Rapport d’observations définitives
COMMUNE DE BRÉHAL
(Département de la Manche)
Exercices 2010 et suivants
Observations délibérées le 5 juin 2015
SOMMAIRE
SYNTHESE
...........................................................................................................................
1
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
................................................................................
1
I -
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
......................................................................................
2
II -
PRESENTATION DE LA COMMUNE DE BREHAL
.......................................................
2
III -
QUALITE DES COMPTES ET DE L’INFORMATION FINANCIERE
..............................
3
A -
Les modalités de tenue de la comptabilité administrative
...................................................
3
1 -
Les restes à réaliser absents des comptes administratifs mais présents dans les budgets
.................
3
2 -
Le chiffrage imprécis et sous-évalué des restes à réaliser en dépenses
.............................................
4
3 -
La présentation des résultats budgétaires de l’année 2013
.................................................................
4
B -
L’information annexée aux documents budgétaires et comptables
...................................
5
1 -
Une présentation lacunaire des annexes
.............................................................................................
5
2 -
Le suivi du patrimoine et des dettes de la commune
...........................................................................
7
3 -
Des erreurs et des omissions dans le budget annexe de l’assainissement
.........................................
8
C -
Conclusion
................................................................................................................................
9
IV -
GESTION DE LA DETTE DE LA COMMUNE
................................................................
9
A -
Situation de la dette communale
............................................................................................
9
1 -
Vision d’ensemble des dettes de la commune de Bréhal
....................................................................
9
2 -
Les dettes les plus risquées
.................................................................................................................
9
3 -
Des degrés différents de réalisation de ces risques
..........................................................................
10
B -
La gestion de la dette communale
........................................................................................
12
1 -
Le rôle du conseil municipal et du maire
............................................................................................
12
2 -
La gestion active et ancienne de la dette
...........................................................................................
13
3 -
La réaction de la commune de Bréhal face à la montée des risques
.................................................
14
4 -
Les modalités de sortie de l’emprunt TOFIX DUAL
...........................................................................
16
C -
Conclusion
..............................................................................................................................
17
V -
ANALYSE ET EFFETS SUR LA SITUATION FINANCIERE
........................................
18
A -
La décision de suspendre les échéances
............................................................................
18
1 -
Les dispositions du CGCT en matière de dépenses d’intérêts
..........................................................
18
2 -
L’apparente insincérité des prévisions budgétaires depuis 2012
.......................................................
18
B -
Perspectives sur les différents budgets communaux
........................................................
19
1 -
Des conditions très incertaines d’équilibre en 2015
...........................................................................
19
2 -
Les tendances du budget principal
....................................................................................................
20
3 -
Les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement
.......................................................................
22
4 -
Les autres budgets annexes
..............................................................................................................
23
C -
Conclusion
..............................................................................................................................
24
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
1
SYNTHESE
La commune de Bréhal est une ville de la Manche composée d’une station
balnéaire (Saint-Martin-de-Bréhal) jouxtant le Havre de la Vanlée et d’un bourg situé dans
les terres. Sa population de 3 154 habitants triple pendant la période estivale. Ses
investissements en matière de réseaux et son développement l’ont amenée à contracter
une dette importante qui a fait l’objet de réaménagements successifs entre 2006 et 2009.
A ce jour, la commune détient dans ses livres deux emprunts structurés
complexes, dont l’un est indexé sur l’évolution du taux de change entre le franc suisse
(CHF) et l’euro. Le taux d’intérêt applicable à ce dernier, de l’ordre de 15 % en moyenne
depuis 2012, risque de progresser fortement compte tenu de la hausse du franc suisse
début 2015.
Depuis 2012, la commune ne paye qu’une faible part des échéances qui lui
sont réclamées sur ce prêt. Le montant des impayés qui concernent les budgets principal
et annexes (assainissement, eau et résidence «
La ferronnerie
») atteint près d’un million
d’euros fin 2014. La chambre souligne l’importance du risque budgétaire pris à cette
occasion sur décision de son assemblée délibérante et en contradiction avec le principe
de sincérité budgétaire qui doit s’appliquer à toute collectivité.
En janvier 2013, la commune a assigné sa banque en justice pour défaut de
mise en garde et demande l’annulation des contrats de prêt litigieux. Elle continue
parallèlement à négocier une sortie de ces emprunts et a sollicité, fin 2014, l’aide du fonds
de soutien. Néanmoins, les modalités de sortie envisagées, compte tenu des conditions
actuelles de marché, devraient hypothéquer durablement les finances communales qui
n’étaient déjà pas favorables en raison des déséquilibres des budgets annexes. Les
perspectives financières de la commune apparaissent comme très incertaines.
Dans ces conditions, la qualité de la tenue de la comptabilité d’engagement et
de l’information financière, en particulier sur la situation de la dette, est très insuffisante et
affecte la lecture et la situation budgétaire de la commune. De plus, la délégation du
maire sur la gestion des emprunts n’est pas correctement encadrée.
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
A l’examen de la réponse du maire, la chambre constate que les recommandations
suivantes, formulées dans le rapport d’observations provisoires, sont déjà partiellement
mises en oeuvre ou font l’objet d’un engagement de mise en oeuvre.
Fiabilité comptable et information financière
1 -
déterminer et présenter correctement les résultats budgétaires ;
2 -
améliorer la qualité de la comptabilité patrimoniale de la commune, de l’inventaire
de ses biens et de ses dettes ;
3 -
améliorer significativement, dans les documents budgétaires, les informations
quantitatives et qualitatives relatives à la dette de la commune ;
Gestion de la dette et situation financière
4 -
établir un rapport sur les opérations de gestion de la dette dans le cadre de la
délégation consentie au maire ;
5 -
anticiper une hausse importante du risque financier 2015 en raison de la hausse du
franc suisse, en dégageant des marges de manoeuvre supplémentaires ;
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
2
6 -
poursuivre le rétablissement des budgets annexes ;
7 -
mettre en adéquation les investissements futurs avec la situation réelle de la
collectivité.
I -
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
La chambre a inscrit à son programme l'examen de la gestion de la commune de
Bréhal à partir de l'année 2010 qui a été confié à M. Gagnepain, premier conseiller. Par
lettres en date du 1
er
septembre 2014, le président de la chambre en a informé M. Lécureuil,
maire, ainsi que M. Périer, maire jusqu'en mars 2014. Les entretiens de fin de contrôle ont
eu lieu le 26 janvier 2015 entre M. Lécureuil d'une part, et M. Périer d'autre part, et le
rapporteur.
Lors de sa séance du 16 février 2015, la chambre a arrêté ses observations
provisoires portant sur les années 2010 à 2014. Celles-ci ont été transmises dans leur
intégralité à M. Lécureuil et M. Périer qui y ont répondu par un courrier commun enregistré
au greffe de la chambre le 6 mai 2015
Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance des conclusions du
procureur financier, la chambre a arrêté, le 5 juin 2015, le présent rapport d'observations
définitives.
Le rapport a été communiqué au maire en fonctions et, pour la partie les
concernant, à son prédécesseur en fonctions au cours de la période examinée. Ce rapport,
auquel est jointe la réponse conjointe des deux ordonnateurs sur la période et qui engage la
seule responsabilité de leurs auteurs, devra être communiqué par le maire à son assemblée
délibérante lors de la plus proche réunion suivant sa réception. Il fera l'objet d'une inscription
à l'ordre du jour, sera joint à la convocation adressée à chacun de ses membres et donnera
lieu à un débat.
Ce rapport sera, ensuite, communicable à toute personne qui en ferait la demande
en application des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
II -
PRESENTATION DE LA COMMUNE DE BREHAL
Située dans l’arrondissement de Coutances (Manche), la ville de Bréhal est une
commune chef-lieu de canton et classée comme commune touristique depuis le
13 décembre 2009. Elle se compose d’un bourg-centre placé dans les terres et d’une station
balnéaire (Saint-Martin-de-Bréhal) dont la plage s’étire de Coudeville-sur-Mer à Bricqueville-
sur-Mer. La proximité du havre de la Vanlée d’une part, et la configuration de la commune
avec ses deux bourgs d’autre part, complexifient la gestion des réseaux, notamment de
voirie et d’assainissement.
La population totale s’élève à 3 154 habitants
1
, en progression annuelle moyenne
depuis 2006 de + 0,9 % par an. Elle triple durant la période estivale. Le nombre total de
logements s’établit à 2 534 dont une forte proportion est constituée de résidences
secondaires (35,3 %).
Les indicateurs socio-économiques sont plutôt meilleurs que la moyenne
départementale : le revenu net moyen par foyer fiscal se monte à 24 984 euros (€), chiffre
supérieur de 12 % à la moyenne départementale. Le pourcentage de foyers fiscaux
imposables (56,1 %) est également supérieur à la moyenne de la Manche (52,1 %). Le taux
de chômage se situe à 10 %.
1
Population légale 2013, population « DGF » : 4 023 en 2014.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
3
La ville de Bréhal fait partie de la nouvelle communauté de communes Granville,
Terre et Mer (GTM) depuis le 1
er
janvier 2014 et a transféré, à cette occasion, sa fiscalité
professionnelle et ses compétences en matière d’équipements sportifs et de la petite
enfance.
III -
QUALITE DES COMPTES ET DE L’INFORMATION FINANCIERE
La qualité de l’information financière dépend des modalités de tenue de la
comptabilité d’engagement d’une part, et de l’information présentée en annexe aux
documents budgétaires et comptables d’autre part. Elle participe à la bonne information du
conseil municipal et, au-delà, de la population et du citoyen, en particulier lorsque la situation
financière de la commune l’exige, comme c’est le cas à Bréhal.
A -
Les modalités de tenue de la comptabilité administrative
La commune a indiqué que les engagements de dépenses se font par service et
les investissements par opération. Elle dispose du logiciel de gestion «
e-Magnus
». Chaque
engagement est matérialisé par un bon de commande. La comptabilité d’engagement a fait
l’objet d’une description dans le cadre d’une note de service du 22 octobre 2012 portant sur
les commandes et achats publics.
Les ordonnateurs successifs précisent dans leur réponse à la chambre que ce
logiciel de gestion a été mis à jour et que le personnel administratif de la commune a suivi,
en 2015, une formation relative à son fonctionnement afin que les erreurs constatées ci-
après soient corrigées.
1 -
Les restes à réaliser absents des comptes administratifs mais présents
dans les budgets
Aux termes de l’article R. 2311-11 du CGCT, les restes à réaliser de la section
d’investissement arrêtés à la clôture de l’exercice correspondent aux dépenses engagées
non mandatées et aux recettes certaines n’ayant pas donné lieu à l’émission d’un titre.
L’incidence des restes à réaliser est très importante au sein d’une comptabilité
puisqu’elle permet de mesurer les engagements juridiques pris par la collectivité et qui
pèseront sur le budget de l’année suivante. La comptabilisation des restes à réaliser permet
donc de s’assurer de la fiabilité et de la sincérité des comptes présentés à l’assemblée
délibérante et,
in fine
, de calculer et d’effectuer le résultat comptable qui en découle.
Or, il n’y a pas de restes à réaliser (RAR) inscrits en recettes à la fin de l’année
2013. Le montant de RAR inscrits en dépenses a été examiné. La section d’investissement
de la commune a été marquée par une importante opération de rénovation de sa mairie
(montant total des lots de travaux, hors maîtrise d’oeuvre : 585 463 € HT).
Le budget principal 2014, adopté le 19 février 2014, fait apparaître sur cette
opération des RAR en dépenses pour un montant de 397 711 €. Pourtant, aucun reste à
réaliser n’a été inscrit dans le compte administratif 2013, adopté le même jour. Il a été
répondu qu’
« il s’agi[ssait] vraisemblablement d’une erreur matérielle. »
Ce constat est
pourtant également valable dans le compte administratif 2012 et le budget primitif 2013,
adoptés le 18 mars 2013.
La chambre observe ainsi que cette irrégularité répétée de présentation des
restes à réaliser est venue fausser la détermination des résultats budgétaires cumulés et la
fiabilité des comptes présentés à l’assemblée délibérante. Le maire indique dans sa réponse
à la chambre avoir régularisé l’inscription des restes à réaliser au sein du compte
administratif 2014, repris au budget primitif 2015, ce que constate la chambre.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
4
2 -
Le chiffrage imprécis et sous-évalué des restes à réaliser en dépenses
Le certificat administratif émis par le maire le 31 décembre 2013 sur l’état des
crédits d’investissement reportés en 2014, par lequel «
l’ordonnateur certifie que le présent
état correspond aux crédits d’investissement 2013 réellement engagés et reportés
», ne
présente aucun détail et n’arrête qu’un montant (397 711 €) et son objet (travaux mairie). Il
devrait correspondre à la soustraction entre les montants engagés dans les marchés publics
afférents à la quinzaine de lots attribués pour cette opération et le montant des mandats de
travaux émis pour les régler.
Après examen des
« fiches de marché »
des lots en cause, au demeurant
lacunaires au regard des rubriques
« évaluation de la dépense »
et
« clauses et
caractéristiques essentielles du marché (et des avenants) »
, sans aucune information sur les
dates de notification, d’avenant(s), d’émission des ordres de services, de commencement,
d’achèvement et de réception des travaux, il en ressort un montant des dépenses engagées
non encore mandatées de travaux d’investissement de 577 165 €, en tenant compte de la
maîtrise d’oeuvre.
La chambre observe qu’en 2013, la commune n’a pas été en mesure de
documenter le montant des restes à réaliser inscrits en dépenses, que ce montant a été
sous-évalué dans le budget primitif 2014 et qu’il n’y avait pas de RAR inscrits en recettes. La
chambre invite au renforcement de la qualité du processus de documentation et de
détermination des restes à réaliser.
3 -
La présentation des résultats budgétaires de l’année 2013
Le résultat cumulé 2013 était en excédent de 125 915 €, ainsi qu’il résulte de la
lecture des comptes administratifs arrêtés :
Au 31 décembre
2013
Budget
principal
Animation
(SPA)
Animation
(SPIC)
Eau
(SPIC)
Assainissement
(SPIC)
Résidence
Ferronnerie
(SPA)
Total
en euros
section de fonctionnement
Report 2012
394 623
2 402
2 601
-46 460
-16 463
2 974
339 677
Recettes
3 640 608
40 000
35 997
665 279
1 018 579
128 211
5 528 674
Dépenses
-3 640 782
-37 676
-27 568
-613 707
-1 048 328
-43 628
-5 411 689
Résultat cumulé
394 449
4 726
11 030
5 112
-46 212
87 557
456 662
section d'investissement
Report 2012*
-494 429
3 206
-7 160
-181 408
-73 715
-753 506
Recettes
1 518 513
121 346
444 497
80 495
2 164 851
Dépenses
-1 225 683
-161 461
-282 937
-72 011
-1 742 092
Résultat cumulé
-201 599
0
3 206
-47 275
-19 848
-65 231
-330 747
RAR en dépenses
0
RAR en recettes
0
Besoin de
financement de
la section
d’investissement
-201 599
0
3 206
-47 275
-19 848
-65 231
-330 747
Résultat total
cumulé 2013
192 850
4 726
14 236
-42 163
-66 060
22 326
125 915
* avec la reprise du déficit d’investissement du budget annexe ZA de 772 007 € en 2012.
Les résultats consolidés qui figuraient dans la dernière annexe du compte
administratif, faisaient apparaître un excédent apparent de 897 923 €. Or, le résultat
consolidé de 2013 résultant de l’addition des comptes administratifs approuvés par la
commune n’était au total que de 125 915 €.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
5
Cet écart s’explique par l’absence de prise en compte, dans les résultats
consolidés, du déficit d’investissement de 772 008 € du budget annexe de la zone artisanale
clôturé en 2012, et repris en 2013 dans le budget principal.
En tenant compte des restes à réaliser en dépenses qui atteignaient 577 165 €
après prise en compte et correction opérée par la chambre, le résultat budgétaire global de
la commune apparaissait, ainsi, déficitaire de 451 450 €, soit 8,4 % des recettes réelles de
fonctionnement et d’exploitation cumulées (5 365 362 € en 2013).
Ce déficit ponctuel est lié au report d’une partie des travaux relatifs à la mairie.
Sur ce point, il a été précisé que «
le marché a été attribué sur des montants bien supérieurs
aux prévisions (notamment sur le lot n° 1 – Désamia ntage) et à la suite de deux
consultations, le début des travaux en a été d’autant retardé. Le budget principal 2014 a
permis de régulariser ce différentiel.
»
Conformément à l’article R. 2311-12 du code général des collectivités territoriales
(CGCT), la commune affecte l’ensemble de ses résultats au compte 1068, de manière à
financer le besoin de financement de la section d’investissement, sans que le calcul ne soit
explicité pour autant. Une erreur s’est cependant produite dans l’affectation des résultats
2013 du budget «
résidence La Ferronnerie
» (4 266,06 €) et leur report en 2014, qui devra
être corrigée.
La chambre constate que les défauts de suivi des restes à réaliser ont affecté la
détermination
des
résultats
et
leurs
affectations.
La
commune
doit
améliorer
significativement la présentation des résultats budgétaires et ce, d’autant plus que sa
situation financière appelle à une grande vigilance.
B -
L’information annexée aux documents budgétaires et comptables
1 -
Une présentation lacunaire des annexes
a -
Des informations parcellaires
ll n’y a pas d’annexes relatives aux autres éléments d’information (les annexes C
dont les états du personnel) et de la fiscalité (annexe D). Le suivi des opérations
d’équipement que vote la commune ne présente aucune recette affectée.
Aucune annexe ne détaille les informations requises par la réglementation pour
permettre le suivi des provisions budgétaires et semi-budgétaires constituées par la
commune dans le cadre du litige portant sur certains de ses emprunts bancaires.
b -
Des erreurs et omissions dans la présentation des dettes
Une classification dite charte « Gissler
2
» permet de ranger des prêts selon une
matrice à double entrée : le chiffre (de 1 à 5) traduit le degré de risque de l’indice sous-jacent
servant au calcul des intérêts de l’emprunt et la lettre (de A à E) exprime le degré de
complexité de la structure de calcul des intérêts. La circulaire du 25 juin 2010 des ministres
compétents a repris cette grille tout en définissant une catégorie « hors charte » (6F) qui
regroupe tous les produits déconseillés par la Charte et que les établissements signataires
se sont engagés à ne plus commercialiser.
Au 31 décembre 2013, un prêt de 2,7 millions d’euros (M€) est classé 1F dans
les états de la dette, alors que cette catégorie n’existe pas et que, compte tenu de sa formule
structurée, il devrait être classé au niveau 6F
3
.
2
Du nom de M. Eric Gissler, inspecteur général des finances, chargé par le Gouvernement d’une mission de médiation ; la
charte est signée en 2009.
3
Le guide DGCL des états de la dette 2013 précise que
«
la catégorie F6 ne se décline pas
. »
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
6
Les états de la dette des différents budgets concernant deux emprunts en euros,
dépassant la classification 1A (et qui totalisent 5,4 M€), indiquent un taux d’intérêt fixe (F), ce
qui n’est pas conforme aux règles de présentation. C’est l’indication taux d’intérêt complexe
(C)
4
qui devrait être mentionnée.
Les banques signataires de la charte « Gissler » se sont engagées à fournir la
valorisation des produits structurés à partir de la catégorie B, aux conditions de marché du
31 décembre. Depuis 2010, les lettres de valorisation ont été transmises, mais aucun coût
de sortie qui résulte de ces valorisations, pourtant significativement élevées, n’a été
renseigné dans les annexes budgétaires, ce qui devait être fait dès 2013.
Aucune présentation des dettes rattachées au budget annexe de l’eau (1,2 M€)
ne figure dans le compte administratif 2013. Le détail de l’état de la dette du budget
« résidence de La Ferronnerie » (1 M€) n’est pas conforme à celui prévu par la
réglementation (absence des différentes ventilations en fonction de la catégorie de risque).
Le maire indique dans sa réponse avoir procédé à une vérification d’ensemble de
l’état des dettes et aux corrections nécessaires, ce que constate la chambre dans les
documents budgétaires 2015.
c -
L’absence d’information sur la ligne de trésorerie
Jusqu’en 2014, les comptes administratifs du budget principal restent muets en
matière d’information relative à l’utilisation de la ligne de trésorerie et de son coût. Or, la
collectivité mobilise ce type d’instrument.
Encours restant dû au 31 décembre
2010
2011
2012
2013
2014
Ligne de trésorerie non soldée (€)
350 000
450 000
0
200 000
0
Source : comptes de gestion du comptable public
La ligne de trésorerie n’a pas été systématiquement soldée au 31 décembre de
l’année, ce qui, dans la durée, révèle les difficultés financières que la commune a pu
rencontrer. Dès lors, cela s’apparentait à un endettement sans que ce dernier ne soit prévu,
ni retracé budgétairement. Il vient alors s’ajouter à l’endettement global de la commune.
Le maire indique que «
la commune de Bréhal, malgré ses emprunts structurés,
continue à bénéficier de la confiance de la Caisse d’épargne de Normandie. Aujourd’hui, la
collectivité dispose auprès de cette banque d’une ligne de trésorerie de 300 000 €, laquelle
est totalement remboursée et disponible. »
d -
Un engagement «
hors bilan
» non retracé
L’annexe sur les engagements «
hors bilan
» donnés et reçus ne présente que le
suivi des emprunts garantis (422 245 € de capital restant dû au 31 décembre 2013).
Par convention signée avec l’EPFN
5
le 15 juin 2007 portant sur l’acquisition de
réserves foncières, la commune s’engageait à les racheter au plus tard le 31 août 2012. Ce
délai a été prorogé au 31 août 2014, au terme de la délibération du 29 mai 2012 et de
l’avenant avec l’établissement foncier du 16 juillet 2012. Le rachat d’un montant de
180 926 € TTC a finalement été effectué le 30 octobre 2014.
4
Le guide DGCL de présentation des états de la dette en 2013 précise que
« sont considérés comme complexes, les emprunts
dont la classification se situe au-delà de 1A au sens de la Charte de bonne conduite, même si la phase structurée n’a pas
encore débuté. »
5
Etablissement public foncier de Normandie.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
7
En conclusion, la chambre constate que les informations qui doivent être fournies
par les états annexes aux documents budgétaires et comptables sont lacunaires et erronées,
en particulier celles portant sur la dette. Ces omissions et erreurs faussent l’appréhension
réelle de la situation financière de la commune par leur lecteur. En conséquence, elle invite
la collectivité à en améliorer significativement le contenu et la présentation.
Cette recommandation a été prise en compte dès les documents budgétaires
2015, comme l’indique le maire dans sa réponse à la chambre
.
2 -
Le suivi du patrimoine et des dettes de la commune
a -
L’absence de valorisation des biens de la commune
Trois annexes aux comptes administratifs présentent la variation du patrimoine
communal sous la forme d’entrées et de sorties d’immobilisations et d’opérations liées aux
cessions. Pour avoir une vision d’ensemble du patrimoine, l’inventaire global des biens de la
commune a été demandé et transmis.
L’inventaire fourni ne retrace aucune information relative aux valeurs d’entrée et
de sortie, d’amortissement et de cession sur les biens répertoriés. Il a été indiqué à ce
propos que «
l’inventaire est effectivement non valorisé.
»
Il paraît nécessaire pour la chambre que la commune améliore la valorisation de
sa comptabilité patrimoniale, pour mieux apprécier une ressource de financement
supplémentaire potentielle, ce à quoi s’engage l’ordonnateur dans sa réponse, le logiciel de
gestion permettant de le faire.
b -
Des durées d’amortissements à revoir
Bien que les amortissements ne constituent pas une dépense obligatoire pour la
commune, des dotations aux amortissements sont néanmoins prévues et comptabilisées.
Une réserve d’autofinancement pour pourvoir au remplacement de ces équipements est
ainsi constituée.
Cette option n’a cependant pas été retenue pour le budget annexe « résidence
La Ferronnerie » qui retrace les opérations relatives aux logements à la location que la
commune possède (pour 1,5 M€) et leur financement (dette de 1 M€). L’option pour
l’amortissement réserverait l’autofinancement nécessaire au remboursement des prêts, ce
qui serait de bonne gestion.
Enfin, les durées d’amortissement fixées par délibération ne figurent pas dans les
annexes budgétaires et comptables. Les durées renseignées sur l’annexe « entrée des
immobilisations » peuvent, dans certains cas
6
, paraître inadaptées. Le maire, dans sa
réponse, indique qu’il sera prochainement proposé au conseil municipal de délibérer sur la
durée d’amortissement des différents biens mobiliers.
c -
Des écarts importants entre les suivis des dettes
Le rapprochement des dettes telles qu’elles figurent en annexe aux documents
budgétaires et leur comptabilisation par le comptable public fait apparaître les écarts
suivants :
6
Certains biens meubles (aspirateurs, bouées, petits matériels) s’amortissent sur 15 ans.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
8
comptes d'emprunts (1641 et 1643) au 31 décembre 2013 en euros
budget
Annexe du compte administratif
Compte de gestion
(1641 et 1643)
Ecart
principal
3 908 572
4 423 573
- 515 001
eau
1 396 224
1 358 984
37 240
assainissement
3 166 853
3 086 568
80 285
ferronnerie
957 748
971 143
- 13 395
Total
9 429 398
9 840 268
- 410 871
Sources : comptes administratifs et comptes de gestion 2013
La clôture, en 2012, du budget annexe «
zone artisanale - extension
», lequel
comportait des emprunts non remboursés en totalité, s’est traduit par le transfert de ces
dettes au budget principal (pour 556 908 €). Pourtant, les annexes jointes aux documents
budgétaires et comptables depuis 2013 ne retracent pas ce transfert (l’écart se chiffre à
533 224 € au 31 décembre 2013).
Les autres écarts observés sur les budgets principaux et annexes de l’eau et de
l’assainissement s’expliquent par les omissions en matière de comptabilisation des variations
de change. Les comptes devant retracer les gains et les pertes de change réalisés sur ces
emprunts, les différences de conversion de l’actif et du passif n’ont pas été utilisées,
contrairement aux prescriptions des instructions budgétaires et comptables applicables
7
.
En conséquence, la chambre invite la commune à améliorer la valorisation de sa
comptabilité patrimoniale, réviser les durées d’amortissement de certains biens et prévoir
l’amortissement de la résidence « La Ferronnerie ». Elle recommande également à la
commune de se rapprocher du comptable public pour vérifier et corriger les écarts détectés
dans le suivi des dettes de ses différents budgets. Cette démarche est en cours de
réalisation, selon la réponse du maire à la chambre.
3 -
Des erreurs et des omissions dans le budget annexe de l’assainissement
a -
Les intérêts courus non échus (ICNE) non comptabilisés
Les intérêts courus non échus ne sont pas des dépenses obligatoires pour les
communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants, lesquelles peuvent cependant
opter pour leur comptabilisation. En revanche, concernant les services publics industriels et
commerciaux (SPIC)
8
, les ICNE doivent être prévus au budget et comptabilisés.
Or, les budgets «
assainissement
» et «
eau
», qui sont des SPIC, retracent des
emprunts souscrits pour financer les investissements (4,5 M€ de capital restant dû au
31 décembre 2013). Aucun ICNE n’est comptabilisé dans ces budgets, contrairement aux
dispositions réglementaires.
b -
L’imputation des recettes du service de l’eau dans le budget annexe de
l’assainissement
Le budget annexe «
assainissement
» retrace à la fois l’encaissement des
recettes du service de l’eau et, en dépenses, leur transfert
9
au budget annexe «
eau
», pour
un montant de 526 613 € en 2014.
Or, si le service d’assainissement est chargé de recouvrer les recettes d’eau pour
le compte du service de distribution d’eau potable, cela ne constitue ni une recette, ni une
dépense budgétaire pour le budget annexe «
assainissement
». L’instruction budgétaire et
comptable M49 prévoit l’utilisation pour ce faire du compte 455
10
.
7
Opérations décrites dans la fiche d’écriture n° 37 de l’instruction budgétaire et comptable M14.
8
Cf. instruction budgétaire et comptable M49.
9
Par le compte budgétaire 678 «
autres charges exceptionnelles
».
10
Cf. titre II, Chapitre 2, Section 5 du tome II de l’instruction M49.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
9
La chambre invite la commune à se conformer à ces dispositions réglementaires
pour améliorer la lisibilité du budget annexe de l’assainissement. Elle recommande d’opter
pour le régime des ICNE pour les budgets tenus selon la nomenclature M49, eu égard à
l’importance des dettes de ces budgets, dans une optique de bonne gestion.
Le maire s’engage à mettre en oeuvre ces recommandations, dès 2015 pour les
ICNE, en 2016 pour le recouvrement des recettes du service de l’eau.
C -
Conclusion
La chambre constate que l’information financière est très insuffisante et que des
marges de progrès sont importantes en matière de présentation des annexes budgétaires et
comptables et de qualité de la tenue des comptabilités d’engagement et patrimoniale. Cette
situation nuit à la bonne information du conseil municipal.
Dans sa réponse à la chambre, l’ordonnateur a fait part de ses engagements à
améliorer significativement la qualité de l’information budgétaire et comptable, dont certains
ont été mis en oeuvre dès 2015.
IV -
GESTION DE LA DETTE DE LA COMMUNE
A -
Situation de la dette communale
1 -
Vision d’ensemble des dettes de la commune de Bréhal
La dette consolidée au 31 décembre 2014 s’élèvait à 9,7 M€, soit près de
3 100 € par Bréhalais ou 181 % du total des recettes réelles de fonctionnement et
d’exploitation de la commune. L’ensemble des dettes se répartit, par niveau de risque, selon
la classification « Gissler » de la manière suivante :
Budgets
principal
La résidence
Ferronnerie
eau
assainissement Total
en %
Emprunts 1A (euros)
1 574 690
803 439
570 434
1 113 438
4 062 001
41,7%
Emprunt 1E (euros)
1 759 316
257 817
589 030
2 606 163
26,7%
Emprunt 6F (euros)
1 195 046
94 873
333 166
986 273
2 609 358
26,8%
Emprunts 6F (CHF)
70 011
132 670
264 637
467 318
4,8%
Total
4 599 063
898 312
1 294 087
2 953 378
9 744 840
100,0%
en %
47,2%
9,2%
13,3%
30,3%
100,0%
Sources : comptes administratifs de Bréhal 2014
La dette ayant le risque le plus faible (classée 1A) représente, dans le tableau
ci-dessus, moins de 42 % du total. La dette la plus risquée (classée 1E ou 6F) représente
donc 58 % de l’encours au 31 décembre 2014.
2 -
Les dettes les plus risquées
a -
les emprunts libellés en devises
Une dette en devise entraîne un risque de gain, en cas de hausse du taux de
change de l’euro, ou de perte, en cas de baisse du taux de change de l’euro.
Les emprunts en devises (4,8 % de l’encours) sont constitués par quatre
emprunts libellés en franc suisse (CHF) dont les échéances finales s’étendent d’avril 2016 à
janvier 2023. Ils ne peuvent être classés qu’en 6F. Cependant, les taux d’intérêt prévus par
les contrats de ces emprunts sont fixes (de 3,45 % à 4,67 %) sur l’ensemble de la durée des
prêts. Ils restent des produits «
simples
», mais libellés en monnaie étrangère.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
10
Pour ces emprunts souscrits au début des années 2000, la commune s’expose
au risque de change sur les intérêts et le capital remboursé en fonction de la variation du
franc suisse par rapport à l’euro.
b -
Les emprunts «
complexes
» en euros
Les emprunts «
complexes
» sont définis par l’avis n° 2012-04 du 3 juillet
2012 du CNoCP
11
comme des
« produits pour lesquels il existe un risque que le taux de
l’emprunt évolue défavorablement et devienne très supérieur au taux que l’entité aurait
obtenu si elle avait souscrit à l’origine un emprunt à taux fixe ou à taux variable simple. »
Ces emprunts s’élèvent à 5,2 M€ (54 % du total) et résultent de deux contrats en
euros TOFIXIA CMS-EUR FLEXI (« TOFIXIA CMS ») et TOFIX DUAL EUR-CHF FLEXI
(« TOFIX DUAL »).
Il s’agit de produits «
à barrière
», ce qui signifie que la formule de taux d’intérêt
change sensiblement et devient «
très supérieure
» à un taux fixe usuel dès que la barrière
contractuellement fixée est franchie (à la hausse ou à la baisse) pendant une certaine
période de remboursement. En dehors de cette période, et sans franchissement de la
barrière, le taux d’intérêt applicable est dit «
bonifié
. »
L’emprunt TOFIXIA CMS (classé 1E) est indexable dans sa phase structurée (de
décembre 2011 à décembre 2022, soit 11 années) au taux CMS 30 ans EUR
12
. Pendant
cette période, ce taux est comparé à un taux fixe de 7,25 %, la barrière et une formule de
taux d’intérêt indexé deviennent applicables si cette barrière est franchie à la hausse
13
.
L’emprunt TOFIX DUAL (classé 6F) est indexable dans sa phase structurée (de
novembre 2011 à novembre 2026, soit 15 années) à la variation du taux de change du franc
suisse (CHF) en euro. Pendant cette période, le taux de change de l’euro est comparé au
taux pivot de change 1,44 CHF pour un euro, la barrière et une formule de taux d’intérêt
indexé deviennent applicables
14
si cette barrière est franchie à la baisse
15
.
Par l’emprunt TOXIFIA CMS, la commune de Bréhal est donc exposée au risque
de marché de taux, et plus particulièrement à la variation d’un taux d’intérêt à 30 ans
usuellement utilisé entre les banques et, par l’emprunt TOFIXIA DUAL, au risque de variation
du taux de change de la devise suisse en euro.
Le recours à ce type d’emprunts «
complexes
» ou libellés en devises est
maintenant strictement encadré par les dispositions de l’article L. 1611-3-1 du CGCT, créé
par l’article 32 de la loi n° 2013-672 du 26 juille t 2013 de séparation et de régulation des
activités bancaires.
3 -
Des degrés différents de réalisation de ces risques
a -
Le risque de variation du taux de change de l’euro en CHF
Le graphique suivant illustre la variation du CHF par rapport à l’euro, entre
2001 et 2015 :
11
Conseil de normalisation des comptes publics.
12
Constant maturity swap
: indice usuel sur les marchés de taux qui correspond à la cotation d’une opération d’échange de taux
d’intérêts (swap) pour une durée déterminée, amortie
in fine
, dans laquelle un taux fixe est échangé contre un indice de
référence du marché interbancaire (ici l’EURIBOR6M à 30 ans).
13
Si le taux CMS 30 ans EUR
> 7,25 %, le taux d’intérêt = 3,80 % + 5 x [Taux CMS 30 ans EUR - 7,25 %], sinon le taux
d’intérêt = 3,80 %.
14
Si le taux de change CHF/EUR < 1,44, le taux d’intérêt = 5,06 % + 0,5 x [(1,44 / taux de change CHF/EUR) -1], sinon le taux
d’intérêt = 3,86 %.
15
Ce taux correspond au taux historiquement bas alors constaté sur la parité en septembre 2001.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
11
En pointillé : barrière de 1,44 CHF pour 1 €.
Le franc suisse s’est déprécié par rapport à l’euro, avant de se réapprécier
fortement entre mi-2007 et 2011 à cause de la crise financière. Depuis, il a été stabilisé
autour de 1,20 CHF pour un euro, suite aux interventions de la banque nationale suisse sur
le marché des changes en septembre 2011, lesquelles visaient un taux de 1,20 CHF pour un
euro. Depuis le début de l’année 2015, la parité est très proche de un euro pour un franc
suisse.
Cette situation concerne les quatre emprunts libellés en franc suisse et l’emprunt
structuré TOFIX DUAL libellé en euro.
Au 31 décembre 2013, la valeur des emprunts libellés en franc suisse est de
647 886 €, alors que leur valeur «
historique
» (selon le taux de change au moment de leur
souscription appliqué au capital restant dû en CHF au 31 décembre 2013) apparaît à
539 436 €. En conséquence, la provision pour perte latente de change se chiffrerait à
108 450 €. Elle n’est pas une dépense obligatoire dans le budget des communes dont la
population est inférieure à 3 500 habitants.
Contrats n°
Capital
restant dû
en CHF
Taux de
change
historique
Valeur
historique
en euros
Valeur
au
31/12/2013*
en euros
Ecart en
euros
MON205931CHF
103 380
1,474
70 136
84 213
-14 077
MON175261CHF (30013327)
175 828
1,504
116 907
143 229
-26 322
MON197065CHF
324 900
1,4637
221 972
264 663
-42 691
MON205942CHF
191 237
1,4663
130 421
155 781
-25 360
Total
795 345
539 436
647 886
-108 450
* Au taux de change publié par la banque de France, soit 1,2276 CHF pour un euro.
Concernant le prêt TOFIX DUAL, la revalorisation de la devise suisse a activé la
formule d’indexation dès l’entrée dans sa phase structurée, le 1
er
décembre 2011 (et qui dure
jusqu’en 2026). Le capital restant dû sur lequel elle s’applique est élevé (2,6 M€). Avec un
taux de change de l’ordre de 1,20 CHF pour un euro, le taux structuré se situait à 14,4 % en
moyenne entre 2012 et 2014.
Le risque se mesure d’une part, par l’indemnité de remboursement anticipé
(IRA)
16
, soit le «
coût de sortie
» de l’emprunt calculé par la banque au 31 décembre et
d’autre part, par l’augmentation des échéances depuis 2012.
Sur les lettres de valorisation que la banque adresse à la commune, cette
indemnité passe de 1,4 M€ en 2009 à 4,4 M€ en 2010, puis 5,5 M€ en 2011 (soit le double
du montant du capital restant dû de cet emprunt à cette date), avant de redescendre à
4,6 M€ en 2012 et 3,7 M€ au 31 décembre 2013.
16
Qui ne comprend pas le montant du capital restant dû.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
12
Le montant des intérêts appelés par la banque passe de 184 272 € en décembre
2011 (dernière annuité de la période bonifiée) à 500 758 € en 2012, puis 455 381 € en
2013 et 488 416 € en 2014.
b -
Le risque de variation des marchés de taux
Le taux du CMS 30 ans EUR évolue depuis 2009 de la manière suivante :
En pointillé : barrière de 7,25 %
Au 31 décembre 2014, le taux CMS 30 ans se situant à 1,48 %, la barrière n’a
pas été atteinte.
Concernant l’emprunt structuré TOFIXIA CMS, la commune continue pour le
moment à verser des charges financières au taux d’intérêt fixe de 3,80 %. Il faudrait que ce
taux à long terme remonte sensiblement (jusqu’à 7,25 %) pour que le risque se matérialise,
dans la période pendant laquelle peut s’appliquer la formule d’indexation, soit jusqu’en 2022.
L’évolution du risque se mesure par l’IRA calculée par la banque au
31 décembre. Sur les lettres de valorisation qu’elle adresse à la commune, cette indemnité
passe de 0,2 M€ en 2009, à 0,3 M€ en 2010, 0,5 M€ en 2011 et 0,7 M€ en 2012, avant de
redescendre à 0,5 M€ au 31 décembre 2013.
Pour cet emprunt, le comptable public a exercé son rôle de conseil. Par courrier
daté du 6 juillet 2011, il indique au maire que l’application du taux d’intérêt bonifié de
3,80 % de ce prêt se terminait le 1
er
novembre 2011. Rappelant la formule d’indexation, le
comptable public écrivait :
« … cet emprunt figure dans les produits structurés volatils à
risque de type 1E. Il semblerait donc souhaitable de prendre contact avec votre prêteur afin
d’envisager avant le 1
er
novembre 2011 un réaménagement de cet emprunt. »
Aucune suite
n’apparaît avoir été donnée par la commune.
B -
La gestion de la dette communale
1 -
Le rôle du conseil municipal et du maire
Le conseil municipal règle les affaires de la commune par ses délibérations.
Ainsi, les décisions en matière de recours à l’emprunt sont de la compétence du conseil
municipal (article L. 2336-3 du CGCT dans son ancienne rédaction). Le conseil peut
déléguer ses compétences au maire au terme d’une délibération habituellement prise en
début de mandat, dans le cadre de l’article L. 2122-22 3° du CGCT et, notamment, «
dans
les limites fixées par le conseil municipal
. »
Dans ses délibérations des 21 mars 2008 et 28 mars 2014, le conseil municipal a
décidé de confier au maire la réalisation des emprunts destinés au financement des
investissements prévus par le budget et des opérations financières utiles à la gestion des
emprunts, y compris les opérations de couverture.
0
2
4
6
CMS 30 ans EUR en %
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
13
En 2014, il n’apparaît plus de limite au montant des opérations financières ainsi
déléguées, ni que le délégataire puisse effectuer des opérations de couverture de taux,
contrairement à celle de 2008 qui précisait «
dans les limites de l’autorisation budgétaire.
»
Les contrats d’emprunt ont été souscrits après délibération du conseil municipal
ou par décision du maire, par délégation du conseil comme en septembre 2009, lors du
réaménagement de 3,2 M€ de la dette communale lors de la restructuration du prêt TOFIX
FIXGBP 10 FLEXI par le prêt TOFIXIA CMS.
L’exercice de cette délégation, qui se matérialise par les arrêtés du maire et les
confirmations des négociations de marché, nécessite de rendre régulièrement compte au
conseil des décisions prises.
La chambre recommande à la commune de fixer les limites dans le cadre
desquelles le maire effectue l’ensemble des opérations de gestion sur la dette communale et
de déléguer les opérations de couverture de taux. Elle rappelle que le maire doit rendre
compte régulièrement de l’exercice de sa délégation en conseil municipal.
2 -
La gestion active et ancienne de la dette
La ville avait l’habitude de faire financer ses investissements par la même
banque qui lui a proposé plusieurs opérations de restructuration de ses dettes depuis 2006,
au travers de prêts structurés qui mettaient plus en avant les marges de manoeuvres
budgétaires que la commune pouvait y gagner et les risques associés, comme le montre une
proposition commerciale de la banque faite en avril 2008.
Cette offre de réaménagement que la commune a acceptée, a porté au total sur
6,2 M€ de dette, soit plus des deux tiers de l’encours total des emprunts souscrits par la
commune auprès de cette banque.
Selon l’ordonnateur,
« le discours de la banque était vendeur et la commune de
Bréhal, qui n’avait aucune raison de douter de la parole et de la qualité des propositions de
son banquier, a transformé les emprunts «
classiques
» qu’elle détenait en portefeuille par ce
nouveau type de produits. »
Dans leur réponse à la chambre, les ordonnateurs font valoir la position de la
collectivité qui peut être résumé comme suit :
« séduite par ces propositions de gestion
active de son endettement qui semblent ne présenter aucun risque financier, la commune de
Bréhal a accepté de restructurer ses emprunts. »
a -
Les emprunts structurés en euros
Le prêt structuré TOFIX DIGISWISS a été signé en septembre 2006, pour un
montant de 3 206 563 € sur 20 ans. Il est venu restructurer dix emprunts antérieurs et
financer 850 000 € d’investissements nouveaux. Ce prêt est, à nouveau, restructuré en mai
2008 par l’emprunt structuré TOFIX DUAL, actuellement présent dans les livres de comptes
de la commune.
Aux termes de la délibération du 26 mai 2008 par laquelle «
après avoir pris
connaissance en tous ses termes de l’offre »
des 24 avril et 20 mai 2008, les conseillers
municipaux ont décidé du réaménagement à l’unanimité. La délibération rappelle les
principales caractéristiques du prêt, explicites en matière de variation de change et de
formule indexée, et habilite le maire à procéder aux opérations. Le fax de confirmation de la
négociation avec la salle des marchés date du 28 mai 2008.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
14
D’un montant initial de 2 963 113 € et d’une durée de 15 ans, le prêt structuré
TOFIX DIGCMS versé en novembre 2007 est venu restructurer deux précédents prêts
classiques. Ce prêt a été lui-même restructuré le 28 mai 2008 par le prêt TOFIX FIXGBP 10
FLEXI pour 20 ans, restructuré à nouveau en septembre 2009 par le prêt TOFIXIA CMS,
toujours présent dans les comptes de la commune.
Cette dernière restructuration a été décidée par le maire dans le cadre de sa
délégation du 21 mars 2008. L’arrêté du maire du 22 septembre 2009 indique qu’
« il est
proposé de profiter des opportunités qui se présentent aujourd’hui sur les marchés financiers
pour renégocier une partie de la dette […] »
. L’arrêté indique ensuite les principales
caractérisques du prêt, reprises et précisées dans le fax de confirmation de la négociation
avec la salle des marchés du 24 septembre 2009
17
.
Les prêts structurés TOFIX DUAL et TOFIXIA CMS EUR présents dans les
comptes de la commune fin 2014 se répartissent entre ses différents budgets comme suit :
prêts
Budget
principal
Budget
eau
Budget
assainissement
Budget
Résidence
Total
TOFIX DUAL
45,80%
12,77%
37,80%
3,63%
100 %
TOFIXIA CMS EUR
67,51%
9,89%
22,60%
100 %
b -
Les emprunts en devises
Ancienne (2001-2002), la souscription des emprunts en devises résulte d’une
gestion active comme l’expriment les délibérations du 31 août 2001 prises sur les emprunts
en franc suisse (CHF) qui indiquent que «
les taux d’intérêts en francs suisses étant
aujourd’hui attractifs et le risque de change faible, M. le maire propose de contracter
l’emprunt en devise en francs suisses
» et qu’ «
après avoir pris connaissance en tous ses
termes du projet de contrat et des pièces annexées
», le conseil a décidé de souscrire ces
emprunts.
Ainsi, la chambre constate que le conseil municipal et le maire ont pris, en
connaissance de cause et dans le climat de confiance et d’ancienneté des relations avec la
banque, des délibérations ou des décisions explicites en matière de risque de change, de
taux, ou de formule indexée au moment des réaménagements qu’ils ont consentis, lesquels
concernaient une part substantielle de l’endettement souscrit envers le même banquier.
3 -
La réaction de la commune de Bréhal face à la montée des risques
a -
Le temps de la consultation : 2011-2012
A la suite des propositions de la même banque, faites à la commune en
septembre 2011, de supporter intégralement le coût de sortie du contrat de prêt TOFIX
DUAL (5,1 M€), cette dernière lui a conseillé de saisir le médiateur (M. Gissler), ce qui a été
fait par courrier du 3 janvier 2012. Le 15 mars 2012, une réunion est organisée à la mairie de
Bréhal avec ses banquiers, sans qu’aucune solution ne puisse être trouvée
18
. La médiation
n’a pu aboutir.
Par délibération du 30 janvier 2012, le conseil municipal décide d’adhérer à
l’association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET). Cette association a pour
objet de favoriser les échanges entre ses membres, la convergence dans leurs initiatives,
l’action collective, y compris judiciaire, et le soutien dans leurs contentieux avec les
établissements de crédit qui leur ont distribué des emprunts dits «
toxiques
».
17
A noter que la barrière a été négociée à 7,25 %, supérieure au taux indiqué (7 %) par le maire dans son arrêté.
18
Le maire évoque un compte rendu dans lequel la banque accepte, dans le cadre de la médiation, un taux de 7 % sur
l’échéance du 1
er
décembre 2012 et la mise en place d’une convention de sortie du prêt.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
15
Pour apprécier la gravité de la situation, la commune recrute un cabinet
d’expertise financière et un conseil juridique pour auditer les six contrats d’emprunts et
proposer des solutions. Ils rendent leurs conclusions en août et septembre 2012.
En octobre 2012, la commune met en demeure la banque de lui faire des
propositions de sortie définitive des contrats d’emprunts libellés en francs suisses et des
contrats d’emprunts structurés. Elle a considéré que la banque n’a fait en retour aucune
proposition de sortie sérieuse.
La commune chiffre les frais et honoraires engagés au titre de l’audit de ses
dettes et de la procédure juridique qu’elle a diligentée à 97 918 € fin 2014.
b -
La suspension de cinq échéances de prêts
Par délibération du 26 novembre 2012, le conseil municipal a suspendu l’annuité
du 1
er
décembre 2012 du prêt TOFIX DUAL, liquidé lui-même le montant de l’annuité, intérêts
et capital qu’il consent à payer et autorisé le maire à réquisitionner le comptable pour ce
paiement et à provisionner en risques et charges une partie des échéances appelées.
Le montant liquidé en capital et en intérêts reprend celui inscrit au tableau
d’amortissement annexé au contrat et fixé de manière prévisionnelle en fonction du taux
bonifié. Par la même délibération, le conseil autorise le maire à réquisitionner le comptable,
fixe le montant d’une provision (budgétaire) de 100 030 € et une clef de répartition sur
l’ensemble des budgets concernés.
Des suspensions d’échéances supplémentaires sont délibérées par le conseil
dans les mêmes formes (délibérations n° 2013-37
19
et n° 2013-38
20
du 18 mars
2013 concernant deux emprunts en franc suisse). Elles précisent que la banque fait l’objet
d’une assignation en justice de la part de la ville depuis la fin du mois de janvier 2013.
Les délibérations n° 2013-127 du 25 novembre 2013 e t n° 2014-165 du
24 novembre 2014 reconduisent la suspension des échéances à devoir sur le contrat TOFIX
DUAL. Par ces délibérations, le conseil liquide, dans les mêmes conditions (selon le taux
bonifié), le montant des annuités 2013 et 2014 qu’il consent à verser et pour lequel le
comptable public est réquisitionné. Il autorise la constitution d’une provision (semi
budgétaire) pour risques et charges de 100 030 € financée par le seul budget principal cette
fois-ci.
Les motivations du conseil municipal résident dans l’ «
absence de volonté réelle
de la banque de trouver une solution négociée avec la commune de Bréhal,
la commune n’a
trouvé d’autre solution que de mettre en cause la validité juridique des contrats dans le cadre
d’une assignation à venir
», et «
considérant l’illégalité du contrat de prêt (…) en ce qu’il est
représentatif de produit spéculatif à haut risque dont la souscription est pourtant prohibée
aux collectivités territoriales (…) en ce que l’organisme prêteur a manqué à son devoir de
mise en garde.
»
Au total, la situation des échéances sur ces emprunts, telle qu’elle résulte des
différentes délibérations de suspension prises par le conseil, se présente comme suit :
19
Contrat n° MON175261CHF libellé en CHF, souscrit l e 30 août 2001, pour la contrevaleur en CHF d’une somme de
1,5 MF (228 673 €).
20
Contrat n° MON197065CHF, souscrit en 2002, pour un montant de 1 198 833 CHF.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
16
Contrats n°
Echéances
appelées par la
banque (€)
Echéances
arrêtées par le
conseil et réglées
par réquisition (€)
Provisions
semi-
budgétaire
constituées
(€)
Délibérations
prêt TOFIX DUAL
MPH959658 EUR -
500 758
185 340
26/11/2012
455 381
185 838
100 030
25/11/2013
488 416
186 679
100 030
24/11/2014
MON175261 CHF
5 341
4 387
18/03/2013
MON197065 CHF
95 969
80 901
18/03/2013
Total
1 545 864
643 146
200 060
Ecart
-902 719 €
Le montant total des impayés de la commune sur les échéances appelées par la
banque se chiffre à 0,9 M€ à la fin de l’année 2014. Seules les provisions semi-budgétaires
constituées en 2013 et 2014 viennent réduire de 0,2 M€ le risque budgétaire auquel
s’expose la commune.
Les provisions ont été constituées, selon les ordonnateurs successifs dans leur
réponse à la chambre, à hauteur
d’un montant
« certes éloigné du risque budgétaire mais
supportable pour l’équilibre du budget communal »
.
La chambre souligne l’importance du risque budgétaire pris à cette occasion sur
décision du conseil municipal, en contradiction avec le principe de sincérité budgétaire qui
doit s’appliquer à toute collectivité.
c -
L’assignation de la banque en justice
Fin janvier 2013, la commune a assigné sa banque devant le tribunal de grande
instance (TGI) de Nanterre, par l’intermédiaire de son conseil juridique. A ce jour, le
contentieux est en cours.
Par cette assignation, la ville de Bréhal demande à la justice de constater
la
réticence dolosive de la banque au regard des opérations sur quatre emprunts libellés en
CHF et cinq autres emprunts successifs structurés, qualifiés de «
spéculatifs
» ; la commune
considère, en effet, qu’elle n’était pas en capacité de souscrire de tels emprunts. Il est
également demandé à la justice d’en prononcer à titre principal la nullité, à titre subsidiaire la
résolution judiciaire, de remettre les parties en l’état au moment de la formation des contrats
et de constater que, par son comportement, le banquier a commis une faute à l’égard de la
commune, qu’elle a subi un préjudice personnel en ayant accepté, sur la base d’informations
viciées, la mise en place de ces opérations.
4 -
Les modalités de sortie de l’emprunt TOFIX DUAL
Les modalités de sortie peuvent être négociées à l’amiable dans le cadre de la
conclusion d’un protocole transactionnel avec la banque
ou fixées par la justice dans le
cadre de la procédure pendante devant le TGI de Nanterre depuis janvier 2013 concernant
un ensemble de contrats de prêts.
a -
Les propositions de sortie en décembre 2014
A la date du 9 décembre 2014, la banque précisait que le coût de sortie de
l’emprunt TOFIX DUAL était fixé à 3,6 M€, en sus du capital restant dû de 2,5 M€. A cette
époque, la simulation du taux d’intérêt quitté en phase structurée ressortait à 14,96 %. La
commune estime alors inacceptable le niveau de l’indemnité demandée.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
17
L’indemnité peut être payée, soit par autofinancement, soit par un nouveau prêt
consenti, soit en comprenant dans les conditions financières du prêt de refinancement le
capital restant dû. Pour transformer le contrat de prêt structuré en prêt à taux fixe, la
proposition faite par la banque en décembre 2014 mixait les deux dernières solutions.
Le taux de change actuel étant proche de la parité avec l’euro
21
, la simulation du
taux d’intérêt serait révisée à un niveau sensiblement supérieur, ce qui viendrait bouleverser
les conditions de sortie de ce prêt.
b -
Le dépôt d’une demande d’aide au fonds de soutien
Créé par l’article 92 de la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du
29 décembre 2013, un fonds de soutien vise à apporter une aide aux collectivités et aux
établissements les plus fortement affectés par les emprunts structurés dont ils restent
porteurs. Il a été initialement doté de 100 M€ par an pendant une durée maximale de 15 ans.
Cette aide sera calculée par référence à l’indemnité de remboursement anticipé
(IRA) due au titre de ces emprunts, selon un barème et une doctrine d’emploi, objets de
l’arrêté du 4 novembre 2014 pris en application du décret n° 2014-444 du 29 avril
2014 portant application de l'article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 précitée.
Initialement fixée au 15 mars, la date limite de dépôt du dossier auprès des
services préfectoraux a été reportée au 30 avril 2015 pour aider les collectivités à négocier
avec les banques et constituer le dossier. En ce qui concerne la commune de Bréhal, le
dossier de demande d’aide a été déposé le 29 décembre 2014 et implique la rédaction d’un
projet de protocole transactionnel avec la banque, au terme duquel la commune devrait
rembourser avant son terme l’emprunt TOFIX DUAL contre le paiement d’une indemnité de
remboursement anticipé (IRA).
Compte tenu des caractéristiques de la commune de Bréhal (population, dette,
part des emprunts structurés, capacité de remboursement), le maire a indiqué dans sa
réponse à la chambre que le taux d’aide sur le montant des IRA, initialement escompté de
40%, devrait être en réalité supérieur à 62 %,
« en raison de la nouvelle chute de la parité du
15 janvier 2015 entrainant une forte augmentation des IRA qui s’élèvent désormais à
6 086 000 € (au 30/04/2015) pour un capital restant dû de 2 523 913 €. »
Il resterait à la charge de la commune, sous réserve du résultat de l’instruction du
dossier de demande d’aide déposé, une part d’encours de cette indemnité encore
significative. L’aide peut être versée en une fois ou s’étaler sur 15 ans.
La chambre observe que l’aide qui serait accordée par le fonds de soutien
amoindrira l’effet du versement de l’IRA, quelles qu’en soient les modalités retenues et selon
un taux d’aide non encore fixé, ni accepté par la commune.
C -
Conclusion
Sans préjuger du contentieux en cours et du résultat de l’instruction de la
sollicitation du fonds de soutien, la chambre constate que la commune s’expose à un risque
budgétaire croissant et disproportionné par rapport à sa taille et à ses ressources. La
décision prise par la collectivité de suspendre certaines échéances d’emprunt est en
contradiction avec le principe de sincérité budgétaire qui doit s’appliquer à toute collectivité.
21
1 EUR pour 1,03 CHF au 29 mai 2015.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
18
V -
ANALYSE ET EFFETS SUR LA SITUATION FINANCIERE
Il n’appartient pas à la chambre d’apprécier les raisons qui fondent la décision de
suspendre les échéances dès le mois de décembre 2012, suivie en janvier 2013 de
l’assignation en justice de la banque portant sur la licéité de certains contrats d’emprunts.
Cette appréciation sera éventuellement effectuée par le TGI de Nanterre, juge en premier
ressort du contrat, si la procédure pendante se poursuit jusqu’au jugement.
La chambre peut cependant apprécier les conséquences budgétaires et
comptables des délibérations et décisions prises, tant en ce qui regarde les suspensions des
échéances, que les conséquences futures de gestion de la dette sur la situation financière
de la commune.
A -
La décision de suspendre les échéances
1 -
Les dispositions du CGCT en matière de dépenses d’intérêts
Les intérêts des emprunts figurent au titre des dépenses obligatoires prévues à
l’article L. 2321-2 du CGCT «
30° Les intérêts de la dette et les dépenses de rem boursement
de la dette en capital.
» Ils résultent des contrats de prêts qui lient la commune à la banque.
En dépit de ces dispositions, la commune a décidé la suspension des clauses
contractuelles concernant le prêt en euros TOFIX DUAL depuis l’échéance annuelle du
1
er
décembre 2012, deux autres prêts libellés en franc suisse (CHF) ponctuellement
suspendus en avril 2013.
2 -
L’apparente insincérité des prévisions budgétaires depuis 2012
Au titre de l’article L. 1612-4 du CGCT portant sur la règle d’équilibre budgétaire,
«
les recettes et les dépenses doivent être évaluées de façon sincère
», c’est-à-dire en
fonction des informations disponibles au moment de la confection du budget, en se fondant
sur les clauses contractuelles des emprunts et des informations disponibles à ce moment.
Concernant l’emprunt TOFIX DUAL, le taux de change applicable à la formule
d’indexation est publié 15 jours ouvrés avant la date d’échéance, soit mi-novembre. Or, fin
2011, le cours de change de l’euro en CHF s’est durablement retourné, pour quasiment
atteindre la parité avec l’euro avant de remonter en moyenne à 1,20 CHF pour un euro.
Au regard des conditions de marché alors en vigueur, la barrière du prêt TOFIX
DUAL, entrant en période structurée au 1
er
décembre 2011, devait être franchie, activant la
formule d’indexation, sauf si l’euro remontait au-dessus de 1,44 CHF à la date de fixation,
mi-novembre 2012, ce qui ne s’est produit, ni en 2012, ni depuis.
En faisant l’hypothèse d’un taux de change inchangé en novembre 2012 en
raison de la politique de la banque nationale suisse, le taux d’intérêt prévisionnel ressortait à
15,06 %. Les budgets principal et annexe de la zone artisanale (ZA) font apparaître un taux
de 4,38 %, ceux de la résidence «
La Ferronnerie
» et de l’eau de 3,86 % (bien qu’il s’agisse
du même prêt). Ces taux étaient très éloignés du niveau prévisible.
budget 2012
BP + ZA
Eau
Assainissement
Résidence
total
intérêts inscrits au budget initial
51 080
14 240
42 156
4 055
111 531
intérêts estimés au taux de 15,06%
196 023
54 649
161 778
15 562
428 011
Ecart (en €)
-144 943
-40 409
-119 622
-11 507
-316 480
montant des impayés 2012
constaté par le comptable public
144 457
40 273
119 220
11 468
315 418
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
19
Le même processus est reproduit pour les budgets 2013 et 2014, alors que le
taux de change fluctuait entre 1,2 et 1,25. De plus, aucune reprise des impayés antérieurs
n’est effectuée. A la fin de l’année 2014, la situation des impayés d’intérêts se présente par
budget comme suit :
En €
BP + ZA
Eau
Assainissement Résidence
total
intérêts impayés en 2012
144 457
40 273
119 220
11 468
315 418
intérêts impayés en 2013
123 447
42 254
107 063
9 800
269 543
intérêts impayés en 2014
138 191
38 526
114 049
10 971
301 737
Répartition totale des impayés
406 094
124 053
340 332
32 239
902 718
Source : calculs CRC au vu des états d’impayés communiqués par le comptable public
Les charges d’intérêts ne sont pas estimées par rapport aux conditions de
marché prévalant au moment de l’adoption des budgets, mais en fonction des taux bonifiés
ou historiques. L’application de ces taux revient à minorer fortement les charges
prévisionnelles, ce qui serait susceptible d’entacher d’insincérité l’équilibre des budgets au
regard de l’article L. 1612-4 du CGCT.
Parallèlement, par les mêmes délibérations des 26 novembre 2012, 7 octobre
2013 et 24 novembre 2014, le conseil municipal a fixé un montant de provisions pour risques
et charges
22
, sans prévoir les informations nécessaires à leur suivi définies à l’article
R. 2321-2 du CGCT. La délibération du 26 novembre 2012 indique seulement la répartition
de ces provisions sur l’ensemble des budgets, laquelle sera finalement entièrement portée
au budget principal et comptabilisée en tant que provision budgétaire.
Ce n’est qu’à partir du 7 octobre 2013 que, par délibérations n° 2013-102 et
n° 2013-103, ces provisions ont été qualifiées de s emi-budgétaires et qu’une décision
modificative a été prise pour modifier les crédits dans ce sens.
Les provisions décidées apparaissent destinées à «
consigner
» budgétairement
une partie seulement des échéances appelées par la banque. La chambre observe que cette
«
réserve
» budgétaire de 0,2 M€ paraît très éloignée du risque total auquel la collectivité
s’est exposée, compte tenu du montant total des intérêts impayés qui atteint 0,9 M€ fin 2014.
B -
Perspectives sur les différents budgets communaux
1 -
Des conditions très incertaines d’équilibre en 2015
Fin 2014, les résultats de l’ensemble des budgets montrent que, dans leur
ensemble, les comptes de la commune présentent un excédent de 363 389 €, comme
l’illustre le tableau suivant :
Résultats (€)
Budget
principal
Eau
Assainis-
sement
Résidence
animation
SPA
animation
SPIC
ZAC
23
total
section fonctionnement
466 353
136 334
33 127
81 983
1 186
12 148
0
731 131
section d’investissement
-241 445
-68 093
-72 750
-61 271
0
3 206
72 611
-367 742
cumulés
224 908
68 241
-39 623
20 712
1 186
15 354
72 611
363 389
Source : comptes administratifs 2014
22
L’instruction budgétaire et comptable M14 précise qu’évaluées en fin d’exercice, les provisions sont destinées à couvrir des
risques et des charges nettement précisés quant à leur objet, dont la réalisation est incertaine mais que des événements
survenus ou en cours rendent probables.
23
Zone d’aménagement concertée «
La Chênée
».
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
20
L’appréciation du franc suisse (CHF) en janvier 2015 par rapport à l’euro risque
de faire bondir le taux d’intérêt du prêt TOFIX DUAL, dont le montant de l’échéance à devoir
au 1
er
décembre 2015
24
ne sera connu que 15 jours ouvrés avant. L’assignation en justice
est toujours pendante depuis plus de deux ans et, parallèlement, la commune continue la
négociation amiable sur la sortie du prêt TOFIX DUAL.
La revalorisation du franc suisse risque d’aggraver sensiblement le montant de
l’indemnité qui sera nécessaire pour quitter le prêt TOFIX DUAL et dont une partie
significative devrait alors faire l’objet d’un nouveau prêt. Enfin, la commune ne connaît, ni le
taux, ni
a fortiori
le montant de l’aide du fonds de soutien qui pourrait lui être attribuée.
La chambre observe ainsi que les conditions budgétaires sont devenues
incertaines et très défavorables à la commune.
2 -
Les tendances du budget principal
a -
Une succession peu comparable de budgets
La mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité professionnelle produit ses effets
en 2011. La commune voit ses ressources fiscales augmentées mais reverse au fonds
national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) une somme de 286 000 €.
L’intégration de la commune à la communauté de communes Granville, Terre et Mer a lieu
en 2014. Une attribution de compensation
25
de 506 000 €
est versée par la communauté à
la commune.
Les budgets et les comptes de la commune sont donc marqués par une grande
variabilité, ce qui rend leur comparaison difficile dans la durée.
b -
Une section de fonctionnement contrainte en 2013
en €
2010
2011
2012
2013
2014
Var. annuelle
moyenne
Ressources fiscales propres (nettes des
restitutions)
1 257 015
1 667 276
1 744 850
1 798 281
1 284 152
0,5%
Ressources d'exploitation
319 715
318 194
339 928
321 623
255 934
-5,4%
Ressources institutionnelles
1 247 604
1 239 300
1 364 939
1 244 928
1 285 520
0,8%
Fiscalité reversée
0
-286 069
-286 249
-266 813
172 886
N.C.
Production immobilisée, travaux en régie
39 547
30 959
16 414
22 713
39 109
-0,3%
= Produits de gestion
(A)
2 863 879
2 969 661
3 179 883
3 120 732
3 037 601
1,5%
Charges à caractère général
734 072
754 149
740 851
773 567
826 932
3,0%
Charges de personnel
1 170 324
1 230 965
1 236 999
1 289 467
1 084 822
-1,9%
Subventions de fonctionnement
64 804
66 039
67 818
57 547
84 279
6,8%
Autres charges de gestion
158 667
162 090
206 482
539 166
238 752
10,8%
= Charges de gestion (B)
2 127 867
2 213 243
2 252 151
2 659 747
2 234 785
1,2%
Excédent brut de fonctionnement (A-
B)
736 013
756 418
927 732
460 985
802 816
2,1%
+/- Résultat financier (réel seulement)
-170 742
-168 898
-163 026
-172 374
-176 171
0,8%
+/- Autres produits et charges excep. Réels
et divers
-3 525
12 344
53 697
-132 270
22 122
N.C.
= CAF brute
561 745
599 864
818 403
156 342
648 768
3,7%
Source : Logiciel anafi à partir des comptes de gestion
24
La baisse de 20 % de l’euro implique une hausse de 10 points du taux d’intérêt appelé qui se situait déjà à près de 15%, soit
25 % au total applicable sur un capital restant dû de 2,5 M€.
25
Cette attribution vient neutraliser les effets des transferts de la fiscalité professionnelle et de la modification du périmètre des
compétences entre la commune et l’intercommunalité.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
21
L’année 2013 est marquée par la clôture du budget annexe déficitaire de la zone
artisanale (- 331 000 €), ce qui a nettement pesé sur les charges de gestion et les résultats
de la commune. Dans l’ensemble, les charges de gestion progressent moins vite que les
produits, permettant ainsi de générer une capacité d’autofinancement (CAF) qui s’est
restaurée, en 2014, à 0,6 M€.
Les marges de manoeuvre de la ville, en recettes, reposent sur le dynamisme de
ses impositions «
ménages
» dont les bases (+ 5 % en moyenne par an, depuis 2010) sont
supérieures à la moyenne départementale. Les taux en vigueur à Bréhal sont également
supérieurs à la moyenne départementale (de 27 % concernant la taxe d’habitation et
16 % concernant la taxe assise sur le foncier bâti.)
Taux
Bases
Taxe
Commune
moy départ.
Commune
var moyen / an
Habitation*
19,38%
15,23%
4 110 590
5,0%
Foncier bâti
26,17%
22,52%
2 891 514
5,1%
Foncier non bâti
40,84%
43,84%
130 817
-1,0%
*Avant transfert de la part départementale à l’intercommunalité : taux en 2014 = 12,65 % (12,46 % en 2010)
Les taux de la fiscalité ont été augmentés de 2 % en 2010 et 1 % en 2012. Il n’y
a pas eu d’autre progression
jusqu’en 2015
« en raison d’une hausse importante des tarifs
d’eau et d’assainissement, la municipalité ne souhaitant pas un nouveau coup de levier sur
la fiscalité venant s’ajouter à un effort déjà conséquent des administrés sur ces deux
périodes »,
comme le précise le maire.
En réponse à la chambre, l’ordonnateur fait connaître qu’une nouvelle hausse de
taux d’imposition de 5% a été décidée par délibération du 13 avril 2015, motivée par
« le
contexte financier de la commune, laquelle se trouve fortement impactée par ses importants
investissements, par sa dette ainsi que par la baisse des dotations de l’Etat. »
Cependant, les recettes de fonctionnement sont contraintes par la rigidification
des recettes fiscales liées au transfert de la fiscalité professionnelle, la baisse des recettes
d’exploitation et la réduction des dotations versées par l’Etat (- 1,4 % en moyenne par an
depuis 2010).
De plus, depuis 2010, les charges à caractère général (+ 3 % par an), les
subventions (+ 7 % par an) et les autres charges (+ 11 % par an) progressent à un rythme
bien supérieur à l’inflation, ce qui atteste de leur insuffisante maîtrise.
En ce qui concerne les dépenses, la baisse marquée des charges de personnel
(- 16 % entre 2013 et 2014) correspond au transfert de personnels de la commune à
l’intercommunalité. La progression de 10 %, entre 2010 et 2013, est expliquée par le maire
par les «
majorations des points d’indice dans les différentes catégories, l’instauration de la
GIPA et la nécessaire réorganisation des services municipaux.
» Cette explication reste
cependant très lacunaire.
Des incertitudes très fortes pèsent sur le résultat financier (charges d’intérêt et
perte de change) et par conséquent sur la CAF, habituellement générée par la commune,
(de 0,6 M€ en moyenne), déjà amputée par le financement des budgets annexes
déséquilibrés jusqu’en 2014.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
22
c -
Un cycle d’investissements ambitieux
en €
2010
2011
2012
2013
2014
CAF brute
561 745
599 864
818 403
156 342
648 768
- Annuité en capital de la dette
355 174
599 766
275 780
424 142
369 825
= CAF nette ou disponible (C)
206 571
98 542 623 -267 800
278 943
dont
+ Produits de cession
0
468 200
31 821
42 826
6 610
= Recettes d'inv. hors emprunt (D)
216 196
723 237 223 550
218 288
280 185
= Financement propre disponible (C+D)
422 767
723 335 766 173
-49 512
559 127
- Dépenses d'équipement (y compris travaux en régie)
1 057
435
849 537 269 346
468 639
866 710
- Subventions d'équipement (y compris subventions en
nature)
0
0
0
291 389
67 000
- Avance du budget principal
0
0
0
0
165 992
+/- Variation autres dettes et cautionnements
-350
0
0
0
0
= Besoin (-) ou capacité (+) de financement
-634 318 -126 201 496 827 -809 539 -540 575
Nouveaux emprunts de l'année (y compris pénalités de
réaménagement)
375 000
175 000 300 000
0
532 650
Mobilisation (-) ou reconstitution (+) du fonds de
roulement net global
-259 318
48 799 796 827 -809 539
-7 925
Source : Logiciel anafi à partir des comptes de gestion
Réduite par le poids des annuités des emprunts, la CAF nette qui mesure
l’autofinancement disponible pour financer les investissements, a été quasiment nulle en
2011 et négative en 2013. Cumulée sur la période, elle atteint 0,8 M€.
La commune a donc dû recourir à de nouveaux prêts pour 1,4 M€, à des
cessions de son patrimoine pour 0,5 M€ pour, en plus des autres ressources propres
d’investissement (subventions, FCTVA pour 1,1 M€), lui permettre de financer ses dépenses
d’équipement qui atteignent 4 M€ sur les cinq dernières années.
La dette du budget principal atteint la somme de 4,6 M€ au 31 décembre 2014 et
correspond à sept années de la CAF moyenne dégagée par la commune. Ce chiffre ne tient
pas compte des annuités d’emprunts impayées à ce jour.
Le maire indiquait pour l’avenir que «
les travaux envisagés sont l’aménagement
du centre-bourg évalué à 1 400 000 € et l’agrandissement et mise aux normes de la station
d’épuration du centre-bourg pour un montant de 1 500 000 €, la part communale étant
évaluée à 550 000 €.
»
En
conclusion,
la
chambre
observe
que
ces
investissements
projetés
apparaissent très ambitieux et ne tiennent pas compte des contraintes actuelles de la
collectivité et des risques associés compte tenu des contentieux en cours. Le maire indique
dans sa réponse à la chambre que cette politique d’investissement est suspendue.
3 -
Les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement
Les services de l’eau et de l’assainissement sont des services publics à
caractère industriel et commercial (SPIC). Ils sont présentés et suivis selon l’instruction
budgétaire et comptable M49. Ces budgets doivent être présentés en strict équilibre en
recettes et en dépenses (article L. 2224-1 du CGCT). Corrélativement, l’article L. 2224-2 du
CGCT prohibe tout versement d’équilibre du budget principal vers le budget annexe du
SPIC, sauf dérogations.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
23
En 2013, les déficits cumulés des budgets «
eau
» et «
assainissement
»
s’établissent respectivement à - 42 163 € et - 66 060 €. Le déficit de celui de l’eau devrait se
résorber en 2014, contrairement à celui de l’assainissement. Le budget principal participe à
l’équilibre de ces budgets par le versement de subventions exceptionnelles, en sections
d’exploitation (eau) et d’investissement (assainissement).
Budgets annexes
2011
2012
2013
2014
Total
Eau
0
0
121 504
63 000
184 504
Assainissement
0
0
271 318
67 000
338 318
Total
0
0
392 822
130 000
522 822
Sources : comptes administratifs 2011 à 2014
La politique de relèvement des tarifs de l’eau (+ 22,7 % entre 2010 et 2014) et
surtout de l’assainissement
(+ 44,2 % à 85,2 % selon les volumes utilisés) permet de réduire
progressivement les déficits de ces budgets. Cela se traduit par des recettes de ventes d’eau
(490 379 €) et de redevance d’assainissement (449 434 €) en forte progression
(respectivement + 37 % et + 75 %) entre 2010 et 2014.
Par
délibération
du
19
février
2014,
le
conseil
municipal
a
instauré
l’assujettissement à la TVA du budget eau à compter du 1
er
janvier 2014, en application de
l’article 256B du code général des impôts qui prévoit que les communes d’au moins
3 000 habitants sont assujetties à la TVA pour la fourniture d’eau. La population totale de la
commune, au sens de l’INSEE, n’ayant pas été inférieure à 3 000 habitants durant la période
étudiée, l’assujettissement aurait dû être acté antérieurement à cette décision.
En ce qui concerne les investissements envisagés, le maire prévoit 1,5 M€ de
travaux sur la station d’épuration du centre-bourg, alors que les rapports 2013 sur le prix et
la qualité de ces services consultés ne mentionnent aucun nouvel investissement pluriannuel
d’envergure. Ces budgets cumulent déjà 4,5 M€ de dettes. Le maire indique dans sa
réponse à la chambre que la mise aux normes de la station d’épuration est suspendue.
La chambre observe qu’en raison de la persistance du déficit du budget
«
assainissement
», de la subvention d’équilibre au profit du budget «
eau
» et des
incertitudes financières futures de ces budgets grevés de dettes, il paraît nécessaire
d’anticiper une trajectoire financière crédible à moyen terme.
Le maire fait connaître à la chambre que, par délibération du 15 février 2015, le
conseil municipal a décidé l’augmentation des tarifs de l’eau (+ 5,85 % pour la part fixe et
8,3 % pour la part variable) et de l’assainissement (+ 58,8 % pour la part fixe et + 6,1 % pour
la part variable). Ces augmentations permettent de présenter des budgets primitifs 2015 à
l’équilibre, sans versement de subventions du budget principal.
4 -
Les autres budgets annexes
La commune de Bréhal compte quatre autres budgets annexes (BA) en 2014 : le
service public de l’animation, distingué en deux budgets (SPIC ou SPA, les services facturés
relevant du budget SPIC), la résidence «
La Ferronnerie
», dédiée aux immeubles locatifs
HLM, et la «
ZAC
26
de la Chênée
» dont le budget a été créé en 2014.
Les budgets administratifs et commerciaux du service public de l’animation
n’appellent pas de commentaire, le budget administratif recevant une subvention d’équilibre
du budget principal de 40 000 €. Leurs résultats budgétaires sont équilibrés. Il n’en est pas
de même concernant les deux autres budgets annexes.
26
Zone d’aménagement concertée.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
de la commune de Bréhal
24
a -
La résidence «
La Ferronnerie
», un budget endetté
Au même titre que les budgets «
eau
» et «
assainissement
», l’équilibre précaire
de ce budget annexe a été soutenu par les versements de 35 814 € en 2012 et 38 815 € en
2013 prélevé sur le budget principal. Sa principale recette est constituée des loyers qui se
montent à 91 000 € en 2014. Le budget supporte une dette de près d’un million d’euros et a
dégagé une CAF de 55 297 euros en 2014.
b -
La «
ZAC de la Chênée
», une nouvelle opération d’aménagement
ambitieuse porteuse de risques
La création de la «
ZAC de La Chênée
», approuvée par délibération du 30 juillet
2012, porte sur la construction de 30 à 40 logements par an, sur une durée de six à sept
ans. Ce projet portant sur 11,75 hectares, visant à accueillir 450 habitants à son terme, sera
réalisé en régie directe par la commune et exonéré de taxe d’aménagement.
Le maire a indiqué que «
l’aménagement de la « ZAC de la Chênée » à vocation
de logements est également programmé pour un coût de travaux de 3 500 000 €. La vente
des terrains couvrira en grande partie la dépense.
» Cela implique qu’une partie du coût des
travaux restera à la charge de la commune. Une avance de 166 000 € du budget principal a
été effectuée au profit de ce budget en 2014, pour financer l’acquisition des terrains acquis
par l’EPFN au nom de la commune.
La chambre constate que ce projet d’envergure, mis en oeuvre en régie, apparaît
manifestement incompatible et disproportionné avec les équilibres financiers actuels de la
commune. Le maire, dans sa réponse à la chambre, indique que ce projet de développement
est également suspendu.
C -
Conclusion
Les déséquilibres des budgets annexes, qu’ils concernent des services à
caractère commercial, comme l’eau et l’assainissement, ou des opérations de zone, ont
pesé sur l’équilibre du budget principal qui s’est toutefois amélioré en 2014. La poursuite du
rétablissement de ces équilibres est nécessaire d’autant plus que les perspectives
financières de la commune sont très incertaines.
Les projets d’investissement envisagés paraissent largement hypothéqués par
les risques financiers auxquels est exposée la commune. Dans sa réponse, le maire a
informé la chambre de la suspension de l’ensemble des investissements de la commune et
n’envisage la reprise d’une politique d’investissement et de développement que dans la
perspective d’une sortie négociée des emprunts structurés.
La chambre rappelle que cette politique de développement devra tenir compte
des conséquences financières de la sortie de sa dette structurée qui, après déduction de
l’aide reçue par le fonds de soutien, resteront à la charge de la commune et pèseront donc
sur sa capacité d’investissement à due proportion et sur son endettement.
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