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Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 1 sur 61
CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES
DE LA POLYNESIE FRANCAISE
RAPPORT D’OBSERVATIONS
DEFINIVITES
Société d’économie mixte TAHITI NUI TELEVISION
Exercices 2000 à 2008
RAPPEL DE LA PROCEDURE
La chambre territoriale des comptes de la Polynésie française a procédé, dans le
cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes 2000 à 2008 et à l’examen de
la gestion de la société d’économie mixte Tahiti Nui Télévision, créée par la Polynésie
française qui détient 85 % de son capital social.
M. Jean-Paul BARRAL et M. Erick MONOD, respectivement, président du conseil
d'administration et directeur général de la société, ont été avisés de l’ouverture du
contrôle, par une lettre du 31 mars 2005. Pour des raisons propres à la Chambre, cet
examen de la gestion a été suspendu en 2006 à la suite du départ du magistrat qui en était
chargé. M. Yves HAUPERT, président directeur général, a été informé le 28 mars 2007,
peu après sa nomination, de la reprise des investigations par un nouveau magistrat et
postérieurement de l’extension de la période de contrôle à l’année 2008.
L’entretien préalable facultatif prévu par l’article L.272-46 du code des juridictions
financières a eu lieu en avril 2009 avec les dirigeants actuels et la plupart des présidents
du conseil d’administration et directeurs généraux qui avaient été en fonctions au cours
de la période sous revue.
Lors de sa séance du 28 mai 2009, la chambre avait formulé des observations
provisoires qui ont été adressées en totalité aux dirigeants en fonctions. Des extraits ont
été adressés aux anciens dirigeants et tiers mis en cause, pour les périodes qui les
concernent. Les réponses des différents destinataires sont parvenues à la Chambre dans le
délai imparti.
Après avoir examiné ces réponses écrites et procédé à l'audition du directeur
général le 17 novembre 2009, la chambre, lors de sa séance du 18 novembre 2009, a
arrêté les observations définitives reproduites ci-après.
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SYNTHESE DES OBSERVATIONS
1. La chaîne de télévision TNTV a été lancée sur des bases incertaines, sa
création ne résultant pas d’un projet sérieusement mûri
Comme l’y autorise son statut depuis 1996, la collectivité de Polynésie a souhaité créer en
2000 une chaîne de diffusion de programmes de télévision, dénommée Tahiti Nui Télévision
(TNTV).
Compétence de l’Etat, la communication audiovisuelle est régulée par le Conseil supérieur
de l’audiovisuel (CSA). C’est pourquoi, l’attribution des fréquences à la SEM TNTV a été
soumise à la signature d’une convention avec cette autorité administrative indépendante.
La chaîne n’appartient pas pour autant au secteur public de la communication audiovisuelle
et se trouve donc dans une situation analogue à celle de tous les opérateurs privés de télévision
par voie hertzienne.
L’utilité de la chaîne et les objectifs annoncés lors de sa création, «
lancer une télévision de
proximité, publique et gratuite, à caractère éducatif, social et culturel, destinée à refléter les
réalités polynésiennes et à satisfaire les attentes spécifiques des populations locales
», ont été
contestés dès l’origine. Lors de l’examen par la commission permanente de l’assemblée de la
Polynésie française de la délibération créant TNTV, certains représentants avaient mis en doute
l’urgence, le coût et l’impartialité de ce projet.
La préparation hâtive du projet a rendu les débuts de TNTV difficiles et a conduit au
lancement de la chaîne sur des bases incertaines avec des effets durables. L’équilibre
d’exploitation prévisionnel de la chaîne, basé sur des charges minorées et des produits propres
d’origine publicitaire nettement surévalués, a rarement été atteint et, dans ce cas, à la faveur
d’importantes subventions. La chaîne a en outre été dotée de matériels insuffisants, parfois
inadaptés ou obsolètes et souvent mal utilisés par des personnels peu qualifiés.
2. En regard du coût financier élevé supporté par la Polynésie française,
l’apport original de la chaîne au paysage audiovisuel a tardé à se concrétiser
2.1 Un échec financier du projet qui met en cause la pérennité de la société
Malgré un soutien financier substantiel de la collectivité de la Polynésie française, la SEM
TNTV se retrouve dans une situation financière très dégradée.
La société enregistre un résultat structurellement déficitaire. L’augmentation continue, en
tendance, des charges de la société, près de 1,2 milliard de F CFP en moyenne au cours des
années 2005 à 2008, en raison notamment de la multiplication par 2,5 des charges de personnel
et de l’alourdissement des charges exceptionnelles, n’est pas couverte par une croissance
suffisante des produits, constitués à plus de 90 % de subventions. La survie de la SEM est
uniquement liée à la volonté et à la capacité de son actionnaire principal, la Polynésie française,
de lui accorder ces ressources.
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A ce jour, la situation patrimoniale de la SEM est plus qu’alarmante et met en cause sa
pérennité. L’évolution du bilan montre une dépréciation très forte de l’actif immobilisé en raison
de la quasi-obsolescence de l’outil de production. La situation nette des capitaux au 31 décembre
2008, négative depuis 4 ans, et en tout cas inférieure à la moitié du capital social depuis 5 ans,
aurait dû conduire à la dissolution de la société, dès lors que la décision de poursuivre l’activité,
faisant suite au déclenchement de la procédure d’alerte, n’avait pas donné lieu à régularisation
dans le délai légal imparti, comme le prévoit le code de commerce. Cette situation de non-droit
n’a pas encore pris fin, malgré les engagements tardifs de rétablir les comptes, pris par
l’actionnaire majoritaire en mai 2009.
Le coût financier pour la collectivité de la Polynésie française de son soutien à TNTV
s’élevait à 8 milliards de F CFP à la fin de l’année 2008. Il sera porté à plus de 10 milliards, fin
2009, si la Polynésie française honore ses engagements de rétablissement des comptes de la
SEM.
2.2 L’apport original annoncé par le gouvernement lors de la création de la chaîne a
tardé à se concrétiser
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rappelé que le projet de la chaîne TNTV devait
s’inscrire dans le cadre de dispositions conventionnelles. Il est intervenu pour faire respecter les
quotas de diffusion d’oeuvres cinématographiques et d’oeuvres d’expression originales françaises.
Le non respect du pluralisme a par ailleurs été mis en cause par le CSA jusqu’en 2005.
La tonalité originale de TNTV, devant refléter les réalités polynésiennes, a tardé à se
manifester. En dépit des efforts réalisés les dernières années, la production créée localement
demeure inférieure à celle achetée hors de Polynésie et commence seulement, au cours des
dernières années, à se rapprocher des objectifs généraux assignés à la chaîne. La production
locale diffusée, qui progresse en volume ces dernières années, se répartit sur l’ensemble de la
grille, mais accorde une large part à la rediffusion.
Enfin, il n’est pas certain que la chaîne satisfasse les attentes spécifiques des populations
locales. La progression de l’audience demeure elle-même difficile à apprécier en l’absence
d’objectif de référence annoncé lors du lancement de la chaîne.
3. L’administration et la gestion administrative et financière de la SEM
ont connu des lacunes
3.1 L’administration de la chaîne, qui repose sur une forme statutaire inadaptée, a
connu des dysfonctionnements
La chaîne TNTV a pris la forme statutaire d’une société d’économie mixte (SEM). Le
versement de fonds publics à cette société n’a pas respecté le cadre légal applicable à la
Polynésie française. Le statut de SEM de la chaîne TNTV n’est en effet pas compatible avec la
mise sous perfusion publique résultant de l’intervention récurrente et très substantielle de la
collectivité de la Polynésie française, en contradiction avec les principes encadrant les
interventions économiques publiques. Dans l’hypothèse où la collectivité souhaiterait pérenniser
la chaîne TNTV, le versement de fonds publics devrait respecter ce cadre légal. A défaut, la
chaîne devrait changer de statut.
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Les organes institués pour l’administration de la chaîne ont eu un fonctionnement perturbé.
La composition du conseil d’administration et le non accomplissement de certaines formalités
ont pu en altérer l’efficience et la transparence. La rotation accélérée des dirigeants a perturbé le
fonctionnement du conseil d’administration et de la direction de la chaîne. Enfin, l’absence de
fonctionnement du conseil d’orientation n’a pas permis d’associer les représentants de la société
civile aux orientations de la programmation de la chaîne.
3.2 La gestion technique, administrative, budgétaire et financière a souvent été
défaillante même si une amélioration est à noter en fin de période.
L’imprévision en matière de renouvellement des matériels techniques indispensables et le
suivi imparfait de la gestion des matériels laissent encore planer le risque d’arrêt soudain de la
diffusion des émissions.
La gestion des programmes a manqué de rigueur, en raison d’une procédure d’achat restée
longtemps défaillante et du choix inadéquat de comptabilisation des programmes adopté par
TNTV. Par ailleurs, les tergiversations dans l’approvisionnement en programmes hors Polynésie
ont occasionné de lourdes pénalités financières pour la société.
La gestion de la régie publicitaire a été erratique. D’abord intégrée au sein de la chaîne,
l’équipe commerciale de la régie publicitaire n’a pas eu le temps de faire ses preuves. La gestion
de la régie publicitaire a été confiée, dès le milieu de l’année 2001, à un premier prestataire,
lequel a vu son contrat subitement interrompu. Depuis juillet 2002, la gestion de la régie a été
confiée principalement à des sociétés du groupe 2H. Les modalités des contrats passés par
l’intermédiaire de ces sociétés, ont permis des rémunérations substantielles au détriment des
finances des SEM de la collectivité de la Polynésie française pour ne laisser à TNTV qu’un
montant de recettes modeste.
La gestion de la ressource humaine a été mal maîtrisée. L’évolution du nombre de
personnels et celle de la masse salariale ne correspond pas au projet initial. Des recrutements de
personnels de qualification insuffisante, opérés sans référentiel, ont ensuite nécessité des
formations coûteuses.
La gestion administrative, financière et comptable de la SEM s’est enfin avérée défaillante.
Ces carences résultent d’un défaut d’organisation, de l’absence de procédures et d’outils de
gestion adéquats et parfois de l’affectation de personnels peu compétents voire indélicats, leurs
agissements ayant été rendus possibles par le manque de contrôle interne. Cette gestion
défaillante a aussi généré des pratiques contestables et des contentieux onéreux.
4. La stratégie de l’entreprise doit être redéfinie dans le contexte de
recomposition du paysage audiovisuel polynésien
Au regard des objectifs initiaux formulés lors de la création de TNTV, c’est-à-dire à la fois
les orientations éditoriales de la chaîne mais aussi le coût prévisionnel que la collectivité avait
prévu d’y consacrer, la question ne peut aujourd’hui manquer d’être posée : la collectivité de la
Polynésie française peut-elle et souhaite-t-elle consacrer un peu plus d'un milliard de F CFP par
an pour pérenniser une chaîne de télévision ?
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Compte tenu des bouleversements que devrait connaître le paysage audiovisuel polynésien
dans les deux ans à venir, la question mérite d’être étendue à une réflexion sur la stratégie de la
SEM TNTV, dans le cadre d’un secteur audiovisuel qui intègre d’autres organismes relevant de
la compétence de la collectivité d’outre-mer et de ses établissements publics (Agence tahitienne
de presse, Institut de la communication audiovisuelle, Tahiti nui satellite...). Un regroupement
entre ces divers organismes pourrait être envisagé.
5. Recommandations de court terme concernant la gestion de la SEM, en
l’état actuel du paysage audiovisuel polynésien.
Dans l’hypothèse où le maintien de la SEM TNTV serait décidé, la chambre
recommande les orientations suivantes :
ƒ
reconstituer, dans les plus brefs délais, les fonds propres de la SEM, à hauteur des
obligations légales ; la collectivité d’outre-mer, actionnaire principal, devra prévoir
d’accorder à la chaîne, les moyens financiers pour assurer sa viabilité jusqu’à la mise en
oeuvre d’une réforme d’ensemble esquissée au point précédent ;
ƒ
prendre les mesures nécessaires pour que le conseil d'administration de TNTV devienne un
organe réellement compétent et efficace en matière de gestion de la chaîne ;
ƒ
faire fonctionner normalement le conseil d’orientation ou le remplacer par une autre
instance ouverte sur la société civile ;
ƒ
restructurer la SEM pour assurer une gestion efficace et plus efficiente, de nature à réduire
les charges qui pèsent inutilement sur son exploitation ;
ƒ
accorder les moyens financiers nécessaires à la viabilité de la chaîne en concertation avec
la direction et en fonction des objectifs qui auront été fixés.
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SOMMAIRE
1. LA CHAÎNE DE TÉLÉVISION TNTV A ETE LANCÉE SUR DES BASES
INCERTAINES,
SA
CRÉATION
NE
RESULTANT
PAS
D’UN
PROJET
SÉRIEUSEMENT MÛRI
.............................................................................................................
8
1.1 La collectivité de la Polynésie française a créé une chaîne de télévision qui
n’appartient pas au secteur public de l’audiovisuel
..........................................................
8
1.1.1 Le statut de la Polynésie française permet la création par la collectivité d’outre-
mer
de chaînes de diffusion de programmes de télévision
...........................................
8
1.1.2 La régulation de la communication audiovisuelle par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA) soumet l’attribution des fréquences à la signature d’une
convention entre cet organisme et l’entreprise télévisuelle
..........................................
8
1.1.3 La chaîne n’appartient pas au secteur
public de la communication audiovisuelle
.....
9
1.2 L’utilité de la chaîne et les objectifs annoncés ont été contestés à l’origine
.................
10
1.2.1 Les objectifs annoncés à la création de la chaîne
.......................................................
10
1.2.2 Un projet contesté lors de son examen par la commission permanente de
l’assemblée de la Polynésie française
.........................................................................
12
1.3 Une préparation hâtive du projet qui a rendu les débuts de TNTV difficiles mais
surtout qui a conduit au lancement de la chaîne sur des bases incertaines
..................
13
1.3.1 La préparation du projet de création de la chaîne a été hâtive
..................................
13
1.3.2 Un lancement du projet, qui a connu des débuts difficiles, sur des bases
incertaines avec des effets durables
............................................................................
13
2. EN REGARD DU COÛT FINANCIER ÉLEVÉ, SUPPORTÉ PAR LA POLYNÉSIE
FRANÇAISE,
L’APPORT
ORIGINAL
DE
LA
CHAÎNE
AU
PAYSAGE
AUDIOVISUEL TARDE A SE CONCRÉTISER
....................................................................
17
2.1 Un échec financier du projet qui met en cause la pérennité de la société
....................
17
2.1.1 Un résultat structurellement déficitaire
......................................................................
17
2.1.2 Une situation patrimoniale alarmante, mettant en cause la pérennité de la société.. 21
2.1.3 Le coût financier du soutien apporté à TNTV par la collectivité de la Polynésie
française
......................................................................................................................
25
2.2 L’apport original annoncé par le gouvernement lors de la création de la chaîne a
tardé à se concrétiser sans que la satisfaction des attentes spécifiques des
populations locales soit certaine
........................................................................................
26
2.2.1 Le cadre conventionnel de référence liant TNTV au CSA
..........................................
27
2.2.2 Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rappelé que le projet de TNTV devait
s’inscrire dans le cadre des dispositions conventionnelles
.........................................
27
2.2.3 La tonalité originale de TNTV reflétant les réalités polynésiennes a tardé à se
manifester
....................................................................................................................
29
2.2.4 La chaîne ne satisfait pas avec certitude les attentes spécifiques des populations
locales
..........................................................................................................................
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3. L’ADMINISTRATION ET LA GESTION ADMINISTRATIVE ET FINANCIERE
DE LA SEM ONT CONNU DES LACUNES
...........................................................................
33
3.1 L’administration de la chaîne, qui repose sur une forme statutaire inadaptée, a
connu des dysfonctionnements
..........................................................................................
33
3.1.1 Le choix du statut de la chaîne TNTV est inadapté, notamment en raison de son
mode de financement
...................................................................................................
33
3.1.2 Les organes institués pour l’administration de la chaîne ont eu un fonctionnement
perturbé
.......................................................................................................................
36
3.2 La gestion technique, administrative, budgétaire et financière de TNTV a souvent
été défaillante même si une amélioration est à noter en fin de période
.........................
39
3.2.1 L’imprévision et l’absence de suivi dans la gestion des immobilisations
...................
39
3.2.2 Une gestion des programmes manquant de rigueur
...................................................
42
3.2.3 La gestion erratique de la régie publicitaire
..............................................................
45
3.2.4 La gestion de la ressource humaine mal maîtrisée
.....................................................
49
3.2.5. La gestion administrative financière et comptable de la SEM est défaillante
...........
53
4. LA STRATEGIE DE L’ENTREPRISE DOIT ÊTRE REDÉFINIE DANS LE
CONTEXTE DE RECOMPOSITION DU PAYSAGE AUDIOVISUEL POLYNESIEN... 59
5. RECOMMANDATIONS DE COURT TERME CONCERNANT LA GESTION DE
LA SEM, EN L’ETAT ACTUEL DU PAYSAGE AUDIOVISUEL POLYNESIEN
...........
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1. LA CHAÎNE DE TÉLÉVISION TNTV A ETE LANCÉE SUR
DES BASES INCERTAINES, SA CRÉATION NE RESULTANT
PAS D’UN PROJET SÉRIEUSEMENT MÛRI
1.1 La collectivité de la Polynésie française a créé une chaîne de télévision qui
n’appartient pas au secteur public de l’audiovisuel
C’est en mars 2000, que la commission permanente de l’assemblée de la Polynésie
française a décidé la création de la société d’économie mixte Tahiti Nui Télévision,
conformément
aux
dispositions
de
la
loi
organique
statutaire.
Bien
qu’appartenant
majoritairement à une collectivité territoriale, cette chaîne de télévision demeure en dehors du
secteur public audiovisuel tel qu’il a été défini par la loi.
1.1.1 Le statut de la Polynésie française permet la création par la collectivité d’outre-
mer
de chaînes de diffusion de programmes de télévision
Avec le statut de 1984, la Polynésie française a obtenu
« la faculté de créer une société de
production d’émissions à caractère social, culturel et éducatif pouvant passer pour leur diffusion
des conventions avec les sociétés d’Etat».
La loi organique statutaire de 1996, réservait toujours à l’Etat, en son article 6-12°, la
« communication audiovisuelle »
, mais
« dans le respect de l’identité culturelle polynésienne ».
Le statut ajoutait au surplus que « …
sans préjudice des missions confiées au Conseil supérieur
de l’audiovisuel, la Polynésie française [pouvait] créer une société de production et de diffusion
d’émissions à caractère social, culturel et éducatif ».
La loi organique statutaire de 2004 modifiée, confirme en son article 25 que
« la Polynésie
française [peut] créer des entreprises de production et de diffusion d’émissions audiovisuelles ».
En outre, tout en rappelant que la communication audiovisuelle demeure une compétence de
l’Etat, le statut de la Polynésie française donne à la collectivité d’outre-mer la faculté d’être
consultée en cette matière (art. 25 III) voire même de participer (art. 31) à l’exercice de cette
compétence de l’Etat.
1.1.2 La régulation de la communication audiovisuelle par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA) soumet l’attribution des fréquences à la signature d’une
convention entre cet organisme et l’entreprise télévisuelle
Aux termes de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée, le CSA, autorité
administrative indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle en
matière de radio et de télévision.
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Dans le cadre de cette mission générale, le CSA autorise l’usage des bandes de fréquences
ou de fréquences attribuées ou assignées à des usages de radiodiffusion. En ce qui concerne la
télévision hertzienne, qui se distingue de tous les autres modes de diffusion par la rareté des
fréquences disponibles, le régime d’autorisation, plus rigoureux, prévoit la mise en oeuvre d'un
appel à candidatures, d'une audition et d'une sélection basée sur l’intérêt de chaque projet pour le
public, en fonction de critères et d’impératifs définis par la loi.
En raison de l’autonomie de décision pour la création d’une chaîne de télévision conférée à
la Polynésie française par son statut, la procédure de sélection des candidats à l’attribution de
fréquences n’a pas été mise en oeuvre. En revanche, l’autorisation d’usage de la ressource
radioélectrique n’a été délivrée à TNTV qu’après signature d’une convention, passée entre elle-
même et le CSA, qui fixe les règles applicables au service. L’autorisation a été accordée pour
cinq ans, reconductible deux fois. Cette procédure ad hoc permet de mettre en place une clause
de rendez-vous tous les cinq ans. La convention a été reconduite le 11 juillet 2005.
1.1.3 La chaîne n’appartient pas au secteur
public de la communication audiovisuelle
La chaîne TNTV se rattache organiquement à la sphère publique de la Polynésie française,
du fait de son statut de société d’économie mixte dans laquelle la collectivité d'outre-mer détient
85 % du capital. Mais elle ne fait pas partie du secteur public français
1
de la communication
audiovisuelle défini par la loi. La chaîne TNTV se trouve donc dans une situation analogue à
celle de tous les autres opérateurs de télévision par voie hertzienne (associations, société
commerciales, …).
Ce statut n’est pas sans conséquence sur le compte d’exploitation de la SEM, laquelle ne
bénéficie pas, à la différence des chaînes appartenant au secteur public de l’audiovisuel, de la
prise en charge, par le distributeur Tahiti Nui Satellite, des coûts de transport et de diffusion de
l’image qui transite par son réseau. La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée, relative à
la liberté de communication, dispose en effet que «
dans les collectivités d'outre-mer, tout
distributeur de services sur un réseau n'utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le
Conseil supérieur de l'audiovisuel met gratuitement à disposition de ses abonnés les services de
la société Réseau France outre-mer qui sont diffusés par voie hertzienne terrestre dans la
collectivité, …
».
Des démarches ont été initiées en 2007 par la chaîne, et formalisées à compter du début de
l'année 2008, auprès du gouvernement de la collectivité de la Polynésie française et auprès du
CSA pour faire obtenir à TNTV un statut lui permettant de bénéficier des mêmes avantages que
sa concurrente RFO. Dans sa réponse d’octobre 2009, le directeur général de la chaîne indiquait
que ces démarches étaient restées infructueuses
.
1
Le service public de l’audiovisuel dont le périmètre a évolué depuis 1986, comprend aujourd’hui, en ce qui concerne les télévisions, France
Télévision (France 2, France 3, France 4, France 5), Réseau France Outre-mer, ARTE France et la chaîne de télévision parlementaire.
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1.2 L’utilité de la chaîne et les objectifs annoncés ont été contestés à l’origine
1.2.1 Les objectifs annoncés à la création de la chaîne
Le 18 février 2000, le président du gouvernement faisait parvenir à l’Assemblée de la
Polynésie française, un projet de délibération portant création de la Société TAHITI NUI –
TÉLÉVISION et mettant en avant qu’aucun pays pour résister à l’uniformisation consécutive à
la mondialisation ne pouvait se passer de télévision :
« Alors que la planétarisation des moyens de diffusion généralise la distribution de
programmes en tous points semblables partout dans le monde, gommant les différences et
neutralisant les particularismes, aucun pays, quels que soient ses moyens, ne peut désormais se
dispenser de créer sa propre télévision et de traiter ainsi, à sa façon, de sa propre réalité, en un
mot de se l’approprier.
En effet, aujourd’hui, grâce aux formidables progrès de la technique, et notamment de la
miniaturisation des moyens de production et de diffusion qui entraîne une réduction drastique
des coûts, créer une station de télévision, n’est plus exclusivement réservé aux sociétés dotées de
moyens financiers colossaux, mais à la portée de toutes les communautés humaines qui le
désirent ».
L’objectif général assigné à la nouvelle chaîne de télévision a été clairement défini par le
gouvernement. Il souhaitait
« lancer une télévision de proximité, publique et gratuite, à
caractère éducatif, social et culturel, destinée à refléter les réalités polynésiennes et à satisfaire
les attentes spécifiques des populations locales ».
Pour mieux cerner l’enjeu de ce projet, la ligne éditoriale était même esquissée. Le rapport
de présentation indiquait ainsi qu’une
«télévision de proximité, comme son nom l’indique, est
une télévision qui est proche des gens auxquels elle s’adresse, attentive à leurs besoins, à
l’écoute de leurs curiosités. Pour ce faire, cette télévision, dans sa part de production propre qui
devrait représenter environ trois heures quotidiennes, offrira des programmes de quatre types :
Services, Miroir, Mémoire et Ouverture.
Une télévision sans prétention qui parle simplement de manière à être comprise par tous,
qu’ils s’expriment en français ou en tahitien. Une télévision qui aide à vivre ceux auxquels elle
s’adresse, en leur donnant les informations nécessaires dans leur vie de tous les jours, et dans
tous les domaines. Ce sera sa fonction Services
.
Une télévision interactive qui informe grâce à son réseau de correspondants. Une
télévision qui distrait, qui amuse, qui éclaire, qui cultive, qui enchante, qui étonne, qui rend plus
intelligent, qui s’adresse à tous, quelle que soit l’île de l’immense territoire polynésien dans
laquelle ils vivent. Une télévision qui rapproche les gens les uns des autres, et qui finalement
crée de la démocratie. Ce sera sa fonction Miroir
.
Une télévision, fière du passé et de la culture de la communauté à laquelle elle s’adresse.
Une télévision qui n’oublie jamais que la fonction essentielle de l’histoire est d’aider à
appréhender et à mieux comprendre le présent. Ce sera sa fonction Mémoire
.
Une télévision qui donne à voir et à élucider le monde dans lequel on vit et change
constamment. Une télévision tournée vers l’extérieur, et notamment vers le grand Pacifique.
Ce sera sa fonction Ouverture
.
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Le projet précisait dans le détail les modalités de diffusion et le contenu des programmes
pour répondre aux attentes des spectateurs ciblés : «
Ces différents programmes de proximité
devraient être répartis tout au long de la journée, dans une grille de programmes tenant compte
des modes de vie des téléspectateurs visés, plus particulièrement présents à la mi-journée et en
soirée (18 h – 21 h), et des programmes des télévisions concurrentes.
Autour de ces programmes de proximité, qui constitueront le coeur de grille s’adressant au
coeur de cible, un fond de grille composé de programmes achetés, échangés ou coproduits avec
les pays voisins, sera proposé. On y trouvera des séries, des films, des clips, des dessins animés
et des documentaires, afin de satisfaire toutes les attentes des différents publics visés.
La durée de diffusion de tous les programmes quotidiens ne devrait pas excéder douze
heures, mais le principe de multidiffusion permettant à ceux qui n’ont pas pu voir les
programmes de la veille de les regarder, devrait être appliqué, au moins deux fois par jour ».
La convention signée avec le CSA en juin 2000 mentionnait un engagement d’émettre
19 heures par jour
2
assorti d’une obligation de diffuser 2 heures d’émissions produites
localement, en première diffusion et un journal d’information de 10 mn, en français et en
Tahitien, consacré à l’actualité polynésienne. La convention ne mentionne pas le recours à la
rediffusion, sauf pour le journal d’information, mais rien ne s’y oppose.
En revanche, aucune précision sur le niveau d’audience que devait atteindre la future
chaîne n’avait été donnée publiquement. Selon le directeur général de TNTV,
"l’absence
d’objectif d’audience était sans doute volontaire parce qu’il
[lui]
paraît impossible d’en fixer à
une chaîne qui débute".
La Chambre estime pourtant, qu'il n'y avait pas d'impossibilités à fixer
des objectifs d'audience. Elle a d’ailleurs eu connaissance d’estimations de parts de marché
mentionnées dans des documents non publics, lors de la création de la chaîne en 2000, pour
évaluer les ressources publicitaires que la chaîne pouvait espérer en fonction de son audience
attendue.
Sur le plan économique, le rapport de présentation du projet de délibération justifiait
l’intervention de la collectivité par la faible rentabilité attendue de la chaîne de télévision. La
future chaîne prendra donc la forme d’une SEM, Tahiti Nui Télévision :
« Compte tenu de la
faible rentabilité économique d’une telle activité, il paraît nécessaire de créer une société
d’économie mixte dans laquelle les capitaux publics seront largement majoritaires avec une
association de capitaux privés apportés par les principaux acteurs de l’activité économique
polynésienne, y compris les autres médias ».
Mais selon le gouvernement, le projet devait rester
« dans les limites d’investissement
compatibles avec les ressources disponibles »
de la Polynésie française : «
Le capital devrait être
fixé à 550.000.000 de francs CFP ».
Enfin, un objectif temporel avait été fixé. Cette chaîne de télévision
« entièrement
polynésienne et au service de l’ensemble des populations et des forces vives de la Polynésie,
émettra ses premiers programmes »
le jour de
la fête de l’autonomie, le 29 juin 2000.
2
18 heures, dans la convention passée avec le CSA en 2005.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 12 sur 61
1.2.2 Un projet contesté lors de son examen par la commission permanente de
l’assemblée de la Polynésie française
Seule la commission permanente de l’assemblée de la Polynésie française a été réunie le
17 mars 2000 pour examiner et adopter la délibération autorisant la création de TNTV.
Certains participants ont déploré qu’un tel projet n’ait pas été présenté et discuté en séance
plénière. Ils se sont en outre plaints d’être insuffisamment informés du projet et notamment de ne
pas avoir eu communication des conclusions de l’étude de faisabilité, de création et
développement confiée à un prestataire. Et pour cause. Bien que reconnaissant, le 17 mars 2000,
qu’une étude avait été commandée, M. Bouissou, en sa qualité de porte-parole du gouvernement,
ne pouvait en donner les conclusions puisque le marché confiant l’étude n'allait être
officiellement notifié que le 30 mars 2000. Les conditions dans lesquelles l’étude avait été
confiée à une société dès le début de l’année 2000 avaient fait naître des doutes quant à la
régularité de la procédure. Cela avait conduit à initier de manière purement formelle une
nouvelle procédure de dévolution du marché, censée « régulariser » l’attribution de l’étude à la
société choisie antérieurement.
Dans ces conditions, l’assemblée de la Polynésie française a été amenée à décider de la
création de la chaîne de télévision sans avoir connaissance des conclusions de l’étude précitée
qui n'ont été rendues qu'en avril 2000 et qui portaient sur des éléments substantiels de faisabilité,
de coût, de format et de contenu.
Le compte-rendu des débats de la commission permanente rapporte des interrogations
portant sur l’urgence, non démontrée, qu’il y aurait eu à lancer une nouvelle chaîne de télévision
pour combler les carences des autres télévisions diffusées sur le territoire, en particulier de RFO,
dans la manière dont elle s’acquittait de sa mission de service public. Le porte-parole du
gouvernement a convenu que le but était d’apporter une nouvelle sensibilité plutôt que de pointer
les carences des autres chaînes.
D’aucuns ont aussi évoqué le coût du projet en s’interrogeant, de ce point de vue, sur
l’urgence qu’il y aurait à le lancer, alors même que la Polynésie devait faire face à d’autres
priorités. Selon leur évaluation, le lancement de la chaîne allait
«
dépasser allègrement le
milliard »
si on agrégeait la participation très fortement majoritaire du territoire au capital de la
société «
fixé pour l’instant à 550 millions »
, les «
400 millions en matériel de diffusion,
70 millions en études, sans compter les aménagements de l’ICA
3
en cours ».
Le ministre
Bouissou avait tenté de répondre aux craintes en précisant les moyens modestes qu’il estimait
nécessaires au fonctionnement de la chaîne : «
Nous souhaitons, nous, qu’il n’y ait pas plus de
15 personnes qui travaillent à l’intérieur de cette structure ».
Les interrogations avaient enfin porté sur les garanties d’impartialité de la chaîne : «
S’agit-
il donc, d’une télévision qui a finalement une vocation politique, la date du 29 juin n’est pas
innocente. A l’approche des élections, on peut se poser la question de savoir, s’il ne s’agit pas
d’un moyen de propagande en fin de compte qui sera mis en place…
Je crois que ce qui importe
dans ce débat, c’est surtout qu’on nous apporte des garanties, des garanties d’impartialité, des
garanties de neutralité propres à une télévision publique ».
3
Institut de la communication audiovisuelle.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 13 sur 61
1.3 Une préparation hâtive du projet qui a rendu les débuts de TNTV
difficiles mais surtout qui a conduit au lancement de la chaîne sur des bases
incertaines.
1.3.1 La préparation du projet de création de la chaîne a été hâtive
C’est le 18 février 2000 que le conseil des ministres avait adressé à l’assemblée de la
Polynésie française un projet de délibération envisageant la création de la chaîne devant émettre
pour la première fois le 29 juin 2000, date de la fête de l’autonomie de la Polynésie française.
Le délai de préparation d’un tel projet (4 mois), très bref
,
dès lors que les spécialistes de
l'audiovisuel s’accordent pour estimer qu’il n’aurait pas dû être inférieur à 18 mois, avait conduit
le gouvernement à s’affranchir des règles de la commande publique.
Avant même la réunion du conseil des ministres du 18 février 2000, la présidence du
gouvernement de la Polynésie française avait signé avec la société International Media
Consultants Associés (IMCA), choisie en raison de sa polyvalence et de sa capacité à apporter
une réponse globale, une convention ayant pour objet de l’assister très complètement dans la
création, le lancement et l’accompagnement des premiers pas de la future télévision.
Or, la collectivité, ne disposant pas des pièces justificatives adéquates pour procéder aux
paiements prévus par le contrat initial signé avec IMCA, s’était ravisée et avait décidé de lancer
une procédure d’appel à la concurrence dans le cadre d’un marché. Il ressort d'une note interne
émanant de toute évidence d’IMCA que le lancement de la procédure de marché avec appel
d’offres avait un caractère purement artificiel, malgré les dénégations apportées par cette société
en réponse aux observations provisoires. Le marché fut attribué et notifié à IMCA le 30 mars
2000.
Les deux parties exprimèrent avoir conscience des difficultés qu’impliquait le délai très
court pour le lancement de la chaîne. Il fut communément admis qu’il ne pouvait être envisagé, à
la date du 29 juin 2000, qu’un format provisoire, qu’il faudrait améliorer ultérieurement. En
conséquence, l’accompagnement du développement de la chaîne serait assuré pendant un an.
Dès avril 2000, IMCA présenta un plan stratégique détaillé rappelant le contexte de la
création de la chaîne, définissant le concept et la stratégie éditoriale, et comportant des
développements sur l’antenne et les programmes, l’image et la communication, les moyens
humains et techniques ainsi que des données financières.
Cette précipitation, due au très court délai de préparation laissé pour émettre à la date
exigée, a probablement desservi la chaîne durablement.
1.3.2 Un lancement du projet, qui a connu des débuts difficiles, sur des bases
incertaines avec des effets durables
Que l’on se place dans le cadre du contrat initial ou dans celui du marché, la mission
confiée à IMCA de concevoir, organiser et lancer la télévision locale du gouvernement de la
Polynésie française l’a conduite à faire des préconisations sur les options ou orientations à
prendre dans le cadre de ce projet.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 14 sur 61
La société IMCA, qui avait aussi la mission d’évaluer les performances de la chaîne
lorsqu'elle serait lancée, affirme dans sa réponse aux observations provisoires que
« la cause
prépondérante des difficultés de la chaîne réside dans le fait que dès janvier 2001, elle s'est
délibérément et dogmatiquement écartée de la quasi-totalité des recommandations qu’[elle
avait] formulées
» (nature des programmes, effectif, moyens techniques légers, régie publicitaire
intégrée et un budget supportable même avec de mauvaises rentrées publicitaires). Selon IMCA
toujours
« les décisions prises après janvier 2001 … semblent au contraire avoir été inspirées
par une volonté de remise en cause systématique des options initiales ».
La Chambre n’a pu que constater les débuts difficiles de la chaîne après son lancement et
les conséquences durables des analyses incertaines et des choix contestables, avant et après
janvier 2001
,
qu’elle a pu identifier dans quelques documents épars.
1.3.2.1 Les charges et les produits de la chaîne TNTV ont été mal évalués
Lors de l’examen de la délibération créant la chaîne de télévision, le ministre indiquait :
« …nous souhaitons […] faire en sorte que cette télévision ne soit pas une télévision, je dirais,
qui va nous prendre énormément de budget, de crédits du Territoire mais, une télévision qui
arrive avec une structure légère pouvant équilibrer le plus rapidement possible ses comptes ».
Or,
les coûts de la chaîne de télévision ont été sous-estimés, qu’il s’agisse des charges de
transmission qui de 120 MF CFP en 2001 ont atteint rapidement 190 à 200 MF CFP les années
suivantes, ou des charges de personnel qui, selon le souhait du ministre, ne devaient pas
concerner plus de 15 personnes. Or, dès la première année, l’effectif était de 45 personnes.
Il s’est d'ailleurs étoffé les années suivantes.
Les ressources ont été surestimées. Les prévisions de recettes publicitaires, estimées par la
société IMCA dans le cadre du plan d’affaires qu’elle avait établi, se sont révélées
particulièrement irréalistes.
Malgré l’absence de statistiques officielles, le marché publicitaire
avait été évalué à environ 2,5 milliards de F CFP, dont 550 MF CFP revenaient à la publicité
télévisuelle.
Il avait été estimé que la création d’une nouvelle chaîne aurait pu stimuler le
marché, les professionnels estimant à environ un milliard de F CFP le potentiel dans les 3 à 5 ans
postérieurs à l’année 2000. Selon cette analyse, en se fondant sur le constat que de nombreux
annonceurs étaient encore absents de la télévision et qu’un gain de part de marché aurait pu être
réalisé sur la presse écrite et sur RFO, la chaîne TNTV aurait pu compter, dans les 5 ans, toutes
formes de publicité confondues, sur une part de recettes publicitaires se situant entre 20 % et
50 %.
Selon ces hypothèses, le produit attendu à l’horizon 2005 aurait dû se situer entre
366 MF CFP et 564 MF CFP.
Ces perspectives irréalistes n’ont pas été confirmées. La percée escomptée sur le marché
polynésien de la publicité s’est avérée illusoire. Selon la société IMCA l’atteinte des «
objectifs
fixés supposait … une continuité dans la gestion de la chaîne après 2000
» et non pas
l’externalisation de la régie, et qu’il n’y ait pas de «
changements de grille incessants et
inopportuns
[pénalisant
] l'audience
». Selon elle,
« le travail de terrain des commerciaux de la
régie intégrée aurait pu porter ses fruits
».
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Bien qu’ayant été réajustées chaque année pour se rapprocher de la réalité, les prévisions
n’ont été dépassées qu’une seule fois, en 2003, pour atteindre 121 MF CFP, soit le meilleur
chiffre d’affaires publicitaire depuis la création de la chaîne jusqu’en 2008 inclus.
1.3.2.2 Les matériels insuffisants, parfois inadaptés ou obsolètes et souvent mal utilisés par
des personnels peu qualifiés
Créée de toutes pièces, la nouvelle chaîne a dû se doter de matériels techniques dans des
délais brefs. L’urgence n’a pas permis de procéder à une bonne définition des besoins. La
dotation de la chaîne en matériels techniques s’est faite dans des conditions hasardeuses.
La maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre ont été assurées par la Direction de la
communication de la Présidence du Gouvernement de la Polynésie française qui s’est appuyée
sur la société IMCA pour la rédaction des appels d’offres. Trois marchés publics de fournitures
et prestations associées, ont été conclus, le 19 avril 2000, avec la même entreprise : matériel de
diffusion d’émissions de télévision ; matériel de montage d’émission de télévision ; matériel de
tournage de télévision.
La réception partielle des trois marchés a été prononcée sans réserve
4
le 21 juin 2000 pour
que la chaîne TNTV puisse commencer impérativement ses émissions le 29 juin 2000. Pourtant,
au fur et à mesure de l’installation du matériel, la société IMCA n’a pu que constater les carences
du listing des matériels jugés nécessaires qu’elle avait établi dans l’urgence et qui ne prévoyait
pas divers matériels essentiels. Elle considère cependant qu’il est courant que «
lorsque les
chaînes de télévision s'équipent … des adaptations ou des compléments au marché initial
s'imposent presque systématiquement
».
La collectivité de la Polynésie française a alors été
«
contrainte
», pour respecter le délai d’ouverture de l’antenne qu’elle s’était elle-même imposé,
d’en passer commande, en dehors des procédures légales d'achat public.
Peu de temps après son démarrage
,
la chaîne T.N.T.V. s’est plainte de divers problèmes
techniques. C’est ainsi qu’elle mentionnait :
« le matériel livré ne paraît strictement pas adapté à
l’exploitation d’une chaîne de télévision, puisqu’il s’agit en fait d’un logiciel conçu pour des
salles multiplex de cinéma ».
Selon TNTV, des matériels n’ont pas été livrés et les stations de
montage étaient défaillantes. Elle indique avoir été contrainte d’acquérir, en septembre 2001,
trois stations de montage pour remplacer les trois défaillantes. La société IMCA, pour sa part,
rejette ce qu'elle estime être une volonté systématique de dénigrement aux fins de justifier des
choix ultérieurs prenant «
le contrepied des préconisations initiales
» et indique que «
le système
installé (INCITE) fonctionne dans d'autres chaînes
».
Dès le mois de mars 2002, soit moins de deux ans après son lancement, la chaîne a
demandé le remplacement de certains matériels indispensables. Le dossier joint à la demande de
subvention d'investissement liste les différents équipements à acquérir pour permettre à la chaîne
de fonctionner conformément à son plan de charge. L’état détaillé est complété de commentaires
pour chacun des matériels, justifiant les besoins de la chaîne.
4
L’expertise réalisée par M. Claude Neveu, expert près la Cour d’appel de Paris, demandée par ordonnance de référé du président du TA de
Papeete dans le cadre du différend entre la collectivité de la Polynésie Française et la société ASV (page 5 et 32 conclusions), mentionne
« le
21 juin 2000, les réceptions des trois marchés ont été prononcées sans réserve ; pour les marchés de diffusion et de tournage, les procès verbaux
mentionnent réception partielle
».
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 16 sur 61
On pourra retenir quelques unes des récriminations alors formulées par TNTV :
« bon
nombre de caméras sont à bout de souffle »
et en
« cas de pluie, elles sont protégées par des sacs
poubelles en plastique »
, des ordinateurs et des magnétoscopes sont
« constamment en panne »
et parfois
« renvoyés en réparation chez le fournisseur »
, un
« serveur est déjà saturé et présente
des faiblesses »
,
« de fastidieux et coûteux transferts sur bandes sont nécessaires avant la
diffusion
des sujets »
, par manque de matériels,
« TNTV est obligé de démonter et remonter des
régies pour réaliser ses opérations extérieures »
,
« la régie pour les reportages sur le terrain n’a
pas supporté le climat et les modules qui la composent sont intransportables »
car trop
volumineux et trop lourds pour être acceptés à bord des ATR d’Air Tahiti, enfin
« l’utilisation du
car régie relève du tour de force ou du bricolage »
.
Un an plus tard, le 23 février 2003, dans un courrier adressé au Président de la Polynésie
Française, le directeur général de la SEM sollicitait une subvention d'investissement spécifique à
l'acquisition d'un car régie. Il argumentait ainsi sa demande : «
Le car régie de TNTV, qui lui
permet d'effectuer toutes les retransmissions en direct ainsi que de nombreuses captations,
s'avère être totalement sous-dimensionné au point d'être en dehors des normes de la
réglementation routière et inadapté aux équipements techniques qui ont dû être ajoutés afin de
permettre de permettre le respecter le plan de charge de la chaîne
».
Mais une expertise
5
demandée conjointement par la chaîne et la collectivité de la Polynésie
française
6
met surtout en avant les conditions de l’utilisation du matériel et l’urgence qui avait
présidé au lancement de la chaîne. Chargé de décrire les difficultés résultant de l’inadéquation du
matériel ou de son mauvais fonctionnement, rencontrées par la société TNTV dans l'exploitation
de la chaîne de télévision, et d’en déterminer les causes, l’expert conclut qu’il «
est évident que
les causes premières des difficultés et problèmes trouvent leur origine dans :
- le délai anormalement court de 6 mois pour créer une chaîne de télévision, avec
11 semaines pour l’installation du matériel, alors que celui-ci est normalement d'une
année et demie, voire 2 ans ;
- la quasi-absence de maîtrise d’oeuvre tant en conception des installations, qu’en contrôle
des installations, suivi et réception ;
- le démarrage immédiat de la station sans un quelconque rodage, essais ni simulation de
fonctionnement à vide. Absence d’un service technique de maintenance… ».
Par ailleurs, chargé de décrire les difficultés résultant de l'absence de toute prestation de
formation et de maintenance, l’expert concluait que la formation prévue au marché pour servir
les matériels livrés avait bien été dispensée. Qu’elle était insuffisante parce que les pré-requis de
la plupart des personnels embauchés par TNTV étaient eux-mêmes insuffisants,
« certains
n’ayant jamais vu une caméra de télévision auparavant »
. D’où les nombreuses heures de
tâtonnement. Le démarrage de la chaîne n’a d’ailleurs été possible qu’avec des professionnels
détachés en urgence de la métropole.
5
Expertise menée au cours de l'année 2003 par un expert près la Cour d'appel de Paris et dont les conclusions ont été rendues le 16 janvier 2004.
6
Propriétaire des matériels mis à disposition de TNTV.
2. EN REGARD DU COÛT FINANCIER ÉLEVÉ, SUPPORTÉ PAR LA
POLYNÉSIE FRANÇAISE, L’APPORT ORIGINAL DE LA CHAÎNE AU
PAYSAGE AUDIOVISUEL TARDE A SE CONCRÉTISER
2.1 Un échec financier du projet qui met en cause la pérennité de la société
Malgré un soutien financier substantiel de la collectivité de la Polynésie française, la SEM
TNTV se retrouve dans une situation financière structurellement très dégradée.
2.1.1 Un résultat structurellement déficitaire
Comme permet de le constater le tableau ci-dessous, la société TNTV n’a dégagé de
bénéfices qu’en 2002 et en 2007. Le résultat d’exploitation n’a été positif que pour deux
exercices, en 2004 et 2007, en raison du versement de subventions de fonctionnement
substantielles, respectivement 971 MF CFP et 1 200 MF CFP. Ces résultats ne traduisent pas
d’amélioration de l’équilibre d’exploitation de la chaîne. Les comptes de l’exercice 2008, arrêtés
lors de la séance du conseil d’administration du 11 mai 2009, se soldent par un résultat fortement
négatif de plus de 368 MF CFP.
I
Produits d'exploitation
dont
Chiffre d'affaire net (régie publicitaire)
23 664 459
80 304 270
80 729 621
144 793 187
132 030 773
83 755 823
88 617 070
61 330 601
87 060 089
Subvention d'exploitation
211 707 500
586 000 000
697 775 000
706 200 000
971 200 000
926 200 000
833 589 219
1 200 580 000
900 000 000
Total des produits d'exploitation
248 324 616
666 307 486
799 505 342
854 968 650
1 097 295 320
1 021 301 986
898 753 098
1 298 230 167
987 062 687
Part : subvent° d'exploitation / total produits d'exploitat°
85,25%
87,95%
87,28%
82,60%
88,51%
90,69%
92,75%
92,48%
91,18%
II
Charges d'exploitation
dont
Achats de marchandises
79 188 564
154 175 646
186 032 710
190 307 086
203 411 249
273 809 089
186 691 771
201 428 704
284 736 959
Autres charges & charges externes
282 084 430
396 587 069
372 006 495
339 230 113
302 357 108
361 083 679
376 677 548
349 630 242
358 723 746
Salaires et traitements
81 170 483
172 947 577
190 636 285
269 072 516
329 806 041
382 475 728
380 128 224
406 075 495
448 129 457
Charges sociales
14 708 183
35 668 924
39 632 538
58 254 593
69 377 531
82 563 356
79 168 626
83 022 508
93 381 032
Total des charges d'exploitation
437 321 828
800 722 485
865 540 756
989 805 568
1 028 888 915
1 243 405 487
1 141 246 191
1 112 042 235
1 241 226 512
part des charges salariales / total charges d'exploitation
21,92%
26,05%
26,60%
33,07%
38,80%
37,40%
40,25%
43,98%
43,63%
I - II
RESULTAT D'EXPLOITATION
188 997 212
-
134 414 999
-
66 035 414
-
134 836 918
-
68 406 405
222 103 501
-
242 493 093
-
186 187 932
254 163 825
-
RESULTAT COURANT AVANT IMPOTS
189 278 291
-
134 111 163
-
59 524 861
-
131 302 832
-
72 498 208
221 445 354
-
242 428 486
-
183 004 344
255 307 388
-
VII - VIII
RESULTAT EXCEPTIONNEL
5 204 407
32 598 560
69 730 390
26 144 218
-
103 914 950
-
69 299 628
-
102 910 250
-
118 592 044
-
109 064 788
-
BENEFICE ou PERTE
184 073 884
-
101 512 603
-
10 205 529
158 211 311
-
32 069 203
-
290 744 982
-
349 338 736
-
60 412 300
368 372 176
-
2006
2007
2008
Intitulé
Exercices
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Evolution des postes du Compte de Résultat (2000 - 2008)
2.1.1.1 L’augmentation structurelle des charges de la société
Les charges d’exploitation ont augmenté en tendance sur la période, même si elles ont
connu des baisses en 2006 et 2007. En 2008, elles sont reparties à la hausse pour atteindre
1 241 MF CFP. Si l'on excepte l’année du lancement de la chaîne en 2000, les charges
d’exploitation se sont, en moyenne annuelle, établies à 921 MF CFP durant les années 2001 à
2004, et à 1 184 MF CFP au cours des quatre dernières années.
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Les charges de personnel constituent le plus gros poste des charges d’exploitation.
Les rémunérations et charges sociales ont crû régulièrement pour atteindre en 2008, près de
541 MF CFP, soit plus de 2,5 fois le montant de 2001, premier exercice complet. Ce montant
résulte de la croissance des effectifs de la chaîne, jusqu’en 2007, qui ont plus que doublé depuis
sa création. En 2003, un afflux important (+ 20 personnes), résultant de principalement de
l’intégration des personnels de l’institut de la communication audiovisuelle (ICA) a gonflé
l’effectif. En 2008, la chaîne a décidé de réduire substantiellement son personnel de 12 agents
(soit -12 % de l’effectif). Les effets bénéfiques devraient se faire sentir en 2009. En 2008, le coût
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moyen annuel d’un employé est d’environ 6,6 MF CFP alors qu’il n’était que d’un peu plus de
5,1 MF CFP au cours des années 2005 à 2007, ce qui traduit une augmentation moyenne des
rémunérations individuelles de près de 30 %. On notera aussi que les charges de personnel ont
été régulièrement alourdies d’indemnités amiables ou contentieuses résultant d’une rotation
importante des dirigeants ou personnels d’encadrement supérieur dont le départ était choisi ou
non.
Les charges d’antenne (production, diffusion et transmission) qui, au cours des six
dernières années, ont varié entre 382 MF CFP (2007) et 504 MF CFP (2005) ont connu une
érosion continue en valeur relative par rapport à l’ensemble des charges d’exploitation, mais
sensiblement accentuée depuis 2006.
Elle est due en partie à la baisse, à partir de 2006, des
charges de production qui jusqu’alors connaissaient une forte augmentation en valeur absolue
(près de 35 % de 2003 à 2005). L’exercice 2005 a enregistré un pic des achats de programmes
hors
Polynésie
(172 MF CFP)
et
des
achats
externes
locaux
(57 MF CFP).
Ces
approvisionnements en programmes se sont effondrés en 2006 et 2007 et progressent à nouveau
en 2008 pour retrouver leurs niveaux de 2003. De 2005 à 2008, la production interne de TNTV
est assez stable (entre 66 et 71 MF CFP), à l’exception de l’année 2006 (84 MF CFP).
Les charges de diffusion et de transport sont en apparence restées stables dans les comptes
transmis
7
à la Chambre, au cours des six dernières années à hauteur de près de 200 MF CFP en
moyenne annuelle. Cependant, le directeur général de TNTV mentionne que des factures
parvenues en mai 2009 mais se rapportant aux exercices 2007 et 2008, augmenteraient
rétrospectivement à compter de 2007, d’environ 20 % le montant moyen des charges de
diffusion
.
Ce montant inclut les charges de diffusion satellitaire nécessaires, compte tenu des
contraintes géographiques, pour assurer la diffusion des programmes de la chaîne TNTV sur
l’ensemble du territoire, conformément à l’objectif de proximité avec les populations de
Polynésie française qui lui a été assigné. N’appartenant pas au secteur public de l’audiovisuel, la
chaîne TNTV ne bénéficie pas de la gratuité prévue pour la chaîne concurrente RFO par la loi
relative à la liberté de communication
8
. Le service rendu à TNTV par l’OPT (puis TNS filialisée
en 2006), qui assure la diffusion par satellite d’un bouquet de chaîne, est fourni à titre onéreux,
bien que ces organismes dépendent indirectement de la collectivité de la Polynésie française. La
charge de transmission satellitaire (diffusion OPT/TNS) supportée par TNTV a évolué de
104,5 MF en 2005 à 70,5 MF en 2008 et représente entre le tiers et la moitié du total des charges
de diffusion et transport de TNTV. Selon le directeur général de TNTV, cette diminution ne
résulte pas d’une baisse de prix mais d’une réduction du périmètre de la prestation. En ajoutant
les coûts variables à l’abonnement de 70 MF CFP, la charge s’établirait au dessus de 100 MF
CFP. Plus globalement, elle représente, pour les années 2005 à 2008, entre 6,5 et 9 % des
charges totales de la chaîne TNTV.
Les autres charges et charges externes comprennent principalement les frais généraux qui
ont augmenté fortement en 2005 et 2006 (honoraires d’avocats, loyer du siège de TNTV).
Mais les charges, en particulier les charges exceptionnelles de la société, ont été
substantiellement alourdies par des dotations aux provisions relatives aux contentieux portant sur
l’assujettissement à la TVA et les droits à verser à la SPACEM
9
. Le résultat exceptionnel de
TNTV se dégrade durablement à compter de l’année 2004. En effet jusqu’à cette date, aucune
dotation aux provisions pour risques et charges n’avait été passée. Le commissaire aux comptes
indique que des montants équivalents avaient été comptabilisés en factures non parvenues
7
Les comptes transmis à la chambre jusqu’à l’année 2008 n’intégraient pas ces factures tardivement transmises à TNTV.
8
Loi de 1986 relative à la liberté de communication, modifiée le 1
er
août 2000. A compter de cette date, RFO pouvait contribuer à la prise en
charge de ce service ; avec la modification de la loi le 9 juillet 2004, RFO bénéficie d’un service gratuit.
9
Société Polynésienne des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, créée en 1978.
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 19 sur 61
(compte 408).
Or, les deux contentieux précités ont nécessité de reconsidérer les options prises
antérieurement et expliquent en grande partie l’importance des dotations et des reprises liées à
l’évolution de ces risques. Le premier contentieux résulte d’une appréciation divergente de
TNTV et de l’administration des contributions de la collectivité de la Polynésie française sur les
opérations ouvrant droit à déduction de TVA.
Le service des contributions a considéré que la diffusion gratuite d’émissions de télévision
n’était pas une opération ouvrant droit à déduction de TVA et qu’en conséquence les achats de
biens et de services concourant en partie à sa réalisation ne pouvaient pas donner intégralement
lieu à déduction de TVA.
En raison de son statut d’assujetti partiel, de la chaîne TNTV devait bénéficier d'une
déduction de TVA proratisée, conformément aux dispositions de l’article 345-8 du code des
impôts polynésien, selon le rapport « recettes afférent aux opérations ouvrant droit à déduction »
sur « recettes globales afférent à l’ensemble des opérations réalisées ». L’issue de ce contentieux
portant sur un litige qui remontait aux origines de la chaîne, n’étant pas certaine, la SEM TNTV
avait judicieusement adopté, malgré un jugement en premier instance qui lui était favorable, une
position prudentielle qui l’avait conduite à provisionner pour plus de 310 MF CFP. La Cour
administrative d’appel de Paris a, le 3 avril 2009, rendu un arrêt confirmant la position du service
des contributions. Compte tenu de l’issue de la procédure, défavorable à TNTV, les provisions
passées vont se transformer en pertes et ne seront donc pas reprises pour contribuer au
rétablissement de la situation financière que la chaîne escomptait.
Le litige qui oppose la chaîne TNTV à la SPACEM trouve son origine dans la
détermination de l'assiette de perception de la redevance des droits d’auteurs. Les deux
organismes n’ont toujours pas réussi à mettre en oeuvre les dispositions du code de la propriété
intellectuelle en signant un contrat général de représentation conformément à l'article L. 132-18
dudit code. Un projet de contrat général de représentation et de reproduction, rédigé en 2003,
fixant un taux différent pour les recettes de publicité et de prestations particulières et pour les
autres recettes, n'a jamais été signé. Un nouveau projet de protocole d'accord, dont les termes ont
été arrêtés en 2007 avec l'administrateur provisoire de la SPACEM, n’a pas non plus été signé.
L’assiette envisagée pour l’application du taux de 5 % ne retenait que les recettes propres de la
chaîne pour la période 2000-2006 et l’ensemble des recettes, y compris les subventions, à
compter de cette date. Le conseil d'administration de la chaîne semble plutôt favorable à la
signature de ce protocole.
Mais la situation particulière de la SPACEM, depuis plusieurs années
n’a pas permis le règlement de ce différend.
Dans sa réponse, le directeur général de TNTV mentionne que le dialogue renoué entre les
parties en août 2009 a donné lieu à de nouvelles bases de calcul de la redevance à la SPACEM.
Plus défavorables que les solutions envisagées antérieurement, ces bases de règlement du
contentieux ne sont pas, à ce jour, jugées acceptables par l’actionnaire principal de la SEM. De
fait, elles accroissent fortement les risques pour la société.
L’incertitude qui résulte de cette situation n’est pas sans conséquence financière sur la
chaîne. Au 2 juillet 2007, le commissaire aux comptes, dans le cadre de son contrôle des comptes
à la clôture de l'exercice 2006, a évalué les droits à verser à la SPACEM sur les recettes liées à
l’activité de la chaîne à plus de 31 MF CFP et sur celles provenant des subventions à plus de
246 MF CFP.
Il a demandé qu’une mention en annexe soit rajoutée indiquant qu’il existait un
risque potentiel relatif aux divergences de position entre TNTV et la SPACEM dans le calcul de
la redevance. Le rapport général du commissaire aux comptes comprend également depuis 2005
une observation destinée à attirer l’attention sur ce point. Par application du principe de
prudence
,
tant qu’un protocole d'accord n’avait pas été signé avec la SPACEM ou
l’administrateur provisoire, une provision aurait dû être passée à hauteur des risques et charges
potentiels. Or, seule, une provision pour risques et charges d’un peu plus de 28 MF CFP (bilan
2006) a été passée. Bien que proposé par la direction de TNTV au conseil d'administration, le
risque portant sur les exercices 2000 – 2006, de plus de 246 MF CFP (hors TVA
10
), n'a pas été
entièrement provisionné. Finalement, le conseil d'administration de la SEM s’est résolu à
provisionner près de 31 MF CFP (5 % sur chiffres d'affaires cumulé) et un peu plus de
60 MF CFP (5 % sur subvention 2007). Un règlement de ce litige dans un sens défavorable à
TNTV aurait de lourdes conséquences sur la situation financière déjà très dégradée de la société.
Enfin, en 2007, de lourdes pénalités, pertes et procès ainsi que des provisions pour litiges
(190 MF CFP), ont pesé sur les charges exceptionnelles. En 2008, une facture de TNS non
parvenue au cours de l’exercice, à laquelle se rapportait une charge d’un montant de 96 MF CFP,
a gonflé substantiellement les charges exceptionnelles.
2.1.1.2 Des produits, constitués à plus de 90 % de subventions, insuffisants pour couvrir
les charges
Les subventions et les ressources publicitaires constituent quasi totalité des ressources de la
SEM TNTV.
2000
Exercice
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
6mois
23,41
78,04
74,55
121,97
117,52
67,60
61,25
48,19
72,98
CA Pub. Net
9,43%
11,71%
6,64%
3,82%
% du CA total
9,58%
14,46%
10,65%
6,69%
7,41%
211,71
586,00
697,78
706,20
971,20
926,20
833,58
1 200,58
900,00
Subventions
85,25%
% du CA total
87,95%
89,62%
83,74%
88,03%
91,71%
90,39%
95,15%
91,40%
Source : Rapport annuel CAC & Extraits Gd.LivreTNTV pour 2007-2008
Principales ressources de TNTV
en millions de F CFP
En réalité, la chaîne ne survit que grâce aux subventions dont le montant n’a cessé de
croître en tendance. Les subventions ont augmenté de 53 % entre 2001 et 2008. Leur niveau a
connu un accroissement substantiel en valeur absolue à compter de 2004. Au cours des trois
premières années d'activité, 2001-2003
11
, le niveau moyen annuel de subvention s’établissait à
663 MF CFP contre 966 MF CFP au cours des années suivantes 2004 à 2008, soit une
progression de 46 %. Ces subventions se sont révélées insuffisantes puisque la société a presque
toujours enregistré des pertes, à l’exception de 2002 et 2007. Les résultats d’exploitation des
années 2004 et 2007 n’ont été obtenus qu’au prix d’une augmentation des subventions versées
par la collectivité de la Polynésie française (+ 265 MF CFP en 2004 par rapport à 2003 et
+ 367 MF CFP en 2007 par rapport à 2006).
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 20 sur 61
10
Depuis 2002, la redevance SPACEM est taxable à la TVA au taux de 10%. Le risque TVA correspondant, de l'ordre de 22 à 25 MF CFP n'a lui
non plus pas été provisionné et n'est pas intégré à la provision pour risque de la TVA.
11
L’exercice 2000, année de démarrage de la chaîne, n'est pas considéré comme significatif puisqu'il ne portait que sur 6 mois d'activité.
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Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 21 sur 61
Depuis sa création
12
, la chaîne aura reçu plus de 7,033 milliards de F CFP de subventions
d’équilibre
en
fonctionnement
auxquelles
s’ajoutent
450 MF CFP
de
subventions
d’investissement. Au terme de l’exercice 2008, la chaîne aura donc reçu près de 7,5 milliards
de F CFP de subventions. En novembre 2009
13
, 900 MF CFP ont en outre d’ores et déjà été
versés.
S’ils constituent la deuxième source de recettes, les produits publicitaires ne contribuent
que pour une faible part au financement de la chaîne. Ils n’ont dépassé 100 MF CFP qu’en 2003
(122 MF CFP) et 2004 (117 MF CFP). Au cours des quatre premiers exercices pleins 2001-
2004, le niveau moyen annuel de recettes de publicité s’établissait à environ 98 MF CFP contre
62 MF CFP au cours des années 2005 à 2008, soit une diminution de près de 58 %.
Ces ressources représentaient, en moyenne, au cours des premiers exercices (2001 à 2004) plus
de 11,6 % des produits d’exploitation contre un peu plus de 6,1 % de 2005 à 2008. A l’exception
de 2003, les recettes de publicité réalisées ont toujours été inférieures aux prévisions :
Exercice
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Prévision
60 000 000
180 000 000
96 000 000
100 000 000
120 000 000
150 000 000
103 000 000
66 000 000
104 400 000
Réalisé
23 405 831
78 041 425
74 546 686
121 965 774
117 524 725
67 604 314
61 245 546
48 190 994
72 984 238
Ecart
- 11 594 169
- 101 958 575
- 21 453 314
21 965 774
- 2 475 275
- 82 395 686
- 41 754 454
- 17 809 006
- 31 415 762
en %
- 33,13 %
- 56,64 %
- 22,35 %
21,97 %
- 2,06 %
- 54,93 %
- 40,54 %
-26,98 %
-30,09 %
2.1.2 Une situation patrimoniale alarmante, mettant en cause la pérennité de la
société
2.1.2.1 Evolution de l’actif du bilan
L’actif immobilisé
de la chaîne s’est accru jusqu’en 2002 sous l’effet de l’achat de
nouveaux matériels. De 2003 à 2007, l’actif immobilisé, qui se déprécie régulièrement, traduit un
vieillissement prononcé de l’outil de production de la SEM. Toutefois, en 2008, à la faveur de
subventions d’investissement accordées, la chaîne a pu procéder au remplacement le plus urgent
des matériels indispensables à la pérennité de la diffusion des programmes. Même après la
réalisation de ces investissements, le risque de l’ « écran noir » pouvant résulter d’une
défaillance du matériel n’est pas virtuel, mais a été amoindri.
Les immobilisations financières sont constituées de cautions.
L’actif circulant
est constitué pour l’essentiel de créances, essentiellement des
subventions à recevoir, et de disponibilités lorsque les subventions ont été versées au cours de
l’exercice. Un crédit TVA, dont la réalité a disparu après à l’arrêt du 3 avril 2009 de la Cour
administrative d’appel, participe aussi, au cours des derniers exercices, à l’importance du poste
créances.
12
De 2000 à 2008 inclus.
13
Une subvention complémentaire de 250 MF CFP, votée dans le collectif budgétaire n°3 de la collectivité de la Polynésie française, devrait être
versée à TNTV avant la fin de l'exercice 2009.
Intitulé
(montant net au 31/12 de l'année)
Immo. Incorporelle
Frais d'établissement
4 066 428
3 758 197
3 312 193
2 072 765
8 279 309
2 984 285
8 068 302
499 056
317 721
Immo. Corporelle
Terrains
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Constructions Agencements
5 332 123
5 362 206
11 575 493
15 552 372
16 078 025
35 963 942
32 180 082
33 930 815
34 102 891
Instal Techn & Mat Out Industriels
99 369 604
134 368 413
198 061 481
151 542 031
98 926 337
71 083 808
57 759 891
34 127 230
68 628 013
Autres immo corporelles
25 391 506
27 798 489
49 055 708
66 425 779
52 338 589
43 774 138
26 292 929
11 406 014
6 196 051
Immo en cours
-
-
-
-
-
8 082 839
160 939
-
-
Immo. Financières
Participations
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Créances rattachés à des participations
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Autres titres immobilisés
707 000
1 865 521
5 873 301
7 314 761
7 131 614
6 978 669
7 812 129
5 614 847
7 583 131
134 866 661
173 152 826
267 878 176
242 907 708
182 753 874
168 867 681
132 274 272
85 577 962
116 827 807
Stocks
Produits intermédiaires & finis
-
-
60 923 397
62 050 748
39 549 145
30 261 629
1 765 500
-
-
Marchandises
45 510 553
51 787 128
59 020 075
48 294 526
37 384 415
40 963 181
21 362 118
62 819 856
55 493 356
Avances
Avances & acomptes versés s/commdes
7 671 140
3 602 626
3 471 298
562 097
380 000
380 000
-
13 464 772
1 385 150
Créances
Clients et comptes rattachés
11 134 822
51 692 793
51 395 872
58 771 939
46 911 138
58 691 453
50 995 373
29 233 443
43 746 388
Autres créances
245 951 606
223 761 364
77 430 078
2 374 073
4 906 643
9 688 939
225 713 594
261 487 936
248 915 090
Capital souscrit et appelé, non versé
10 003 000
10 003 000
10 003 000
2 000
2 000
2 000
2 000
-
-
Divers
Disponibilités
123 161 989
72 947 203
140 428 720
84 727 327
243 484 579
167 968 940
88 972 915
68 509 917
14 381 166
Charges constatés d'avance
758 091
-
4 379
3 437 652
13 184 301
1 291 760
10 369 426
642 006
23 004 736
Total (II)
444 191 201
413 794 114
402 676 819
260 220 362
385 802 221
309 247 902
399 180 926
436 157 930
386 925 886
Charges à répartir sur plusieurs exercices
7 964 858
3 982 429
-
-
-
-
-
-
-
587 022 720
590 929 369
670 554 995
503 128 070
568 556 095
478 115 583
531 455 198
521 735 892
503 753 693
Total (I)
A
C
T
I
F
C
I
R
C
U
L
A
N
T
Comptes de
régularisation
TOTAL GENERAL
2008
ACTIF
A
C
T
I
F
I
M
M
O
B
I
L
I
S
E
Exercices
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2.1.2.2 La situation des capitaux propres en regard du capital social aurait dû conduire à
la dissolution de la société
Le passif du bilan fait apparaître une situation des capitaux propres très alarmante. Depuis
2004, les capitaux propres ne représentent plus la moitié du capital social.
Le niveau élevé des provisions trouve son origine dans les contentieux avec
l’administration des contributions (TVA) ou avec la SPACEM. L’arrêt du 3 avril 2009 de la
Cour administrative d’appel, défavorable à la société, aura pour conséquence des reprises de
provisions et la constatation de pertes.
Les dettes fournisseurs et comptes rattachés et les dettes fiscales et sociales se sont accrues
de 2005 à 2008, malgré une amélioration en 2007, concomitamment à l’allongement des délais
des paiements. Le directeur général indique une nouvelle amélioration de la situation en 2009
14
.
Intitulé
(montant net au 31/12 de l'année)
Capital social ou individuel
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
550 000 000
Report à nouveau
-
184 073 884
-
285 586 487
-
275 380 958
-
433 592 269
-
465 661 472
-
732 114 731
-
1 081 453 467
-
1 021 041 167
-
RESULTAT DE L'EXERCICE (bénéfice ou perte)
184 073 884
-
101 512 603
-
10 205 529
158 211 311
-
32 069 203
-
266 453 259
-
349 338 736
-
60 412 300
368 372 176
-
Subventions d'investissement
51 205 390
123 276 682
210 729 685
178 058 506
118 711 617
64 912 963
80 239 715
155 406 851
146 337 024
Total (I)
417 131 506
387 690 195
485 348 727
294 466 237
203 050 145
117 201 768
-
451 213 752
-
315 634 316
-
693 076 319
-
Provisions pour risques
-
-
-
-
155 999 794
226 570 241
463 068 437
473 228 630
555 831 348
Provisions pour charges
-
-
-
-
23 081 414
29 271 865
28 494 624
30 973 130
34 713 931
Total (III)
-
-
-
-
179 081 208
255 842 106
491 563 061
504 201 760
590 545 279
Emprunts et dettes auprès des établissements de crédit
29 844 424
21 193 714
-
91 438 366
Avances & acomptes reçus sur commandes en cours
4 055
145 039
1 559 722
-
-
-
-
-
-
Dettes fournisseurs et comptes rattachés
144 300 138
167 262 563
149 461 732
153 166 517
118 312 873
234 868 628
389 836 322
239 440 702
424 774 880
Dettes fiscales et sociales
25 587 021
35 495 165
34 059 557
47 823 445
58 610 084
66 463 809
77 175 786
92 845 521
87 075 746
Dettes sur immobilisations et comptes rattachés
-
336 407
125 257
7 671 871
9 501 785
8 298 384
2 900 067
882 225
2 995 741
Autres dettes
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Total (IV)
169 891 214
203 239 174
185 206 268
208 661 833
186 424 742
339 475 245
491 105 889
333 168 448
606 284 733
587 022 720
590 929 369
670 554 995
503 128 070
568 556 095
478 115 583
531 455 198
521 735 892
503 753 693
TOTAL GENERAL
PASSIF
C
A
P
I
T
A
U
X
P
R
O
P
R
E
S
Provis° pour risques & charges
D
E
T
T
E
S
2008
Exercices
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
La situation bilantielle de la société faisant apparaître que le montant net des capitaux
propres n’atteint plus au moins la moitié du capital social depuis l’exercice 2004 aurait dû
conduire les dirigeants de la SEM TNTV à prendre toutes les décisions qui s’imposaient. Tel n’a
pas été le cas.
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 22 sur 61
14
L’année 2009 n’est pas dans le périmètre de contrôle de la Chambre.
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 23 sur 61
Aux termes de l’article L. 225-248 du code de commerce
15
, la perte de la moitié du
capital social dans une société anonyme doit conduire, sous peine de sanctions civiles et pénales,
à la consultation des associés ou actionnaires à l'effet de statuer sur la dissolution éventuelle de la
société, à diverses mesures de publicité et, si la dissolution est écartée, à l'obligation de
reconstituer les capitaux propres de la société dans un délai de deux ans.
La réunion du conseil d'administration du 14 juin 2005, dont l'ordre du jour portait
notamment sur l'examen et l'arrêt du bilan et des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2004,
mentionnait la nécessité de
« convoquer une assemblée générale extraordinaire dans les quatre
mois de l'approbation des comptes à l'effet de se prononcer sur la dissolution anticipée de la
société ou la poursuite des activités
». Les actionnaires de la société Tahiti Nui Télévision se
sont réunis en assemblée générale extraordinaire, le 18 août 2005.
La première résolution adoptée à l’unanimité mentionne que «
l'assemblée générale,
statuant en application de l'article L.225-248 du Code de commerce décide, après avoir entendu
la lecture du rapport du conseil d'administration, qu'il n'y a pas lieu de prononcer la dissolution
anticipée de la société, nonobstant l'existence de pertes faisant apparaître un actif net inférieur à
la moitié du capital social ».
Le délai légal de deux ans imparti pour régulariser la situation courant à partir de
l'approbation des comptes de l'exercice ayant fait apparaître la perte, la régularisation devait
donc intervenir avant le 31 décembre 2007, dans la mesure où les comptes 2004 avaient été
approuvés en juin 2005. Le déficit ayant continué à se creuser, la régularisation aurait dû porter
sur le montant cumulé des pertes de l’exercice 2004 constatées en 2005 et de celles des exercices
postérieurs
16
, sans que les associés aient nécessairement à être consultés de nouveau.
La décision de procéder à la régularisation de la situation des capitaux propres est
intervenue lors de l'assemblée générale ordinaire annuelle, le 6 septembre 2007. Le rapport du
conseil d'administration qui y a été présenté, évoquait une orientation de la société vers une
reconstitution des capitaux propres, la situation des comptes à la clôture de cet exercice ayant été
estimée par anticipation :
«
Depuis 2004 les capitaux propres sont passés sous le seuil autorisé, la situation n'a cessé
de se dégrader depuis. A la clôture 2006, ils sont négatifs de 451 MF CFP.
La loi oblige à
remonter à la moitié du capital au plus tard à la clôture de l'exercice 2007
.
En partant du principe que l'exercice 2007 est équilibré, et en ajoutant la subvention
d'équilibre de 367 MF CFP 2006 accordée, et à débloquer, et enfin une subvention
d'investissement de 372 MF CFP (dont 100 MF CFP
[ont été versés]
), nous serons en mesure de
remonter les capitaux propres en solde positif de plus de 288 MF CFP, soit au-delà du seuil
légal de 50 % du capital.
Sous réserve de l'approbation par l'assemblée de Polynésie française des 272 MF CFP
inscrits au collectif budgétaire et non encore votés ; dans le cas contraire, les capitaux propres
reviendraient en positif de 16 MF CFP seulement. Nous serions contraints de procéder à une
réduction de capital pour revenir dans la légalité.
Dans les deux cas, la situation des capitaux de TNTV reviendrait dans le cadre de la
légalité et écarterait la menace d'une liquidation judiciaire faute de régularisation de la
situation nette dans les deux ans ».
15
Promulgué en Polynésie française par arrêté n°468 DRCL du 2 octobre 2000 et publié au JOPF n° 41 du 12 octobre 2000.
16
La situation des capitaux propres à la clôture de l’exercice 2005 était de -117 MF CFP et en
2006 de - 451 MF CFP.
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 24 sur 61
)
.
Or, l’hypothèse de la réduction du capital social, évoquée lors de l’assemblée générale
ordinaire, ne pouvait être retenue, au vu de la situation de TNTV. La société n’ayant pas de
réserves
17
et malgré 155 MF CFP de subventions d’investissement et de 60 MF CFP de bénéfice
en 2007, les pertes cumulées de plus d'un milliard de F CFP ne pouvaient pas être couvertes par
le capital social de 550 MF CFP. A la clôture de l’exercice 2007, soit à la date butoir pour
reconstituer les capitaux propres à la hauteur de la moitié du capital social ou pour réduire le
capital social, la situation des capitaux propres ressortait à -315 MF CFP.
Bien que cette situation eût cessé d’empirer par rapport à la clôture de l’exercice 2006
(- 451 MF CFP), elle aurait dû conduire à la dissolution, dès lors que la reconstitution des
capitaux propres de la société n’avait pas eu lieu dans le délai de deux ans imparti. D’ailleurs,
tout intéressé peut demander au tribunal de commerce de prononcer la dissolution de la
société
18
. Ces dispositions étant d'ordre public, si aucune régularisation n'a eu lieu, le juge n'a
pas de pouvoir d'appréciation et doit prononcer la dissolution
(
CA Versailles 25-11-1987 : Bull. Joly
1988 p. 82
Si le défaut de reconstitution des capitaux propres n'est assorti d'aucune sanction pénale, la
responsabilité civile des dirigeants sociaux pourrait être mise en cause au cas où leur inaction
aurait causé un préjudice à la société. Pendant 14 mois, il s’est satisfait de promesses d’obtention
de subventions. Or, les subventions attendues n’ont pas été versées à la hauteur des besoins pour
rétablir le capital de la société au niveau exigé par la loi.
En supposant qu’au cours de l’année 2008, la SEM TNTV ait eu l’intention d’agir vite
pour régulariser sa situation, elle aurait dû mobiliser des capitaux propres à hauteur de
590 MF CFP pour reconstituer son capital social à minima à hauteur de 275 MF CFP et même
plus de 865 MF CFP pour reconstituer totalement son capital social.
Cette situation de non droit a perduré jusqu’en 2009.
A la clôture de l’exercice 2008, les capitaux propres de la SEM TNTV s’établissaient à
- 693 MF CFP. Considérant alors que la continuité de l’exploitation pouvait être compromise, le
commissaire aux comptes s’est décidé à agir.
Il a, par courrier du 9 février 2009, déclenché la
procédure d’alerte en demandant au président du CA de TNTV de lui faire part, dans un délai de
15 jours, de son
« analyse de la situation et le cas échéant,
[des]
mesures envisagées ».
Il l’a
informé aussi des dispositions de l’article L.234-1 du code de commerce selon lesquelles, à
défaut de réponse ou si celles-ci ne permettent pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation,
le commissaire aux comptes invite à faire délibérer le CA sur les faits relevés par lui relatifs à la
situation de la société. Ce n’est que le 5 mai 2009, qu’il a demandé la convocation du conseil
d'administration dans le délai légal, et des engagements fermes du gouvernement sur l'attribution
de moyens assurant la pérennité de la chaîne.
Par lettre du 11 mai 2009, le président de la Polynésie française s’est engagé à attribuer
à la chaîne un complément de subventions de 475 MF CFP (en sus des 300 MF CFP déjà versés).
En outre et surtout, il a indiqué qu’il «
mettra tout en oeuvre pour l’inscription, lors des
prochains collectifs budgétaires, de la somme nécessaire au rétablissement
[des]
comptes ».
17
Selon le Lefèvre
sociétés commerciales 2007
(n° 25 292),
« la réduction du capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu
être imputées sur les réserves est, à notre avis, le seul procédé pouvant être utilisé pour régulariser la situation de la société lorsque le délai
légal a expiré. Elle constitue l'ultime moyen permettant à la société d'échapper à la dissolution (n° 25294) »
.
18
Toutefois, le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation. En outre, il ne peut pas prononcer la
dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.
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Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 25 sur 61
Depuis, deux subventions complémentaires d’un montant global de 375 MF CFP ont été votées
dans les collectifs budgétaires de la collectivité. Fin octobre 2009, elles n’avaient cependant été
que partiellement versées. Si leur versement intégral n’intervenait pas avant la fin de l’exercice
2009, le montant total des subventions de fonctionnement 2009 ne serait probablement pas
suffisant pour couvrir les charges prévisionnelles de l’exercice en cours. Dans ce cas, le résultat
devrait donc à nouveau être négatif à la clôture de l’exercice 2009.
En outre, l’apport de la part de la collectivité de la Polynésie française sous forme de
subventions d’investissement ou d’apport en capital, pour reconstituer le capital social de la
SEM, devrait être
19
de 1 243 MF CFP, ou, à tout le moins, de 968 MF CFP si la reconstitution
du capital social n’est assurée qu’à hauteur de la moitié. En outre, si l’exercice 2009 se soldait
par de nouvelles pertes, la situation de bilan à la clôture 2009 verrait, à nouveau, le capital social
amputé.
La chambre ne peut, afin d’assurer le respect de l’ordre public économique, qu’inciter
fortement la collectivité à tenir ses engagements dans les plus brefs délais, les dispositions du
code de commerce s’imposant à la société dans la situation que l’on connaît, depuis la clôture de
l’exercice 2007.
2.1.3 Le coût financier du soutien apporté à TNTV par la collectivité de la Polynésie
française
Selon le gouvernement, le projet présenté à la commission permanente de l’assemblée au
début de l’année 2000 devait rester
« dans les limites d’investissement compatibles avec les
ressources disponibles »
de la Polynésie : «
le capital devrait être fixé à 550.000.000 de francs
CFP ».
Compte tenu de son statut de SEM, il n’était pas envisagé que TNTV soit aidé pour
équilibrer son exploitation.
Concrètement, depuis la création de TNTV jusqu’à la fin de l'année 2008, la collectivité de
la Polynésie française a consacré près de 8 milliards de F CFP au soutien de la chaîne :
467,5 MF CFP en sa qualité d’actionnaire principal (85 % du capital social), 7,050 Mds
de F CFP de 2000 à 2008 de subventions d’exploitation ainsi que 450 MF CFP de subventions
d’investissement.
Compte tenu des engagements pris par son président, la collectivité de la Polynésie
française versera
20
1.150 MF CFP de subventions en 2009, auxquels s’ajouteront
les montants
nécessaires pour rétablir le capital social. La collectivité d'outre-mer devrait alors injecter
1 243 MF CFP supplémentaires (sous réserve que les actionnaires privés apportent les 15 %
correspondant à leurs parts, soit 82,5 MF CFP sur les 550 MF CFP).
Fin 2009, le gouvernement aurait alors consacré plus de 10,3 milliards de F CFP à TNTV :
- 0,467
milliards de F CFP en capital ;
- 8,200
milliards de F CFP en subventions d’exploitation ;
- 0,450
milliards de F CFP en subventions d’investissement ;
- 1,243
milliards de F CFP pour restaurer la situation du capital social à son niveau d’origine.
19
Sur la base des comptes à la clôture 2008.
20
Une subvention de 250 MF CFP décidé dans le collectif budgétaire° 3 de la collectivité de la Polynésie française
n’a toujours pas été versée à
la date du 18 novembre 2009.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 26 sur 61
Il s’avère que le coût financier annoncé de la chaîne de télévision que le projet limitait, en
2000, au montant de sa participation au capital social et de l’investissement initial, était
totalement irréaliste.
La collectivité de la Polynésie française n’a cependant pas fait preuve d’un contrôle
suffisant dans l’attribution des moyens à la chaîne. A défaut de ministère de tutelle, la demande
de subvention était transmise par la SEM TNTV à la présidence du gouvernement. Aucune
procédure écrite n'existe. Mais dans la pratique, la demande faisait l'objet d'un arbitrage à
l'occasion d'un séminaire gouvernemental (ou séminaire de majorité selon les années), puis était
transmise à la direction du Budget, à laquelle était parfois demandé un avis technique préalable.
En principe, le montant de la subvention attribuée à l’organisme demandeur était limité à la
couverture de la masse salariale annuelle. A l'occasion d'un collectif budgétaire et au vu du
résultat définitif de l'année n -1 de l’organisme, une subvention complémentaire pouvait être
attribuée. Dans un contexte de manque de suivi des organismes périphériques, la société TNTV
ne faisant pas exception, les contraintes de temps et d'alternance politique ont très souvent
conduit à une reconduction du montant de la subvention de l'exercice précédent, sans réel
examen de la situation de la société.
Jusqu’en 2008, aucune convention fixant les engagements de la chaîne TNTV en
contrepartie de l’attribution de subvention n’a été signée.
Dans sa rédaction de 2007,
l
e dernier alinéa de l’article 29 de la loi organique, prévoit
désormais que
« dans un but d'intérêt général lié au développement de la Polynésie française, la
Polynésie française ou ses établissements publics peuvent accorder des aides financières aux
sociétés d'économie mixte ou garantir leurs emprunts. Une convention conclue entre la
Polynésie française et les sociétés d'économie mixte fixe les obligations contractées par celles-ci
en contrepartie de ces aides financières ou garanties d'emprunt ».
C’est en accordant une
première subvention de 600 MF CFP et une seconde tranche de 300 MF CFP arrêtée par voie
d'avenant au titre de 2008, que la Polynésie française a signé pour la première fois une
convention avec la SEM TNTV.
Force est de constater que les obligations exigées en contrepartie de l’aide financière,
rédigées de façon très générales, ne se sont limitées qu'à la mise en oeuvre de l'objet même de la
SEM.
2.2 L’apport original annoncé par le gouvernement lors de la création de la
chaîne a tardé à se concrétiser sans que la satisfaction des attentes spécifiques
des populations locales soit certaine
L’appréciation de la performance de TNTV doit se faire à l’aune du cadre de référence que
constitue la convention liant TNTV et le CSA. Outre les interventions du CSA pour rappeler la
chaîne à ses obligations, la Chambre estime que la tonalité originale de TNTV a tardé à se
manifester et que la chaîne ne satisfait pas avec certitude les attentes des populations locales.
M. FRANCO, ancien directeur général a indiqué dans sa réponse aux observations provisoires
qu’«
il
[lui]
est difficile de souscrire totalement aux commentaires
» de la Chambre sur ce point.
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Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 27 sur 61
2.2.1 Le cadre conventionnel de référence liant TNTV au CSA
Le service proposé par TNTV est défini par une convention
21
signée avec le Conseil
supérieur de l’audiovisuel en 2000 et renouvelée en 2005, portant sur
« les règles particulières
applicables au service TNTV édité par la société TNTV et les prérogatives dont dispose le CSA
pour assurer le respect, par l’éditeur, de ses obligations »
dans le cadre des dispositions
législatives et réglementaires relative aux chaînes hertziennes en clair.
Elle comporte des dispositions relatives à la composition du capital, à la durée du service,
aux caractéristiques générales du programme, aux engagements de diffusion et de production,
aux obligations générales et déontologiques (équilibre et pluralisme à l’instar du secteur public
de l’audiovisuel), aux règles en matière de publicité, de parrainage et aux dispositions relatives
au contrôle et aux sanctions contractuelles.
Elle constitue donc le document de référence à partir duquel s’exerce la régulation de
l’autorité administrative indépendante. La chaîne a dû, dans ses premières années, être rappelée à
ses engagements par le CSA, en matière de programmation d’oeuvres cinématographiques ou
d’oeuvres d’expression originale française, et de pluralisme.
C’est dans ce cadre défini conjointement par la société TNTV et l’autorité de régulation
que la chaîne a été en mesure de mettre en oeuvre les moyens de nature à permettre d'atteindre les
objectifs généraux qui avaient été annoncés à sa création :
« lancer une télévision de proximité,
publique et gratuite, à caractère éducatif, social et culturel, destinée à refléter les réalités
polynésiennes et à satisfaire les attentes spécifiques des populations locales ».
Dans ce cadre, le conseil d’orientation, chargé conventionnellement de définir les
orientations générales en matière de programmation et d’assurer le respect du pluralisme, n’a pas
réellement fonctionné. C’est le directeur général de la chaîne qui a assumé, souvent seul, la
responsabilité de la programmation, censée tendre vers les objectifs annoncés au moment de sa
création.
2.2.2 Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rappelé que le projet de TNTV devait
s’inscrire dans le cadre des dispositions conventionnelles
2.2.2.1
Le CSA est intervenu pour faire respecter les quotas de diffusion d’oeuvres
cinématographiques et d’oeuvres d’expression originales françaises
La convention de 2000 définit le service proposé par TNTV comme « un service de
télévision à caractère social, culturel et éducatif … », celle de 2005 ajoutant la dimension
généraliste du service. Dans ce cadre, l’éditeur, qui favorise la diffusion des différentes formes
d’expression de l’identité culturelle polynésienne et régionale, doit faire ses meilleurs efforts
pour réserver, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d’oeuvres
audiovisuelles, une part majoritaire à la diffusion d’oeuvres européennes et à la diffusion
d’oeuvres d’expression originale française.
21
Les conventions des 21 juin 2000
et du 1er février 2005 ont été annexées respectivement aux décisions du CSA des 27 juin 2000 et 11 juillet
2005, autorisant l’usage des fréquences hertziennes.
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plura
française et
à la m
cter le principe du caractère pluraliste de l'expression
des courants de pensée et d'opinion,… ».
tion doivent être
exposés par les rédactions avec un souci constant d'équilibre et d'honnêteté ».
e pour organiser l’accès équitable à l’antenne de tous les
courants d’expression socioculturels.
rappelés à leurs obligations déontologiques : ils doivent veiller à respecter une présentation
Or, depuis le lancement de la chaîne, le CSA a dû prononcer des mises en demeure et
engager une procédure de sanction. En 2001 et 2004, le CSA avait en effet constaté, d’une part
que la chaîne ne respectait pas ses engagements en matière de diffusion d'oeuvres
cinématographiques européennes (2 % en 2001, 7 % en 2002 et 5 % en 2003 au lieu de 60 %) et
d'oeuvres d'expression originale française (0 % en 2001, 1,5 % en 2002 et 1 % en 2003 au lieu de
40 %) et d’autre part, que TNTV avait diffusé 98 % d'oeuvres cinématographiques d'autres
origines, essentiellement américaines.
Une procédure de sanction, initiée en 2004, concernait aussi la protection des mineurs, le
conseil ayant aussi relevé, au cours des trois premières années, la diffusion d’oeuvres
cinématographiques interdites aux mineurs de 12 ou 16 ans à des horaires inappropriés.
2.2.2.2
Le non respect du pluralisme mis en cause par le CSA jusqu’en 2005
Eu égard au contexte de sa création, la chaîne a, dès l’ouverture de l’antenne, souffert
d’une suspicion quant à sa neutralité.
Sous l’impulsion des interventions du CSA, notamment pendant les périodes électorales de
2004 et 2005, la neutralité de la chaîne s’est laborieusement installée.
La chaîne a ainsi été mise en demeure le 24 février 2004
22
, pour non respect du
lisme :
« Considérant qu'il ressort des relevés une nette surreprésentation du temps de parole
accordée, dans le traitement de l'actualité locale, au gouvernement de la Polynésie
ajorité territoriale (25h 45mn 3s), au détriment de l'opposition 5h 27mn 15s
Considérant que cette surreprésentation constitue un manquement au pluralisme de
l'information ainsi qu'à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion ; [Article 1
er
],
La société …est mise en demeure de respe
Moins d’un an après, à la suite du débat que TNTV avait organisé le 25 janvier 2005 avec
des représentants des sept listes participant à la campagne, l'impartialité de l'animateur avait été
mise en cause par certains participants qui considéraient qu'il avait fait preuve de complaisance
vis-à-vis du président de Polynésie française. Le CSA a donc rappelé à la chaîne que «
les
comptes rendus, commentaires et présentations auxquels donnent lieu cette élec
Par lettre du 8 février 2005, à l’issue de la campagne électorale, le CSA a souhaité préciser
à nouveau à la chaîne TNTV, les recommandations relatives au principe d'équité du temps de
parole dévolu aux personnalités politiques. Dans la convention annexée au renouvellement de
l’autorisation en 2005, le CSA force le trait et rappelle que l’éditeur veille à un accès pluraliste
des formations politiques à l’antenne dans des conditions de programmation comparables
(2005) ; qu’il prend toute mesure util
En outre, les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne sont
22
Décision n° 2004-77.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 29 sur 61
honnête des faits évoqués et des questions traitées et assurer l’équilibre dans l’expression des
différents points de vue aussi bien dans les commentaires que dans les entretiens et les débats.
Pour les émissions d’information politique et générale, le CSA recommande à l’éditeur de
faire appel à des journalistes professionnels placés sous la responsabilité de la direction de
TNTV. L’éditeur doit faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de
l’information. Le procédés de « micro-trottoir » ou de vote des téléspectateurs ne doivent pas
être présentés comme représentatifs de l’opinion générale. L’éditeur doit aussi veiller à ce que
les émissions d’information politique et générale qu’il diffuse soient réalisées dans des
conditions qui garantissent l’indépendance de l’information. Enfin, l’éditeur porte à la
connaissance du CSA les dispositions qu’il met en oeuvre à cette fin.
Depuis, le comité technique radiophonique (CTR), représentant localement le CSA, a
accordé un satisfecit à la chaîne pour la manière dont elle avait couvert les dernières campagnes
électorales.
2.2.3 La tonalité originale de TNTV reflétant les réalités polynésiennes a tardé à se
manifester
2.2.3.1 En dépit des efforts réalisés les dernières années, la production locale demeure
inférieure à celle achetée hors de Polynésie et tarde à se rapprocher des objectifs annoncés
La délibération créant la chaîne TNTV, une télévision de proximité,
« proche des gens
auxquels elle s’adresse, attentive à leurs besoins, à l’écoute de leurs curiosités »,
indiquait que
la part de production propre de programmes de types Services, Miroir, Mémoire et Ouverture,
couvrirait environ trois heures quotidiennes. Les émissions produites comprennent des émissions
d’information, des magazines thématiques, culturels, de service, ou de découverte, des jeux ainsi
que des captations culturelles et musicales. Un journal consacré à l’actualité locale doit être
diffusé quotidiennement en français et en tahitien.
La convention prévoyait une durée quotidienne d’émission fixée à 19 heures jusqu’en
2005, date à laquelle, elle a été ramenée à 18 heures.
Pour satisfaire, les exigences de la programmation sur une telle amplitude, la part des
programmes achetés hors de la Polynésie française a constamment été supérieure à celles des
programmes produits pas TNTV ou achetés localement.
La production originaire de Polynésie, est, en 2008, l’oeuvre de TNTV à hauteur de 80 % du
volume quotidien. Elle est concentrée sur la rédaction (journaux télévisés, magazines de sociétés,
sport, débats, etc.), qui représente 1/3 du volume de la production locale et la production
(documentaire, magazine, musique, arts, culture, etc.), qui en représente près de la moitié. La
production extérieure à la chaîne représente 20 % de la production locale diffusée sur TNTV
dont
la moitié est constituée des émissions du centre territorial de recherche et de documentation
pédagogique et de la publicité/téléachat.
La nature des programmes produits localement commence à tendre au cours des dernières
années (2007 mais surtout 2008 et 2009) vers les objectifs assignés à la chaîne. Cependant la
chaîne TNTV constate que ses compétences artistiques et techniques limitées pour la production
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 30 sur 61
locale ne sont qu’insuffisamment relayées par la production externe locale qui pourrait être
diffusée sur la chaîne.
TNTV ne dispose, en effet, que d’un budget limité pour soutenir la production locale. En
2008, elle a injecté 41 MF CFP dans le tissu local (hors aide à la production audiovisuelle et
cinématographique APAC
23
) pour aider à la production privée diffusée sur la chaîne. Pour
l’essentiel, elle contribue à faire accorder les aides APAC en signant une lettre d’intention de
diffusion. Lorsque le produit est réalisé, TNTV acquiert les droits de diffusion. Le
développement de la production audiovisuelle et cinématographique locale, outre l’apport direct
pour la Polynésie, en termes de développement économique, certes modeste, renforcerait la place
des programmes en prise avec les réalités polynésiennes dans la grille de la chaîne. Des émissions
en langue tahitienne (soit tournées directement en cette langue, soit doublées), que la chaîne n’a
pas les moyens de produire, pourraient être encouragées par ce fonds et achetées in fine par
TNTV.
Dans sa réponse aux observations provisoires, M. FRANCO indique que
« selon certaines
règles édictées par le CSA, la part de production locale aurait été égale à la part de production
achetée »
et que
«
dans ce cas le budget de TNTV aurait doublé, voire triplé
». Il estime aussi
que la satisfaction du volume de production locale exigé
« peut aussi inciter les chaînes à réduire
leurs plages de diffusion horaires pour rester dans les quotas donc de diminuer le service
apporté aux téléspectateurs ».
2.2.3.2 La production locale diffusée, qui progresse en volume ces dernières années, se
répartit sur l’ensemble de la grille mais accorde une large part à la rediffusion
En raison de l’absence de fonctionnement du conseil d’orientation et malgré des velléités
ponctuelles de membres du conseil d’administration d’infléchir la ligne éditoriale vers une
télévision plus thématique, la direction de la chaîne a assumé la définition de la grille des
programmes. Au cours des dernières années, l’accent a été mis sur la diffusion de la production
locale pour commencer à tendre vers l’objectif de mieux refléter les réalités polynésiennes.
La convention impose que le programme comporte au moins 14 heures d’émissions
produites localement en première diffusion en moyenne hebdomadaire. Sur la base des bilans
annuels de la chaîne transmis au CSA, la chambre a reconstitué l’évolution de la diffusion et de
la rediffusion de la production locale. Supérieure à 30 % des heures d’antenne aux débuts de la
chaîne, la production locale diffusée s’est effondrée, en 2002 (18 %), pour ensuite se
« stabiliser » autour de 25 %. L’année 2007 enregistre une augmentation de la production locale
(35 % de la grille des programmes), confirmée en 2008 (38 %). Sur l’ensemble de la période,
l’exigence de programmer 14 heures de production locale en première diffusion a toujours été
respectée, à l’exception de l’année de lancement. L’inflexion sensible de la politique de
programmation au cours de ces deux dernières années a porté le nombre d’heures de diffusion de
la production locale à près de 7 heures quotidiennes dont près de 3 heures quotidiennes en
1
ère
diffusion.
23
L’aide à la production audiovisuelle et cinématographique (APAC) a été créé par délibération du 25 septembre 2007. Ce fonds est réparti en
quatre fonds : l’écriture du scénario, le développement, la réalisation et la production, et le financement de manifestations (FIFO).
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 31 sur 61
(Source : TNTV)
Le constat est donc fait que la production locale diffusée dépasse en moyenne largement le
tiers de la grille des programmes quotidienne, tout en notant que ce volume est atteint par le
recours à une importante rediffusion. On doit constater aussi que l’information, et en particulier
les journaux télévisés, occupe une part importante de la diffusion et de la rediffusion. TNTV ne
se distingue cependant pas sur ce plan de sa concurrente RFO.
La diffusion de la production locale s’est aussi répartie plus amplement au cours de la
journée. La dimension locale des programmes de TNTV couvre ainsi des plages horaires plus
larges à différents moments de la journée. Il en résulte, en partie, l’apparition, depuis 2007, de
« pics d’audience » du matin et du midi qui peuvent attester d’une meilleure proximité de la
chaîne.
2.2.4 La chaîne ne satisfait pas avec certitude les attentes spécifiques des populations
locales
Si l’offre de programmes diffusés a évolué dans le sens d’une plus grande proximité
apparente avec les réalités polynésiennes, rien ne permet d’affirmer avec certitude, faute de
disposer d’objectifs d’audience à atteindre et d’outils d’analyse suffisamment fins, que la chaîne
TNTV satisfait bien «
les attentes spécifiques des populations locales
».
2.2.4.1.Une progression de l’audience difficile à apprécier en l’absence d’objectif de
référence.
La mesure de l’audience en 2003 accordait à TNTV 21 % de téléspectateurs. En 2007, les
sondages (Etude Media 2007 – TNS) lui accordaient 38 %, soit 6 % de mieux qu’en 2006.
L’ambition de TNTV est de dépasser les 40 % et d’être ainsi la 1
ère
chaîne de télévision en
Polynésie en 2010. L’audience semble avoir progressé tout au long de la journée, à l’exception
de deux tranches horaires. Cette progression, apparemment flatteuse, est cependant difficile à
apprécier dès lors qu'à son lancement, aucun objectif d’audience n’avait été assigné à la chaîne.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 32 sur 61
La seule référence avancée, peu crédible, indiquait que la chaîne devait dès 2003 capter la moitié
du marché publicitaire télévisuel.
L’étude approfondie réalisée en 2007 a apporté un éclairage sur le public qui regarde
TNTV ou sur la nature des programmes regardés.
Le directeur général précise que cette étude
,
« de large envergure a été commandé à TNS/SOFRES en avril 2007, pour préparer la
réorganisation de la production locale et la nouvelle grille et afin de mesurer les attentes de ses
téléspectateurs. Cette enquête a servi à l’élaboration de la nouvelle grille ».
Se basant
notamment sur cette étude, les dirigeants de TNTV indiquent que l’audience de la chaîne est
beaucoup plus forte (en données relatives) dans les archipels éloignés ou dans la partie rurale de
Tahiti que dans sa partie urbaine. Ils en tirent argument pour affirmer que la chaîne TNTV
entretient voire crée le lien entre les Polynésiens géographiquement éloignés. Selon eux, les
émissions locales auraient un grand succès auprès de ces petits groupes de population. Mais les
mesures d’audience, souvent trop globales
,
ne rendent pas compte de l’impact de la chaîne
TNTV auprès des publics isolés. Il faudrait donc disposer d’enquêtes au niveau des archipels
pour pouvoir confirmer cette audience. Dès lors, il est difficile de porter une appréciation
certaine sur la corrélation entre l’accroissement de la diffusion de productions locales et la
progression globale de l’audience.
2.2.4.2.Une plus large présence des langues polynésiennes est demandée
Malgré les conclusions de l’étude de 2007, fondées sur des critères qualitatifs ou de
satisfaction des téléspectateurs
,
il n’est pas aisé d’apprécier si les programmes de TNTV sont en
phase avec les attentes spécifiques des populations locales. On ne peut réduire le critère de
proximité à la seule quantité de production locale.
Le contenu des émissions doit aussi être examiné selon des critères permettant de mesurer
leur proximité thématique, culturelle et linguistique avec les attentes des téléspectateurs.
Apparemment plus proche de ces attentes, la programmation n’empêche pas l’expression du
souhait par l'actionnaire principal de voir diffuser plus d’émissions en langue tahitienne, au-delà
du journal consacré à l’actualité locale diffusé quotidiennement en français et en tahitien. La
convention prévoit d’ailleurs une part plus large aux autres langues polynésiennes, le marquisien,
le paumotu et le mangarévien. Des progrès pourraient être faits notamment en ce qui concerne
les documentaires produits en Polynésie française, les fictions en langue tahitienne ou dans une
autre
langue
polynésienne.
TNTV,
elle-même,
estime
nécessaire
de
soutenir
plus
substantiellement la production locale de fictions ou de documentaires, par une réforme de l’aide
à la production audiovisuelle et cinématographique. Elle s’associe à toute initiative dans ce
domaine. La chaîne est cependant confrontée à des problèmes de coût qui expliquent que les
émissions d’information, et plus largement les émissions de plateau, sont privilégiées par rapport
aux émissions de terrain ou aux fictions. Pour pallier le frein que constitue le coût de la
production locale, la chaîne a récemment signé un partenariat d’échanges de programmes avec
d’autres télévisions océaniennes : TV Maori, TV Fidji et TV Vanuatu.
Dans sa réponse, le directeur général informe que
«TNTV a fait de gros efforts dans sa
grille de rentrée de septembre 2009. S’ajoutent plus d’émissions en tahitien et l’arrivée pour la
première fois d’émissions-débats en langues régionales. Ces transformations ont permis à TNTV
de presque tripler le volume des émissions consacrées aux langues locales et de faire passer la
production locale à près de 5H par jour.
Il signale aussi l’ouverture de la chaîne sur le Pacifique
avec
«l’arrivée prochaine dans la grille d’un rendez-vous océanien, …, émission …diffusée dans
le cadre des échanges de programmes initiés par TNTV et les TV de la région ».
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3. L’ADMINISTRATION ET LA GESTION ADMINISTRATIVE ET
FINANCIERE DE LA SEM ONT CONNU DES LACUNES
3.1 L’administration de la chaîne, qui repose sur une forme statutaire
inadaptée, a connu des dysfonctionnements
3.1.1 Le choix du statut de la chaîne TNTV est inadapté, notamment en raison de son
mode de financement
3.1.1.1 La chaîne TNTV a pris la forme statutaire d’une société d’économie mixte
Conformément à la loi organique
24
, l'assemblée de la Polynésie française a décidé, par
délibération n° 2000-27 APF du 17 mars 2000, la création de la société d’économie mixte
dénommée Tahiti Nui Télévision. L'arrêté n° 613/CM du 4 mai 2000
a autorisé la Polynésie
française à procéder à la souscription de 233 750 actions émises par la société TNTV pour un
montant total de 467 500 000 F CFP.
L'administration de la société TNTV est régie par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative
aux sociétés d'économie mixte locales, pour ses dispositions applicables en Polynésie française,
par la délibération n°2000-38 APF du 30 mars 2000 fixant les statuts types des SEML associant
la Polynésie française ou ses établissements publics, et par les dispositions applicables du code
de commerce, ainsi que les statuts de la société.
Par ailleurs, le conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé, par décision n° 2000-316 du
27 juin 2000, la société TNTV à utiliser des fréquences pour l’exploitation d’un service de
télévision à caractère social, culturel et éducatif diffusé en clair par voie hertzienne terrestre dans
le territoire de la Polynésie française. La chaîne doit donc obéir aux règles spécifiques de ce
secteur d’activité rappelées dans la convention annexée à la décision du CSA.
Les statuts de la société TNTV, dont l’objet est très large, ont été rédigés par l'office
notarial Cormier et Calmet, et enregistrés par le receveur, conservateur des hypothèques le
31 mai 2000.
Le capital social a été fixé à 550 MF CFP. Il est divisé en 275 000 actions de 2 000 F CFP
chacune, réparties entre différents actionnaires dont la Polynésie française à hauteur de 85 %
(233 750 actions soit 467,500 MF CFP), la Société civile de participation audiovisuelle en
Polynésie (SCPAP) à hauteur de 4,09 %, (11 246 actions soit 22,492 MF CFP), la société Wan
Holding Participations à hauteur de 3,64 % (10 000 actions soit 20,000 MF CFP), la Brasserie de
Tahiti SA à hauteur de 3,64 % (10 000 actions soit 20,000 MF CFP), la société Electricité de
Tahiti (EDT)
25
à hauteur de 3,64 % (10 000 actions soit 20,000 MF CFP).
24
Article 66 de la loi organique de 1996.
25
EDT a racheté, au cours de l'exercice 2001, 10 000 actions à la Société civile de participation audiovisuelle en Polynésie (SCPAP).
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3.1.1.2 Le statut de société d’économie mixte de la chaîne TNTV n’est pas adéquat, compte
tenu du versement durable de subventions d’équilibre
A aucun moment, lors de la création de la chaîne, le projet n’avait envisagé l’intervention
récurrente de la collectivité de la Polynésie française pour équilibrer l’exploitation de la SEM
TNTV. Pourtant, le versement de subventions s’est avéré vital pour TNTV puisqu’il constitue la
quasi-totalité de ses ressources. La collectivité de la Polynésie française verse en effet à la
société depuis sa création, une subvention représentant en moyenne 86 % des ressources de la
chaîne. Même avec ce niveau de subvention, la SEM est dans l’incapacité d’assurer durablement
l’équilibre de ses comptes, le capital social étant d’ailleurs amputé de plus de la moitié par les
pertes cumulées. L’attribution de subventions d’équilibre porte atteinte au respect du principe
général du droit de la liberté du commerce et de l’industrie. Dans ces conditions, la poursuite
d’un soutien financier public aussi prononcé, sans contrepartie, aurait pu être assimilée par le
juge administratif, s’il avait été saisi, à ce qu’il qualifie ordinairement d’erreur manifeste
d’appréciation lorsqu’il traite de la régularité des aides des collectivités locales à leurs SEM.
Le statut de société, fût-elle d’économie mixte, n’est donc pas adapté à l’intervention
économique permanente de la collectivité de la Polynésie française dans le fonctionnement de la
chaîne TNTV.
Le principe d’intervention économique de la Polynésie française a été consacré récemment
dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 18 mai 2006, qui affirme qu’ :
«
aucune disposition constitutionnelle ou législative n’interdisent au territoire de la Polynésie,
qui dispose d’une compétence de droit commun, d’intervenir en matière de développement
économique ou d’aide aux entreprises concurrentielles
».
Mais, en qualité de personne publique, la Polynésie française doit cependant tenir compte
du fait qu’elle agit dans un cadre d’action limité. La collectivité d’outre-mer, actionnaire
majoritaire d’une SEM, doit notamment se conformer au cadre juridique défini par les principes
généraux du droit national et international applicables aux interventions économiques au profit
d’entreprises du secteur concurrentiel.
Les subventions d’exploitation sont donc en principe interdites, exception faite, sous
certaines conditions, d’une aide versée à une entreprise en difficulté
26
. Le soutien public à des
structures déficitaires, sans plan réaliste et approuvé de retour à l’équilibre, a toujours été l’objet
de sanctions de la juridiction administrative. Le droit d’intervention de la collectivité, sous quelle
que forme que ce soit, reste limité dans son principe et son montant, par le simple effet des
principes généraux du droit, qui demeurent applicables sur tout le territoire français, même en
l’absence de transposition de dispositions légales à la Polynésie française. C’est donc, sous le
double aspect de la disproportion manifeste de l’aide accordée au regard de son effet
économique général et de la situation financière propre du bailleur de fonds, en l’occurrence la
Polynésie française, que l’illégalité aurait pu être constituée si le juge administratif avait eu à en
connaître.
26
Article 611-1 du code de commerce annexé à l’ordonnance n°2000-912 du 18 septembre 2000 rendu applicable en Polynésie française par
l’arrêté de promulgation n°468 DRCL du 2 octobre 2000.
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Dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité, le Haut-commissaire précisait, le
16 juillet 2007
27
, au Président de la Polynésie française que l’
« intervention [était] toutefois
subordonnée à l’existence d’un intérêt général ».
Il indiquait aussi que dans l’hypothèse où il
serait saisi,
« outre cette notion « d’intérêt général », le juge administratif [serait] conduit à
apprécier la légalité de l’intervention également en fonction des critères suivants :
-
l’intervention ne doit pas être disproportionnée au regard de l’intérêt public
qu’elle présente ;
-
la participation ne peut avoir comme fondement de combler des déficits, … ».
Le site des entreprises publiques locales (SEM) rappelle aussi :
« Certes, l’intérêt général
est bien évidemment primordial et nécessaire mais l’on ne saurait méconnaître que les SEM
relèvent également d’une logique économique qui est celle du droit commun. Toute finalité de
société commerciale – et les SEM ne sauraient déroger à ce principe – est le profit... Ce concept
qui choque parfois, est conforme au voeu du législateur qui, dès 1983, a voulu l’alignement du
régime des SEM sur celui des sociétés commerciales. C’est pourquoi, pour éviter toute
mésaventure fâcheuse, tout projet de SEM devra nécessairement s’appuyer sur un certain
réalisme économique».
Le versement de fonds publics aux sociétés d’économie mixte doit donc désormais rester
dans ce cadre légal, applicable aussi en Polynésie française. Le statut de SEM de la chaîne
TNTV n’est pas compatible avec la mise sous perfusion publique résultant de l’intervention
récurrente et très substantielle de la collectivité de la Polynésie française dans l'équilibre
financier de la société, en contradiction avec les principes encadrant les interventions
économiques publiques.
3.1.1.3 Dans l’hypothèse où la collectivité souhaiterait pérenniser la chaîne TNTV, le
statut de l’organisme devrait être modifié
Le directeur de la chaîne a interrogé son consultant
28
aux fins de savoir quelle était la
forme juridique la mieux adaptée à la situation économique et financière de la SEM TNTV.
Selon ce dernier,
« les différents critères d’attribution des aides publiques par la collectivité de
Polynésie française au profit de la SAEM tels que ci-dessus dégagés (correspondre à un intérêt
public local, faire l’objet d’une convention, aide exceptionnelle tendant à un redressement
durable, respect des grands principes de l’intervention publique dans le secteur concurrentiel et
donc respect de la liberté d’entreprendre), ne sont qu’imparfaitement respectés et qu’il s’agit là
de difficultés structurelles ».
Il en déduit que seule la forme de l’établissement public industriel
et commercial (EPIC) pourrait convenir à TNTV parce
« qu’à cet égard, la loi organique n°
2004-192 ne porte aucune restriction et il apparaît que la loi du 30 septembre 1986 modifié par
celle du 7 mars 2007 relative à la liberté de communication n’est pas davantage de nature à
constituer un obstacle à cette constitution ».
Or, la création d’un EPIC semble poser les mêmes problèmes d’intervention économique
que pour une SEM. En outre, la loi relative à la liberté de communication comporte des
exigences qui ne permettent pas de retenir ce statut. En effet,
« selon l’article 30 de la loi n° 86-
1067 du 30 septembre 1986 modifiée, la création d’une télévision locale hertzienne terrestre
analogique
[encore d’actualité dans les collectivités d’outre-mer]
est soumise à la délivrance
d’une autorisation par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, au terme d’une procédure d’appel
aux candidatures
[sauf cas particulier de la Polynésie française].
Peuvent être candidats, outre
27
Après diffusion par la presse des conclusions du rapport d’audit de juillet 2006, commandé par le président d’Air Tahiti Nui en fonctions,
M. Eric POMMIER au cabinet Simmons & Simmons.
28
La Chaîne TNTV a passé, en mars 2007, une convention d’assistance juridique avec le cabinet de Me° Quinquis.
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les sociétés commerciales et les associations, les sociétés d’économie mixte locale, les sociétés
coopératives d’intérêt collectif et les établissements publics de coopération culturelle
29
».
Il reste que pour respecter les impératifs relatifs aux aides économiques et les dispositions
garantissant le pluralisme, le statut de la chaîne de télévision, devrait être modifié.
Une autre hypothèse, évoquée par le consultant, est la création d’une société réunissant
deux organismes satellites direct ou indirect de la collectivité d'outre-mer, TNTV et la société
TNS qui distribue un bouquet de chaînes par satellite. Cette unification de l’intervention de la
collectivité de la Polynésie française dans l’audiovisuel et le nouvel équilibre financier de ce
secteur qui pourrait en résulter, tout en mettant fin à la situation juridique irrégulière
30
de TNS,
est à explorer par la collectivité, dans le cadre général de la réflexion qu’elle aura à mener sur
l’évolution du paysage audiovisuel en Polynésie française.
3.1.2 Les organes institués pour l’administration de la chaîne ont eu un
fonctionnement perturbé
3.1.2.1 La composition du conseil d’administration et le non accomplissement de certaines
formalités ont pu altérer l’efficience et la transparence de la SEM.
A certaines périodes
31
, des membres du gouvernement ont été désignés représentants de la
Polynésie française au conseil d’administration de TNTV. Le CSA a contesté leur nomination. Il
a ainsi saisi le Conseil d'Etat de la composition du conseil d'administration du 16 septembre
2007, nommé par le gouvernement TEMARU, afin qu’il statue sur ce point. Le changement de
gouvernement en avril 2008, a cependant mis fin à l’irrégularité.
En septembre 2008, à l'occasion du renouvellement des membres du conseil
d'administration, le président du gouvernement de la Polynésie française a envisagé de désigner
un nouvel administrateur, sur le quota réservé à la collectivité publique, qui serait issu du
personnel, dans le but de le faire bénéficier de la dérogation qui n’exige pas des représentants de
la personne publique de détenir une action. Un élu du personnel, a ainsi été nommé
32
représentant de la Polynésie française au conseil d'administration de TNTV. Or, cet élu est
également secrétaire du comité d'entreprise, délégué du personnel et secrétaire du comité
d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ces responsabilités ne sont pas
compatibles avec le code du commerce qui régit les SEM. En effet, l'article L.225-30 dispose
que : «
Le mandat d'administrateur élu par les salariés est incompatible avec tout mandat de
délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, de délégué du personnel ou de membre du
comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société. L'administrateur qui, lors
de son élection, est titulaire d'un ou de plusieurs de ces mandats doit s'en démettre dans les huit
jours. A défaut, il est réputé démissionnaire de son mandat d'administrateur
». Cet élu est en
situation d’incompatibilité telle qu’elle résulte du code de commerce et devrait être démis
d’office de sa fonction d’administrateur, dès lors qu’il ne s’est pas démis de ses autres fonctions
de représentation au sein de la société.
29
Depuis juillet 2004 (dispositions introduites par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services
de communication audiovisuelle).
30
Voir rapport OPT page 7/105.
31
Arrêté n°612 CM du 4 mai 2000 et arrêté 1326 CM du 16 septembre 2007 nommant des ministres membres du conseil d'administration.
32
Par arrêté n° 9 du 8 janvier 2009 et reconduit par arrêté 532 CM du 23 avril 2009.
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Par ailleurs, des formalités relatives à la transparence des délibérations du conseil
d'administration paraissent n’avoir pas été accomplies. Ainsi, les délibérations du conseil
d'administration ne sont pas constatées par des procès-verbaux inscrits sur un registre spécial,
contrairement à ce que prévoit l’article 20 des statuts. Par ailleurs, il n’est pas établi de
délibération, constituant un document spécifique, mentionnant clairement le contenu des
résolutions ou décisions adoptées, en complément du procès-verbal qui relate les différents
débats préalables à ces décisions, permettant l’intervention du représentant de l’Etat lorsqu’une
délibération de la SEM serait de nature à augmenter gravement la charge des collectivités
actionnaires.
L’obligation de déclaration de la situation patrimoniale des dirigeants lorsque le chiffre
d’affaires excède 90 MF a été remplie par le directeur général actuel.
Cette déclaration, établie
en début et fin de fonction, doit être adressée en recommandé avec accusé réception à la
commission pour la transparence financière de la vie publique à Paris. Malgré le rappel
systématique par les services du haut-commissariat (DRCL) de cette obligation, il n’a pas été
rapporté que les prédécesseurs du directeur général actuel aient rempli cette obligation.
L’obligation
d’information
de
la
collectivité
par
ses
représentants
au
conseil
d'administration de la SEM et du gouvernement n’a, elle non plus, pas été remplie. Or, l’article
29 du statut
33
, stipule que
« les représentants des personnes publiques adressent chaque année
un rapport écrit aux assemblées délibérantes qui les ont désignés, sur lequel elles se prononcent.
Lorsque ce rapport est présenté à l’assemblée spéciale, celle-ci en assure la communication
immédiate aux mêmes fins aux organes délibérants des collectivités et groupements qui en sont
membres ».
Le
secrétariat général de l'assemblée de la Polynésie française ne dispose d'aucun
rapport d'information sur l'activité de la SEM établi par les représentants de la collectivité
d'outre-mer, nommés au sein du conseil d'administration. Le secrétariat général du
gouvernement, pour sa part, a également confirmé que malgré la formation spécifique dispensée
aux dirigeants de SEM et les différentes relances auprès des intéressés via le ministre de tutelle,
le gouvernement ne parvient pas à se faire communiquer le rapport individuel annuel exposant
l'activité et la santé financière des sociétés.
3.1.2.2 La rotation accélérée des dirigeants a perturbé le fonctionnement du conseil
d’administration et de la direction de la chaîne
La SEM TNTV a connu une instabilité chronique de ses dirigeants, en particulier depuis
2004. Dus en grande partie, mais pas seulement, aux multiples alternances politiques à la tête de
la collectivité de la Polynésie française, les changements de composition du conseil
d’administration et de l’encadrement supérieur, en particulier pour la fonction de directeur
général, ont entraîné la déstabilisation de la chaîne et de multiples difficultés dans la gestion.
Ainsi, entre juin 2004 et février 2007, outre le renouvellement des membres du conseil
d’administration, 7 directeurs généraux et 6 directeurs généraux adjoints ou directeurs
administratifs et financiers se sont succédé. Plusieurs contentieux, opposant les anciens
dirigeants aux nouveaux, ont occasionné le paiement de nombreuses et substantielles indemnités
de départ, alors que la situation financière de la chaîne ne le permettait pas. Le coût des seules
indemnités versées à la suite des contentieux les plus significatifs est supérieur à 73 MF CFP.
33
Statut type arrêté par délibération n°2000-38 APF du 30/03/2000.
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Depuis février 2007, la stabilité de l’équipe de direction tranche avec la période
antérieure. Mais elle risque, au moins potentiellement, d'être remise en cause à chaque
changement politique à la tête de la collectivité. La sérénité et le management de long terme,
nécessaires à la gestion de la chaîne, en sont nettement perturbés.
3.1.2.3 L’absence de fonctionnement du conseil d’orientation n’a pas permis d’associer les
représentants de la société civile aux orientations de la chaîne
Créé par la convention signée le 21 juin 2000 entre le CSA et TNTV et maintenu par la
convention du 11 juillet 2005
34
, le conseil d’orientation est un organe placé auprès du conseil
d’administration. Il est chargé d'une part de veiller au respect des obligations générales et
déontologiques et particulièrement au respect du principe de pluralisme de l'expression des
courants de pensées et d'opinions et d'autre part, de garantir le caractère social, culturel et
éducatif de la programmation de TNTV.
Le conseil d'orientation comprend cinq personnalités représentant des institutions ou la
société civile
(
le Président du CESC, président du conseil d’orientation, les artisans, les
étudiants, le centre d’information des femmes et des familles et la CCSIM)
et 8 personnalités
qualifiées, désignées à égalité par l'APF, le CESC, le Conseil des ministres et le CSA.
Le président du conseil d'administration est chargé d’adresser, au début de chaque
trimestre, aux membres du conseil d’orientation, un rapport sur la politique de programmes de la
chaîne.
Dans l’hypothèse de manquements observés au titre des obligations générales et
déontologiques et de la nécessité d'offrir un programme à caractère social, culturel et éducatif, le
conseil d'orientation peut formuler des observations, destinées à la direction de la société et au
CSA. De même, un bilan annuel établi par le conseil d'orientation leur est communiqué. Il est
publié au JOPF.
Le conseil d'orientation, selon son règlement, se réunit au moins une fois par trimestre sur
convocation de son Président.
Force est de constater que ce conseil n'a pas fonctionné depuis plus de cinq ans. Il s'est
réuni deux fois en 2000, puis trois fois par an sur la période 2001 à 2003 et plus jamais depuis le
21 août 2003. En outre, seule l'année 2001 a fait l'objet d'un bilan d'antenne, complété d'un
document d'orientation de l'antenne au titre de l'exercice 2002.
La composition de ce conseil, ses modalités de renouvellement, disparates selon les
membres, ainsi que l’instabilité de certaines des institutions ayant pouvoir de nomination
peuvent expliquer en partie l’échec de cette instance de régulation interne.
Bien qu’elle ait fait des relances récentes en 2009 pour le réactiver, la direction actuelle
ne semble pas défendre l’utilité du conseil d’orientation. Elle argumente notamment sur le
manque de qualité des membres du conseil d’orientation et sur le doublon qu’il constitue avec la
régulation opérée par le CSA.
34
Article 4-19 puis 2-3-12 de l'annexe II.
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Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 39 sur 61
Pourtant, la nécessité d’un regard sur la programmation a été réaffirmée le 19 décembre
2006 par le conseil d'administration qui a décidé de constituer une
commission chargée du choix
des programmes
, comprenant, en plus du directeur général et du directeur d'antenne, quatre
administrateurs. Bien que partant d’une intention vraisemblablement dénuée de malignité, la
création de cette commission, qui tenait à l’écart la société civile, comportait des risques en
matière de pluralisme, demeurés potentiels puisque la commission ne s’est pratiquement pas
réunie.
La définition de la programmation de la chaîne TNTV et la garantie pluralisme méritant
une attention de tous les instants, sous le contrôle des représentants de la société civile et des
experts du domaine, la Chambre recommande de réactiver le fonctionnement du conseil
d’orientation, conformément aux stipulations de la convention signée avec le CSA.
Dans l’hypothèse où le fonctionnement de cet organe poserait manifestement des
difficultés, il y aurait tout intérêt à saisir l’occasion du renouvellement de la convention
TNTV/CSA en 2010 pour envisager de le réformer ou le cas échéant de le remplacer par une
autre instance, en accord avec l’autorité de régulation.
3.2 La gestion technique, administrative, budgétaire et financière de TNTV a
souvent été défaillante même si une amélioration est à noter en fin de période.
3.2.1 L’imprévision et l’absence de suivi dans la gestion des immobilisations
L’urgence qui a présidé au lancement de la chaîne explique en partie, notamment par
l’inadéquation partielle de certains matériels
,
les difficultés techniques auxquelles se trouve
toujours confrontée la SEM TNTV. A ses débuts, l’équipement technique de la chaîne a été
confié à des mains qui n’étaient probablement pas toutes expertes. Un ancien directeur technique
estimait même que le recours important au dépannage était dû à une méconnaissance des
utilisateurs et à une maltraitance des appareils. Les nouveaux matériels ont été confiés aux
utilisateurs avec une notice, mais aucune formation spécifique n'avait été prévue. En outre, la
priorité donnée à un dépannage sur place des équipements alors que dans l'idéal le matériel
défectueux aurait dû être retourné au fournisseur pour une réparation dans le cadre d'un service
après vente, n’a pas favorisé la durée de vie de ces immobilisations.
Cependant, l’état d’obsolescence avancée des matériels de la chaîne, neuf ans après son
lancement, résulte aussi d’une mauvaise gestion qui s’illustre notamment par un manque de
suivi.
3.2.1.1 L’imprévision en matière de renouvellement des immobilisations
La valeur brute des biens constituant le patrimoine immobilisé au 31 décembre 2008, qui
s'élevait à 589 564 866 F CFP, correspond au coût historique d'acquisition de ces matériels. Les
amortissements ont été calculés suivant les usages de la profession et conformément aux normes
admises par l'administration fiscale du Territoire. Au 31 décembre 2008, la valeur nette des biens
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Observations définitives – SEM TAHITI NUI TELEVISION
Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 40 sur 61
du patrimoine ressortait à 116 827 507 F CFP. Ainsi, l'amortissement de l'ensemble du
patrimoine représentait 80,18 % de sa valeur brute. La situation la plus critique résidait dans le
fait que les installations techniques, matériels et outillage industriels correspondant aux
équipements de production et de diffusion de la chaîne étaient amortis à près de 83 %. Le parc de
matériel est donc âgé et ce d’autant plus que l’on est dans un domaine technique à obsolescence
rapide.
En raison de ses difficultés financières, la SEM TNTV n’a pas su, au fil des années,
prévoir le renouvellement, dans de justes proportions, des immobilisations nécessaires à son
activité de production. Dès 2004, un rapport d’audit du matériel informatique mentionne
« un
matériel inadapté et à bout de souffle ».
Le conseil d'administration du 12 octobre 2004
mentionnait déjà dans son ordre du jour que les têtes de réseau (2 serveurs vidéo) n’étaient pas
sécurisées, que le serveur principal était inutilisable depuis 8 mois et que le second ne
fonctionnait qu’à 50 %. Une convention signée avec un prestataire mentionnait aussi dans son
préambule : "…
après 7 années d'existence, de nombreux équipements sont devenus obsolètes, il
faut donc irrémédiablement procéder à leur remplacement en adéquation avec des moyens
technologiques plus adaptés par rapport à ce qui existe dans le secteur de l'audiovisuel
.
Rencontré au terme de l'exercice 2007, le directeur général de la chaîne précisait, en ce
qui concerne les immobilisations, que la situation était catastrophique et que les gestionnaires de
la chaîne se considéraient comme indigents. Il ajoutait craindre à tout moment « l’écran noir »,
autrement dit l’arrêt soudain de la diffusion des émissions.
Il ne fait aucun doute qu’un renouvellement substantiel et continu des matériels
techniques s’avérait indispensable. Dans sa réponse aux observations provisoires, le directeur
général indique que
« la direction de TNTV a rapidement identifié ces carences et depuis,
certains matériels
[caméras, stations de montage, serveurs de diffusion]
ont pu être renouvelés ».
Selon lui,
« tous les matériels ont été choisis, par un comité technique, pour être en concordance
et harmonisés à la future régie de diffusion qui permettra
à terme la mise en réseau de tout le
système de montage et de diffusion, de la rédaction et de la production
».
C’est pourtant au coup par coup que «
TNTV et son actionnaire principal, ont décidé de
prévoir les budgets nécessaires aux réformes de matériels et réorganisation qui s'imposent
désormais
…"
.
La chaîne a ainsi pu bénéficier d'une subvention d'investissement de 50 MF CFP en
décembre 2006 et de 100 MF CFP en janvier 2007, pour lui permettre le renouvellement urgent
de la régie. Une subvention exceptionnelle de 272 MF CFP a été sollicitée, mais elle a été
bloquée, dans l'attente d’un collectif budgétaire.
La chaîne souhaitait s'approvisionner en matériel auprès de fournisseurs néo-zélandais.
Pourtant au terme de l'exercice 2008, l'investissement en matériels de haute définition n'a pu être
réalisé. En effet, l'acquisition de ces matériels destinés à la diffusion, a été suspendue dans
l'attente de la réalisation indispensable et préalable, par la collectivité de Polynésie française
propriétaire, de travaux de rénovation des locaux susceptibles de les accueillir
35
.
35
Le matériel électronique nécessitant des conditions d'entreposage particulier, il était risqué de passer commande sans l'assurance que les
locaux soient prêts.
Un accord avec les services du Territoire (en l'occurrence le service de l'équipement) aurait dû permettre la réalisation,
rapide et à prix réduit, de ces travaux. Un manque de coordination ou peut être une incompatibilité de planning voire d'entente sur les modalités
de cette réalisation, a conduit au différé d'une année du lancement de ces travaux.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 41 sur 61
La première réunion de coordination de lancement des travaux n'a eu lieu que le
27 janvier 2009. Fin avril 2009, les travaux étaient en cours. Après une interruption, ces travaux
ont repris début octobre 2009 et devraient être terminés en janvier 2010.
Cependant, sur les
100 MF CFP attribués, une partie seulement concerne la rénovation des locaux affectés à TNTV.
Une partie de la subvention est aussi utilisée par la collectivité propriétaire pour rénover des
bâtiments affectés à d’autres services. Les 50 MF d’investissements destinés aux matériels ont
été en partie utilisés pour acheter des matériels actuellement en test.
La difficulté pour TNTV,
dont la trésorerie est en situation précaire, sera de pouvoir mobiliser à la fin des travaux et pas
avant, faute de lieux de stockage appropriés, les sommes nécessaires à l’achat des matériels
indispensables.
3.2.1.2 Le suivi très imparfait des immobilisations techniques
Les risques liés à l'absence de suivi et à la mauvaise gestion des immobilisations sur
l'ensemble de la période, a fait l'objet d’observations répétées du commissaire aux comptes, à
l'occasion de ses travaux d'audit sur les comptes 2004 à 2006 notamment. Sur ces trois exercices,
les recommandations sont quasiment identiques et ne paraissent pas avoir été prises en
considération par les différents dirigeants qui se sont succédé. Elles figurent à nouveau pour
l'exercice 2007, notamment en raison de l'absence persistante de mise en place de procédures
liées au suivi des immobilisations : «
Il n’existe aucune procédure liée au suivi des
immobilisations et notamment des sorties lorsqu’une immobilisation disparaît (vol, casse, perte,
hors service).
Les matériels détériorés et hors service ne sont pas transmis à la comptabilité
pour que la sortie du fichier d’immobilisation soit réalisée.
Rien depuis 2004, aucune liste de
biens et matériels à sortir, n’a été transmis à la comptabilité ».
A l'occasion de la "revue préliminaire des procédures" de septembre 2008, le
commissaire aux comptes, a réitéré ses recommandations. Aucune d'elles n’a été mise en oeuvre.
Il apparaît aussi que l’absence de tenue à jour d'un inventaire physique
exhaustif des
immobilisations a pu laisser cours à des disparitions de matériels.
La rotation des personnels et des dirigeants n'a pas permis à la chaîne d’avoir la
constance permettant de garantir une connaissance précise de ses biens immobilisés. Dès 2004,
un rapport d’audit avait alerté la direction sur le manque de sécurité physique des matériels,
« accessibles à tous ». En juin 2005, le directeur technique de la chaîne avait signalé la perte des
dossiers informatiques de l'inventaire physique. Selon lui, la chaîne n’ayant ni sauvegarde ni de
version imprimée, tout était à reconstituer. Il n’est pas impossible, comme le rapporte le compte
rendu du conseil d'administration du 12 octobre 2004, que des falsifications d’inventaires aient
eu lieu, et qu’elles soient à mettre en relation avec l’accès non protégé des matériels, dont
certains auraient pu disparaître.
En 2007, le directeur général a souhaité faire appel à un prestataire pour procéder
notamment au renouvellement des équipements et plus particulièrement des outils de production.
Une convention de collaboration, signée le 21 août 2007, a donc été passée, pour une durée d'un
an à compter du 16 juillet 2007 et pour un montant global de 6 MF CFP versé par mensualité,
avec un ancien salarié de la société dont le licenciement avait coûté plus de 20 MF CFP à la
chaîne. Le prestataire était notamment chargé de créer un inventaire exhaustif de l’ensemble du
matériel d'exploitation. Or, au 27 janvier 2009, cet inventaire n'était toujours pas terminé, alors
que le contrat du prestataire avait été renouvelé pour l’année 2008.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 42 sur 61
Dans sa réponse, le directeur général indique qu’un «
magasin, structure propre à une
chaîne de télévision, qui gère les entrées et sorties des matériels de production et des véhicules
de tournage, et contrôle l’état de ceux-ci à leur retour »
a été créé. Il «
est opérationnel depuis le
5 janvier 2009 … Le magasin a aussi la responsabilité de mettre à jour les inventaires"
. Il
affirme aussi que TNTV devrait «
posséder début 2010, 10 ans après sa création, d’un état
exhaustif et précis du patrimoine de la chaîne
».
3.2.2 Une gestion des programmes manquant de rigueur
3.2.2.1 La procédure d’achat et les règles comptables adoptées par TNTV en matière de
programmes
La procédure d’achat des programmes a longtemps été défaillante.
A plusieurs reprises, le commissaire aux comptes a examiné la procédure d’achat des
programmes. Sous certaines gestions, les risques se sont réalisés au plus haut niveau de
responsabilité, en raison notamment de l’absence de procédures formalisées et respectées.
En 2008, le commissaire aux comptes a réitéré ses recommandations visant à sécuriser la
procédure, notamment en ce qui concerne le paiement par virement des fournisseurs,
le contrôle
de la conformité des réceptions de programme avec la commande, la compétence de la seule
direction pour autoriser les achats de programmes de TF1 et M6 ainsi que l'enregistrement de la
charge avant la réception du programme. Si les risques sont aujourd’hui diminués en raison de la
prise en charge de la fonction d’approvisionnement en programmes par la direction, qui
concentre les autres fonctions essentielles et notamment la gestion comptable et financière, et
que des améliorations ont été effectivement constatées depuis 2007, la procédure d’achat souffre
encore de l'absence de procédures écrites et de points de contrôle de sécurité, lesquels seraient
d’autant plus nécessaires qu’une plus grande délégation de compétences, devenue à nouveau
possible, serait mise en oeuvre
.
La chaîne indique qu’une directrice d’antenne a été recrutée en
novembre 2009 pour assurer notamment ces tâches.
Par ailleurs, le choix de comptabilisation des programmes fait par TNTV a longtemps été
inadéquat.
L’absence de plan comptable spécifique aux sociétés de production et de diffusion
audiovisuelle a laissé libre cours à des interprétations différentes d’une société à l’autre et donc à
des modes de comptabilisation différents. Or, la comptabilisation des programmes en
immobilisations, en stocks ou en charges revêt une importance particulière en raison de son
impact sur les résultats et sur le bilan desdites sociétés. La pratique de TNTV, qui comptabilise
l’ensemble de ses programmes en stocks
,
n’offre pas les meilleures garanties de transparence.
Il y a lieu de distinguer les programmes issus de la production interne de ceux achetés
localement ainsi que de ceux achetés hors de Polynésie.
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Pour ce qui concerne les deux premières catégories, depuis sa création, TNTV a choisi
d’inscrire ces programmes en stocks dans le but « d’étaler » la charge relative aux programmes
réalisés en interne en fonction d’un nombre de diffusion prévu. Il était entendu que ce stock
devait diminuer d’année en année, en corrigeant le nombre de diffusions restant (que des
diffusions aient lieu ou non). Mais ne disposant pas d’outil analytique
36
lui permettant de
valoriser les programmes réalisés en interne, TNTV a surévalué la valeur de son stock de
programmes.
Le commissaire aux comptes proposait donc à la chaîne : «
d’inscrire en immobilisations,
dans un compte spécifique, par le biais d’un compte de production immobilisée (722), les
programmes ainsi produits, dont le coût de revient est correctement arrêté et dont une
rediffusion est prévue …l’intégralité des programmes produits en interne ne devra en aucun cas
être inscrite en immobilisation. Le choix se devra d’être justifié et parcimonieux. Tout comme
pour les programmes achetés localement pour une durée illimitée, la durée d’amortissement
serait à définir pour chaque programme. Une durée maximale d’amortissement à retenir de 3
ans nous semble raisonnablement justifiée économiquement ».
La direction de TNTV indique dans sa réponse que depuis la fin de l’exercice 2006
«
les programmes produits en interne ne sont … pas valorisés à ce jour, en accord avec le
commissaire aux comptes… L’absence de comptabilité analytique ne permettait pas une
valorisation fiable de ces programmes. Il a donc été décidé de ne rien immobiliser, en
application du principe de prudence. La comptabilité analytique a été mise en place en 2009, et
des dispositions quant à l’inscription en stock ou en immobilisations seront prises en
collaboration avec le CAC
».
En ce qui concerne les programmes achetés localement mais ayant des droits limités,
comptabilisés en stocks, le commissaire aux comptes avait recommandé «
une inscription en
Charges Constatées d’Avance, pour les programmes ayant des droits limités, car cela ne
constitue par un réel stock de droits ».
En ce qui concerne les programmes achetés hors de Polynésie pour une période de
diffusion précise et limitée dans le temps, TNTV les comptabilisait d’abord en charges
d’exploitation
« achat de programmes »,
et dès réception du support physique, les inscrivait dans
le logiciel
Launcher
qui gère la programmation et le stock de programme disponible.
Le commissaire aux comptes a recommandé de valider, à chaque clôture d’exercice, la
cohérence des achats effectués et comptabilisés avec les programmes entrés dans le logiciel de
programmation et de comptabiliser ces programmes encore disponible à la clôture de l’exercice
dans le compte charges constatées d’avances (et non en stock) ce qui permettrait une meilleure
lisibilité des charges d’achats de programmes.
La direction de la chaîne indique que l’acquisition des programmes achetés localement ou
hors du territoire suit désormais une procédure rigoureuse et que leur comptabilisation en
charges constatées d’avance, lorsqu’ils n’ont pas encore été diffusés, fait l’objet d’une discussion
ouverte avec le CAC.
36
Avant l’utilisation du logiciel WORKEY.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 44 sur 61
3.2.2.2 Les tergiversations dans l’approvisionnement en programmes hors Polynésie ont
occasionné de lourdes pénalités financières
Sur la période 2003 à 2008, l'évolution des dépenses consacrées à l'approvisionnement en
droits à la diffusion de programmes audiovisuels, montre la prédominance de deux fournisseurs,
CYRUS MEDIA et WEST MEDIA, qui représentent ensemble plus de 70 % des achats.
Les conventions successives entre TNTV et ses deux principaux fournisseurs obéissent à
des modalités d’approvisionnement similaires. Le 15 novembre 2002, la société TNTV a passé
un contrat d’approvisionnement de droits audiovisuels avec la société CYRUS MEDIA pour un
montant forfaitaire de l’heure de programme fixé à 49 440 F CFP HT, soit un montant global de
49,44 MF CFP HT, sur la base d’un minimum garanti de 1000 heures pour une période d’un an.
Alors que le contrat avec CYRUS MEDIA était toujours en cours et n'avait fait l’objet
d’aucune dénonciation, la direction générale a conclu une convention, selon toute vraisemblance
en avril 2005
37
, pour le même objet, avec une société locale, WEST MEDIA (société en nom
propre, alors en cours d’immatriculation au RC de Tahiti), gérée par un ancien salarié de TNTV
qui avait été licencié
38
. Ce nouveau contrat propose deux achats complémentaires aux
tarifications distinctes. Le premier montant forfaitaire de l’heure de programme est fixé à
39 600 F CFP HT pour une commande d’un minimum garanti de 1000 heures de programmes,
soit un montant global de 39,6 MF CFP HT. La seconde commande, pour le même volume
minimum garanti d’heures de programme, fixe le montant forfaitaire de l’heure à
26 400 F CFP HT soit un montant global de 26,4 MF CFP HT. Selon ce contrat, la prestation de
WEST MEDIA sur une année, devait s’élever à minima à 66 MF CFP HT pour 2000 heures de
programme.
Début 2007, le directeur général nouvellement nommé a décidé de s'engager à nouveau
avec la Société CYRUS MEDIA. Les négociations amorcées dans le cadre d’un accord
transactionnel faisant suite à la rupture précitée, auraient permis d’aboutir à une reprise des
relations commerciales et d’obtenir un approvisionnement à un coût inférieur aux prestations
antérieures.
Les directions successives de TNTV ont mis en avant soit l’avantage prix, compte tenu du
volume d’heures de programmes achetés, soit la qualité des programmes vendus, eu égard
notamment à l’expérience des fournisseurs. Il apparaît cependant que si le changement à deux
reprises du principal fournisseur de programmes de la chaîne TNTV a reposé sur des motivations
commerciales, il résultait aussi largement de
préférences professionnelles entre les directions
successives de la chaîne et leurs partenaires.
Ces tergiversations ont occasionné des coûts importants que TNTV a dû supporter alors
même que sa situation financière était déjà alarmante.
Le contrat liant CYRUS MEDIA et TNTV pour la fourniture des programmes a été rompu
en avril 2005. La société CYRUS MEDIA a considéré cette rupture comme abusive. Le
jugement prononcé par le tribunal de commerce de PARIS le 23 février 2006 a condamné la
société TNTV à verser 21,479 MF CFP à CYRUS MEDIA dont 17,9 MF CFP à titre de
réparation du manque à gagner et 2,4 MF CFP à titre de réparation du préjudice. TNTV, qui
37
La convention n’est pas datée
mais serait
d’avril 2005 selon la comptable.
38
Le répertoire territorial des entreprises recense l'entreprise WEST MEDIA dont l'activité principale est "services annexes à la production", et
dont la date de début d'activité est le 15 mars 2005. Son gérant a été employé de la SEM TNTV du 6 juin 2000 au 23 février 2005 en qualité de
"chargé de la programmation, adjoint au directeur d'antenne". Son licenciement a eu lieu le 23/02/05 suite à une "altercation" avec le PDG, lui-
même remplacé le 09/03/05.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 45 sur 61
avait fait appel du jugement le 23 mai 2006, a finalement, à la faveur d’un changement de
direction, souhaité recourir à un accord transactionnel. Conclu le 25 mai 2007, il prévoit
notamment le versement par TNTV de 17,9 MF CFP, le désistement des procédures en cours et
le rétablissement des liens commerciaux. De fait, le même jour, un nouveau contrat
d'approvisionnement exclusif des programmes audiovisuels a été conclu avec la société CYRUS
MEDIA
par la nouvelle direction.
Par voie de conséquence, le contrat avec l’ancien fournisseur des programmes, WEST
MEDIA, a été rompu. La signature, le 15 juin 2007, d'un protocole, portant résiliation
conventionnelle d'un contrat d'approvisionnement, a certes permis d’éviter un nouveau
contentieux, mais n’a pas été indolore financièrement pour TNTV. Le protocole a prévu le
versement à la société WEST MEDIA de 10 MF CFP au titre du préavis non effectué et la
conservation par son gérant, en qualité de prestataire indépendant, d’une fonction d'assistance
39
technique et de conseil nécessaire à la programmation auprès de TNTV jusqu'au 31 décembre
2007. Cette prestation a donné lieu au versement d'honoraires forfaitaires de 5 MF CFP (soit
environ 769 000 F CFP/mois). Malgré les explications apportées par le directeur général, la
chambre perçoit mal la justification de l'attribution de cette fonction à l’intéressé qui avait
occupé le même poste au sein de la chaîne avant d’en être licencié deux ans plus tôt.
Au total, la gestion de l’approvisionnement en programmes a entraîné pour la chaîne
TNTV des dépenses, directement liées aux changements de prestataires, de près de 33 MF CFP.
Selon M. Haupert, ces dépenses auraient été partiellement compensées par les meilleures
conditions tarifaires apportées par CYRUS Media et par l'amélioration de la qualité des
programmes diffusés.
3.2.3 La gestion erratique de la régie publicitaire
3.2.3.1 La gestion intégrée de la régie publicitaire n’a pas eu le temps de faire ses preuves
Pour atteindre les objectifs ambitieux de ressources d’origine publicitaire qu’elle avait fixés
à TNTV dans son plan d’affaires, la société IMCA avait préconisé à la chaîne de créer en son
sein sa propre régie de publicité. Pour le consultant IMCA, le marché restreint de la publicité, ne
permettait pas à TNTV d’envisager des collaborations avec des prestataires sous contrat avec ses
concurrents directs (télévision ou presse écrite).
En outre, la solution de la régie intégrée apparaissait comme un facteur important de
dynamisme, d’innovation, et de motivation pour les responsables de la chaîne. Cette solution qui
impliquait d’entrer en concurrence frontale avec les régies existantes, commandait de constituer
une équipe professionnelle performante, dotée des outils nécessaires pour atteindre les objectifs
qui lui seraient fixés.
Or, les résultats n’ont pas été à la mesure des attentes. Les causes externes de la mauvaise
performance (budgets des grands comptes déjà alloués pour 2000, absence de mesure d’audience
de TNTV pour argumenter auprès des annonceurs…) ont été identifiées par IMCA. Fin
39
L’assistance couvrira notamment, dans le cadre de la formation du responsable de programmation, la préparation du bilan CSA, le contrôle des
nouvelles grilles d'après les recommandations du CSA, la gestion des droits de diffusion et la gestion des stocks.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 46 sur 61
novembre 2000, IMCA escomptait encore qu’en 2001 le travail de terrain des commerciaux
porterait ses fruits. Une ressource de 180 MF CFP était attendue.
Pourtant, dès le 22 août 2001, le conseil d’administration prenait le contrepied de l’analyse
d’IMCA. Constatant que l’équipe de la régie était peu performante, l’externalisation de cette
fonction paraissait soudainement une voie bien meilleure.
Avec le recul, on constatera pourtant que la régie intégrée, si elle n’a pas atteint les
résultats escomptés, n’a pas fait plus mal (elle a parfois fait mieux) que des sociétés externes
pourtant réputées spécialistes de la matière. En 2001, la régie avait contribué à collecter les 2/3
des 78 MF CFP prévus. Seules deux années ont par la suite procuré plus de ressources
publicitaires.
3.2.3.2 La gestion de la régie, confiée à un premier prestataire, a été subitement
interrompue
La convention signée le 23 août 2001 avec un premier prestataire pour une durée de 3 ans
par le directeur de TNTV n’est pas allée à son terme.
Constatant que le système de la régie ne donnait pas les résultats escomptés, le conseil
d'administration du 23 janvier 2002 a mandaté le directeur général pour demander au régisseur
de s'engager sur un objectif de 96 MF CFP à atteindre en 2002, sous peine de rupture de contrat.
Dès le 18 avril 2002, le directeur général a présenté au conseil d'administration, un point de
situation de l'activité de la régie publicitaire révélant des résultats nettement insuffisants. Le
directeur général a alors été mandaté pour mettre en place une régie publicitaire qui puisse
répondre aux ambitions de la TNTV.
Ainsi, après dix mois d’activité (1
er
septembre 2001- juin 2002), le contrat du régisseur a
été rompu de manière anticipée, entraînant le paiement, malgré la piètre performance du
prestataire, de six mois de commission, représentant environ 25 % des ressources reçues par
TNTV.
3.2.3.3 Depuis juillet 2002, la gestion de la régie a été confiée principalement à des
sociétés du Groupe 2H
Une convention entre TNTV et 2LCOM Régie & Publicité (Groupe 2H) a été signée le
15 juin 2002, avec effet au 1
er
juillet 2002, pour une durée de 3 ans. La commission du régisseur
était fixée à 35 % du chiffre d'affaires net hors taxes. Une commission supplémentaire de 5 % sur
la partie du chiffre d'affaires net HT excédant un objectif annuel convenu, était en outre
consentie.
Les résultats de ce régisseur se sont avérés meilleurs que ceux des années antérieures
puisqu’ils ont atteint près de 122 MF CFP en 2003 (soit 14,46 % des recettes) et près de
120 MF CFP en 2004 (soit 10,65 % des recettes).
Pourtant, consécutivement à la nomination d'un nouveau directeur général en mars 2005, le
contrat du régisseur n’a pas été reconduit. Le régisseur évincé a initié un contentieux pour non
respect du préavis à l’occasion du non renouvellement du contrat. En définitive, la chaîne a été
condamnée à payer 44,75 MF CFP, le 11 mai 2007, par le Tribunal Mixte de Commerce.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 47 sur 61
Le nouveau partenariat, résultant de la convention signée le 30 juin 2005 par le directeur
général de TNTV et la société ESPACE COM, s'est soldé par une recette publicitaire pour la
chaîne TNTV de 67,6 MF CFP en 2005 et de 61,2 MF CFP pour 2006.
A la faveur du
changement de son directeur général, TNTV a dénoncé le contrat avec la société ESPACE COM,
avec effet en octobre 2007. Cette rupture s’est soldée par une transaction en date du
30 septembre 2009, d’un montant de 15 MF CFP à la charge de TNTV
.
Le directeur général, nommé en février 2007, a souhaité confier à nouveau le marché
publicitaire de TNTV à une société du Groupe 2H, la société PACIFIC MILLENIUM,
représentée par M. Hubert HADDAD.
La nouvelle convention a été signée le 3 août 2007 pour un mandat d'une durée de 5 ans à
compter du 6 octobre 2007. Le commissionnement du régisseur est fixé à 35 %. Une commission
supplémentaire de 5 % est prévue pour la partie du chiffre d'affaires publicitaire excédant
l’objectif de 160 MF CFP fixé en 2008. L’objectif 2008 de 160 MF CFP de chiffre d'affaires,
garantissant une recette pour TNTV d'au moins 104 MF CFP, acceptée par la société PACIFIC
MILLENIUM, s’est révélé ambitieux. Le résultat 2008 a fait apparaître une recette de
73 MF CFP, soit seulement 70 % des recettes escomptées. Le régisseur, qui s’était engagé par
convention à procurer un minimum de recettes (104 MF), n’a cependant pas vu son échec
sanctionné.
Selon le directeur général, «
si la non-réalisation du chiffre d’affaires dans la convention
avec PACIFIC MILLENIUM n’était pas une clause contractuelle de rupture suffisante, elle n’a
en rien entamé la détermination de la direction de TNTV de sortir de ce contrat avec 2H, dès
lors que les objectifs annoncés n’étaient pas tenus et qu’ils ne correspondaient pas aux attentes
de TNTV ».
La Chambre constate toutefois qu’il aura fallu attendre la fin du mois d’avril 2009
pour qu’un processus de rupture se mette en place.
En signant une convention d’une durée particulièrement longue (5 ans), la SEM TNTV
s’est privée de toute possibilité de négocier une nouvelle relation partenariale plus favorable. En
estimant qu’il n’y avait pas de clause résolutoire à prévoir permettant la sanction du prestataire
qui n’atteignait pas ses objectifs, la chaîne TNTV semble a fortiori ne pas s'être mise en position
de renégociation à court terme des stipulations du contrat. En outre, la convention étant assortie
d’une clause d’exclusivité, la SEM TNTV a accepté de faire de son prestataire un intermédiaire
obligé de sa régie publicitaire.
C’est dans ces conditions qu’ont été conclus de nouveaux contrats de partenariat
publicitaire avec deux SEM de la Polynésie Française : Air Tahiti Nui (contrat signé le 29 août
2007, avec effet au 1
er
novembre 2007) et la Société Environnement Polynésien (contrat signé le
26 mai 2008 avec effet au 1
er
juillet 2008).
Alors même que le préambule du contrat de partenariat mentionne que
« TNTV et la SEP
[ou ATN]
sont entrés en contact mutuellement pour trouver un moyen d’unir leurs forces et
compétences »
, toutes les deux étant des sociétés d’économie mixte de la collectivité de la
Polynésie française, le contrat fait intervenir deux sociétés du groupe 2H, OBA PUB et PACIFIC
MILLENIUM. Le contrat définit les conditions dans lesquelles ATN ou la SEP, par le biais
d'OBA PUB, confient à PACIFIC MILLENIUM, agissant pour le compte de TNTV, la diffusion
de sa communication audiovisuelle locale, pour une durée de 5 ans.
Le contrat précise aussi
« à
l’ensemble des intervenants »
qu’ils s’engagent
« de manière irrévocable…pendant toute la
durée de la convention »
et ce, quelles que soient
« les circonstances internes ou externes à la »
société. Il est aussi mentionné dans le contrat que la SEP s’acquitterait de ses factures «
en
cash »
.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 48 sur 61
Pour tenir compte de la durée du contrat et son irrévocabilité, TNTV et PACIFIC
MILLENIUM ont, selon le libellé de la convention, consenti, d’un commun accord, une
réduction exceptionnelle, de près de 60 % sur l'ensemble du dispositif (spots et parrainages pour
un montant global mensuel de 5 416 250 F CFP), ramenant le forfait mensuel à la somme
2 200 000 F CFP [ATN] et 2 260 000 F CFP [SEP]
40
, hors taxes, hors TVA et hors frais
techniques forfaitaires. En application des dispositions de cette convention, le chiffre d'affaires
annuel garanti de TNTV est de 14,586 MF CFP [ATN] ou 14,983 MF CFP [SEP], détaillés
comme suit :
ATN
SEP
Campagne mensuelle avec spots et parrainages
5 416 250
5 416 250
Campagne mensuelle après abattement de 60 % (arrondi)
2 200 000
2 260 000
Soit une campagne annuelle de
26 400 000
27 120 000
Déduction des frais de démarchages agences au taux fixe de 15 %
- 3 960 000
- 4 068 000
Soit un revenu annuel "garanti" de
22 440 000
23 052 000
Dont 35 % de commission régisseur
7 854 000
8 068 200
Donc un versement net à TNTV de 65 %, soit annuellement
14 586 000
14 983 800
Ces 2 contrats
(12 mois pour ATN et 6 mois pour SEP)
, affichant un résultat global
d’environ 22 MF CFP pour l’année 2008, sont intégrés au montant global des recettes
publicitaires de 73 MF CFP, et représentent donc à eux seuls 30 % du chiffre d'affaires
publicitaire 2008.
En année pleine, TNTV percevrait au titre de ces contrats un peu plus de 29,5 MF CFP.
Pourtant ATN et la SEP auront versé plus de 58,3 MF CFP
41
. La collectivité de la Polynésie
française, actionnaire principal de ces trois sociétés, accepte donc que les mouvements financiers
de deux d'entre elles, qui connaissent des difficultés financières, vers la troisième, qui vit elle
aussi de subventions publiques, soient substantiellement ponctionnés au profit d’intérêts privés,
par deux sociétés intermédiaires appartenant au groupe privé 2H, dirigé par M. Hubert
HADDAD. Un premier prélèvement a été opéré par OBA PUB d’environ 8 MF CFP, puis un
second par PACIFIC MILLENIUM à hauteur de 15,9 MF CFP. Si l'on ajoute le montant
forfaitaire des frais techniques de mise à l’antenne d’un montant de 4,8 MF CFP, acquitté par la
SEP, les deux sociétés du groupe 2H prélèvent la moitié des sommes versées à TNTV, par des
sociétés à capitaux majoritairement publics, ATN et la SEP.
Il n’est par ailleurs pas rapporté que les campagnes publicitaires d’ATN et de la SEP aient
amélioré les résultats d’exploitation d’ATN ou le volume de tri sélectif des déchets de la SEP. La
convention prévoit pour cette dernière la diffusion de 5 spots publicitaires quotidiens de
30 secondes dont 2 en prime-time et le parrainage en moyenne de deux émissions quotidiennes.
Mais la publicité envisagée par ATN n’est basée que sur un seul spot publicitaire. Il s’agit donc
d’une publicité de notoriété
42
(et non d’offres particulières) dont la pertinence paraît difficile à
justifier dans la mesure où cette société est extrêmement connue localement. Le message
publicitaire de la SEP promouvant le tri sélectif est devenu inaudible, à force d’être répété de
longue date plusieurs fois par jour. Jusqu’au début de l’année 2009, au moins, les deux
annonceurs ont d’ailleurs renoncé à investir dans de nouveaux spots publicitaires. Si l’apport
financier des contrats publicitaires n’est pas négligeable compte tenu de la faiblesse du chiffre
d’affaires publicitaire, le directeur général de TNTV a émis la crainte que les téléspectateurs se
40
Alors que le prix de base est le même, une coquille dans l’un des contrats a fait naître une différence comme l’indique le tableau.
41
La SEP paie en plus des 27,120 MF CFP, un montant forfaitaire mensuel de 400 000 F CFP, soit 4,8 MF CFP par an.
42
Selon son directeur général, cette publicité absorbe « la quasi-totalité du budget publicitaire d’Air Tahiti Nui sur le marché local ».
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 49 sur 61
plaignent du caractère répétitif des messages qu’on leur inflige et que ces messages aient un effet
négatif sur l’audience. Le directeur général de TNTV s’est récemment adressé par courrier les 6
et 7 mai 2009, aux sociétés ATN et SEP, pour envisager de nouvelles modalités d’exécution de
ces contrats. Le PDG d’ATN a alors indiqué qu’il avait été décidé le 3 août 2009 de cesser
l'exécution des contrats qu'il considère unilatéralement comme « frappés de nullité ».
3.2.4 La gestion de la ressource humaine mal maîtrisée
3.2.4.1
L’évolution du nombre de personnels et de la masse salariale de TNTV ne
correspond pas au projet initial
Les effectifs de la chaîne ont plus que doublé depuis sa création jusqu’en 2007 compris. Le
nombre d'agents s’est accru chaque année mais a connu en 2003 un afflux important
(+ 20 personnes), résultant notamment de l’intégration des personnels de l’institut de la
communication audiovisuelle (ICA). Le directeur général de l'époque admet qu'il y avait une
« inadéquation entre les effectifs prévus dans le projet initial et ceux nécessaires »
selon lui
« à
l'évolution de la chaîne ».
En 2008, la chaîne a décidé de réduire substantiellement son personnel (-12 agents, soit -
12 % de l’effectif). Selon TNTV, à cette date, la chaîne comptait pratiquement moitié moins de
personnels que sa concurrente du secteur public de l’audiovisuel. Pour autant, l’évolution de
l’effectif ne correspond pas au projet initial.
La rotation des personnels de la chaîne, notamment en début de période, a été relativement
forte. Une certaine stabilisation des effectifs peut être constatée depuis. Après 8 années d'activité,
l'analyse de l’ancienneté des agents de la SEM, fait apparaître 35 % de personnels recrutés entre
2000 et 2002, 46 % de personnels recrutés entre 2003 et 2005 et 19 % de personnels recrutés
entre 2006 et 2008.
Effectifs / Exercice
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
au 1er janvier
-
42
53
54
74
82
88
89
95
Entrées
57
39
21
40
30
16
6
18
9
Contrat à durée indéterminée (CDI)
32
19
7
23
15
12
4
7
5
dont ICA
-
-
2
10
-
1
-
-
-
Contrat à durée déterminée (CDD)
23
20
14
17
11
4
2
10
4
Mandataire
2
-
-
-
4
-
-
1
0
Sorties
15
28
20
20
22
10
5
12
21
Contrat à durée indéterminée (CDI)
2
9
4
5
6
8
3
6
8
dont ICA
-
-
-
-
1
-
-
-
-
Contrat à durée déterminée (CDD)
12
19
16
15
12
2
2
5
13
Mandataire
1
-
-
-
4
-
-
1
0
au 31 décembre
42
53
54
74
82
88
89
95
83
+11
+1
+20
+8
+6
+1
+6
-12
% Evolution n/n-1
26,19 %
1,89 %
37,04 %
10,81 %
7,32 %
1,14 % 6,74 % -12,63 %
La part de la masse salariale dans l'ensemble des charges d'exploitation a pratiquement été
multipliée par deux sur la période (de 22 % à 42,4 % de l’ensemble des charges). En valeur
absolue, sur la même période, la progression est encore plus marquée : la masse salariale a plus
que quintuplé, passant de 95 MF CFP à 547 MF CFP. L’augmentation de la masse salariale
s'explique, notamment en 2008, par l’impact des indemnités de départ payées pour parvenir à
diminuer l’effectif. Les effets bénéfiques de cette mesure ne devraient se faire sentir qu'en 2009.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 50 sur 61
En 2008, le coût moyen annuel d’un employé est d’environ 6,6 MF CFP alors qu’il n’était que
d’un peu plus de 5,1 MF CFP au cours des années 2005 à 2007.
3.2.4.2 Des recrutements opérés sans référentiel
L’objectif général de faire une
« télévision de proximité, publique et gratuite, à caractère
éducatif, social et culturel, destinée à refléter les réalités polynésiennes et à satisfaire les
attentes spécifiques des populations locales »,
fixé par le Gouvernement, avait donné lieu à une
esquisse de ligne éditoriale :
« une télévision qui est proche des gens auxquels elle s’adresse,
attentive à leurs besoins, à l’écoute de leurs curiosités. Pour ce faire, cette télévision, dans sa
part de production propre qui devrait représenter environ trois heures quotidiennes, offrira des
programmes de quatre types : Services, Miroir, Mémoire et Ouverture »
.
Les objectifs et la ligne éditoriale n’ont cependant pas été traduits dans un document de
référence fixant la structure du personnel.
Le recrutement initial n’a pas été fait sur la base d’un référentiel correspondant à la
structure optimale de la chaîne de télévision qui devait être créée. Ni le nombre d’employés, ni
les fonctions et les qualifications, ni le niveau d’expérience n’ont été déterminés. Cette
préoccupation transparaissait pourtant dans certains documents rédigés par IMCA. Mais faute
d’avoir pu se faire produire
43
l’ensemble du dossier IMCA, il n’a pas été possible de comparer,
les choix d'embauche ni même l’état des emplois existants avec les éventuelles préconisations
que la société d'études aurait pu faire sur le nombre d’emplois comme sur la répartition par
métiers.
M. Franco, ancien directeur général, confirme que le
« recrutement majoritairement
polynésien [rendait] difficile de se baser sur un référentiel correspondant à la structure optimale
d’une chaîne de télévision. Les compétences n’existaient pas localement… ».
Dans le contexte de précipitation de la création de la chaîne, les embauches ont été
effectuées au fil de l'eau, au gré des besoins immédiats, voire des sollicitations, sans cohérence
d’ensemble et sans que l’adéquation des qualifications des personnes recrutées avec les besoins
des postes ait été vérifiée.
Cette
gestion
à
vue
s’est
trouvée
matérialisée
par
d’incessants
changements
d’organigramme notamment dans la période 2004 – 2007.
Le recrutement complémentaire des personnels de production de l’institut de la
communication audiovisuelle (ICA) a répondu à un souci d’économie pour la collectivité qui
subventionnait les deux organismes. En outre, le déficit en ressource de production propre à
TNTV, laquelle achetait sa production locale notamment à l’ICA, justifiait l’intégration de ces
personnels. L’apport substantiel de moyens de production (13 techniciens) n’a pourtant pas
produit tous les effets bénéfiques attendus. Selon le directeur général, les modes de
fonctionnement des « anciens » de l’ICA sont apparus peu compatibles avec les personnels de
production embauchés directement par TNTV. Par ailleurs, leur intégration a produit des
surcoûts de rémunération.
43
Dossier géré en direct par la présidence de la Polynésie française. Aucune trace de ce dossier dans les services de la présidence ni dans les
archives de TNTV.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 51 sur 61
3.2.4.3 La qualification insuffisante des personnels
La précipitation qui a présidé aux premières embauches n’a pas permis de s’assurer la
collaboration de personnels qualifiés. Le conseil d'administration du 22 juillet 2004 mentionnait
d’ailleurs que
« beaucoup de jeunes polynésiens ont été tentés par l’aventure de TNTV. Lancés
dans le métier sans aucune formation au départ, … ».
Le contentieux entre TNTV et la société
ayant fourni les matériels de télévision, avait d’ailleurs conduit l’expert commis par le tribunal à
mettre en cause les compétences professionnelles des personnels manipulant les caméras et la
régie.
Plusieurs tentatives de mises à jour des dossiers de personnels (notamment les plus
anciens) n’ont pas abouti. De nombreux dossiers ne comportent toujours aucune information
quant à la qualification professionnelle (diplôme, attestation d'emploi précédent, formation
qualifiante) des agents. Alors qu’il est affirmé que l'ensemble des embauches a été effectué sur
dossier, il est donc curieux de constater la vacuité des dossiers de personnels.
Le nombre et la nature des formations suivies par le personnel semblent attester de la
faiblesse des qualifications initiales, en particulier dans les métiers spécifiques de la télévision.
Des formations lourdes ont été mises à la charge de TNTV :
-
Pour des journalistes,
un accord pour 5 ans avec l'université LAVAL au CANADA en
vue de la délivrance d’un
Certificat en journalisme
a été passé en 2002
44
. Le coût global
de ces formations de 8 mois pour 7 agents (de 2002 à 2004) a été de 11,4 MF CFP dont
8,4 MF CFP financés par le SEFI.
-
Pour l'assistance et le conseil du rédacteur en chef et du directeur de l’information, ainsi
que pour les autres
personnels de la rédaction,
une formation a été assurée par Jean-
Claude Narcy (TF1). Initialement prévue pour 3 ans, elle s’est déroulée sur place à
TNTV, où elle a concerné, pour un total d’environ 2 semaines, une trentaine de
personnes, et à Paris. Dans ce dernier cas, elle a concerné 8 journalistes reporters
d’investigation pour un coût de 24,4 MF. Le SEFI n'a pas souhaité apporté son aide à
cette formation, estimant son coût trop élevé. Une seconde formation, sous forme d’une
mission d’un mois, a été confiée à M. Jean-François Coulomb des Arts, nommé
Conseiller spécial du PDG chargé de l'information.
Le montant global de cette formation
s'est élevé à 2 164 293 F CFP pour une prestation d'un mois. Aucun bilan de formation ni
autre document détaillant la nature de cette formation ou encore l'identité du ou des
bénéficiaires, n'a pu être fourni à la Chambre.
-
Pour la programmation, trois agents ont bénéficié d'une formation lourde de 6 mois à ce
titre (janvier à juin 2004). Un seul fait encore partie de l’effectif mais ne s’occupe pas de
programmation. Une seconde formation (4 MF CFP) a été entreprise pour un agent sous
la houlette de l’ancien prestataire fournisseur de programmes, lequel avait bénéficié de la
précédente formation lorsqu’il faisait partie du personnel de la chaîne.
-
Pour diverses fonctions, une convention, signée en juillet 2007 avec la société CFI
(
Canal France International, filiale de France Télévisions (75 %) et Arte France
(25 %))
, avait pour objet de définir les modalités de réalisation d'un ensemble de services
en conseil et formation sur une période de 12 mois. Le coût global de la prestation a été
de 15,16 MF CFP TTC. Il s'agissait, d'une part de procéder à une expertise concernant la
44
Lors du changement de gouvernement en 2004, la nouvelle direction a mis fin à ce partenariat.
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restructuration des services ou départements ou l'organisation du travail et d'autre part, de
mettre en place une série de 6 actions visant au renforcement des compétences des
personnels notamment dans les 4 secteurs suivants : l'exploitation technique, la
programmation, la réalisation de programmes locaux ou régionaux et la couverture
d'évènements sportifs.
Toutefois le directeur général en fonctions se sent encore
contraint par les compétences
dont il a hérité et s’évertue à les faire correspondre avec la grille des programmes. Dans sa
réponse aux observations provisoires, il confirme : «
De manière générale il est exact que la
chaîne a eu à assurer la formation de personnels non qualifiés, ce qui a lourdement pesé sur ses
charges, sur son organisation et a enlisé la chaîne dans une succession de problèmes liés à
l’incompétence des personnes et à la faiblesse de l’encadrement ».
La chaîne peut difficilement restructurer sa ressource humaine. Le directeur général
invoque que la
« spécificité de la chaîne a été d’avoir un encadrement fait de salariés protégés
qui ont tous usé de leur mandat
[syndical]
pour verrouiller leur fonction, empêchant toute
réorganisation puisque aucune modification de contrat ne peut être effectuée sans l’accord
explicite du salarié ».
Faute de disposer de cadres disposant de compétences appropriées à
l’emploi occupé, les fonctions qui devaient être déléguées à des responsables de secteurs sont
remontées à la direction générale (gestion des ressources humaines, comptabilité jusqu’en 2008,
programmation, …).
Toutefois, la Chambre note la tentative de mise en place d’un recueil des métiers et postes
nécessaires à la bonne marche de la chaîne. Cette ébauche a le mérite de préciser notamment
pour chacun des postes les qualités nécessaires, la formation indiquée et la définition détaillée
des tâches. Toujours en cours d'élaboration, ce document n'est cependant pas validé comme
structure cible. Par ailleurs
,
le retard dans la définition d’un organigramme s’explique, selon le
directeur général, par la nécessaire et préalable mise en ordre des contrats qui doivent coïncider
avec les fonctions de l’organigramme.
La chaîne n’a pendant longtemps pas disposé de suffisamment de personnes compétentes
en matière de gestion administrative et financière. Le considérable travail fait par la directrice
administrative et financière depuis 2007 tente de pallier ces manques. Depuis juillet 2008, un
chef comptable compétent a été recruté.
3.2.4.4 L’échelle des rémunérations est plus compacte que dans d’autres SEM même si la
moyenne des salaires est élevée
L’examen des rémunérations fait apparaître à TNTV, à l’inverse des constats faits dans
d’autres organismes, une certaine modération des salaires des cadres dirigeants, qui s’accentue
même avec le temps.
L’échelle des rémunérations est beaucoup plus fermée ces dernières années qu’elle ne
l’était avant 2005 et que dans d’autres organismes dont la gestion a été examinée récemment. Le
salaire moyen et le salaire médian sont confortables notamment si on les rapporte aux
compétences des personnels concernés dont on a vu que la qualification n’était pas toujours
solide. Au bas de l'échelle, la moyenne du premier décile est juste supérieure au salaire
minimum.
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Au-delà de ces valeurs moyennes, qui ne révèlent pas d'anomalie, il est utile de préciser
que des différences de rémunération substantielles existent. Les agents de l’ICA ont été intégrés
à TNTV avec des salaires élevés. Aujourd’hui, des salariés de même niveau de compétence se
côtoient donc au sein de la chaîne avec d'importantes différences de rémunération. Il n’y a pas
nécessairement d’adéquation entre le niveau de rémunération et le degré de productivité. Ainsi,
les anciens de l’ICA, attachés à leur mono-compétence, exercent leur métier en équipe pour
produire un reportage alors que les personnels embauchés directement à TNTV ont été formés
pour tourner un reportage, seuls. Dès lors, il devient évident que le tournage d’un reportage dans
les îles éloignées n’a pas le même coût selon qu’on utilise les premiers ou les seconds. La
production locale étant un axe essentiel de TNTV pour répondre aux objectifs fixés lors de sa
création, il apparaît que l’intégration des personnels de l’ICA, si en général elle apportait de la
compétence, engendrait aussi des lourdeurs et des surcoûts de fonctionnement importants.
L’intégration de ces personnels a aussi eu un impact négatif sur l’évolution des
rémunérations. L’accord d’entreprise en vigueur à TNTV se réfère à la convention collective de
l’imprimerie de la presse et de la communication, et est complété chaque année, des accords
salariaux. Les avantages des personnels de l’ICA (rythme d’augmentation de salaire, primes
diverses, …) ont été progressivement étendus aux autres personnels. L’effet démultiplicateur qui
en résultait a substantiellement impacté la masse salariale de TNTV.
L’application de la convention collective de l’imprimerie de la presse et de la
communication et de l’accord d’entreprise qui en est issu, entraînent donc des coûts importants
pour la structure. Selon le directeur général, la renégociation de l’accord d’entreprise serait
nécessaire parce qu’il ne comporte pas tous les métiers de la chaîne (beaucoup sont classés
« hors catégorie »). Mais en même temps, toujours selon lui, toute renégociation exposerait la
chaîne à des revendications substantielles formulées par les anciens personnels de l’ICA qui
pourraient souhaiter revenir au fonctionnement qu’ils ont connu ultérieurement.
Dans le cadre de l’évolution du paysage audiovisuel polynésien et simultanément de
l’arrivée de nouveaux modes de communication, l’hypothèse de la rédaction d’une convention
collective polynésienne pour les métiers de la presse et de la communication audiovisuelle
pourrait être discutée.
3.2.5. La gestion administrative financière et comptable de la SEM est défaillante
Les défaillances de la gestion administrative, financière et comptable de TNTV résultent
d’un défaut d’organisation, de l’affectation de personnels parfois peu compétents voire indélicats
et de l’absence de procédures et d’outils de gestion adéquats.
3.2.5.1 L’organisation administrative et financière repose sur des personnels peu
compétents
La gestion administrative et financière de la société a été soumise à de nombreux
changements comme en attestent les organigrammes successifs. Certains projets de
réorganisation n’ont pas eu le temps de voir le jour, d’autres ont été en vigueur pour une durée
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 54 sur 61
limitée, notamment dans la période 2004 – 2007 ; tous ont contribué à déstabiliser la gestion
administrative, budgétaire et comptable qui était déjà fragile.
La direction administrative et financière a souvent été identifiée dans l’organigramme. Elle
a parfois été associée à d’autres responsabilités, l’ensemble étant confié à un seul titulaire. Elle a
pu disparaître un temps en ne laissant subsister isolément que la fonction comptable. Il a même
été possible de trouver deux directeurs administratifs et financiers pendant une courte période
(fin 2004 et début 2005). Par ailleurs, faute d’avoir nommé un directeur adjoint compétent à une
certaine période, la direction administrative a été confiée à un prestataire externe pour pallier les
insuffisances au sein de la chaîne.
La gestion des ressources humaines a parfois été prise en charge par la direction
administrative et financière. Elle a aussi été parfois seulement rattachée au directeur général.
Au total, ces fonctions font figure de parent pauvre de la chaîne. Elles ont été confiées à
des personnels en nombre insuffisant, peu compétents à quelques exceptions près et trop souvent
mal encadrés. La période récente (2007-2008) tranche singulièrement. L’encadrement est effectif
et compétent mais ne peut s’appuyer qu’en partie sur des agents efficaces. Peu à peu, les
procédures minimales de gestion sont mises en oeuvre ; mais il reste beaucoup à faire. Des
personnels incompétents, voire indélicats, ont été écartés et parfois remplacés par d’autres plus
compétents. Ce fut, de façon exemplaire, le cas de la personne chargée de la comptabilité
(voir §3.2.5.3.).
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant, que de nombreux dysfonctionnements aient été
identifiés, même si certains ont été corrigés à compter de 2007.
3.2.5.2 Des procédures peu fiables, des outils inadaptés ou mal utilisés
Outre les lacunes mises en évidence dans le suivi des matériels techniques évoqués
précédemment, les procédures en matière de ressources humaines, de suivi comptable et de
contrôle budgétaire laissent apparaître de graves dysfonctionnements.
3.2.5.2.1.
Procédures et outils en matière de ressources humaines
L’exécution de la paie de quelques dizaines d'agents n’est évidemment pas une difficulté en
soi. En revanche, l’importante rotation des effectifs, les différents types de contrat de travail, la
diversité des rémunérations et avantages accessoires liés à ce secteur d’activité, rendent la tâche
plus complexe.
La paie est assurée par le logiciel
Sage
dont le paramétrage a connu pendant longtemps des
insuffisances. Un risque important de sur-paiement des heures supplémentaires
demeurait, au
moins jusqu’en 2007 : des anomalies de calcul et comptabilisation mais aussi d'application des
barèmes ont été relevées par le commissaire aux comptes ; les heures supplémentaires font l'objet
de plusieurs saisies manuelles dans un tableur. Au caractère artisanal de la gestion, s’est ajoutée
l’altération progressive du logiciel par l’ancienne comptable. Le logiciel, qui devait apporter de
la sécurité par des contrôles de cohérence, a été détourné, « forcé », et a produit des
inexactitudes, de sorte que la confiance en ses données a été réduite.
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Séances des 17 et 18 novembre 2009 - page 55 sur 61
Hormis la paie, les autres aspects de la gestion des ressources humaines (dossier
administratif, avancement, formation, heures supplémentaires, missions, primes et avantages, …)
ne sont suivis, faute de moyens informatiques spécifiques aux ressources humaines, qu'au travers
d’applications réalisées en interne sur tableur et dont les fonctionnalités sont variables selon leurs
auteurs (structure, formule, destination du résultat, présentation, mise à jour …).
L'absence de continuité dans un système de gestion strictement défini voire normé, la
rotation des personnels chargés de ce suivi, la pauvreté des dossiers individuels et l'absence de
fiabilité des données susceptibles d'être transférés d'un gestionnaire à l'autre, ont fortement
pénalisé la gestion des ressources humaines.
Des améliorations, intervenues progressivement depuis août
2007, sont toutefois à noter.
Un recueil recensant la nature des métiers et le nombre de postes nécessaires à la chaîne a été
ébauché. Il a le mérite de préciser pour chacun des postes, les qualités nécessaires, la formation
requise, la définition détaillée des tâches. Il demeure que ce document de référence, toujours en
cours d’élaboration, n’est pas avalisé et ne permet pas d’établir la structure cible de la chaîne.
Le paramétrage du logiciel de paie
Sage
a été amélioré en ce qui concerne le suivi des
congés annuels, des congés de maladie ou encore des cotisations à la CPS. L’automatisation de
la comptabilisation des heures supplémentaires, vivement recommandée par le commissaire aux
comptes, est actuellement en cours d'élaboration. Dans sa réponse aux observations provisoires,
le directeur général indique que «
le logiciel de paie a été entièrement refondu avec mise en
place d’une nouvelle base de données à partir d’aout 2007. Les données calculées du fichier ont
aujourd’hui été validées quant à leur fiabilité, les seuls risques résiduels se situent à l’étape de
saisie des heures travaillées dont le processus reste complètement manuel ».
3.2.5.2.2
Procédures et outils en matière de comptabilité
Le suivi de la comptabilité a été assuré, jusqu’en 2007, par une employée comptable dont
la formation était très limitée. En outre, elle n’apparaît pas avoir été encadrée et supervisée.
Durant la période où M. Brigato occupait les fonctions de directeur général adjoint, il avait fait
appel pour le suppléer à une mission d’expertise comptable. Mais ce fut de courte durée puisque
même avant la résiliation du contrat en septembre 2006, la mission de surveillance comptable
avait déjà dû être allégée « avec effet rétroactif au 1
er
janvier 2006 ».
En outre, la mission de contrôle budgétaire, incombant aussi à M. Brigato, avait été confiée
à l’expert comptable, lequel remplissait déjà les fonctions normalement dévolues au directeur
administratif, dans le cadre d’une prestation de service.
La faiblesse des ressources humaines assignées au suivi comptable et budgétaire avait
conduit le commissaire aux comptes, dans le cadre d’une revue des procédures, à relever que la
mise en place du logiciel « Workey », acheté en juillet 2006 pour 13,6 MF CFP, ne s’était pas
traduite par une amélioration des procédures d’achat et de contrôle budgétaire, faute d’y avoir
renseigné les données budgétaires. Il avait aussi relevé que les tableaux de bord n’étaient pas
datés, n’étaient pas issus d’une comptabilité révisée et ne donnaient pas une information
comptable exhaustive, comprenant l’ensemble des charges et des produits se rapportant à la
période. Il avait noté enfin que le suivi de la trésorerie était assuré extra-comptablement par la
saisie de toutes les écritures bancaires sur un tableur EXCEL.
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3.2.5.3 Les agissements des personnels indélicats, rendus possibles par le manque de
contrôle interne
Les agissements indélicats de la chef comptable, représentante du personnel, et du directeur
général adjoint, délégué syndical
,
ont conduit à leur licenciement pour faute.
La première, recrutée comme secrétaire comptable en 2001, sera nommée comptable hors
catégorie le 15 octobre 2004, puis chef comptable, 6 mois plus tard, avec un salaire multiplié par
trois depuis l’origine, sans qu’aucun document n’atteste de sa compétence en la matière (à
l’exception d’un stage de comptabilité de 16 heures suivi en 2003) et sans qu’aucune expérience
antérieure dans ces fonctions ne soit rapportée. Elle a aussi postulé à plusieurs reprises, mais sans
succès, au poste de directeur financier.
Par lettre du 9 mai 2007, le président directeur général l'informait, qu'il était envisagé à son
égard une mesure de licenciement pour faute grave et notifiait une mise à pied conservatoire
dans l'attente de la décision de l'inspection du travail. Après l'entretien préalable, conformément
aux dispositions prévues par le code du travail, la société TNTV, a saisi, le 2 juillet 2007,
l'inspection du travail pour solliciter l'autorisation du licenciement de cet agent, membre du
comité d'entreprise. Cette demande a été motivée par des fautes commises dans l'établissement
de son propre salaire, le non respect de la périodicité du remboursement d'avances sur son propre
salaire, une inexécution ou mauvaise exécution de diverses obligations inhérentes à ses
fonctions, une incompétence dans l'établissement de la paie et le fonctionnement du logiciel de
paie, des écarts inexpliqués et des retards dans la tenue de la caisse, des retards dans la tenue de
la comptabilité et un manque de confidentialité.
Par décision du 7 septembre 2007, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de cette
représentante syndicale et a confirmé sa décision, après un recours de l'intéressée.
Le directeur général adjoint s’est également exposé à l’ouverture d'une procédure de
licenciement, après que le directeur général a pris connaissance, peu après sa nomination, de
l'utilisation abusive et injustifiée de la carte bancaire de la société.
Lors du contrôle des comptes des exercices 2005 et 2006, le commissaire aux comptes
avait relevé de nombreuses anomalies dans l'utilisation de la carte bleue de la société TNTV
utilisée par le directeur général adjoint. Il indiquait «
Compte non lettrable : les factures
enregistrées ne collent pas avec les dépenses - Nombreuses dépenses sans factures - Nombreux
retraits en espèce : les factures ne collent pas - Plusieurs remboursements ont été fait par le
DGA, mais non lettré…
».
Le relevé des débits de cette carte faisait apparaître une somme de 28 MF CFP pour la
période allant de juin 2005 à février 2007.
Si certaines dépenses concernaient les besoins de fonctionnement [et/ou d'investissement]
de la société, il apparaissait aussi qu’une partie des dépenses n’étaient pas justifiées. Le juge
administratif
45
a pu établir que l’utilisation de cette carte n’était soumise à aucun contrôle et ne
respectait pas les règles comptables et financières d’une société. L’intéressé avait soutenu que les
dépenses litigieuses avaient été faites dans l’intérêt de la société TNTV mais que les justificatifs
avaient pu se perdre.
45
Le juge administratif a été saisi d'un recours en annulation de la décision de refus par l'inspection du travail, d’autoriser le licenciement.
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La procédure de licenciement du directeur général adjoint, représentant syndical, a été
autorisée après que, par jugement du 20 mars 2008, le tribunal administratif annule la décision de
l'inspection du travail de refuser l’autorisation de licenciement.
3.2.5.4 Des pratiques contestables et des contentieux onéreux
Il a résulté de la gestion administrative, financière et comptable défaillante, des pratiques
contestables et des contentieux onéreux.
3.2.5.4.1
La mise en place d’un système d’acomptes et d’avances
Un examen du compte "425-avance" sur la période 2003 à 2008 a permis de constater que
la chaîne avait mis en place un système d'avance sur salaire qui, jusqu'à 2003, s'apparentait
davantage à l’acompte, compte tenu des montants en jeu
(
en moyenne 45 000 F CFP
)
et des délais
de remboursements
(
le plus souvent en fin de mois ou le mois suivant
)
. Sur l’exercice 2003,
29 agents ont eu recours à ce système et le solde du compte au 31 décembre s'élevait à
164 087 F CFP.
A partir de l'exercice 2004 et jusqu'en 2007, la pratique dérive, notamment en 2005 et
2006. Les avances concernent souvent les mêmes agents, les montants empruntés sont plus
importants et parfois une nouvelle avance qui s’apparente à un prêt est accordé alors même que
la précédente n'a pas été soldée.
Au terme de l'exercice 2005, les avances «
non remboursées
» s'élevaient à plus de
3,5 MF CFP dont 0,75 MF CFP au profit de la comptable. Au 31 décembre 2006, le montant
cumulé des avances est de 3,8 MF CFP dont 2,7 MF CFP au profit de 5 agents dont 1 MF CFP
pour la comptable et 0,5 MF CFP pour un journaliste.
En principe, ces avances étaient accordées par le directeur général ou son adjoint puis
gérées par un seul et unique agent, la comptable. Le contrôle de la direction sur le suivi et la
gestion de ces avances, n'a pas été rapporté. La comptable gérait donc seule ce système.
A partir de 2007, la nouvelle direction a commencé à réduire cette pratique. Au terme de
l'exercice 2008, seuls 4 agents sont encore redevables et le solde des sommes dues se monte à
1,24 MF CFP.
3.2.5.4.2
Rupture abusive de contrat, non respect de la durée du préavis de résiliation ou paiement
de prestation sans qu’elle ait été réalisée
La rédaction mal sécurisée des contrats de prestations de services et le changement fréquent
de direction de la chaîne impliquant des choix différents ont occasionné des incidents
contractuels qui, cumulés, ont pesé sur les résultats financiers de la société. Sans rechercher
l’exhaustivité, les quelques exemples qui suivent illustrent les conséquences de la mauvaise
gestion.
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Une rupture abusive soldée par une transaction de 18 MF CFP
Deux conventions d'achats de droits de diffusion ont été conclues avec une société locale,
les 30 décembre 2004 et 25 février 2005, pour la fourniture d'émissions mensuelles sur le thème
de la vie de la communauté polynésienne vivant en France. Le coût global était arrêté à 11,6 MF
CFP pour 8 sujets totalisant 2h 36 mn de programme.
Après 4 mois, le nouveau directeur général de TNTV, contestant notamment la qualité des
programmes livrés en regard du prix de la prestation, décidait de ne pas renouveler le contrat
mais sans respecter le délai de résiliation de 6 mois.
Le 5 septembre 2005, le tribunal civil de première instance rendait une ordonnance de
référé, pour le paiement des sommes dues à la société, pour un montant de 6,530 MF CFP,
principal et intérêts. En outre, la société avait assigné la chaîne TNTV devant le tribunal de
commerce, afin de faire valoir ses droits sur une rupture abusive de contrat. La demande s'élevait
à 30,6 MF CFP.
En août 2007, le nouveau directeur général de TNTV obtenait une transaction sur la base
d'une indemnité de 18 MF CFP, à laquelle il fallait ajouter les honoraires d’avocats pour
700 000 F CFP.
Le non respect des préavis de résiliation de la prestation de deux sociétés a occasionné de lourdes charges
Le manque de rigueur dans la préparation de la décision de résiliation du contrat avec
une société chargée de la régie publicitaire de la chaîne a fait peser une charge d’environ
45 MF CFP. Le directeur général de la chaîne alors en fonction, n'a pas respecté le préavis
contractuel de 6 mois lorsqu’il a rompu le contrat le 30 juin 2005 par lettre du 1
er
février 2005. A
l'occasion du conseil d'administration du 8 mars 2007, le directeur général de la chaîne informait
les membres que la rupture du contrat de la société chargée de la régie publicitaire avait conduit
au paiement de plus de 11 MF CFP de frais d'avocats.
A la suite d’une première collaboration d’un montant de 3 931 904 F CFP, une nouvelle
convention de collaboration avec un consultant apportant notamment conseil et assistance au
rédacteur en chef et au directeur de l'information, pour une meilleure gestion de l'actualité et de
la rédaction a été signée le 20 février 2004 et modifiée le 6 août 2004 pour une durée de
3 années.
Les dépenses globales liées à cette collaboration au titre de l'exercice 2004 s'élèvent à
un peu plus de 7,5 MF CFP.
A compter d’avril 2005, après seulement 15 mois de collaboration, le directeur général de
la chaîne, alors en fonction, a décidé de mettre fin à cette convention. Après un entretien, le
consultant confirmait par lettre du 22 avril 2005 qu'il donnait
« son accord pour une transaction
d'un montant de 5 MF CFP pour solde de tout compte, auxquels, si vous en êtes d'accord, vous
pourriez ajouter la somme correspondante à un quart de la rémunération annuelle, puisque mon
contrat court encore jusqu'à aujourd'hui
".
C'est donc une somme globale de 6 366 826 F CFP qui a été versée en 2005 à ce
consultant, correspondant d'une part au quart de la rémunération annuelle 2005 et d'autre part à
une pénalité de rupture de contrat d'un montant égal à une année de rémunération. Aucun
document ne précise les motivations de cette rupture, aucun bilan de cette collaboration n'a été
établi.
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Paiement d’une prestation de la société de conseil et de services informatiques (SCSI)
Par contrat de prestation de service, la société TNTV a sollicité, en 2005, la Société de
conseil et de services informatique, pour mettre en place, notamment, la télévision éducative. Le
montant cumulé des rémunérations perçues par la société dans ce cadre s'élève à
4 290 000 F CFP. Cependant, les rapports hebdomadaires devant être fournis selon les termes de
la convention, soit 36 sur la durée de la prestation, ne l’ont été que dans quatre cas, les 25 août,
30 octobre, 30 novembre et 30 décembre 2005. Le contrôle de la réalité de la prestation n'est
donc pas rendu possible. Aucun élément qui aurait permis l'évaluation voire la réalité de la
prestation, n'a pu être fourni.
Simultanément, la chaîne a sollicité cette même société, en l'absence de toute convention
ou lettre de mission, pour la création d'un nouveau site internet de TNTV ainsi que son
hébergement. Après plusieurs entretiens, cet "accord", n'a jamais été formalisé par écrit.
Au terme de différentes discussions, TNTV s'était engagé à verser à cette société la somme
totale de 3 251 325 F CFP. Le 20 décembre 2006, alors que la prestation avait été entièrement
payée, sur présentation des factures des 31 mai, 1
er
septembre, 1
er
novembre et 30 novembre
2005, le directeur général déclarait «
à la date d'aujourd'hui et en dépit de nombreux appel
téléphoniques de notre part et un courrier daté du mois de juin 2006, la construction de ce site
n'a toujours pas avancé. Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons poursuivre le climat
de confiance qui s'était instauré entre nous, au point de vous rétribuer entièrement pour une
prestation qui n'a à ce jour pas encore débuté
… ».
4. LA STRATEGIE DE L’ENTREPRISE DOIT ÊTRE REDÉFINIE
DANS LE CONTEXTE DE RECOMPOSITION DU PAYSAGE
AUDIOVISUEL POLYNESIEN
Au regard des objectifs initiaux formulés lors de la création de TNTV, c’est-à-dire à la fois
les orientations éditoriales de la chaîne mais aussi le coût prévisionnel que la collectivité avait
prévu d’y consacrer, la question ne peut aujourd’hui manquer d’être posée : la collectivité de la
Polynésie française peut-elle et souhaite-t-elle consacrer un peu plus d'un milliard de F CFP par
an pour pérenniser une chaîne de télévision ?
Posée en ces termes, la question est réductrice. Elle s’inscrit dans le contexte audiovisuel
d’aujourd’hui. Or, compte tenu des bouleversements prévisibles du paysage audiovisuel
polynésien dans les deux ans à venir, la question mérite d’être étendue à une réflexion sur la
stratégie de la SEM TNTV dans le cadre d'un secteur audiovisuel qui intègre d'autres organismes
relevant de la compétence de la collectivité d'outre-mer et de ses établissements publics (ATP,
ICA, TNS…).
La période
de réflexion est propice. L’arrivée du câble et de la télévision numérique
terrestre (TNT), de la réforme du secteur public de l’audiovisuel engagée par l’Etat et les
développements de nouveaux moyens de communication (téléphonie mobile 3G, internet) vont
bouleverser l’accès à la diffusion audiovisuelle. La collectivité de la Polynésie française,
actionnaire principal de la SEM TNTV, est engagée dans le financement de ces outils
incontournables que sont le câble et probablement la TNT. Indirectement, l’établissement public
territorial OPT et ses filiales financent le développement de l’internet et de la téléphonie en 3G.
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Au même moment, il apparaît que les établissements publics de la Polynésie française (ICA,
ATP) ou la SEM TNTV, qui font partie du secteur audiovisuel, pèsent lourdement sur le budget
de la collectivité d'outre-mer. Ces outils de la collectivité publique nécessiteraient des
investissements importants pour être mis au niveau technique requis dans le futur paysage
audiovisuel. Or, les contraintes budgétaires de la Polynésie française ne permettent plus de
consacrer à ce secteur, avec autant de facilité que dans le passé, les moyens financiers nécessaires.
Le choix du maintien d’une chaîne de télévision faisant plus largement appel à la production
locale (notamment plus de films et autres productions en langues polynésiennes) qu’elle soit
interne ou externe, exigera des moyens financiers importants. La collectivité d'outre-mer pourrait
certes décider d’assigner à TNTV, une mission de production ou de soutien à la production locale,
en s’appuyant notamment sur l’APAC, probablement réformée, dans le sens d’une concentration
de ses moyens, conforme aux objectifs de la politique audiovisuelle de la Polynésie française.
Pour dégager ces moyens financiers au service d’une politique réaffirmée, la collectivité
d'outre-mer sera conduite à engager une réflexion sur les synergies à trouver et les économies
d’échelle à réaliser entre les différentes structures du secteur audiovisuel polynésien qu’il contrôle
(ATP, ICA, TNS et TNTV).
La concentration des moyens sur la diffusion de la production locale pourrait aussi conduire
à réduire le format de la chaîne. La chaîne généraliste actuelle pourrait laisser la place à une
chaîne orientée sur le local, avec une diffusion exclusive de la production polynésienne. L’accès à
d’autres contenus serait permis par la TNT, dont l’arrivée est annoncée prochainement, ou le
bouquet de chaînes payantes.
Le renouvellement de la convention avec le CSA en 2010 est le rendez-vous idéal pour
opérer ce changement si celui-ci doit avoir lieu.
Par ailleurs, le statut de SEM donné à TNTV est incompatible avec un financement quasi
exclusif par des subventions. Il est donc indispensable qu'une réflexion soit conduite au plus haut
niveau sur une nouvelle organisation des entités publiques et parapubliques oeuvrant dans le
secteur audiovisuel. De la même manière, une réflexion doit être engagée sur les moyens de
financer de manière pérenne l’éventuelle nouvelle entité audiovisuelle qui pourrait voir le jour
après fusion des organismes existants.
La Chambre formule donc, pour le long et moyen terme, les recommandations suivantes :
1.
Si l’actionnaire principal de TNTV entend pérenniser son soutien à une télévision
locale, il devrait explorer la possibilité de création d’une nouvelle entité juridique
regroupant l’ensemble des établissements publics ou sociétés auxquels il apporte un
concours financier et qui oeuvrent dans le secteur audiovisuel. Il pourrait s’agir d’une
nouvelle société regroupant l’ensemble des anciennes structures et générant aussi des
économies d'échelle ;
2.
Le statut de SEM n'étant pas compatible avec un subventionnement public
prépondérant et permanent, la réflexion sur cette question, qui tiendra compte des
orientations retenues en réponse au point précédent, devrait conduire à définir une
structure de financement pérenne de la nouvelle entité créée qui pourrait faire appel à
différentes ressources (publicité, vente de services, taxe affectée) ;
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3.
Si la collectivité de la Polynésie française souhaite demeurer l’actionnaire principal
d’une chaîne de télévision, elle devrait définir une nouvelle orientation de la société
audiovisuelle, comprenant une mission de production locale et un nouveau format de
diffusion plus réduit et centré sur les productions locales. La convention avec le CSA
devrait être revue pour intégrer ces changements.
4.
Un contrat d’objectif et de moyens pourrait être passé entre la collectivité de la
Polynésie française et la nouvelle entité, définissant les attentes de la collectivité et les
moyens qu’elle souhaite y consacrer, y compris dans le cadre d’un actionnariat
majoritaire de la collectivité. Il serait la référence pour l’évaluation de la performance
de la nouvelle chaîne ;
5.
Des synergies devraient être développées entre la nouvelle entité audiovisuelle
(production locale TNTV, diffusion du bouquet TNS et de TNTV reformatée,
multimédia ATP, conservation ICA) et l’établissement public territorial OPT (internet,
téléphonie 3G). Ces synergies pourraient conduire à développer la présence
audiovisuelle et cinématographique de la Polynésie française dans le monde et apporter
une contribution au développement du tourisme en Polynésie française.
5. RECOMMANDATIONS DE COURT TERME CONCERNANT
LA GESTION DE LA SEM, EN L’ETAT ACTUEL DU PAYSAGE
AUDIOVISUEL POLYNESIEN
La chambre recommande à court terme les orientations suivantes :
-
reconstituer, dans les plus brefs délais, les fonds propres de la SEM, à hauteur des
obligations légales ; la collectivité d'outre-mer, actionnaire principal, devra prévoir
d’accorder à la chaîne, les moyens financiers pour assurer sa viabilité jusqu’à la mise en
oeuvre d’une réforme d’ensemble esquissée au point précédent ;
-
prendre les mesures nécessaires pour que le conseil d'administration de TNTV devienne
un organe d’administration réellement compétent et efficace en matière de gestion de la
chaîne ;
-
faire fonctionner normalement le conseil d’orientation ou le remplacer par une autre
instance ouverte sur la société civile ;
-
restructurer la SEM pour assurer sa gestion de manière plus efficace et plus efficiente, en
réduisant les charges qui pèsent inutilement sur son exploitation ;
-
accorder les moyens financiers nécessaires à la viabilité de la chaîne en concertation avec
sa direction et en fonction des objectifs qui auront été fixés.