La situation des retraités
Chapitre XIV
–
La couverture vieillesse
des personnes les plus pauvres
Chapitre XV
–
Les dispositifs fiscaux et sociaux
propres aux retraités
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L
A SITUATION DES RETRAITES
401
_____________________
INTRODUCTION
______________________
Tous régimes confondus, 16 170 000 retraités percevaient une
pensio
n fin 2010, les prestations de retraite ainsi versées s’élevant
à
270
Md€ pour un montant moyen
de pension directe de 1 216
€ par
personne, en progression de plus de 18 % en euros courants et de 8 % en
euros constants par rapport à 2004
357
.
Cette population connaît des situations d’une extrême diversité.
Si
en effet les retraités récents bénéficient très généralement de ressources
supérieures aux générations précédentes et disposent pour un nombre
croissant d’un niveau de vie analogue à celui des actifs, une part non
négligeable vit dans le même temps sous le seuil de pauvreté.
La Cour a cherché à éclairer cette réalité contrastée et multiforme
en examinant d’une part la couverture vieillesse des personnes les plus
pauvres, d’autre part l’adéquation
à leur situation actuelle des dispositifs
fiscaux et sociaux adoptés
dans l’objectif d’
assurer aux retraités une
meilleure égalité de niveaux de vie avec le reste de la population.
Dans un contexte marqué par l’importance durable de la population
bénéficiaire du minimum vieillesse, elle conclut à la nécessité de repenser
un certain no
mbre de mécanismes d’aides pour mieux cibler les efforts sur
ceux des retraités les plus fragiles du fait de la modestie de leurs
ressources ou en raison de leur perte d’autonomie et être davantage à
même de répondre aux nouveaux enjeux de solidarité entre générations qui
se font jour.
357. DREES, Les retraités et les retraites en 2010 Etudes et résultats, février 2012.
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Chapitre XIV
La couverture vieillesse des personnes
les plus pauvres
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405
_____________________
PRESENTATION
_______________________
Selon l’INSEE, près d’un million de personnes âgées de plus de 64
ans vivaient sous le seuil de pauvreté en 2009
358
, soit plus de 10 % de cette
classe d’âge.
Devant un tel constat, la Cour a cherché à analyser les modalités de
la couverture vieillesse mise en place au bénéfice des personnes les plus
pauvres dont
l’essentiel des
ressources provient de fait de la protection
sociale, régimes de retraite
d’une part
et dispositif de solidarité nationale,
avec le minimum viei
llesse, d’autre part.
Elle observe à cet égard non seulement que le minimum vieillesse
conserve toujours aujourd’hui un rôle essentiel, en dépit de la
généralisation des minima de pensions, pour limiter le taux de pauvreté des
retraités les plus modestes (I), mais que sa place devrait dans la période à
venir encore s’élargir, alors même que les possibilités de régulation de la
dépense qui en résulte sont des plus limitées (II).
I - Une généralisation des minima de pensions qui
n’a pas supprimé le rôle majeur du minimum
vieillesse
Dès lors qu’elles n’ont pas pu suffisamment cotiser aux régimes de
retraites jusqu’à la liquidation de leurs pensions, les personnes âgées sont
appelées à dépendre essentiellement des différents dispositifs de
solidarité, que sont d’une part les minima de pensions et d’autre part le
minimum vieillesse.
A
–
Des minima de pensions généralisés à tous les
principaux régimes de retraite de base
Les minima de pensions mis en place dans les principaux régimes
de retraite se distinguent du minimum vieillesse sur deux points
essentiels
: d’une part, ils ne tiennent compte que des pensions
personnelles des bénéficiaires (et non de l’ensemble des ressources dont il
dispose ni de celles du couple dont il peut faire p
artie) et, d’autre part, ils
358.
Données sur la France métropolitaine, tirées de l’enquête 2009 sur les revenus
fiscaux et sociaux (ERFS) et pour un seuil de pauvreté monétaire fixé à 60 % du
revenu médian (954
€ par mois en 2009).
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406
sont octroyés et modulés en fonction des durées d’assurance validées
auprès des différents régimes.
1
–
Les minima de pension des principaux régimes
Dans le cas du régime général et des régimes alignés
359
, le
minimum de pension est le « minimum contributif », ou MICO, mis en
place en 1983. Il s’agit d’un montant, fixé par décret, auquel est portée la
pension de base liquidée à taux plein
lorsqu’elle est
inférieure à ce
montant.
Il ne bénéficie donc qu’aux retraités ayant eu une carriè
re
complète ou ayant liquidé leur retraite à l’âge du taux plein. Son
montant
est proratisé en fonction du nombre de trimestres validés dans le régime
et fait l’objet d’une majoration en fonction du nombre de trimestres
cotisés. Fin 2011, il était attribué à 4,9 millions de retraités du régime
général.
Au sein du régime des exploitants agricoles, les mesures de
revalorisations successives de pensions de retraite sur la période 1996-
2002 ont notamment été marquées par la mise en place à partir de 1999
d’un v
éritable minimum pour la pension « proportionnelle »
360
. Ce
minimum appelé PMR (pension minimum de référence) était obtenu, sous
conditions
de durée d’assurance minimale au régime, par l’octroi
gratuit
de points de retraite « proportionnels ». La loi de financement de la
sécurité sociale (LFSS) pour 2009 a achevé la mise en place de minima
de pensions en remplaçant le dispositif antérieur par un minimum garanti
sur le montant de la pension de base totale. Ce minimum est dorénavant
assuré au moyen du versement
de majorations de pensions, à l’instar du
MICO. Fin 2011, plus de 380 000 retraités du régime des exploitants
agricoles bénéficiaient d’une PMR.
Au sein du régime de pensions des fonctionnaires, le bénéfice de la
pension minimum garantie (MIGA) est désormais réservée aux
fonctionnaires partant en retraite à
l’âge du taux plein
ou réunissant la
durée de service permettant l’annulation de la minoration du taux de
liquidation.
359. Régime des salariés agricoles et régime des artisans, commerçants et industriels
(RSI).
360.
La pension de retraite de base des non salariés agricoles se compose d’une
retraite « forfaitaire », proratisée en fon
ction de la seule durée d’assurance dans le
régime des exploitants agricoles et d’une retraite «
proportionnelle » par points, ces
points étant normalement acquis en fonction des cotisations versées au régime.
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2
–
Un plafonnement récent des minima de pensions qui les
rapproche de la logique des minima sociaux
Sans plafonnement, les minima de pensions pouvaient bénéficier à
des polypensionnés aux niveaux de retraite totale élevés. Partant de ce
constat, la Cour avait recommandé en 2008
361
de tenir compte de
l’ensemble des pensions de base pour l’att
ribution du MICO. Cette
recommandation a été suivie et, depuis le 1
er
janvier 2012, les polypen-
sionnés ne peuvent bénéficier du MICO
que dans la limite où l’ensemble
de leurs pensions de base et complémentaires ne dépasse pas un certain
plafond. De la même façon, depuis 2009, le versement de la PMR au
régime des exploitants agricoles n’intervient que
dans la limite d’un
montant personnel de pensions tous régimes de base et complémentaires.
Au-
delà de l’objectif premier de lutter contre les effets d’aubaine
,
la mise en place de tels plafonnements, en cherchant à cibler les plus
petits niveaux de retraites, conduit de fait à rapprocher les minima de
pension d’une logique de minima sociaux, même si les ressources prises
en compte se limitent aux pensions personnelles du bénéficiaire.
B
–
Un minimum vieillesse qui demeure essentiel
1
–
Un dispositif ancien récemment modernisé
Le « minimum vieillesse » constitue historiquement le premier
minimum social.
Mis en place en 1956, il permet de compléter l’ensemble
des ressourc
es de ses bénéficiaires et de leur conjoint éventuel, jusqu’à
un
niveau de 777,16
€
par mois pour une personne seule et de 1 206,39
€
pour un couple
362
. Dès lors qu’elle en fait la demande, toute personne
âgée d’au moins 65 ans (ou ayant atteint l’âge légal
de départ à la retraite
en cas d’inaptitude au travail) peut en bénéficier quelle que soit sa
nationalité
363
. Les allocations du minimum vieillesse ont représenté en
2011 un coût total de 3 030
M€,
financé par le fonds de solidarité
vieillesse (FSV).
A la su
ite de l’ordon
nance du 24 juin 2004 simplifiant le minimum
vieillesse, celui-ci est désormais attribué aux nouveaux bénéficiaires sous
la forme d’une allocation différentielle unique, l’allocation de solidarité
aux personnes âgées (ASPA). Cette allocation
n’est attribuée qu’après
361. RALFSS 2008 p. 392-393.
362. Montants en vigueur au 1
er
avril 2012.
363.
Des conditions d’attribution spécifiques, notamment une durée minimum de
détention de titres de séjour, sont cependant exigées pour les ressortissants étrangers.
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liquidation de l’ensemble des droits à pensions acquis par ailleurs par ses
bénéficiaires. Son service est soumis à une condition de résidence stable
et régulière sur le sol français, qui se vérifie désormais pour des séjours
en Fr
ance de plus de six mois par an. Enfin, l’ASPA fait l’objet d’une
procédure de récupération sur succession au décès de l’allocataire, au
-
delà d’un certain montant d’actif net successoral (39
000
€) et dans la
limite d’un montant maximum d’allocation mensue
lle.
L’ASPA est venue se substituer à un dispositif constitué de
l’empilement de plusieurs types d’allocations aux montants et aux critères
différents.
Le dispositif des « anciennes » allocations du minimum vieillesse
Les « anciennes » allocations du mini
mum vieillesse s’organis
ent
en deux niveaux.
Le 1
er
niveau concerne des allocations visant à compléter la seule
pension de retraite de base, ou l’absence de toute pension de base,
jusqu’au montant de l’allocation aux vieux travailleurs s
alariés (AVTS),
soit 276,39
€ par mois, dans la limite toutefois d’un plafond de ressources
totales égal au minimum vieillesse, soit 777,16
€ par mois. Il s’agit
notamment de :
-
l’AVTS elle
-même, instaurée en 1941 et versée aux personnes de
plus de 65 ans relevant d’un régi
me de base pour lequel elles ont
insuffisamment cotisé pour bénéficier d’une pension
;
-
l’allocation spéciale de l’article L.
814-1 du code de la sécurité
sociale, créée en 1972, versée par le service de l’allocation spéciale
vieillesse (SASV, logé au sein de la caisse des dépôts) aux personnes de
plus de 65 ans ne relevant d’aucun régime vieillesse de base ;
-
la majoration prévue à l’article L.
814-2, créée en 1972,
complétant l’avantage vieillesse d’un régime de base pour le porter au
niveau de l’AVTS
;
Le 2
nd
niveau concerne des allocations visant, en complément
éventuel d’une allocation de 1er niveau, à porter les ressources du
bénéficiaire au niveau du minim
um vieillesse. Il s’agit presque
exclusivement de l’allocation supplémentaire vieillesse (ASV)
de l’article
L. 815-2, créée en 1956.
L’ASV comptait ainsi 598
000 allocataires fin 2006 tandis que des
allocations de 1er niveau étaient servies à 491 000 personnes.
Parmi ces allocations, seules l’ASV et l’allocation spéciale étaient
explicitement non « exportables » et donc soumises à condition de
résidence sur le sol français. En revanche, aucune de ces allocations n’était
plus soumise à condition de nationalité depuis 1998. Enfin, seule l’ASV
fait l’objet de récupération sur succession au décès du b
énéficiaire, à
l’instar des autres minima sociaux.
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2
–
Un recours au minimum vieillesse qui perdure malgré la
généralisation des minima de pensions
a)
Une généralisation qui a déjà produit ses effets sur le minimum
vieillesse
L’existence ou la mise en place des m
inima de pensions a permis à
un certain nombre de personnes âgées de sortir du dispositif du minimum
vieillesse en leur accordant des ressources excédant (éventuellement de
très peu) le plafond du minimum vieillesse. A titre d’illustration, le
nombre d’all
ocataires issus du régime des exploitants agricoles a été ainsi
réduit de 80 % entre 1994 et 2004 à la faveur des plans pluriannuels de
relèvement des petites retraites agricoles. Fin 2010, ce nombre était
tombé à 41
700 alors qu’il était de 352
600 en 1994.
L’introduction des minima de pensions a ainsi déjà, pour
l’essentiel, produit ses effets sur le nombre de bénéficiaires du minimum
vieillesse. Parmi ceux-ci, la part de ceux qui ne peuvent prétendre aux
minima de pension, en raison principalement de carrières incomplètes, est
dès lors devenue prépondérante (soit près de 75 %). Sauf à assouplir leurs
conditions d’octroi, en termes nécessairement de durée d’assurance
requise, les minima de pensions ne peuvent pas contribuer davantage à
améliorer les niveaux de retraites de ces personnes.
Seules des mesures ciblées sur d’autres publics que ceux visés par
les minima de pensions, à l’image de la majoration des pensions de
réversion décidée en 2009, pourraient réduire encore le recours au
minimum vieillesse.
b)
Une configuration des minima de pensions qui permet leur
coexistence avec le minimum vieillesse
Le minimum vieillesse intervient de façon subsidiaire par rapport
aux pensions liquidées, qui incluent au préalable l’effet éventuel des
minima de pensions. Ainsi, 26 % des allocataires du minimum vieillesse
gérés par le régime général et par le régime des exploitants agricoles, soit
près de 120 000 personnes, cumulaient une allocation du minimum
vieillesse avec le bénéfice d’un MICO ou d’une PMR.
Les trois quarts des situations de cumul du MICO et du minimum
vieillesse résultent d’une liquidation à l’âge du taux plein
au terme d’une
carrière incomplète. Dans cette situation
364
, la modulation du MICO en
fonction de la durée d’assurance conduit, pour des durées d’ass
urance
364.
Pour le cas simple d’un monopensionné du régime général vivant se
ul.
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comprises entre 110 et 130 trimestres et des carrières rémunérées au plus
au SMIC, à ce qu’une pension portée au MICO ne suffise pas à atteindre
un niveau de ressources au moins égal au minimum vieillesse
365
.
Situations de bénéfice du MICO et de l’AS
PA en fonction de la durée
d’assurance et du salaire annuel moyen porté au compte de l’assuré
Pour un départ en 2012 à l'âge du taux plein - monopensionné du RG
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
140%
160%
100
110
120
130
140
150
160
nombre de trimestres validés
niveau de rémunération moyenne de la carrière
(en % du SMIC)
SAM 1 : SAM mensuel en deça duquel les pension de base et
complémentaire yc MICO sont inférieures au plafond de l'ASPA
SAM 2 : SAM mensuel en deça duquel est versé un MICO
MICO seul
ASPA seul
MICO + ASPA
niveau minimum de rémunération pour la
validation de 164 trimestres
trimestres travai lés et validés
Note de lecture :
pour une durée d’assurance de 140 trimestres, une carrière
rémunérée au SMIC justifie le bénéfice du MICO et permet d’obtenir une pension
totale, de base et complémentaire, supérieure au plafond du minimum vieillesse. Le
retraité bénéficie donc d’un MICO seul, sans ASPA. Ce n’est que pour une carrière
rémunérée à moins de 70 % du SMIC que la pension totale devient inférieure au
minimum vieilless
e et peut justifier le recours à l’ASPA en complément du MICO.
Source :
calculs Cour des comptes
En revanche,
pour des durées d’assurance supérieures à 130
trimestres, le MICO assure une substitution totale par rapport au
minimum vieillesse pour des carrières rémunérées au SMIC.
365.
En raison dès lors d’une trop faible pension de retraite complémentaire.
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411
Les modes de financement respectifs des minima de pensions et du
minimum vieillesse
Présenté depuis l’origine comme « contributif », le MICO était
intégralement pris en charge et financé jusqu’en 2010 par les régimes
d’assurance vieilles
se par opposition aux allocations du minimum
vieillesse
qui, relevant de la solidarité nationale et n’étant pas
conditionnées à des cotisations ni même à des affiliations, sont financées
aujourd’hui par le FSV
(lui-même financé majoritairement par différents
impôts affectés et par une part du produit de la CSG, à l’exclusion de toute
cotisation sociale). De la même façon, les minima de pensions du régime
des exploitants agricoles et le minimum garanti de la fonction publique
sont toujours pris en charge par les régimes correspondants.
Or
, les effets de substitution que produit l’attribution de ces minima
sur le recours au minimum vi
eillesse s’accompagnent de
transferts de
dépenses entre le FSV et les régimes de retraites qui perturbent la lisibilité
des évolutions du coût de la couverture vieillesse globale des bénéficiaires
du minimum vieillesse. Ainsi, la mise en place des PMR au sein du régime
des exploitants agricoles et leur montée en charge entre 1999 et 2002, ont-
ils représenté un transfert de charge annue
l de près de 175 M€ à partir de
2003.
Il en résulte un besoin de clarification des financements respectifs
du minimum vieillesse et des minima de pensions. A cet égard, les
dispositions de la LFSS 2011 ont prévu que le FSV contribue désormais
au financement du MICO pour un montant forfaitairement déterminé
chaque année en LFSS (en l’occurrence 3,5
Md€ en 2011 et 3,9
Md€ en
2012). Il s’agit là cependant d’une demi
-
mesure puisqu’elle laisse
les
variations du coût du MICO
à la charge de l’assurance vieillesse
du régime
général alors que les variations du coût de l’ASPA, y compris induites par
l’évolution du MICO, restent bien à la charge du FSV
.
3
–
Une réduction du nombre d’allocataires du minimum
vieillesse qui s’est interrompue
Dans ces conditions, le nombre d’
allocataires du minimum
vieillesse
, hors résidents à l’étranger, tend à se stabiliser depuis 2007
, ce
qui marque une rupture nette avec la tendance historique à la réduction
des effectifs observée depuis 50 ans. La baisse du nombre total
d’allocataires du m
inimum vieillesse a été en effet alimentée en continu
jusque dans les années 1980 par la montée en charge des régimes
d’assurance vieillesse de base et complémentaires. Le nombre de
bénéficiaires du minimum vieillesse (au sens de l’ASV) a ainsi été divisé
une première fois par deux entre 1959 et 1989, puis une deuxième fois
entre 1989 et 2006 pour tomber à cette date à un peu moins de 600 000.
Toutefois, la baisse ne s’est poursuivie sur l’ensemble de cette seconde
période que grâce à la mise en place des minima de pensions dans les
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principaux régimes de base et en dernier lieu au sein du régime des
exploitants agricoles.
Hors régime des exploitants agricoles, le nombre d’allocataires du
minimum vieillesse s’est stabilisé depuis le début des années 2000,
notamment pour ceux relevant du régime général, qui représentent
désormais près de 75 % du total contre 48 % en 1994.
Evolution du nombre d’allocataires de l’ASV ou de l’ASPA par organisme
servant le principal avantage vieillesse
0
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Exploitants agricoles
Régime général
SASV/SASPA
salariés agricoles
autres
Source :
données FSV
Fin 2010, le n
ombre total des seuls allocataires de l’ASV et de
l’ASPA se montait ainsi, selon le FSV, à 576
978 personnes, soit un
niveau quasiment stable depuis 2007
366
. Les allocataires du minimum
vieillesse étaient, fin 2010, pour plus de 55% des femmes. Cette
proport
ion est toutefois en diminution régulière depuis 15 ans. L’âge
médian des allocataires se situe, pour les femmes, entre 75 et 80 ans et,
pour les hommes, entre 70 et 75 ans. Un quart des femmes allocataires a
plus de 80 ans.
366. Les évolutions décrites ici ne tiennent cependant pas compte de la population
spécifique des bénéficiaires d’une majoration L.
814-
2 résidant à l’étranger, qui, sauf
excepti
on, ne touchent ni l’ASV ni l’ASPA. La population correspondante a
quasiment doublé entre 1998 et 2006, mais elle est appelée à disparaître
progressivement, aucune nouvelle attribution d’allocation «
exportable
» n’étant plus
possible depuis 2007.
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Considéré selon un champ plus large, le minimum vieillesse
bénéficiait à cette même date à près de 940 000 personnes.
Les bénéficiaires du minimum vieillesse : un effectif variable selon le
champ considéré
Les effectifs de bénéficiaires du minimum vieillesse figurant dans
les publicati
ons de la DREES ou de l’INSEE ne concernent généralement
que les seuls allocataires de l’ASV ou de l’ASPA. Ces derniers
représentaient fin 2010 près de 577 000 personnes. Ce décompte exclut
cependant un contingent significatif de personnes bénéficiant d’un
e
allocation du 1er niveau mais pas de l’ASV. Il s’agit de
:
- près de 239 500 personnes
résidant à l’étranger
qui continuent à
percevoir une allocation au titre de l’ancien article
L. 814-2 mais qui, par
définition, ne peuvent recevoir ni ASV ni ASPA ;
- près de 12 000 allocataires du 1
er
niveau résidant en France sans
toucher l’ASV. Cette dernière situation pouvant résulter aussi bien des
modalités d’octroi et de calcul des différentes allocations, qui permettent
dans certains cas aux bénéficiaires d’atte
indre le niveau de ressources du
minimum vieillesse avec les seules allocations de 1er niveau, que d’un
renoncement au bénéfice spécifique de l’ASV en raison de la récupération
sur succession dont elle fait l’objet.
Enfin, au-delà des allocataires eux-mêmes, les allocations versées
au sein d’un couple couvre
nt de fait les conjoints qui ne seraient pas
directement titulaires d’une allocation. Cette situation concerne au moins
112 000 allocations, ASV ou ASPA, versées par la CNAV et le service de
l’allocatio
n de solidarité aux personnes âgées (SASPA) fin 2010.
Au final, sur ces bases, le minimum vieillesse couvrait ainsi, fin
2010, près de 940 000 personnes.
C
–
Des dispositifs qui assurent un niveau de vie
proche du seuil de pauvreté
Parce qu’il intervient de fa
çon subsidiaire au minima de pension, le
minimum vieillesse reste le dernier filet de sécurité pour les retraités les
plus pauvres. Le plafond du minimum vieillesse pour une personne seule
a fait l’objet d’une revalorisation spécifique de près de 13
% au-delà de
l’inflation entre 2009 et 2012. En 2009, en tenant compte du logement il
garantissait déjà à ses bénéficiaires un niveau de vie intermédiaire entre le
seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian et le seuil de pauvreté à 60 %
du revenu médian.
Les minima de pensions peuvent quant à eux contribuer à porter
les ressources de leurs bénéficiaires au-delà du plafond du minimum
vieillesse, mais souvent de peu.
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414
1
–
Un minimum vieillesse qui permet de garantir un niveau de
vie proche du seuil de pauvreté
a)
Le niveau de vie des bénéficiaires du minimum vieillesse en 2009
La simple comparaison du barème du minimum vieillesse et des
seuils de pauvreté calculés par l’INSEE donnerait à penser que ce
dispositif ne permet pas de garantir des ressources au moins égales au
seuil de pauvreté à 50 %, le barème pour un couple étant toutefois
nettement plus proche de ce seuil que le barème pour une personne seule.
Barème « minimum vieillesse » et seuils de pauvreté en 2009
En € mensuel
Plafond
«minimum vieillesse»
Seuil de
pauvreté à 50 %
Seuil de
pauvreté à 60 %
Personne seule
692,43
795
954
Couple
1 147,14
1 193
1 431
Source :
INSEE
Mais ces comparaisons sont biaisées par l’absence de prise en
compte du logement dans le calcul des ressources et des niveaux de vie.
Ainsi, les allocations logement, qui sont exclues des ressources prises en
compte pour le calcul des allocations du minimum vieillesse, doivent être
le cas échéant ajoutées à leur montant pour les bénéficiaires locataires de
leur logement
367
. Elles conduisent, selon les données de 2008, à porter
les ressources des bénéficiaires juste au-dessus du seuil de pauvreté à
50 % du revenu médian. Pour les bénéficiaires propriétaires de leur
logement, soit plus de 70 % des retraités touchant une pension inférieure
à 750
€ par mois, ou logés à titre gratuit, la prise en compte de l’avantage
procuré par la possession du logement
368
(sous forme de loyers fictifs
nets de charges
369
) portaient déjà (à partir des données de 2006) le niveau
367. Selon
l’enquête de l’INSEE sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) pour 2008,
536 000 ménages dont la personne de référence a au moins 75 ans touchent une
allocation logement pour un montant moyen de 139
€ par mois.
368. Le niveau de vie est ici abordé en termes exclusivement monétaires. Il ne tient
pas compte des conditions de vie, liées par exemple à l’état de vétusté du logement
possédé.
369. Les loyers « fictifs » imputables aux retraités touchant des pensions inférieures à
750
€ ont été évalués par la DREES à
près de 300
€ par mois en valeur 2003 à partir
des résultats de l’enquête logement 2002.
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415
de vie au-delà du seuil de pauvreté à 50
% et même jusqu’au seuil à 60
%
dans le cas d’un couple
370
.
L
’existence du minimum vieillesse conduit à ce que la proportion
de personnes vivant sous le seuil de pauvreté à 50 % était en 2009
nettement plus faible che
z les plus de 65 ans que dans l’ensemble de la
population comme le fait apparaître le tableau suivant.
Taux de pauvreté des personnes âgées et de l’ensemble de la population française
en 2009
371
En %
Taux de
pauvreté à
50 %
(1)
Taux de
pauvreté à
60 %
(2)
Taux de pauvreté
« intermédiaire »
(2)-(1)
Ensemble de la population
7,5
13,5
6,0
Personnes âgées de 65 ans
et plus
3,6
10,4
6,8
Source :
INSEE ERFS 2009
Elle se traduit aussi par une concentration relative des niveaux de
vie des plus de 65 ans entre le seuil de pauvreté à 50 % et le seuil de
pauvreté à 60 %.
b)
L’impact du plan de revalorisation 2007
-2012
Dans le cadre du « rendez-vous 2008 sur les retraites »
372
, les
pouvoirs publics
s’étai
en
t fixé pour objectif d’accroître de 25
% le
montant de l’ASPA pour une per
sonne seule entre 2007 et 2012 sous la
forme d’un plan pluriannuel de revalorisation. Ce plan, mis en œuvre en
application de l’article 73 de la LFSS pour 2009, a prévu une
370. En revanche, le fait que les allocations du minimum vieillesse ne sont soumises
ni à l’impôt sur le revenu ni à la CSG n’apporte pas d’avantage spécifique à leurs
bénéficiaires puisque les plafonds de ressources conditionnant l’octroi du minimum
vieillesse correspondent de facto à des situations de non imposition selon les barèmes
de ces impôts. Ces éléments sont pris en compte dans les calculs de niveau de vie de
l
’INSEE.
371. Les premières données sur les niveaux de vie en 2010 publiées récemment par
l’INSEE (INSEE première n°1412, «
les niveaux de vie en 2010 », septembre 2012)
font apparaître une dégradation du taux de pauvreté par rapport à 2009. Le taux de
pauvreté à 50% passe ainsi de 7,5% à 7,8% et le taux de pauvreté à 60% de 13,5% à
14,1%.
372. Document publié par le gouvernement le 28 avril 2008.
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augmentation, en valeur absolue, des plafonds et des montants maximum
de l’ASPA «
personne seule
» jusqu’en 2012.
La revalorisation de 25 % en cinq
ans englobant l’indexation légale
du minimum vieillesse
373
,
l’effort supplémentaire
aura été en réalité
inférieur à 16 % pour ce qui est du montant maximum. En ce qui
concerne le plafond, qui détermine pour plus de 70 % des allocataires le
montan
t de l’allocation versée, l’augmentation hors prise en compte de
l’inflation
sera même finalement inférieure à 13 %. En effet, ju
squ’en
2008, le plafond de ressources pour une personne seule était supérieur de
près de 2,5 %
au montant maximum de l’ASPA
. Au sein des 25 % de
progression programmés pour le montant maximum de l’ASPA, la
revalorisation engagée en 2009 a dès lors, pour 1/10
ème
de l’effort,
consisté seulement à aligner le montant maximum sur le plafond.
Le choix de faire porter la revalorisation des montants et des
plafonds du minimum vieillesse sur le seul barème applicable aux
personnes seules a permis
de rétablir le différentiel qui existait jusqu’en
2008 entre l’échelle d’équivalence appliqué
e pour les calcul de niveaux
de vie et celle sous-jacente au barème du minimum vieillesse
374
. Ce
faisant, il conduit
à rapprocher le niveau de vie d’un allocataire
célibataire ou veuf du seuil de pauvreté à 60 %.
2
–
Des dispositifs qui concentrent les pensions de leurs
bénéficiaires juste au-dessus du plafond du minimum vieillesse
Les minima de pensions peuvent évidemment permettre à leurs
bénéficiaires de disposer des niveaux de retraite supérieurs au plafond du
minimum vieillesse. Pour autant, le barème du minimum vieillesse et les
niveaux de ressources assurés par le MICO ou par les PMR agricoles sont
très proches pour une personne seule.
373. Indexation légale identique en pratique à celle des pensions de retraite de base.
374. Les calculs de niveau de vie comptent 1,5 unité de consommation pour un couple
alors que le plafond ASPA pour un couple avant 2009 représentait 1,8 fois le plafond
pour une personne seule. Au terme du plan de revalorisation, ce ratio est abaissé à
1,55.
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Barèmes du MICO et de la PMR au 1
er
avril 2012
Montants
mensuels
Ratio sur plafond ASPA
Personne seule
Couple
MICO plein majoré
MICO
plein
majoré
+
retraite
complémentaire pour une carrière
complète au SMIC
Plafond MICO toutes pensions
678,50
€
923,50
€
1 005,00
€
0,87
1,19
1,29
0,56
0,77
0,83
PMR pleine «
chef d’exploitation
»
Plafond PMR
672,46
€
841,45
€
0,87
1,08
0,56
0,70
Source :
CNAV, CCMSA et FSV
Cette proximité conduit déjà à concentrer, pour l’essentiel, les
niveaux de pension les plus faibles dans l’intervalle délimité par les
plafonds du minimum vieillesse pour une personne seule et pour un
couple. Cet intervalle constitue la zone la plus dense de la distribution des
pensions globales selon leur montant mensuel, telle qu’elle ressort de
l’échantillon inter
-régimes (EIR) des retraités.
Distribution des pensions globales (y compris minimum vieillesse) des
retraités de droits direct de 65 ans et plus résidant en France
375
0,0%
2,0%
4,0%
6,0%
8,0%
10,0%
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
2000
2200
2400
2600
2800
3000
3200
3400
3600
3800
>4000
minimum vieillesse
personne seule
minimum vieillesse couple
plafond du MICO
plafond PMR
Source :
DREES à partir
de l’EIR 200
8
375. Cette distribution, regroupant près de dix millions de retraités, inclut ainsi les
pensions et les allocations d’au plus 450
000 allocataires du
minimum vieillesse (ceux
de plus de 65 ans qui disposent d’une pension de droit direct d’un régime de base
français).
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Dans cette zone, chaque tranche de 25
€ de pension mensuelle en
plus ou en moins regroupe un effectif de près de 150 000 retraités de plus
de 65 ans. La mise en œ
uvre du plafonnement du MICO à partir de 2012
ainsi que l’achèvement du plan de revalorisation du minimum vieillesse,
dont les effets n’apparaissent pas encore sur la distribution ci
-dessus,
devraient encore accroître ce phénomène de concentration.
*
*
*
Au final, en dépit de la généralisation des minima de pensions, le
minimum vieillesse reste ainsi un dispositif absolument majeur pour la
couverture vieillesse des personnes les plus pauvres. Parce qu’il garantit
en dernier ressort le niveau de ressources des personnes âgées, le
minimum vieillesse couvrait en 2009 près des trois quarts des personnes
vivant sous le seuil de pauvreté (à 60 %). Alors même que le nombre de
ses allocataires a cessé de diminuer depuis cinq ans, plusieurs éléments
laissent envisager une sensible progression.
II - Une dépense qui pourrait rester dynamique
dans les années à venir
Plusieurs facteurs se conjuguent pour laisser présager une
poursuite de la progression de la dépense du minimum vieillesse au cours
des prochaines années. Celle-ci après avoir atteint son niveau le plus bas
en 2000 -soit 2,5
Md€
-, est en constante augmentation depuis cette date
pour atteindre 3,03
Md€ en 2011
376
. De fait les mécanismes de régulation
mis en œuvre ne peuvent avoir qu’une portée limitée
, alors même que le
FSV, dont le minimum vieillesse représente près de 15 % des dépenses,
enregistre chaque année depuis 2009 un déficit de plus de 3
Md€.
A
–
La nécessité d’une information plus active des
bénéficiaires potentiels
L’objectif primordial de lutte contre la
pauvreté des personnes
âgées qui est depuis toujours assigné au minimum vieillesse aurait dû
conduire à des analyses précises de la population qui y est éligible. Tel
n’est cependant pas le cas, alors même qu’il existe de sérieuses
376 . Ces évolutions co
ncernent l’ensemble de la dépense au titre du minimum
vieillesse, dont les allocations servies à l’étranger. Pour les seules allocations servies
en France, le niveau le plus bas de la dépense a plutôt été atteint en 2004.
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présomptions qu’une part
des retraités qui y auraient droit n’en fait pas la
demande en l’absence de dispositif d’information adapté.
1
–
Une méconnaissance de la population potentiellement
concernée
Une évaluation du nombre de personnes âgées qui, bien que
disposant de ressources inférieures au minimum vieillesse, ne seraient pas
effectivement prises en charge par ce dispositif, est un exercice délicat.
En effet, le non recours au minimum vieillesse par défaut d’information
ne peut pas être mis en évidence à partir des fichiers des pensionnés des
régimes de retraite de base.
Tout d’abord, au sein de chaque régime, ces fichiers ne permettent
même pas de connaître l’ensemble des pensions perçues notamment
celles des polypensionnés. Seul le répertoire géré par la CNAV dans le
cadre des « échanges inter-régime de retraite
» (EIRR) prévus par l’article
76 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (article
L. 161-1-6 du code de la sécurité sociale) rassemble tous les éléments de
pensions des régimes obligatoires de base ou complémentaires. Toutefois,
un travail de détection systématique, sur le stock des retraités, des
situations susceptibles, au regard des seules pensions, d’ouvrir droit à
l’ASPA, reste impraticable tant que le code de la sécurité sociale
n’autorise pas l’utilisation de l’EIRR à cette fin. En tout état de cause,
puisqu’ils ne concernent que les pensions personnelles des retraités, les
éléments que fournirait l’EIRR ne constitueraient que des présomptions à
confirmer, en dépit de la prédominance des pensions dans les ressources
totales des personnes de plus de 65 ans et celles des personnes isolées
dans cette même tranche d’âge.
Les mêmes limites s’appliquent à l’échantillon inter
-régime (EIR)
géré par la DREES, qui peut en revanche être utilisé à des fins
statistiques. Il regroupe en effet des pensionnés sans indications sur leur
situation matrimoniale et donc sans possibilité de consolider les pensions
au niveau d’un couple. Dès lors, les indications que cet échantillon fournit
quant à la distribution des pensions selon leur montant ne permettent pas
de cerner les cas potentiellement éligibles au minimum vieillesse.
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420
En ce qui concerne les personnes âgées non affiliées à un régime
de retraite français, seule l’action d’information et de prospection
qu’organis
e et coordonne le SASPA
377
, permet de détecter les
bénéficiaires potentiels. Par définition, le « vivier
» n’est pas quantifiable
au-
delà des titulaires de l’AAH qui arriveraient à l’âge de 60 ans sans
avoir acquis de droits à pensions. En revanche, au stade
de l’instruction
des demandes, le SASPA recense des abandons « après demande de
pièces justificatives
» de l’ordre de 1
000 par an. Les motifs
n’en sont
cependant pas recensés, ne permettant pas de distinguer les dossiers qui
auraient
pourtant
abouti
à
attribution
et
qui
correspondent
vraisemblablement à des renoncements pour cause de récupération sur
succession notamment.
Ainsi, à défaut de mener des campagnes de prospection
susceptibles d’engendrer de nouveaux flux d’attribution
, les différents
organisme
s et administrations n’ont aujourd’hui pas les moyens de
connaître le nombre de personnes qui rempliraient les conditions pour
bénéficier du minimum vieillesse mais n’en ont pas fait la demande.
2
–
Un plan de revalorisation qui n’a pas eu d’effet sur les
eff
ectifs d’allocataires
Le plan de revalorisation 2009-
2012 de l’ASPA, en faisant
progresser le plafond de ressources du minimum vieillesse au-delà de
l’indexation normale des pensions, aurait dû conduire normalement à
accroître, toutes choses égales par ailleurs, le nombre de bénéficiaires du
minimum vieillesse. Plus précisément, sur la base de la distribution des
pensions globales pour les retraités de 65 ans et plus issue de l’EIR 2008,
on peut estimer qu’au terme de la revalorisation du 1
er
avril 2010, près de
85 000 nouveaux allocataires auraient déjà pu être enregistrés au-delà du
flux tendanciel d’entrées. Les revalorisations de 2011 et 2012 pourraient
théoriquement induire près de 65 000 attributions supplémentaires.
Or, les effectifs des allocataires
de l’ASV et de l’ASPA réunis sont
revenus fin 2010 à un niveau quasiment stable par rapport à 2008
(+0,18 %) après avoir augmenté ponctuellement en 2009. Les premiers
éléments recueillis par le FSV sur les effectifs 2011 montrent même une
légère diminution du stock des allocataires gérés par la CNAV (-0,22 %).
Les flux d’entrée dans le dispositif, au moins pour la CNAV, ne marquent
pas non plus de rupture dans le sens d’un accroissement à partir de 2009.
377 . Le SASPA qui dépend de la caisse des dépôts et consignations gère les
allocataires qui n’ont acquis aucun droit dans les régimes de retraite français (70
000
bénéficiaires en 2011). Depuis 1999, un tiers des nouvelles attributions annuelles (qui
sont de l’ordre de 5
500) concernent des ressortissants étrangers.
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Flux annuels
d’attribution
par la CNAV
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Nombre d'attribution
d'ASV ou d'ASPA
37 605
37 068
40 828
42 283
40 411
35 582
Source :
CNAV données transmises au FSV
L’absence d’effet significatif du plan de revalorisation du
minimum vieillesse sur les effectifs d’allocataires suggère
alors qu’une
part importante des personnes que le plan ferait devenir éligibles, alors
qu’elles ont déjà liquidé leurs pensions et dépassé l’âge de 65 ans,
n’aurait pas spontanément présenté des demandes d’ASPA.
Face à cette situation, la mise en place de campagnes spécifiques
d’
information des publics qui seraient devenus potentiellement éligibles
au minimum vieillesse à la suite de sa revalorisation apparaîtrait
cohérente avec les objectifs poursuivis en matière de lutte contre la
pauvreté. De telles ca
mpagnes ont du reste été menées s’agissant du RSA
ou de la prime pour l’emploi.
3
–
Une information des nouveaux retraités qui n’est pas
apportée nécessairement au bon moment
Le caractère quérable des allocations du minimum vieillesse
justifie l’obligation d’
information que la loi
378
impose aux caisses de
retraite. Cette obligation se limite pourtant à donner aux assurés, au
moment de la liquidation de leur pension, les informations relatives aux
conditions d’octroi du minimum vieillesse et aux procédures de
récupération sur succession.
Or, près de 80 % des pensions de droits directs du régime général
et du régime des exploitants agricoles sont liquidés avant 65 ans. Ce
décalage temporel entre le moment de l’information et l’âge à partir
duquel une demande d’ASPA
peut être faite engendre un risque
systématique de non recours au minimum vieillesse par défaut
d’information délivrée au bon moment
. Du reste, seuls 40 % au maximum
des attributions d’ASPA
par la CNAV
en complément d’un droit propre
(hors attributions pour inaptitude) concernent des retraités ayant liquidé
leur pension avant l’âge d’obtention du taux plein. Cette différence peut
traduire soit le fait que les personnes qui anticipent un niveau de pension
inférieur au minimum vieillesse sont poussées à différer la liquidation de
leur pension jusqu’à 65 ans (pour bénéficier notamment du
« minimum
378. Article L. 815-6 du code de la sécurité sociale.
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contributif » au sein du régime général
), soit le fait qu’un retraité ayant
liquidé sa pension avant 65 ans oublie, arrivé à cet âge, qu’il peut
demander à bénéficie
r de l’ASPA.
Si une information complémentaire était délivrée par exemple dans
le cadre d’un «
rendez-vous des 65 ans » pour des publics ciblés en
fonction de leur niveau de pension, elle permettrait de limiter ces
situations. Si un tel dispositif était estimé trop coûteux à mettre en place,
les actions partenariales entre les caisses de retraite et les services sociaux
de proximité mériteraient d’être renforcées pour assurer l’information des
bénéficiaires potentiels.
B
–
Une dégradation du niveau des pensions liquidées
par les nouveaux bénéficiaires qui pourrait se prolonger
La dégradation récente des ressources moyennes des allocataires
traduit une évolution préoccupante.
1
–
Des bénéficiaires aux ressources, avant allocations, de plus en
plus faibles en moyenne
depuis une dizaine d’années.
La fin de la baisse des effectifs d’allocataires du minimum
vieillesse s’est accompagnée sur les dix dernières années d’une
augmentation du taux de service moyen
379
des allocations, traduisant un
recul progressif des ressources moyennes des bénéficiaires. Sur les seuls
allocataires résidant en France, le taux de service moyen a ainsi crû de
plus 10 % entre 2000 et 2007. Cette croissance correspond à un recul de
plus de 5 % en euros constants du niveau moyen des ressources des
allocataires, avant allocation.
379.
Il s’agit ici du montant par tête d’allocation servie (toutes allocations de 1
er
et 2
nd
niveau cumulées) corrigé des effets des revalorisations annuelles. Un taux de service
proche de 100 % correspond à des ressources quasi-nulles. Inversement un taux de
service proche de 0
% correspond à des ressources proches du plafond de l’ASPA.
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Evolution du montant par tête des allocations servies en France, avec et
sans correction de l’effet des revalorisations (base 100 en 2000)
80
90
100
110
120
130
140
150
160
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
dépense totale au titre du minimum viei lesse
dépense moyenne par bénéficiaire "physique"
dépense moyenne par bénéficiaire "physique" corrigée de l'e fet lié aux revalorisations de barème
effet du versement "exceptionnel"
de 200 € en mars 2008
Source :
données FSV et calculs Cour des comptes
Ce recul marque non seulement la progression de la proportion des
allocataires relevant du SASPA liée en particulier à la suppression à
compter de 1998 des conditions de nationalité pour l’octroi du minimum
vieillesse, mais aussi l’arrêt de la progression du niveau moyen des
pensions liquidées par les allocataires relevant du régime général. Ce
dernier phénomène est illustré par l’augmentation, jusqu’en 2007, parmi
les allocataires gérés par la CNAV et résidant en France, de la part des
bénéficiaires d’une allocation du 1
er
niveau, qui perçoivent donc des
pensions inférieures au niveau de l’AVTS, soit un tiers du plafond du
minimum vieillesse.
Part des allocataires de 1
er
niveau parmi les bénéficiaires du minimum
vieillesse gérés par la CNAV et résidant en France
En %
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
19,
19,5
20,0
20,6
21,2
21,6
22,0
22,5
22,7
Source :
FSV
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424
Ce phénomène peut s’expliquer soit par le mécanisme de
réversion
380
-
mais cette hypothèse s’accommode mal de la baisse
continue observée depuis 1998 sur la proportion des femmes parmi les
bénéfici
aires de l’ASV
-
, soit par l’arrivée à l’âge de 65 ans de générations
ayant connu des périodes significatives de chômage ou de RMI, soit enfin
par la prise en charge de retraités d’origine étrangère ayant acquis peu de
droits à pension en France
381
.
La tendance à la progression des taux de services se poursuit au-
delà de 2006 et jusqu’en 2010, même en neutralisant l’effet du plan de
revalorisation initié en 2009. Elle laisse penser que l’inflexion observée
au cours de la dernière décennie dans l’évolution des
dépenses pourrait
être durable. A titre d’exemple, le montant moyen des pensions de base
liquidées au régime général pour les nouveaux allocataires du minimum
vieillesse ayant eu des carrières incomplètes liquidées avant l’âge du taux
plein a baissé entre
2006 et 2010 puisqu’il est passé de 314
€ à 294
€
382
.
Fin 2010, on pouvait évaluer à moins de 400
€
par mois et par
personne les ressources moyennes des allocataires, avant allocations du
minimum vieillesse. Cette moyenne intégrait deux extrêmes : les
allocataires pensionnés du régime des exploitants agricoles, qui avaient
des ressources mensuelles proches de 600
€
par personne et les
allocataires du SASPA, qui auraient eu moins de 60
€
par mois sans
allocation.
2
–
Une augmentation prévisible des carrières incomplètes qui
pourrait alimenter une croissance du nombre de bénéficiaires.
Parmi les allocataires du minimum vieillesse résidant en France, la
DREES estime à seulement 13 % la part des personnes ayant eu des
carrières complètes au sens du nombre de trimestres validés.
Cette faible proportion résulte notamment de la mise en place de
minima de pensions dans les principaux régimes de base, dont l’octroi est
en général conditionné à une durée minimale d’assurance. Elle suggère
alors que de nouvelles mesures d’am
élioration des petites retraites, si
elles veulent respecter un principe contributif et donc favoriser les
380.
En effet, un allocataire de l’ASV dont les seules ressources consistaient en des
pensions su
périeures au niveau de l’AVTS mais inférieures à 75
% du niveau du
minimum vieillesse laisse à sa veuve, si elle ne bénéficie pas de pension de droit
propre par ailleurs, une pension de réversion alors inférieure au niveau de l’AVTS.
381.
Une fois l’attribut
ion du minimum vieillesse décidée, la CNAV ne conserve
toutefois pas les données correspondant à la nationalité des allocataires.
382. En euros constants 2006.
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425
carrières complètes, auront de moins en moins d’effets à la baisse sur le
nombre d’allocataires du minimum vieillesse.
Répartition des allocataires du minimum vieillesse selon leurs droits à
pensions
En %
Allocataires sans droit propre
21
–
Pension de droit dérivé uniquement
9
–
SASPA
12
Allocataires ayant acquis un droit propre
79
–
Carrière incomplète
66
–
Carrière complète
13
Ensemble des allocataires
100
Champ : allocataires ASV et ASPA résidant en France au 31/12/2008
Source :
EIR 2008, DREES
En revanche, la population, majoritaire parmi les allocataires, des
retraités à carrières incomplète, si elle compte aujourd’hui en grande
partie des titulaires de pensions liquidées pour inaptitude ou invalidité
383
,
est susceptible de voir ses effectifs croître avec l’arrivée aux âges de la
retraite de générations ayant connu des carrières plus marquées que les
précédentes par l’inactivité dans des conditions n’autorisant pas toujours
la validation de trimestres au titre du chômage.
Ce phénomène, dont on observe sans doute les prémices à travers
l’inflexion
constatée
récemment
dans
l’évolution
des
effectifs
d’allocataires et dans l’évolution des montants d’all
ocation, pourrait
contribuer à moyen terme à alimenter les effectifs et les dépenses du
minimum vieillesse
d’autant que les générations nombreuses nées après
-
guerre vont atteindre l’âge de 65 ans.
383. Ceux-ci représentaient 53 % des allocataires gérés par la CNAV fin 2010.
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426
C
–
Des mécanismes de régulation aux effets limités
Les levie
rs pour peser sur la dépense sont peu nombreux et d’un
effet modeste.
1
–
De nouvelles conditions d’attribution de l’ASPA qui ne
concernent que les nouveaux allocataires
a)
La possibilité de continuer à bénéficier des anciennes allocations
La nouvelle allocation unique mise en place à partir de 2007 ne
concernait fin 2010 encore qu’une minorité des bénéficiaires du minimum
vieillesse : à cette date, seules 143
000 personnes percevaient l’ASPA,
contre 434
000 personnes qui continuaient à percevoir l’ASV. Par
ailleurs, 395 000 personnes recevaient encore une allocation de 1
er
niveau. Cette situation résulte de la possibilité laissée aux allocataires de
l’ancien dispositif de conserver le bénéfice des anciennes allocations,
selon les conditions en vigueur avant 2004, y compris pour celles servies
à l’étranger.
Or, le maintien du service des anciennes allocations empêche la
généralisation rapide des nouvelles conditions de service associées à
l’ASPA s’agissant en particulier de la non
-« exportabilité », de
l’élargisse
ment de la notion de couple
384
et enfin de la récupération
systématique sur succession. Ces nouvelles conditions, plus restrictives,
expliquent probablement en retour l’absence de basculement de l’ancien
dispositif vers le nouveau dès lors que ce choix est laissé aux allocataires.
b)
Un maintien du service d’anciennes allocations à l’étranger au
fondement fragile
Si la réforme de simplification du minimum vieillesse s’est
cantonnée, pour l’essentiel, à la substitution d’une allocation unique à une
superposition de diverses allocations, plusieurs textes ultérieurs ont
apporté des modifications de substance au dispositif global. Ainsi, la
LFSS pour 2006 a-t-elle supprimé toute possibilité de nouvelle attribution
d’allocations du minimum vieillesse hors du sol fran
çais
385
tandis que les
384. La notion de couple
est étendue, pour l’ASPA, aux concubins et aux personnes
liées par un PACS, ce qui revient à durcir les conditions d’octroi par la prise en
compte des ressources du conjoint concubin ou pacsé.
385.
L’ordonnance de 2004 préservait, à côté de l’ASPA, la possibilité d’octroyer un
« complément de retraite
» au titre du minimum vieillesse exportable à l’étranger.
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427
conditions d’attribution de l’ASPA aux ressortissants étrangers hors de
l’Espace économique européen ont été progressivement durcies.
En dernier lieu, la loi de financement de la sécurité sociale pour
2011 a rendu applicable au service des anciennes allocations les règles de
suspension ou de suppression relatives à l’ASPA, notamment celles
concernant la condition de résidence. L’application littérale de cette
disposition aurait dû conduire à supprimer le service de toute allocation
de
l’ancien dispositif à des non
-résidents, en particulier pour la
majoration de l’ancien article L.
814-2.
Considérant qu’une telle
suppression n’était pas dans l’intention du législateur mais que la
formulation de la loi était ambigüe et pouvait autoriser plusieurs
interprétations, la direction de la sécurité sociale a circonscrit par un
simple courrier du 7 avril 2011 adressé à la CNAV le champ
d’application de cette disposition aux seules allocations qui faisaient déjà
l’objet d’une condition explicite de
résidence, permettant
a contrario
aux
majorations L. 814-
2 de continuer à être servies à l’étranger à près de
240 000 personnes.
La CNAV ne comptabilise pas de façon distincte les montants
correspondants mais, sur la base du taux moyen de service de cette
majoration, il est possible d’évaluer à plus de 450
M€ le coût de ces
allocations servies hors de France. Ce coût ne se réduit aujourd’hui qu’au
rythme des décès enregistrés parmi les bénéficiaires.
Il est ainsi indispensable de clarifier le fondement juridique du
service de ces allocations.
c)
Des dispositifs de contrôles qui gagneraient à être harmonisés
La liquidation et le service des allocations du minimum vieillesse
relèvent de chaque organisme versant les avantages vieillesse du
demandeur. Ceux-ci sont donc les caisses des régimes de retraite de base
français et à défaut le s
ervice de l’allocation spéciale aux personnes âgées
(SASPA, ex-
service de l’allocation spéciale vieillesse ou SASV)
386
. Ces
organismes sont dès lors chargés de mener les contrôles permettant de
vérifier les respects des conditions de ressources, de résidence et de non-
décès des allocataires.
La pluralité des organismes gestionnaires et
l’hétérogénéité de
leurs pratiques en termes de contrôle (entre contrôles de masse, contrôles
386. Pour les polypensionnés, un ordre de priorité est établi par décret : les caisses du
régime des exploitants agricoles pour ceux qui ont liquidé une pension à ce régime, à
défaut la CNAV pour ceux qui ont liquidé une pension au régime général, puis à
défaut la caisse du régime débiteur du principal avantage vieillesse.
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428
ciblés, sur pièces voire sur place) et de suivi du dispositif ne permettent
pas une vision consolidée de la qualité de la gestion du minimum
vieillesse. A titre d’exemple, le SASPA contrôle chaque année près de
30% du stock de ses allocataires, y compris sur leurs ressources à partir
de relevés de comptes, tandis que les contrôles de ressources menés par la
CNAV ne concernent que 15 % du stock de ses allocataires, aucun
contrôle systématique n’étant plus mené après quatre année de versement
d’allocations.
De façon générale, la mise au point coordonnée, par les principaux
organismes gestionnaires, de tableaux de bord relatifs à l’activité de
contrôle, à partir d’une nomenclature commune s’agissant des types de
contrôles effectués, en termes de moyens et de résultats, faciliterait
l’évaluation globale de la gestion du dispositif.
Au-
delà de l’évaluation, l’efficacité des contrôles devrait être
renforcée. Il conviendrait en particulier de réviser les modalités de
contrôle des ressources. L’absence de contrôle systéma
tique, à la CNAV
et à la CCMSA, au-delà des quatre premières années de versement,
fondée sur une circulaire de 1975, pourrait notamment être remise en
cause pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. Plus
généralement, un alignement des dispositifs de contrôle de chaque
organisme sur les meilleures pratiques devrait être recherché, en tirant
notamment les enseignements des contrôles ciblés expérimentés par la
CNAV en matière de ressources des allocataires.
2
–
Des ajustements envisageables mais à portée très limitée
a)
Une extension de la récupération sur succession
La récupération sur succession dont l’ASPA et l’ASV font l’objet
s’opère d’une part sur la base des allocations versées dans la limite d’un
montant mensuel de 509,77
€
387
et d’autre part sur la part de l’actif net
successoral excédant 39 000
€. Les montants ainsi récupérés ont atteint
138
M€ en 2010.
Le plafonnement de la récupération sur succession à hauteur du
montant de l’ancienne ASV prolonge en quelque sorte l’exonération dont
bénéficiait le 1er niveau. Or, l’ensemble des allocations, y compris de 1
er
niveau, relève pleinement de la solidarité nationale. A cet égard, il
semblerait donc plus juste de supprimer le plafonnement sur l’ASPA et de
généraliser la récupération aux allocations de 1
er
niveau en cours de
387. Montant au 1
er
avril 2012, soit le montant mensuel maximum de l’ancienne ASV.
Ce p
lafond ne joue donc que pour l’ASPA.
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429
service, y compris dans ce cas à l’étranger. Les effets financiers seraient
toutefois très modestes, le montant moyen des allocations ASPA servies
aujourd’hui étant inférieur au plafond actuel de ré
cupération et la mise en
œuvre pourrait être délicate dans le cas des allocataires vivant à
l’étranger.
En tout état de cause, une vigilance particulière est indispensable
en matière d’établissement et de recouvrement des créances enregistrées
au titre de la récupération sur succession. Le taux de recouvrement,
entendu comme le rapport entre le montant des créances recouvrées dans
l’année et le montant des créances ouvertes au cours de la même année,
diminue en effet régulièrement depuis 2007 sur les créances enregistrées
par la CNAV : il est passé de plus de 100 % en 2007 à 87 % en 2011.
b)
Une meilleure articulation à rechercher avec les mesures d’âge de
la réforme des retraites
Etant données les conditions actuelles d’octroi du «
minimum
contributif
» d’un côté et du minimum vieillesse de l’autre,
pour une
carrière effectuée au plus au SMIC, un assuré du régime général arrivant
à l’âge légal de départ en retraite avec moins de 110 trimestre validés ne
peut pas espérer porter sa pension au-delà du minimum vieillesse en
poursuivant son activité seulement jusqu’à l’âge d’annulation de la
décote, ou âge du taux plein.
Mais, en cas de liquidation immédiate de sa pension, cet assuré
verrait ses ressources réduites à moins de 300
€
par mois, soit le montant
des pensions alors liquidées. Dès lors, dans ce cas, les incitations à
poursuivre
jusqu’à l’âge du taux plein,
la recherche ou
l’exercice d’une
activité
sont essentiellement liées au fait que l’ASPA, sauf cas
d’inaptitude, ne peut pas être touché
e
avant l’âge de
65 ans.
Or, le recul progressif de l’âge d’annulation de la décote, de 65 à
67 ans, ne s’
est pas accompagné
d’un glissement identique de l’âge
d’ouverture du droit à l’ASPA. Celui
-ci reste en effet fixé à 65 ans. On
peut alors s’attendre, en tout état de cause, à ce que le recul de l’âge du
taux plein ne diffère pas les départs à la retraite des personnes arrivant à
l’âge légal avec moins de 110 trimestres validés au SMIC
. Pour éviter cet
effet et
tenir compte plus généralement de l’allongement de l’espéra
nce
de vie pour le bénéfice de l’ASPA, il
pourrait être envisagé de faire
reculer l’âge minimal de bénéfice du minimum vieillesse
de façon
parallèle à celui du « taux plein ».
Ce recul permettrait de limiter à la marge les flux annuels
d’attribution de l’A
SPA sur les prochaines années, pour les générations
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430
du « baby-boom
» passant l’âge de 65 ans. Il n’aurait un impact que pour
les allocataires qui ne liquident pas leur pension au titre de l’inaptitude.
______________________
CONCLUSION
________________________
Malgré l’achèvement de la montée en puis
sance depuis 60 ans des
régimes de retraite de base et complémentaire et la mise en place de
minima de pensions au sein de tous les principaux régimes de retraite, le
minimum vieillesse reste toujours un outil majeur de lutte contre la
pauvreté des personnes âgées.
Après des décennies de baisse, l’effectif des allocataires a atteint un
étiage autour de 600 000 personnes auxquelles est garanti un niveau de
ressources qui en dépit d’un plan de revalorisation récent reste très
modeste, au niveau du seuil de pauvreté.
La nécessité d’une information plus active pour permettre à ce
dispositif de solidarité de jouer plus complètement et plus efficacement son
rôle afin de limiter la pauvreté des personnes âgées, la baisse récente des
ressources moyennes des allocat
aires avant allocation, l’arrivée aux âges
de la retraite de générations nombreuses aux carrières professionnelles
plus discontinues que leurs devancières pourraient conduire pour les
années à venir à entretenir une dynamique d’entrée dans un dispositif
longtemps considéré comme voué à une extinction progressive.
La faiblesse des mécanismes de régulation d’une dépense
croissante, dès lors que pour des raisons aisément compréhensibles, le
choix du législateur a été de n’en durcir les conditions d’attributio
n que
pour les nouveaux entrants, ne rend que plus impérative la nécessité
absolue de se mettre en situation d’en assurer un financement clair et
soutenable.
Il importe en effet que soient apportées au FSV, au déséquilibre
duquel il contribue fortement, de
s ressources pérennes à hauteur d’un
déficit qui a atteint 3,45
Md€ en 2011 sauf à continuer à faire financer ce
dispositif de solidarité nationale par la dette sociale, c’est
- à-dire par les
générations à venir.
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431
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
52.
Assurer un financement clair et stable des dépenses de minimum
vieillesse par un relèvement des ressources affectées au FSV.
53.
Clarifier le fondement juridique du maintien du service de la
majoration L. 814-
2 à l’étranger.
54.
Harmoniser entre les différents organismes gestionnaires du
minimum vieillesse les modalités des contrôles et de leur suivi, en les
alignant sur les meilleures pratiques.
55.
Supprimer le plafonnement du montant des allocations ASPA
récupérable sur succession et généraliser la récupération sur succession
aux arrérages à venir de toutes les allocations de 1
er
niveau.
56.
Reculer l’âge minimum de droit commun pour le bénéfice de
l’ASPA au même rythme que l’âge d’annulation de la décote au régime
général.
57.
Mettre en œuvre un dispositif d’information adapté
:
-
en organisant à la CNAV et à la CCMSA un « rendez-vous des 65
ans
» pour renouveler l’information sur l’ASPA effectuée au moment
de la liquidation de la pension ou en renforçant les actions
partenariales entre les caisses de retraite et les services sociaux des
collectivités locales ;
-
en menant une campagne de prospection active auprès des retraités
qui seraient devenus éligibles au minimum vieillesse à l’issue du récent
plan de revalorisation.
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Chapitre XV
Les dispositifs fiscaux et sociaux propres
aux retraités
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L
ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
435
_____________________
PRESENTATION
_______________________
Les règles applicables en matière de prélèvements obligatoires
comme de transferts sociaux comportent de nombreuses dispositions
spécifiques en faveur des retraités
388
. Une égalisation des niveaux de vie
des actifs et des retraités
, aujourd’hui au nombre de 16,2 millions
389
,
constitue, de fait, un objectif ancien et constant des politiques publiques
dans notre pays.
La Cour a procédé à l’
examen approfondi
de certaines d’entre elles,
dans un contexte où la
contrainte s’exer
çant sur les comptes publics exige
une évaluation systématique des dépenses fiscales et des « niches » sociales
pour apprécier si elles apportent bien un soutien à ceux qui en ont le plus
besoin.
L’ensemble des disposi
tifs étudiés par la Cour représente un coût
total de près de 12
Md€ (I). Or, malgré la persistance de situations
individuelles
préoccupantes
390
,
la
population
retraitée
s’avère
aujourd’hui, sous l’angle
financier, dans une situation globale en moyenne
plus favorable que celle des actifs (II), ce qui est de nature à justifier, dans
un souci d’équité et d’efficacité de la dépense publique, de revoir
graduellement certains d’entre eux, lorsqu’ils n’apparaissent plus aussi
pertinents, de manière à permettre par redéploiement le financement des
efforts de solidarité qu’appell
ent de nouvelles problématiques sociales, en
particulier l’amélioration de la prise en charge de la dépendance ou le
renforcement des actions d’insertion des jeunes
(III).
I -
Des dispositifs diversifiés, d’un coût de près de
12
Md€
Ont été analysées certaines règles en matière de prélèvements
fiscaux (impôt sur le revenu et fiscalité locale) et sociaux (CSG,
cotisations sociales).
388.
Un certain nombre des dispositifs examinés se fonde sur un critère d’âge et peut
inclure de ce fait des personnes âgées non retraitées.
389. DREES, Les retraités et les retraites en 2010, Etudes et résultats, février 2012.
390 . Cf. chapitre précédent « La couverture vieillesse des personnes les plus
pauvres ».
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C
OUR DES COMPTES
A
–
Des avantages fiscaux importants
1
–
L’impôt sur le revenu
Les dépenses fiscales portant sur l’impôt
sur le revenu (IR) par
définition ne concernent que les contribuables imposables, ce qui n’est
pas le cas d’un grand nombre de retraités aux revenus modestes. A
l’inverse elles
apportent un soutien croissant avec le niveau de revenu et
profitent donc davantage aux retraités aisés.
a)
L’abattement de 10
% sur les pensions
Cet abattement est plafonné à 3 660
€
(par foyer fiscal)
391
, ce qui
correspond à un montant
mensuel de pension d’environ 3
000
€ net, la
moitié pour un couple de retraités mariés ou pacsés. Il bénéficie à environ
7 millions de foyers fiscaux
392
. Son coût qui correspond à de moindres
recettes fiscales était estimé à 2,8
Md€ pour 2010 par le rapport du comité
d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales
393
et est évalué à
3
Md€ pour 2012 dans le projet de loi de finances pour 2012.
Le parallèle avec l’abattement de 10
% dont bénéficient les salariés
au titre de leurs frais professionnels ne peut justifier cette disposition
puisque les retraités n’ont plus à supporter de
dépenses de ce type. Au
total, la moitié de la dépense fiscale correspondante va aux 20 % des
foyers les plus aisés et environ 30 % au décile supérieur de revenus, au
sens du revenu fiscal de référence (RFR), pour un avantage moyen de
670
€
.
Le RFR : une mesure imparfaite des ressources des retraités
Ce concept fiscal défini à l’article 1417 du code général des impôts
et
remontant à la loi de finances pour 1991, permet d’appréhender un
revenu disponible par foyer plus proche de la réalité que le revenu
imposable. Il rassemble l’ensemble des revenus catégoriels, qu’ils soient
taxés au barème progressif (le revenu net imposable à l’IR) ou de manière
proportionnelle : revenus soumis aux prélèvements libératoires ainsi que
391. Ce plafond est complété par un montant minimum de déduction de 374
€
.
392. Imposables ou rendus non-imposables grâce à cet abattement.
393. Conformément à la loi de programmation des finances publiques du 9 février
2009, ce comité a eu pour mission d’évaluer le coût et l’efficacité de l’ensemble des
niches fiscales et sociales. Son rapport déposé en 2011 a passé en revue 470 dépenses
fiscales et 68 niches sociales.
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L
ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
437
les plus-values mobilières et immobilières taxables
394
. Il réintègre aussi
certains abattements -de 40 % sur les dividendes, sur les cessions de
valeurs mobilières etc.-, les revenus exonérés en vertu de conventions
internationales et certaines charges déductibles du revenu global, comme
les
cotisations d’épargne retraite (plan d’épargne retraite populaire
-PERP- et assimilés).
Toutefois,
s’agissant
de catégories de revenus que peuvent
percevoir les retraités, le RFR ne réintègre pas les composantes suivantes :
l’abattement de
10 % sur les pensions, celui en faveur des personnes âgées
de condition modeste, les majorations de pensions pour les parents de 3
enfants,
les
revenus
de
l’épargne
défiscalisée,
sauf
exceptions,
l’abattement annuel applicable aux produits tirés de certain
s bons de
capitalisation et contrats d’assurance
-vie, les abattements sur les plus-
values immobilières en fonction de la durée de détention, la plupart des
prestations sociales, les plus-values sur cession de la résidence principale,
les plus-values professionnelles en cas de départ en retraite. Dans ces
conditions, le RFR qui sert de critère à l’exonération ou à l’imposition à
taux réduit des retraités (au titre de la CSG mais aussi de la taxe
d’habitation) peut s’écarter sensiblement du revenu réel.
Cet
abattement
entraîne,
selon
la
DREES,
une
charge
complémentaire de 1,6
Md€
pour les finances publiques au titre de toute
une série d’autres avantages fiscaux ou sociaux (hors
effet sur la fiscalité
locale), dont le bénéfice et le calcul dépendent du caractère imposable ou
non des personnes concernées ou du
revenu fiscal de référence. C’est le
cas de la CSG et de la CRDS (cf. infra),
au bénéfice d’1,6 million de
ménages pour un coût total de 0,9
Md€,
de certaines prestations pouvant
bénéficier aux personnes âgées comme les allocations de logement
(800 000 ménages concernés pour un coût de 0,5
Md€) et de l’
allocation
pour les adultes handicapés (200 000 personnes et 0,2
Md€
). Ces
avantages annexes ne procurent que des gains faibles ou nuls pour la
moitié des re
venus les plus élevés, qui n’y sont pas éligibles,
mais ont un
effet anti-redistributif dans le bas de la hiérarchie des revenus (qui en
bénéficient), puisque calculés en partie en pourcentage de ceux-ci.
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances
publiques de juin 2011, la Cour a ainsi estimé que «
l’abattement de 10
%
sur les pensions, qui n’a guère de justifications et réduit la progressivité
de l’impôt sur le revenu des re
traités, devrait être réexaminé ».
394. Les plus-values immobilières taxables, en principe comprises dans le RFR, en
étaient exclues en pratique, mais la LFI pour 2012, qui a créé une contribution
exceptionnelle sur les hauts revenus assise sur le RFR, prévoit une obligation
déclarative spécifique à cet effet.
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C
OUR DES COMPTES
b)
Le non assujettissement des majorations de pension pour enfants
De même, la Cour a recommandé la suppression de l’exonération
des majorations de pension des personnes ayant eu ou élevé au moins
trois enfants (cf. infra), qui représente une charge de 800
M€
. Elle a
considéré que « ces mesures complèteraient la réforme des retraites qui
n’a pas demandé d’efforts aux retraités actuels
»
395
. Par ailleurs, cet
avantage est croissant avec le montant de la pension. Divers effets induits
sur les taxes foncière et d’habitation notamment vi
ennent en majorer le
coût pour les finances publiques.
c)
L’abattement accordé aux personnes âgées modestes
Les contribuables âgés de plus de 65 ans
bénéficient d’un
abattement sur leur revenu net global de 2 312
€
en 2011 si ce dernier ne
dépasse pas 14 220
€
et de 1 156
€
s’il se situe entre 14
220
€
et 22 930
€
.
Il est multiplié par deux dans le cas des foyers fiscaux dont les deux
membres satisfont aux conditions requises. Contrairement au niveau de
l’abatteme
nt, la condition de revenu est indépendante de la composition
du foyer, ce qui n’est guère logique.
L’introduction d’une condition de ressource permet d’éviter
certains effets anti-
redistributifs. Toutefois, elle n’empêche pas, d’une
part, l’existence d’un
e inégalité entre personnes aux revenus comparables
mais d’âges différents, c’est
-à-
dire entre retraités modestes d’une part,
actifs modestes d’autre part, ni le fait que les retraités les plus défavorisés
n’en profitent pas puisqu’ils auraient été non
-imposables de toute façon
(cf. supra). Ce dispositif bénéficie à 1,5 million de foyers fiscaux pour un
coût de 260
M€.
395. Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011.
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L
ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
439
d)
Récapitulation
Au total, le coût des dépenses fiscales au titre de l’IR atteindrait
environ 4,5
Md€
396
.
Règles particulières
au titre de l’IR
et avantages annexes : récapitulation
pour 2010
Dépense fiscale
Coût
(en
M€)
Nombre de foyers
fiscaux bénéficiaires
(en millions)
Abattement de 10 % sur les pensions
2 780
7,2
Avantages annexes à l’abattement de
10 % (hors CSG)
700
0,8
397
Exonération des majorations de
pension pour enfants
800
Abattement en faveur des personnes
âgées de condition modeste
260
1,5
Total
4 540
Source :
IGF, DGFIP
2
–
Les impôts locaux
Les contribuables dont le revenu fiscal de référence au titre de
2010 est inférieur ou égal à 835,33
€
par mois (1 281,33
€
pour un
couple) sont exonérés de taxe d’habitation
(TH)
à condition d’avoir 6
0
ans ou plus, ou d’être veuf(v
e) et
de ne pas être passibles de l’ISF. Sous
les mêmes conditions de ressources
et d’âge
, ils
bénéficient d’un
dégrèvement
voire d’une exonération totale de taxe sur le foncier bâti.
A partir du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales, le
coût net afférent peut être estimé, en 2010, à 400
M€,
une fois pris en
compte le fait qu’une partie des personnes concernées
seraient de toute
façon éligibles au plafonnement de la TH en fonction du RFR. Ce dernier
a également pour conséquence qu’un tel
avantage fiscal, concentré sur les
quatre premiers déciles de revenus,
l’est
plus particulièrement sur le
troisième et non le premier. De fait, la TH qui aurait été due dépend de la
396.
D’autres dépenses fiscales bénéficient aux
personnes âgées sans avoir pour
principal objectif l’amélioration de leurs revenus, comme les exonérations d’IR sur les
plus-values professionnelles et les abattements sur les plus-values de cession des PME
à l’occasion du départ en retraite du dirigeant
(388
M€) ou ceux qui s’appliquent à
certaines indemnités de mise en retraite (sous plafond) ou de départ en retraite dans le
cadre d’un plan de sauvegarde (230
M€
).
397. Ici en nombre de ménages et pour les seules allocations de logement.
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440
C
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valeur cadastrale du logement et donc du revenu, même si la corrélation
entre les deux est imparfaite. L
’effet redistributif n’est
donc que
partiellement atteint.
A cet avantage au titre de la taxe d’
habitation peut être ajouté le
coût du dégrèvement (à partir de 65 ans) et de l’exonération (à partir de
75 ans) de la taxe sur le foncier bâti, estimé à 290
M€ en 2009, ainsi que
l’exonération de la contribution à l’audiovisuel public, liée à la TH (coût
79
M€ en 2009).
Au total, ces avantages au titre de la fiscalité locale auraient un
coût
net de l’ordre de 750
M€.
B
–
Des mesures coûteuses en matière de prélèvements
sociaux
1
–
La contribution sociale généralisée
Le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les
pensions
398
est en principe de 6,6 %
399
, contre 7,5 % pour les rémunéra-
tions des actifs, mais les retraités disposant de ressources faibles ou
modestes bénéficient d’une exonération ou sont assujettis à un taux
inférieur à la suite du basculement intervenu en 1998 des cotisations
d’assurance maladie sur la CSG.
Le transfert des cotisations d’assurance maladie des retraités sur la
CSG
En 1998, la CSG sur les salaires est passée de 3,4 % à 7,5 % en
compensation d’une baisse des cotisations salarial
es de 4,75 points.
Parallèlement, un certain nombre de dispositions ont été prises pour limiter
l’effet d’une augmentation de
la CSG sur les retraités,
qui n’ont par
définition pu profiter de l’allègement concomitant de cotisations salariales.
Ainsi, en pl
us de la suppression d’une cotisation d’assurance
-maladie sur
leurs pensions de base (au taux de 2,8 %), de sa baisse de 3,8 % à 1 % sur
les pensions complémentaires et de la fixation du taux de la CSG à un taux
inférieur à celui des salariés, à hauteur alors de 6,2 % (soit +2,8 points),
les retraités ont bénéficié de l’instauration de mesures d’exonération de
CSG ou de réduction de son taux en fonction du niveau de leurs revenus. Il
398. Par ailleurs les
retraités sont redevables d’une CRDS sur leurs pensions au taux
de 0,5
% (comme l’ensemble des salariés) ou bénéficient d’une exonération dans les
mêmes conditions que pour la CSG (cf. infra).
399.
Depuis la loi d’août 2004 relative à l’assurance
-maladie, q
ui l’a relevé de 6,2
% à
6,6
% parallèlement à la réduction de l’abattement pour frais professionnels sur
l’assiette salariale de la CSG.
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441
aurait pu, en effet, résulter une perte de pouvoir d’achat de cette hausse
et
de cette baisse pourtant symétriques. Elles ne se compensent pas
parfaitement en raison de différences d’assiettes entre la CSG et cette
cotisation maladie. Contrairement à celle de la CSG, l’assiette de la
cotisation excluait les majorations pour enfants et, dans le cas des artisans,
des
commerçants
et
des
professions
libérales,
les
pensions
complémentaires. Elle était par ailleurs limitée au plafond de la sécurité
sociale pour les retraités de la fonction publique. Au final ce transfert a été
neutre pour sept retraités sur dix et pour neuf sur dix, en-
deçà d’un
e
pension mensuelle de 609
€
de l’époque
400
.
Ainsi, les retraités résidant en métropole dont le revenu fiscal de
référence (RFR) ne dépassait pas, en 2010, 10 024
€
401
pour une part de
quotient familial
402
sont exonérés de CSG et de CRDS sur les pensions
versées en 2012. Au-dessus de ce seuil mais en cas de non-imposition à
l’IR, s’appliqu
ent un taux réduit de CSG (3,8 %) ainsi que la CRDS
(0,5 %). La non-
imposition s’applique lorsque le montant total des
pensions est inférieur à 13 273
€
par an pour une personne seule ne
percevant pas d’
autres revenus en 2010.
Le
tableau
suivant
synthétise
ces
différents
régimes
d’assujettissement.
Taux de CSG applicables aux retraités
En %
RFR < seuil
d’exonération
- RFR> seuil
d’exonération
- contribuable
non-imposé *
Contribuable
imposé
Pour mémoire
:
taux applicables
aux salariés
CSG déductible
0
3,8
4,2
5,1
CSG non
déductible
0
0
2,4
2,4
CSG totale
0
3,8
6,6
7,5
*
pour les pensions versées en 2012, le taux de CSG de 3,8% s’applique lorsque la
cotisation d’IR due en 2011 au titre des revenus de
l’année 2010 est inférieur au seuil
de mise en recouvrement de l’IR, soit
61
€.
Source :
DSS
Ce dispositif fait qu’u
n retraité déclarant pour tout revenu 10 024
€
de pension après abattement de 10 % sur les pensions, soit 11 138
€ avant
abattement, ne
s’acquitte d’aucune
CSG (ni CRDS). Un salarié touchant
400. Etudes et résultats n° 43, « Les retraites en 1998 », décembre 1999.
401. 11 861
€ dans les DOM hors Guyane
.
402. +2 676
€ par demi
-part supplémentaire.
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C
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une rémunération nette équivalente (11 138
€) doit pour sa part régler
plus de 1 000
€ de CSG et de CRDS
403
.
Ce barème progressif se traduit par certaines incohérences entre
retraités eux-mêmes puisque, contrairemen
t à celui de l’IR, il ne définit
pas des tranches de prélèvement à taux marginal mais au premier euro,
d’où de très sensibles effets de seuil. Ainsi un retraité ayant touché une
pension de 11 139
€ avant abattement, constituant tout son revenu, devra
-
t-il
s’acquitter de 479
€ sous forme de CSG (au taux de 3,8
%) et de
CRDS (0,5
%), alors qu’il aurait été exonéré si sa retraite n’avait atteint
que 11
138 €. Il s’ensuit un revenu net de prélèvements sociaux inférieur,
pour un revenu brut supérieur.
L
’introduction d’une forme de progressivité conduit à mêler deux
approches, celle de la CSG, prélèvement individualisé à taux fixe
s’appliquant à une assiette large
et
celle de l’IR, prélèvement progressif et
familialisé s’appliquant à un revenu net. Cette double lo
gique conduit à
des différences de traitement peu justifiables. Par exemple, un pensionné
peut être exonéré de CSG parce que son foyer comprend une ou plusieurs
autre(s) personne(s) à charge, ce qui réduit son RFR ou son revenu
imposable par part fiscale,
mais tel ne sera pas le cas d’un(e) salarié(e)
rémunéré(e) au SMIC, père ou mère de famille nombreuse.
Le critère de l’impôt dû, qui conditionne l’application du taux de
6,6 %, fait dépendre celle-
ci des règles de l’IR, sans la correction
minimale qu’appo
rte le RFR. Les modifications fréquentes du barème de
cet impôt, les dépenses fiscales et les stratégies d’optimisation des
ménages pèsent donc indirectement sur les recettes de CSG.
L’échantillon
inter-régimes de retraites de 2008 montre que 49 %
des retraités seulement sont assujettis à la CSG au taux de 6,6 %, 12 % au
taux réduit et 32 %
(incluant les bénéficiaires de l’ASPA)
en sont
exonérés. La DREES a évalué à environ 6
Md€
le gain potentiel pour les
finances sociales d’un alignement sur le taux de la
CSG en vigueur pour
les salaires (7,5 %) du taux applicable à tous les retraités (en incluant
ceux qui touchent de faibles revenus), dont 1,2
Md€ au titre des pensions
actuellement au taux de 6,6 %, 1,2
Md€ au titre de celles au
taux de 3,8 %
et 3,6
Md€ a
u titre de celles qui sont exonérées
404
.
403 .
Ces prélèvements s’appliquant à 98,25
% du salaire brut (donc y compris
cotisations salariales, qui représentent approximativement 15 % de ce dernier).
404. Ces travaux ont été menés dans le cadre de la réflexion sur la prise en charge de
la dépendance en 2011.
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443
La Cour indiquait déjà dans le RALFSS 2010
405
qu’un taux de
6,6% de CSG en matière de pension ne lui paraissait pas justifié d’un
point de vue économique ou social, en tout cas pour les retraites les plus
élevées.
2
–
Les cotisations
d’assurance
-maladie
Comme indiqué, les pensions servies par les régimes de base sont
exonérées de cotisations sociales d’assurance
-maladie depuis 1998. Seule
subsiste une cotisation
d’assurance maladie
au taux de 1 % sur les
avantages complémentaires ou supplémentaires de retraite (déduction
faite des majorations pour enfant), financés en tout ou partie par une
contribution de l'employeur. Cependant, les pensions versées par les
régimes de retraite des travailleurs indépendants, agricoles comme non-
agricoles sont exonérées de cette cotisation maladie. Il en va de même des
retraites servies par la CNRACL et par la majorité des régimes spéciaux,
notamment celui des fonctionnaires de l’Etat,
pour lesquelles la pension
n’est pas composée de deux étag
es, retraite de base et retraite
complémentaire. Sont aussi exonérés les titulaires de certaines allocations
non-contributives ou qui appartiennent à des foyers fiscaux eux-mêmes
exonérés d’impôt sur le revenu. Au total, cette cotisation d’assurance
-
maladie a seulement rapporté 676
M€ en 2010
.
3
–
Les exonérations de cotisations patronales pour les
particuliers employeurs âgés
Les particuliers employeurs
de plus de 70 ans bénéficient d’une
exonération de cotisations patronales
406
, sous un plafond de 65 SMIC
horaires par mois (soit u
ne économie maximale de cotisations de l’ordre
de 245
€ par mois) et ce
quel que soit leur revenu. Selon la direction de la
sécurité sociale, le montant de ces exonérations
s’élève à 380 M€ pour
585 000 bénéficiaires.
*
*
*
Au total, les dépenses fiscales et les niches sociales ainsi
examinées représentent un coût cumulé de près de 12
Md€, soit 0,6
% du
PIB.
405. RALFFS 2010, chapitre IV- Le suivi des niches sociales, p.101.
406. Hors AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles).
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C
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Récapitulation des dispositifs étudiés
En
Md€
Dispositif
Coût
Dépenses fiscales
5,3
Dont a
vantages au titre de l’impôt sur le revenu
4,5
Dont avantages au titre de la fiscalité locale
0,8
Niches sociales
6,4
dont avantages en matière de CSG (taux plein, taux réduit,
exonération)
6
dont exonération de cotisations sociales pour les particuliers
employeurs
0,4
Total
407
11,7
Source :
calculs Cour des comptes
Ces dispositifs se cumulent avec de nombreux autres modes
d’intervention publique destinés à apporter un soutien aux revenus des
retraités et personnes âgées. Certains sont financés par les collectivités
territoriales, notamment sous forme de gratuité ou de réduction de tarifs
en matière de transports urbains ou d’accès à certains équipements de
proximité, mais aussi traditionnellement par le biais de prestations
d’action sociale facultative. D’autres résultent de transferts sociaux non
contributifs, pris en charge par la solidarité nationale ou professionnelle,
au premier rang desquels les avantages familiaux de retraite.
Les avantages familiaux de retraite
Sous
cette
appellation
sont
regroupés
principalement
trois
dispositifs qui, tout en participant de la politique familiale, ont été
également conçus comme des mécanismes de soutien financier à certaines
catégories de retraités.
Les majorations de pension pour les parents de trois enfants et
plus
bénéficient aux femmes et aux hommes ayant eu ou élevé au moins trois
enfants pendant neuf ans avant leur 16
ème
anniversaire : 10 % dans
l’ensemble des régimes de base et complémentaires auxquels s’ajoutent
pour la fonction publique et les régimes spéciaux une majoration de 5 %
par enfant au-delà du troisième
408
. Ces majorations qui profitent
407.
Ce total ne tient pas compte des effets induits sur d’autres dispositifs qui p
euvent
alourdir ou diminuer leur poids sur les finances publiques.
408.
Il est à noter, dans le cas de l’AGIRC et de l’ARRCO, qu’un accord entre
partenaires sociaux de mars 2011 les a soumises à un plafond de 1 000
€ pour une
carrière complète, par régime et par an et ce pour les nouveaux points acquis.
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445
davantage aux hommes qu’aux femmes sont à la fois proportionnelles au
niveau des pensions et défiscalisées (cf. supra), ce qui fait que pour le
dernier décile des pensions, elles représentent 4 % de la retraite (soit près
de 800
€ en moyenne
) contre moins de 2 % pour les premiers (soit à peine
quelques euros)
, selon une étude de l’
Ecole
d’économie de Paris
409
. Elle
peuvent aussi excéder, de manière paradoxale, le montant des prestations
familiales versées pendant l’éducation effecti
ve des enfants
410
.
La majoration de durée d’assurance (MDA) permet d’attribuer des
trimestres d’assurance supplémentaires en fonction des enfants et
l’assurance
-vieillesse pour les parents au foyer (AVPF) autorise à
comptabiliser les périodes passées au foyer pour élever des enfants (ou de
réduction de son activité professionnelle à cette fin) comme des périodes
d’assurance dans le calcul des pensions.
Selon le conseil d’orientation des retraites, l’ensemble des droits
familiaux à retraite, qui est très dynamique, représentait en 2006 un coût
estimé à environ 15
Md€ par an (6,4
Md€ au titre des majorations pour
enfants, 6,0
Md€ pour la MDA 1,1
Md€ pour l’AVPF et 1,7
Md€ pour
d’autre
s droits liés aux charges de famille).
Ces droits familiaux jouent un rôle important dans la réduction des
inégalités entre hommes et femmes ainsi qu’entre femmes (dans la mesure
où ils ont un effet redistributif sensible au profit des petites pensions
féminines) mais ils ont aussi un effet sur les comportements, en conduisant
une p
artie des intéressé(e)s à anticiper leur départ en retraite. L’Ecole
d’économie de Paris
a ainsi évalué dans son étude précitée le coût
« économique » de la majoration de pension pour enfants, de la MDA et
de l’AVPF, pour le seul régime général (soit les 2
/3 du coût des avantages
familiaux), à 6
Md€ actualisés pour une génération (en l’occurrence née en
1939), soit autant que le montant des allocations familiales versées à celle-
ci.
Les comparaisons internationales mettent en valeur l’importance
du soutien multiforme ainsi apporté aux personnes retraitées.
409. « Politiques familiales et droits familiaux de retraite »,
Ecole d’économie de
Paris, juin 2008.
410. Ainsi un cadre supérieur du secteur public ou privé ayant trois enfants à charge
ne percevra que des allocations familiales non soumises à condition de ressources, soit
environ 3 478
€ par an en 2012. Parallèlement, un salarié de ce niveau partant en
retraite la même année, s’il touche par exemple une pension de 4
600
€ mensuels,
recevra un supplément de ret
raite défiscalisé de l’ordre de 5
500
€ par an.
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446
C
OUR DES COMPTES
Comparaisons internationales
Chez nos voisins européens, les retraités et personnes âgées
bénéficient assez souvent d’un traitement privilégié au titre de l’IR.
Toutefois, ils apparaissent moins importan
ts qu’en France et/ou réservés
aux seuls retraités les plus modestes. Selon d
es estimations de l’OCDE
,
déjà anciennes et fondées sur des cas types
411
, il peut arriver que les
retraités soient avantagés à revenus identiques, quand ces derniers restent
faibles, mais plus lourdement imposés quand ils deviennent élevés
(Suède). Il existe des cas de surtaxation des retraités quel que soit le
niveau des revenus (Italie,
Finlande), ce qui s’explique par l’abattement
pour frais professionnels, réservé aux salariés.
S’agissant des prélèvement sociaux, les pensions sont souvent
exonérées
412
, mais il faut tenir compte du fait que la couverture maladie
peut y être essentiellement financée par des primes, dans le cadre
d’assurances privées, ce qui constitue une formule peu
avantageuse pour
des personnes âgées regardées comme de « mauvais » risques. Elles
peuvent également l’être par l’impôt (Royaume
-Uni, Suède, Danemark,
Espagne, Italie…) et, dans ce cas, les retraités ne bénéficient donc d’un
avantage qu’au titre d’éventuel
les dépenses fiscales qui leur seraient
spécifiques. Ces dernières sont souvent plus limitées ou soumises à des
conditions de revenus plus exigeantes qu’en France.
Les comparaisons internationales tendent aussi à faire ressortir
l’importance des dispositif
s français en matière de droits familiaux de
retraite. Comme le conclut le COR
413
au terme d’une analyse por
tant plus
particulièrement sur six pays
414
, dans ceux où ont été mis en place de tels
avantages, soit un seul est développé par régime de retraite, soit les mères
n’ont
accès qu’à un seul à la fois
-à la différence de la France, où plusieurs
dispositifs peuvent se superposer.
Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires « prélèvements
obligatoires sur les ménages, progressivité et effets redistributifs », de
mai 2011, a tenté de faire une synthèse des différences de traitement qui
existent selon la nature des revenus (salaires, pensions, revenus
financiers…). Il s’est intéressé aux
prélèvements tant fiscaux que sociaux
à caractère non-contributif,
c’est
-à-dire ne créant pas de droits
415
, mais
411.
« Financial resources and retirement in nine OECD countries : the role of the
tax system »,
OCDE, 2003.
412.
Il peut cependant arriver qu’elles soient soumises à l’équivalent de cotisations
salariales, voire, plus rarement, patronales comme salariales (Pays-Bas).
413. « Retraites, droits familiaux et conjugaux », 6
ème
rapport du COR, décembre
2008.
414. Etats-Unis, Allemagne, Italie, Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas.
415. En y incluant en particulier les avantages familiaux de retraite et les cotisations
patronales finançant des droits quasi-universels (assurance-maladie, allocations
familiales) qui pèsent indirectement sur le niveau des salaires.
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ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
447
aussi aux prestations sociales reçues, là encore quand elles ont un
caractère non-
contributif (c’est
-à-dire quand elles ne dépendent pas de
cotisations antérieures), en les considérant en quelque sorte comme des
« impôts négatifs » et en calculant ainsi des taux de prélèvement net
que
retrace le graphique suivant.
Taux moyen de prélèvement net suivant le type de revenu
Cas d’une personne seule
Hypothèses
: les ménages ne perçoivent qu’un seul type de revenu et
le retraité a plus
de 65 ans. Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Source :
Conseil des prélèvements obligatoires « Prélèvements obligatoires sur les
ménages, progressivité et effets redistributif », mai 2011, p. 210.
Si, d
ans le bas de l’échelle,
la différence de taux de prélèvement
net entre pensions et salaires reste ténue du fait des allègements de
cotisations sociales (maladie et famille), de la prime pour l’emploi
et du
RSA « activité », elle devient substantielle à partir de 25 000
€ et se
maintient au-
delà. Une telle situation n’est pas sans poser une question
d’équité par rapport au reste de la population.
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II - Une situation devenue en moyenne globalement
meilleure que celle du reste de la population
Différents indicateurs font apparaître qu’en
dépit du maintien de
cas individuels très délicats
416
, la situation de la population retraitée s’est
continûment améliorée jusqu’à rejoindre sinon dépasser celle des actifs.
A
–
Une amélioration principalement liée à la montée
en charge des régimes de retraite
J
usqu’aux années 1970,
la situation financière des retraités a
constitué une question sociale d’importance majeure. Dans un premier
temps, les systèmes de retraite mis en place après-
guerre n’ont, en effet,
pas offert une protection efficace contre le risque de pauvreté. Cette
situation a justifié la création du « minimum vieillesse » en 1956, dont
bénéficiaient initialement plus de 2,5 millions de personnes, soit près la
moitié des retraités de l’époque. En 1970, le niveau de vie des retraités
était encore inférieur de plus de 20 % à celui des actifs
417
.
A partir des années 1970, leur position
relative s’est grandement
améliorée, le ratio « niveau de vie des retraités/niveau de vie des actifs »
augmentant d’environ 20 points jusqu’au milieu des années 90.
La
prestation moyenne versée par le régime général a de fait été multipliée
par 3,8 (+280 %) en monnaie constante entre 1960 et 1998, tandis que le
salaire moyen des cotisants ne faisait qu’un peu plus que doubler
(+120 %)
418
.
Ce rattrapage a été particulièreme
nt net jusqu’au début des années
1980, en raison
de l’arrivée progressive à maturité des régimes de base et
d’un taux de revalorisation
élevé des pensions en général et du
« minimum vieillesse » en particulier. Le changement de certaines règles,
rendues plus généreuses par la loi Boulin de 1971 (en matière de taux de
remplacement et de calcul du salaire de référence) et la généralisation des
régimes complémentaires, devenus obligatoires pour les salariés du
secteur privé en 1972 ont aussi fortement participé à cette amélioration.
L
’effet classique de «
noria » contribue toujours à la poursuite de
ce mouvement. Les nouvelles générations de retraités qui remplacent
416. Cf. chapitre précédent.
417. Source enquête Budget de famille 1970,
d’après Fouquet et Godelinais, 1973.
418. 1
er
rapport du COR (décembre 2001) : « Retraites : renouveler le contrat social
entre générations ».
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ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
449
celles qui disparaissent ont accumulé des droits à pension plus élevés.
Ainsi, les primo-liquidants de 2010 ont perçu un montant moyen de
pension de droit direct de base et complémentaire, égal à 1 350
€
419
et
supérieur de 11 %
à celui de l’ensemble des retraités, de
1 216
€
. De la
sorte, les pensions moyennes continuent d’augmenter plus vite que
l’inflation et le taux de revalorisation annuelle légale. Ce montant moyen
n’atteignait que 1
029
€
en 2004, ce qui correspond à une augmentation
de 8
% de son pouvoir d’achat depuis lors.
B
–
Un patrimoine moyen supérieur à celui des actifs
En 2004
420
, le patrimoine moyen net des ménages retraités était de
252 700
€
, contre 213 600
€
pour les actifs et ce, avant toute prise en
compte de la taille des ménages (plus réduite dans le cas des retraités). Il
y a de fait une forte corrélation entre âge et patrimoine, indépendamment
de celle qui existe entre revenu et patrimoine. Aux âges élevés, il peut
arriver que des personnes percevant de faibles revenus possèdent un
certain patrimoine (certes moins important que celui des « jeunes
retraités », mais elles sont aussi plus souvent seules).
Patrimoine net par ménage en fonction de la
tranche d’âge de la
personne de référence
Moyen
Médian
D9*
D1**
Moins de 30 ans
32 700
7 200
91 500
300
De 30 à 39 ans
127 100
48 600
312 700
800
De 40 à 49 ans
243 700
132 500
510 700
1 300
De 50 à 59 ans
303 500
203 700
648 500
2 000
De 60 à 69 ans
345 500
211 500
693 300
3 300
70 ans et plus
259 800
148 600
524 600
3 800
*Seuil de patrimoine au-dessus duquel se situent les 10 % les plus riches, ** : seuil en
dessous duquel se situent les 10 % les plus pauvres
Source :
INSEE, enquête Patrimoine 2009-2010, INSEE-Première n°1380, 2011
La détention
d’un patrimoine n’est pas sans incidence sur le niveau
de vie des retraités. Il peut donner lieu à des revenus et à des plus-values,
mal appréhendées par les données disponibles. Il permet aussi dans
certains cas de consommer plus que l’on ne perçoit en p
ensions. A
contrario, les actifs se trouvent souvent dans l’obligation d’épargner,
419. Une fois pris en compte les liquidations tardives.
420. INSEE, « Les revenus et le patrimoine des ménages », édition 2009.
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450
C
OUR DES COMPTES
c’est
-à-
dire de consommer moins qu’ils ne gagnent, pour rembourser des
prêts ou précisément pour préparer leur retraite.
Cette situation relativement favorable est à l’orig
ine, dans une
certaine mesure, de l’augmentation des transmissions à titre gratuit au
bénéfice des plus jeunes, c’est
-à-dire des dons et des legs versés à des
descendants, regroupés sous le nom de « retours familiaux », à hauteur
d’environ 6,5
% du PIB, dont 3,5 % inter vivos. En raison de
l’allongement de l’espérance de vie, ces legs profitent de plus en plus à
des personnes ayant déjà atteint un certain âge : de 46 ans en moyenne
pour les enfants en 2000 (52 ans tous héritiers confondus), soit une
augment
ation de cinq ans depuis 1984 de cet âge moyen d’obtention de
l’héritage.
C
–
Un niveau de vie moyen
aujourd’hui supérieur
à
celui du reste de la population
L’éva
luation des niveaux de vie
421
met notamment en jeu la
question des revenus financiers et celle de la propriété de la résidence
principale.
Possédant un patrimoine, en particulier financier, plus élevé que le
reste de la population, les retraités en tirent aussi des revenus
sensiblement plus importants. Leur importance est la conséquence de leur
position dans le « cycle de vie
» (puisqu’ils ont pu épargner et hériter).
Elle ne va pas sans de notables inégalités entre retraités. Dans le cas des
anciens travailleurs indépendants, par exemple, leur part élevée, liée à la
revente de leur outil professionnel,
s’accompagne de moindres cotisations
de retraite et de pensions plus faibles. C’est donc bien en prenant en
compte l’ensemble des revenus que l’on doit juger du niveau de vie selon
l’âge.
Par ailleurs, l’acquisition d’une résidence principale est souvent
considérée comme un investissement en vue de la retraite et comme le
premier étage, en quelque sorte, d’un complément de retraite par
capitalisation. Le loyer dit « fictif » associé à la propriété de la résidence
principale
s’assimile à un revenu, même s’il s’agit à proprement parler
421.
On estime le niveau de vie d’une personne au moyen du revenu disponible par
unité de consommation. Ce dernier prend en compte l’ensemble des revenus nets
perçus par le ménage auquel elle appartient, ainsi que la composition démographique
de ce dern
ier, l’hypothèse étant faite que tous ses membres ont le même niveau de vie.
Le système d’unités de consommation utilisé le plus souvent compte une part pour le
premier adulte du ménage, 0,5 part pour les autres personnes âgées de 14 ans et plus
et 0,3 part pour les personnes âgées de moins de 14 ans.
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L
ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
451
d’une économie
422
. Il convient donc de rajouter ces loyers fictifs dans le
cas des propriétaires de leur résidence principale (en retranchant la taxe
foncière et les intérêts versés par les propriétaires accédants au titre des
emprunts immobiliers souscrits). Or, les personnes âgées sont plus
souvent propriétaires occupants que les autres -c
’est le cas de 72
% des
plus de 60 ans, contre 58 % en moyenne- et ont le plus souvent déjà
remboursé leurs emprunts
423
.
Au final, le niveau de vie moyen des retraités serait, selon
l’INSEE, ainsi devenu depuis quelques années légèrement supérieur à
celui des actifs et supérieur de 15
% à celui de l’ensemble des
non-
retraités
424
.
Les niveaux de vie moyens en 2006
425
E
n €
Niveau de vie + loyers imputés
nets d’intérêts d’emprunt
Actifs (en emploi et chômeurs)
23 060
Retraités
23 970
Ratio retraités/actifs
1,04
Non retraités (actifs, adultes inactifs, enfants)
20 764
Ratio retraités/non retraités
1,15
Source :
Données INSEE
Il ne s’agit cependant là que de moyennes, recouvrant une
hétérogénéité certaine. La notion de « petite retraite » garde de fait toute
sa pertinence
426
. Ainsi,
la pension moyenne de droit direct n’atteignait
-
elle en 2008 que 663
€
pour les femmes de plus de 85 ans. Ces disparités
sont également significatives selon l’ancien statut socio
-professionnel; les
retraités unipensionnés du régime des salariés agricoles ne touchaient
(avant intervention du minimum vieillesse) une pension moyenne que de
422 . Le loyer hors charges absorbe en moyenne 20
% du revenu d’un ménage
locataire (Jacquot, Jezequel et Minodier, 2004).
423. Par ailleurs, les retraités apparaissent plus souvent logés à titre gratuit (cas de
15 % des retraités non-propriétaires) ou dans le parc social (cas de 46
% d’entre eux),
mais l’avantage afférent n’est pas pris en compte dans ces calculs.
424. Ces estimations ne prennent pas en compte les taxes à la consommation alors
qu’elles se révèlent m
oins lourdes, en moyenne, dans le cas des personnes âgées du
fait de leur structure de consommation spécifique.
425.
Ces résultats n’intègrent pas le cas des personnes âgées vivant dans des maisons
de retraite (au sens large), au nombre d’environ 600
000, non plus que celui des
personnes plus jeunes vivant en institution.
426. Cf. chapitre précédent.
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C
OUR DES COMPTES
585
€ en 2
010, contre 1 084
€ pour ceux du régime général et 1
909
€
pour les retraités de professions libérales. Par ailleurs, la perte
d’autonomie liée au grand âge se traduit pour un nombre important de
retraités par des dépenses dont le montant finit, à mesure que leur
dépendance s’alourdit, par dépasser celui de leur pension en dépit des
dispositifs de solidarité mis en place. Pour autant la population retraitée
considérée dans son ensemble est globalement moins soumise au risque
de pauvreté que les autres catégories.
D
–
Une
classe d’âge
relativement moins exposée au
risque de pauvreté.
1
–
La pauvreté monétaire
Le taux de pauvreté des plus de 65 ans (au seuil de 60 % du niveau
de vie
médian), qui était d’environ 35
%
en 1970, n’est plus que 10,3
%
en 2008. Deux fois supérieur à celui de
l’ensemble de la population
au
début des années 70, il lui est devenu inférieur dans les années 80.
Evolution du taux de pauvreté de l’ensemble de la population et des
personnes de 65 ans et plus
Source :
INSEE-DGI, enquêtes revenus fiscaux
Le tableau ci-après met en lumière cette situation particulière,
notamment en termes d’intensité de pauvreté, par rapport aux actifs.
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L
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453
Taux et intensité de la pauvreté selon la catégorie en 2009
427
En %
Taux de
pauvreté
Nombre de personnes
pauvres (milliers)
Intensité de la
pauvreté
Retraités
9,9
1 308
11,9
Ensemble de la population
13,5
8 173
19
Ensemble des actifs
10,1
2 796
20,2
Enfants
17,7
2 387
19
Source :
INSEE Première n°1365, août 2011, « les niveaux de vie en 2009 »
Encore ces données ignorent elles les loyers imputés (cf. supra),
alors que les personnes âgées, même de condition modeste, sont souvent
propriétaires de leur logement. Leur prise en compte aurait ainsi ramené,
en 2003, dernière année pour laquelle de telles données sont disponibles,
le taux de pauvreté chez les personnes âgées de 65 à 74 ans de 7,1 % à
6,1 % et de 11,2 % à 7,4 % chez les plus de 75 ans.
2
–
La pauvreté en conditions de vie
Les indicateurs de niveau de vie et de pauvreté monétaire ne
donnent pas toujours une image fidèle des
conditions d’existence, qui
dépendent d’autres variables comme le coût de la vie à l’échelle locale,
les besoins spécifiques de chacun etc.
Aussi l’INSEE mesure
-t-il
également une « pauvreté en conditions de vie » définie par des
difficultés dans la vie q
uotidienne et la privation d’un certain nombre
d’éléments de bien
-être largement diffusés dans la population. Cette
analyse fait ressortir une amélioration continue avec l’âge, même après
80
ans, contrairement au taux de pauvreté monétaire.
427.
L’«
intensité de la pauvreté
» se définit comme l’écart entre le seuil de pauvreté
et le niveau de vie médian des ménages situés en-deçà de celui-ci. Par ailleurs, les
prem
ières données sur les niveaux de vie en 2010 publiées récemment par l’INSEE
(INSEE première n°1412, « les niveaux de vie en 2010 », septembre 2012) font
apparaître une dégradation du taux de pauvreté par rapport à 2009. Le taux de
pauvreté des retraités augmente de 0,3 point à 10,2% et concerne 1,357 million de
personnes, celui
de l’ensemble de la population progresse
de 0,6 point à 14,1% et
recouvre 8,617 millions de personnes, celui de l’ensemble des actifs augmente de 0,1
point à 10,2% et concerne 2,849 millions de personnes, celui des enfants connaît une
très forte progression de 1,9 point à 19,6 % et intéresse 2,665 millions d’enfants.
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454
C
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Pauvreté en conditions de vie selon les caractéristiques de la personne de
référence du ménage en 2008
En %
16-25 ans
19,1
26-45 ans
14,5
46-65 ans
12
66-80 ans
11,3
81 ans ou plus
9,7
Ensemble des ménages
12,9
Source :
INSEE, enquêtes Statistiques sur les revenus et les conditions de vie
(SRCV), 2004 à 2009
En matière de pauvreté, la très sensible amélioration de la situation
des personnes âgées en France se singularise par rapport aux tendances
constatées dans les autres pays de l’Union européenne, dans lesquels une
dégradation est généralement observée. En niveau, la France est le pays
où le niveau de vie des retraités est le plus élevé et présente la
particularité d’être l
e
seul dans l’Union à 15, avec les Pays
-Bas, où le
taux de pauvreté des plus de 65 ans est inférieur ou égal à celui des 25-54
ans.
A l’inverse, le taux de pauvreté chez les 18
-
25 ans en France s’est
dégradé au cours des dix dernières années.
Niveau de vie des plus de 65 ans rapporté à celui des moins de 65 ans
1996
2008
France
0,91
0,96
428
UE15
0,87
0,84
Allemagne
0,93
0,87
Royaume-Uni
0,72
0,71
Italie
0,92
0,88
Espagne
0,96
0,78
Pays-Bas
0,91
0,84
Suède
Nd
0,75
Source :
European Community Household Panel 1996, Enquête européenne EU-
SILC, 2008
428. Cet indicateur de niveau de vie relatif diffère de celui, indiqué précédemment,
qui est issu des trav
aux de l’INSEE du fait de différences en termes de champ (ici les
plus de 65 ans et non les retraités) et surtout de méthodes d’évaluation (par exemple
quant à la prise en compte de l’avantage au titre de la propriété de la résidence
principale, le calcul
s’effectuant sans prendre en compte les loyers imputés).
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L
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455
Au total, si les retraités forment un ensemble hétérogène, il
s’avère
que leur situation moyenne a connu sous l’angle financier une
amélioration indéniable et a rejoint celle des actifs, voire peut apparaître à
certains égards plus favorable que celle du reste de la population. Au
moment où l’allongement de la durée
de la vie nécessite de renforcer les
mécanismes de prise en charge de la dépendance liée au grand âge et où
certaines autres catégories, en particulier les jeunes actifs, voient leur
condition se dégrader, ce constat suggère la nécessité d’un réexamen
d’e
nsemble des mécanismes de soutien existants, souvent encore issus
d’une période où la situation des personnes âgées, encore peu
bénéficiaires de retraites, était particulièrement précaire.
III - Des évolutions devenues nécessaires
A
–
Des justifications moins probantes
La sédimentation d’
avantages en faveur des retraités
n’apparaît
plus guère
justifiée aujourd’hui, au vu de leurs niveaux de vie actuels. Le
cap fixé dans les années 1970, à savoir une certaine parité entre actifs et
retraités, a été atteint.
Certes la situation relative des retraités sera amenée à évoluer à
long terme du fait des réformes des retraites. Quel que soit le scénario de
projection retenu, le COR prévoit une baisse du ratio entre la pension
moyenne et le revenu d’activité moyen, de l’ordr
e de 15 à 20 % à
l’horizon de 2050
429
. Mais cette anticipation de long terme ne saurait
justifier le maintien en l’état de dispositifs aujourd’hui inadéquats en
termes d’égalité et d’efficacité.
Les formules retenues pour apporter un soutien au revenu des
retraités se révèlent de fait souvent inappropriées
en ce qu’elle
s créent des
effets d’aubaine importants au profit de
s plus aisés, leur procurant des
gains proportionnels à leurs revenus, donc supérieurs à ceux qu’en tirent
des foyers modestes. Le constat de cette anomalie a pu donner lieu, au fil
du temps, à différents expédients, notamment à l’introduction de
conditions de ressources ou de plafonnements. Ceux-ci, insuffisamment
coordonnés et sédimentés, ont complexifié le droit fiscal et social tout en
induisant leurs propres effets pervers, liés en particulier à la définition
très imparfaite des ressources prises en compte et à l’étroite connexion
429. 8
ème
rapport du COR, avril 2010. Ces prévisions reposent néanmoins sur des
hypothèses relatives à l’évolution de l’âge de départ en retraite, de la productivité et
du chômage que les réformes et la crise économique peuvent remettre en cause.
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C
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entre eux de certains abattements, exonérations et taux réduits. Dans le
même temps, ils n’ont pas éliminé ces effets d’aubaine, mais les ont
seulement limités, ni résolu la question de principe de savoir pourquoi, à
revenu égal, un actif ou une personne plus jeune devrait payer plus de
prélèvements qu’un retraité ou qu’une personne âgée
.
Cette question revêt une
acuité d’autant plus pressante que la
contrainte sur les finances publiques se renforce considérablement, que
des efforts supplémentaires sont demandés aux actifs pour les redresser et
que de nouveaux besoins se sont fait jour. Il en est ainsi en particulier de
la problématique de la prise en charge de la dépendance des plus âgés:
selon les estimations réalisées en 2011 dans le cadre de la réflexion
nationale sur ce sujet, les besoins de financement complémentaires
s’élèveraient à 10
Md€ à horizon 2040
430
. Il en va de même aussi des
questions de formation et d’insertion dans l’emploi et le logement des
jeunes qui constituent une priorité des pouvoirs publics. Sans
redéploiement d’un certain nombre de dispositifs, ces efforts de solidarit
é
ne pourront être financés à hauteur des enjeux.
B
–
Plusieurs options de redéploiement possibles avec
un même souci de ne pas fragiliser la situation des
retraités les plus modestes
Un réaménagement de certains dispositifs pour une meilleure
solidarité entre
générations suppose bien évidemment d’éviter la remise
en cause de la situation des retraités les plus fragiles en faisant porter sur
les plus aisés les efforts demandés et d’éclairer la décision entre les
options possibles par des études d’impact rigoure
uses et précises.
Plusieurs choix de redéploiement sont en effet concevables et de
nature à dégager des marges de manœuvre importantes. A cet égard,
comme la Cour l’a déjà fait valoir dans différents rapports, la réflexion
devrait prioritairement concerne
r quatre dispositifs: l’abattement de 10
%
sur les pensions pour l’impôt sur le revenu, le taux réduit de CSG à 6,6
%
applicable aux retraités aux revenus les plus élevés, l’exonération au titre
de l’impôt sur le revenu des majorations de pension pour enfa
nts,
l’exonération de cotisations patronales pour les particuliers âgés
employeurs à domicile, qui devrait être soumise à condition de
430 . Rapport du groupe de travail sur « Les perspectives démographiques et
financières de la dépendance » de juin 2011; projection intermédiaire en valeur du
PIB 2010, avec une hypothèse d’augmentation du nombre
des personnes âgées
dépendantes de 1,1 million en 2010 à 2,3 millions en 2060 et une indexation des
barèmes et prestations sur les prix.
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L
ES DISPOSITIFS FISCAUX ET SOCIAUX PROPRES AUX RETRAITES
457
ressources. Parallèlement, la question de l’élargissement de la cotisation
d’assurance maladie de 1
% au-delà de son cham
p actuel mériterait d’être
aussi examinée.
Les marges de manœuvre financières ainsi dégagées sur tel ou tel
dispositif, de manière nécessairement progressive pourraient être
redéployées au service de la prise en charge de la dépendance, d’un
soutien accru aux retraites les plus modestes ou encore de dépenses
sociales « actives
», en particulier en matière d’accès à emploi, sans
préjudice de leur contribution à la réduction des déficits publics.
______________________
CONCLUSION
________________________
De multiples dispositifs spécifiques se sont au fil des temps
construits pour permettre aux retraités dont la situation a été longtemps
plus que précaire, voire indigne, de disposer de meilleures ressources.
Dépenses fiscales et niches sociales en leur direction représentent
aujourd’hui près de 12
Md€, so
it environ 0,6 point de PIB.
Même si de trop nombreux pensionnés, tout particulièrement des
femmes, connaissent encore des situations individuelles extrêmement
modestes et si certains sont du fait de leur situation de perte d’autonomie
conduits à supporter des dépenses dont le montant peut dépasser celui de
leur pension, la population retraitée considérée dans son ensemble a fini
par rejoindre globalement le niveau de vie des actifs et dépasse même sans
doute légèrement celui du reste de la population.
Dans un contexte social qui appelle à terme rapproché de nouveaux
et lourds efforts de solidarité intergénérationnelle, qu’il s’agisse
d’améliorer la prise en charge de la dépendance des plus âgés ou de
faciliter l’insertion dans la vie active des jeunes et à
un moment où les
finances publiques doivent impérativement revenir à l’équilibre, il est
désormais nécessaire de procéder à un réexamen d’ensemble de
mécanismes sédimentés qui se superposent souvent au détriment de
l’efficacité et de l’équité. Cette démarc
he doit impérativement préserver la
situation des retraités les plus fragiles, demander un effort prioritaire de
solidarité aux plus aisés et permettre de contribuer au financement des
nouveaux besoins sociaux comme aussi à la réduction des déficits.
La Cour considère à cet égard nécessaire que différents mécanismes
fiscaux et sociaux soient réexaminés comme elle l’a déjà préconisé dans
différents rapports au cours des dernières années dans l’optique de leur
suppression progressive. Elle estime aussi souhai
table que d’autres
dispositifs fassent également l’objet d’un semblable examen.
Les recommandations qui suivent sont à considérer à cet égard
comme un inventaire des options possibles pour une plus grande solidarité
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C
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et une plus forte équité, sans que la liste ainsi dressée des choix
envisageables signifie d’aucune manière que leur cumul soit préconisé.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
58.
Comme déjà préconisé par la Cour, supprimer progressivement
les dépenses fiscales et niches sociales suivantes :
-
l’abattement de 10
% sur
les pensions, en matière d’impôt sur le
revenu (gain d’une suppression
: 2,7
Md€)
;
-
l’exonération à l’impôt sur le revenu
des majorations de pensions
pour les parents de trois enfants (gain d’une fiscalisation
: 0,8
Md€)
;
-
le non alignement du taux de CSG sur les pensions les plus élevées
(6,6 %) sur celui appliqué aux salaires (7,5
%) (gain d’un alignement
:
1,2
Md€).
59.
Soumettre à condition de ressources l’exonération totale de
cotisations
patronales
dont
bénéficient
certaines
catégories
de
particuliers employeurs.
60.
Etendre l’assiette de la cotisation d’assurance maladie au taux de
1
% à toutes les retraites complémentaires, ainsi qu’aux pensions de base
(au-
dessus d’un certain seuil) lorsque la distinction entre ces deux types
d’avantages de retraite n’est
pas pertinente.
61.
Examiner les conséquences d’une suppression à terme des
avantages en matière de fiscalité locale fondés sur un critère d’âge
.
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