Sort by *
Paris, le 8 septembre 2010
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Rapport sur l’application des lois de financement
de la sécurité sociale
Dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement ainsi qu’au Gouvernement, la Cour des
comptes publie, comme chaque année, son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce
rapport examine les comptes de la sécurité sociale, il prolonge et approfondit les constats formulés par la Cour en juin
dernier lors de la présentation de son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il procède
également à l’examen de la gestion des organismes de sécurité sociale et, enfin, porte sur la gestion des risques.
Première partie : les comptes de la sécurité sociale
se sont fortement dégradés
S’agissant des comptes de la sécurité sociale, il est constaté une
forte dégradation en 2009
puisque
le déficit
de l’ensemble des régimes obligatoires de base
a plus que doublé
par rapport à 2008, atteignant
24,9 milliards
d’euros
. Ceci résulte d’un effet de ciseau entre une progression très dynamique des dépenses (+ 4,3 %) et une
stagnation des recettes (+ 1,1 %).
Si le régime général représente la part la plus importante de ce déficit (20,3 milliards d’euros), la Cour relève que
le FSV est déficitaire à hauteur de 3,2 milliards d’euros
, après deux années excédentaires. Ce déficit s’explique par le
transfert à la CADES de 0,2 point de CSG auparavant affecté au FSV
, le privant de 2,1 milliards d’euros de recettes ;
ainsi que par l’augmentation du chômage, qui conduit le FSV à prendre en charge les cotisations retraite des chômeurs.
Au sein des branches,
c’est l’assurance maladie qui connaît la dégradation la plus forte
, son déficit étant passé de
4,4 milliards d’euros à 10,5 milliards d’euros. Mais
toutes les branches subissent une dégradation et sont,
désormais, toutes déficitaires
.
Cette aggravation ne s’explique pas uniquement par les effets de la crise économique
. En effet, si la masse
salariale a connu un recul sans précédent, les cotisations sociales ont légèrement progressé. Cet apparent paradoxe est
en réalité dû à l’effet de la crise sur la structure de l’emploi : les destructions d’emploi ont d’abord touché les plus bas
salaires, ceux éligibles aux allègements généraux de cotisations. Ainsi, la diminution des exonérations de cotisations a
fait plus que compenser la diminution de la masse salariale. Ceci illustre
l’impact des exonérations sur les recettes
sociales
.
L’importance de ces déficits explique que
la situation de l’ACOSS se soit sensiblement dégradée
, malgré une
reprise de dette de 27 milliards d’euros par la CADES, ce qui a conduit à porter le plafond d’emprunt à court terme à 65
milliards d’euros pour 2010. La Cour relève que
l’ACOSS se trouve ainsi placée dans une situation où elle doit
financer un endettement structurel par des ressources de trésorerie de court terme, en contradiction avec les
dispositions de la loi organique
.
La Cour observe que,
dans la perspective d’un nouveau transfert de dettes à la CADES, la loi organique de
2005 aurait dû conduire le Gouvernement à relever la CRDS ou à lui affecter de nouvelles ressources
.
Le
Gouvernement a préféré modifier la loi organique
et retenir un schéma impliquant un allongement « exceptionnel et
limité » de la durée de vie de la CADES, une mobilisation des ressources et actifs du FRR et une affectation de
ressources supplémentaires dont le caractère pérenne n’est pas avéré.
Contacts presse :
Denis GETTLIFFE – Responsable des relations presse
Tél : 01 42 98 55 77 –
dgettliffe@ccomptes.fr
Dorine BREGMAN – Directrice de la communication
Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr
Page 2 sur 5
La
dégradation des comptes de la sécurité sociale se poursuit en 2010
. Au total, le déficit de l’ensemble des
régimes obligatoires de base, voisin de 10 milliards d’euros pour les années 2003 à 2008, dépasserait ainsi les
30
milliards d’euros en 2010
. Comme la Cour l’avait souligné en juin lors de la présentation du RSPFP,
le retour de la
croissance ne suffira pas à corriger le déséquilibre entre les recettes et des dépenses toujours en forte
progression
.
En conclusion, l’ambition gouvernementale d’un retour à l’équilibre, dès 2011 pour les branches maladie, famille et
AT-MP du régime général et 2018 pour les régimes de retraite, implique nécessairement des mesures très fortes pour
modérer l’évolution des dépenses. Ainsi que l’a plusieurs fois souligné la Cour,
l’ampleur de l’effort à accomplir rend
une majoration des recettes également inévitable
.
L’ONDAM n’a pas été respecté
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) créé en 1996 est un dispositif de maîtrise de la
plupart des dépenses de santé financées par la sécurité sociale.
La Cour relève les faiblesses de cet outil, non
exhaustif, mal piloté en cours d’année, difficilement révisable malgré la procédure d’alerte et régulièrement
dépassé
, comme en 2009.
Les dépenses de soins de ville (dépenses liées aux remboursements d’honoraires des professionnels libéraux, de
produits de santé et de prestations, et des paiements d’indemnités journalières) ont progressé de 3,6 % en 2009 par
rapport à 2008.
Les postes en plus forte augmentation sont les soins infirmiers
(+8,9 %), les prises en charge de
cotisations sociales des professionnels de santé (+8,9 %)
et les dépenses de transport
(+8,0 %).
Le suivi des niches sociales par la Cour fait apparaître une augmentation de leur coût
Depuis 2007, la Cour formule des recommandations visant à mesurer, évaluer et réduire le coût des
niches sociales
. Une majorité de ces recommandations ont été partiellement ou totalement suivies.
Prolongeant son analyse de 2007,
la Cour a recensé
178 niches sociales
en 2010, pour un coût total estimé à
67 milliards d’euros, soit 22,5 % des recettes
de la sécurité sociale. La Cour observe que
le montant total des
niches sociales a augmenté de 10 milliards d’euros entre 2005 et 2009
, sous le double effet du dynamisme propre à
certaines mesures et du solde positif de
1,1 milliard d’euros
des créations et des suppressions de niches sociales
depuis 2007
.
La Cour formule des
recommandations permettant d’économiser 15 milliards d’euros
sur les niches sociales.
Deuxième partie : le contrôle de la gestion des caisses
fait apparaître des gisements d’économies possibles.
Le système d’information de la CNAMTS manque d’efficience et de flexibilité
Le système d’information de la branche maladie du régime général est l’un des plus importants de France, avec
180 milliards d’euros de charges et 50 millions d’assurés et d’ayants-droit. Si la Cour n’a pas identifié de
dysfonctionnement majeur, elle a constaté
son manque d’efficience et de flexibilité
. L’Etat, en multipliant les réformes
sans se préoccuper des conséquences dans le traitement informatique, multiplie les risques de défaillances ou d’erreurs.
De son côté, la CNAMTS n’a toujours pas adopté de stratégie informatique globale et centralisée, et laisse perdurer des
doublons dans les moyens humains affectés au système d’information, qui sont trop nombreux et trop dispersés.
L’absentéisme maladie dans les organismes de sécurité sociale est élevé
La Cour observe que
l’absentéisme maladie (hors maternité) est relativement élevé dans les organismes
de
sécurité sociale (plus de 5 %).
Si cela peut s’expliquer par la structure du personnel, plus féminin et plus âgé, cela tient
également à
l’insuffisante mobilisation de ces organismes
pour lutter contre l’absentéisme.
Les temps de travail ne sont pas suffisamment connus et le suivi statistique des absences pour maladie, qui
représente un tiers des absences, est incomplet. L’examen par la Cour des données statistiques disponibles fait
Page 3 sur 5
apparaître
plusieurs anomalies
qu’il faudrait pouvoir expliquer dans la fréquence et la distribution des absences
maladie, ou encore dans le poids atypique des troubles dépressifs.
L’organisation de la protection sociale dans les IEG est complexe et coûteuse pour le
régime général
La protection sociale dans les industries électriques et gazières (IEG) concerne 540 000 assurés et se caractérise
par une organisation très
complexe
, certaines
incohérences
et des
déséquilibres
au détriment du régime général de
sécurité sociale.
Les règles actuelles, notamment pour le calcul des cotisations maladie et famille, conduisent à une perte d’environ
200 millions d’euros par an pour le régime général. Depuis 2005, l’adossement apporte chaque année une contribution
négative aux résultats de la branche retraite du régime général. Fin 2009, cette contribution s’élève à 1,3 milliard d’euros
en cumul (dont 269 millions d’euros pour 2009).
Troisième partie : la gestion des risques
révèle l’existence d’inégalités d’accès aux soins
La situation financière des hôpitaux publics est préoccupante
A partir de travaux communs à la Cour des comptes et aux 22 chambres régionales des comptes de métropole,
qui ont contrôlé les
comptes et la gestion de 85 hôpitaux publics,
le rapport met en évidence l’importance et la
concentration des déficits comptables et leur sous estimation.
De l’ordre de
700 millions d’euros
par an, ces déficits s’expliquent par les difficultés que les établissements
éprouvent à s’adapter à la réforme de leur financement, la T2A. Ces déficits sont très concentrés : en 2008, les CHU-
CHR représentaient 60 % de ce déficit total.
La mise sous tension des établissements par le passage à la tarification à l’activité (T2A) a mis en évidence des
performances variables des établissements et conduit à afficher des déficits.
Enfin, la politique d’investissement a eu un effet aggravant sur les situations financières : insuffisamment sélective,
elle a encouragé des dépenses dont le financement par endettement pèsera longtemps sur les hôpitaux, sans que ces
investissements génèrent dans tous les cas des recettes supplémentaires.
Les équipements lourds d’imagerie médicale sont mal répartis et leurs tarifs trop élevés
Ces équipements en forte augmentation depuis 5 ans sont soumis à autorisation pour leur implantation. Mais ils
sont
inégalement répartis sur le territoire
, sans que cette situation ne soit le reflet de la situation sanitaire. L’existence
de
délais d’attente importants
va de pair avec la
sous utilisation de certains appareils
.
De plus,
les tarifs (forfait et honoraires) sont trop élevés
, ce qui dissuade l’implantation de nouveaux
équipements. La tarification, en générant des
rentes indues
et en ne décourageant pas les pratiques inadéquates,
n’assure pas son rôle de régulation.
Les soins dentaires sont mal suivis et trop souvent inaccessibles
Là encore,
l’inégalité dans l’accès aux soins est manifeste
. Les soins dentaires ne constituent pas une réelle
priorité pour les pouvoirs publics et la
nomenclature des actes est obsolète
. La dernière convention dentaire a
revalorisé les soins conservateurs au profit des praticiens, sans contrepartie réelle en matière de modération des prix des
soins prothétiques.
La sécurité sociale ne prend plus à sa charge que le tiers (34 %) des plus de 9 milliards d’euros de dépenses de
soins dentaires (contre plus de la moitié en 1980) et, en particulier, seulement 18 % des soins prothétiques, qui sont les
plus coûteux. En ce qui concerne les
prothèses dentaires
, le développement des importations induit un
phénomène de
rente
estimé à 160 millions d’euros.
La faiblesse de la prise en charge par la sécurité sociale explique que les problèmes dentaires
représentent à eux seuls plus de la moitié de tous les cas de renoncements à des soins
pour des raisons
financières. Ces difficultés se concentrent dans une grande mesure sur les personnes les moins favorisées.
Page 4 sur 5
Les décotes et surcotes dans les pensions de retraite
L’objectif de « libre-choix » du départ en retraite a motivé la réforme des décotes dans le régime général, leur
institution dans les régimes de fonctionnaires et la création de surcotes dans tous les régimes, par la loi du 21 août 2003
et des textes ultérieurs.
La Cour a procédé à une étude actuarielle des barèmes de décote et de surcote, concluant à ce qu’en moyenne,
ceux-ci sont conformes à un principe de neutralité actuarielle.
Cependant, leur mise en place s’est accompagnée d’un certain nombre
d’effets d’aubaines
, notamment au profit
des fonctionnaires. Plus particulièrement, les effets incitatifs de la surcote pour augmenter les âges moyens de départ en
retraite se sont avérés modestes, alors même que la part d’assurés liquidant avec surcote n’a cessé d’augmenter,
particulièrement dans la fonction publique.
L’invalidité et l’inaptitude dans le régime général doivent être réformées
Ces deux prestations permettant un retrait d’activité et le versement d’un revenu de remplacement sont régies par
des dispositifs anciens
, mal articulés avec la politique du handicap depuis 1975. Cette situation rend
complexes
et peu
lisibles les droits. La Cour estime qu’une réforme ambitieuse est nécessaire en matière d’invalidité. Elle consisterait
notamment à évaluer l’invalidité et le handicap à partir d’un seul référentiel, à mettre en oeuvre un dispositif commun
d’intéressement et d’accompagnement du retour à l’emploi et à fusionner minimum invalidité et AAH.
Concernant l’inaptitude dans le cadre de la retraite, il pourrait être envisagé d’introduire la notion de
pénibilité des
activités
exercées
dans la définition de l’inaptitude. L’institution d’une nouvelle voie de départ en retraite ne suffit en effet
pas à épuiser le sujet de la pénibilité et rend nécessaire la redéfinition des objectifs de l’inaptitude dans le cadre de la
retraite.
ANNEXE
Les principales recommandations de la Cour des comptes
La Cour formule
79 recommandations
, parmi lesquelles :
LES COMPTES POUR 2009 ET LE FINANCEMENT
Les tableaux d’équilibre, l’analyse des comptes et le financement des déficits
1.
Limiter le recours à l’emprunt par l’ACOSS au financement des besoins infra annuels de trésorerie
(recommandation réitérée).
LA GESTION DES CAISSES ET DES RÉGIMES
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie
2.
Mieux définir et suivre les mesures d’économie et rendre compte de façon formalisée et régulière de la mise
en oeuvre de ces mesures.
Le système d’information de la branche maladie du régime général
3.
Donner à la direction de la sécurité sociale les moyens nécessaires à la maîtrise d'ouvrage stratégique qui
lui incombe.
4.
Réduire le nombre de pôles de développement informatique, en mettant un terme au développement
incontrôlé d'applications locales dans le réseau (recommandation réitérée).
L’absentéisme maladie dans les organismes de sécurité sociale
5.
Négocier un alignement de la durée de maintien intégral du salaire sur le régime de la fonction publique
d’Etat (trois mois).
Page 5 sur 5
L’organisation de la protection sociale dans les industries électriques et gazières
6.
Transformer le deuxième étage du régime spécial des prestations en nature d’assurance maladie en une
protection complémentaire santé à caractère obligatoire dans le cadre de la branche des IEG.
LA GESTION DES RISQUES
La situation financière des hôpitaux publics
7.
Sans attendre la mise en oeuvre de la certification des comptes, améliorer la fiabilité des résultats comptables
des hôpitaux, en mettant un terme aux pratiques des reports de charges et en imposant des normes réalistes en
termes de provisionnement.
La politique d’équipement en imagerie médicale
8.
Faire évoluer la tarification :
-
en appliquant des forfaits techniques qui correspondent aux coûts d’investissement et de fonctionnement des
appareils ;
-
en ajustant les honoraires par acte en fonction du volume de travail médical produit ;
-
en supprimant la prise en charge des actes non justifiés médicalement.
Les soins dentaires
9.
Mettre en place un examen de prévention avec les moyens adaptés dans les établissements scolaires.
10.
Modifier le code de la mutualité pour rendre possible la différenciation des remboursements par les
organismes complémentaires selon que les professionnels consultés font partie ou non des réseaux qu’ils
promeuvent.
Les décotes et surcotes dans les pensions de retraite
11.
Stabiliser la réglementation applicable aux décotes et surcotes.
12.
Instaurer un principe de revue actuarielle périodique des barèmes de décote et surcote.
L’invalidité et l’inaptitude
13.
Evaluer l’invalidité et le handicap à partir d’un référentiel commun et fusionner l’AAH et l’ASI.
14.
Redéfinir les objectifs et la définition de la retraite pour inaptitude en intégrant la notion de pénibilité des
activités exercées.
Contacts presse :
Denis GETTLIFFE – Responsable des relations presse
Tél : 01 42 98 55 77 –
dgettliffe@ccomptes.fr
Dorine BREGMAN – Directrice de la communication
Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr