maîtrise d’oeuvre que de
travaux, dans des conditions que la CDBF a, pour quatre d’entre eux,
jugées irrégulières.
L’EPCJ a également passé un important marché de travaux dit
« M7 » dans des conditions irrégulières décrites par la CDBF mais dont la
responsabilité n’a pu être imputée à la directrice qui l’a signé. En outre, le
caractère irrégulier d’un avenant à ce marché n’a pas pu être établi pour la
CDBF.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
26
Enfin, la CDBF a jugé qu’il ne pouvait être fait grief à un directeur
par intérim de l’EPCJ d’avoir pris des actes ou des décisions en vue
d’assurer la continuité du service public alors même que son arrêté de
nomination n’avait pas été publié.
Les faits et les infractions
III -
Sur le recours à des marchés complémentaires
A -
L’EPCJ a négocié sans publicité ni mise en concurrence des
marchés complémentaires de maîtrise d’oeuvre et de travaux sur le
fondement du 5° du II de l’article 35 du code des marchés publics
20
qui
vise les :
« marchés complémentaires de services ou de travaux qui
consistent en des prestations qui ne figurent pas dans le marché
initialement conclu mais qui sont devenues nécessaires, à la suite d’une
circonstance imprévue, à l’exécution du service ou à la réalisation de
l’ouvrage tel qu’il est décrit dans le marché initial, à condition que
l’attribution soit faite à l’opérateur économique qui a exécuté ce service
ou réalisé cet ouvrage
:
a) Lorsque ces services ou travaux complémentaires ne peuvent
être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans
inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur ;
b) Lorsque ces services ou travaux, quoiqu’ils soient séparables de
l’exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son parfait
achèvement.
Le montant cumulé de ces marchés complémentaires ne doit pas
dépasser 50 % du montant du marché principal ».
La CDBF a examiné très précisément chacun des huit marchés
complémentaires mis en cause au regard des multiples conditions posées
par le 5° du II de l’article 35 du code des marchés publics. Le point le
plus délicat était d’apprécier si les prestations nécessaires étaient apparues
après coup et résultaient d’une circonstance imprévue qui ne pouvait
20
Ces dispositions sont issues de la transposition du 4) de l’article 31 de la directive
2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la
coordination des procédures de marchés publics de travaux, de fournitures et de
services.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
27
raisonnablement être prise en compte lors de la conclusion du contrat
initial.
L’on rappellera que la circonstance imprévue doit être distinguée
de la « circonstance imprévisible », expression issue de la jurisprudence
administrative, le Conseil d’État ayant rappelé que « les sujétions
techniques imprévues » mentionnées à l’article 20 du code des marchés
publics correspondaient à des difficultés matérielles rencontrées lors de
l’exécution
d’un
marché
présentant
un
caractère
exceptionnel,
imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est
extérieure aux parties
21
. Ainsi, si les circonstances imprévisibles sont
celles qui déjouent toutes les prévisions des parties, les circonstances
imprévues sont celles qui excèdent les vicissitudes de la vie
économique
22
.
Après examen minutieux, la CDBF a jugé que, pour quatre des huit
marchés complémentaires en cause, la survenue de circonstances
imprévues ou de besoins nouveaux ne pouvait être écartée. Pour les
quatre autres marchés, elle pouvait l’être, ces marchés s’avérant alors
irréguliers.
Sur un marché de travaux et un de ses avenants
B -
S’agissant du marché initial, la CDBF a constaté, après avoir
rappelé les faits mis à jour par l’instruction, que l’offre de l’entreprise
attributaire du marché était irrégulière mais que les caractéristiques
exactes de cette offre n’ont pas été portées à la connaissance de la
commission d’appel d’offres.
La CDBF a considéré que la directrice signataire du marché venait
d’être nommée et ne pouvait pas détecter les irrégularités du contrat à la
lecture des éléments dont elle disposait, en particulier un avis favorable à
l’unanimité de la commission d’appel d’offres, et en l’absence d’alerte de
ses services. Sa responsabilité n’a donc pas été mise en cause.
S’agissant de l’avenant n° 4 visé en ce qu’il portait à 24 % la
hausse du montant initial du marché et bouleversait de ce fait son
économie, la CDBF a examiné précisément chaque avenant passé et a
21
Conseil d’État, 30 juillet 2003, n° 223445,
Commune de Lens
, Lebon p. 960 ; sur
les sujétions techniques imprévues, voir aussi Conseil d’État, 2 juillet 1982,
Société
Colas
, Lebon p. 261.
22
CAA Marseille, 2 octobre 2008,
M. François Deslaugiers
, req. n° 07MA00016.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
28
isolé les prestations qui pouvaient être considérées comme sujétions
techniques imprévues.
En écartant ces sujétions, conformément à l’article 20 du code des
marchés publics, l’augmentation du montant initial du marché était
ramenée à 19,24 %.
Par suite, la CDBF a considéré, eu égard aux différents aspects de
l’affaire, qu’il n’était pas établi que cet avenant avait bouleversé
l’économie du marché. Ainsi, une augmentation par avenant de 15 à 20 %
du prix d’un marché n’est pas suffisante pour emporter à elle seule le
bouleversement de son économie, au contraire des préconisations d’une
circulaire ministérielle
23
.
Les juridictions administratives ont aussi une approche très
spécifique de chaque affaire
24
.
Sur l’engagement d’une dépense sans y avoir
C -
été habilité
1 -
Sur l’absence de publication d’un arrêté de nomination
d’un directeur par intérim
Le directeur général de l’enseignement supérieur et de la recherche
a pendant l’exercice de ses fonctions exercé brièvement l’intérim de la
direction générale de l’EPCJ.
Il était fait grief à ce directeur par intérim d’avoir signé un avenant
à un marché de travaux sans y avoir été habilité. Le ministère public, dans
sa décision de renvoi, constatait en effet que l’arrêté ministériel le
nommant intérimaire n’avait pas été publié, qu’il n’était donc pas
opposable aux tiers et que ces faits étaient constitutifs de l’infraction
visée par l’article L. 313-3 du CJF qui concerne
« toute personne (…) qui
aura engagé des dépenses sans en avoir reçu pouvoir »
.
23
Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d’application du code des marchés
publics, point 14.7.
24
CE, 13 juin 1997,
Commune d’Aulnay-sous-Bois
, n°150681 ; CAA Paris,
25 février 2013,
Ville de Paris
, n° 12PA00638.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
29
La CDBF n’a pas suivi la voie tracée par le ministère public. Elle a
pris en considération les caractéristiques particulières s’attachant à des
missions d’intérim d’une direction générale aussi importante que celle de
l’EPCJ. Elle a estimé que la décision confiant l’intérim à ce directeur
avait été prise en vue d’assurer la continuité du service public et la prise
de tous actes et décisions relevant de ces fonctions sans que leur validité
puisse être mise en cause par la non-publication de l’arrêté de
nomination
25
.
2 -
Sur le dépassement d’un seuil de délégation
La CDBF a constaté que le secrétaire général de l’EPCJ avait signé
un marché complémentaire d’un montant supérieur au seuil fixé par la
décision du directeur général lui confiant délégation de signature.
Elle a établi sa responsabilité tout en lui accordant des
circonstances absolutoires (voir
infra
).
La prise en compte des circonstances
IV -
Sa responsabilité ayant été établie dans la passation de marchés
complémentaires jugés irréguliers, la CDBF a considéré que l’expérience
professionnelle d’un directeur général, son excellente connaissance du
milieu
dans
lequel
il
évoluait,
constituaient
des
circonstances
aggravantes.
Elle a en revanche été très sensible au contexte général de
l’opération de désamiantage et de réhabilitation du campus de Jussieu.
Elle a estimé que les carences de la gouvernance de ce projet aux plus
hauts niveaux gouvernementaux ont contraint très fortement les décisions
susceptibles d’être prises par la direction générale de l’EPCJ. Ces très
fortes contraintes externes pouvaient constituer des circonstances
atténuantes.
25
Sur le défaut de publication d’un décret portant nomination d’un directeur général
d’administration centrale, cf. CE, 9 déc. 1949,
Syndicat des affaires étrangères
c/ Couve de Murville
, rec. p. 537.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
30
La CDBF est allée jusqu’à considérer que les conditions dans
lesquelles avait été placé le secrétaire général de l’EPCJ, en plein coeur
d’un mois d’août, alors que tous les directeurs de l’établissement étaient
absents et qu’il était confronté à une situation d’urgence, constituaient, eu
égard aux faits que lui étaient reprochés (un dépassement de seuil de
signature pour un marché de montant relativement faible), des
circonstances absolutoires de responsabilité
26
.
Sanctions prononcées
V -
La CDBF a sanctionné le directeur général qui avait passé les
marchés complémentaires irréguliers. Elle lui a infligé une amende de
2 000 €
27
, inférieure à la demande du ministère public (3 000 €). Elle a
relaxé les autres personnes renvoyées.
Par comparaison, le niveau des amendes infligées par la CDBF
dans les 29 affaires jugées au fond depuis 2009 s’est établi entre 150 et
20 000 euros. Dans quatre affaires, il a été égal ou supérieur à
5 000 euros.
26
Sur d’autres cas de circonstances absolutoires de responsabilités, CDBF,
22 juin 2012,
Action sociale des armées
; CDBF 16 avril 2009,
Centre hospitalier de
Fougères
.
27
Une affaire récente a donné lieu à une amende de même montant : CDBF,
8 décembre 2014,
Maison de retraite publique de Vertheuil.
Arrêt n° 198
-
719 du 10 avril 2015
Etablissement public de coopération culturelle
(EPCC) «
L’Autre canal
»
Depuis 2010, la CDBF n’avait pas eu à connaître de faits
concernant le fonctionnement de régies
28
. L’affaire « Etablissement
public de coopération culturelle (EPCC) "L’Autre Canal" » lui permet de
procéder à certains rappels.
Les infractions retenues
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF.
Résumé
II -
Cet établissement public associe l’État, la région Lorraine et la
ville de Nancy. Créé en décembre 2006, il a été doté d’une régie de
recettes et d’une régie d’avances. Saisie sur les conditions de
fonctionnement et de contrôle de ces deux régies, la CDBF rappelle dans
cet arrêt les obligations auxquelles sont tenues les ordonnateurs, les
comptables et les régisseurs dans l’exercice de leurs missions respectives
concernant les régies.
La CDBF montre aussi son exigence dans l’utilisation du
mécanisme de l’infraction continue qui permet de reporter le point de
départ de la prescription et confirme que la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable, sous la forme
d’un débet, n’est pas exclusive de poursuites devant la CDBF.
28
Ce type d’affaires est relativement peu fréquent : CDBF, 10 décembre 2010,
Commune de Bandol
; CDBF, 19 juin 2002,
Délégation à l’espace aérien
(DEA)
, CDBF, 15 décembre 1997,
Service des immeubles et des affaires générales du
ministère des affaires étrangères
.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
32
Les faits et les infractions
III -
Les griefs examinés par la CDBF concernent un spectre assez large
de dysfonctionnements concernant une régie d’avances et une régie de
recettes.
Le cadre juridique de référence est tracé, d’une part par les
dispositions du décret n° 62-1589 du 29 décembre 1962 portant règlement
général de la comptabilité publique, en vigueur à la date des faits, reprises
par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique, aux termes desquelles des régisseurs
peuvent être chargés pour le compte des comptables publics, et sous leur
contrôle, d’opérations d’encaissement ou de paiement, d’autre part par les
dispositions des articles R. 1617-1 à R. 1617-18 du code général des
collectivités
territoriales
(CGCT)
qui
précisent
les
conditions
d’organisation et de fonctionnement des régies.
Sur des dépenses prises en charge par la régie
A -
d’avances
Deux griefs étaient examinés. Le premier visait la directrice de
l’EPCC à qui le ministère public reprochait d’avoir pris en janvier 2007
une décision de création de régie autorisant le paiement de salaires nets,
contrairement aux dispositions de l’article R. 1617-11 du CGCT. La
CDBF a constaté les faits mais a considéré que la décision avait été prise
en période prescrite sans que l’instruction ait montré que cette décision
avait été utilisée pour payer des rémunérations autres que celles
autorisées en période non prescrite.
La CDBF confirme son exigence dans la mise en jeu du
mécanisme de « l’infraction continue » utilisé pour reporter le point de
départ de la prescription. Elle vérifie précisément que la décision
irrégulière prise en période prescrite a bien donné lieu à des paiements
répétitifs pendant la période non prescrite
29
.
Le deuxième grief concernait le paiement de dépenses non prévues
dans l’arrêté de création de la régie, en l’occurrence des charges
salariales. La CDBF a constaté que les faits étaient établis et non
prescrits.
29
Cf. CDBF, 4 avril 2001,
OPIHLM de la région de Creil
, et plus récemment, CDBF,
8 décembre 2014,
Maison de retraite publique de Vertheuil.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
33
Sur le fonctionnement de la régie de recettes
B -
La CDBF a constaté les irrégularités suivantes :
-
des recettes ont été encaissées alors que leurs catégories n’étaient pas
mentionnées dans l’acte constitutif de la régie, contrairement à
l’article R. 1617-6 du CGCT qui dispose que
« la nature des produits
à encaisser est fixée par l’acte constitutif de la régie »
;
-
le montant maximal de l’encaisse, fixé par l’acte constitutif de la
régie en application de l’article R. 1617-10 du CGCT, a été dépassé
sans qu’il ait été procédé au reversement immédiat de la totalité de
l’encaisse ;
-
des personnes n’ayant pas la qualité de régisseur ont manié des fonds
de la régie, en contradiction avec les dispositions du II de l’article R.
1617-5-2 du CGCT.
Sur l’absence de gestion distincte de la régie
C -
d’avances et de la régie de recettes
La CDBF a constaté que la régie de recettes de l’EPCC a été
utilisée pour régler des dépenses en numéraire de la régie d’avances, alors
que les régies d’avances et les régies de recettes, instituées par des actes
distincts, doivent être gérées de façon distincte, les recettes de la régie de
recettes devant être reversées au comptable assignataire conformément
aux dispositions de l’article R. 1617-8 du CGCT et les régies d’avances
devant être alimentées par des retraits de fonds auprès du même
comptable assignataire
30
.
S’agissant du non bis in idem
IV -
La CDBF a rappelé que, contrairement à ce que soutenait le
premier comptable, la responsabilité d’un comptable public, au titre de
l’article L. 313-4 du code des juridictions financières, n’était pas
30
Dans une régie de recettes et d’avances, l’ensemble des opérations de la régie est
retracé au sein d’une même et unique comptabilité. Les registres comptables doivent
être aménagés de façon à pouvoir y retracer toutes les opérations de la régie de
recettes et d’avances (Instruction codificatrice du ministère de l’économie, des
finances et de l’industrie n° 36-031-ABM du 21 avril 2006, titre V, p. 98).
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
34
exclusive de sa responsabilité personnelle et pécuniaire prévue par la loi
du 23 février 1963
31
.
Un débet prononcé par une juridiction financière a pour finalité
première de rétablir les comptes d’une collectivité, il ne revêt pas de
caractère répressif et ne constitue pas une sanction.
La prise en compte des circonstances
V -
La CDBF a sanctionné la directrice de l’EPCC, le premier des
deux comptables qui se sont succédé et deux régisseurs.
Elle a retenu des circonstances atténuantes en faveur :
-
de la directrice, tenant au manque de moyens de fonctionnement dont
disposait l’établissement au moment de son ouverture ;
-
aux deux régisseurs, tenant au manque d’appui de la part de la
directrice et du premier comptable qui n’ont pas mis en place les
dispositifs d’encadrement et de contrôle adéquats des régies.
S’agissant des deux comptables, la CDBF a retenu des
circonstances :
-
aggravantes à l’encontre du premier comptable tenant à son inaction
qui a contribué aux dysfonctionnements constatés ;
-
absolutoires en faveur du deuxième comptable qui a mené des
contrôles dont
la fréquence, le caractère effectif et l’efficacité ont
permis
la cessation des dysfonctionnements et les régularisations
nécessaires.
Sanctions prononcées
VI -
La CDBF a infligé une amende de :
-
1 000 € à la directrice de l’EPCC et au comptable en poste de 2006 à
2009 ;
-
300 € à deux régisseurs.
31
Même décision prise récemment, CDBF, 8 décembre 2014,
Maison de retraite
publique de Vertheuil.
Arrêt n° 199
-
731 du 12 mai 2015
Entreprise minière et chimique (EMC)
Les infractions retenues
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF.
Résumé
II -
Le président de la société anonyme « Entreprise minière et
chimique (EMC SA) », filiale à 100 % de l’établissement public
industriel et commercial « Entreprise minière et chimique », deux entités
soumises au contrôle de la Cour des comptes, n’avait pas transmis des
actes contractuels à l’avis préalable du contrôle économique et financier
(CEF) de l’État, contrairement aux obligations qui lui incombaient. Sa
responsabilité a été établie mais des circonstances atténuantes lui ont été
reconnues.
Les faits et les infractions
III -
Les griefs examinés par la CDBF portaient sur des contrats qui,
selon la décision de renvoi du procureur général, n’avaient pas été soumis
à l’avis préalable du CEF de l’État, contrairement aux obligations légales
et règlementaires en vigueur, ce qui était susceptible de constituer des
infractions aux articles L. 313-1 et L. 313-4 du CJF.
Après avoir écarté un moyen de procédure soulevé par la personne
renvoyée, la CDBF a considéré que le défaut de demande d’avis préalable
du CEF de l’État pouvait être constaté pour les contrats en cause,
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
36
l’infraction ne pouvant cependant être établie pour l’un d’entre eux, passé
en période prescrite, sans que le mécanisme de l’infraction continue
puisse jouer.
Les modalités du contrôle économique et financier
A -
de l’État
Les modalités du CEF de l’État auxquelles étaient soumis l’EPIC
EMC et sa filiale directe EMC SA étaient fixées par l’arrêté du
28 décembre 2005. Son article 3 établissait la liste des actes et documents
« soumis à l’avis préalable de l’autorité chargée du contrôle, selon des
seuils et des modalités qu’elle fixe (…) ».
Ces seuils et ces modalités ont été précisés par une note du
20 février 2006 du contrôleur général économique et financier, selon
laquelle
« en ce qui concerne "les contrats conclus avec des prestataires
ou conseils extérieurs", les projets de contrats ne devront être transmis
que s’ils excèdent, pour une prestation déterminée, le seuil de 40 000 € ».
La personne renvoyée soutenait que ce seuil de 40 000 € ne
pouvait lui être opposé, au motif qu’il avait été fixé par une autorité
incompétente. La CDBF a considéré que si l’arrêté interministériel du
28 décembre 2005 ne pouvait légalement subdéléguer à l’autorité chargée
du contrôle le pouvoir de déterminer le champ des actes soumis à l’avis
préalable du CEF de l’État, cette subdélégation ne faisait pas obstacle à
l’application de la règle édictée par l’arrêté, de soumettre à l’avis
préalable du contrôle
« les contrats conclus avec des prestataires ou des
conseils extérieurs »
, catégorie par elle-même suffisamment déterminée.
La CDBF n’a donc pas fait droit à ce moyen.
Une approche rigoureuse de la prescription
B -
Pour un des contrats en cause, un avenant de 2006, la CDBF a
constaté que la décision de le conclure avait été prise antérieurement au
19 mars 2008, soit en période prescrite. Elle a considéré que le vice de
procédure entachant cette décision a consisté en un défaut d’avis
préalable du CEF, qui a certes constitué un manquement aux obligations
auxquelles était tenu le président d’EMC SA vis-à-vis du contrôle de
l’État, mais qui n’a affecté ni la nature de l’avenant, ni les conditions
essentielles de sa passation entre les parties.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
37
Elle a considéré que cette infraction a eu un caractère instantané et
n’a pu vicier, par elle-même, les mesures d’exécution de cet avenant,
notamment
un
paiement
effectué
en
période
non
prescrite,
le
19 février 2009, et qu’en conséquence la responsabilité de la personne
renvoyée ne pouvait être reconnue pour cette infraction commise en
période prescrite.
La CDBF confirme sa rigueur dans l’approche de la prescription et
dans l’utilisation du mécanisme de « l’infraction continue »
32
.
Une infraction aux règles d’exécution des dépenses
C -
Saisie par la décision de renvoi au titre des articles L. 313-1 et
L. 313-4 du CJF, la CDBF a considéré que l’article L. 313-1 aux termes
duquel
« Toute personne qui aura engagé une dépense sans respecter les
règles applicables en matière de contrôle financier portant sur
l’engagement des dépenses »
n’était pas applicable aux faits examinés en
l’espèce dans la mesure où leur champ, concernant des contrats, était plus
large et n’entrait pas dans le strict respect des règles applicables en
matière d’engagement des dépenses.
Elle a en revanche estimé que les irrégularités constatées, tenant au
non-respect des règles en matière de contrôle économique et financier de
l’État, relevaient de l’infraction définie à l’article L. 313-4.
La CDBF confirme que le non-respect des règles en matière de
contrôle d’État relève de l’infraction générale de l’article L. 313-4 et non
de l’infraction spéciale de l’article L. 313-1 qui ne vise expressément que
le contrôle financier
33
.
32
Cf. CDBF, 4 avril 2001,
OPIHLM de la région de Creil
, et plus récemment, CDBF,
8 décembre 2014,
Maison de retraite publique de Vertheuil
et CDBF, 10 avril 1015,
Etablissement public de coopération culturelle « L’Autre canal »
.
33
Cf. GROPER Nicolas.
Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge
financier.
Dalloz 2010/2011, page 231.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
38
La prise en compte des circonstances
IV -
La CDBF a constaté que :
-
les relations entre la personne renvoyée et la mission de CEF de
l’État ont été qualifiées par les deux parties de régulières et
confiantes ;
-
l’utilité des prestations, certes entachées d’un vice de procédure
initial, n’a été remise en cause ni par l’instruction, ni par la décision
de renvoi ;
-
le nombre d’infractions commises par le président d’EMC SA s’est
limité à deux ;
-
une certaine urgence pesait sur EMC SA en 2010, quand ont été
commandées les prestations à un cabinet extérieur.
Elle a donc reconnu au président d’EMC SA des circonstances
atténuantes de responsabilité.
Sanctions prononcées
V -
La CDBF a infligé une amende de 2 000 € au président de la
société EMC SA.
Arrêt n° 200
-
728 du 16 juin 2015
Grand port maritime de Nantes
-
Saint
-
Nazaire
Les infractions retenues
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un
préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
Résumé
II -
Le grand port maritime de Nantes - Saint-Nazaire faisait appel,
depuis 1994, à un même prestataire externe pour le nettoyage des locaux
portuaires sur la base d’un marché à bons de commande qui expirait fin
juin 2007.
Les directeurs généraux du port ont, à deux reprises en 2007 et
2009, organisé une consultation afin de renouveler le marché, à l’issue
d’appels d’offres ouverts. Dans les deux cas, le précédent titulaire, était
loin de présenter l’offre jugée la plus avantageuse par la commission
d’appel d’offres.
Cependant, au motif des conséquences de la réforme portuaire sur
l’économie générale du marché, les directeurs généraux successifs ont
annulé les procédures de renouvellement.
Les faits n’ont pas été contestés. L’intérêt de l’arrêt réside dans
l’appréciation des circonstances de l’affaire.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
40
Les faits et les infractions
III -
Le non-respect du code des marchés publics
A -
Le port a, bien que son marché de prestations de nettoyage fût
expiré, continué à traiter avec l’entreprise en place pour des montants
supérieurs à 900 000 € au total en 2009 et 2010.
Des bons de commande ont été établis au vu de factures reçues
sans support formel, sans engagement juridique ni contrôle du comptable.
Les infractions à l’article L. 313-4 du CJF, dont le non-respect des
dispositions du code des marchés publics constitue l’un des principaux
champs
34
, ont été objectivement caractérisées et n’ont pas été contestées.
L’octroi d’un avantage injustifié ayant entraîné un
B -
préjudice
La CDBF a considéré qu’en continuant à traiter avec la société en
place, alors qu’elle avait été classée respectivement troisième sur huit et
cinquième sur six lors des appels d’offres de 2007 et de 2009, le grand
port maritime avait, d’une part accordé un avantage injustifié à cette
société et d’autre part payé à ladite société des prestations à des
conditions moins avantageuses que celles proposées par des candidats
mieux classés qu’elle, s’occasionnant ainsi un préjudice financier.
La CDBF a confirmé une nouvelle fois son exigence dans
l’examen des éléments constitutifs de l’infraction de l’article L. 313-6
(avantage octroyé, préjudice subi)
35
.
34
GROPER, Nicolas.
Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge
financier.
Dalloz référence, 2010/2011, p. 167.
35
CDBF, 3 octobre 2014,
Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
41
La prise en compte des circonstances
IV -
Les faits n’étant pas contestés, le débat a porté sur la prise en
considération des circonstances de l’affaire, les personnes renvoyées
insistant sur le caractère extrêmement tendu du climat social, sur les
violences et les menaces faites aux dirigeants du port.
La CDBF n’a pas ignoré ce contexte. Elle a considéré que les
dirigeants du port avaient pu prendre des décisions irrégulières en raison
de la crainte qu’ils éprouvaient d’une rupture de la continuité du service
public portuaire et leur a accordé des circonstances atténuantes mais non
absolutoires de responsabilité.
En se fondant sur la perception par les personnes de la continuité
du service public, la CDBF marque une distance avec la position qu’elle a
adoptée dans d’autres affaires. Précédemment, en effet, la juridiction
avait constaté elle-même l’absence de toute solution règlementaire
permettant d’assurer la continuité du service public, pour accorder des
circonstances absolutoires de responsabilité
36
.
Pour d’autres motifs, la CDBF a accordé des circonstances
absolutoires au président du directoire, qui a réussi à mener à son terme le
processus de renouvellement du prestataire à l’issue d’un troisième appel
d’offres, et à deux cadres subordonnés qui ne disposaient d’aucune marge
de manoeuvre en matière d’engagement et de contrôle des dépenses
concernant ces prestations de nettoyage.
Sanctions prononcées
V -
La CDBF a infligé des amendes de 1 000 € à un président du
directoire et au secrétaire général du port et de 500 € à un président
intérimaire du directoire.
36
CDBF, 16 avril 2009,
Centre hospitalier de Fougères
; CDBF, 1
er
juillet 1991,
Centre hospitalier de Lorient.
Arrêt n° 201
-
721 du 17 juillet 2015
Assistance publique
–
Hôpitaux de Marseille
(AP
-
HM)
Les infractions présumées
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-6 CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un
préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
Résumé
II -
Deux directeurs successifs et un comptable public de l’AP-HM
avaient été renvoyés devant la CDBF pour avoir mandaté ou payé quatre
types d’indemnités présumées irrégulières. La Cour a estimé que l’état du
dossier ne lui permettait d’établir une infraction que pour le paiement
d’indemnités en compensation d’astreintes dites « non dérangées ».
Examinant les circonstances de l’affaire, elle a considéré que
chacune
des
trois
personnes
renvoyées
pouvaient
bénéficier
de
circonstances absolutoires de responsabilité et elle les a relaxées.
Il est précisé que cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation
du procureur général.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
44
Les faits et les infractions
III -
1 -
Le paiement irrégulier d’indemnités en compensation
d’astreintes « non dérangées »
Les faits étaient clairs et non contestés : l’établissement avait payé
des indemnités sur des bases supérieures à la règle fixée par l’article 1er
du décret du 11 juin 2003.
En revanche, l’évaluation du trop versé n’a pas pu être précisément
établie en raison des insuffisances du système d’information de
l’établissement et de la non-réalisation d’un chiffrage alternatif fiable. La
CDBF a dû contourner cette difficulté en utilisant la formulation
suivante :
« considérant que les sommes ainsi payées de manière
irrégulière ont porté préjudice à l’établissement, sans qu’il soit
nécessaire d’en établir avec précision le montant ».
2 -
Sur le paiement de primes et indemnités à des agents
contractuels
L’établissement avait versé une « prime de service » à 120 agents
contractuels, une prime de technicité à 10 agents contractuels et une
« indemnité forfaitaire technique » à 8 agents contractuels.
Alors que le ministère public considérait que ces primes étaient
irrégulières au motif qu’elles n’étaient fondées sur aucun texte, la CDBF
s’appuyant sur sa jurisprudence
37
a, tout d’abord rappelé qu’une autorité
administrative compétente pouvait, dans la limite des dispositions
législatives et règlementaires applicables, fixer les conditions de la
rémunération des agents contractuels qu’elle employait, puis constaté que
dans les espèces examinées, les éventuels obstacles à cette liberté
n’avaient pas été mis en évidence.
La CDBF a, en outre, estimé que les contrats de travail étant, par
nature, individuels, un arrêté individuel d’attribution d’indemnités n’était
pas nécessaire dans la mesure où cette attribution était déjà prévue par
lesdits contrats.
Elle a donc jugé que le caractère irrégulier de ces primes et
indemnités n’était pas démontré.
37
CDBF, 25 septembre 2006,
Institut national de la propriété industrielle (INPI)
.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
45
La prise en compte des circonstances
IV -
Après avoir constaté que la responsabilité des deux directeurs
successifs et du comptable de l’établissement n’était établie que dans le
versement irrégulier d’indemnités pour compensation d’astreintes « non
dérangées », la CDBF a examiné les circonstances de l’affaire.
Suivant la voie ouverte par le procureur général dans ses
conclusions à l’audience qui avait fait référence à une de ses décisions
récentes
38
, la CDBF a accordé des circonstances absolutoires de
responsabilité au directeur qui avait fait action de régularisation
relativement rapidement après sa prise de fonction.
S’agissant du comptable public, la CDBF a constaté qu’il s’était vu
infliger un débet plus de 218 000 € pour les mêmes faits, et prenant en
compte les particularités de l’espèce, elle lui a accordé des circonstances
absolutoires de responsabilité. Cet arrêt confirme que la relation entre le
système de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables
publics et celui de la CDBF n’est pas concurrente mais complémentaire
39
.
La question était plus délicate s’agissant du directeur qui avait
laissé perdurer les versements irréguliers. Après lui avoir reproché son
manque de vigilance, la CDBF a pris en considération le fait que dans la
période très difficile pendant laquelle il a exercé ses fonctions, il a dû
« hiérarchiser et planifier » le traitement des multiples priorités qu’il avait
à gérer. Elle a aussi constaté que ce directeur avait mené à son terme
l’accord sur la réduction du temps de travail sans utiliser l’enveloppe de
660 postes accordée par l’agence régionale de l’hospitalisation et qu’il
avait
été
le
premier
directeur
à
doter
l’AP-HM
d’un
projet
d’établissement, après un long processus d’élaboration et de négociation.
Enfin, la CDBF a pris en considération la qualité du parcours
professionnel de ce directeur, dans des postes très difficiles.
38
CDBF, 16 juin 2015,
Grand port maritime de Nantes, Saint-Nazaire
.
39
Sur la complémentarité entre les deux systèmes, voir GROPER Nicolas.
Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge financier
. Dalloz, 2010-2011,
n° 131.29.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
46
Décision
V -
La CDBF a relaxé des fins de la poursuite les trois personnes
renvoyées.
Arrêt n° 202
-
725 du 13 octobre 2015
Société d’aménagement du Val
-
de
-
Marne et de
développement des villes et du département du
Val
-
de
-
Marne (SADEV 94)
Les infractions présumées
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un
préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
Résumé
II -
Le président du conseil d’administration d’une société d’économie
mixte locale d’aménagement (SADEV 94), par ailleurs vice-président de
conseil général (devenu départemental) avait, dans le cadre d’une
procédure de licenciement du directeur général de la SEM, accordé à
celui-ci une indemnité transactionnelle. Les formes du licenciement,
l’objet et le montant de l’indemnité transactionnelle étaient considérés
comme irréguliers par la décision de renvoi du procureur général.
La CDBF a jugé que le président de la SEM n’était pas habilité à
décider du licenciement du directeur général de cette société et d’une
transaction liée à ce licenciement, sans autorisation préalable du conseil
d’administration. Elle a considéré qu’il avait commis une infraction au
regard de l’article L. 313-4 du CJF.
Elle a en revanche estimé que le préjudice financier subi par
l’organisme du fait de l’indemnité transactionnelle ne pouvait être établi
de façon certaine.
Quelques mois plus tard, le directeur général licencié a demandé à
son successeur d’accepter qu’une correction soit faite à son « solde de
tout compte » à la suite d’un nouveau calcul de sa part.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
48
La CDBF a jugé que le nouveau directeur général n’aurait pas dû
accepter la demande de son prédécesseur, en ce qu’elle remettait en cause
les motivations du licenciement sur lesquelles était fondé le protocole
transactionnel (pour cause réelle et sérieuse) et contrevenait à l’un de ses
articles qui interdisait tout versement ultérieur. Elle a considéré que cette
irrégularité avait porté préjudice à la SADEV 94 et elle a condamné le
directeur général sur le fondement des articles L. 313-4 et L. 313-6 du
CJF.
Cet arrêt présente un intérêt pour, notamment, les trois points
suivants : l’affaire concerne un élu local, l’arrêt rejette un motif de
procédure tenant à l’imprécision de l’article L. 313-4 du CJF, il s’attache
à l’examen du préjudice subi dans l’infraction de l’article L. 313-6 (octroi
d’un avantage injustifié à autrui).
Le caractère de justiciable de la CDBF d’un
III -
élu local
L’article L. 312-1 du CJF prévoit explicitement que certaines
personnes ne sont pas justiciables de la CDBF à raison des actes
accomplis dans l’exercice de leur fonction. Il en va ainsi des membres du
Gouvernement et d’une grande partie des élus locaux dont les présidents,
vice-présidents et autres membres du conseil départemental.
D’interprétation stricte, ces dispositions permettent à la CDBF de
sanctionner des élus locaux pour des irrégularités commises dans des
organismes au sein desquels ils exercent, en droit ou en fait, des fonctions
qui ne sont pas l’accessoire obligé de leur fonction principale. La
présidence d’une SEM est un cas classique de ces fonctions qui ne sont
pas l’accessoire obligé de la fonction principale
40
.
Au cas d’espèce, le président de la SEM, bien que vice-président
du conseil général du Val-de-Marne, était donc justiciable de la CDBF.
40
Nombreux arrêts de la CDBF à partir de CDBF, 19 juillet 1974
SEM
d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Paris-La-Villette
(SEMVI
).
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
49
Le degré de précision de l’article L. 313-4
IV -
du CJF
La défense avait soulevé un moyen de nullité en faisant valoir que
les dispositions de l’article L. 313-4 du CJF
41
sur lequel était fondée une
partie des poursuites n’étaient pas rédigées en des termes suffisamment
précis au regard des exigences résultant des stipulations de l’article 7 § 1
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La CDBF a rappelé les termes de la décision récente du Conseil
constitutionnel
42
sur les procédure de la CDBF : « […]
l’exigence d’une
définition des manquements réprimés se trouve satisfaite, en matière
disciplinaire, dès lors que les textes applicables font référence aux
obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l’activité
qu’ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de
l’institution dont ils relèvent », les dispositions précitées « […] ne
méconnaissent pas l’exigence d’une définition claire et précise des
infractions réprimées »
. La CDBF a donc rejeté ce moyen.
41
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles
précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses
de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même
article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites
collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux
décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1.
42
CC, décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, (§ 31).
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
50
L’examen du préjudice pour l’organisme
V -
concerné dans l’octroi d’un avantage injustifié
à autrui
L’on sait que la CDBF est exigeante lorsqu’elle examine des faits
susceptibles de constituer l’infraction de l’article L. 313-6 du CJF
43
. Cette
infraction est composée de trois éléments cumulatifs (la méconnaissance
de ses obligations par le gestionnaire public, l’avantage injustifié procuré
à autrui et le préjudice subi par l’organisme public intéressé). L’arrêt
SADEV 94 confirme cette rigueur.
Dans un des griefs qu’elle avait à examiner (le protocole
transactionnel lié au licenciement du directeur général), l’appréciation du
premier élément ne soulevait pas de difficulté puisque la CDBF avait
préalablement considéré qu’une infraction à l’article L. 313-4 du CJF
était constituée et donc qu’automatiquement le gestionnaire avait
méconnu ses obligations.
En revanche, la caractérisation du préjudice subi par l’organisme
s’est avérée plus délicate. La CDBF a en effet constaté que le directeur
général avait perçu une indemnité transactionnelle de 12 mois de salaire
alors que sa demande initiale portait sur 24 mois de salaire et elle a estimé
« qu’il n’était pas démontré qu’au regard de son ancienneté, ce directeur
n’aurait pas pu prétendre à une indemnité sensiblement supérieure à
douze mois de salaire si son licenciement avait été déclaré dépourvu de
cause réelle et sérieuse par la juridiction prud’homale ».
Considérant qu’il ne pouvait pas être établi de
façon certaine
que
la passation de ce protocole transactionnel avait entraîné un préjudice
financier pour la SADEV 94, la CDBF, ne suivant pas le ministère public,
n’a pas engagée la responsabilité du gestionnaire public incriminé sur le
fondement de l’article L. 313-6 du CJF
44
.
43
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou
attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage
injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la
collectivité ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera
passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 € et dont le
maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel
qui lui était alloué à la date de l’infraction.
44
Dans l’examen de l’existence du préjudice subi, cf. récemment, CDBF,
6 octobre 2014,
CHU de Caen,
CDBF, 23 avril 2012,
Conseil économique et social
(CES)
et CDBF, 11 octobre 2013,
Maison de retraite de Champcevrais.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
51
Décision
VI -
La CDBF a infligé une amende de 1 500 € au président du conseil
d’administration de la SEM et de 500 € au directeur général.
Arrêt n° 203
-
720 du 16 novembre 2015
Association pour la gestion du régime
d’assurance des créances des salariés
(A.G.S.)
Les infractions présumées
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un
préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé
45
.
Résumé
II -
L’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances
des salariés (A.G.S.) est une association régie par la loi de 1901 dont la
création a été prévue par le code du travail. Elle est habilitée à recevoir
des cotisations légalement obligatoires. Elle est donc susceptible d’être
contrôlée par la Cour des comptes, ses gestionnaires sont justiciables de
la CDBF.
Les faits reprochés aux personnes renvoyées étaient de deux
natures différentes. D’une part, le parquet général estimait que le
président du conseil d’administration de l’A.G.S. n’aurait pas dû accepter
une transaction avec le directeur général de l’organisme pour indemniser
son départ alors que celui-ci avait dépassé l’âge légal de la retraite.
D’autre part, le directeur d’une structure mandataire de l’A.G.S. n’aurait
pas dû accepter, dans le cadre d’une convention de représentation de cette
structure auprès des organismes collecteurs du « 1% logement », le
45
Art. L. 313-6 -
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses
fonctions ou attributions, aura,
en méconnaissance de ses obligations
, procuré à
autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le
Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel
avantage sera passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 €
et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire
brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction
.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
54
prélèvement de frais d’huissier par le prestataire alors que sa
rémunération incluait déjà la prise en charge de ces frais.
Sur le premier grief, la Cour a suivi un raisonnement différent de
celui du parquet général pour établir l’infraction. Sur le second grief, elle
n’a pas eu de difficulté à établir que le double prélèvement était irrégulier.
Elle a condamné les deux personnes renvoyées à la sanction minimale
prévue par le CJF, après leur avoir accordé des circonstances atténuantes
de responsabilité.
Le caractère licite du recours à une
III -
transaction
Le conseil d’administration de l’A.G.S. ayant décidé de mettre un
terme à l’activité administrative et technique de l’association et par
conséquent de réaffecter ou de licencier le personnel concerné, son
président a décidé de mettre à la retraite d’office le directeur général, en
poste depuis 1977 et âgé de 72 ans au moment des faits. Celui-ci a
contesté cette mise à la retraite qu’il a qualifiée de « discriminatoire » et a
réclamé le versement d’une indemnité globale de plus de 570 000 euros
basée selon lui sur les conventions collectives en vigueur lors de son
recrutement. Les parties ont négocié et se sont mises d’accord sur le
versement au directeur général d’une indemnité transactionnelle de plus
de 127 000 euros.
Le procureur général estimait, dans sa décision de renvoi, que la
mise à la retraite d’office du directeur général était un mode de rupture
unilatéral de contrat de travail prévu par les textes, que l’indemnité
transactionnelle versée était dépourvue de base légale et que la
transaction était nulle.
La CDBF a suivi un raisonnement différent. Elle a estimé que si la
mise à la retraite d’office était un mode de rupture unilatéral de contrat de
travail prévu par les textes, le recours à une transaction n’était pas illicite
dans la mesure où le directeur général contestait les motifs de la rupture
du contrat de travail et que le risque contentieux devant la juridiction
prud’homale, pour être faible, n’était pas inexistant.
Elle a en revanche considéré que le montant de l’indemnité
transactionnelle n’était pas suffisamment justifié et qu’ainsi le président
du conseil d’administration avait en méconnaissance des obligations de sa
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
55
fonction
(préservation des intérêts financiers de l’A.G.S.)
accordé un
avantage injustifié au directeur général au préjudice de l’A.G.S.
Il s’agit d’un cas relativement rare d’infraction au titre de l’article
L. 313-6 du CJF (octroi d’un avantage injustifié) non couplé à une
infraction au titre de l’article L. 313-4 du même code (infraction aux
règles d’exécution des dépenses et des recettes). Il était donc
indispensable que la CDBF motive précisément la méconnaissance des
obligations de la fonction
46
.
L’examen des circonstances de l’affaire
IV -
La CDBF, après avoir établi les infractions a, dans les deux cas,
reconnu d’importantes circonstances atténuantes de responsabilité aux
personnes à qui elles ont été imputées. L’on rappellera que l’octroi de
circonstances atténuantes apparaît dès le premier arrêt de la CDBF
47
. Il
trouve son explication dans la prise en compte concrète des contextes et
des comportements, la CDBF visant à protéger l’ordre public financier et
non à réprimer les atteintes à la probité
48
.
Pour le président du conseil d’administration, ces circonstances
tenaient d’une part aux délais contraignants qui lui étaient impartis pour
dissoudre la structure et d’autre part à l’assurance que lui avait donnée la
consultation d’un conseil juridique quant à la possibilité d’une
transaction.
Pour le directeur de la structure mandataire de l’A.G.S. coupable
de ne pas avoir alerté le mandant sur les prélèvements irréguliers de frais
d’huissier, ces circonstances tenaient au fait qu’il recevait les factures
explicitement validées par le directeur de l’A.G.S. dans laquelle il pouvait
voir
« une instruction pure et simple de payer ».
46
Sur les notions d’obligation (L. 313-6) et de règle (L. 313-4), cf. GROPER,
Nicolas.
Responsabilité des gestionnaires publics devant le juge financier
. Dalloz,
2010/2011, p. 247.
47
CDB, 24 juin 1954,
Maison centrale de Melun
.
48
Grands arrêts de la jurisprudence financière, Dalloz, 6
ème
édition, p. 494.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
56
Sanctions
V -
La CDBF a infligé une amende de 300 € au président du conseil
d’administration de l’A.G.S. et de 300 € au directeur de la structure
mandataire.
Il s’agit des montants minimaux prévus pour les infractions au titre
de l’article L. 313-6 du CJF.
Arrêt n° 204
-
727 du 4 décembre 2015
Fondation nationale des sciences politiques et
Institut d’études politiques de Paris
(FNSP
-
IEP de Paris)
Les infractions présumées
I -
•
Art. L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) : infractions
aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des
collectivités et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;
•
Art. L. 313-6 du CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un
préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.
Résumé
II -
La CDBF a sanctionné le président du conseil d’administration de
la FNSP au motif qu’il a méconnu les compétences de cette instance
délibérante dans les deux cas suivants : en premier lieu, il n’a fait
délibérer le conseil d’administration ni sur le principe, ni sur les
modalités d’octroi d’une prime de résultat à l’administrateur de la FNSP
et directeur de l’IEP de Paris ; en deuxième lieu, il s’est aussi abstenu de
le faire pour la prise en charge et le pré-financement des dépenses d’une
mission « Lycée pour tous », étrangère à l’objet de la Fondation, confiée
par le Gouvernement à l’administrateur de la FNSP et directeur de l’IEP
de Paris.
S’agissant de la rémunération versée à l’administrateur de la FNSP
et directeur de l’IEP de Paris, la CDBF a estimé qu’elle était, certes,
particulièrement élevée mais qu’elle ne pouvait être considérée, en l’état
du dossier qui lui était soumis, comme constitutive d’un avantage
injustifié accordé à son bénéficiaire.
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
58
Par ailleurs, la CDBF a relaxé des poursuites le directeur des
ressources humaines de la FNSP après avoir considéré qu’il n’avait pas la
compétence pour contrôler a posteriori la régularité de décisions prises
par le directeur de l’IEP de Paris en matière de rémunérations des
enseignants-chercheurs.
Avant d’examiner l’affaire au fond, la CDBF avait écarté plusieurs
moyens tendant à l’annulation de la procédure.
Sur le principe de légalité des délits et
III -
des peines
Les avocats d’une personne renvoyée ont demandé l’annulation de
la procédure en se fondant sur plusieurs moyens tenant notamment au
caractère non contradictoire de la procédure menée par la troisième
chambre de la Cour des comptes qui a conduit au déféré puis à la saisine
de la CDBF ainsi qu’au caractère incomplet et essentiellement à charge
de l’instruction.
La CDBF, comme elle l’avait déjà fait précédemment
49
, s’est
appuyée sur la décision du Conseil constitutionnel du 24 octobre 2014
50
pour rejeter ces moyens. Le Conseil constitutionnel considère en effet que
la phase juridictionnelle de la procédure devant la CDBF débute avec la
décision de renvoi et que, par conséquent, l’absence d’organisation d’une
procédure contradictoire et d’un contrôle juridictionnel dans la phase
préalable n’est pas contraire aux droits des personnes tels que garantis par
l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de
1789.
S’agissant du principe de légalité des délits et des peines
51
, la
CDBF a rappelé que le Conseil constitutionnel avait jugé dans sa même
décision du 24 octobre 2014 que les articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF
ne méconnaissent pas l’exigence d’une définition claire et précise des
infractions réprimées mais la CDBF a ajouté qu’elle s’attacherait à
49
CDBF,
13
octobre
2015,
Société
d’aménagement
du
Val-de-Marne
et
développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94)
.
50
CC, décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014,
M. Stéphane R. et autres.
51
Déclaration de 1789, art. 8 : «
La Loi ne doit établir que des peines strictement et
évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et
promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2015
59
vérifier, lors de l’examen au fond des manquements relevés par la
décision de renvoi, que les règles en cause dans chaque cas sont
suffisamment
claires
pour
que
la
sanction
encourue
de
leur
méconnaissance ait été prévisible. Ainsi, dans les deux cas de la présente
affaire où elle a jugé qu’une infraction était établie, la CDBF a bien
précisé la règle qui n’avait pas été respectée.
Sur la méconnaissance de la compétence de
IV -
l’instance délibérante
La règle qui n’a pas été respectée dans les deux cas de la présente
affaire, pour lesquels une infraction à l’article L. 313-4 du CJF a été
établie, est celle de la compétence de l’instance délibérante telle que les
textes législatifs et règlementaires encadrant la FNSP et mentionnés dans
l’arrêt, l’ont prévue.
En premier lieu, l’administrateur de la FNSP et directeur de l’IEP
de Paris a bénéficié d’une prime de résultat dont ni le principe ni les
modalités n’ont été soumis au conseil d’administration. En deuxième lieu,
la FNSP a pris en charge des dépenses relatives à une mission « Lycée
pour tous » confiée par le Gouvernement à l’administrateur de la FNSP et
directeur de l’IEP de Paris,
intuitu personae
, sans délibération du conseil
d’administration alors même que la CDBF a considéré que cette mission
était contraire à l’objet de la Fondation.
Les exemples sont nombreux en jurisprudence de condamnation du
ou des dirigeants d’un établissement public ou d’une autre structure en
cas d’absences irrégulières d’autorisation de l’instance délibérante pour