GÉRER LES ENSEIGNANTS
AUTREMENT
Rapport public thématique
Mai 2013
Cour des comptes
Gérer les enseignants autrement – mai 2013
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
SOMMAIRE
DÉLIBÉRÉ
.........................................................................................
7
INTRODUCTION
.............................................................................
9
CHAPITRE I - UN DECALAGE CROISSANT AVEC LA
REALITE DU METIER D’ENSEIGNANT
...................................
21
I
- Un défaut de cohérence entre les missions légales et le temps de
service
......................................................................................................
21
A - Des missions mal définies
...................................................................
21
B - Une définition du temps de service incohérente avec les missions
légales
......................................................................................................
27
C - Les conséquences de la logique hebdomadaire du temps de service 34
II
- Une gestion segmentée des enseignants
............................................
40
A - L’étanchéité entre premier et second degré
......................................
40
B - La spécialisation par discipline dans le second degré
.........................
45
C - Le cas particulier des agrégés et des professeurs de lycée
professionnel
............................................................................................
49
III
- Une gestion des individus et non des équipes
...................................
51
A - Une reconnaissance ambiguë de l’équipe pédagogique
....................
51
B - Un cadre peu propice au travail en équipe
.........................................
54
CHAPITRE II - UNE GESTION DE MASSE UNIFORME ET
INÉGALITAIRE
..............................................................................
61
I
- Une gestion de masse indifférenciée
...................................................
61
A - Une organisation déconcentrée sans individualisation de la gestion . 61
B - Une gestion mal adaptée à la diversité des situations scolaires
.........
66
II
- Un système inégalitaire
......................................................................
82
A - Des écarts de conditions de travail
.....................................................
82
B - Des enseignants débutants et des établissements difficiles pénalisés 88
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4
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CHAPITRE III - UNE RICHESSE HUMAINE MAL VALORISÉE
...........................................................................................................
99
I
- Des enseignants nombreux mais comparativement moins rémunérés 99
A - Un niveau de rémunération moindre
.................................................
99
B - Des besoins en enseignants mal appréciés
.......................................
107
II
- Un défaut d’accompagnement des pratiques et des carrières
..........
113
A - Les faiblesses de l’appui au métier d’enseignant
.............................
113
B - Des possibilités restreintes de déroulement des carrières
...............
117
III
- Un manque de gestion de proximité
................................................
125
A - Une gestion distante et essentiellement administrative
..................
125
B - Un échelon local embryonnaire
........................................................
129
CONCLUSION GÉNÉRALE
........................................................
135
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
...................
143
ANNEXES
.....................................................................................
145
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
.......
201
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des
rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres
régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au
concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont
organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L
’indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
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COUR DES COMPTES
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site Internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La
documentation Française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil réunie en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport « Gérer les enseignants
autrement ».
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations concernées et des réponses adressées en retour à la
Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont
participé
au
délibéré :
M. Migaud, Premier
président,
MM. Bayle, Bertrand, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Lévy,
Lefas, Briet, Mme Ratte, présidents de chambre, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Descheemaeker, Hespel, présidents de chambre maintenus en
activité,
MM. Ganser,
Mmes
Bellon,
Pappalardo,
MM. Cazala,
Braunstein, Mme Françoise Saliou, M. Barbé, Mme Seyvet, MM. Sabbe,
Maistre, Ténier, Mme Froment-Védrine, MM. Ravier, Sepulchre,
Mmes Malgorn, Bouygard, Vergnet, Latare, Pittet, MM. Glimet, Senhaji,
Mmes Fontaine, Perin, M. Cotis, conseillers maîtres.
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Lefas, président de la chambre chargée
des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de la préparation
du projet de rapport ;
-
en son rapport, M. Bertrand, rapporteur du projet devant la
chambre du conseil, assisté de Mme Régis, conseillère
référendaire, de M. Dufoix, et Mme Monteagle, rapporteurs
extérieurs, rapporteurs devant la chambre chargée de le
préparer, de M. Robert, rapporteur extérieur, et de M. Sabbe,
conseiller
maître,
contre-rapporteur
devant
cette
même
chambre ;
-
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet,
Procureur général, accompagné de M. Miller, avocat général.
***
M. Gérard Terrien, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 14 mai 2013.
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COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré les 25 et 28 février 2013, par la troisième chambre de la
Cour des comptes, présidée par M. Lefas, président de chambre, et
composée de MM. Frangialli, Andréani, Phéline, Barbé, Mmes Seyvet,
Moati, MM. Bourlanges conseillers maîtres, ainsi que, en tant que
rapporteurs, Mme Régis, conseillère référendaire, et M. Dufoix,
rapporteur, et, en tant que contre-rapporteur, M. Sabbe, conseiller maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 12 mars 2013,
par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de MM. Migaud, Premier président, Bayle, Bertrand,
rapporteur général du comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman,
Levy, Lefas, Briet et Mme Ratte, présidents de chambre, et M. Johanet,
procureur général, entendu en ses avis.
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Introduction
Responsable de la formation de plus de douze millions d’élèves de
la maternelle au lycée, l’école a pour mission de garantir la réussite de
tous les élèves. Elle joue à ce titre un rôle décisif pour leur avenir et celui
de la Nation. L’accomplissement de cette mission incombe avant tout aux
enseignants.
En raison du nombre d’enseignants – 837 000 en 2012, soit près de
la moitié des agents publics employés par l’État – et du poids que
représente le total de leurs rémunérations – 49,9 Md€
1
en 2011, soit 17 %
du budget général de l’État et 2,5 % du produit intérieur brut (PIB)
2
–, les
décisions concernant leur gestion sont déterminantes pour la compétitivité
de l’économie française, pour la cohésion de la société et pour le
redressement des comptes publics.
Une situation préoccupante : un système peu performant et de plus en
plus inégalitaire
L’école a su faire face au défi quantitatif de l’augmentation du
nombre d’élèves à partir des années 1950, en raison de l’arrivée en âge
scolaire des générations nombreuses du
baby-boom
et de l’allongement
de la durée de la scolarité obligatoire – ce qu’on a appelé la massification.
Cependant elle n’est pas encore parvenue à relever le défi qualitatif
consistant à mener tous les élèves à la réussite scolaire.
Or l’objectif de réussite de tous les élèves a été introduit dans le
code de l’éducation par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir
de l’école du 24 avril 2005. Il appartient expressément depuis lors au
service public de l’éducation, aux termes des articles L. 111 et
L. 122 dudit code, de permettre à tous les élèves d’acquérir « un socle
commun de connaissances et de compétences » à l’issue de leur scolarité
1
Rémunération brute, y compris cotisations sociales et patronales, et contribution au
compte
d’affectation
spéciale
Pensions.
Le
financement
des
producteurs
d’enseignement et de formation s’élève à 127,4 Md€ en 2010, se répartissant entre
l’Etat pour 60 % (soit 71,1 Md€), les collectivités territoriales pour 24,5 % (soit
31,2 Md€), les ménages pour 8 %, les entreprises pour 6,9 % et les autres
administrations publiques (organismes consulaires, agence de service et de paiement)
pour le solde. (Source : ministère de l’éducation nationale,
Repères et références
statistiques
2012).
2
Les sigles utilisés dans le présent rapport sont recensés et développés en annexe 4.
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10
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obligatoire, de leur assurer une « qualification reconnue », et de
« contribuer à l’égalité des chances ».
Cet objectif de réussite est confirmé dans le projet de loi
d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la
République actuellement en discussion au Parlement dont l’article 7
prévoit que : « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque
élève les moyens nécessaires à l’acquisition d'un socle commun de
connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble
des enseignements dispensés au cours de la scolarité. La maîtrise du socle
est indispensable pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa
formation, construire son avenir personnel et professionnel et se préparer
à l’exercice de la citoyenneté
»
.
La capacité du système scolaire français à assurer la réussite de
tous les élèves est médiocre comparée à celle des autres pays développés.
L’enquête « PISA » 2009 de l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE)
3
, publiée en fin d’année 2010, fait
apparaître que les résultats des élèves de quinze ans scolarisés en France
se situent à un niveau moyen par rapport à ceux des autres pays membres
de l’OCDE (18
e
rang sur 34 en lecture par exemple ; l’écart par rapport
aux pays les plus performants représente l’équivalent de près d’une année
de scolarité). La France se caractérise surtout par une incapacité de
l’école à contrecarrer les effets des inégalités sociales en matière de
réussite scolaire et par un creusement du fossé séparant les performances
des meilleurs élèves et celles des moins bons. En outre, l’enquête montre
que cette situation, loin de se corriger, persiste en lecture et en sciences et
se dégrade de façon significative en mathématiques. Selon l’enquête
internationale
Progress in international reading literacy study
(PIRLS),
publiée en décembre 2012, les performances en lecture des élèves
scolarisés en France en fin de CM1 se sont dégradées.
De nombreux facteurs d’explication rendent compte de cette
situation,
parmi
lesquels
les
déterminants
culturels,
sociaux
et
économiques individuels propres aux élèves. Les études internationales
3
Le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est une
évaluation internationale initiée par l’OCDE, qui vise à tester les compétences des
élèves de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences. Il s’agit d’une enquête
menée tous les trois ans dans les 34 pays membres et dans 30 pays partenaires. Elle a
pour objectif de fournir aux différents acteurs (décideurs politiques, autorités
scolaires, enseignants, parents, élèves) des données comparatives permettant d’estimer
dans quelle mesure les élèves disposent des connaissances et aptitudes que la société
moderne exige. Les résultats de l’enquête PISA 2012 ne seront connus qu’en
décembre 2013. Pour plus de précisions,
cf
. annexe 1.1.
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INTRODUCTION
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montrent pourtant que des pays confrontés à des difficultés similaires
parviennent à mieux faire réussir leur jeunesse, avec une dépense
d’éducation en formation initiale des élèves par rapport au PIB moindre
(Pays-Bas : 6,2 % ; Royaume-Uni : 6,0 % ; Allemagne : 5,3 %) qu’en
France (6,3 %).
En effet, si les enquêtes internationales montrent la diminution
continue des performances du système éducatif français depuis une
décennie, les moyens financiers qui lui ont été alloués sur la période
couverte par ces études ont, en revanche, connu une hausse constante
alors que le nombre d’élèves décroissait. En particulier, entre 2008 et
2012, les mesures prises dans le cadre de la révision générale des
politiques publiques (RGPP) n’ont pas eu pour conséquence de réduire le
budget de l’éducation nationale. Celui-ci a augmenté, en euros courants,
de 5,4 % au total et de 0,8 % hors cotisations retraites au compte
d’affectation
Pensions
. Les suppressions de postes ont ramené le nombre
d’enseignants du second degré en 2011-2012 à son niveau de 1993-1994,
alors que le nombre d’élèves a diminué de 6 % environ sur la même
période
4
. Ces évolutions croisées montrent que le système français ne
souffre pas d’un défaut de moyens, mais de modalités d’allocation et de
gestion de ces moyens, moins performantes que celles des pays
comparables.
Le bien-être des élèves, entendu comme l’appréciation subjective
de leur expérience à l’école, est aussi un enjeu important en termes de
réussite éducative comme en matière de santé publique. Il est mesuré
dans une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui
analyse diverses dimensions de la santé des élèves âgés de 11, 13, et
15 ans dans 41 pays. Selon l’édition 2010 de cette enquête, le goût des
élèves pour la scolarité enregistre, en France, une dégradation importante
au collège.
Dans son rapport public thématique intitulé
L’Éducation nationale
face à l’objectif de réussite de tous les élèves
, publié en mai 2010, la Cour
a constaté que l’enseignement scolaire était encore principalement fondé
sur un modèle adapté à une période où seule une minorité d’une classe
d’âge suivait tout le parcours scolaire – en 1950, le taux de bacheliers
était de 5 %. Ce rapport recommandait que l’organisation du système
scolaire et ses modes de gestion soient profondément réformés.
Parmi les leviers dont disposent les pouvoirs publics pour faire
face à la difficulté scolaire, figure en bonne place la gestion des
enseignants qui se trouvent directement et quotidiennement en contact
4
Cf. graphique n° 3 (chapitre III) et annexe 1.5 relative aux effectifs d’enseignants.
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COUR DES COMPTES
avec les élèves. La stratégie de gestion de cette ressource essentielle est
l’objet du présent rapport.
La plupart des études internationales soulignent que le corps
enseignant est « la ressource la plus importante au sein des établissements
scolaires » pour garantir la qualité de l’école
5
.
Les recherches en sciences de l’éducation
6
montrent que le niveau
initial de l’élève, ses caractéristiques personnelles, la composition sociale
ou la localisation géographique, c’est-à-dire les données qui s’imposent à
l’école, expliquent globalement 80 % du niveau final de l’élève pour une
année d’apprentissage donnée. 20 % sont, en revanche, attribuables à
l’organisation du système éducatif et à son impact sur l’environnement de
l’élève : l’établissement, la classe et l’enseignant. Ces 20 % ont un impact
considérable dans la mesure où ils se cumulent tout au long de la scolarité
de l’élève.
La définition des missions attendues des enseignants, la répartition
des postes entre les établissements, la façon dont les affectations sont
décidées, le soutien dont ceux-ci bénéficient tout au long de leur carrière
comme leur niveau de rémunération ou leur temps de travail, sont autant
de leviers aux mains des pouvoirs publics. En outre, l’adaptation de la
gestion des ressources enseignantes (évolution du temps de service,
élargissement des missions, création de primes ou mise en place de
formations d’accompagnement) est un préalable à la mise en oeuvre de la
quasi-totalité des évolutions de l’organisation pédagogique (modification
des programmes nationaux, adaptation des rythmes scolaires, refonte des
filières d’enseignement, mise en place de modes d’accompagnement
individualisé, etc.).
L’efficacité de la gestion des personnels enseignants apparaît donc
comme une condition nécessaire, bien que non suffisante, à la réussite de
la modernisation du système éducatif.
La crise d’attractivité du métier d’enseignant
Il faut aussi compter avec une crise d’attractivité du métier
d’enseignant devenue inquiétante.
5
OCDE,
Le rôle crucial des enseignants : attirer, former et retenir des enseignants de
qualité
. Paris, éditions OCDE, 2005.
6
Les études traitant de ce sujet sont nombreuses. Voir par exemple : DURU–
BELLAT, Marie. Effets maîtres, effets établissements : quelles responsabilités pour
l’école ?
Revue suisse des sciences de l’éducation, n° 23
, 2001 ou VAN ZANTEN
Agnès (direction),
Dictionnaire de l’éducation
. Paris, PUF, 2008.
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INTRODUCTION
13
Les bilans des concours de recrutement montrent une forte baisse
du nombre de candidats présents par rapport au nombre de postes
proposés. Ainsi, dans le premier degré, le nombre de candidats par poste
aux concours externes s’est contracté de 6,4 à 3,8 entre 2009 et 2012. Au
CAPES
7
externe du second degré il a baissé de 6,0 à 2,7 entre 2006 et
2012, chutant jusqu’à 2, voire moins dans six disciplines
8
. En 2011 et en
2012, plus de 20 % des postes proposés au concours du CAPES externe
dans ces six disciplines n’ont pas pu être pourvus
9
.
Des tensions se sont déjà produites par le passé en matière de
recrutement, notamment au moment où les flux importants d’élèves des
années 1950 et 1960, en période de « massification » de l’enseignement,
ont nécessité des recrutements considérables d’enseignants. Les tensions
actuelles ont cependant ceci de singulier qu’elles se manifestent dans un
contexte de crise économique prolongée et de chômage très élevé.
Les difficultés de recrutement ne sont sans doute pas sans lien avec
la réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignants des
premier et second degrés dite de la « mastérisation », mise en oeuvre à
compter de la rentrée scolaire 2010-2011. L’objectif poursuivi était
d’élever le niveau de recrutement des professeurs, en exigeant désormais
des candidats, pour se présenter aux concours, de disposer d’un master,
c’est-à-dire d’un diplôme obtenu au terme de cinq années d’enseignement
supérieur, et non plus, comme jusqu’à la session 2009, d’une licence,
délivrée après trois années
10
.
7
Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré.
8
Allemand, anglais, éducation musicale, lettres classiques, lettres modernes et
mathématiques. La situation est la plus préoccupante en mathématiques (31,4 % des
postes non pourvus) et en lettres classiques (55,9 % des postes non pourvus, moins
d’un candidat étant présent par poste proposé au concours).
9
Le ministère estime, en février 2013, que la hausse du nombre d’inscriptions aux
concours de recrutement 2014 – plus de 138 000 personnes se sont inscrites aux
concours 2014, contre 94 300 à la session 2013 – constitue « un retournement de
tendance après des années de crise de recrutement ». Si le signe semble positif,
conclure, à ce stade, au retournement de tendance est sans doute prématuré : la
déclaration du ministère se fonde sur un nombre total d’inscrits, qui ne préjuge ni du
nombre de présents aux concours, ramené au nombre de postes offerts, ni du nombre
de postes pourvus
in fine
, et encore moins du caractère durable de cette évolution
éventuelle.
10
La France rejoint le nombre croissant de pays membres de l’OCDE qui imposent un
niveau de diplôme équivalent au master pour exercer dans l’enseignement secondaire
(Allemagne, Espagne, Suisse, Suède) et celui, plus restreint, des pays qui, comme la
Finlande, l’exigent également pour enseigner dans le premier degré.
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14
COUR DES COMPTES
Si la Cour a salué l’objectif de cette réforme, elle a critiqué les
conditions de sa mise en oeuvre
11
, soulignant en particulier les difficultés
notables d’organisation de l’accueil et de la formation des nouveaux
enseignants. Cette réforme a en outre pour effet de réduire le vivier
potentiel des candidats, tout en plaçant le métier d’enseignant en
concurrence avec les autres professions recrutant à un niveau de
formation équivalent mais offrant des rémunérations plus attractives.
Enfin, la nouvelle formation initiale et, surtout, la suppression de l’année
de stage en alternance, ont pu décourager certains candidats potentiels.
Au-delà de ces facteurs circonstanciels, le thème du « malaise
enseignant », qui n’est d’ailleurs pas propre à cette profession, est
récurrent dans le débat public et contribue à la désaffection pour le
métier. Ce sentiment, qui n’est ni général ni uniforme, se nourrit de
perceptions, souvent citées par les enseignants rencontrés au cours de
cette enquête : l’affaiblissement de la reconnaissance sociale de leur
métier, l’éloignement des élèves par rapport aux formes traditionnelles de
la culture scolaire, une certaine évolution de l’attitude des familles, les
tensions et les violences subies en milieu scolaire, ou plus largement les
conditions d’exercice du métier.
Le déficit d’attractivité du métier d’enseignant peut également être
illustré par les conditions particulières du départ en retraite.
Selon les statistiques du service des retraites de l’État, les
enseignants partent plus jeunes à la retraite : environ cinq ans plus jeunes
dans le premier degré et un an plus jeunes dans le second degré, quel que
soit le sexe. De plus, la part des pensions à taux plein au moment du
départ en retraite est plus faible chez les enseignants que chez les autres
fonctionnaires de catégorie A
12
. Les enseignants quittent donc davantage
que les autres fonctionnaires leurs fonctions avant le terme de leur
carrière, alors même que leur âge leur offre la possibilité de la poursuivre.
L’ensemble de ces constats a conduit la Cour à centrer ses travaux
sur la gestion des enseignants par le ministère de l’éducation nationale.
11
Cf
. Cour des comptes,
Rapport public annuel
, Tome I, p. 765 à 803. La
Documentation française, février 2012 et disponible sur www.comptes.fr.
12
23 % chez les enseignants du premier degré et 24 % chez ceux du second degré,
pour les hommes comme pour les femmes, contre 32 % pour les femmes et 39 % pour
les hommes chez les autres fonctionnaires de l’État de catégorie A.
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INTRODUCTION
15
La démarche de la Cour
Au cours des dernières décennies, plusieurs études ou rapports
d’ensemble marquants ont examiné la gestion des enseignants.
Au-delà des contributions régulières des inspections générales de
l’éducation nationale (IGEN) et de l’administration de l’éducation
nationale et de la recherche (IGAENR)
13
, on peut citer notamment le
rapport de M. Louis Joxe sur
La fonction enseignante dans le second
degré
, publié en mai 1972
14
. En 2008, le livre vert de M. Marcel Pochard,
conseiller d’État, sur l’É
volution du métier d’enseignant
, dressait un
constat large de la condition enseignante et esquissait des solutions
alternatives
tirées
de
nombreux
entretiens
et
de
comparaisons
internationales. Il n’a jamais été suivi du livre blanc qui devait rassembler
les propositions du gouvernement. On peut aussi mentionner le rapport
d’information pour le Sénat de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice,
sur
le métier d’enseignant au coeur d’une ambition émancipatrice
15
.
Enfin, il convient de mentionner le « débat national sur l’avenir de
l’école » en 2004, qui a donné lieu au rapport de la commission présidée
par M. Claude Thélot.
Le Gouvernement s’est lui-même engagé dans une démarche de
« refondation de l’école ». Une concertation a ainsi été organisée de
juillet à octobre 2012. Un projet de loi a été présenté en conseil des
ministres en janvier 2013 et est actuellement en discussion au Parlement.
De la gestion des enseignants, ce texte
16
n’aborde toutefois que la
formation, initiale et continue, avec la création des écoles supérieures du
professorat et de l’éducation (ESPE). Le ministre de l’éducation nationale
13
En dernier lieu, le rapport n° 2012-070 de juillet 2012 des deux inspections
générales sur les composantes de l’activité professionnelle des enseignants outre
l’enseignement dans les classes.
14
Le constat était déjà très clair : « La fonction enseignante est une fonction
éducative : cette affirmation centrale définit la fonction enseignante par rapport à des
personnes – les élèves – dans un groupe et non plus par rapport aux disciplines
enseignées ».
15
Rapport d’information n° 601 (2011-2012), fait au nom de la commission de la
culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, déposé le 19 juin 2012.
16
Les principales dispositions du projet de loi sont les suivantes : principes et
missions de l’éducation, éducation artistique et culturelle, socle commun de
connaissances, de compétences et de culture, service public de l’enseignement
numérique, administration de l’éducation, conseil supérieur des programmes, conseil
national de l’évaluation, contenu des enseignements scolaires dont l’enseignement de
langues vivantes étrangères et l’enseignement moral et civique, groupements
d’établissements, etc.
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16
COUR DES COMPTES
a annoncé de futures discussions sur la « refondation du métier
enseignant ».
La Cour, pour sa part, s’appuie sur ses travaux antérieurs qui ont
donné lieu à publication : le rapport de mai 2010 sur la réussite de tous les
élèves et le chapitre du rapport public annuel de février 2012 consacré à
la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants des
premier et second degrés
17
.
Elle utilise aussi les conclusions d’un référé du 11 juillet 2012
adressé au ministre de l’éducation nationale et relatif à
l’Égalité des
chances et la répartition des moyens dans l’enseignement scolaire
18
,
après une enquête conduite dans les académies d’Aix-Marseille, Créteil,
Dijon et Rennes.
Elle exploite enfin les résultats d’une enquête conduite dans les
académies de Lille, Rennes et Toulouse, à la demande de la commission
des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de
l’Assemblée nationale, sur
l’orientation à la fin du collège
de septembre
2012, s’agissant en particulier des rôles de conseil et d’information des
différents intervenants du système éducatif
19
.
Le présent rapport s’inscrit dans la continuité de ces publications.
Il vise à déterminer la façon dont le système scolaire valorise au mieux sa
principale ressource, les enseignants, au service de la mission de réussite
de tous les élèves.
Dans ce but, la Cour a engagé une double démarche, d’analyse de
terrain dans cinq académies et d’analyse des données financières
individuelles de paie, de temps de travail et d’affectation des enseignants.
Pour la première fois, le secteur de l’enseignement privé sous contrat
d’association avec l’État a été inclus dans ses investigations.
17
Cf
. annexe 1.2 relative à la mastérisation.
18
Ce référé a été mis en ligne sur le site de la Cour le 24 septembre 2012. Un autre
référé adressé le même jour au Premier ministre insiste sur le caractère
interministériel de la politique d’égalité des chances qui suppose une réflexion
coordonnée sur la répartition des moyens publics entre les territoires.
19
Le rapport demandé par l’Assemblée nationale au titre de l’article 58-2° de la loi
organique relative aux lois de finances (LOLF) a été remis le 14 septembre 2012. La
Cour relevait, parmi les insuffisances du dispositif d’orientation, deux éléments ayant
trait au métier enseignant : « l’absence d’une véritable formation […] des enseignants
à l’information sur les filières de formation aux différents métiers » et « la
reconnaissance insuffisante des activités des enseignants dans les domaines de l’aide
individualisée et de la formation des élèves à l’orientation ».
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INTRODUCTION
17
Sur la base de ces constats de terrain, la Cour a organisé une large
contradiction avec les responsables du ministère de l’éducation nationale,
mais aussi avec l’ensemble des autres acteurs du système éducatif
20
auxquels elle a soumis son diagnostic et ses propositions. Elle a pu
constater, tant au cours de ses contrôles que des nombreuses auditions
auxquelles elle a procédé, une implication forte et un attachement profond
des enseignants à leur métier.
Elle a également analysé sur place les mécanismes de gestion des
personnels enseignants de trois systèmes étrangers : l’Allemagne (Land
de Berlin), le Canada (province de l’Ontario) et les Pays-Bas
21
. Ces pays
ou territoires ont été choisis pour leurs résultats selon les études
internationales – le Canada et les Pays-Bas font partie du groupe des pays
dont les élèves ont les meilleurs résultats aux tests PISA 2009 – ou pour
la trajectoire d’amélioration mise en évidence dans ces études : c’est le
cas notamment de l’Allemagne, dont les résultats PISA 2000 ont
provoqué une prise de conscience.
Telle qu’elle est entendue dans le présent rapport, la gestion des
enseignants recouvre la définition des missions et du service de
l’enseignant, la gestion des corps et des disciplines, le temps de travail,
les rémunérations, l’évaluation et la notation, le déroulement de la
carrière, la formation continue, les procédures d’affectation des
enseignants, le remplacement des enseignants absents, le pilotage du
nombre d’enseignants et la répartition des postes d’enseignants sur le
territoire, enfin l’organisation territoriale de la gestion des enseignants.
La Cour n’a pas estimé utile de revenir sur le sujet de la formation
initiale des enseignants à la fois parce qu’elle venait de le traiter dans son
rapport public annuel de février 2012, et parce que les nouvelles écoles
supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), créées dans le cadre
de la « refondation de l’école », ne seront opérationnelles qu’à la rentrée
de septembre 2013.
Enfin, il faut rappeler que la Cour ne se prononce que sur son
champ de compétence, c’est-à-dire sur l’organisation et le fonctionnement
de la gestion, son efficacité (c'est-à-dire sa capacité à atteindre les
20
Des enseignants du premier degré et du second degré, des directeurs d’école et
chefs d’établissement, des inspecteurs du premier et du second degré, des
organisations syndicales et associations professionnelles d’enseignants et de chefs
d’établissement, ainsi que des associations d’élèves et de parents d’élèves, des experts
(historiens, sociologues, économistes, spécialisés dans le domaine de l’éducation).
21
Cf
. annexe 2 relative à la gestion des enseignants au Canada (Ontario).
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18
COUR DES COMPTES
objectifs fixés dans la loi) et son efficience (c’est-à-dire sa capacité à le
faire au meilleur coût).
Le rapport est organisé en trois chapitres qui analysent
successivement :
-
la cohérence entre la définition des missions des enseignants et
les outils de gestion qui leur sont appliqués ;
-
les modalités de fonctionnement retenues par le ministère de
l’éducation nationale pour assurer la gestion de ses effectifs
enseignants ;
-
l’insuffisante
valorisation
de
la
ressource
enseignante,
ressource humaine hautement qualifiée.
Méthode mise en oeuvre
L’analyse a été effectuée sur l’ensemble du champ de l’enseignement
scolaire dépendant de l’éducation nationale, public comme privé sous contrat,
de la maternelle aux filières post-baccalauréat présentes en lycée (sections de
techniciens supérieurs et
classes préparatoires aux
grandes écoles).
L’inclusion de l’enseignement privé sous contrat permet de couvrir plus de
97,5 % de la population scolarisée. La gestion relevant d’autres ministères
que l’éducation nationale (agriculture, affaires étrangères ou défense
22
), qui
représente moins de 2,5 % des élèves, n’a pas été examinée.
Les travaux de la Cour s’appuient sur des constats effectués, au cours
de trois enquêtes parallèles menées sur deux années, sur le terrain, dans les
écoles et établissements scolaires, ainsi qu’à tous les niveaux de
l’administration du ministère : circonscriptions, infradépartementales, du
premier degré, directions départementales dites académiques des services de
l’éducation nationale (DASEN), rectorats et directions de l’administration
centrale
23
. Cette méthode a permis de prendre en compte les pratiques de
gestion comme les témoignages des enseignants eux-mêmes.
22
Un contrôle des lycées militaires est en cours à l’initiative de la deuxième chambre
de la Cour des comptes.
23
Cf
. liste des personnes rencontrées, en annexe 3.
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INTRODUCTION
19
Les travaux ont été menés dans cinq académies (Bordeaux, Lille,
Limoges, Nantes et Versailles), qui permettent de couvrir un échantillon
représentatif des effectifs d’ensemble. Ces académies gèrent en effet
227 000 enseignants de l’enseignement public et de l’enseignement privé
sous contrat
24
, représentant 26 % de l’effectif total d’enseignants. De plus,
elles permettent de disposer d’un échantillon qui rend compte de la diversité
des conditions d’enseignement, tant en termes géographiques que du point de
vue des caractéristiques socio-économiques du public scolaire.
Ces travaux de terrain se sont également appuyés sur le recueil et
l’analyse des données individuelles de gestion des enseignants utilisées dans
les services gestionnaires locaux des rectorats et des DASEN. Cette méthode,
utilisée pour la première fois sur le sujet, a exigé l’extraction, puis le
traitement par la Cour de données individuelles de paye, de temps de service,
d’affectation
et
de
position
statutaire
sur
le
périmètre
des
227 000 enseignants des cinq académies étudiées. Ces données ont été
croisées avec celles issues des fichiers de rémunération du ministère chargé
des finances.
Graphique n° 1 : organisation de l’administration du ministère
de l’éducation nationale
Source : Cour des comptes
24
Pour l’analyse des données brutes (fichiers de paye, de temps de travail), tout le
périmètre de l’enseignement privé sous contrat a été couvert. Les visites en
établissements n’ont en revanche concerné que des établissements de l’enseignement
catholique.
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20
COUR DES COMPTES
Carte n° 1 : l
es académies métropolitaines et d’outre-mer
25
Source : ministère de l’éducation nationale,
25
Mayotte n’est pas une académie. Dans ce département d’outre-mer, les services
déconcentrés du ministère de l’éducation nationale sont placés sous la responsabilité
d’un vice-recteur, qui cumule les missions d’un recteur (à l’exception des
responsabilités en matière d’enseignement supérieur, car il n’est pas chancelier des
universités) et d’un directeur départemental, mais est placé sous l’autorité directe du
préfet. Ce régime se rapproche en pratique de ceux applicables en Nouvelle
Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
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Chapitre I
Un décalage croissant avec la réalité du
métier d’enseignant
Les missions des enseignants recouvrent, au-delà des heures de
cours dans la classe, un ensemble d’activités individuelles et collectives
liées à la fonction enseignante, mais la gestion du ministère demeure
centrée sur les seules heures de cours.
Cette gestion ne correspond plus à la logique du parcours des
élèves et n’est plus en cohérence avec les principes et objectifs fixés par
la loi.
I
-
Un défaut de cohérence entre les missions
légales et le temps de service
Les missions légales des enseignants ne sont pas déclinées dans le
temps de service des enseignants, qui inclut les seules heures
d’enseignement selon un rythme strictement hebdomadaire.
A - Des missions mal définies
La loi assigne des missions claires aux enseignants. Néanmoins,
d’autres textes se superposent à cette définition initiale, rendant
l’ensemble peu lisible.
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22
COUR DES COMPTES
1 -
Un cadre aux contours variables
Les missions des enseignants sont définies à l’article L. 912-1 du
code de l’éducation, issu de la loi du 10 juillet 1989 et enrichi par la loi de
programme et d’orientation pour l’avenir de l’école du 24 avril 2005. Cet
article dispose, au titre des obligations propres aux personnels
enseignants, que « les enseignants sont responsables de l'ensemble des
activités scolaires des élèves ». Il mentionne entre autres activités :
l’« aide au travail personnel des élèves », l’« évaluation [des élèves] », le
« conseil dans le choix des projets d’orientation [des élèves] ».
Article L. 912-1 du code de l’éducation
26
« Les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités
scolaires des élèves. Ils travaillent au sein d'équipes pédagogiques ; celles-ci
sont constituées des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou
groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire et des
personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires dans les écoles.
Les personnels d’éducation y sont associés.
Les enseignants apportent une aide au travail personnel des élèves et
en assurent le suivi. Ils procèdent à leur évaluation. Ils les conseillent dans le
choix de leur projet d’orientation en collaboration avec les personnels
d'éducation et d'orientation. […]
Ils contribuent à la continuité de l’enseignement sous l’autorité du
chef d'établissement en assurant des enseignements complémentaires.
Leur formation les prépare à l’ensemble de ces missions. »
26
Les articles L. 912-1 et suivants s’insèrent au chapitre II (dispositions propres aux
personnels enseignants) du titre I
er
(dispositions générales) du livre IX (les personnels
de l’éducation) de la quatrième partie du code (partie législative) qui est consacrée
aux personnels.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
23
Une
circulaire
du
ministère
de
l’éducation
nationale
du
23 mai 1997 prévoit, pour sa part, que l’enseignant du second degré doit
instruire les élèves, les éduquer et les former en vue de leur insertion
sociale et professionnelle. Un arrêté du 12 mai 2010, en cours de
modification, définit, en outre, un ensemble de « dix compétences
professionnelles » à acquérir « au cours de la formation » au métier
27
.
Toutefois, les missions de l’enseignant ainsi déterminées ne
recouvrent pas la totalité de celles, multiples et générales, assignées à
l’école. Ainsi, l’article L. 111-1 du code de l’éducation attribue de
nombreux objectifs à l’enseignement scolaire dont l’atteinte relève
in fine
de la responsabilité des enseignants, au moins pour l’opinion publique.
Article L. 111-1 du code de l’éducation
« L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de
l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il
contribue à l’égalité des chances.
Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme
mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la
République.
L’école garantit à tous les élèves l’apprentissage et la maîtrise de la
langue française. […]
Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de
développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et
continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa
citoyenneté. […]
La répartition des moyens du service public de l’éducation […] a pour
but […] de permettre de façon générale aux élèves en difficulté […] de
bénéficier d’actions de soutien individualisé.
L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue
est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou
géographique. »
27
« Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ; maîtriser la
langue française pour enseigner et communiquer ; maîtriser les disciplines et avoir
une bonne culture générale ; concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ;
organiser le travail de la classe ; prendre en compte
la diversité des élèves
; évaluer les
élèves ; maîtriser les technologies de l’information et de la communication ; travailler
en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ; se former et
innover ».
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24
COUR DES COMPTES
Plus d’une dizaine d’articles supplémentaires déterminent les
objectifs et missions du service public de l’enseignement et s’ajoutent à
cette liste déjà longue.
2 -
Qu’est-ce qu’un bon enseignant ?
La juxtaposition de ces différents textes laisse la question « qu’est-
ce qu’un bon enseignant ? » sans réponse de la part du ministère. Les
parties prenantes au système éducatif et les enseignants eux-mêmes n’ont
pas de guide de bonnes pratiques ni de référentiel normatif leur
permettant d’orienter leurs actions quotidiennes, en conséquence, dans la
classe et en dehors de la classe.
Les critères d’évaluation des enseignants, qui sont censés être
cohérents avec ce qui est attendu d’eux aux termes des dispositions
législatives et réglementaires applicables, ne résultent donc d’aucun cadre
national clair en lien avec les missions.
Les modalités d’évaluation et de notation des enseignants
Dans la fonction publique, la mission d’évaluation est habituellement
dévolue au supérieur hiérarchique du fonctionnaire qui doit rendre compte
annuellement de la manière de servir de son subordonné. Le corps enseignant
se distingue par une pratique différente.
L’évaluation relève, en effet, de corps voués à cette mission : les
inspecteurs, compétents pour les enseignants de l’enseignement public
comme de l’enseignement privé sous contrat. L’inspection est constituée
d’une visite en classe de trente minutes à une heure pendant que l’enseignant
fait cours – visite parfois précédée de la communication de documents
demandés par l’inspecteur –, puis d’un échange entre l’inspecteur et
l’inspecté pour faire le point. L’inspecteur transmet, dans les semaines
suivantes, un rapport écrit faisant état de ses observations ; puis, à la fin de
l’année scolaire, après qu’un travail d’harmonisation a eu lieu, il fixe la note
des enseignants vus au cours de l’année.
Dans le seul second degré, cette évaluation « pédagogique » est
complétée d’une évaluation annuelle par le chef d’établissement dite
« administrative ». Cette évaluation complémentaire vise à rendre compte de
la manière de servir de l’enseignant en dehors de la classe ; elle est fondée
sur la déclaration par le chef d’établissement d’une note chiffrée encadrée
selon l’ancienneté (
cf
.
infra
chapitre 2), d’une appréciation sur trois critères
(ponctualité/assiduité, activité/efficacité, autorité/rayonnement), désignés
dans le milieu enseignant par le terme de « pavés », et d’une appréciation
littérale limitée en nombre de caractères. Aucune obligation n’est faite d’un
entretien entre l’enseignant et le chef d’établissement.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
25
Sur le plan pédagogique, le cadre juridique des inspections en
classe est succinct, laissant les corps d’inspection très libres dans
l’interprétation des critères d’évaluation. Différentes pratiques se sont
donc développées : lettre annuelle de l’inspecteur indiquant les critères de
l’évaluation ou encore utilisation des « dix compétences professionnelles
à maîtriser » fixées par l’arrêté du 12 mai 2010 précité, qui n’avaient pas
vocation initialement à constituer un référentiel métier.
À l’inverse de la notation pédagogique, la notation administrative
par le chef d’établissement, propre au second degré, est enfermée dans
des modalités tellement étroites qu’elles ne donnent pas une vision
pertinente de la mission des enseignants.
3 -
Les principes applicables aux missions
Si cet ensemble divers, voire hétéroclite, ne donne ni un contenu ni
une limite clairs aux missions des enseignants, il permet cependant
d’identifier les grands principes qui les fondent.
Tout d’abord, la mission des enseignants dépasse le cadre étroit de
la transmission stricte de connaissances. Cette situation est le fruit d’une
évolution historique.
Une évolution historique de la conception du métier d’enseignant
L’organisation du lycée au XIXème siècle, puis du collège dans la
seconde moitié du XXème siècle, s’est inspirée du modèle préexistant de
l’université. En particulier, la mission de l’enseignant a été largement définie,
à l’origine, par référence à celle des professeurs d’université : elle s’est
fondée sur la dispense d’un cours disciplinaire face à un public d’élèves, en
vue d’assurer leur formation intellectuelle et leur réussite aux examens
nationaux. Cette définition, axée sur la notion de cours disciplinaire,
supposait que l’enseignant maîtrise avant tout une discipline universitaire,
qu’il soit essentiellement chargé de faire cours, et qu’il corrige les travaux
réalisés par les élèves en dehors de ses cours.
En 1852, Hippolyte Fortoul, le ministre de l’instruction publique de
l’époque, dans un souci de rationalisation, a défini le temps de travail des
enseignants, discipline par discipline, en fonction du statut. À ces heures,
s’ajoutaient des heures de répétition, de conférences et d’interrogations. Entre
1880 et 1892, Jules Ferry a aligné tous les titulaires du second degré à quinze
heures de cours.
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26
COUR DES COMPTES
Tout au long du XIXème siècle et jusqu’à l’arrivée des classes d’âge
nombreuses (1950-1960), les fonctions d’enseignant ont, de ce fait, été
clairement distinguées de celles de répétiteur, chargé de la surveillance du
travail personnel des élèves, ainsi que de celles de surveillant, chargé de ce
qu’on appelle aujourd’hui la « vie scolaire ».
Cette conception traditionnelle a progressivement évolué, en raison de
plusieurs facteurs, scolaires et sociaux, notamment la démocratisation de
l’accès aux études secondaires, l’allongement progressif de l’obligation
scolaire, la perception croissante de la nécessité d’une lutte efficace contre
l’échec scolaire, ainsi que la place revendiquée par les parents d’élèves dans
les décisions affectant la scolarité de leurs enfants.
La dimension collective du travail est également affirmée. L’article
L. 912-1 déjà cité prévoit ainsi que les enseignants « travaillent au sein
d'équipes pédagogiques », constituées notamment « des enseignants ayant
en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le
même champ disciplinaire ». Cette dimension collective est renforcée par
le fait que l’accomplissement des missions du service public de
l’enseignement repose sur « les écoles, les collèges, les lycées » (article
L. 121-1 du code de l’éducation), donc sur des équipes d’enseignants, et
non sur des individus isolés.
Enfin, les objectifs et missions de l’école sont organisés en
fonction du parcours des élèves, aux niveaux du socle commun (jusqu’à
la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire jusqu’à 16 ans), du
baccalauréat et de l’enseignement supérieur. Selon les termes de l’annexe
à la loi de 2005 précitée, « la Nation fixe au système éducatif l'objectif de
garantir que 100 % des élèves aient acquis au terme de leur formation
scolaire un diplôme ou une qualification reconnue, et d'assurer que 80 %
d'une classe d'âge accèdent au niveau du baccalauréat. Elle se fixe en
outre comme objectif de conduire 50 % de l'ensemble d'une classe d'âge à
un diplôme de l'enseignement supérieur ». Ces dispositions, qui ne sont
pas remises en cause par le projet de loi en cours de discussion au
Parlement, devraient avoir des implications sur le rôle des enseignants
intervenant à l’intérieur de ces parcours.
La gestion du ministère apparaît en décalage avec chacun de ces
principes.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
27
B - Une définition du temps de service incohérente avec
les missions légales
Alors que dans la fonction publique d’État et dans la magistrature,
la durée du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine depuis 2000
28
(hors heures supplémentaires), les enseignants du ministère de l’éducation
nationale obéissent à un régime dérogatoire dit « d’obligations de
service » prévu par la réglementation
29
. Ce régime consiste à ne
comptabiliser qu’un service défini, et non la totalité du temps de travail
qu’il implique.
1 -
Une définition étroite du service dans le second degré
a)
Les limites des obligations réglementaires de service
Dans le cas des enseignants du second degré, les obligations
réglementaires de service (ORS) sont définies exclusivement comme un
nombre d’heures de cours par semaine par une série de décrets de 1950.
Article 1
er
du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement
d’administration publique
« Les membres du personnel enseignant dans les établissements du
second degré sont tenus de fournir sans rémunération supplémentaire, dans
l’ensemble de l’année scolaire, les maximums de services hebdomadaires
suivants : A) enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et
artistiques : agrégés : quinze heures ; non agrégés : dix-huit heures ».
Les obligations sont déclinées par les décrets n° 50-582 et n° 50-583
du
25 mai
1950
pour
les
personnels
des
établissements
publics
d’enseignement technique et pour les professeurs et maîtres d’éducation
physique et sportive.
28
Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 modifié relatif à l’aménagement et à la
réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la
magistrature. Depuis ce décret, le décompte du temps de travail est réalisé sur la base
d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des
heures supplémentaires.
29
Article 7 du décret précité.
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28
COUR DES COMPTES
La seule obligation à laquelle sont tenus les enseignants en vertu
desdits décrets est donc d’assurer entre quinze et dix-huit heures de cours
hebdomadaires
30
, pendant la durée officielle de l’année scolaire, soit
trente-six semaines
31
. En conséquence, en dépit de la définition légale des
missions, tout travail de l’enseignant autre que celui de « faire cours »
n’est pas identifié dans son temps de service, ce qui est doublement
dommageable, pour l’enseignant qui ne peut pas voir son implication
pleinement reconnue, et pour le chef d’établissement qui est tributaire de
la bonne volonté des enseignants.
Or en dehors de son temps de cours, l’enseignant a de nombreuses
activités. Outre la préparation des cours, la documentation et la correction
des travaux des élèves, celles-ci concernent notamment un ensemble de
tâches de suivi des élèves et d’accompagnement personnalisé, de
rencontres avec les parents, de travail en équipe, de participation aux
instances de l’établissement, de correction des examens, d’implication
dans des actions de formation, etc. Les observations de la Cour rejoignent
celles réalisées par l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN)
et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de
la recherche (IGAENR) dans leur rapport de juillet 2012 relatif aux
composantes
de
l’activité
professionnelle
des
enseignants
outre
l’enseignement dans les classes.
La quantification de ces tâches est difficile. Selon les résultats
d’une étude menée en 2008 par le ministère de l’éducation nationale
32
, les
enseignants du second degré public déclarent consacrer en moyenne, hors
période de vacances scolaires, 21 heures par semaine à ces activités au-
delà des heures de cours, dont 15 heures trente environ pour la
préparation des cours, la correction des copies et la documentation, une
heure et demie pour le travail entre collègues, et deux heures environ, au
total, pour le suivi des élèves et les rencontres avec les parents.
30
Les professeurs d’éducation physique et sportive sont tenus d’assurer vingt heures
de cours hebdomadaires. Toutefois, en pratique, ils n’en effectuent que dix-sept
puisqu’ils bénéficient d’une décharge de trois heures au titre de l’animation du sport
scolaire volontaire (
cf
.
infra
).
31
L’ajustement des obligations statutaires aux besoins en heures de cours est
notamment assuré par les heures supplémentaires annuelles (HSA). Celles-ci sont
attribuées pour la totalité de l’année scolaire (36 semaines de cours) et ne rémunèrent
que des heures de cours, la première ne pouvant être refusée par l’enseignant. Par
exemple, un agrégé qui donne seize heures de cours par semaine effectue une heure
supplémentaire annuelle puisque son temps normal de service est de quinze heures.
32
Ministère de l’éducation nationale,
Enseigner en collège et lycée en 2008
,
Octobre 2009.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
29
Certaines de ces tâches qui sortent du cadre du cours peuvent être
prises
en
compte
par
des
décharges
de
service,
des
heures
supplémentaires ou des primes.
b)
Les décharges de service
Les décharges de service minorent les heures de cours fixées par
les obligations réglementaires de service pour prendre en compte la
réalisation d’une autre activité. Dans son rapport public thématique de
mai 2010, la Cour avait déjà relevé leur caractère inadapté. Ces critiques
demeurent valables.
Certaines décharges, dites « statutaires », sont prévues par les
décrets de 1950. Elles sont en partie obsolètes, les motifs qui les
justifiaient ayant, pour nombre d’entre eux, disparu.
Par exemple, une réduction d’une heure par semaine, dite de
« première chaire », est accordée à tout enseignant exerçant en classe de
première ou de terminale, pour tenir compte du surcroît de travail
impliqué par la préparation des élèves au baccalauréat, alors que depuis
1964 seul un nombre limité d’épreuves du baccalauréat est passé en fin de
classe de première. Une heure de réduction de service est également
accordée aux enseignants d’histoire et de géographie au titre de
l’entretien des « cabinets de matériel historique et géographique », alors
que ces cabinets ont pour la plupart disparu.
Une autre réduction de service concerne les trois heures que les
enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) sont censés accorder
au « sport scolaire volontaire ». Elle repose sur une simple note de service
et bénéficie en pratique à tous les enseignants de cette discipline. Pourtant
certains enseignants d’EPS n’assurent pas cette mission, tout en
conservant l’avantage de cette réduction de service, comme la Cour l’a
relevé dans un référé au ministre de l’éducation nationale et au ministre
chargé des sports
33
et dans son rapport public thématique
Sport pour tous
et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État
de
janvier 2013. Or le volume total des heures d’enseignement affectées à
cette activité représente environ 4 800 postes en équivalents temps plein
(ETP).
D’autres décharges de service compensent le temps passé par
l’enseignant à accomplir des tâches au profit de son établissement ou du
33
Cf
. référé n° 63938 du 25 mai 2012 sur l’organisation de la pratique sportive
volontaire dans l’enseignement du second degré consultable sur le site Internet de la
Cour
www.ccomptes.fr
.
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30
COUR DES COMPTES
rectorat. Par exemple, un enseignant peut avoir la responsabilité du
matériel informatique de l’établissement, coordonner les enseignants
d’une discipline, assurer un tutorat à la demande de l’inspection. Ces
décharges sont accordées au cas par cas par circulaire ou note de service,
en dehors de toute base réglementaire, et sont donc irrégulières. En 2011,
ces décharges représentaient l’équivalent de 8 041 emplois à temps plein,
sans compter les décharges syndicales
34
.
c)
Les heures supplémentaires effectives
Les « heures supplémentaires effectives » (HSE)
35
constituent un
autre moyen de rémunérer les heures effectuées par les enseignants
lorsqu’ils s’impliquent dans des activités éducatives hors heures de cours
au-delà
des
obligations
réglementaires
de
service.
Les
chefs
d’établissement reçoivent à cet effet une dotation en début d’année.
Toutefois, ces heures supplémentaires sont censées rémunérer du
temps, alors qu’elles sont, pour partie, utilisées de façon forfaitaire : dans
la pratique, l’investissement particulier d’un enseignant peut être
récompensé par une heure supplémentaire effective, indépendamment du
temps réellement passé (de moins d’une heure à plusieurs heures). En
outre, une même activité peut, d’une année à l’autre ou d’un
établissement scolaire à l’autre, faire l’objet d’une gratification par heure
supplémentaire
effective
ou
non,
selon
le
volume
d’heures
supplémentaires effectives dont le chef d’établissement dispose.
d)
Les primes
Le troisième instrument créé par le ministère consiste en l’octroi de
primes destinées à rémunérer certaines activités prévues dans les missions
des enseignants mais ne rentrant pas dans le cadre des obligations
réglementaires de service.
34
En 2011, les décharges syndicales représentent 1 698 équivalents temps plein, hors
autorisations d’absence, pour l’ensemble des enseignants du premier degré et du
second degré de l’enseignement public comme de l’enseignement privé sous contrat.
S’y ajoutent des autorisations d’absence qui ne sont pas suivies par le ministère.
35
Les heures supplémentaires effectives (HSE) sont versées pour les tâches ne
relevant pas du service hebdomadaire régulier de l’enseignant et peuvent rémunérer
des activités autres que les heures de cours.
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31
C’est le cas, par exemple, de l’indemnité pour le suivi et
l’orientation des élèves (ISOE) qui, outre une part variable destinée aux
professeurs principaux, comporte une part fixe rémunérant le suivi des
élèves, leur évaluation et la participation aux conseils de classe, alors que
ces tâches font partie intégrante des missions des enseignants. Cette part
fixe est allouée à tous les enseignants, quelle que soit la réalité de leur
implication dans ces domaines.
De même, la participation aux jurys des examens nationaux
(diplôme national du brevet, baccalauréat) fait l’objet d’une indemnité
supplémentaire, alors que l’enseignant est déjà déchargé de cours.
Une tentative de réforme visant à mieux accorder la définition
réglementaire du service des enseignants du second degré à leurs
missions a eu lieu en 2007, sous la forme du décret du 12 février 2007 dit
« de Robien »
36
. Ce texte restreignait les décharges statutaires aux cas
réellement
utiles :
restriction
des
heures
de
première
chaire
à
l’enseignement d’une discipline faisant réellement l’objet d’une épreuve
anticipée du baccalauréat en fin de classe de première, abrogation de
l’heure de cabinet d’histoire géographie, nécessité d’un service effectif
justifiant les heures de décharge au titre de l’Union nationale du sport
scolaire. Le décret a, toutefois, été abrogé le 31 août 2007, à la veille de
son entrée en vigueur.
2 -
Une définition du service plus large dans le premier degré
La définition du service des enseignants du primaire est plus
complète que celle des enseignants du secondaire. Outre les heures de
cours, le service intègre en effet d’autres activités faisant partie des
missions des enseignants, et dont une partie est annualisée.
36
D’autres réformes des obligations réglementaires de service ont eu lieu auparavant.
Elles n’ont cependant pas élargi le contenu du service des enseignants aux activités
hors heures de cours, mais ont porté sur le nombre d’heures de cours hebdomadaires.
Les obligations réglementaires de service des professeurs d’enseignement général en
collège (PEGC) sont ainsi passées dans les années 1980 de 21 heures à 18 heures ;
celles des professeurs de lycée professionnel sont passées de 23 heures à 18 heures en
2000.
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32
COUR DES COMPTES
Article 1
er
et article 2 du décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008
37
Article 1
er
– Dans le cadre de leurs obligations de service, les
personnels enseignants du premier degré consacrent, d’une part, vingt-quatre
heures hebdomadaires d’enseignement à tous les élèves et, d’autre part, trois
heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit cent huit heures annuelles,
aux activités définies à l’article 2.
Article 2 – I. - Les cent huit heures annuelles de service mentionnées
à l’article 1
er
sont réparties de la manière suivante :
1° Soixante heures consacrées à de l’aide personnalisée ou à des
interventions en groupes restreints auprès des élèves rencontrant des
difficultés dans leurs apprentissages et au temps d’organisation proportionné
correspondant ;
2°
Vingt-quatre
heures
consacrées
aux
travaux
en
équipes
pédagogiques, aux relations avec les parents, à l’élaboration et au suivi des
projets personnalisés de scolarisation pour les élèves handicapés ;
3° Dix-huit heures d’animation et de formation pédagogiques ;
4° Six heures de participation aux conseils d’école obligatoires.
II. – Lorsque les heures mentionnées au 1° du I ne peuvent pas être
entièrement utilisées pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans
leurs apprentissages, elles sont consacrées au renforcement de la formation
professionnelle continue des enseignants, en dehors de la présence des élèves.
Ces dispositions comportent elles-mêmes des limites :
-
toutes les missions des enseignants ne sont pas prises en
compte ;
-
la répartition entre missions est déterminée de façon trop
détaillée et uniforme sur tout le territoire ;
-
les heures d’enseignement en classe entière ne peuvent être
annualisées ;
-
enfin, les enseignants qui assurent le moins d’heures d’aide
personnalisée, en raison des bonnes performances scolaires de
leurs élèves, sont aussi ceux qui peuvent le plus se former.
37
Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, une circulaire du 4 février 2013 a
précisé la répartition des soixante heures au 1° du I de l’article 2. Trente-six heures
seront consacrées à des « activités pédagogiques complémentaires ». Les vingt-quatre
heures restantes permettront d’assurer notamment « l'identification des besoins des
élèves » et « l’organisation des activités pédagogiques complémentaires ».
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33
Des exemples étrangers montrent qu’il est possible de mieux
prendre en compte la réalité des activités de l’enseignant, en cohérence
avec ses missions.
Le
service des enseignants au Canada et aux Pays-Bas
Au Canada (Ontario), le service des enseignants est fixé par
convention collective négociée avec les syndicats. Il comprend des heures de
cours, mais également un temps dit « de gestion » ou « de préparation » que
les enseignants utilisent selon les besoins locaux, pour du travail en équipe, la
formation, ou la préparation de cours par exemple. Ce temps de gestion est de
240 minutes (soit 4 heures) pour 1 260 minutes de cours (soit 21 heures) par
semaine dans l’enseignement élémentaire et 375 minutes (soit 6 heures et
15 minutes) pour 1 125 minutes de cours (soit 18 heures et 45 minutes) par
semaine dans le secondaire. Il s’agit d’un forfait global, qui ne couvre pas la
totalité du temps de travail hors heures de cours, mais qui assure, pour les
enseignants comme pour l’administration, une prise en compte dans le
service des activités hors heures de cours.
Aux Pays-Bas, le service des enseignants est encadré par des
conventions collectives nationales. Il comprend un nombre d’heures de
travail total de 1 659 heures annuelles, dont 750 heures d’enseignement
maximum. Dans ces limites, la totalité des missions doit pouvoir être prise en
compte en fonction des besoins locaux : formation continue, travail en
équipe, mentorat et tutorat d’enseignants, fonction de coordination au sein de
l’équipe enseignante, et, dans le cadre particulier d’un temps de travail
global, préparation des cours et correction des copies.
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34
COUR DES COMPTES
C - Les conséquences de la logique hebdomadaire du
temps de service
La définition hebdomadaire du temps de service des enseignants
conduit à ignorer le rythme variable des besoins tout au long de l’année
scolaire.
1 -
Des emplois du temps fixes d’une semaine à l’autre
Dès lors que le temps de service a un caractère hebdomadaire, les
emplois du temps des enseignants sont considérés comme fixes d’une
semaine à l’autre.
Le ministère fournit aux établissements scolaires des moyens en
enseignants à partir d’une semaine type d’enseignement, censée
s’appliquer toute l’année scolaire. L’activité du ministère est ainsi tout
entière dirigée vers la préparation de la rentrée scolaire, afin d’atteindre
l’objectif de « mettre un enseignant devant chaque classe ». Cet objectif
est globalement atteint malgré l’ampleur de la tâche. Il en résulte
néanmoins une vision théorique du temps de service de l’enseignant.
Ainsi, dans les systèmes d’information du ministère
38
, les données
relatives au temps de travail des enseignants sont centrées uniquement sur
les heures d’enseignement à dispenser sur une semaine type.
38
« Application de gestion des personnels des écoles maternelles et élémentaires,
publiques et privées » (AGAPE) pour le premier degré, « emploi, poste, personnel »
(EPP) pour le second degré.
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35
Les étapes de la préparation de la rentrée scolaire
La préparation de la rentrée scolaire est composée de deux exercices
imbriqués qui se déroulent en parallèle.
1° La « gestion prévisionnelle » a pour objet le recrutement et
l’affectation des enseignants. Elle comprend :
- la détermination du nombre d’enseignants à recruter par concours.
Pour un recrutement à la rentrée scolaire de l’année N (par exemple
septembre 2013), le volume de postes offerts aux concours est décidé par le
ministre en juin de l’année N-1 (juin 2012), sur la base d’hypothèses
travaillées à partir d’avril N-1 (avril 2012) ;
- la répartition des besoins en enseignants par académie : entre octobre
N-1 et février N ;
- l’affectation des enseignants sur leur poste. Celle-ci est réalisée sous
la forme d’un mouvement d’enseignants entre académies (second degré) ou
départements (premier degré), en mars N, puis d’une affectation sur un poste
au sein de ces académies et départements, entre mars en mai N. Passés ces
mouvements généraux, des affectations tardives, concernant les lauréats des
concours, les remplaçants affectés à l’année ou les enseignants contractuels,
sont décidées de juin N jusqu’à la rentrée scolaire, et parfois au-delà.
2° La gestion des moyens consiste à déterminer le nombre et la
répartition des postes d’enseignants (ou des heures d’enseignement, dans le
second degré) sur le territoire :
- par académie : entre la rentrée N-1 et décembre N-1 ;
- au sein des académies, par département et par type d’établissement
dans le second degré (collège, lycée général et technologique, lycée
professionnel) : en janvier N ;
- enfin, par école et établissement : en février N.
2 -
Une logique en décalage avec les besoins réels
La réalité des besoins des élèves n’est pas uniforme sur toute
l’année scolaire et se concilie difficilement avec cette organisation
hebdomadaire.
En effet, les activités en dehors des heures de cours sont variables
d’une semaine à l’autre : c’est le cas par exemple des entretiens avec les
élèves au sujet de leur orientation, de l’aide individuelle, mais aussi des
rencontres avec les parents, des conseils de classe ou des corrections de
copies d’examen. Les enseignants sont donc amenés à s’adapter à la
variabilité des besoins, sans que cela puisse être pleinement reconnu. Le
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COUR DES COMPTES
chef d’établissement, de son côté, est tributaire de la bonne volonté des
enseignants.
Par ailleurs, les heures de cours sont programmées de façon fixe,
sans correspondre nécessairement aux besoins des élèves. Dans son
enquête précitée relative à
l’orientation à la fin du collège
, la Cour
soulignait que la prise en compte des besoins des élèves supposait
notamment « l’adaptation des rythmes d’apprentissage, […] la mise en
place d’enseignements modulaires » ou « l’adaptabilité des emplois du
temps et du contenu même des programmes ». Par exemple, un directeur
départemental
rencontré
lors
de
cette
enquête
préconisait
un
enseignement modulaire dispensé par groupes adaptés à l’apprentissage
des élèves, ce qui suppose de construire des emplois du temps pour
chaque semaine et de mobiliser les enseignants à la demande.
De plus, les absences des enseignants introduisent des variations
dans le rythme de l’année scolaire : elles connaissent un pic en hiver,
mais aussi des fluctuations moins prévisibles d’une semaine à l’autre en
fonction de facteurs divers (cf. graphique n° 2 infra).
Enfin, il existe des enseignants « en sous-service », c’est-à-dire
dont le nombre d’heures de cours hebdomadaire est inférieur aux
obligations réglementaires de service. Dans l’enseignement public
seulement, ces enseignants sont payés comme s’ils travaillaient à temps
complet. Les heures perdues sont difficilement mobilisables dans un
cadre hebdomadaire, alors que si elles étaient annualisées, elles pourraient
être plus facilement utilisées, par exemple pour remplacer un enseignant
absent.
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37
3 -
Le cas du remplacement
Le remplacement des absences illustre les difficultés afférentes au
cadre hebdomadaire.
Les dispositifs de remplacement
Dans le premier degré public, le remplacement des absences de courte
durée (moins de 15 jours), comme de longue durée (plus de 15 jours), est
assuré par des enseignants affectés spécifiquement au remplacement.
Dans le second degré public, seul le remplacement des absences de
longue durée est assuré, discipline par discipline, par des enseignants
titulaires, appelés « TZR » (titulaires sur zones de remplacement). En
l’absence de titulaire disponible, le rectorat peut faire appel à un contractuel.
Le remplacement des absences de courte durée est prioritairement assuré,
selon le décret n° 2005-1035 du 26 août 2005, soit par un autre professeur de
l’établissement, soit par le professeur absent lui-même qui peut rattraper son
cours.
Dans l’enseignement privé sous contrat, les établissements font appel
soit à des contractuels recrutés pour la durée du remplacement, soit à des
remplacements internes à l’établissement.
Un audit réalisé en 2008 pour le compte du ministère permet de
caractériser la variation des absences au cours de l’année dans le premier
degré public : un pic est observé entre les vacances de Noël et d’hiver, et,
dans une moindre mesure, entre les vacances d’hiver et de printemps.
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38
COUR DES COMPTES
Graphique n° 2 : absences des enseignants titulaires
Source : Cabinet Roland Berger, étude sur les dispositifs de remplacement et de
suppléance, octobre 2008, p. 37.
Potentiel théorique de remplaçants : nombre total d’enseignants affectés au
remplacement.
Potentiel effectif simulé : nombre estimé d’enseignants disponibles pour le
remplacement.
Or les enseignants affectés au remplacement ont le même service
hebdomadaire que les autres enseignants. Ils ne sont donc pas assez
nombreux lors des pics d’absence pour assurer tous les remplacements,
mais peuvent à l’inverse être inoccupés, au moins en partie, à d’autres
périodes de l’année. Il ne peut être fait appel à des enseignants en poste
en établissement pour assurer les remplacements, sauf en recourant à des
heures supplémentaires
39
relevant du volontariat, que ces enseignants
assurent ou non l’intégralité de leur service sur l’ensemble de l’année.
Cette situation rend le remplacement coûteux, conduit le ministère
à faire appel à des enseignants contractuels
40
et limite
in fine
les
possibilités de remplacement effectif.
39
Dans le second degré, le remplacement de courte durée par un autre enseignant de
l’établissement ou par l’enseignant absent lui-même qui rattrape ultérieurement son
cours, ouvre droit au versement d’« heures supplémentaires effectives pour
remplacement de courte durée » en application du décret n° 2006-1036 du
26 août 2005.
40
Cette solution est mise en oeuvre dans le second degré. Dans le premier degré, elle
n’était pas utilisée mais les projets annuels de performances 2011 et 2012 du
programme 140 (enseignement scolaire public du premier degré) font état de la
possibilité de « recruter des vacataires ou des étudiants pendant ces pics d’absence ».
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
39
Les indicateurs publiés dans les projets annuels de performances
indiquent ainsi plus de 94 % d’absences remplacées et 82 % d’occupation
des enseignants remplaçants
41
, ce qui contraste avec la perception des
familles. En réalité :
-
les indicateurs ne suivent que les congés de maladie et
maternité, à l’exclusion de tout autre motif (autorisation
d’absence pour un motif personnel ou syndical, etc.) ;
-
les absences de moins de quinze jours ne sont pas prises en
compte dans le second degré, où elles représentent les neuf
dixièmes du nombre d’absences, et près d’un tiers des journées
d’absence. Le ministère estime que le remplacement de ces
absences
était
de
18,3 %
du
1
er
septembre
2010
au
31 mai 2011 ;
-
dans le second degré public, l’indicateur exclut de son
périmètre plus de la moitié des absences constatées (56,6 %) ;
-
les absences ne sont pas systématiquement enregistrées, même
pour celles entrant dans le périmètre de l’indicateur ;
-
l’indicateur, qui exprime une moyenne sur l’année scolaire,
masque les difficultés saisonnières, et notamment hivernales.
D’autres organisations sont possibles. Ainsi, en Allemagne (Land
de Berlin), l’annualisation du temps de service est utilisée pour améliorer
le
remplacement.
Le
chef
d’établissement
dispose
de
plusieurs
possibilités pour assurer le remplacement des enseignants absents. En
plus de l’embauche d’enseignants contractuels, il peut faire appel aux
trois heures mensuelles prévues dans le service de l’enseignant pour
assurer des remplacements. De plus, le chef d’établissement peut réserver
une partie des heures de cours de quelques enseignants pour du
remplacement, par exemple à hauteur de deux heures par semaine. À la
fin de l’année, le décompte des heures de chaque enseignant est effectué :
les heures réalisées au-delà des heures programmées sont payées en plus ;
inversement, les heures non faites ne sont pas payées.
41
Cf
. annexe 1.3 relative au remplacement.
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40
COUR DES COMPTES
II
-
Une gestion segmentée des enseignants
Les enseignants sont, pour la plupart, fonctionnaires de l’État dans
l’enseignement public et, dans l’enseignement privé sous contrat,
titulaires d’un contrat de droit public avec l’État, qui les rémunère. Par
exception, l’État peut employer des enseignants vacataires, pour un
service annuel inférieur à 200 heures, ou des contractuels, par exemple
pour un remplacement : ce sont les enseignants dits « non-titulaires ».
Les enseignants fonctionnaires de l’enseignement public sont
organisés en corps. Chaque corps dispose de ses règles propres en matière
de recrutement, de règles d’affectation, d’obligations de service et de
rémunération
42
. Ces grandes distinctions statutaires et les conditions
d’exercice différenciées qui y sont attachées sont également valables pour
les titulaires de l’enseignement privé sous contrat, compte tenu du
principe de parité de gestion entre enseignement public et enseignement
privé sous contrat retenu par la loi (article L. 914-1 du code de
l’éducation).
A - L’étanchéité entre premier et second degré
Selon le code de l’éducation, l’objectif de la scolarité obligatoire
est l’acquisition par chaque élève « d’un socle commun constitué d’un
ensemble de connaissances et de compétences indispensables » (article
L. 122-1-1). Alors que ce principe suppose une continuité entre école et
collège, la réalité est marquée par le fractionnement entre les corps
enseignants, qu’accentue la séparation historique entre les premier et
second degrés.
1 -
Des statuts multiples
Le ministère n’a pas tiré les conséquences de la nouvelle
architecture du système éducatif issue de la loi de 2005. Les missions des
différents corps enseignants restent celles qui leur ont été attribuées par
les textes d’origine, fondés sur la distinction entre premier degré
(professeurs
des
écoles)
et
second
degré
(certifiés,
professeurs
d’éducation physique et sportive, agrégés, professeurs de lycée
professionnel et professeurs de chaire supérieure).
42
Cf
. annexe 1.4 relative aux statuts des enseignants.
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41
Tableau n° 1 : principales caractéristiques des corps d’enseignants
Corps
Mission/affectation
Service
hebdomadaire
Concours de
recrutement
43
Catégorie A
44
Professeur des
écoles
« principalement […] un
service d’enseignement
dans les écoles maternelles
et élémentaires »
24 h de cours
+ 3 h annualisées
(108 h/an) pour
d’autres tâches
concours de
recrutement de
professeurs des
écoles (académique)
Professeur
certifié
« principalement […] un
service d’enseignement
dans les établissements du
second degré ».
18 h de cours
CAPES et CAPET
45
(national)
Professeur
d’éducation
physique et
sportive
« principalement
[…]
l’enseignement de leur
discipline dans les
établissements du second
degré »
17 h de cours
+ 3 h
Union
nationale du sport
scolaire
certificat d'aptitude
au professorat
d'éducation
physique et sportive
(national)
Professeur de
lycée
professionnel
« principalement dans les
classes ou divisions
conduisant à l’acquisition
des CAP, BEP et
baccalauréat professionnel
[…], BTS »
18 h de cours
certificat d’aptitude
au professorat de
lycée professionnel
(national)
Catégorie A+
Professeur
agrégé
« assurent leur service dans
les CPGE
46
, dans les classes
de lycée, […] et,
exceptionnellement, dans les
classes de collège »
- 15 h de cours
- 14 h de cours et
3 h Union
nationale du sport
scolaire (EPS)
- de 8 à 11 h de
cours (CPGE)
agrégation (national)
Professeur
de chaire
supérieure
« ont vocation à être affectés
[…] dans les CPGE »
de 8 à 11 h de
cours
ns
Sources : décrets statutaires (affectations et recrutement, et décrets définissant les
obligations de service (ORS).
Pour
accéder
à
un
emploi
d’enseignant
titulaire,
dans
l’enseignement public comme dans l’enseignement privé sous contrat, il
43
Concours de recrutement : sont indiqués l’intitulé des concours de l’enseignement
public, et, entre parenthèses, le niveau d’organisation de ces concours.
44
Catégories A et A+ : échelle de classification des corps de la fonction publique. La
catégorie A+, supérieure à la catégorie A, assure des grilles de rémunération (hors
primes) supérieures.
45
Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré et certificat
d'aptitude au professorat de l'enseignement technique
46
Classes préparatoires aux grandes écoles.
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42
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est nécessaire de réussir un des concours de l’enseignement scolaire,
comme indiqué dans le tableau n° 1 ci-dessus.
Les enseignants qui se destinent à l’enseignement privé sous
contrat ou à l’enseignement public satisfont aux mêmes épreuves. Ils
doivent cependant opter, dès leur inscription aux concours, pour le type
d’enseignement – public ou privé – où ils exerceront leurs fonctions
47
.
Enfin, depuis la réforme de la « mastérisation » mise en oeuvre à la
rentrée scolaire 2010, les candidats doivent être titulaires d’un master
quel que soit le concours présenté.
2 -
Des ruptures de gestion historiques
Historiquement, la gestion des enseignants du premier degré relève
de l’échelon départemental, alors que celle des enseignants du second
degré est de tradition centralisée. Si la gestion est désormais déconcentrée
pour les corps du second degré à l’échelon du rectorat, un certain nombre
de procédures relèvent encore du niveau ministériel.
47
Les concours de l’enseignement privé sont appelés
certificat d'aptitude aux
fonctions d'enseignement du privé (CAFEP), concours d’accès aux échelles de
rémunération (CAER) et concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE
privé).
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
43
L’ancrage départemental de la gestion du premier degré
Dès le XIX
ème
siècle, il est prévu que « tout département est tenu de
pourvoir au recrutement des instituteurs communaux, en entretenant des
élèves-maîtres, soit dans les établissements d’instruction primaire désignés
par le conseil académique, soit aussi dans l’École normale établie à cet effet
par le département » (article 35 de la loi du 15 mars 1850 relative à
l’enseignement primaire, dite loi Falloux).
Les textes ultérieurs ont reconduit la compétence départementale : « la
nomination des instituteurs titulaires est faite par le préfet, sous l’autorité du
ministre de l’instruction publique et sur la proposition de l’inspecteur
d’académie » (article 27 de la loi organique du 30 octobre 1886 relative à
l’organisation de l’enseignement primaire). Ce système a perduré jusqu’à
l’ordonnance du 20 novembre 1944, qui a transféré des préfets aux recteurs,
sur proposition de l’inspecteur d’académie, le pouvoir de nomination des
instituteurs ; toutefois, le recrutement départemental a été maintenu.
C’est à l’occasion de la création du corps de professeur des écoles, en
1990, que le recrutement sur l’aire plus large de l’académie a été décidé.
Cette distinction cardinale se retrouve dans toute la gestion du
ministère : les enseignants du premier et du second degré dépendent de
niveaux de gestion distincts, reflets de responsabilités différentes et
soumis
à
des
procédures
largement
différenciées.
L’architecture
budgétaire témoigne de cette rupture : elle distingue un programme relatif
à l’enseignement primaire public (programme 140) et un autre relatif à
l’enseignement secondaire public (programme 141), à la différence de
l’enseignement privé, qui fait l’objet d’un programme unique (139). Cette
situation constitue un obstacle à des échanges entre premier et second
degré.
En matière d’affectation, l’échelon de référence est l’académie
dans le second degré et le département dans le premier degré. Les
procédures de changement d’affectation reflètent cette distinction.
Dans le second degré, il y a lieu de prévoir, préalablement aux
affectations réalisées par le recteur, la possibilité de changer d’académie ;
ce mouvement « inter académique » est de la compétence du ministre et
est géré par l’administration centrale.
Dans le premier degré, seul est prévu un mécanisme de
changement
de
département
(c’est-à-dire
un
mouvement
« inter
départemental »), qui doit précéder les affectations à l’intérieur de chaque
département. L’autorité compétente pour les affectations est alors le
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COUR DES COMPTES
directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) par
délégation du recteur.
En outre, dans le premier degré seulement, il existe un mouvement
dit complémentaire, appelé
exeat-ineat
, où les demandes sont traitées
individuellement par chaque directeur départemental pour résoudre des
situations particulières.
En matière de définition du service, les enseignants du second
degré n’ont qu’une obligation de cours dans une discipline donnée, de
15 h pour les agrégés et de 18 h pour les certifiés par exemple, alors que
les professeurs des écoles ont un service plus large, en partie annualisé,
d’un total de 27 heures par semaine.
La répartition des moyens enseignants sur le territoire, c’est-à-dire
l’implantation des postes d’enseignants, est également le fruit de deux
processus distincts. Dans le premier degré le ministère répartit des postes.
Dans le second degré, il répartit des heures d’enseignement disciplinaire
sur la base des grilles horaires des programmes d’enseignement.
Enfin, la structure hiérarchique dans laquelle s’intègrent les
enseignants du premier et du second degré diffère profondément.
Dans le premier degré, les enseignants n’ont pas pour supérieur
hiérarchique les directeurs d’école, qui sont par ailleurs eux aussi
enseignants, mais dépendent de l’inspecteur de l’éducation nationale
(IEN) de circonscription. Ce dernier cumule le rôle de supérieur
hiérarchique, d’autorité d’évaluation, et de représentant unique de
l’éducation nationale à l’échelle d’un bassin géographique limité
dénommé « circonscription ».
Au contraire, dans le second degré, l’enseignant a pour supérieur
hiérarchique un chef d’établissement, alors que l’autorité d’évaluation
appartient aux inspecteurs disciplinaires, qui diffèrent selon les corps :
inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR)
pour les certifiés et les professeurs d’éducation physique et sportive,
inspecteurs de l’éducation nationale
enseignement technique et/ou
enseignement général (
IEN ET/EG) pour les professeurs des lycées
professionnels, inspecteurs généraux de l’éducation nationale (IGEN)
pour les professeurs agrégés et professeurs de chaire supérieure (IA-IPR
par délégation).
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
45
3 -
Des tentatives d’évolution insuffisantes
Les équipes pédagogiques parviennent dans certains cas à trouver
des solutions locales pour faciliter la transition école-collège. Ainsi, des
enseignants de collège peuvent intervenir devant les élèves à la fin de
l’école primaire, en langues notamment ; inversement des enseignants de
l’école primaire peuvent suivre certains élèves au collège, dans des
disciplines comme le français ou les mathématiques. Cependant, ces
initiatives, loin d’être organisées en gestion, ou au moins favorisées,
dépendent du volontarisme et de la personnalité des inspecteurs, chefs
d’établissement ou enseignants ; elles peuvent être remises en cause au
départ de l’un d’entre eux.
Le projet de loi de refondation de l’école ne permet pas de lever
ces obstacles. S’il confirme l’existence du socle commun « de
connaissances, de compétences et de culture », il renvoie désormais la
définition de son contenu à un texte d’application de la loi. Par ailleurs,
pour promouvoir une meilleure continuité pédagogique entre l’école et le
collège, le projet de loi prévoit la création « d’un cycle associant le CM2
et la classe de 6
ème
». Chaque collège et les écoles relevant de son secteur
sont également chargés de définir conjointement « des modalités de
coopération et d’échanges qui devront désormais être inscrites dans le
projet des écoles concernées et le projet d’établissement du collège ». À
cet effet, un conseil école-collège, chargé de « proposer les actions de
coopération et d’échange », est institué.
Si ces instances favorisent une meilleure coordination, elles ne
peuvent surmonter les obstacles fondamentaux, tenant à l’ensemble du
régime de gestion distinct entre premier et second degré. Pour y répondre,
le ministère n’évoque que des expérimentations visant à favoriser la
polyvalence dans les premières classes du collège.
B - La spécialisation par discipline dans le second degré
Les enseignants du premier degré sont polyvalents, c’est-à-dire
jugés aptes à enseigner toutes les matières inscrites à l’emploi du temps
de l’élève (français, mathématiques, sport, etc.), alors que les enseignants
du second degré sont spécialisés dans la discipline pour laquelle ils ont
été recrutés : ils sont dits « monovalents » (à l’exception des professeurs
de lycée professionnel dans les disciplines générales, qui sont bivalents).
Pour l’élève c’est une vraie rupture.
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COUR DES COMPTES
1 -
Le principe de la spécialisation par discipline
Du point de vue de l’élève, cette situation se traduit par un
changement brutal à l’entrée en sixième : l’élève passe alors d’un seul
enseignant pour sa classe à huit professeurs spécialisés qui suivent
plusieurs classes, dont la sienne. Si, dans cette organisation, un
enseignant désigné « professeur principal » assure « la coordination de
l’équipe
[pédagogique]
»
48
, la multiplication du nombre d’enseignants ne
favorise pas la continuité du socle commun du point de vue de l’élève, ni
la cohérence de l’équipe pédagogique.
La monovalence disciplinaire des enseignants du second degré
oblige par ailleurs à une gestion complexe des disciplines. L’organisation
des concours de recrutement est très lourde, compte tenu de l’existence de
375 sections disciplinaires (niveau élevé qui s’explique notamment par
les
spécialisations
des
voies
d’enseignement
technologique
et
professionnel). De plus, ces sections ne correspondent pas exactement
aux disciplines enseignées, inscrites dans l’emploi du temps des élèves,
qui sont au nombre de 272
49
.
La gestion des disciplines dans la réforme de la série sciences et
techniques industrielles (STI)
Créée par arrêté du 27 mai 2010, la nouvelle série « sciences et
technologies de l’industrie et du développement durable » (STI2D) ne
compte plus que quatre disciplines de postes contre 42 dans l’ancienne série
STI. Il fallait donc modifier la discipline des quelques 10 000 enseignants
concernés. Pour cela, à défaut de correspondance automatique entre les
disciplines de l’ancien et du nouveau système, l’ensemble de la population
enseignante a dû être « ré-étiquetée », c’est-à-dire se voir attribuer une
nouvelle discipline de poste parmi les quatre possibles, « au regard des
compétences et des appétences de chacun ».
Ce changement, confié aux académies, devait être validé par les corps
d’inspection afin de vérifier l’aptitude de chaque enseignant à enseigner la
nouvelle discipline. Le délai imparti aux rectorats a été très court pour
examiner l’ensemble des 10 000 dossiers individuels : moins de quatre mois,
dont deux mois de vacances scolaires, entre fin juin et mi-octobre 2012.
48
Circulaire n° 93-087 du 21 janvier 1993 sur le rôle du professeur principal dans les
collèges et lycées.
49
Par exemple, 34 langues vivantes. En histoire-géographie, il existe une seule
discipline enseignée, mais celle-ci est alimentée par plusieurs sections d’agrégation
(géographie et histoire pour les agrégations externes, histoire-géographie pour
l’agrégation interne) et une section histoire et géographie au CAPES.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
47
Enfin, la multiplicité des disciplines a un coût important :
-
les collèges et lycées de taille petite ou moyenne ne peuvent pas
toujours offrir des postes complets aux enseignants dans leurs
disciplines respectives, obligeant ces derniers à travailler sur
plusieurs établissements ou laissant les enseignants à service
incomplet, malgré une rémunération pour un service complet
50
.
Les pertes de service étaient estimées à 983 équivalent temps
plein travaillé en juin 2011, dernier chiffre disponible ;
-
la monovalence des enseignants remplaçants rend difficile
l’adéquation entre les besoins de remplacement et les
remplaçants disponibles ;
-
les causes de surnombres ou de déficits disciplinaires (nouvelle
grille horaire, modification locale des cartes de formation,
mauvais calibrage des postes au concours, etc.) ne peuvent être
absorbées qu’avec difficulté. Les enseignants en surnombre
étaient estimés à 1 544 en juin 2011.
Cette segmentation est encore aggravée pour les professeurs
d’éducation physique et sportive, qui relèvent d’un corps spécifique
distinct de celui des professeurs certifiés.
2 -
Des alternatives limitées
Des alternatives à la monovalence existent déjà aujourd’hui, en
partie tout du moins. Ainsi des professeurs certifiés ou agrégés enseignent
l’histoire-géographie, la physique-chimie, les sciences économiques et
sociales (économie et sociologie) ou encore les lettres classiques
(français, latin, grec). Les professeurs de lycée professionnel dans les
disciplines générales sont statutairement bivalents (lettres-histoire, lettres-
langue, mathématiques-physique notamment). Dans les cinq académies
de l’échantillon, près d’un quart de l’effectif (22,5 %) enseignait deux ou
trois disciplines distinctes.
Pour les autres enseignants du second degré, la possibilité
d’exercer dans une autre discipline simultanément est limitée : elle
concerne les enseignants qui n’ont pas leur maximum de service dans
l’enseignement de leur spécialité et qui ne peuvent pas compléter leur
contingent d’heures dans un autre établissement d’enseignement public
50
Dans l’enseignement public, l’enseignant est rémunéré comme s’il était à temps
complet. Dans l’enseignement privé sous contrat, l’enseignant est sous contrat avec
l’État. S’il est forcé d’effectuer un service incomplet faute d’un nombre d’heures
suffisant, il est rémunéré au
prorata
du nombre d’heures effectives.
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de la même ville : ceux-ci peuvent alors être tenus de participer à un
enseignement différent pour autant qu’il soit conforme à leurs
compétences et à leurs goûts.
Décret n° 50-581 du 25 mai 1950, article 3, alinéa 2
« Les professeurs qui n’ont pas leur maximum de service dans
l’enseignement de leur spécialité et qui ne peuvent pas le compléter dans un
autre établissement d'enseignement public de la même ville peuvent être
tenus, si les besoins du service l'exigent, à participer à un enseignement
différent. Toutefois, les heures disponibles doivent, autant qu'il est possible,
être utilisées de la manière la plus conforme à leurs compétences et à leurs
goûts ».
Aujourd’hui, la possibilité juridique d’enseigner volontairement
deux disciplines fait défaut, de même que la possibilité de se voir
reconnaître une double qualification en raison de son parcours
universitaire. Ainsi, les lauréats de deux CAPES ou de deux agrégations,
simultanément ou successivement, sont mis en demeure de choisir entre
les deux disciplines, seules les bivalences déjà existantes (histoire-
géographie, physique-chimie) étant prises en compte par le système de
gestion.
Ces possibilités auraient un impact sur le moyen terme : pour
produire ses effets, la polyvalence des enseignants doit être prise en
compte dès l’amont, dans les filières universitaires et de préparation des
concours d’enseignants du second degré.
Deux échecs de tentatives d’introduction de la bivalence
Le débat autour de la bivalence est souvent renvoyé à deux moments
de l’histoire récente.
- La disparition des professeurs d’enseignement général de collège
(PEGC) en 1986.
Afin de faire face à la massification des effectifs au début des années
1960, le corps des PEGC avait été créé en 1965 : formés comme des
instituteurs, ses membres, bivalents, étaient destinés à enseigner uniquement
en collège. Ils représentaient 50 % des effectifs enseignants au collège au
moment de leur suppression. L’extinction de ce corps a été décidée en 1986 :
en effet, le diplôme dont ils disposaient n’étant pas validé par l’université, la
maîtrise par les PEGC des disciplines qu’ils enseignaient faisait l’objet de
vifs débats.
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49
- Les mentions complémentaires aux concours (2006-2007).
Pour la première fois aux sessions 2006, les candidats aux concours
externes de professeurs du second degré pouvaient présenter une mention
complémentaire dans un nombre prédéterminé de disciplines. Pour disposer
de cette mention, les candidats devaient satisfaire à une épreuve identique du
concours de la discipline complémentaire, soit à l’épreuve d’admission, soit à
l’épreuve d’admissibilité, ce qui nécessitait un haut niveau de maîtrise de la
discipline.
Le décret dit « de Robien » précité permettait également d’étendre ce
dispositif aux enseignants déjà en poste, mais cette faculté a disparu avec son
abrogation dans sa totalité le 31 août 2007.
Certains systèmes étrangers ont adopté la bivalence de manière
beaucoup plus systématique.
En Allemagne par exemple, tous les enseignants du second degré
sont recrutés au grade de master, avec spécialité dans deux disciplines.
Cette bivalence est valable pour l’équivalent des professeurs certifiés,
comme pour les
Studienrat
, équivalents des agrégés, qui n’exercent qu’au
Gymnasium
, c’est-à-dire au lycée. Tous les appariements disciplinaires
sont possibles. L’emploi du temps des enseignants peut comporter l’une
ou l’autre des deux disciplines, voire les deux.
Le ministère a indiqué à la Cour qu’il « envisag[eait] d’étudier la
polyvalence dans les premières classes du collège » en développant des
expérimentations visant à faciliter le passage de l’école au collège,
comme l’enseignement intégré de sciences et de technologies en 6
ème
et
en 5
ème
ou l’intervention des professeurs des écoles dans les réseaux
ECLAIR (écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la
réussite)
51
. Ces dispositifs restent toutefois au stade de l’expérimentation.
C - Le cas particulier des agrégés et des professeurs de
lycée professionnel
Selon les statuts, les agrégés ont vocation à enseigner au lycée, en
classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) et dans les premiers cycles
de l’université pour pourvoir aux postes dits « de Pr.Ag. » (professeur
agrégé). Leur affectation au collège est qualifiée d’« exceptionnelle ».
Les professeurs de lycée professionnel (PLP) sont destinés à
enseigner en lycée professionnel et en section de technicien supérieur
51
Cf
. I du chapitre II.
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50
COUR DES COMPTES
(STS). Les certifiés, pour leur part, peuvent exercer au collège comme au
lycée.
Dans les faits, la situation est différente : 8 964 agrégés, soit 20 %
des agrégés affectés devant élèves dans un établissement du second degré,
exercent en collège, de même que 2 604 PLP (5 % environ)
52
.
Tableau n° 2 : répartition des enseignants par type d’établissement
(2011)
En nombre
d’enseignants
Collège
Lycée
professionnel
Lycée
d’enseignement
général et
technologique
Total
Chaire supérieure
-
-
2 111
2 111
Agrégés
8 964
311
35 701
44 976
Certifiés et assimilés
144 538
3 458
74 107
222 103
Professeurs de lycée
professionnel
2 604
36 586
14 607
53 797
Source : ministère de l’éducation nationale, repères et références statistiques 2012
Cette situation n’est pas satisfaisante. Outre le fait qu’elle n’est pas
conforme aux statuts des corps, l’affectation des agrégés en collège
témoigne d’une mauvaise gestion des ressources humaines : la spécificité
de la mission des agrégés dans les lycées généraux et technologiques
(LGT) n’apparaît pas. En pratique, au collège comme au lycée, agrégés et
certifiés peuvent intervenir dans les mêmes classes en vue de la
préparation des mêmes examens, alors que les seconds ont une obligation
réglementaire de service supérieure de trois heures et un traitement
inférieur de 25 %.
L’affectation devant une classe d’un professeur agrégé plutôt que
d’un professeur certifié ne résulte en aucune manière d’une politique de
gestion des compétences des enseignants adaptée aux besoins des élèves
– seules les classes préparatoires aux grandes écoles font exception. On
52
Selon une circulaire du ministère de l’éducation nationale, l’affectation des
professeurs de lycée professionnel en collège est justifiée, par exception, pour
l’enseignement dans les disciplines professionnelles en section d’enseignement
général et professionnel adapté (SEGPA). La situation réelle peut cependant être
différente : hormis ces cas, d’après les données de l’académie de Versailles par
exemple, certains professeurs de lycée professionnel enseignent au collège hors
SEGPA.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
51
observe ainsi que le nombre d’agrégés au sein de l’équipe enseignante est
très variable selon les établissements. Àtitre d’exemple, dans l’académie
de Versailles, certains lycées disposaient, en 2011-12, d’une équipe
enseignante où plus de 60 % des enseignants étaient des agrégés – sans
compter les agrégés affectés en classes préparatoires –, alors que d’autres
ne comptaient qu’un ou deux agrégés dans leurs rangs.
Pour remédier à cet état de fait, le ministère a demandé depuis
2009 aux recteurs de favoriser les demandes de mutation des agrégés
souhaitant être affectés en lycée. Ce système n’a de fait pas permis de
régler
la
situation.
Dans
ces
conditions,
exclure
définitivement
l’affectation d’agrégés en collège – ce qui implique de créer également
une obligation de mobilité pour les enseignants qui réussiraient
l’agrégation en interne – paraîtrait plus cohérent
53
.
III
-
Une gestion des individus et non des équipes
La dimension collective du travail des enseignants est reconnue par
la loi mais n’a pas irrigué leurs modes de gestion.
A - Une reconnaissance ambiguë de l’équipe
pédagogique
1 -
Une reconnaissance dans les textes
Aux termes de l’article L. 912-1 du code de l’éducation, les
enseignants « travaillent au sein d'équipes pédagogiques », constituées
notamment « des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou
groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire ».
D’autres instances collectives sont, en outre, prévues par les textes
au sein des écoles et des établissements.
53
Dans certaines disciplines, notamment artistiques, le nombre d’agrégés affectés en
collège est proportionnellement très important en raison du faible nombre de postes de
ces disciplines en lycée. La résorption de ce déséquilibre ne peut s’effectuer que dans
la durée.
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52
COUR DES COMPTES
Les instances collectives de l’école et de l’établissement
Dans les écoles du premier degré et les établissements du second
degré, plusieurs instances sont prévues pour constituer le lieu de coordination
d’équipe, en sus des équipes pédagogiques déjà mentionnées :
- le conseil des maîtres dans les écoles est composé du directeur de
l’école (président) et de l’ensemble des maîtres et intervenants dans l’école. Il
élabore notamment le projet d’école, donne son avis sur l’organisation du
service des enseignants, peut donner son avis sur tous les problèmes
concernant la vie de l’école (articles D. 411-7 et D. 411-8 du code de
l’éducation) ;
- le conseil pédagogique dans les établissements du second degré
public réunit le chef d’établissement qui le préside, au moins un professeur
principal de chaque niveau d’enseignement, au moins un professeur par
champ disciplinaire, un conseiller principal d’éducation et, dans les lycées
professionnels, le chef de travaux. Il a pour mission de favoriser la
concertation
entre
les
professeurs,
notamment
pour
coordonner
les
enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare la
partie pédagogique du projet d’établissement (article L. 421-5 du code de
l’éducation) ;
- les conseils d’école dans le premier degré et les conseils
d’administration dans le second degré sont également des organes collégiaux
auxquels participent des représentants des enseignants. Si ces organes
contribuent à la coordination collective, leur rôle est toutefois de nature
différente, puisqu’il touche au fonctionnement et au pilotage administratif de
l’école ou de l’établissement public local d’enseignement.
Enfin, selon l’article L. 121-1 du code de l’éducation, les objectifs
et missions du service public de l’enseignement reposent sur « les écoles,
les collèges, les lycées », c’est-à-dire sur des équipes d’enseignants, et
non sur des individus isolés.
La profonde évolution des missions des enseignants, sous l’effet de
réformes pédagogiques récentes, contribue à renforcer la dimension
collective de l’exercice du métier d’enseignant. Par exemple, la référence
au socle commun, qui définit des compétences que tous les élèves doivent
maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire, ou le développement de
l’accompagnement
personnalisé
exigent
un
net
renforcement
de
l’interdisciplinarité et du travail en équipe.
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53
La liberté pédagogique des enseignants ne s’exerce, en outre, que
dans le cadre des objectifs généraux assignés au système scolaire :
l’enseignant est libre, et responsable, du choix de l’organisation de son
cours et des méthodes d’enseignement qui sont les plus adaptées à ses
élèves,
pour
atteindre
les
objectifs
inscrits
aux
programmes
d’enseignement.
Article L. 912-1-1 du code de l’éducation
La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des
programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et
dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le
contrôle des membres des corps d'inspection.
Le conseil pédagogique prévu à l'article L. 421-5 ne peut porter
atteinte à cette liberté.
2 -
Une reconnaissance de portée limitée
Dans ce cadre juridique étroit, le rôle de l’équipe pédagogique
reste mal défini. Sa principale intervention prévue par le code de
l’éducation concerne le projet d’école ou d’établissement, puisqu’elle est
chargée d’en proposer la partie pédagogique – directement dans le
premier degré, ou
via
le conseil pédagogique dans le second degré. Ses
autres responsabilités ne sont cependant pas clairement établies.
Par ailleurs, les instruments qui pourraient aider à la constitution
d’une communauté éducative rassemblée autour du projet d’école ou
d’établissement, reçoivent l’adhésion, de façon certes croissante, mais
toujours
très
inégale,
des
enseignants.
Le
projet
d’école
ou
d’établissement et les contrats d’établissement ont pourtant vocation à
prendre en compte la réalité locale, des élèves comme de l’enseignement :
pour le projet, il s’agit de définir les modalités de mise en oeuvre des
objectifs et des programmes nationaux pour assurer au mieux la réussite
des élèves au vu des particularités locales ; le contrat, conclu avec
l’autorité académique, définit, quant à lui, les objectifs et les indicateurs
appropriés que l’établissement se fixe afin de satisfaire aux orientations
nationales et académiques.
Si les textes présentent donc un certain nombre de limites à la
reconnaissance de la dimension collective du métier d’enseignant, ce sont
surtout les procédures de gestion qui rendent difficile ou en tout cas
aléatoire sa mise en place concrète dans les établissements.
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54
COUR DES COMPTES
B - Un cadre peu propice au travail en équipe
1 -
Des procédures de gestion qui renforcent la logique
individuelle
Les principes et règles de gestion des enseignants prennent peu en
compte la dimension collective de la mission. Ils ont même tendance à ne
considérer que des individus isolés et ont pour effet de créer des fractures
entre enseignants.
En premier lieu, les procédures d’affectation et de mutation
ne
tiennent compte ni de l’insertion de l’enseignant dans son établissement,
ni des caractéristiques des équipes pédagogiques, ni même du contenu des
projets d’établissement. Tout enseignant peut être candidat au mouvement
sans condition : il lui suffit de déclarer un ou des voeux de nouvelle
affectation, qui sont automatiquement pris en compte de façon
informatique. Le résultat du mouvement s’impose à l’enseignant comme
à son établissement d’origine et à celui d’arrivée.
Par ailleurs, si un poste doit être supprimé, par une mesure dite
« de carte scolaire » (MCS), le choix ne sera pas fait en fonction de
l’intérêt de l’équipe, mais se portera sur le poste de l’enseignant qui a la
plus faible ancienneté dans l’établissement
54
.
En deuxième lieu, la notion de discipline qui est structurante dans
le second degré peut entrer en contradiction directe avec la logique
collective. Outre la forte identité attachée à chaque discipline, qui
structure le parcours universitaire de l’enseignant, les actes de gestion
sont segmentés entre disciplines, qu’il s’agisse du recrutement par
concours,
du
remplacement,
des
procédures
de
changement
d’affectation
55
ou encore de l’inspection assurée par des inspecteurs
spécialisés, IA-IPR, ou IGEN, sauf dans les voies technologiques ou
professionnelles
56
. Le chef d’établissement fait ainsi face à une multitude
d’inspecteurs selon les disciplines enseignées par les personnels. La
constitution d’une équipe pédagogique suppose donc de surmonter cette
fracture originelle.
54
Note de service n° 93-302 du 25 octobre 1993.
55
Avec des perspectives variables selon la démographie de chaque discipline.
56
Les IEN ET-EG inspectent des enseignants d’une discipline qui n’est pas forcément
la leur.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
55
En
troisième
lieu,
l’évaluation
des
enseignants
demeure
individuelle dans sa très grande majorité. Des évaluations à caractère plus
collectif se sont certes développées depuis quelques années. Elles
permettent de mieux prendre en compte la notion d’équipe pédagogique,
mais restent l’exception.
Quelques exemples de la dimension collective de l’évaluation en
académie
- L’évaluation d’école ou de cycle dans le primaire : l’inspecteur de
l’éducation nationale (IEN) inspecte individuellement l’ensemble des
enseignants d’une école ou d’un cycle, puis effectue un bilan collectif de ses
observations. Ce type d’évaluation permet d’évaluer la coordination entre les
enseignants et la continuité dans la progression des apprentissages des élèves.
- L’évaluation d’équipe disciplinaire dans le second degré : elle vise à
inspecter
l’ensemble
des
enseignants
d’une
même
discipline
d’un
établissement afin de dresser un bilan sur cet enseignement. Elle ne va
toutefois pas jusqu’à la vision transdisciplinaire de l’équipe pédagogique.
- L’académie de Bordeaux a également développé des audits
thématiques, réalisés par une équipe d’inspecteurs et de cadres du rectorat,
qui ont pour objet d’évaluer les politiques pédagogiques de l’établissement,
et donc indirectement les pratiques des enseignants. L’équipe d’évaluation est
présente une semaine au sein de l’établissement : cette démarche s’apparente
à une évaluation d’établissement sur un thème en particulier.
Ces exemples illustrent la pertinence de l’approche collective de
l’évaluation, même si elle est étrangère à la culture de la fonction publique.
En quatrième lieu, les obligations de service de l’enseignant ne
prévoient un horaire spécifique pour le travail d’équipe que dans le
premier degré. La dimension collective est, en revanche, complètement
absente pour ceux du second degré, dont les obligations réglementaires de
service s’expriment uniquement en heures de cours disciplinaire devant la
classe, contrairement à ce qui peut exister dans d’autres pays.
Enfin, les procédures de gestion se caractérisent de manière
générale par une absence d’incitation au travail d’équipe. Tel n’est pas le
cas dans des pays étrangers étudiés par la Cour, qui, comme le Canada
(Ontario), ont accordé la priorité au développement de la dimension
collective du métier d’enseignant dans le cadre de leur réforme éducative,
afin de rompre l’isolement de l’enseignant.
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56
COUR DES COMPTES
Les incitations au travail en commun au Canada
En Ontario, les communautés d’apprentissage professionnel (CAP),
dont l’existence est consacrée dans les conventions collectives, permettent
aux enseignants de se réunir, par cycle dans l’élémentaire, par cycle et/ou par
matière dans le secondaire, pour travailler sur un projet d’amélioration au
sein de l’école. La participation de la direction de l’école ou de
l’établissement n’est pas obligatoire. Les 240 minutes de « temps de
préparation » hebdomadaires, prévues dans le service de chaque enseignant,
peuvent notamment être utilisées à cette fin ; mais comme elles ne permettent
pas de réunir l’ensemble du personnel au même moment, le ministère finance
le recours à des remplaçants en allouant à cette fin des heures de
remplacement à chaque conseil scolaire.
D’autres outils développés par le ministère ontarien de l’éducation
visent à favoriser les échanges entre enseignants, y compris au sein d’écoles
différentes. Les « enquêtes collaboratives entre enseignants », telles que le
« parcours fondamental d’enseignement et d’apprentissage » et « l’enquête
collaborative pour l’apprentissage des mathématiques », ont ainsi pour
objectifs de permettre aux enseignants d’analyser l’effet de leurs propres
pratiques d’évaluation et d’enseignement et d’échanger sur les pratiques
efficaces aussi bien avec des collègues que des directions d’école et des
membres de l’administration de gestion.
2 -
Le positionnement ambigu de la hiérarchie et l’insuffisance de
l’encadrement intermédiaire
L’émergence d’une véritable équipe pédagogique repose très
largement sur le rôle d’impulsion et de pilotage de son chef. Or le statut
du directeur d’école dans le premier degré ou du chef d’établissement
dans le second ne leur confère pas la légitimité nécessaire pour assumer
cette fonction. Si des fonctionnements en équipe très performants
existent, comme la Cour a pu l’observer sur le terrain, ils sont dus à la
configuration particulière dans les établissements concernés (capacité
d’entraînement de la direction, bonne volonté des équipes, etc.) et
adviennent en quelque sorte « malgré » le cadre de gestion.
Dans le second degré, le chef d’établissement « a autorité sur
l’ensemble
des
personnels
affectés
ou
mis
à
disposition
de
l’établissement. […] Il fixe le service des personnels dans le respect du
statut de ces derniers » (article R. 421-10 du code de l’éducation).
Toutefois, il ne dispose pas du pouvoir d’inspection et sa légitimité est
partagée avec celle de l’inspecteur qui, pour de nombreux enseignants,
reste la seule autorité légitime en raison de ses compétences
disciplinaires. Ainsi, et sauf exception, les chefs d’établissement n’entrent
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
57
pas dans la classe pour assister aux cours des enseignants de leur
établissement. En Ontario, la réforme éducative décidée en 2003 s’est au
contraire appuyée sur le rôle des « directions d’école ».
Dans le premier degré, le directeur d’école n’est pas le supérieur
hiérarchique des enseignants. Il s’agit d’un enseignant chargé de la bonne
marche de l’école en général, de l’animation de l’équipe pédagogique, de
l’organisation des classes et du temps de service de ses collègues et des
autres personnels intervenant dans l’école (décret n° 89-122 du
24 février 1989 relatif aux directeurs d'école).
Le directeur reste en ce sens perçu comme un collègue par les
autres enseignants. Le supérieur hiérarchique est l’inspecteur de
l’éducation nationale (IEN) de circonscription, qui a dans son périmètre
plusieurs écoles, et qui a la compétence d’inspection sur les enseignants
de cette zone.
Les limites du pouvoir hiérarchique sont particulièrement mises en
lumière en deux occasions : l’affectation des enseignants dans les classes
et l’évaluation dans le second degré.
Les choix d’affectation des enseignants dans les classes relèvent
certes
de
la
responsabilité
du
directeur
d’école
ou
du
chef
d’établissement : le cadre réglementaire n’imposant pas de critères de
choix, il laisse
a priori
la possibilité d’une adaptation aux particularités
locales, en fonction des besoins des élèves et des compétences des
enseignants. Or dans le premier degré, nombre de directeurs d’école ne
s’opposent pas au choix des enseignants, par souci de consensus, et les
interventions des IEN sont rares. Dans le second degré, la situation est
variable, mais il est fréquent que la répartition des classes fasse l’objet de
propositions des équipes enseignantes plus ou moins fermes, le chef
d’établissement
n’intervenant
que
dans
des
cas
particuliers
ou
problématiques.
S’agissant de l’évaluation dans le second degré, le chef
d’établissement n’a la charge d’évaluer que la « façon de servir » des
enseignants, dans une stricte optique administrative et avec une marge
d’appréciation très faible, malgré sa position de supérieur direct. Il en
résulte que l’évaluation par les chefs d’établissement est en grande partie
vidée de son sens. Or contester au chef d’établissement toute légitimité
pour évaluer la qualité pédagogique d’un enseignant ne relève pas de
l’évidence, dès lors que nombre de systèmes éducatifs étrangers opèrent
un choix inverse. Que ce soit aux Pays-Bas, dans le Land de Berlin, en
Ontario, en Corée ou en Finlande, le chef d’établissement, ancien
enseignant, est au contraire perçu comme le mieux à même d’évaluer le
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COUR DES COMPTES
travail en classe des enseignants, quelle que soit leur discipline
d’enseignement.
Ainsi, les relations entre l’équipe pédagogique et l’encadrement
peuvent varier considérablement d’une école ou d’un établissement à
l’autre.
Le positionnement ambigu de la hiérarchie est encore renforcé par
le fait que le chef d’établissement se trouve en prise directe avec
l’ensemble des enseignants. Certes, certains enseignants ont une activité
particulière : professeur principal d’une division, représentant d’une
discipline au conseil pédagogique par exemple. Cependant, sauf
exception ou initiative locale, les fonctions occupées par ces enseignants
ne sont pas comparables à celles observées par la Cour à l’étranger, où
certains enseignants ont un rôle de pivot vis-à-vis de la direction et sont
garants de la cohérence de l’équipe pédagogique.
Fonctions intermédiaires à l’étranger
Il existe en Allemagne (Land de Berlin), au Canada (Ontario) et aux
Pays-Bas un système de responsabilités intermédiaires entre l’ensemble des
enseignants et la direction de l’établissement. Ces fonctions sont occupées
par des enseignants, qui, tout en conservant une activité d’enseignement à
temps partiel, assurent des fonctions de management, sans pouvoir
hiérarchique : organisation du service de l’équipe, personne ressource pour
les autres enseignants (en matière pédagogique ou administrative), relais
entre la direction de l’établissement et l’ensemble des enseignants.
Ces fonctions sont exercées vis-à-vis des enseignants d’une même
discipline (par exemple : responsable des mathématiques) ou d’un même
niveau d’enseignement (par exemple : responsable des classes de 6
e
).
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le métier d’enseignant a connu des évolutions importantes qui ont
modifié la conception et les attentes qui s’expriment vis-à-vis de lui. Le
rôle de l’enseignant ne se limite plus à « faire cours » sur un modèle
hérité de l’université, mais est inscrit dans un ensemble plus vaste dont la
finalité est la réussite de tous les élèves : aide plus personnalisée à la
compréhension, investissement pour l’orientation des élèves, rencontre
avec les parents, travail avec des collègues, etc.
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UN DÉCALAGE CROISSANT AVEC LA RÉALITE DU MÉTIER D’ENSEIGNANT
59
Les principes et règles de gestion n’ont pas évolué à la même
vitesse pour organiser et accompagner ces mutations. La loi du
24 avril 2005 a pris acte de ces évolutions : elle apporte une
reconnaissance au caractère global et collectif des missions des
enseignants et réorganise le parcours des élèves. Pourtant, le ministère
n’en a pas tiré toutes les conséquences : sa gestion reste en décalage
avec la réalité du métier et constitue, de ce fait, un obstacle à son bon
exercice sur bien des plans. Le caractère rigide des modes de gestion
risque alors d’aller à l’encontre des besoins des élèves :
- si la définition législative des missions des enseignants est claire
et couvre bien le champ des activités attendues, leur service n’a pas été
adapté pour reconnaître les tâches qu’ils effectuent au sein des
établissements. Cette absence d’évolution, particulièrement sensible dans
le second degré où les obligations réglementaires de service (ORS) des
enseignants
restent
exclusivement
définies
en
heures
de
cours
hebdomadaires, est symptomatique d’une gestion du ministère qui
demeure centrée sur la « quantité de cours » à mettre en place à la
rentrée scolaire pour accueillir tous les élèves. Certes, le pilotage de
l’offre de formation est fondamental et nécessite un travail important
qu’il convient de souligner. Mais, centrée sur ce thème, la gestion du
ministère est étroite et appauvrissante compte tenu de la réalité des
missions à prendre en compte ;
- la gestion des enseignants demeure segmentée entre premier et
second degré, entre corps, ainsi qu’entre disciplines. Contrairement à
leur statut, les agrégés sont affectés en collège dans des proportions non
négligeables ; certains professeurs de lycée professionnel le sont
également. L’affectation de professeurs des écoles au collège et
d’enseignants du second degré à l’école primaire, qui permettrait
l’organisation de l’école du socle, n’est pas autorisée. L’absence de
polyvalence des enseignants intervenant au collège constitue l’un des
obstacles à ces échanges croisés entre premier et second degré ;
- la place de l’équipe enseignante n’est pas prise en compte dans
l’ensemble des principes de gestion du ministère : la gestion s’adresse à
des enseignants pris isolément. Cette situation ne permet pas de favoriser
le renforcement de la communauté éducative au sein des écoles et des
établissements. Si des dynamiques locales peuvent exister, de nombreux
enseignants témoignent de leur solitude face aux difficultés rencontrées.
La place des écoles et des établissements est mal définie et la légitimité
des directeurs et chefs d’établissement mal reconnue.
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COUR DES COMPTES
Pour corriger ces insuffisances de gestion, la Cour émet en
conséquence les recommandations suivantes (la numérotation renvoie au
récapitulatif final figurant à la fin de ce rapport) :
-
mettre en cohérence les différentes dispositions législatives et
réglementaires définissant, directement ou indirectement,
les
missions des enseignants (recommandation n° 1) ;
-
élargir leurs obligations de service sous forme d’un forfait à
l’ensemble des activités effectuées au sein de l’établissement, y
compris le travail en équipe pédagogique et l’accompagnement
personnalisé des élèves
(recommandation n° 2) ;
-
annualiser
les
obligations
de
service
des
enseignants
(recommandation n° 3) ;
-
faire de l’équipe pédagogique le pivot de l’appui aux
enseignants (recommandation n° 5) ;
-
au sein de l’équipe pédagogique, identifier des fonctions de
coordination (coordination disciplinaire, coordination de
niveau) et d’appui (tutorat, personnes ressources), assurées par
un membre de l’équipe partiellement déchargé de cours à cet
effet ; inscrire ces fonctions dans le parcours professionnel des
enseignants (recommandation n° 6) ;
-
mieux définir le rôle et les objectifs de l’équipe pédagogique ;
développer l’évaluation collective au niveau d’un établissement
ou d’une équipe pédagogique (recommandation n° 10) ;
-
autoriser les affectations de professeurs des écoles au collège
et d’enseignants du second degré à l’école primaire, quand
elles sont utiles pour assurer la continuité de la scolarité entre
l’école
primaire
et
le
collège
(« école
du
socle »)
(recommandation n° 12) ;
-
affecter
les
professeurs
agrégés
en
lycée
général
et
technologique et non au collège ; affecter les professeurs de
lycée professionnel en lycée professionnel et non au collège, à
l’exception des disciplines professionnelles de l’enseignement
adapté (recommandation n° 13) ;
-
instituer, dès la formation initiale, la bivalence ou la
polyvalence disciplinaire de l’ensemble des enseignants du
second degré intervenant au collège ; ouvrir la possibilité, pour
les enseignants déjà en fonction, d’opter pour l’enseignement
de deux disciplines (recommandation n° 14).
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Chapitre II
Une gestion de masse uniforme et
inégalitaire
En dépit d’un effort appuyé de déconcentration, la gestion de
masse à laquelle le ministère de l’éducation nationale est contraint – tant
en raison des effectifs considérables que de la diversité des situations sur
le terrain – est la source de fortes inégalités entre enseignants et entre
établissements. Elle se concilie mal avec l’objectif de réussite de tous les
élèves fixé par la loi.
I
-
Une gestion de masse indifférenciée
Les enseignants sont gérés selon une logique uniforme en dépit de
la diversité des besoins des élèves et des spécificités des postes à
pourvoir.
A - Une organisation déconcentrée sans
individualisation de la gestion
Comme la décentralisation, la déconcentration à laquelle l’État a
procédé vise à rapprocher les lieux de décision du terrain afin de mieux
prendre en compte les réalités locales.
Plus récemment, la réforme de l’administration territoriale de
l’État (REATE) a eu pour objectif à la fois d’améliorer le service rendu
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COUR DES COMPTES
au public, en regroupant les services et en rassemblant les compétences,
et de recentrer les services de l’État sur les missions prioritaires.
Dans ces différentes étapes, le ministère de l’éducation nationale
s’est vu réserver un sort particulier. L’article R. 222-25 du code de
l’éducation, tel qu’il résulte du décret n° 2012-16 du 5 janvier 2012,
prévoit en dernier lieu que « sous réserve des attributions dévolues au
préfet de région et au préfet de département, le recteur, pour l'exercice des
missions relatives au contenu et à l’organisation de l'action éducatrice
ainsi qu'à la gestion des personnels et des établissements qui y
concourent, prend les décisions dans les matières entrant dans le champ
de compétences du ministre chargé de l’éducation et du ministre chargé
de l'enseignement supérieur exercées à l'échelon de l'académie et des
services départementaux de l'éducation nationale ».
1 -
Un ministère fortement déconcentré
La gestion des personnels enseignants se caractérise par une forte
déconcentration, dont les premières mesures datent de 1985. La nécessité
de rapprocher les lieux de décision et le terrain est particulièrement
sensible pour l’éducation nationale, compte tenu du nombre d’élèves –
12,8 millions – du nombre d’enseignants et de la diversité des situations.
Le ministère de l’éducation nationale recense ainsi, en janvier 2012,
137 022 enseignants dans l’enseignement privé et 672 448 enseignants
dans l’enseignement public
57
. La répartition de ces derniers par corps et
par degré est la suivante.
57
Les chiffres concernent les effectifs physiques d’enseignants observés en janvier
2012. Les 137 022 enseignants de l’enseignement privé sont répartis entre
43 824 dans le premier degré et 93 198 dans le second degré. Les effectifs enseignants
du second degré public ne concernent que les enseignants devant élèves et ne prennent
pas en compte les remplaçants notamment. En raison de périmètres et modes de
calculs différents, le total des effectifs n’est ainsi pas directement comparable au
chiffre de 837 000 rappelé dans le présent rapport (plafond d’emploi en équivalents
temps plein travaillé (ETPT), sur l’exercice budgétaire 2012), ni à la décomposition
présentée à l’annexe 1.5 portant sur l’enseignement public et privé (décompte des
ETPT observés sur l’année budgétaire 2011).
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UNE GESTION DE MASSE UNIFORME ET INÉGALITAIRE
63
Tableau n° 3 : effectifs enseignants du premier degré public
Institu-
teurs
Professeurs
des écoles
Autres
titulaires
Non-
titulaires
Total
Préélémentaire et
élémentaire
6 962
265 398
20
799
273 179
dont : directeurs d'école
982
44 483
45 465
Remplacement
639
24 716
4
37
25 396
Autres
449
26 294
114
9
26 866
Total
8 050
316 408
138
845
325 441
% temps partiel
11,9
12,2
1,5
23,5
12,2
Source : ministère de l’éducation nationale, Repères et références statistiques 2012
Tableau n° 4 : effectifs enseignants devant élèves du second
degré public
Collège
Lycée d’ensei-
gnement
général et
technologique
Lycée
professionnel
Total
Professeurs de chaire
supérieure
.
2 111
.
2 111
Agrégés
8 964
35 701
311
44 976
Certifiés et assimilés
144 538
74 107
3 458
222 103
Adjoints et chargés
d’enseignement
1 174
412
194
1 780
Professeurs d’enseignement
général de collège
3 812
5
7
3 824
Professeurs de lycée
professionnel
2 604
14 607
36 586
53 797
Total titulaires et
stagiaires
161 092
126 943
40 556
328 591
Maîtres auxiliaires
661
235
246
1 142
Professeurs contractuels
7 006
5 469
4 799
17 274
Total non-titulaires
7 667
5 704
5 045
18 416
Ensemble
168 759
132 647
45 601
347 007
Titulaires à temps partiel
(%)
11,9
8,7
6,7
10,0
Source : ministère de l’éducation nationale, Repères et références statistiques 2012
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64
COUR DES COMPTES
Dans ce contexte, un certain nombre de compétences de gestion
ont été transférées à l’administration déconcentrée, constituée des
rectorats, à l’échelle de l’académie
58
, et des directions académiques des
services de l’éducation nationale (DASEN), à l’échelle du département.
Depuis 2012, le recteur est le principal responsable de la gestion des
enseignants. Les services déconcentrés assurent l’évaluation, la notation,
la rémunération, la promotion et l’affectation de l’enseignant au sein de
l’académie. Le recteur décide des compétences qu’il souhaite confier
dans ce domaine, par délégation, aux directeurs départementaux, tant
pour les personnels du premier degré que du second degré – en pratique,
et pour des raisons historiques, les DASEN restent l’échelon chargé
d’assurer à titre principal la gestion des enseignants du premier degré.
L’administration centrale garde, quant à elle, une responsabilité de
pilotage et de contrôle de la politique des ressources humaines. En outre,
pour les actes qui n’ont pas été déconcentrés (mutations inter-
académiques, recrutement des enseignants, etc.), elle demeure une
administration de gestion. La direction générale des ressources humaines
(DGRH) assure ainsi ce double rôle, en lien avec les directions expertes
(direction des affaires financières, direction des affaires juridiques),
l’ensemble de ces directions relevant du secrétariat général.
Cette gestion découle directement des décisions affectant la
structure de l’enseignement (programmes, filières, etc.) qui relèvent de la
direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Par ailleurs,
son directeur général est responsable de l’exécution du budget de l’État
relatif à l’enseignement primaire public (programme 140) et à
l’enseignement secondaire public (programme 141), tandis que le
directeur des affaires financières est responsable du programme relatif à
l’enseignement privé (139). C’est à partir de ces trois programmes que
sont rémunérés les enseignants.
La gestion des ressources humaines du ministère de l’éducation
nationale se caractérise donc par une forte déconcentration par rapport à
d’autres ministères.
2 -
Une gestion en volume par les rectorats et les directions
départementales (DASEN)
Les rectorats et, dans les départements, les directions académiques
des services de l’éducation nationale (DASEN) pratiquent une gestion qui
reste contrainte par le fonctionnement adopté et le nombre d’enseignants.
58
Une académie correspond généralement à une région administrative.
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UNE GESTION DE MASSE UNIFORME ET INÉGALITAIRE
65
Chaque service déconcentré a la responsabilité d’un grand nombre
d’enseignants. En 2012, hors outre-mer, chaque directeur départemental
s’occupe en moyenne de 3 200 enseignants du premier degré pour le seul
enseignement public – le département du Nord en compte plus de 13 100.
Dans
le
second
degré,
chaque
rectorat
gère
en
moyenne
12 600 enseignants, sans compter les enseignants du privé. Le plus
important rectorat, celui de Versailles, gère plus de 30 200 enseignants
pour le seul second degré public
59
.
Or l’essentiel des actes de gestion des enseignants est assuré
directement par les rectorats et par les directeurs départementaux et non à
un niveau inférieur (circonscription du premier degré, école ou
établissement). En matière d’affectation par exemple, les dossiers ne sont
pas instruits par l’encadrement local, dans les écoles et établissements où
sont implantés les postes, mais à l’échelon déconcentré, voire national
pour les changements d’académie. Dans ces conditions, les services de
l’administration centrale, du rectorat et des directions départementales
sont amenés à instruire un nombre très important de demandes de
mutation chaque année, comme l’indique le tableau ci-dessous.
Tableau n° 5 : bilan des mouvements généraux du premier
degré et du second degré publics (2011)
Premier degré
Second degré
En nombre
Inter
Intra
Inter
Intra
Candidatures
17 104
nc
60
27 488
69 121
Affectations
4 993
nc
16 733
37 419
Candidatures/effectifs
5,2 %
nc
7,5 %
19,0 %
Affectations/candidatures
29,2 %
nc
60,9 %
54,1 %
Affectations/effectifs
1,5 %
nc
4,6 %
10,3 %
Source : ministère de l’éducation nationale
59
Au total, le rectorat de Versailles gère plus de 68 200 enseignants et compte environ
10 600 candidats à la mutation annuelle.
60
Le ministère ne dispose pas de bilans des mouvements intra-départementaux. Les
chiffres communiqués à la Cour pour dix départements montrent un ratio
candidatures/effectifs de 31,9 % et un ratio affectations/effectifs de 14,8 %.
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Pour assurer ce volume important de tâches, les agents de gestion
des
services
déconcentrés
sont
peu
nombreux.
Les
données
communiquées par le ministère de l’éducation nationale dans les
documents budgétaires font état d’un « ratio d’efficience de la gestion des
ressources humaines » de 7 pour 1 000, soit un gestionnaire pour
143 agents.
Le ministère de la défense affichait pour sa part en 2010 un ratio
de 30,8 pour 1 000, le ministère de l’économie et des finances de 22 pour
1 000 et le ministère de l’intérieur de 18 pour 1 000
61
. Dans le secteur
privé, une étude de l’observatoire CEGOS d’avril 2010
62
indique, pour un
échantillon d’entreprises, que les services de ressources humaines
représentent en moyenne 16 pour 1 000 de l’effectif géré.
Le taux d’encadrement du ministère de l’éducation nationale
pourrait témoigner d’une efficience bien supérieure à celle des autres
administrations. En réalité, il est surtout le signe d’une personnalisation
insuffisante de la gestion des ressources humaines.
Le phénomène est encore plus marqué dans certaines académies.
Ainsi, pour le second degré public, un agent traite en moyenne
490 enseignants dans l’académie de Versailles, 436,7 à Nantes, mais
292 à Limoges. Dans le premier degré, un gestionnaire assure le suivi de
650 enseignants en moyenne dans les directions départementales de
l’académie de Lille, contre 282,4 dans celles de l’académie de Limoges.
Dans ce contexte, rectorats et directions départementales mettent
en oeuvre, malgré la déconcentration, des principes de gestion uniforme
de masse. Encadrés par la circulaire du ministre, leurs marges de
manoeuvre restent très limitées.
B - Une gestion mal adaptée à la diversité des situations
scolaires
Face au poids décisif des origines sociales dans le parcours scolaire
des élèves, la gestion des enseignants souffre d’un défaut majeur :
l’incapacité à prendre en compte, dans l’organisation scolaire, les besoins
des élèves, en particulier la difficulté scolaire. Cette notion recouvre
l’ensemble des difficultés d’apprentissage éprouvées par les élèves.
61
Source : projet de loi de finances 2012, projets annuels de performances des
programmes 212, 214, 216 et 218.
62
Étude sur les fonctions ressources humaines dans les entreprises françaises
(6
e
édition). 135 DRH gérant 712 000 salariés dans différents secteurs d’activités
d’entreprises françaises.
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67
1 -
L’absence de connaissance précise des besoins des élèves
Le ministère n’a pas mis en place de système national de mesure
directe et fiable des besoins scolaires de tous les élèves.
Ceci supposerait de concevoir, d’organiser et d’exploiter des tests
spécifiques passés par les élèves en début d’année scolaire, selon une
méthodologie dédiée à cet objectif. Rien de tel n’existe en France
63
. De
telles données, assorties des garanties nécessaires d’anonymat et
d’utilisation, devraient pourtant servir de base à un pilotage du système
éducatif au plus près des besoins des élèves : dans le cas de la gestion des
enseignants, elles permettraient de fonder la répartition des postes ou la
politique de formation continue par exemple.
Dans sa réponse au référé de la Cour sur l’égalité des chances et la
répartition des moyens dans l’enseignement scolaire, le ministre de
l’éducation nationale a admis que le choix d’utiliser des indicateurs de
résultats des élèves pour l’allocation des moyens
« se heurt[ait] à la
disponibilité d’indicateurs fiables, indiscutables et disponibles à l’échelon
le plus petit du territoire ».
La création de nouveaux outils d’évaluation apparaît pourtant
comme une composante essentielle d’une réforme éducative réussie,
comme en témoignent les exemples étrangers.
Les outils de caractérisation des besoins des élèves au Canada
La province de l’Ontario s’est dotée d’un organisme d’évaluation
(Office de la qualité et de la responsabilité en éducation ou OQRE), chargé
de recueillir les données annuelles sur les résultats des élèves. Des tests
exhaustifs, spécialement conçus pour caractériser les compétences de chaque
élève en lecture, en écriture et en mathématiques, sont organisés à différentes
étapes de leur scolarité (3
ème
, 6
ème
, 9
ème
et 10
ème
année).
63
Les « évaluations nationales »,
mises en place en 2009 et en cours de réforme, en
CE1 et CM2, n’ont pas été conçues dans cet objectif.
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COUR DES COMPTES
L’information qui en est issue est utilisée par tous les acteurs :
enseignants,
directions
d’école,
conseils
scolaires
et
gouvernement
provincial, pour en déduire les stratégies à mettre en oeuvre chacun à son
niveau, en fonction des besoins ainsi observés. Notamment, le ministère
utilise ces tests pour orienter la formation continue des enseignants et
soutenir les établissements qui apparaissent en difficulté aux évaluations
provinciales. Le « partenariat d’interventions ciblées de l’Ontario » (PICO)
permet par exemple d’octroyer aux écoles élémentaires concernées un
soutien accru sous forme de ressources humaines et financières et de
possibilités de perfectionnement professionnel.
En l’absence d’outils de diagnostic, la réponse du ministère a
consisté jusqu’à présent à créer des structures spécialisées
64
, destinées à
répondre à des situations de handicap ou d’inadaptation, ou à mettre en
place les zones d’éducation prioritaire (ZEP), censées « identifier les
élèves rencontrant les plus grandes difficultés scolaires ».
Les zonages d’éducation prioritaire
Les
zones
d’éducation
prioritaire
correspondent
à
des
aires
géographiques dans lesquelles sont situés des établissements et des écoles
faisant face à des difficultés d’ordre social et scolaire. Il en existe trois
niveaux : le réseau ambition réussite, ou RAR, transformé en ECLAIR en
2010, et constitué des établissements présentant les plus grandes difficultés ;
les établissements du réseau réussite
scolaire (RRS), de difficulté
intermédiaire ; et les établissements relativement moins difficiles. Ces zones
se superposent à d’autres zonages issus de la politique de la ville, notamment
les zones urbaines sensibles (ZUS) ou les zones prévention violence (ZPV).
Le ministre de l’éducation nationale a annoncé une refonte de la carte
de l’éducation prioritaire en lien avec la réforme, elle aussi en projet, du
zonage de la politique de la ville.
Toutefois, les faiblesses, voire les défaillances, de cette politique
sont telles qu’on ne peut pas considérer que ce zonage prenne en compte
efficacement les besoins des élèves. Ses limites ont été dénoncées de
manière constante et répétée pendant la décennie écoulée par de
64
Les classes d’intégration scolaire (CLIS) et les unités spécialisées pour l’intégration
scolaire (ULIS) accueillent dans les écoles primaires, collèges et lycées ordinaires des
élèves présentant un handicap, physique ou mental ; les sections d’enseignement
général
et
professionnel
adapté
(SEGPA)
et
les
établissements
régionaux
d’enseignement adapté (EREA) sont destinés pour leur part à des élèves présentant
une situation d’échec scolaire grave.
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69
nombreuses études
65
: inflation de la carte de l’éducation prioritaire et
dispersion des moyens alloués, caducité du périmètre des zones,
hétérogénéité des établissements concernés, résultats peu probants pour
les élèves. En outre, si ces zones concentrent des situations de difficulté
scolaire, celles-ci ne se limitent pas à des espaces géographiques donnés
et peuvent se rencontrer dans tous les établissements.
Au vu de ces différents éléments, le ministère ne dispose pas d’une
connaissance précise et fiable des besoins des élèves. Il est donc encore
moins en mesure d’identifier la réponse la plus appropriée à la nature des
difficultés rencontrées selon les publics.
Les trois outils auxquels il peut faire appel – variation du nombre
d’enseignants par élève, recours à des compétences spécifiques
d’enseignants, modulation de la composition du temps de service des
enseignants – font l’objet d’une gestion de masse et ne sont pas, sauf
exception, utilisés en fonction des besoins des élèves.
2 -
L’implantation des postes d’enseignants
a)
Des modèles d’allocation des moyens inadaptés aux objectifs du
système éducatif
La répartition des moyens enseignants
66
a été réalisée jusqu’en
2012 selon une méthode présentant de nombreux défauts. Le ministère a
certes annoncé qu’il procéderait, pour les prochaines années, selon des
méthodes différentes.
Les modèles d’allocation des moyens, dans le premier comme dans
le second degré, reposent sur des critères largement inadaptés aux
objectifs du système éducatif.
Ainsi, dans le premier degré, les critères pris en compte
n’expliquent que partiellement et indirectement les difficultés scolaires :
appartenance à une zone rurale ou urbaine, taux de bénéficiaires des
minima sociaux, pourcentage des professions et catégories sociales
défavorisées,
pourcentage
de
chômeurs,
etc.
Ces
critères
sont
nécessairement approximatifs : un élève de milieu défavorisé peut avoir
de bons résultats et des établissements aux résultats satisfaisants peuvent
accueillir des élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage.
65
Assemblée nationale, inspections générales du ministère, INSEE, centre de
recherche en économie et statistique (CREST), Conseil économique, social et
environnement.
66
Cf
. annexe 1.6.
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COUR DES COMPTES
En outre, ce modèle repose sur un principe : chaque académie doit
se rapprocher d’une cible moyenne, différente selon la catégorie à
laquelle appartient l’académie. Or on observe que les académies à
dominante rurale ont systématiquement une cible très supérieure à celles
des autres catégories et se trouvent par voie de conséquence nettement
avantagées, y compris par rapport aux académies qui subissent les plus
fortes contraintes sociales. Cet avantage ne découle en aucune façon du
constat objectif des résultats scolaires.
Du fait de ces imperfections, l’académie de Créteil, bien qu’elle
compte le plus grand nombre d’établissements ECLAIR de toute la
France, a vocation à recevoir un nombre de postes par élève plus faible
que les académies de Rouen ou Reims, identifiées par l’administration
comme présentant de plus fortes difficultés sociales. Elle a même
vocation à recevoir par élève des moyens inférieurs aux académies de
Dijon ou de Poitiers, classées au même niveau de difficulté sociale, mais
avantagées par leur caractère rural. De façon générale, le critère de la
ruralité justifie les plus grands écarts de dotation entre académies.
Dans le second degré, des critères de répartition des moyens
sociaux et territoriaux (ruralité, éducation prioritaire, etc.) sont pris en
compte uniquement pour les collèges, mais pas pour les lycées. Là
encore, même pour les collèges, cette approche est inévitablement
approximative, puisque les difficultés scolaires des élèves ne se
confondent pas avec des critères tels que la ruralité ou l’éducation
prioritaire.
b)
L’absence de prise en compte des écarts de résultats à l’intérieur
des académies
Le raisonnement repose sur la notion de moyenne académique et
ignore les écarts de résultats à l’intérieur des académies, qui peuvent être
considérables. Ainsi, l’académie de Créteil est considérée comme une
académie « moyenne », alors qu’elle concentre sur son territoire des
zones caractérisées par un niveau très élevé d’échec scolaire.
Au niveau déconcentré, les services académiques tentent de mieux
répartir les moyens d’enseignement entre les établissements en tenant
compte des situations locales. Toutefois, leur capacité d’intervention est
limitée par les répartitions qui ont déjà été opérées au niveau national. En
outre, comme au niveau national, il est rare que les critères de répartition
mesurent directement les besoins des élèves.
En effet, les rectorats comme les directions départementales se
heurtent eux aussi à la difficulté de caractérisation des besoins des
élèves : compte tenu de l’obsolescence partielle des outils existants,
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notamment des classifications en zone d’éducation prioritaire, ils sont
amenés à définir leur propre méthodologie de prise en compte de la
difficulté scolaire pour la répartition des moyens, sans que le ministère
fournisse de référence, même indicative, des bonnes pratiques en la
matière.
c)
La rigidité de l’offre de formation et le poids des petites structures
Les tentatives de rééquilibrage de la répartition des moyens au
bénéfice d’une meilleure prise en compte de la difficulté scolaire se
heurtent à des rigidités. La plus importante d’entre elles concerne l’offre
de formation, c’est-à-dire l’implantation des écoles et établissements sur
le territoire, et, en leur sein, des filières de formation. Plusieurs facteurs y
contribuent :
-
la concurrence entre établissements, qui ne veulent pas, en
général, voir leur offre se réduire de peur de perdre leur
attractivité ;
-
la volonté de maintenir des postes malgré le faible nombre
d’élèves inscrits dans l’option ou la filière ;
-
la difficulté à procéder à des ajustements brutaux dans le cas de
formations impliquant des équipements importants.
En outre, l’État et les collectivités territoriales peuvent avoir des
difficultés à construire une vision partagée de la carte des formations. Or
leurs compétences en matière éducative sont fortement imbriquées
67
.
67
Les collectivités territoriales sont compétentes en matière immobilière et de gestion
des personnels techniques, l’État pour les personnels d’enseignement, d’encadrement
et de direction.
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De façon générale, une répartition uniforme des créations ou des
suppressions de postes, mieux acceptée localement, est privilégiée. Cette
pratique ne permet pas de réajuster les moyens aux besoins.
d)
Des inégalités de répartition
La répartition actuelle des moyens enseignants selon la taille de
l’établissement et l’importance de la difficulté scolaire indique que les
taux d’encadrement sont en moyenne plus favorables pour les structures
de petite taille et que les établissements ECLAIR sont mieux dotés que
les établissements ordinaires.
Ce constat doit néanmoins être nuancé. Ainsi, dans l’enseignement
primaire, la catégorie des écoles de moins de 50 élèves bénéficie du
nombre moyen d’enseignants par élève le plus favorable, y compris par
rapport aux écoles ECLAIR (qui appartiennent toutes à des catégories de
taille supérieure, sauf dans l’académie de Lille). Ceci révèle l’importance
de l’effort consenti en faveur du maintien du réseau des petites écoles,
comme l’indique la carte ci-après.
Carte n° 2 : nombre de postes d’enseignants du premier degré
pour 100 élèves (P/E), rentrée 2010
Source : ministère de l’éducation nationale, géographie de l’école 2011
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73
De plus, pour une même catégorie de taille d’école ou de collège,
les moyens supplémentaires donnés aux établissements ECLAIR par
rapport aux établissements ordinaires sont variables d’une académie à
l’autre. Ainsi, pour les collèges de 300 à 400 élèves, les moyens
supplémentaires alloués aux établissements ECLAIR par rapport aux
établissements ordinaires sont en moyenne de l’ordre de + 18
% à
+ 21 % à Bordeaux, Limoges et Nantes, alors qu’ils sont de + 31 % à
Versailles et de + 45 % à Lille. Ces chiffres montrent la variabilité des
réponses données face à des situations concrètes que le ministère ne
caractérise que par une approche fruste (dispositif ECLAIR).
D’autres systèmes, fondés directement sur les besoins des élèves,
existent pourtant à l’étranger.
Dotation en moyens des établissements à l’étranger
Hors structures d’enseignement spécialisé (handicap, inadaptation),
les établissements allemands (Land de Berlin), canadiens (Ontario) et
néerlandais reçoivent leurs dotations en moyens enseignants sous forme d’un
forfait calculé pour chaque élève, en fonction de son profil individuel. Les
profils d’élèves nécessaires au calcul des dotations sont déclarés par le chef
d’établissement immédiatement après la rentrée scolaire.
Le forfait est plus ou moins élevé selon les besoins propres de chaque
élève. Il est différencié selon trois critères principaux : le type de filière
d’éducation, le profil de difficulté scolaire de l’élève et la zone de
scolarisation.
Aux Pays-Bas par exemple, le forfait est d’un peu moins de 5 000 €
par élève dans le primaire ; pour certains profils, le forfait peut être majoré
par un coefficient allant jusqu’à 1,9. Dans le secondaire, il peut varier de
9 000 à 22 000 € d’un élève à l’autre.
Au Canada (Ontario), l’enveloppe allouée aux conseils scolaires
résulte de l’addition d’une subvention «
de base
», qui octroie le même
financement par élève et par école à tous, et d’une subvention «
à des fins
particulières
» qui vise à prendre en compte les coûts et les besoins précis de
certains conseils scolaires et de certains élèves. La part des subventions à des
fins particulières est très importante dans le total de l’enveloppe allouée aux
conseils scolaires : au niveau provincial, elle représente ainsi 44 % du total
mais peut dépasser 60 % dans certains conseils scolaires. Il en résulte que le
financement par élève varie considérablement d’un conseil scolaire à l’autre :
les écarts vont ainsi de 9 914 CAD à 27 084 CAD sur l’année scolaire 2011-
2012 (soit de 7 478 € à 20 429 € au 31 décembre 2011).
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COUR DES COMPTES
3 -
Un système d’affectation ne prenant en compte ni les
compétences des enseignants ni les particularités des postes
Le système d’affectation
68
en vigueur au ministère de l’éducation
nationale fonctionne selon le principe de l’indifférenciation des postes et
des compétences : tous les postes se valent et tous les enseignants sont
compétents pour les occuper, ainsi qu’en témoignent les critères et
modalités d’affectation définis chaque année par note de service de
l’administration centrale. Les postes qui, selon le ministère
69
, « exigent
une adéquation étroite du lien poste – compétence de la personne »,
constituent l’exception.
a)
Le principe : l’indifférenciation des postes et des compétences
Les critères retenus pour affecter les enseignants sont établis à
partir de leur situation administrative et individuelle : rapprochement de
conjoint, handicap, exercice dans des zones à difficulté (ces trois critères
constituent des priorités de mutation dans le statut de la fonction
publique). Est également prise en compte l’ancienneté de poste et de
service.
En revanche, ni les compétences propres des candidats, ni la
singularité du poste visé du point de vue des besoins des élèves, ni
a
fortiori
l’adéquation entre ces deux critères ne sont retenues. La seule
exception concerne une bonification accordée aux agrégés qui demandent
un poste en lycée.
Ces critères sont, de plus, appliqués de façon automatique et traités
par informatique, grâce à un système dit « au barème ».
68
Cf
. annexe 1.7.
69
Note de service n° 2011-190 du 25 octobre 2011.
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75
L’automaticité du système au barème
Dans le système au barème, chaque enseignant candidat à la mutation
formule des voeux de postes. Chacun de ces voeux reçoit un certain nombre de
points, en fonction d’une grille de critères appelée barème. Par exemple, un
poste qui permet de se rapprocher de son conjoint donne, sous certaines
conditions, 150 points au voeu correspondant du candidat. Autre exemple,
chaque année d’ancienneté de poste donne droit à 10 points pour tous les
voeux formulés par un candidat, auxquels s’ajoutent 7 points par échelon. Sur
un poste, c’est le candidat dont le voeu totalise le nombre maximum de points
qui est retenu, sauf si ce candidat a pu obtenir un autre de ses voeux qui avait
sa préférence. Cette comparaison des points et des voeux est réalisée
automatiquement par informatique.
Le traitement informatique de l’ensemble des voeux aboutit à des
affectations d’enseignants dont l’administration ne s’écarte pas dans les faits,
sauf dans de rares exceptions, même si, en affichage, les notes de service du
25 octobre 2011 indiquent que le barème « constitue un outil de préparation
aux opérations de gestion et ne revêt donc qu’un caractère indicatif ».
Sur ce point, le rapport annuel 2010 du médiateur de l’éducation
nationale et de l’enseignement supérieur (mai 2011) note que « les
organisations de personnels tiennent au caractère objectif de ce processus de
mutation : il a en effet pour caractéristique première de conjurer les risques
qui seraient par nature attachés à un mode de recrutement et d’affectation
personnalisé. […] Le barème est en pratique d’application stricte. Les
représentants des personnels sont attentifs à vérifier le respect du classement
issu du barème, dans le cadre des réunions paritaires qui se tiennent
préalablement à la rédaction des arrêtés d’affectation ».
La Cour a pu constater, au sein de l’académie de Versailles, que la
vérification fastidieuse du nombre de points obtenus mathématiquement par
chaque candidat sur chacun de ses voeux était la tâche d’un groupe de travail
dont les séances étaient programmées tous les jours sur une semaine pour le
mouvement inter-académique 2012 des enseignants du second degré public.
Ce groupe de travail rassemblait une dizaine de représentants de
l’administration et plusieurs dizaines de représentants syndicaux, spécialisés
par corps et discipline, pour passer en revue le nombre de points affectés aux
voeux des 4 231 enseignants souhaitant participer au mouvement. Avec une
hypothèse de 8 heures de réunions quotidiennes, le temps consacré à ces
groupes de travail représente un total d’environ 1 600 heures de réunion, pour
la seule vérification de critères automatiques.
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COUR DES COMPTES
De ce fait, à aucun échelon de l’administration ou de
l’établissement ne peuvent être pris en compte le parcours du candidat, sa
carrière ou ses compétences propres. La procédure ne prévoit pas
d’entretien avec le candidat et le
curriculum vitae
est une pièce
inexistante dans le traitement des candidatures.
Un système annulé pour illégalité par le Conseil d’État
Le Conseil d’État, dans deux arrêts du 16 décembre 2009 et du
7 mars 2012, a annulé les notes de service définissant les règles du
mouvement du second degré pour trois années consécutives : 2009, 2010 et
2011.
Selon le statut général de la fonction publique, les projets d’affectation
doivent respecter les trois priorités de mutation reconnues, au bénéfice des
conjoints séparés pour des raisons professionnelles, des personnels
handicapés, et de ceux exerçant dans des zones difficiles (article 60 de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984). Le juge administratif estime que définir et
imposer automatiquement des critères barèmés, comme le fait le ministère de
l’éducation nationale, équivaut à créer des priorités de mutation nouvelles, ce
qui ajoute donc illégalement aux dispositions de la loi.
Le ministère n’a tiré à ce jour aucune conséquence de cette situation,
reproduisant le même dispositif pour 2012 et 2013, au risque de voir sa
responsabilité mise en cause et l’ensemble du processus fragilisé à la suite
d’un recours intenté par des enseignants qui auraient intérêt à le dénoncer.
b)
L’exception : les postes « à profil »
Seuls les postes dits « à profil » sont traités en dehors de ce
système d’affectation au barème. Bien que le périmètre de ces postes soit
librement fixé par le ministère pour les postes nationaux, par les recteurs
depuis 2005 pour les postes à profil académiques, et par les directions
départementales dans le premier degré, les postes à profil sont peu
nombreux : ils représentent 6,1 % de l’ensemble des postes enseignants à
la rentrée 2012 selon le ministère.
De plus, ces postes restent essentiellement cantonnés aux
structures d’enseignement spécifiques. Il s’agit notamment des postes en
classes spécialisées (CLIS et ULIS), en réseaux d’aides spécialisées aux
élèves en difficulté (RASED), en classe relais dans le premier degré, en
classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), en section de technicien
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77
supérieur préparant au BTS
70
et en sections internationales, européennes
ou artistiques dans le second degré.
L’extension des postes sur profil aux établissements ECLAIR
Le ministère a ouvert, par une circulaire du 7 juillet 2010 et une note
de service du 30 janvier 2012, les recrutements sur profil pour des postes
situés dans les établissements difficiles du dispositif « ECLAIR ».
Cette introduction reste cependant limitée : elle ne concerne que les
postes vacants choisis par les recteurs dans les établissements du second
degré ; le ministère n’a mis en place aucune mesure incitative spécifique pour
attirer les candidats.
En 2012, 584 postes ont ainsi été pourvus.
Les difficultés éventuelles d’extension de ce système de postes à
profil à une échelle plus importante ne sauraient être ignorées : risque de
multiplication
et
de
concentration
des
candidatures,
moyens
supplémentaires pour l’examen individualisé des candidats. Elles ne
doivent pas pour autant être surestimées, comme le montre le système
d’affectation dans l’enseignement catholique sous contrat.
c)
Le cas particulier de l’enseignement catholique sous contrat
Dans l’enseignement catholique, l’affectation se déroule, en effet,
entièrement sur avis du chef d’établissement, alors même qu’environ
15 % des effectifs enseignants nationaux sont concernés. En 2011,
18 000 affectations ont été ainsi effectuées, premier et second degré
confondus, hors affectation des stagiaires. Ce chiffre est important
puisqu’il équivaut à la moitié des affectations réalisées dans toute la
France lors du mouvement intra-académique du second degré public.
Enfin, dans les établissements visités par la Cour, le nombre d’entretiens
cité par les enseignants en vue d’obtenir un poste est d’un à deux en
moyenne, variable selon le contexte de la discipline, mais dépassant
rarement cinq.
70
Le brevet de technicien supérieur (BTS) est un diplôme national de l’enseignement
supérieur qui se prépare dans un lycée ou un établissement d’enseignement privé
pendant une durée de deux ans après le baccalauréat ou en alternance ou encore par la
voie de la formation continue.
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Le système d’affectation dans l’enseignement catholique sous contrat
Dans l’enseignement catholique sous contrat comme dans le reste de
l’enseignement privé sous contrat, l’acte d’affectation est pris par le recteur
au terme d’un processus qui prévoit l’accord de la direction de
l’établissement (article L. 442-5 du code de l’éducation : l’enseignement « est
confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de
l’enseignement public, soit à des maîtres liés à l’État par un contrat »). Ce
principe permet l’appréciation systématique des candidatures des enseignants
par le chef d’établissement.
Dans le cas spécifique de l’enseignement catholique sous contrat, la
viabilité de ce système à grande échelle repose sur une régulation à plusieurs
niveaux : 1° local, chaque direction diocésaine s’assurant que les priorités de
mutation
sont
respectées ;
2°
national,
une
commission
nationale
d’affectation étant chargée de rapprocher enseignants sans service et services
demeurés vacants. Une à deux pertes de contrat seulement par an sont
enregistrées.
4 -
Temps de travail et rémunération : une uniformité inadaptée
aux besoins des élèves et inéquitable pour les enseignants
L’utilisation du temps de service de l’enseignant est importante
pour répondre à la diversité des besoins des élèves : selon les lieux, les
élèves peuvent avoir un besoin plus ou moins important de cours
magistraux ou d’une aide plus individualisée ; l’orientation prend un
temps variable, de même que le travail en équipe. L’adaptation de
l’utilisation du temps de service selon le poste, ainsi que la
reconnaissance de ses caractéristiques en termes de rémunération sont
aussi des facteurs d’équité entre enseignants : une heure de cours dans un
établissement difficile et une heure de cours dans un établissement
ordinaire ne représentent pas la même charge.
Les données des systèmes de gestion mesurent imparfaitement
l’activité des enseignants
71
. Toutefois, elles font apparaître un temps de
service et un ensemble d’activités qui peuvent varier dans des proportions
importantes d’un enseignant à l’autre, pour des profils dont les grandes
caractéristiques
sont
pourtant
comparables
(corps
d’appartenance,
ancienneté,
type
d’affectation).
Ces
différences
correspondent
essentiellement à l’accomplissement d’un nombre variable d’heures
supplémentaires année (HSA) ou effectives (HSE), ainsi qu’au cumul
d’activités sur la base des motivations individuelles des enseignants.
71
Cf
. annexes 1.8 et 1.9.
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Ainsi, dans les académies étudiées, pour les certifiés de quinze ans
d’ancienneté par exemple, la rémunération annuelle nette varie de
25 240 € par an à 38 324 €, soit une différence de 13 084 € par an. Le
premier facteur d’écart concerne la réalisation d’heures supplémentaires
(écart de 6 591 € bruts), devant la différence d’avancement (écart de
4 544 €) puis les indemnités liées à la fonction ou à l’affectation.
L’enseignant le mieux rémunéré de l’échantillon exerce dans un lycée
professionnel situé en ZEP, assure les fonctions de professeur principal et
effectue 11 HSA. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, il a effectué
135 HSE, ce qui représente 3,75 heures par semaine. Il a en outre perçu
des indemnités de jury, concours et examens.
En revanche, les systèmes de gestion ne permettent pas d’identifier
de variation significative du temps de service des enseignants en fonction
de leur poste ou de leur profil, marquant l’absence de politique organisée
de la part du ministère sur ces plans. Ainsi, le nombre d’heures et leur
composition (proportion des heures d’enseignement par rapport aux
décharges) ne varient pratiquement pas pour un enseignant de même
corps et de même ancienneté entre un établissement ordinaire et un
établissement relevant de l’éducation prioritaire.
Dans
l’académie
de
Versailles,
par
exemple,
le
temps
d’enseignement hebdomadaire des enseignants certifiés de collège ayant
entre 15 et 19 ans d’ancienneté, qui est de 19,34 heures en moyenne
hebdomadaire, s’écarte de moins de 2 % d’une catégorie d’établissement
à une autre. Il n’est inférieur que de 0,34 heure, soit 20 minutes, pour le
certifié qui enseigne en collège ECLAIR
72
. Cet écart est inférieur à la
variation du service moyen des enseignants entre collège et lycée : hors
éducation prioritaire, les certifiés entre 15 et 19 ans d’ancienneté ont un
temps de service de 20,20 h en lycée général, contre 19,34 h en collège,
soit une différence de 52 minutes. De même, l’utilisation des décharges
est peu différenciée d’un type d’établissement à l’autre : par rapport au
temps de service total, les décharges sont en proportion stables, entre 0 et
2 %.
Le résultat est tout aussi uniforme concernant l’ancienneté, à type
de poste et à corps donnés. Ainsi, le temps d’enseignement des certifiés
exerçant en collège ordinaire, hors éducation prioritaire, est de
19,33 heures hebdomadaires en moyenne. Son volume total décroît
72
Le ministère explique cet écart par « la dotation plus abondante en personnel
enseignant des établissements [ECLAIR] qui permet aux chefs d’établissement de
disposer de suffisamment d’heures de cours sans avoir à faire appel aux heures
supplémentaires de leurs enseignants ».
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globalement avec l’ancienneté, mais dans une proportion limitée : le
nombre d’heures est supérieur de 0,8 % à la moyenne en début de carrière
pour s’établir à - 2,6 % en fin de carrière. La composition du temps de
service est également stable : l’augmentation des activités donnant lieu à
décharge est de 0,32 heure (19 minutes), soit 1,7 % seulement du temps
de service.
Ces résultats illustrent l’absence de modulation du service selon le
poste et l’expérience de l’enseignant, qui est source de situations
inéquitables entre enseignants et d’une inadaptation aux besoins
spécifiques des élèves.
A contrario
, à ancienneté et situation d’enseignement équivalentes,
le temps de service est fortement différencié selon les corps enseignants,
conséquence directe des obligations réglementaires de service (ORS)
prévues dans les décrets de 1950. Au collège, hors éducation prioritaire,
le temps d’enseignement moyen des agrégés (16,83 heures) de l’académie
de Versailles diffère de celui des certifiés (19,34 heures) de 2,4 heures
(soit 12,9 %). À ces différences de service se superposent des différences
de rémunération. Le traitement net annuel des agrégés (hors CPGE) dans
l’échantillon des cinq académies étudiées est de 38 589 € en moyenne à
15 ans d’ancienneté, soit 30 % de plus que les certifiés de même
ancienneté (29 670 €).
Ces différences affectent paradoxalement des enseignants placés
dans des situations d’enseignement semblables. Elles sont donc à la fois
sans lien avec le public d’élèves et inéquitables pour les enseignants.
Un cas toutefois échappe à la situation générale d’absence
d’adaptation entre conditions de service et poste, et atteste de la capacité
du ministère de l’éducation nationale à prévoir de telles dispositions. Il
s’agit du service des enseignants affectés en classe préparatoire aux
grandes écoles (CPGE). Ces enseignants, peu nombreux, appartiennent
sauf exception à deux corps différents, celui des agrégés et celui des
chaires supérieures, mais leurs obligations réglementaires de service
(ORS) sont adaptées à leur poste particulier.
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Service et rémunération des enseignants en classe préparatoire aux
grandes écoles (CPGE)
Service et rémunération des enseignants en classe préparatoire sont les
plus favorables de l’ensemble des cas étudiés. Les obligations réglementaires
de service sont de 8 à 11 heures d’enseignement hebdomadaire, selon la taille
de la classe. La rémunération nette annuelle est en moyenne, entre 10 et
20 ans d’ancienneté, de 49 296 € pour les agrégés et de 63 470 € pour les
chaires supérieures, mais avec des
maxima
beaucoup plus élevés : 79 677 €
pour les agrégés et 97 979 € pour les chaires supérieures de la même tranche
d’ancienneté.
L’importance de ces rémunérations par rapport à celle des autres
agrégés résulte du niveau élevé des rémunérations accessoires versées au titre
des heures supplémentaires et des heures d’interrogation. En moyenne, les
heures supplémentaires annuelles perçues par les agrégés représentent entre
8 228 € et 8 537 € selon l’ancienneté. Le niveau moyen élevé ainsi atteint
tient à ce que les obligations réglementaires de service (ORS) des enseignants
en
classe
préparatoire
peuvent
générer
mécaniquement
des
heures
supplémentaires
73
. Les heures d’interrogation individuelles participent
également à cet écart : ces heures, plus communément appelées « heures de
colle », sont en général assurées par les enseignants de ces classes. Pour les
professeurs de chaire supérieure, le taux des heures d’interrogation varie de
53,88 € à 74,08 € de l’heure. Il a été relevé que certains enseignants
perçoivent plus de 30 000 € par an au titre des heures d’interrogation
74
.
L’enseignant de CPGE ayant la rémunération la plus élevée dans
l’échantillon étudié (107 339 €) est un agrégé de langues vivantes classé au
6
ème
échelon de la hors classe. Son ORS est de 9 heures, mais il fait 8 HSA
qui lui procurent un complément de revenu annuel de 45 819 €. Il a aussi
perçu 14 505 € au titre des heures d’interrogation de ses élèves.
Cette adaptation du service au poste est aujourd’hui réservée à des
filières sélectives alors qu’elle n’est pas utilisée ailleurs. D’autres pays
appliquent ce principe de façon générale.
73
Il existe, selon les filières et les disciplines, des discordances entre obligations
réglementaires de service (ORS) et grille hebdomadaire des programmes. Par
exemple, en première année de mathématiques supérieures (MPSI), 12 heures
hebdomadaires de mathématiques sont prévues dans les grilles horaires : l’enseignant
de cette discipline bénéficie mécaniquement de plusieurs HSA compte tenu de son
ORS.
74
Un enseignant de l’académie de Bordeaux a fait 537 heures d’interrogation au cours
d’une seule année scolaire.
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COUR DES COMPTES
Adaptation de la répartition du temps de travail aux Pays-Bas
Aux Pays-Bas, le temps de travail des enseignants est conçu pour être
adapté aux situations concrètes des postes. Dans les limites de 1 659 heures
annuelles totales, dont 750 heures d’enseignement maximum, la répartition
du temps de travail est adaptée entre les différentes missions de l’enseignant
en fonction de ses attentes et des besoins locaux d’enseignement. Cette
répartition figure dans le contrat de travail que l’enseignant signe avec
l’établissement (ou avec l’organisme gérant l’établissement).
Dans un établissement du second degré visité au cours de l’enquête de
la Cour, la composition généralement adoptée, et modulée au cas par cas,
était de 750 heures d’enseignement, 520 heures de préparation et de
correction de copies, 166 heures de développement des compétences, le reste
étant réservé à des activités diverses : sorties, mentorat et tutorat
d’enseignants, fonction de coordination au sein de l’équipe enseignante
notamment.
II
-
Un système inégalitaire
La gestion de masse appliquée aux enseignants aboutit à pénaliser
les jeunes enseignants et les établissements les plus confrontés à la
difficulté scolaire.
A - Des écarts de conditions de travail
Le système de rémunération ne permet ni de compenser les
différences de condition d’enseignement entre établissements, ni de
valoriser réellement un investissement professionnel particulier, que ce
soit au niveau de l’individu ou de l’équipe pédagogique. À corps et
ancienneté équivalents, le premier facteur de variation des rémunérations
est le nombre d’heures supplémentaires réalisé (qui explique 48 % des
écarts de rémunération des certifiés à 15 ans d’ancienneté) devant
l’avancement (33 %) et les indemnités liées à la fonction ou à
l’affectation (18 %).
Cette situation s’explique, là aussi, par l’application de principes
de gestion de masse.
Le mérite des enseignants n’est pas pris en compte dans leur
régime indemnitaire, comme c’est le cas pour les autres cadres de la
fonction publique, mais dans leur traitement indiciaire. Ce dernier résulte
de l’avancement de l’enseignant déterminé par l’application de barèmes.
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1 -
Le primat de la situation indiciaire
Chez les enseignants, ce sont les avancements, plus ou moins
rapides, d’échelon et de grade qui, via l’évolution différenciée de la
rémunération
indiciaire,
sont
censés
valoriser
l’investissement
professionnel.
Pour les autres cadres de la fonction publique, la reconnaissance de
l’investissement tend à être déplacée de la rémunération indiciaire vers
les primes, sur une base individuelle (prime de fonctions et de résultat) ou
collective. Cette logique a conduit à l’abandon de l’avancement à rythme
différencié lors de la création du statut interministériel des attachés en
2011. La plupart des statuts des corps de catégorie A+ prévoient un
rythme unique d’avancement, les primes assurant la prise en compte du
mérite, ce qui n’est pas le cas pour les professeurs agrégés.
Avancements d’échelon et de grade
Les corps de la fonction publique sont divisés en grades, eux-mêmes
subdivisés en échelons. Les corps des agrégés, certifiés, professeurs des
lycées professionnels (PLP), professeurs d’éducation physique et sportive
(PEPS) et professeurs des écoles comptent ainsi deux grades :
- une classe normale avec neuf échelons : 3 à 11 ;
- une hors-classe avec sept échelons : 1 à 7.
À chaque échelon de chaque grade correspond un indice de
rémunération, de telle sorte que chaque changement d’échelon ou de grade
aboutit à une augmentation du traitement du fonctionnaire. Les statuts des
différents corps, complétés de différents textes
75
, définissent les rythmes de
progression entre échelons et grades, ainsi que les possibilités de modulation
à la hausse ou à la baisse de ces durées entre les agents.
Au sein de la fonction publique, l’accélération de l’accès à l’échelon
supérieur prend généralement la forme de mois de réduction d’ancienneté.
Pour les enseignants, l’accélération d’avancement d’échelon repose, pour la
classe normale, sur un système dit « multi-cadencé » avec :
- un délai minimum à partir duquel l’enseignant peut être promu à
l’échelon suivant, par exemple deux ans et six mois. L’enseignant promu au
terme de ce délai minimum est dit promu « au grand choix » ;
75
Notamment, décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales
d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'État et décret
n° 2005-1090 du 1
er
septembre 2005 relatif à l'avancement de grade dans les corps des
administrations de l'État.
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- un délai moyen, par exemple 3 ans. On parle alors de promotion « au
choix » ;
- un délai maximum, par exemple 3 ans et 6 mois, au terme duquel
l’enseignant est automatiquement promu dans l’échelon supérieur, quels que
soient ses mérites. Dans ce cas, l’enseignant est promu « à l’ancienneté ».
En principe,
un professeur certifié accédera au dernier échelon de la
classe normale à l’issue d’une période de 19 ans, s’il a été promu à chaque
fois au grand choix, mais de 29 ans, s’il a été promu uniquement à
l’ancienneté.
Les statuts des corps fixent les quotas d’avancement selon les
différents rythmes : 30 % des promouvables
76
au grand choix peuvent être
promus ; 5/7
ème
des promouvables au choix peuvent être promus ; enfin, tous
les promouvables à l’ancienneté, par définition, doivent l’être.
Pour la promotion de grade, le système n’est pas multi-cadencé. Les
enseignants promouvables à la hors-classe sont ceux qui ont atteint le
7
ème
échelon de la classe normale. Un arrêté ministériel fixe les ratios annuels
promus/promouvables à 2 % pour les professeurs des écoles et à 7 % pour les
autres corps enseignants actifs.
2 -
Un système normalisé
a)
Le principe : l’avancement « au barème »
Les rythmes d’avancement sont préparés par l’application du
barème. Ils sont peu individualisés et très normalisés. Certes, l’utilisation
de barèmes dans les actes de gestion existe dans toute la fonction
publique, notamment pour les personnels de catégorie B et C. À
l’éducation nationale, l’usage des barèmes a, toutefois, un caractère
systématique et concerne aussi des fonctionnaires de catégorie A
disposant de compétences et d’expériences particulières. Pour les autres
cadres A de la fonction publique, généralement le supérieur hiérarchique
propose directement une modulation de la durée d’avancement au vu de
l’évaluation d’agents dont il connaît la valeur professionnelle.
Le barème est utilisé pour classer les enseignants promouvables et
déterminer ainsi ceux qui seront promus.
76
Le personnel promouvable est l’enseignant qui, dans son échelon, a atteint la durée
nécessaire pour être promu au grand choix ou au choix. Ainsi, un enseignant certifié,
classé, par exemple, au 5
ème
échelon de son grade, doit avoir acquis une ancienneté de
deux ans et six mois dans cet échelon pour espérer être promu au 6
ème
échelon au
grand choix, ou de trois ans pour y être promu au choix.
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Le barème des professeurs des écoles pour l’accès à la hors-classe
Le barème appliqué pour l’accès à la hors-classe dans le premier degré
fournit un bon exemple. Il s’agit d’un barème national qui a vocation à
classer les professeurs des écoles promouvables à la hors-classe au niveau
d’un département.
Le barème, national, de chaque enseignant est le résultat de la formule
mathématique suivante : 2*E+N+Z+D avec :
2*E : l’échelon du professeur des écoles multiplié par 2 ;
N : la note sur 20 de l’enseignant issue de son évaluation ;
Z : +1 point si l’enseignant exerce depuis 3 ans en ZEP ;
D : +1 point s’il exerce la fonction de directeur d’école.
Les enseignants disposant d’un barème égal sont départagés selon leur
ancienneté, puis selon leur âge. L’échelon et la note étant en partie le reflet de
l’ancienneté de l’enseignant, ce barème vise d’abord à promouvoir à la hors-
classe les personnels plus anciens dans les échelons les plus élevés.
Ainsi, le barème reflète mal l’investissement et le mérite : non
seulement l’ancienneté est un critère prépondérant, mais la bonification
des éléments de contexte, de type établissement difficile, reste faible. Par
ailleurs, la prise en compte du mérite souffre des limites de la note issue
de l’évaluation.
b)
Les limites de la note issue de l’évaluation
La note pédagogique est un accessoire de l’évaluation par
l’inspecteur et ne peut refléter l’ensemble de ses dimensions, complexes,
de contrôle du contenu des enseignements et du comportement des
enseignants,
ainsi
que
d’accompagnement
et
de
contribution
à
l’amélioration des pratiques.
De plus, aucun texte ne contraint à inspecter individuellement un
enseignant pour modifier sa note pédagogique : si, dans le premier degré,
l’examen de plusieurs départements a permis d’établir que la fréquence
des inspections était relativement régulière (tous les trois à quatre ans),
dans le second degré, la fréquence insuffisante des inspections dans
certaines disciplines et dans certaines académies ne permet pas d’assurer
un traitement équitable de l’ensemble des enseignants. Par exemple, au
rythme d’inspection appliqué en 2010-2011, un enseignant d’éducation
physique et sportive (EPS) est susceptible d’être inspecté tous les
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14,9 ans dans l’académie de Versailles et tous les 4,6 ans dans celle de
Limoges
77
.
Plusieurs académies de taille importante choisissent de modifier
sans inspection les notes pédagogiques des enseignants en retard
d’inspection, conformément à la possibilité ouverte par une note de
service du 9 janvier 1996, pour ne pas les pénaliser dans leur avancement.
En 2010-2011, près d’une note pédagogique sur deux attribuées aux
professeurs certifiés par les inspecteurs académiques – inspecteurs
pédagogiques régionaux (IA-IPR) de l’académie de Versailles n’avait pas
donné lieu à une inspection en classe.
L’acte de notation est encadré par des grilles de notation. Celles-ci,
bien qu’indicatives, introduisent un cadre précis de fourchettes de
notation par échelon. Pour la notation administrative du second degré, les
complications d’une notation hors de la grille sont telles que les chefs
d’établissement s’y conforment généralement à la lettre.
Les grilles de notation
Dans le premier degré (notation pédagogique sur 20 points), les grilles
sont arrêtées au niveau départemental et indiquent, pour chaque échelon,
l’intervalle de notes possible. Ainsi, dans la Creuse, un professeur des écoles
au 6
ème
échelon, jugé insuffisant sera noté 11,5 ou 12 sur 20, mais 16,5 ou
17 sur 20 s’il est au 11
ème
échelon.
Dans le second degré (notation pédagogique sur 60 points), la grille
dite « Laforêt » fait référence. Cette grille permet de répartir l’ensemble des
enseignants d’une discipline inspectés dans l’année en trois groupes : ceux
qui appartiennent aux 30 % les meilleurs, aux 50 % dans la moyenne et aux
20 % les moins bons. Ainsi, au 6
ème
échelon, les 20 % d’enseignants les
moins bons parmi ceux inspectés seront notés entre 34 et 38 sur 60, tandis
que les 30 % les meilleurs seront notés entre 44 et 49 sur 60, soit un écart
maximal de 15 points.
La note administrative spécifique au second degré, sur 40 points, est
encadrée, pour chaque corps, par une grille nationale de référence établie par
circulaire annuelle. Il est conseillé de noter un certifié classe normal au
5
ème
échelon entre 33,5 et 37,5 et au 11
ème
échelon entre 38,5 et 40, limitant
les écarts possibles en liant qualité et ancienneté.
Pour le second degré, à la logique arithmétique du barème vient
s’ajouter, dans le cadre du seul processus de changement de grade, une
demande d’avis hiérarchique au chef d’établissement et à l’inspecteur. Si
77
Cf
. annexe 1.10.
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ces avis ne sont pas suffisants par rapport aux autres éléments du barème
pour permettre à un très bon enseignant d’un petit échelon d’accéder à la
hors-classe, ils permettent de ne pas promouvoir des enseignants dont la
valeur professionnelle est jugée très insuffisante.
Ainsi, dans l’académie de Lille en 2011, les chefs d’établissement
avaient émis 72 avis défavorables et l’inspection 75 avis défavorables, ne
portant
pas
toujours
sur
les
mêmes
personnes,
sur
plus
de
7 500 enseignants promouvables. Aucun des 558 promus ne comptait
d’avis « défavorable » et 354 d’entre eux, soit 64 %, comptaient deux avis
« exceptionnels ». La perte de sens de la note administrative est criante
lorsque l’on confronte l’avis du chef d’établissement avec la note
administrative
reçue
par
l’agent :
sur
72
avis
défavorables,
38 concernaient des personnels dont la note administrative était
supérieure ou égale à 38 sur 40.
c)
Un impact limité sur la rémunération
Ce système a pour effet de limiter la reconnaissance de
l’investissement professionnel, comme de la prise en compte des
conditions d’enseignement. Le scénario théorique qui compare la
rémunération sur 40 ans de l’enseignant certifié ayant toujours progressé
au mieux (1 440 625 €) avec celle de l’enseignant ayant connu la moins
bonne progression de carrière possible (1 237 318 €) aboutit à un écart de
rémunération cumulé tout au long de la carrière de 203 307 €, soit 16,4 %
de la rémunération totale.
Ce chiffre peut paraître élevé mais est en réalité trompeur à
plusieurs égards.
L’écart mensuel ressenti directement par l’enseignant est peu
significatif : après dix ans de carrière, un très bon enseignant, qui a
progressé très rapidement, a un traitement théorique de base de 2 292 €
par mois, alors qu’un enseignant jugé très moyen gagne, théoriquement,
2 162 € par mois, soit une différence de 6 %.
Les bons enseignants bénéficient alternativement de passages au
choix ou au grand choix, mais progressent rarement sur la totalité d’une
carrière à ce même rythme pour de multiples raisons pratiques (fréquence
variable des inspections, différence dans les pratiques de notation des
inspecteurs, etc.). De plus, l’accès à la hors-classe dès le 7
ème
échelon –
c’est-à-dire, après neuf à onze ans de carrière – est une situation
exceptionnelle dans le second degré et quasiment inexistante dans le
premier degré. Les règles instituées par les barèmes privilégient en effet
des passages à partir du 11
ème
et dernier échelon de la classe normale.
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Ceci explique que l’ancienneté moyenne d’accès à la hors-classe
soit relativement élevée : 24 ans pour un professeur certifié du concours
externe dans les académies étudiées et 34 ans pour les professeurs des
écoles, où le ratio promus/promouvables est de surcroît faible (2 %)
compte tenu de la création relativement récente du corps.
B - Des enseignants débutants et des établissements
difficiles pénalisés
Au-delà des inadéquations et inégalités créées par leur uniformité,
la combinaison de ces règles de gestion produit des effets pervers
supplémentaires, au détriment des jeunes enseignants et des postes les
plus sensibles pour les élèves.
En effet, dans un contexte où la réalité des postes et de leurs
exigences est multiple, l’uniformité des conditions de service crée des
différences d’attractivité. Si cette notion d’attractivité est en partie
subjective, il demeure que les postes de remplaçant et les postes dans les
établissements connaissant le plus la difficulté scolaire sont généralement
perçus comme moins attractifs.
Or, compte tenu de la logique des affectations, les enseignants qui
ont les barèmes les plus bas, c’est-à-dire généralement les enseignants
débutants, sont affectés sur les postes les moins attractifs.
1 -
Une répartition des enseignants déséquilibrée et une rotation
concentrée sur les élèves les plus en difficulté
Ainsi, les enseignants débutants sont affectés principalement sur
les postes en moyenne les plus sensibles : chaque année, les affectations
sur des postes en établissement difficile et de remplaçant constituent près
de 65 % des affectations des enseignants débutants dans le second degré
public, contre 32 % environ pour les autres enseignants.
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Tableau n° 6 : affectations dans le second degré public – année
2011
Néo-titulaires
Titulaires
Total
Établissements
4 758
54,7 %
23 255
81,0 %
28 013
74,9 %
dont difficiles*
1 738
20,0 %
4 002
13,9 %
5 740
15,3 %
Remplacement (zone
de remplacement)
3 883
44,7 %
5 168
18,0 %
9 051
24,2 %
Autres
52
0,6 %
303
1,1 %
355
0,9 %
Total
8 693
100,0 %
28 726
100,0 %
37 419
100,0 %
dont difficiles et zone
de remplacement
5 621
64,7 %
9 170
31,9 %
14 791
39,5 %
Source : ministère de l’éducation nationale, bilan du mouvement intra-académique
2011.
* Difficiles : établissements en zone d’éducation prioritaire, sensibles et réseau
« ambition réussite ».
En conséquence, les écoles et établissements accueillant un public
scolaire en difficulté ont une population enseignante où chaque catégorie
d’âge n’est pas représentée de façon équilibrée. Cette condition est
pourtant citée par de nombreux enseignants et chefs d’établissement pour
améliorer le fonctionnement de l’équipe pédagogique. Dans l’académie
de Versailles, par exemple, alors que dans les écoles primaires et
élémentaires ordinaires, la répartition des enseignants par classe d’âge est
uniforme, 65 % des enseignants ont moins de 10 ans d’ancienneté dans
les établissements ECLAIR et seulement 21 % plus de 15 ans
d’ancienneté.
Dans les collèges et les lycées, on observe également une
modification de la répartition des corps d’enseignants sans lien avec les
besoins des élèves : dans les établissements ECLAIR de l’académie de
Versailles, la proportion d’agrégés au sein de l’équipe pédagogique est
environ dix fois inférieure aux établissements hors zone difficile.
À ce premier effet de déformation de la structure des équipes
pédagogiques, s’ajoute un second effet sur la mobilité des enseignants : la
rotation des enseignants en début de carrière, qui souhaitent rejoindre des
affectations répondant mieux à leurs attentes, est forte ; inversement, la
rotation en fin de carrière est faible, une fois cette affectation atteinte.
Ainsi, les enseignants de moins de cinq ans d’ancienneté sont en poste en
moyenne depuis moins d’un an et demi, alors que les enseignants de plus
de trente ans d’ancienneté occupent leur poste depuis près de vingt ans.
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Tableau n° 7 : durée moyenne sur le poste en fonction de
l’ancienneté des enseignants (académie de Versailles, second degré
public - Année 2011)
En années
ECLAIR
Réseau
réussite
scolaire
Violents/
sensibles
Autres
Total
Moins de 5 ans
1,2
1,2
1,2
1,1
1,2
5 à 9 ans
3,7
3,9
3,8
3,4
3,6
10 à 14 ans
6,3
5,9
6,4
5,9
5,9
15 à 19 ans
8,9
9,5
10,2
8,3
8,6
20 à 29 ans
13,0
13,3
13,7
12,5
12,7
30 ans et plus
23,2
22,6
23,0
18,9
19,3
Total
5,4
5,3
7,4
7,9
7,2
Source : Cour des comptes, d’après rectorat de Versailles (EPP).
Or les établissements qui connaissent la plus grande difficulté
scolaire sont aussi ceux qui comptent dans leurs rangs davantage de
jeunes enseignants : ils souffrent donc d’une instabilité de leurs équipes
pédagogiques beaucoup plus forte, au détriment des élèves. La durée de
poste moyenne est de deux ans et demi inférieure dans les établissements
ECLAIR et réseaux de réussite scolaire (RRS) à ce qu’elle est dans les
établissements ordinaires.
Inversement, des durées de poste aussi longues que celles relevées
en fin de carrière ne sont pas nécessairement le signe d’une motivation
entretenue de façon continue pour l’enseignant, ce qui ne garantit pas une
réponse appropriée aux besoins des élèves.
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Postes en établissement difficile et attractivité
Les difficultés liées au différentiel d’attractivité entre les postes, qui
ne sont pas propres à l’éducation nationale, sont particulièrement présentes
dans le mouvement spécifique, sur profil, pour des postes situés dans les
établissements ECLAIR.
Le ministère n’a, en effet, pas mis en place de nouvelles mesures
incitatives, au-delà des dispositifs préexistants
78
, pour convaincre des
candidats d’accepter le poste. La procédure risquait ainsi d’en attirer peu ou
des enseignants uniquement motivés par la perspective d’un changement
d’académie.
Le bilan mitigé de 2012, s’il peut s’expliquer en partie par le caractère
récent du dispositif, reflète également cette problématique : sur 1 080 postes
à profil ouverts :
- 15 % n’ont donné lieu à aucune candidature ;
- 35 % n’ont donné lieu qu’à des candidatures inappropriées ;
- sur les 900 postes ayant fait l’objet de candidatures, seuls 584 ont été
pourvus, alors que 2 300 enseignants étaient candidats au total.
De plus, dans les académies peu attractives, le taux de couverture des
postes est plus faible (il est, par exemple, de 40 % à Amiens) et le nombre de
candidatures sortantes de ces académies est élevé : dans l’académie de
Versailles, 289 enseignants se sont portés candidats, dont seulement 19 % sur
les postes proposés à l’intérieur de l’académie et 81 % dans d’autres
académies.
2 -
Des déséquilibres entre académies
Ce système aboutit à une déformation des profils d’enseignants au
niveau national, sans que cela soit justifié par un besoin particulier des
élèves.
Dans le premier degré, où le recrutement est organisé à l’échelle
académique, les académies les moins attractives enregistrent un nombre
de candidats par poste au concours de recrutement plus faible que les
académies attractives. Sur les dix sessions de concours de la période
78
Avantages spécifiques d’ancienneté (ASA), avantage de barème pour les mutations,
indemnités spécifiques (ISS-ZEP, indemnité ECLAIR notamment). Le ministère a
conscience des limites de ces instruments, indiquant dans ses réponses à la Cour
qu’« il semble difficile de contester le déficit d’attractivité de ces postes, les
enseignants estimant que les difficultés d’exercice de leur métier dans ces
établissements est supérieure aux avantages qu’ils peuvent percevoir à ce titre ».
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2003-2012, le nombre de candidats présents aux épreuves était de 2,5 par
poste dans l’académie de Créteil, de 3,4 à Versailles et de 4,2 à Amiens,
contre 7,5 à Toulouse et 7,1 à Montpellier.
Dans le second degré, le recrutement organisé à l’échelle nationale
ne garantit pas un déséquilibre moins important.
Au contraire, les académies les moins attractives connaissent
chaque année des affectations massives d’enseignants débutants, avec un
besoin de renouvellement constant, ces enseignants ayant tendance à
quitter leur poste dès qu’ils en ont la possibilité. Ainsi, 45 % des néo-
titulaires sont affectés dans les académies de Versailles et de Créteil
(académies qui ne représentent que 15,9 % des effectifs enseignants du
second degré), chiffre atteignant 55 % en incluant les académies
d’Amiens et de Lille (pour 25,7 % des enseignants du second degré).
Dans le même temps, cinq académies totalisent chacune plus de
1 000 premiers voeux d’affectation des enseignants titulaires : Paris,
Rennes, Bordeaux, Toulouse et Montpellier. Près de la moitié (45 %) des
enseignants du second degré qui ont reçu leur première affectation en
2001 avaient ainsi changé d’académie en 2011, au bout de 10 ans de
carrière, selon la direction générale des ressources humaines du ministère.
Dans son rapport de juillet 2007 sur
la mobilité des personnels
enseignants, chercheurs et d’encadrement de l’éducation nationale
, de
l’enseignement supérieur et de la recherche, l’inspection générale de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR)
soulignait que : « cet afflux traditionnellement élevé de néo-titulaires se
traduit […] par un taux de renouvellement des effectifs de ces académies
particulièrement élevé : 84,6 % pour l’académie de Créteil entre 1999 et
2006, 67,5 % pour Versailles, alors que le taux national, lui-même élevé,
s’établit à 49,1 %. ».
Dans le premier degré, le caractère académique des concours
permet de limiter ces effets de migration, qui existent néanmoins entre
départements. Le médiateur de l’éducation nationale notait, toutefois,
dans son rapport 2011, qu’« une partie des professeurs des écoles,
pourtant originaires de province, choisissent en effet de passer le
concours de recrutement en région parisienne, le grand nombre de postes
offerts augmentant les chances de réussite […]. Une fois en poste, une
partie de ces enseignants choisissent au plus tôt de présenter une demande
de mutation ». En 2012, 2 745 demandes de sortie de Seine-Saint-Denis
ont ainsi été présentées, soit environ 30 % de l’effectif total des
enseignants en poste dans ce département.
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Il n’en reste pas moins qu’au niveau national, comme le montrent
les cartes ci-après, les enseignants les plus expérimentés sont davantage
concentrés au sud et à l’ouest de la France, dans des proportions
beaucoup plus importantes dans le second degré que dans le premier
degré, et allant au-delà des différences de pyramides des âges entre ces
deux populations.
Carte n° 3 : ratio du nombre d’enseignants de 50 ans et plus
sur celui des moins de 30 ans (2010).
À gauche : premier degré public ; à droite : second degré
public.
Source : ministère de l’éducation nationale, géographie de l’école 2011
L’enseignement privé sous contrat connaît, lui aussi, une
attractivité différenciée entre académies, mais de manière atténuée. En
effet, les modalités de recrutement conduisent à ce que les candidats
choisissent, sous réserve de l’accord de la direction, l’établissement qu’ils
sont prêts à accepter, dès leur première affectation
79
.
Lors de l’enquête, cette particularité a été citée à la Cour par de
nombreux enseignants comme une des motivations importantes du choix
de l’enseignement privé par rapport à l’enseignement public.
79
Pour les étudiants, une commission académique d’accord collégial (CAAC) émet en
effet des pré-accords valant engagement moral de l’enseignement catholique pour
l’obtention d’un contrat provisoire en cas de réussite au concours.
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Les « pendus » et l’« évaporation »
La concentration de l’affectation des enseignants débutants dans les
zones les moins attractives est renforcée par d’autres mécanismes de gestion
du ministère, en particulier le contrôle des flux d’entrée et de sortie des
enseignants par académie. Dans le premier comme dans le second degré en
effet, la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère
fixe une limite au solde des arrivées et des départs d’enseignants, par
département dans le premier degré et par académie dans le second, afin de
contrôler les flux lors du mouvement annuel de mutation.
Deux facteurs viennent perturber ce processus. Chaque année, le solde
national du mouvement, c'est-à-dire la différence entre les départs de postes
et les arrivées sur postes, est moins élevé que prévu en raison de multiples
facteurs : désistements de lauréats de concours, reports de stage demandés
par les lauréats – qui sont tolérés par le ministère –, affectations dans
l’enseignement supérieur ou dans l’enseignement privé, détachements, etc.
Le ministère constate donc un « taux d’évaporation » par rapport au solde
prévu. Il était en 2011 de 21 % dans le second degré, et beaucoup plus
important dans les académies les moins attractives : plus de 30 % à Lille,
Orléans-Tours et Versailles, 38 % à Amiens, 41 % à Créteil et 50 % à Nancy-
Metz. Cette évaporation différenciée amène la direction générale des
ressources humaines (DGRH), dès la conception du mouvement, à majorer le
nombre de postes dans les académies peu attractives et à le minorer dans les
académies très attractives.
Le second phénomène concerne les réintégrations non prévues de
titulaires, précédemment en poste à l’extérieur et qui souhaitent revenir
prendre un poste en établissement. Les enseignants réintégrés ont, en règle
générale, un barème supérieur à ceux des néo-titulaires : leur affectation,
prioritaire au barème, sature les soldes académiques déterminés par
l’administration. Dans ces conditions, les néo-titulaires au plus faible barème,
qui ne peuvent plus recevoir d’affectation sont appelés « pendus » par le
ministère. Compte tenu des mécanismes d’affectation, les « pendus » (qui
étaient 1 186 en 2011) sont essentiellement répartis dans les académies à
forte évaporation telles que Créteil ou Versailles.
3 -
Un système coûteux
Cette forte rotation pourrait être la contrepartie d’un système
assurant, lors de la rentrée scolaire, l’affectation d’un enseignant à chaque
poste en établissement.
Or en 2011, dans le second degré, sur les 26 333 postes vacants
avant le mouvement intra-académique, 9 630 n’ont finalement pas été
pourvus, soit un taux de couverture de 62,3 % seulement. Ce taux est en
baisse depuis 2006, où il atteignait 70,7 %. La dégradation a été plus
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importante pour les postes implantés en zone d’éducation prioritaire
(ZEP) et en établissements sensibles, pour lesquels les taux de couverture
ont chuté respectivement à 51,0 % et 46,5 %.
Ce constat illustre les contraintes considérables de gestion du
ministère, qui doit arbitrer entre le respect des voeux des enseignants, la
couverture quantitative des postes et la qualité des affectations pour les
élèves. En effet, réduire le nombre de postes non pourvus, en l’absence
d’incitation financière adaptée, impliquerait d’augmenter le taux de
mutation en dehors des voeux des enseignants, qui représentent déjà 9,5 %
des mutations en 2011 (soit 1 594 affectations au mouvement inter-
académique et 3 559 affectations au mouvement intra-académique), à
rebours de la motivation des enseignants et avec un effet probable de
renforcement de la rotation.
Pour pourvoir les postes demeurés vacants à l’issue du
mouvement, le ministère recourt à des affectations provisoires, soit de
remplaçants, soit d’enseignants contractuels (5,7 % des enseignants du
second degré), affectés dans l’établissement sur un poste complet ou une
fraction de poste qu’ils occupent à l’année. Ces solutions, que le système
en vigueur impose, sont peu satisfaisantes :
-
l’appel à des remplaçants à l’année a un impact sur le potentiel
de remplacement disponible pour les suppléances de plus
courte durée ; en septembre 2010, sur les 33 860 effectifs
d’enseignants titulaires en zone de remplacement (TZR),
18 986 (soit 56 %) ont ainsi été affectés à l'année sur un poste
non pourvu, ce qui a ramené le potentiel disponible pour des
suppléances à 14 874 ;
-
organisée
selon
des
critères
décidés
par
l’académie,
l’affectation des remplaçants reproduit les mêmes difficultés
que celles évoquées précédemment, notamment la primauté des
critères de statut et d’ancienneté sur celui d’adéquation des
compétences particulières aux besoins ;
-
dans le premier degré, la décision de ne pas recourir à des
contractuels entraîne une pratique coûteuse en gestion : en cas
de besoin, les candidats inscrits sur les listes complémentaires
des
concours
de
professeurs
des
écoles
sont
recrutés
définitivement, ce qui a pour effet d’augmenter les effectifs
enseignants ;
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-
enfin, les postes qui ont été occupés pendant l’année en
affectation provisoire sont proposés au mouvement chaque
année jusqu’à ce qu’un titulaire vienne les occuper, ce qui
augmente la rotation des enseignants et l’instabilité des équipes
pédagogiques.
Par ailleurs, ces affectations ont tendance à accroître l’importance
de la phase dite « d’ajustement » du mouvement, qui se déroule entre le
mois de juin et la rentrée scolaire, postérieurement aux affectations
ordinaires. Alors que cette phase a pour vocation principale de procéder
aux derniers ajustements, au vu notamment des effectifs définitifs
d’élèves, son importance quantitative est notablement accrue, ce qui a
pour conséquence de décaler jusqu’à la rentrée, voire au-delà, dans un
nombre grandissant de cas, la couverture des postes vacants.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Face au nombre et à la diversité des enseignants, qui représentent
près de la moitié de la fonction publique de l’État, le ministère de
l’éducation nationale a fortement déconcentré son organisation,
rapprochant ainsi les lieux de décision des situations à gérer.
Toutefois, ces services déconcentrés, rectorats et directions
départementales, continuent d’appliquer des principes de gestion de
masse, à caractère uniforme, pour des effectifs comptant plusieurs
milliers d’enseignants, voire dépassant la dizaine de milliers. Le cadrage
réalisé par l’administration centrale du ministère vide la déconcentration
d’une grande partie de son sens. Il ne permet pas de mettre en place une
gestion adaptée à la diversité des situations d’enseignement. Il est en
contradiction avec l’objectif de réussite de tous les élèves et ne garantit
pas une égalité réelle entre enseignants.
La prise en compte des spécificités des situations d’enseignement
se heurte à l’absence de mesure des difficultés scolaires des élèves.
Ainsi, l’implantation des postes d’enseignants est fondée sur
l’évolution des flux d’élèves et sur des indicateurs indirects et moyens
(difficulté
sociale,
ruralité,
etc.),
qui
n’offrent
qu’une
vision
approximative de la difficulté des élèves. L’affectation des enseignants est
réalisée de façon automatique par un système de barème – au demeurant
illégal –, qui repose sur l’hypothèse que tous les postes sont équivalents,
de même que les compétences de tous les enseignants pour les occuper.
Le service des enseignants n’est pas non plus modulé selon les lieux
d’enseignement, en fonction des types d’activités les mieux adaptés aux
élèves.
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Ce système de masse crée également des inégalités entre
enseignants, puisque les obligations théoriques de service sont identiques
quelles que soient les difficultés du poste et ne donnent pas lieu à
compensation significative sous une autre forme, rémunération par
exemple. Au contraire, à poste équivalent, les différences de statuts
induisent des inégalités de temps de service et de rémunération. Ce
fonctionnement se fait finalement au détriment des élèves des
établissements les plus confrontés à des difficultés scolaires, où sont
massivement affectés sur les postes les moins attractifs les enseignants les
plus jeunes, dont le taux de rotation est le plus élevé.
Dans ces conditions, la Cour émet les recommandations suivantes
(la numérotation renvoie au récapitulatif final figurant à la fin de ce
rapport) :
-
donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la
responsabilité de moduler la répartition des obligations de
service des enseignants en fonction des postes occupés et des
besoins des élèves, sous la supervision des directeurs
départementaux et des recteurs (recommandation n° 4) ;
-
mettre en place des mesures réellement incitatives et déliées
des logiques de corps, notamment en matière indemnitaire et de
carrière, afin de compenser les différences d’attractivité entre
les postes (recommandation n° 9) ;
-
organiser à l’échelon académique, sur la base d’épreuves
nationales, le recrutement des enseignants du second degré,
pour
les
disciplines
aux
effectifs
les
plus
importants
(recommandation n° 15) ;
-
affecter les enseignants, après prise en compte des critères
légaux et sur avis du directeur d’école ou du chef
d’établissement,
en
fonction
de
l’adéquation
de
leurs
compétences et de leur parcours avec les besoins des élèves et
le projet de l’école ou de l’établissement (recommandation
n° 16) ;
-
mettre en place un système de mesure et d’analyse assurant une
connaissance précise et fiable des besoins des élèves
(recommandation n° 17) ;
doter les établissements en postes d’enseignants sur la base
d’un forfait par élève modulé en fonction des besoins des élèves
(recommandation n° 18).
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Chapitre III
Une richesse humaine mal valorisée
Pour atteindre son objectif de réussite de tous les élèves, le
ministère de l’éducation nationale a pour ressource principale des
enseignants, personnels hautement qualifiés et désormais recrutés à bac
+ 5. Susciter, développer et entretenir la qualité de cette ressource
suppose une gestion adaptée et non pas uniquement une gestion de masse.
C’est ce qui fait défaut au ministère dans plusieurs domaines.
En raison des effectifs importants, les rémunérations sont
maintenues à un faible niveau, la gestion des carrières individuelles
présente des lacunes graves et les gestionnaires restent trop éloignés des
enseignants.
I
-
Des enseignants nombreux mais
comparativement moins rémunérés
Le ministère de l’éducation nationale a choisi de privilégier le
nombre d’enseignants sur la rémunération et, au sein de la rémunération,
la part indiciaire sur la part indemnitaire.
A - Un niveau de rémunération moindre
Avec la création du corps des professeurs des écoles en 1990, le
ministère a souhaité que l’ensemble des enseignants appartiennent aux
cadres de la fonction publique de l’État, de catégorie A ou A+. Depuis la
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réforme de la mastérisation de 2010, ils sont en outre tous recrutés avec
un diplôme universitaire de master.
Des cadres recrutés au niveau du master
- La création du corps de professeurs des écoles : aux termes du décret
n° 61-1012 du 7 septembre 1961, les instituteurs étaient des fonctionnaires de
catégorie B, contrairement à l’ensemble des autres corps enseignants actifs
ou en voie d’extinction. En 1990, le ministère a choisi de mettre le corps des
instituteurs en extinction et de le remplacer par le corps de professeurs des
écoles, de catégorie A. Le décret n° 90-680 du 1
er
août 1990 les a dotés de
l’échelle indiciaire et des conditions d’avancement des professeurs certifiés.
Globalement après 30 ans de carrière, la rémunération d’un professeur des
écoles est supérieure de 12,1 % à celle d’un instituteur (34 971 € bruts contre
30 756 €). Le principal écart tient au traitement indiciaire (+ 4 300 € par an).
- Le recrutement au niveau du master a été mis en oeuvre à la rentrée
scolaire 2010, sur le fondement de divers décrets en date du 28 juillet 2009.
Suite à cette réforme, l’ensemble des enseignants est désormais recruté au
niveau bac +5. Celle-ci s’est par exemple traduite, en 2010, par une
revalorisation indiciaire du début de carrière qui peut être estimée à 1 896 €
nets pour les enseignants-stagiaires futurs professeurs des écoles et
professeurs certifiés.
Dans
ce
cadre,
la
rémunération
des
enseignants
apparaît
comparativement faible à plusieurs égards.
Selon des travaux de l’INSEE sur les traitements moyens perçus en
2009 par les fonctionnaires des trois fonctions publiques
80
, la moyenne de
la rémunération nette annuelle des enseignants est de 30 129 €, alors
qu’un cadre non-enseignant de la fonction publique perçoit 46 345 €, soit
un écart de 35 %
81
. Le décalage ainsi constaté tient moins à la
rémunération indiciaire de base, qui est comparable entre enseignants et
non-enseignants, qu’aux primes et indemnités servies en complément : les
indemnités
des
enseignants
ne
représentent
que
11,5 %
de
la
rémunération de base alors que celles des cadres non-enseignants
s’élèvent à 54,4 %, et à 25,4 % pour l’ensemble des agents de la fonction
publique d’État.
80
Travaux publiés dans le rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011
du ministère de la fonction publique.
81
Dans l’étude de l’INSEE, la catégorie « cadres enseignants » regroupe tous les
enseignants des premier et second degrés du public et du privé, et intègre également
les personnels de direction des établissements d’enseignement. Cette approximation
ne modifie toutefois pas les ordres de grandeur des résultats.
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UNE RICHESSE HUMAINE MAL VALORISÉE
101
Cet écart doit être pondéré par deux éléments, qui ne le remettent
pas en cause : d’une part, les cadres non-enseignants comptent une plus
forte proportion de personnels de catégorie A+ dans leurs rangs que les
cadres
enseignants,
ce
qui
contribue
à
augmenter
l’écart
des
rémunérations ; d’autre part, l’écart doit être mis en regard des temps de
travail totaux.
Cette dernière comparaison est délicate dans la mesure où il
n’existe pas de suivi fiable du temps de travail total des enseignants. Les
derniers chiffres disponibles sont issus des enquêtes déclaratives menées
par le ministère en 2008 pour le second degré
82
et en 2000 pour le premier
degré
83
(antérieurement au décret de 2008 fixant les nouvelles obligations
de service).
Si elles étaient exactes et toujours d’actualité, ces données
témoigneraient d’un temps de travail annuel moyen de 1 438 h en
maternelle et de 1 518 h en élémentaire, soit à un niveau inférieur aux
1 607 h annuelles traditionnelles respectivement de 10,5 % et 5,5 % ;
dans le second degré, le temps de travail serait compris entre 1 378 et
1 404 h par an, soit entre 12,6 et 14,3 % de moins que les 1 607 h. Aucun
de ces chiffres ne peut être confirmé par la Cour.
82
Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.
Enseigner en
collège et lycée en 2008
. Octobre 2009, précité.
83
Direction de la programmation et du développement.
Devenir professeur des écoles
,
enquête auprès des débutants et anciens instituteurs, juin 2001.
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102
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Une légende tenace : l’enseignant payé « dix mois sur douze »
Une légende, aujourd’hui toujours entretenue sur les forums Internet,
prétend que les enseignants verraient leur rémunération structurellement
amputée des mois de vacances d’été : afin de tenir compte des vacances plus
importantes dont ils bénéficient, ils percevraient une rémunération annuelle
équivalente à dix mois seulement de traitement d’un fonctionnaire de grade
équivalent.
Cette affirmation est sans fondement. Il faut se référer au décret du
10 juillet 1948 modifié qui établit le classement hiérarchique des agents de
l’État à partir des indices de rémunération dont ils bénéficient :
- les corps d’enseignants certifiés, de professeurs d’éducation
physique et sportive (EPS), et de professeurs des écoles ont une grille
indiciaire de rémunération strictement identique à celles des corps d’attachés
d’administration centrale, corps de catégorie A ;
- avant la mastérisation, les enseignants étaient recrutés sur concours
au niveau bac + 3, tout comme les attachés d’administration centrale. Depuis
cette réforme, les enseignants sont recrutés sur concours au niveau bac + 5.
Depuis le 1
er
janvier 2010, ils sont aussi rémunérés directement au
3
ème
échelon. Leur rémunération de départ, hors primes, se rapproche donc
désormais de celle des administrateurs civils
84
;
- la grille indiciaire des enseignants agrégés s’inscrit dans une échelle
allant de l’indice brut 427 à la hors échelle A. Dès leur première année
d’exercice, ils sont eux aussi directement pris en charge
au 3
ème
échelon de
leur grille, soit à l’indice brut 579.
Ainsi la rémunération des enseignants n’est pas arrêtée par référence
aux dix-douzièmes de celle fixée pour les autres fonctionnaires de même
catégorie, puisqu’elle est bien équivalente à celle de ces fonctionnaires. La
différence de rémunération tient principalement à la faiblesse du régime
indemnitaire.
Les enseignants français apparaissent également relativement
moins bien rémunérés que leurs homologues étrangers.
Selon la publication annuelle de l’Organisation de coopération et
de développement économique (OCDE)
Regards sur l’éducation
, les
enseignants français du premier et du second degrés gagnent, après
correction des différences de niveaux de vie entre pays, entre 15 et 20 %
de moins que leurs homologues des pays européens, et des autres pays
84
En 2012, l’indice majoré des certifiés au 3
ème
échelon est de 432, celui des
administrateurs civils au 1
er
échelon est de 452, soit 92,6 euros de différentiel de
rémunération brute mensuelle.
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UNE RICHESSE HUMAINE MAL VALORISÉE
103
membres de l’OCDE, à leur début de carrière, comme après 15 ans
d’ancienneté.
Tableau n° 8 : comparaison des rémunérations brutes
annuelles 2009 (valeur en euros corrigée des parités de pouvoir
d’achat) entre la France, les moyennes des pays membres de l’OCDE
et des Etats membres de l’Union européenne et de l’OCDE
Premier degré
Début de
carrière
Après 10 ans
d'exercice
Après 15 ans
d'exercice
Echelon le
plus élevé
France
21 077
27 355
29 290
43 216
Moyenne OCDE
26 512
32 177
34 624
42 784
UE 21
26 472
31 531
34 888
42 041
Écart France/OCDE
- 20,5 %
- 15,0 %
- 15,4 %
1,0 %
Écart France/Union européenne
21
85
- 20,4 %
- 13,2 %
- 16,0 %
2,8 %
Premier cycle du secondaire
Début de
carrière
Après 10 ans
d'exercice
Après
15 ans
d'exercice
Echelon le
plus élevé
France
23 966
29 547
31 481
45 509
Moyenne OCDE
28 262
34 511
37 164
45 664
UE 21
28 365
33 997
37 725
44 578
Écart France / OCDE
- 15,2 %
- 14,4 %
- 15,3 %
- 0,3 %
Ecart France / Union
européenne 21
- 15,5 %
- 13,1 %
- 16,5 %
2,1 %
Deuxième cycle du
secondaire
Début de
carrière
Après 10 ans
d'exercice
Après 15 ans
d'exercice
Echelon le plus
élevé
France
24 219
29 801
31 735
45 788
Moyenne OCDE
29 472
35 968
38 957
47 740
UE 21
29 459
35 299
39 898
47 374
Écart France / OCDE
- 17,8 %
- 17,1 %
- 18,5 %
- 4,1 %
Écart France / Union
européenne 21
- 17,8 %
- 15,6 %
- 20,5 %
- 3,3 %
Source : OCDE, Regards sur l’éducation 2011
85
L’« Union européenne 21 » désigne les vingt-et-un pays de l’OCDE qui sont
membres de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark,
Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg,
Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Tchéquie.
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COUR DES COMPTES
Ainsi la rémunération moyenne d’un enseignant de l’OCDE en
début de carrière dans le premier degré (26 512 €) est supérieure de
20,5 % à celle d’un enseignant français (21 077 €). Un enseignant de
l’OCDE avec 15 ans de carrière dans le premier cycle du secondaire, soit
l’équivalent du collège, gagne 15,3 % de plus (37 164 €) qu’un
enseignant français répondant aux mêmes critères (31 481 €).
Certes, cette tendance s’inverse à l’échelon maximum dans le
premier degré et au collège où l’on observe un traitement légèrement
supérieur pour les enseignants français : dans le premier degré, la
rémunération au dernier échelon est supérieure de + 2,8 % à la moyenne
des pays européens. Toutefois, cette inversion s’explique par l’existence
de débouchés plus importants et par une durée des carrières plus courte
d’en moyenne dix ans à l’étranger.
Cette rémunération inférieure doit être rapprochée du temps de
travail. Or, en retenant une comparaison fondée sur le nombre d’heures
d’enseignement annuel, faute de définition uniforme du temps de travail,
les enseignants du premier degré français délivrent un nombre d’heures
de cours (918) supérieur de 17,4 % à leurs homologues de l’OCDE (avec
782 h, la différence est de 21,0 % avec les pays européens dont la
moyenne est à 758 heures de cours) et inférieur de 4 à 8 % dans le second
degré (au collège par exemple, le nombre moyen d’heures de cours
annuel d’un enseignant est de 646 en France, contre 704 en moyenne dans
l’OCDE). Ainsi, le salaire par heure d’enseignement serait de 26,7 %
inférieur dans le primaire en France par rapport aux autres pays membres
de l’OCDE, et de 29,7 % inférieur par rapport à la moyenne européenne.
Dans le premier cycle du secondaire et au collège, il serait inférieur de
4,3 % et de 9,9 % respectivement.
Le caractère peu attractif de la rémunération en France est
également confirmé par le rapport entre le salaire d’un enseignant et celui
des diplômés comparables : si, en moyenne dans l’OCDE, les enseignants
gagnent entre 80 et 90 % du salaire des autres diplômés du secteur
tertiaire, ce rapport est de 10 points plus défavorable en France.
Cette situation est, selon l’OCDE, le fruit d’une évolution de long
terme : les enseignants français auraient connu une perte de pouvoir
d’achat
sur
les
trois
niveaux
d’enseignement
considérés,
entre
- 7,0 et
- 8,3 % depuis 2000, alors que le pouvoir d’achat des enseignants
des autres pays serait en moyenne en hausse, dans l’OCDE, comme dans
les pays européens.
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105
Observations méthodologiques sur les données de l’OCDE
L’enquête
Regards sur l’éducation
est réalisée à partir des
renseignements communiqués par les ministères nationaux
chargés de
l’enseignement
scolaire.
Ces
données
soulèvent
deux
observations
principales sur le plan de la méthode : d’une part, l’OCDE ne procède pas à
la
vérification
exhaustive
des
informations
transmises,
qui
restent
déclaratives ; d’autre part, pour assurer la comparaison, les données sont
complétées sur la base de grilles types qui ne peuvent refléter toute la réalité.
Ainsi, concernant la rémunération, l’OCDE demande aux ministères
de lui transmettre un salaire qui est la somme des traitements bruts issus des
barèmes salariaux nationaux et des seules primes constituant une partie
régulière du salaire de base annuel, tels un treizième mois ou une prime de
vacances. Cette norme exclut donc les heures supplémentaires, heures
supplémentaires annuelles (HSA) et heures supplémentaires effectives
(HSE), et les primes et indemnités, à l’exception de la part fixe de
l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE), due à tous les
enseignants exerçant devant classe.
Au vu des chiffres de baisse du pouvoir d’achat mentionnés
supra
, le
ministère de l’éducation nationale a regretté que ne soient prises en compte ni
les indemnités ni les heures supplémentaires des enseignants, ces dernières
représentant un complément de revenu important.
Concernant le temps de travail, les données transmises ne sont pas des
données exécutées sur la base des heures effectivement constatées une année
donnée. Dans le cas de la France, il s’agit d’une reconstruction obtenue à
partir du produit de deux termes :
- le nombre de semaines de l’année scolaire, soit 35,3 selon le
ministère en décomptant les jours fériés des 36 semaines légales. Cela ne
tient donc pas compte de la réalité des modulations de l’année, en fonction de
la préparation et du déroulement des examens par exemple ;
- le nombre d’heures théorique d’enseignement par semaine : 24 h de
cours + 2 h d’aide individualisée dans le premier degré ; dans le second
degré, les heures sont reconstituées comme le rapport entre le nombre
d’heures totales d’enseignement des certifiés enregistré dans les systèmes
d’information et le nombre d’équivalents temps plein (ETP) de ce corps.
L’exploitation par la Cour des données des systèmes de gestion du
ministère aboutit à des résultats moyens proches de ceux publiés par l’OCDE
pour la France. La rémunération par exemple, le ministère de l’éducation
nationale transmet à l’OCDE des chiffres intégrant en réalité le montant des
heures supplémentaires annuelles (1 500 € bruts annuels, soit 4,7 % environ
de la rémunération publiée). Les chiffres publiés sont, de ce fait, proches de
la réalité.
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COUR DES COMPTES
Les chiffres précités de l’INSEE comme de l’OCDE ne prennent
certes pas en compte l’intégralité des mesures prises pour revaloriser la
rémunération des enseignants, dans le cadre de la révision générale des
politiques publiques. Parmi ces mesures, on peut citer notamment la
prime d’entrée dans le métier initiée en 2008 et la revalorisation indiciaire
des premiers échelons des grilles en 2010 et 2012 ; selon les chiffres du
ministère, elles représentent un coût de 302 M€ en 2013. Le ministère a
également encouragé le développement des heures supplémentaires :
entre 2007 et 2011, leur montant a augmenté de 959 à 1 320 M€, soit une
progression de 361 M€. Toutefois, les hausses de rémunération qui en
résultent ne permettent pas de combler les écarts existant avec les autres
cadres A de la fonction publique comme avec les autres pays membres de
l’OCDE.
L’impact de la RGPP
L’une des principales mesures de la révision générale des politiques
publiques (RGPP) a été de réduire les effectifs de la fonction publique de
l’État, au moyen de la règle dite du « un sur deux », consistant à ne remplacer
qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En contrepartie des
suppressions d’emplois, la RGPP prévoyait un « retour catégoriel », c’est-à-
dire des augmentations de rémunération au bénéfice de certaines catégories
de fonctionnaires.
Dans ce cadre, le ministère de l’éducation nationale a, chaque année
depuis 2008, bénéficié d’enveloppes budgétaires, utilisées au bénéfice de
l’ensemble des personnels, enseignants et non-enseignants, qui, selon les
documents budgétaires, représentent en 2011 plus de 550 M€ pour les
mesures réalisées entre 2008 et 2011
86
.
S’agissant des enseignants, ces crédits ont notamment permis de
prendre les mesures suivantes : revalorisation de l’indemnité de sujétions
spéciales des directeurs d’écoles ; versement d’une prime d’entrée dans le
métier aux néo-titulaires ; incitation des enseignants à faire des heures
supplémentaires annuelles par le versement d’une prime à ceux qui en font au
moins trois ; mise en place de la prime d’évaluation des CE1 et CM2 ;
86
Tels qu’ils sont rédigés, les documents budgétaires ne permettent pas de retracer
l’impact financier de chacune des mesures effectivement réalisées pour revaloriser la
carrière enseignante.
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107
extension de la part modulable de l’indemnité de suivi et d’orientation des
élèves (ISOE) aux professeurs de lycée professionnel ; revalorisation du
début de carrière des enseignants ; mise en place d’une indemnité de suivi et
de tutorat des étudiants et des stagiaires ; mise en place de l’indemnité pour
fonctions d’intérêt collectif ; versement d’une indemnité aux enseignants
référents pour le handicap, versement d’une indemnité spécifique à certains
postes ECLAIR.
Trois points méritent d’être notés :
- l’enveloppe catégorielle annuelle reste faible au regard des effectifs
du ministère de l’éducation nationale, et n’a pas permis d’augmentation
significative ;
- le retour catégoriel s’est également fait par le biais des heures
supplémentaires annuelles, alors même que les heures supplémentaires ne
rentrent pas dans la définition des mesures catégorielles ;
- les enveloppes catégorielles ont également servi à la poursuite de
mesures initiées avant la RGPP (par exemple l’intégration des instituteurs
dans le corps des professeurs des écoles).
Le ministère n’envisage pas de remédier à la faible part des
indemnités dans la rémunération. Il avance à cet égard l’argument du coût
qui résulterait d’une telle réforme en raison de l’importance des effectifs
concernés : les enseignants seraient victimes de leur nombre. Cette
réponse conduit néanmoins à s’interroger sur les modalités de
détermination du nombre d’enseignants.
B - Des besoins en enseignants mal appréciés
Le nombre d’enseignants est déterminé selon des critères en
décalage avec les besoins du système éducatif.
1 -
Les effectifs enseignants : un niveau sans référence réelle
La question du nombre d’enseignants et de son niveau optimal est
mal appréhendée par le ministère.
Une estimation fiable du nombre optimal d’enseignants d’un point
de vue pédagogique, indépendamment des contraintes de moyens
financiers, supposerait de caractériser la démographie et les difficultés
des élèves, leur répartition sur le territoire, et de fixer à l’échelon le plus
fin des niveaux de référence d’encadrement des élèves au vu de bonnes
pratiques. Or, le ministère ne dispose pas d’un tel système de
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COUR DES COMPTES
caractérisation
87
et ne peut donc pas conduire une telle analyse sur ses
besoins en enseignants.
Le principal levier pour réguler le nombre d’enseignants est le
volume de recrutement décidé chaque année, une fois connues les
prévisions de départs, notamment à la retraite. Les différents scénarios de
recrutement font peu le lien avec la couverture du besoin des élèves
Ainsi, les conséquences précises (par filière, niveau de formation,
discipline et territoire) de ces scénarios sur le nombre d’élèves par classe
ou sur l’existence même de filières de formation sont peu explicitées au
moment de l’arbitrage sur le nombre total d’enseignants à recruter. Ainsi,
quelles que soient leurs motivations (y compris pour des économies
budgétaires), les décisions relatives au nombre de recrutements restent, au
moment où elles sont prises, insuffisamment documentées en termes
d’impact sur les modalités de satisfaction du besoin des élèves.
Par ailleurs, les paramètres pris en compte pour fixer le nombre de
recrutements conduisent à des désajustements entre nombre d’enseignants
et nombre d’élèves. Alors que les recrutements doivent se gérer à long
terme du point de vue de l’organisation des filières universitaires et de la
politique d’emploi de l’État, le ministère se contente de décisions
annuelles. Ainsi, au motif qu’il faut préserver des viviers de candidats de
qualité, qui seraient affectés par des ajustements trop brutaux des volumes
de recrutement, le ministère entretient une grande inertie sur les volumes
de recrutement plutôt que d’afficher une tendance claire plusieurs années
à
l’avance.
Un
tel
affichage
permettrait
d’adapter
le
nombre
d’enseignants aux besoins, tout en préservant une capacité d’anticipation
suffisante de la part des candidats potentiels.
La ventilation des postes entre agrégation et CAPES est de même
largement déterminée, indépendamment d’une analyse portant sur les
besoins des élèves, par la reconduction de la situation de l’année
précédente. Paradoxalement, en ne respectant pas le code de l’éducation,
le ministère soumet les filières universitaires à un véritable aléa sur le
niveau de recrutement.
Article L. 911-2 du code de l’éducation
« Un plan de recrutement des personnels est publié, chaque année, par
le ministre chargé de l’éducation. Il couvre une période de cinq ans et est
révisable annuellement. »
87
Cf
. chapitre II.
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Le ministère considère que la décision doit intervenir, compte tenu
des délais internes, avant les arbitrages de préparation du budget de l’État,
sur lesquels elle pèse nécessairement.
Une programmation pluriannuelle est d’autant plus nécessaire que,
du fait des contraintes calendaires liées à l’organisation des concours, la
décision sur le volume de recrutement est prise très en amont, au
printemps N-1 pour la rentrée N. Les hypothèses sont nécessairement
soumises à de grandes incertitudes. Le ministère a ainsi fourni, plusieurs
années consécutives, des prévisions de départ à la retraite surestimées qui
ont conduit à surestimer le nombre de postes ouverts aux concours de
recrutement. En conséquence, les effectifs autorisés ont dû être
augmentés de 4 200 au budget du ministère en fin d’année 2010.
Le dimensionnement des concours 2010 et 2011 du premier degré
Du fait de la mise en oeuvre de la mastérisation, deux sessions de
concours devaient se succéder en 2010, à partir d’avril pour la session 2010,
et à partir de septembre pour la session 2011. Or parallèlement, compte tenu
de départs en retraite plus faibles que prévu, on décomptait environ
5 000 emplois d’enseignant en surnombre à la rentrée 2009, et plus de
8 000 à la rentrée 2010, ce qui soulevait manifestement la question du
dimensionnement de ces deux concours, voire de l’annulation de l’un d’entre
eux.
Ces deux sessions ont été maintenues. Le volume de recrutement de la
session 2010 a été fixé au même niveau qu’en 2009, à 7 165 postes, et celui
de la session 2011 à 3 154.
Dans cette situation, la régularisation des surnombres enseignants a
nécessité le relèvement des autorisations d’emploi du ministère de 4 200 en
loi de finances rectificative à la fin 2010.
Cette gestion aboutit à des divergences entre la démographie des
enseignants et celle des élèves.
Les chiffres suivants présentés par le ministère de l’éducation
nationale pour justifier ses demandes de moyens auprès du Parlement
(projet de loi de finances initiale pour 2012) montrent que :
-
dans le premier degré, alors que le nombre d’élèves a diminué
entre les rentrées 1993 et 2002 (- 4,2 %), pour remonter à un
niveau
intermédiaire
en
2010
(-
2,5 %),
le
nombre
d’enseignants a connu au contraire une augmentation continue
de + 5,1 % entre 1993 et 2010 ;
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110
COUR DES COMPTES
-
dans le second degré, l’évolution est plus marquée. Le nombre
d’élèves a connu une baisse de 7,5 % entre les rentrées 1993 et
2009 ; en parallèle, le nombre d’enseignants a retrouvé son
niveau de 1993 en 2009, après un pic à + 10,3 % à la rentrée
2002.
Graphique n° 3 : évolution comparée des effectifs d’élèves et
d’enseignants
88
(1993-2011, indice base 100 en 1993)
Source : projet de loi de finances initiale pour 2012, ministère de l’éducation
nationale
2 -
Une gestion par l’offre
Le nombre d’enseignants est tiré vers le haut par une offre de
formation dont l’éparpillement est coûteux.
88
Enseignements public et privé sous contrat, métropoles et départements d’outre-
mer. Périmètre : pour le premier degré, tous les enseignants du 1
er
degré affectés
devant élèves ; pour le second degré, tous les enseignants affectés en établissement, y
compris en filière post-baccalauréat (classes préparatoires et sections brevet de
technicien supérieur).
90
95
100
105
110
93-94
94-95
95-96
96-97
97-98
98-99
99-00
00-01
01-02
02-03
03-04
04-05
05-06
06-07
07-08
08-09
09-10
10-11
11-12
Enseignants
du 1er degré
Enseignants
du 2nd degré
Elèves du
2nd degré
Elèves du
1er degré
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111
En effet, la situation en France est marquée, selon les données de
l’OCDE, par un temps d’instruction annuel de l’élève plus long et un
nombre d’élèves par classe plus faible, en particulier dans le deuxième
cycle de l’enseignement secondaire, c’est-à-dire au lycée.
Alors que dans le premier degré, le temps d’instruction reçu par
chaque élève et la taille estimée des divisions sont comparables en France
et dans la moyenne de l’OCDE (respectivement 847 h et 17,3 élèves par
classe et 843 h et 17,1 élèves par classe), l’écart se creuse pour le collège,
où le temps d’instruction (1 065 h) est supérieur à la moyenne de l’OCDE
(924 h) et est compensé par une taille estimée des divisions supérieure
(24,8 élèves contre 17,9). C’est au lycée que la différence est la plus
nette : 1 147 h d’instruction en France contre 949 h en moyenne dans
l’OCDE (+ 21 %) et 17,6 élèves estimés par division contre 19,9
(- 12 %)
89
.
Ces chiffres sont symptomatiques d’un éparpillement de l’offre de
formation au lycée, dû à un nombre important de matières, d’options et de
modules proposés à des groupes d’élèves nécessairement en petit nombre,
ce qui explique son coût élevé en ressource enseignante. Dans les
académies de Nantes et de Versailles par exemple, le nombre d’heures
d’enseignants rapporté au nombre d’élèves (H/E) est supérieur de 26 à
28 % au lycée général par rapport au collège ; la dotation des lycées
professionnels est elle-même supérieure à celle des lycées généraux de
plus de 30 % (34 % à Nantes). Ainsi, alors que la rémunération des
enseignants est moins élevée en France, le coût par élève de
l’enseignement secondaire est supérieur de 15 % à la moyenne de
l’OCDE (respectivement 10 696 USD contre 9 312 USD), sans résultat
notable sur les performances des élèves.
Cette juxtaposition progressive et coûteuse des séries et des
options, qui contribue à accroître les effectifs d’enseignants, est le résultat
de l’addition de réformes pédagogiques. En effet, l’impact sur les besoins
en enseignants, tant en qualité qu’en quantité, n’est pas pris en compte
suffisamment tôt lors de la conception de ces réformes. De plus, le
chiffrage de l’impact des réformes pédagogiques sur le besoin en
enseignants mobilise plusieurs directions (DGESCO, DGRH, DEPP) et
un service d’inspection (IGEN) qui interviennent de manière concurrente
sans aboutir toujours aux mêmes conclusions.
89
Source : OCDE,
Regards sur l’éducation
2012.
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112
COUR DES COMPTES
L’exemple de l’introduction de l’enseignement de « droit et grands
enjeux du monde contemporain » en terminale L
Cette réforme, entrée en vigueur à la rentrée 2012, poursuivait un
double objectif : rééquilibrer les séries en renforçant l’attractivité de la série
littéraire (L) et mieux préparer les élèves à l’enseignement supérieur.
Le ministère a éprouvé des difficultés pour évaluer le nombre
d’enseignants nécessaires à ce nouvel enseignement. Ainsi, le relevé de
conclusions d’une réunion consacrée au volet ressources humaines précise
qu’« il est difficile d’estimer le nombre d’enseignants nécessaires ».
Sur le plan qualitatif, les concours d’enseignement du secondaire ne
couvrant pas la discipline juridique, aucun enseignant n’était
a priori
capable
d’enseigner cette nouvelle matière. Le vivier d’enseignants potentiels ciblé
par le ministère était en conséquence, de façon indifférenciée, celui des
professeurs de sciences économiques et sociales, d’économie et gestion,
d’histoire-géographie et de philosophie.
Dans ces conditions, l’inspection générale de l’éducation nationale
(IGEN) a souligné le risque que cette option ne soit implantée dans certaines
académies que selon une logique d’offre, c’est-à-dire là où des professeurs
sont disponibles pour l’enseigner. Ce risque
aboutissait même à un
paradoxe : l’option, introduite pour enrayer le déclin de la série L, ne
pourrait, dans certains cas, être proposée que dans les centres urbains les plus
importants, c’est-à-dire là où cette série est le moins menacée.
Les réformes visant à limiter le nombre d’options, comme celle de
la série sciences et technologies de l’industrie et du développement
durable (STI2D), sont historiquement plus rares que celles conduisant à
les augmenter.
Dans ces conditions, la multiplication progressive des matières,
options et modules conduit à une augmentation des besoins d’enseignants
et à un renchérissement progressif du coût du système scolaire, sans que,
finalement, cette lente dérive ait fait l’objet d’un arbitrage clair entre le
nombre d’enseignants et la revalorisation de leurs rémunérations.
Une gestion améliorée des ressources humaines de l’éducation
nationale, dans le contexte fortement dégradé des finances publiques
françaises, est une nécessité. Dans son rapport sur la situation et les
perspectives des finances publiques de juillet 2012, la Cour a indiqué que
« le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre de nos comptes
implique une évolution de la masse salariale de l’État […] le plus près
possible de la stabilisation en euros courants, après une hausse de 0,5 %
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113
en 2011. […] Seule une baisse globale des effectifs laisse des marges de
manoeuvre en matière de politique salariale »
90
.
II
-
Un défaut d’accompagnement des pratiques et
des carrières
Les enseignants pâtissent d’une aide insuffisante à l’amélioration
de leurs pratiques professionnelles, ainsi que de perspectives de carrière
limitées.
A - Les faiblesses de l’appui au métier d’enseignant
De nombreux enseignants, dans les témoignages récoltés par la
Cour, ont dit souffrir ou avoir souffert du peu de possibilités concrètes
pour partager les difficultés ordinaires rencontrées ou bénéficier d’un
appui pour enrichir leur pratique professionnelle.
En dehors des moyens mis en place pour des cas spécifiques,
comme l’encadrement des enseignants stagiaires nouvellement recrutés
ou la détection de cas d’inadaptation chronique, ces témoignages
soulignent les limites importantes du cadre établi par le ministère pour
l’appui quotidien ordinaire.
En premier lieu, l’environnement immédiat de l’enseignant est peu
adapté. L’enseignant peut se retrouver isolé en raison des défaillances du
fonctionnement de l’équipe à laquelle il appartient même si la situation
est contrastée selon les écoles et établissements.
Par ailleurs, la relation plus ou moins distante avec l’encadrement
(inspecteur ou chef d’établissement) ne permet pas de garantir de façon
systématique un appui ou des conseils au quotidien. Par exemple, alors
que les inspections ont notamment pour objectif l’amélioration des
pratiques, elles sont généralement peu fréquentes et laissent place à
d’autres préoccupations (comme la notation et ses conséquences pour
l’avancement).
90
Cour des comptes,
Rapport sur la situation et les perspectives des finances
publiques
, La Documentation française, juillet 2012, p. 168, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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COUR DES COMPTES
Enfin, il n’existe pas de personne ressource affectée à l’appui des
enseignants au sein des établissements ou au sein d’un groupe
d’établissements, comme cela peut exister à l’étranger.
Les dispositifs d’appui au quotidien au Canada (Ontario)
En dehors des dispositifs spécifiques pour les nouveaux enseignants,
deux types principaux de dispositifs d’appui sont mis en place.
Des ressources dédiées à l’appui aux enseignants et aux équipes
pédagogiques
– Elles prennent la forme d’enseignants déchargés de cours et
affectés spécifiquement à l’aide des équipes au sein des établissements :
- les enseignants accompagnateurs : nommés dans les écoles et
établissements ciblés en fonction de leurs résultats aux évaluations
provinciales, ils aident les enseignants en participant à la préparation de leurs
cours ou en co-intervenant avec eux en classe ;
- les conseillers pédagogiques : affectés à plusieurs écoles ou
établissements, leur rôle est d’assurer des formations pour les enseignants, et
d’apporter des outils de conseils plus spécialisés pour les enseignants
individuellement.
Par ailleurs, au niveau d’un conseil scolaire, c’est-à-dire d’un réseau
d’écoles ou d’établissements, les « leaders pour la réussite des élèves »
visitent chaque établissement secondaire de façon régulière pour intervenir
sur la problématique du décrochage scolaire.
L’incitation à l’échange et l’appui au sein de l’équipe pédagogique
–
préoccupation centrale en Ontario, l’incitation au travail en équipe doit
permettre de trouver un appui quotidien. Le principal outil mis en place est la
« communauté d’apprentissage professionnel » (CAP), qui permet aux
enseignants de se réunir pour travailler sur tout sujet intéressant
l’amélioration pédagogique individuelle et collective au sein de l’école ou de
l’établissement.
Outre le bénéfice qu’ils en retirent pour leur pratique, les enseignants
sont encouragés à y participer par :
- l’existence, au sein de la définition de leur service, d’un « temps de
préparation » ou de « gestion » hebdomadaire (240 minutes dans le premier
degré) réservé pour accomplir des tâches pédagogiques nécessaires ;
- en complément, la prise en charge en faveur des écoles et des
établissements d’heures de remplacement pour que les enseignants puissent
se réunir à des horaires communs.
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115
En second lieu, la formation continue proposée aux enseignants ne
permet pas d’assurer de façon satisfaisante l’amélioration de la qualité
des pratiques professionnelles.
La formation continue est tout d’abord limitée en volume – qui est
au demeurant mal connu. Selon le bilan national 2010-2011 de la
direction générale de l’enseignement scolaire, les formations mises en
place dans les académies représentent une durée moyenne par enseignant
de 1,9 jour dans le premier degré et de 2,1 jours dans le second degré
(respectivement 2,1 et 1,9 jours en 2008-2009). Si ces plans académiques
constituent l’essentiel de la formation continue proposée, les chiffres
suivis par la direction générale de l’enseignement scolaire dans son bilan
n’incluent pas deux autres dispositifs de formation continue : le
programme national de formation et le droit individuel à la formation.
Il faut par ailleurs noter que 15 % de ce volume modeste est
absorbé,
en
2011-2012,
par
les
formations
au
bénéfice
de
l’accompagnement des enseignants stagiaires, dans le premier comme
dans le second degré. Par ailleurs, les formations dispensées sont
marquées par l’importance accordée aux approches disciplinaires, qui
comptent pour 49 % des formations dans le second degré et 29 % dans le
premier degré.
Sur le plan qualitatif, l’inadaptation de la formation continue fait
l’objet d’un diagnostic largement partagé. Dans son rapport 2012, le Haut
conseil de l’éducation (HCE) décrit la formation continue comme
« sinistrée, et manquant autant d’une vision stratégique claire que de
moyens ». Dans un rapport de 2010
91
, les inspections générales du
ministère dressent un bilan particulièrement sévère de la formation
continue des enseignants analysée sur longue période (1998-2009).
Le rapport relève notamment « l’inadéquation croissante entre les
attentes des enseignants et celles des décideurs ».
En effet, la formation continue a été de plus en plus utilisée, durant
la période étudiée, comme un outil d’accompagnement de réformes qui se
multiplient et imposent un bouleversement des pratiques, au détriment
d’actions visant au développement des compétences professionnelles. Il
en résulte une « déception des enseignants face à une politique qui n’a pas
tenu ses promesses ». Ainsi, « les demandes d’accompagnement des
91
Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN) et inspection générale de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR),
Rapport 2010-
111
:
Évaluation de la politique de formation continue des enseignants des premier et
second degrés (sur la période 1998-2009)
, octobre 2010.
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enseignants pour faire face aux nouveaux enjeux de gestion collective ont
été peu satisfaites. […] Des enseignants, même confirmés, peuvent
aujourd’hui se trouver en difficulté face à des situations qu’ils maîtrisent
mal : gestion de conflits, prévention des phénomènes d’incivilité et de
violence, traitement de la remise en cause du rapport aux savoirs,
émergence d’autres sources de savoirs en dehors du milieu scolaire. Dans
plus d’un cas, les modalités de formation mises en oeuvre paraissent
répondre assez mal aux attentes exprimées par les enseignants ».
Le rapport fait état de la faiblesse des taux de présence et
d’assiduité. Ce constat demeure d’actualité dans le dernier bilan de la
DGESCO : en 2010-2011, dans le premier degré, 40 % des enseignants
convoqués ne se sont pas présentés (15 % dans le second degré) et seuls
57 % ont assisté aux deux tiers de la formation (62 % dans le second
degré). Plusieurs facteurs explicatifs sont identifiés : dysfonctionnements
organisationnels, difficultés à trouver un remplaçant, faiblesse des frais de
remboursement, mais aussi déception des enseignants quant au contenu et
à la qualité des stages.
L’étude de systèmes étrangers montre qu’une organisation
beaucoup plus incitative de la formation continue est possible.
La formation continue au Canada (Ontario)
La formation continue est organisée sur un principe de reconnaissance
de « qualifications additionnelles » qui en fait un outil développé et reconnu.
La formation continue est dirigée vers les besoins quotidiens des
enseignants, pour leur permettre d’approfondir leurs connaissances et
compétences dans une matière ou un cycle d’enseignement pour lesquels ils
ont déjà la qualification ou d’obtenir les qualifications pour enseigner dans
un autre cycle ou une autre discipline. Parmi les dix qualifications
additionnelles les plus recherchées par les enseignants dans le cadre de leur
formation continue, les modules « Éducation de l’enfance en difficulté, partie
1 » et « Éducation de l’enfance en difficulté, partie 2 » apparaissent
respectivement en première et deuxième position, le module « Éducation de
l’enfance en difficulté, spécialiste » arrivant en 5
ème
position. Il faut en
moyenne
125
heures
de
formation
pour
obtenir
une
qualification
additionnelle.
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Ces qualifications additionnelles sont diplômantes. Elles sont validées
par l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario (OEEO), organisme
indépendant du ministère dont le mandat est de certifier la qualification des
enseignants,
d’approuver
les
programmes
offerts
dans
les
facultés
d’éducation et de sanctionner les personnes ayant enfreint les normes
professionnelles.
Les qualifications obtenues sont intégrées au dossier de l’enseignant
dans sa « carte de formation » individuelle dont l’OEEO est le gardien. Elles
permettent ainsi de bâtir sur le long terme de véritables profils de
compétences reconnus.
B - Des possibilités restreintes de déroulement des
carrières
1 -
Mutations géographiques et promotions
La vision prédominante de la carrière enseignante, tant du point de
vue de l’administration que de celui des enseignants, ne correspond plus
aux besoins du système éducatif ni à la conception dominante de la
carrière dans le reste de l’administration française.
La carrière a, en effet, trois paramètres principaux.
Le premier est l’avancement d’échelon et surtout de grades
(passage de la classe normale à la hors-classe) à l’intérieur du corps
d’appartenance, qui a comme conséquence une progression de la
rémunération servie à l’enseignant. En dépit de leurs conséquences
parfois limitées, ces avancements sont importants pour les enseignants.
Le fait d’être passé au « grand choix » ou d’accéder à la hors-classe
induit, sinon une certaine fierté, du moins le sentiment que l’institution a
prêté attention à leurs mérites professionnels.
En deuxième lieu, l’accès à un corps de niveau supérieur marque
une promotion réelle pour l’enseignant : un professeur certifié peut ainsi
devenir professeur agrégé, par voie interne, et un professeur agrégé
exerçant en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) professeur de
chaire supérieure.
Le statut d’agrégé exerce un pouvoir d’attraction fort auprès des
enseignants déjà en poste, car il est perçu comme conférant à la fois des
conditions de travail nettement améliorées (rémunération, temps de
service) et un titre socialement reconnu. Ainsi, sur l’année scolaire 2011-
2012, 42 % des professeurs agrégés en poste dans les cinq académies
examinées par la Cour étaient issus de l’une des voies internes, concours
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interne ou liste d’aptitude
92
. L’agrégation apparaît ainsi comme le premier
outil de promotion du corps enseignant, alors qu’elle ne conduit pas à un
changement de fonction ou de responsabilité (à l’exception de la mission
d’enseignement en classe préparatoire aux grandes écoles).
L’accès au corps des professeurs de chaire supérieure
Ce corps a été institué en 1968 et vise à promouvoir, par liste
d’aptitude uniquement, c’est-à-dire sans concours et par décision du ministre
sur proposition de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN), des
enseignants agrégés de classes préparatoires aux grandes écoles de certaines
disciplines ayant atteint le 6
ème
échelon de la classe normale du corps, sur des
critères de mérite professionnel. Il s’agit donc uniquement d’un corps de
débouché. Le nombre actuel de membres est considéré comme fixe
(2 124 personnes), l’IGEN formulant les propositions d’intégration en
fonction des départs en retraite. Le corps reste donc minoritaire en classes
préparatoires : dans l’académie de Versailles, 262 professeurs de chaire
supérieure étaient en exercice en 2011-2012, contre plus de 850 agrégés
exerçant en classes préparatoires.
Le passage du corps des agrégés à celui des professeurs de chaire
supérieure ne correspond pas à un changement de métier ou de responsabilité
– l’enseignant était et reste en classes préparatoires –, mais à une promotion
de nature essentiellement financière. La progression dans la grille indiciaire
est un peu plus rapide que celle des agrégés ; le taux de rémunération des
heures
supplémentaires
est
supérieur,
ainsi
que
celui
des
heures
d’interrogation orale dites « heures de colle », qui sont une particularité de
l’enseignement en classes préparatoires.
Le troisième paramètre de la carrière est le changement
géographique d’affectation.
Etant donné le système de points au barème, le changement
d’école ou d’établissement correspond à une véritable étape de carrière :
le cumul annuel des points permet à l’enseignant de se rapprocher de
l’école ou de l’établissement correspondant mieux à ses préférences par
ses caractéristiques (localisation, nature de l’établissement, etc.). Cette
mobilité géographique peut se traduire dans certains cas par une demande
de détachement dans un établissement d’un autre ministère (lycée
militaire, agricole, etc.) ou encore dans le réseau des établissements
français à l’étranger.
92
C’est-à-dire la nomination directe dans le corps par le ministre, sans concours, pour
les enseignants jugés méritants. En 2010, 279 professeurs sont ainsi devenus agrégés,
avec une moyenne d’âge des candidatures proposées par les académies de 55 ans.
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Dans ces conditions, les développements de carrière restent limités.
Contrairement à ce qui est habituellement attendu chez les cadres de la
fonction publique, il n’existe pas de parcours de carrière général qui se
traduise par une prise de responsabilité progressive ou un changement de
métier. En outre, cette conception de la carrière est totalement disjointe
d’une réflexion sur les besoins des élèves et le type de compétences
enseignantes dont ils auraient besoin devant ces derniers à tel ou tel
moment de leur scolarité.
2 -
Une mobilité circonscrite
De surcroît, les évolutions de fonctions qui peuvent être envisagées
actuellement au sein du système éducatif amènent rapidement les
enseignants à ne plus exercer d’activité d’enseignement.
Dans le premier degré, les enseignants peuvent postuler aux
fonctions de directeur d’école, qui ne nécessitent pas de qualification
préalable, ou passer un examen professionnel visant à obtenir une
certification particulière pour devenir maître formateur (enseignant
chargé de classe qui assure des missions de formation pendant une
journée par semaine), conseiller pédagogique (chargé d’une mission
générale d’appui, dirigée en priorité vers les enseignants débutants) ou
maître spécialisé (pour exercer auprès d’élèves en situation de handicap
ou d’inadaptation scolaire). Ils peuvent aussi devenir psychologue
scolaire en réussissant une licence de psychologie ou bien inspecteur de
l’éducation nationale (IEN). Ils peuvent enfin tenter les concours de
recrutement de chef d’établissement du second degré.
Dans le second degré, les enseignants peuvent accéder à la
direction d’établissement par voie de concours ou de liste d’aptitude ou
aux corps d’inspection (inspecteur de l’éducation nationale ou inspecteur
d’académie-inspecteur
pédagogique
régional)
93
,
les
deux
filières
demeurant distinctes. En 2010, 80 % des lauréats des concours de
recrutement de personnels de direction étaient des enseignants. Les chefs
d’établissement de l’enseignement public, contrairement à ceux de
l’enseignement catholique sous contrat, n’ont plus aucune activité
d’enseignement,
et
se
consacrent
uniquement
à
la
direction
d’établissement.
93
Cette voie est limitée puisque, parmi les enseignants du secondaire, seuls les
agrégés, professeurs de chaire supérieure et inspecteurs de l’éducation nationale
confirmés peuvent accéder, par concours ou détachement, au corps des inspecteurs
d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux.
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En 2011, pour l’ensemble de ces fonctions, on peut estimer à
2 920 postes le nombre d’opportunités offertes aux enseignants
94
. Ce
chiffre peut être rapporté aux 14 000 postes ouverts cette même année
aux concours internes et externes d’enseignants.
Les mobilités vers l’extérieur du système éducatif, que ce soit au
sein de la fonction publique d’État ou non, sont possibles dans les mêmes
conditions juridiques que pour le reste des fonctionnaires. Les
enseignants bénéficient donc des dispositifs nouveaux qui visent à
faciliter
ces
mobilités
moins
traditionnelles
(facilitation
des
détachements, possibilités élargies de cumuls d’activité, indemnités de
départ volontaire ou accès à une disponibilité pour création d’entreprise).
Ces nouvelles modalités ont été accompagnées par l’implantation dans les
rectorats de conseillers mobilité carrière
95
depuis la loi de 2009.
Ces mobilités se heurtent cependant à deux limites majeures.
D’une part, le nombre d’enseignants représentant la moitié de la fonction
publique d’État, les débouchés en son sein ne pourront pas être
systématiques. D’autre part, ces mobilités vers l’extérieur impliquent en
général une rupture complète avec l’enseignement, ce qui dissuade un
certain nombre d’enseignants.
Cette situation, qui conjugue un faible développement de carrière
et des mobilités fonctionnelles restreintes, conduit en pratique les cadres
que sont les enseignants à exercer les mêmes fonctions tout au long de
leur vie professionnelle.
Dans ce contexte, la formation continue contribue peu à l’évolution
de carrière. La loi établit pourtant un lien étroit entre ces deux éléments.
94
Projection nationale réalisée à partir des données de l’académie de Versailles.
95
Des conseillers mobilité carrière (CMC) ont été mis en place dans les rectorats dans
le cadre de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours
professionnels dans la fonction publique. Dans l’académie de Versailles par exemple,
il y a trois conseillers pour les enseignants du second degré (30 820 enseignants). Ils
accueillent et guident les enseignants qui souhaitent une mobilité, notamment si le
projet sort des cadres traditionnels (préparer un concours administratif hors-éducation
nationale, demander un détachement, créer une entreprise, changer de discipline
d’enseignement,
etc.
), leur donnant également accès à un certain nombre de
dispositifs (formation, bilan de compétence,
etc.
). Ce dispositif a aussi pour objectif
de permettre la reconversion des personnels selon les besoins du ministère (disciplines
d’enseignement en voie d’extinction, discipline
a contrario
déficitaire par exemple).
Il n’est véritablement effectif que depuis début 2011 et cible le milieu de carrière
(enseignants âgés de 30 à 49 ans).
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Article L. 912-1-3 du code de l’éducation
« La formation continue des enseignants est prise en compte dans la
gestion de leur carrière. »
En pratique, la situation est très différente. Selon le rapport des
inspections générales précité, « la prise en compte de la formation
continue dans l’évolution de la carrière de l’enseignant, a quasiment été
laissée de côté alors que dans le même temps, les recommandations
énoncées au niveau européen et les dispositifs adoptés dans les autres
ministères tendaient à intégrer la notion de ‘formation tout au long de la
vie’ dans la gestion des ressources humaines au niveau de la sphère
publique ». L’objectif fixé par le code de l’éducation n’a donc qu’une
faible portée pratique.
Dans son rapport 2012, le Haut conseil de l’éducation se
prononçait également sur ce point et estimait que la formation continue,
devenue obligatoire, devait « renforcer en priorité les compétences
professionnelles, […] être prise en compte dans le déroulement de la
carrière, pouvoir être validée au niveau universitaire, et faciliter des
évolutions professionnelles ».
La situation laisse également peu de possibilités pour traiter les cas
de difficulté professionnelle qui, dans d’autres administrations, pourraient
trouver une solution naturelle dans une simple évolution de fonctions.
Les démissions et licenciements interviennent naturellement dans
des situations exceptionnelles. On compte onze démissions d’enseignants
du second degré sur deux années scolaires, entre 2009 et 2011, dans
l’académie
de
Bordeaux,
pour
une
population
de
plus
de
18 000 enseignants.
Ce
chiffre
est
également
faible
à
Nantes :
32 démissions pour 16 000 enseignants, sur la même période. En dix ans,
de 2001 à 2010, 45 enseignants ont fait l’objet d’un licenciement pour
insuffisance professionnelle, soit 12 % des cas de la fonction publique de
l’État. Il convient d’ajouter à ces chiffres ceux des refus de titularisation
des enseignants stagiaires, au nombre de 300 chaque année, qui
confirment l’importance de l’année de stage pour repérer des situations
problématiques.
Cependant, pour les insuffisances ou les inadaptations plus
ordinaires, qui constituent la majorité des cas, il n’existe pas de traitement
satisfaisant. Ainsi, la majorité des solutions concerne en fait plus
particulièrement les cas médicaux reconnus : adaptation du poste de
travail, temps partiels thérapeutiques, postes adaptés de courte ou de
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longue durée
96
qui sont toutefois en nombre limités, reclassement dans un
autre corps (pour les enseignants inaptes). En dehors de ces dispositifs,
les services de gestion sont rapidement amenés à utiliser des affectations
sur des postes de remplaçants pour y placer des enseignants en grande
difficulté, pour lesquels le rectorat ne voit pas de solution à court terme.
Ces remplaçants, souvent qualifiés d’« indisponibles » par les
rectorats, sont en fait très peu mobilisés pour des missions effectives de
remplacement. Ils représentaient 831 emplois à temps plein en juin 2011.
3 -
Une absence de postes fonctionnels
L’absence de parcours de carrière et les difficultés qui en résultent
s’expliquent avant tout par le fait que tous les postes enseignants en
établissement se situent au même niveau : ils forment un ensemble
indifférencié et non-hiérarchisé, chacun étant en relation directe avec le
chef d’établissement.
Ainsi les postes sur lesquels les enseignants peuvent être affectés
en établissement lors du mouvement général annuel sont considérés
comme tous équivalents. Seuls les recrutements « sur profil », qui ne
concernent qu’une petite minorité de postes, sont distingués. Dans la
plupart des cas, ces postes correspondent à une activité d’enseignement
dans un contexte particulier (dispositifs de réponse à l’inadaptation
scolaire, filières post bac en lycée, et plus récemment ECLAIR) et non à
des postes de prise de responsabilité fonctionnelle.
Il existe certes des attributions spécifiques au sein de l’équipe
pédagogique. Cependant, aucune ne correspond à une étape de carrière
dans une prise de responsabilité fonctionnelle reconnue. Ainsi, certains
enseignants siègent dans les instances collectives de l’école ou de
l’établissement, comme les conseils des maîtres et conseils pédagogiques.
Il ne s’agit cependant pas de postes à proprement parler.
Le « professeur principal » s’approche davantage de la logique
fonctionnelle. Selon la circulaire du 21 janvier 1993, il est chargé, au
collège et au lycée, d’une mission particulière de coordination et de
synthèse pour l’orientation des élèves d’une classe, qui s’accompagne
d’une rémunération complémentaire. Toutefois, le rôle de professeur
96
Dans l’insertion au
Rapport public annuel 2013
,
Le CNED, un établissement public
d’enseignement inadapté à la formation en ligne
, la Cour avait constaté qu’un nombre
important de postes adaptés de longue durée, (PALD), avait été affecté à cet
établissement. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2013
, Tome II,
p. 422.
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principal est encore trop peu reconnu pour qu’il constitue un poste
fonctionnel à part entière au sein des équipes pédagogiques.
De plus, ce rôle reste isolé et ne permet pas d’organiser l’équipe
pédagogique. Si certaines disciplines scientifiques ont leur responsable de
laboratoire, la fonction de coordinateur ou de doyen d’une discipline
d’enseignement n’existe pas de façon générale dans l’enseignement
public, pas plus que celle de coordinateur d’un niveau d’enseignement
(par exemple, responsable des classes de 3
e
dans les collèges) ou d’un
cycle d’enseignement.
Les responsables de niveau dans l’enseignement catholique sous
contrat
La Cour a pu constater que les fonctions de coordination par niveaux
d’études étaient mises en place de façon courante et avec succès dans les
établissements de l’enseignement catholique visités. Par exemple, dans un
collège-lycée, il existait trois responsables de niveaux, un pour les classes de
6ème et 5ème, un pour les classes de 4ème et 3ème et un pour le lycée. Leurs
fiches de postes précisent que leur mission consiste principalement en un
encadrement pédagogique et en des fonctions logistiques connexes. Ils
doivent notamment assurer une coordination et un appui des équipes
pédagogiques, un suivi des élèves, la réorganisation des emplois du temps en
cas d’absences, la gestion des problèmes d’orientation scolaire, ou les
relations avec les parents.
Ces fonctions ne sont pas financées par l’État mais par les structures
privées auxquelles ces établissements sont adossés.
En lycée professionnel ou technologique, un professeur peut
accéder aux fonctions de chef de travaux. Conseiller du chef
d’établissement, il a pour missions principales de favoriser les relations
avec les entreprises du bassin d’emploi et de gérer l’équipement
nécessaire au déroulement des cours au sein de l’établissement.
La fonction de « préfet des études » a été introduite plus
récemment par la circulaire du 7 juillet 2010, afin de renforcer le suivi
des élèves des établissements difficiles. Le préfet des études a pour
mission de développer les liens entre l’apprentissage et la pédagogie
d’une part et la vie scolaire d’autre part (comportement, discipline, etc.),
en améliorant la concertation au sein de l’établissement et avec
l’extérieur.
La mise en pratique de ce dispositif, encore récent et limité aux
seuls établissements ECLAIR, souffre de plusieurs défauts. Selon une
étude de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO),
70 % des préfets des études n’avaient aucune décharge associée à cette
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fonction au cours de l’année scolaire 2010-2011. De plus, les préfets des
études s’adressent avant tout aux élèves et à leurs parents, et non aux
autres enseignants ; leur rôle est évoqué comme une « soupape » par de
nombreux enseignants, qui y trouvent une réponse aux déviances des
élèves les plus perturbateurs.
La fonction de directeur d’école dans le premier degré est un des
rares emplois fonctionnels accessibles aux enseignants. Le directeur est
un enseignant déchargé partiellement ou totalement de cours pour assurer
le bon fonctionnement d’une école primaire. Sa position, fonctionnelle et
non hiérarchique vis-à-vis des autres enseignants, en fait un véritable
coordinateur de l’équipe pédagogique. Si le schéma d’encadrement local
dans le premier degré pose d’autres difficultés, la fonction de directeur
d’école est un exemple abouti de logique de prise de responsabilité
fonctionnelle.
Si le ministère indique souhaiter ouvrir une réflexion sur
l’amélioration des parcours professionnels et du déroulement de carrière
des enseignants, il privilégie la constitution de « grades à accès
fonctionnels » (GRAF) : ces grades s’ajouteraient aux grades les plus
élevés existant dans les différents corps ; l’accès en serait réservé aux
enseignants exerçant un certain type de fonctions. Cette piste n’apparaît
pas comme une solution satisfaisante, dans la mesure où les fonctions
concernées ne sont pas identifiées à ce stade. En outre, le bénéfice du
grade serait conservé y compris dans l’hypothèse où ces fonctions
cesseraient.
Les exemples étrangers illustrent, sur l’ensemble de ces points, le
grand intérêt des postes fonctionnels.
Postes fonctionnels et évolution de carrière au Canada, aux Pays-Bas
et en Allemagne
Ces trois pays ont mis en place des postes fonctionnels, ouvrant des
parcours de carrière pour les enseignants. Les enseignants, tout en conservant
une partie de leur activité d’enseignement, sont déchargés afin d’assurer des
fonctions de coordination de tout ou partie de l’équipe pédagogique, sans
pouvoir hiérarchique : organisation du service de l’équipe, personne
ressource pour les autres enseignants (en matière pédagogique ou
administrative), relais entre la direction de l’établissement et l’ensemble des
enseignants. Ces fonctions sont exercées vis-à-vis d’une équipe de niveau
(responsable de niveau), ou d’une équipe disciplinaire (responsable de
discipline).
Au Canada, les postes fonctionnels sont étendus à l’appui aux
enseignants et aux élèves. Ces « postes à responsabilité » incluent, en plus
des enseignants accompagnateurs et des conseillers pédagogiques :
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- les responsables de dossiers ou chefs de secteur : ils sont chargés des
dossiers transversaux : services à l’élève (enfance en difficulté, orientation,
mentorat, etc.), activités périscolaires (animation culturelle, activités
sportives, etc.), communication (relations publiques, journal de l’école, etc.),
programmation (mise en oeuvre des programmes, achat et gestion du matériel
didactique) ;
- les facilitateurs renforcent les chefs de secteur pour constituer une
« équipe d’appui » par établissement. Celle-ci est chargée de mener des
actions ciblées auprès des enseignants ou des élèves, sur demande du chef
d’établissement ou de l’équipe pédagogique.
L’accès à ces postes est intégré dans un parcours de carrière qui
s’appuie sur la formation continue. L’enseignant qui souhaite prendre un
poste fonctionnel, par exemple celui de conseiller pédagogique ou de
directeur d’école, est ainsi amené à obtenir des qualifications additionnelles
validées par le conseil de l’ordre des enseignants de l’Ontario, et intégrées à
sa carte de compétences.
III
-
Un manque de gestion de proximité
Aucun échelon administratif ne permet d’assurer une gestion des
ressources humaines de proximité au bénéfice des enseignants.
A - Une gestion distante et essentiellement
administrative
1 -
Une absence d’individualisation de la gestion par les rectorats
et les directions départementales (DASEN)
Dans les rectorats et directions départementales, la production
d’actes et de procédures obligatoires (organisation des concours de
recrutement, affectation des personnels sur des postes, etc.) et la gestion
du dialogue social, dans le cadre des instances paritaires, représentent
d’ores et déjà un véritable défi avec des effectifs aussi nombreux
97
: les
services gestionnaires doivent veiller à la régularité de centaines de
milliers
d’actes
de
gestion
courante
(arrêtés
d’affectation
ou
d’avancement, recours contre les notations, etc.).
97
En 2011, les décharges syndicales représentent 1 698 équivalents temps plein, hors
autorisations d’absence, pour l’ensemble des enseignants du premier degré et du
second degré de l’enseignement public comme de l’enseignement privé sous contrat.
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En tenant compte de surcroît de la complexité des procédures, la
quasi-totalité des moyens de gestion des rectorats et des directions
départementales sont ainsi mobilisés pour effectuer des tâches relevant de
l’administration du personnel. L’individualisation des décisions est, en
outre, souvent perçue par les représentants du personnel comme une
source d’arbitraire et d’inégalité de traitement, qui conduit à renforcer le
recours à des procédures à caractère automatique (affectation, notation,
promotion).
La notion enrichie de « gestion des ressources humaines », qui est
venue compléter depuis plusieurs années celle d’administration du
personnel afin de couvrir les besoins sur de nouveaux sujets
(détermination des parcours de carrière, développement d’une offre de
mobilité sur des emplois internes, mise en place de prestations
d’accompagnement
personnalisé,
développement
d’une
véritable
évaluation
personnalisée,
etc.),
trouve
peu
de
place
dans
ce
fonctionnement.
L’organisation des tâches est symptomatique de cette situation.
Dans certains services déconcentrés visités par la Cour, les gestionnaires
avaient la charge de portefeuilles d’enseignants composés, non en
fonction de leur établissement, mais selon l’initiale du nom de famille
(par exemple tous les professeurs des écoles de la lettre E à la lettre M
étaient gérés par tel gestionnaire). Ainsi, les enseignants d’un même
établissement pouvaient être suivis par des gestionnaires différents, y
compris au sein d’une même discipline. Le contexte de l’établissement ne
peut dès lors pas être pleinement pris en compte par les gestionnaires. De
même, aucun dialogue ne peut être mis en place entre le chef
d’établissement et un gestionnaire qui serait son référent.
Dans ce cadre, les actions plus personnalisées sont encore rares et
utilisées dans des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de
nécessité de reconversion des enseignants dans le cadre d’une refonte de
la carte scolaire. Ainsi, dans l’académie de Bordeaux, les enseignants
concernés, en 2011, par la suppression de leur poste, ont bénéficié
d’entretiens personnalisés, afin d’identifier la solution la plus adaptée à
leur situation.
Au rectorat de Versailles, pour mieux traiter les cas d’enseignants
en difficulté grave, a été mis en place un service d’appui aux ressources
humaines (SARH), chargé de centraliser l’information (signalement de
chefs d’établissement, d’inspecteurs, de parents d’élèves, etc.) et
d’orienter chaque dossier vers la forme adéquate de prise en charge (suivi
pédagogique, procédure de sanction ou examen médical). Ce service
coordonne également les différents intervenants du rectorat (inspecteur,
services médicaux, etc.), lorsqu’un enseignant, par exemple, relève en
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même temps de procédures disciplinaires et médicales. D’autres
améliorations ont été introduites à l’occasion des dispositions nouvelles
visant à favoriser la mobilité professionnelle des fonctionnaires, comme
les conseillers mobilité carrière.
2 -
Le pilotage de l’administration centrale
Le pilotage de l’administration centrale peut de surcroît accroître la
difficulté de gestion des ressources humaines.
La gestion des ressources humaines s’inscrit en effet dans un temps
long : l’organisation du recrutement commence plus d’un an et demi
avant la rentrée scolaire concernée, les affectations des enseignants se
déroulent dans un cadre annuel. Or les calendriers imposés sont parfois
précipités, notamment pour la mise en oeuvre des réformes.
Trois exemples de réformes au calendrier très resserré
L’introduction de l’option « droits et grands enjeux du monde
contemporain » en série L
Les documents d’accompagnement de l’enseignement de l’option
« droits et grands enjeux du monde contemporain », destinés aux futurs
enseignants, ont été disponibles en avril 2012 seulement, alors que la réforme
entrait en vigueur à la rentrée scolaire suivante et qu’il s’agissait d’un
enseignement entièrement nouveau pour les professeurs concernés. De
même, deux séminaires nationaux de présentation de la réforme ont été
organisés, mais ne se sont tenus qu’en avril et en mai 2012.
La rénovation de la voie professionnelle
Mise en place par la circulaire n° 2009-028 du 18 février 2009, la
rénovation de la voie professionnelle est entrée en vigueur à la rentrée
scolaire 2009. Elle a instauré un nouveau cursus de formation (baccalauréat
professionnel en trois ans) et des grilles horaires plus flexibles et
pluriannuelles.
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Une note d’étape de l’inspection générale de l’éducation nationale
(IGEN) et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation
nationale et de la recherche (IGAENR)
98
souligne que les académies ont
souffert de la précipitation du calendrier et d’un manque d’information :
« Tous les acteurs rencontrés dans les lycées comme les corps d’inspection
soulignent un manque d’information qui les gêne de plus en plus pour
construire un travail pédagogique et préparer la rentrée 2009. (…) Le défaut
d’information, qui ne permet pas l’appréhension du projet global, est patent.
(…) Les programmes des enseignements généraux et le calendrier de leur
mise en oeuvre ne sont pas encore publiés et les académies travaillent à partir
des programmes mis en consultation ».
Parmi les académies analysées par la Cour, le problème posé par ce
calendrier resserré a clairement été soulevé dans celle de Versailles. Dans une
note interne du 28 novembre 2011, le rectorat estimait ainsi que, « même
pour des établissements engagés, la réforme de la voie professionnelle est
ressentie comme un bouleversement qui se fait à marche forcée ».
La réforme de la série sciences et technologies industrielles (STI) :
Les nouveaux enseignements technologiques créés par la réforme du
27 mai 2010 exigeaient une adaptation pédagogique importante de la part des
enseignants, et, par voie de conséquence, un effort de formation exceptionnel,
car ils rendaient nécessaire l’acquisition d’une grande polyvalence. Pourtant,
les documents d’accompagnement des enseignements d’exploration de
seconde n’ont été disponibles qu’en juin 2010 pour un démarrage des cours à
la rentrée 2010.
Quant aux enseignements technologiques de première et de terminale,
le programme a certes été prêt plus d’un an à l’avance – en juillet 2010 pour
une mise en oeuvre en septembre 2011 – mais il supposait une telle évolution
de la pratique professionnelle que cette échéance était en réalité beaucoup
trop rapprochée.
Dans les académies, notamment à Bordeaux et à Lille, les formations
ont induit une surcharge de travail considérable pour les corps d’inspection
chargés de concevoir et d’organiser les formations, ainsi que pour les
enseignants qui devaient les suivre dans un délai très court. L’académie de
Versailles a, pour sa part, été confrontée à l’extrême faiblesse du vivier de
formateurs, du fait de l’absence en sciences et technologies industrielles
(STI) de surnombres disponibles pour remplacer les formateurs.
La qualité de l’enseignement dispensé aux premières générations
d’élèves concernés ne peut, dans ces conditions, que se ressentir des
conditions de mise en oeuvre de la réforme.
98
Note d’étape sur « la rénovation de la voie professionnelle », février 2009.
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B - Un échelon local embryonnaire
1 -
Des attributions locales fragmentaires en matière de gestion
des ressources humaines
Au niveau local, les chefs d’établissement et les corps d’inspection
ne disposent que de compétences étroites en matière de gestion des
ressources humaines.
Dans le second degré, les chefs d’établissement ont autorité sur les
personnels et organisent leur service – établissement des emplois du
temps, suivi des absences. Les leviers de gestion des ressources humaines
(GRH) dont ils disposent sont cependant limités :
-
l’utilisation des enveloppes d’heures supplémentaires effectives
(HSE) pour rémunérer des actions spécifiques ou comme levier
de reconnaissance de l’implication des enseignants, avec des
marges de manoeuvre faibles ;
-
le plan de formation de l’établissement, dont le budget est
restreint ;
-
la notation administrative, qui peut être l’occasion d’un
entretien sur la carrière, mais dont les limites ont été
soulignées.
Depuis septembre 2010, dans le cadre du « pacte de carrière », les
chefs d’établissement doivent mener, comme les inspecteurs de
l’éducation nationale (IEN) dans le premier degré, des entretiens
individuels, dits « entretiens de carrière », avec les enseignants se situant
à deux ans et à vingt ans de carrière. Ils peuvent, en outre, intervenir de
façon informelle pour conseiller les enseignants de leur établissement, en
fonction de la légitimité dont ils disposent. Enfin, ils n’ont pas de
compétence pour recruter des enseignants, sauf sur les postes spécifiques
(« à profil ») dont la proportion reste faible (6 %).
Le rôle des corps d’inspection en matière de gestion des ressources
humaines n’a, pour sa part, cessé de s’accroître.
Les inspecteurs exercent en effet la compétence d’évaluation. Ils
ont également un rôle de formation, de suivi des enseignants en difficulté,
de participation au recrutement des enseignants contractuels notamment.
Outre ces fonctions, liées à la gestion des ressources humaines, ils jouent
un rôle croissant dans la mise en oeuvre des réformes de programme, la
carte des formations, les négociations avec les collectivités territoriales,
etc. À ces tâches s’ajoutent des missions particulières que le recteur peut
leur confier. Enfin, les inspecteurs de la région parisienne sont fortement
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sollicités par l’administration centrale pour apporter leur expertise au
niveau national (refonte de programmes, évaluation d’expérimentation,
etc.). Les tâches qui leur sont confiées ont ainsi connu une diversification
croissante, qui contribue à limiter leur rôle de gestion des ressources
humaines de proximité, tout comme la fréquence des inspections qui est
généralement faible.
Dans le premier degré, l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN)
est responsable de l’évaluation des enseignants. Les inspections ont lieu
selon une fréquence plus satisfaisante que celle des inspecteurs
d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) dans le second
degré. La formation continue fait également partie des attributions de
l’inspecteur du premier degré, assisté dans cette tâche par des conseillers
pédagogiques. Par ailleurs, il assure dans sa circonscription une fonction
de conseil et d’appui des équipes pédagogiques des enseignants,
notamment des enseignants stagiaires et jeunes titulaires. Il donne un avis
sur les récompenses et sanctions disciplinaires des enseignants.
Un récent rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale
(IGEN) et de l’inspection générale de l'administration de l'éducation
nationale et de la recherche (IGAENR), portant sur le remplacement des
enseignants absents, dressait ce constat qui pourrait s’appliquer aux autres
facettes des activités des inspecteurs de l’éducation nationale : « le cumul
d’une fonction hiérarchique administrative et d’une autorité fonctionnelle
donne
aux
inspecteurs
du
premier
degré
un
poids
certain
et
incontournable, ce qui facilite la mobilisation des enseignants concernés
par la suppléance »
99
.
Sans que les responsabilités de l’inspecteur du premier degré
soient celles d’un service de gestion des ressources humaines de
proximité, l’organisation du premier degré aboutit à lui en donner de fait
tous les attributs dans le ressort de sa circonscription.
2 -
Une absence de réseau local en matière de gestion des
ressources humaines
La question de la coordination locale est par ailleurs renouvelée
par les réformes de l’organisation pédagogique, et notamment la mise en
place du « socle commun », qui impose une continuité de la formation
reçue par les élèves entre l’école primaire et le collège. Le « socle
99
Inspection
générale
de
l’éducation
nationale
et
inspection
générale
de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Rapport n° 2011-056 :
Remplacement des enseignants absents
, juin 2011.
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commun » implique de renforcer les liens entre ces niveaux, mais aussi de
fournir un cadre commun de gestion des ressources humaines, pour
faciliter les échanges d’enseignants au niveau local.
La possibilité de coordination est prévue par la loi : « des
établissements peuvent s’associer pour l’élaboration et la mise en oeuvre
de projets communs, notamment dans le cadre d’un bassin de
formation »
100
.
Après plusieurs expérimentations académiques, une circulaire
d’orientation relative aux bassins d'éducation et de formation
101
indiquait
que ceux-ci pouvaient constituer un cadre de gestion déconcentrée des
ressources humaines : « le bassin est le niveau où peut se construire une
politique de ressources humaines de proximité. Sans se substituer au rôle
propre de l'établissement, le bassin est un niveau d'élaboration de
réponses nouvelles à des besoins peu ou mal couverts, notamment pour la
détection et la prévention des difficultés professionnelles. Il permettra
d'étayer un réseau de « correspondants ressources humaines » entre le
DRH académique et les établissements publics locaux d’enseignement
(EPLE). Des correspondants de bassin pourront contribuer à faire
émerger des domaines de mutualisation : amélioration par exemple des
fonctions d'accueil, d'aide et de soutien aux personnels, informations sur
les évolutions professionnelles, identification et couverture des besoins de
remplacement, élaboration et conduite de plans de formation communs à
plusieurs établissements en phase avec les priorités et les projets locaux,
etc. »
Cette préconisation n’a pas été, à ce jour, réellement exploitée.
L’académie de Bordeaux est une des académies qui a cherché à
renforcer la place des bassins, qui y portent le nom de zones d’animation
pédagogiques (ZAP). Ce sont des territoires d’animation définis par les
secteurs de collèges et de lycée, qui offrent un cadre à la coordination
pédagogique sur des thématiques transversales (par exemple : prévention
des ruptures scolaires, accompagnement personnalisé, socle commun et
échange de pratiques), ainsi qu’à l’information. Quelques sujets relatifs à
la gestion des personnels peuvent être abordés à l’échelon de la zone
d’animation pédagogique, mais cette dimension reste peu développée :
gestion des compléments de service au moment de la préparation de la
rentrée scolaire, organisation de formations transverses. D’autres projets,
relatifs par exemple à la gestion des remplacements, ont été évoqués
comme pouvant relever de la zone d’animation pédagogique, mais n’ont
100
Article 18 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation.
101
Circulaire n° 2001-114 du 20 juin 2001.
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pas abouti. Ils n’ont pas été étendus jusqu’à présent à d’autres sujets,
comme l’affectation des enseignants à un réseau d’établissements.
Les réseaux d’établissements dans l’enseignement catholique sous
contrat et à l’étranger
Dans
l’enseignement
catholique
sous
contrat,
les
écoles
et
établissements sont organisés en réseaux de gestion. À la tête de chaque
groupe d’établissements, un « organisme de gestion » (OGEC) assure le
fonctionnement du réseau, sur le plan administratif et financier. Si la gestion
des enseignants reste de la compétence de l’État, ce fonctionnement favorise
coordination et échanges entre écoles et établissements du réseau. De plus,
les chefs d’établissement exercent une fonction de gestion des ressources
humaines de proximité de fait plus étendue que dans l’enseignement public,
puisqu’elle inclut le recrutement.
Aux Pays-Bas, les écoles et établissements sont soit fondés et gérés
individuellement soit regroupés en réseaux, dont la taille est très variable – de
quelques établissements jusqu’à 34 pour le plus grand. Une structure
commune à la tête du réseau assure une mutualisation de fonctions support
(comptable, financier, mais aussi gestion des ressources humaines), tout en
laissant au chef d’établissement la responsabilité de l’organisation et du
fonctionnement de son établissement, tant en ce qui concerne les services
d’enseignement que le recrutement des enseignants.
Au Canada (Ontario), les écoles et établissements sont, comme aux
Pays-Bas, regroupés en réseaux gérés par des structures appelées « conseils
scolaires de district ». Il y en a 72 en Ontario, pour 135 000 enseignants
publics, soit un peu moins de 1 900 enseignants par conseil scolaire en
moyenne. Dans chaque conseil scolaire, il existe des « surintendants », qui
sont chargés de la supervision d’un portefeuille de huit à dix écoles et ont une
connaissance précise des problématiques locales, comme des agents et
enseignants qui y sont affectés. C’est aussi au niveau du conseil scolaire que
se gèrent les recrutements et les mutations internes au réseau, ainsi que la
distribution entre établissements des fonds reçus de l’État.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Les enseignants constituent la ressource principale, hautement
qualifiée, du système scolaire. La gestion du ministère de l’éducation
nationale
reste
cependant
fortement
marquée
par
une
logique
traditionnelle d’administration du personnel qui, compte tenu des effectifs
qu’il gère, mobilise l’essentiel des services des ressources humaines de
l’administration centrale comme des rectorats et des directions
départementales. Le ministère n’a pas pris la mesure des changements
nécessaires pour développer la notion enrichie de « gestion des
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ressources humaines », indispensables pour améliorer la qualité du
système d’enseignement, valoriser les compétences d’un personnel de
cadres et de cadres supérieurs, et s’adapter aux problématiques des
établissements et des élèves :
- la moyenne des rémunérations de la profession, facteur essentiel
d’attractivité à long terme, est plus basse que celle des autres cadres de
la fonction publique, y compris après correction des différences estimées
de temps de travail sur une base, il est vrai, déclarative. Elle l’est aussi
par rapport à la moyenne des enseignants des pays membres de l’OCDE.
En outre, le ministère investit peu dans l’entretien et l’amélioration de la
qualité de l’enseignement tout au long de la carrière. La formation
continue est d’un volume réduit et répond mal aux attentes et aux
difficultés des enseignants. Enfin, les coûts du système scolaire sont
renchéris par l’importance de l’offre de formation proposée aux élèves
qui absorbe les efforts financiers du ministère au détriment de
l’augmentation des rémunérations ;
- le soutien des pratiques professionnelles, comme des carrières à
plus long terme, fait également défaut. Les enseignants rencontrant des
difficultés ordinaires dans leurs pratiques professionnelles ou souhaitant
améliorer la qualité de leur enseignement ne bénéficient d’aucun système
ressource implanté en établissement ou dans le ressort d’un bassin de
formation et n’ont pas la garantie, faute d’incitations adaptées, de
pouvoir s’appuyer sur un travail de qualité en équipe. Sur le long terme,
les perspectives de développement de carrière se résument trop souvent à
la simple progression des rémunérations et aux mobilités géographiques.
En particulier, la prise progressive de responsabilités au sein des équipes
pédagogiques sur des postes fonctionnels n’est pas systématisée, pas plus
que n’existe une organisation des qualifications permettant de bâtir tout
au long de la carrière des profils de compétence motivants et utiles aux
élèves ;
- développer la richesse que constitue la ressource enseignante,
exige que la fonction ressources humaines soit suffisamment développée
et qu’elle soit assurée à un niveau pertinent de proximité. Si les services
des rectorats et des directions départementales assurent la gestion
administrative du personnel, il n’existe pas d’organisation claire de la
gestion des ressources humaines de proximité, qui mettrait à disposition
des enseignants un service plus direct et suivi. Les inspecteurs et chefs
d’établissement disposent de quelques leviers, au demeurant fragmentés.
Les possibilités de mutualisation à l’échelle locale sont encore peu
utilisées malgré une logique d’enseignement qui dépasse désormais le
cadre d’une seule école ou d’un seul établissement, avec la mise en place
du socle commun. Il n’existe finalement pas de périmètre de gestion où
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soient mis en cohérence la gestion des enseignants, le contexte local
d’enseignement et les besoins des élèves.
La Cour émet en conséquence les recommandations suivantes
(
la
numérotation renvoie au récapitulatif final figurant à la fin de ce
rapport) :
-
adapter la nature et le volume de la formation continue des
enseignants à la diversité des situations pédagogiques et aux
spécificités des fonctions occupées (recommandation n° 7) ;
-
simplifier le régime indemnitaire des enseignants en procédant
à des réévaluations au bénéfice des équipes pédagogiques en
fonction des difficultés particulières des postes et des
établissements (recommandation n° 8) ;
-
lier la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures indemnitaires
et de carrière aux économies procurées par la rationalisation
de l’offre de formation et par une meilleure gestion des effectifs
enseignants (recommandation n° 11) ;
-
dans les académies, organiser une gestion de proximité des
ressources humaines, commune au premier et au second
degrés, en s’appuyant sur les écoles, les établissements et les
bassins d’éducation et de formation ; mutualiser, par bassin,
les moyens en gestionnaires des écoles et établissements
(recommandation n° 19).
La Cour rappelle par ailleurs les recommandations formulées plus
haut, qui trouvent une nouvelle justification dans ce chapitre :
-
faire de l’équipe pédagogique le pivot de l’appui aux
enseignants (recommandation n° 5) ;
-
au sein de l’équipe pédagogique, identifier des fonctions de
coordination (coordination disciplinaire, coordination de
niveau) et d’appui (tutorat, personnes ressources), assurées par
un membre de l’équipe partiellement déchargé de cours à cet
effet ; inscrire ces fonctions dans le parcours professionnel des
enseignants (recommandation n° 6).
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Conclusion générale
La finalité du système éducatif est la réussite de tous les élèves,
facteur déterminant de la cohésion sociale et de la compétitivité de notre
pays.
Les enseignants sont les acteurs principaux de cette performance
collective. Leur sélection, leur affectation, leur formation, leur motivation
au travail autant que le développement de la qualité de leur enseignement
doivent donc être conçus et mis en oeuvre afin d’obtenir une amélioration
structurelle des résultats des élèves. Les exemples de l’Allemagne, des
Pays-Bas et du Canada montrent que des réformes ambitieuses permettent
d’atteindre rapidement cet objectif.
Or la performance du système éducatif français se dégrade, malgré
la priorité financière qui lui est donnée :
-
la France est au 18
ème
rang sur 34 pays membres de l’OCDE
pour la performance de ses élèves et l’impact de l’origine
sociale des élèves sur leurs résultats est deux fois plus
important que dans les pays qui réussissent le mieux ;
-
la France connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier
enseignant. En 2011 et 2012, plus de 20 % des postes proposés
au concours du CAPES externe n’ont pas pu être pourvus dans
six disciplines, dont l’anglais et les mathématiques ;
-
la France consacre à l’éducation des moyens comparables,
voire supérieurs, à des pays qui assurent mieux la réussite de
leurs élèves.
Les 837 000 enseignants constituent près de la moitié des
fonctionnaires de l’État. Le budget de masse salariale associé à ces
emplois atteint 49,9 Md€ en 2011, soit 17 % du budget de l’État. Une
gestion optimale de cette ressource,
a fortiori
dans le contexte difficile
des finances publiques françaises, est une nécessité. Dans son rapport sur
la situation et les perspectives des finances publiques de juillet 2012, la
Cour a d’ailleurs indiqué que « le respect de la trajectoire de retour à
l’équilibre de nos comptes implique une évolution de la masse salariale
de l’État […] le plus près possible de la stabilisation en euros courants,
après une
hausse de 0,5 %
en 2011 » et
précisé que « seule une
baisse
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globale des effectifs laisse des marges de manoeuvre en matière de
politique salariale »
102
.
Le constat : des moyens suffisants, une utilisation défaillante
Le ministère de l’éducation nationale ne souffre pas d’un manque
de moyens budgétaires ou d’un nombre trop faible d’enseignants, mais
d’une utilisation défaillante des moyens existants.
Sans doute a-t-il relevé les défis posés jusqu’au début des années
1990 par l’arrivée d’un nombre important d’élèves et par l’allongement
de la scolarité dans l’enseignement secondaire : à chaque nouvelle rentrée
scolaire, en septembre, les élèves ont des enseignants pour leur faire
cours. L’administration de la carrière et de la paye est assurée pour un
nombre
d’enseignants
très
important
qui
dispensent
un
service
d’éducation à plus de douze millions d’élèves.
Mais les principes de gestion du ministère n’ont pas évolué depuis
le milieu du XX
ème
siècle et ne permettent pas au système éducatif de
relever les nouveaux défis auxquels il est confronté. Ils ont même des
effets contraires aux objectifs affichés.
Quatre voies de progrès possibles sont identifiées.
–
Accorder les obligations de service aux missions définies par la loi
–
Selon la loi (article L. 912-1 du code de l’éducation), les
enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des
élèves, au-delà des seules heures d’enseignement. À cette fin, il leur
revient de travailler en équipe pour coordonner leurs efforts.
Ces activités se déroulent sans qu’un volume horaire hebdomadaire
ou annuel adaptable en fonction des besoins réels des élèves soit précisé,
au-delà
des
dispositifs
d’accompagnement
personnalisé
fixés
indistinctement à tous les établissements ; de ce fait, elles ne peuvent se
développer, pour l’essentiel, que sur la base du volontariat, surtout dans le
second degré.
Il apparaît donc naturel d’inclure dans les obligations de service
des enseignants les heures nécessaires à ces activités, qui entrent
explicitement dans leurs missions, alors que leurs obligations de service
ne concernent actuellement qu’une partie d’entre elles : les heures
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Cour des comptes,
Rapport sur la situation et les perspectives des finances
publiques
. Paris, La Documentation française, juillet 2012. P. 168. Disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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disciplinaires de cours qu'ils ont à assumer par semaine devant la classe
dans le second degré ; les heures de cours et une partie des activités hors
heures de cours dans le premier degré. Une modulation au sein de ces
obligations de service doit être rendue possible dans les établissements,
en fonction des types de postes et des besoins des élèves. La formation
initiale et continue des professeurs doit intégrer les savoirs liés à ces
pratiques professionnelles comme au traitement de la difficulté scolaire,
et les enseignants doivent pouvoir bénéficier d’un cadre d’échanges au
sein de l’équipe pédagogique, ainsi qu’à leur demande, d’un soutien
adapté en cas de difficulté.
De nombreuses initiatives lancées par les équipes pédagogiques ne
peuvent être déployées, parce qu’elles supposent une organisation des
cours (et des soutiens individualisés) dans l’année scolaire, différente de
la simple succession de semaines identiques. Les exceptions à ce jour
sont marginales, comme les travaux personnels encadrés ou encore les
cours
d'éducation
civique
juridique
et
sociale.
De
tels
projets
pédagogiques devraient être rendus possibles moyennant une modulation
des heures de cours ou du temps global de service sur l'ensemble de
l'année scolaire et pour autant qu’ils soient inscrits de façon concertée
dans le projet d’établissement, qu’ils soient validés par l’administration et
encadrés par une contractualisation de l’établissement avec le directeur
départemental ou le recteur.
–
Favoriser la constitution d’équipes pédagogiques stables et adaptées à
la réalité des missions comme aux besoins des élèves
–
Depuis 2005, le parcours d’un élève comporte deux étapes : d’une
part, l’école primaire et le collège qui constituent « l’école du socle
commun » et, d’autre part, le cycle terminal du lycée en lien avec les
premières années de l’enseignement supérieur (période dite « Bac - 3/ bac
+ 3 »). L’affectation et la gestion des enseignants doivent être cohérentes
avec cette nouvelle logique.
Ainsi les professeurs agrégés ne doivent plus être affectés en
collège, et leur compétence spécifique doit trouver leur place en priorité
dans les voies générales et technologiques des lycées. Il doit en être de
même dans la voie professionnelle pour les professeurs de lycées
professionnels. Parallèlement, il conviendrait de réserver, à terme,
l’enseignement au collège aux professeurs certifiés, désormais recrutés
sur plus d'une seule compétence disciplinaire – avec droit d’option pour
cette bivalence par voie interne –, et d’encourager, chaque fois que
nécessaire, la collaboration plus étroite des professeurs certifiés et des
professeurs des écoles au cours des années charnières de CM1 à la sortie
de cinquième.
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Quant aux obligations de service, il est inéquitable que des
enseignants exerçant au même niveau scolaire et dans la même discipline
aient un nombre d’heures de cours inférieur à d’autres au seul motif de
leur corps de recrutement. Seules la nature des postes et les conditions
particulières d’exercice des fonctions, liées à l’établissement et aux
besoins spécifiques des élèves, doivent être prises en considération dans
la définition du temps de service.
Le mouvement résultant de l’application des barèmes conduit à des
dysfonctionnements manifestes :
-
la première affectation des jeunes professeurs se fait à 65 % sur
des postes de remplaçant ou dans des établissements difficiles ;
-
la rotation rapide des enseignants et l’instabilité des équipes
pédagogiques sont plus fortes dans les établissements les moins
attractifs ;
-
les postes à profil destinés à recruter des enseignants ayant les
compétences, l’expérience et les caractéristiques nécessaires
localement sont l’exception (6 % des mutations).
D’autres systèmes d’affectation sont concevables, y compris pour
gérer des effectifs importants, à l’image de certains exemples étrangers,
voire de l’enseignement catholique sous contrat en France.
Dans cet esprit, le recrutement des enseignants du second degré
dans un cadre académique, sur la base d’épreuves nationales, devrait être
mis en place pour les matières principales. Il devrait être combiné avec
une forte revalorisation des postes les plus confrontés à la difficulté
scolaire (indemnités, décharges horaires, conditions de travail, etc.).
Les mutations seraient alors organisées, dans le respect des critères
de priorité fixés par la loi du 11 janvier 1984 modifiée par la loi du
3 août 2009, sur la base d’entretiens entre les candidats et les chefs
d’établissement. L’objectif serait d’atteindre la meilleure adéquation entre
l’enseignant et le poste visé.
Les besoins des élèves doivent être au fondement du pilotage de
l’ensemble du système : reconnaissance des postes difficiles, allocation
de moyens aux établissements, orientations de la politique de formation
continue, modulation du service des enseignants, affectation des
enseignants les plus adaptés.
En ce qui concerne l’allocation des moyens, l’administration
s’appuie sur des critères indirects liés à l'appartenance aux différentes
catégories socio-professionnelles, au monde rural, à la localisation dans
des quartiers défavorisés pour arrêter des zones ou établissements
d’éducation prioritaire. Or la carte de l’échec scolaire ne coïncide pas
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avec celle des difficultés économiques et sociales. Il est avéré que cette
approche aboutit à des situations fortement inéquitables et entretient des
rigidités. Il apparaît donc nécessaire de recueillir directement et
annuellement les résultats scolaires des élèves par des tests ou évaluations
dédiés, à plusieurs niveaux de la scolarité.
Cette orientation devra s’accompagner de garanties données aux
élèves, aux familles et aux enseignants sur l’anonymisation des résultats.
–
Conforter individuellement et collectivement les enseignants dans
l’exercice de leur métier
–
La revalorisation du métier d’enseignant, dans ses dimensions
individuelles et collectives, est aujourd'hui indispensable pour surmonter
la crise d’attractivité qu’il traverse.
Sur le plan individuel, cette revalorisation passe par l’adaptation de
la formation des enseignants à la diversité des situations auxquelles ils
sont confrontés au cours de leur carrière. Elle nécessite aussi la
reconnaissance effective de la variété des activités qu'il leur revient
d'exercer au-delà des heures de cours données aux élèves. Elle doit se
traduire enfin par une réévaluation pécuniaire mais portant sur le montant
des indemnités et non sur celui du traitement indiciaire. Cette
réévaluation doit permettre de remédier aux écarts existant avec les pays
comparables et de rémunérer l’investissement des équipes pédagogiques.
Collectivement, pour répondre aux besoins des élèves les plus
fragiles comme pour gérer la classe, les enseignants, notamment les plus
jeunes, ont besoin de s'appuyer sur l'équipe pédagogique. Or les
dispositifs en vigueur ne favorisent cette organisation ni en disponibilités
horaires, ni en appuis humains – tutorat, personnes ressources, etc. Une
véritable gestion collective des ressources humaines reste donc pour
l'essentiel à mettre en place.
–
Déconcentrer la gestion des enseignants au plus près de leurs besoins
et de ceux de leurs élèves
–
La gestion administrative et professionnelle des enseignants par le
ministère de l'éducation nationale est, au sein de la fonction publique de
l’État, très déconcentrée au niveau tant régional (les académies), que
départemental (les directions académiques). Cependant, elle est aussi,
paradoxalement, très encadrée par de multiples circulaires.
Si la gestion administrative du personnel est efficacement conduite
avec peu de moyens, des aspects essentiels, parce que personnalisés, de la
gestion des ressources humaines sont laissés de côté : les parcours de
carrière, la mobilité fonctionnelle ou interprofessionnelle, la formation
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continue, l'aide à l'autoévaluation, la mise en commun d’outils ou de
méthodes, le soutien professionnel ou psychologique, etc.
Or il est nécessaire de développer une gestion personnalisée des
personnels enseignants au plus près du cadre territorial dans lequel ils
exercent leurs activités. Les bassins de formation paraissent être, au stade
actuel de l’organisation scolaire, la circonscription la plus adaptée à une
telle gestion de proximité. Ces bassins, qui sont aujourd’hui un
regroupement local d’établissements du second degré, devraient intégrer
les écoles primaires.
Des arbitrages nécessaires pour financer une réforme ambitieuse
Les réponses à ces différents défis ne sont pas quantitatives mais
qualitatives. Les recommandations exposées ci-après visent à atteindre les
objectifs d’amélioration de la gestion des personnels enseignants pour un
système éducatif plus performant, c’est-à-dire plus efficient et mieux
adapté à l’objectif de réussite de tous les élèves.
Leur mise en oeuvre passe par des réformes structurelles de l’offre
de formation.
Or le lycée en France coûte plus cher qu’à l’étranger, en particulier
du fait d’un nombre d’heures et d’options très important. En outre, la
géographie, l’histoire et le poids de la ruralité expliquent la très forte
dispersion du tissu des établissements et des écoles sur le territoire. Enfin,
la rigidité des modalités de gestion décrites dans le présent rapport génère
des surcoûts importants.
Une action coordonnée sur l’ensemble de ces paramètres
(réduction de l’offre de formation au lycée, développement de la
polyvalence au collège, rationalisation de la carte des formations et des
implantations, amélioration des modalités de gestion des personnels,
notamment par annualisation du temps de service), mise en oeuvre de
manière déterminée, mais étalée dans le temps, est nécessaire. Elle seule
est de nature à permettre une réduction importante du besoin en personnel
enseignant, en particulier au niveau du lycée et à garantir dans la durée le
financement des mesures associées.
Les recommandations proposées par la Cour en matière de gestion
des personnels enseignants sont donc indissociables des réformes
structurelles évoquées ci-dessus.
Des outils de chiffrage de ces réformes et des économies à
identifier pour les financer, qui ne sont disponibles aujourd’hui ni au
ministère de l’éducation nationale ni au ministère de l’économie et des
finances, doivent être développés prioritairement.
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Les leviers du changement
La réforme du système éducatif est désormais une impérieuse
nécessité. Aujourd’hui, c’est grâce à des solutions informelles et des
initiatives locales des équipes pédagogiques et de l’encadrement, que la
dégradation du système n’est pas plus importante et plus rapide.
Afin d’améliorer les performances du système éducatif, une
réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants
est nécessaire. Pour être menée à bien, cette réforme doit s’appuyer sur
une vision claire et partagée de l’objectif à atteindre, afin d’identifier les
efforts à réaliser comme les bénéfices à en attendre, et de prévoir les
étapes intermédiaires.
La finalité de cette réforme doit être l’amélioration du niveau des
élèves et la réduction des inégalités sociales et territoriales. Pour ce faire,
il est nécessaire d’atteindre les objectifs intermédiaires suivants :
-
l’adéquation entre les modalités de recrutement, la formation
initiale, et les exigences professionnelles du métier enseignant ;
-
l’adaptation des obligations réglementaires de service à
l’exigence de réussite de tous les élèves ;
-
l’allocation optimale des moyens humains sur le territoire, en
tenant compte à la fois des besoins réels des élèves et des
profils des enseignants ;
-
l’affectation des enseignants en cohérence avec la réalité des
postes et des projets d’établissement ;
-
la création d’un environnement favorable à la performance du
système éducatif et la mise en oeuvre d’un pilotage de
proximité ;
-
enfin, le développement et la valorisation d’un capital humain
précieux, dans sa dimension individuelle et collective.
Pour atteindre les objectifs ainsi définis, la Cour formule une série
de recommandations qui forment un tout.
Ces recommandations visent à mettre la gestion des enseignants au
service de la réussite de tous les élèves.
Le temps de la réforme est un temps long qui exige la recherche
d’un consensus minimum. Son acceptabilité sociale suppose de fixer
l’objectif final, d’exposer la méthode de travail, de prendre le temps d’en
discuter le cheminement et d’énoncer les différentes options possibles.
D’autres grands pays ont emprunté cette voie avant la France et les
résultats obtenus montrent qu’ils ont eu raison. Cette grande réforme
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nationale doit se faire au bénéfice de la jeunesse et avec la pleine
collaboration de la communauté éducative.
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Récapitulatif des recommandations
Redéfinir le métier enseignant en adaptant en particulier les
obligations réglementaires de service :
1. mettre en cohérence les différentes dispositions législatives et
réglementaires définissant, directement ou indirectement, les missions des
enseignants ;
2. élargir leurs obligations de service sous forme d’un forfait à
l’ensemble des activités effectuées au sein de l’établissement, y compris
le travail en équipe pédagogique et l’accompagnement personnalisé des
élèves ;
3. annualiser les obligations de service des enseignants ;
4. donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la
responsabilité de moduler la répartition des obligations de service des
enseignants en fonction des postes occupés et des besoins des élèves, sous
la supervision des directeurs départementaux et des recteurs.
Mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel et des
équipes :
5. faire de l’équipe pédagogique le pivot de l’appui aux
enseignants ;
6.
au sein de l’équipe pédagogique, identifier des fonctions de
coordination (coordination disciplinaire, coordination de niveau) et
d’appui (tutorat, personnes ressources), assurées par un membre de
l’équipe partiellement déchargé de cours à cet effet ; inscrire ces
fonctions dans le parcours professionnel des enseignants ;
7. adapter la nature et le volume de la formation continue des
enseignants à la diversité des situations pédagogiques et aux spécificités
des fonctions occupées ;
8. simplifier le régime indemnitaire des enseignants en procédant à
des réévaluations au bénéfice des équipes pédagogiques en fonction des
difficultés particulières des postes et des établissements ;
9. mettre en place des mesures réellement incitatives et déliées des
logiques de corps, notamment en matière indemnitaire et de carrière, afin
de compenser les différences d’attractivité entre les postes ;
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10. mieux définir le rôle et les objectifs de l’équipe pédagogique ;
développer l’évaluation collective au niveau d’un établissement ou d’une
équipe pédagogique ;
11. lier la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures indemnitaires
et de carrière aux économies procurées par la rationalisation de l’offre de
formation et par une meilleure gestion des effectifs enseignants.
Affecter les enseignants en fonction de la réalité des postes et des
projets d'établissement :
12. autoriser les affectations de professeurs des écoles au collège et
d’enseignants du second degré à l’école primaire, quand elles sont utiles
pour assurer la continuité de la scolarité entre l’école primaire et le
collège (« école du socle ») ;
13. affecter les professeurs agrégés en lycée général et
technologique et non au collège ; affecter les professeurs de lycée
professionnel en lycée professionnel et non au collège, à l’exception des
disciplines professionnelles de l’enseignement adapté ;
14. instituer, dès la formation initiale, la bivalence ou la
polyvalence disciplinaire de l’ensemble des enseignants du second degré
intervenant au collège ; ouvrir la possibilité, pour les enseignants déjà en
fonction, d’opter pour l’enseignement de deux disciplines ;
15. organiser à l’échelon académique, sur la base d’épreuves
nationales, le recrutement des enseignants du second degré, pour les
disciplines aux effectifs les plus importants ;
16. affecter les enseignants, après prise en compte des critères
légaux et sur avis du directeur d’école ou du chef d’établissement, en
fonction de l’adéquation de leurs compétences et de leur parcours avec les
besoins des élèves et le projet de l’école ou de l’établissement.
Assurer une gestion de proximité :
17. mettre en place un système de mesure et d’analyse assurant une
connaissance précise et fiable des besoins des élèves ;
18. doter les établissements en postes d’enseignants sur la base
d’un forfait par élève modulé en fonction des besoins des élèves ;
19. dans les académies, organiser une gestion de proximité des
ressources humaines, commune au premier et au second degrés, en
s’appuyant sur les écoles, les établissements et les bassins d’éducation et
de formation ; mutualiser, par bassin, les moyens en gestionnaires des
écoles et établissements.
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Annexes
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Annexe n° 1
Annexes thématiques
1 -
Les principaux résultats du système éducatif français dans les
études PISA de l’OCDE
Les tests internationaux PISA évaluent les compétences des élèves
de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences. Comme pour toutes les
comparaisons internationales, les résultats de PISA doivent être
interprétés avec précaution : ils ne peuvent être réduits à un simple
palmarès de pays. Ils permettent cependant de donner, avec d’autres
éléments d’analyse, des informations sur la situation comparée des
systèmes éducatifs.
Les résultats de l’enquête PISA entre 2000 et 2009 font apparaître
trois éléments principaux : des résultats pour la France qui se situent
globalement dans la moyenne de l’OCDE ; une stagnation, voire une
lente détérioration selon la discipline concernée, des performances de la
France sur la période ; et un important accroissement des inégalités entre
élèves.
En premier lieu, les résultats globaux des élèves français se situent
à un niveau moyen par rapport à ceux des autres élèves des pays de
l’OCDE. Selon l’enquête PISA 2009, en compréhension de l’écrit par
exemple, la France apparaît au 18ème rang sur 34 pays membres de
l’OCDE, derrière l’Estonie ou la Pologne. Les élèves français ont ainsi un
retard de près d’une année de scolarité (39 points) par rapport à ceux de
Shanghai (hors OCDE), de la Corée ou de la Finlande.
Par ailleurs, l’évolution observée entre PISA 2000 et PISA 2009
révèle une stagnation des performances moyennes de la France en
compréhension de l’écrit et en culture scientifique, ainsi qu’une
dégradation significative en culture mathématique. Cette situation
contraste avec l’évolution sur la même période de pays comme
l’Allemagne, dont le système éducatif enregistrait des performances
nettement moins bonnes que la France dans PISA 2000, et qui l’a
désormais dépassée.
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COUR DES COMPTES
Source : OCDE, enquête PISA 2009
Enfin, les différentes enquêtes PISA révèlent une détérioration
préoccupante des inégalités entre élèves, entre élèves les plus forts et
élèves les plus faibles, mais aussi en fonction de l’origine sociale.
Ainsi, la part des élèves les plus faibles augmente de façon
significative en compréhension de l’écrit (entre 2000 et 2009) en culture
mathématique (entre 2003 et 2009). De plus, l’écart entre les 5 %
d’élèves les plus « forts » et les 5 % les plus « faibles » représente 70 %
du score moyen : au sein de l’OCDE, seuls Israël et le Luxembourg
subissent une situation plus défavorable. Au total, les 10 % des élèves les
plus faibles ont perdu l’équivalent d’une année de scolarité entre 2000 et
2009. En appliquant la typologie des niveaux scolaires définis par PISA,
la France a presque deux fois plus de mauvais élèves que la Finlande
(40,8 % contre 24,8 % au niveau 2 et en-dessous) et 50 % de bons élèves
en moins (31,9 % contre 45,1 % au niveau 4 ou au-dessus).
En outre, le système scolaire français est aussi un de ceux où les
résultats sont les plus corrélés avec l’origine socio-économique des élèves
– cette corrélation est même deux fois plus importante en France que dans
les pays qui réussissent le mieux. Ces résultats placent donc la France à
l’écart des meilleurs systèmes éducatifs.
Or les pays dont les résultats globaux sont les plus élevés
enregistrent également les plus faibles écarts entre les résultats extrêmes
des élèves, l’équité apparaissant donc comme une condition essentielle de
l’efficacité du système éducatif. Ainsi, au Canada, en Finlande, au Japon
et à Shanghai, les élèves ont tendance à réussir, quelles que soient leurs
caractéristiques propres, notamment leur origine socio-économique, ou
celles de l'école qu'ils fréquentent. En sens inverse, dans les pays qui
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ANNEXES
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affichent les plus larges écarts de résultats (Israël, Belgique, Autriche,
Luxembourg et France), les résultats globaux sont médiocres.
Cette situation ne semble pourtant pas explicable par des facteurs
externes au système scolaire. L’OCDE constate que la France n’est pas
handicapée par ses principales caractéristiques économiques et sociales
globales par rapport aux pays qui ont les meilleurs résultats : notamment,
sa richesse moyenne est comparable (PIB par habitant) ; ses dépenses
d’éducation sont du même niveau (6,3 % du PIB).
2 -
La « mastérisation » des enseignants : rappel des principaux
constats du rapport public annuel 2012 de la Cour
La réforme dite de la « mastérisation » a été mise en oeuvre à la
rentrée scolaire 2010, sur le fondement de divers décrets en date du
28 juillet 2009. Cette réforme avait pour principaux objectifs de relever le
niveau de formation des professeurs en exigeant un diplôme de master
(bac + 5), et de supprimer l’année de stage en alternance dans les instituts
universitaires de formation des maîtres (IUFM). En 2008, le directeur de
cabinet du ministre de l’éducation nationale indiquait que cette réforme
visait également à « éviter de recruter des candidats qui n’ont aucune idée
de ce qu’est le métier d’enseignant ».
Pourtant, lors des rentrées scolaires 2010 et 2011, les lauréats des
concours enseignants ont été directement affectés devant une classe,
presque toujours à temps plein, parfois sans tuteur présent à leurs côtés
dans leur établissement d’affectation, et alors même qu’ils n’avaient pas
encore acquis, pour la plupart, une expérience professionnelle suffisante.
Les mesures d’accompagnement destinées à faciliter leur accès à
l’exercice du métier d’enseignant se sont révélées difficiles à mettre en
oeuvre. Ainsi, le temps de formation des enseignants stagiaires – fixé
réglementairement au tiers de leurs obligations réglementaires de service
– venait en supplément de celles-ci : les jeunes enseignants cumulaient
donc, pendant leur première année de vie professionnelle, les obligations
des enseignants déjà en fonction (cours devant les élèves, préparation,
correction des copies) et un temps de formation, non rémunéré et pouvant
nécessiter des déplacements importants. Les enseignants stagiaires étaient
donc astreints à des obligations plus lourdes que les enseignants titulaires,
tout en étant moins expérimentés.
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3 -
Le remplacement
Le principe de continuité de l’enseignement, posé notamment par
l’article L. 912-1 du code de l’éducation, implique une gestion
garantissant aux élèves de recevoir un enseignement sur la durée. Dans ce
cadre, le ministère gère des moyens d’enseignement pour faire face aux
différents motifs d’absence des enseignants : maladie, maternité,
formation continue, journées pédagogiques, etc. Le remplacement des
absences est assuré, soit par des enseignants dédiés au remplacement, soit
par des enseignants contractuels, soit par les enseignants de l’école ou de
l’établissement.
Un objectif de performance de remplacement est affiché chaque
année dans les projets annuels de performances des programmes 140 –
Enseignement scolaire public du premier degré, 141 – Enseignement
scolaire public du second degré et 139 – Enseignement privé du premier
et du second degré. Intitulé « disposer d’un potentiel d’enseignants
qualitativement adapté », cet objectif est assorti de deux indicateurs :
-
« taux de remplacement (congés pour maladie ou maternité) » :
cet indicateur rapporte le nombre de jours d’absence pour
congés de maladie et maternité effectivement remplacés au
nombre total de jours d’absence pour raisons de maladie ou
maternité ;
-
« taux
d’optimisation
du
potentiel
de
professeurs
remplaçants » : l’indicateur rapporte le nombre de jours
d’absence pour congés de maladie et maternité remplacés
pendant une année scolaire par les titulaires remplaçants
chargés du remplacement pour congés de maladie et maternité
au nombre de jours potentiels de remplacement des titulaires
remplaçants chargés du remplacement pour congés de maladie
et maternité.
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ANNEXES
151
Indicateurs LOLF relatifs au remplacement des enseignants absents,
prévision de réalisation 2012
Premier
degré public
Second
degré public
Premier et
second
degré privé
Taux de remplacement (congés
maladie ou maternité)
94,0 %
96,5 %
99,5 %
Taux d’optimisation du potentiel de
professeurs remplaçants
82,0 %
89,0 %
-
Source : projet annuel de performances 2012 de la mission Enseignement scolaire.
Pour l’enseignement privé, le second indicateur n’est pas retenu puisque le ministère
n’affecte pas d’enseignant titulaire pour assurer la fonction de remplacement.
Ces indicateurs ne donnent cependant pas une image fiable de la
réalité du remplacement, comme cela est développé dans le chapitre I.
Il est par ailleurs difficile de porter une appréciation sur
l’efficience du système de remplacement. Le ministère considère que le
potentiel d’enseignants nécessaires au remplacement se situe - tant pour
le premier que pour le second degré - autour de 6 % de l’effectif total des
enseignants en équivalent temps plein travaillé (ETPT). Le périmètre des
enseignants à prendre en compte est cependant peu clair, tant la
composition des enveloppes de remplaçants est disparate.
Par ailleurs, le chiffre de 6 % ne constitue ni un objectif ni une
référence formelle. Il n’a été justifié sur le fond par aucune étude
comparative des objectifs de service et des moyens permettant de les
atteindre.
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152
COUR DES COMPTES
4 -
Statuts et obligations réglementaires de service
Principaux éléments statutaires des corps en activité
CORPS
STATUT
MISSION
DISCIPLINE
Professeurs
des écoles
Décret
n° 90-680 du
1er août 1990
« principalement […] un
service d’enseignement
dans les écoles
maternelles et
élémentaires »
Polyvalence
Professeurs
certifiés
Décret
n° 72-581 du
4 juillet 1972
« principalement […] un
service d’enseignement
dans les établissements
du second degré »
Monovalence
ou
bivalence
selon
les
disciplines
Professeurs
d’éducation
physique
et
sportive
Décret
n° 80-627 du
4 août 1980
« principalement […]
l'enseignement de leur
discipline »
Monovalence
Professeurs de
lycée
professionnel
Décret
n° 92-1189 du
6 novembre
1989
« principalement dans
les classes ou divisions
conduisant à
l’acquisition des CAP,
BEP et baccalauréat
professionnel »
Monovalence
ou
bivalence
selon
les
disciplines
Professeurs
agrégés
Décret
n° 72-580 du
4 juillet 1972
« assurent leur service
dans les classes
préparatoires aux
grandes écoles, dans les
classes de lycée, dans
des établissement de
formation et,
exceptionnellement,
dans les classes de
collège »
Monovalence
Professeurs
de chaires
supérieures
Décret
n° 68-503 du
30 mai 1968
« ont vocation à être
affectés […] dans les
classes préparatoires aux
grandes écoles des
établissements de
second degré »
Monovalence
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ANNEXES
153
À ces six corps dits « actifs » s’ajoutent plusieurs autres corps
enseignants, comme celui des instituteurs, des adjoints d’enseignements
ou encore des professeurs d’enseignement général de collège (PEGC), qui
ont tous été mis en voie d’extinction dans les années 1980 et 1990.
Principaux éléments statutaires des corps en extinction
CORPS
STATUT
MISSION
DISCIPLINE
Instituteurs
Décret n° 61-
1012 du 7 sept.
1961
Mise en
extinction en
1990
-
Polyvalence
Professeurs
d’enseignement
général
Décret n° 86-
492 du 14 mars
1986
Mise en
extinction en
1987
« actions de
formation dans les
collèges,
principalement en
assurant un service
d’enseignement »
Bivalence
Adjoint
d’enseignement
Décret du 8 avril
1938
*Décret
n° 45-0132 du
22 décembre
1945
Décret n° 72-
583 du 4 juillet
1972
Mise en
extinction en
1989
« Le service [des
adjoints] sera
partagé entre
l'enseignement et la
surveillance »
Polyvalence
Surveillance et
enseignement
Chargé
d’enseignement
d’éducation
physique
et
sportvie
Décret n° 60-
403 du 22 avril
1960
-
Monovalence
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154
COUR DES COMPTES
Temps de service hebdomadaire des enseignants (en heures) prévu
dans les statuts
Source : Cour des comptes à partir des textes réglementaires
24
18
18
17
15
11
3
3
0
10
20
30
Professeur des
écoles
Professeur certifié
Professeur de Lycée
professionnel
Professeur d'EPS
Professeur agrégé
(hors CPGE et EPS)
Professeur en CPGE
Heures de cours
par semaine
Autres activités
incluses dans les
obligations de
service
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ANNEXES
155
Principales décharges statutaires des enseignants du second degré
en heures
Agrégé
Certifié
EPS
(A. – C.)
PLP
Obligations réglementaires de
service hebdomadaire
15
18
17 ou 20
18
Majoration du temps de service
Effectif faible de la classe*
(ex : 20 élèves)
+ 1
Minoration du temps de service
Effectif pléthorique de
la classe*
(ex : 40 élèves)
- 1 ou - 2
Première chaire
- 1
- 1
Service partagé dans 3
établissements (2 pour EPS et PLP)
- 1
- 1
- 1 ou - 2
- 1
Entretien du cabinet ou du
laboratoire
(SVT, histoire-géo., physique-ch.)*
- 1
- 1
Préparation
(physique-chimie ou SVT) *
- 1
- 1
Responsable du laboratoire
(technologies, langues)
- 1
- 1
Responsable du bureau commercial
(enseignement technique)*
- 1
- 1
Coordination de l'EPS
- 1 ou - 2
Pondération du temps de service
Enseignement en section de
technicien supérieure
1¼
1¼
Forfait
(quota d’heures accordées pour des activités annexes)
Direction de chorale ou
d'un groupe instrumental
- 2
- 2
Animation de l'association sportive
scolaire (UNSS)
- 3
Source : ministère de l’éducation nationale, rectorat de Versailles. « EPS » désigne
les professeurs agrégés d’EPS (« A ») et les professeurs d’EPS (« C »). Sont
distingués avec le signe (*) les majorations et minorations dont les textes
d’application sont abrogés depuis 2007.
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156
COUR DES COMPTES
5 -
Panorama des effectifs
a)
Nombre d’écoles et d’établissements par académie
Nombre d’écoles et d’établissements, publics et privés
Académies
Ecoles
du 1
er
degré
Etablissements du 2
nd
degré
Collèges
Lycées
profession-
nels
Lycées
d’enseigne-
ment
général et
techno-
logique
Etablissements
régionaux
d’enseignement
adapté
Total
Aix-
Marseille
2 007
286
110
125
3
524
Amiens
2 146
217
67
71
2
357
Besançon
1 303
149
41
38
2
230
Bordeaux
2 813
344
109
110
5
568
Caen
1 201
202
46
68
3
319
Clermont-
Ferrand
1 354
199
34
55
3
291
Corse
260
31
4
12
1
48
Créteil
2 647
426
58
181
3
668
Dijon
1 983
187
25
66
3
281
Grenoble
2 899
335
82
145
4
566
Lille
3 404
445
115
150
6
716
Limoges
678
88
25
31
1
145
Lyon
2 286
313
107
126
3
549
Montpellier
2 088
266
65
86
2
419
Nancy-Metz
2 472
270
76
99
4
449
Nantes
2 896
412
77
145
4
638
Nice
1 110
181
39
83
0
303
Orléans-
Tours
2 240
291
62
79
3
435
Paris
773
177
45
169
3
394
Poitiers
1 729
208
43
60
4
315
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ANNEXES
157
Reims
1 363
162
40
54
2
258
Rennes
2 472
388
67
125
5
585
Rouen
1 882
201
42
70
2
315
Strasbourg
1 565
178
35
79
1
293
Toulouse
2 760
319
92
119
3
533
Versailles
3 333
535
72
226
7
840
TOTAL
métropole
51 664
6 810
1 578
2 572
79
11 039
Guadeloupe
314
56
17
22
0
95
Guyane
173
31
5
10
0
46
Martinique
261
49
12
19
0
80
Mayotte
215
18
3
6
1
28
Réunion
522
82
15
32
0
129
TOTAL
DOM
1 485
236
52
89
1
378
TOTAL
France
53 149
7 046
1 630
2 661
80
11 417
Source : repères et références statistiques 2012 et sites académiques pour le 1
er
degré. Le nombre total d’écoles diffère de celui publié dans le repère et référence
statistique 2012 (53 418).
b)
Nombre d’élèves par académie
Nombre d’élèves de l’enseignement public et privé
Académie
Elèves du 1er
degré
Elèves du 2nd
degré
Total
Aix-Marseille
282 045
241 336
523 381
Amiens
207 134
164 422
371 556
Besançon
119 160
94 745
213 905
Bordeaux
298 506
250 626
549 132
Caen
143 998
119 764
263 762
Clermont-Ferrand
121 000
97 883
218 883
Corse
24 794
21 090
45 884
Créteil
489 932
361 727
851 659
Dijon
151 265
124 083
275 348
Grenoble
333 678
269 904
603 582
Lille
462 393
365 790
828 183
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Limoges
60 915
50 854
111 769
Lyon
331 341
259 254
590 595
Montpellier
257 519
214 895
472 414
Nancy-Metz
220 983
189 017
410 000
Nantes
390 566
295 705
686 271
Nice
192 390
163 376
355 766
Orléans-Tours
254 482
198 752
453 234
Paris
176 255
163 752
340 007
Poitiers
161 901
132 122
294 023
Reims
132 193
107 949
240 142
Rennes
332 083
261 961
594 044
Rouen
191 740
159 558
351 298
Strasbourg
177 755
149 939
327 694
Toulouse
268 174
221 704
489 878
Versailles
610 336
479 241
1 089 577
TOTAL métropole
6 392 538
5 159 449
11 551 987
Guadeloupe
57 431
51 010
108 441
Guyane
43 408
31 904
75 312
Martinique
43 503
40 673
84 176
Mayotte
53 012
31 094
84 106
Réunion
120 799
101 457
222 256
TOTAL DOM
318 153
256 138
574 291
TOTAL France
6 710 691
5 415 587
12 126 278
Source : repères et références statistiques 2012
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ANNEXES
159
c)
Nombre d’enseignants
Nombre d’enseignants du 2
nd
degré par statut (ETPT), 2010
Agrégés
50 411
Adjoints d'enseignement
5 644
Bi-admissibilité
5 273
Chargés d’enseignement
EPS
1 972
Chaires supérieures
2 153
Maîtres auxiliaires
3 942
Certifiés
260 250
Contractuels
16 990
Professeurs
d’enseignement général
5 628
Assistants étrangers
1 997
Professeurs de lycée
professionnel
69 230
Maîtres délégués
11 662
Éducation physique et
sportive
30 490
Total
465 642
Source : Cour des comptes d’après ministère de l’éducation nationale
La Cour a cherché à établir avec précision le nombre
d’enseignants, son évolution depuis 2006, et le panorama des fonctions
occupées : elle s’est heurtée à une difficulté dont elle s’étonne, tant le
travail de reconstitution a été difficile entre les chiffres fournis par les
différentes directions du ministère, l’utilisation de périmètres divers sans
suivi transversal et l’insuffisance des systèmes d’information.
Evolution du plafond et de la consommation des emplois
d’enseignants (périmètre courant)
En ETPT
2006
2007
2011
2012
Ecart
06-11
Ecart
06-12
Plafond d’emploi des
enseignants
885 851
879 146
851 291
836 908
-34 560
-48 943
dont secteur public
754 236
747 855
719 086
706 136
-35 150
-48 100
dont secteur privé
131 615
131 291
132 205
130 772
590
-843
Consommation du plafond
d'emplois
893 295
885 261
840 612
NC
-52 683
-
dont secteur public
756 918
749 146
709 736
NC
-47 182
-
dont secteur privé
136 377
136 114
130 876
NC
-5 501
-
Différence
plafond/consommation
-7 444
-6 114
10 679
-
-
-
dont secteur public
-2 682
-1 291
9 350
-
-
-
dont secteur privé
-4 762
-4 823
1 329
-
-
-
Source : Cour des comptes d’après le ministère de l’éducation nationale
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160
COUR DES COMPTES
Au vu des informations recueillies, la Cour a également établi le
panorama suivant pour 2011, sans pouvoir toutefois en garantir la
fiabilité.
Sur le plafond d’emplois d’enseignants fixé à 851 291 au cours de
l’année 2011, 840 612 « équivalents temps plein travaillé » (ETPT)
d’enseignants étaient effectivement présents. Parmi ceux-ci, certains
n’exerçaient pas sur un poste fixe dans une classe. Il s’agit des cas
suivants :
- enseignants dédiés au remplacement, catégorie dans laquelle sont
rassemblés les enseignants n’ayant pas reçu d’affectation à l’année, les
enseignants en surnombre et les enseignants « indisponibles » pour des
raisons de santé ou de fragilité personnelle : 24 664 ETPT dans le premier
degré et 33 860 ETPT dans le second degré (des chiffres différents et non
réconciliables ont été communiqués sur ce point) ;
- enseignants déchargés pour tout ou partie de leur fonction : à titre
syndical (1 698 ETPT), statutaires (8 003 ETPT), au titre d’activités de
directeur d’école (9 526 ETPT), de l’UNSS (5 528 ETPT) et d’activités
hors décharges statutaires dans le public (8 041 ETPT) ;
- enseignants exerçant des fonctions pédagogiques hors la classe
(accompagnement, éducation spécialisée, etc.) : 17 248 ETPT ;
- enseignants exerçant des fonctions d’inspection, de pilotage et
d’animation pédagogique : 3 601 ETPT ;
- enseignants exerçant des missions de formation : 664 ETPT ;
- enseignants exerçant des fonctions administratives : 2 271 ETPT ;
- enseignants mis à disposition d’autres structures (établissements
publics, associations,
etc
.) : 121 ETPT ;
- enseignants sur postes adaptés, consécutifs à une altération de
leur état de santé : 1 886 ETPT dont 859 dans le
premier degré et
1 027 dans le second degré ;
- enseignants rémunérés sur les programmes support : 194 ETPT.
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ANNEXES
161
6 -
Répartition des postes d’enseignants
Matrice de répartition des moyens dans le premier degré public, par
groupe d’académies
(en nombre d’enseignants pour 100 élèves)
Critère
social
Critère territorial
Dominante urbaine
P/E moyen = 5,17
Contrasté
P/E moyen = 5,29
Dominante rurale
P/E moyen = 5,62
Fort
Rouen
Lille
Nice
5,30
5,29
5,22
Amiens
Montpellier
Aix-
Marseille
5,36
5,32
5,25
Reims
Corse
5,79
5,64
Moyen
Créteil
Lyon
Versailles
5,15
5,08
5,07
Nancy-Metz
Caen
Toulouse
Orléans-
Tours
Bordeaux
Nantes
Grenoble
5,63
5,47
5,38
5,25
5,21
5,12
5,12
Dijon
Poitiers
5,69
5,33
Faible
Strasbourg
Paris
5,31
5,09
Besançon
Rennes
5,43
5,15
Clermont-
Ferrand
Limoges
5,76
5,54
Source : ministère de l’éducation nationale (DGESCO). Le P/E est le nombre de
postes d’enseignants pour 100 élèves.
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162
COUR DES COMPTES
Proportion de collégiens en éducation prioritaire à la rentrée 2010
(enseignement public)
Source : ministère de l’éducation nationale, Géographie de l’école 2011
Nombre moyen d’élèves par classe (E/C) des écoles primaires, par
type d’école et par taille. Académie de Nantes (rentrée 2011)
ECLAIR
RRS
Autres
Total
< 50 élèves
-
18,8
20,8
20,7
De 51 à 100
21,8
21,8
23,5
23,3
De 101 à 150
22,1
22,2
24,8
24,5
De 151 à 200
22,3
22,8
24,8
24,5
De 201 à 300
22,1
22,3
25,4
25,2
De 301 à 400
-
-
25,5
25,5
> 400 élèves
-
-
26,6
26,6
Total
22,1
22,0
24,0
23,8
Source : Cour des comptes d’après AGAPE académie de Nantes. Ne sont retenues
que les structures comparables hors éducation spécialisée (notamment CLIS).
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ANNEXES
163
Nombre moyen des élèves par classe (E/C) des écoles primaires de
100 à 150 élèves
(rentrée 2011)
ECLAIR
RRS
Autres
∆
Max/Min
Bordeaux
23,0
23,0
24,6
6,9 %
Lille
22,4
22,5
24,8
10,7 %
Limoges
-
-
23,8
-
Nantes
22,1
22,2
24,8
12,3 %
Versailles
23,0
23,6
26,2
14,2 %
∆
Max/Min
4,3 %
6,3 %
10,2 %
Source : Cour des comptes d’après AGAPE des académies citées. Ne sont retenues
que les structures comparables hors éducation spécialisée (notamment CLIS)
Nombre moyen d’heures enseignants par élève (H/E) des collèges de
300 à 400 élèves (rentrée 2011)
ECLAIR
RRS
Autres
∆
Max/Min
Bordeaux
1,38
1,31
1,17
17,6 %
Lille
1,87
1,48
1,29
45,0 %
Limoges
1,48
1,41
1,22
21,3 %
Nantes
1,51
1,42
1,25
21,0 %
Versailles
1,61
1,42
1,23
31,1 %
∆
Max/Min
35,6 %
13,0 %
9,9 %
Source : Cour des comptes d’après EPP des académies citées. Ne sont retenues que
les structures comparables hors éducation spécialisée (notamment SEGPA)
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164
COUR DES COMPTES
7 -
Affectations
Barèmes simplifiés du mouvement inter-académique
et du mouvement intra-académique (académie de Nantes), 2012
Objet
Conditions
Inter
Intra
Ancienneté
Ancienneté de service
par échelon
7
7
Ancienneté de poste
par an
10
10
en plus par tranche de 4 ans
25
25
Priorités de mutation (loi du 11 janvier 1984)
Rapprochement de
conjoints
résidence du conjoint et zones
limitrophes
150,2
150,2
par enfant à charge
100
101
pour 1 an de séparation
50
75
pour 2 ans de séparation
275
150
pour 3 ans et plus de séparation
400
225
Personnels handicapés
1 000
1 000
Affectations prioritaires à
valoriser
pour 5 à 7 ans continus d’exercice dans
un établissement difficile
300
100
pour 8 ans et plus
400
200
Situation personnelle ou administrative
Rapprochement de la
résidence de l'enfant
120
150
Stabilisation TZR
après 5 ans
100
-
TZR
voeu sur département de ZR
-
200
Stagiaires anciens titulaires
pour ancienne académie d'affectation
1 000
1 000
Réintégration
pour ancienne académie d'affectation
1 000
1 000
Mesure de carte scolaire
pour établissement voisin de celui d'origine
1 500
Profil
Agrégé
pour voeu de lycée
-
200
Source : ministère de l’éducation nationale, DGRH et rectorat de Nantes. Principaux
critères hors Corse et Outre-mer ; conditions simplifiées
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ANNEXES
165
Composition des écoles par ancienneté des enseignants (académie de
Versailles, premier degré public, 2011)
En %
- de 5
ans
5 à 9
ans
10 à 14
ans
15 à 19
ans
20 ans
et +
Total
Maternelle
16,6
19,6
17,1
15,2
31,5
100,0
ECLAIR
24,7
31,9
17,0
9,9
16,4
100,0
RRS
23,0
27,2
18,5
12,3
18,9
100,0
Violents ou
sensibles
15,3
21,4
19,4
15,3
28,6
100,0
Autres
14,0
15,9
16,5
16,5
37,1
100,0
Primaire
18,7
22,5
17,2
13,7
27,9
100,0
ECLAIR
33,0
32,4
13,4
7,5
13,8
100,0
RRS
28,6
30,4
13,8
9,8
17,5
100,0
Violents ou
sensibles
20,0
21,5
15,4
14,0
29,1
100,0
Autres
15,0
19,7
18,5
15,2
31,6
100,0
Autres
13,5
17,1
16,2
14,5
38,6
100,0
Total
17,8
21,3
17,1
14,2
29,5
100,0
Source : Cour des comptes, d’après rectorat de Versailles (AGAPE)
Composition des collèges et lycées généraux par corps (académie de
Versailles, second degré public, 2011)
En %
Agrégés
Certifiés
EPS
PEGC
Total
Collège
5,9
78,8
14,4
0,9
100,0
ECLAIR
0,8
83,8
14,4
1,1
100,0
RRS
1,3
83,2
14,7
0,8
100,0
Violents ou sensibles
1,1
82,0
16,3
0,4
100,0
Autres
7,8
77,0
14,2
1,0
100,0
Lycée général
37,9
54,6
7,5
0,0
100,0
ECLAIR
4,6
79,4
16,0
0,0
100,0
Violents ou sensibles
10,4
77,4
12,2
0,0
100,0
Autres
41,6
51,5
6,8
0,0
100,0
Total
18,8
69,0
11,6
0,5
100,0
Source : Cour des comptes, d’après rectorat de Versailles (EPP). « EPS » regroupe
certifiés et agrégés d’EPS
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166
COUR DES COMPTES
8 -
Temps de service des enseignants
L’échantillon est constitué de l’académie de Versailles. Les
chiffres présentés sont ceux de l’enseignement public. Les données
concernant
l’enseignement
privé
ne
sont
pas
significativement
différentes : l’écart de temps de travail mesuré dans des cas identiques
reste inférieur à 2 %.
a)
Le temps de service selon l’établissement d’exercice
Temps de service hebdomadaire des certifiés entre 15 et 19 ans
d’ancienneté, exerçant en collège (académie de Versailles, 2011)
En heures
ECLAIR
RRS
Vio/Sens
(*)
Autres
Total
Heures postes
18,00
18,00
18,00
18,00
18,00
HSA
1,43
1,76
1,43
1,59
1,60
Décharges
0,43
0,34
0,00
0,25
0,26
HP+HSA-décharges
19,00
19,43
19,43
19,34
19,34
Ecart type
3,34
2,68
1,20
2,39
2,43
Ecart à la moyenne
-1,8 %
0,4 %
0,4 %
0,0 %
0,0 %
Source : Cour des comptes, d’après rectorat de Versailles (EPP).
(*) « Vio/Sens » désigne les établissements classés en zone « violence » ou en zone
urbaine sensible (ZUS)
b)
Le temps de service selon le profil de l’enseignant
Temps de service hebdomadaire des certifiés en collège, selon leur
ancienneté en années (académie de Versailles, 2011)
En heures
- de 5
ans
5 à 9
ans
10 à
14 ans
15 à
19 ans
20 à
29 ans
30 ans
et +
Total
Heures postes
18,00
18,00
18,00
18,00
18,00
18,00
18,00
HSA
1,52
1,67
1,60
1,60
1,40
1,18
1,50
Décharges
0,04
0,09
0,27
0,26
0,17
0,36
0,17
HP+HSA-décharges
19,48
19,58
19,33
19,34
19,23
18,82
19,33
Ecart type
1,61
1,70
2,48
2,43
1,94
2,61
2,06
Ecart à la moyenne
0,8 %
1,3 %
0,0 %
0,1 %
-0,5 %
-2,6 %
0,0 %
Source : Cour des comptes, d’après rectorat de Versailles (EPP)
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ANNEXES
167
9 -
Rémunération des enseignants
La Cour a conduit une analyse à partir des traitements
effectivement
versés
en
2011
103
à
une
population
de
plus
de
230 000 enseignants (académies des Bordeaux, Lille, Limoges, Nantes et
Versailles), représentant 26,3 % de la totalité des enseignants des premier
et second degrés, relevant de l’enseignement public et de l’enseignement
privé sous contrat.
Cette analyse a été réalisée à partir des fichiers de personnels
transmis par les rectorats, ainsi qu’à partir des fichiers de paye de l’année
2011 transmis par la direction générale des finances publiques (DGFIP).
Tous les éléments constituant la rémunération des enseignants ont été pris
en compte, à l’exception de certains relevant de spécificités personnelles
(supplément familial de traitement, mutuelle, remboursement domicile-
travail). La rémunération des enseignants travaillant à temps partiel a été
convertie en équivalent temps plein, en tenant compte des indemnités
dont le montant n’est pas proratisé.
Les montants figurant ci-dessous sont exprimés en euros courants
et non en euros corrigés des parités de pouvoir d’achat, unité utilisée par
l’OCDE. Ils ne sont donc pas directement comparables aux chiffres
figurant dans le tableau n° 8 du chapitre III reprenant les données de
l’OCDE.
Moyenne des rémunérations nettes mensuelles versées en 2011 aux
enseignants du secteur public
Après un an de
carrière
A 15 ans de
carrière
A 30 ans de
carrière
Professeurs des écoles
1 801 €
2 135 €
2 438 €
Certifiés
1 843 €
2 473 €
3 128 €
Agrégés
2 268 €
3 216 €
3 959 €
Agrégés en CPGE
-
4 108 €
4 812 €
Chaire supérieure
-
5 289 €
5 745 €
Source: Cour des comptes à partir d’un échantillon de 227 000 fichiers de paie
103
Des modifications intervenues en 2012 sont de nature à modifier légèrement les
résultats. Le salaire des certifiés a légèrement progressé en début de carrière sous
l’effet d’une revalorisation des échelons de la grille indiciaire qui leur est applicable.
Le salaire net de tous les fonctionnaires a baissé du fait de la majoration du taux de
cotisations aux pensions civiles de l’État, et de la diminution de l’abattement servant
au calcul de l’assiette de la CSG et de la CRDS.
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168
COUR DES COMPTES
a)
La rémunération des enseignants en collège et en lycée dans
l’enseignement public
Moyenne des rémunérations annuelles versées aux certifiés et
équivalents en 2011
En euros
1 an
d’ancienneté
15 ans
d’ancienneté
30 ans
d’ancienneté
Echantillon concerné
1 180
1382
483
Traitement brut moyen
26 227
34 948
44 409
Traitement net moyen
22 121
29 670
37 531
Traitement net le plus bas
18 986
23 065
26 336
Moyenne des 5 % des
traitements les plus bas
20 098
25 240
29 256
Moyenne des 5 % des
traitements les plus hauts
27 267
38 324
47 223
Traitement net le plus
élevé
31 782
49 815
55 798
Ecart-type
1 612
3 062
4 419
Rapport entre 5 % le plus
élevé et le plus bas
1,36
1,52
1,61
Rapport entre traitement
le plus élevé et traitement
le plus bas
1,67
2,16
2,12
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP. 1 an d’ancienneté correspond aux certifiés entrés au 1
er
septembre 2010 en
fonction
Les professeurs de lycée professionnel (PLP) et les professeurs
d’éducation physique et sportive (PEPS) gagnent théoriquement autant
que les certifiés. Dans les faits, il est observé que les PEPS avancent un
peu moins rapidement que les certifiés. En revanche, les PLP avancent un
peu plus rapidement et font davantage d’heures supplémentaires (+ 461 €
en moyenne par an)
104
.
104
L’importance des heures supplémentaires faites par les professeurs de lycée
professionnels s’explique par un changement d’ORS qui sont passées de 23h à 18h
par décret n° 2000-753 du 1
er
août 2000.
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ANNEXES
169
Moyenne des rémunérations annuelles versées agrégés (hors CPGE)
en 2011
En euros
1 an
d’ancienneté
15 ans
d’ancienneté
30 ans
d’ancienneté
Echantillon concerné
181
274
170
Traitement brut moyen
32 247
45 260
55 590
Traitement net moyen
27 221
38 589
47 505
Traitement net le plus bas
22 636
29 397
34 997
Moyenne des 5 % des
traitements les plus bas
25 126
31 468
37 263
Moyenne des 5 % des
traitements les plus hauts
31 838
51 933
65 304
Traitement net le plus
élevé
36 647
61 271
76 235
Ecart-type
2 372
4 775
6 604
Rapport entre 5 % le plus
élevé et le plus bas
1,27
1,65
1,75
Rapport entre traitement
le plus élevé et traitement
le plus bas
1,62
2,08
2,18
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP
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170
COUR DES COMPTES
Moyenne des rémunérations annuelles versées aux agrégés
enseignant en CPGE et aux professeurs de chaire supérieure en 2011
En euros
10 à 20 ans
d’ancienneté
25 à 35 ans
d’ancienneté
agrégés
chaires
sup.
agrégés
chaires
sup.
Echantillon concerné
392
66
190
229
Traitement brut moyen
56 296
70 933
66 135
77 810
Traitement net moyen
49 296
63 470
57 745
68 942
dont moyenne des HSA
8 228
14 627
8 537
13 906
dont moyenne des heures
d’interrogation
5 661
8 550
4 425
7 556
Traitement net le plus bas
32 143
34 476
40 908
36 879
Moyenne des 5 % des
traitements les plus bas
34 802
38 613
43 000
43 553
Moyenne des 5 % des
traitements les plus hauts
69 781
92 190
79 239
94 953
Traitement net le plus
élevé
79 677
97 979
107 339
102 609
Ecart-type
8 829
15 119
898
12 393
Rapport entre 5 % le plus
élevé et le plus bas
2,01
2,39
1,84
2,18
Rapport entre traitement
le plus élevé et traitement
le plus bas
2,48
2,84
2,62
2,78
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP
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ANNEXES
171
b)
Les professeurs des écoles et les instituteurs à l’école primaire
Moyenne des rémunérations annuelles versées aux professeurs des
écoles en 2011
En euros
1 an
d’ancienneté
15 ans
d’ancienneté
30 ans
d’ancienneté
Echantillon concerné
1 684
1 313
1 157
Traitement brut moyen
25 598
30 677
34 971
Traitement net moyen
21 606
25 616
29 250
Traitement net le plus bas
18 087
20 144
21 303
Moyenne des 5 % des
traitements les plus bas
19 594
23 233
25 392
Moyenne des 5 % des
traitements les plus hauts
24 824
30 128
36 371
Traitement net le plus
élevé
26 543
38 374
42 761
Ecart-type
1 183
1 607
2 712
Rapport entre 5 % le plus
élevé et le plus bas
1,27
1,30
1,43
Rapport entre traitement
le plus élevé et traitement
le plus bas
1,47
1,90
2,01
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP
En moyenne, le traitement net annuel d’un professeur des écoles
est de 21 606 € (1 800 €/mois) en début de carrière et de 29 250 €
(2 437 €/mois) en fin de carrière. Si les rémunérations des professeurs des
écoles et des certifiés sont assez proches en début de carrière, l’écart se
creuse par la suite : à 30 ans d’ancienneté, un professeur certifié gagne en
moyenne 22 % de plus qu’un professeur des écoles. Il faut toutefois
relativiser cette différence, car les professeurs des écoles qui ont
aujourd’hui 30 ans d’ancienneté n’ont pas accompli toute leur carrière
dans ce corps qui n’a été créé qu’en 1990.
Quant aux instituteurs, corps de catégorie B, il s’agit d’un corps en
voie d’extinction. En effet, le décret n° 90-680 du 1
er
août 1990 qui a créé
le nouveau corps des professeurs des écoles, corps de catégorie A, a
organisé les modalités d’intégration des instituteurs dans ce nouveau
corps. Aujourd’hui, la population des instituteurs ne représente que 2 %
de la population totale des enseignants du premier degré. Parmi les
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172
COUR DES COMPTES
enseignants
à
30 ans
d’ancienneté,
l’échantillon
retenu
compte
56 instituteurs et 1 157 professeurs des écoles.
Globalement, après 30 ans de carrière, la rémunération brute
annuelle d’un instituteur est inférieure de 12,1 % à celle d’un professeur
des écoles (30 756 € pour un instituteur, contre 34 971 € pour un
professeur des écoles), en raison d’une grille indiciaire inférieure. Si les
instituteurs souffrent d’absence de perspectives de carrière, leur choix de
rester dans ce corps tient essentiellement à la volonté de conserver le
bénéfice d’un logement de fonction dont l’avantage n’est pas ouvert aux
professeurs des écoles.
c)
L’enseignement privé sous contrat
L’étude de la rémunération des enseignants du secteur privé sous
contrat n’a porté que sur la catégorie des enseignants ayant 15 ans
d’ancienneté afin de disposer d’un échantillon significatif. Elle est
complétée par une comparaison avec la rémunération des enseignants du
secteur public.
Les enseignants du secteur privé sous contrat ont un traitement brut
comparable à celui des enseignants du secteur public, mais un traitement
net moyen inférieur du fait de cotisations sociales plus élevées. Ils
relèvent en effet de régimes différents de celui des personnels titulaires de
la fonction publique de l’Etat.
Pour les certifiés par exemple, la différence de rémunération nette
est de 6,9 % en moyenne. Les écarts se creusent au niveau des traitements
les plus bas : - 17,6 % pour le privé. En effet, les enseignants du privé en
sous-service ne sont rémunérés que pour les heures de cours assurées,
alors que dans le public ils sont rémunérés sur la base du plein temps.
À
contrario
, le traitement le plus élevé du privé est supérieur à celui du
public (+ 3,4 %), les certifiés du privé étant plus sollicités pour assurer
des heures d’interrogation en classes préparatoires que leurs homologues
du public.
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ANNEXES
173
Moyenne des rémunérations annuelles versées aux enseignants
certifiés de l’enseignement privé sous contrat de 15 ans d’ancienneté
en 2011
En euros
Privé
s/contrat
Public
Ecart
Echantillon concerné
522
1 382
-
Traitement brut moyen
34 582
34 948
- 1,05 %
Traitement net moyen
27 627
29 670
- 6,89 %
Traitement net/traitement brut
79,89 %
84,90 %
Traitement net le plus bas
19 023
23 065
- 17,52 %
Moyenne des 5 % des traitements les
plus bas
21 275
25 240
- 15,71 %
Moyenne des 5 % des traitements les
plus hauts
39 640
38 324
3,43 %
Traitement net le plus élevé
56 776
49 815
13,97 %
Ecart-type
4 385
3 062
-
Rapport entre 5 % le plus élevé et le
plus bas
1,86
1,52
-
Rapport entre traitement le plus élevé
et traitement le plus bas
2,98
2,16
-
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP
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174
COUR DES COMPTES
Moyenne des rémunérations annuelles versées professeurs des écoles
de l’enseignement privé sous contrat de 15 ans d’ancienneté en 2011
En euros
Privé
s/contrat
Public
Ecart
Echantillon concerné
258
1 313
Traitement brut moyen
30 410
30 677
-0,87 %
Traitement net moyen
23 457
25 616
-8,43 %
Traitement net/traitement brut
77,14 %
83,50 %
Traitement net le plus bas
19 613
20 144
-2,64 %
Moyenne des 5 % des traitements les
plus bas
20 733
23 233
-10,76 %
Moyenne des 5 % des traitements les
plus hauts
28 716
20 128
-4,69 %
Traitement net le plus élevé
32 917
38 374
-14,22 %
Ecart-type
1 907
1 607
Rapport entre 5 % le plus élevé et le
plus bas
1,39
1,30
Rapport entre traitement le plus élevé
et traitement le plus bas
1,68
1,90
Source : Cour des comptes à partir d’EPP et des données de rémunération de la
DGFIP
d)
Les remplaçants sous contrat dans le public et le privé
Les conditions financières de recrutement des contractuels de
courte
durée
ont
été
analysées
pour
l’enseignement
public
et
l’enseignement privé de l’académie de Versailles.
Sur un échantillon de 1 455 contrats passés dans l’enseignement
public en 2011, il a été observé que 20,4 % d’entre eux ont été recrutés à
l’indice majoré (IM) 410 et 20,9 % à l’IM 431, indices correspondant
respectivement au 3
ème
et 4
ème
échelons de la grille 2011 des professeurs
certifiés de classe normale. Les 5 % les moins bien rémunérés sont
recrutés à l’IM 321, indice ne figurant pas dans la grille des certifiés, et le
mieux rémunéré l’a été à l’IM 782, indice très proche du dernier échelon
de la hors classe.
Sur un échantillon de 237 contrats passés dans l’enseignement
privé, il a été observé que 81,5 % d’entre eux ont été passés à l’IM 321.
Le contrat le plus important a été fait à l’IM 585.
Ainsi, plus des quatre cinquièmes des enseignants, recrutés pour
des contrats de courte durée dans l’enseignement privé, le sont à l’indice
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retenu pour les 5 % les moins bien rémunérés de l’enseignement public.
Ces disparités de traitement font craindre qu’une concurrence ne
s’établisse entre le public et le privé pour attirer les personnels
contractuels. Les enseignants contractuels rencontrés ont cependant
expliqué avoir choisi l’enseignement privé pour l’environnement
professionnel plus que pour la rémunération.
Les rectorats n’y voient aucune difficulté dès lors que les viviers
de remplaçants sont distincts. L’administration centrale explique que le
niveau de recrutement est réglementaire et qu’il n’y a pas lieu de modifier
les textes en vigueur.
10 -
Évaluation
Projection du nombre d’années séparant deux inspections sur la base
des notes pédagogiques attribuées en 2010-2011 et des effectifs en
2011-2012
En années
Versailles
Lille
Limoges
Nantes
Bordeaux
Allemand
6,7
4,4
NS
8,1
6,9
Anglais
8,4
11,7
7,2
7,7
7,4
Arts plastiques
7,4
7,5
4,6
8,0
16,1
Educ. musicale
5,5
5,1
7,7
11,1
9,6
EPS
14,9
7,7
4,6
9,5
9,4
Espagnol
NS
7,1
2,8
6,7
9,5
Histoire-géo.
8,8
9,0
4,0
8,3
6,2
Italien
11,6
9,2
6,5
6,6
12,7
Lettres
11,8
8,0
10,4
6,9
10,7
Mathématiques
9,2
8,3
7,7
5,8
9,4
Philosophie
4,4
3,2
9,6
7,4
13,4
Russe
16,2
NS
3,0
5,0
5,4
Sc. physiques
8,4
6,9
11,5
5,5
9,0
SES
8,0
7,0
10,0
5,0
6,3
SVT
6,7
6,7
4,2
7,6
7,7
Moyenne
pondérée
10,6
8,1
7,1
7,4
9,1
Source : Cour des comptes à partir d’emploi, poste, personnel (EPP) et des données
académiques d’inspection
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COUR DES COMPTES
Annexe n ° 2
La gestion des enseignants à l’étranger :
L’exemple du Canada (Ontario)
Au Canada, l’éducation est une compétence décentralisée au
niveau des provinces. L’Ontario, province la plus peuplée, compte
2,1 millions d’élèves (dont 95 % fréquentent l’enseignement public),
135 000
enseignants
dans
l’enseignement
public
et
près
de
5 000 établissements
(4 000
écoles
élémentaires
et
900
écoles
secondaires).
L’Ontario est divisée en 72 conseils scolaires de district, qui
regroupent un réseau d’écoles, assurent une partie de la gestion
(notamment le recrutement et l’affectation des enseignants).
L’Ontario a conduit à partir de 2003 une réforme éducative
d’ensemble
qui s’est traduite par des résultats spectaculaires au plan
interne
105
. Ses excellents résultats aux évaluations internationales
106
confirment le succès de la démarche entreprise.
1 -
La conduite du changement en Ontario
La réforme éducative de l’Ontario repose sur des principes issus de
la recherche en économie de l’éducation
107
:
a)
Un nombre restreint d’objectifs et une continuité politique dans
leur poursuite
Le nombre d’objectifs du système a été limité à trois : « de hauts
niveaux de rendement des élèves », « la réduction des écarts en matière
105
Dans l’élémentaire, la proportion d’élèves qui atteignent ou surpassent la norme
provinciale en lecture, en écriture et en mathématiques est passée de 54 % en 2003 à
67 % en 2009. Dans le secondaire, le taux d’obtention d’un diplôme en Ontario est
passé de 68 % en 2003-2004 à 79 % en 2008-2009.
106
30 points de plus que la moyenne de l’OCDE en mathématiques et en culture
scientifique, 38 points de plus en lecture, écart équivalent à près d’une année de
scolarité (39 points).
107
Ces principes sont notamment issus des travaux de Michael Fullan, professeur à
l'institut d'études en éducation de l'Ontario (OISE) de l'université de Toronto et
conseiller spécial « éducation » du Premier ministre.
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de rendement des élèves », « l’accroissement de la confiance du public
dans l’éducation publique ». Le premier de ces objectifs, qui est le seul à
être chiffré, consiste dans l’élémentaire à accroître l’acquisition de
compétences en littératie et en numératie chez les élèves (passer de 54 %
à 75 % d’atteinte de compétences fondamentales, dites « de niveau 3 ») et
dans le secondaire à améliorer le taux de diplomation (passer de 68 % à
85 % de réussite au diplôme d’études secondaires). Ces priorités sont
restées les mêmes depuis 2003.
b)
De nouvelles méthodes de travail pour l’administration : gestion en
mode projet et renforcement du « leadership »
La réforme éducative est aussi passée par la transformation des
structures de l’administration et de ses méthodes de travail. La recherche
en éducation reconnaît en effet largement que le
« leadership
pédagogique »
est un des facteurs clés pour favoriser l’amélioration de
l’apprentissage chez les élèves.
Au niveau de l’administration centrale, la gestion en mode projet et
le « leadership » ont été développés avec la création d’un secrétariat à la
littératie et à la numératie (SLN), chargé de mettre en oeuvre la réforme
dans l’élémentaire, ainsi que d’une direction des politiques stratégiques
en matière de réussite des élèves et d’apprentissage jusqu’à l’âge de
18 ans, chargée de la réforme dans le secondaire. Structuré en sept
équipes régionales, le SLN travaille directement avec les conseils
scolaires de district et les écoles. Chaque équipe régionale est composée
de leaders pédagogiques, appelés « agents du rendement des élèves », qui
ont une expérience récente en tant qu’enseignants, directeurs, ou
dirigeants des conseils scolaires de district. Le SLN a également pour
mission de détecter et transmettre les bonnes pratiques.
Dans les conseils scolaires et les écoles et établissements, le
renforcement du «
leadership
» s’est traduit par le déploiement à
l’automne 2008 de la «
stratégie ontarienne en matière de leadership
»,
dont le but était de doter les conseils scolaires comme les écoles et
établissements de «
leaders
» capables de mener à bien l’ampleur de la
réforme éducative.
c)
Les liens avec le milieu de la recherche
La réforme vise également à accroître la capacité de recherche
dans l’ensemble du système. Le gouvernement a ainsi créé la « stratégie
ontarienne de recherche en éducation » en 2005 afin que les politiques
mises en oeuvre soient fondées sur des faits étayés par la recherche.
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COUR DES COMPTES
d)
Une priorité absolue accordée à la motivation des enseignants
Cette priorité accordée par les concepteurs de la réforme repose sur
le poids de « l’effet maître » et le postulat de départ qu’un enseignant
motivé enseignera mieux et plus efficacement qu’un enseignant qui ne
l’est pas. Il en résulte plusieurs axes fondamentaux de la stratégie de
réforme qui seront décrits plus bas : l’accent mis sur la formation
continue offerte aux enseignants, la création de nouvelles fonctions au
sein des conseils scolaires et des écoles afin d’offrir des possibilités
d’évolution de carrière aux enseignants, l’importance accordée au travail
en équipe afin de rompre l’isolement des enseignants, la hausse de la
rémunération des enseignants, etc.
2 -
L’évaluation du besoin des élèves au fondement des politiques
scolaires
a)
Un système d’évaluation des résultats des élèves à l’échelle
provinciale
Lors de la précédente réforme éducative de 1996, avait été créé
l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE),
organisme d’évaluation indépendant chargé de gérer, de recueillir et de
publier les données annuelles sur le rendement des élèves aux évaluations
provinciales. Des tests exhaustifs sur les compétences des élèves en
lecture, en écriture et en mathématiques à différentes étapes de leur
scolarité (3
ème
, 6
ème
, 9
ème
et 10
ème
année) sont en effet organisés chaque
année à l’échelle de la province et administrés par l’OQRE. Selon le
ministère, ce programme d’évaluations provincial représente un coût
annuel de 17 CAD (dollars canadiens) par élève.
La réforme éducative de 2003 s’est accompagnée de la création de
nouveaux outils permettant d’intégrer les données de l’OQRE à d’autres
sources afin d’avoir une vue plus complète des performances des élèves,
tels que le système d’information scolaire de l’Ontario (SISOn), mis en
place en 2005 pour recueillir et gérer les dossiers individuels des élèves.
b)
… qui fonde l’ensemble des politiques scolaires
Les données issues des tests de l’OQRE sont utilisées par tous les
acteurs :
enseignants,
directions
d’école,
conseils
scolaires
et
gouvernement provincial, pour en déduire les besoins des élèves et les
stratégies à mettre en oeuvre chacun à son niveau.
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S’agissant de l’échelon provincial, c’est à partir des données de
l’OQRE que le ministère élabore ses politiques et modes d’intervention.
Elles servent par exemple à orienter le programme de perfectionnement
professionnel des enseignants ou à définir, en lien avec les conseils
scolaires, des stratégies adaptées au contexte local.
Ces données sont également utilisées par le ministère pour
attribuer des moyens supplémentaires aux établissements qui apparaissent
en difficulté aux évaluations provinciales, dans le cadre d’une stratégie
d’ « intervention sans sanction », visant à soutenir les écoles en difficultés
sans les stigmatiser. Deux dispositifs existent ainsi, l’un à destination des
écoles élémentaires (partenariat d’interventions ciblées de l’Ontario –
PICO), l’autre à destination des écoles secondaires (initiative de soutien
aux écoles pour la réussite des élèves des écoles secondaires). Ils
permettent de repérer les écoles et conseils scolaires qui comptent un
nombre important d’élèves dont le « rendement » ne correspond pas aux
normes provinciales. Ces écoles et conseils bénéficient alors d’un soutien
accru sous forme de ressources humaines et financières et de possibilités
de perfectionnement professionnel.
c)
Une formule de répartition des moyens entre les 72 conseils
scolaires qui tient compte des besoins des élèves
L’enveloppe allouée aux conseils scolaires résulte de l’addition
d’une subvention « de base », qui octroie le même financement par élève
et par école, et d’une subvention « à des fins particulières » qui vise à
prendre en compte les coûts et les besoins précis de certains conseils
scolaires et de certains élèves.
La subvention de base se décompose en deux catégories :
-
la subvention de base pour les élèves, qui est une allocation par
élève destinée à financer les volets de l’éducation en salle de
classe dont tous les élèves ont besoin de manière générale :
salaires et avantages sociaux du personnel enseignant, des
aides-enseignants, des services de bibliothèque et d’orientation,
des conseillers pédagogiques, des enseignants pour la réussite
des élèves, des enseignants spécialisés ; manuels scolaires ;
fournitures de classe ; ordinateurs de classe ;
-
la subvention de base pour les écoles, qui est une allocation par
école/établissement destinée à financer le coût de la direction et
de la gestion interne des écoles (salaires et avantages sociaux
des chefs d’établissement, directeurs d’école, de leurs adjoints
ainsi que du personnel de soutien administratif).
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Les subventions à des fins particulières tiennent compte des
différences entre les conseils scolaires « en fonction de leur emplacement
et de leur profil », entre les écoles et entre les élèves qui nécessitent des
niveaux de soutien différents « en fonction de leur lieu de résidence et de
leurs besoins ». Il existe 12 subventions à des fins particulières pour
l’année scolaire 2012-2013. La plus importante financièrement, qui
représente près de 26 % des subventions particulières et 12 % du total des
subventions pour l’année, est la subvention pour l’éducation de l’enfance
en difficulté.
La part des subventions à des fins particulières est très importante
dans le total de l’enveloppe allouée aux conseils scolaires. Au niveau
provincial, elle représente ainsi 44 % du total mais peut dépasser 60 %
dans certains conseils scolaires
108
. Il en résulte que le financement par
élève varie considérablement d’un conseil scolaire à l’autre : les écarts
vont ainsi de 9 914 CAD à 27 084 CAD sur l’année scolaire 2011-12.
3 -
Temps de travail, rémunération et parcours de carrière
Le temps de travail, la rémunération et les différentes fonctions
possibles au cours de la carrière des enseignants sont fixés par des
conventions collectives signées par les conseils scolaires avec les
organisations syndicales correspondantes
109
. Les informations reproduites
ci-dessous sont tirées de deux conventions collectives dont la Cour a eu
connaissance : celle du conseil scolaire de district du centre-sud-ouest et
celle du conseil scolaire de district catholique centre-sud, toutes deux
signées avec l’AEFO. Elles convergent sur les différents points évoqués.
a)
Le temps de travail
L’année scolaire compte au moins 194 jours de classe en Ontario.
La semaine scolaire est de cinq jours dans le premier et le second degré
(du lundi au vendredi), avec une durée journalière d’enseignement fixée à
300 minutes (habituellement réparties entre 9h et 15h30). Dans
l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, les
journées comportent quatre séquences d’enseignement de 75 minutes
108
60 % par exemple au sein du conseil scolaire des Aurores Boréales ou 64 % au
sein de celui de Superior-Greenstone.
109
Il existe quatre organisations syndicales en Ontario : l’ETFO (elementary teachers’
federation of Ontario), l’OSSTF (Ontario secondary school teachers’ federation),
l’OECTA : Ontario english catholic teachers’ association), et l’AEFO (association des
enseignantes
et
enseignants
franco-ontariens).
Les
enseignants
sont
tous
obligatoirement affiliés à un syndicat.
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chacune (deux le matin, deux l’après-midi, avec une pause déjeuner d’au
moins 40 minutes et des récréations de 10 à 15 minutes entre chaque
séquence).
Le temps de travail des enseignants ontariens fonctionne sur une
base hebdomadaire, mais va au-delà des seules heures d’enseignement :
-
dans l’élémentaire, le temps de travail s’élève au total à
1 500 minutes
par
semaine,
qui
se
décomposent
en
1 260 minutes de « temps d’enseignement » et 240 minutes de
« temps de préparation » par cycle de cinq jours. L’enseignant
est laissé libre par la convention collective
« d’accomplir des
tâches pédagogiques de son choix » pendant ce temps de
préparation. En outre, deux journées pédagogiques sont
consacrées à « l’évaluation et la préparation des bulletins » ;
-
dans le secondaire, les enseignants sont chargés de trois
périodes de 75 minutes d’enseignement par jour et peuvent en
plus
être
affectés
à
des
« tâches
pédagogiques
complémentaires », définies par la convention collective
comme « suppléance interne, surveillance, mentorat ». La
fréquence et la durée de ces tâches complémentaires sont
précisément fixées par la convention collective. Le temps
consacré au mentorat, qui s’élève à 15 minutes hebdomadaires,
est annualisable : « le temps de mentorat ainsi accumulé peut
être réparti au cours de l’année scolaire pour répondre aux
besoins de l’école ». Le temps consacré à la suppléance interne
est au maximum de 12 périodes de 75 minutes (ou 24 demi-
périodes) par an. Le temps consacré à la surveillance atteint au
maximum 45 minutes par semaine. Il est réparti au prorata du
temps d’affectation des enseignants dans chaque école.
Il faut ajouter que l’exercice du droit de grève est interdit pendant
la période d’application de la convention collective.
b)
La rémunération
La rémunération est déterminée par les conseils scolaires en
fonction des qualifications des enseignants telles que validées par l’Ordre
des enseignantes et enseignants de l’Ontario (OEEO
cf. infra
) ainsi que
de leur ancienneté. Sans être identiques, les grilles de rémunération sont
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très proches dans les deux conventions collectives précitées
110
et
connaissent dans les deux cas une évolution à la hausse sur les quatre
années de validité de la convention. Les mêmes grilles s’appliquent au
premier et au second degré.
c)
Les fonctions d’encadrement intermédiaires
Il
existe
plusieurs
possibilités
de
postes
d’encadrement
intermédiaires (appelés «
postes à responsabilités
») pour les enseignants
ontariens, identifiées dans les conventions collectives et rémunérées par
une prime spécifique. Les postes ne sont toutefois pas identiques dans les
deux conventions collectives.
Comme responsabilités communes au premier et au second degré,
on peut citer les conseillers pédagogiques.
Affectés à plusieurs écoles,
leur rôle est d’assurer des formations pour les enseignants. Ils sont
nommés pour une durée maximale de deux ans renouvelable et sont
rémunérés par une prime
111
.
Il existe par ailleurs plusieurs catégories de postes spécifiques à
l’enseignement secondaire, tels que :
-
« responsables de dossiers » transversaux. Il existe quatre
« dossiers » possibles : services à l’élève (enfance en difficulté,
orientation, mentorat, etc.), activités périscolaires (animation
culturelle, activités sportives, etc.), communication (relations
publiques, journal de l’école, etc.), programmation (mise en
oeuvre des programmes, achets et gestion du matériel
didactique). Le nombre des responsables de dossiers est
proportionnel à l’effectif d’élèves de l’établissement ; ils sont
nommés pour une durée maximale de deux ans renouvelable et
sont rémunérés par une prime de 1 854 CAD pour l’année
scolaire 2011-2012 ;
-
« équipes d’appui » : elles sont composées de « responsables de
secteur » et de « facilitateurs » dont le nombre est fixé en
fonction de l’effectif d’élèves. Les responsables de secteur
bénéficient d’une prime de 3 518 CAD annuelle et les
facilitateurs d’une prime de 1759 CAD annuelle.
110
Dans un cas, la rémunération est comprise dans une fourchette annuelle allant de
40 622 CAD à 94 614 CAD et dans l’autre dans une fourchette comprise entre
44 267 CAD à 94 613 CAD.
111
Cette prime atteint un montant de 4 188 $ pour l’année scolaire 2011-2012 dans la
convention collective du conseil scolaire de district catholique centre-sud.
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4 -
La formation continue
a)
Le rôle de l’Ordre des enseignants (OEEO)
Créé en 1997, l’Ordre des enseignants et enseignantes de l’Ontario
(OEEO) est un organisme indépendant du ministère dont le mandat est de
prévoir le perfectionnement professionnel de ses membres. Il valide la
formation continue des enseignants selon un mécanisme basé en amont
sur la validation des formations offertes par des « fournisseurs » et, en
aval, par la délivrance aux enseignants en exercice de « cartes de
compétences »
reconnaissant
des
« qualifications
additionnelles ».
L’OEEO est dirigé par un conseil de 37 membres (23 représentants des
enseignants élus par leurs pairs et 14 membres du public nommés par le
gouvernement
provincial).
L’OEEO
compte
220 000
membres.
L’adhésion est obligatoire pour tout enseignant souhaitant exercer en
Ontario, qui dispose d’un dossier individuel consultable sur le site
internet de l’Ordre et récapitulant tout son parcours professionnel
(formation initiale, qualifications additionnelles, postes occupés, etc.).
b)
Le système des qualifications additionnelles
La formation continue est organisée sur le principe de « cartes de
compétences » reconnaissant des « qualifications additionnelles » (QA) et
des « qualifications de base additionnelles » (QBA). Les premières
permettent aux enseignants d’approfondir leurs connaissances et
compétences dans une matière ou un cycle d’enseignement pour lesquels
ils ont déjà la qualification, tandis que les secondes leur permettent
d’obtenir les qualifications pour enseigner dans un autre cycle ou une
autre matière que leurs qualifications initiales. Ces qualifications peuvent
être acquises lors de formations dont les contenus sont validés par
l’OEEO. Les qualifications additionnelles obtenues par les enseignants
sont validées par le conseil de l’Ordre et intégrées au dossier de
l’enseignant. Il faut en moyenne 125 heures pour obtenir une qualification
additionnelle.
Parmi les dix qualifications additionnelles les plus recherchées par
les enseignants dans le cadre de leur formation continue, les modules
« Education de l’enfance en difficulté, partie 1 » et « Education de
l’enfance en difficulté, partie 2 » apparaissent respectivement en première
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et deuxième position, le module « Education de l’enfance en difficulté,
spécialiste » arrivant en 5
ème
position
112
.
Les enseignants sont libres de s’inscrire dans les formations de leur
choix, à condition toutefois d’obtenir de leurs administrations locales
(établissement et conseil scolaire) : i) l’autorisation de s’absenter ; ii) le
financement de leur remplacement ; iii) et éventuellement le financement
de l’action de formation visée (ce dernier point est facultatif,
l’administration pouvant demander à l’enseignant de financer lui-même
sa participation).
c)
Lien avec la rémunération et le parcours de carrière
Certaines qualifications additionnelles sont reconnues à des fins
salariales et permettent de progresser dans la grille de rémunération.
Elles sont également le moyen pour un enseignant qui le souhaite
d’évoluer dans son parcours de carrière en accédant à de nouvelles
responsabilités.
Les
qualifications
additionnelles
permettent
ainsi
d’accéder au sein d’un établissement aux fonctions de conseiller
pédagogique dans une matière, de directeur d’école ou encore, à l’échelle
d’un conseil scolaire, aux fonctions de coordonnateur de programme ou
d’agent de supervision.
5 -
Les dispositifs d’appui aux enseignants et l’incitation au
travail en équipe
a)
Un dispositif spécifique aux nouveaux enseignants : le programme
PIPNPE (programme d’insertion professionnelle du nouveau
personnel enseignant)
Ce programme, destiné aux nouveaux enseignants exclusivement,
consiste en une année complète de soutien et inclut notamment : « un
mentorat
assuré
par
un
enseignant
chevronné »
ainsi
qu’ « un
perfectionnement professionnel et une formation dans des domaines tels
que : i) la littératie et la numératie (…) ii) la gestion d’une classe, les
compétences en matière de communication efficace avec les parents ; et
112
Les dix stages les plus populaires menant à une qualification additionnelle sont les
suivants : éducation de l’enfance en difficulté – partie 1, éducation de l’enfance en
difficulté – partie 2, anglais langue seconde – partie 1, lecture – partie 1, éducation de
l’enfance en difficulté, spécialiste, études religieuses – partie 1, spécialiste en études
supérieures, français langue seconde – partie 1, jardin d’enfants, orientation et
formation au cheminement de carrière – partie 1.
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les stratégies d’enseignement axées sur l’apprentissage et la culture des
élèves ayant des besoins particuliers et autres élèves ». En fin de
programme,
le
participant
doit
obtenir
deux
notes
de
niveau
« satisfaisant » aux évaluations dites de « rendement du nouveau
personnel enseignant » pour que sa réussite au programme apparaisse sur
le certificat de qualification et d’inscription à l’OEEO. Le soutien apporté
au cours du PIPNPE peut prendre la forme de visite d’une classe avec le
ou les mentors, de préparation conjointe de cours ou de co-enseignement
b)
Les enseignants qui ne sont pas devant classe
La volonté de redonner une motivation aux enseignants s’est
notamment traduite par la création de nouvelles fonctions visant à venir
en appui aux enseignants – et qui leur offrent par la même occasion des
perspectives de carrière.
Au
sein
des
établissements,
deux
nouvelles
catégories
d’enseignants déchargés de cours ont ainsi été créées : outre les
conseillers
pédagogiques
susmentionnés,
des
« enseignants
accompagnateurs » peuvent également être nommés dans les écoles
ciblées par le conseil scolaire en fonction de leurs résultats aux
évaluations provinciales. Affectés à temps plein, ils n’ont pas de rôle de
supervision mais aident les enseignants en participant à la préparation de
leurs cours ou en intervenant conjointement avec eux en classe. Ces
enseignants accompagnateurs ne touchent pas de prime pour assurer cette
mission, mais ceci correspond à une fonction différente dans le métier
d’enseignant.
Par ailleurs, une nouvelle fonction a été créée au sein des
72 conseils scolaires : les « leaders pour la réussite des élèves », chargés
d’appuyer la mise en place de la réforme dans le secondaire seulement et
au niveau de « surintendant » (niveau de responsabilité élevé).
c)
Les incitations au travail en commun
L’une des principales préoccupations des réformateurs a été de
développer les occasions de travail en commun afin de rompre
l’isolement de l’enseignant. Plusieurs dispositifs, qui s’ajoutent au
mentorat et aux interactions avec les enseignants surnuméraires évoqués
au point précédent, peuvent être cités à ce titre.
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Il
en
va
ainsi
des
communautés
d’apprentissage
professionnel (CAP),
citées
explicitement
dans
les
conventions
collectives
conclues
entre
le
conseil
scolaire
et
les
syndicats
enseignants
113
. Ce dispositif permet aux enseignants de se réunir, par
cycle dans l’élémentaire, par cycle et/ou par matière dans le secondaire,
pour travailler sur un projet d’amélioration au sein de l’école. La
participation de la direction de l’école ou de l’établissement n’est pas
obligatoire. Les 240 minutes de «
temps de préparation
» hebdomadaires
peuvent notamment être utilisées à cette fin ; mais le ministère finance
également en complément des heures de remplacement allouées à cette
fin à chaque conseil scolaire. Une véritable incitation aux rencontres
pédagogiques existe donc, soit sous la forme d’obligation de service des
enseignants, soit sous forme d’heures de remplacement spécifiquement
dédiées à cet objectif.
D’autres outils développés par le ministère visent à favoriser les
échanges entre enseignants, y compris au sein d’écoles différentes. Les
enquêtes collaboratives entre enseignants telles que le « parcours
fondamental
d’enseignement
et
d’apprentissage »
et
« l’enquête
collaborative pour l’apprentissage des mathématiques » ont ainsi pour
objectifs de permettre aux enseignants d’analyser l’effet de leurs propres
pratiques d’évaluation et d’enseignement, d’échanger avec les directeurs
d’école et les dirigeants des conseils scolaires sur les pratiques efficaces
et d’en tirer parti pour leur enseignement. De la même façon, dans le
cadre de l’initiative « Zoom avant sur l’apprentissage des élèves » lancée
en 2009 par le ministère, 50 enseignants chevronnés ont visité des classes
de 250 écoles élémentaires réparties dans quatre régions pour étudier
l’apprentissage des élèves.
113
Extrait de la lettre d’entente figurant en annexe à la convention collective entre le
conseil scolaire de district catholique Centre-Sud et l’AEFO : «
la CAP met l’accent
sur le développement d’un esprit de collaboration entre les enseignantes et les
enseignants […]. Les échanges sur la pratique éducative, les efforts collectifs, la
collaboration et le soutien mutuel deviennent les pierres angulaires de tout
changement réel […] dans les pratiques pédagogiques. […] Les parties conviennent
que le Conseil déploie les ressources additionnelles dévolues par le gouvernement
afin d’appuyer le maintien et l’essor des CAP au sein des écoles […]
».
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ANNEXES
187
6 -
L'évaluation
La responsabilité de l’évaluation des enseignants appartient à la
« direction d’école ». Les
nouveaux enseignants sont évalués deux fois
pendant leurs douze premiers mois sur la base de huit compétences
identifiées par l’Ordre des enseignants, puis une fois tous les cinq ans sur
la base de seize compétences cette fois.
Les procédures disciplinaires ne sont pas gérées par le chef
d’établissement ni par le conseil scolaire mais relèvent du conseil de
l’Ordre, qui gère directement les plaintes déposées contre les enseignants
pour insuffisance professionnelle. Elles sont très rares (254 en 2010).
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Annexe n° 3
Liste des personnes rencontrées ou auditionnées
lors de l’enquête
1 -
En administration centrale
a)
Administration centrale du ministère de l’éducation nationale
DGESCO
: M. DELAHAYE, directeur général (
reçu en audition
),
M. TURION, adjoint au directeur général, chef du service de l’instruction
publique et de l’action pédagogique (
également
reçu
en
audition
),
M. CHRISTOFARI,
sous-directeur
du
socle
commun,
de
la
personnalisation des parcours scolaires et de l’orientation, M. HUART,
sous-directeur des lycées et de la formation professionnelle tout au long
de la vie, Mme VEYRET, chargée de mission auprès du sous-directeur
des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie,
M. CAPUL, sous-directeur des programmes d’enseignement, de la
formation des enseignants et du développement numérique, Mme
OHIN-
MCHAIK, chef du bureau de la formation des enseignants, M. WAISS,
adjoint au directeur général, chef du service du budget de la performance
et des établissements (
également reçu en audition
), M. PAURICHE, sous-
directeur de la gestion des programmes budgétaires (
également reçu en
audition).
DAF
: M. GUIN, directeur (
également reçu en audition
), M. SIMONI,
directeur adjoint, Mme GRONNER, sous-directrice de l’expertise
statutaire, de la masse salariale, et du plafond d’emplois, Mme GRIS,
sous-directrice adjointe, Mme LECOMTE, chef du bureau de la masse
salariale et du suivi du plafond d’emplois, M. BERGEONNEAU, sous-
directeur
du
budget,
de
la
mission
enseignement
scolaire,
Mme PACHOT, chef de bureau, M. BONNOT, sous-directeur de
l’enseignement privé, M. STROBEL, chef du bureau des personnels
enseignants,
Mme
MALCOIFFE,
adjointe
au
chef
du
bureau,
M. CHAPAT,
chef
du
département
des
systèmes
d’information
budgétaires et financiers
DGRH
: Mmes THEOPHILE, directrice générale, GAUDY,
directrice générale
(reçue en audition
), Mme FILIPI, chef du service des
personnels enseignants de l’enseignement scolaire, Mme EMAER, sous-
directrice
des
études
de
gestion
prévisionnelle
et
statutaires,
M. GOULIER, adjoint au sous-directeur de la gestion des carrières,
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Mme ESCAFFRE-ANDRIEU, chef du bureau de gestion des études
prévisionnelles
DEPP
: M. QUERE, directeur, Mme MOISAN, directrice (
reçue en
audition
),
M.
AFSA,
sous-directeur
des
synthèses
statistiques,
Mme BRIANT, bureau des études statistiques sur les personnels,
M. BLANCHE, sous-directeur de l’évaluation et de la performance
scolaire, M. CHESNE, bureau de l’évaluation des actions éducatives et
des expérimentations, M. TROSSEILLE, bureau de l’évaluation des
élèves.
Inspections
générales
:
M.
ROSER,
doyen
de
l’IGEN,
Mme MALLET, chef du groupe enseignement scolaire de l’IGEN,
M. PEREUX, doyen du groupe STI, MM. CABANA, WIRTH,
ETIENNE, LOUVEAUX, inspecteurs généraux de l’IGEN.
Reçus en
audition
: MM DANIEL, doyen de l’inspection générale de l’éducation
nationale, et BOSSARD, chef de l’inspection générale de l’administration
de l’éducation nationale et de la recherche ;
Contrôle budgétaire et comptable ministériel
: M. BOET, chef du
département du contrôle budgétaire ;
b)
Direction du budget
MM MOREAU, sous-directeur, JARRAUD, chef du bureau de
l’éducation nationale, TASSARD ;
c)
Direction générale de l’administration et de la fonction publique
M. VERDIER, directeur général
(reçu en audition).
2 -
Au secrétariat général de l’enseignement catholique
M. de LABARRE, secrétaire général de l’enseignement catholique,
M. DIRAISON, délégué général des ressources humaines (
également reçu
en audition
)
3 -
Dans les académies
a)
Académie de Bordeaux
Rectorat : M. NEMBRINI, recteur (
également reçu en audition
),
M. EYSSAUTIER, secrétaire général, M. BORGER, directeur de la
pédagogie, M. LACUEILLE, doyen des IA-IPR, M. COHEN, IA-IPR de
sciences et technologies de l’information, M. LE GALL, secrétaire
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général adjoint, directeur des ressources humaines, Mme BLANC,
directrice du personnel enseignant, Mme CAVARCA, contrôleuse de
gestion des personnels enseignants, Mme MARIN, directrice des études
et de la prospective, Mme LESERVOISIER, chef du service d’appui aux
ressources humaines, Mme MOUNE, secrétaire générale adjointe,
déléguée à l’organisation scolaire, Mme MESNARD, directrice des
structures et des moyens, M. MARTINET, délégué académique aux
formations professionnelles initiale et continue, M. CLAVEL, chargé de
la gestion des enseignants des établissements privés ; M. LACUEILLE,
inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional en sciences
physiques – doyen des IA-IPR (
reçu en audition
),
Inspection académique : M. MERCIER, directeur académique des
services départementaux de la Gironde, M. GRATIANETTE, secrétaire
général des services départementaux de la Gironde
Établissement :
Reçus en audition
: M. DELIGEY, directeur de
l’école d’application Paul Lapie à Bordeaux
b)
Académie de Lille
Rectorat
: Mme PHILIPPE, rectrice, M. POLLET recteur,
(reçu en
audition)
M. LUSSIANA, secrétaire général, Mme RAINAUD, secrétaire
générale adjointe, chargée des moyens et de la politique éducative,
Mme ADOU, adjointe au chef de la division de l’organisation scolaire,
M. LARTILLIER,
chef
de
la
division
des
affaires
budgétaires,
M. DELASSUS, chef du pôle académique des statistiques, études
prospectives et analyses, M. KAKOUSKY, secrétaire général adjoint,
directeur des ressources humaines, Mme PINSET, chef du département
des personnels enseignants, M. THUMEREL, chef de la division de
l’enseignement privé, Mme MASERAK, délégué académique à la
formation professionnelle initiale et continue, Mme DUFRECHOU,
adjointe
au
chef
de
la
division
de
l’enseignement
privé,
Mme BANASZYK, IEN-EG de mathématiques, M. BERERA, IA-IPR de
sciences et technologies de l’information ; M. GOSSE, doyen des IA-IPR
(
reçu en audition
)
Inspections académiques
: M. TENNE, IA du Pas de Calais, et
M. PIERRE, secrétaire général des services départementaux du Pas de
Calais, M. POLVENT, IA du Nord, Mme LALANNE, secrétaire générale
des services départementaux du Nord
Établissement
: M. REIBEL, principal du collège Martin Luther
King de Calais, M. FASQUEL, principal adjoint, MM BAES,
DAUVERGNE,
DELANEL,
et
Mmes
BEAUCAMP,
CLIPET,
DE SOUZA, FAIVRE, FENAIN, VERHACK, professeurs.
Reçus en
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audition
: M. VANHOUTE, professeur des écoles à l’école Condorcet à
Roubaix, Mme CARRE, professeur certifié au collège Levi Strauss à
Lille
c)
Académie de Limoges
Rectorat
: M. JOHANN, recteur, M. BATTINI, secrétaire général,
Mme KHALES, secrétaire générale adjointe, directrice des ressources
humaines, M. CHOCOT, chef de la division des personnels enseignants,
Mme ROMANIE, chefs de bureau à la division des personnels
enseignants, Mmes CHAZELAS, BLANCHARD, MARCEAUDON,
gestionnaires
à
la
division
des
personnels
enseignants,
Mme SOLEILHAVOUD, chef de la division des moyens et de
l’organisation scolaire, Mmes VALAGEAS, et DUPERTUY, chefs de
bureau à la division des moyens et de l’organisation scolaire
Inspections académiques
: M. GAINAND, secrétaire général de la
direction académique de la Haute Vienne, M. BERTELOOT, IA de la
Creuse, M. PICARD, secrétaire général de la Creuse, Mme PASQUET,
chef de la division des personnels et des moyens, Mme YESSAD-BLOT,
inspectrice de l’éducation nationale de la circonscription de Guéret 2,
Mme GILLET, inspectrice de l’éducation nationale à Aubusson (
également
reçue en audition
)
Direction
interdiocésaine
de
l’enseignement
catholique
:
Mme COURTOUX-ESCOLLE, directrice interdiocésaine du Limousin,
M. CHARRIERE, président du comité interdiocésain de l’enseignement
catholique, Mme MARGEZ, professeur en stage pour devenir chef
d’établissement, Mme TROUTAUD, assistante de direction
Établissements
: Mme BARRY, directrice de l’école élémentaire
Cerclier à Guéret, M. JOUANNO, directeur de l’école de Gentioux sur le
plateau de Millevache.
Reçus en audition
: Mme CRITON, professeur des
écoles à Gorre, M. DELARBRE, proviseur de la cité scolaire d’Aubusson
(également rencontré lors de l’enquête)
d)
Académie de Nantes
Rectorat
: M. CHAIX, recteur, M. MAROIS, recteur
(reçu en
audition)
M. GERIN, secrétaire général, Mme COSTER, secrétaire
générale adjointe, directrice des ressources humaines, Mme INISAN,
DRH adjointe, M. CONSTANS, secrétaire général adjoint, directeur de
l’analyse de gestion et des études, M. LEROUX, délégué académique à
l’action éducative et à la pédagogie, Mme PEILLIER, chef de la division
du personnel enseignant, M. ARMANINI, adjoint au chef de la division
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du personnel enseignant, Mme THOMAS, chef de la division de
l’enseignement privé, M. LORET, adjoint au chef de la division de
l’enseignement privé, M.
LEVRARD, chef de la division des
établissements scolaires publics et privés, M. KERMAREC, directeur des
systèmes d’information, M. BUDET, département des applications pour
l’administration et l’enseignement, M. BELET, chargé des aspects
techniques, M. PINCON, coordonnateur de paye, suivi masse salariale,
Mmes LORIOT, LEMOINE, et M. DERIEN, contrôleurs de gestion,
M. HARMAND, délégué académique à la formation continue des
personnels enseignants, d’éducation et d’orientation, M. TERRIEN,
doyen des IEN 1
er
degré, M. REHEL, doyen des IA-IPR, M. BRUNEL,
doyen des IEN-EG et IO
Inspections académiques
: M. PALU-LABOUREUX, chef du
service interdépartemental de gestion des enseignants des écoles
publiques du Maine et Loire, Mme BAILLIEZ, chef du service
académique de gestion des personnels privés du 1
er
degré de Vendée,
Mme TREVAUX, secrétaire générale des services départementaux de
Loire
Atlantique,
M.
CAVE,
secrétaire
général
des
services
départementaux du Maine et Loire, M. MAUGER, secrétaire général des
services départementaux de la Mayenne, M. MATHIEU, secrétaire
général des services départementaux de la Sarthe, Mme MEDARD,
secrétaire générale des services départementaux de la Vendée
Établissements
(
reçus
en
audition
) :
Mme
BEAUFFRETON,
directrice d’école primaire Saint Exupéry à Avrillé, Mme RAGUIDEAU,
proviseur du lycée Clémenceau à Nantes, M. ROUSSET, directeur d’un
lycée Saint Joseph de Loquidy à Nantes, M. PINSON, professeur certifié
au lycée externat des enfants nantais
e)
Académie de Reims
Rectorat
:
M.
CABOURDIN,
recteur,
Mme
VIEILLARD,
secrétaire générale, Mme GEHIN, secrétaire générale adjointe chargée
des structures et des moyens, Mme VIOT LEGOUDA, chef de la division
des établissements, Mme DEPOYANT-DUVAUT, secrétaire générale
adjointe chargée des ressources humaines, Mme DEFARD, chef de la
division de la formation des personnels, M. SCATTON, IA-IPR de
mathématiques, responsable académique de la formation, M. CALLUT,
chef de la division des personnels enseignants
Inspection académique
: Mme GAUTHIER, directrice académique
des
services
de
l’éducation
nationale
de
la
Haute
Marne,
M. DENOYELLE, adjoint
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Etablissement
: M. COLSON, proviseur du lycée général et
technologique Roosevelt à Reims
f)
Académie de Versailles
Rectorat
: M. BOISSINOT, recteur, M. DUWOYE recteur
(reçu en
audition),
Mme LUIGI, secrétaire générale adjointe, Mme BE, secrétaire
générale adjointe, chargée d’organisations, performances, et parcours des
élèves, Mme JEGOUZO, chef de la division de l’organisation scolaire,
Mme SAUVAGE, adjoint à la division de l’organisation scolaire,
Mme MEUDEC, responsable du budget, M. DICKELET, chargé de
mission pour le 1
er
degré, M. AYMARD, secrétaire général adjoint,
directeur des ressources humaines, Mme GUILLEMOTO, chef de la
division des personnels enseignants, Mme VILAIN, chef de la division
des établissements d’enseignement privés, Mme JOUSSAUME, adjointe
du chef de la division des établissements d’enseignement privé,
Mme TISSOT, gestionnaire, Mme LESIRE, coordonnatrice académique
paye, M. PINCON, délégué académique à la formation professionnelle
initiale et continue, Mme COLIN-THOMAS, déléguée académique à
l’enseignement technique, Mme CHAVANE, doyenne des IA-IPR de
l’académie de Versailles, M WAUQUIER, doyen des inspecteurs de
l’éducation nationale du 2
nd
degré (
reçu en audition
) ;
Inspections académiques
: M. WASSENBERG, IA de l’Essonne,
Mme MENARD, chef de la division des personnels enseignants de la
DASEN de l’Essonne, M. COIGNARD, IA des Yvelines, M. BONNET,
secrétaire général, M. PUZIN, IEN de Guyancourt , Mme ROUSSELET,
IEN de Poissy ;
Etablissement
: Mmes FARGAR, PORCHERY, OTAVI, et
M. AINESI professeurs des écoles à l’école élémentaire de Lully-Vauban,
M. TOUSSAINT de QUIEVRECOURT, proviseur du lycée Hoche,
MM
ROVOST, BEAUGENDRE et Mmes FACHE, BEAUTHIER,
PREVOST, professeurs au lycée Hoche, M. RICHARD, principal du
collège Rameau à Versailles, Mme PERBIOCHE, son adjointe, MM et
Mmes CORTES, THOUARD, WALQUER, SALAUN, BOUVATIER,
PEQUINIOT, BEAUVALLET, DONNATEAU, AURIC, BEAUVET,
COLATRELA, GAUTIER, CAMUS, MOMET, professeurs des 1
er
et 2
nd
degrés des écoles Notre-Dame de Mantes la jolie et Saint Louis de
Bonnières,
Mmes
BOUTIN,
BERTREUX,
GIRAUD,
MADEC,
BERTHET, de CROUTTE, FANTOU, professeurs à l’institution Jeanne
d’Arc d’Etampes.
Reçus en audition
: Mme QUATREPOINT, directrice de
l’école Saint Jean Hulst à Versailles, M. OUVRARD, principal du collège
Youri Gagarine à Trappes, M. VANDROUX, directeur du lycée Notre
Dame du Grand Champs à Versailles, M. METZ, professeur certifié au
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collège Wallon à Bezons, M. SZELE, professeur agrégé au collège Paul
Bert à Savigny sur Orge, Mme HOUSSET, professeur de lycée
professionnel
au
lycée
Arthur
Rimbaud
à
Garges-les-Gonesses,
Mme RAULT, professeur agrégé au lycée Hoche à Versailles ;
Direction
diocésaine
:
M.
ROUCHER,
directeur
diocésain,
Mme SAPY, responsable de l’emploi du 2
nd
degré.
4 -
Syndicats et associations
a)
Syndicats d’enseignants
Fédération syndicale unitaire (FSU)
: Mme GROISON, secrétaire
générale, Mme FERET, secrétaire nationale du SNES, M. ORUSS,
bureau
national
du
SNUIPP,
Mme
ODENT,
M.
VIALLE,
Mmes POITEVIN et CARLOTTI, section administrative de Versailles.
Reçus en audition
: MM. SIHR, secrétaire général du SNES-FSU, et
ROBIN, co-secrétaire général,
UNSA
Education
:
MM
CHEVALIER,
secrétaire
général,
BARBIER, secrétaire national, secteur administratif, PEHAU, secrétaire
national, secteur formation, et Mme KREPPER, secrétaire national,
secteur éducation,
SGEN-CFDT
:
MM
CADART,
secrétaire
général,
et
DEVOULON, secrétaire national, M. ANTOINE et Mme GRIE-
HOSTATER, co-secrétaires généraux de la section de Versailles.
Reçus en
audition
: M. SEVE, secrétaire général, et Mme ZORMAN, secrétaire
nationale,
b)
Syndicats de chefs d’établissement
Syndicat national des personnels de direction de l’éducation
nationale
:
Reçus en audition
: M. TOURNIER, secrétaire général, et
Mme BOURHIS, secrétaire nationale
Syndicat national des lycées et collèges
:
Reçus en audition
:
Mme HOUEL,
vice-présidente,
M.
SEITZ,
vice-président,
et
M. KAYAL, secrétaire national
UNSA
: M. LEDRU, secrétaire académique de la section de
Versailles
Représentants
des agrégés et des professeurs de CPGE
(
Reçus en
audition)
: Mme SCHMITT-LOCHMANN, présidente de la société des
agrégés, MM HEUDRON, président de l’union des professeurs de
spéciales, CARDINI, secrétaire général de la société des agrégés,
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JEAUFFROY, union des professeurs de spéciales, SCHILTZ, association
des professeurs de premières et de lettres supérieures,
c)
Associations de parents d’élèves (r
eçus en audition)
Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public
:
Mme MARTY, présidente, M. DUGUENNE, trésorier général adjoint
Fédération des conseils de parents d’élèves
: M. HAZAN,
Président, Mme BLANCHARD, chargée de mission
Association des parents d’élèves de l’enseignement libre
:
M. BAUCHER, vice-président, M. ABRAHAM, délégué national
d)
Représentants des élèves
(reçus en audition)
:
Fédération
indépendante
et
démocratique
lycéenne
:
MM
ARADJI, président, et RAGUET, membre du bureau national
Union nationale lycéenne
: M. DEMENTHON, président
5 -
Personnalités qualifiées
M. POCHARD, Conseiller d’État, M. HUGONNIER, directeur
adjoint de l’éducation à l’OCDE, Mme VAYSSETTES, chef de la
division des indicateurs et de l’analyse de la direction de l’éducation de
l’OCDE, M. SANTIAGO, analyste principal à la division des politiques
d’éducation et de formation de l’OCDE ;
Reçus
en
audition
:
Mmes
MONS
et
DURU-BELLAT,
MM. TOULEMONDE, DUBET, PROST, SAVOIE, LEGER, experts,
M. RACINE, membre du HCEE, M. CHARBONNIER, analyste à la
direction de l’éducation à l’OCDE, Mme HERBAULT, direction de
l’éducation à l’OCDE.
6 -
Représentants des collectivités territoriales
Régions
: M. BONNEAU, président de la région centre, vice-
président de l’association des régions de France (ARF), président de la
commission éducation ;
M. BRISSET, conseiller technique pour
l’éducation à l’ARF ;
Départements
: M. BEAUDOIN, directeur général de l’association
des départements de France (ADF) ;
Communes
: MM. ROIRON, maire de Langeais, et JARDEL,
maire d’Orbais l’Abbaye, co-présidents de la commission éducation de
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l’association des maires de France (AMF) ; M. FERRIBY, conseiller
technique éducation et culture à l’AMF.
7 -
Pays étrangers
Canada (province de l’Ontario)
: Mme HUNTER-PERREAULT,
directrice de l’éducation, Mme BLAIS, directrice des ressources
humaines (conseil scolaire Viamonde), Mme LANG, chargée de
communication (Ontario collège of teachers), Mmes GALLAGHER,
directrice (ministère de l’éducation, division du rendement des élèves),
Mme GRIFFORE, directrice et ancienne directrice générale du conseil
scolaire des écoles catholiques du sud-ouest, Mme REID, cadre
d’éducation (ministère de l’éducation, division de l’enseignement et du
développement du leadership), Mme COSSAR, et M. STRACHAN,
cadres d’éducation ministère de l’éducation, direction des politiques et
des normes en matière d’éducation), M SEKALY, directeur (ministère de
l’éducation, division des opérations et des finances de l’éducation
élémentaire et secondaire), M. LIZOTTE, coordonnateur principal,
liaisons
nationales
et
internationales
(ministère
de
l’éducation),
Mme TOWNER-SARRAULT,
directrice
des
ressources
humaines
(conseil scolaire de district catholique centre-sud), M. FULLAN,
conseiller spécial éducation du Premier ministre et professeur émérite à
l’institut des études en éducation de l’Ontario de l’université de Toronto ;
Pays Bas
: Mme TEN DAM, Conseil de l’Education des Pays-Bas,
M. BERNARD, président du conseil d’administration du groupe
d’établissements Ons Middelbaar Onderwijs, Mme HEIJNEN, conseillère
enseignement supérieur et recherche au Réseau franco-néerlandais,
Mmes BOSCH, DE REUS et NIJBIJVANK, professeurs de français au
Sint Bonifacius College d’Utrecht, Mme SCHUURMAN, proviseure
adjointe
au
Christelijke
Gymnasium
à
Utrecht,
Mme
VAN
CAUWENBERGH, inspection générale, Mme de JONGE, direction de
l’enseignement primaire et secondaire de la municipalité de La Haye,
Mme GRIMBRERE,
direction
des
affaires
internationales
de
la
municipalité d’Amsterdam, Mme MALLEZ, conseillère de coopération et
d’action culturelle de l’ambassade de France au Pays-Bas ;
Allemagne
(Land
de
Berlin)
:
Mme
HENNERSDORF
et
MM STOTZER, LINNE et BLUME, inspecteurs pédagogiques au
ministère
de
l’éducation,
de
la
jeunesse
et
du
sport,
[…]
M. SCHOLKMANN, principal du collège Georg von Giesche à Berlin,
Mme FRANK, directrice de l’école primaire Carl Kraemer à Berlin, et
M. FRANK, proviseur au lycée français de Berlin.
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ANNEXES
197
Annexe n ° 4
Liste des sigles utilisés dans le rapport
AGAPE
application de gestion des personnels des écoles
maternelles et élémentaires, publiques et privées
ARIA
aide au remplacement en inspection académique
ASA
avantage spécial d'ancienneté
BDR
brigade de remplacement (se dit aussi des enseignants
titulaires affectés au sein d’une telle brigade)
BEP
brevet d’études professionnelles
BTS
brevet de technicien supérieur
CAPEPS
certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et
sportive
CAPES
certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du
second degré
CAPET
certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement
technique
CAPLP
certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel
CE1
cours élémentaire 1ère année
CE2
cours élémentaire 2ème année
CES
contribution exceptionnelle de solidarité
CLIS
classe de l'enseignement spécialisé
CM2
cours moyen 2ème année
CMC
conseiller mobilité carrière
CNED
centre national d'enseignement à distance
CPGE
classe préparatoire aux grandes écoles
CRDS
contribution au remboursement de la dette sociale
CREST
centre de recherche en économie et statistique
CRPE
concours de recrutement de professeurs des écoles
CSG
contribution sociale généralisée
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198
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CV
curriculum vitae
DAF
direction des affaires financières
DASEN
directeur académique des services de l'éducation nationale
DEPP
direction de l'évaluation, de la prospective et de la
performance
DGEMC
droit et grands enjeux du monde contemporain
DGESCO
direction générale de l'enseignement scolaire
DGFIP
direction générale des finances publiques
DGRH
direction générale des ressources humaines
E/C
mesure le taux d'encadrement des élèves
ECLAIR
écoles, collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la
réussite
EPLE
établissement public local d'enseignement
EPP
emploi, poste, personnel
EPS
éducation physique et sportive
EREA
établissement régional d'enseignement adapté
ESPE
école supérieure du professorat et de l’éducation
ETP
équivalent temps plein
ETPT
équivalent temps plein travaillé
GRAF
grade à accès fonctionnel
GRH
gestion des ressources humaines
HCE
haut conseil de l’éducation
H/E
mesure le ratio nombre d'heures par élève
HP
heure poste
HSA
heure supplémentaire annuelle
HSE
heures supplémentaire effective
IA IPR
inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional
IEN
inspecteur de l'éducation nationale
IEN-EG
inspecteur de l'éducation nationale de l'enseignement
général
IEN-ET
inspecteur de l'éducation nationale de l'enseignement
technique
IGAENR
inspecteur général de l'administration de l'éducation
nationale et de la recherche
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ANNEXES
199
IGEN
inspecteur général de l'éducation nationale
IM
indice majoré
INSEE
institut national de la statistique et des études économiques
ISOE
indemnité spéciale d'orientation et d'éducation
ISS ZEP
indemnité de sujétion spéciale – zone d’éducation
prioritaire
IUFM
institut de formation des maîtres
LEGT
lycée d'enseignement général et technologique
LGT
lycée général et technologique
LOLF
loi organique relative aux lois de finances
LP
lycée professionnel
MCS
mesure de carte scolaire
MPSI
mathématiques, physique et sciences de l'ingénieur (classe
préparatoire)
OCDE
organisation de coopération et de développement
économique
OGEC
organe de gestion de l’enseignement catholique
ORS
obligations réglementaires de service
PACD
poste adapté de courte durée
PALD
poste adapté de longue durée
P/E
ratio du nombre de postes pour cent élèves
PEGC
professeur d'enseignement général
PEPS
professeur d'éducation physique et sportive
PIB
produit intérieur brut
PIRLS
progress in international reading literacy study
PISA
programme international pour le suivi des acquis des
élèves
PLP
professeur de lycée professionnel
PUF
presses universitaires de France
RAR
réseau ambition réussite
RASED
réseau d'aides spécialisés aux élèves en difficulté
REATE
réforme de l’administration territoriale de l’État
RERS
repères et références statistiques
RGPP
révision générale des politiques publiques
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200
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RMI
revenu minimum d’insertion
RRS
réseau réussite scolaire
SARH
service d'appui aux ressources humaines
SEGPA
section d'enseignement général et professionnel adapté
STI
sciences et technologies industrielles
STI2D
sciences et technologies de l’industrie et du
développement durable
STS
Section de technicien supérieur
SVT
sciences et vie de la terre
TPE
travaux personnels encadrés
TZR
titulaire de zone de remplacement
ULIS
unité localisée pour l'inclusion scolaire
UNSS
union nationale du sport scolaire
ZAP
zone d'animation pédagogique
ZEP
zone d'éducation prioritaire
ZIL
zone d'intervention locale (se dit aussi des enseignants
titulaires affectés sur une telle zone)
ZPV
zone prévention violence
ZR
zone de remplacement
ZUS
zone urbaine sensible
Sigles étrangers
CAP
communauté d’apprentissage professionnel
QA
qualifications
additionnelles
QBA
qualifications de base additionnelles
OEEO
ordre des enseignants
OQRE
office de la qualité et de la responsabilité en éducation
PICO
partenariat d’interventions ciblées de l’Ontario
PINPE
programme d’insertion professionnelle du nouveau
personnel enseignant
SISOn
système d’information scolaire de l’Ontario
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
CONCERNÉES
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SOMMAIRE
Ministre de l’éducation nationale
205
Ministre de l’enseignement supérieur et de la
recherche
209
Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et
des finances, chargé du budget
210
Destinataire n’ayant pas répondu
Ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la
fonction publique
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RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
À titre liminaire, je tiens à remercier la Cour pour l'ambition de son
travail et pour le panorama qu'elle dresse de la gestion des ressources
humaines jusqu'en 2012. Au-delà du diagnostic, ce rapport présente
également un ensemble des pistes de réformes qui ont été souvent tracées
depuis une dizaine d'années, sans être mises en oeuvre par les gouvernements
qui se sont succédé.
La gestion des ressources humaines est naturellement une question
centrale pour le ministère de 1'éducation nationale, à plusieurs titres : la
masse salariale, qui représente 97 % de son budget, concerne près d'un
million d'agents, soit la moitié de la fonction publique d'Etat. Les enjeux
financiers associés sont considérables, puisqu'ils s'élèvent à 43 Md€ (hors
contributions aux charges de pensions). Enfin, et surtout, la bonne gestion
des personnels enseignants est une condition indispensable à la réalisation
d'une politique éducative ambitieuse. Toute l'action du ministère doit être
fondée sur la meilleure utilisation possible de la ressource humaine, au
service de la qualité pédagogique.
Cette recherche d'une mobilisation optimale des ressources humaines
obéit à un système de contraintes qui peuvent être contradictoires et en font
un exercice particulièrement délicat. Il s'agit en effet de pourvoir en
enseignants formés l'ensemble des postes implantés dans les écoles et les
établissements scolaires, de respecter les priorités légales qui, en application
du statut général des fonctionnaires, conditionnent l'ordre d'examen des
demandes de mutation des personnels, et de rechercher la plus grande
adéquation possible entre les postes à pourvoir et les compétences. Malgré
cette complexité qui nécessite de gérer de façon efficiente plus de
800 000 enseignants pour former plus de 12 millions d'élèves, je souhaite que
la gestion des ressources humaines soit plus qualitative et plus individualisée
compte tenu du haut niveau de recrutement des personnels enseignants.
Je partage d'ailleurs pleinement une des hypothèses centrales de ce
rapport, qui souligne le rôle fondamental des enseignants en faveur de la
réussite éducative. C'est dans cet esprit que j'ai souhaité faire de la gestion
des personnels une priorité de tout premier plan pour mon action
ministérielle, et ceci par des évolutions à la fois qualitatives et quantitatives.
Au premier rang des améliorations qualitatives se trouve la mise en
place d'une véritable formation initiale des enseignants dans les futures
écoles supérieures du professorat et de l'éducation, créées par la loi
d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la
République. Cette formation initiale est un préalable indispensable à
l'amélioration de 1'exercice par les enseignants de leurs missions et de leurs
pratiques pédagogiques au service des élèves. La création des ESPE a une
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206
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dimension quantitative, puisque ce sont 26 000 postes de stagiaires et
1 000 postes de formateurs, soit plus de 800 millions d'euros que l'Etat
s'apprête à consacrer à ce chantier.
Sur le sujet des moyens, je ne partage pas le constat de la Cour, selon
lequel « le ministère ne souffre pas d'un manque de moyens budgétaires ou
d'un nombre trop faible d'enseignants mais d'une utilisation défaillante des
moyens existants ». En effet, l'amélioration de la gestion des ressources
humaines est indispensable ; elle n'est pas pour autant suffisante à elle seule
pour améliorer d'un point de vue pédagogique notre système éducatif, et des
créations de postes sont aujourd'hui nécessaires pour accomplir des missions
que
nous
souhaitons
réaffirmer.
Par
exemple,
l'amélioration
du
remplacement ou la scolarisation des enfants de moins de trois ans
nécessitent des moyens humains supplémentaires, qui ne peuvent être obtenus
par un simple redéploiement. À titre d'illustration, la scolarisation des
enfants de moins de trois ans a été divisée par trois du fait des suppressions
de postes opérées entre 2007 et 2012.
Je tiens à ce sujet à souligner que l'assertion selon laquelle « les
moyens alloués au système éducatif ont été en hausse constante [sur la
période 2008-2012] » doit être relativisée : de 2007 à 2012, près de
80 000 postes
dans
l'éducation
nationale
ont
été
supprimés.
C'est
principalement la hausse de la contribution du ministère de 1'éducation
nationale au compte d'affectation spéciale « pensions » qui explique
l'évolution positive du budget du MEN. Le taux de cotisations est en effet
passé de 50,2 % du traitement brut en janvier 2006 à 74,6 % au 1
er
janvier
2013. En aucun cas cette évolution du taux de contribution ne peut être
assimilée à une amélioration de la rémunération des personnels de
l'éducation nationale, pas plus qu'à un coût accru du fonctionnement du
système éducatif.
Si l'on en revient aux évolutions nécessaires pour mettre en place une
gestion plus qualitative des personnels enseignants, je tiens à souligner que
je souscris pleinement aux axes qui sous-tendent les recommandations de la
Cour.
Concernant le premier axe, qui consiste à redéfinir le métier
enseignant, j'ai proposé aux personnels du ministère et à leurs organisations
représentatives un agenda social qui prévoit un réexamen du métier, des
missions, et des carrières des enseignants. Ce chantier avait été trop
longtemps repoussé. Les thèmes inscrits à cet agenda porteront notamment
sur les obligations réglementaires de service et les conditions d'exercice du
métier d'enseignant. Les préconisations énoncées par la Cour dans son
projet de rapport, afin notamment de mettre en cohérence les textes relatifs
aux missions des enseignants, pourront utilement venir alimenter la réflexion
et le dialogue social que nous allons mener à l'automne. Naturellement,
l'ensemble de ces réflexions doit s'inscrire dans le cadre contraint de la
trajectoire de redressement de nos finances publiques.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
207
Le second objectif, qui vise à développer et à valoriser la formidable
ressource
humaine
que
représente
le
corps
enseignant,
m'apparaît
fondamental. Les fonctions spécifiques doivent être mieux valorisées, a
fortiori lorsqu'elles nécessitent un engagement particulier de la part des
agents, en termes de formation continue par exemple. À cet égard, les
18 heures consacrées aux animations pédagogiques dans les obligations
réglementaires de services des professeurs des écoles ont été davantage
axées vers des actions de formation continue, notamment dans le cadre de
formations à distance sur des supports numériques. La mise en place de
mesures incitatives en matière de rémunération et de carrière ou encore
l'adaptation de la formation continue des enseignants sont également
souhaitables ; les postes à profil existent déjà, mais peuvent être utilement
développés, par exemple pour améliorer la prise en charge des élèves en
situation de handicap. Ils permettent de différencier les parcours et de mieux
valoriser les compétences et l'engagement des agents. Nous devons favoriser
également la stabilité des équipes éducatives, qui est un facteur essentiel de
la qualité de notre système éducatif notamment en éducation prioritaire.
Le développement de la coordination pédagogique recommandé par le
rapport est également une condition essentie1le du bon fonctionnement de
notre système éducatif, et j'ai veillé à la renforcer toutes les fois où le sujet
s'est présenté. À l'occasion de la réforme des rythmes scolaires, le cadre
général du service des professeurs des écoles défini par le décret du 30 juillet
2008 a ainsi été modifié pour prévoir des travaux en équipes pédagogiques et
des actions destinées à améliorer la continuité pédagogique école-collège.
De même, la mise en oeuvre du parcours d'orientation et d'insertion
professionnelle et du parcours d'éducation artistique et culturelle ainsi que
de l'enseignement de morale laïque nécessiteront une forte coordination
pédagogique du fait de leur caractère interdisciplinaire.
Tous
ces
chantiers
doivent
être
menés
avec
une
double
préoccupation : mettre la gestion des ressources humaines aux services
d'objectifs pédagogiques ambitieux, et instaurer un dialogue social et une
véritable concertation avec les personnels éducatifs et plus globalement
1'ensemble des composantes de la communauté éducative (parents d'élèves,
chefs d'établissements et directeurs d'école ...). Ces axes de travail
comportent des enjeux complexes, et ce dialogue est une condition essentielle
à leur réussite, comme le montrent, a contrario, les échecs des précédentes
réformes qui ont pu être tentées. Ainsi la réforme des décharges, dite « de
Robien », en 2007 ou encore l'absence de suite donnée au rapport Pochard
en 2008 montrent le caractère essentiel de la conduite du changement dans
les réformes. Ce point n'a pas été suffisamment détaillé dans le rapport de la
Cour, mais j'y prêterai pour ma part une grande attention pour favoriser
l'adhésion de la communauté éducative et notamment des enseignants aux
axes de réforme.
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208
COUR DES COMPTES
Les réformes engagées ou à venir pourront se nourrir utilement des
préconisations de la Cour, ainsi que de celles d'autres travaux en cours.
L'évaluation de la politique publique de l'éducation prioritaire, dans le cadre
de la modernisation de l'action publique (MAP), permet par exemple de faire
dialoguer l'ensemble des parties prenantes, et traite de nombreux sujets de
gestion des ressources humaines (postes à profil, stabilité des équipes
pédagogiques, politique indemnitaire, coordination pédagogique) en les
croisant avec les objectifs pédagogiques du ministère. Chaque axe de travail
devra faire l'objet d'une analyse d'impact et reposer sur un dialogue social
approfondi. Ces deux conditions sont indispensables pour que la réforme de
notre système éducatif prenne forme, au profit d'une ambition pédagogique
renouvelée et affirmée dans la loi d'orientation et de programmation pour la
refondation de l'école de la République.
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209
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Ce projet d’insertion ne suscite pas d’observations particulières de
ma part.
La Cour s’est, en effet, attachée à analyser les modalités de gestion
des enseignants de l’enseignement scolaire.
En outre, comme le rapport le précise, elle ne développe pas le sujet
de la formation initiale des enseignants qu’elle a traité dans son rapport
public annuel de 2012 et parce que les nouvelles écoles supérieures du
professorat et de l'éducation (ESPE) ne seront opérationnelles qu’à la
rentrée 2013.
Le projet de loi sur la refondation de l’Ecole, adopté en première
lecture à l’Assemblée nationale le 18 mars 2013, instaure les ESPE, qui
seront pleinement intégrées à l’université.
La mise en place d’une nouvelle formation initiale permettra aux
étudiants se destinant aux carrières du professorat ou de l’éducation
d’acquérir toutes les compétences nécessaires et de bénéficier d’une entrée
progressive dans le métier.
Elles formeront également les étudiants se destinant aux métiers de
l'éducation et de la formation hors ceux de l'éducation nationale (éducateurs,
formateurs pour adultes etc.), mais aussi les étudiants de licence bénéficiant
d'un emploi d'avenir professeur.
Enfin, ces écoles auront un rôle à jouer en formation continue : elles
seront chargées de construire, en partenariat avec les rectorats, des parcours
de formation continue à destination des enseignants, des formateurs et des
personnels d'inspections et d'encadrement.
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210
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DÉLÉGUÉ
AUPRÈS DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES,
CHARGÉ DU BUDGET
La Cour conclut que « le ministère ne souffre pas tant d'un
manque de moyens budgétaires ou d'un nombre trop faible d'enseignants
mais d'une utilisation défaillante des moyens existants ». La refondation de
l'école est l'une des priorités du quinquennat, comme l'illustre la volonté
du Gouvernement de créer 55 000 emplois d'ici 2017 en faveur de
l'enseignement scolaire. Il s'agit, en priorité, de rétablir une formation
initiale de qualité, condition sans laquelle aucune politique ambitieuse au
service de la réussite de tous les élèves n'est possible.
Toutefois, cet effort important doit impérativement s'accompagner
d'une mobilisation optimale des
ressources humaines consacrées à
l'éducation nationale. Par conséquent, je ne peux donc que souscrire au
constat de la Cour selon lequel il convient d'utiliser au mieux les moyens
existants pour améliorer la performance d'ensemble du système éducatif. À
ce titre, la Cour présente des axes de réformes auxquelles je souscris dans
leur principe.
Je partage le constat de la Cour sur la nécessité de redéfinir le
métier d'enseignant afin de l'adapter aux évolutions de leurs missions et aux
besoins des élèves. La mise en cohérence des textes relatifs aux missions des
enseignants ainsi que l'adaptation des obligations réglementaires de service
représentent
autant de
préconisations
qui pourraient
alimenter les
discussions que s'apprêtent à engager le ministère de l'éducation nationale
avec les organisations syndicales représentatives.
La question des décharges doit également faire l'objet
d'une
réflexion d'ensemble. Avant toute création d'un nouveau type de décharge, il
conviendrait de supprimer les décharges obsolètes ou irrégulières et de
s'assurer qu'une seule et même activité ne fasse pas l'objet d'une décharge et
d'une rémunération dédiée.
La Cour préconise de renforcer l'efficience du modèle de gestion
des moyens d'enseignement, en développant un pilotage de proximité, qui
permettrait la répartition des moyens en fonction des besoins individuels des
élèves et des profils des enseignants. Cette orientation, retenue par
certains pays de l'OCDE, doit effectivement être explorée. Comme le
souligne la
Cour, ce
type d'organisation suppose une gestion plus
individualisée
des
enseignants,
ainsi
qu'une
simplification
et
une
individualisation plus marquée de leur régime indemnitaire.
Plus largement, de telles évolutions ne pourront que s'inscrire dans
le cadre de la trajectoire de redressement des finances publiques et
s'effectuer
à
masse salariale stabilisée. Par ailleurs, elles devront
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
211
s'accompagner d'un dialogue approfondi avec les organisations syndicales
et faire l'objet d'une évaluation précise que ce soit sur le plan financier,
humain et organisationnel.
Au-delà, ainsi que le relève la Cour, des évolutions structurelles du
système éducatif sont nécessaires, notamment au niveau du lycée, où la
dépense par élève est supérieure de 38 % à la moyenne de l'OCDE. Le
rééquilibrage de l'effort public vers l'enseignement primaire doit aller de
pair avec la mobilisation des leviers d'efficience de la dépense dans le
second degré, notamment en rationalisant l'offre de formation.
Enfin,
concernant
l'architecture
budgétaire
de
la
mission
interministérielle « Enseignement scolaire », l'existence de programmes
séparés pour l'enseignement public du premier degré et 1'enseignement
public du second degré ne me semble pas faire obstacle à un renforcement
des liens entre écoles élémentaires et collèges. Le découpage existant est en
cohérence avec les exigences de gestion et correspond à une logique de
métier. La mise en place d'un programme dédié à l'école du socle
reviendrait à créer de nouvelles coupures entre niveaux d'enseignement et à
fondre l'essentiel des moyens budgétaires de la mission dans un seul
programme.
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