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COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DU
SENAT
ARTICLE 58-2° DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOUT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
Les frais de justice
Septembre 2012
Sommaire
AVERTISSEMENT
...........................................................................
5
RESUME
............................................................................................
7
RECOMMANDATIONS
...................................................................
9
INTRODUCTION
...........................................................................
11
CHAPITRE I - UNE DEPENSE ATYPIQUE A LA
PROGRESSION DYNAMIQUE
....................................................
13
I
- Une dépense aux contours imprécis gérée dans un cadre dérogatoire 13
A - L’absence de définition précise des frais de justice
............................
13
B - Un mode de gestion dérogatoire de la dépense
.................................
21
II
- Des postes de dépense en constante augmentation
...........................
26
B - Les grands postes de dépense
............................................................
28
C - Les facteurs de l’augmentation des frais de justice en prix et en
volume
.....................................................................................................
35
CHAPITRE II - DES PREVISIONS BUDGETAIRES PEU
REALISTES
.....................................................................................
47
I
- La sous-budgétisation chronique
.........................................................
47
A - Le poids croissant des frais de justice
.................................................
48
B - La difficile prévision des besoins en frais de justice
............................
52
C - Les perturbations dans l’exécution budgétaire
..................................
55
II
- Les effets de la sous budgétisation
.....................................................
64
A - L’insuffisance des crédits entraîne des coûts de gestion indirects
.....
64
B - La sous-budgétisation nuit au bon fonctionnement de la justice
.......
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COUR DES COMPTES
CHAPITRE III - LES LEVIERS DE LA RATIONALISATION ET
DE LA MODERNISATION DE LA GESTION DES FRAIS DE
JUSTICE
...........................................................................................
71
I
- La rationalisation de la prescription doit être poursuivie
.....................
72
A - La rationalisation du recours aux prestataires
....................................
73
B - La sensibilisation à la dépense
............................................................
79
II
- La modernisation du traitement des mémoires exige la mise en œuvre
de projets innovants
.................................................................................
81
A - Poursuivre la simplification du circuit de la dépense, dérogatoire et
trop complexe
..........................................................................................
82
B - Alléger les procédures
.........................................................................
89
C - Renforcer les moyens attribués au traitement des mémoires
...........
91
D - Des projets innovants à conforter
......................................................
97
ANNEXES
.....................................................................................
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Avertissement
En application de l’article 58-2° de la loi organique du 1
er
août
2001 relative aux lois de finances (LOLF), la Cour des comptes a été
saisie par le président de la commission des finances du Sénat, par lettre
du 21 novembre 2011
1
, d’une demande d’enquête sur la gestion des frais
de justice par le ministère de la justice. Le Premier président de la Cour
des comptes lui a répondu le 11 janvier 2012
2
.
Le contenu de cette
demande a été précisé lors d’une réunion de travail avec le rapporteur
spécial de la commission des finances du Sénat, M. Edmond Hervé, le 18
janvier 2012.
Les frais de justice avaient déjà fait l’objet en 2005
d’un contrôle
de la Cour
à la demande du président de la commission des finances
du
Sénat, sur le fondement des mêmes dispositions, le champ de l’enquête
ayant été circonscrit aux frais de justice pénale. Ce contrôle avait donné
lieu à un rapport adressé le 18 novembre 2005 à la commission des
finances du Sénat qui avait ultérieurement décidé de le publier (rapport
d’information du Sénat n° 216 – session ordinaire de 2005-2006 du
22 février 2006).
La Cour a de nouveau effectué en 2007 un contrôle des frais de
justice en l’élargissant à l’ensemble des frais de justice pénale et civile et
aux procédures de gestion de ces frais, qui a fait l’objet d’une publication
au rapport public annuel de 2008.
Pour procéder à l’enquête, objet du présent rapport, la Cour a
réalisé de nombreux contrôles auprès des directions d’administration
centrale du ministère de la justice, du contrôleur budgétaire et comptable
ministériel de ce département, de la direction du budget, de la direction
générale des finances publiques, de l’Agence pour l’informatique
financière de l’Etat, de la direction générale de la police nationale, de la
direction générale de la gendarmerie nationale, de trois cours d’appel,
d’une direction départementale des finances publiques, d’une direction
départementale de la sécurité publique, d’un groupement départemental
de la gendarmerie nationale, de l’Ecole nationale de la magistrature, de
l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, de l’Institut
national de police scientifique, de la Cour nationale du droit d’asile ainsi
que de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
1
Cf. annexe 1
2
Cf. annexe 2
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COUR DES COMPTES
La période couverte par l’enquête s’étend de 2006 à 2011, les
observations ayant été étendues à 2012 lorsque cela est apparu pertinent.
L’enquête a été réalisée par la quatrième chambre de la Cour.
A la
suite de l’examen du rapport d’instruction le 27 juin 2012, un relevé
d’observations provisoires a été adressé le 6 juillet 2012 au secrétaire
général du ministère de la justice, à la directrice des services judiciaires,
au contrôleur budgétaire et comptable ministériel du ministère de la
justice, au directeur du budget, au directeur général des finances
publiques ainsi qu’au secrétaire général du ministère de l’intérieur.
Les
réponses des destinataires ont été portées à la connaissance de la Cour
entre le 3 et le 27 août 2012.
Le projet de rapport, tenant compte de l’analyse que la Cour a faite
des observations
des administrations, a été délibéré le 30 août 2012, par
la quatrième chambre, présidée par M Bayle, président de chambre, et
composée de MM. Prat et Lambert, conseillers maîtres, le rapporteur
étant M. Lafaure, conseiller maître, et M. Vermeulen, conseiller maître,
étant le contre-rapporteur.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 11septembre 2012 par le
comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de MM. Migaud, Premier président, Johanet, procureur général,
Descheemaeker,
Bayle,
Bertrand,
rapporteur
général
du
comité,
Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas et Briet, présidents
de chambre.
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Résumé
Les frais de justice, indispensables à la manifestation de la vérité,
sont étroitement liés à l’activité judicaire, et essentiellement pénale. Le
magistrat, qui en est le prescripteur et qui intervient dans le cadre de sa
liberté constitutionnelle, dispose de moyens d’investigations techniques
de plus en plus performants ; mais aussi de plus en plus coûteux. Il a
également la charge d’appliquer des textes de loi fréquemment réformés,
souvent dans le sens d’une culture de la preuve, et sans égard particulier
pour la dépense finale.
Or l’augmentation
non maîtrisée du cout des frais de justice est
intervenue dans un contexte de contrainte budgétaire et de sous-
budgétisation structurelle.
En tout état de cause, les nouveaux modes de preuve, utilisés avec
discernement, ne peuvent être écartés
au seul motif de leur coût dès lors
qu’ils permettent d’améliorer le taux d’élucidation des actes de
délinquance.
Dans l’intérêt du bon fonctionnement de la justice, il est désormais
nécessaire de mettre un terme à l’insincérité budgétaire et de prévoir,
dans une optique de redéploiement des moyens du ministère de la justice,
une budgétisation réaliste des frais de justice, quelles que soient les
difficultés de leur évaluation. Les à-coups de gestion ainsi que
l’accumulation des restes à payer hypothèquent en effet actuellement trop
fortement
la gestion des juridictions.
Cet assainissement budgétaire est la condition préalable d’une
remise en ordre de la gestion des frais de justice.
C’est à une rationalisation des prescriptions, à un allégement des
procédures et à une modernisation des circuits de la dépense qu’appelle la
Cour.
Ces réformes sont cependant tributaires de la diminution du
nombre, aujourd’hui considérable, des mémoires de frais de justice. C’est
en particulier à cette seule condition que la généralisation de leur gestion
sous Chorus pourra alors être envisagée. Les nombreuses mesures prises
ces dernières années pour fluidifier la chaîne de traitement des frais de
justice, n’ont en effet pas encore permis au ministère de surmonter de
nombreuses difficultés de mise en oeuvre.
La Cour considère enfin que ces changements ne pourront recevoir
leur plein effet que si le ministère réussit également la sensibilisation des
gestionnaires et des prescripteurs à ces modes de gestion rénovés.
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Recommandations
L’enquête
conduit
la
Cour
à
formuler
un
ensemble
de
recommandations qui figurent en fin de chapitre.
Elles sont récapitulées ci-dessous. Les recommandations suivies
d’un astérisque (*) nécessitent une modification législative.
Améliorer la connaissance et la maîtrise des frais de justice :
1- mettre en place une analyse du coût global des frais de justice,
intégrant ceux supportés par le ministère de l’intérieur ;
2- renforcer les études d’impact des projets
de loi
lorsque leurs
dispositions ont pour effet d’augmenter automatiquement les frais de
justice et recourir, chaque fois que cela paraît utile, à l’expérimentation ;
Mettre en place une gestion budgétaire réaliste :
3- améliorer la budgétisation des frais de justice de façon à
remédier à l’insincérité budgétaire et éviter les désordres liés aux
dysfonctionnements observés en cours de gestion* ;
4- réviser le calendrier de mise en place des délégations de crédits
complémentaires ;
5- veiller à ce que la nomenclature budgétaire permette de suivre
l’évolution sur le long terme des principaux postes de dépenses de frais
de justice ;
Moderniser et rationaliser la gestion :
6- clarifier rapidement le régime de TVA et celui des cotisations
sociales applicables aux expertises judiciaires* ;
7- examiner l’opportunité de distinguer les expertises de masse,
soumises soit à tarification, soit à une mise en concurrence dans le respect
du principe de l’indépendance du juge, de celles nécessitant une analyse
circonstanciée sous le contrôle direct du juge ;
8- permettre aux greffiers des tribunaux de commerce de faire
valoir clairement leur rang de privilège, en particulier en cas de procédure
partiellement impécunieuse* ;
9- rationaliser le recours aux prestataires en favorisant la
conclusion de marchés ;
10- sensibiliser les acteurs à la dépense frais de justice en les
responsabilisant et en diffusant l’information et les bonnes pratiques ;
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COUR DES COMPTES
11- moderniser le traitement des mémoires en expérimentant le
développement progressif de la gestion sous Chorus ;
12- mettre en place sans délai les projets innovants permettant la
réduction du nombre des mémoires et leur dématérialisation tout comme
celle des prestations.
13- associer l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat
(AIFE) à la mise en place d’interfaces entre les applications existantes, y
compris les logiciels de rédaction des procédures de police et
gendarmerie ;
14- expertiser la possibilité de soumettre à certification toutes les
prestations tarifées, quel qu’en soit le montant*.
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Introduction
Au sein du programme 166 « Justice judiciaire », les frais de
justice
représentent
plus
de
la
moitié
des
dépenses
dites
de
fonctionnement. Néanmoins, correspondant aux dépenses que l’Etat
prend en charge ou dont il fait l’avance, soit en contrepartie d’une
prestation prescrite par un magistrat, du siège ou du parquet, ou un
officier de police judiciaire (OPJ) dans le cadre des procédures pénales,
civiles et commerciales, soit en exécution de mesures décidées par
jugement ou arrêt, ils se distinguent des frais de fonctionnement, stricto
sensu, des tribunaux.
Distincts en outre des dépens et des frais irrépétibles, ils ont fait
l’objet d’une codification en 1959 par le biais du décret n° 59-318 du
23 février 1959 instituant dans le code de procédure pénale un titre X qui
leur est consacré. Ainsi, la majorité des dispositions concernant les frais
de justice figurent aux articles R. 91 à R. 250 du code de procédure
pénale.
En
l’absence
de
définition
légale
ou
réglementaire,
la
jurisprudence et les instructions de la chancellerie conduisent à considérer
que seuls constituent des frais de justice ceux énumérés aux articles R. 92
et R. 93 du code de procédure pénale.
Depuis 1993, ils sont entièrement pris en charge par l’Etat en
matière pénale.
Avant la mise en oeuvre des nouvelles règles relatives au budget et
aux comptes de l’Etat, à leur présentation, à leur vote, à leur exécution et
à leur contrôle issues de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) du 1
er
août 2001, les frais de justice comptaient au nombre des
crédits évaluatifs dont le législateur organique a réduit le périmètre dans
un souci de responsabilisation des gestionnaires.
En effet, en vertu de l’article 10 de la LOLF, seuls sont désormais
évaluatifs les crédits relatifs aux charges de la dette de l’Etat, aux
remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu de la
garantie de l’Etat.
Ce changement de logique a fortement modifié la gestion des frais
de justice, aujourd’hui sous plafond au même titre que d’autres crédits de
la mission « Justice », tels les crédits de l’aide juridictionnelle, ceux
relatifs au service d’accueil et d’hébergement ou encore à la santé des
détenus.
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COUR DES COMPTES
Toutefois,
l’engagement
des
frais
de
justice
présente
la
particularité de résulter des prescriptions des magistrats de l’ordre
judiciaire et des officiers de police judiciaire (OPJ)
qui s’exercent en
vertu d’une indépendance de principe sans que puisse être opposée une
contrainte ou restriction, en particulier d’ordre budgétaire. En outre, de
nombreuses
dispositions
législatives
ou
réglementaires
entraînent
l’engagement de frais de justice liés à des prescriptions à caractère
obligatoire.
Depuis 2006, le ministère de la justice est donc tenu de concilier
l’entière
liberté
de
prescription
des
magistrats,
corollaire
de
l’indépendance de la justice, avec un cadre budgétaire contraint. A
l’occasion du bilan de la mise en oeuvre de la LOLF publié en novembre
2011, la Cour des comptes a relevé l’effet vertueux de la LOLF appliqué
à la gestion des frais de justice qui ont fortement diminué, passant de
487 M€ en 2005 à 375 M€ en 2006 et 388 M€ en 2007, notamment à la
suite d’un effort de recensement des engagements et de mesures de
tarification et de la passation de marchés publics pour les prestations les
plus communes et onéreuses.
En dépit des recommandations de plusieurs rapports, tant de la
Cour des comptes que de missions générales d’inspection, qui ont inspiré
les réformes décidées par le ministère de la justice pour poursuivre la
rationalisation de la dépense associée aux frais de justice, celle-ci est
repartie à la hausse depuis 2007, sans discontinuer, pour atteindre
537,13 M€ en 2011.
Pour autant, ces crédits se révèlent sous-budgétés et ne permettent
pas de payer tous les prestataires dans des délais acceptables. Un rapport
conjoint de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale
des services judiciaires de juin 2011 fait état de dettes d’un montant
minimum de 106 M€ au 31 décembre 2010. Or, les reports de charge,
c’est-à-dire le report sur l’année suivante de dépenses qui auraient dû être
payées au cours de l’exercice, constituent une irrégularité au regard du
principe d’annualité budgétaire.
Un nouvel examen des frais de justice révèle la nécessité de doter
les tribunaux à la fois de crédits budgétaires suffisants et d’applications
informatiques performantes pour leur permettre de moderniser et mieux
maîtriser la gestion de cette dépense atypique. Cette évolution ne peut
cependant être envisagée sans l’achèvement de la rationalisation de la
gestion des mémoires, à savoir les factures, préalable indispensable à la
généralisation de la gestion sous Chorus, eu égard à leur nombre
considérable, de l’ordre de 2,5 millions par an.
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Chapitre I
Une dépense atypique à la progression
dynamique
I
-
Une dépense aux contours imprécis gérée dans
un cadre dérogatoire
A - L’absence de définition précise des frais de justice
1 -
L’énumération des frais de justice s’articule autour de la
notion de gratuité
Les frais de justice ne font pas l’objet d’une définition en droit et
procèdent d’une simple énumération, articulée autour de la notion de
gratuité pour le justiciable, aux articles R. 92 et R. 93 du code de
procédure pénale. L’article R. 91 dudit code prévoit en effet que « Le
Trésor public paye les frais énumérés à l'article R. 92. Il fait l'avance de
ceux énumérés à l'article R. 93 et poursuit le recouvrement des frais qui
ne sont pas à la charge de l'Etat, le tout dans la forme et selon les règles
établies par le présent titre ».
L’absence de définition des frais de justice n’est pas propre à la
France, dont les principaux partenaires européens énoncent au mieux une
liste limitative des frais de justice, comme c’est le cas en Allemagne et en
Italie.
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COUR DES COMPTES
a)
Les frais de justice à la charge définitive de l’Etat
Le principe de gratuité en matière pénale a été affirmé par la loi
n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale. Cette
loi a prévu la prise en charge de l’ensemble des frais de justice par l’Etat,
soit définitivement, comme en matière pénale, soit à titre d’avance avant
recouvrement sur la personne condamnée, comme en matière civile et
commerciale.
L’article R. 92 précité énumère, sous 24 catégories, les frais de
justice criminelle, correctionnelle et de police que l’Etat prend en charge.
La plus grande part des frais de justice découle directement des
réquisitions, actes de procédure par lesquels les OPJ
de la police et de la
gendarmerie ou les magistrats enjoignent une personne de lui fournir les
documents ou des informations qu’elles détient.60
% des prescriptions de
frais de justice émanent d'officiers de police judiciaire (OPJ).
Les réquisitions des OPJ sont prises dans les trois catégories
d’enquêtes judiciaires : sur commission rogatoire expresse du juge
d’instruction (article 151 du CPP), dans le cadre d’enquêtes préliminaires
sur autorisation du Parquet (articles 75 et suivants du CPP), sans
autorisation du Parquet dans le cadre des enquêtes dites de flagrance
(articles 53 et suivants du CPP) ou de celles dont le coût est minime
comme c’est le cas de la recherche d’incapacité totale de travail (ITT)
pour les victimes (article 60 du CPP).
Les officiers de douane judiciaire ainsi que les officiers fiscaux
judiciaires sont également spécialement habilités par la loi à exercer des
missions de police judiciaire mais sans détenir la qualité d’officiers de
police judiciaire. Ils ont vu récemment leurs prérogatives judiciaires
alignées sur celles des officiers de police judiciaire par la loi de finances
rectificative du 14 mars 2012 qui n’a toutefois pas pour effet de modifier
les modalités de leur saisine. Ils ne mettent en oeuvre leurs pouvoirs que
lorsqu’ils agissent sur réquisition du procureur de la République ou sur
commission rogatoire d’un juge d’instruction.
Les frais de justice qui résultent des réquisitions des OPJ
représentent plus de 50 % des frais de justice des BOP locaux du
programme 166 « Justice judiciaire ». Selon les données fournies par le
ministère de la justice et issues de l’ancienne application FRAIJUS
relative au suivi des prescriptions renseignée jusqu’en 2010, sur
411,1 M€ de frais de justice enregistrés en 2009 sur les BOP locaux, la
part OPJ représentait 209,3 M€, soit 50,92 %. L’application de ce ratio
les années suivantes permet d’estimer les dépenses OPJ à 228 M€ en
2010 et 215,3 M€ en 2011.
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b)
Les frais de justice assimilés avancés par l’Etat
Entrent également dans la catégorie « frais de justice » les frais
assimilés prévus à l’article R. 93 du code de procédure pénale. Ils ont
vocation à être seulement avancés par l’Etat et, sauf exceptions issues de
législations distinctes
3
, peuvent faire l’objet d’un recouvrement par le
trésor public.
Les frais de justice assimilés recouvrent ceux résultant des mesures
de protection (tutelle des mineurs, tutelle, curatelle) et des enquêtes
sociales ordonnées en matière d’exercice d’autorité parentale et
d’adoption. Ils comprennent également les frais de justice commerciale
avancés par les greffiers de commerce et mis à la charge de l’Etat dans le
cadre
des
procédures
collectives
intégralement
ou
partiellement
impécunieuses.
A titre d’exemple, en 2011, 42,5 M€ ont été engagés pour la justice
commerciale, 4,7
M€ pour les enquêtes sociales, 6,5 M€ pour les
examens et expertises médicales pratiqués dans les contentieux civils.
En matière pénale, les frais de justice ne sont pas recouvrables à
l’exception des frais d’immobilisation de véhicule et des frais de publicité
suite à un jugement de condamnation.
De même, le Trésor public prend en charge des frais de justice
dans certains procès civils, par exception au principe selon lequel les
parties supportent les frais liés à la procédure.
c)
L’augmentation des cas de mise à la charge des parties des frais de
justice
Une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de
l’Inspection générale des services judiciaires a préconisé en juin 2011,
d’une part la remise en cause de la gratuité des frais de justice dans les
procédures pénales par voie de constitution de partie civile, d’autre part
leur recouvrement auprès des personnes morales condamnées au pénal.
En réponse à ces préconisations, l’article 132 de la loi n° 2011-
1977 du 28 décembre 2011 portant loi de finances pour 2012, modifiant
l’article 800-1 du code de procédure pénale, dispose notamment que
lorsque la personne condamnée est une personne morale, les frais de
3
Par exemple, les frais, notamment d’interprète, exposés dans le cadre du contentieux
judiciaire de la rétention des étrangers. En outre, le juge a la faculté de mettre à la
charge de l’Etat certains frais recouvrables, comme c’est le cas lors de l’ouverture
d’une mesure de tutelle en cas d’insuffisance de ressources de la personne en cause.
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COUR DES COMPTES
justice exposés au cours de la procédure sont mis à sa charge, sauf
décision contraire de la juridiction.
En revanche, le ministère de la justice n’a pas pour le moment
réformé les procédures pénales par voie de constitution de partie civile en
tant qu’elles permettent aux plaideurs d’obtenir gratuitement des
expertises qui peuvent être ensuite invoquées dans d’autres procédures,
alors même qu’ils ont été déboutés devant le juge pénal. Il existe toutefois
une disposition prévue à l’article 800-1 du code de procédure pénale qui
permet au juge de mettre à la charge de la partie civile, dont la
constitution a été jugée abusive ou dilatoire, les frais de justice
correspondant aux expertises ordonnées à la demande de celle-ci.
Par ailleurs, il existe un droit fixe de procédure
4
dû par chaque
condamné notamment pour les décisions des tribunaux correctionnels.
Dans le cadre de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite
LOPPSI 2, ce droit a été majoré en cas de délit de conduite sous
l’influence de produits stupéfiants. Cette majoration a pour objet de
couvrir le coût des indemnités allouées aux personnes effectuant des
analyses toxicologiques.
d)
Le cas particulier des frais de justice commerciale
L’article L.663-1 du code de commerce prévoit qu’en cas
d’impécuniosité, c’est-à-dire d’insuffisance des fonds disponibles du
débiteur, notamment dans le cadre des procédures de sauvegarde, de
redressement judiciaire ou de liquidation, le Trésor public fait l’avance,
sur décision du juge-commissaire, des émoluments perçus par les greffes
des juridictions, des rémunérations des avocats dans la mesure où elles
sont réglementées, des frais de signification et de publicité et de la
rémunération des techniciens désignés par la juridiction après accord du
ministère public.
Pour le remboursement de ses avances, qui ont vocation à être
recouvrées, dans toute la mesure du possible, sur les fonds du débiteur, le
Trésor public est garanti par le privilège des frais de justice.
La liquidation de ces frais a lieu après la clôture de la procédure de
liquidation judiciaire lorsque ceux-ci ne peuvent être payés par
l’entreprise liquidée et fait l’objet d’une ordonnance du président du
tribunal de commerce.
4
Droit fixe de procédure prévu à l’article 1018A du code général des impôts.
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UNE DEPENSE ATYPIQUE A LA PROGRESSION DYNAMIQUE
17
Les parquets sont chargés d’exercer un contrôle vigilant sur le
périmètre du recours à l’avance des frais de justice afin d’éviter la prise
en charge de frais indus.
Plusieurs mesures ont été adoptées ces dernières années pour
instaurer une meilleure prévisibilité et un contrôle plus effectifs des coûts.
Le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 relatif au tarif des greffiers
des tribunaux de commerce et modifiant le code de commerce a forfaitisé
la rémunération allouée au greffier dans les liquidations judiciaires
immédiates ou prononcées dans les deux mois de l’ouverture d’un
redressement judiciaire.
Le décret n° 2009-1661 du 28 décembre 2009 relatif aux frais de
justice en matière commerciale et aux auxiliaires de justice a eu pour
objectif premier de réduire le montant des frais de justice pris en charge
par le Trésor public en matière commerciale.
En particulier, la perception par le liquidateur de son droit fixe a
été subordonnée au paiement préalable d’une somme de 200
€ HT au
greffier, à valoir sur le forfait dû à ce dernier, de telle sorte qu’en cas
d’insuffisance des fonds disponibles ceux-ci soient affectés au paiement
des frais de greffe susceptibles d’être avancés par le Trésor public, plutôt
qu’à la rémunération du liquidateur (ce dernier ayant vocation à être
indemnisé par un fonds constitué à cet effet sans charge pour le Trésor
public). Cependant, cette provision, qui n’est versée qu’en cas d’actifs
disponibles, ne s’appliquerait en moyenne que dans les deux tiers des
procédures.
Le montant des avances à la charge de l’Etat s’avère relativement
modeste puisque celles-ci ne sont versées que dans le cas de liquidations
judiciaires impécunieuses, même si leur nombre est en augmentation ces
dernières années. La principale difficulté est celle rencontrée par les
greffiers pour faire valoir leur rang de privilège, en particulier en cas de
procédure partiellement impécunieuse.
2 -
La liste des frais de justice est à la fois hétérogène et non
exhaustive
a)
La liste des frais de justice inclut des dépenses d’une autre nature
Outre les frais résultant des réquisitions des OPJ et des magistrats
judiciaires, les frais de justice recouvrent d’autres dépenses, telles les
dépenses engagées pour la protection des personnes dans le cadre des
procédures judiciaires (protection des personnes vulnérables, garantie des
droits des personnes dans les procédures judiciaires, réparation du
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18
COUR DES COMPTES
préjudice causé aux personnes détenues, en cas de non-lieu, de relaxe ou
d’acquittement). Ils recouvrent également des dépenses qui relèvent du
fonctionnement, comme c’était le cas des dépenses d’affranchissement
jusqu’en 2011.
Sur les préconisations issues des rapports de la Cour des comptes
et de la mission des inspections générales des finances et des services
judiciaires, les frais d’affranchissement liés aux procédures qui se sont
élevés en 2011 à plus de 57 M€, sont pris en charge au titre du
fonctionnement courant depuis le 1
er
janvier 2012.
La suppression de ces frais du périmètre des frais de justice met
ainsi fin à une distinction entre les frais d’affranchissement engagés au
titre des frais de justice et ceux engagés au titre du fonctionnement
courant. Cette distinction était une source de complexité pour les
juridictions et contribuait au retard apporté au paiement des factures de la
Poste.
Par ailleurs, du fait de cette mesure, les frais d’affranchissement
engagés par les OPJ relèvent désormais des programmes budgétaires du
ministère de l’intérieur.
En dépit de ce premier toilettage, les frais de justice recouvrent
encore des dépenses correspondant à du fonctionnement courant. Il s’agit
des frais de transport des magistrats et greffiers dans l’exercice de leurs
fonctions juridictionnelles (environ 1 M€ par an) et des indemnités et
vacations accordées aux membres de la formation de jugement de la Cour
de justice de la République (aucune dépense n’a été engagée à ce titre en
2011).
Mais le ministère de la justice a récemment proposé dans un projet
de décret en préparation que ce poste de dépense soit sorti du périmètre
des frais de justice et imputé sur des frais de fonctionnement.
b)
La définition du code pénal ne prend pas en compte tous les frais
de justice
La liste des frais de justice prévue par les articles R. 92 et R. 93 du
code de procédure pénale ne porte que sur les frais de justice définis « par
nature » payés sur les crédits du ministère de la justice. Pourtant des frais
de police judiciaire supportés sur les crédits budgétaires du ministère de
l’Intérieur participent à l’élucidation des crimes et délits et résultent,
comme les frais de justice, de décisions de magistrats ou d’actes effectués
par les OPJ sous le contrôle de magistrats.
Si par définition sont exclues les dépenses de personnel de la
police et de la gendarmerie qui participent aux missions de police
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19
judiciaire,
entre
en
considération
une
part
des
dépenses
de
fonctionnement ou d’équipement de la direction générale de la
gendarmerie nationale, de la direction centrale de police judiciaire, de la
direction centrale de la sécurité publique et de la direction centrale de la
police aux frontières associées à cette activité.
A titre d’exemple, les crédits de fonctionnement du ministère de
l’intérieur couvrent notamment l’achat des consommables nécessaires à
l’exercice de la police technique et scientifique, tels que les relevés de
traces (kits de prélèvement biologique permettant la généralisation de
l’usage d’écouvillons pour les prélèvements des traces biologiques,
poudres
dactyloscopiques,
produits
chimiques,
etc.),
l’achat
des
équipements spécialisés (de protection individuelle-hygiène et sécurité,
accessoires criminalistiques, mallettes de police technique et scientifique,
etc.), les frais relatifs aux scellés ou encore aux escortes assurées dans le
cadre de la médecine légale.
Les seuls frais d’affranchissement supportés par l’Institut de
recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) pour l’envoi
des scellés, les dossiers d’examen scientifique ou d’expertises se sont
élevés à 30 827
€ en 2011. Ceux de l’Institut national de police
scientifique (INPS) se sont élevés à 141 000
€.
Le ministère de l’intérieur refuse cependant de prendre en charge
certaines dépenses et les tentatives de partage avec le ministère de la
justice ont échoué concernant notamment l’achat des CD et DVD ainsi
que l’achat et l’entretien des équipements destinés à l’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires en garde à vue.
Aux dépenses de fonctionnement, s’ajoute la subvention versée à
l’INPS qui s’élève à 8,75 M€ en 2011.
Etablissement public administratif, expert agréé par la Cour de
cassation, l’INPS a pour mission d'effectuer tous les examens, recherches
et analyses d’ordre scientifique et technique demandés par les autorités
judiciaires et les services de police ou de gendarmerie, aux fins de
constatation des infractions pénales et d’identification de leurs auteurs. Il
couvre la totalité du champ de la criminalistique, avec des compétences
développées en génétique, empreintes papillaires, documents, traces,
balistique, nouvelles technologies, stupéfiants, toxicologie, incendies-
explosions, physico-chimie (verres, peintures, encres, fibres, résidus de
tir…).
Composé d’un service central, de cinq laboratoires de police
scientifique (LPS) localisés à Lille, Lyon, Marseille, Paris, Toulouse et du
laboratoire de toxicologie de la préfecture de police (LTPP), l'INPS
compte 700 agents, majoritairement scientifiques.
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COUR DES COMPTES
Les recettes propres de l’INPS sont quasiment inexistantes en
raison de la lettre même du décret fondateur (n° 2004-1211 du
9 novembre 2004) qui prévoit une prestation gratuite pour toutes les
réquisitions d'OPJ, et une rémunération seulement pour les actes
d’expertise directement demandées par des magistrats sous forme
d’ordonnance
de
commission
d’expert
(OCE).
Ces
prestations
rémunérées font l'objet de devis présentés aux magistrats et élaborés à
partir de la grille tarifaire de l'institut votée en conseil d'administration.
L’INPS déplore que la rémunération des prestations effectuées sur
demande des magistrats judiciaires ne lui soit pas versée dans des délais
acceptables
5
, malgré leur coût limité à 2,57 M€ en 2011.
Ce montant correspond en 2011
au coût des 2907 saisines
« traces », dont 1 535 dans le domaine de la génétique, traitées suite à la
demande directe d’une autorité judiciaire, et donc prises en charge par le
ministère de la Justice. Cette activité est à mettre au regard des 52 349
dossiers « traces »
et des 165 404 dossiers d’analyses génétiques
« individus » traités cette année.
A titre de comparaison, la valorisation des actes pratiqués
gratuitement par l'INPS, c'est-à-dire des prestations effectuées sur
réquisition des OPJ sans générer de frais de justice sur le programme 166,
s'est élevée à 23,8 M€.
S’agissant de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie
nationale (IRCGN), cet organisme est également un laboratoire de
criminalistique disposant d’un plateau technique pluridisciplinaire Ses
compétences d’expertise comprennent en particulier la médecine légale,
la balistique, la toxicologie, les incendies et explosifs, le traitement du
signal, la fraude documentaire et les empreintes digitales. Il n’a pas la
personnalité morale
et, pour cette raison les OCE doivent impérativement
désigner les experts commissionnés ; le recouvrement de son activité
d’expertise est effectué en régie sur le fondement d’une tarification
établie annuellement par l’Institut. Les sommes recouvrées sont reversées
au budget général de la gendarmerie.
Comme pour l’INPS, les actes sollicités par réquisitions tant des
magistrats que des OPJ ne sont pas facturés, à l’exception de certaines
analyses relatives au fichier national des empreintes génétiques
(FNAEG). En revanche, les expertises demandées sous OCE sont
facturées au ministère de la justice et ont représenté en 2011 un coût de
496 262 € pour 803 expertises réalisées. Le pourcentage d’expertises
5
Au 31 décembre 2011, les juridictions devaient 2,5 M€ à l’INPS pour des prestations
effectuées depuis 2007.
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21
facturées est en forte baisse ces dernières années par rapport aux
expertises réalisées gratuitement au profit des réquisitions à personnes
qualifiées. Ce pourcentage est passé de 14 % en 2005 à 2,9 % en 2011. Le
montant global des travaux réalisés par l’IRCGN s’élève en 2011 à
7,26 M€.
B - Un mode de gestion dérogatoire de la dépense
1 -
La liberté de prescription du juge
Le principe constitutionnel de l’indépendance des juges emporte la
liberté pour les juges de prescrire les mesures qu’ils estiment nécessaires
à la manifestation de la vérité, en vertu de l’article 81 du code de
procédure pénale, ainsi que celle de choisir le prestataire.
L’article 800 du code de procédure pénale prévoit qu’ «
un décret
en Conseil d'Etat détermine les frais qui doivent être compris sous la
dénomination de frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.
Il en établit le tarif ou fixe les modalités selon lesquelles ce tarif est
établi, en règle le paiement et le recouvrement, détermine les voies de
recours, fixe les conditions que doivent remplir les parties prenantes et,
d'une façon générale, règle tout ce qui touche aux frais de justice en
matière criminelle, correctionnelle et de police
».
Les frais de justice énumérés à l’article R. 92 du code précité sont
généralement tarifés, contrairement aux frais de justice assimilés de
l’article R. 93. Cependant, certains textes récents ont introduit des tarifs
applicables aux frais assimilés.
En matière pénale, les tarifs des frais de justice (criminelle,
correctionnelle et de police) sont réglementaires. A titre d’exemple, en
application de l’article R. 117 du code de procédure pénale, chaque
médecin régulièrement requis ou commis reçoit à titre d'honoraires une
somme calculée en fonction de cotations fixées par arrêté conjoint du
ministre de la justice et du ministre chargé du budget pour chaque
catégorie d’examen (examens cliniques et prises de sang), ou d’expertises
(autopsies, expertises médico-psychologique, expertises psychiatrique
etc.).
Les
analyses
(toxicologiques, psychologiques,
en biologie,
radiodiagnostic ou mécanique) sont également tarifées (articles R. 118 à
R. 120-2).
Les articles suivants du code de procédure pénale fixent les
indemnités dues aux personnes chargées des enquêtes sociales et de
personnalité ou contribuant au contrôle judiciaire ou au sursis avec mise à
l'épreuve ainsi que des médiateurs et des délégués du procureur de la
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République. Ils fixent également le paiement des interprètes et traducteurs
(article R. 122) et les indemnités qui peuvent être accordées aux témoins
et aux jurés ainsi qu’aux citoyens assesseurs. Les articles R. 147 et
suivants fixent les frais de garde des scellés, de mise en fourrière et
d’immobilisation
6
et les droits d’expédition et de copie.
Enfin, les articles R. 213-1 et R. 213-2 portent sur les frais des
opérateurs de communications électroniques.
Le coût global des prescriptions dépend donc étroitement de
l’activité des juridictions, même si toutes les affaires ne génèrent pas des
frais de justice et, qu’a contrario, certains frais de justice sont engagés
sans qu’il y ait de réponse pénale.
Ces tarifs s’imposent aux magistrats taxateurs et aux greffiers
certificateurs appelés à vérifier leur liquidation dans les mémoires de
frais. Par exception, certaines expertises ne sont pas tarifées.
2 -
L’absence d’assujettissement au code des marchés publics
En application de l’article 1
er
du code des marchés publics, les
marchés publics sont les contrats dont l’existence suppose un accord de
volontés entre les parties, sur la chose et sur le prix. Elle implique
également que les parties prennent, l’une à l’égard de l’autre, des
engagements juridiques contraignants, susceptibles d’être sanctionnés par
le juge
7
.
Le juge communautaire considère qu’il y a acte unilatéral, et non
contrat, si le prestataire ne dispose ni de la possibilité de négocier le
contenu et les tarifs de sa prestation, ni de la faculté de se libérer de ses
engagements moyennant un préavis. Cet acte doit édicter des obligations
à la seule charge du prestataire et se départir sensiblement des conditions
normales de son offre commerciale
8
.
La prescription de frais de justice constitue un acte unilatéral pris
par l’autorité judiciaire, en dehors du champ des règles d’un contrat, par
lequel est déterminé le contenu de la mission confiée à l’expert et le choix
de celui qui l’exécute.
6
Frais d’immobilisation décidée en application des articles 131-6 (5°) et 131-14 (2°)
du code pénal.
7
CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08, points 62 et 63.
8
CJUE, 18 décembre 2007, Asociacion Profesional de Empresas de Reparto y
Manipulado de Correspondencia c/ Administracion general del Estado, aff.C-220 /06,
points 54 et 85.
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23
Autrement dit, les frais de justice ne résultent pas d’un accord de
volonté entre l’autorité judiciaire et la personne désignée pour réaliser
l’acte exigé dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Les
obligations reposent exclusivement sur la partie prenante, qui ne peut
négocier ni le contenu, ni le prix de la mesure prescrite.
La prescription se distingue donc substantiellement des conditions
normales d’exécution d’un marché public.
En outre, la jurisprudence ne reconnaît pas de caractère
économique aux activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une
participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Or, les frais de justice sont des dépenses nécessaires à l’exercice
d’une mission régalienne de l’Etat, à savoir la justice, et sont engagés,
liquidés et payés selon des procédures dérogatoires du droit commun. A
ce titre, les activités ou actes dont ils résultent ne revêtent pas de caractère
économique. Leur réalisation n’est donc pas soumise au code des marchés
publics.
Une mise en concurrence analogue à celles prévues par le code des
marchés publics peut néanmoins toujours précéder la prescription de frais
de justice dans un souci de rationalisation et d’harmonisation de la
gestion des frais de justice et de réduction des coûts.
En 2011, la chancellerie a ainsi lancé trois consultations relatives,
d’une part à des analyses de traces biologiques aux fins d’identification
de profils génétiques et d’alimentation du fichier national automatisé des
empreintes génétiques (FNAEG), d’autre part à des validations de
rapprochements opérés par ce fichier entre des profils génétiques. Les
titulaires de ces marchés s’engagent ainsi sur un
prix unitaire de
l’analyse et un délai de production des analyses.
Si l’absence de relations contractuelles justifie l’absence d’intérêts
moratoires conventionnels, les intérêts légaux (fixés à 0,71 % pour
l’année 2012) s’appliquent aux frais de justice, après mise en demeure en
vertu des dispositions de l’article 1153 du code civil, sachant que la
certification ou l’ordonnance de taxe, qui valent ordre de paiement, valent
mise en demeure.
3 -
La particularité de la liquidation de la dépense
L’expert est choisi parmi les personnes physiques ou morales, qui
figurent soit sur la liste nationale établie par le bureau de la Cour de
Cassation, soit sur une des listes dressées par chaque Cour d’appel. A titre
exceptionnel, le juge d’instruction est autorisé à choisir un expert en
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dehors de ces listes (article 157 du code de procédure pénale), après lui
avoir fait prêter serment préalablement par écrit.
Des garde-fous existent afin d’éviter le paiement d’actes
excessivement coûteux.
Au-delà d’un montant fixé à 460 €, un devis doit être communiqué,
avant le commencement de ses travaux, par l'expert. Ce recours au devis
permet d’obtenir un meilleur rapport qualité/prix, mais n’implique pas
pour le magistrat l’obligation de mettre en concurrence plusieurs experts.
Sauf urgence, cette estimation est communiquée au ministère
public qui présente ses observations dans le délai de cinq jours, après
avoir fait procéder si nécessaire à des vérifications de toute nature sur les
éléments de l'estimation présentée par l'expert.
En cas de désaccord, le président de la chambre de l'instruction de
la Cour d’appel statue en dernier ressort. Le ministère public peut saisir,
par l'intermédiaire du procureur général, le président de la chambre de
l'instruction, qui statue dans les huit jours par une décision qui ne peut
faire l'objet de recours
9
.
Deux procédures sont applicables avant la mise en paiement des
frais de justice.
La certification est une décision administrative qui permet au
greffier de vérifier que le paiement d’un acte est conforme au tarif et, le
cas échéant, de procéder à son redressement (article 225 du code de
procédure pénale).
S’il refuse d’établir le certificat, le greffier demande au ministère
public de prendre des réquisitions aux fins de taxe (R. 225 du CPP).
La certification par le greffier ne s’appliquait qu’aux actes
inférieurs à 152,45 € et à certains frais limitativement énumérés
10
en
fonction de leur nature. Depuis le 20 mars 2012
11
, le montant plafond de
la certification des frais de justice pénale a été aligné sur le montant à
partir duquel une estimation du coût des travaux (ou devis) doit être
communiqué par l’expert, soit 460 €. Cette modification est sans
9
Article R. 107 du code de procédure pénale.
10
Article R. 224-1 du code de procédure pénale visant les indemnités accordées
notamment aux jurés, témoins, parties civiles et interprètes traducteurs, les frais de
vérifications médicales, cliniques et biologiques en matière d’alcoolémie, les frais de
garde de scellés et de mise en fourrière, les émoluments et indemnités alloués aux
huissiers de justice et les indemnités de transport et de séjour des magistrats et
greffiers. Article R. 224-2 visant également certains frais assimilés.
11
Arrêté du 20 mars 2012 fixant le montant des dépenses de toute nature soumis à la
procédure de certification
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25
incidence sur les dépenses assujetties à la procédure de certification en
raison de leur nature.
Aujourd’hui, les services centralisateurs sont donc compétents
pour certifier tous les états et mémoires de frais énumérés aux articles
R. 224-1 (1 à 8)
12
et R. 224-2
13
quel qu’en soit le montant et tous les états
et mémoires de frais autres que ceux énumérées à ces article dont le
montant est inférieur ou égal à 460 euros (seuil fixé par l’arrêté du
20 mars 2012).
Tous les autres actes
14
non tarifés dont le montant est supérieur à
460 €, et exceptionnellement certains frais tarifés susceptibles d’une
appréciation que le greffier aurait des difficultés à porter, font l’objet
d’une ordonnance de taxe.
L’ordonnance de taxe permet au juge taxateur, après réquisition du
ministère public, de contrôler le tarif appliqué (article R. 227 du code de
procédure pénale). La partie prenante ou le ministère public peuvent faire
appel de l’ordonnance de taxe devant la chambre de l’instruction (article
R. 228-1 du code de procédure pénale).
Ainsi, le magistrat prescripteur conserve le pouvoir de contrôle et
d’appréciation du mémoire présenté et rend une ordonnance de taxe, qui
présente un caractère juridictionnel et est susceptible de recours (appel et
cassation).
12
Indemnités accordées aux jurées, aux témoins aux parties civiles, aux interprètes
traducteurs et aux personnes mentionnées aux articles R. 121 à R. 121.3 du CPP, frais
de vérifications médicales, cliniques et biologiques en matière d’alcoolémie ; frais de
garde de scellés et de mise en fourrière ; émoluments et indemnités alloués aux
huissiers de justice ; frais de capture ; indemnités de transport et de séjour des
magistrats et greffiers.
13
Les indemnités accordées aux témoins ; la part contributive de l'Etat à la rétribution
des auxiliaires de justice en matière d'aide juridictionnelle ; les indemnités de
transport et de séjour des magistrats, des greffiers et des secrétaires des juridictions de
l'ordre judiciaire ; les frais postaux des greffes des juridictions civiles nécessités par
les actes et procédures ; les frais tarifés des actes faits d’office en matière de mesures
conservatoires prises après l’ouverture d’une succession.
14
Ceux relevant de l’article R92 autres que ceux mentionnés à l’article R. 224 -1 et
ceux de l’article R. 93 autres que ceux mentionnés à l’article R. 224-2.
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II
-
Des postes de dépense en constante
augmentation
1 -
L’évolution des frais de justice
Les frais de justice, déclinés par ordre décroissant de montant sont
présentés dans le tableau ci-dessous :
Évolution des frais de justice de 2006 à 2011
15
En millions
d'euros
2006
2007
2008
2009
2010
2011
évol
2006/2011
frais de
justice
pénale
262,37
260,70
270,18
295,70
323,52
401,18
52,9 %
autres frais
de justice
70,83
79,65
77,23
77,77
81,24
73,42
3,7 %
frais de
justice
commerciale
23,23
25,28
30,29
36,00
41,69
42,47
82,8 %
frais de
justice civile
et
prud'homale
22,99
22,98
24,03
23,08
21,38
20,13
-12,4 %
total des
frais de
justice
379
389
402
433
468
537
41,6 %
Source : ministère de la justice.
15
Dans ce tableau,
en 2008 et en 2009, les frais d’analyses génétiques tiennent compte
respectivement de 0,81 M€ et de 2,36 M€ payés dans le cadre des quatre marchés d’analyse
« individus » et d’un marché « trace » imputés sur l’action soutien ;
en 2011, les frais de
justice pénale qui s’élèvent à 401,18 M€ comprennent 98,94 M€ de dépenses liées à
l’activité pénale (réforme de la médecine légale).
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27
Volume cumulé des frais de justice de 2006 à 2011 (en M
€)
134,60
198,96
463,16
1 810,64
0,00
500,00
1 000,00 1 500,00 2 000,00
frais de justice pénale
autres frais de justice (action
"Soutien")
frais de justice commerciale
frais de justice civile et prud'homale
Source : ministère de la justice.
Les frais de justice n’ont cessé d’augmenter depuis 2006, en
augmentation de 41,7 % sur les six dernières années et de 14,8 % entre
les seules années 2010 et 2011.
Deux postes de dépenses ont été particulièrement affectés par
l’augmentation des dépenses de frais de justice :
-
les frais de justice pénale, qui représentent près des 2/3 des frais
de justice (ils correspondent notamment à des frais d’analyses
génétiques et à des frais relatifs aux traductions et à
l’interprétariat). Ils ont augmenté de 52,9 % en six ans ;
-
les frais de justice commerciale (42,47 M€ en 2011). Ils ont
augmenté de 82,8 % en six ans et représentent en moyenne 8 %
du volume global. Ils constituent la deuxième composante des
frais de justice devant les frais de justice engagés devant les
juridictions civiles et prud’homales (20,13 M€ en 2011).
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28
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Répartition des frais de justice en 2011
frais de justice
pénale; 401,18
autres frais de
justice (action
"Soutien"); 73,42
frais de justice
commerciale; 42,47
civile et
prud'homale; 20,13
Source : ministère de la justice.
B - Les grands postes de dépense
1 -
Une composante principale : les frais de justice pénale
Les frais de justice pénale sont la composante essentielle des frais
de justice, représentant en moyenne, sur les six années 2006-2011, 69 %
du volume global, soit plus des deux tiers. Ils s’élèvent en 2011 à
401,18 M€ et intègrent, à hauteur de 98,94 M€, les dépenses liées à la
réforme de la médecine légale et à la conclusion de transactions avec
certains prestataires enregistrées sur l’action « soutien ».
En effet, l’année 2011 a été marquée par le paiement par
l’administration centrale de frais de justice relevant habituellement de
l’échelon local.
Ils ont augmenté de 138,81 M€ depuis 2006 même si certains
postes liés à l’action pénale tendent à se stabiliser.
Entre 2010 et 2011, la
hausse observée est de 24 %.
Cette augmentation est plus particulièrement sensible en ce qui
concerne les postes des frais médicaux, des frais de traduction et
d’interprétariat, des frais de location de matériel d’interception et de
réquisition des opérateurs téléphoniques.
En 2011, certains comptes de dépenses ont été fusionnés sous
Chorus. Ainsi, les honoraires des médecins et expertises médicales
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29
regroupent, outre les examens cliniques et prises de sang, les examens
médicaux dans le cadre des gardes à vue ou encore les frais d’analyses
génétiques, qui sont deux postes de dépenses spécifiques méritant
pourtant un suivi individualisé.
Le compte « autres services et prestations de services » comprend
les frais d’interprétariat et de traduction, les honoraires des experts hors
expertises médicales (expertises comptables, balistiques, aéronautique…)
et d’autres charges externes. Les honoraires juridiques visent les frais en
matière de scellés judiciaires, les rémunérations d’intermédiaires et les
autres frais d’actes et de procédure dont les frais de publicité.
Evolution des frais de justice pénale entre 2006 et 2011
16
en millions d'euros
2006
2007
2008
2009
2010
2011
frais médicaux
61,4
65
72,3
75,12
109,1
149,6
frais d'analyses génétiques
20,49
16,78
17,5
20,8
23,2
frais d'enquêtes sociales rapides, d'enquêtes de
personnalité et de contrôle judiciaire
19,818
20,99
22,57
22,7
23,6
22,08
frais d'honoraires d'huissiers
14,3
14,51
15,06
15,27
16,34
13,5
frais de traductions et d'interprétariat
13,207
14,21
16,63
24,4
28,9
indemnités de jurés, témoins et parties civiles
21,2
22
21,26
20,57
20,47
18,3
autres rémunérations des tiers
11,9
11,7
12
autres frais
26,494
27,3
44,97
44
46,69
frais location de matériel et d'interception
16,9
16,5
16,92
22,27
26,2
42,78
frais de réquisitions des opérateurs de
télécommunication
38,28
34,6
33,25
32,96
35,6
63,47
frais de gardiennage des scellés
18,311
17,11
15,2
15,22
16,7
honoraires juridiques
45,32
autres services et prestations de service
43,85
total
262,3
260,7
269,4
293,4
323,5
401,2
16
- en 2008 et en 2009, les frais d’analyses génétiques tiennent compte
respectivement de 0,81 M€ et de 2,36 M€ payés dans le cadre des quatre
marchés d’analyse « individus » et d’un marché « trace » imputés sur l’action
soutien ; en 2011 les dépenses tiennent compte des dépenses liées à l’activité
pénale payées que le BOP Central et qui ont été imputées à l’action
« soutien » (frais d’analyses génétiques et toxicologiques pour 7,74 M€ et
protocoles nationaux avec deux opérateurs de communications électroniques
pour 27,28 M€, six sociétés de location de matériel d’interceptions 15,73 M€
et une société de chrono-localisation 4,20 M€, soit au total 47,21M€).
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30
COUR DES COMPTES
En tout état de cause
les évolutions de la nomenclature budgétaire
devraient permettre de suivre de manière cohérente l’évolution de la
dépense des frais de justice.
En 2011 la structure des frais de justice en matière pénale est la
suivante :
Structure des frais de justice pénale en 2011
honoraires
juridiques,frais de
gardiennage des scellés,
rémunérations
d'intermédiaires
11%
frais de réquisitions des
opérateurs de
télécommunication
16%
frais location de
matériel et
d'interception
11%
autres services et
prestations de service,
frais de traductions et
d'interprétariat,
honoraires experts
11%
frais d'honoraires
d'huissiers
3%
indemnités de jurés,
témoins et parties
civiles
5%
frais d'enquêtes sociales
rapides, d'enquêtes de
personnalité et de
contrôle judiciaire
6%
frais
médicaux,d'analyses
génétiques,toxicologiq
ues et biologiques
37%
Source : Cour des comptes/RAP 2011
L’évolution des frais de justice pénale trouve son origine dans
l’entrée en vigueur de réformes qui ont contribué à l’augmentation de
l’activité pénale et ont créé une dynamique inflationniste de certaines
prescriptions. Les revalorisations tarifaires ont pour leur part influé sur
l’effet prix.
L'effet « volume » est plus sensible dans le domaine médical ainsi
que dans ceux des analyses génétiques et des interceptions judiciaires.
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31
a)
Les frais liés aux examens médicaux
La progression constante des prescriptions dans le domaine
médical
17
(85,8 M€ en 2010, montant non déterminé en 2011), premier
poste de dépense en matière pénale, résulte à la fois de la survenue de
réformes en matière de sécurité routière et des revalorisations tarifaires.
Ainsi en matière de sécurité routière, la loi n° 2003-87 du 3 février
2003 relative à la conduite sous l’influence de stupéfiants qui a créé les
contrôles dits aléatoires et l’arrêté de 2008 qui a homologué le recours
aux tests salivaires
18
en remplacement des prélèvements urinaires ont eu
pour conséquence d’augmenter le nombre des dépistages de stupéfiants et
des prescriptions d’examens médicaux et d’analyses toxicologiques,
payables sur frais de justice. Les analyses toxicologiques sont cependant
effectuées par les laboratoires publics, généralement gratuitement, car
demandés sous réquisition.
Par ailleurs la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la
rétention de sûreté a développé le recours à l’expertise psychiatrique, que
ce soit en début ou en fin de placement.
b)
Les interceptions téléphoniques et de communications
électroniques
Le coût cumulé des frais de réquisitions des opérateurs de
télécommunications et des frais de location de matériel d’interception
s’est élevé à 329,41 M€ de 2006 à 2011.
Près de 70 % sont des frais de réquisitions des opérateurs de
télécommunications. Ils constituent le deuxième poste de dépense en
dépit de la mise en place de la tarification réglementaire instaurée en
2006 et en 2007, d’une part en matière de production et de fourniture de
données de communications électroniques instaurée par le décret n°
2006-358 du 24 mars 2006 et l’arrêté du 22 août 2006, d’autre part en
matière d’interceptions de communications électroniques par les décrets
17
Les frais médicaux correspondent principalement aux examens effectués au cours
de l’enquête (examens des gardés à vue, examen des victimes, autopsies), aux
examens psychiatriques, médico-psychologiques et psychologiques ainsi qu’aux
examens toxicologiques, biologiques et radiologiques.
18
Le dispositif mis en place par l’arrêté de 2008 favorise l’augmentation des contrôles
dès lors que les tests peuvent être pratiqués hors la présence d’un médecin. Lorsque
leurs résultats sont positifs, ils induisent des mesures complémentaires qui ont
également un impact sur les frais de justice (frais d’analyses en vue de la recherche de
stupéfiants et, le cas échéant, frais d’analyses en vue de la recherche de médicaments
psycho actifs, frais d’expertise toxicologique, frais de déplacement du médecin).
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32
COUR DES COMPTES
n° 2007-1519 du 22 octobre 2007 et n° 2007-1520 du 22 octobre 2007
19
ainsi que par l’arrêté du 22 octobre 2007.
Cette tarification a induit une économie de cinq millions d’euros
réalisées sur les années 2007 à 2009. Les mesures prises depuis 2006 pour
maîtriser les coûts dans ce domaine sont désormais contrebalancées par la
croissance en « volume » des interceptions qui ont augmenté de 65 % en
quatre ans pour atteindre en 2011 le chiffre de 43 000, contre 10500 en
2003. Pour la seule année 2011, l’augmentation du coût des interceptions
et de la location de matériel a été de 73 %.
Les réquisitions portant sur de nouvelles prestations, coûteuses et
non tarifées (géolocalisation Internet) sont à l’origine en 2010 d’une
augmentation de 8,1
% par rapport à 2009, pour la première fois depuis
quatre ans, du coût des interceptions téléphoniques et de communications
électroniques.
27 % de ces frais correspondent aux dépenses de location de
matériel d’interception qui ne sont pas tarifés et dont la progression de
neuf millions d’euros entre 2008 et 2010 a été significative (+ 31,6
% en
2009, +17,5
% en 2010) en raison du coût du perfectionnement de ce
matériel et de l’augmentation du nombre des interceptions judiciaires.
La mise en place de la plate-forme nationale des interceptions
judiciaires (PNIJ) au cours de l’année 2013 a vocation à limiter le coût de
ce poste de dépense.
Elle devrait en effet générer des économies importantes en matière
de frais de justice grâce à la suppression de frais de location de matériel
d’interception et à la réduction des frais de réquisition des opérateurs de
communications électroniques. Sur le plan organisationnel, elle devrait en
outre induire des économies de frais de fonctionnement et de personnel
(titre 2) grâce à la suppression des circuits de traitement déconcentrés de
près de 450 000 factures annuelles.
19
Bien que ces textes datent du mois d’octobre 2007, les effets de la tarification des
prestations d’interception de communication téléphoniques proprement dites ont eu un
impact dès le début de l’année. En effet, en l’absence de tarif, ces prestations
relevaient de la procédure de taxation. Une note de la chancellerie, en date du
13 décembre 2006, donnait pour instruction de taxer ces prestations, en l’attente de la
parution des textes de tarification, à hauteur de 88 euros HT, par interception, quelle
qu’en soit la durée. Ce montant a été repris par les textes susmentionnés.
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33
c)
Les analyses génétiques
La progression des frais d’analyses génétiques est surtout sensible
depuis 2007 où ces frais sont passés de 16,8 M€ à 23,3 M€ (+38 %) en
2010.
Le
développement
des
prescriptions
d’analyses
génétiques
réalisées à partir, soit de prélèvements biologiques effectués sur
individus
20
, soit des traces biologiques, résulte de la loi n° 2003-239 du
18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure qui a élargi le périmètre des
infractions conduisant à une inscription au fichier national automatisé des
empreintes génétiques (FNAEG).
La réduction significative du coût unitaire des analyses obtenues
dans le cadre des marchés publics signés depuis 2005 dans le domaine
des analyses génétiques (quatre en 2005, 2007, 2008 et 2009 en matière
d’analyses « individus », pour les personnes condamnées, et un en 2009
en
matière
d’analyses
« traces »)
concernant
essentiellement
la
délinquance de masse, a été contrebalancée par l’augmentation des
analyses demandées.
Leur progression a été plus significative à partir de 2009 (+19,1 %
et + 11,3 % en 2010) en raison du développement des analyses génétiques
dans les investigations pénales, ces analyses demeurant particulièrement
nombreuses, et de ce fait, coûteuses, en matière criminelle.
2 -
La progression des frais de justice commerciale
Quoique moins importants en volume, les frais de justice
commerciale (42,47 M€ en 2011) constituent désormais une composante
plus importante que les frais de justice en matière civile (20,13 M€). Ils
ont progressé de manière très significative (+82,8 % entre 2006 et 2011).
Cette progression est le résultat de plusieurs réformes dont les
effets sur les frais de justice se sont pleinement manifestés sur les
gestions 2008 (+20
% rapport à 2007), 2009 (+19
%) et 2010 (+16 %).
Cette dépense est passée de 23,2 M€ en 2006 à 41,7 M€ en 2010
pour plusieurs raisons :
-
le décret n° 2006-1709 du 23 décembre 2006 qui a supprimé la
possibilité pour le greffier de commerce de demander aux
parties une provision pour frais de procédure a entraîné une
augmentation des frais avancés par le Trésor ;
20
En vue de la saisie de leurs empreintes génétiques dans le fichier national
automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
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34
COUR DES COMPTES
-
le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 relatif à la forfaitisation
du tarif des greffiers de commerce prévoit désormais le
paiement d’un acompte en début de procédure et non plus à
l’issue de la procédure ;
-
la suppression de 55 tribunaux de commerce dans le cadre de la
réforme de la carte judiciaire de 2009 a accéléré les demandes
de remboursement présentées par les greffiers de commerce
concernés.
Au-delà des réformes, cette progression traduit les difficultés
économiques des entreprises constatées depuis quatre ans qui induisent
une augmentation des frais avancés par le Trésor en cas d’impécuniosité
du débiteuR.
Non seulement les procédures de liquidation d’entreprises,
qui entrainent des frais de justice commerciale, sont plus nombreuses
depuis 2008, mais tel est également le cas de la proportion de dossiers
totalement ou partiellement impécunieux (dans ce dernier cas les actifs
sont inférieurs à 3000 €
21
).
3 -
La diversité des frais de justice de l’action soutien
L’essentiel de ces frais est constitué de frais postaux (55,64 M€ en
2011 sur 73,42 M€) jusqu’au 1
er
janvier 2012, date à laquelle ces frais
sont comptabilisés en frais de fonctionnement. La gestion centralisée des
marchés publics passés entre la Poste et le ministère explique le
rattachement de ces frais à l’action « soutien ».
Les autres frais payés par le BOP central du programme 166
« Justice judiciaire » comprennent des indemnisations diverses, au
nombre desquelles l’indemnisation des victimes de violences, des
victimes d’atteinte aux biens, des personnes ayant bénéficié d’une
décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ainsi que les frais liés
aux révisions et erreurs judiciaires et certains frais mis en paiement au
niveau de l’administration centrale sur la base de conventions ou de
marchés publics (convention SNCF pour les transfèrements judiciaires,
marché Air France pour les transfèrements judiciaires, les extraditions, les
déplacements des témoins, des parties civiles et des experts, marché de
transport de scellés et de dossiers de procédure).
En 2011, l’action soutien a supporté 98,94 M€ de frais de justice
pénale liés à la réforme de la médecine légale et à la conclusion de
transactions avec certains prestataires, tels des opérateurs téléphoniques
ou des laboratoires d’expertises génétiques.
21
70% des procédures sont impécunieuses.
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35
4 -
La maîtrise des frais de justice civile et prud’homale
Contrairement aux frais de justice commerciale, les frais de justice
engagés devant les juridictions civiles et prud’homales (ces derniers
représentant un très faible poids de la dépense de l’action civile) sont en
régression. Ils sont passés de 22,9 M€ en 2006 à 24,03 M€ en 2008 et ont
amorcé une baisse dès 2009 (23,08 M€) qui s’est poursuivie jusqu’en
2011 (20,13 M€).
Des économies ont été réalisées en matière de frais d’enquêtes
sociales à la suite de la mise en place d’une tarification, fixée à 500 euros,
de l’indemnité versée aux enquêteurs sociaux et de la forfaitisation des
frais de déplacement prévue par le décret n° 2009-285 du 12 mars 2009
modifié par le décret n° 2011-54 du 13 janvier 2011. Ces frais d’enquêtes
sociales conduites en matière civile sont ainsi passés de 6,58 M€ à
4,67 M€ en 2011.
C - Les facteurs de l’augmentation des frais de justice
en prix et en volume
La Cour a déjà relevé à plusieurs reprises, en particulier dans ses
notes d’exécution budgétaire, que l’accroissement des dépenses de frais
de
justice
est
étroitement
lié
au
développement
de
l’activité
juridictionnelle et au recours accru à des procédés technologiques
nouveaux. Cet accroissement est observé à la fois en volume et en prix.
L’effet prix résulte essentiellement de la hausse de certains tarifs.
1 -
L’effet prix est lié notamment à la revalorisation des tarifs
a)
La revalorisation des tarifs
Plusieurs tarifs ont récemment fait l’objet de revalorisations qui
viennent accroître le montant des frais de justice.
Dans le domaine médical, les revalorisations successives (au 1er
août 2006, 1er juillet 2007 et 1er janvier 2011) de la lettre C qui
détermine le tarif de certaines prestations (examen médical de garde à
vue, examen médical des victimes...) et celle prévue par le décret
n° 2008 - 764 du 30 juillet 2008 qui a conduit à augmenter de 25 % le
tarif des honoraires des experts psychiatres et qui prévoit l'application
d'un tarif majoré pour les expertises concernant les victimes d'infractions
sexuelles, et non plus seulement sur leurs auteurs, ont sensiblement
concouru à l’augmentation des frais médicaux.
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36
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Depuis 2008, l’augmentation des frais relatifs aux traductions et à
l’interprétariat fait écho à une internationalisation croissante de l’activité
judiciaire. Elle s’est amplifiée en 2009 (+47 %) en raison de la
revalorisation des tarifs et a continué à se faire sentir en 2010 (+18,2
%).
Le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et son arrêté d’application du
2 septembre 2008 ont en effet procédé à une revalorisation du tarif de
l’heure d’interprétariat.
Le tarif des interprètes, qui variait précédemment entre 14,79 et
16,58 €, a été fixé à 25 € de l'heure à compter du mois de septembre 2008
puis à 42 € de l'heure, à compter du 1er mars 2009. En outre, le décret a
créé des majorations pour la première heure d’interprétariat (+ 40
%) et
pour les missions de nuit, de week-end et les jours fériés. Le tarif des
traducteurs est passé de 12,50 €
à 25 € la page.
Au TGI de Paris, la dépense d’interprétariat a progressé de 39 %
en 2010 à 7,6M€ contre 5,47M€ en 2009.
Depuis 2007, ce poste de
dépense a presque triplé, soit 168 % de hausse.
Par ailleurs, la revalorisation des tarifs alloués aux huissiers
audienciers en application du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007
et l’augmentation de l’activité judiciaire ont induit une hausse de la
dépense (+13 % de 2007 à 2010).
Enfin, en 2010 a été observée la reprise à la hausse de 9,4
% des
frais de gardiennage de scellés. Ils s’étaient pourtant stabilisés à la suite
d’un audit de modernisation sur la gestion des scellés mené en 2007 par
cinq inspections relevant des ministères de la Justice, de la Défense et de
l’Intérieur qui avait conclu à la nécessité d’instaurer un contrôle effectif
de la durée de garde des véhicules en fourrière et de développer leur vente
durant l’instruction.
b)
La prise en compte des cotisations sociales
Conformément à une évolution commandée par l’interprétation du
juge communautaire à l’égard des expertises médicales réservant
l’exonération de la TVA aux seules expertises qui poursuivent, à titre
principal, un but thérapeutique, les prestations réalisées par les
collaborateurs occasionnels du service public de la justice (COSP), à
savoir les expertises judiciaires tous domaines confondus, pourraient,
selon l’analyse de la direction de la législation fiscale, être assujetties à la
taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dans la mesure où il n’existe aucun lien
de subordination entre le ministère de la justice et eux.
Parallèlement, la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de
financement de la sécurité sociale pour 1999 assimile ces COSP à des
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37
salariés puisqu’elle prévoit leur affiliation au régime général – sans pour
autant que cette affiliation ne crée de lien de subordination. Le décret
n° 2000-35 du 17 janvier 2000 prévoit ainsi en application de cette loi le
calcul de la part employeur des cotisations sociales des COSP. Le coût de
cette mesure, qui n’a encore reçu aucune application, est estimé à 30 M€
dans le dernier budget triennal.
L’application
de
prélèvements
sociaux
apparaît
pourtant
difficilement compatible avec l’assujettissement à la TVA – cette taxe
ayant vocation à s’appliquer à une activité économique exercée sans lien
de subordination.
Il s’avère donc urgent d’examiner la combinaison des règles
sociales et fiscales applicables aux rémunérations des expertises
judiciaires au risque de créer des difficultés de financement budgétaire.
Selon l’estimation de la Chancellerie, l’application cumulée des charges
patronales et de la TVA aurait pour effet d’augmenter la dépense en
matière d’expertises judiciaires de plus de 40 %.
Au-delà de la question de l’assujettissement à la TVA et
aux
cotisations sociales, il convient de s’interroger plus généralement sur les
prestations d’expertise. Il apparait en effet que sous cette dénomination
deux grandes de catégories de prestations sont assurées au profit des
autorités judiciaires.
Les expertises de masse correspondent pour l’essentiel aux
mesures techniques d’investigation. Elles donnent lieu, soit à une mise en
concurrence dans le cadre de la passation de marchés, soit à une
tarification qui pourrait relever systématiquement de la procédure de
certification. Elles pourraient à ce titre être aisément distinguées des
expertises complexes faisant nécessairement appel à la procédure de
taxation sous la responsabilité du juge.
Sans remettre en cause le principe de l’indépendance du juge, cette
distinction permettrait de généraliser à la fois la mise en concurrence pour
un certain nombre d’analyses ou d’expertises, telles les analyses
génétiques et de réserver la procédure de la taxation aux expertises les
plus complexes.
2 -
L’effet volume
Une hausse en volume est constatée dans plusieurs domaines.
Ainsi, pour les analyses génétiques, les quatre marchés publics en
matière d’analyses génétiques ont conduit à une réduction significative du
coût unitaire de l’analyse génétique sur individus (67 € HT en 2005, 23 €
HT en 2007, 17 € HT en 2008 et 2009) et de l’analyse sur traces
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biologiques (92 € HT au lieu d’un coût moyen hors marché de
265
€ HT). Celle-ci a été contrebalancée par la hausse continue en 2009
et 2010 du nombre d’analyses demandées (50 000 analyses pour le
marché « individus », 60 000 pour le marché « traces »).
La même tendance est vérifiée pour les interceptions téléphoniques
ou encore les autopsies.
L’effet volume résulte à la fois du recours accru à la preuve
scientifique mais aussi de la multiplication des dispositions législatives et
organisationnelles comme cela est développé ci-après.
a)
L’influence de la politique pénale sur le montant des frais de
justice
La matière pénale fait de plus en plus place à la recherche de la
preuve, dans un contexte de développement des techniques scientifiques.
Le rôle décisif de l’ADN dans l’élucidation des affaires pénales
explique le recours accru à des expertises coûteuses en frais de justice
pour répondre à l’impératif de performance des services enquêteurs.
Alors que peu de laboratoires pratiquaient initialement l’analyse
génétique, ils sont désormais nombreux à proposer cette prestation.
Le développement du fichier national automatisé des empreintes
génétiques (FNAEG), créé en 1998, caractérise ce phénomène.
Initialement limité aux infractions à caractère sexuel, l’enregistrement des
profils génétiques dans cette base de données a été progressivement
élargi, notamment par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 relative à la
sécurité
intérieure,
à
toutes
les
infractions
désormais
listées
à
l’article 706-55 du code de procédure pénale.
Le taux de signalisation au FNAEG des individus mis en cause
constitue d’ailleurs un indicateur de performance des programmes n° 176
« police nationale » et n° 152 « gendarmerie nationale » de la mission
« sécurité ».
Au 31 décembre 2011, le fichier comptabilisait 1 834 537
personnes identifiées (dont 372 123 condamnées et 1 462 414 mises en
cause pour crime ou délit) et 116 110 traces non résolues. Les profils pris
en compte sont ceux déterminés à partir de traces prélevées sur les scènes
d’infractions (« traces ») et ceux de personnes condamnées ou mises en
cause, de cadavres non identifiés et de proches des personnes déclarées
disparues (« individus »).
Pour autant, les prélèvements de traces, une fois analysés, ne
permettent pas toujours de renseigner le FNAEG. Ainsi, en 2011, les
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39
124 659 supports ou objets analysés par les deux laboratoires publics
(IRCGN et INPS) n’ont donné lieu qu’à l’inscription au total de 13 842
profils génétiques au FNAEG (soit 11,1 %).
En effet, alors que les empreintes « individus », réalisées
directement sur la personne, sont généralement facilement utilisables
puisqu’immédiatement rattachables à une personne identifiée, il n’en est
pas de même pour les empreintes « traces », prélevées sur le lieu de
l’infraction.
Tous les profils issus de traces intégrés dans le FNAEG ne sont
donc pas utilisables, sauf à réaliser un travail d’enquête subséquent.
Si le directeur général de la police nationale reconnaît que les
résultats d’analyse ne sont pas toujours satisfaisants, il considère
cependant que ces techniques ont été un facteur d’efficacité incontestable
dans le cadre de la lutte contre la délinquance de masse. Le directeur
général de la gendarmerie nationale estime également que ces analyses
facilitent l’élucidation tant des crimes que des délits, l’identification de
leurs auteurs et l’administration de la preuve.
Le
constat de cette évolution s’inscrit dans le cadre du plan
d’action police technique et scientifique (plan PTS) de 2008-2010, qui a
été
reconduit
pour
la
période
2011-2013. Ce
plan
prévoit
le
développement de la police technique et scientifique dans la gendarmerie
nationale et à la police nationale pour lutter contre la délinquance de
masse, particulièrement contre les cambriolages et les vols de véhicules.
On observe en conséquence un accroissement du nombre de
prélèvements réalisés sur les scènes d’infraction et donc du nombre
d’analyses effectuées dans les laboratoires. Depuis la mise en oeuvre du
premier plan PTS, le nombre mensuel de réquisitions de demandes
d’analyses de traces biologiques établies par les officiers de police
judiciaire de la gendarmerie a ainsi plus que triplé, passant de 902 en
2008 à 2803 en 2011.
Le recours à l’ADN
est
un moyen de preuve parmi d’autres,
qui
ne doit pas empêcher de recourir à d’autres techniques – comme les
empreintes digitales,
qui renseignent ainsi le fichier automatisé des
empreintes digitales (FAED), riche de 4 116 134 d’identifications de
personnes mises en cause pour crime ou délit et de 220 522 traces non
résolues.
Au-delà du recours accru aux preuves biologiques, les frais de
justice
supportent
également
une
augmentation
de
l’usage
des
interceptions judiciaires. Celle-ci s’explique par la banalisation de
l’identification des auteurs
via
leur téléphone portable. Ainsi, depuis la loi
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COUR DES COMPTES
n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, l’article 706-95 du CPP prévoit que le juge
des libertés et de la détention autorise, sur requête du procureur de la
République, l’interception, l’enregistrement et la transcription de
correspondances émises par la voie des télécommunications.
Plus globalement, l’importance croissante de la preuve implique
une dépendance accrue de la matière pénale aux nouvelles techniques.
Les réquisitions portent déjà sur des prestations innovantes mais
coûteuses, telles la géolocalisation et l’interception de communications
électroniques. A terme, une fois résolues diverses questions juridiques et
techniques, les chaînes de génotypage des laboratoires publics pourraient
être
remplacées par des mallettes d’analyse génétique directement
utilisées par les officiers de police judiciaire. Le problème du coût des
consommables nécessaires pour ces analyses, qui représente ainsi déjà
sept millions d’euros annuels pour la gendarmerie, se poserait
alors
plus
fortement.
Les nouvelles réponses pénales résultant de cette culture de la
preuve engendrent ainsi des frais de justice supplémentaires.
Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des poursuites, le
Parquet peut décider de mettre en oeuvre des mesures alternatives aux
poursuites. Celles-ci visent essentiellement à désengorger les juridictions.
Elles peuvent prendre la forme, en fonction de la nature et de la
gravité des infractions commises, d’un rappel à la loi auprès de l’auteur
des faits, d’une demande de régularisation de sa situation au regard du
droit, d’une médiation pénale avec la victime lorsque les parties s’y
accordent, d’un stage de citoyenneté ou encore d’un stage de
sensibilisation à la sécurité routière en cas d’infraction à l’occasion de la
conduite d’un véhicule.
De façon similaire, la loi n° 2007-297du 5 mars 2007 relative à la
prévention de la délinquance instaure un stage de responsabilité parentale,
un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants
et une sanction-réparation. Ces mesures impactent également les frais de
justice, dans la mesure où la notification de la mesure et son contrôle font
intervenir un délégué du procureur de la République, rémunéré sur frais
de justice.
Les chefs de cour se trouvent ainsi tenus de choisir entre dégager
du temps pour les magistrats en recourant à ces mesures alternatives aux
poursuites et payer les frais de justice qu’elles engendrent.
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41
La multiplication des dispositions normatives ouvrant notamment
de nouveaux droits aux victimes est également un facteur d’augmentation
des frais de justice.
b)
L’augmentation des frais de justice issue des évolutions législatives
et organisationnelles
Les réformes pénales
Depuis une dizaine d’années, nombre de nouveaux textes
législatifs en matière pénale,
impliquent des mesures dont les coûts
organisationnels et de frais de justice ne sont pas négligeables.
L’augmentation de la dépense des frais d’enquêtes sociales
rapides, d’enquêtes de personnalité et de contrôle judiciaire (+19 %
depuis 2006) résulte du recours accru au contrôle judiciaire surtout depuis
2008.
A titre d’exemple peut être citée la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007
réformant la protection de l’enfance qui prévoit qu’un mineur doué de
discernement est obligatoirement entendu dans toute procédure le
concernant, lorsqu’il en fait la demande, ou la loi n° 2007-308 du 5 mars
2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs qui précise
qu’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection d’un
majeur comporte obligatoirement un certificat médical.
Cette loi a également introduit l’article 706-115 du CPP qui exige
que toute personne sous curatelle ou tutelle, qui doit être jugée, soit
soumise préalablement à une expertise médicale.
La loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de
sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble
mental prévoit également que les personnes présentant un risque élevé de
récidive, après exécution de leur peine d’incarcération, soient placées en
rétention de sûreté. Cette procédure implique des frais d’expertises
médicales en vue de la première mesure de placement en rétention de
sûreté, avant son expiration, et en cas de demande de levée de cette
mesure par la personne concernée.
La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la
sécurité intérieure du 14 mars 2011, dite LOPPSI 2, introduit en matière
de sécurité routière des peines obligatoires de confiscation du véhicule en
cas de conduite sans permis et en cas de récidive de conduite en état
d’ivresse, après usage de stupéfiants ou à grand excès de vitesse. Ces
confiscations entraînent des frais d’enlèvement et de gardiennage des
véhicules, estimés à 17,2 millions d’euros.
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COUR DES COMPTES
Cette loi autorise également, en dehors de toute procédure
judiciaire, des prélèvements sur les cadavres non identifiés, ce qui risque
d’augmenter les dépenses d’analyses génétiques.
Enfin, un amendement parlementaire a fait de la vente à la sauvette
un délit. Les procédures qui en découlent nécessitent le recours à des
interprètes, ce qui contribue à une hausse des frais de justice.
La loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la
protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge prévoit que le juge des libertés et de la
détention se prononce systématiquement dans un délai de quinze jours à
compter de l’hospitalisation d’office sur sa prolongation – cette
intervention n’avait lieu auparavant que si la personne concernée la
demandait. De façon similaire, le juge des libertés et de la détention peut
être saisi ou se saisir à tout moment d’une demande de mainlevée
immédiate de la mesure.
Ces dispositions ajoutent des missions aux juges des libertés et des
détentions. Elles pèsent également sur les frais de justice puisque, dans
les deux cas, pour se prononcer, le juge est appelé à ordonner des
expertises psychiatriques.
La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des
citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des
mineurs prévoit l’introduction en correctionnelle dans certains ressorts de
Cour d’appel d’assesseurs citoyens, qui sont rémunérés sur frais de
justice.
Les récentes évolutions législatives tendent à accroître les cas où
les expertises psychiatriques sont obligatoires en matière pénale. En
conséquence, leur nombre a augmenté de 149 % entre 2002 et 2009, alors
que le nombre d’experts psychiatres inscrits sur les listes des cours
d’appel est resté constant. Le ratio d’expertises par expert est ainsi passé
de 61 à 151 sur la même période.
La loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à
l’exécution des peines prévoit ainsi des mesures incitatives pour
augmenter le nombre d’experts psychiatres judiciaires.
Le cas de la réforme de la médecine légale
Enfin, la réforme de la médecine légale organisée par la circulaire
du 27 décembre 2010,
est entrée en vigueur le 15 janvier 2011. Selon le
nouveau schéma directeur, les examens de médecine légale, qui étaient
jusqu’alors réalisés par des praticiens libéraux, directement sur place,
c'est-à-dire dans les services de police ou les unités de gendarmerie,
doivent désormais être effectués dans des structures dédiées implantées
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dans les établissements publics de santé. Les autopsies doivent ainsi être
réalisées dans un des trente instituts médico-légaux (IML) et les examens
de médecine légale du vivant (examens des gardés-à-vue et des victimes)
dans l’une des quarante-sept unités médico-judiciaires (UMJ).
Par ailleurs, la réforme met en place un réseau de médecins
libéraux intervenant sur les zones géographiques dans lesquelles une
structure dédiée à la médecine légale du vivant ne se justifie pas.
A titre dérogatoire, des praticiens appartenant au réseau de
proximité peuvent être requis de façon ponctuelle – avec l’accord du
procureur de la République – ou permanente – dans le cadre de
conventions établies entre les juridictions, les services de la police et les
unités de la gendarmerie et les structures médico-légales. Ces prestations
continuent de faire l’objet d’un paiement à l’acte sur frais de justice.
Le paiement à l’acte sur frais de justice reste également la règle
pour les levées de corps, le gardiennage des scellés, les examens
complémentaires réalisés par les structures médico-légales et les
interventions de l’IML de Paris.
Ce nouveau schéma d’organisation s’est accompagné d’une refonte
des modalités de financement de la médecine légale. Désormais, les
examens relevant du périmètre de la réforme ne font plus l’objet d’un
paiement à l’acte sur les budgets alloués aux cours d’appel, mais d’un
financement annuel et forfaitaire versé par l’administration centrale
directement à chaque structure. En dehors de ce périmètre, les prestations
continuent à faire l’objet d’un paiement à l’acte par les cours d’appel.
Cette nouvelle organisation continue donc de peser sur les frais de
justice mais allège leur traitement par les juridictions.
Toutefois, la réforme de la médecine légale connaît des difficultés
de mise en oeuvre, qui ont été signalées à la Cour.
Sur 47 ressorts de TGI,
une quinzaine (dont Montpellier et Versailles) poserait problème.
En effet, certaines structures ne sont pas opérationnelles faute de
disposer d’un personnel hospitalier suffisant pour mener à bien toutes ces
missions et ne réalisent donc pas des examens de gardés-à-vue. En outre,
certaines unités de gendarmerie ou de police éloignées des centres
médico-légaux déplorent de devoir mobiliser des effectifs pour les
escortes de gardés à vue jusqu’à une UMJ.
Le ministère de l’intérieur évalue à 500 ETP les effectifs chargés
des escortes des gardés à vue vers les hôpitaux, étant précisé que les
policiers assurent 80 % des gardes à vue.
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Cette situation a pour conséquence la prise en charge, sur le budget
des frais de justice des cours d’appel, d’examens qui auraient vocation à
être financés au titre des crédits délégués aux établissements de santé.
En conséquence, des équipes mobiles, financées sur le programme
n° 166, ont été mises en place pour assurer des examens médicaux dans
les locaux des commissariats ou unité de gendarmerie. Parallèlement, les
cours d’appel continuent d’avoir recours au réseau de proximité, ce qui
pèse sur leur budget de frais de justice.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Les frais de justice sont un poste de dépenses du ministère de la
justice correspondant à des charges très diverses qui sont engagées
sur
la prescription du juge, dans le cadre de sa liberté constitutionnelle, afin
de contribuer à la manifestation de la vérité.
Par leur absence d’assujettissement aux procédures des marchés
publics, et leurs règles particulières en matière de dépense, les frais de
justice
relèvent de modes de gestion dérogatoires.
Au cours des années récentes, la dépense globale, qui n’est pas
consolidée, s’est fortement accrue, en raison notamment du nombre de
réformes législatives et organisationnelles dont l’impact financier
a été
mal estimé au regard de leur coût final.
S’agissant plus particulièrement des dépenses d’expertise, la Cour
relève
que les dispositions législatives et règlementaires adoptées il y a
plus de dix ans en matière d’assujettissement des collaborateurs
occasionnels du service public aux cotisations sociales n’ont pas été
mises en oeuvre alors que se trouve désormais posée la question
concurrente de l’application de la TVA à ce type de prestations.
Dans le cas particulier des expertises de masse dont relèvent les
techniques d’investigation en fort développement, la généralisation de la
concurrence dans le cadre de marchés, serait de nature à contribuer à
des économies.
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La Cour formule les recommandations suivantes :
1- mettre en place une analyse du coût global des frais de justice,
intégrant ceux supportés par le ministère de l’intérieur ;
2- renforcer les études d’impact des projets
de loi
lorsque leurs
dispositions ont pour effet d’augmenter automatiquement les frais de
justice et recourir, chaque fois que cela paraît utile, à l’expérimentation ;
3- clarifier rapidement le régime de la TVA
et celui des cotisations
sociales applicable aux expertises judiciaires ;
4- examiner l’opportunité de distinguer les expertises de masse,
soumises soit à tarification, soit à une mise en concurrence dans le
respect du principe de l’indépendance du juge, de celles nécessitant une
analyse circonstanciée sous le contrôle direct du juge.
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Chapitre II
Des prévisions budgétaires peu réalistes
I
-
La sous-budgétisation chronique
Le budget du ministère de la justice supporte aujourd'hui
l’intégralité des dépenses imputées sur frais de justice alors même qu’il
n’en est pas directement prescripteur puisque comme cela a été
mentionné précédemment plus de 60
% les prescriptions émanent
d'officiers de police judiciaire (OPJ).
Au sein du budget du ministère de la justice, les frais de justice
relèvent du programme 166 « Justice judiciaire » où ils sont répartis par
action et sous action.
Les dépenses relatives aux frais de justice relèvent du titre 3
« dépenses de fonctionnement
22
» et sont réparties entre cinq actions sur
les huit que compte le programme 166.
L’action n° 1 « Traitement et jugement des contentieux civils »
concerne
l’ensemble
des
décisions
rendues
en
matière
civile,
commerciale ou sociale par les cours d’appel, tribunaux de grande
instance, tribunaux d’instance, conseils de prud’hommes et tribunaux de
commerce. Les frais de justice qui s’y rapportent représentent 13,5 % de
la dépense totale des frais de justice en 2011.
L’action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des
affaires pénales » recouvre d’une part les moyens nécessaires à la
22
Hors dépenses de personnel qui relèvent du titre 2
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conduite, par les parquets, de la politique générale de lutte contre la
délinquance, d’autre part l’ensemble des décisions rendues par les
juridictions judiciaires qui se prononcent sur la culpabilité des personnes
poursuivies et sur les peines qui leur sont, le cas échéant, appliquées.
Celles-ci statuent en outre sur le dédommagement des victimes.
70 % des crédits frais de justice sont imputés sur cette action en
2011. Ils permettent de couvrir les examens médicaux, analyses
génétiques, interceptions judiciaires, recours à des interprètes, etc.
L’action n° 3 « Cassation » enregistre les moyens permettant à la
Cour de Cassation de remplir sa mission, de garantir la régularité des
décisions judiciaires qui lui sont déférées et de veiller à l’homogénéité de
l’application du droit sur l’ensemble du territoire. Les frais de justice
correspondent aux frais postaux liés aux procédures, aux honoraires
d’experts de médecins ou d’interprètes. Ils représentent 0,5 % de la
dépense globale des frais de justice, tandis que l’action n° 5
« Enregistrement des décisions judiciaires » supporte 0,33 % des frais de
justice constitués principalement de frais postaux et frais de téléphonie
permettant le fonctionnement du Casier judiciaire national.
L’action n°
6 « Soutien »
23
supporte 17 % de la dépense totale des
frais de justice en 2011. Elle regroupe, outre l’ensemble des frais postaux
mis en paiement par les juridictions et imputés au titre des frais de justice
(liés aux procédures pénales, civiles et prud’homales), certaines
indemnisations résultant de décisions judiciaires ainsi que certains frais
mis en paiement au niveau de l’administration centrale (marchés de
transports aériens, marchés de transport de dossiers et de scellés, marchés
d’analyses génétiques sur individu).
A - Le poids croissant des frais de justice
Après un doublement entre 1988 et 1995 et une relative
stabilisation jusqu’en 2001, les frais de justice ont connu à partir de 2002
une forte progression jusqu’en 2005, année durant laquelle ils ont atteint
un montant de 487 M€, nombre de juridictions ayant alors cherché à
mettre en paiement le maximum de mémoires en instance, tant que les
crédits étaient évaluatifs.
Ainsi de 2002 à 2005, la dépense « frais de justice », qui échappait
jusque là à tout contrôle, a progressé de 68 % et de 82 % pour les seuls
frais de justice pénale avec une évolution très significative des frais de
23
L’action 6 recouvre l’ensemble des moyens humains et budgétaires qui ne peuvent
être ventilés sur les autres actions.
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DES PREVISIONS BUDGETAIRES PEU REALISTES
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réquisitions de téléphonie, de location de matériels d’interception
téléphonique et d’examens toxicologiques et biologiques.
La progression des frais de justice entre 1998 et 2011
en M€
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
évol
2002/2005
dépense
frais de
justice
247,059
243,14
258,361
262,01
290,09
341,431
419
487,37
68%
5,44%
-1,59%
6,26%
1,41%
10,72%
17,70%
22,72%
16,32%
2006
2007
2008
2009
2010
2011
évol
2011/2007
dépense
frais de
justice
379,422
388,621
401,732
432,546
467,839
537,13
38%
-22%
2,42%
3,37%
7,67%
8,16%
14,81%
Source : ministère de la justice
Bien qu’ayant constaté un infléchissement en 2006 de cette dérive
haussière, la Cour recommandait alors une interprétation prudente de
cette diminution, estimant que l’exercice 2005 ne pouvait constituer une
référence pertinente, compte tenu de la mise en place de la LOLF.
Cette prudence s’est révélée justifiée puisqu’on assiste depuis 2007
à une hausse ininterrompue des frais de justice. Ainsi, après la pause de
2006 où cette dépense a régressé de 22,37 %, passant de 487 M€ à
379,4 M€, soit près de 100 millions d'euros d'économie, sous l’effet du
passage des crédits évaluatifs à des crédits limitatifs, l’évolution de cette
dépense frais de justice est à nouveau repartie à la hausse depuis 2007
passant de 338,6 M€ à 537,13 M€ en 2011, soit une hausse de 38 % en
quatre ans.
La reprise de la dynamique de croissance des frais de justice
amorcée en 2008 (+3,5 %) s’est progressivement intensifiée les années
suivantes (+7,6 % 2009, + 8,2 % en 2010) avec l’expérimentation en
2009 du nouveau circuit de paiement des frais de justice, le recensement
des charges à payer effectué à la fin de 2008 des mémoires anciens, la
généralisation en 2010 des services centralisateurs de frais de justice qui
ont conduit au déstockage des mémoires. Quant à l’augmentation de
14,81 % en 2011, elle est la conséquence de l’accélération du paiement de
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COUR DES COMPTES
dettes anciennes réalisé par voie transactionnelle pour un montant de
54,9M€
24
.
25
Cette évolution s’inscrit dans le cadre d’une période de relative
aisance du ministère dont le budget a augmenté de manière continue de
4,1 % en 2007, 3,2 % en 2008, 5,3 % en 2009, 3,04 % en 2010 et 2,93 %
en 2011. Mais à partir de 2008, l’évolution des frais de justice se révèle
supérieure à la hausse du budget du ministère de la justice et à celle du
programme 166.
1 -
Le poids des frais de justice au sein de la mission « Justice »
Au sein de la mission budgétaire « Justice », la dépense des frais
de justice ne représente en moyenne que 7 % des crédits budgétaires de ce
ministère sur la période 2006-2011 et 25 % de l’ensemble de ses dépenses
de fonctionnement.
Le poids des frais de justice au sein de la mission « Justice »
Frais
de
justice
Crédits consommés de la mission Justice
en millions d'euros
m
o
n
t
a
n
t
Dépenses
ministère
justice (tous les
programmes)
CP consommés
évolution du
budget du
ministère
% frais de
justice/dépenses
du ministère
dépenses de
fonctionnement
titre 3
%
FDJ/dépenses
de fonct. du
ministère
2006
379,43
5 921,84
6%
1 638,02
23%
2007
388,62
6 166,97
4,14%
6%
1 641,21
24%
2008
401,73
6 364,70
3,21%
6%
1 681,17
24%
2009
432,55
6 701,54
5,29%
6%
1 805,76
24%
2010
467,84
6 905,24
3,04%
7%
1 850,11
25%
2011
537,20
7 107,40
2,93%
8%
1 942,98
28%
Source : Cour des comptes / RAP
24
Les crédits de paiement qui n’ont pas été consommés au titre des opérations
d’investissement ont été affectés aux frais de justice, ce qui a permis de résorber une
grande partie du stock de créances.
25
Transactions passées avec deux opérateurs de communications électroniques, six
sociétés de location de matériel d’interceptions et une société de chrono-localisation,
avec un laboratoire d’analyses génétiques et un laboratoire d’analyses toxicologiques.
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DES PREVISIONS BUDGETAIRES PEU REALISTES
51
Cette dépense est un enjeu financier majeur au sein du budget des
services judiciaires (programme 166) puisqu’elle grève plus de 69 % de
ses dépenses de fonctionnement avec une évolution de 14 points entre
2006 et 2011 (55 % en 2006 et 69 % en 2011) et représente 19
% des
dépenses totales de ce programme en 2011. Dans certains ressorts de
cours d’appel, le budget frais de justice atteint des pourcentages plus
élevés. Ainsi à Bordeaux, les frais de justice représentent 94 % des
dépenses de fonctionnement, à Douai, 75,09 % des dépenses de
fonctionnement, contre 62 % à Colmar ou 60 % à Paris.
Le poids des frais de justice au sein du programme 166 « justice
judiciaire »
Années
Frais de
justice
programme
166 "Services judiciaires"
montant
totalité des
dépenses du
programme
%frais de
justice/dépense
s du
programme
166
dépenses de
fonct. hors
personnel Titre
3
% frais de
justice/dépense
s de fonct. titre
3
2006
379,43
2500,18
15%
686,89
55%
2007
388,62
2590,59
15%
694,94
56%
2008
401,73
2655,71
15%
705,34
57%
2009
432,55
2865,18
15%
756,50
57%
2010
467,84
2859,83
16%
764,58
61%
2011
537,13
2901,49
19%
778,713
69%
en millions d'euros
Source : Cour des comptes/ RAP
Progressant de 686,89 à 778,7 M€ de 2006 à 2011, les dépenses de
fonctionnement (titre 3) des services judiciaires ont augmenté de 13
%.
Or, les frais de justice ont évolué en dépense effective, sur la même
période, de 379,43 à 537,13 M€ ce qui représente une augmentation de
42
%.
Cela signifie que
depuis 2007, la progression du budget
fonctionnement (titre 3) du programme 166 a été largement absorbée par
celle des frais de justice, réduisant ainsi la « marge de manoeuvre » du
budget des juridictions.
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COUR DES COMPTES
Evolution des frais de justice et des frais de fonctionnement
années
montant
dépenses
frais de
justice
augmentation
dépenses de
fonctionnement
hors personnel Titre
3
augmentation
part de l'augmentation des
frais de justice dans
l'augmentation des dépenses
de fonctionnement
2006
379,43
686,89
2007
388,62
9
694,94
8
114%
2008
401,73
13
705,34
10
126%
2009
432,55
31
756,50
51
60%
2010
467,84
35
764,58
8
437%
2011
537,13
69
778,713
14
490%
Evol.
2006/2011
157,70
69,29
91,83
14,14
% évol
2001/2006
42%
13%
Frais de justice
programme 166 'services judiciaires"
en millions d'euros
Source : Cour des comptes/ RAP
En dépit des actions conduites par le ministère de la justice pour
contenir l’augmentation des frais de justice, la maîtrise de cette dépense
s’est affirmée comme une priorité majeure du programme et constitue à
ce titre, depuis 2006, un objectif du programme 166.
Comme l’indique le RAP 2010 «
la maîtrise des frais de justice
constitue pour les services judiciaires une problématique centrale dont le
caractère stratégique prend tout son sens dans le contexte actuel des
finances publiques
».
B - La difficile prévision des besoins en frais de justice
1 -
L’engagement de la dépense
La maîtrise des frais de justice est confrontée à la liberté de
prescription dont disposent les magistrats, corollaire du principe de leur
indépendance ; or ceux-ci ont la charge d’appliquer des dispositions
législatives qui contribuent à alourdir la dépense.
Elle dépend
également de la difficulté rencontrée par le ministère
de la justice pour recenser de façon fiable les prescriptions qui relèvent de
l’initiative des officiers de police judiciaire.
L’engagement de ces dépenses était auparavant enregistré dans
l’application « Fraijus » installée dans l’ensemble des juridictions depuis
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DES PREVISIONS BUDGETAIRES PEU REALISTES
53
le 1er janvier 2006. Cet outil n’étant pas un outil de gestion budgétaire et
comptable mais seulement statistique, la Cour des comptes avait demandé
en 2007 que la gestion de cette application soit améliorée tant du point de
vue de l’exhaustivité des données saisies que de la fiabilité des montants
enregistrés.
Depuis la migration des services judiciaires sous Chorus à compter
du 1er janvier 2011, les prescriptions sont enregistrées dans « Chorus
Formulaire-prescriptions », mis en place en avril 2011 et destiné à être
renseigné par l'ensemble des prescripteurs de frais de justice, magistrats
et officiers de police judiciaire relevant de la gendarmerie et de la police
nationale, qu'ils agissent d'initiative ou sur réquisitions du parquet ou
dans le cadre de commissions rogatoires d'un juge d'instruction.
A chaque prescription est affecté un coût moyen, soit issu des tarifs
lorsque la prestation est tarifée, soit issu de la moyenne des coûts
constatés actualisée en temps réel.
Si les prescriptions des magistrats sont enregistrées au niveau des
juridictions, la police nationale refuse que
l’ensemble des OPJ
renseignent eux-mêmes les prescriptions dans le logiciel Chorus
Formulaire, estimant que cette tâche complexe et coûteuse
les écarterait
de leur coeur de métier et fait renseigner le logiciel par ses directions
centrales.
Le souhait exprimé en 2009 par l'Agence pour l'Informatique
Financière de l'Etat (AIFE) de donner aux OPJ l’accès à « Chorus
formulaire » n’a donc pas été suivi d’effet même s’il n’existait pas de
difficulté technique.
Ainsi, depuis janvier 2006, les commissariats font remonter les
informations relatives aux prescriptions de frais de justice mensuellement,
pour le mois échu. En revanche, la gendarmerie assure le suivi des
prescriptions de frais de justice de façon hebdomadaire grâce à
l’application LRPGN, logiciel de rédaction des procédures de la
gendarmerie nationale.
Pour la police, un nouveau logiciel a été récemment généralisé
depuis le 5 mars 2012. Il s’agit du logiciel de rédaction des procédures de
la police nationale, dénommé LRPPN qui devrait intégrer à terme un
module « frais de justice » et garantir un niveau de saisie plus important.
Ce logiciel doit permettre aux OPJ de rédiger leurs procédures plus
rapidement. Il doit également permettre un échange avec la gendarmerie
par le biais d’un système d’informations commun. Un élément de ce
logiciel devrait enfin permettre de récupérer automatiquement des
informations plus précises relatives aux frais de justice, pour les adresser
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à la centrale qui renseignera Chorus formulaire à partir de ces
informations. Ce ne sera toutefois possible qu’à partir de 2013.
Pour la gendarmerie des fonctionnalités semblables sont réalisées
par le logiciel de rédaction de procédures de la gendarmerie nationale
(LRPGN), appelé Icare, dont les données sont remontées de façon
automatique vers le ministère de la Justice chaque semaine depuis le
début 2011.
Ainsi devrait être allégé le travail de la Chancellerie, contrainte de
centraliser mensuellement les données relatives aux prescriptions des
officiers de police judiciaire de la gendarmerie et de la police, en dépit
des insuffisances et inexactitudes résultant des saisies manuelles et de
l’absence d’interfaces entre les applications existantes.
En ce qui concerne les prescriptions des OPJ policiers et
gendarmes, les sondages effectués par la chancellerie font apparaître que
« chorus formulaire-prescriptions » est sous renseigné. A titre d’exemple,
en 2011 les données transmises par la police nationale correspondent à
556 336 prescriptions pour 900 000 prescriptions comptabilisées dans
Fraijus.
2 -
Le fléchage des crédits
La mise en oeuvre des dispositions de la loi organique du 1er août
2001 impliquant le passage à des crédits limitatifs a constitué un défi
majeur pour un ministère dont une part importante des dépenses
courantes relevait de crédits provisionnels ou évaluatifs connaissant, tels
les frais de justice, une progression hors de contrôle.
Les nouvelles obligations issues de la LOLF ont conduit le
ministère de la justice à placer le budget des frais de justice sous
contrainte très forte dès 2006, pour créer, en quelque sorte un
"électrochoc" salutaire et des changements de pratiques. Le pari était
audacieux puisque dans budget 2006, la dotation consacrée aux frais de
justice était réduite de 24 % par rapport à 2005; la dotation 2006 s'élevait
à 370 millions d'euros pour une dépense 2005 de 487 millions d'euros.
Ainsi, ainsi que l’a relevé la Cour dans la note d’exécution
budgétaire 2009 de la mission justice, «
contrairement à la LOLF qui
instaure le principe de fongibilité totale des crédits (hors titre 2) et offre
des marges d’exécution considérables aux responsables de programme et
de BOP, la globalisation des crédits atteint ses limites au ministère de la
justice, sous l’effet des contraintes de gestion qui pèsent sur les
programmes
».
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55
Selon la direction des services judiciaires, la nature des dépenses
des frais de justice, ainsi que les modalités de leur exécution justifient
qu’elles soient distinguées et leur suivi distinct doit permettre de
contribuer à la maîtrise de l’évolution de la dépense. Ce fléchage décliné
au niveau local est ainsi réputé permettre une parfaite identification des
frais de justice au sein des budgets opérationnels de programme et
faciliter le suivi de ces crédits dont la maîtrise doit être poursuivie.
Les crédits frais de justice sont donc « fléchés » lors de la
notification de la programmation budgétaire initiale et lors des
modifications en cours d’année et la fongibilité entre le fonctionnement
courant et les frais de justice ne peut être mise en oeuvre que sur
instruction du responsable de programme
26
.
La masse financière en jeu étant importante, cette pratique rigidifie
le budget de la justice et le programme 166.
La mise en place en 2010 des services centralisateurs de frais de
justice, le déploiement du logiciel LMDJ et le recensement des mémoires
anciens, ont permis aux juridictions d’avoir une meilleure connaissance
des mémoires reçus et d’affiner la connaissance des charges à payer mais
le suivi des engagements demeure encore insuffisant.
C - Les perturbations dans l’exécution budgétaire
La gestion des frais de justice est caractérisée, depuis 2009, par
une sous-budgétisation récurrente.
Or, pour répondre au principe de sincérité de la présentation
budgétaire, il est essentiel que les crédits soient estimés aussi précisément
que possible. Cette estimation repose actuellement sur deux éléments : la
prise en compte de l'évolution tendancielle de la dépense et la mesure de
l'impact de réformes législatives ou réglementaires intervenues ou
envisagées.
26
Des instructions sont intervenues en fin d’année 2011 pour définir une interdiction
de fongibilité sans autorisation préalable du responsable de programme.
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Dotation initiale et solde par rapport aux crédits effectivement
consommés
En M€ en CP
2006
2007
2008
2009
2010
2011
PLF 2012
dotation initiale
370,1
390,1
405,0
409,0
393,3
459,6
470,0
réserve de précaution
0,0
-19,5
-24,3
-20,4
-18,6
-23,2
-28,2
levée de la réserve
0,0
19,2
24,3
20,4
18,6
23,2
0,0
reports de crédits
0,0
0,0
8,1
16,6
3,9
9,0
transferts
fonctionnement
courant (**)
9,3
4,1
7,1
9,1
10,1
19,9
-55,0
transfert crédits personnel
11,3
0,0
0,0
transfert crédits
d'investissement
0,0
6,9
0,0
17,8
65,0
décret d'avance et de
virement
0,0
30,0
-2,3
Annulations (LFR)
-5,3
-17,3
-5,0
-5,6
dotation finale
379,4
388,6
401,7
432,5
467,8
546,1
390,2
consommation réelle
379,4
388,6
401,7
432,5
467,8
537,2
solde de la dotation
initiale par rapport aux
crédits consommés
9,3
-1,5
-3,3
23,5
74,5
77,6
(**) Y compris les transferts effectués en fin de gestion au niveau local
Source : ministère de la justice
Évolution de la dotation initiale et solde par rapport aux crédits
effectivement consommés
En M€ en CP
2006
2007
2008
2009
2010
2011
PLF 2012
dotation initiale
370,1 390,1 405,0 409,0 393,3 459,6
470,0
dotation finale
379,4 388,6 401,7 432,5 467,8 546,1
consommation réelle
379,4 388,6 401,7 432,5 467,8 537,2
solde de la dotation
initiale par rapport aux
crédits consommés
-9,3
1,5
3,3
-23,5
-74,5
-77,6
Source : ministère de la justice
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57
Différence entre dotation initiale et consommation des frais de justice
(en M€)
-9,3
1,5
3,3
-23,5
-74,5
-77,6
-80
-60
-40
-20
0
20
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : Cour des comptes/RAP
Sous l'effet du fort dynamisme de la dépense de frais de justice
(+7,6
% en 2009, + 8,2 % en 2010, +14,81 % en 2011), après une
période d’amélioration en 2007 et 2008 les frais de justice souffrent
depuis 2009 d’une sous-budgétisation chronique relevée par la Cour des
comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 2010 et 2011.
Cette sous budgétisation s’accroit au fil des années, passant de
23,5M€ en 2009 à 74,5M€ en 2010 et à 77,6M€ en 2011.
Elle persiste en 2012. En effet, la dotation initiale de 470 M€ n’a
augmenté que de 10,1 M€, alors que 55 M€ ont vocation à être transférés
sur le fonctionnement pour le paiement des frais postaux et que 28,2 M€
concerne la réserve de précaution.
Dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des
finances publiques en date du 2 juillet 2012, la Cour a estimé à 100 M€ le
« risque global » au titre des frais de justice.
1 -
La sous-budgétisation affecte l’exécution globale du
programme 166
L’insincérité budgétaire entraîne des dépassements de crédits qui
sont financés pour partie par simple redéploiement absorbant l'essentiel
des marges de manoeuvre pour l'exécution du programme 166.
Sur les deux dernières années, respectivement 12 % et 13 % des
crédits consommés par les frais de justice proviennent de la réaffectation
de crédits de fonctionnement et de crédits d’investissement.
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COUR DES COMPTES
En 2008, 5 M€ de crédits de fonctionnement ont été affectés au
paiement des frais de justice. En 2009, la dépense relative aux frais de
justice a bénéficié d’une mobilisation jusque là exceptionnelle des crédits
de personnel à hauteur de 11,3 M€ et d’autre part du redéploiement de
9,1
M€ prélevés sur les crédits de fonctionnement du programme 166. En
2011, 66 M€ de crédits d’investissement et 19,9 M€ crédits de
fonctionnement ont été redéployés pour payer les frais de justice.
Or, si l'objectif de maîtrise des frais de justice est légitime
,
la sous-
budgétisation ne peut être la seule réponse à la politique de maîtrise
menée par la Chancellerie
.
La Cour considère que la budgétisation des frais de justice doit être
revue dans un souci de sincérité ainsi que dans une optique de
redéploiement au sein du budget du ministère de la justice.
Elle prend acte de l’engagement
de procéder au PLF 2013 à un
rebasage de la dotation initiale des frais de justice prenant en compte une
plus juste estimation des besoins et des effets des réformes passées et à
venir.
2 -
L’insincérité budgétaire se traduit par d’importantes charges
à payer
La contrainte budgétaire appliquée aux frais de justice n’a pas
permis jusqu’en 2011 de juguler la dette du ministère de la justice vis-à-
vis de ses prestataires et collaborateurs occasionnels de la justice. Les
demandes de paiement qui lui sont adressées sous forme de mémoires et
qui ne sont pas honorées faute de crédits suffisants sont identifiées en
charges à payer
27
.
Leur recensement s’est peu à peu amélioré depuis 2008 avec la
mise en place des services centralisateurs et le déploiement de
l’application LMDJ.
Ainsi à la fin de l’année 2011 durant laquelle le recensement est
réputé plus fiable
28
que les années précédentes, le ministère de la justice
27
La notion de charges à payer répond aux exigences de la comptabilité générale de
l’Etat : les écritures d’inventaire permettent de rattacher à l’exercice les charges qui
ont donné lieu à service fait au cours de cet exercice, mais qui n’ont pas été
comptabilisées à la fin de celui-ci.
La notion de restes à payer est une notion de comptabilité budgétaire : c’est la
différence entre les engagements contractés par l’Etat et les paiements de l’exercice,
indépendamment de toute considération du service fait.
28
Circulaire de la direction des services judiciaires du 15 décembre 2011 sur le
recensement exhaustif des charges à payer en matière de frais de justice.
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59
n’avait pas les moyens suffisants en terme de crédits budgétaires pour
payer 107 M€ de mémoires taxés ou certifiés, c'est-à-dire dont le service
fait a été constaté. Elles sont en augmentation de 2 % malgré le paiement
qui a été opéré par le ministère, par voie transactionnelle de créances pour
un montant de 54 M€ dont 17,7M€ au titre de créances antérieures à
2011.
A la fin de l’année 2011, leur montant correspond à deux mois et
demi de dépenses 2011.
En 2012, comme les années précédentes, le quart environ de la
dotation initiale globale est dès le début de l’année hypothéquée par les
charges à payer, c'est-à-dire les mémoires taxés ou certifiés non payés.
Selon le ministère de la justice, plus de la moitié de cette dotation
(58,1 %) servira à honorer les engagements antérieurs à 2012 puisque,
selon l’estimation de la Chancellerie, seuls 53
% des mémoires de frais
sont payés dans l'année au cours de laquelle l'expertise a été effectuée.
Charges à payer
En M€
2006
2007
2008
2009
2010
2011
PLF 2012
dotation initiale CP
370,1
390,1
405,0
409,0
393,3
459,6
470,0
charges à payer
116
92,8
118
105
107
charges à
payer/dotation n+1
29%
23%
30%
23%
23%
Source : RAP
Localement,
dans les ressorts des cours d’appel où la Cour des
comptes a examiné la gestion des frais de justice, la sous-budgétisation se
révèle relativement également répartie, même si certaines juridictions
sont plus affectées que d’autres. C’est évidemment le cas du TGI de
Paris, mais aussi, à titre d’exemple, celui du TGI de Lille.
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COUR DES COMPTES
Charges à payer des cours d’appel
En M €
2007
2008
2009
2010
2011
évol
mémoires
non payés
BOP Paris
16,693
22,542
30,99
26,382
37,29
123%
TGI Paris
13,562
63 386
BOP Bordeaux
2,742
5,538
3,517
4,361
59%
213
TGI Bordeaux
1,094
3,044
1,338
2,245
105%
9 896
BOPDouai
4,841
5,381
6,1
7,427
53%
73 463
TGI Douai
0,173
0,137
0,312
0,515
198%
5 379
TGI Arras
0,152
0,150
0,329
0,446
194%
3 894
TGI Lille
0,890
1,362
1,558
3,413
283%
39 122
BOP
Colmar
3,458
2,479
2,613
2,239
1,52
-56%
NC
Charges à payer
Source : Cour des comptes/réponses des SAR et TGI
A
la cour d’appel de Paris, les charges à payer ont progressé 20,59
M€ en quatre ans, passant de 16,69 M€ à 37,29 M€ en 2011, soit une
progression de +123 %
et ce qui représente presque 6 mois des dépenses
de l’année 2011.
Aussi le TGI de Paris avait-il en charges à payer
au 31 décembre
2011 63 527 mémoires pour un montant de 14 429 309
€, étant entendu
que tous les mémoires des prestataires de location de matériels
d’interception et de deux sociétés de téléphonie correspondant à un
montant cumulé de 6 993 343.44
€ ont été exclus dans le cadre du
protocole transactionnel conclu par l’ administration centrale .
La dotation 2012 de
la cour d’appel de Paris est dès le début de
l’année amputée à hauteur de 40,55
% par les charges à payer de l’année
2011. Cette juridiction estime que bien «
qu’en augmentation de 28,52 %
elle (la dotation 2012) est inférieure de 10.9 M€ par rapport à ses (aux)
besoins évalués à 93,7M€
».
Dès le mois de février 2011, la cour d’appel de Paris avait appelé
l’attention de la Chancellerie sur l’insuffisance des crédits frais de justice
2011 «
qui ne prenaient pas en compte manifestement les 26,3 M€ de
charges à payer
». Elle a donc sollicité un abondement, estimant «
qu’à
défaut, une cessation temporaire des paiements devrait intervenir d’ici la
fin du 2° trimestre 2011
». Elle a également été amenée à honorer en
premier lieu les charges à payer 2010 et à
établir des priorités entre les
paiements selon les créanciers, répartis à cette fin en trois catégories
« prioritaires »
(jurés,
témoins,
interprètes,
associations),
« intermédiaires » (honoraires de médecins, huissiers …) et « non
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DES PREVISIONS BUDGETAIRES PEU REALISTES
61
prioritaires » (La Poste, les frais de justice commerciale, les frais de
téléphonie…)
BOP de Paris
en M d'euros
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Crédits
notifiés
Crédits
notifiés
Crédits
notifiés
Crédits
notifiés
Crédits
notifiés
Crédits
notifiés
budget frais de
justice
75,785
64,343
63,310
71,518
64,44
82,82
Charges à payer
16,693
22,542
30,990
26,382
33,588*
Part des charges à
payer dans le
budget N+1
25,94%
35,61%
43,33%
40,94%
40,56%
* hors frais d'affranchissement payables en 2012 sur les crédits de fonct.
BOP
Paris
Source : réponse du SAR de Paris au questionnaire de la Cour
des comptes
A Bordeaux, l’arriéré à la fin de l’année 2011 est de 4,361M€ dont
2,245 M€ pour le TGI, ce qui correspond globalement à 2.5 mois de
dépenses 2011. Le service administratif régional (SAR) indique que
chaque année, au troisième trimestre, «
il est nécessaire de suspendre
certains paiements (mémoires supérieurs à 2000 €) et de ralentir voire
suspendre les reconstitutions d’avance des régies, tout cela dans l’attente
de l’attribution des dotations »
complémentaires et la régie indique que
«
l’absence de paiement en décembre et la reconstitution tardive de
l’avance en début d’année (pas de reconstitution en février) sont un
inconvénient sérieux et que le TGI doit faire face à de nombreuses
réclamations et menaces des créanciers en raison des retards des
paiements
. »
La dotation initiale 2012 attribuée à l’unité opérationnelle (UO) de
Bordeaux
29
est dès le début de l’année hypothéquée à 35,45 % par les
charges à payer de l’année 2011 dont le montant s’élève à 4,361 M€. La
dotation attribuée au TGI de Bordeaux est pour sa part hypothéquée à
hauteur de 31 % eu égard à 2,245 M€. Le SAR de Bordeaux estime que
«
pour 2012 au stade de la dotation initiale, la sous-budgétisation peut
29
A partir de 2012, il a été procédé à la réorganisation de la cartographie des BOP qui
sont désormais au nombre de 14. Le BOP Sud Ouest (Bordeaux) comprend 4 UO :
Bordeaux, Pau, Poitiers et Limoges.
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62
COUR DES COMPTES
être évaluée à 4 M€, soit a minima l’équivalent des charges à payer 2011
déclarées. Sur les cinq dernières années, si les trois premières ont illustré
l’insuffisance chronique des dotations, les deux dernières (2010 et 2011)
ont vu une nette progression dans les montants notifiés principalement en
fin de gestion. En dépit de cela, l’arriéré identifié (charges à payer 2011
de 4,36 M€) demeure important et il semble nécessaire d’obtenir encore
des enveloppes de crédits destinées à l’apurement des mémoires
anciens
».
UO de Bordeaux
UO
Bordeaux
2007
2008
2009
2010
2011
2012
dotation
initiale
CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale
CP
dotation
initiale
CP
dotation
initiale CP
- budget frais de
justice
14,187
13,911
12,948
13,504
16,22
12,30
Charges à payer
2,742
5,538
3,517
4,361
Part des charges à
payer dans le
budget frais de
justiceN+1
21,18%
41,01%
21,68%
35,45%
- budget frais de
justice
7,265
Charges à payer
2,245
Part des charges à
payer dans le
budget frais de
justiceN+1
31%
BOP de Bordeaux
TGI Bordeaux
Source : réponse du SAR de Bordeaux au questionnaire de la
Cour des comptes
La dotation 2012 attribuée à l’UO de Colmar est dès le début de
l’année grevée à hauteur de 31,75 % par les charges à payer de l’année
2011. En forte baisse par rapport à l’an passé (-52 % en CP), il est
prévisible, selon le SAR, que l’enveloppe des crédits de paiement
attribuée à l’UO de Colmar soit consommée d’ici la fin du 1er semestre
2012, le besoin complémentaire étant estimé à 2 M€.
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63
UO de Colmar
UO Colmar
en M d'euros
2007
2008
2009
2010
2011
2012
dotation
initiale CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale
CP
dotation initiale
CP
- budget frais de
justice
7,82
4,79
Charges à payer
3,458
2,479
2,613
2,239
1,520
Part des charges à
payer dans le
budget frais de
justice N+1
28,64%
31,75%
BOP de Colmar
Source : réponse du SAR de Colmar au questionnaire de la Cour
des comptes
A la cour d’appel de Douai, l’arriéré à la fin de l’année 2011
s’élève à 7,426M€, ce qui représente presque quatre mois de dépenses.
On
y constate la situation critique du TGI de Lille qui représente à lui
seul 46
% des charges à payer recensées dans tout le ressort, contre 15 %
pour les TGI de Douai et d’Arras et qui, en janvier 2012, avait dans sa
régie
accumulé un retard de paiement de près d’un an.
S’agissant de la cour d’appel de Douai, la moitié de la dotation
2012 est consommée dès le début de l’année : 46,59 % par les charges à
payer de l’année 2011 dont le montant s’élève 7, 427 M€
30
correspondant
à 69 630 mémoires.
En dépit de l’imputation des frais postaux (3 557 809
€ en 2010 et
3 526 064
€ en 2011) sur le budget de fonctionnement courant et de la
signature par l’administration centrale, en fin d’année 2011, des
protocoles transactionnels avec un certain nombre de prestataires de frais
de justice visant à ce que tous les mémoires de ces fournisseurs soient
désormais désintéressés au niveau central
31
, la dotation allouée en 2012
30
Hors affranchissement.
31
D’une analyse réalisée auprès des tribunaux de grande instance du ressort se basant
sur une moyenne des dépenses constatées en 2010 et 2011 pour ces prestataires
identifiés, il ressort que ce nouveau dispositif pourrait représenter une économie
estimée à près de 1 700 000
€ sur la gestion 2012.
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COUR DES COMPTES
demeure néanmoins insuffisante compte tenu du montant très élevé des
charges à payer, en constante augmentation chaque année.
UO de Douai
UO de
Douai
en M d'euros
2007
2008
2009
2010
2011
2012
dotation
initiale
CP
dotation
initiale
CP
dotation
initiale CP
dotation
initiale
CP
dotation
initiale
CP
dotation
initiale CP
- budget frais de justice
19,737
20,317
20,183
19,84
15,94
Charges à payer
4,841
5,381
6,100
8,014
Part des charges à payer
dans le budget frais de
justice N+1
0,00%
26,66% 30,75% 50,27%
BOP de Douai
Source : réponse du SAR de Douai au questionnaire de la Cour
des comptes
II
-
Les effets de la sous budgétisation
La sous budgétisation chronique qui affecte les crédits budgétaires
consacrés aux frais de justice impose des mesures de redéploiements au
sein du programme 166 en cours d’année budgétaire pour desserrer les
contraintes de la gestion et permettre de faire face à certaines tensions
dans le règlement des frais de justice. Elle entraine surtout des reports de
charges sur l'exercice suivant, ce qui ne peut être admis au regard des
principes de sincérité budgétaire et de fidélité comptable. Elle emporte
également des conséquences fortement négatives en coûts de gestion et
plus généralement sur le bon fonctionnement de la justice.
A - L’insuffisance des crédits entraîne des coûts de
gestion indirects
1 -
Les à-coups préjudiciables à la gestion des frais de justice
L’insincérité budgétaire entraine une gestion budgétaire chaotique.
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65
L’insuffisance chronique des dotations complique la gestion à tous
les niveaux. Elle entraine une gestion par à-coups dans les régies ainsi
qu’au niveau des pôles Chorus et des ruptures dans le rythme des
paiements. Cette situation crée mécaniquement une sous-capacité à
dépenser en cours de gestion budgétaire.
En 2011, faute de crédits la cour d’appel de Paris a dû interrompre
le paiement des frais de justice au niveau de certaines régies et du SAR
(ou pôle Chorus désormais) ou procéder à des paiements au compte-
goutte selon l’ancienneté des mémoires et la catégorie des créanciers afin
de protéger les plus fragiles d’entre eux.
L’attribution tardive des dotations complémentaires, en novembre,
voire décembre, alors qu’elles avaient été sollicitées dès février 2011 et
que des difficultés de paiement étaient ressenties depuis le mois de juillet,
a été une source de difficultés de traitement en fin de gestion en raison de
l’importante volumétrie des mises en paiement sur une très courte
période. Par ailleurs, la levée tardive le 25 novembre 2011 de
l’interdiction de fongibilité entre les crédits de fonctionnement et les
crédits frais de justice n’a permis qu’une fongibilité limitée au profit des
frais de justice de 523 409 € en fin de gestion.
La cour d’appel de Bordeaux a indiqué que « chaque année au
cours du 3ème trimestre, il a été nécessaire de suspendre certains
paiements, relatifs notamment aux mémoires supérieurs à 2 000 euros, et
de ralentir, voire suspendre, les reconstitutions d’avance des régies. Tout
cela dans l’attente de l’attribution de dotations complémentaires ».
La cour d’appel de Colmar a été contrainte dès le mois de mars
2012 de réduire considérablement les paiements pour conserver des
crédits afin de payer en priorité les jurés d’assises et les éventuelles
avances de témoins, dans la mesure où la dotation de crédits de paiement
au titre de l’ouverture de gestion a été consommée en deux mois. Elle
indique que faute de crédits elle s’est trouvée contrainte de suspendre le
paiement des frais de justice. Cette situation a paralysé gravement le
fonctionnement du pôle Chorus et a créé des dysfonctionnements liés à la
gestion du retard et des réclamations.
Enfin, et surtout, il est fréquent que les régies ne soient plus en
état, dès septembre, faute de moyens financiers, de payer les experts. Et
lorsque les crédits sont débloqués en fin de gestion, il leur impossible
alors de payer les mémoires en attente faute de moyens en personnel
suffisants.
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COUR DES COMPTES
Par ailleurs, la priorisation des paiements
32
telle que mise en oeuvre
dans les juridictions visitées
33
conduit à un ralentissement des paiements
et constitue une charge de travail supplémentaire estimée à 30 % pour les
services de la cour d’appel de Paris.
Aussi dès le début de l’année 2012, avec 142 334 mandats inscrits
en charges à payer pour un montant de 37 M€, cette juridiction a
demandé « de renoncer à la politique de priorisation des paiements qui
engendre un travail très important de sélection de mémoires dont il est
impératif de faire l’économie » sauf pour ce qui concerne les charges à
payer 2011 et les indemnités des jurés.
De façon générale, la sous-budgétisation entraîne des coûts de
gestion indirects, difficilement évaluables, mais dont l’existence ne fait
aucun doute et auxquels il convient de remédier.
2 -
Un rythme inadapté d’attribution des crédits
Il n’y a pas de règle établie par le responsable de programme quant
au rythme d’attribution des dotations budgétaires complémentaires dans
l’année. Celui-ci est très fluctuant d’une année sur l’autre et fait suite aux
demandes de crédits complémentaires formulées par les juridictions.
Ce sont les chefs de cour qui présentent des demandes de crédits
complémentaires, dès que la dotation notifiée se révèle insuffisante pour
assurer le paiement de tous les mémoires ou que la consommation des
crédits a atteint un niveau de crédits qui ne permettra pas la prise en
charge du stock de mémoires certifiés ou taxés.
En début d’année, le responsable de programme procède à la
délégation de 25 % de crédits en AE et CP et dans le même temps, il
notifie la programmation budgétaire initiale de l’année.
Après l’élaboration du projet de BOP et l’avis du contrôleur
budgétaire régional sur ce projet, le responsable de programme délègue le
solde des crédits à partir de la fin du mois de mars, début avril.
Les crédits complémentaires sont généralement attribués au cours
du dernier trimestre. Or, pour éviter aux juridictions d’être confrontées à
32
Jurés d’assises, créanciers économiquement faibles, priorités définies par
l’administration centrale elle-même au regard de la pression possible de certains
groupes de créanciers (huissiers de justice, certaines catégories d’experts…).
33
Sauf à Colmar où aucune priorité n’est définie pour le paiement des mémoires de
frais de justice au niveau des juridictions. Le service centralisateur adresse les
mémoires au SAR au fur et à mesure sans considération du type de prestations ou de
prestataires.
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des paiements importants en fin d’année qu’elles ne peuvent exécuter
dans des conditions satisfaisantes, il serait de bonne gestion de déléguer
ces crédits complémentaires avant l’été, dès que les besoins sont
précisément identifiés.
B - La sous-budgétisation nuit au bon fonctionnement
de la justice
1 -
La dégradation de l’image de la justice
La sous-budgétisation des crédits alloués au paiement des frais de
justice participe aux retards de paiement qui, en s'accumulant, provoquent
de nouveaux retards et entraînent des effets pervers.
Des articles de presse se font l’écho du manque de moyens
financiers de la justice pour payer dans des délais raisonnables ses frais
de justice et des difficultés qu’engendrent ces retards de paiement pour
les prestataires et collaborateurs occasionnels de la justice, même si la
chancellerie a recommandé aux chefs de cour d'être attentifs à la situation
des prestataires personnes physiques.
Ces retards de paiements des frais de justice constatés en 2011
concernent davantage les experts et interprètes que les jurés considérés
comme des créanciers prioritaires.
Les officiers de police rencontrent ainsi beaucoup de difficultés
pour bénéficier du concours de certains interprètes qui ne répondent pas à
leur demande.
Dans ces conditions, il n’est pas rare que des experts et des
interprètes refusent purement et simplement de travailler avec l’institution
judiciaire ou se déclarent même prêts à déposer le bilan. Le TGI de Paris
admet que la plupart des mémoires (leur volume moyen mensuel est de
2 200) qui lui ont été adressés par les interprètes en 2011 ne seront payés
qu’en 2012.
A Arras, le TGI rencontre des difficultés pour le recrutement
d'experts. Le TGI de Douai évoque les courriers de réclamation ou des
appels téléphoniques des prestataires qui ne peuvent pas être payés
(experts, médecins, interprètes, garagistes...), certains menaçant de ne
plus effectuer de mission à défaut d'un paiement rapide. A Colmar et à
Arras, le retard engendre des relances de la part des créanciers et la
nécessité d’effectuer pour les services des recherches longues et
fastidieuses
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Le président de l’Union des compagnies d’experts a relayé en 2011
auprès du Premier président de la cour d’Appel de Paris le
mécontentement des professionnels, en particulier des médecins experts.
Certains
créanciers
ont
régulièrement
saisi
l’administration
centrale, faisant état d’importantes créances impayées à mi-année,
notamment :
-
en matière d’affranchissement, La Poste (plus de 8,5 M€
d’impayés) ;
-
en matière d’analyses génétiques et de police scientifique, deux
laboratoires, pour un montant cumulé de 4,1 M€ ;
-
en matière de mesures présententielles (enquêtes sociales
rapides, enquêtes de personnalité…), un organisme pour
3,6 M€ ;
-
en matière de location de matériel d’interception,
un opérateur
pour 2,5M€.
De tels retards de paiement auraient pu
donner lieu au paiement
d’intérêts légaux, sur la réclamation des créanciers.
2 -
La moindre efficacité du service public de la justice
Les difficultés rencontrées pour réquisitionner un interprète et un
médecin dans le cadre des gardes à vue représentent des pertes de temps
considérables. Cet état de fait peut conduire à prolonger artificiellement la
garde à vue en repoussant l’horaire de l’audition, alors que la réforme a
pour objet de mieux encadrer la procédure. Il peut à l’inverse conduire à
renoncer à la garde à vue.
De façon plus générale, les réquisitions sollicitées par les OPJ
auprès des Parquets font de plus en plus souvent l’objet d’un refus et les
OPJ eux-mêmes renoncent à y recourir pour certains faits considérés
comme mineurs (par exemple les vols sans violence). Il convient à cet
égard de souligner que le système de « pré-plainte » par Internet, qui
permet au citoyen de venir déposer plainte dans un délai de 30 jours,
entraîne une enquête préliminaire qui nécessite l’accord du Parquet pour
l’engagement de frais de justice. Or, tout refus a pour effet de diminuer le
taux d’élucidation.
Ceci soulève la question de l’opportunité des poursuites dont
l’appréciation, conformément à l’article 40-1 du CPP, revient au Parquet.
En fonction de la nature de l’infraction et des frais que les poursuites sont
susceptibles d’engager, le Parquet peut décider de classer l’affaire sans
suite. Ainsi, le préjudice subi par une personne dont le téléphone portable
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69
a été volé sans violence est évalué à l’aune des frais potentiellement
nécessaires pour confondre l’auteur.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
L’insuffisance chronique des dotations budgétaires initiales, que
ne justifie pas une certaine difficulté à prévoir précisément la dépense,
est à l’origine de perturbations
nombreuses qui retentissent sur le bon
fonctionnement
du service public de la justice et son image même :
rythme inadapté d’attribution des crédits et à-coups de gestion,
gonflement des charges à payer, détérioration des relations avec les
prestataires.
Il y a donc lieu, tout en veillant à
améliorer
la connaissance à
long terme de la dépense par la mise ne place d’une nomenclature
pertinente et stable, de veiller à la sincérité budgétaire, dans une optique
de redéploiement au sein du ministère de la justice.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
améliorer la budgétisation des frais de justice de façon à
remédier à l’insincérité budgétaire et éviter les désordres liés
aux dysfonctionnements observés en cours de gestion ;
2.
réviser le calendrier de mise en place des délégations de
crédits complémentaires ;
3.
veiller à ce que la nomenclature budgétaire permette de suivre
l’évolution sur le long terme des principaux postes de dépenses
de frais de justice.
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Chapitre III
Les leviers de la rationalisation et de la
modernisation de la gestion des frais de
justice
C’est à partir de la réduction du nombre de mémoires que doivent
être envisagées la rationalisation et la modernisation de la gestion des
frais de justice.
L’illustration la plus significative des problèmes posés par la
volumétrie
des mémoires est celle du
TGI de Paris.
Le TGI de Paris représente 10 % du budget alloué aux frais de
justice au niveau national et consomme 40 % du budget de frais de justice
de la cour d’appel de Paris, celui-ci représentant 25 % du budget national.
Ces montants importants se doublent d’une forte volumétrie liée
pour partie à une activité pénale spécifique.
Le premier poste de dépense est celui des interprètes et représente
près de 25 % de la dépense totale des frais de justice en 2011.
Le TGI de Paris qui a reçu, en 2011, 199 597 mémoires (48 M€)
avait, au 31 décembre 2011, un volume de mémoires restant à payer de
93 775
34
qui outrepassait le volume qu’il lui a été matériellement possible
34
63 386 mémoires taxés ou certifiés et 30 389 en cours de traitement.
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COUR DES COMPTES
de traiter en 2011 : 71 639 mémoires (24,8 M€) étant entendu que 64 479
mémoires liés aux protocoles de désintéressement de certains partenaires
institutionnels seront payés en administration centrale. Le TGI estimait le
retard de paiement à 15 mois.
L’activité pénale à Paris – on dénombre 387 200 affaires pénales
en 2011, soit 95 audiences pénales par semaine (représente 98 % de ses
frais de justice).
La criminalité traitée implique une typologie particulière des
dépenses en matière de frais de justice. Ainsi, alors que les frais médicaux
constituent le premier poste de dépenses au plan national, à l’échelle du
TGI de Paris, ce sont les frais d’interprétariat, qui représentent 23 % de la
dépense.
Par ailleurs, le TGI de Paris est doté de compétences particulières,
régionales, nationales, voire exclusives.
Le pôle anti-terroriste et la juridiction interrégionale spécialisée
(JIRS) dans les trafics internationaux de stupéfiants et les réseaux de
proxénétisme, compétents pour tout le territoire, impliquent ainsi des
investigations longues et complexes nécessitant des prestations coûteuses.
C’est également le cas du pôle économique et financier en charge
notamment des infractions boursières (affaire Kerviel), du pôle de santé
publique (affaire de l’hormone de croissance, de l’amiante et plus
récemment du Médiator).
Le TGI de Paris est enfin appelé à intervenir en matière de grandes
catastrophes (accident de l’AF447 Rio-Paris, naufrage du navire Costa
Concordia), de crimes contre l’humanité et d’infractions militaires.
Depuis le 1
er
janvier 2012, les compétences du tribunal aux armées de
Paris lui sont transférées.
I
-
La rationalisation de la prescription doit être
poursuivie
Depuis plusieurs années le ministère de la justice a pris des
mesures pour rationaliser la gestion des frais de justice.
La plus emblématique de ces mesures s’applique aux interceptions
téléphoniques.
Pour réduire les coûts des réquisitions adressées aux opérateurs de
communications électroniques, plusieurs actions ont été menées par le
ministère de l’intérieur, conjointement avec le ministère de la Justice
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LES LEVIERS DE LA RATIONALISATION ET DE LA MODERNISATION
DE LA GESTION DES FRAIS DE JUSTICE
73
depuis 2006, à savoir la mise en place de centrales d'interceptions
permanentes au niveau des cours d'appel, l'élaboration de référentiels de
prestations, l'accès des forces de l'ordre à l'application de gestion de la
portabilité et plus récemment l'accompagnement du projet de plateforme
nationale d'interceptions judiciaires.
Pour l'exécution des interceptions ordonnées par l'autorité
judiciaire, il a ainsi été décidé en 2006 la mise en place d'abonnements
téléphoniques permanents associés à des centrales d'interceptions.
Un travail interministériel a également permis de définir les
différentes demandes de prestations susceptibles d'être adressées par les
officiers de police judiciaire aux opérateurs de communications
électroniques. Ce travail est achevé depuis 2007 s'agissant des demandes
de prestations relatives aux téléphones fixes ou portables et depuis le
21 mars 2012 s'agissant de celles relatives à Internet. Il a permis
d'harmoniser le coût des prestations entre les différents opérateurs et de
négocier les tarifs.
La consultation d’une application dénommée AEROPE permet en
outre aux officiers de police judiciaire d'obtenir le nom de l'opérateur
auquel adresser ses réquisitions sur la base d'un numéro de téléphone.
Toutefois, la Cour s’interroge sur le cas spécifique de sociétés qui
interviennent dans le cadre des interceptions téléphoniques judiciaires. En
effet, la tarification de leurs prestations n’est prévue que par une simple
circulaire du ministère de la justice
35
et non par voie réglementaire.
Ces sociétés, au nombre de huit, interviennent dans un secteur
concurrentiel en l’absence de toute procédure de mise en concurrence.
Dans le domaine des analyses génétiques, quelques laboratoires
sont systématiquement réquisitionnés au motif qu’ils sont les seuls à
pouvoir intervenir en urgence. Il se crée donc des situations privilégiées
sans mise en concurrence alors que les montants annuels des prestations
sont supérieurs au million d’euros.
Il est donc indispensable de rationaliser le recours aux experts et
différents prestataires.
A - La rationalisation du recours aux prestataires
Pour permettre aux juridictions de faire face à ces difficultés, les
mesures mises en place par la Chancellerie en 2011 doivent être
poursuivies, l’objectif étant de réduire le volume des actes à traiter.
35
Du 27 septembre 2005
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74
COUR DES COMPTES
La
passation
de
marchés
multi-attributaires
nationaux
ou
interrégionaux permettrait de développer des typologies de prestations et
des standards de qualification et de coûts, tout en préservant la liberté de
prescription des magistrats.
Le développement de ces procédures favoriserait la maîtrise des
coûts, la généralisation de la facturation périodique et le développement
de la dématérialisation des pièces.
La Cour souligne cependant que le développement des procédures
de passation de marchés doit se faire sans dégradation de la qualité de
leur suivi, au risque de voir la liquidation d’intérêts moratoires de droit
aggraver la situation budgétaire.
1 -
Favoriser la conclusion de marchés
Depuis octobre 1999, la direction des affaires juridiques contraint
la direction des services judiciaires à soumettre les prestations de services
liées aux frais de justice aux règles du code des marchés publics pour les
prestations de billetterie et de transport aérien.
Ainsi, un marché a été conclu avec la société Air France pour les
voyages effectués dans le cadre des extraditions, des transfèrements et des
translations ou des déplacements ordonnés par l’autorité judiciaire. Un
autre marché a été conclu pour le transport des scellés et des dossiers de
procédure.
Des marchés multi-attributaires sont conclus également au niveau
local, par exemple pour le transport de corps à visage découvert pour
autopsie. Le choix du prestataire s’effectue en fonction du lieu
d’enlèvement et de la disponibilité du prestataire (le véhicule doit
répondre aux normes fixées par le code général des collectivités
territoriales).
Dans le domaine des analyses génétiques, trois marchés allotis ont
été conclus le 19 octobre 2011 par le ministère de la justice avec trois
prestataires.
Ces laboratoires sont chargés d’analyser les traces biologiques qui
ont été prélevées à partir de différents supports (écouvillons, objets), dans
le cadre d’affaires relevant de la délinquance de masse afin d’identifier
des profils génétiques et d’alimenter le FNAEG. Chaque marché fixe le
tarif de ces analyses, variable selon le volume des analyses réalisées au
titre de chaque marché.
Le recours à un laboratoire autre que celui titulaire du marché
prévu dans le ressort de chaque cour d’appel entraîne la prise en charge
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75
du coût des prestations sur le budget de la cour d’appel et non sur le BOP
de l’administration centrale et à un coût plus élevé que celui du marché.
Ces marchés ont conduit à une augmentation des prescriptions qui
leur sont confiées. En effet, les OPJ et les magistrats exploitent
systématiquement la faculté de demander l’analyse de trois objets
maximum par scène d’infraction.
D’une durée limitée de dix-huit mois, ils déterminent un volume
minimum et maximum d’analyses. Une fois le délai et/ou les montants
épuisés, la demande s’oriente vers les laboratoires publics qui doivent
faire face à la demande. En outre, la répartition géographique des
prestataires par zones géographiques oblige certaines juridictions à
solliciter un prestataire très éloigné géographiquement.
Il apparaît opportun d’élargir la conclusion de marchés à d’autres
prestations que les analyses génétiques de façon à assurer plus de mise en
concurrence, éviter des monopoles de fait et diminuer les coûts. Les
marchés de masse évoqués précédemment permettraient de globaliser les
mémoires et d’alléger leur traitement.
Outre des marchés nationaux, des marchés locaux pourraient en
outre être organisés par les cours d’appel, comme par exemple pour les
transports de corps.
S’agissant des interprètes, le ministère de la justice est invité à
s’inspirer des marchés mis en place dès 2003 par la Cour Nationale du
Droit d’Asile (CNDA) sur l’exemple de l’Office Français de Protection
des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) pour rationaliser les coûts.
Le dernier marché lancé par l’OFPRA est fractionné en 20 lots,
chacun donnant lieu à un marché distinct. Les lots sont constitués d’une
langue ou d’un groupe de langues, pouvant être assorties de combinaisons
linguistiques. Plus de cents langues sont associées à ces différents lots.
A titre d’exemple, le lot « Afrique de l’ouest » regroupe les
langues suivantes : bambara, créole de Guinée Bissau, diakhanké, diola,
dioula, hassanya, khassonké, malinké, mandingue, mandjak, peuhl ( de
Guinée, de Mauritanie, de Sierra Léone), soninké, soussou et wolof.
Le nombre de vacations simultanées, à la même date et pour la
même demi-journée pouvant être commandées dans les langues
dominantes est indiqué pour chaque lot. En revanche, les langues rares ne
peuvent pas faire l’objet de commandes multiples simultanées. Leur prix
est affecté d’un coefficient de majoration. Toutes les langues étant
obligatoires, le titulaire d’un lot s’engage pour toutes les langues du lot
concerné, y compris les langues rares. Il désigne autant d’interprètes que
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nécessaire pour assurer le nombre de vacations simultanées mentionné
pour chaque langue dominante.
Selon l’OFPRA et la CNDA, la profession, non réglementée, des
interprètes pose des problèmes spécifiques, en particulier en ce qui
concerne les règles de déontologie ainsi que la formation. La procédure
de prestation n’est en outre pas réglementée.
La CNDA a en outre établi un recueil des obligations
déontologiques des interprètes qui rappelle l’étendue du serment, la durée
de l’assermentation, les règles d’impartialité et d’indépendance, le devoir
de déport et le droit de récusation.
La police aux frontières a également mis en place des marchés
pour les prestations d’interprétariat.
Il convient de relever qu’au TGI de Paris, des contrôles réalisés
dans le progiciel de suivi des mémoires de frais de justice (LMDJ) ont fait
apparaître des honoraires mensuels de plus de 10 000 € pour certains
interprètes inscrits ou non-inscrits sur les listes d’experts.
Les interprètes deviennent en effet des quasi-auxiliaires de justice
et suivent parfois l’intégralité de la procédure.
2 -
Améliorer la tarification
La tarification, qui constitue un acte juridictionnel, est appliquée
de façon stricte. Ainsi, lorsqu’une expertise est tarifée, le tarif ne peut être
majoré. La Cour de cassation a ainsi fait valoir en 2006
36
qu’aux termes
de l’article
R .116 -1 du code de procédure pénale, les tarifs d’honoraires
correspondant aux actes d’expertise prévus par les articles R.
117 à R.
120
du
même
code
sont
déterminés
par
référence
aux
tarifs
conventionnels d’honoraires fixés en application de l’article L. 162-15-2
du code de la sécurité sociale. Dès lors qu’ils sont calculés, pour chacun
de ces actes, d’après leur nature et leur valeur relative telles qu’elles
résultent des cotations par lettres clés et coefficients qui y sont
mentionnés,
l’arrêt
qui
fixe
la
rémunération
d’une
expertise
psychiatrique, non seulement sur la base de la cotation CNPSY prévue
par l’article R. 117 9° du code de procédure pénale mais également en
ajoutant la majoration accordée par l’arrêté du 22 septembre 2003 pour
les actes de consultation des médecins spécialistes doit être censuré. En
effet, l’article R. 117 fixe les modalités de calcul de la rémunération de
l’expert sans faire référence à la nomenclature générale des actes
professionnels.
36
Publication : Bulletin criminel 2006 N°
89 p. 342.
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77
Plus récemment par un arrêt du 17 janvier 2012, la Cour de
cassation a confirmé qu’aucune disposition légale ou réglementaire
n’autorise le dépassement du tarif fixé en l’espèce à l’article R. 117-9 du
code de procédure pénale pour les expertises psychiatriques.
La tarification pourrait être utilement étendue aux domaines où elle
n’existe pas encore. C’est le cas des prestations de gardiennage, de
géolocalisation et de transport de corps. La tarification se révèle surtout
peu fréquente en matière civile.
Il existe en outre des tarifs différenciés selon la zone géographique,
ou encore des tarifs officieux fixés par les chefs de cour ce qui pose la
question de leur harmonisation et de leur régularisation.
Certaines modalités de tarification, concernant par exemple les
interprètes, devraient être révisées. Actuellement, le tarif est fixé 42 €
pour la première heure, chaque heure débutée étant due. Il est de 30 €
pour les heures suivantes et assorti d’une majoration de 25 % durant le
week-end et de 25 % en soirée.
La notion de mise à disposition qui régit la prestation de
l’interprète manque de précision et donne lieu à diverses interprétations.
Ainsi, une mission peut s’étendre sur plus de 24 heures en fonction des
temps d’attente entre les auditions. De plus, la mission d’un interprète au
bénéfice d’un prévenu commence la plupart du temps dès son
interpellation et se poursuit par les auditions successives des différents
acteurs de la procédure pénale qui donnent lieu à diverses réquisitions. La
question se pose alors de savoir s’il est légitime de majorer à chaque fois
la première heure.
Un temps d’intervention même très court donne lieu au paiement
d’une vacation, toute heure commencée étant due. Cette règle conduit à
payer plusieurs vacations à un interprète sollicité plusieurs fois sur place
au cours d’une même heure.
A défaut de marché, le TGI de Paris préconise l’établissement
d’une fiche de mission journalière unique qui accompagnerait chaque
interprète pour les prestations successives effectuées au sein de la
juridiction et qui serait attestée par les OPJ ou les greffiers. Cette fiche de
mission représenterait un seul mémoire au lieu de plusieurs et le barème
majoré ne pourrait être appliqué que pour la première heure.
Enfin la réglementation applicable aux traductions écrites fixe la
rémunération des interprètes à 250 mots par page en caractère usuel
(police 12). Or, il est fréquent que le nombre de mots par page excède ce
chiffre sans que soit clairement établi le principe de tarification, en
fonction du nombre de pages ou du nombre de mots traduits.
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Pour certaines prestations dont l’offre est insuffisante, il se révèle
nécessaire de revaloriser les tarifs. C’est le cas des expertises
psychiatriques revalorisées de 17 % en 2012. Mais toute augmentation au
profit d’une catégorie d’experts génère un risque de demandes
reconventionnelles de la part des autres.
Les frais de transport des experts dépêchés outre-mer, à défaut
d’experts disponibles sur place, entraînent également des coûts élevés.
S’agissant des tarifs applicables aux opérateurs téléphoniques, la
Cour relève qu’aux Etats-Unis et en Allemagne les prestations sont
réalisées à titre gratuit.
En France, l’Etat contribue à hauteur de 25 M€ par an à la mise à
niveau de l’équipement des opérateurs, notamment pour permettre ces
interceptions, indépendamment des prestations payées
La Cour a en outre observé que les tarifs des interceptions
téléphoniques de sécurité (les interceptions de sécurité sont autorisées à
titre exceptionnel, par décision du Premier ministre et sous le contrôle
d'une commission nationale indépendante, pour la recherche de
renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des
éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France,
la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance
organisées) sont inférieurs à ceux des interceptions judiciaires, ce qui
mérite une expertise approfondie, le cas échéant avec le concours de
l’autorité de régulation compétente en la matière.
La « toute tarification » peut avoir pour effet de sous-payer les
experts, particulièrement lorsqu’ils sont appelés à intervenir dans des
conditions difficiles. Il est impératif de prendre en considération les
différences de nature ou de contexte des expertises (par exemple les
autopsies sur corps putréfié ou non putréfié).
Pour remédier au dépôt tardif des mémoires par les prestataires qui
répartissent ainsi leurs revenus et la déclaration de la TVA (c’est le cas de
nombreux interprètes au TGI de Paris), il est proposé d’examiner la
possibilité de soumettre les tarifs à des conditions de délais de
présentation des mémoires : sans préjudice de l’application de la
prescription quadriennale, le mémoire ne serait plus recevable à
l’expiration d’un certain délai ou encore pourrait être prévue la
présentation du mémoire à intervalles réguliers (tous les mois / trimestres
/ ans).
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79
B - La sensibilisation à la dépense
1 -
Responsabilisation des prescripteurs
Comme dans les principaux pays d’Europe, la liberté de
prescription du magistrat, corollaire de son indépendance, est entière.
Une étude comparée des frais de justice menée en Europe
(Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) montre que dans
tous ces pays, la liberté de prescription est totale. Le magistrat compétent
dispose du choix de la mesure génératrice de frais de justice.
Comme
il
a
été
indiqué,
le
principe
constitutionnel
de
l’indépendance des juges emporte la liberté pour les juges de prescrire les
mesures qu’ils estiment nécessaires à la manifestation de la vérité, en
vertu de l’article 81 du code de procédure pénale, ainsi que celle de
choisir le prestataire.
La liberté de prescription contribue donc à garantir l’indépendance
du juge judiciaire et participe à la manifestation de la vérité.
Dans la mesure où cette liberté doit aujourd’hui s’inscrire dans un
cadre budgétaire limitatif, certaines cours ont mené une réflexion sur la
pertinence de la dépense dans une logique de maîtrise des coûts, à la
condition néanmoins de ne pas porter atteinte à la qualité des décisions
juridictionnelles.
Mais cette démarche se heurte au poids des habitudes, au manque
d’informations dont dispose le prescripteur et au démarchage appuyé
qu’effectuent certains prestataires, notamment dans le domaine des
expertises génétiques.
Ainsi à la cour d’appel de Bordeaux, pour les analyses génétiques,
il est pour l’essentiel fait appel à un laboratoire privé
pour un montant de
1 448 824 euros. Cette situation résulterait d’une part du défaut de
communication et de démarche commerciale offensive des laboratoires
publics
et d’autre part du choix des prescripteurs. Cependant
l’INPS fait
valoir qu’il peut faire face
à toutes les demandes d’expertises génétiques,
y compris en urgence : en seules commissions d’expert le TGI de
Bordeaux
a généré
seulement sept expertises
demandées à l’INPS,
contre 154 à Toulouse et 16 à Montpellier.
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80
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Des référents frais de justice
37
auprès des cours d’appel et des
tribunaux de grande instance sont chargés de sensibiliser les magistrats à
la maîtrise des coûts.
L’ENM de son côté développe des formations pour responsabiliser
les magistrats lors de leur année de formation ainsi que dans le cadre de la
formation continue assurée au profit des magistrats déjà affectés. Des cas
pratiques sont soumis aux magistrats, par exemple pour la gestion des
scellés. Toutefois, il n’existe pas d’indicateur de suivi de ces formations.
2 -
Information et diffusion des bonnes pratiques
Il conviendrait d’améliorer l’information des prescripteurs et des
services chargés de vérifier et payer la dépense.
Comme l’a souligné un rapport récent de l’inspection générale des
finances et de l’inspection des services judiciaires «
les informations sur
les prestataires sont morcelées, non homogènes et l’administration
centrale ne dispose pas d’une base de données nationale des experts qui
pourrait la renseigner sur leur spécialité, leur disponibilité, les prix
pratiqués hors frais tarifés
».
Pour répondre à une des recommandations de ce rapport, une
actualisation du site intranet du ministère de la Justice consacré aux frais
de justice a été engagée. Plusieurs mises à jour ont été effectuées depuis
le début de l'année 2011.
Cette actualisation doit toutefois être poursuivie et valorisée car il
existe une attente des magistrats, en ce qui concerne les nouvelles
méthodes
et
techniques
d’investigation
comme
les
marqueurs
synthétiques sur des auteurs de cambriolage ou des objets.
Il est nécessaire que soit portée à leur connaissance la liste des
marchés existants car les magistrats prescripteurs sont souvent mal
informés des possibilités offertes par les marchés publics nationaux. Les
coûts moyens, des comparaisons de prix obtenus sur un même type de
prestation constituent également des informations précieuses.
Un guide de bonnes pratiques valorisant et diffusant les travaux
faits par les juridictions pourrait en outre être élaboré.
37
Depuis 2011, trois référents «
frais de justice
» sont désignés par Cour d'appel (un
magistrat du siège, un magistrat du parquet et le directeur délégué à l'administration
régionale judiciaire).
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81
Un référentiel de rédaction des réquisitions permettrait de
rationaliser les prescriptions des magistrats et des OPJ, particulièrement
pour les écoutes téléphoniques, et de les sensibiliser à la gestion des
scellés.
S’agissant de la gestion des scellés un dispositif d’alerte mériterait
d’être mis en place de façon à éviter des surcoûts de gardiennage
injustifié. Il convient à cet effet d’assurer le suivi régulier du stock des
objets placés en gardiennage et de sensibiliser les magistrats sur la
nécessité de statuer sur le sort des scellés, notamment lorsque leur
restitution se révèle impossible. Les magistrats doivent notamment veiller
à ce que les objets placés en gardiennage soient systématiquement
enregistrés dans Cassiopée et s’assurer que la liste de ces objets est mise à
jour régulièrement.
L’inspection générale des services judiciaires dénonce de façon
régulière les dysfonctionnements dans la gestion des scellés, des
encombrements récurrents dans les locaux des pièces à conviction, étant
entendu que les juridictions sont confrontées à une gestion de masse des
scellés.
La mise en ligne prochaine du "Référentiel des tarifs à appliquer et
des pièces justificatives à produire" qui s'inscrit dans une démarche de
qualité comptable des mémoires ainsi qu’une note sur les "mémoires de
frais groupés", visant à réduire la volumétrie des mémoires vont dans le
sens souhaité.
La mise en place d’un site internet accessible aux prestataires sur
lequel ils pourraient indiquer leurs conditions est également envisageable.
Enfin, comme l’a suggéré le rapport précité, des rencontres entre
les prescripteurs, les magistrats référents et les fournisseurs pourraient
être organisées, en complément des réunions qui ont lieu entre la
direction des services judiciaires et les référents.
II
-
La modernisation du traitement des mémoires
exige la mise en oeuvre de projets innovants
La poursuite de la rationalisation et la modernisation de la gestion
des frais de justice passent par la réduction de la volumétrie des
mémoires.
Le ministère estime en effet à 2,8 millions le nombre de mémoires
en flux annuel. Une simplification du circuit de la dépense apparaît
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nécessaire, un agent à temps plein ne pouvant gérer que 800 mémoires
par mois.
A - Poursuivre la simplification du circuit de la dépense,
dérogatoire et trop complexe
La Direction générale des finances publiques s’associe aux
démarches entreprises par la direction des services judiciaires pour
fluidifier la chaîne de traitement des frais de justice.
Ces mesures ont contribué au traitement de masse des mémoires et
à une professionnalisation des agents.
La majorité des créanciers, y compris depuis 2011
38
les créanciers
de frais de justice commerciale, bénéficient désormais d’un « guichet
unique ».
Seuls les créanciers des tribunaux d’instance et des conseils de
prud’hommes qui ne relèvent pas de l’expérimentation en sont exclus et
continuent d’adresser leurs mémoires aux juridictions tant que les
modifications du code de procédure pénale et du code de l’organisation
judiciaire ne sont pas intervenues. Une fois certifiés ou taxés, les
mémoires de ces juridictions sont néanmoins transmis ensuite au service
centralisateur ce qui permet désormais d’avoir un recensement exhaustif.
1 -
La mise en oeuvre de circuits de gestion rénovés
Les mémoires frais de justice sont adressés au greffe de la
juridiction devant laquelle les frais de justice sont engagés. Selon leur
nature et leur montant, les frais sont taxés par le magistrat ou certifiés par
le greffier.
Avant 2008, les mémoires étaient adressés dans les différents
services du greffe. Ce circuit très coûteux en personnel et en
fonctionnement ne permettait d’avoir ni une visibilité des mémoires en
attente en raison de leur dispersion dans les services et de l’absence
d’enregistrement dans une application informatique ainsi que de suivi du
service fait.
Pour améliorer la connaissance du stock des mémoires et accélérer
leur paiement, la refonte de ce circuit de paiement s’est imposée.
En effet, en matière de frais de justice, les juridictions sont
confrontées à un problème de volumétrie important. Trois millions de
38
Note DJ/11/OFJ4 du 23 février 2011.
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83
mémoires sont reçus chaque année par l’ensemble des juridictions. Au
TGI de Paris, comme indiqué, 199 597 mémoires ont été enregistrés en
2011 par cette juridiction qui précise que « ce chiffre correspond au flux
annuel des mémoires adressés ». Or, sa capacité de paiement a été de
71 639 mémoires cette année-là.
Cette refonte a été amorcée progressivement en 2008 et
l’expérimentation est mise en oeuvre depuis cette date dans huit cours
d’appel
39
.
Un circuit a été expérimenté dans un premier temps dans cinq
cours d’appel dans le cadre d’un protocole national signé le 21 décembre
2007 par la direction des services judiciaires et par la direction générale
des finances publiques (DGFiP), puis prorogé, à périmètre et à droit
constants, jusqu’au 1
er
septembre 2009, ainsi que dans le cadre de
protocoles locaux passés entre les chefs de cour et les trésoriers payeurs
généraux, à partir du 1
er
janvier 2008, dans les cours d’appel d’Amiens
où cette expérimentation a cessé au 1
er
juillet 2010, de Nîmes et de Pau et,
à partir du 1
er
avril 2008, dans celles de Grenoble et de Versailles.
Le nouveau protocole le 31 juillet 2009 a eu pour objet d’améliorer
le dispositif et d’étendre le périmètre de l’expérimentation à trois cours
d’appel : Bastia (pour l’ensemble du ressort de la cour), Dijon et Nancy
(pour les arrondissements judiciaires de Dijon et de Nancy) et à compter
du 1er janvier 2010, au sein de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, pour
les arrondissements d’Aix, de Grasse et de Toulon.
a)
La création d’un service centralisateur
Il s’est traduit par la mise en place d’un service centralisateur à
compétence élargie
placé auprès du tribunal de grande instance et, le cas
échéant, de la cour d’appel et chargé, pour l’ensemble des juridictions de
l’arrondissement judiciaire (y compris les tribunaux d’instance et des
conseils de prud’hommes), de tous les actes de gestion concernant les
frais de justice (réception et enregistrement des mémoires, contrôle et, le
cas échéant, mandatement de ceux-ci) avec l’appui d’un outil
informatique de pilotage, dénommé LMDJ. Seuls les frais de justice des
tribunaux de commerce et les frais postaux étaient exclus de
l’expérimentation.
39
Expérimentations menées, depuis le 1er janvier 2008, dans les cours d’appel
d’Amiens, Nîmes et Pau et, depuis le 1er avril 2008, dans celles de Grenoble et de
Versailles. Elles ont été étendues, à compter du 1er septembre 2009, dans les cours
d’appel de Bastia, de Dijon et de Nancy et, à compter du 1er janvier 2010, à la cour
d’appel d’Aix-en-Provence.
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COUR DES COMPTES
b)
La mise en oeuvre d’un contrôle hiérarchisé
Il s’est également traduit par la mise en oeuvre d’un contrôle
d’intensité variable pour les mémoires de faible enjeu, inférieurs ou égaux
à 150
40
, avec contrôle approfondi, par sondage, pour au moins 15
%
d’entre eux et contrôle formel pour les autres mémoires, ainsi que par un
allègement de la procédure de certification. Pour les mémoires inférieurs
ou égaux à 150
€ ayant fait l’objet d’un contrôle allégé, le service
centralisateur appose « un bon à payer » qui vaut certification. Les
mémoires inférieurs ou égaux à 150
€ qui sont soumis à un contrôle
approfondi sont certifiés, selon les formes habituelles.
c)
La mise en place de divers circuits de paiement
Enfin, les juridictions ont désormais la possibilité de choisir entre
deux circuits de paiement pour les mémoires inférieurs ou égaux à
150
€ : un paiement « classique » par la régie avec un mandatement
direct avec le logiciel Régina, ou un mandatement direct par le service
administratif
régional (SAR), avec le logiciel NDL ; pour
les mémoires
supérieurs à 150
€,
mandatement direct par le SAR, l’attestation du
service fait étant assurée :
-
par les OPJ pour les prestations qu’ils ont prescrites en matière
médicale et en matière d’interprétariat ;
-
par le service centralisateur pour les mémoires inférieurs ou
égaux à 150
€ faisant l’objet d’un contrôle approfondi dans le
cadre du contrôle par sondage (pour les mémoires de ce
montant faisant l’objet d’un contrôle allégé, le service fait est
présumé) et pour les mémoires de frais tarifés compris entre
150 et 300 € ;
-
par le magistrat taxateur pour les autres mémoires de frais (une
copie du mémoire, destinée à recueillir l’attestation de service
fait, est adressée à ce magistrat).
Avant la généralisation du processus nouveau de la dépense frais
de justice dans l’ensemble des cours d’appel et des tribunaux de grande
instance, un nouveau protocole national relatif à l’expérimentation du
circuit de la dépense a été signé pour l’exercice 2011
qui tient compte de
la mise en place du progiciel Chorus dans les services judiciaires à
compter du 1
er
janvier 2011.
40
représentant alors 80 % du nombre des mémoires mais seulement 20 % de la
dépense
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Le circuit de paiement expérimental défini alors en 2011 :
-
pérennise le service centralisateur à compétence élargie
41
qui
réceptionne désormais les mémoires relatifs aux frais de justice
commerciale ;
-
maintient le contrôle d’intensité variable sur les mémoires
inférieurs ou égaux à 150 € ;
-
modifie les règles de paiement des mémoires des protocoles
précédents puisque le paiement des mémoires inférieurs ou
égaux à 2 000 €
42
TTC
,
à l’exception des mémoires
d’expertises non médicales quel qu’en soit le montant
est assuré
par la régie et que celui des mémoires supérieurs à 2 000 € est
assuré par le pôle Chorus y compris les d’expertises non
médicales quel qu’en soit le montant et la reconstitution de
l’avance des régisseurs ;
-
met en place un magistrat taxateur auprès du service
centralisateur, pour procéder, en l’absence d’intervention du
magistrat prescripteur dans le délai d’un mois, à la taxation des
frais tarifés (autres que ceux des articles R. 224-1 et R. 224-2
du CPP) dont le montant est supérieur à 300 € et des frais non
tarifés supérieurs à 150 € ;
-
étend la procédure de certification par le service centralisateur
aux frais tarifés dont le montant est compris entre 150 et 300 €.
Le circuit expérimental qui repose sur la mise en place des services
centralisateurs accompagnée du déploiement du logiciel des mémoires de
justice, dit LMDJ, avait pour objectif la professionnalisation des acteurs,
le développement de l'assistance aux prescripteurs, l'amélioration du
pilotage budgétaire et comptable des frais de justice, la réduction des
délais de paiement des mémoires.
Selon le ministère, l’expérimentation a montré l’efficacité du
service centralisateur qui a permis une meilleure connaissance des stocks
et des charges à payer ainsi que par une réduction des délais de paiement
des mémoires et une accélération des délais de traitement.
Cependant l’expérimentation déroge à certains textes en vigueur :
41
Le service centralisateur mis en place au sein du tribunal de grande instance est
compétent pour traiter non seulement les mémoires de cette juridiction, mais aussi
ceux des tribunaux d’instance et des conseils de prud’hommes.
42
Environ 90 % des mémoires sont inférieurs ou égaux à 2000
€.
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-
l’article R. 223 du CPP : dans le cadre de l’expérimentation, les
mémoires ne sont plus adressés par les prestataires au greffe de
la juridiction compétente mais au service centralisateur du
TGI ;
-
l’article R. 224-1 à R. 227-1 du CPP. En l’état actuel de la
règlementation la certification et la taxation sont les seules
procédures attestant valablement du service fait. A ce titre tout
mémoire de frais n’ayant pas été soumis à cette procédure ne
peut être payé. Dans le cadre de l’expérimentation, les
mémoires inférieurs ou égaux à 150 € qui ne font pas l’objet
d’un contrôle approfondi ne sont plus certifiés. Seuls les
mémoires faisant l’objet d’un contrôle approfondi sont certifiés.
Par ailleurs la certification est prévue pour les frais tarifés,
autres que ceux prévus aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du
CPP, et compris entre 150 et 300 € TTC (et non plus 152,45 €).
Des travaux de codification au sein du code de procédure pénale
ont été entrepris afin de pérenniser certains volets du dispositif
expérimenté et de donner une base règlementaire :
-
au service centralisateur à compétence élargie, au sein des TGI,
ce qui permettrait de mettre en oeuvre, pour l’ensemble de
l’arrondissement judiciaire, le régime social des collaborateurs
occasionnels du service public de la justice, le greffe de cette
juridiction disposant d’un applicatif métier permettant de
calculer les prélèvements sociaux ;
-
à la possibilité de recourir à un contrôle par sondage pour les
mémoires à faible enjeu économique (inférieurs ou égaux à
150
€), qui représentent 75
% du nombre des mémoires reçus
annuellement ;
-
à l’institution d’un magistrat taxateur désigné par le président
du TGI pour taxer l’ensemble des mémoires du TGI et des
tribunaux d’instance. Toutefois, cette compétence ne serait pas
exclusive mais pourrait être concurrente avec celle du magistrat
instructeur, du juge des enfants et du juge d’instance ;
-
à la possibilité pour un fonctionnaire de catégorie B (greffier ou
secrétaire administratif) affecté au service centralisateur du
greffe du tribunal de grande instance de pouvoir certifier, outre
les mémoires de frais de justice exposés devant cette
juridiction, ceux relatifs aux frais exposés devant les tribunaux
d’instance et les conseils de prud’hommes de l’arrondissement ;
-
à la nouvelle procédure de certification étendue à l’ensemble
des frais tarifés, à des frais non tarifés et aux autres dépenses de
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toute nature inférieures à un montant fixé par le ministre de la
justice.
Le projet de décret qui a résulté de ces travaux a été abandonné à la
suite de la proposition du rapport
de l’inspection générale des finances et
de l’inspection des services judiciaires, selon laquelle il convenait de
centraliser le traitement des mémoires au niveau d’un seul service par
ressort de cour d’appel. Cette expérimentation n’a pas donc été
généralisée. Seul a été généralisé le paiement par la régie, ou le pôle
Chorus en fonction du seuil de 2 000 € et le service centralisateur en
2010
43
, à l’ensemble des cours d’appel et des tribunaux de grande
instance avec le déploiement de LMDJ.
En dehors du circuit expérimental,
le service centralisateur est
seulement compétent pour gérer les mémoires de la juridiction dans
laquelle il est implanté. Les mémoires des tribunaux d’instance et des
conseils de prud’hommes ne lui sont adressés pour enregistrement dans
LMDJ qu’après avoir été réceptionnés, certifiés ou taxés par la
juridiction.
Le périmètre de la certification a été étendu par une élévation du
seuil de certification de 152,45 € à 460 €.
Pour le moment, coexistent un circuit expérimental et un circuit
mis en oeuvre dans les autres cours. Par ailleurs, il n’a pas été procédé à la
généralisation du contrôle allégé des mémoires à faible enjeu financier.
Toutes les juridictions visitées contrôlent de manière exhaustive les
mémoires. Certaines reconnaissent toutefois qu’il est malaisé d’effectuer
des contrôles complets et qu’il serait souhaitable de procéder à des
contrôles par sondage. Or, l’enjeu à maintenir le contrôle renforcé
systématique des mémoires, qui est chronophage, est minime et doit être
remplacé par un contrôle spécifique de certaines prestations. Au TGI de
Bordeaux il a été en 2011 de l’ordre de 0,42 % de la dépense et de 1 % au
TGI de Paris.
La DGFiP est attentive à la rénovation des modalités de contrôle
du comptable sur les frais de justice.
43
Une note de la direction des services judiciaires en date du 29 janvier 2010 organise
la généralisation des services centralisateurs des mémoires de frais de justice dans les
cours d'appel et les tribunaux de grande instance (note jointe en annexe 2).
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d)
Le réseau de référents « frais de justice »
Dans le cadre du plan de maîtrise des frais de justice, le ministère
de la justice a créé, depuis 2006, un réseau de référents «
frais de justice
»
auprès des cours d'appel et des tribunaux de grande instance.
Ces référents sont chargés de communiquer aux juridictions du
ressort les informations en provenance de l'administration centrale,
notamment celles portant sur les évolutions tarifaires, les passations de
marchés publics et les expérimentations en matière de frais de justice. Il
leur appartient aussi de recueillir et d'analyser les éléments statistiques
relatifs aux engagements et aux paiements des frais de justice. Il relève
également de leur mission de diffuser les bonnes pratiques et de faciliter
la mise en concurrence locale des prestataires.
Depuis 2011, trois référents «
frais de justice
» sont désignés par
cour d'appel (un magistrat du siège de la cour, un magistrat du parquet de
la cour et le directeur délégué à l'administration régionale judiciaire).
Des informations particulières concernant la gestion des frais de
justice sont données aux chefs de cours à l'occasion de regroupements
organisés par le ministère de la justice (exemple : point d'information sur
le passage à Chorus en 2010, communication sur la réforme de la
médecine légale en 2011).
2 -
La création d'un bureau de la Direction des services
judiciaires spécifiquement en charge des frais de justice
Depuis le 1
er
janvier 2011, un bureau des frais de justice et de
l'optimisation de la dépense a été créé au sein de la direction des services
judiciaires avec pour objectif d'améliorer le pilotage de ces dépenses. Il a
en particulier pour mission de renforcer l'animation du réseau des
référents «
frais de justice
», de densifier le pilotage des projets visant à
maîtriser ces dépenses et de diffuser les bonnes pratiques.
3 -
La migration du programme Chorus
L’année 2011 a été marquée, sur le plan budgétaire et comptable,
par la migration du programme sur Chorus, le nouveau progiciel de
gestion budgétaire et comptable de l’État. Cette migration a conduit à
réformer en profondeur le circuit de l’exécution de la dépense. Celui-ci se
trouve désormais organisé autour de 18 pôles Chorus au sein des cours
d’appel en métropole, 4 centres de service partagé (CSP) en Outre-mer,
structures inter-directionnelles exécutant également les dépenses des
services déconcentrés des directions de l’administration pénitentiaire et
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de la protection judiciaire de la jeunesse. A ce dispositif vient s’ajouter le
pôle Chorus implanté en administration centrale traitant les dépenses des
services centraux de la direction des services judiciaires, de la Cour de
cassation, du Conseil supérieur de la magistrature et du Casier judiciaire
national.
Ces nouveaux services exécutant la dépense et les services
prescripteurs des juridictions ont, en début de gestion, rencontré des
difficultés, principalement liées au temps nécessaire à l’appropriation par
les gestionnaires des nouveaux modes d’organisation ainsi que des
fonctionnalités du système Chorus et de ses outils associés «Chorus
Formulaires ». Ces difficultés ont néanmoins été surmontées dès la fin du
2
ème
trimestre 2011.
B - Alléger les procédures
Aux difficultés liées au circuit de paiement s’ajoutent les
spécificités concernant les frais de justice, telle la taxation, qui doit
nécessairement être faite par un magistrat et constitue un acte
juridictionnel susceptible de recours, même si le ministère envisage
d’accroître le périmètre des actes certifiés.
1 -
Remédier à la lourdeur induite par la distinction entre
certification et taxation
La taxation implique que le magistrat prenne sur son temps
d’activité juridictionnelle pour y procéder.
Or, les procédures et circuits
de taxation sont excessivement complexes, sans compter les recours,
souvent abusifs formés par les prestataires pour quelques euros, voire des
centimes d’euros, comme c’est le cas d’un opérateur téléphonique.
La suppression de la taxation apparaît peu souhaitable car elle
constitue un moyen de sensibilisation des magistrats aux coûts de leurs
prescriptions. En outre, la taxation participe à la sensibilisation des
prestataires qui savent que leur mémoire sera examiné par un juge. De
plus, les agents administratifs ne sont pas en mesure d’évaluer la qualité
d’une expertise complexe.
La solution consistait donc à rehausser le seuil de la taxation pour
limiter le nombre de mémoires soumis à cette procédure. Cette mesure a
été adoptée pendant l’enquête de la Cour, puisque le seuil de la taxation a
été porté à 460 € au lieu de 152,45 €.
Pourrait par ailleurs être expertisée la possibilité de soumettre à
certification toutes les prestations tarifées, quel qu’en soit le montant.
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L’attention du magistrat serait réservée aux expertises importantes où son
appréciation est indispensable.
Enfin, il serait possible de réviser les événements qui déterminent
l’ouverture d’un éventuel recours. En cas de taxation, la notification du
délai de recours est assurée par la lettre informant du paiement
contrairement à la certification, procédure dans laquelle le délai de
recours court à partir de la réception du paiement. Or à ce stade la
juridiction ne dispose plus des pièces justificatives, qui ont été adressées
au comptable.
2 -
Améliorer le recouvrement des frais de justice
Le recouvrement des frais de justice s’exerce principalement dans
le domaine de la justice commerciale, mais son champ est appelé à
s’élargir dès lors que les frais de justice peuvent dorénavant être mis à la
charge des personnes morales condamnées au pénal et qu’une réforme
des procédures pénales par voie de constitution de partie civile est
envisagée.
Dans cette perspective, il est indispensable d’améliorer et garantir
la lisibilité entre les frais recouvrables par le Trésor public et ceux
demeurant à la charge définitive de l’Etat.
De faible rendement, le recouvrement des frais de justice pose de
réelles difficultés. Il est d’ailleurs impossible d’établir le montant exact
des frais recouvrables.
En effet, les juridictions n’émettant pas de titre, les comptables ne
peuvent pas rapprocher les remboursements des avances consenties (en
matière commerciale par exemple), ni même engager des poursuites pour
non recouvrement. Les frais de justice recouvrés font l’objet d’un circuit
spécial sous Chorus, en tant que « recette au comptant » mais il doit être
rapidement réorganisé en lien étroit avec la direction générale des
finances publiques.
Avant 2006, les trésoreries générales étaient le point de passage
obligé, ce qui n’est plus le cas. Les actuelles directions départementales
des finances publiques (DDFIP) qui perçoivent au mieux des versements
spontanés sans être en mesure de les rattacher aux avances effectuées par
l’Etat, ne sont pas en mesure d’effectuer des contrôles sur les
remboursements, théoriquement garantis par le privilège des frais de
justice, ni de poursuivre le recouvrement. En outre, en l’absence de
dispositions précises sur le partage des frais de justice entre le mandataire
et
l’Etat
en
cas
de
procédure
partiellement
impécunieuse,
le
remboursement des avances varie au gré des pratiques des mandataires.
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La Cour a relevé, lors de ses missions en juridictions réalisées pour
les besoins de l’enquête, qu’en 2011 les reversements au Trésor se sont
élevés à 505 000
€ dans le ressort de la cour d’appel de Paris (sur 10 M€
de frais de justice commerciales avancés par l’Etat), contre 35 000 € dans
le ressort de la cour d’appel de Colmar
44
et 6 809 € dans le ressort de la
cour d’appel de Bordeaux.
Différentes mesures peuvent d’ores et déjà être envisagées pour
améliorer le recouvrement des frais de justice commerciale qui se révèle
très aléatoire, notamment depuis la mise en place du nouveau circuit des
frais de justice associé à Chorus. Il pourrait ainsi être envisagé de
permettre aux greffiers des tribunaux de commerce de faire clairement
valoir leur rang de privilège, en particulier en cas de procédure
partiellement impécunieuse.
C - Renforcer les moyens attribués au traitement des
mémoires
1 -
Professionnaliser les effectifs
Les effectifs affectés soit dans les régies, soit dans les pôles Chorus
doivent pouvoir bénéficier d’une formation appropriée faute de pouvoir
envisager leur augmentation. Le recours à des vacataires de façon
ponctuelle ne peut constituer une solution efficace, surtout dans
l’environnement de Chorus.
2 -
Améliorer les moyens informatiques
a)
L’inadéquation des moyens informatiques
Il n’existe pas d’interfaces entre les différents progiciels existants.
« Chorus formulaire », LMDJ, Regina et Chorus ne sont actuellement pas
interfacés, pas plus que les logiciels à la disposition des OPJ. A noter
toutefois que « Chorus formulaire » et Chorus sont interfacés pour le
fonctionnement courant.
Depuis le 1er janvier 2011, date du passage du programme 166 en
environnement Chorus, quatre logiciels coexistent en matière de frais de
justice, entre Chorus, « Chorus formulaire prescription »
45
, l’application
« métier » LMDJ (mémoire frais de justice) et l’application de gestion des
44
En Alsace-Moselle, la justice commerciale relevant du TGI, et le greffe étant de ce
fait public, une partie de ses diligences est effectuée à titre gratuit.
45
Qui a remplacé l’application Fraijus.
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régies « Regina » qui existait auparavant. L’interfaçage envisagé entre ces
logiciels n’a pas abouti.
Ainsi, « Chorus formulaire» qui enregistre les actes demandés par
les magistrats ou les OPJ au moment de leur prescription n’est pas
interfacé à Chorus alors que pour le fonctionnement courant les
formulaires « demandes d’achat » sont intégrés dans Chorus pour la
création d’un engagement juridique.
Le logiciel LMDJ qui a pour objet d’assurer une traçabilité
exhaustive et un suivi des mémoires de frais de justice n’est pas non plus
interfacé, dans l’immédiat, avec « Chorus formulaire prescription».
Aucun rattachement du mémoire saisi dans cet outil LMDJ n’est possible
avec la prescription saisie en amont dans « Chorus formulaire ».
En revanche, les données renseignées dans LMDJ sont récupérées
pour la mise en paiement par les régies des mémoires inférieurs à 2 000 €,
dans le logiciel « Regina » dont les fonctionnalités ne permettent pas
toutefois, contrairement à Chorus, d’empêcher des doubles paiements si
des copies de mémoires sont adressées aux juridictions.
A Paris, où « Regina » n’est pas couplée avec LMDJ, les 70 419
mémoires qui ont été payés par la régie en 2011 ont dû être saisis trois
fois : au moment de l’enregistrement de la prescription, au moment de la
réception du mémoire et au moment du paiement.
Les cours visitées sont sur ce point en attente d’une interface entre
« Chorus formulaire » et Chorus afin de pouvoir extraire les données au
lieu de les ressaisir.
Cette absence d’interface, qui se traduit par de multiples saisies, est
coûteuse en personnel. A titre d’exemple, à Paris le passage de NDL à
Chorus a contribué à l’augmentation des effectifs : trois agents en 2010
ont payé 97 M€, neuf agents en 2011 ont payé 76 M€.
Le nombre de personnes nécessaires au pôle Chorus de Paris pour
traiter un dossier est de six.
Sur LMDJ, une fois que le suivi du mémoire est renseigné par
« transmis au SAR ou à la régie », le mémoire disparaît des écrans. On ne
peut le retrouver qu’en faisant une recherche. Donc on ne peut pas
renseigner la date de paiement du mémoire (après que le pôle Chorus en a
informé la juridiction). Certaines juridictions (Colmar) tiennent ainsi un
tableur Excel pour suivre cette information.
Par ailleurs, le logiciel « Chorus Formulaire » n’est pas accessible
aux OPJ qui prescrivent l’essentiel des actes. Le souhait exprimé en 2009
par l'Agence pour l'Informatique Financière de l'Etat (AIFE) de donner
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93
aux OPJ l’accès à « Chorus formulaire » n’a pas été suivi d’effet même
s’il n’existe pas de difficulté technique.
La police nationale compte sur la mise en place du logiciel
(LRGPN) logiciel de rédaction police nationale dans le début de l’année
2013 qui devrait intégrer à terme un module « frais de justice » et garantir
un niveau de saisie plus important
46
. Dans la situation actuelle, indique-t-
elle «
chaque service est contraint d’effectuer une comptabilisation des
différents types de réquisitions qui se révèle lourde, fastidieuse, répétitive
et de nature à générer des erreurs. Les données sont ensuite agrégées
manuellement sur des tableaux Excel mis à jour mensuellement avant
d’être transmis au ministère de la Justice pour être intégrés dans
l’application de gestion budgétaire
Chorus
. Ce fonctionnement nécessite
un grand nombre d'ETP effectuant souvent des tâches sans grande valeur
ajoutée
».
C’est pourquoi, des incertitudes existent sur l’exhaustivité des
saisies des engagements pris par les OPJ. En ce qui concerne les
prescriptions des OPJ policiers et gendarmes, les sondages effectués par
la DSJ font apparaître que « Chorus Formulaires-prescriptions » est sous
renseigné. En effet les données transmises par la gendarmerie et la police
qui représentent 60 % des frais de justice sont insuffisantes
En 2009, à la cour d’appel de Paris, 164 000 prescriptions unitaires
venant des OPJ avaient été saisies dans Fraijus alors qu’elles se
dénombrent à 75
092 saisies dans « Chorus formulaire » en 2011. Au
niveau du TGI de Paris, une prescription sur trois des OPJ relatives aux
gardes à vue est enregistrée si on fait une comparaison avec les
prescriptions payées.
Cette absence d’interface entraîne une mauvaise information sur
les frais de justice : pas de possibilité pour chaque régie de voir si elle a
dépassé le montant de dotation qui lui est attribué, idem pour le pôle
Chorus; difficultés des restitutions, par exemple, on n’a de visibilité que
pour le flux 1. En outre, il est difficile de réaliser une recherche par
montant en HT alors que les mémoires sont en TTC.
Chorus et « Regina » ne précisent pas l’imputation du paiement
pour le bénéficiaire, ce qui oblige les juridictions à notifier les paiements
aux différents prestataires.
46
Cette évolution permettra la prise en compte directe dans LRPPN, par
l’intermédiaire des procès-verbaux de réquisition, des données nécessaires à
l’application Chorus. Les données seront ensuite recueillies par la base centrale
LRPPN.
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Le logiciel Cassiopée ne permet pas de bloquer la clôture de la
procédure quand la question des scellés et du gardiennage n’est pas
réglée.
Sur LMDJ, une fois que le suivi du mémoire est renseigné par
« transmis au SAR ou à la régie », le mémoire disparaît des écrans. On ne
peut le retrouver qu’en faisant une recherche. Donc on ne peut pas
renseigner la date de paiement du mémoire (après que le pôle Chorus en a
informé la juridiction). Certaines juridictions tiennent ainsi un tableur
Excel pour suivre cette information.
b)
Travailler au basculement intégral sur Chorus
Indépendamment
de
la
nécessité
d’interfacer
les
outils
informatiques pour éviter les saisies multiples, le déploiement de Chorus
permet d’envisager des perspectives d’optimisation s’articulant autour de
l’accentuation de la professionnalisation des acteurs par la concentration
des services centralisateurs auprès des cours d’appel et la réduction du
nombre de pôles Chorus à neuf à compter de 2013, la simplification du
circuit de dépense et la réduction des pièces transmises entre les différents
acteurs, en recherchant les solutions de dématérialisation pouvant être
mises e oeuvre.
L’obstacle majeur au basculement de l’intégralité des mémoires
sur le Pôle Chorus et donc à la disparition des régies, réside dans la
volumétrie traitée.
La généralisation de la gestion sous Chorus ne peut être envisagée
sans l’engagement de mesures permettant de réduire significativement le
nombre d’actes de frais de justice à traiter afin de garantir la soutenabilité
du dispositif en termes de charge de travail et d’effectifs.
En effet, un tel dispositif nécessiterait de procéder à la création
dans Chorus de tous les tiers à régler directement, alors qu’à ce jour, les
tiers existant dans Chorus pour les frais de justice sont exclusivement les
régies du ressort, les greffiers de commerce et quelques experts pour
lesquels il est d’usage de régler des mémoires supérieurs à 2 000
€.
Or la création d’un tiers dans Chorus nécessite de disposer d’un
certain nombre d’éléments (nom, prénom, adresse, RIB, n°
de sécurité
sociale pour les personnes physiques et n°
de SIRET pour les personnes
morales), et n’est pas instantanée puisque soumise à validation de la
cellule nationale des tiers, allongeant ainsi les délais de paiement.
Le paiement de l’intégralité des mémoires directement par le Pôle
Chorus sans passer par la régie nécessiterait donc indéniablement un
renfort considérable d’effectifs.
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95
Ainsi, le basculement complet du traitement de la dépense des frais
de justice sous Chorus nécessite de mutualiser préalablement les
mémoires pour éviter à la fois d’engorger le pôle Chorus (même s’il
bénéficierait d’un report d’effectifs des régies) et le comptable
assignataire.
Le ministère a fait expertiser par l’AIFE dans quelle mesure
« Chorus formulaire » peut être appliqué sur l’ensemble du processus, de
la prescription à la demande de paiement en passant par la certification, et
devenir l’unique outil de gestion des frais de justice en se substituant aux
outils actuels (CFO, LMDJ) et en réduisant le périmètre dédié aux régies.
L’utilisation de « Regina » serait alors circonscrite à certaines dépenses
très urgentes.
80 % du volume des frais de justice, représentant 20 % des coûts
budgétaires, est actuellement payé en régie. Le ministère souhaite
progressivement intégrer les frais de justice payés en régie dans Chorus,
de manière à gagner en visibilité. La cour d’appel de Colmar qui
fonctionne sans régie, est considérée comme un exemple à suivre.
L’AIFE s’est engagée à mener une première phase de travaux sur
un échantillon de trois à quatre cours d’appel représentatives de façon à
identifier des scénarios et les coûts qui y seraient associés.
En fonction des conclusions de cette expérimentation, les
modalités de mise en oeuvre du dispositif qui apparaîtra la plus pertinent,
lequel pourra ou non reposer sur la généralisation de « Chorus
formulaire », seront précisées.
Une autre solution pourrait consister à déterminer le paiement en
régie ou dans le pôle Chorus selon la nature de la dépense et son montant.
Ainsi, les marchés seraient mis en paiement dans le pôle Chorus, ce qui
permettrait un meilleur suivi au niveau du comptable. En effet, le contrôle
hiérarchisé de la dépense ne peut être mis en oeuvre si le paiement des
marchés est réparti entre régie et pôle Chorus.
Actuellement les cours visitées s’interrogent sur la capacité
technique de Chorus à supporter un tel volume de paiements, au vu des
ralentissements nombreux et réguliers déjà constatés en 2011, et tout
particulièrement en fin de gestion.
Cette suppression des régies est subordonnée à la diminution du
nombre de mémoires, à leur mutualisation pour éviter d’engorger le pôle
Chorus et au redéploiement des effectifs des régies et des services
centralisateurs vers les pôles Chorus et également à la limitation des
saisies redondantes dans des outils non interfacés.
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C’est en ce sens d’ailleurs qu’est actuellement menée une réflexion
entre le ministère et l’AIFE. Le ministère souhaite progressivement
n’avoir qu’un seul circuit de paiement et réintégrer progressivement les
dépenses des régies dans Chorus coeur pour gagner en visibilité ou limiter
le périmètre dédié aux régies en le circonscrivant à certaines dépenses
urgentes.
3 -
Vers plus de dématérialisation
L’importance de la
volumétrie justifie que le ministère mette en
place des procédures particulières afin de la réduire, en particulier le
circuit simplifié et les mémoires groupés.
Par ailleurs la mise en place de la PNIJ en cours d’année 2013 doit
permettre d’alléger les saisies des frais de justice d’un million de
mémoires environ. Les trois actions combinées (circuit simplifié,
mémoires groupés, PNIJ) devraient permettre de diminuer de moitié le
nombre de mémoires.
La perspective de la dématérialisation des pièces doit s’inscrire
dans le cadre des travaux menés par l’AIFE pour la dématérialisation des
factures. Néanmoins la dématérialisation de la prestation doit également
être envisagée et expertisée.
La dématérialisation porterait dans ce cas sur la mise en place de
procès-verbaux électroniques, le développement de la visioconférence
pour les prestations d’interprètes, qui pourraient également être effectuées
téléphoniquement, et le développement de la signature électronique.
Avant le 27 octobre 2013, doit être transposée la directive
2010/64/UE sur le droit à l’interprétation et à la traduction dans les
procédures pénales. La règle européenne prévoit notamment des
exigences croissantes d’accessibilité, encourage la visioconférence et
exige la création par les Etats membres de registres d’interprètes et de
traducteurs répondant à des normes de qualité, documentées dans une
phase
suivante
(2014-2016)
par
des
« cartes
d’accréditation
européennes ».
La dématérialisation de la facture mettrait un terme à la lourdeur
du traitement logistique des mémoires papiers et au risque d’égarement.
CHORUS facture permet ainsi depuis le 1
er
janvier 2012 aux prestataires
de produire leur facture de façon dématérialisée. Cette évolution est
souhaitable, sous réserve de la production des pièces justificatives.
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D - Des projets innovants à conforter
1 -
La mise en place d’un circuit de gestion court pour les
principaux créanciers
Au final, aujourd’hui il existe une multiplication des traitements
différenciés des mémoires de frais de justice qui rend le circuit illisible.
En amont au moment de la liquidation et de l’attestation du service fait,
ils se répartissent entre la procédure de certification et la procédure de
taxation. En aval au moment du paiement, leur parcours diffère selon
qu’il s’agit des mémoires des créanciers ordinaires et de ceux des
créanciers payés en administration centrale, des mémoires supérieurs ou
inférieurs à un seuil désormais fixé à 2 000 €.
Les mémoires inférieurs et égaux à 2 000 € sont payés directement
par les régisseurs. Actuellement plus de 500 régies paient 80 % du
volume des frais de justice soit 20 % en montant financier, sauf dans les
juridictions d’Alsace et de Moselle où l’intégralité des mémoires est
payée directement par le pôle Chorus.
Les régies des juridictions sont régulièrement confrontées à la
pénurie des crédits qui ralentit le rythme de paiement des dépenses.
Pourtant, l’intérêt, le plus généralement invoqué, de la régie est d’une part
de payer plus rapidement – sauf quand on ne peut pas reconstituer
rapidement l’avance – même en l’absence de basculement des mémoires
traités dans LMDJ (service centralisateur) vers « Regina » (régie), ce qui
génère un double enregistrement de chaque mémoire, d’autre part d’être
plus proche des prestataires. Le recours à la régie allège de manière
considérable le travail des comptables supérieurs (DDFIP /DRFIP) qui ne
traitent que les mandats de reconstitution de l’avance.
Ces mémoires qui ont été contrôlés dans leur intégralité, par le
service centralisateur sont à nouveau vérifiés pour chacun d’entre eux par
le régisseur qui ensuite enregistre les bordereaux dans le logiciel
dénommé « Regina » (sauf à Paris) et demande à ce que l’avance soit
reconstituée
auprès
du
comptable
assignataire
(en
adressant
périodiquement au service administratif régional (SAR) des bordereaux
regroupant les mémoires de frais par année).
Les mémoires supérieurs à 2 000 € sont adressés au service
administratif régional qui les vérifie et établit une demande de paiement
dans le logiciel Chorus, progiciel de gestion intégré, le paiement étant
assuré désormais par les dix comptables assignataires (Directeur régional
des finances publiques) en métropole.
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98
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Mais pour certaines catégories de frais de justice, ce seuil n’est pas
déterminant. Ainsi, à compter de 2011
47
les frais de justice commerciale,
les frais d’affranchissement (jusqu’en 2011
48
) sont payés par les pôles
Chorus quel qu’en soit leur montant.
Quant aux mémoires relatifs aux frais de justice afférents à des
mesures
présentencielles
(enquêtes
sociales
rapides,
enquêtes
de
personnalité et contrôles judiciaires socio-éducatifs) confiées aux
personnes morales habilitées, ils sont désormais tous payés par les régies
des TGI.
Par ailleurs, certaines dépenses de frais de justice sont payées
directement par le ministère sur les crédits du BOP de l’administration
centrale (service facturier central du ministère de la justice).
Ce sont les frais d’analyses génétiques qui sont réalisées dans le
cadre de marchés publics nationaux (1 M€ en 2011) : marchés relatifs à
des analyses de traces biologiques aux fins d’identification de profils
génétiques et d’alimentation du FNAEG passés avec trois laboratoires
et
les analyses de prélèvements biologiques effectués sur les individus en
vue de la saisie de leur empreinte génétique dans le fichier FNAEG dans
le cadre du marché passé avec un de ces laboratoires.
Leur paiement est effectué sur la base d’une facture mensuelle
établie par ces laboratoires accompagnée des bons de commande et d’une
attestation de service fait délivrée par le FNAEG.
Il en va de même pour des paiements relatifs aux remboursements
au ministère de l’intérieur des indemnités kilométriques pour le transport
en
véhicule
des
personnes
placées
sous-main
de
justice,
aux
transfèrements judiciaires en application de contrats conclus avec des
opérateurs de transport), ainsi qu’au transport des scellés et des dossiers
de procédure. Compte tenu de leur nature particulière, les crédits
correspondants ne sont pas déconcentrés.
Ont été également payées en 2011 sur le BOP de l’administration
centrale, les autopsies, examens de garde à vue et examens de victimes
relevant du périmètre de la réforme de la médecine légale mise en oeuvre
le 15 janvier 2011. Les actes non compris dans le périmètre de cette
réforme (levées de corps, radios, toxicologie, gardiennage de scellés…) et
les examens médicaux pratiqués par les médecins libéraux du réseau de
proximité continuent, par contre, d’être payés par les juridictions.
47
Note SJ-11.55.OFJ4/23/02/11
48
les frais postaux basculent en 2012 en frais de fonctionnement
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DE LA GESTION DES FRAIS DE JUSTICE
99
Ces actes ont été payés
49
par l’administration centrale sous la
forme d’une dotation annuelle allouée directement par le programme 166
à chaque établissement public de santé concerné : structures dédiées
(Instituts médico-légaux –IML- et Unités médicales judiciaires –UMJ).
En 2011, le financement des 47 structures, assuré par le BOP central des
services judiciaires, s’est élevé à 45,04 M€.
Par ailleurs, en raison des retards de paiement importants des frais
de justice concernant particulièrement les opérateurs de communications
téléphoniques, les loueurs de matériel d’interception et les laboratoires
d’analyses, le ministère de la justice, en accord avec le ministère chargé
du budget, a décidé de mettre en place pour l’année 2012, et jusqu’à
l’instauration complète et généralisée de la plate-forme nationale des
interceptions judiciaires (PNIJ), un circuit de dépense « simplifié » pour
certains prestataires qui relèvent de deux domaines : la téléphonie et les
analyses génétiques ou toxicologiques.
Ce dispositif de paiement dit « simplifié » est en fait assez
complexe
50
et tout à fait particulier puisque ces dépenses sont contrôlées
par sondage à partir des pièces justificatives
qui lui sont adressées par les
prestataires
et
certifiées
par
les
juridictions,
puis
payées
par
l’administration centrale.
En effet, au terme de ce contrôle et de cette certification, le
ministère de la justice
prend alors le relais des juridictions, et à partir des
éléments qu’elles lui ont communiqués, informe le créancier du montant
de la dépense acceptée. C’est à compter de cette démarche que le
créancier adresse au ministère, pour paiement, une facture correspondant
aux prestations non remises en cause et qui correspond aux certifications
remontées par les TGI.
Par ailleurs, il achoppe sur l’attestation du service fait qui devrait
être effectuée par les OPJ qui actuellement n’ont ni les outils, ni le temps
de réaliser ce service fait.
La Cour partage la position de la DGFIP, selon laquelle une telle
centralisation du traitement de la dépense dans le cadre de conventions
avec les créanciers devrait reposer sur des délégations de gestion signées
49
Suite à la signature le 14 février 2011 de la convention entre le ministère de la
justice et des libertés et le ministère du travail, de l’emploi et de la santé relative au
financement des structures du schéma directeur de la réforme de la médecine légale,
un schéma de financement différent a été retenu.
50
Sa mise en place a donné lieu à un protocole pour une durée d’un an en cours de
signature entre les deux ministères des finances et de la
justice, la signature de
conventions passées entre le ministère de la justice et chacun des prestataires et une
circulaire d’application datée du 19 mars 2012.
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entre les chefs de cours d’appel et le centre de services partagés placé
auprès
de
l’ordonnateur
principal,
ces
délégations
devant
être
communiquées au comptable après signature.
Ainsi, les 500 000 mémoires qui étaient tous les ans adressés par
ces prestataires sont remplacés en 2012 par 144 factures qui devraient être
payées régulièrement dans les 60 jours.
Il s’agit des six loueurs de matériels d’interceptions téléphoniques,
de
deux
opérateurs
téléphoniques,
d’une
société
spécialisée
en
chronolocalisation, de laboratoires d’analyses génétiques
ainsi que d’un
laboratoire d’analyses toxicologiques.
Onze protocoles transactionnels ont été préalablement signés avec
ces sociétés
dont les prestations réalisées pour certaines d’entre elles
depuis 10 ans ont été payées directement par le ministère et non par les
juridictions concernées.
85 % des sommes dues à l’issue des transactions ont été payées en
2011 pour un montant total de 62,38 M€. En contrepartie d’un abandon
de créances de 11,70 M€ et du paiement rapide de ces créances, les
sociétés ont renoncé à engager toute action contentieuse, quelle qu’elle
soit, à l’encontre du ministère de la justice et se sont engagées à se
désister des recours qui auraient été engagés à l’encontre de l’Etat.
2 -
La PNIJ
Communément désignées sous le terme d’« écoutes », les
interceptions téléphoniques consistent en l'interception, l'enregistrement
et la transcription de correspondances émises par la voie des
télécommunications.
Les écoutes téléphoniques peuvent être opérées lors d’une enquête
de flagrance ou d’une enquête préliminaire portant sur une infraction
relevant du crime organisé (infractions de la première catégorie), sur
autorisation de l’autorité judiciaire, pour une durée de quinze jours au
maximum (renouvelable une fois).
Seule l'autorité publique, en cas de nécessité d'intérêt public, peut
porter atteinte au secret des correspondances dans les deux hypothèses
suivantes, hors les cas de criminalité organisée :
-
les interceptions ordonnées par l'autorité judiciaire sont
prescrites aux OPJ par le juge des libertés et de la détention, sur
requête du procureur de la République, pour rechercher et
découvrir une personne en fuite, pour une durée de 2 mois
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DE LA GESTION DES FRAIS DE JUSTICE
101
renouvelable,
dans
la
limite
de
6
mois
en
matière
correctionnelle ;
-
les interceptions ordonnées par commission rogatoire du juge
d'instruction, en matière criminelle et délictuelle lorsque la
peine
encourue
est
égale
ou
supérieure
à
2
ans
d'emprisonnement (durée maximum de 4 mois, renouvelable),
ou lors d’une information pour recherche des causes de la mort
ou des causes d’une disparition.
En application des articles R. 213-1 et R. 213-2 du code de
procédure pénale, les tarifs relatifs aux frais correspondant à la fourniture
des données conservées en application du II de l'article L. 34-1 du code
des postes et des communications électroniques sont fixés par un arrêté
du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du garde des
sceaux. Cet arrêté distingue les tarifs applicables selon les catégories de
données et les prestations requises, en tenant compte, le cas échéant, des
surcoûts identifiables et spécifiques supportés par les opérateurs requis
par les autorités judiciaires pour la fourniture de ces données.
A terme la mise en place de la plate-forme des interceptions
judicaires (PNIJ) en 2013, qui permettra de transmettre les réquisitions
des enquêteurs directement aux opérateurs de téléphonie, fera remonter
au niveau de l’administration centrale le paiement des frais liés aux
interceptions judiciaires sur la base d’une facture mensuelle et supprimera
près d’un million de mémoires.
La décision de gérer annuellement 5 000 000 de réquisitions
judiciaires et 40 000 interceptions dans leur totalité en un point central et
unique est ambitieuse. Il convient de rappeler que le système actuel est
géré par plusieurs fournisseurs privés, lesquels ont disséminé sur le
territoire national 350 centres d’écoutes. En cas de panne, les transferts
peuvent facilement être effectués d’un centre sur un autre en un temps
très court. La PNIJ devra pouvoir relever ce défi.
En l’état actuel du projet, la Cour prend acte des réserves
exprimées par la DGFIP, selon laquelle plusieurs points restent à préciser
tels que la détermination et le rôle de l’ordonnateur, les modalités de
dématérialisation de la certification du service fait et de la facture dans
Chorus ainsi que l’interfaçage avec Chorus.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La contrainte budgétaire ne peut constituer le seul vecteur efficace
de maîtrise de la dépense. Le ministère de la justice doit poursuivre son
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action
en faveur d’une rationalisation et d’une modernisation de la
gestion des frais de justice.
La sensibilisation à l’analyse économique et la responsabilisation
des gestionnaires et des prescripteurs constituent à cet égard des
éléments déterminants.
La rationalisation de la prescription par un accroissement du
recours à des procédures de marchés et une amélioration de la
tarification
est à rechercher.
C’est enfin du côté de la simplification du circuit de la dépense ,
dérogatoire et complexe, qu’une modernisation radicale doit être
engagée par la mise en oeuvre de circuits de gestion rénovés, une
diminution impérative de la volumétrie des mémoires, un allégement des
procédures,
une
amélioration
des
moyens
informatiques
et
un
recouvrement plus efficace des frais de justice. Ces actions, qui sont à
réaliser de manière déterminée, supposent une relation étroite avec les
autres services de l’Etat.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
sensibiliser les acteurs à la dépense frais de justice en les
responsabilisant et en diffusant l’information et les bonnes
pratiques ;
2.
rationaliser le recours aux prestataires en favorisant la conclusion
de marchés ;
3.
mettre en place sans délai les projets innovants permettant la
réduction du nombre des mémoires et leur dématérialisation tout
comme celle des prestations ;
4.
associer l’AIFE à la mise en place d’interfaces entre les applications
existantes, y compris les logiciels de rédaction des procédures de
police et gendarmerie ;
5.
moderniser le traitement des mémoires en expérimentant le
développement progressif de la gestion sous Chorus ;
6.
permettre aux greffiers des tribunaux de commerce de faire valoir
clairement leur rang de privilège, en particulier en cas de procédure
partiellement impécunieuse ;
7.
expertiser la possibilité de soumettre à certification toutes les
prestations tarifées, quel qu’en soit le montant.
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