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C
OUR DES
C
OMPTES
Sport pour tous et sport de haut
niveau : pour une réorientation
de l’action de l’Etat
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés figurent à la suite du rapport.
Janvier 2013
Sommaire
3
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
L’Etat confronté aux évolutions du sport
. . . . . . . . . .7
2
Le développement du sport pour tous . . . . . . . . . . . .11
3
Le soutien au sport de haut niveau
. . . . . . . . . . . . . .15
4
Les relations avec les fédérations sportives . . . . . . .19
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
Introduction
5
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L
e sport répond à de multiples enjeux de société, par sa fonction éducative, socialisa-
trice et intégratrice, et par ses liens avec la politique de santé publique. Il est égale-
ment, avec le sport de haut niveau, un vecteur important de rayonnement internatio-
nal. Il recouvre de forts enjeux économiques, liés tant à la pratique sportive qu’au développe-
ment du sport-spectacle. Il peut être aussi l’objet de dérives – dopage, comportements contraires
à l’éthique – que l’autorité publique doit combattre et réprimer.
Dans ce contexte, l’Etat a progressivement été amené à jouer un rôle essentiel dans l’or-
ganisation et la régulation des activités sportives. Il y affecte des moyens importants : si les col-
lectivités territoriales prennent en charge environ 70 % des dépenses publiques liées au sport,
l’Etat y consacre environ 4,3 Md€
par an.
La Cour a analysé la performance des politiques menées par l’Etat tant en termes d’ef-
ficience que d’efficacité, en se concentrant sur les deux grands objectifs définis par les pouvoirs
publics : faire accéder le plus grand nombre de citoyens à une large variété de disciplines spor-
tives ; figurer parmi les nations les plus performantes dans le sport de haut niveau.
A l’issue des Jeux olympiques de Londres de 2012, il revient au ministère chargé des
sports de dresser un bilan de l’olympiade et d’en tirer les enseignements pour l’avenir. Les fédé-
rations sportives sont également appelées à renouveler leurs instances de gouvernance, à refor-
muler leurs projets et à négocier avec l’Etat de nouvelles conventions d’objectifs pluriannuelles.
La période qui s’ouvre est donc favorable à une réflexion sur l’adaptation des politiques
publiques en faveur du développement du sport pour tous et du sport de haut niveau. Les
constats effectués par la Cour font ressortir, dans les deux cas, la nécessité de réformer le dis-
positif existant afin de mieux atteindre les objectifs fixés.
7
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
L’Etat confronté aux
évolutions du sport
Un Etat très présent
L’Etat a une présence directe
importante dans le sport, qu’il a érigé
progressivement en politique publique.
Il dispose d’une compétence générale
qui couvre tout le champ des activités
sportives, que celles-ci relèvent du ser-
vice public de l’éducation, de la pratique
sportive générale ou du sport de haut
niveau.
Pour mettre en œuvre ses poli-
tiques, outre le sport scolaire et le sport
universitaire qui relèvent respectivement
du ministère de l’éducation nationale et
du ministère de l’enseignement supé-
rieur et de la recherche, le ministère
chargé des sports s’appuie sur ses ser-
vices déconcentrés régionaux (direc-
tions régionales de la jeunesse, des
sports et de la cohésion sociale) et
départementaux (directions départe-
mentales de la cohésion sociale), ainsi
que sur un réseau d’établissements
publics nationaux : le centre national
pour
le
développement
du
sport
(CNDS), l’institut national du sport, de
l’expertise
et
de
la
performance
(INSEP), les 16 centres de ressources,
d’expertise et de performance sportives
(CREPS) et les 3 écoles nationales des
sports.
L’Etat a par ailleurs noué une rela-
tion particulière avec le mouvement
sportif organisé. Celui-ci rassemble 17
millions de licenciés, mais il est très dis-
persé entre 117 fédérations sportives
constituées sous forme associative dont
la taille et les moyens sont très hétéro-
gènes. Le comité national olympique et
sportif français (CNOSF), association
reconnue d’utilité publique à laquelle
adhèrent 107 fédérations et membres
associés, est par ailleurs l’unique repré-
sentant du comité international olym-
pique (CIO) sur le territoire français : il
assure une mission de représentation du
sport français auprès des pouvoirs
publics.
Si les fédérations sportives sont
gouvernées par la liberté d’association,
l’Etat entretient néanmoins avec elles
une relation à la fois tutélaire et partena-
riale : l’agrément qu’il leur délivre
emporte reconnaissance de leur partici-
pation à une mission de service public et
L’Etat confronté aux évolutions
du sport
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
conditionne
l’attribution
d’aides
publiques, qui font notamment l’objet
de conventions d’objectifs. Il a, en outre,
accordé à 81 fédérations une délégation,
degré supérieur de reconnaissance, qui
leur confie un monopole dans l’organi-
sation des disciplines dont elles ont la
charge. Enfin, 1 680 conseillers tech-
niques sportifs, agents de l’Etat, sont
placés auprès de 77 fédérations spor-
tives.
L’Etat
consacre
annuellement
4,3 Md€ au sport. La plus grande part de
ces crédits – 3,5 Md€ – est destinée au
sport scolaire et universitaire et finance
essentiellement la masse salariale des
enseignants d’éducation physique et
sportive.
Les montants mobilisés dans le
périmètre du ministère des sports attei-
gnent pour leur part 867 M€ en 2012 :
310 M€ sont consacrés aux dépenses de
rémunérations et de fonctionnement
des services ; 275 M€ relèvent du pro-
gramme « sport » du budget de l’Etat,
dont près de 70 % des crédits sont affec-
tés au sport de haut niveau ; enfin, le
CNDS, dont la vocation première est le
financement du sport pour tous dans sa
dimension territoriale, bénéficie de res-
sources affectées pour un niveau de
dépenses évalué à 282 M€ en 2012.
Un rôle de régulation
à adapter
A côté de l’Etat et des fédérations
sportives, d’autres acteurs se sont affir-
més et occupent une place croissante.
Les collectivités territoriales sont des
acteurs essentiels, dont le rôle a été ren-
forcé depuis le début des années 1980
par les lois de décentralisation : elles
consacrent environ 10,8 Md€ par an au
sport. Par ailleurs, si le statut profession-
nel ne concerne qu’un nombre restreint
de sportifs – environ 4 500 en France –,
la médiatisation des compétitions a for-
tement accru les enjeux qui y sont liés :
ainsi, le montant des droits de retrans-
mission des évènements sportifs est
passé de 510 M€ en 2000 à 1,13 Md€ en
2010.
Tout en étant significatifs, les
moyens que l’Etat consacre au sport ne
constituent qu’une part minoritaire des
financements du sport, y compris des
financements publics. En 2009, les
dépenses liées au sport se sont élevées
en France à 34,9 Md€, soit 1,85 % du
PIB. L’Etat représente, tous ministères
confondus, environ 12,5 % de ce total et
les collectivités territoriales 31 % ; les
L’Etat confronté aux évolutions
du sport
9
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
entreprises représentent la plus faible
part, avec 9,5 % ; les ménages restent les
premiers contributeurs, avec 16,5 Md€,
soit près de la moitié des moyens
alloués.
Dans un contexte de grande ten-
sion pour les finances publiques, l’Etat
doit adapter sa stratégie en tenant
compte des évolutions du sport et de ses
acteurs. S’il joue un rôle important dans
l’organisation du sport et la définition
des politiques sportives, il est appelé à
intervenir moins comme financeur
majeur – notamment pour le sport pour
tous – que comme régulateur et correc-
teur de déséquilibres. Il lui appartient de
concentrer les moyens dont il dispose au
service de priorités resserrées, dans le
cadre des deux grands objectifs qu’il a
définis : le développement du sport
pour tous, l’excellence du sport de haut
niveau. Cette concentration des moyens
doit se faire, pour être efficace, en coor-
dination et en complémentarité avec les
différents acteurs du sport.
Par ailleurs, les questions liées à
l’intégrité et à la probité des compéti-
tions ont pris une importance croissante
avec le développement des enjeux finan-
ciers liés au sport de haut niveau et au
sport professionnel, et se répercutent
sur l’image générale du sport. Le traite-
ment de ces questions relève fondamen-
talement du rôle de régulation de l’Etat.
Les réponses nationales, nécessaires,
doivent toutefois être complétées et la
France doit intervenir en faveur d’un
renforcement des dispositifs internatio-
naux de prévention et de sanction,
notamment en matière de dopage, de
paris sportifs et de contrôle de gestion
des clubs.
Enfin, l’Etat doit développer ses
instruments de mesure et d’évaluation.
L’élaboration d’un compte satellite du
sport permettrait d’approfondir les don-
nées socio-économiques disponibles.
L’impact de la pratique sportive sur la
santé, sur l’employabilité et sur la cohé-
sion sociale reste également insuffisam-
ment mesuré. L’expertise des besoins,
notamment en équipements, mérite
d’être affinée. Enfin, le sport scolaire et
le sport universitaire doivent être inté-
grés dans la mesure de la performance
des politiques sportives.
11
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
Le développement du sport
pour tous
D’importantes inégali-
tés d’accès à la pra-
tique sportive
L’Etat
consacre
des
crédits
importants au développement du
sport pour tous. Hors sport à l’école,
ceux-ci se sont élevés à 387 M€ en
2011 . Il s’agit en fait d’une politique
partagée avec les collectivités territo-
riales, qui apportent l’essentiel du
financement des clubs et des équipe-
ments. En dépit d’un effort financier
substantiel, les résultats obtenus sont
contrastés et posent la question de la
complémentarité de l’action de l’Etat
avec celle des collectivités territoriales.
En matière de pratique sportive
générale, la France se situe dans la
moyenne européenne : près de 50 %
des Français âgés de plus de 15 ans
pratiquent un sport au moins une fois
par semaine. Ce constat contraste avec
un taux moyen de licence
(27,2 % de
la population en 2011) et des inégalités
marquées dans l’accès aux clubs : cer-
tains publics - femmes, handicapés,
habitants des zones urbaines sensibles
- demeurent, en effet, sous-représen-
tés dans les clubs affiliés aux fédéra-
tions. L’offre proposée par les clubs ne
répond pas suffisamment à l’objectif,
affiché par les fédérations, de recruter
davantage de licenciés afin de dévelop-
per leur autonomie financière : il est
donc nécessaire de faire évoluer cette
offre pour tenir compte des besoins
nouveaux.
Les inégalités d’accès au sport
recouvrent également des inégalités
territoriales en matière d’équipement.
Les territoires les moins bien dotés
sont les agglomérations importantes -
en particulier la région parisienne - et
les collectivités d’outre-mer. Les zones
urbaines sensibles (ZUS) apparaissent
particulièrement sous-équipées : une
étude du ministère des sports publiée
dans le rapport de l’observatoire
national des zones urbaines sensibles
(ONZUS) pour l’année 2009 relève
que ces territoires comptent en
moyenne 20 équipements pour 10 000
habitants, alors que les aires urbaines
qui les abritent en comptent 35.
Le développement du sport
pour tous
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Ces constats déterminent ce que
devraient être la mise en oeuvre de la
mission principale de l’Etat dans ce
domaine : contribuer à la réduction
des inégalités territoriales dans un
souci de complémentarité avec les col-
lectivités territoriales. Or les instru-
ments qu’il utilise paraissent mal
orientés et exposés au risque de sau-
poudrage, qu’il s’agisse des dotations
versées dans le cadre des conventions
d’objectifs ou des subventions versées
par le CNDS.
Réorienter le CNDS
vers la correction des
inégalités
Le CNDS verse principalement
deux types de subventions : des sub-
ventions pour les clubs et les struc-
tures déconcentrées des fédérations et
du comité national olympique et spor-
tif français (CNOSF) – ce qu’on
appelle la « part territoriale » - et des
subventions d’équipement destinées à
contribuer au financement d’équipe-
ments sportifs. Les premières, qui
s’élèvent à 142 M€ pour 2011, consti-
tuent, dans de nombreux cas, une sub-
vention de fonctionnement dont le
montant médian relativement faible
(1 200 € pour les clubs) et le nombre
important (plus de 41 000 aides accor-
dées à plus de 35 000 bénéficiaires en
2011) limitent les effets de levier. Les
secondes, d’un montant de 111 M€ en
2011, ne sont pas suffisamment orien-
tées vers le soutien à des projets
d’équipement situés dans les terri-
toires les moins bien dotés.
En outre, compte tenu des
contraintes budgétaires pesant sur le
ministère chargé des sports, le CNDS,
qui bénéficie de ressources affectées,
s’est vu confier le financement d’au-
tres dispositifs, tels que le soutien à
l’euro 2016 de football, sans compen-
sation et donc au détriment du soutien
au sport pour tous. Dès lors, une clari-
fication des compétences du CNDS
apparaît nécessaire pour en faire un
opérateur consacré exclusivement au
développement du sport pour tous, et
non le support du financement des
initiatives que le ministère ne peut pas
assumer.
Par ailleurs, il conviendrait que le
CNDS modifie sensiblement son
mode d’intervention et évolue vers un
véritable financement sur appels à
projets pour la part territoriale comme
pour les subventions de fonctionne-
ment. S’agissant de la part territoriale,
Le développement du sport
pour tous
13
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
son action doit porter sur des projets
de taille significative, répondant uni-
quement à l’objectif d’un accroisse-
ment de la pratique sportive des
publics qui en sont le plus éloignés, et
les critères de répartition des crédits
entre les régions devraient être revus
pour prendre davantage en compte les
inégalités territoriales. De même, les
subventions d’équipement devraient
être consacrées intégralement à la cor-
rection de ces inégalités. En définitive,
l’unique critère d’éligibilité des projets
subventionnés doit être leur localisa-
tion dans un territoire sous-équipé,
défini objectivement pour chaque
catégorie d’équipement.
Sous ces conditions, le CNDS
pourrait s’affirmer comme un instru-
ment efficace de développement de la
pratique sportive, en complément de
l’action des collectivités territoriales.
Inclure le sport sco-
laire et universitaire
dans la stratégie du
sport pour tous
La stratégie de développement
du sport pour tous doit prendre en
compte également la dimension du
sport à l’école et à l’université, qui joue
un rôle essentiel dans la diffusion de la
culture sportive et l’augmentation de
la pratique.
Pourtant, les ministères de l’édu-
cation nationale et de l’enseignement
supérieur et de la recherche n’ont
défini que très partiellement des
objectifs et indicateurs pour l’activité
sportive scolaire et universitaire, que
celle-ci s’inscrive dans un cadre obliga-
toire ou bien volontaire. En outre, les
résultats apparaissent contrastés. Si les
effectifs licenciés de l’union nationale
du sport scolaire (UNSS) et de la fédé-
ration française du sport universitaire
(FFSU) ont progressé durant la
période récente, les objectifs globaux
qui leur ont été fixés (50 % des collé-
giens licenciés pour l’UNSS, 120 000
licenciés pour la FFSU) paraissent
dépasser leurs possibilités à court
terme, car ils représentent respective-
ment un doublement et une augmen-
tation d’un tiers des effectifs actuelle-
ment licenciés.
Surtout, le sport à l’école n’appa-
raît pas comme une composante à part
entière de la politique de l’Etat en
faveur du sport pour tous. Un clivage
très fort existe entre le sport scolaire et
le sport universitaire, comme entre les
Le développement du sport
pour tous
14
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
divers acteurs du sport universitaire. Il
est tout aussi marqué entre leurs
actions et le sport pratiqué en clubs,
alors même que les unes et les autres
devraient être complémentaires. Les
ministères de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la
recherche et le ministère chargé des
sports travaillent de manière cloison-
née, sans qu’une réflexion d’ensemble
n’ait été engagée sur le développement
des activités physiques et sportives
pour le plus grand nombre. Au-delà
d’une simple coordination avec les
structures fédérales, une véritable
ouverture de l'école sur le monde
sportif associatif semble nécessaire,
en particulier pour les activités spor-
tives volontaires dans le premier et le
second degré. A ce titre, l’élaboration
d’un document de politique transver-
sale (DPT), retraçant l’ensemble des
moyens publics en faveur du sport
relevant de l’action de ces différents
ministères, permettrait d’améliorer la
visibilité de l’action de l’Etat et favori-
serait la convergence des actions vers
des objectifs communs.
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
Le soutien au sport de haut
niveau
Des résultats encoura-
geants, mais fragiles
A la différence du sport pour
tous, l’Etat joue dans le sport de haut
niveau un rôle prédominant : il inter-
vient pour la reconnaissance du carac-
tère de haut niveau des disciplines, il
valide les filières d’accès (parcours de
l’excellence sportive), et il arrête les
listes des sportifs de haut niveau. Il
consacre à ce domaine des moyens
importants (près de 300 M€ en 2011),
en s’appuyant sur un réseau d’établis-
sements publics spécialisés, en appor-
tant un soutien important aux fédéra-
tions sportives, et en attribuant des
aides directes aux sportifs.
L’Etat s’est fixé comme objectif
de conforter le rang de la France
parmi les grandes nations sportives.
Au regard des indicateurs retenus par
le ministère des sports, les résultats
sont encourageants, puisque la France
se classe au 5ème rang mondial.
Ces résultats comportent, toute-
fois, des fragilités. Ils sont, en effet,
moins bons si on les rapporte aux
seuls titres olympiques obtenus, et le
sport de haut niveau féminin est trop
souvent en retrait : sur ces deux
points, les meilleurs résultats obtenus
lors des jeux olympiques de Londres
2012 demandent à être consolidés. Les
sports collectifs, masculins et fémi-
nins, ont par ailleurs une représenta-
tion inégale dans les grandes compéti-
tions. Enfin, les résultats obtenus aux
jeux paralympiques sont mauvais.
En outre, le sport de haut niveau,
en se mondialisant et en se profession-
nalisant, évolue désormais dans un
contexte de concurrence internatio-
nale avivée. Un nombre croissant de
pays, sensibles à l’image véhiculée par
la réussite sportive, élaborent des stra-
tégies ambitieuses, à l’image du
Royaume-Uni
qui
s’appuie
sur
l’agence publique UK Sport pour pilo-
ter le soutien au sport de haut niveau
et suivre la réalisation des objectifs
fixés.
Afin de remédier aux faiblesses
constatées et de répondre à l’exigence
accrue de compétitivité, l’Etat doit
s’attacher à la recherche d’une meil-
Le soutien au sport de haut
niveau
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
leure efficience dans les moyens mis
en œuvre et les conditions de leur
emploi. Les constats effectués par la
Cour montrent que des progrès
importants peuvent être réalisés.
Un accompagnement
des sportifs à réformer
Le ministère chargé des sports a
développé depuis plus de trente ans
une politique en faveur du « double
projet » des sportifs de haut niveau,
visant à concilier performance spor-
tive et réussite dans
leurs études ou
leur
insertion
professionnelle.
L’organisation mise en place demande,
toutefois, à être réformée.
Tout d’abord, le périmètre du
haut niveau est défini de façon très
large, ce qui entraîne des demandes de
financement nombreuses et une dis-
persion des moyens attribués. Ainsi,
pas moins de 119 disciplines sont
actuellement reconnues par l’Etat
comme relevant du haut niveau, dont
40 disciplines non olympiques. Les
listes ministérielles concernent envi-
ron 15 000 sportifs, dont 8 000 espoirs
et partenaires d’entraînement. La mise
en place, en 2009, des parcours de l’ex-
cellence sportive, qui visaient à redéfi-
nir les filières du sport de haut niveau,
a peu modifié le paysage existant.
Les aides financières directes, qui
ont bénéficié à 3 137 sportifs en 2011,
sont très dispersées, leurs modalités
d’octroi et de versement sont insuffi-
samment encadrées, et l’impact de ces
aides n’est pas évalué. De même, les
aides à l’emploi (conventions d’amé-
nagement d’emploi dans le secteur
public et conventions d’insertion pro-
fessionnelle dans le secteur privé)
devraient être mieux ciblées : le nom-
bre de bénéficiaires est passé de 400
en 2001 à 749 en 2011, et un quart des
sportifs concernés relève d’une disci-
pline non olympique.
Par ailleurs, le dispositif permet-
tant aux sportifs de haut niveau et aux
espoirs de bénéficier d’aménagements
de leur cursus scolaire et universitaire
n’a pas été adapté aux évolutions les
plus récentes. Surtout, il n’existe aucun
suivi national qui permettrait d’asso-
cier les ministères chargés respective-
ment des sports, de l’éducation natio-
nale et de l’enseignement supérieur, et
de produire un état des lieux précis et
une évaluation des résultats obtenus.
Il conviendrait en conséquence
de faire preuve d’une plus grande
sélectivité lors des différentes étapes
du processus de gestion du sport de
Le soutien au sport de haut
niveau
17
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
haut niveau, et d’une meilleure maî-
trise du dispositif d’accompagnement
des sportifs. Cette orientation suppose
un resserrement des disciplines recon-
nues de haut niveau et des listes de
sportifs, mais également une plus
grande concentration des moyens
humains, matériels et financiers pour
permettre un soutien efficace des
sportifs les plus performants.
Un réseau du sport
de haut niveau à
renforcer
Le nombre d’acteurs concernés
par le sport de haut niveau révèle un
effort collectif important, mais égale-
ment une complexité qui favorise un
défaut de pilotage et d’articulation.
Les
établissements
publics
dépendant du ministère des sports ont
été restructurés depuis 2009, mais la
mise en place d’une gestion par la per-
formance a été tardive et reste incom-
plète. Les contrats de performance ne
sont ni homogènes dans leur contenu,
ni coordonnés dans le temps, et ne
sont même pas calés sur le rythme des
olympiades,
contrairement
aux
conventions d’objectifs passées avec
les fédérations. En outre, le dévelop-
pement inégal de la comptabilité ana-
lytique freine la définition de poli-
tiques tarifaires adaptées.
Les réformes successives enga-
gées depuis 2009 ont visé à constituer
un réseau national du sport de haut
niveau, réunissant l’ensemble des éta-
blissements du ministère qui accueil-
lent des sportifs et les structures rele-
vant des parcours de l’excellence spor-
tive. L’animation de ce réseau a été
confiée à l’institut national du sport,
de l’expertise et de la performance
(INSEP). Sa mise en œuvre concrète
ne se fait, toutefois, que très progressi-
vement, et ses réalisations restent très
limitées.
Afin que cette logique de réseau
puisse mieux s’imposer, la Cour
recommande que l’INSEP devienne
l’instrument opérationnel d’une poli-
tique mieux coordonnée. Sous son
égide, le réseau national du sport de
haut niveau pourrait être plus forte-
ment structuré autour des deux mis-
sions prioritaires des établissements :
l’accueil des sportifs de haut niveau et
la formation. L’INSEP pourrait, en
outre, remplir, en liaison avec les fédé-
rations sportives, un rôle de suivi et
d’évaluation de la qualité des prépara-
tions pour les disciplines de haut
Le soutien au sport de haut
niveau
18
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
niveau. Sa relation avec les sportifs les
plus performants pourrait enfin être
consolidée en lui confiant les modali-
tés d’établissement des listes de spor-
tifs et la gestion des aides. L’extension
de son registre d’action rendrait toute-
fois simultanément nécessaire une
plus grande ouverture de sa gouver-
nance au mouvement sportif.
19
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
4
Les relations avec les
fédérations sportives
L’Etat dispose de deux leviers
principaux pour orienter l’action des
fédérations : les conventions d’objec-
tifs et les conseillers techniques spor-
tifs (CTS). Les premières doivent être
rénovées pour devenir des instru-
ments plus efficaces d’orientation de
l’action des fédérations. Les seconds
doivent être mieux gérés et mieux
répartis.
Par le canal des conventions
d’objectifs, les fédérations reçoivent
un concours financier global qui
devrait s’élever à 85,6 M€ en 2013. Le
montant de ces subventions n’est pas
fondé sur des critères répondant à une
stratégie claire. Un réexamen d’ensem-
ble de ces subventions est nécessaire
afin de rendre le soutien de l’Etat plus
efficace au regard des orientations
qu’il a définies, même si cette
démarche nécessite une période de
transition pour atteindre une réparti-
tion optimale des subventions. Les
conventions doivent désormais être
systématiquement pluriannuelles et
devraient être dotées d’objectifs plus
précis et mieux suivis, en contrepartie
d’une plus grande liberté d’utilisation
des subventions.
Les conseillers
techniques sportifs
1 680 conseillers techniques
sportifs (CTS) sont placés auprès de
77 fédérations sportives, pour un coût
total d’un peu moins de 110 M€ par an
pour l’Etat : il s’agit du plus important
soutien apporté par l’Etat aux fédéra-
tions, d’un montant supérieur aux sub-
ventions.
Le statut dérogatoire des conseil-
lers techniques sportifs au regard des
dispositions générales de la fonction
publique entraîne une situation peu
satisfaisante. S’il devait être maintenu,
des mesures de gestion devraient être
prises, en premier lieu, sous la forme
d’un suivi plus systématique de l’acti-
vité des conseillers techniques sportifs
par le service à compétence nationale
créé récemment. Par ailleurs, les
modalités de rémunération des CTS
sportifs doivent être révisées : les
compléments de rémunération qui
leur sont versés par les fédérations
Les relations avec les
fédérations sportives
20
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
doivent notamment être mieux enca-
drés. La nature des missions qui leur
sont confiées doit être mieux définie :
la typologie de leurs missions pourrait
être resserrée sur des fonctions straté-
giques et de coordination, en priorité
au niveau national, ce qui permettrait
de réduire le nombre total d’emplois.
Enfin, la répartition actuelle de ces
emplois entre les fédérations doit être
adaptée aux évolutions des besoins et
des disciplines : dans ce cadre, le nom-
bre de fédérations bénéficiant d’un
encadrement d’Etat pourrait être sen-
siblement réduit.
Cette évolution conduira à dimi-
nuer le soutien public en faveur de cer-
taines fédérations. Il apparaît donc
indispensable de les inciter également
à se moderniser et à évoluer vers une
plus grande autonomie et à renforcer
les solidarités permettant de préserver
l’unité du sport.
Accroître l’autonomie
financière des fédéra-
tions et en améliorer
la gestion
Dans le contexte d’un système
fédéral très dispersé - la France
compte 117 fédérations agréées, alors
que l’Allemagne n’en a que 60 et
l’Italie et l’Espagne 64 -, les fédéra-
tions doivent constituer des ensembles
plus cohérents et regrouper un nom-
bre minimal de clubs et de licenciés
pour disposer des moyens d’une meil-
leure maîtrise de leur gestion. Il
convient de favoriser les rapproche-
ments entre fédérations afin de per-
mettre des mutualisations : l’Etat peut
les encourager dans cette voie, en
déterminant par exemple des critères
de financement tenant compte d’une
taille critique à atteindre ; il peut égale-
ment s’opposer à l’agrément de nou-
velles fédérations, afin d’inciter les
nouvelles disciplines à rejoindre les
fédérations existantes.
En outre, la féminisation des ins-
tances dirigeantes est encore trop lente
en l’absence de dispositions prévoyant
des sanctions. Le ministère chargé des
sports devra être attentif à cette ques-
tion dans la perspective du renouvelle-
ment prochain des instances diri-
geantes en rappelant aux fédérations
leurs obligations de représentativité et
en les inscrivant dans les conventions
d’objectifs.
Par ailleurs, les fédérations doi-
vent veiller à améliorer leur gestion, ce
qui requiert par une meilleure qualifi-
Les relations avec les
fédérations sportives
21
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
cation des cadres et des dirigeants
sportifs. L’accroissement de l’autono-
mie des fédérations passe également
par la progression de leurs ressources
propres, ce qui implique une augmen-
tation du nombre de licenciés, voire
dans certains cas du prix de la licence,
ainsi que le développement des res-
sources commerciales.
Pour autant, toutes les fédéra-
tions ne peuvent pas développer faci-
lement des recettes commerciales
importantes. Il convient donc égale-
ment d’améliorer les mécanismes de
solidarité financière, tant entre les sec-
teurs amateur et professionnel au sein
d’une même fédération, qu’entre les
fédérations elles-mêmes, afin d’accroî-
tre l’autonomie du mouvement sportif
tout en préservant son unité.
Une solidarité finan-
cière à consolider
Les deux mécanismes de solida-
rité financière existant aujourd’hui
doivent être consolidés.
Le premier prévoit une solidarité,
au sein de chaque sport, entre les sec-
teurs professionnel et amateur : il pose
le principe d’une répartition des pro-
duits de la commercialisation par la
ligue professionnelle des droits d’ex-
ploitation des sociétés sportives entre
la fédération, la ligue et ces sociétés.
Cependant, la portée de ce principe est
limitée. D’une part, les fédérations qui
ont constitué une ligue professionnelle
mais qui n’ont pas cédé les droits d’ex-
ploitation aux sociétés sportives, ne
sont pas tenues par ce principe de soli-
darité. D’autre part, le solde net des
transferts financiers avec le sport pro-
fessionnel n’est pas toujours favorable
au sport amateur, comme dans le cas
du rugby, par exemple. Le ministère
chargé des sports doit donc engager
une réflexion sur des dispositions qui
garantiraient aux fédérations d’être
bénéficiaires nettes dans leurs flux
financiers avec les ligues, tout en
tenant compte des situations particu-
lières dans lesquelles l’émergence d’un
secteur professionnel, récente et fra-
gile, peut justifier un soutien tempo-
raire de la part de la fédération.
Un second mécanisme de solida-
rité financière prévoit depuis 2000 une
mutualisation des ressources entre le
sport professionnel et le sport ama-
teur par le biais du dispositif dit de la
« taxe Buffet ». Cette taxe, dont le pro-
duit, évalué à 43,4 M€ pour l’année
2012, bénéficie au CNDS, est due par
les fédérations et les ligues, principale-
Les relations avec les
fédérations sportives
22
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
ment lors de la cession à un service de
télévision des droits de diffusion de
manifestations ou de compétitions
sportives.
L’assiette de cette taxe est expo-
sée à un risque d’érosion du fait de la
stagnation actuelle des droits de
retransmission et parce que les droits
cédés depuis l’étranger à des diffu-
seurs français échappent à ce prélève-
ment. Dans un souci de consolidation
de cette taxe, un élargissement de son
assiette, permettant de toucher l’en-
semble des recettes générées par la
commercialisation
des
droits
de
retransmission des compétitions spor-
tives, apparaît
souhaitable. Par ailleurs,
son application aux droits cédés
depuis l’étranger pourrait impliquer
les diffuseurs français. Dans cette
perspective, la « taxe Buffet » serait
appliquée à deux catégories de contri-
buables : les fédérations et les ligues,
lorsque les droits sont cédés depuis la
France, et les diffuseurs français,
lorsque la personne morale cédant les
droits se situe à l’étranger.
Conclusion
23
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
L’Etat occupe une place centrale dans la conduite de la politique du sport. Il exerce, en pre-
mier lieu, un rôle essentiel de régulateur, mais il intervient également en matière de développement
de la pratique sportive et de soutien au sport de haut niveau, en collaboration avec les collectivités
territoriales et le mouvement sportif. Son action mérite d’être réformée dans ces deux domaines.
L’action de l’Etat en faveur d’un égal accès au sport est, en effet, aujourd’hui trop peu effi-
cace, et apparaît même résiduelle par rapport à celle des collectivités territoriales. Sa légitimité ne
peut être réaffirmée que si une réforme de ses modes d’intervention est engagée, en se réorientant réso-
lument vers les publics les plus éloignés de la pratique sportive. Cette réorientation doit également
s’appuyer sur une meilleure articulation entre le sport à l’école et le sport en club.
En ce qui concerne le sport de haut niveau, l’accent doit être mis sur l’amélioration de l’effi-
cience du dispositif. Cette amélioration passe notamment par davantage de cohérence dans l’utilisa-
tion des moyens et par l’affirmation d’orientations mieux coordonnées entre les différents acteurs qui
interviennent dans ce domaine.
La stratégie de l’Etat doit également se traduire dans des conventions rénovées et un soutien
aux fédérations fondé sur des critères objectifs. Par ailleurs, la situation de dépendance de nom-
breuses fédérations sportives vis-à-vis des pouvoirs publics doit laisser la place à un monde fédéral
plus autonome : cet objectif passe notamment par un développement des ressources propres des fédé-
rations. Cependant, les disparités entre elles sont telles que les mécanismes de solidarité financière
existants doivent faire l’objet d’une consolidation.
C’est sous ces conditions que l’Etat pourra continuer à jouer un rôle-clef, afin d’assurer la
démocratisation de la pratique sportive et de promouvoir l’excellence du haut niveau.
Recommandations
24
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Adapter le rôle de régulation
de l’Etat :
- définir des priorités resserrées
pour les interventions de l’Etat s’ins-
crivant dans les objectifs du dévelop-
pement de la pratique sportive et de
l’excellence du sport de haut niveau ;
- promouvoir la mise en place
d’instruments internationaux coor-
donnés, notamment en matière de
réglementation des paris sportifs et
de contrôle des clubs profession-
nels ;
- développer des outils de
mesure et d’analyse des dépenses
sportives et des effets de la pratique
du sport sur la santé, l’employabilité
et la cohésion sociale.
Développer une politique
efficace de réduction des inégali-
tés dans l’accès au sport :
- mettre fin au subventionne-
ment par le centre national pour le
développement du sport des disposi-
tifs sans lien avec le sport pour tous ;
- réformer les instruments d’in-
tervention du centre national pour le
développement du sport : pour la
part territoriale, procéder à des
appels à projets visant à accroître la
pratique sportive chez les publics qui
en sont le plus éloignés ; pour les
subventions d’équipement, ne finan-
cer que des projets qui répondent à
des situations de sous-équipements ;
- faire du sport scolaire et uni-
versitaire une composante du sport
pour tous en promouvant les passe-
relles entre le sport à l’école et le
sport en club.
Accroître l’efficience du dis-
positif du sport de haut niveau et
renforcer sa structuration :
- apporter une aide plus ciblée
et sélective au sport de haut niveau,
en reconnaissant un nombre plus
restreint de disciplines soutenues par
l’Etat, en concentrant les aides finan-
cières personnalisées et les aides à
l’insertion professionnelle, et en éva-
luant leur impact ;
- développer et coordonner les
contrats de performance conclus
avec les établissements publics du
réseau du sport de haut niveau ;
Recommandations
25
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
- faire de l’institut national du
sport, de l'expertise et de la perfor-
mance le pivot opérationnel d’une
politique de coordination du sport de
haut niveau, en lui attribuant un pou-
voir de direction opérationnelle du
réseau et en lui faisant assurer le suivi
et l’évaluation des disciplines de haut
niveau soutenues par l’Etat.
Réformer les relations avec
le mouvement sportif et réaffir-
mer l’unité du sport :
- redéfinir les critères d’alloca-
tion aux fédérations des moyens
financiers et en conseillers tech-
niques sportifs ;
- conclure des conventions
comportant des objectifs partagés
précis, tout en laissant aux fédéra-
tions une plus grande liberté dans
l’utilisation des fonds alloué ;
- consolider la « taxe Buffet » en
élargissant son assiette aux droits de
retransmission depuis l’étranger.