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Conseil des prélèvements obligatoires
LES EFFETS REDISTRIBUTIFS
DES SYSTEMES FISCALO-SOCIAUX :
ELEMENTS DE COMPARAISON INTERNATIONALE
Daniel Vasseur
Conseiller référendaire à la Cour des comptes
Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de son auteur.
Il n’engage pas le Conseil des prélèvements obligatoires
2
SYNTHESE
Il faut naturellement commencer par souligner le fait que les comparaisons internationales, en
particulier dans le domaine fiscal, soulèvent d’épineuses questions d’ordre méthodologique.
L’extrême variété, et complexité, des systèmes fiscaux nationaux rendent parfois difficile et
hasardeux de leur appliquer la même grille d’analyse. Il conviendrait au préalable de répondre
précisément à un certain nombre de questions : s’agit-il de « taxes pures » ou créent-ils des
droits à des prestations que l’on dira alors « contributives » ? Qui paye vraiment le
prélèvement (théorie de l’incidence fiscale) ? Qu’est-ce qu’un prélèvement redistributif ? Par
exemple, le système des prélèvements français paraîtrait un peu plus progressif (et notamment
un peu moins régressif au sommet de l’échelle des revenus), si l’on excluait du champ de la
redistribution un certain nombre de cotisations sociales, en particulier de retraites, ouvrant
droit à un revenu futur essentiellement proportionnel.
1) Une première approche, très globale, peut consister à comparer les structures des
prélèvements obligatoires.
La France se distingue aujourd’hui à l’échelle internationale par :
-
un poids relativement moins élevé des impôts sur le revenu (en 2007, 7,4% du PIB
au lieu de 9,4% en moyenne dans l’OCDE),
-
un poids plus élevé des cotisations sociales (16,1% contre 9,1%) et, désormais, des
impôts sur la propriété (3,5% au lieu de 1,9%). Dans ce dernier cas, l’écart devient
toutefois sensiblement moins important si l’on exclut de ce total la taxe
d’habitation qui s’y trouve comprise dans les statistiques de l’OCDE.
Elle est en revanche très proche de la moyenne en matière de taxes à la consommation et
d’impôt sur les sociétés.
Il est difficile de tirer une conclusion globale de cette « photographie » sur le degré relatif de
progressivité de ses prélèvements obligatoires, même en jugeant a priori redistributif l’IR et
les impôts sur la propriété et anti-redistributifs les taxes à la consommation et les cotisations
sociales, ce qui est une simplification. En effet, les écarts de la France à la moyenne sont de
sens contraires selon les cas. Ainsi, on perçoit davantage d’impôt sur le capital en France,
mais moins d’impôt sur le revenu.
En revanche,
en évolution
, on peut dire que la structure de ces prélèvements est devenue
relativement plus redistributive. La part des impôts sur le revenu et sur le patrimoine dans les
recettes publiques a augmenté depuis 1975, tandis que celle des cotisations et des taxes à la
consommation diminuait significativement. Cela a été presqu’exactement l’inverse en
moyenne dans les autres pays de l’OCDE (à cette réserve près que les taxes à la
consommation ont vu leur place se stabiliser plutôt qu’elles n’ont augmenté).
3
2) Une deuxième approche, plus précise, repose sur les comparaisons faites par l’OCDE en
matière de « coins fiscalo-sociaux »
1
sur la base de cas-types».
Même si l’estimation de coins fiscalo-sociaux n’a pas pour objet principal d’évaluer la
progressivité des prélèvements, mais d’éventuels effets sur le marché du travail, on peut ainsi
comparer les taux de prélèvement à différents niveaux de salaires – mais pour l’essentiel dans
un intervalle de salaires limité (de 50% à 250% du salaire moyen national, qui laisse de côté
la plus grande partie des « travailleurs pauvres » célibataires et des cadres dirigeants) et sans
distinction selon le caractère contributif ou non des dépenses financées par les prélèvements
(cf supra).
La progressivité du coin fiscalo-social apparaît plus affirmée en France. Inférieur à la
moyenne de l’OCDE à 50% du salaire moyen, il lui est supérieur à 250% de celui-ci. Au total,
il augmente de 30,6% à 55,3% entre ces deux bornes. A l’opposé, la différence de taux est
faible de l’une à l’autre en Allemagne et ce coin fiscalo-social devient même régressif à partir
de 200% du salaire moyen.
Cette progressivité s’avère néanmoins limitée au-delà de 100% de ce salaire moyen - niveau
auquel le taux de prélèvement global atteint déjà 49,2%, ce qui le place parmi les plus élevés
(seulement dépassé par le taux allemand). De fait, entre 50 et 100% de ce dernier, la
contribution d’IR est multipliée par 7 et les cotisations sociales employeur par 4,5, du fait du
barème de l’IR et des allègements de charges. Entre 50% et 100% du salaire moyen, il passe
de 30,6% à 49,2% en France (+18,6 pts), au lieu de 33,7% à 41,1% (+13,4 pts seulement)
dans l’échantillon de pays retenus. Globalement, la forme de cette progressivité est plus
régulière à l’étranger en particulier dans les pays qui financent l’essentiel de leur protection
sociale grâce à l’IR (Suède, Danemark).
La progressivité du coin fiscalo-social s’est un peu améliorée à travers le monde au cours de
la dernière période notamment grâce à un effort assez général de réduction des charges pesant
sur les bas salaires. La France ne constitue pas une exception. Le changement reste faible, de
l’ordre de deux points du salaire super-brut au deux-tiers du salaire moyen. Ceci peut
s’expliquer par la contrainte financière qui pèse sur les comptes publics et limite les marges
de manoeuvre, mais aussi parce que cet effort a notamment pris la forme d’ « in-work
benefits » principalement destinés à des travailleurs pauvres qui gagnent moins de deux-tiers
du salaire moyen (l’équivalent du SMIC à temps plein en France).
La comparaison en matière de redistribution horizontale, en fonction des charges de famille,
fait ressortir la particularité de l’IR français. Sa progressivité est moins forte pour des couples
avec deux enfants et disposant d’un seul salaire que pour un célibataire sans enfant,
contrairement à ce qui est le cas ailleurs. Tous prélèvements compris (nets d’allocations
familiales), à 50% du salaire moyen, le coin fiscalo-social est nettement supérieur en France
(le second conjoint ne travaillant pas) : 21,5% contre un taux en moyenne inférieur à 10% et
parfois même négatif (au Royaume-Uni et aux Etats-Unis).
Cette conclusion est encore plus nette dans le cas des familles monoparentales. La France ne
semble pas accorder à celles-ci l’attention croissante qu’elles reçoivent ailleurs, malgré
l’importance bien réelle de leurs difficultés dans notre pays également (38% des enfants
vivant sous le seuil de pauvreté y appartiennent à des familles monoparentales). Au final, le
1
Différence entre le coût du travail pour l’employeur et la rémunération nette pour le salarié.
4
coût du travail d’un ou d’une célibataire élevant deux enfant et gagnant les deux-tiers du
salaire moyen est grevé de près de 37% de prélèvements obligatoires contre 17% en moyenne
dans l’OCDE. Cet écart s’étant encore creusé ces dernières années.
Cette situation s’explique par le fait que :
-
les mécanismes des quotients conjugal et familial profitent assez peu aux ménages
modestes. La majorité des autres pays ont mis en pratique la formule du crédit
d’impôt fixe par personne à charge, qui crée un avantage inversement
proportionnel au revenu, voire d’un crédit d’impôt dégressif. Ils peuvent même,
marginalement, les pénaliser. C’est le cas de l’imposition conjointe en raison de la
non-conjugalisation de la décote et du minimum de perception,
-
que les « in-work bénéfits » y sont moins importants. Par ailleurs, ces données ne
prennent en compte qu’une partie des prestations familiales versées en France et
notamment pas celles qui se trouvent assorties de conditions de revenus, au total
bien moins importantes toutefois que les aides universelles.
3) En matière d’imposition des revenus, la France s’est rapproché de la norme
internationale tout en conservant de fortes spécificités.
D’abord, la relative stabilité des impôts sur le revenu en part de PIB sur longue période au
sein de l’OCDE recouvre une certaine érosion depuis une vingtaine d’années et un recul
certain de leur rôle, puisqu’ils ont cessé d’être la première source de recettes publiques dans
les pays de l’OCDE en 2007.
Ensuite, l’IR, l’impôt progressif par excellence, l’est devenu moins qu’avant en raison :
-
de la baisse des taux marginaux supérieurs et la diminution du nombre de tranches,
ce mouvement culminant avec la mise en place de « flat tax » à l’Est de l’Europe.
Son effet a pu être en partie contrarié par la sous-indexation des seuils et la remise
en cause de dépenses fiscales et plus généralement l’élargissement des assiettes,
-
la dualisation croissante de l’IR, les revenus du capital étant de plus en plus taxés à
part, à taux forfaitaire et sensiblement inférieur au taux marginal supérieur. Cet
effet l’emporte, pour les revenus les plus élevés, sur celui de la suppression des
abattements prévus antérieurement dans le cadre de l’imposition au barème. Seuls
le Royaume-Uni et les revenus des produits de taux s’écartent dans une certaine
mesure de cette loi commune.
La France s’est inscrite pleinement dans cette double tendance. La hausse des taux et
l’élargissement de l’assiette des contributions sociales sur les revenus du capital, venant en
sus du prélèvement libératoire forfaitaire et qui constituent une spécificité de notre pays, a
sans doute compensé en partie le fait qu’ils échappaient de plus en plus au barème progressif
et contribué à l’accroissement sensible des prélèvements sur les revenus de la propriété des
ménages. Pour autant, le taux implicite d’imposition de ceux-ci, tel que mesuré les services de
5
la Commission européenne, ne place pas notre pays parmi ceux où ces taxes sont les plus
lourdes et où elles ont le plus augmenté
2
.
Au final, si on fait masse de la CSG et de la CRDS, la France semble se rapprocher de la
norme européenne (celle de la zone euro) : un poids plus élevé de l’imposition des revenus
des personnes en part de PIB, une grande majorité des foyers fiscaux rendus imposables, des
dispositifs en faveur des « travailleurs pauvres », un taux marginal supérieur entre 40 et 50%,
un seuil d’application de ce taux entre 40 000 et 80 000 euros (en l’espèce environ 70 000
euros), une taxation à taux forfaitaire des revenus de la propriété tendant à devenir la règle…
Il n’en reste pas moins que l’ensemble formé par l’IR et la CSG, aux assiettes et aux
philosophies sensiblement différentes, constitue en soi une originalité. Parallèlement, alors
que l’IR en est toujours la composante à vocation la plus redistributive, il compte un grand
nombre d’éléments de calcul contrariant le jeu du barème progressif : quotient conjugal et
familial, dépenses fiscales, plafonnement de l’impôt. Sauf le quotient familial, aucun d’entre
eux ne constitue une spécificité purement française au sein des grands pays développés, mais
notre pays apparaît le seul à les cumuler ainsi. C’est ce qui a rendu nécessaire d’introduire,
parallèlement au plafonnement de l’impôt, des mécanismes de plafonnement des avantages
fiscaux …
En ce qui le concerne, le quotient familial offre l’exemple, en définitive assez rare à l’échelle
internationale, d’un dispositif fiscal et même plus généralement d’une aide en faveur des
familles dont le bénéfice s’avère nettement croissant avec le revenu, en montant et en
pourcentage de ce dernier
3
, ce jusqu’à un plafond élevé. La France donne à l’objectif d’équité
horizontale une importance qu’il ne revêt pas ailleurs. Cette priorité tend à limiter les marges
de manoeuvre qu’il est envisageable de mobiliser au service l’objectif de redistribution
verticale - marges financières mais aussi économiques, si l’on souhaite par ailleurs éviter des
taux maximaux de prélèvement trop élevés sur les célibataires, sensiblement plus taxés par
construction.
4) Une taxation des patrimoines devenue importante, en lien avec la décentralisation et
l’augmentation des impôts locaux
La France qui se situait dans la moyenne il y a une trentaine d’années fait désormais partie des
pays où l’imposition du patrimoine atteint les niveaux les plus élevés. Au vu de sa part dans
les prélèvements totaux, le capital n’y constitue pas, toutefois, une assiette privilégiée comme
dans certains Etats anglo-saxons (où cette imposition peut représenter plus de 10% des
recettes de prélèvements obligatoires). En outre, il convient de préciser que dans les
statistiques de l’OCDE, la taxe d’habitation en fait partie, ce qui est contestable (
cf infra
).
Cette évolution ne s’explique pas principalement par la particularité que constituerait l’ISF ou
le niveau des droits de mutation à titre gratuit en France, dont le poids reste limité, mais par
les différents impôts locaux liés à l’immobilier. Dans d’autres pays développés, le
financement des collectivités locales reposent
plutôt sur l’imposition des revenus voire
2
ce qui pourrait s’expliquer par le dynamisme des bases.
3
En pratique, l’avantage retiré des crédits d’impôt au titre des frais de garde des enfants est également très anti-
redistributif et aggrave ce phénomène. La prise en compte des prestations familiales versées sous condition de
ressources, à l’autre extrémité de l’échelle des revenus, se traduit au final par une courbe en « U ».
6
constitue purement et simplement une composante (à taux fixe) de l’IR. Pourtant la théorie
économique juge les impôts sur l’immobilier beaucoup moins néfastes à la croissance voire
favorables à celle-ci.
Elle a vraisemblablement participé d’un renforcement de la progressivité des prélèvements.
Comme cette fiscalité se compose d’un grand nombre de taxes levées dans des conditions très
diverses (à l’occasion de transaction ou à raison de la détention) et en bonne partie d’impôts
locaux assis sur des valeurs devenues parfois conventionnelles, il conviendrait, pour mesurer
cette effet, de mener à bien des études spécifiques. Cette question apparaît potentiellement
importante quant à l’évolution de la progressivité globale des prélèvements obligatoires.
Ainsi, une étude de Piketty et Saez montre notamment que la hausse de ces impôts, en France,
aurait en partie contrebalancé les conséquences de la baisse de l’IR sur la progressivité des
prélèvements obligatoires au sommet de l’échelle des revenus, au lieu de les aggraver comme
dans les pays anglo-saxons.
5) Les comparaisons internationales menées sur l’effet global des systèmes de
redistribution font ressortir la stabilité de notre pays à cet égard, à l’opposé de certains
autres Etats développés.
La France semble avoir été préservée de la montée des inégalités constatée dans les pays
développés depuis les années 80 et celles-ci y sont sensiblement plus faibles (le rapport
interdécile est de l’ordre de 1 à 6 contre 1 à 9 en moyenne au sein de l’OCDE),
principalement parce que la pauvreté y est moins forte. Le revenu moyen du décile inférieur
est plus élevé que dans les autres pays de niveau de vi comparable. La question qui se pose
porte naturellement sur le rôle joué par les finances publiques à cet égard, ce qui exige
d’étendre l’analyse à l’ensemble des transferts sociaux. En effet, ceux-ci rendent compte en
moyenne des deux-tiers des effets redistributifs des systèmes fiscalo-sociaux. Moins
importants que les prélèvements (qui doivent aussi financer les services publics), ils sont aussi
plus concentrés et ils ont une vocation redistributive plus affirmée.
Une fois les flux financiers liés aux systèmes de retraite publics comptabilisés en amont de la
redistribution monétaire (puisque les pensions ont un caractère principalement contributif), la
France se classe parmi les pays où les inégalités initiales sont les plus faibles. L’effet
redistributif des finances publiques y serait pour sa part dans la moyenne. Il ne s’agit
d’ailleurs pas là d’une contre-performance puisque qu’un système de redistribution est
mécaniquement plus efficace quand il s’applique à des revenus plus inégaux. Les pays
scandinaves font encore mieux (malgré des inégalités initiales faibles, la redistribution s’y
avère forte) et les Etats-Unis moins bien (malgré des inégalités initiales fortes, la
redistribution y est faible). Par ailleurs, ces caractéristiques auraient peu évolué dans notre
pays au cours des trois dernières décennies, alors que les inégalités avant redistribution
comme l’efficacité de cette dernière auraient connu d’importantes fluctuations chez certains
de nos partenaires. En particulier, les systèmes de redistribution porteraient dans certains pays
une responsabilité non-négligeable dans l’accroissement des inégalités de revenus
disponibles.
On n’observe pas en France de corrélation inverse entre
efficacité
redistributive et
efficience
redistributive. En général, plus les prestations sociales représentent une part élevée du revenu
des ménages, moins elles sont réservées aux plus modestes (faible efficience), mais plus,
in
fine,
elles contribuent malgré tout fortement à la réduction des inégalités (forte efficacité).
7
C’est ce que l’on pourrait appeler le « paradoxe de la redistribution ». De son côté, la France
se caractérise par des transferts importants et peu ciblés, d’une part, par une réduction des
inégalités d’une intensité seulement dans la moyenne, d’autre part. Son système fiscalo-social,
ni plus efficace ni plus efficient que la moyenne, ne correspond ni au modèle « social-
démocrate », ni au modèle « libéral ».
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SOMMAIRE
I/
PORTEE,
DIFFICULTES
ET
LIMITES
DES
COMPARAISONS
INTERNATIONALES
p.9
1) Qu’est-ce qu’un prélèvement ?
p.9
2) Qui paye le prélèvement ?
p.10
3) Qu’est-ce qu’un prélèvement redistributif ?
p.11
4) La portée des comparaisons internationales
p.12
II/ LA STRUCTURE GENERALE DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES AU
REGARD DE LEURS EFFETS REDISTRIBUTIFS
p.13
1) La part des différents types de prélèvements
p.13
2) Une approche économique : le taux implicite d’imposition des facteurs de production et de
la consommation
p.16
III/ UNE COMPARAISON INTERNATIONALE DE LA PROGRESSIVITE DES
PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SUR LES SALAIRES
p.18
1) Aspects méthodologiques
p.18
2) La redistribution verticale
p.19
3) La redistribution horizontale
p.25
IV/ LES MUTATIONS DE L’IMPOT SUR LE REVENU DANS LE MONDE
p.30
1) Le déclin de la progressivité plus que le déclin de l’impôt sur le revenu
p.30
2) Le modèle de la « flat tax » ou de l’IR à taux unique
p.31
3) Le taux marginal supérieur : un indicateur de l’orientation de la politique fiscale
p.33
4) La problématique de l’imposition des très hauts revenus ou une imposition devenue
problématique
p.35
5) Le quotient conjugal
p.37
6) Le quotient familial
p.40
7) L’imposition des revenus du capital
p.42
a- Les tendances générales
p.42
b- Une réforme emblématique : le système néerlandais des « boîtes »
p.47
V/ LES IMPOTS SUR LE PATRIMOINE
p.51
1) L’évolution du poids de l’ensemble de ces impôts
p.51
2) L’impôt sur la fortune
p.53
3) Les impôts fonciers
p.54
4) Les droits de mutation à titre gratuit
p.55
VI/ L’EFFET GLOBAL DES SYSTEMES DE REDISTRIBUTION SUR LES
INEGALITES
p.57
1) La tendance générale à l’augmentation des inégalités dans les pays développés
p.57
2) Le rôle des systèmes fiscalo-sociaux : les tentatives d’évaluation
p.62
a- Les analyses menées à partir des données du Luxembourg Income Study
p.62
b- Les limites de cette analyse
p.67
c- L’approche d’Eurostat
p.68
d- Une comparaison franco-britannique
p.71
e- Une étude sur longue période : Piketty et Saez (2006).
p.74
ANNEXES
p.77
9
I/
Portée,
difficultés
et
limites
des
comparaisons
internationales
Un certain nombre de difficultés d’ordre méthodologique qui se posent à l’occasion de toutes
les analyses sur les prélèvements fiscaux et sociaux revêtent une acuité particulière dès que
l’on tente de faire des comparaisons internationales. En effet, les systèmes nationaux ne
reposent pas sur les mêmes conceptions quant à la nature et au rôle des différents
prélèvements.
De même, les différentes études internationales disponibles mettent parfois en
oeuvre des choix méthodologiques divergents.
1) Qu’est-ce qu’un prélèvement ?
La part des cotisations qui ouvrent des droits, souvent proportionnels, soulèvent des
difficultés récurrentes. Ainsi, le taux de prélèvement atteignent-ils des niveaux plus élevés
dans les pays où les finances sociales prennent à leur charge les principaux risques sociaux
(maladie, chômage, retraite), que dans les Etats dont les citoyens doivent recourir à des
assurances privées et des fonds de pension. Ces différences peuvent aussi perturber l’analyse
de la progressivité des prélèvements. Ainsi, l’éventuel plafonnement des cotisations sociales
peut donner l’impression de leur dégressivité, alors qu’il a éventuellement pour contrepartie
une limitation des droits, conduisant les intéressés à s’affilier à des régimes facultatifs,
« supplémentaires » ou « sur-complémentaires », en matière de retraite, par exemple.
On peut voir l’illustration de ce phénomène dans un graphique issu des travaux de Piketty,
Landais et Saez
4
, qui montre les « profils » des taux de prélèvement en fonction de revenus. Si
l’on examine non plus la courbe supérieure retraçant la somme de tous les prélèvements mais
celle située immédiatement en-dessous, qui ne prend pas en compte les cotisations sociales
finançant des prestations considérées comme contributives (retraites, chômage), on peut
constater une plus grande progressivité dans les différentes plages de revenus correspondant
respectivement aux classes « populaires », « moyennes » et même « aisées », ainsi qu’une
moindre dégressivité pour les catégories très aisées.
Toutefois, ces différences peuvent ne pas être artificielles, quand il n’existe pas - ou plus - de
lien entre prestations et cotisations. Les allègements de charges, en France mais aussi dans
d’autres Etats (en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni), introduisent bien une forme de
progressivité dans le bas de la hiérarchie salariale, puisqu’ils ne modifient pas les droits
sociaux des intéressés
5
. Ces différences peuvent aussi n’être qu’en partie artificielles dans la
mesure où les systèmes de protection sociale mêlent parfois étroitement assurance et
redistribution. Ainsi l’acquisition de droits à retraite peut intégrer des avantages sociaux,
c’est-à-dire ne pas dépendre uniquement des cotisations versées. En France, si le FSV, et donc
l’impôt, finance une partie des dispositifs de solidarité prévus dans le cadre des retraites,
d’autres avantages relèvent du financement interne aux régimes (majorations de durée
d’assurance et de pensions dans les régimes spéciaux et complémentaires, périodes validées
au titre de la maladie ou de l’invalidité, minima de pension dits contributifs etc…), donc des
4
« Pour une révolution fiscale : un impôt sur le revenu pour le XXIème siècle », 2011 –
graphique de la page
120.
5
Sous l’hypothèse qu’à l’équilibre entre offre et demande de travail, la rentabilité du capital après impôt étant
fixée par ailleurs de manière exogène, le salaire net s’ajuste et les charges patronales pèsent
in fine
entièrement
sur le salarié - ce qui veut dire que les allègements lui profitent aussi intégralement. On laisse de côté pour
l’instant la question du salaire minimum.
10
cotisations. Il faudrait notamment rajouter l’important avantage non-contributif que constitue
la réversion
6
.
Au final, comme on le verra, certaines études internationales traitent l’ensemble des
prélèvements sociaux comme des « taxes pures » tandis que d’autres s’efforcent de faire une
distinction en fonction de la nature contributive ou non des prestations qu’ils financent, ce qui
conduit à des retraitements souvent délicats.
Par ailleurs, certaines aides sociales peuvent prendre la forme, selon les pays, d’une dépense
publique ou d’un dispositif fiscal (modalité particulière de calcul, dépense fiscale). C’est
fréquemment le cas des soutiens financiers aux familles versés sous condition de ressources.
Dans les comparaisons internationales, l’Etat qui recourt à la formule de la dépense publique
aura, pour un résultat identique, une structure de prélèvements apparemment moins
progressive que celui qui pratique des baisses d’impôts ciblées. L’OCDE tente de pallier ce
biais en calculant des taux de prélèvement nets d’aides générales aux familles (cf partie III).
La solution idéale consiste naturellement à jauger l’effet redistributif de l’ensemble des
finances publiques, dépenses comme recettes, mais un tel travail comparatif, long et
complexe, reste rare et change la nature de l’exercice. De fait, les prestations sociales
contribuent en général sensiblement plus que les prélèvements à la redistribution des revenus
(cf partie VI).
2) Qui paye le prélèvement ?
La théorie de l’incidence fiscale invite à distinguer le redevable d’un impôt, d’une part, de
celui qui en supporte le coût économique, d’autre part, puisque l’agent en charge de son
règlement peut parfois en reporter le poids sur d’autres, pour tout ou partie, en particulier en
modifiant ses prix de vente ou d’achat s’il le peut. La répartition des prélèvements
obligatoires entre les ménages, potentiellement de tous les prélèvements
y compris ceux qui
sont acquittés par les entreprises
, obligerait donc en toute rigueur à une série d’analyses au
cas pas prenant en compte les paramètres de chaque marché pertinent (élasticités-prix de
l’offre et de la demande etc…).
On peut prendre l’exemple de l’impôt sur les sociétés. De nombreuses études l’écartent de
leur champ d’analyse au motif qu’il s’avère trop complexe de prendre la mesure de ses
conséquences sur le revenu net des ménages par tranche de revenus. Pour commencer, pèse-t-
il sur les actionnaires, comme on pourrait le penser en première analyse, ou, sur l’ensemble
des propriétaires de capitaux (égalisation des rendements des placements nets d’impôt), sur
les salariés (baisse des salaires) ou sur les consommateurs (hausse des prix) ? Certaines études
l’intègrent dans leur champ d’analyse en faisant des hypothèses certes simplificatrices mais
qui ne sont pas
in fine
plus réductrices que de l’ignorer purement et simplement.
Ainsi l’étude de Piketty et Saez sur la fiscalité américaine et son évolution
7
aboutit-elle à la
conclusion que le caractère moins redistributif de cette dernière au début des années 2000 que
dans les années 60 ne s’explique pas principalement par la réduction, pourtant spectaculaire,
des taux de l’impôt sur le revenu mais par la réduction du poids de l’IS dans le PIB (ainsi que
6
Par ailleurs, même dans le cas général, le calcul des droits ne respecte pas strictement le principe de la
neutralité actuarielle, ce qui entraîne des transferts entre assurés. Il comprend notamment certains effets de seuil .
Cependant, leur vocation ou leur effet redistributifs sont plus douteux.
7
« How progressive is the U.S. federal tax system ? A historical and international perspective”, NBER working
paper series, n°12404, juillet 2006.
11
des impôts sur la propriété). L’hypothèse selon laquelle il est supporté au final par les revenus
du capital et des fonds de pension, donc proportionnellement davantage par les ménages les
plus aisés joue un rôle crucial à cet égard.
De même, le bilan des impôts fonciers dans leur dimension redistributive diffère grandement
selon que l’on considère les propriétaires bailleurs peuvent ou non reporter leur coût sur les
locataires, qui jouissent en moyenne de revenus et d’un patrimoine moins importants.
Enfin, il convient d’insister sur le fait que la mesure d’un prélèvement et de sa répartition ne
se réduit pas à son coût financier. Il ne suffit pas d’évaluer comptablement ce dernier avant de
l’imputer aux ménages de la manière la plus juste possible. En effet, il est susceptible, et a
parfois même pour vocation, d’influer sur les comportements. De ce fait, il peut affecter la
production et la répartition primaire des revenus et/ou le bien-être de la population, de
manière inégale selon les niveaux de revenus.
3) Qu’est-ce qu’un prélèvement redistributif ?
Il convient de distinguer la concentration, la progressivité et l’impact redistributif d’un
prélèvement. Un impôt faible dont ne sont redevables en pratique que les plus aisés sera
fortement concentré mais non pas nécessairement très progressif si les taux s’étagent de
manière peu différenciée. On pourra aussi le juger globalement peu redistributif au regard des
masses financières déplacées des plus favorisés vers les moins riches.
Ensuite, on ne peut pas faire abstraction de la nature des dépenses financées par les
prélèvements. Un prélèvement proportionnel pourra être jugé anti-redistributif, si on le
considère isolément, en rapportant la taxe ou la cotisation au revenu, mais redistributif s’il
correspond à la couverture d’un risque a priori indépendant du revenu et que l’on prend pour
référence le coût correspondant d’une assurance privée.
Ainsi, en France, des cotisations patronales et la CSG, proportionnelle, financent-elles
notamment l’assurance-maladie, alors que, dans d’autres pays, les citoyens doivent
s’acquitter:
-
de primes auprès de compagnies d’assurance calculées en fonction des
risques et non des revenus, d’où en pratique
régressives
,
-
mais aussi d’impôts qui servent à financer la protection sociale des plus
démunis (exemples : Medicare et Medicaid aux Etats-Unis). Progressifs et
s’appliquant à des assiettes plus larges que les seuls revenus d’activité, ils
constituent un mode de financement
plus redistributif
.
Au final, la comparaison est rendue difficile, puisque l’on a d’un côté une protection sociale
fondée sur un principe d’universalité qui mêle assurance et redistribution, de l’autre une
protection publique réservée aux plus défavorisés et financée par l’impôt, donc redistributrice,
mais d’autant plus clairement telle qu’elle ne concerne qu’une fraction limitée de la
population et met en jeu des montants financiers plus limités.
Enfin, savoir qui bénéficie in fine de la progressivité des prélèvements exige à nouveau de
recourir à la théorie de l’incidence fiscale. Les baisses de charges pour les salariés les plus
modestes constituent une forme de progressivité du barème des cotisations sociales et tendent
à l’amélioration de leur situation, mais on ne peut considérer qu’elles constituent une forme
12
de redistribution monétaire directe en leur faveur (à due concurrence de la différence de taux)
que sous des hypothèses restrictives et, en tout état de cause, on ne peut le faire au niveau du
SMIC. Cet avantage peut se traduire en partie par des rémunérations nettes plus élevées mais
aussi et surtout par une offre d’emplois non-qualifiés supérieure, dans la conception même de
ces politiques, dont l’objet ne consiste pas principalement à partager équitablement la charge
des dépenses sociales. Dans ces conditions, les entreprises n’embauchant que parce que c’est
rentable de le faire et/ou parce qu’elles peuvent développer davantage leur activité, un tel
avantage se trouve en réalité partagé avec les employeurs concernés (marges plus
importantes), leurs actionnaires (plus values et dividendes plus élevés), les consommateurs
(prix plus faibles) et les autres salariés (substitution entre emplois qualifiés et non-qualifiés).
4) La portée des comparaisons internationales
La portée des comparaisons internationales doit donc être relativisée à la lumière des
ambiguïtés méthodologiques précédemment évoquées. Par exemple, selon que l’on inclut ou
non certains prélèvements (et certains transferts) dans le champ de la redistribution, ou en
amont dans l’évaluation des revenus initiaux, la conclusion peut diverger. En outre, si les
comparaisons internationales penchent majoritairement pour un choix méthodologique plutôt
qu’un autre, cela peut tenir au fait qu’elle est statistiquement la plus pratique sans être
économiquement la plus pertinente (par exemple, inclure dans la catégorie des transferts de
nature redistributive les pensions versées par les systèmes de retraite publics, cf partie VI).
Par ailleurs, toute comparaison doit prendre en compte l’inégalité de la répartition des revenus
initiaux. L’impôt peut apparaître moins redistributif parce qu’il s’applique à des revenus
relativement peu différenciés. A l’inverse, des prélèvements peu ou non progressifs peuvent
assurer une redistribution substantielle
8
parce qu’ils s’appliquent à des revenus très inégaux.
Enfin, indépendamment de leurs limites méthodologiques et de la diversité des contextes
nationaux, il convient de s’interroger sur les conclusions à tirer de telles comparaisons
internationales. Le fait que la France s’écarte éventuellement de la norme internationale
signifie-t-il qu’elle doive « rentrer dans le rang », en raison de la concurrence fiscale et/ou de
la « preuve par la pratique » apportée par la convergence d’une grande majorité d’Etats ?
Faut-il au contraire insister sur la diversité des situations et la persistance de particularités
marquantes chez certains de nos partenaires pour mettre en relief les marges de manoeuvre
existantes ? Les comparaisons internationales ne doivent naturellement pas être utilisées de
manière simpliste.
8
A l’aune d’un critère comme la différence de l’indicateur de Gini de la distribution des revenus mesuré avant et
après redistribution.
13
II/ La structure générale des prélèvements obligatoires au
regard de leurs effets redistributifs
.
Une première approche, très globale, peut consister à examiner les parts respectives dans le
PIB des prélèvements selon leur caractère (a priori) progressif, proportionnel ou dégressif.
Dans les chapitres suivants, on s’interrogera sur la progressivité effective des prélèvements à
vocation redistributive, impôts sur le revenu et sur le capital.
1) La part des différents types de prélèvements
Il est bien connu que le taux de prélèvement obligatoire se situe en France à un niveau
relativement élevé et qu’il a crû davantage au cours des 30 dernières années que dans la
majorité des autres grands pays développés.
Tableau n°1
Evolution du taux de prélèvement obligatoire dans l’OCDE
1975
2007
Evolution 1975-2007
France
35,4%
43,5%
+8,1pt
OCDE *
29,4%
35,8%
+6,4pt
UE à 15 *
32,1%
38,8%
+6,7pt
Allemagne
34,3%
36,2%
+1,9pt
Royaume-Uni
34,9%
35,7%
+0,8pt
Italie
25,4%
43,5%
+18,1pt
Etats-Unis
25,6%
28,3%
+2,7pt
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
* : moyennes non-pondérées
9
On prête généralement aux impôts sur le revenu des propriétés redistributives, en raison de sa
fréquente association avec un barème progressif, ainsi qu’aux impôts sur la propriété. Même à
taux fixes, ces derniers s’accompagnent d’une certaine progressivité au regard des revenus
puisque la répartition du patrimoine est corrélée à celle des revenus et augmente avec eux de
manière plus que proportionnelle. Le cas des cotisations sociales est plus complexe. Elles
comportent souvent un plafonnement qui les rend dégressives, mais ce dernier n’est pas
systématique et elles peuvent se caractériser par une certaine progressivité dans le bas de
l’échelle des rémunérations.
La France se distingue aujourd’hui principalement par la relative faiblesse de la part des
impôts sur le revenu et l’importance des cotisations sociales et des divers impôts sur la
propriété.
9
si elles ne traduisent pas fidèlement la réalité économique d’une zone, ce type de moyennes est plus pertinente
aux fins de comparaisons internationales
14
Tableau n°2
Structure des prélèvements obligatoires dans l’OCDE (en parts de PIB)
2007
Impôts sur les
revenus des
personnes
Impôts sur la
propriété
Cotisations
sociales
Taxes à la
consommation
Impôt sur
les sociétés
France
7,4% *
3,5% **
16,1%
10,4%
3,0%
OCDE
9,4%
1,9%
9,1%
10,3%
3,9%
UE à 15
10,4%
2,1%
11,1%
11,1%
3,5%
Allemagne
9,1%
0,9%
13,2%
10,2%
2,2%
Royaume-Uni
10,9%
4,5%
6,6%
10,1%
3,4%
Italie
11,1%
2,1%
12,6%
9,9%
3,8%
Etats-Unis
10,8%
3,1%
6,6%
3,9%
3,1%
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
* Ce total regroupe l’IR, la CSG et la CRDS.
** Correspondant à la taxe d’habitation, aux impôts fonciers, à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, à
l’ISF et aux droits de mutation à titre gratuit et onéreux (cf infra).
En proportion des prélèvements obligatoires totaux, la France s’est rapprochée de la moyenne
(tout en en restant assez éloignée), dans le cas des impôts sur le revenu ou des cotisations
sociales, mais s’en est écartée dans celui des impôts sur la propriété et des taxes à la
consommation.
Tableau n°3
Evolution de la part des différentes catégories de prélèvements en France
et au sein de l’OCDE
En part des PO
2007 - France
1975/2007 -
France
2007 - OCDE
1975/2007 -
OCDE
Impôts sur le
revenu des
personnes
17%
+6,4 pts
25,3%
- 5,5 pts
Impôts sur le
patrimoine *
8,1%
+ 3 pts
5,6%
-0,7 pt
Cotisations
sociales
37,1%
-3,5 pts
25,2%
+ 3,2 pts
Dont : CS
salariales
9,3%
+0,7 pt
8,9%
+2 pts
Dont : CS
patronales
25,1%
- 4,2 pt
14,6%
+0,8 pt
Taxes à la
consommation
24,1%
-8,3 pts
29,2%
- 0,9 pt
Taxes générales
à la
consommation
17%
-6,4 pts
18,6%
+5,2pts
Droits
spécifiques à la
consommation
7%
-2 pts
10,5%
-6,2 pt
Impôt sur les
sociétés
6,8%
+1,6 pts
10,8%
+ 3,2 pts
Total
100%
100%
Source : OCDE, « statistiques des recettes publiques 1965-2008 »
15
L’imposition des revenus des personnes a cessé d’être la première source de recettes fiscales
et sociales au sein de l’OCDE en 2007, la moyenne reculant d’environ 30% au début des
années 80 à approximativement 25%
10
. A contrario, les cotisations sociales, en augmentation,
représentent la plus grande source de revenus pour les administrations publiques dans sept
pays de l’OCDE, l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, les Pays-Bas, les Républiques slovaque et
tchèque et, naturellement, en France
11
. Cette augmentation est à mettre en relation avec celle
des dépenses sociales. La concomitance avec le recul des impôts sur le revenu conduirait,
toutes choses égales par ailleurs, au diagnostic d’un affaiblissement relatif des prélèvements
les plus redistributifs. Echappent naturellement à cette tendance générale les Etats où l’IR
finance tout (Danemark, Nouvelle-Zélande) ou partie (Etats-Unis, Royaume-Uni) de la
protection sociale.
En niveau, sinon en tendance, la France reste nettement à part au sein de l’OCDE : les recettes
de cotisations sociales atteignent plus du double de celles de l’imposition des revenus des
personnes, quand elles se révèlent équivalentes en moyenne dans l’OCDE
En Europe, le poids des impôts sur le revenu va de 5% du PIB en Grèce à 25% au Danemark
(et plus de 50% des prélèvements obligatoires de ce pays), représentant en moyenne (non-
pondérée) 8,1% du PIB et 21% des recettes fiscales. La part de l’IR dans le PIB a augmenté
en Europe jusque dans les années 90, notamment en raison de l’alignement des pays du Sud
sur la norme internationale des pays développés, avant de se stabiliser puis de décroître
légèrement, sous l’effet de baisses d’impôt et de l’élargissement de l’Union à certains pays de
l’Est
12
.
Au sein de l’UE, notre pays n’occupe que le 17
ème
rang à ce titre et même l’avant-dernier au
sein de la zone euro, seul le Portugal
faisant moins. Certains nouveaux membres d’Europe
orientale accordent même une plus grande place à ce type de prélèvements dans le total de
leurs recettes publiques, y compris certains Etats ayant mis en oeuvre la « flat tax » (cf
infra
),
comme la Hongrie et la Lituanie. Du fait d’un taux de prélèvement obligatoire plus élevé,
l’écart de la France à la moyenne s’avère moins important en part de PIB (7,4% contre 8,1%).
La création puis la montée en puissance de la CSG et la CRDS ont rapproché le niveau
français de la moyenne européenne ; il se classe aujourd’hui au 12
ème
rang au sein de l’UE.
A noter que si le poids des impôts sur le revenu a augmenté, doublant approximativement en
part de PIB entre le milieu des années 70 et aujourd’hui (ce qui correspond à un
accroissement de 3,7% à 7,4% du PIB, et de 10,6% à 17% des PO), il a, par exemple, crû de
manière plus sensible encore en Italie, progressant de 3,8% à 11,1% du PIB, et de 15,2% à
25,6% des PO. Surtout, la différence demeure importante avec les Etats européens les plus
comparables (UE15 ; 7,4% contre 10,4% du PIB).
10
Tout en restant stable en part de PIB (9,3% en 1975 ; 9,4% en 2007)
11
où leur poids dans le PIB a toutefois reculé entre 1975 et 2007 du fait de la fiscalisation croissante du
financement de la protection sociale et du déclin de la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés (
entre
les deux dates ici retenues). Ces tendances ont été en partie compensées par les mesures de hausse et de
déplafonnement décidées en début de période et par la poursuite de l’augmentation de certains taux, y compris
sur la période récente (de cotisation aux régimes complémentaires de retraite et à l’assurance-chômage).
12
Dans le périmètre de l’UE 15, les impôts sur le revenu des personnes sont passés de 9,9% à 10,4% du PIB et
de 28,1% à 25,5% des prélèvements obligatoires.
16
2) Une approche économique : le taux implicite d’imposition des facteurs de
production et de la consommation
Les statistiques de l’Union européenne répartissent les prélèvements obligatoires entre
différents types d’assiettes définies d’un point de vue économique (travail, capital,
consommation) et en déduisent un taux implicite de pression fiscale et sociale sur celles-ci.
Tableau n°4
Taux d’imposition implicite selon l’assiette au sein de l’UE
TII sur le
travail
(1995)
TII sur le
travail
(2007)
TII sur le
capital
13
(1995)
TII sur le
capital
(2007)
TII sur la
consommation
(1995)
TII sur la
consommation
(2007)
France
41,2%
41,4%
32,5%
39,8%
21,5%
19,5%
UE25
35,6%
34,6%
23,2%
27,3%
21,3%
22,2%
Allemagne
39,4%
38,6%
21,8%
24,5%
18,8%
19,8%
Royaume-Uni
25,7%
26%
34,6%
42,9%
19,6%
18%
Italie
38,2%
42,8%
27,4%
35,3%
17,4%
17,2%
Source : Taxation trends in the European Union -2010. Eurostat, Commission européenne.
La France taxe relativement plus :
-
le travail (6,8 points de plus que la moyenne de l’UE à 25, 7,3 points de
plus que celle de la zone euro)
-
le capital (12,5 points de plus que l’UE-25, 10,7 de plus que la zone euro),
et, désormais, relativement moins la consommation (2,7 points de moins que l’UE-25 et 1,9
point de moins que la zone euro).
L’analyse des évolutions semblent montrer, par-delà les divergences attribuables au
dynamisme relatif des différentes assiettes, le souci de modérer les prélèvements sur les
revenus du travail et de solliciter davantage le capital et la consommation. Ceci tient
probablement moins à des considérations d’équité que d’efficacité économique, les
prélèvements se reportant progressivement sur les assiettes les moins mobiles et les moins
sensibles à leur taxation
14
.
13
Impôts sur le capital en stock et sur ses revenus
/ [excédents bruts d’exploitation +
revenus nets de la
propriété des agents privés]. Ce ratio peut être critiqué au motif qu’on rapporte au seul revenu du capital des
impôts assis aussi bien sur ce dernier que sur le capital en stock. Il ferait ainsi apparaître un taux artificiellement
élevé. Le choix d’Eurostat s’explique en partie par la difficulté de disposer d’estimations harmonisées de la
valeur des stocks de capital nationaux. Il peut se justifier par le fait que l’ensemble de ces impôts, sur le capital
comme sur ses revenus, pèse sur le rendement net de ce dernier. En sens inverse, l’omission des gains en capital
au dénominateur alors que le numérateur comprend la taxation des plus-values contribue à une certaine
surestimation de ces taux en période de forte hausse de la valeur des actifs. De même, la non-déductibilité des
intérêts versés par les ménages (hors entreprises individuelles) dans de nombreux Etats, minorent les revenus
nets de la propriété au dénominateur mais non l’assiette servant effectivement au calcul de certains impôts dont
le total apparaît au numérateur. L’impossibilité de faire un partage rigoureux entre impôts assis sur le stock de
capital selon qu’ils sont acquittés respectivement par les ménages ou les entreprises interdit le calcul de tels
ratios pour chacune de ces deux catégories (cf infra).
14
Naturellement, il conviendrait d’analyser plus finement les taux implicites de taxation en fonction des
différentes composantes de ces assiettes, ici très agrégées. En particulier, il faudrait distinguer la taxation du
capital de celle de ses revenus, l’imposition du capital immobilier, d’une part, financier, d’autre part, cf.
infra
.
17
Dans le cas des taux de taxation implicite du travail et du capital, les évolutions dans notre
pays s’inscrivent dans le sens des tendances observées à l’échelle de l’Union, mais ne l’en
éloignent pas moins de la moyenne européenne
en niveau
. Elles se différencient par une
réduction moins importante des prélèvements sur le travail et un alourdissement plus net de
l’imposition du capital et de ses revenus.
En tendance, la France fait nettement exception dans le cas des taxes à la consommation
puisque le taux d’imposition implicite y recule sensiblement alors qu’il augmente en Europe
depuis le début des années 2000
15
, principalement du fait d’une certaine convergence vers le
haut, c’est-à-dire d’un accroissement des taux de TVA dans les Etats, notamment de l’Est, où
il était le moins élevé. Cette différence peut s’expliquer en partie par l’affaiblissement relatif
des taxes « environnementales »
16
(qui en font partie pour l’essentiel), passées en France de
2,8% à 2,2% du PIB
17
entre 1995 et 2002.
Au total, les tendances constatées en France depuis une quinzaine d’années quant à taux
implicites inviteraient à penser,
en première analyse
, que les évolutions de la structure des
prélèvements obligatoires sont allées dans le sens d’une plus grande redistribution des
revenus, qu’il s’agisse de l’augmentation de la pression fiscale et sociale sur le capital, de la
baisse de celle qui s’exerce sur la consommation ou encore, dans le cas des revenus du travail,
du recul des cotisations sociales lié pour partie à la montée d’allègements de charges sur les
bas salaires.
En niveau
, le taux d’imposition implicite élevé sur le travail, dont le lien avec la
progressivité des prélèvements en fonction des revenus ne peut être déterminé a priori
(puisqu’il comprend tant des cotisations sociales que des impôts sur le revenu), ne permet pas
de conclure globalement.
15
On s’arrête à 2007, la crise économique s’étant traduite par une nette inflexion à la baisse en 2008 peu
significative des tendances lourdes en matière des prélèvements obligatoires.
16
Ensemble des taxes assises sur la consommation d’énergie et de ressources non-renouvelables ou sur les
transports et des pollutions mesurables – que l’objectif de préservation de l’environnement ait ou non présidé à
leur création (ex. : ce n’était pas initialement la raison d’être de la TIPP).
17
Celles-ci, comme les taxes à la consommation, sont considérées a priori comme régressives, d’où un nouveau
conflit d’objectifs entre efficacité et équité. Pour le surmonter, le Danemark, par exemple, a décidé de verser un
chèque vert en 2009, dégressif avec le revenu, parallèlement à l’accroissement des taxes sur l’énergie, les
transports et des taxes environnementales et nutritionnelles.
18
III/ Une comparaison internationale de la progressivité des
prélèvements obligatoires sur les salaires
Dans leurs travaux, les organismes internationaux, comme l’OCDE ou les services de la
Commission européenne, qui utilisent des cadres d’analyse très proches, n’accordent pas une
place privilégiée aux préoccupations liées redistribution des revenus. Aussi ne proposent-ils
pas d’éléments statistiques permettant des comparaisons à l’échelle de l’ensemble des
revenus.
En revanche, l’OCDE fournit annuellement dans sa publication « Taxing wages » (« Les
impôts sur les salaires ») un tableau de la valeur moyenne, à différents niveaux de
rémunération du travail (sur la base de cas-types), des taux de prélèvement correspondant
aux :
-
impôts sur le revenu
-
impôts sur le revenu complétés des cotisations sociales salariées,
-
impôts sur le revenu complétés des cotisations sociales salariées et
patronales, mais diminuées des prestations sociales à caractère général
perçues au titre de la famille sous forme de transferts en espèces
18
, Cet
ensemble forme le « coin fiscalo-social ».
Ce dernier, le plus proche d’un taux de prélèvement global et le moins biaisé par les
différences de mode de financement de la protection sociale, constitue le principal terme de
comparaison.
1) Aspects méthodologiques.
Ces analyses ne s’inscrivent pas dans une optique de redistribution des revenus mais
principalement dans le cadre d’une analyse des dysfonctionnements potentiels du marché du
travail du fait du « coin fiscalo-social » qui peut désinciter à l’embauche et/ou au travail,
c’est-à-dire soit inciter à rester inactif (marge extensive) ou à limiter le nombre d’heures de
travail (marge intensive). Ceci entraîne un certain nombre de conséquences. Si cette approche
permet, dans le cas des rémunérations salariales, d’estimer des taux de prélèvement à
différents niveaux de revenus et selon différentes configurations familiales, donc d’avoir une
image de la redistribution verticale et horizontale assurée par ces prélèvements, elle a pour
conséquence :
-
par définition, de limiter le champ d’analyse aux salaires, alors que
l’analyse de la progressivité ne prend tout sens qu’à l’échelle des revenus
globaux,
-
un intérêt faible porté aux deux extrémités de la hiérarchie salariale. La
rémunération des cadres supérieurs et dirigeants constitue un cas particulier
d’un point de vue économique et juridique. De son côté, la situation des
titulaires des revenus salariaux les plus faibles relève d’une approche plus
large qui met en jeu la question de l’incitation à l’activité. Elle impose de
prendre en compte d’autres dispositifs fiscaux et d’autres prestations
sociales qui ceux qui entrent dans ces calculs. Au total, l’attention se
18
Ce qui, dans le cas de la France, correspond aux allocations familiales au sens strict.
19
concentre sur un intervalle de rémunérations qui va du tiers au deux-tiers
du salaire moyen ou parfois de 50% à 250% de celui-ci.
Ainsi les deux-tiers du salaire moyen, en France, correspondent à un emploi au SMIC à plein
temps, alors que les phénomènes de pauvreté au travail se développent principalement en lien
avec la fréquence du temps partiel et des interruptions d’activité.
Par ailleurs, on doit rappeler une limite importante déjà signalée : le fait que toutes les
cotisations sociales soient considérées comme des « taxes pures ». Ce point apparaît d’ailleurs
également problématique au regard des implications du « coin fiscalo-social » sur le
fonctionnement du marché du travail qui constituent le sujet de préoccupation principal de
l’OCDE. En effet, si les cotisations correspondent à un salaire différé ou à l’achat de services
d’assurance, clairement reconnus comme tels par les travailleurs concernés, elles ne
participent pas de l’écart entre leur rémunération nette et le coût du travail pour l’employeur
et elles ne font pas partie du « coin fiscalo-social ». Il y a un certain temps, des travaux
économétriques tendaient ainsi à accréditer l’idée que prélèvements sociaux et salaires nets
seraient en partie substituables ; par exemple, des cotisations sociales plus lourdes, en France,
auraient eu pour contrepartie des salaires nets moins élevés sans effet important sur le coût du
travail
19
, sauf au niveau du SMIC où le salaire net ne peut s’ajuster
20
.
Enfin, cette approche repose sur l’analyse de cas-types, ce qui signifie :
-
qu’on accorde la même importance aux différents taux de prélèvements en
tout point de l’éventail des salaires retenu, et qu’on n’appréhende pas les
effets de structure liés à la déformation de la répartition des rémunérations.
Elle ne permet pas de jauger l’ampleur réelle de la redistribution et/ou des
dysfonctionnements du marché du travail découlant de ces prélèvements,
-
qu’on sélectionne certaines configurations jugées les plus représentatives
sans que cette appréciation s’appuie sur des éléments statistiques. Ainsi,
l’OCDE privilégie-t-elle les situations familiales suivantes : célibataires
sans enfant, couples ayant deux enfants, dont un seul conjoint travaille, ou
dont le second touche un salaire sensiblement inférieur au premier,
-
qu’on néglige, dans les systèmes de prélèvements, les dispositions
dérogatoires
ou
liées
à
des
évènements
particuliers,
bien
que
potentiellement fréquents. Or ceux-ci peuvent en pratique jouer des rôles
importants et créer un écart sensible entre une telle analyse ex ante et un
constat ex post – sur données de panel ou au niveau agrégé.
2) La redistribution verticale.
19
Cf « Formation des salaires et incidences sur le coût du travail », J.-P. Cotis et A. Loufir
in
« Economie et
prévision, n°92-93, 1990.
20
L’OCDE défend son choix en insistant sur le fait que le lien entre cotisations et droits sociaux s’est
généralement relâché et que les études empiriques ne mettent pas en évidence d’effet significativement différent
sur l’emploi entre impôt sur le revenu et cotisations salariales. Cependant, ces constatations globales ne sont pas
incompatibles avec l’hypothèse d’après laquelle les prélèvements auraient des conséquences différentes selon
qu’elles financent des prestations contributives ou non. Les cotisations salariales peuvent en effet contribuer au
financement ces deux types de dépenses. Par ailleurs, si les données invalidaient cette hypothèse, il conviendrait
de s’interroger sur les fondements économiques d’un tel phénomène, car un salaire différé ne peut normalement
avoir le même effet qu’une taxe pure.
20
On peut commencer par une vue des différents prélèvements fiscaux et sociaux au niveau des
salaires moyens nationaux.
Tableau n°5
Coin fiscalo-social pesant sur un célibataire sans enfant
travaillant à temps complet
et percevant le salaire moyen
(
en % du coût de la main d’oeuvre
)
« Coin fiscalo-
social » total
IR
Cotisations
sociales salariales
Cotisations sociales
patronales
France
49,2%
9,9%
9,6%
29,7%
Allemagne
50,9%
17,3%
17,3%
16,3%
Royaume-Uni
32,5%
14,6%
8,3%
9,6%
Suède
43,2%
13,9%
5,3%
23,9%
Danemark
39,4%
29,1%
10,3%
0
Italie
46,5%
15%
7,2%
24,3%
Etats-Unis
29,4%
13,4%
7%
9%
Source : « Les impôts sur les salaires, 2008-2009 », OCDE
Définition : (IR dont CSG/CRDS pour la France
21
+ cotisations sociales employeurs + cotisations sociales
salariés)/ Coût total du travail
Dans le cadre d’une définition plus étroite de l’imposition des personnes, on peut rapporter les
seuls IR et cotisations salariales au salaire brut.
Tableau n°6
Impôt sur le revenu et cotisations sociales salariales
pesant sur un célibataire sans enfant percevant le salaire moyen
(
en % du salaire brut
)
Prélèvement total
IR
CSS
France
27,7%
14%
13,7%
Allemagne
41,3%
20,7%
20,6%
Royaume-Uni
25,3%
16,2%
9,1%
Suède
25,3%
18,3%
7%
Danemark
39,4%
29,1%
10,3%
Italie
29,3%
19,8%
9,5%
Etats-Unis
22,4%
14,8%
7,7%
La progressivité du coin fiscalo-social peut ensuite être discutée sur la base des taux de
prélèvements de 50% à 250% du salaire moyen. Dans le cas français, ces calculs ne prennent
pas en compte le RSA « activité ou « chapeau », mis en oeuvre le 1
er
juin 2009.
21
Par ailleurs, ce calcul tient naturellement compte du caractère partiellement déductible de la CSG au titre de
l’IR, de l’abattement de 10% pour frais professionnels, de la PPE et du mécanisme de la décote.
21
Tableau n°7
Coin fiscalo-social à 50% à 250% du salaire moyen
Célibataire sans enfant
(
en % du coût du travail
)
à 50% du salaire
moyen : (a)
à
100%
du
salaire moyen
à 150%
à
200%
du
salaire moyen
à 250% du salaire
moyen : (b)
Progressivité
résumée : (b)-(a)
France
30,6%
49,2%
52,3%
54,2%
55,3%
24,7%
Allemagne
42,4%
50,9%
53,2%
51,8%
50,4%
8%
Royaume-Uni
25,9%
32,5%
35,8%
38,8%
40,6%
14,7%
Suède
39,5%
43,2%
49,1%
53,6%
56,2%
16,7%
Danemark
36,3%
39,4%
47,1%
51%
53,4%
17,1%
Italie
39,5%
46,5%
50,5%
53,2%
54,9%
15,4%
Slovaquie
30,9%
37,6%
39,8%
40,6%
41,7%
10,8%
Etats-Unis
24,5%
29,4%
33,6%
36,2%
38,2%
13,7%
Moyenne
arithmétique *
33,7%
41,1%
45,2%
47,4%
48,8%
15,1%
Source : OCDE
* des pays- ci-dessus
La progressivité du coin fiscalo-social apparaît nettement plus affirmée en France ; il
commence à un niveau situé en-dessous de la moyenne de cet échantillon et finit au-dessus de
celle-ci.
Elle revêt toutefois une forme particulière. En effet, il faut noter que l’augmentation du taux
de prélèvement moyen se concentre dans la plage de revenus qui va d’un demi-salaire moyen
à un salaire moyen entier. Alors que le salaire ne fait que doubler, la contribution d’IR est
multipliée par 7 et les cotisations employeur par 4,5, du fait de l’annulation des allègements
de charges. Son accroissement apparaît très modéré par la suite, de 100% à 250% du salaire
moyen.
Dans les pays étrangers de ce tableau, le « barème » implicite de ce coin-fiscalo-social se
caractérise par une progressivité beaucoup plus régulière, sauf en Slovaquie, choisie pour
faire partie de cet échantillon aux fins d’illustration des effets d’une « flat tax », et en
Allemagne, où le plafonnement des charges sociales rend le prélèvement dégressif à partir de
150% du salaire moyen. La progressivité de ces prélèvements s’avère particulièrement limitée
dans ce dernier pays, le coin fiscalo-social y étant élevé sur les rémunérations les plus basses
et proche de la moyenne sur les plus fortes
Un taux
marginal
localement élevé dans le bas de la hiérarchie salariale ne tient pas au
caractère peu redistributif des prélèvements et à un taux moyen élevé, mais, au contraire, à
des mécanismes tendant à en limiter le poids sur les salariés les moins bien rémunérés,
comme les allègements de charges sociales, en particulier dans les Etats où celles-ci sont
parmi les plus lourdes. La « sortie » de ces dispositifs et la nécessaire convergence vers les
taux moyens de prélèvement se traduisent par des taux marginaux élevés sur certains
segments de l’échelle des salaires, pour des travailleurs peu qualifiés (mais qui ne sont les
moins bien rémunérés). La Belgique, qui se trouve dans ce cas, applique l’équivalent d’un
taux marginal de 71,3% à un célibataire gagnant les 2/3 du salaire moyen.
22
Il semble qu’un impôt sur le revenu important et un financement intégré des dépenses de
protection sociale et des collectivités publiques, comme en Suède et au Danemark, au lieu
d’une juxtaposition de cotisations sociales et d’un IR plus limité, comme en France,
permettent d’apporter un soutien financier aux salariés les moins qualifiés tout en évitant
d’avoir à introduire des dispositifs
ad hoc
qui compliquent la législation et perturbent la
régularité du barème.
On peut examiner cette progressivité sur une base géographique plus large, mais dans un
intervalle de salaires plus restreint :
Tableau n°8
Coin fiscalo-social * (en % du coût de la main d’oeuvre)
à 67%, 100% et 167% du salaire moyen pour un célibataire, en 2009
à
67%
du
salaire moyen
(a)
à
100%
du
salaire moyen
à
167%
du
salaire moyen
(b)
« Coefficient
de
progressivité »
(b)-(a)
France
45,2%
49,2%
53,1%
7,9%
Allemagne
46%
50,9%
53%
7%
Royaume-Uni
29,2%
32,5%
37%
7,8%
Suède
41,2%
43,2%
50,9%
9,7%
Danemark
37,7%
39,4%
48,6%
8,9%
Italie
43%
46,5%
51,5%
8,5%
Etats-Unis
26,9%
29,4%
34,6%
4,7%
UE 15
37,2%
41,6%
47,1%
7,9%
OCDE
32,5%
36,4%
41,1%
7,6%
Source : OCDE, calculs du rapporteur
Sans surprise, cette progressivité s’explique essentiellement par l’IR.
Tableau n°9
IR moyen (
en % du salaire brut
) de 50% à 250% du salaire moyen
Célibataire sans enfant
à
50%
du
salaire moyen :
(a)
à
100%
du
salaire moyen
à 150%
à
200%
du
salaire moyen
à
250%
du
salaire moyen :
(b)
Progressivité
résumée : (b)-
(a)
France
(yc
CSG/CRDS)
3,9%
14%
18,8%
21,7%
23,4%
19,5%
Allemagne
10,5%
20,7%
27,1%
31,3%
33,9%
23,4%
Royaume-Uni
12,3%
16,2%
20,1%
25,1%
28,1%
15,8%
Suède
13,5%
18,3%
27,8%
34,9%
39,3%
25,8%
Danemark
23,7%
29,1%
37,6%
41,9%
44,5%
20,8%
Italie
10,6%
19,8%
25,1%
28,5%
30,5%
19,9%
Slovaquie
-0,6%
7,9%
10,8%
12,3%
14%
14,6%
Etats-Unis
7,8%
14,8%
19,8%
22,9%
25,2%
17,4%
Moyenne
arithmétique
10,2%
17,6%
23,4%
27,3%
29,9%
19,7%
Source : OCDE
Définition : IR/(coût total du travail – cotisations sociales employeurs)
23
La progressivité de l’IR français, telle que peut en rendre compte l’indicateur résumé de la
dernière colonne, ne paraît pas atypique à l’échelle internationale. Comme il pèse nettement
moins sur les rémunérations en moyenne, il assure toutefois une redistribution des revenus
plus limitée.
Comme attendu, la « flat tax » slovaque ne connaît de
progressivité notable que dans le bas
de l’échelle des revenus, du fait de l’abattement à la base, et le taux de prélèvement moyen
tend à plafonner rapidement.
On a confirmation que le cas particulier de l’Allemagne en matière de coin fiscalo-social
s’explique par le poids et la dégressivité des cotisations sociales dans ce pays, puisque la
forme du barème l’IR y est en revanche proche de la moyenne.
Un IR important, représentant une part conséquente des revenus y compris modestes, semble
compatible avec une progressivité également forte, ainsi que l’illustrent les exemples du
Danemark et de la Suède.
Les mêmes calculs, cette fois-ci à l’échelle de l’ensemble de l’OCDE et de l’UE, donnent les
résultats suivants :
Tableau n°10
Impôt sur le revenu (en % du salaire brut)
à 67%, 100% et 167% du salaire moyen pour un célibataire sans enfant, en 2009
IR
à
67%
du
salaire moyen(a)
IR
à 100% du
salaire moyen
IR
à 167% du salaire
moyen(b)
(b)-(a)
France
12%
14%
20%
8%
Allemagne
14,8%
20,7%
28,7%
13,9%
Royaume-Uni
14,2%
16,2%
22,1%
7,9%
Suède
15,8%
18,3%
30,6%
14,8%
Danemark
26,3%
29,1%
39,3%
13%
Italie
15,2%
19,8%
26,5%
11,3%
Etats-Unis
11,3%
14,8%
21%
9,7%
UE 15
13,1%
17,5%
25,5%
12,4%
OCDE
11,2%
15,4%
22%
10,8%
Source : OCDE, calculs du rapporteur
Les années 2000 ont vu un effort assez généralisé de réduction de ces taux de prélèvement,
plus accentué dans le cas des rémunérations les plus basses. Sauf exceptions, il est resté dans
des proportions limitées, faute de marges de manoeuvre
financières (les comptes publics étant
sous contrainte), et/ou de réforme fiscale majeure se traduisant par une nouvelle répartition de
la charge globale des prélèvements entre impôts et entre contribuables.
24
Tableau n°11
Coin fiscalo-social * (en % du coût de la main d’oeuvre)
à 67% et 167% du salaire moyen pour un célibataire sans enfant, en 2000 et 2009
à
67%
du
salaire moyen
2000
à
67%
du
salaire moyen
2009
Variation
à
167%
du
salaire moyen
2000
à 167% du
salaire moyen
2009
Variation
France
47,4%
45,2%
-2,2 pt
51,7%
53,1%
+ 1,4 pt
Allemagne
47,5%
46%
-1,5 pt
56,3%
53%
- 3,3 pt
Royaume-
Uni
29,1%
29,2%
+0,1 pt
35,8%
37%
+1,2 pt
Suède
48,6%
41,2%
-7,4 pt
55,7%
50,9%
- 4,8 pt
Danemark
40,4%
37,7%
-2,7 pt
51,3%
48,6%
- 2,7 pt
Italie
43,5%
43%
-0,5 pt
51%
51,5%
+0,5 pt
Etats-Unis
28,3%
26,9%
-1,4 pt
36,8%
34,6%
-2,2 pt
UE 15
39,8%
37,2%
-2,6 pt
48,5%
47,1%
-1,4 pt
OCDE
34,5%
32,5%
- 2 pt
42,4%
41,1%
-1,3 pt
Il faut prendre garde au fait que le haut de l’échelle des salaires figurant dans ce tableau se
situe à un niveau encore relativement peu élevé (167% du salaire moyen).
Dans le bas de cette échelle, cet effort a principalement la forme d’une augmentation des
baisses de charges, alors que d’autres Etats ont privilégié les «
in-work benefits
» destinés,
dans le cadre de l’IR, à mieux prendre en compte les charges liées à la reprise d’un emploi,
notamment à temps plein, et à renforcer l’incitation à travailler. Ce sont ces dispositifs qui
expliquent un léger accroissement de la progressivité de l’impôt.
La Suède offre ici le seul exemple d’une baisse de grande ampleur durant cette période. Après
une baisse générale de l’IR (suppression d’une surtaxe uniforme, relèvement du seuil
d’imposition pour la part de l’Etat) au début des années 2000, en contrepartie d’une hausse
des taxes suer l’énergie, les pouvoirs publics suédois ont introduit un crédit d’impôt lié à
l’activité en 2007 puis l’ont augmenté à trois reprises.
Tableau n°12
IR en % du salaire brut
à 67% et 167% du salaire moyen pour un célibataire, en 2000 et 2009
IR
à 67% du
salaire moyen
2000
IR
à 67% du
salaire moyen
2009
Variation
IR
à 167% du
salaire moyen
2000
IR
à 167% du
salaire moyen
2009
Variation
France
12,3%
12%
-0,3 pt
20,7%
20%
-0,7 pt
Allemagne
16,3%
14,8%
-1,5 pt
31,6%
28,7%
- 2,9 pt
Royaume-
Uni
15,1%
14,2%
-0,9 pt
23%
22,1%
-0,9 pt
Suède
24,7%
15,8%
- 8,9 pt
36,3%
30,6%
- 5,7 pt
Danemark
27,9%
26,3%
-1,6 pt
40,9%
39,3%
- 1,6 pt
Italie
15%
15,2%
+0,2 pt
25%
26,5%
+1,5 pt
Etats-Unis
14,9%
11,3%
-3,6 pt
24,2%
21%
- 3,2 pt
UE 15
13,8%
12,1%
-1,7 pt
26,5%
25,5%
- 1 pt
OCDE
12,3%
10,7%
- 1,6 pt
23,1%
22%
- 1,1 pt
25
Source : OCDE, calculs du rapporteur
Il est à noter que la mise en oeuvre du RSA ne va pas modifier cette donne puisqu’il
n’améliore pas le pouvoir d’achat d’un salarié à temps plein rémunéré au SMIC (mais conduit
à un doublement du gain financier lié à un retour à l’emploi pour un mi-temps).
3) la redistribution horizontale
A cet égard, les statistiques de l’OCDE permettent principalement de comparer les avantages
accordés au titre des enfants à charge.
Tableau n°13
Coin fiscalo-social de 50% à 250% du salaire moyen
Couple avec deux enfants – un seul salaire
à
50%
du
salaire moyen :
(a)
à
100%
du
salaire moyen
à 150%
à
200%
du
salaire moyen
à
250%
du
salaire moyen :
(b)
Progressivité
résumée : (b)-
(a)
France
21,5%
41,7%
43,8%
45,9%
47,5%
26%
Allemagne
16,4%
33,7%
38,4%
38,2%
38%
21,6%
Royaume-Uni
-13,5%
26,4%
31,9%
36,5%
38,8%
52,3%
Suède
28,2%
37,5%
45,5%
50,8%
54%
25,8%
Danemark
15%
28,8%
38,2%
43%
46,9%
31,9%
Italie
10,7%
35,7%
45,3%
50,1%
53,2%
42,5%
Slovaquie
0,2%
22,7%
29,5%
32,8%
35,4%
35,2%
Etats-Unis
-16,4%
13,7%
22%
25,1%
27,5%
43,9%
Moyenne
arithmétique
7,8%
30,0%
36,8%
40,3%
42,7%
34,9%
Source : OCDE
Définition : (IR + cotisations sociales employeurs + cotisations sociales salariés - allocations familiales)/ Coût
total du travail
Le système de prélèvement français apporte un soutien aux familles modestes inférieur à ses
homologues étrangers. Le coin fiscalo-social qui s’applique à eux est certes moins élevé que
celui que supporte un célibataire sans enfant pour une même rémunération, en particulier à la
moitié d’un salaire moyen (21,5% contre 30,6%). En revanche, il se révèle supérieur à la
moyenne des autres grandes nations développées (21,5% contre 7,8%), Le coin fiscalo-social
français, un peu moins élevé que la moyenne internationale ici calculée pour un célibataire
sans enfant (30,6% contre 33,7%), est largement supérieur à celle-ci pour une famille
comptant deux enfants et vivant du même salaire (21,5% contre 7,8%).
Cette situation tient au caractère forfaitaire des allocations familiales prises en compte, à des
charges sociales plus lourdes et à des avantages fiscaux plus limités. De fait, les quotients
conjugal et familial ne procurent qu’un avantage réduit aux familles peu favorisées.
On peut notamment voir cet effet dans la faible progressivité du seul IR dans le cas des
familles.
26
Tableau n°14
IR moyen en % du salaire brut de 50% à 250% du salaire moyen
Couples avec deux enfants – un salaire
à 50% du
salaire moyen :
(a)
à 100% du
salaire moyen
à 150%
à 200% du
salaire
moyen
à 250% du
salaire moyen :
(b)
Progressivité
résumée :
(b)/(a)
France
2,2%
7,9%
9,6%
12,1%
14%
11,8%
Allemagne
-20,2%
0,4%
10%
16,1%
20,3%
40,5%
Royaume-Uni
-20,1%
14,5%
19,1%
25,1%
28,1%
48,2%
Suède
13,5%
18,3%
27,9%
34,9%
39,3%
25,8%
Danemark
14,9%
24,7%
32,8%
36,9%
40,5%
25,6%
Italie
0%
12,4%
20,4%
25,7%
28,8%
28,8%
Slovaquie
-11,2%
-5,3%
1,6%
5,4%
8,5%
19,7%
Etats-Unis
-38,1%
-2,4%
7,3%
10,9%
13,7%
51,8%
Moyenne
arithmétique
-7,4%
8,8%
16,1%
20,9%
24,2%
31,5%
Source : OCDE
Définition : IR/(coût total du travail – cotisations sociales employeurs)
La progressivité de l’IR français, est bien moins importante pour les familles (indicateur
résumé de 11,8%) que pour les célibataires (24,7%). C’est l’inverse à l’étranger (indicateur
résumé en moyenne de 31,5%, pour les unes, contre 15,1%, pour les autres). La formule des
crédits d’impôts indépendants des revenus, voire dégressifs avec les revenus, et les dispositifs
fiscaux destinés aux « travailleurs pauvres », en particulier chargés de famille
22
, se traduisent
souvent par des taux de prélèvement négatifs (dans la moitié des Etats retenus ici).
Les familles monoparentales méritent une attention particulière en raison de leur risque élevé
de pauvreté.
22
L’ «
earned tax income credit
» américain, introduit dès 1975 et plusieurs fois renforcé, peut augmenter le
revenu net d’un ménage comptant deux enfants de près de 30%. Beaucoup plus important dans le cas des
ménages ayant des enfants, il poursuit des objectifs à la fois d’efficacité (incitation au travail) et de
redistribution, d’équité horizontale et verticale (l’idée étant en particulier de limiter les inégalités entre enfants,
les moins justifiables).
27
Tableau n°15
Coin fiscalo-social sur les célibataires et les familles ayant deux enfants
ainsi que sur les célibataires sans enfant
(en % du coût de la main d’oeuvre)
célibataires ayant
deux enfants
à 67% du salaire
moyen
(a)
célibataires
sans
enfant
à 67% du salaire
moyen
(b)
différence
(b)-(a)
couples
ayant
deux
enfants
à
133%
du
salaire
moyen
**
(c)
différence
(c)-(a)
France
36,8%
45,2%
8,4 pt
38,6%
1,8 pt
Allemagne
31,3%
46%
14,7 pt
39,1%
7,8 pt
Royaume-Uni
8,9%
29,2%
20,3 pt
24,6%
15,5 pt
Suède
32,8%
41,2%
8,4 pt
37,2%
4,6 pt
Danemark
13,2%
37,7%
24,5 pt
33,2%
20 pt
Italie
25%
43%
18 pt
38%
13 pt
Etats-Unis
4,2%
26,9%
22,7 pt
21,7%
17,5 pt
UE 15
21,4%
37,2%
16,2 pt
32,3%
8,9 pt
OCDE
16,9%
32,5%
15,6 pt
28,2%
11,3 pt
Source : OCDE, calculs du rapporteur
* familles disposant de deux revenus, respectivement de 100% et 33% du salaire moyen
Le système fiscalo-social français est celui qui offre l’avantage le plus limité aux familles
monoparentales en regard tant des célibataires sans enfant que des couples ayant des enfants
(ici, gagnant le double du célibataire devant élever le même nombre d’enfants). Seule s’en
rapproche la Suède, dont le système tient peu compte de la composition des familles de
manière générale.
Au final, le coût du travail d’un père ou d’une mère de deux enfants élevant seul deux enfants
et rémunéré à temps plein aux deux-tiers du revenu moyen se trouve grevé de près de 37% de
prélèvements obligatoires. Ce taux de prélèvement net s’avère largement inférieur en
moyenne au sein de l’OCDE et de l’Union européenne, et devient parfois même négatif (en
Australie, au Canada, en Irlande, en Nouvelle-Zélande
23
) ou faible (aux Etats-Unis et au
Royaume-Uni). Ces Etats combinent en général des taux d’imposition peu élevés et des
dispositifs spécifiques de soutien aux familles mono-parentales et, en particulier,
d’encouragement au travail de ces dernières. Quand on ne considère que le seul impôt sur le
revenu, celui-ci s’avère négatif dans un plus grand nombre de pays encore, notamment en
Allemagne (-2,5% du salaire brut), aux Etats-Unis (-13,9%), au Royaume-Uni (-0,3%), dans
les Républiques slovaque tchèque, tandis qu’il atteint 7% du salaire brut des intéressés en
France (la moyenne s’établissant à 5,5% dans l’OCDE).
D’après le rapport du Haut conseil de la famille sur les ruptures et discontinuités de vie
familiale de juillet 2010, qui envisage une gamme plus large de mécanismes de redistribution,
le régime fiscal et la protection sociale portent, en France, le revenu moyen par unité de
consommation des foyers monoparentaux de 55% à 68% de celui des couples avec enfant(s).
Certaines prestations et dépenses fiscales sont notamment attribuées sous condition
23
Dans ces pays, le taux de prélèvement n’est positif qu’à partir d’environ 90% du salaire moyen.
28
d’isolement
24
mais elles représentent des montants financiers assez limités au regard de la
pauvreté de ces ménages, en moyenne, en particulier dans le cas, le plus fréquent, où le chef
de famille est une femme
25
.
Cette moindre sensibilisation aux difficultés des familles monoparentales se lit dans
l’orientation des politiques fiscales depuis une dizaine d’années. L’effort général de réduction
des taux de prélèvements sur les revenus salariaux n’a pas été plus important, en France, dans
le cas de ces familles que dans les autres, alors qu’elles recevaient une attention particulière et
bénéficiaient de baisses d’impôt plus conséquentes dans un certain nombre d’autres pays.
Tableau n°16
Coin fiscalo-social
(en % du coût de la main d’oeuvre)
à 67% du salaire moyen pour un célibataire sans enfant
et pour un célibataire avec deux enfants, en 2000 et 2009
célibataire sans
enfant
2000
célibataire
sans enfant
2009
Variation
célibataire
avec 2 enfants
2000
célibataire avec 2
enfants
2009
Variation
France
47,4%
45,2%
-2,2 pt
39,1%
36,8%
- 2,3 pt
Allemagne
47,5%
46%
- 1,5 pt
31,7%
31,3%
-0,4 pt
Royaume-
Uni
29,1%
29,2%
+0,1 pt
15%
8,9%
-6,1 pt
Suède
48,6%
41,2%
- 7,4 pt
39,9%
32,8%
-7,1 pt
Danemark
40,4%
37,7%
-2,7 pt
14,2%
13,2%
- 1 pt
Italie
43,5%
43%
-0,5 pt
29%
25%
- 4 pt
Etats-Unis
28,3%
26,9%
-1,4 pt
9,6%
4,2%
-5,4 pt
UE 15
39,8%
37,2%
- 2,6 pt
26,5%
21,4%
-5,1 pt
OCDE
34,5%
32,5%
- 2 pt
20,4%
16,9%
-3,5 pt
Source : OCDE, calculs du rapporteur
L’écart s’est donc creusé. C’est pendant cette période que certains pays, en particulier anglo-
saxons, ont procédé à de nouvelles réformes qui ont rendu le coin fiscalo-social négatif dans
leur cas. En Irlande, il est passé de 16,4% à -9,5%, en Australie de 0,9% à - 7,5%, au Canada
de 0,5% à -7,7%, en Nouvelle-Zélande de - 3,3% à – 16,5%. Les familles monoparentales y
constituent à l’évidence une question sociologique de première importance, ce qui semble
moins le cas en France et en Allemagne, où le taux de prélèvement global dans leur cas a peu
baissé.
Il faut remarquer qu’il s’agit d’un des indicateurs
26
pour lequel la dispersion s’avère la plus
importante au sein de l’OCDE, puisqu’il va, en 2009, de 36,8% en France à -16,5% en
Nouvelle-Zélande - soit une différence qui représente plus de la moitié du coût du travail à ce
niveau de salaire.
24
Comme une demi-part supplémentaire au titre du quotient familial et l’allocation de soutien familial en cas de
non-paiement de pensions alimentaires
(d’un coût d’ 1,2 Md d’euros).
25
Ainsi, une séparation induit une baisse de niveau de vie de 31% lorsque la charge du ou des enfants revient à
la mère et de 6% lorsqu’elle revient au père. cf « Des disparités importantes d’évolutions des niveaux de vie » in
« Les revenus et les patrimoines des ménages – 2009 ».
26
Coin fiscalo-social pour un célibataire élevant deux enfants et touchant un salaire représentant les deux-tiers de
la moyenne.
29
Certes, il convient de signaler que ces statistiques ne prennent pas en compte un certain
nombre de prestations familiales, ni les aides au logement. Par ailleurs, le RSA change
quelque peu cette situation, en ménageant un gain de l’ordre de 200 euros au retour à l’emploi
au SMIC à temps plein, dans la cas d’une famille comptant deux enfants dont les conjoints
sont initialement tous deux inactifs. Le RSA comprend également une majoration pour les
parents isolés.
Toutefois, dans le domaine strictement fiscal, la France se situe clairement à l’écart quant à la
prise en compte des charges de famille. Les quotients conjugal et familial, malgré un coût
élevé (de respectivement 3,7 à 6,5 Md d’euros cf infra) n’apportent pas un soutien financier
aussi important que celui que reçoivent par le biais de mécanismes fiscaux, dans de nombreux
autres pays de l’OCDE, les familles de condition modeste, en particulier monoparentales.
Cette aide est croissante avec le revenu jusqu’à des plafonds élevés. Cet état de fait a pu
conduire à la mise en place de correctifs et de dispositifs spécifiques à l’attention des plus
défavorisés, dans le cadre de l’IR, mais de bien moindre ampleur que chez un certain nombre
de nos partenaires.
30
IV/ Les mutations de l’impôt sur le revenu dans le monde
La place de l’impôt sur le revenu dans le système des prélèvements obligatoires constitue un
élément important de sa progressivité mais la progressivité de l’IR lui-même joue un rôle tout
aussi fondamental. La part de l’imposition des revenus des personnes semble s’être maintenue
dans les pays les plus avancés, mais est-il resté aussi redistributif ?
1) Le déclin de la progressivité plus qu’un déclin de l’impôt sur le revenu
Au sein de la zone OCDE, l’imposition des revenus des personnes est restée relativement
stable sur longue période en part de PIB depuis les années 60. On peut cependant distinguer
deux phases : d’abord une hausse du milieu des années 60 à 1980, son poids dans le PIB
passant de 7% à 10,4%, puis une certaine érosion (9,4% en 2007). En part des recettes de
prélèvements obligatoires, compte tenu de la hausse de ces derniers, ce recul est plus net sur
la dernière période puisqu’après avoir augmenté de 26% à 30% au milieu des années 80, elle a
diminué jusqu’au milieu des années 2000, se repliant à 25%. Entre 1990 et le milieu des
années 2000, cette proportion s’est réduite dans 22 pays sur 25.
On a vu que la France s’était inscrite à rebours de cette tendance et s’est ainsi rapprochée ainsi
de la moyenne. Ce phénomène tient uniquement à la montée en puissance de la CSG et de la
CRDS car l’IR lui-même a évolué en France dans le même sens que dans la plupart des pays
développés. Le poids du seul IR dans les prélèvements obligatoires a, en effet, reculé de 9%
au début des années 90 à 6,5% au milieu des années 2000.
Parallèlement, la progressivité de l’IR s’est a priori atténuée presque partout dans le monde,
notamment de par une baisse des taux marginaux supérieurs et une réduction du nombre de
tranches, depuis les réformes fiscales américaine et
britannique des années 80. Ainsi le taux
marginal supérieur de l’IR a-t-il reculé de 83% à 40% au Royaume-Uni, sous M. Thatcher, et
de 70% à 28% aux Etats-Unis sous R. Reagan (pour sa part fédérale). On a pu parler d’une
« crise de la progressivité ».
Ce phénomène s’explique, d’une part, par certaines évolutions idéologiques
27
. L’accent a été
mis sur le caractère incitatif de la fiscalité, sur son efficacité plutôt que sur son équité. Il
s’agissait, en particulier, de prévenir les distorsions que créeraient des taux de prélèvements
obligatoires élevés à l’encontre de l’initiative privée et de la prise de risque
28
, de l’offre de
travail, de l’épargne, de l’accumulation de capital humain et productif et de la recherche de
son allocation optimale. La volonté de réduire les « pics » de prélèvements, alors que les
effets négatifs des impôts croissent en théorie à raison du carré des taux d’imposition, comme
le souci, plus généralement, d’assurer une plus grande neutralité de ceux-ci, à recettes fiscales
constantes, ont contribué à l’unisson à une diminution des taux marginaux supérieurs et à un
élargissement des assiettes.
27
Une date symbolique à cet égard étant celle de la « proposition 13 » adoptée en 1978 en Californie, qui visait à
plafonner l’impôt sur la propriété immobilière.
28
Ainsi, un impôt progressif défavoriserait les revenus variables (à revenu moyen donné, on paye moins d’impôt
s’ils sont constants que s’ils fluctuent) et donc découragerait la prise de risque.
31
Certains sont même allés jusqu’à soutenir qu’une fiscalité optimale des revenus du travail et
de l’entreprise devait être non pas progressive mais
régressive
, en vertu du fait que les
externalités pouvant justifier, du point de vue de l’efficacité productive
29
, de s’écarter
d’impôts forfaitaires ou proportionnels militaient en faveur d’une forme de subvention en
faveur des titulaires des revenus les plus élevés. Ces derniers feraient bénéficier le reste de la
société de leurs compétences et de leur esprit d’initiative sans en toucher personnellement
tous les profits…
Il tient, d’autre part, dans le contexte d’une baisse des coûts de transport, de communication et
de transaction internationaux, à l’exacerbation de la
concurrence fiscale
, au profit des facteurs
de productions considérés comme les plus mobiles (salariés très qualifiés, capital) et au
détriment les moins mobiles – que cette exacerbation résulte de décisions au vu de faits
constatés ou seulement d’inquiétudes quant aux risques de délocalisation de la matière
taxable.
Au total, les recettes n’ont toutefois que faiblement reculé en part de PIB en raison de
l’élargissement des assiettes et de la croissance de l’activité, donc des revenus. A cet égard,
les études de l’OCDE soulignent un phénomène d’alourdissement automatique de la fiscalité,
résultant de l’enrichissement rapide de certains Etats à forte croissance du fait de l’absence
d’indexation des barèmes sur les niveaux moyens de revenus (d’où une augmentation des
recettes plus rapide que celle de l’assiette), voire des retards d’indexation sur l’inflation.
L’OCDE fait observer qu’entre 2000 et 2009, si les taux marginaux supérieurs ont reculé, le
seuil d’application de ce dernier ne représente plus que 2,5 fois le salaire moyen, au lieu de 3
fois.
2) Le modèle de la « flat tax » ou de l’IR à taux unique
L’idée du « flat tax » a trouvé une application dans certains pays de l’Est de l’Europe, d’abord
dans les Etats baltes, qui décidèrent d’appliquer des taux encore relativement élevés (26% en
Estonie, 33% en Lituanie, 25% en Lettonie), puis en Russie en 2001 (au taux de 13%), en
République slovaque
30
, en Ukraine (13%) en 2004, en Géorgie (12%) et en Roumanie (16%)
en 2005, en Bulgarie (10%) et en République tchèque (15%) en 2009. Il ne s’agit donc plus
d’expériences isolées et elles ont ausi alimenté le débat public dans d’autres Etats de l’Ouest
de l’Europe (par exemple en Suisse et en Allemagne)
Un abattement ou
tranche à « taux 0 » permet généralement
31
de conserver une certaine
progressivité, toutefois absente par définition en deçà de ce seuil et limitée au-dessus de celui-
ci, le taux moyen de prélèvement
finissant par ne plus augmenter que marginalement.
Comme les systèmes fiscaux ne sont jamais la pure application de principes et peuvent mêler
des logiques différentes, on doit signaler qu’il est possible, comme en Slovaquie depuis 2009,
de soumettre cet abattement à une condition de revenu ou de le rendre dégressif avec celui-ci.
29
A contrario, le souci de la maximisation de l’utilité sociale, indépendamment même de toute considération
d’équité implique de prendre en compte le fait que l’utilité marginale du revenu diminue avec celui-ci, ce qui
justifie un taux de prélèvement croissant, toutes choses égales par ailleurs.
30
En 2004, la Slovaquie a mis en oeuvre un taux unique de 19% pour l’imposition des revenus des personnes
comme des bénéfices des sociétés.
31
La seule exception dans l’UE est la Bulgarie qui n’applique aucun abattement. Il s’agit donc, là aussi, du seul
cas dans l’UE d’un IR dénué de toute progressivité.
32
D’où un taux
moyen
de prélèvement qui finit par être effectivement égal au taux pivot de la
«
flat tax
», puisque les revenus les plus élevés ne bénéficient plus de l’abattement, et un taux
marginal
plus élevé dans l’intervalle de revenus à l’intérieur duquel joue cette dégressivité (au
lieu d’être constant pour tous les foyers effectivement imposés, ce qui pourtant constitue
théoriquement un des objectifs de la « flat tax »). Néanmoins, ce taux marginal n’est pas
continuellement croissant et maximal au sommet de l’échelle des revenus. Cette variante de la
«
flat tax
» ne rejoint donc tout de même pas la formule d’un barème à taux progressif.
Il est parfois proposé d’accompagner la « flat tax », non d’un abattement, à la base mais d’un
transfert universel forfaitaire (minimum vital ou « revenu d’existence ») qui pourrait se
substituer aux transferts sociaux
32
. Ce dernier ménagerait, comme l’abattement, une certaine
progressivité sans accroissement des taux marginaux supérieurs de prélèvement, jugés
néfastes économiquement. Toutefois, la contrainte de financement ainsi induite aurait pour
effet soit un transfert universel d’un niveau très faible, soit une «
flat tax
» d’un taux élevé, se
traduisant par une importante redistribution de la charge fiscale des hauts revenus vers les
classes moyennes.
Ces réformes sont allées généralement de pair non seulement avec un élargissement des bases,
en particulier d’une remise en cause des nombreuses dérogations et exemptions accumulées
avec le temps, c’est-à-dire avec une refonte de l’IR, mais aussi avec une remise à plat de
l’ensemble des systèmes fiscalo-sociaux. Le choix d’appliquer un taux faible ou un
abattement élevé a ainsi pu s’accompagner d’un alourdissement des taxes à la consommation.
On peut prendre l’exemple de la Slovaquie, qui a fortement relevé l’abattement à la base,
mais réduit les transferts sociaux et l’IS, augmenté les taxes sur la consommation (le taux
normal de TVA passant de 14% à 19%), aboli les droits sur les successions, donations et
mutations immobilières. Au final, selon les calculs de l’OCDE, la réforme a eu pour effet,
toutes choses égales par ailleurs, une diminution du produit de l’impôt sur le revenu en part de
PIB (de 3,3% à 2,5%) comme de l’impôt sur les sociétés (de 3% à 2,2%), presqu’entièrement
compensée par l’augmentation des recettes de TVA (de 7,2% à 8%) et des droits d’accise (de
2,8% à 3,4%).
Pour les revenus les plus élevés, le bénéfice de l’introduction d’un taux unique et du report
éventuel d’une partie de la charge fiscale sur la consommation, peut se trouver en partie
contrebalancé par la suppression, parallèlement, d’un certain nombre de dépenses fiscales
33
ou
de la mise en oeuvre d’une taxation à la source qui limite les possibilités de sous-déclaration
34
.
L’effet net sur les classes moyennes reste indéterminé car il dépend du niveau de l’abattement
pratiqué et de la situation familiale, les crédits d’impôts pour personnes à charge ayant
souvent été fortement revalorisés dans le même temps. Les plus défavorisés, qui ne payaient
pas ou peu d’IR, sont a priori perdants, surtout en cas de baisse concomitante des aides
sociales et de hausse de taxes à la consommation (sauf pour certains « travailleurs pauvres »,
si les cotisations sociales diminuent parallèlement).
32
Si l’on raisonne en termes de transferts nets, cette formule est équivalente à celle d’un impôt à taux constant
devenant négatif en-deçà de l’abattement à la base.
33
Ou par le fait que ces mécanismes sont rendus moins avantageux à la suite de la réforme, ce qui renvoie
principalement à l’idée que les dépenses fiscales permettaient en pratique d’atténuer déjà sensiblement la
progressivité du barème. D’où, en fin de compte, un effet moins régressif de la mise en oeuvre de la «
flat tax
».
34
Ce serait naturellement encore plus vrai dans le cas où cette «
flat tax
» se substituerait également à des
cotisations sociales et ferait notamment contribuer les revenus du capital au financement de la protection sociale.
33
Enfin, il conviendrait de prendre en compte les effets dynamiques sur l’activité et l’emploi,
qui constituent le but principal de ces réformes. A cet égard, l’OCDE elle-même demeure
circonspecte ; l’expérience ne semble pas démontrer qu’elles aient un impact significatif sur la
croissance. Il s’avère difficile, selon elle, de se faire une idée ne serait-ce qu’
a priori
dans la
mesure où le « coin fiscalo-social »
35
diminue pour les uns et s’accroît pour les autres
simultanément.
3) Le taux marginal supérieur (TMS) : un indicateur de l’orientation de la
politique fiscale.
L’évolution du taux marginal supérieur, qui concentre souvent l’attention des observateurs,
doit essentiellement être vue comme un indicateur d’une politique générale. De fait, il
concerne en lui-même parfois que peu de contribuables et/ou ne les affecte en réalité que
faiblement. Autrement dit, il est rare que ses changements modifient significativement le
poids de l’IR dans le PIB et il ne constitue qu’un des éléments influençant la situation des
revenus les plus élevés.
L’Autriche a ainsi diminué significativement, en 2009, la pression
fiscale sur les ménages les plus aisés en revoyant à la hausse le seuil de la tranche de revenu
soumise à ce TMS sans modifier ce dernier. La baisse des TMS a plutôt représenté, en
général, une composante d’une éventuelle réforme d’ensemble de l’IR, comprenant une
réduction des autres taux et une diminution du nombre de tranches, c’est-à-dire de leur
élargissement – tous facteurs ayant contribué à alléger l’impôt dû par les titulaires des revenus
les plus élevés, et souvent dans des proportions supérieures à la modification du TMS.
Dans le cas de la France, il convient d’insister en particulier sur l’effet d’un certain nombre de
règles d’assiette, par exemple la déductibilité des cotisations sociales, alors que les charges
sociales pèsent d’un poids plus élevé en France qu’ailleurs
36
, ainsi que d’un certain nombre
d’impôts (une partie de la CSG, notamment) ou encore de certaines dépenses fiscales :
déductions, réductions et crédits d’impôt. La France applique par ailleurs des modes de calcul
comme le quotient familial et conjugal qui peuvent limiter la progressivité de l’impôt et la
portée du TMS. Si ces règles ne constituent pas toujours des spécificités de notre pays, celui-
ci présente la particularité de les cumuler.
Ceci étant précisé, on peut faire les remarques suivantes sur l’évolution des TMS. Même si
l’on rajoute la CSG et la CRDS à des fins de comparaisons internationales, le TMS en France
s’avère désormais proche de la moyenne. Il en va de même du seuil d’application de ce taux,
la norme se situant entre 40 000 et 80 000 euros (aux notables exceptions
près de
l’Allemagne et des Etats-Unis). La progressivité du barème est sensiblement plus forte en
France qu’aux Etats-Unis dans la mesure où les ménages modestes ne paient pas d’IR et où le
taux maximal, plus élevé, est aussi atteint plus rapidement.
35
Dans lequel on pourrait, voire on devrait, inclure les taxes à la consommation qui réduisent le pouvoir d’achat
procuré par la rémunération du travail (et du capital).
36
les droits acquis grâce à ces cotisations, comme les pensions, peuvent être soumis à l’IR ultérieurement, mais
donnant lieu au versement de revenus de remplacement a priori moins élevés, ils permettent une économie
d’impôt si celui-ci est progressif. A l’étranger, il existe de nombreux exemples de déductibilité des versements
faits dans le cadre de dispositifs plus ou moins facultatifs conçus en vue de la retraite. Ce sont même
généralement les plus importantes « niches fiscales », mais ce type de disposition n’est pas systématique ni
toujours durable (cf infra).
34
Tableau n°17
Evolution du taux marginal supérieur de l’IR dans l’UE (en 2010)
TMS légal
1995
TMS légal
2010
Variation
Seuil
d’application du
TMS en euros *
France
37
59,1%
45,8%
- 13,3pt
69 783
Belgique
60,6%
53,7%
-6,9 pt
34 330
Irlande
48%
41%
- 7 pt
36 401
Espagne
56%
43%
- 13 pt
53 407
Pays-Bas
60%
52%
- 8 pt
54 776
Autriche
50%
50%
0
60 001
Portugal
40%
42%
+2 pt
64 624
Bulgarie
50%
10%
- 40 pt
« flat tax »
République
tchèque
43%
15%
- 28 pt
idem
Slovaquie
42%
19%
- 23 pt
idem
Suède
61,3%
56,4%
-4,9pt
52 226
Danemark
63,5%
51,5%
-12pt
46 657
Allemagne
57%
47,5%
-9,5pt
250 401
Royaume-Uni
40%
50%
+10pt
166 674 (50%)/
41557(40%)
Italie
51%
45,2%
-6,2 pt
75 001
UE27
47,3%
37,5%
-9,8pt
Non-pertinent
Zone euro (16)
50,4%
42,4%
- 8 pt
59 233
Source : services de la commission européenne (Taxation trends in the European Union, 2010)
*Source : DLF
En 2010, la moyenne arithmétique au sein de l’UE27 s’établissait à 37,5% (contre 47,3% en
1995), tirée vers le bas par les nouveaux membres (cf
infra
). Néanmoins, la tendance à la
baisse est générale puisque la moyenne dans la seule zone euro est passée de 47,3% en 1995 à
42,4%. 21 Etats membres sur 27 ont réduit ce TMS entre 1995 et 2010, trois l’ont augmenté.
Si on remonte plus loin dans le temps, on peut s’apercevoir qu’ils dépassaient souvent 65% au
milieu des années 80 et qu’ils se situent presque tous aujourd’hui en-deçà de 50%. La
moyenne calculée par l’OCDE s’établissait à 67% en 1981 et à 43% en 2006.
Les taux de prélèvement effectifs
moyens
ont connu un repli plus limité dans la mesure où les
taux intermédiaires n’ont pas diminué autant, mais aussi dans la mesure où les seuils des
différentes tranches n’ont parfois pas suivi l’augmentation des revenus. Ce point concerne
tous les niveaux de salaires imposables. Ainsi, ce taux n’a par exemple diminué que de 19%
en 1985 à 14% en 2004 au niveau du salaire moyen.
37
y compris CSG/CRDS, le calcul étant fait sur la base de revenus de nature exclusivement salariale. Pour un
surplus de salaire brut de 100 euros au-delà du seuil d’application du TMS, le montant de CSG/CRDS atteint :
8% * 97% * 100 euros = 7,8 euros. L’assiette de l’IR vaut : 100 - 15,5% (100) - 5,1% (97%) 100 euros, soit 79,6
euros, compte tenu du taux marginal de cotisations salariales pour un cadre et de la CSG déductible. Il en résulte,
si on prend en compte un abattement forfaitaire pour frais professionnels de 10% et un TMS de 40% (taux
applicable en 2010) un IR de : 40%* 0,9 * 79,6 euros = 28,7 euros. Le total IR + CSG +CRDS atteint donc : 28,7
+ 7,8 euros = 36,5 euros et le taux marginal de prélèvement : 36,5/79,6 = 45,8%. Au-delà des plafonds
s’appliquant aux abattements pour frais professionnels au titre respectivement de la CSG/CRDS et de l’IR, ce
TMS se situe aux environs de 50%.
35
Pour la première fois depuis de nombreuses années, la moyenne du TMS a connu une
augmentation en 2010, du fait de hausses au Royaume-Uni
38
, en Grèce
39
, en Espagne, au
Portugal et en Irlande. Le TMS a été porté à 45% dans ces trois pays méditerranéens, à 47%
en Irlande et à 50% au Royaume-Uni - ce, en général en liaison avec la création d’une
nouvelle tranche à partir d’un seuil sensiblement supérieur.
Toutefois, ces taux sont restés constants dans la grande majorité des pays
40
et la remontée en
moyenne à l’échelle de l’Union, limitée. Certains Etats continuent même de réduire leur IR.
Ainsi, la Pologne a-t-elle ramené son TMS de 40% à 32% en 2009, c’est-à-dire après le
déclenchement de la crise. Le Danemark a décidé cette même année d’une réforme dont la
mise en oeuvre s’étendra jusqu’en 2019 et comprend un certain nombre d’éléments devenus
classiques : réduction des taux, diminution du nombre de tranches et relèvement du seuil de la
tranche supérieure.
Ce mouvement de hausse, s’il ne fait donc encore que s’esquisser, pourrait se confirmer dans
les années à venir. Face à la crise financière, la politique fiscale s’est efforcée dans un premier
temps au soutien de la demande, empruntant généralement la voie d’abattements (parfois
temporaires) pour les revenus les moins élevés dont la propension à consommer est la plus
forte. On pourrait s’attendre, dans un second temps, à ce qu’elle tende à un début de
consolidation budgétaire, tout en en minimisant l’effet négatif sur l’activité, notamment par le
biais de majorations de taux marginaux supérieurs. En pratique, compte tenu de la modestie
de plus values de recettes fiscales à attendre de ces hausses, c’est surtout un souci d’équité
dans le partage des efforts qui semble orienter la politique fiscale dans cette direction. La
hausse des TMS paraît surtout devoir accompagner l’augmentation des taxes indirectes (déjà
pratiquées dans les Etats les plus en difficultés financièrement), d’un rendement plus
important, plus sûr et plus rapide, mais aux effets anti-redistributifs.
4) La problématique de l’imposition des très hauts revenus, ou une imposition
devenue problématique.
Le calcul et le recouvrement des impôts sur les revenus les plus élevés posent de plus en plus
de problèmes, du fait de possibilités accrues d’optimisation fiscale. Les facilités et les failles
offertes par les législations, la diversification des supports financiers,
les moyens de paiement
et de communication modernes, la professionnalisation de la gestion des grandes fortunes et
des hauts revenus ont fait de l’évasion voire de la fraude fiscale une question majeure dans le
cas de ces derniers.
De manière significative, l’OCDE a décidé de se pencher sur ce sujet en menant à bien une
étude «
Engaging with high net worth individuals on tax compliance
», qui conclut à
l’opportunité pour l’administration fiscale de consacrer davantage de ressources à ce segment
38
La limitation de la déductibilité des versements des salariés à des fonds de pension peut également y renforcer
la progressivité de l’impôt de manière significative
39
Parallèlement à certaines dispositions à caractère exceptionnel, les pouvoirs publics grecs ont mis en oeuvre
une réforme globale de l’IR se traduisant par une imposition à taux progressifs selon 9 tranches, dont la dernière
soumis à un taux de 45% comprend les revenus supérieurs à 100 000 euros par an, les possibilités de déduction
fiscale étant supprimées.
40
Ont pris un caractère plus général les mesures concernant certaines formes de rémunération des cadres
dirigeants (bonus, stock-options, indemnités de rupture).
36
de la population et invite au renforcement de la coopération internationale. Elle devrait passer
notamment par des rencontres régulières entre différents spécialistes des hauts revenus au sein
des administrations nationales, dans le souci de déjouer ce qui est baptisé «
aggressive tax
planning
».
En particulier, l’effet des dépenses fiscales est très variable d’un pays à l’autre, de par leur
nombre et/ou leur générosité. A cet égard, la France se trouve être précisément le pays qui
compte le plus de dépenses fiscales parmi les grands Etats développés. En 2009, on évaluait à
36,3 Md leur coût au titre de l’impôt sur le revenu, soit près de 80% des recettes encaissées
41
.
Pour limiter les atteintes à la progressivité en résultant, la France a opté pour la formule du
plafonnement global. Faute d’analyses précises, il est aujourd’hui difficile de dire si le faible
rendement de ce dernier s’explique par son inefficacité, en raison d’un niveau trop élevé ou
d’avantages encore trop nombreux hors de son champ d’application, ou, au contraire, à la
réduction du recours à ces « niches » dans la mesure où elles perdent de leur intérêt financier,
ce qui irait bien dans le sens d’une restauration
de la progressivité de l’impôt.
L’Irlande vient d’introduire un dispositif de plafonnement des avantages fiscaux dérogatoires.
Aujourd’hui, il s’applique quand le revenu recalculé excède 125 000 euros et que ces
avantages dépassent eux-mêmes certains seuils, en niveau et en proportion de ce revenu
recalculé. La nature du mécanisme et les montants retenus semblent a priori plus favorable
aux plus hauts revenus que la formule française d’un plafonnement plus bas en valeur absolue
et indépendant du revenu.
Une autre formule intéressante est celle de
l’ «
alternative minimum tax
» pratiquée aux
Etats-Unis, depuis 1982, et au Canada, depuis 1986. Elle a vu le jour, aux Etats-Unis, à la
suite du constat que certains contribuables parmi les plus aisés n’étaient redevables d’aucun
impôt. Son principe consiste à établir un revenu imposable alternatif, qui ne tient pas compte
de certains avantages fiscaux (ou les prend en compte pour des valeurs différentes), et un
barème alternatif, consistant - pour simplifier - en un taux fixe de 26% (28% au-delà d’un
certain seuil) et un abattement dépendant de la situation matrimoniale, qui diminue
linéairement en fonction du revenu à partir d’un niveau très élevé. C’est l’impôt que le
contribuable doit acquitter s’il s’avère supérieur à celui qui résulte du mode de calcul de droit
commun.
En fait, cette «
alternative minimum tax
» se caractérise par un grand nombre de particularités
qui le rendent peu lisibles et semble l’éloigner de sa vocation. Il s’agit, à la limite, davantage
d’un IR différent que d’une formule simplifiée, censée éviter des abus. L’absence
d’indexation a eu pour résultat une forte augmentation du nombre de contribuables assujetti à
cet impôt minimal.
41
Ces totaux servent à indiquer un ordre de grandeur des masses financières en jeu mais ne constituent pas une
estimation à caractère économique. En effet, de telles additions ignorent les interactions entre dépenses fiscales
(réformer l’une peut modifier le coût de l’autre), leurs effets sur les assiettes taxables du fait de changements de
comportements (qui sont parfois leur raison d’être) et leurs conséquences macro-économiques (en particulier de
par leur impact sur les revenus des ménages), de sorte que les supprimer pour tout ou partie ne conduirait
naturellement pas à une augmentation des recettes à due concurrence.
37
5) Le quotient conjugal
La France est devenue un des rares pays à pratiquer l’imposition commune
obligatoire
.
L’Allemagne et l’Irlande en font leur règle de droit commun
mais l’imposition séparée est
possible. Elle constitue par ailleurs une option dans un certain nombre de pays (Canada,
Espagne, Norvège, Pologne, République tchèque) où l’unité fiscale est normalement
l’individu. A contrario, dix-sept pays de l’OCDE (sur 34) pratiquaient l’imposition séparée
sans autre option possible. La tendance est clairement à l’individualisation de l’impôt sur le
revenu, la Suède ayant abandonné le quotient conjugal en 1971 et le Royaume-Uni en 1990,
par exemple.
Tableau n°18
La prise en compte des couples au titre de l’IR dans l’UE
Imposition commune obligatoire
Imposition séparée obligatoire
Possibilité de choix
France,
Luxembourg***,
Portugal
Autriche, Belgique
42
, Bulgarie,
Chypre,
Finlande,
Hongrie,
Italie
*,
Japon,
Lettonie,
Lituanie,
Pays-Bas
**,
République tchèque, Roumanie,
Royaume-Uni,
Slovaquie,
Slovénie, Suède
Allemagne,
Danemark,
Espagne, Estonie, Etats-Unis,
Irlande, Malte, Pologne
* imposition séparée des revenus professionnels, chaque conjoint étant par ailleurs taxé sur la moitié des revenus
communs
** imposition séparée des revenus professionnels, les autres ressources étant réparties librement au sein du
couple
*** solution d’un barème diffèrent selon la situation familiale
L’individualisation de l’impôt s’accompagne généralement d’un abattement ou d’un crédit
d’impôt pour le conjoint qui ne percevrait pas ou peu de revenus
43
,
parfois dégressif, comme
en Italie et en Slovaquie.
Le résultat peut en pratique se révéler proche de celui d’une
imposition commune pour les revenus moyens, plus avantageux pour les revenus les plus
faibles mais moins pour les plus favorisés.
La règle du quotient conjugal se justifie par des préoccupations d’équité horizontale. A revenu
total donné du ménage, les couples au sein desquels un seul conjoint travaille acquitte ainsi le
même impôt que ceux où il résulte de l’addition de deux revenus. Plus généralement, on taxe
de la même manière un même revenu total, quel que soit sa répartition au sein du couple, en
jugeant que le niveau de vie donc la capacité contributive doit être estimée à l’échelle du
foyer.
Toutefois, même si l’on accepte ces prémices, le coefficient de 2 crée une forme d’inéquité
vis-à-vis des célibataires car il ne respecte pas les échelles d’équivalence usuelles, comme
celle d’Oxford ou celle de l’INSEE, fondée sur des études statistiques. Elles retiennent,
respectivement, un facteur 1,7 et 1,5. Tout se passe comme si la législation fiscale ignorait les
économies d’échelle que permet la vie de couple. Pourtant, l’évaluation des ressources des
42
Même si, en principe, l’imposition y est individualisée, ses modalités d’application quand l’un des époux ne
perçoit pas de revenus professionnels en rapprochent quelque peu les effets de ceux d’une imposition commune
puisqu’on peut affecter alors à un conjoint une partie des revenus professionnels de l’autre (30% sous plafond),
aux fins de limiter les conséquences de la progressivité du barème. En revanche, les revenus communs viennent
augmenter ceux de l’époux qui a le plus de revenus professionnels.
43
Mais ce n’est pas le cas en Suède et en Finlande.
38
ménages préalable à l’attribution et au calcul du RSA comme du minimum vieillesse, par
exemple, se fait au moyen de coefficients inférieurs, respectivement 1,5 et 1,8.
Par définition, le quotient conjugal ne crée d’avantage qu’en contrariant les effets de la
progressivité du barème, si et seulement si les deux conjoints ont des revenus de niveaux
différents. L’avantage est proportionnel à cet écart. Or, plus l’un des deux conjoints touche
des revenus élevés, plus cette configuration inégalitaire au sein du couple, facteur d’un gain à
ce mécanisme, a naturellement de chances de se rencontrer. On peut citer les cas polaires,
d’une part, du cadre dirigeant marié à une femme au foyer, d’autre part, du couple formé de
deux salariés rémunérés au SMIC. Les premiers bénéficient de l’imposition conjointe et non
les seconds.
L’avantage lié au quotient conjugal, croissant avec le revenu, n’est limité par aucun plafond,
contrairement au quotient familial, mais seulement par le fait qu’il n’a plus d’effet au-delà du
seuil correspondant au taux marginal supérieur multiplié par 2 (plus de 130 000 euros par an).
L’économie d’IR ainsi réalisée peut atteindre jusqu’à 8% du revenu déclaré et près de 8000
euros
44
.
A contrario, non seulement les ménages les plus modestes en profitent beaucoup moins, mais
ils
peuvent y perdre
– du fait d’autres particularités de l’IR. La législation fiscale prévoit, en
effet, un mécanisme de « décote » et de « minimum de perception », destinés à alléger le
montant des impositions les plus faibles
45
ainsi que divers abattements spécifiques (pour
personnes âgées ou invalides)
Or ceux-ci s’appliquent au montant de l’impôt du foyer
indépendamment de sa composition. Ils s’affranchissent de la règle du quotient, de sorte que,
à certains niveaux de revenus, il serait plus avantageux de faire deux déclarations séparées,
puisqu’on peut ainsi en bénéficier deux fois au lieu d’une.
Au total, selon une étude de Damien Echevin
46
fondée sur l’usage d’un modèle de micro-
simulation, on peut estimer en France à 45% la proportion de couples mariés (5,5 millions de
ménages) qui bénéficient actuellement d’un gain grâce au quotient conjugal, en moyenne de
1080 euros, et à 22% celle des couples mariés pénalisés par cette imposition conjointe (2,7
millions), pour un coût global de 3,7 Md d’euros. Pour leur part,
Elise Amar et Sophie
Guérin
47
, en prenant en compte la prime pour l’emploi et en utilisant les données de 2004,
estiment ce coût à 6,5 milliards, soit 12% de l’IR.
44
Pour un couple mono-actif gagnant entre 3500 et 9000 euros par mois,
in
« Les concubins et l’impôt sur le
revenu en France », F. Legendre et F. Thibault, Economie et statistique, n°401, 2007
45
Quand l’impôt reste inférieur à un certain seuil, il est diminué d’un montant égal à la moitié de la différence
entre ce seuil et l’impôt, ce qui peut conduire à son annulation.
46
« L’individualisation de l’impôt sur le revenu : équitable ou pas ? », in Economie et prévision, n°160-161
(2003).,
47
« Se marier ou non : le droit fiscal peut-il nous aider à choisir ? », Economie et Statistique, n°401,2007
39
L’OCDE s’est également penchée sur les effets de ce mécanisme :
Tableau n°19
Gain lié au quotient conjugal en fonction des revenus des conjoints en France en 2002
Euros, en 2002
0
20 000
40 000
60 000
80 000
0
0
7,5%
8%
8%
8,2%
20 000
0
0,8%
1,4%
2,5%
40 000
0
0,3%
0,9%
60 000
0
0,2%
80 000
0
Source : OCDE, « Refonte de l’imposition des revenus des personnes physiques », 2006.
Ce tableau fait ressortir quelques résultats, en grande partie attendus :
-
un gain faiblement croissant avec le revenu « principal », à revenu
secondaire donné et non-nul,
-
un gain un peu plus nettement croissant avec la diminution du revenu
secondaire (non-nul), à revenu principal donné,
-
un gain important à l’inactivité du second conjoint, quel que soit le
revenu principal.
Tableau n°20
Avantage lié au quotient conjugal par comparaison avec une imposition séparée
en France
Décile de niveau de vie (revenu avant
impôt par unité de consommation)
Répartition du gain total par
déciles de
foyers fiscaux*
% des
couples mariés
gagnants d’un décile **
1
0
7,1%
2
0
17,4%
3
1%
30,3%
4
5%
40%
5
9%
47,1%
6
10%
50,4%
7
12%
48,3%
8
13%
48,7%
9
22%
64,2%
10
28%
71,5%
Source : OCDE, « Refonte de l’imposition des revenus des personnes physiques », 2006.
* échantillon de 500 000 déclarations d’IR pour 2001
** enquête de 1999 sur les recettes fiscales, mise à jour en 2002
Le décile supérieur accapare plus du quart du gain correspondant au choix de cette unité
d’imposition, les deux déciles supérieurs, la moitié. Ce résultat s’explique par la progressivité
de l’IR mais aussi par la discordance, déjà évoquée, entre la valeur du paramètre de division
des revenus dans le cadre du quotient conjugal (soit : 2) et celui qui sert à évaluer le niveau de
vie par unité de consommation (inférieur à 2).
Un Etat pratiquant l’imposition commune peut éventuellement éviter de conférer un avantage
trop important aux couples mariés, en particulier à revenus élevés, en mettant en oeuvre, plutôt
que le quotient conjugal, des barèmes différents pour eux et pour les célibataires qui réduisent
40
progressivement le gain lié à la « moyennisation » des revenus de par leur imposition en
commun. C’est le cas aux Etats-Unis ; les seuils des différentes tranches, dans un rapport de 1
à 2 dans le bas du barème, convergent progressivement. Ainsi, le taux
marginal
supérieur de
35%, aux Etats-Unis, s’applique à partir du même seuil de revenus totaux, que l’on soit
célibataire ou en couple. Tout se passe comme si l’on ne tenait plus compte, à partir d’un
certain supplément de revenu, du fait que le nombre d’unités de consommation par foyer n’est
pas identique dans ces deux cas de figure (naturellement, le taux d’imposition
moyen
reste
moins élevé dans tous les cas de figure du fait des tranches inférieures).
Par ailleurs, il faut évoquer les effets du mode de taxation sur le modèle familial, en
particulier sur le taux d’emploi des femmes et leur investissement dans celui-ci, ces
conséquences socio-économiques pouvant avoir des conséquences sur l’égalité des chances et
des conditions. En l’occurrence, on notera seulement que si la classique contradiction entre
efficacité et égalité liée aux prélèvements – réduction des inégalités/désincitation à travailler
48
- peine parfois à recevoir une confirmation empirique
49
, il semble en revanche solidement
établi dans le cas d’un « second salaire ». C’est plus particulièrement vrai pour dans le cas des
familles élevant des enfants, dans lesquelles la valeur du temps disponible du conjoint inactif
se trouve accrue. De fait, l’élasticité de l’offre de travail des femmes à sa rémunération nette
s’avère sensiblement supérieure à la moyenne
50
. L’étude de Damien Echevin (cf
supra
)
évalue à 80 000 le nombre d’emplois supplémentaires qu’induirait, toutes choses égales par
ailleurs, la baisse des taux marginaux résultant d’une imposition séparée.
Il est à noter au surplus, d’après des calculs fournis par le service des politiques publiques de
la Direction générale du trésor, que la création du RSA se traduit par une diminution du gain
au retour à l’emploi à temps plein du second conjoint dans le cas des couples comptant deux
enfants où le premier est déjà actif. En effet, il dépassait 800 euros en 2008 et n’atteint plus
qu’un peu moins de 600 euros en 2010
51
.
5) Le quotient familial
La majorité des Etats pratiquent un abattement sur le revenu imposable (Belgique, Japon), une
réduction d’impôt (Autriche, Italie), ou un crédit d’impôt (Etats-Unis). Ce type d’avantage
fiscal a pu être revalorisé récemment, afin de lutter contre la pauvreté (Royaume-Uni) ou
contre le déclin démographique (Allemagne, Italie) mais sans remise en cause, au contraire,
du caractère essentiellement forfaitaire voire dégressif de ce mécanisme. La formule
générique consiste en un avantage plutôt croissant puis plafonné
avec le rang de l’enfant
, et
décroissant jusqu’à s’annuler
en fonction des revenus
.
48
Dont l’analyse canonique a été présentée par J. Mirrlees
(« An exploration into the theory of optimal income
taxation”, Review of economic studies, 1971). La question tient notamment à une asymétrie d’information. Si la
puissance publique connaissait les potentialités de chacun, elle pourrait taxer ces dernières sans biaiser leurs
choix, mais, ne le pouvant pas, elle applique un impôt sur les revenus courants, ce qui crée des distorsions.
49
Notamment parce qu’effets de revenu (incitation à travailler davantage pour compenser l’effet des
prélèvements sur le niveau de vie) et effets de substitution (désincitation à travailler du fait de la baisse du coût
d’opportunité lié au loisir) peuvent se compenser pour des taux marginaux d’imposition qui ne sont pas
confiscatoires.
50
Cf Jaumotte, 2003 : «Les femmes sur le marché du travail : évidence empirique sur le rôle des politiques
économiques
et autres déterminants dans les pays de l’OCDE ». D’autres facteurs entrent en ligne de compte,
comme une politique familiale s’efforçant de rendre compatibles enfants et activité professionnelle, ce qui peut
expliquer que la France se caractérise, malgré tout, par un taux d’activité féminin élevé.
51
Source : Maquette Paris, DG Trésor.
41
Certains Etats ignorent même fiscalement les charges de famille, sauf cas particuliers :
Bulgarie, Chypre, Danemark, Finlande, Malte, Suède, Irlande et Pays-Bas. En contrepartie,
ces pays peuvent verser des allocations familiales plus généreuses, mais dégressives avec le
revenu, comme c’est le cas aux Pays-Bas qui a remplacé les réductions d’impôt pour enfant
par des allocations. Dans ce pays, un foyer ayant trois enfants à charge n’en bénéficie plus à
partir de 52 710 euros par an. A un tel niveau de revenu, le gain apporté par le quotient
familial français dépasse à lui seul 2600 euros. Pour trois enfants, ce gain peut atteindre un
maximum 9 344 euros, venant s’ajouter aux prestations familiales versées sans condition de
revenus, alors qu’une ménage néerlandais disposant de revenus identiques ne touche aucune
aide.
L’ajout d’une tranche à taux 0 pour les familles, à l’intérieur d’un barème de l’impôt taxant
normalement au premier euro, mis en pratique en Espagne, produit un avantage
essentiellement forfaitaire, même s’il peut être « localement » croissant dans certaines parties
du barème. De 1836 euros pour le premier enfant, il ne devient substantiel et susceptible
d’apporter un gain différent selon le niveau de revenu qu’à partir de 4 enfants, quand le seuil
de cette tranche à taux 0 atteint 11 730 euros, ce qui se rapproche des niveaux de revenus
effectivement perçus par certains ménages modestes (mais ce phénomène ne concerne donc
que le bas du barème). Il faut souligner que ce dispositif est venu se substituer, en 2007, à une
réduction de la base imposable, dans le souci de mettre fin à un mécanisme qui créait
avantage croissant avec le revenu puisqu’il pouvait réduire le taux marginal applicable.
De fait, la formule de l’abattement, en vigueur dans certains pays de l’Est et en Allemagne,
peut procurer un gain plus que proportionnel au revenu, comme le quotient familial français,
dans la mesure où le taux est progressif. Cela concerne toutefois nettement moins les pays de
l’Est qui ont adopté la «
flat tax
» et ne pratiquent au plus que deux taux (0% sur une première
tranche et le taux de droit commun) que l’Allemagne
52
. En effet, dans ce pays, l’abattement
vient en déduction du revenu imposable dans le cadre d’un barème progressif. Toutefois,
même en ce cas, l’avantage relatif des hauts revenus est sans doute plus limité qu’en France.
Alors que les ménages les plus modestes, en France, profitent peu du quotient familial, tout se
passe en Allemagne, comme s’ils touchaient des allocations familiales au lieu de bénéficier
d’un abattement. Plus précisément, ils peuvent conserver les allocations familiales qui leur ont
déjà été versées, alors que les ménages aisés doivent les
rembourser
pour profiter de cette
déduction fiscale. Pour ces derniers, ce remboursement vient s’ajouter à l’IR et donc, en
pratique, réduire à due concurrence l’effet de l’abattement.
Dans un article paru en 2007 dans « Economie et statistique »
53
, A. Baclet, F. Dell et K.
Wrohlich évaluent les effets redistributifs de l’imposition sur le revenu des ménages et ses
composantes familiales en Allemagne et en France (en tenant compte des allocations
familiales et du complément familial). Il en ressort que si le gain fiscal peut être croissant à
l’intérieur d’une certaine plage de revenus en Allemagne
54
, comme on l’a vu, cette dernière
est nettement moins importante que dans le système français. Au total, celui-ci s’avère moins
favorable pour les niveaux de revenus les plus faibles, ne le devenant autant qu’à partir
d’environ 20 000 euros dans le cas des couples avec un enfant et de 50 000 euros avec deux
52
Et la Slovénie qui met en oeuvre un barème à trois tranches.
53
« Composantes familiales des impôts sur le revenu en Allemagne et en France : les différences pertinentes »,
Economie et statistique n°401.
54
à partir du moment où l’abattement fiscal devient plus avantageux que l’aide forfaitaire et jusqu’à ce que les
revenus excèdent le seuil de la tranche supérieure, majoré de cet abattement
42
enfants. Dans les autres cas, il apparaît surtout plus généreux pour les familles comprenant
trois enfants, qui bénéficient d’une demi-part supplémentaire. Au final, le dispositif français
se révèle moins progressif qu’en Allemagne ou le soutien prend une forme principalement
forfaitaire.
Encore une fois, il convient de rappeler que la branche famille du régime général de la
sécurité sociale octroie par ailleurs des allocations non prises en compte dans cette étude,
parfois même soumises à une condition de revenu, ce qui doit conduire à nuancer ce constat.
Toutefois, il y a en définitive peu d’exemples hors de France d’aides fiscales ou d’allocations
croissantes avec le revenu.
6) L’imposition des revenus du capital
a- Les tendances générales.
- La liberté de circulation des capitaux, le développement subséquent de la concurrence
fiscale, la difficulté de l’administration à retracer l’ensemble de ces flux ont sans doute
contribué à une tendance à la généralisation de la taxation de ce type de revenus à un taux
unique, plus faible que pour les autres et donnant lieu à une retenue à la source.
Dans le même temps, un souci de redistribution a conduit le plus souvent au maintien d’une
taxation progressive des revenus du travail, qui constitue une base internationalement moins
mobile (même si la progressivité des barèmes a plutôt été revue à la baisse).
Ce double mouvement a pris sa forme la plus caractéristique avec la mise en oeuvre de
systèmes d’imposition duale («
dual income tax
») dans les pays scandinaves durant les
années 90
55
, dans le cadre d’une stratégie globale d’adaptation à la nouvelle donne créée par
la mondialisation.
Cette option peut soulever des difficultés politiques et juridiques.
Politiques, parce qu’elle remet en cause le principe d’égalité devant l’impôt, dans sa
dimension tant horizontale (taux de prélèvement différents sur des revenus globaux
identiques, en fonction de leur composition) que verticale (la part des revenus du capital étant
généralement croissante avec le revenu global), même s’il existe des contre-arguments
56
.
Juridiques et pratiques parce qu’elle peut également susciter des comportements
d’optimisation tendant à la requalification de revenus du travail en revenus du capital, moins
taxés. Ce point concerne en particulier l’imposition de revenus de l’entreprise individuelle,
55
La Suède en 1991, la Norvège en 1992, la Finlande en 1993.
56
Certains font valoir qu’une moindre taxation des revenus du capital se justifierait à l’aune d’un critère d’équité
si on les envisageait sur l’ensemble du cycle de vie. On devrait ne pas les taxer du tout sous certaines
hypothèses : (1) que ce capital résulte intégralement de l’épargne des fruits du travail ou, dans les autres cas,
qu’il a déjà fait l’objet d’une imposition adéquate, par exemple au titre des droits de succession,
(2)
que l’on
peut prendre le taux d’intérêt courant pour taux d’actualisation (nécessaire à l’estimation du revenu sur
l’ensemble de ce cycle de vie) et (3) que la rentabilité effective des placements ne s’écarte pas notablement de ce
dernier. En effet, dans ces conditions, imposer les revenus du capital conduirait à taxer différemment une même
somme de revenus du travail gagnés au cours d’une carrière en fonction des choix d’épargne et de consommation
faits année après année. D’autres mettent en avant le fait que l’IR frappe des gains nominaux sans tenir compte
de l’effet de l’inflation.
43
qui donne lieu à des solutions variées et souvent complexes. Il arrive que l’on distingue au
sein de ces revenus de l’entreprise, d’une part, un profit correspondant à un taux de rentabilité
notionnel auquel s’applique le taux forfaitaire (en Norvège et en Finlande pour les sociétés
cotées), d’autre part, le reste des bénéfices, à traiter comme un revenu du travail. Cette
technique rend particulièrement visible le paradoxe de revenus du travail plus lourdement
imposés. On établit parfois aussi une différence selon que le contribuable les maintient ou non
dans son entreprise (Danemark, Suède, Finlande pour les sociétés non-cotées), et/ou selon que
le titulaire de ces revenus est un actionnaire « actif » ou « passif » de l’entreprise concernée.
Ce problème minore d’ailleurs quelque peu l’argument selon lequel ce type de réforme
comporterait l’avantage d’une certaine simplification. Il est d’ailleurs douteux, a contrario,
qu’un barème progressif constitue en soi un élément de complexité important. De fait, on
pourrait la réduire et s’efforcer à une plus grande neutralité dans les arbitrages entre
catégories de placement en restant dans le cadre d’un barème progressif, donc sans
nécessairement assujettir les revenus financiers à un taux forfaitaire.
- Ce dualisme peut revêtir deux formes, selon que revenus du capital et du travail font l’objet
d’une imposition entièrement distincte, ou qu’ils sont soumis à un même taux, un barème
progressif s’appliquant en sus aux seuls revenus du travail et aux pensions. En théorie, les
revenus du capital concernés pourraient comprendre : les intérêts, les dividendes, les plus-
values, les loyers, y compris les loyers dits « fictifs » correspondant à la jouissance d’un
logement par son propriétaire occupant, les redevances de biens mis à disposition d’autrui et
la partie des revenus de l’entreprise individuelle constituant la rémunération du capital investi
dans celle-ci. En fait certains revenus y échappent :
parfois
, comme les dividendes, ou
souvent
, comme les plus-values de cession réalisées à l’occasion de la revente de la résidence
principale
57
, ou encore les loyers fictifs, sauf en Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège et en
Suède
58
.
L’exonération des revenus imputés des propriétaires occupants de leur logement (depuis 1964
en France) peut s’expliquer par des considérations pratiques - la difficulté d’évaluer les
valeurs locatives - ou des choix politiques, en l’occurrence le souci de favoriser la propriété
de la résidence principale. Le locataire est en effet moins bien traité fiscalement. On peut se
demander si cette exonération représente le meilleur moyen d’atteindre l’objectif visé, compte
tenu des spécificités des marchés immobiliers. La capitalisation de l’avantage fiscal dans la
valeur des biens fonciers, du fait de la faible élasticité de leur offre, peut se traduire par une
hausse des prix. Celle-ci rend plus difficile l’accession à la propriété et constitue une source
d’enrichissement sans cause pour ceux des propriétaires qui n’ont jamais eu à payer ce
« surcoût ». On pourrait également évoquer certains effets anti-redistributifs indirects, comme
le risque d’une insuffisance du parc locatif, pénalisant les ménages les plus jeunes et les plus
pauvres et pouvant entraîner des dysfonctionnements sur le marché de l’emploi (mobilité
moins forte), dont pâtissent principalement les moins-qualifiés.
En tout état de cause, de telles détaxations constituent une disposition aux effets régressifs
majeurs, en particulier quand il s’agit d’exonérations intégrales et non-plafonnées, comme
celle dont bénéficient les loyers fictifs. Cette disposition très répandue a eu pour effet de
limiter la redistribution automatiquement assurée par les finances publiques. De fait, dans de
57
Presque toujours exonérées d’impôt – mais parfois sous condition d’une durée minimale de détention voire de
réinvestissement dans un bien similaire. Exception notable : les Etats-Unis qui n’accordent qu’un abattement (de
250 000 dollars pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple). Dans les autres cas de cessions
d’immeubles aussi, la moitié des Etats exonèrent les plus-values, au bout d’une certaine durée de détention.
58
« Fiscalité et croissance », OCDE, working paper n°620, juillet 2008.
44
nombreux de pays développés, la valeur des résidences, et donc ces loyers fictifs, ont
progressé plus rapidement que les revenus salariaux, ce qui a contribué à creuser les
inégalités.
- Sans que cette imposition duale ne devienne la règle, on note à peu près partout une
tendance certaine à s’écarter d’une imposition globale des revenus et à différencier la taxation
des revenus respectivement du travail et du capital
59
. Au minimum, dans presque tous les
pays, l’imposition des revenus du capital et des plus-values bénéficie d’un traitement plus
favorable que les revenus d’activité, ne serait-ce qu’au moyen d’abattements spécifiques.
Il convient d’insister sur le fait que ces règles dérogatoires du droit commun de l’imposition
globale des revenus s’accompagnent elles-mêmes de très nombreuses exceptions destinées à
des produits financiers particulier. Les modalités de calcul des assiettes soumises à l’impôt
sont souvent complexes et créent de nombreux effets de seuils. Ainsi, les abattements peuvent
dépendre du montant de la catégorie de revenus concernés, de l’ensemble des revenus des
ménages, de la durée de détention des actifs, de leur nature, des véhicules financiers utilisés
etc. Si les évolutions sont en général assez lisibles, car unilatérales depuis une vingtaine
d’années, les comparaisons s’avèrent délicates. Par exemple, comment départager a priori
deux régimes fiscaux, l’un à taux plus faible, l’autre à abattement plus élevé ? Leur seul
examen ne saurait suffire et il faudrait en l’occurrence mener des analyses plus approfondies
en s’appuyant sur des données fiscales détaillées ou des modèles de micro-simulation.
La formule la plus courante consiste dans un prélèvement libératoire à taux forfaitaire, de
droit commun ou sur option
60
. En outre, on note une convergence quant au niveau de ce taux
forfaitaire, ce qui constitue sans doute une illustration supplémentaire de l’influence de la
concurrence fiscale dans ce domaine.
En pratique, le barème de l’IR ne s’applique plus que de manière résiduelle, par exemple dans
certains pays sur les plus-values de court terme, ou sur option (a priori quand il est plus
intéressant que le taux du prélèvement libératoire). Toutefois, certains Etats continuent
d’imposer les plus-values mobilières et immobilières au taux normal de l’IR, comme la
Suède
61
. Les dividendes sont, quant à eux, parfois assujettis à un barème progressif mais
spécifique, en fonction de leur montant (Danemark) ou du revenu global (Royaume-Uni).
Dans certains Etats également, les intérêts sont toujours soumis au barème de droit commun.
Ainsi en va-t-il au Danemark, en Espagne, en Allemagne, au Luxembourg, au Portugal et au
Royaume-Uni ; la retenue à la source, quand elle existe, n’y revêt pas un caractère libératoire.
En moyenne, on note que les plus-values se trouvent soumises à un taux apparent inférieur
aux intérêts
62
et ceux-ci eux-mêmes à un taux inférieur aux dividendes, mais ces derniers
bénéficient par ailleurs d’aménagements destinés à prendre en compte l’IS déjà acquitté et à
éviter les phénomènes de double taxation.
59
Le rapport du CPO sur le patrimoine des ménages, dans sa quatrième partie sur les prélèvements assis sur les
revenus du patrimoine, consacre un chapitre II à l’analyse comparée des régimes fiscaux en vigueur à l’étranger,
complété d’une annexe V, qui décrit en détail les règles applicables chez nos principaux partenaires.
60
Plus rarement dans une retenue à la source s’imputant sur l’impôt calculé par la suite dans le cadre du barème
de l’IR, plus rarement encore dans une déclaration annuelle à l’instar des autres éléments de revenus
61
Ou l’Allemagne mais seulement dans le cas de cessions de participations supérieures à 1% du capital et après
application d’un abattement de 40%
62
Voire sont détaxées sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’opérations spéculatives (ce qui revient à introduire une
condition de durée de détention), ou que les montants ne dépassent des seuils en général élevés.
45
L’OCDE estime des taux de prélèvement sur les dividendes prenant en compte l’IS, l’IR et les
différents mécanismes visant
à éviter une double imposition :
Tableau n°21
Taux légal de prélèvement total sur les dividendes* en 1995 et en 2009
En 1995
En 2009
France
63,6%
55,9%
Allemagne
62,1%
48,6%
Royaume-Uni
49,8%
46%
Suède
49,6%
48,4%
Danemark
60,4%
58,8%
Italie
76,7%
36,6%%
Slovaquie
49%
19%
Etats-Unis
58,5%
49,4%
Moyenne
arithmétique
58,7%
45,3%
Source : OCDE
* : IS + IR (TMS en cas d’imposition au barème)
Au final, c’est le Royaume-Uni qui s’écarte le plus de la norme internationale. Pour
schématiser, on pourrait dire que s’y appliquent des barèmes spécifiques certes plus
avantageux que pour les autres revenus mais qui continuent de tenir compte de ces derniers et
de ménager une certaine progressivité.
- La France s’inscrit pleinement dans la tendance européenne. Ainsi, depuis 2004, les plus-
values immobilières (hors cessions des résidences principales déjà exonérées) sont imposables
à un taux proportionnel, qui tient compte par ailleurs de la durée de détention des biens. La loi
de finances rectificative pour 2005 a exonéré partiellement d’impôt les plus-values
réalisées
par des actionnaires qui auront détenu les titres concernés au moins 6 ans, et totalement au
bout de 8 ans. Enfin, la loi de finances initiale pour 2008 a permis d’opter pour le prélèvement
forfaitaire libératoire en matière de dividendes.
La taxation forfaitaire n’a donc cessé de se développer et elle concerne aujourd’hui presque
tous les revenus du capital. La seule importante exception porte sur les revenus fonciers, qui
représentent près de la moitié de la fraction des revenus de la propriété encore imposée à taux
progressif. Le résultat global est le suivant :
Tableau n°22
Prélèvements sur les revenus de la propriété des ménages en % du PIB
1995
2008
Variation
France*
0,5%
1%
+0,5 pt
Suède
0,1%
0,8%
+0,7pt
Allemagne
0,3%
0,7%
+0,4pt
Royaume-Uni
1,1%
2%
+0,9pt
Italie
1,8%
1,4%
-0,4 pt
UE16
0,6%
0,9%
+0,3pt
UE25
0,5%
0,8%
+0,3 pt
Source : services de la commission européenne (taxation trends in the European
Union, 2010)
* : y compris les prélèvements sociaux
46
Il convient de mettre cette hausse en relation avec la progression des revenus concernés
durant cette période. Dans le cas de la France, l’augmentation des revenus de la propriété au
sens de la comptabilité nationale, a été comparable à celle du PIB
63
. Le dynamisme de la
distribution de dividendes a été compensé par la faiblesse des taux d’intérêt alors que le
patrimoine financier des ménages comprend une partie importante de produits de taux. Par
ailleurs, il faut souligner que cette définition exclut les gains en capital (plus-values).
La hausse sensible de ces prélèvements en part de PIB, en France, s’expliquerait donc, d’une
part, par la hausse de la valeur des actifs, supérieure à celle du PIB, d’autre part, par
l’alourdissement des prélèvements et tout particulièrement des contributions sociales, qui
constituent un trait singulier de notre pays. Celles-ci représentent aujourd’hui la majeure
partie des prélèvements sur les revenus du capital des ménages, en raison de l’augmentation
de leurs taux mais surtout de l’extension de leur assiette, passée de 44% à 88% de ces revenus
du patrimoine, selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2009. Malgré la
généralisation d’un prélèvement à taux forfaitaire, la progressivité globale de cette imposition
pourrait donc s’en être trouvée renforcée.
A contrario, les exonérations et avantages instaurés au profit de l’épargne populaire
entretiennent d’importants effets d’aubaine en faveur des revenus les plus élevés. De surcroît,
ces derniers profitent prioritairement des dispositifs d’incitation aux placements longs et/ou
risqués. Ils ne constituent pas une exception française mais il convient de souligner que
certains Etats ont strictement limité le nombre et l’ampleur de ces dérogations.
On peut aussi remarquer que le pays où ces prélèvements ont le plus augmenté (le Royaume-
Uni) faisait déjà partie de ceux qui les imposaient initialement le plus lourdement les revenus
de la propriété des ménages. En outre, la dispersion de ces taux apparaît importante et ne se
réduit que faiblement. Ceci pourrait indiquer des marges de manoeuvre plus étendues qu’on
pourrait le penser dans le contexte du marché unique européen.
Comme cet indicateur dépend également
des différences au sein de l’UE quant à l’évolution
des assiettes taxables, on peut approfondir cette question en examinant d’autres données
fournies par Eurostat : le taux d’imposition implicite des revenus du capital et de l’entreprise
perçus par les ménages. Ce dernier, plus pertinent économiquement qu’un ratio sur le PIB, a
toutefois l’inconvénient, pour sa part, d’inclure au dénominateur les revenus de l’activité des
travailleurs indépendants et au numérateur, les impôts y afférant.
Tableau n°23
Taux d’imposition implicite des revenus du capital et de l’entreprise des ménages
1995
2008
Variation
France
11,4%
12,9%
+1,5 pt
Suède
6,6%
15,3%
+8,7pt
Pays-Bas
10,8%
11%
+0,2pt
Danemark
21,9%
18,2%
-3,7pt
Hongrie
4,5%
7,9%
+3,4 pt
Royaume-Uni
13,7%
23,4%
+9,7pt
Italie
12,7%
17,4%
4,7 pt
Source : “Taxation trends in the European Union”
(2010)
63
De sorte que leur part dans le PIB est restée stable aux environs de 9% du PIB sur la même période.
47
Ces données ne sont malheureusement pas disponibles dans le cas de l’Allemagne.
Ces taux assez faibles, sensiblement moins élevés qu’à l’échelle de toute l’économie (21%
dans le cas de la France) peuvent s’expliquer en partie par le fait que ces calculs imputent la
totalité du coût de l’IS aux entreprises. En outre, pour être cohérent avec l’argumentation
développée précédemment à l’occasion de la présentation des taux d’imposition implicite du
capital, on doit souligner qu’on ne prend pas en compte ici les impôts pesant sur les stocks de
capital alors qu’ils contribuent à en réduire le rendement final. Les loyers fictifs des
propriétaires-occupants de leur logement, comptabilisés au dénominateur puisque faisant
partie de l’excédent brut d’exploitation des ménages au même titre que les revenus fonciers
des propriétaires-bailleurs, sont en général exonérés d’impôt (au numérateur). Cela contribue,
là encore, à la modération de ce taux implicite. En l’occurrence, il ne s’agit pas à proprement
parler d’un biais puisque cette exonération constitue bel et bien un avantage fiscal.
A contrario, on a déjà signalé que la non-déductibilité des intérêts versés par les ménages
(hors entreprises individuelles) dans de nombreux Etats et l’omission de tout ou partie des
gains en capital dans l’évaluation des revenus de la propriété tiraient cet indicateur vers le
haut.
En tout état de cause, cette imposition n’apparaît pas particulièrement lourde en France, par
comparaison avec un certain nombre de ses partenaires européens, ni en progression sensible.
Ceci tendrait à accréditer que le dynamisme des assiettes, à savoir des revenus de la propriété,
a joué un rôle plus important qu’ailleurs dans l’augmentation de la part des impôts sur les
revenus du capital dans le PIB.
b- Une réforme emblématique : le système néerlandais des « boîtes »
Ce système, introduit aux Pays-Bas en 2001, conduit à distinguer trois catégories de revenus :
- les salaires, revenus des travailleurs indépendants, loyers fictifs des propriétaires occupant
leur logement, pensions (y compris quand elles sont financées par capitalisation)
64
, prestations
sociales. Diminués d’un certain nombre de déductions autorisées, ils sont soumis à un barème
progressif qui va jusqu’à 52%.
- les gains provenant d’une participation substantielle (supérieure à 5% du capital) dans une
entreprise, taxés au taux de 25%. Ce taux tend à égaliser l’imposition des revenus de
l’entreprise qu’elle soit exploitée sous une forme sociétaire (donc soumis à l’IS et à ce taux
spécifique propre à l’IR) ou à titre individuel (boîte n°1)
- les revenus de toutes les autres participations, de tous les placements et de tous les biens
détenus (à l’exception des logements occupés par leur propriétaire, cf.
supra
, des oeuvres d’art
et des forêts qui constituent les exemptions, les plus notables),
nets des dettes afférentes
. Il
sont imposés au taux de 30%, non sur leur valeur mais sur la base d’un rendement notionnel
des actifs estimé à 4% de celle-ci, correspondant à un taux de rentabilité moyen sans risque.
Ceci revient à taxer au taux de 1,2% le patrimoine net à sa valeur de marché. Cet impôt
comprend un abattement à la base, aux fins de ménager une certaine progressivité (20 661
euros sur la valeur du patrimoine global et le double pour un couple). On ne tient pas compte
64
Par ailleurs, comme ce prélèvement agrège en réalité IR et cotisations sociales, les retraités bénéficient de taux
inférieurs pour les deux premières tranches, n’ayant plus à contribuer en vue de la retraite.
48
des frais de gestion, grevant par exemple les revenus fonciers, mais ils doivent normalement
se refléter dans la valeur de marchés des biens, qui dépend de leur rendement net. Ceci
constitue un facteur supplémentaire de simplification.
A l’aune d’un critère de progressivité, ce dispositif a le mérite d’assujettir à l’impôt tous les
revenus du capital, au-dessus d’un abattement global relativement faible, et donc d’éviter
l’effet d’abattements cumulatifs, dont bénéficient en premier lieu les ménages aux revenus les
plus élevés. En revanche, taxer à taux fixe, d’une part, un revenu notionnel plutôt
qu’effectivement réalisé, alors que les placements faits par les plus fortunés sont aussi en
moyenne les plus rémunérateurs, d’autre part, procurerait un avantage à ces derniers.
Les loyers fictifs, pour leur part, sont non seulement pris en compte dans l’assiette mais
soumis à un taux progressif, dans le cadre de la première boîte
65
. En contrepartie, les intérêts
d’emprunt hypothécaire viennent en déduction de ce revenu imputé. Cette règle peut
apparaître justifiée si l’on compare la situation du propriétaire endetté avec celle d’un
locataire, mais crée en pratique une forte incitation à l’accession à la propriété et coûte cher
aux finances publiques néerlandaises (10 Md d’euros par an).
L’originalité d’une telle formule tient principalement à cette troisième « boîte » et au
traitement fiscal qu’elle prévoit. En fin de compte, elle consiste à mettre en oeuvre un impôt
sur le capital à base large sur le modèle préconisé par certains économistes dont Maurice
Allais. On ne discutera pas ici de ses avantages d’un point de vue économique : incitation à un
usage efficace du capital et à sa circulation etc…
66
.
La part dans le PIB des taxes sur les revenus de la propriété perçus par les ménages a
fortement progressé entre 2000 et 2001, passant de 1,1% à + 0,1%, malgré l’éclatement de la
bulle internet en 2000 et les moins-values boursières subséquentes. Cette réforme se serait
donc traduite par un alourdissement de ces prélèvements.
Le fait que ces prélèvements s’avèrent négatifs ou quasi-nuls (à hauteur de -1,1% du PIB en
2000, 0,1% en 2001 et de -0,6% du PIB en 2008), ce qui constitue un trait ancien et original
de la fiscalité néerlandaise s’explique par le coût élevé des déductions au titre des intérêts
d’emprunt immobiliers et des cotisations à un régime par capitalisation, dans le cadre du
« deuxième pilier » du système de retraites néerlandais (fondé sur des accords collectifs de
branche ou d’entreprise).
Le taux d’implicite de taxation des revenus du capital et des entreprises individuelles perçus
par les ménages a également augmenté, de 8% à 13%, entre 2000 et 2001. L’ordre de
grandeur de ce taux, qui n’atteignait que 11% en 2008, place les Pays-Bas dans la catégorie
des Etats où cette pression fiscale est la moins forte, avec les pays de l’Est, l’Autriche et le
Portugal. Cette situation tient, là encore, à la déductibilité des intérêts et de certaines
cotisations versées par les ménages.
65
De surcroît, l’évaluation de ces loyers, sur la base de la valeur de marché de la résidence, incorpore elle-même
une forme de progressivité.
66
On rappellera toutefois que sa proposition consistait à taxer à un taux unique
le seul capital physique
(les
titres, censément représentatifs de ce dernier, ne devant pas donner lieu à une forme de double taxation)
de tous
les agents économiques
, et non seulement des ménages. Le taux de cet impôt aurait été aussi supérieur, de l’ordre
de 2%. En contrepartie, il devait remplacer tant l’impôt sur le revenu que sur les sociétés.
49
**************
.
Au final, l’IR français constitue un cas complexe au regard des comparaisons internationales.
Il a vu son poids se réduire presque continûment depuis 30 ans, sous l’effet de baisses
générales (réformes du barème) et de dépenses fiscales en nombre croissant. A cet égard, il
convient de distinguer soigneusement progressivité et concentration de l’impôt. Du fait de la
réduction du poids relatif de l’IR, sa concentration a pu rester importante à l’aune de ses
homologues étrangers, voire se renforcer ; 5% des foyers déclarent 20% des revenus et règlent
plus de 50% de l’IR. Pour autant, cette progressivité est par définition inexistante parmi les
foyers qui n’acquittent pas d’IR - environ la moitié d’entre eux en France - ce qui constitue
une spécificité de notre pays. Elle s’est également réduite en raison de la diminution des taux
marginaux d’imposition. Le Conseil des impôts notait, dès les années 90, que l’IR français se
caractérisait à l’échelle internationale par une pression fiscale faible, une progressivité
moyenne et une concentration forte. Les réformes menées depuis lors n’ont fait qu’accentuer
ces caractéristiques.
La création puis la montée en puissance de la CSG ont induit un élargissement de l’assiette et
une augmentation des recettes en parts de PIB de l’ensemble fiscal formé par l’IR et la CSG.
Dans le cadre des comparaisons auxquelles elles procèdent, les institutions internationales
additionnent d’ailleurs le plus souvent ces deux impôts dans le cas français. Cette évolution
semble donc rapprocher notre pays de la norme des pays développés. Presque tous les
contribuables payent de la CSG, qui constitue le socle d’un IR au sens large, ce qui conduit à
relativiser cette spécificité française mentionnée plus haut.
On pourrait mettre en exergue que
la CSG elle-même comporte une part de progressivité du fait de certains taux réduits et
surtout de certaines exonérations dont bénéficient par exemple retraités et chômeurs (en
particulier quand ils s’accompagnent d’une condition de ressources), ainsi que du fait d’un
taux plus élevé sur les revenus du capital. D’où une certaine progressivité tout au long de
l’échelle des revenus, y compris dans le bas de celle-ci. Par ailleurs, l’introduction de la prime
pour l’emploi et la généralisation du prélèvement libératoire forfaitaire sur les revenus
financiers, au moins à titre d’option, se sont pour leur part inscrites dans des tendances
constatées à l’échelle mondiale (développement des « in-work benefits » et dualisation
croissante de l’IR).
Au total, ne pourrait-on considérer que la combinaison de l’IR, la CSG et de la PPE, en
France, possède les caractéristiques des IR suédois et danois, jugés « exemplaires », ces
derniers étant formés (1) d’un prélèvement à taux unique au niveau local et (2) d’un impôt
national progressif, auxquels sont venus se greffer plus récemment (3) des crédits d’impôts en
faveur des travailleurs faiblement rémunérés, étant entendu par ailleurs (4) que les revenus
financiers échappent pour l’essentiel au barème général depuis le début des années 90 ?
Toutefois, d’autres traits continuent à placer l’impôt sur le revenu à part sur la scène
internationale, même « augmenté » de la CSG.
D’abord, l’écart en part de PIB avec la moyenne des Etats européens les plus comparables
(UE15) reste substantiel, de l’ordre de 2 à 3 points de PIB. Ensuite, l’imposition des revenus
des personnes en France n’a pas une structure aussi simple que dans les Etats scandinaves qui
viennent d’être cités, et il s’en est même encore éloigné. L’IR et la CSG ne reposent pas sur
les mêmes assiettes. Les règles de l’IR à cet égard finissent par devenir plus décisives que son
barème. Qu’elles aient reçu ou non la qualification de dépense fiscale, qu’elles prennent la
50
forme d’abattements ou de crédits d’impôt, les dérogations au principe du calcul d’un revenu
global sous la forme d’une addition sans distinction sont devenues exceptionnellement
nombreuses. Certaines ont une justification sociale, comme il en existe aussi à l’étranger,
mais leur abondance et leur variété (selon le statut, l’âge, certains évènements familiaux
passés…) en font une originalité française. C’est encore plus vrai des dispositions à vocation
économique (en faveur de l’investissement locatif, des économies d’énergie etc.), l’IR
français paraissant à cet égard avoir été victime de sa progressivité : l’efficacité de l’incitation
fiscale est proportionnelle au taux marginal.
Enfin, au travers du quotient conjugal et familial, la France accorde à l’objectif l’équité
horizontale une importance qu’il ne revêt dans aucune autre nation développée. Ce choix
contribue nécessairement à limiter les mécanismes de redistribution verticale des revenus,
pour des raisons budgétaires, si l’on souhaite éviter des niveaux jugés trop élevés, y compris
dans le cas de célibataires sans enfant. En effet, à avantage relatif donné en fonction de la
situation familiale, imposer davantage les bénéficiaires actuels des quotients conjugal et
familial conduirait donc à taxer très lourdement les autres types de foyers fiscaux qui n’en
profitent pas. Par ailleurs, les coefficients retenus, qui ne reflètent pas correctement l’effet de
la taille des foyers sur leur niveau de vie, tendent à aller au-delà de ce qui serait justifié au
regard d’un critère d’équité horizontale et à aggraver encore, en pratique, les insuffisances de
l’IR français au regard du critère d’équité verticale.
51
V/ Les impôts sur le patrimoine
L’imposition du patrimoine détenu par les ménages peut jouer un rôle redistributif important
dans la mesure où le patrimoine croît plus que proportionnellement quand on s’élève dans
l’échelle des revenus. Même une taxation à taux uniforme s’accompagne donc d’une certaine
progressivité.
A ceci peut s’ajouter le fait que certains de ces impôts sont mis en oeuvre dans le cadre d’un
barème progressif, comme les droits de succession et l’ISF en France. Toutefois, la plus
grande part de ces impôts ne comporte pas une telle progressivité, ou seulement du fait de
certains abattements voire d’exonérations en fonction des revenus, comme dans le cas de
certains impôts locaux.
Par ailleurs, la problématique de la redistribution peut aussi se concevoir à l’aune de la
fortune en tant quelle, indépendamment des revenus qu’elle peut procurer. On peut
éventuellement interpréter en ce sens la décision rendue par le Conseil constitutionnel en
septembre 2010 à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’ISF :
«…en instituant un impôt sur la fortune, le législateur a entendu frapper la capacité
contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits »
Cet argument lui a
permis d’écarter le motif de censure de cet impôt fondé sur le fait qu’il ne tient pas ou peu
compte des facultés contributives estimés au regard des revenus (et de la composition des
foyers).
1) L’évolution du poids de l’ensemble de ces impôts
On commencera par un indicateur très imparfait, la part des impôts sur la propriété dans le
PIB, acquittés aussi bien par les ménages que les entreprises, les statistiques de l’OCDE ne
permettant pas de faire la distinction.
Tableau n°24
Impôts sur le patrimoine en part de PIB au sein de l’OCDE
1975
1985
2007
France
1,8%
2,5%
3,5%
OCDE
1,7%
1,7%
1,9%
UE à 15
1,5%
1,5%
2,1%
Allemagne
1,3%
1,1%
0,9%
Royaume-Uni
4,4%
4,4%
4,5%
Italie
0,8%
0,8%
2,1%
Etats-Unis
3,6%
2,7%
3,1%
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
La France, qui se situait dans la moyenne il y a 30 ans, fait désormais partie des Etats où
l’imposition du patrimoine représente un pourcentage élevé du PIB. Ce dernier a doublé en
France alors qu’il a été à peu près stable dans l’ensemble de l’OCDE
67
et qu’il a augmenté
mais de manière moins sensible au sein de l’UE15. On trouve dans ce groupe les Etats-Unis
67
Avec des hausses (ex. : Suède, Suisse, Italie, Espagne) et des baisses (ex. : Etats-Unis, Nouvelle Zélande,
Allemagne)
52
(3,1%), le Canada (3,3%), l’Australie (2,7%), le Japon (2,5%), la Corée (3,5%), l’Irlande
(2,5%), le Luxembourg (3,6%), l’Espagne (3%) et le Royaume-Uni (4,5%), seul grand pays
de l’OCDE tirant davantage de recettes fiscales en part de PIB que la France. Si l’on retranche
de ces totaux les recettes liées à la taxe d’habitation voire à la taxe d’enlèvement des ordures
ménagères, qui y sont intégrées (
cf infra
), il n’atteint toutefois plus, dans le cas de la France,
que 2,8% voire 2,6%. Ce pourcentage reste supérieur à la moyenne européenne, mais dans
une proportion limitée, et devient sensiblement inférieur au poids de ces impôts dans un
certain nombre d’Etats.
Ce constat se trouve aussi atténué si l’on examine la part de ces impôts sur le patrimoine cette
fois-ci dans les recettes totales de prélèvements obligatoires. Cela tient au taux de
prélèvement obligatoire élevé dans notre pays mais aussi à sa faiblesse relative dans un
certain nombre d’Etats, en particulier anglo-saxons, où la propriété semble constituer une
assiette privilégiée.
Tableau n°25
Impôts sur le patrimoine en part des recettes de prélèvements obligatoires
au sein de l’OCDE*
1975
2007
France
4,3%
8,1%
68
OCDE
7,9%
5,6%
UE à 15
6,7%
5,4%
Allemagne
5,8%
2,5%
Royaume-Uni
14,5%
12,6%
Italie
7,2%
4,9%
Etats-Unis
15,9%
11%
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
La France reste en-deçà du Royaume-Uni, des Etats-Unis, du Canada (9,9%), de la Corée
(12,8%) mais l’écart s’est réduit puisque la part de ces impôts a régressé partout où ils étaient
les plus importants, tandis que la France constitue le seul exemple d’une hausse sensible
depuis 1980
(avec l’Espagne, à un degré moindre).
On peut imputer ce niveau au cumul de taxes foncières, de droits de mutation à titre
gratuit (0,4% du PIB en 2008) et onéreux (0,7% du PIB en 2008), ainsi que d’une imposition
de la détention d’un patrimoine global, au titre de l’ISF (0,2% du PIB en 2008). Il faut
également tenir compte du dynamisme des patrimoines qui peut être différent d’un pays à
l’autre. En l’occurrence, le patrimoine des ménages a augmenté en France nettement plus vite
que leurs revenus et le PIB, notamment du fait, sur la dernière période, de la hausse des prix
de l’immobilier, qui n’a pas concerné tous les grands pays développés (et notamment pas
l’Allemagne).
68
6% hors TH et TEOM.
53
2) L’impôt sur la fortune.
Les données de l’OCDE en matière d’impôts sur le patrimoine détenu par les particuliers
s’avèrent très parcellaires ; aussi la moyenne de l’OCDE, calculée sur la base d’un nombre
limité de chiffres disponibles n’est-elle pas nécessairement très significative
69
.
Tableau n°26
Impôts récurrents
sur l’actif net
en parts de PIB au sein de l’OCDE
détenu par les particuliers
1975
2008
France
Non-
disponible
0,21%
OCDE
0,24%
0,14%
Allemagne
0,19%
0
Royaume-Uni
nd
0
Italie
nd
0
Etats-Unis
nd
Nd
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
D’après les données disponibles, les autres Etats percevant encore en 2008 des recettes
fiscales non-négligeables à ce titre sont le Luxembourg (0,43%), la Suisse (1%), la Norvège
(0,43%).
Les collectivités locales américaines perçoivent une «
general property tax
» due par les
ménages comme par les entreprises, qui s’applique à la valeur brute du patrimoine mobilier et
immobilier, privé et professionnel. Elle constitue même leur principale ressource fiscale. Les
Etats fédérés en détermine le champ et les taux, fixe le mode de calcul de la valeur des
actifs
70
, d’où une grande diversité. Selon les choix faits par les Etats, ce prélèvement peut
s’apparenter à un impôt général sur le patrimoine ou à un impôt foncier. Les biens
immobiliers représentent toujours la majeure partie de l’assiette. Le taux moyen sur la valeur
du logement occupé est d’environ 1% en moyenne mais atteint 3% à New York.
Un certain nombre d’Etats ont supprimé, depuis une quinzaine d’années leur impôt sur le
patrimoine global des contribuables – l’Autriche en 1994, le Danemark en 1996, l’Allemagne
en 1997, les Pays-Bas en 2001, la Finlande et le Luxembourg en 2006, la Suède en 2007 et
l’Espagne en 2008. Comme on l’a vu, la « 3
ème
boîte » de l’impôt sur les revenus notionnels
du capital aux Pays-Bas pourrait éventuellement s’apparenter à une taxe sur la valeur nette du
patrimoine, à taux unique, tandis que la résidence principale est assujettie au barème
progressif dans le cadre de la première boîte sur la base d’un loyer fictif qui dépend
directement de sa valeur de marché (les biens professionnels et les participations financières
importantes relèvent, en revanche, de la deuxième boîte et sont taxées sur la base de leurs
revenus effectifs).
69
Notamment, des pourcentages donnés pour indisponibles pourraient correspondre en réalité à des recettes
nulles, selon l’OCDE.
70
coût historique, de remplacement du bien, capitalisation des revenus tirés de celui-ci…
54
3) Les impôts fonciers
Tableau n°27
Les taxes foncières sur les ménages en part de PIB au sein de l’OCDE
1980
2008
France*
1%
1,65%
OCDE
0,33%
0,14%
Allemagne
0,15%
0,17%
Royaume-Uni
1,6%
1,71%
Suède
0
0,32%
Espagne
0,04%
0,68%
Italie
nd
0
Etats-Unis
1,05%
nd
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008 : « recurrent taxes
on immovable properties »
* : taxe d’habitation, taxes sur le foncier bâti et non-bâti, taxe
d’enlèvement des ordures ménagères
La France a presqu’atteint le niveau britannique, traditionnellement un des plus élevés.
La comptabilisation dans cet ensemble de la taxe d’habitation et de la taxe d’enlèvement des
ordures ménagères, pour ce qui est de notre pays, peut naturellement être jugé contestable
71
.
Si on les retirait de ce total, ce dernier n’atteindrait plus que 0,7 point du PIB en 2007 (0,95
point si on ne décomptait que la taxe d’habitation). Notre pays se situerait toujours au-dessus
de la moyenne mais n’apparaîtrait plus très éloigné de la norme internationale. Il en irait de
même si on corrigeait des mêmes montants le total des impôts sur le capital du tableau n°23,
comme on l’a vu.
Dans le cas présent d’assiettes non-délocalisables, la baisse constatée dans les pays
développés ne s’explique pas par les effets de la concurrence fiscale et ne se justifie pas par
des arguments tirés de la théorie économique. Celle-ci considère au contraire ces impôts
comme les moins néfastes à la croissance
72
, en particulier moins nuisibles que les taxes
frappant les revenus du travail, de l’entreprise et les transactions (y compris immobilières),
puisqu’ils pèsent moins sur les choix des agents économiques et permettent de ponctionner
certaines rentes. Ils pourraient même être favorables à celle-ci puisqu’ils incitent à une
meilleure utilisation des ressources foncières et peuvent être éventuellement mobilisés au
service du financement des équipements locaux à l’origine de la valorisation de ces biens, ce
qui est sain. Conjointement à la non-déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier le cas
échéant, ils remédient en partie à la distorsion que constitue l’exonération des loyers fictifs.
L’ensemble de ces arguments auront d’autant plus de force que la valeur des assiettes
correspondent effectivement aux prix du marché, à l’instar de la « property tax » américaine
(ce qui n’est pas le cas en général dans le cadre des taxes foncières mais seulement de celui de
l’ISF).
71
De fait, leur classification est malaisée. On peut considérer la TH comme un impôt additionnel à la taxe
foncière dans le cas des propriétaires occupants, ou sur la consommation de services de logement dans tous les
cas, voire en partie comme une taxe sur le revenu, compte tenu d’un certain nombre de règles faisant jouer le
niveau de revenus des redevables dans son calcul. Egalement assise sur la valeur locative cadastrale et due en
principe par le propriétaire, la TEOM, liée à un service rendu, peut se trouver légalement reportée sur le
locataire, à l’occasion de l’estimation des charges locatives qu’il doit supporter.
72
Cf : OCDE, « Tax policy reform and economic growth », novembre 2010.
55
Les taxes à la consommation figureraient également parmi les moins distorsives, mais elles
ont l’inconvénient d’être régressives alors que le renforcement des impôts fonciers irait à la
fois dans le sens de l’efficacité et de l’équité.
4) Les droits de mutation à titre gratuit
Ces impôts incombent entièrement aux ménages.
Tableau n°28
Droits de donation et de succession en parts de PIB au sein de l’OCDE
1975
2008
France
0,26%
0,40%
OCDE
0,17%
0,14%
Allemagne
0,05%
0,19%
Royaume-Uni
0,29%
0,22%
Italie
0,05%
0,03%
Etats-Unis
0,37%
0,24%
Source : OCDE (2009) Recettes publiques 1965-2008
Seule la Belgique perçoit de tels droits pour un pourcentage supérieur à la France (0,64%),
mais le niveau atteint chez cette dernière se situe dans un même ordre de grandeur qu’en
Finlande (0,35%), en Italie (0,29%), aux Pays-Bas (0,30%), en Espagne (0,26%) et en Suisse
(0,25%).
La tendance est aussi à la réduction de ce type d’imposition. Le Portugal a abrogé les droits de
donation et de succession en 2004 et la Suède en 2005. L’Estonie et la Slovaquie ont fait la
même chose juste avant d'intégrer l’Union européenne. L'Autriche a supprimé les droits de
donation et de succession en 2008 à la suite d’un arrêt de la Cour constitutionnelle qui a jugé
contraire à la Constitution les dispositions fiscales relatives à la détermination de la valeur des
biens immobiliers. En 2010, huit Etats de l’Union européenne ne perçoivent donc pas de
droits de donation et de succession (Autriche, Chypre, Estonie, Lettonie, Malte, Portugal,
Slovaquie et Suède).
Les taux en ligne directe présentent s’avèrent très inégaux : ils vont de 2% à 11% pour les
minima et de 4% à 40% (taux français) pour les maxima. Les seuils de déclenchement du
taux
maximum
se caractérisent par des écarts encore plus importants : de 60 000 € en Finlande à
26 millions d’euros en Allemagne (1,8 million en France)
.
La France ne s’est pas tenue à l’écart de ce mouvement. Les lois de finances initiales
de 2003,
2004, 2005, 2006 ou encore la loi d’août 2004 relative au soutien à la consommation et à
l’investissement ont réduit les droits sur les donations et successions. La loi TEPA de 2007 a
décidé de la suppression de ces derniers pour le conjoint survivant et du triplement de
l’abattement en faveur des enfants (156 974 € en 2010). Dans le cas des transmissions en
ligne directe, seuls les héritages et les donations les plus importants restent plus lourdement
taxés en France que chez ses principaux partenaires. Désormais, on estime à plus de 9 sur 10
la proportion d’héritiers en ligne directe qui n’auront plus à payer de droits de succession,
alors que 70% des successions étaient déjà exonérées de tout droit en 2005.
Là encore, il faut relever que la théorie économique estime que ce type d’impôts fait partie
des moins nocifs. Ils pèsent peu sur les choix des agents économiques dans la mesure,
56
notamment, où une grande partie des héritages est involontaire. La concurrence fiscale ne
semble pas pouvoir expliquer la tendance actuelle, vraisemblablement peu de contribuables se
décidant à s’expatrier pour limiter les droits de donations ou de succession à acquitter un jour.
Enfin, ils ne taxent pas a priori l’épargne correspondant au simple lissage des revenus sur
l’ensemble du cycle de vie, ce qui est conforme à un critère d’équité horizontale : on n’impose
globalement pas davantage un contribuable qui aura eu des revenus plus irréguliers, ce qui
contraint à des périodes d’épargne et de désépargne.
Il est à noter que le Royaume-Uni impose les successions à un taux uniforme de 40% à partir
de 390 000 livres (et de 0% en deçà), qui s’applique
à la masse successorale
et non aux parts
nettes de chaque héritier, comme aux Etats-Unis. Ce mode de calcul permet de taxer plus
efficacement les gros patrimoines à l’occasion de leur mutation à titre gratuit, puisque de
manière indépendante du nombre d’héritiers, mais s’oppose a priori moins bien à la
reproduction des inégalités de fortune d’une génération à l’autre, qui met principalement en
jeu le montant des legs reçus par chacun.
Au contraire, l’Espagne met en oeuvre, de manière originale, un coefficient multiplicateur qui
dépend de la fortune initiale des héritiers, en complément d’un seuil de taxation assez bas, ce
qui renforce l’efficacité de ces droits dans son rôle de limitation de la reproduction des
inégalités.
57
VI/ L’effet global des systèmes de redistribution sur les
inégalités
1) La tendance générale à l’augmentation des inégalités dans les pays
développés
De nombreuses explications de la montée des inégalités ont pu être mises en avant :
- de nature économique et technologique
, notamment une augmentation des inégalités
salariales, en lien avec le progrès technologique, qui défavoriserait les moins qualifiés vivant
dans les pays riches, et en lien avec la mondialisation qui mettrait ces derniers en concurrence
avec des salariés moins bien rémunérés des pays émergents. La dualisation du marché du
travail, la tertiarisation de l’économie et l’affaiblissement des syndicats, d’où une moindre
régulation collective des rémunérations, ont également pu jouer un rôle dans la montée de ces
inégalités salariales. Celle-ci ressort à l’analyse des taux horaires de rémunération ou, plus
encore, des revenus salariaux annuels, du fait du développement du travail à temps partiel et
de la multiplication des emplois de courte durée. A contrario, ces évolutions ont pu améliorer
la situation relative et le pouvoir de marché de certains salariés aux compétences rares et
recherchées qui profitent de la nouvelle donne technologique et d’une forme d’élargissement
du marché du travail modifiant l’équilibre entre plus et moins qualifiés. Cet effet prend
notamment la forme d’une spécialisation accrue des pays développés dans les activités à forte
valeur ajoutée. De même, la liberté de circulation des capitaux s’accompagne,
toutes choses
égales par ailleurs
, d’une hausse de leur rémunération nette en moyenne (besoins et
opportunités d’investissement à l’échelle mondiale, concurrence fiscale)
- des tendances démographiques
(vieillissement)
et sociologiques
(séparations, veuvages), se
traduisant par une réduction de la taille moyenne des ménages. D’où des déséconomies
d’échelle et un accroissement de l’insécurité financière ressentie plus durement dans le bas de
l’échelle des revenus, et se traduisant, en particulier, par l’augmentation du nombre de
familles monoparentales nettement plus menacées par la pauvreté que la moyenne.
Schématiquement, cette montée des inégalités a principalement pris la forme d’une forte
augmentation des revenus les plus élevés et, à l’autre extrémité de la distribution des revenus,
d’une baisse des taux d’emploi et/ou un accroissement de la précarité professionnelle des
moins qualifiés.
Selon l’OCDE, ces inégalités auraient progressé dans les pays développés du milieu des
années 80 au début des années 2000 puis se seraient stabilisées. A rebours de cette tendance
générale, la France aurait connu une diminution des inégalités dans les années 90 puis une
stabilisation.
58
Graphique n°1
Source : Croissance et inégalités (OCDE, 2008).
Par contraste, les inégalités se sont accrues sensiblement au Royaume-Uni dans les années 80
et 90, en Allemagne dans les années 2000, et aux Etats-Unis presque continuellement au cours
des 30 dernières années.
59
Graphique n°2
On peut opposer à cet égard les Etats-Unis où la part du revenu national perçue par les 1% les
plus riches a augmenté de 9% à 23% depuis le milieu des années 70, à la France où elle ne se
serait accrue significativement que plus tardivement et dans une moindre proportion (passant
de 7,7% à 9% entre 1995 et 2006
)
. Au milieu des années 2000, cette tendance serait devenue
plus nette dans notre pays
73
, notamment du fait du dynamisme des revenus financiers, mais la
crise économique a pu modifier la donne et nécessiterait de faire un nouveau bilan.
L’écart entre le revenu disponible moyen des 10% les plus riches et celui des 10% les plus
pauvres serait resté dans un rapport de 1 à 6 contre 1 à 9 au sein de l’OCDE.
73
« Les très hauts revenus : des différences de plus en plus marquées en 2004 et 2007 », J. Solard, INSEE
60
Graphique n°3
Ce moindre écart, en France, tiendrait essentiellement au fait que les 10% les plus pauvres y
toucheraient en moyenne des revenus supérieurs (de 25%) aux 10% les moins favorisés dans
le reste de l’OCDE, les classes moyennes et les 10% les plus riches percevant, pour leur part,
des revenus moyens comparables à leurs homologues étrangers
74
.
74
Cette comparaison de niveaux
absolus
se justifie notamment par le fait que le revenu médian, en France se
situe à un niveau proche de la moyenne de l’OCDE.
62
Aurait contribué à cette spécificité française l’augmentation des taux d’emploi des moins
qualifiés, que l’on n’a pas observée ailleurs.
2) Le rôle des systèmes fiscalo-sociaux : les tentatives d’évaluation
C’est naturellement, la part prise par les prélèvements et les transferts publics dans ces
évolutions des inégalités de revenus disponibles qui retient plus particulièrement l’attention
dans le cadre de ce rapport.
Les exercices faits en ce sens se sont efforcés de prendre en compte les plus exhaustivement
possible prélèvements mais aussi transferts sociaux, en particulier parce qu’en pratique ces
derniers s’avèrent jouer un rôle plus important dans la redistribution des revenus. Certains
intègrent même l’équivalent de transferts correspondant aux services publics pour autant que
leur consommation est individualisable.
a- Les analyses menées à partir des données du Luxembourg Income Study
Le Luxembourg Income Study (LIS) consiste dans un projet de recherche coopératif mené par
24 agences statistiques nationales.
Il
procède
de
l’harmonisation
de
données
tirées
d’enquêtes nationales sur les revenus. Dans un article paru dans le n°4 de la Socio-Economic
Review de 2006, intitulé « Fiscal redistribution in the developed countries : new insights from
the Luxembourg income study », V. Mahler et D. Jesuit s’appuient sur cette base de données
pour mesurer la redistribution globale permise par les finances publiques, en détailler les
mécanismes (en particulier les parts respectives prises par les prélèvements et les aides
sociales) et son évolution au cours des dernières décennies.
Ils évaluent cet effet redistributif des finances publiques en comparant l’indice de Gini de
revenus « privés » (salaires, revenus des indépendants, du capital, pensions versées par des
systèmes de retraites privés) et celui du revenu disponible après prise en compte des transferts
sociaux et des prélèvements obligatoires, à l’exclusion des impôts indirects (payés à
l’occasion de l’utilisation de ce revenu disponible).
63
Tableau n°29
Effet des systèmes de redistribution mesuré par la réduction de l’indice de Gini
Indice de Gini
en %
Revenu
privé
(a)
Revenu
disponible
(b)
Redistribution
(c) = (a)-(b) =
(d)+(e)
Redistribution
fiscale
(d)
Redistribution
par les transferts
sociaux
(e)
Dont :
redistribution
via
les
pensions
Dont :
redistribution
via
les
allocations de
chômage
Belgique
46 ,5%
24,2%
22,3%
6,2%
16,1%
10,7%
2,3%
Suède
44,1%
22,3%
21,8%
3,8%
18%
10,7%
1,9%
Pays-Bas
45,8%
25,7%
20,2%
4,1%
16%
8,8%
1,1%
Finlande
41,7%
22,3%
19,4%
4,8%
14,6%
8,7%
1,6%
France
46,9%
29,2%
17,7%
2,1%
15,7%
9,9%
1,8%
Danemark
41,2%
24,5%
16,7%
3,6%
13,1%
5,5%
2,4%
Allemagne
42,1%
25,4%
16,7%
4,7%
11,9%
8,9%
0,6%
R.-U.
47,5%
32,3%
15,3%
3,1%
12,1%
4,4%
0,5%
Norvège
37,9%
23,5%
14,4%
4%
10,4%
3,9%
0,4%
Australie
42,3%
29,7%
12,6%
4,9%
7,7%
3%
1,1%
Canada
40,6%
29%
11,6%
3,8%
7,8%
3,7%
1,1%
Etats-Unis
44,7%
34,5%
10,2%
4,6%
5,6%
3,3%
0,2%
Suisse
39,6%
29,9%
9,7%
1,1%
8,6%
7,3%
1,6%
Moyenne
43,2%
27,1%
16%
3,9%
12,1%
6,8%
1,3%
(Moyenne)
1980
40,4%
26,6%
13,8%
3,7%
10,1%
5,5%
0,7%
2000
44,1%
29,4%
14,7%
3,9%
10,8%
6,1%
0,8%
En première lecture, on peut retirer de ce tableau les conclusions générales suivantes :
-
la redistribution la plus importante est opérée en Belgique, en Suède, aux
Pays-Bas et en Finlande, dans des pays de tradition sociale-démocrate
« nordique », la redistribution la moins importante, aux Etats-Unis, au
Canada, en Australie et en Suisse,
-
cette redistribution constituerait le facteur le plus important du degré
d’inégalité des revenus disponibles. En particulier, la répartition des
revenus
privés
ne s’avérerait pas sensiblement plus inégalitaire dans les
pays anglo-saxons, ou moins inégalitaire en Belgique, aux Pays-Bas et en
Suède, par exemple,
-
les prélèvements ne représentent que le quart de cette redistribution, les
transferts, les trois-quarts. En particulier, les systèmes publics de retraite
en assurent plus du tiers à eux seuls, mais dans des proportions très
variables entre Etats, qui vont du quart à plus de la moitié,
-
La répartition des revenus privés serait plus inégalitaire en France qu’en
moyenne dans les pays développés ici étudiés, et le demeurerait après
redistribution, ce qui ne corrobore pas les conclusions de l’OCDE (cf
supra), mais cette dernière y serait plus forte qu’ailleurs.
-
depuis le début des années 80, la redistribution, bien que plus importante,
n’a pas compensé la montée des inégalités des revenus privés et la
répartition du revenu disponible est devenue plus inégalitaire. En
première analyse, on pourrait estimer que cette action redistributrice a
augmenté de manière mécanique sous l’effet de l’accroissement des
64
inégalités de revenus privés mais qu’elle a perdu aussi en efficacité car
elle n’a atténué cet accroissement des inégalités que dans une proportion
d’un quart alors qu’elle le fait en moyenne à hauteur d’un tiers,
-
Cette tendance se serait interrompue depuis le début des années 2000, les
inégalités de revenus privés se réduisant un peu alors que la redistribution
s’intensifie, à l’inverse dans les deux cas des évolutions constatées dans
les années 1990.
L’OCDE, utilise une méthode comparable :
Graphique n°6
Inégalités de revenus marchands et nets dans l’OCDE
Source : Croissance et inégalité, 2008.
Indice 100 pour le coefficient de Gini au milieu des années 1980.
On voit sur ce graphique que les systèmes sociaux et fiscaux, après avoir atténué l’effet de la
montée des inégalités de marché jusqu’au milieu des années 90, de l’ordre d’un tiers soit une
proportion égale à leur effet moyen, les auraient au contraire aggravées dans la seconde moitié
des années 90, puisque les écarts de revenus « nets » progressent plus vite que ceux des
revenus « marchands ». En revanche, depuis le début des années 2000, l’effet correcteur de
ces systèmes s’est renforcé ; la croissance des inégalités entre revenus nets s’infléchit
fortement alors que les inégalités de revenus marchands s’accroissent à nouveau plus
vivement.
65
Les auteurs de l’article précité s’intéressent également au lien éventuel entre le poids global
des finances publiques et leur efficacité en matière de redistribution. Pour ce faire, ils
calculent et rapprochent un indicateur rendant compte de l’ampleur des transferts (moyenne
des transferts sociaux en pourcentage du revenu des ménages) avec un indicateur résumé de
concentration de ces transferts (au bénéfice des plus défavorisés), qui mesure leur efficience
redistributive
75
.
Tableau n°30
L’efficience redistributive des transferts sociaux
Indice de Gini en %
(2000)
Part des transferts sociaux dans
le revenu des ménages
Indicateur d’efficience
redistributive
Belgique
22%
-12,5%
Suède
27,3%
-6,2%
Pays-Bas
22,7%%
-1,5%
Finlande
21,5%
-13,4%
France
24,4%
+5,3%
Danemark
19%
-14,2%
Allemagne
15,2%
-22,3%
R.-U.
15%
-28,1%
Norvège
14,3%
-24,6%
Australie
8,9%
- 37,9%
Canada
11,1%
- 22,2%
Etats-Unis
7,7%
-18%
Suisse
12,2%
-5,9%
Moyenne
17%
-15,5%
2000
14,9%
-16,7%
Ce tableau
confirme l’hypothèse courante d’une corrélation inverse entre l’ampleur des
transferts sociaux et leur concentration. Plus les prestations et les aides sociales représentent
une part élevée du revenu moyen des ménages, moins elles apparaissent concentrées. Cette
relation s’observe aussi dans le temps puisqu’à chaque fois que le poids des transferts sociaux
s’accroît, leur ciblage diminue, et réciproquement.
Pour autant,
le lien entre l’ampleur de ces transferts et la réduction des inégalités
in fine
n’est
pas remis en cause. Globalement plus importants et moins concentrés, consistant moins à
« prendre aux riches pour donner aux pauvres », ils n’en assurent pas moins au total une
redistribution plus importante ; le facteur quantitatif l’emporte sur l’efficience redistributive.
D’où le « paradoxe de la redistribution » : plus les aides sociales sont réservées aux
populations les moins défavorisées, moins elles contribuent globalement à la diminution de la
pauvreté et des inégalités
76
.
On interprète souvent ce phénomène en s’appuyant sur des considérations d’économie
politique, les Etats sociaux de type « libéral », par opposition à « social-démocrate »
77
,
75
Indice de Kakwani inspiré de l’indice de Gini : il vaut -1 si le plus pauvre touche tous les transferts, 0 si
chacun perçoit la même somme, +1 s’ils bénéficient entièrement au plus riche.
76
Le pays où la redistribution apparaît la moins significative est celui, les Etats-Unis, qui, par exception, allie des
transferts sociaux peu importants à un ciblage médiocre sur les plus défavorisés (puisqu’il est seulement dans la
moyenne).
77
Dans un ouvrage fondateur
« Les trois mondes de l’Etat-providence » (1990), Esping-Andersen établit une
typologie dont les critères sont les rôles respectifs du marché, de la puissance publique mais aussi de la famille
66
seraient fondés sur une alliance entre classes moyennes et supérieures qui « résisteraient » au
renforcement du système fiscalo-social dans la mesure où celui-ci profite principalement aux
plus défavorisés. On pourrait dire également qu’il est plus facile et plus logique de concentrer
l’impôt sur les plus riches et les transferts sociaux sur les plus pauvres quand leurs montants
sont limités. D’un point de vue plus idéologique, une plus grande confiance dans les
mécanismes du marché aurait pour corollaire des systèmes sociaux correspondant à des
« filets de sécurité » plutôt qu’à un ensemble cohérent et exhaustif de « protections
sociales » ; on laisse libre cours aux forces de marché, quitte à aider les perdants, quand ils
tombent dans des situations
particulièrement difficiles.
A contrario, la volonté d’assurer une redistribution plus importante exige, dans les Etats-
Providence d’inspiration « sociale-démocrate », de mettre en oeuvre des prélèvements et des
transferts publics relativement peu ciblés car, sinon, ils susciteraient au plan politique une
opposition croissante, et deviendraient au plan économique par trop distorsifs.
D’un point de vue normatif, deux lectures s’opposent. On pourrait considérer que les Etats-
Providence de type « social-démocrate » reposent sur une forme d’ « opacité ». La
redistribution y prendrait des proportions plus importantes parce que chacun verrait peu
clairement ce que financent les prélèvements qu’il doit supporter : des droits pour lui-même
ou un soutien aux plus nécessiteux. Cette situation contredirait l’exigence démocratique de
transparence ; on insiste plutôt, en général, sur la distinction à faire aux yeux des citoyens
entre assurance et redistribution. De manière alternative, on pourrait juger que cette
redistribution extensive repose sur la notion de « solidarité » (par opposition à celle de
« charité ») mêlant inextricablement assurance et redistribution. Cette distinction serait en
réalité peu pertinente puisqu’il s’agirait d’appliquer le principe : « de chacun selon ses
capacités, à chacun selon ses besoins ». Cette forme de redistribution va de pair avec une
cohésion sociale et un contrôle social relativement poussés aux fins d’éviter les
comportements de « passager clandestin ».
Ce phénomène recoupe en partie le constat selon lequel la redistribution horizontale, dont une
large partie de la population peut bénéficier, s’accompagne en pratique d’une plus grande
redistribution verticale. On pourrait prendre l’exemple des prestations familiales en France :
celles qui sont versées sans condition de ressources contribuent davantage à la réduction des
inégalités que les allocations accordées sous condition de ressources (16,9% contre 10,2%)
parce qu’elles sont financièrement plus importantes (2,9% des revenus disponibles contre
1,1%).
Forfaitaires, elles représentent un part plus importante des revenus modestes et les
ménages les plus pauvres comptent en moyenne plus d’enfants
78
.
Tous ces développements ne concernent que la redistribution monétaire mais ils pourraient
être transposés dans le cas des revenus en nature procurés par la puissance publique, c’est-à-
dire les services publics, comme l’éducation et la santé. Faiblement corrélés avec les revenus,
ils participent selon l’OCDE à la diminution des inégalités (toujours mesurées à l’aide du
coefficient de Gini) dans une proportion équivalant à la moitié de l’effet dû à la redistribution
monétaire. D’après des travaux de l’INSEE, cette part leur serait même supérieure en France.
dans la protection sociale. Il identifie trois régimes : « libéral », « social-democrate » et corporatiste. Ce dernier,
dont se rapprocheraient la France, l’Allemagne mais aussi l’Europe méditerranéenne avec certaines variantes,
combinerait une organisation bismarckienne par métier et une politique familialiste.
78
Les prestations familiales sans condition de ressources représentent 15,9% du revenu net du premier quintile
de revenus, en moyenne, contre 1% du cinquième. cf « France, portrait social », chapitre « Les mécanismes de
réduction des inégalités de revenu en 2009 ».
67
b- Les limites de cette analyse
Les études fondées sur les données du LIS roche comportent des biais méthodologiques,
certains relativement mineurs, comme celui qui tient aux taxes frappant les transferts
sociaux,
79
, d’autres plus importants.
On a vu, par exemple, que les pensions représentaient une part importante de la redistribution
telle que la mesure cette étude. De fait, les revenus « privés » ne comprennent que les
pensions versées par les systèmes de retraite « privés ». Les retraites, dans le cadre de régimes
obligatoires publics, donnent donc lieu donc à une redistribution qui peut être massive :
- en provenance des actifs, qui s’acquittent de cotisations venant en déduction de leurs
revenus privés,
- au profit des retraités, dont une grande part des revenus revêt ici le caractère de transferts
sociaux, leurs « revenus privés » constitués de revenus financiers et de pensions « privées »
pouvant être très limités.
Une bonne partie de la réduction des inégalités tient aux transferts entre, d’une part, les actifs,
qui touchent des revenus salariaux ou liés à l’entreprise individuelle, d’autre part, les retraités,
dont les revenus « privés » diminuent substantiellement à l’occasion de leur cessation
d’activité, ce qui les fait souvent entrer dans la catégorie des « pauvres »).
On pourrait considérer que les inégalités ainsi évaluées et leur réduction ont un caractère en
partie artificiel
80
. En particulier, elles seraient surestimées dans un Etat comme la France où
les pensions publiques représentent une part élevée du revenu des ménages. D’après ce calcul,
elles contribueraient pour
plus de la moitié à la réduction des inégalités assurée par les
finances publiques. V. Mahler et D. Jesuit tentent de faire justice de cet argument en excipant
du fait que tous les transferts sociaux sont susceptibles d’avoir des effets sur les
comportements. Comme les actifs accumulent des droits à la retraite, ils épargnent en effet
moins en vue de leurs vieux jours qu’ils ne le feraient sans ces systèmes publics, d’où des
inégalités de revenus « privés » plus importantes, mais il s’agirait là d’un phénomène qui
relève de l’analyse des effets incitatifs des finances publiques.
Il semble toutefois que cette question ne soit pas de nature économique mais bel et bien
comptable
. Selon le pays, on cotisera à un régime public ou privé pour les mêmes motifs,
mais dans le premier cas, les statistiques du Luxembourg Income Study
mettront en évidence
une redistribution bien plus forte que dans le second. Les auteurs confessent d’ailleurs avoir
parfois éprouvé certaines difficultés à classer ces pensions dans la catégorie pertinente -
revenus privés ou redistribution – car elle dépend de la qualification du régime de retraite
concerné.
Au final, l’accroissement apparent de l’effet redistributif des transferts sociaux s’explique en
partie par le vieillissement de la population et l’amplification des départs en retraite dans les
pays développés.
79
Susceptible de perturber quelque peu la lecture que l’on peut faire de la redistribution assurée respectivement
par chacun des deux volets, prélèvements et transferts. La proportion des prélèvements perçus sur les revenus de
remplacement publics peut atteindre 5% du PIB aux Pays-Bas et dans les Etats scandinaves, contre une moyenne
en-deçà de 2% au sein de l’OCDE. Ceci dépend naturellement de l’importance des transferts sociaux dans le
revenu des ménages mais aussi de certaines règles d’assujettissement, variables d’un pays à l’autre.
80
Par ailleurs, l’omission des loyers imputés contribue également à une sous-estimation du niveau de vie réel des
personnes âgées, plus fréquemment propriétaire de leur logement que la moyenne, mais ce problème est plus
général.
68
Ce biais est naturellement plus prégnant
dans les Etats où les pensions publiques représentent
plus de 90% du revenu de la population ayant atteint l’âge de la retraite (France, Suède, Italie,
Belgique) que dans ceux où cette part n’excède pas 50% (Etats-Unis, Royaume-Uni), où ils
ont pourtant souvent un caractère redistributif plus affirmé
81
.
Il ne concerne pas que le volet des transferts ou les personnes âgées, puisque le financement
des retraites, donc les prélèvements afférents, comportent le même. La différence entre le
revenu privé et le revenu disponible, censé rendre compte de l’action redistributrice des
finances publiques, comprend certains prélèvements dont on pourrait juger qu’ils constituent
en grande partie du salaire différé. On ne peut donc
neutraliser entièrement ce biais en se
contentant de traiter à part les pensions ou les personnes âgées.
Pour cette raison, on n’exposera pas ici en détail les résultats d’autres travaux comportant le
même biais, notamment le modèle de micro-simulation de transferts et de prélèvements pour
l’UE, « EUROMOD », géré par l’Institute for social and economic research (ISER) à
l’université d’Essex.
c- L’approche d’Eurostat
La bonne méthode consisterait à faire le partage, au sein des transferts sociaux et de leur
financement, de ce qui ressort de la mutualisation des risques et de la redistribution, c’est-à-
dire des prestations contributives et des autres. Au minimum, au vu de leurs montants, les
pensions publiques devraient faire faire l’objet d’un retraitement adéquat, c’est-à-dire être
rajoutés aux revenus initiaux.
Eurostat propose une analyse en partie conforme à ce critère
82
, mais naturellement limitée à
un champ plus restreint, celui de 24 des Etats européens
83
: on réintègre dans le revenu
qualifié ici d’ « initial » les pensions publiques, jugées essentiellement contributives
84
.
Un premier tableau fournit un ordre de grandeur quant aux masses financières déplacées par
les systèmes de prélèvements
85
et de transferts européens.
81
Car ils s’inscrivent en partie dans une logique de minimum vital. Au Royaume-Uni, l’Etat verse une pension
de base (« basic state pension ») d’un montant forfaitaire, et faible, ainsi qu’une « seconde pension publique »,
liée à la rémunération, rendue récemment plus redistributive.
82
Dans l’ouvrage « Income and living conditions in Europe » et plus précisément dans le chapitre
« Distributional effects of direct taxes and social transfers (cash benefits) », rédigé par V. Atta-Durkua, et A.
Barnard), qui ont exploité la base de données comparatives EU-SILC (European Union
statistics on income and
living conditions).
83
22 Etats membres de l’UE ainsi que l’Islande et la Norvège .
84
En revanche, on n’en retranche pas les cotisations de retraite afférentes, traités de la même manière que les
autres prélèvements sociaux.
85
Ici constitués des impôts directs sur le revenu et la propriété ainsi que des contributions sociales payées par les
salariés (hors cotisations patronales)
69
Tableau n°31
Prélèvements et transferts sociaux au sein de l’UE en parts des revenus
Revenu
initial
Prélèvements
Transferts
Revenu disponible
Portugal
100
22,6
7,5
84,9
Grèce
100
25,3
5,3
80,0
Royaume-Uni
100
25,5
6,4
80,9
Italie
100
24,0
4,2
80,2
Irlande
100
17,2
14,9
97,7
Espagne
100
15,8
5,3
89,5
Pays-Bas
100
32,6
8,7
76,1
Belgique
100
26,7
11,1
84,4
France
100
22,0
9,9
87,9
Hongrie
100
22,7
13,6
90,9
Danemark
100
39,5
16,3
76,7
Suède
100
34,5
14,9
80,5
Moyenne
100
23,9
8,7
84,8
L’effet redistributif peut être mesuré par la réduction du coefficient de Gini entre revenus
initiaux et revenus disponibles.
Tableau n°32
Coefficients de Gini des revenus initiaux et disponibles au sein de l’UE en 2007
Revenu initial
Revenu disponible
Réduction
Portugal
47,4
37,9
9,5
Grèce
43,2
33,9
9,3
Royaume-Uni
43,7
33,6
10,1
Italie
38,7
32,8
5,9
Irlande
47,2
32,4
14,8
Espagne
37,3
32,1
5,2
Pays-Bas
40,6
27,9
12,7
Belgique
41
27,5
13,5
France
35,5
26,6
8,9
Hongrie
38,3
26,3
12
Danemark
40,7
25,8
14,9
Suède
36,2
24,8
11,6
Moyenne
39,3
30,6
8,7
Le graphique suivant distingue dans cet effet les parts imputables respectivement aux
prélèvements et aux transferts.
70
Graphique n°6
La conclusion dans le cas français diffère sensiblement des enseignements de l’étude fondée
sur les données du LIS. Celles-ci tendaient à accréditer l’idée selon laquelle les inégalités
avant redistribution étaient plus fortes en France mais que celle-ci y était en revanche plus
importante. Une fois réintégrées les pensions publiques, les inégalités de revenus initiaux y
apparaissent plus faibles qu’ailleurs en moyenne, et la redistribution assurée par les
prélèvements et les transferts ne se situe plus seulement que dans la moyenne européenne.
In fine
, les inégalités de revenus disponibles sont maximales dans les pays où le système
fiscalo-social ne corrige que médiocrement des inégalités de revenus initiaux pourtant
71
relativement importantes (pays du Sud et Royaume-Uni) et minimales dans les Etats où leur
action est très significative malgré des inégalités de revenus initiaux limitées (Etats
scandinaves).
d- Une comparaison franco-britannique
Deux études analogues, menés respectivement en France et au Royaume-Uni, permettent de
présenter une décomposition plus fine de l’effet des mécanismes redistributifs.
- Pour la France, ce travail est fait dans le cadre du chapitre « La redistribution » de l’édition
annuelle de « France, portrait social », à l’aide du modèle de micro-simulation
Inès.
La
démarche consiste à appliquer la législation sociale
86
et fiscale à un échantillon représentatif
de l’ensemble des personnes vivant dans un ménage ordinaire
87
, en écartant les prestations
dont « l’objectif premier est de maintenir le niveau de vie des personnes lors de la survenance
des risques qu’elles couvrent ». Les pensions de retraite comme les allocations chômage et les
prélèvements qui y correspondent sont comptabilisées en amont de la redistribution
88
. Celle-ci
prend en compte les impôts directs, les taxes sur les salaires, les cotisations considérées
comme « redistributives » et certaines contributions sociales (logement, famille, la CSG hors
maladie, la CRDS…) ainsi que les prestations afférentes (familles, aides au logement, APA,
minima sociaux etc…). Naturellement, les prélèvements excèdent de beaucoup (de près de
100%) les transferts ici retracés car ils contribuent au financement de toutes les autres
dépenses des administrations publiques, notamment des services publics.
Ainsi définie et retracée, la redistribution apporte un complément de ressources de l’ordre de
50% aux 20% les moins favorisés, principalement sous la forme de prestations familiales.
Elles leur bénéficient majoritairement même quand elles ne sont pas sous condition de
ressources, d’aides au logement et de minima sociaux. Cette redistribution réduit de 20% le
niveau de vie du quintile de la population la plus aisée, ce qui est imputable pour près de la
moitié à l’IR. Ce dernier rend compte de près de 80% de la redistribution opérée par les
prélèvements, alors qu’il ne représente que le quart de leur masse totale. Au final, les
inégalités entre ces deux quintiles extrêmes se trouvent ramenées d’un facteur 7,4 à un facteur
3,8.
Les prestations, deux fois moins importantes que les prélèvements (7,1% du revenu
disponible contre 17,4%), contribuent à la réduction des inégalités pour les deux-tiers, ce qui
est conforme à un résultat habituel. Les prélèvements, qui servent à financer tout un ensemble
de dépenses publiques, s’avèrent principalement proportionnels aux revenus, et donc moins
redistributifs que les transferts, plus limités mais concentrés sur les plus modestes (les
prestations contributives étant écartées).
86
Le modèle assimile les personnes éligibles à des bénéficiaires effectifs, sauf dans le cas du RSA « activité » du
fait d’un taux élevé de non-recours, pour lequel il se cale sur le recensement de la CNAF.
87
On évalue les inégalités
de niveaux de vie
en rapportant les revenus disponibles à un nombre d’unités de
consommation par ménage.
88
Ainsi
ici que les cotisations et la CSG « maladie », à l’instar des cotisations d’assurance-chômage et
vieillesse. On aurait pu faire un choix différent et estimer que les prestations d’assurance-maladie en nature sont
devenues pour l’essentiel inconditionnelles. Cette option a pour effet de minorer les inégalités de revenus
initiaux et l’ampleur de la redistribution.
72
Tableau n°33
Montants moyens par équivalent adulte
et poids des prélèvements et prestations simulés en 2009
Quintiles
1er
2ème
3ème
4
ème
5ème
Revenu
avant
redistribution
(en
euros) : A
7210
15030
20770
27800
53140
Cotisations redistributives *
-5,7%
-6,8%
-7,7%
-7,6%
-7,1%
Contributions sociales (CSG hors
maladie, CRDS)
-1,9%
-2,3%
-2,9%
-3,1%
-3,3%
IR yc PPE
2,2%
1,2%
-0,4%
-2,8%
-9,3%
Taxe d’habitation
-0,8%
-1,3%
-1,5%
-1,4%
-1,1%
Prestations familiales
23,2%
5,9%
3,7%
2,4%
0,9%
Aides au logement
16,8%
1,9%
0,2%
0,1%
0,0%
Minima sociaux et autres aides sous
condition de ressources**
19,7%
1,9%
0,6%
0,2%
0,1%
Revenu disponible - B
11060
15300
19310
24360
42290
Taux de redistribution – (B-A)/A
53,4%
1,8%
-7,1%
-12,4%
-20,4%
* : en % du revenu avant redistribution
** : APA, RSA activité, mesures spécifiques mises en oeuvre en 2009 (dont la prime de solidarité active)
Source : « La redistribution en 2009 »
in
« France, portrait social », INSEE.
- L’Office for National Statistics britannique mène à bien des calculs comparables. Il
distingue les pensions professionnelles, qui font partie d’un revenu « originel » ou de marché,
d’une part, des pensions publiques, prises en compte dans la catégorie des transferts. Ces
pensions publiques dépendent des cotisations versées durant la carrière professionnelle, par
ailleurs intégrées dans les prélèvements sur les ménages, en aval du calcul de leurs revenus
« originels ».
Le choix de prendre en compte les pensions versées par le régime public et leur financement
dans les mécanismes de redistribution ne crée pas, en l’occurrence, un biais comparable à
celui que l’on a signalé dans le cas général. D’une part, elles représentent des montants peu
importants. D’autre part, bien qu’elles dépendent des cotisations versées, elles ont une
dimension non-contributive beaucoup plus affirmée qu’ailleurs dans le cas britannique,
comme on l’a vu. Au final, la différence dans le traitement statistique de ces pensions en
France et au Royaume-Uni recouvre en bonne partie une différence de nature entre celles-ci.
Pour avoir une bonne vision de l’impact de ce choix méthodologique, on a simulé, plus loin,
l’autre option possible en procédant à certains retraitements (cf.
infra
).
Tableau n°34
Redistribution par quintile de revenus des ménages* au Royaume-Uni
1er
2ème
3
ème
4ème
5ème
Transferts monétaires
129,4%
63,2%
24,8%
9,4%
2,4%
Impôts directs
25,6%
21,0%
21,7%
23,0%
24,7%
Taux de redistribution
103,8%
42,3%
3,2%
-13,5%
-22,3%
* classés par équivalent de revenu
Source : « The effects of taxes and benefits on household income, 2008/2009 », A. Barnard,
Office for national statistics
73
Les finances publiques ramènent les inégalités d’un facteur 15 entre quintiles supérieur et
inférieur, à un facteur 6. Elles les réduisent donc a priori plus fortement qu’en France, étant
entendu que ces inégalités y sont, au départ, nettement plus importantes.
On peut constater que le quintile inférieur paye davantage d’impôts directs que dans notre
pays (l’équivalent de 25% de son revenu originel contre à peine plus de 5% en France)
mais
perçoit des aides sociales beaucoup plus importantes, de l’ordre de 130% de son revenu
originel, contre environ 60% en France.
Si l’on retire du champ de la redistribution les pensions publiques et les « national insurance
contributions » qui les financent
89
, en rajoutant par ailleurs leur solde dans les revenus
originels, on obtient les résultats suivants :
Tableau n°35
Redistribution par quintile de revenus des ménages après corrections au Royaume-Uni
1er
2
ème
3
ème
4ème
5ème
Prestations corrigées
+57,8%
+35,8%
+12,3%
+4,5%
1,1%%
Prélèvements corrigés
-15,3%
-16,6%
-15,2%
-17,1%%
-20,3%
Taux de redistribution corrigé
42,5%
19,2%
-2,9%
-12,6%
-19,2%
On peut essayer, pour finir, de rapprocher les taux de redistribution qui caractérisent les
finances publiques dans nos deux pays.
Tableau n°36
Taux de redistribution monétaire en France et au Royaume-Uni (2009)
1er
2
ème
3ème
4ème
5
ème
France
+53,4%
+1,8%
-7,1%
-12,4%
-20,4%
Royaume-Uni
+ 103,8%
+ 42,3%
+ 3,2%
-13,5%
-22,3%
Royaume-Uni
Avec retraitements (cf.
infra
)
+ 42,5%
+ 19,2%
-2,9%
-12,6%
-19,2%
La présentation de deux variantes dans le cas britannique donne un majorant et un minorant
des effets des systèmes de redistribution (les pensions publiques étant de nature à la fois
contributive et redistributive).
Ces effets apparaissent plus importants Outre-Manche dans le bas de la hiérarchie des
revenus, pour le premier quintile mais aussi pour le deuxième, ce qui est qualitativement
différent des résultats observés en France (dont système fiscalo-social est quasi-neutre pour ce
deuxième quintile). Sans surprise, le système fiscalo-social britannique, par lequel transite une
part moins importante du revenu national qu’en France, y assure également une redistribution
plus « efficiente » (redistribution plus importante à recettes et dépenses publiques données).
89
Donnés en annexe de cet article de l’Office for National Statistics. Ces retraitements ne constituent que des
approximations puisqu’ils reposent sur des calculs effectués à partir des moyennes par quintile et non sur un
reclassement des ménages en fonction de leurs revenus évalués individuellement sur la base de la nouvelle
méthode.
74
Ces deux études permettent également de comparer plus finement l’effet redistributif de
l’impôt sur le revenu. On trouvera ci-dessous un rapprochement des taux de prélèvement
moyens par quintiles de revenus avant redistribution.
Tableau n°37
Taux de redistribution lié à l’IR en France et au Royaume-Uni
1
er
2ème
3ème
4ème
5
ème
Moyenne
Royaume-Uni
-5,8%
4,0%
12,2%
17,2%
24,5%
17,3%
France
(hors
CSG)
-2,2%
-1,2%
0,4%
2,8%
9,3%
4,4%
On a la confirmation que l’IR est plus redistributif au Royaume-Uni, ce qui y tient à son poids
globalement plus élevé, à un nombre de redevables beaucoup plus important
90
, à des crédits
d’impôts plus généreux en faveur des ménages les plus défavorisés et plus concentrés sur eux,
à des taux moyens effectifs sensiblement plus élevés sur les hauts revenus.
e-
Une étude sur longue période : Piketty et Saez (2006)
On s’appuiera sur l’étude de Piketty et Saez consacrée à la progressivité des prélèvements
obligatoires sur les revenus les plus élevés en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis,
entre 1970 et les années 2000.
Ils ont fait une comparaison de la progressivité des prélèvements obligatoires aux Etats-Unis,
au Royaume-Uni et en France et son évolution depuis 1970
91
, l’accent étant mis sur les Etats-
Unis. Pour des raisons tenant à la disponibilité des données statistiques sur une période aussi
longue et à l’objet même de leur recherche, qui portait principalement sur les revenus les plus
élevés, ils n’ont pas pris en compte les prestations sociales dans le périmètre de leur étude. En
revanche, ils l’ont étendu, dans le cas des Etats-Unis, à l’impôt sur les sociétés en estimant
qu’il constituait une taxe sur l’ensemble des revenus du capital et des fonds de pension
92
, et
non sur les seuls dividendes perçus par les actionnaires (via un mécanisme de marché tendant
à l’égalisation des rendements nets d’impôt des différentes classes d’actifs). Les auteurs
considèrent aussi tous les prélèvements sociaux comme de pures taxes.
On trouvera les tableaux en annexe.
Il en ressort les principaux éléments de constat suivants, dont certains constituent des
confirmations :
- Le faible poids de l’IR en France (ici hors CSG, celle-ci étant comptabilisée dans les
« contributions sociales ») se traduit par un taux de prélèvement moins élevé à tous les
niveaux de revenus étudiés ici, y compris pour les 1% les plus favorisés, sauf, en comparaison
des Etats-Unis, pour une catégorie limitée de contribuables
93
.
90
Le prélèvement ne devient significatif, en France, qu’à partir du 4
ème
quintile, alors que c’est le cas à partir du
deuxième au Royaume-Uni
91
« How progressive is the US federam tax systme ? A historical and international perspective”, NBER, juillet
2006.
92
L’étude estime donc, en ce cas, qu’il pèse
in fine
sur les salaires.
93
P99, 99-100 – seulement vis-à-vis des Etats et sans dépassement très net du taux américain (28,8% contre
26,2%)
75
- A contrario, l’augmentation de ce taux moyen au sein des 5% les plus riches est plus
caractérisée en France que chez ses deux partenaires,
- Le poids de l’IR dans les revenus a reculé à peu près autant en France que dans ces deux
pays anglo-saxons au cours de ces trente dernières années. Cela signifie qu’il a diminué
davantage en proportion puisqu’il ne représentait initialement qu’entre la moitié et le tiers de
celui qu’on peut observer Outre-Atlantique et Outre-Manche,
- Les taux effectifs atteints pour le petit nombre de revenus les plus élevés a reculé partout,
sous l’effet de la diminution des taux marginaux supérieurs et de la forfaitisation croissante
des taux de prélèvements sur les revenus financiers. Ils ont moins baissé en France qu’au
Royaume-Uni, où ces taux étaient initialement très élevés, mais plus en France qu’aux Etats-
Unis où des taux marginaux facialement très hauts s’accompagnaient déjà, en 1970, de
nombreuses dispositions dérogatoires permettant d’y échapper. Malgré une division par deux
des taux effectifs maximaux, le Royaume-Uni est toujours l’Etat qui taxe le plus les revenus
les plus élevés.
- Malgré la création de la CSG qui s’applique à une assiette large et frappe à un taux un peu
plus élevé les revenus du capital, l’importance les contributions sociales demeurent
régressives. Ce caractère ne s’affirme qu’au sommet de la hiérarchie des revenus (pour les 5%
les plus riches).
- La hausse des contributions sociales depuis trente ans, commune aux trois pays, s’est
accompagnée d’un certain recul de leur dégressivité. A noter que ce résultat s’accompagne, au
Royaume-Uni, d’une baisse ou une stagnation du taux de prélèvement afférent pour 90% de la
population – facilitée par une augmentation il est vrai plus limitée qu’ailleurs de ces
prélèvements (qui n’y financent pas l’assurance-maladie ni une grande partie des retraites).
- La prise en compte de l’IS est potentiellement importante. La diminution de cet impôt, aux
Etats-Unis, a joué un rôle significatif dans l’affaiblissement de la progressivité des
prélèvements totaux. A contrario, on doit s’interroger aujourd’hui sur l’incidence de cet impôt
dans le contexte de la mondialisation qui tend à égaliser la rentabilité du capital nette d’impôt
et contribue donc à en reporter la charge finale sur les prix à la consommation ou sur les
salaires.
- Dans le haut de l’échelle des revenus (dernier centile)
, l’évolution des prélèvements sur la
détention et la transmission du patrimoine semble avoir contribué de manière décisive à celle
des prélèvements globaux. La baisse des impôts sur les stocks de capital explique en bonne
partie la réduction de leur progressivité aux Etats-Unis (plus que celle de l’IR) et au
Royaume-Uni (mais dans ce pays un peu moins que l’impôt sur le revenu). A rebours, leur
hausse sensible, en France, a pu compenser en partie l’effet de la baisse de l’IR. En
particulier, c’est elle qui explique que le taux de prélèvement global sur la catégorie des
revenus les plus élevés (P99,99-100) se soit accru en France dans des proportions
comparables à la moyenne.
76
- Au total, la progressivité des prélèvements globaux s’est stabilisée en France alors qu’elle
reculait sensiblement dans ces deux pays anglo-saxons. Outre à la montée en puissance des
impôts sur le patrimoine, ce résultat peut tenir à la moindre
dégressivité des contributions
sociales qui ont tendu à devenir des prélèvements proportionnels (sauf pour les revenus très
élevés) - ce, sans doute grâce aux mesures de déplafonnement des cotisations sociales, à la
CSG et aux contributions sociales sur les revenus du capital.
- En examinant la différence entre la part du revenu de l’ensemble des ménages avant et après
prélèvements pour les quantiles de revenus les plus élevés
94
, on peut observer une certaine
stabilisation de leur effet redistributif en France, alors qu’il a sensiblement reculé dans les
pays anglo-saxons. Il n’y est plus que de l’ordre 15% à 35% alors qu’il dépassait 50% aux
Etats-Unis et les trois-quarts au Royaume-Uni en 1970. L’évolution des prélèvements
obligatoires y a donc renforcé l’effet de la forte croissance des revenus initiaux les plus
élevés. En comparaison, les inégalités comme le pouvoir redistributif des finances publiques
ont peu évolué en France.
94
aux effectifs très limités, encore une fois, ce qui interdit de faire de leur situation et de son évolution un
indicateur de redistribution globale
78
Annexe 1 :
La prise en compte du contribuable et de son conjoint
dans le cadre de l’impôt sur le revenu (source : DLF)
prise en compte du
contribuable
montant de
l'avantage
conditions de
revenus
couple
prise en compte du conjoint
(en €)
imposition
séparée
imposition commune
Allemagne
intégration dans le barème
8 004
fractionnement; barèmes différents (tranches couples doublées)
Autriche
intégration dans le barème
10 000
oui
Red d'impôt (364€) pour le conjoint qui perçoit pe
u de revenus (<
2 200 € ou 6 000 € si au moins 1 enfant à charge)
Belgique
intégration dans le barème
6430 (6690 si revenu <
23900€)
oui
quotient conjugal
95
Danemark
abattement
5 764
oui
toute partie non utilisée de l'abattement personnel est librement
transférable au conjoint
Espagne
intégration dans le barème
5 050
principe
option
minimum vital
96
Finlande
(national)
réduction d'impôt
650
(maximum)
avantage
supprimé si R >
87 166
oui
pas d'aménagement
Finlande (local)
abattement
3570
(maximum)
avantage
supprimé si R >
93 350
oui
France
QF + tranche à taux zéro
5 875
oui
quotient familial
95
La Belgique utilise le système dit du « quotient conjugal » : l'époux qui dispose des revenus professionnels les plus élevés est imposé sur ses revenus augmentés des autres
revenus communs du ménage (RF, RCM, plus-values...). L'autre époux est imposé sur ses seuls revenus professionnels. Lorsqu'un seul des époux dispose de revenus
professionnels, 30 % de ceux-ci dans la limite de 9 280 € sont attribués à l'autre époux, afin d'atténuer la progressivité de l'impôt.
96
depuis 2007 le montant cumulé des différents abattements personnels et familiaux compose le « minimum vital », tranche taxée au taux zéro dont le montant varie selon la
situation personnelle et familiale du contribuable
aucun aménagement pour le conjoint
prise en compte du conjoint uniquement s'il perçoit peu ou pas de revenus
79
prise en compte du
contribuable
montant de
l'avantage
conditions de
revenus
couple
prise en compte du conjoint
(en €)
imposition
séparée
imposition commune
Grèce
intégration dans le
barème
12 000
oui
revenu de chaque conjoint fixé séparément
Irlande
réduction d'impôt
1 830
option
principe
seuil 1ère tranche du barème plus importante pour un
couple; réduction d'impôt doublée ; prise en compte du
salaire peu élevé du conjoint
97
Italie
rien
oui
réduction d'impôt pour le conjoint sans revenu (max. 800
€, diminue en fonction du revenu)
Luxembourg
intégration dans le
barème
8 500
oui
3 barèmes d'imposition différents selon situation familiale
Pays-Bas
réduction d'impôt
1 987
oui
Royaume-Uni
abattement
7500
(maximum)
avantage supprimé si
R > 130 418
oui
Suède
abattement
3385
(maximum)
avantage supprimé si
R > 34535
oui
pas d'aménagement
97
la première tranche du barème, normalement de 36 400 €, est de 45 400 € pour un couple souscrivant une déclaration commune. Lorsque les deux conjoints travaillent, cette tranche de
45 400 € est augmentée du salaire du conjoint le plus faible, dans la limite de 27 400 €. En outre le montant du crédit d’impôt personnel est doublé, comme le sont les limites et seuils de certains
crédits et déductions
aucun aménagement pour le conjoint
prise en compte du conjoint uniquement s'il perçoit peu ou pas de revenus
80
prise en compte du
contribuable
montant de
l'avantage
conditions de
revenus
couple
prise en compte du conjoint
(en €)
imposition
séparée
imposition commune
Bulgarie
rien
oui
Chypre
intégration dans le barème
19 500
oui
aucun aménagement
Estonie
abattement
1 724
principe
option
Hongrie
rien
oui
pas d'aménagement
Lettonie
abattement
420
oui
conjoint sans revenu considéré comme à
charge (abattement 1067 €)
Lituanie
abattement
1634
(maximum)
Salariés uniquement
Avantage supprimé
si R > 10 953
oui
Malte
intégration dans le barème
7 570
option
oui
barèmes différents (tranches pour les
couples non doublées)
Roumanie
abattement
60
oui
Pologne
intégration dans le barème
800
principe
option
Tchéquie
réduction d'impôt
972
oui
réduction d'impôt (982€) pour conjoint à
faibles revenus (< 2687€)
Slovaquie
abattement
3 556
avantage supprimé si
R > 32 740
oui
abattement supplémentaire pour conjoint
à faibles revenus (max 3556 €)
98
Slovénie
abattement
6120
(maximum)
3100 si R> 11800€
oui
abattement complémentaire pour 1ère
personne à charge (conjoint sans revenu
ou enfant)
98
En Slovaquie, le montant de l’abattement est fonction du revenu du contribuable et est fixé en relation avec le « minimum vital » (un montant considéré comme revenu indispensable pour
vivre). Pour un revenu n’excédant pas 18 519 € le montant de l’abattement est de 3 556 € (19,2 fois le minimum vital). Pour un revenu au-delà de ce seuil, l’abattement est de 8 185 € (44,2 fois
le minimum vital) moins ¼ du revenu imposable. Le contribuable ne bénéficie plus d’abattement lorsque son revenu excède 32 740 €.
81
Annexe 2 : L’évolution du pouvoir redistributif des prélèvements obligatoires sur longue période,
en France, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni
(Source : « How progressive is the US federal system ? A historical and international perspective », Piketty et Saez,
NBER, 2006)
1) Comparaison des taux de prélèvement (en parts des revenus)
– 1970
IR
Cotisations sociales
Impôts sur le patrimoine
IS
Total P.O.
Part du revenu avant P .O.
Part du revenu après P .O.
Etats-Unis
Moyenne
12,5%
5,8%
0,7%
4,3%
23,3%
100%
100%
P0-90
9,9%
7,2%
0%
3,2%
20,2%
67,6%
70,5%
P90-95
13,7%
4,5%
0%
3,2%
21,4%
10,8%
11%
P95-99
16,1%
3%
0,7%
5,7%
25,6%
12,6%
12,2%
P99-99,5
20,7%
1,5%
3,8%
10%
36,1%
2,9%
2,4%
P99,5-99,9
25,8%
0,9%
5,8%
12%
44,6%
3,6%
2,6%
P99,9-P99,99
31,5%
0,4%
12,5%
14,7%
59,1%
1,8%
0,9%
P99,99-100
32,2%
0,1%
23,4%
19%
74,6%
0,8%
0,25%
France
Moyenne
5,3%
20,8%
0,3%
26,4%
100%
100%
P0-90
2,3%
24%
0%
26,3%
69,3%
69,4%
P90-95
6,4%
17,6%
0,2%
24,2%
10,65%
11%
P95-99
10,6%
14,1%
0,4%
25,1%
12,5%
12,7%
P99-99,5
16,8%
10,6%
0,8%
28,2%
2,6%
2,5%
P99,5-99,9
21,9%
7,4%
1,9%
31,2%
3,1%
2,9%
P99,9-P99,99
30,2%
4,2%
4,2%
38,6%
1,4%
1,1%
P99,99-100
40,1%
1,7%
6,9%
48,8%
0,5%
0,35%
Royaume-Uni
Moyenne
17,1%
7%
1,1%
25,1%
100%
100%
P0-90
13%
8,1%
0%
21,2%
71,6%
75,4%
P90-95
19%
5,8%
0,2%
25%
10,1%
10,1%
P95-99
25%
4,1%
2,1%
31,2%
11,4%
10,5%
P99-99,5
32,3%
2,4%
5,5%
40,3%
2,4%
1,9%
P99,5-99,9
41,3%
1,6%
10,4%
53,4%
2,9%
1,8%
P99,9-P99,95
52,3%
1%
16,5%
69,8%
0,6%
0,2%
P99,95-100
69,2%
0,6%
21,9%
91,7%
1%
0,1%
82
1) Comparaison des taux de prélèvement (en parts des revenus)
– Années 2000
IR
Contributions sociales
Impôts sur le patrimoine
IS
Total P.O.
Part du revenu avant P .O.
Part du revenu après P .O.
Etats-Unis (2004)
Moyenne
11,5%
9,3%
0,4%
2,3%
23,4%
100%
100%
P0-90
5,4%
11,5%
0%
1,5%
18,5%
53,75%
57,3%
P90-95
11,6%
11,5%
0%
1,8%
24,9%
11,3%
11,1%
P95-99
16,4%
8,1%
0,1%
2,5%
27,2%
15,3%
14,5%
P99-99,5
21,4%
4,6%
1,6%
3,7%
31,3%
4,1%
3,7%
P99,5-99,9
23,8%
3%
1,9%
4,3%
33%
6,6%
5,8%
P99,9-P99,99
25,1%
1,6%
2,4%
4,9%
34,1%
5,5%
4,7%
P99,99-100
26,2%
1,4%
2,5%
4,6%
34,7%
3,5%
3%
France (2005)
Moyenne
3,8%
33,3%
0,7%
37,8%
100%
100%
P0-90
1,8%
34,8%
0,1%
36,7%
68,9%
70,2%
P90-95
4,5%
33,7%
0,6%
38,8%
11,6%
11,4%
P95-99
7%
31,4%
1,4%
39,8%
12,8%
12,4%
P99-99,5
11,6%
26,5%
2,2%
40,3%
2,4%
2,3%
P99,5-99,9
16,4%
21,4%
5,1%
43%
2,7%
2,45%
P99,9-P99,99
22,3%
16,5%
8,9%
47,8%
1,2%
1%
P99,99-100
28,8%
8,5%
24,2%
61,5%
0,4%
0,3%
Royaume-Uni
(2000)
Moyenne
15%
8,3%
0,3%
23,7%
100%
100%
P0-90
9,7%
7,6%
0%
17,3%
61,2%
66,3%
P90-95
15,8%
13,8%
0%
29,6%
11,7%
10,8%
P95-99
21,7%
11,9%
1%
34,6%
14,8%
12,7%
P99-99,5
27,4%
10,1%
1,3%
38,8%
3,45%
2,8%
P99,5-99,9
30,5%
8,6%
1,3%
40,5%
4,8%
3,8%
P99,9-P99,95
33,2%
7,6%
1,4%
42,2%
1,3%
1%
P99,95-100
34,5%
6,5%
1,5%
42,5%
3,4%
2,6%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE
ET ÉQUITÉ FISCALE
Rapport particulier établi par
Michaël FRIBOURG,
Inspecteur des finances
Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de son auteur et n’engage ni
l’administration à laquelle il appartient ni le Conseil des prélèvements obligatoires
SYNTHESE
[1]
Malgré un poids en déclin dans les prélèvements obligatoires, l’impôt sur le revenu et l’impôt
de solidarité sur la fortune restent les deux principaux impôts à barèmes légaux progressifs pesant
sur les ménages.
[2]
Tandis la progressivité de son barème a été allégée au cours de la décennie 2000, l’impôt sur
le revenu est aujourd’hui plus concentré qu’il y a dix ans. En 2010, son produit net était assuré à
hauteur de 92 % par les 20 % de foyers occupant la position la plus élevée dans l’échelle des
revenus bruts déclarés, alors qu’ils reçoivent 34 % des revenus. Cet accroissement de la
concentration de l’impôt net est le triple résultat d’une plus grande concentration des revenus
bruts déclarés, d’une plus forte progressivité des taux dans le bas de l’échelle des revenus et de la
mise en place de la prime pour l’emploi qui, en réduisant le produit net de l’impôt sur le revenu,
réduit l’assiette de partage de la charge fiscale nette. Dans le même temps, existent de sensibles
discontinuités dans le barème effectif applicable aux bas revenus, résultat de la juxtaposition de
plusieurs dispositions : le seuil d’imposition, la décote, la PPE, le minimum de recouvrement.
[3]
Au cours des dix dernières années, le pouvoir redistributif de l’impôt sur le revenu est quant
a lui resté relativement stable. Analysée pour les 36,4 M de foyers fiscaux, la répartition des
revenus après impôt était, en 2010, 3,9 % moins inégalitaire que celle observée avant impôt. Ce
résultat n’est pas entièrement surprenant lorsque l’on sait que le rapport entre le produit net de
l’impôt sur le revenu et le revenu primaire des ménages est passé de 4,5 % en 2000 à 3,3 % en
2009. L’apport du présent rapport a notamment consisté à décomposer, avec l’aide précieuse et
efficace des services statistiques de la direction générale des finances publiques, les effets précis
de chaque grande étape de liquidation de l’impôt sur le revenu dans la réduction des inégalités.
Au-delà du barème qui focalise généralement l’intérêt public, l’IR se distingue en effet par des
mécanismes de calcul complexes. Les résultats obtenus permettent de mettre en évidence la
contribution positive à la réduction des inégalités de l’étape de calcul du revenu brut global, du
barème proprement dit et de la prime pour l’emploi. A l’inverse, la possibilité de déduire des
charges du revenu brut global, le quotient familial et les réductions et crédits d’impôt exercent un
effet régressif par rapport au revenu. Il ressort clairement de cette analyse que le barème n’est
pas la seule variable susceptible de contribuer à un renforcement de l’équité de l’impôt.
[4]
Par ailleurs, plus les revenus augmentent plus s’accroît la part des revenus non salariaux et
des revenus taxés à taux forfaitaire ou proportionnel. La part de dividendes et plus-values, taxés à
taux forfaitaire ou proportionnel, s’établit à 28 % des revenus bruts déclarés pour les 1 % des
foyers aisés, 53 % des revenus bruts déclarés pour les 0,1 % des foyers très aisés, 75 % des
revenus bruts déclarés pour les 0,01 % des foyers les plus aisés
et 89 % des revenus bruts
déclarés pour les 0,001 % des foyers au sommet de la hiérarchie des revenus. Pour cette dernière
catégorie de foyers, l’essentiel des revenus provient donc d’une capitalisation de plus-values
mobilières, taxées en 2010 au taux de 18 %. Cette singularité explique la régressivité des taux
moyens et marginaux d’imposition au sein des 1 % de foyers aisés. La cédularisation de l’impôt sur
le revenu concerne donc principalement les plus hauts revenus.
[5]
L’examen du fonctionnement de l’ISF permet, en complément des travaux sur le
Patrimoine
des ménages
déjà réalisés en 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, de mettre en
évidence que cet impôt représente une charge fiscale faible pour près de 30 % des assujettis
(inférieure à 797 € par an). Par ailleurs, les foyers assujettis à l’ISF n’appartiennent pas tous aux
foyers les plus aisés de l’impôt sur le revenu puisque la moitié d’entre eux n’atteint pas la
dernière tranche du barème d’imposition à 40 %. L’effet du plafonnement des impôts directs ou
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 2 -
« bouclier fiscal » est substantiel pour les plus hauts patrimoines. La restitution versée aux
5 600 foyers qui se situent dans le haut de la distribution du patrimoine brut déclaré s’est élevée à
460 M€ au titre du bouclier 2009. Elle s’est établie à 558 M€ pour les 10 % des foyers présentant
les plus hauts patrimoines.
Ce rapport s’accompagne d’annexes statistiques.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1
1.
POIDS, PROGRESSIVITE ET EFFET REDISTRIBUTIF DE L’IMPOT SUR LE REVENU
2
1.1.
Concentration, progressivité et redistributivité de l’impôt : des concepts souvent
confondus
.....................................................................................................................................
2
1.1.1.
Les taux marginaux d’imposition, indicateurs imparfaits de la progressivité de
l’impôt
.............................................................................................................................
2
1.1.2.
La concentration de l’impôt, reflet de la distribution de la charge fiscale mais pas
nécessairement des facultés contributives
.....................................................................
3
1.1.3.
La redistributivité de l’impôt, indicateur des modifications intervenues dans la
distribution initiale des revenus
......................................................................................
4
1.2.
L’impôt sur le revenu présente depuis la mise en place de la CSG un poids en déclin dans
l’ensemble des prélèvements directs pesant sur les ménages
...................................................
6
1.2.1.
L’imposition directe des revenus est de moins en moins le fait unique de l’impôt
sur le revenu
....................................................................................................................
6
1.2.2.
L’atonie du rendement de l’impôt sur le revenu n’est pas imputable à son
assiette, qui, bien que plus étroite que celle de la CSG, reste dynamique
......................
6
1.3.
Depuis vingt ans, l’impôt sur le revenu a vu sa progressivité augmenter tandis que son
pouvoir redistributif restait stable
...............................................................................................
7
1.3.1.
Une progressivité plus forte que par le passé
.................................................................
7
1.3.1.1.
Appréhendée en termes de concentration, la progressivité de l’impôt sur le
revenu s’est accrue d’un tiers en vingt ans
.....................................................
7
1.3.1.2.
Un décalage sensible existe entre le nombre de foyers imposables et le
nombre de foyers effectivement imposés
...................................................
10
1.3.2.
Les dispositions ciblées sur les bas revenus sont source de discontinuités
significatives des taux marginaux d’imposition
...........................................................
13
1.3.2.1.
Une multiplicité de seuils d’imposition
........................................................
13
1.3.2.2.
La forte discontinuité du barème aval
..........................................................
16
1.3.3.
L’impact redistributif de l’impôt sur le revenu a stagné malgré les efforts
consentis en direction des bas revenus
........................................................................
20
1.3.3.1.
Un impôt dont l’impact redistributif est resté relativement stable par
rapport à la fin des années 1990
..................................................................
20
1.3.3.2.
Le moindre poids de l’IR dans les revenus ménages
....................................
21
1.3.3.3.
Les réformes de l’impôt sur le revenu intervenues depuis 10 ans ont réduit
les taux moyens et marginaux d’imposition
................................................
21
1.3.4.
Les évolutions observées en France se retrouvent chez nos partenaires étrangers
....
22
2.
VERS UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES EFFETS REDISTRIBUTIFS DE L’IMPOT SUR LE
REVENU
23
2.1.
La structure de liquidation de l’impôt conditionne son action redistributive
..........................
23
2.2.
Décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu
............................................
23
2.2.1.
L’impôt sur le revenu réduit de 4 % les inégalités de revenus
......................................
23
2.2.1.1.
Une décomposition schématique des mécanismes de liquidation de l’impôt
sur le revenu en huit étapes
.........................................................................
23
2.2.1.2.
Résultats obtenus
.........................................................................................
23
2.2.2.
Contribution de chaque étape de liquidation à la réduction des inégalités
.................
23
2.2.2.1.
Le barème reste au cœur des mécanismes redistributifs de l’impôt sur le
revenu
...........................................................................................................
23
2.2.2.2.
La distribution des avantages issus des mécanismes de liquidation varie
fortement d’une étape à l’autre
...................................................................
23
2.3.
Examen des principaux déterminants de la contribution de l’impôt sur le revenu à la
réduction des inégalités
............................................................................................................
23
2.3.1.
Les règles de détermination du revenu brut global mettent en évidence
d’importantes différences de traitement selon l’origine et la nature des revenus
......
23
2.3.1.1.
Les règles de détermination de l’assiette des traitements et salaires : des
atténuations nombreuses
............................................................................
23
2.3.1.2.
Les pensions et rentes viagères bénéficient d’avantages dont la justification
n’est plus toujours évidente
.........................................................................
23
2.3.1.3.
Les revenus et plus-values des professionnels non salariaux se distinguent
pas la coexistence
des régimes réels, simplifiés et forfaitaires d’imposition
qui manquent d’unité
...................................................................................
23
2.3.1.4.
Les revenus fonciers
.....................................................................................
23
2.3.1.5.
Les plus-values
et les revenus de capitaux mobiliers : une fiscalité
d’exception dans l’impôt sur le revenu
........................................................
23
2.3.1.6.
Bilan de l’influence d’ensemble des dispositions catégorielles sur la
progressivité de l’impôt
................................................................................
23
2.3.2.
La déduction des charges du revenu brut global permet de passer au revenu net
global
...........................................................................................................................
23
2.3.3.
Le quotient familial et conjugal
...................................................................................
23
2.3.3.1.
Le quotient familial exerce un effet régressif par rapport au revenu que ne
corrige pas son plafonnement
......................................................................
23
2.3.3.2.
Le quotient conjugal présente des effets ambigus en matière de
redistribution
................................................................................................
23
2.3.4.
Le barème par tranche exerce toujours un important effet redistributif
.....................
23
2.3.4.1.
Le barème assure l’essentiel de l’impact redistributif de l’impôt sur le
revenu
...........................................................................................................
23
2.3.4.2.
Le barème de l’impôt sur le revenu a été fortement allégé au cours de la
dernière décennie
........................................................................................
23
2.3.4.3.
La réforme du barème intervenue en 2006 a essentiellement profité aux
contribuables à hauts revenus
.....................................................................
23
2.3.5.
Les réductions d’impôt exercent un effet globalement anti-redistributif
....................
23
2.3.6.
La contribution des crédits d’impôt à la réduction des inégalités est au total
légèrement positive, résultat imputable à la prime pour l’emploi
...............................
23
3.
L’IMPOSITION DES HAUTS REVENUS ET DES HAUTS PATRIMOINES : UNE VISIBILITE ENCORE
PARTIELLE
23
3.1.
L’imposition globale des plus aisés ne peut être mesurée
.......................................................
23
3.2.
L’imposition à l’IR des plus hauts revenus
................................................................................
23
3.2.1.
Plus les revenus augmentent, plus s’accroissent les parts des revenus non
salariaux et des revenus taxés à taux forfaitaires ou proportionnels
..........................
23
3.2.2.
La contribution des plus hauts revenus à l’impôt sur le revenu reflète la très forte
concentration des revenus et de l’impôt
......................................................................
23
L’imposition à l’ISF des plus hauts patrimoines
........................................................................
23
3.3. 23
3.3.1.
Rappel des principes de fonctionnement de l’ISF
.........................................................
23
3.3.2.
Un impôt caractérisé par l’existence d’un plafonnement de cotisation puis d’un
plafonnement des impôts directs ou « bouclier fiscal » destiné à en atténuer
l’impact économique et financier pour les contribuables
............................................
23
3.3.3.
Le
nombre de redevables de l’ISF a plus que doublé au cours de la dernière
décennie mais la loi TEPA
a accru en leur sein la part des non-imposables
...............
23
3.3.4.
L’ISF étant très concentré, il représente des montants d’impôt de cotisation
relativement faibles pour une part importante des assujettis
.....................................
23
3.3.5.
L’ISF voit sa progressivité très fortement atténuée par le bouclier fiscal
....................
23
3.3.6.
Les redevables de l’ISF n’appartiennent pas tous aux foyers les plus aisés de
l’impôt sur le revenu
....................................................................................................
23
3.3.7.
Les revenus des redevables de l’ISF ne sont pas spécifiquement taxés à taux
forfaitaires ou proportionnels mais reflètent l’âge moyen des assujettis
...................
23
3.3.8.
A l’exception du décile le plus riche, la structure patrimoniale des assujettis à l’ISF
est sensiblement identique
..........................................................................................
23
CONCLUSION
23
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 1 -
INTRODUCTION
[6]
Occupant de longue date une place privilégiée dans le débat public, l’impôt sur le revenu et
l’impôt de solidarité sur la fortune apparaissent paradoxalement relativement méconnus à la fois
dans leur fonctionnement et dans leur impact en termes d’équité fiscale. L’impôt sur le revenu est
généralement présenté comme un impôt global, progressif, familial et différé sur les revenus
perçus par 36,4 M de foyers fiscaux. De l’impôt de solidarité sur la fortune, l’on retient
usuellement qu’il s’agit d’un impôt progressif sur le patrimoine, acquitté par 559 000 foyers, dont
les effets ont été atténués par la loi TEPA et le « bouclier fiscal », qui se sont ajoutés au
plafonnement de la cotisation d’ISF mise en place dès 1988. Pour dépasser ces considérations
générales, le présent rapport, réalisé dans le cadre de travaux préparatoires du Conseil des
prélèvements obligatoires (CPO) sur les prélèvements pesant sur les ménages, a entendu
décomposer et analyser le fonctionnement précis de ces deux impôts.
[7]
Dans cette perspective, le premier chapitre de cette étude examine le poids, la progressivité
et l’impact redistributif de l’impôt sur le revenu. Il propose une clarification des notions voisines
de concentration, de progressivité et de redistributivité de l’impôt. Il analyse, ensuite, le déclin de
l’impôt sur le revenu dans l’ensemble des prélèvements directs pesant sur les ménages. Il
quantifie la progressivité actuelle de l’impôt sur le revenu, rend compte des discontinuités
observées dans le fonctionnement du « barème aval » et propose de premiers éléments
d’explication à la stagnation du pouvoir redistributif de l’impôt sur le revenu observée au cours de
la dernière décennie.
[8]
Le second chapitre approfondit ensuite la question de l’impact redistributif de l’impôt sur le
revenu. Partant des mécanismes de liquidation de l’impôt, il décompose, pour la première fois en
France, le rôle des grandes caractéristiques de l’impôt dans la réduction des inégalités. Les
caractéristiques retenues portent notamment sur : la définition des revenus catégoriels,
l’application de charges et d’abattements sur le revenu brut et catégoriel, l’application d’un
barème progressif, la mise en œuvre du quotient familial, l’existence de réduction et de crédits
d’impôt.
[9]
Enfin, le dernier chapitre du présent rapport propose un examen de l’imposition, à l’IR et à
l’ISF, des hauts revenus et des hauts patrimoines. Rappelant que l’imposition globale ne peut
techniquement être mesurée, ce chapitre insiste sur les spécificités présidant à l’imposition des
plus hauts revenus et rend compte, en complément des travaux sur le
Patrimoine des ménages
déjà réalisés en 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, des caractéristiques
dominantes des foyers imposés à l’impôt de solidarité sur la fortune.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 2 -
1.
Poids, progressivité et effet redistributif de l’impôt sur le revenu
1.1.
Concentration, progressivité et redistributivité de l’impôt : des concepts souvent
confondus
[10]
La connaissance classique de l’impôt sur le revenu s’arrête ordinairement à ses deux
principales caractéristiques, à savoir qu’il est un impôt progressif et concentré. Objet de
controverses, son rôle dans la réduction des inégalités de revenus ou de niveau de vie est
paradoxalement resté jusqu’à ce jour relativement peu documenté, l’idée communément admise
étant que son barème progressif définit l’essentiel de sa contribution à l’effort collectif de
redistribution. Peuvent en résulter des ambiguïtés sur l’impact des évolutions passées ou des
évolutions souhaitables de cet impôt au regard de l’objectif d’équité de la politique fiscale.
[11]
Notons que ces ambiguïtés sont en France d’autant plus fortes que l’égalité des citoyens
devant l’impôt admet plusieurs interprétations. Si la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen dispose dans son article 13 qu’une «
contribution commune est également répartie entre
les citoyens, en raison de leurs facultés
», l’impôt progressif sur le revenu n’est apparu qu’en 1917.
Depuis sa création, cet impôt s’est toujours caractérisé par la coexistence de taux progressifs et
de taux proportionnels selon la source de revenu considérée, reflet de compromis politiques et
sociaux changeants dans l’interprétation de l’égalité devant l’impôt. Cette dernière n’a d’ailleurs
quasiment jamais été entendue comme emportant une égalité de traitement des différentes
formes de revenus
1
. Pour sa part, le Conseil constitutionnel réinterprète l’article 13 précité à la
lumière de l’évolution de notre droit fiscal. Pour échapper à la censure du juge constitutionnel, les
dispositions fiscales ne doivent emporter aucune rupture caractérisée de l’égalité entre les
contribuables ni remettre en cause «
le caractère progressif du montant de l’imposition globale
»
du revenu
2
.
[12]
Si les interprétations de l’égalité devant l’impôt restent plurielles et évolutives, la littérature
économique propose toutefois plusieurs concepts et outils, exploités dans le présent rapport, et
qui permettent d’éclairer le débat sur l’impact redistributif réel de l’impôt sur le revenu. Un
rappel de leur portée semble indispensable à une compréhension précise des mécanismes qui
président au fonctionnement actuel de l’impôt sur le revenu.
1.1.1.
Les taux marginaux d’imposition, indicateurs imparfaits de la progressivité de l’impôt
[13]
Il convient de rappeler, en premier lieu, que la progressivité de l’impôt signifie que l’impôt
est plus concentré que le revenu avant impôt. Pour qu’il en soit ainsi, le taux de l’impôt doit
croître avec la base imposable : la charge fiscale s’élève plus que proportionnellement au fur et à
mesure de l’évolution du revenu. La pression fiscale est dans ce cas une fonction croissante du
1
En 1917, une taxe à taux unique progressif s’échelonnant sur onze tranches de 0 à 10 % et portant «
impôt général sur
le revenu
» (IGR) se superposait aux taux proportionnels différents frappant par ailleurs, à l’exception des salaires,
chaque catégorie de revenu.
Après trois décennies de réduction des assiettes cédulaires, la réforme de 1948, portant
création de l’ «
impôt sur le revenu des personnes physiques
» (IRPP), payable par foyer, a substitué aux impôts
cédulaires une taxe proportionnelle et toujours différenciée sur chaque revenu catégoriel, à laquelle s’ajoutait une
« surtaxe progressive » assise sur le revenu net global. Elle s’étalonnait cette fois sur neuf tranches de 0 à 60 % (avec un
taux marginal supérieur de 70 % pour les célibataires). La réforme de 1959, dernière réforme systémique qu’ait connu
l’impôt sur le revenu, a quant à elle fusionné dans un même barème les taxes à taux proportionnel et celle à taux
progressif, en excluant de l’assiette du barème certaines catégories de revenu imposés à part (ex. prélèvements
forfaitaires sur la plupart des revenus du capital, forfait agricole).
2
Décision n°93-320 DC.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 3 -
revenu avant impôt. Pour qu’un impôt soit progressif, son taux marginal doit donc être supérieur -
ou localement égal - à sont taux moyen. La progressivité peut alors être locale ou générale : le
taux marginal d’imposition d’un impôt qui présenterait deux tranches avec un taux à zéro et
ensuite un taux proportionnel sera par construction supérieur à son taux moyen. Cependant,
l’appréciation du caractère progressif d’un impôt par le simple examen de ses taux marginaux ou,
par exemple de son barème, serait simplificatrice. En lui-même, le taux marginal ne synthétise pas
tous les renseignements requis pour juger de la progressivité d’un impôt. Intervient
naturellement la concentration initiale des revenus : à législation inchangée, une plus grande
concentration des revenus aboutit à une plus forte concentration de l’impôt dès lors que l’on est
dans un barème progressif. Considérons, par ailleurs, les deux exemples (théoriques) de barèmes
par tranche exposés dans le tableau 1. Par lecture directe, le barème 2, qui va de 0 à 65 % semble
plus progressif que le barème 1, qui ne va lui que de 0 à 60 %. Le taux marginal supérieur est de
cinq points supérieur dans le second barème. Pourtant, il se peut que le barème 1 soit
globalement plus progressif que le second. Tout dépendra, dans cet exemple simplifié, de quatre
paramètres
3
:
rhombus5
le niveau des taux marginaux intermédiaires ;
rhombus5
la distribution des contribuables entres les différentes tranches du barème ;
rhombus5
les niveaux de revenus auxquels correspondent les différentes tranches ;
rhombus5
la distribution des revenus entre ces tranches.
Tableau 1 : Exemple de barèmes d’imposition (les taux sont des taux marginaux)
Tranche d’imposition
Barème 1
Barème 2
1
ère
tranche
0 %
0 %
2
ème
tranche
10 %
8 %
3
ème
tranche
25 %
15 %
4
ème
tranche
40 %
35 %
5
ème
tranche
60 %
65 %
Source
: Rapporteur.
[14]
Imaginons que la dernière tranche du barème 1 concerne 200 000 foyers fiscaux concentrant
25 % des revenus avant impôt tandis que la dernière tranche du barème 2 concerne également
200 000 foyers mais qui ne concentrent cette fois que 10 % des revenus avant impôt. Cette
seconde configuration, malgré un taux marginal supérieur plus élevé, sera moins progressive que
la première.
[15]
La présentation des taux moyen et marginaux d’imposition par fractile de revenus permettra
néanmoins de ventiler le poids de l’imposition dans le revenu moyen et marginal par niveau de
revenu déclaré.
1.1.2.
La concentration de l’impôt, reflet de la distribution de la charge fiscale mais pas
nécessairement des facultés contributives
[16]
Une seconde façon d’apprécier la progressivité de l’impôt peut consister, en complément de
l’examen des taux marginaux, à étudier la répartition de la charge fiscale. Cet exercice permet de
savoir, par exemple, si l’impôt est uniformément réparti ou non dans la population des assujettis.
Cette répartition peut être illustrée par une courbe de Lorenz, qui permet de représenter
visuellement la façon dont se répartit une masse (revenu, patrimoine, impôt payé...) au sein d’une
3
Comme exposé plus loin, la progressivité de l’impôt dépend également, en réalité, d’autres facteurs (déductions
des charges, réduction et crédits d’impôts…).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 4 -
population. Inscrite dans un carré, cette courbe de Lorenz rend compte du caractère plus ou
moins égalitaire de la répartition de la masse considérée au sein de la population. Appliquée à
l’impôt, elle permet de visualiser la dispersion, c’est-à-dire la plus ou moins forte concentration
de l’impôt au sein d’une population. L’axe des abscisses, qui représente la part de la population
considérée, comme celui des ordonnées, qui représente par ordre croissant la part de l’impôt
acquitté, varient de 1 à 100.
Le carré est traversé de part en part, par une bissectrice qui décrit
une distribution égalitaire de la masse examinée, ici l’impôt : 20 % de la population acquitte 20 %
de l’impôt, 40 % de la population acquitte 40 % de l’impôt et ainsi de suite. Plus la courbe de
Lorenz est proche de la première bissectrice, plus la distribution de la variable décrite est
égalitaire. Une courbe fortement concave indique au contraire une forte concentration. L’indice
de Gini mesure cet écart entre la courbe et la bissectrice : il est égal au double de l’aire comprise
entre la courbe considérée et la première bissectrice. L’indice de Gini de l’impôt vaudrait 0 si tous
les foyers payaient le même impôt, 1 si un seul foyer acquittait l’ensemble de l’impôt.
[17]
Tracer des courbes de Lorenz ou calculer des coefficients de Gini de l’impôt acquitté n’offre
cependant qu’une vision encore une fois lacunaire de la progressivité de l’impôt. En effet, il
pourrait être tentant de penser que plus l’impôt est concentré, donc plus la courbe de Lorenz de
l’impôt payé est proche de la première bissectrice, plus il est progressif. La réalité est plus
complexe car un impôt proportionnel peut être très concentré ou plus concentré qu’un impôt
progressif.
[18]
Tout dépend de la distribution initiale des revenus. Dans une société où la distribution des
revenus serait très inégalitaire, une concentration égalitaire de l’impôt reflèterait sa régressivité.
Inversement, si la distribution des revenus avant impôt est parfaitement égalitaire, un impôt sera
jugé progressif dès lors que sa courbe de Lorenz ne se confond pas avec la première bissectrice.
Par ailleurs, un glissement généralisé des revenus vers les tranches supérieures du barème n’aura
pas pour conséquence une augmentation de la part de l’impôt payé par les plus riches. L’impôt
payé par ceux-ci augmentera, mais relativement moins que l’impôt acquitté par les classes
centrales ou inférieures de la distribution des revenus.
[19]
L’examen de la concentration de l’impôt donne cependant plusieurs indications qui, pour
partielles qu’elles soient, restent utiles à la compréhension de l’impôt. Pourra ainsi être mise en
évidence la charge fiscale pesant sur chaque part de la population. Un impôt auquel est assujettie
la presque totalité des foyers fiscaux mais qui n’est acquitté que par moins d’un assujetti sur deux
sera jugé progressif dès lors que tous les non imposables n’ont pas nécessairement des revenus
négatifs ou nuls. En dynamique, à distribution des revenus inchangée, une évolution de la
concentration de l’impôt pourra par ailleurs refléter une évolution de la législation fiscale
emportant une redistribution de la charge fiscale rendant ou non l’impôt plus progressif que par
le passé.
1.1.3.
La redistributivité de l’impôt, indicateur des modifications intervenues dans la
distribution initiale des revenus
[20]
Si la progressivité de l’impôt est censée offrir une approximation de la façon dont les facultés
contributives des citoyens sont sollicitées, son impact sur notre modèle de redistribution des
richesses requiert d’autres notions. A cet égard, la notion de redistributivité est généralement
d’intuition aisée pour les prestations : par exemple, certaines prestations comme le revenu de
solidarité active bénéficient aux titulaires de faibles revenus et modifient sensiblement leur
niveau de vie. Appliqué aux impôts, le concept de redistributivité est d’usage moins courant.
Pourtant, un impôt est bien susceptible de modifier la distribution des revenus ou patrimoines
observée avant et après son application. La redistributivité d’un impôt mesure alors le
changement survenu dans la distribution du revenu du seul fait de son application. La référence
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 5 -
retenue pourra être variée (le revenu déclaré, le revenu par foyer fiscal, par ménage, par unité de
consommation…) et reflètera des conceptions alternatives (sans être nécessairement divergentes)
des niveaux de vie. Le changement intervenu pourra avoir trait à la redistribution verticale si se
trouve modifiée la situation d’individus présentant des caractéristiques personnelles identiques
mais dont les niveaux de revenu ou de patrimoine initial sont différents. On parlera en revanche
de redistribution horizontale lorsque se trouve modifiée la situation d’individus présentant des
niveaux de revenu ou de patrimoine initial identiques mais des caractéristiques personnelles cette
fois différentes (célibat, enfants à charge, veuvage, retraite…). Le quotient familial est
généralement présenté comme l’un des principaux mécanismes de redistribution horizontale de
l’impôt sur le revenu puisqu’il est présumé organiser une redistribution des foyers célibataires
sans enfants vers les couples imposés en commun et supportant des charges de famille.
[21]
La caractéristique dominante d’un impôt (proportionnel, progressif, forfaitaire…) emporte
par ailleurs des effets contrastés sur sa redistributivité. Un impôt progressif modifie
nécessairement la distribution initiale des revenus. Cependant, la modification de cette
distribution n’est pas nécessairement d’autant plus élevée que l’impôt est plus progressif. A
progressivité semblable et structure semblable des revenus primaires, un impôt représentant
10 % des revenus perçus par les ménages sera plus redistributif qu’un impôt qui n’en représente
que la moitié. De même, un impôt fortement progressif qui représenterait 5 % des prélèvements
obligatoires sera moins redistributif qu’un impôt moyennement progressif en représentant 10 %.
Il faut retenir qu’un impôt joue un rôle d’autant plus redistributif qu’il est lourd, donc que son
poids est important au sein des prélèvements obligatoires, et qu’il est progressif.
[22]
La mesure du caractère redistributif d’un impôt peut être réalisée à l’aide d’indicateurs
synthétiques au nombre desquels figurent l’indice de Musgrave, qui compare les concentrations
du revenu avant et après impôt. S’il est égal à 1, l’impôt ne modifie pas, globalement, la
répartition du revenu et est neutre d’un point de vue redistributif. S’il est supérieur à 1, l’impôt
réduit la concentration du revenu, c’est-à-dire que les ménages les plus défavorisés détiennent
une part plus grande du revenu après qu’avant impôt. L’impôt est alors redistributif.
[23]
Deux instruments complémentaires permettent d’apprécier cette redistributivité.
Premièrement, la pseudo-courbe de Lorenz, qui ne représente plus cette fois la concentration de
l’impôt, mais sa répartition, les foyers ayant été classés par ordre croissant de revenu. Ceci
permet
de croiser schématiquement trois informations : la part de la population, la part dans le
revenu déclaré initial et la part dans l’impôt payé. Les foyers sont classés par ordre de revenu
déclaré croissant et leur est associée la part du revenu déclaré qu’ils possèdent. La première
bissectrice correspond à une situation où tous les foyers ont le même revenu déclaré. Plus la
courbe est convexe, donc éloignée de la diagonale, plus les inégalités de revenu déclaré sont
fortes. Il sera ainsi possible, comme nous l’avons fait dans le 2.2.2. ci-dessous, de comparer les
pseudo-courbes de Lorenz de niveau de revenu avant et après impôt. La pseudo-courbe de Lorenz
permettra d’observer, par exemple, quelle part de l’impôt acquittent les 20 % de foyers
présentant les plus faibles revenus déclarés et quelle est celle des 10 % de foyers aux revenus
déclarés les plus élevés.
[24]
Les pseudo-courbes de Lorenz permettent de calculer des pseudo-indices de Gini. Ceux-ci
sont construits comme les indices de Gini, à ceci près que la variable servant à classer les ménages
n’est pas celle dont est appréciée la répartition. L’utilisation de ces outils a permis, avec l’aide du
bureau statistique de la DGFiP, de mener un important travail de décomposition des déterminants
de la redistributivité de l’impôt sur le revenu qui n’avait jusqu’ici jamais été conduit sur les
données fiscales françaises.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 6 -
1.2.
L’impôt sur le revenu présente depuis la mise en place de la CSG un poids en
déclin dans l’ensemble des prélèvements directs pesant sur les ménages
1.2.1.
L’imposition directe des revenus est de moins en moins le fait unique de l’impôt sur le
revenu
[25]
L’impôt sur le revenu ne représente en 2009 plus que 6,4 % des prélèvements obligatoires
contre 9 % en 1995. Pour sa part, la CSG et les prélèvements connexes
4
représentent désormais
11,5 % des prélèvements obligatoires, contre 1,2 % quinze ans plus tôt.
[26]
Alors que le niveau des prélèvements directs pesant sur les ménages est resté relativement
stable depuis les années 1990, leur structure a donc évolué principalement au profit de la CSG et
de ses taxes additionnelles.
1.2.2.
L’atonie du rendement de l’impôt sur le revenu n’est pas imputable à son assiette, qui,
bien que plus étroite que celle de la CSG, reste dynamique
[27]
La part de l’impôt sur le revenu dans le revenu brut déclaré s’est contractée de 27 % entre
2000 et 2009, passant de 6,7 % à 4,9 %. Pendant cette période, le produit net de l’impôt sur le
revenu est resté stable en euros courants tandis que le revenu brut déclaré s’accroissait lui de
37 %. Le taux de croissance annuelle moyen de la base brute a été de 3,6 %. L’impôt sur le revenu
est donc assis sur une base brute dynamique, ce dont ne rend pas compte la dégradation de son
produit net.
Au total, une déconnexion de plus en plus forte est apparue entre le rendement de
l’IR et le dynamisme persistant de son assiette brute.
Tableau 2 : Évolution comparée de l’assiette brute et du produit net de l’impôt sur le revenu
Revenus de l’année…
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Produit net de l’impôt sur le revenu
(
en Md€ courants
)
47,3
44,5
46,5
48,5
49,9
49,9
45,9
49,1
44,9
47,5
Indice 100 en 2000
100
94
94
98
102
106
97
104
95
100
Montant du revenu brut déclaré
(
en
Md€
courants
)
702,3
731,6
763,5
784,7
819,3
843,2
884,9
921,8
935,5
963,1
Indice 100 en 2000
100
104
109
112
117
120
126
131
133
137
Part de l’impôt sur le revenu dans
le revenu brut déclaré
6,7 %
6,1 %
6,1 %
6,2 %
6,1 %
5,9 %
5,2 %
5,3 %
4,8 %
4,9 %
Source
: DGFIP. Rapporteur.
[28]
Par comparaison, la CSG a vu son rendement s’accroître de 40 %sur cette même période, ce
qui procède à la fois de la dynamique de ses assiettes, de l’augmentation des taux et du fait que la
CSG ait été relativement préservée de l’expansion des niches sociales observée au cours des
années 2000.
Tableau 3 : Évolution du rendement de la CSG et de la CRDS
Rendement de l’année…
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Contribution sociale généralisée
(CSG)
57,9
61,7
62,3
64,1
66,0
70,8
75,5
79,2
83,4
81,3
Indice 100 en 2000
100
107
108
111
114
122
130
137
144
140
4
Nous appelons « prélèvements connexes » à la CSG la CSG affectée à la Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le prélèvement social de 2 %
sur le revenu du capital et la contribution additionnelle au prélèvement social affectée à la CNSA.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 7 -
Rendement de l’année…
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
CSG affectée à la CNSA
0
0,0
0,0
0,0
0,5
0,9
1,0
1,1
1,1
1,0
Contribution au Remboursement de
la Dette Sociale
4,5
4,6
4,7
4,8
5,0
4,9
5,5
5,8
6,1
5,9
Indice 100 en 2000
100
102
104
107
111
109
122
129
136
131
Source
: INSEE.
1.3.
Depuis vingt ans, l’impôt sur le revenu a vu sa progressivité augmenter tandis que
son pouvoir redistributif restait stable
1.3.1.
Une progressivité plus forte que par le passé
1.3.1.1.
Appréhendée en termes de concentration, la progressivité de l’impôt sur le revenu
s’est accrue d’un tiers en vingt ans
[29]
L’estimation de la progressivité de l’impôt sur le revenu a été réalisée par calcul de l’indice
de Kakwani de l’impôt. Celui-ci est construit par comparaison entre l’indice de concentration de
l’impôt ou Gini de l’impôt et l’indice de concentration des revenus bruts déclarés, ou Gini des
revenus fiscaux avant application du schéma de liquidation de l’impôt. L’indicateur, baptisé K, se
décompose donc comme suit :
K = G
t
– G
i
, où G
t
correspond à l’indice de concentration de l’impôt et G
i
à l’indice de
concentration des revenus bruts déclarés.
D’après cet indice, un impôt sera jugé progressif si sa courbe de concentration est plus concave
que la courbe de Lorenz de l’impôt brut déclaré. Par conséquent, l’impôt est progressif si K>0,
proportionnel si K=0 et régressif si K<0.
[30]
Les résultats obtenus sur les données fiscales des revenus 2009 (imposés en 2010),
confirment la progressivité de l’impôt sur le revenu.
L’indice de Kakwani de l’impôt brut, c’est-à-
dire de l’impôt avant réductions et crédits d’impôt, s’établit à 0,311. Si l’on réintègre les
réductions et crédits d’impôt, la progressivité de l’impôt sur le revenu est améliorée d’un quart,
(25,3 %) puisque l’indice passe de 0,311 à 0,389. Comme montré plus loin, cet effet s’explique
notamment, mais non exclusivement, par l’existence de la prime pour l’emploi, crédit d’impôt
représentant en 2009 3,0 Md€ et qui bénéficie aux plus bas revenus. La PPE améliore la
progressivité de l’impôt - toujours mesurée ici par l’indice de Kakwani - de 14,2 %.
Tableau 4 : Etapes de calcul de l’indice de progressivité de l’impôt sur le revenu
Indice de
concentration de
l’impôt brut
(= G
t
)
Indice de
concentration
de l’impôt net
des réductions
et crédits
d’impôt
(=G
t’
)
Indice de
concentration
de l’impôt
net des
réductions et
crédits
d’impôt sans
PPE
(=G
t’’
)
Indice de
concentration du
revenu brut
déclaré
(=G
i
)
Indice de
Kakwani
avec impôt
brut
(=G
t
-G
i
)
Indice de
Kakwani
avec
impôt net
(= G
t’
-G
i
)
Indice
de
Kakwani
avec
impôt
net sans
PPE
(= G
t’’
-
G
i
)
0,771
0,850
0,802
0,461
0,311
0,389
0,341
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[31]
La progressivité significative de l’impôt sur le revenu reflète, au niveau agrégé, la très forte
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 8 -
concentration de l’impôt, comme l’illustre la pseudo-courbe de Lorenz de l’impôt acquitté. Ainsi, il
apparaît que :
rhombus5
les 30 % des foyers déclarant les plus hauts revenus ont pris en charge 87 % de l’impôt sur
le revenu avant application des crédits et réductions divers et 95 % de l’impôt net ;
rhombus5
les 10 % en haut de la distribution des revenus déclarés ont supporté 65 % de l’impôt brut
et 74 % de l’impôt net ;
rhombus5
les 1 % des foyers présentant les revenus bruts les plus élevés ont acquitté 28 % de l’impôt
avant réductions et crédits d’impôt et 33 % de l’impôt net.
Graphique 1 : Courbes de concentration de l’impôt sur le revenu avant et après réductions et crédits
d’impôts
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
D1
D4
D7
D10
D13
D16
D19
D22
D25
D28
D31
D34
D37
D40
D43
D46
D49
D52
D55
D58
D61
D64
D67
D70
D73
D76
D79
D82
D85
D88
D91
D94
D97
D100
Courbe de répartition parfaitement égalitaire de l'impôt
Répartition de l'impôt sur le revenu avant réductions et crédits d'impôt
Répartition de l'impôt sur le revenu net des réductions et crédits d'impôts
Répartition de l'impôt net sur le revenu net des réductions et crédits d'impôts (sans PPE)
ZONE HACHUREE = PSEUDO-INDICE DE
GINI DE L'IMPÔT NET SUR LE REVENU
Source
: Rapporteur, d’après les données sur les revenus 2009 transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture des courbes
: Les courbes représentées sont des pseudo-courbes de concentration. Les ménages étant classés par
ordre croissant de revenu brut déclaré, a été portée en abscisse la proportion de ménages dont la grandeur X est
inférieure à un montant R ; en ordonnée, a été portée la proportion de la masse totale de la valeur Y attribuée aux
ménages dont le revenu brut déclaré est inférieur à R. La courbe en pointillés rouges représente la répartition de l’impôt
sur le revenu avant réductions et crédits d’impôt. La courbe verte, située en dessous, représente la répartition de l’impôt
sur le revenu net des réductions et crédits d’impôts.
[32]
Le produit net de l’impôt sur le revenu est assuré à hauteur de 87 % par les 20 % de foyers
occupant la position la plus élevée dans l’échelle des revenus bruts déclarés, alors qu’ils reçoivent
50 % des revenus. Les foyers imposés, qui concentrent 80 % des revenus bruts déclarés prennent
à leur charge les 47,5 Md€ de produit net de l’impôt sur le revenu. 70 % des foyers concentrant
37 % du revenu brut déclaré ne représentent que 13 % de l’impôt brut et 5 % de l’IR net.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 9 -
Graphique 2 : Distribution des revenus bruts, de l’impôt brut et de l’impôt net sur le revenu
20%
4%
17%
9%
5%
13%
8%
8%
16%
14%
14%
10%
11%
12%
24%
54%
62%
50% les
moins riches
20% suivants
10% suivants
10% suivants
5% suivants
5% les plus riches
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Position dans l'échelle des revenus
Part dans le revenu brut déclaré
Part dans l'impôt brut
Part dans l'impôt net
Source
: Rapporteur, d’après les données sur les revenus 2009 transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture du graphique
: Le premier histogramme représente les fractiles de foyers fiscaux, le second la part de chaque
fractile dans le revenu brut déclaré, le troisième la part de chaque fractile, classé par ordre invariant, dans l’impôt brut
et le dernier la part de chaque fractile, toujours classé par ordre invariant, dans l’impôt net à payer.
[33]
Il est intéressant de relever qu’en 1975, les 10 % des plus hauts revenus acquittaient 62 % du
produit net de l’impôt sur le revenu, les 10 % de foyers suivants 16 % et les 50 % de foyers en bas
de l’échelle des revenus bruts 4 %
5
. Il apparaît que la plus forte concentration de l’impôt soit
depuis lors le triple résultat d’une plus grande concentration des revenus bruts déclarés, d’une
plus forte progressivité des taux dans le bas de l’échelle des revenus et de la mise en place de la
prime pour l’emploi qui, en réduisant le produit net de l’impôt sur le revenu, réduit l’assiette de
partage de la charge fiscale nette. La contribution précise de chacun de ces trois phénomènes n’a
cependant pu être mesurée dans les délais impartis à la réalisation du présent rapport.
[34]
L’examen par centile du ratio entre l’impôt brut (ou net) et le revenu brut déclaré, c’est-à-
dire le taux moyen d’imposition du revenu brut déclaré, confirme cette progressivité d’ensemble
de l’impôt. Décroissant du 1er au 25ème centile, le ratio d’impôt brut redevient croissant jusqu’au
centile disposant des plus hauts revenus bruts. En intégrant les réductions et crédits d’impôts, ce
profil d’ensemble est confirmé, à ceci près que les 38 % des ménages disposant des revenus les
plus bas bénéficient de taux nets d’imposition négatifs, allant jusqu’à -5,8 % pour le deuxième
centile.
5
Onzième rapport du Conseil des impôts sur l’impôt sur le revenu, 1990, Journal officiel de la République
française.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 10 -
Graphique 3 : Taux moyen de prélèvement sur le revenu brut fiscal déclaré par centile de revenu
-10,0%
-5,0%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
D2
D12
D22
D32
D42
D52
D62
D72
D82
D92
Ratio - Impôt brut sur revenu brut déclaré
Ratio - Impôt net sur revenu brut déclaré
Source
: Rapporteur, d’après les données sur les revenus 2009 transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture du graphique
: les ménages ayant été classés, en abscisses, par centile de revenu croissants, la courbe en
pointillés bleus représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré avant réductions et crédits d’impôt. La
courbe en vert représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré après réductions et crédits d’impôt.
[35]
Comparé aux résultats observés au début des années 1990, l’impôt sur le revenu apparaît
aujourd’hui plus progressif d’un tiers. Dans le cadre du dix-huitième rapport du Conseil des
impôts consacré en 2000 à l’imposition des revenus, la direction de la prévision du ministère des
Finances avait en effet calculé que l’indice de Kakwani de l’impôt sur le revenu s’élevait à 0,299 en
1990, 0,294 en 1995 et 0,283 en 1997. La progressivité de l’impôt sur le revenu se serait, à
méthode d’estimation constante, accrue de 30,1 % depuis 1990. En isolant l’effet de la PPE (donc
sans PPE), la progressivité de l’impôt sur le revenu apparaît toujours accrue, mais de seulement
14,0 %.
1.3.1.2.
Un décalage sensible existe entre le nombre de foyers imposables et le nombre de
foyers effectivement imposés
[36]
En 2009, sur un total de 36,4 M de foyers déclarants, 16,9 M étaient non imposables. La
notion d’imposabilité s’apprécie toujours avant application des réductions et crédits d’impôts.
Sont donc imposables les foyers dont l’impôt à payer avant réductions et crédits d’impôt est
positif, soit du fait de l’application du barème soit du fait de l’application de taux forfaitaires
d’imposition. Parmi ces foyers, certains sont des « restituables partiels », qui se verront à ce titre
restituer par la DGFiP une partie des crédits d’impôts auxquels ils ont droit, d’autres sont des
« dégrévables partiels » ou « restitutables partiels » suite à dégrèvement.
Les foyers non
imposables peuvent quant à eux être dans quatre situations différentes :
rhombus5
soit leur impôt est nul et ils ne bénéficient pas de crédits d’impôts ;
rhombus5
soit ils sont restituables totaux, c’est-à-dire qu’ils ont un impôt sur le revenu nul avant
imputation des crédits d’impôt mais qu’ils se verront restituer la totalité de ces crédits ;
rhombus5
soit leur imposition n’est pas mise en recouvrement du fait de l’existence de seuils de mise
en recouvrement et de perception ;
rhombus5
soit ils sont restituables totaux suite à dégrèvemenent ou dégrévables totaux.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 11 -
[37]
Malgré une légère décroissance, la part des foyers non imposables est restée relativement
stable dans le temps, passant de 47,6 % en 2000 à 46,6 % en 2008.
Tableau 5 : Part des foyers imposables et non imposables à l’impôt sur le revenu depuis 2000
Année des
revenus
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Imposables
(en millions)
17,26
17,31
17,59
17,78
18,14
18,89
19,09
19,72
19,45
Non
imposables
(en millions)
15,66
16,05
16,30
16,63
16,67
16,22
16,54
16,32
16,94
Total (en
millions)
32,92
33,36
33,90
34,41
34,81
35,11
35,63
36,04
36,39
Part des
imposables
52,42 %
51,88 %
51,90 %
51,66 %
52,11 %
53,81 %
53,58 %
54,71 %
53,45 %
Part des non
imposables
47,58 %
48,12 %
48,10 %
48,34 %
47,89 %
46,19 %
46,42 %
45,29 %
46,55 %
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[38]
Bien qu’en recul, un écart sensible persiste entre le nombre de foyers imposables et le
nombre de foyers effectivement imposés.
Faute de série statistique disponible, la distinction
entre foyers imposables et foyers imposés n’est réalisable qu’en remontant jusqu’à 2003. L’écart
entre imposés et non imposés, qui s’établissait à 2 points s’est stabilisé à ce niveau, sauf en 2008
où il s’est accru de 3 points supplémentaires en raison du crédit d’impôt exceptionnel sur les
revenus 2008
6
accordé dans le contexte de récession mondiale.
Tableau 6 : Evolution de la part des imposés dans l’ensemble des contribuables à l’IR
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Imposés
48,8%
49,0%
50,3%
49,1%
50,2%
47,6%
Non imposés
51,2%
51,0%
49,7%
50,9%
49,8%
52,4%
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[39]
Il est toutefois important de relever que la décote, le seuil d’imposition, l’abattement pour
personnes âgées, la PPE et le seuil de recouvrement expliquent l’essentiel des situations de non-
imposition. Ils constituent une sorte de second barème ou « barème aval », qui s’applique aux
cotisations d’impôt résultant de l’application du barème proprement dit. L’impôt sur le revenu
concilie en effet plusieurs dispositions destinées à limiter ou éviter l’imposition des foyers les plus
modestes.
Le seuil d’imposition
[40]
Les contribuables dont le revenu net de frais professionnels n’excède pas 8 310 € ou 9 080 €
pour les plus de 65 ans ou les invalides sont exonérés d’impôt sur le revenu. Il en va de même des
contribuables dont le revenu imposable est inférieur à certains seuils variables selon le nombre de
parts. Pour une part, il est égal à 11 948 € et à 17 990 € pour deux parts, ce qui correspond à des
niveaux de traitements et salaires de respectivement 13 276 € et 19 989 €.
6
Pour répondre aux effets de la récession mondiale survenue en 2009, la loi de finances rectificative pour 2009 a
instauré un crédit d'impôt en faveur des contribuables dont le revenu imposable relevait de la tranche à 5,5 % de
l'impôt sur le revenu et de la tranche à 14 % dans la limite de 12.475 euros par part, et à les exonérer du
prélèvement du second acompte provisionnel ainsi que des prélèvements mensuels à compter du mois de mai
2009. Le coût de cette mesure s’est établi à 1,1 Md€.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 12 -
Tableau 7 : Seuil d’exonération exprimé en niveau de revenu imposable (contribuables âgé de moins de
65 ans)
Nombre de
parts
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
4,5
5
Revenu net
imposable
en €
11 948
15 009
17 990
20 972
23 953
26 935
29 916
32 898
35 879
Source
: Loi de finances pour 2011.
L’abattement pour personnes âgées et invalides
[41]
Les contribuables âgés de plus de 65 ans au 31 décembre de l’année d’imposition et les
invalides, quel que soit leur âge, bénéficient d’un abattement sur leur revenu net global. Le
montant de l’abattement dépend de l’importance du revenu des intéressés. Pour 2011, il est de
2 312 € si le revenu net global n’excède pas 14 220 €
et de 1 156 € si ce revenu est compris entre
14 220 € et 22 930 €. Pour les foyers fiscaux dans lesquels chacun des deux partenaires satisfait
aux conditions d’âge ou d’invalidité, l’abattement est doublé.
La décote
[42]
Le principe de la décote consiste quant à lui à diminuer l’impôt brut (donc après
plafonnement du quotient familial) dans la limite de son montant, d’une somme égale à la
différence entre 439 € et la moitié de l’impôt. Cette décote est applicable quel que soit le nombre
de parts. Les réductions d’impôt s’imputent après application de la décote. Si l’on considère un
contribuable dont l’impôt avant décote s’établit à 400 €, la décote s’établira donc à 439 € - 200 €,
soit 239 €. L’impôt sera donc ramené à 161 €. Le résultat obtenu se combinera alors avec les
autres dispositions : prime pour l’emploi, seuil de recouvrement.
Tableau 8 : Tranches de revenus imposable bénéficiant de la décote (LF 2011)
Nombre
de
parts
Premier
revenu
imposable
bénéficiant
de
la
décote
(cotisation
d'impôt
= 62 €)
Dernier
revenu
imposable
bénéficiant
de
la
décote
(cotisation
d'impôt
= 876 €)
Taux marginal du barème
Soit 1
er
revenu
déclaré
(salaire)
bénéficiant
de
la
décote
Soit dernier revenu
déclaré (salaire)
bénéficiant de la
décote
1
11 948 €
15 833 €
21%
13 276 €
17 592 €
1,5
15 009 €
20 615 €
8,25% de
15 009 €
à
17 843 € et
21 % de
17 844 €
à
20 615 €
16 677 €
22 906 €
2
17 990 €
25 398 €
8,25% de
17 990 €
à
23 791 €
et
21% de
23 792 € à
25 398 €
19 989 €
28 220 €
2,5
20 972 €
30 180 €
8,25% de
20 972 €
à
29 739 €
et
21 % de
29 740 € à
30 180 €
23 302 €
33 533 €
3
23 953 €
33 843 €
8,25%
26 614 €
37 603 €
3,5
26 935 €
36 825 €
8,25%
29 928 €
40 917 €
4
29 916 €
39 806 €
8,25%
33 240 €
44 229 €
4,5
32 898 €
42 788 €
8,25%
36 553 €
47 542 €
5
35 879 €
45 769 €
8,25%
39 866 €
50 855 €
5,5
38 861 €
48 751€
8,25%
43 179 €
54 168 €
6
41 842 €
51 732 €
8,25%
46 491 €
57 480 €
Source
: Rapporteur.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 13 -
[43]
Cette décote trouve son origine dans la volonté du législateur d’exonérer d’impôt les salariés
rémunérés au SMIC. Jusqu’en 1980, l’exonération des célibataires rémunérés au SMIC était
réalisée par le jeu d’un abattement réservé aux contribuables salariés imposés sur une part,
lorsque leur revenu était inférieur à un certain plafond. Ce mécanisme fut modifié en 1981 car il
présentait l’inconvénient d’introduire un ressaut d’imposition au franchissement du plafond. Plus
avantageux que l’abattement, la décote a d’abord vu le plafond d’impôt de référence augmenter
(1983) avant d’être généralisée, à partir des revenus 1986, aux couples et aux familles. Cette
généralisation a eu un impact important, faisant alors passer le nombre de bénéficiaires de 2,8 à
7 M de foyers. En 2010, 13,8 M de foyers ont bénéficié de la décote, dont le principe n’a pas été
remis en cause malgré la mise en place de la prime pour l’emploi. Cette décote a alors représenté
une moindre recette d’impôt sur le revenu estimée par les services fiscaux à 2,088 Md€.
La prime pour l’emploi
[44]
La prime pour l’emploi est un crédit d’impôt, non familialisée
7
, destiné aux actifs occupés
modestes, constitutif d’une incitation financière au retour à l’emploi. Son attribution dépend des
caractéristiques du foyer fiscal et de celles de chacun de ses membres. D’après le tome II des
Voies et Moyens
annexés au projet de loi de finances pour 2011, la prime pour l’emploi devrait
bénéficier à 8,4 M de foyers en 2011 pour un coût global de 3,0 Md€. D’après l’INSEE, les foyers
bénéficiaires de ce crédit d’impôt étaient en 2009 majoritairement situés entre le 2ème et le
6ème décile de niveau de vie.
Graphique 4 : Répartition des bénéficiaires de la PPE par décile de niveau de vie
0,2
0,4
0,5
0,5
0,4
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
1er décile 2e décile
3e décile
4e décile
5e décile
6e décile
7e décile
8e décile
9e décile
10e
décile
Déciles de niveau de vie
Montant de la dépense fiscale (en Md€)
Source
: INSEE, 2009.
1.3.2.
Les dispositions ciblées sur les bas revenus sont source de discontinuités significatives
des taux marginaux d’imposition
1.3.2.1.
Une multiplicité de seuils d’imposition
[45]
Les seuils effectifs d’imposition
fluctuent selon plusieurs caractéristiques du contribuable :
7
N’étant pas familialisée, la prime pour l’emploi a une structure non homogène par rapport à la celle de l’impôt
sur le revenu, fondé sur une imposition familiale par foyer fiscal.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 14 -
rhombus5
l’âge du déclarant et/ou de son conjoint ;
rhombus5
le nombre de parts ;
rhombus5
la nature des revenus (salaires, pensions).
[46]
Comme l’illustre le graphique n°5, l’effet d’âge est particulièrement sensible. Un couple sans
enfant imposé sur deux parts ne deviendra imposable qu’à partir d’un niveau de pensions et
rentes de 19 989 € si les deux conjoints ont moins de 65 ans, 21 273 € si l’un ou moins des
conjoints a 65 ans ou plus et 22 558 € si les deux ont plus de 65 ans. Compte-tenu des nombreux
avantages fiscaux dont bénéficient aujourd’hui les pensionnés et retraités, du rattrapage de
niveau de vie des pensions par rapport aux salaires observé au cours des trente dernières années
et de l’allongement de l’espérance de vie, cette différence de traitement apparaît contestable.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 15 -
Graphique 5 : Seuil réel d’imposition selon le nombre de part, la nature des revenus et l’âge des déclarants
11 948 €
13 276 €
13 276 €
14 221 €
15 801 €
15 009 €
16 677 €
16 677 €
16 165 €
17 961 €
17 990 €
19 989 €
19 989 €
19 146 €
21 273 €
20 302 €
22 558
20 972 €
23 302 €
23 302 €
22 128 €
24 587 €
22 931 €
25 479
23 953 €
26 614 €
26 614 €
23 953 €
26 614 €
23 953 €
26 614 €
26 935 €
29 928 €
29 928 €
26 935 €
29 928 €
26 935 €
29 928 €
29 916 €
33 240 €
33 240 €
29 916 €
33 240 €
29 916 €
33 240 €
32 898 €
36 553 €
36 553 €
32 898 €
36 553 €
32 898 €
36 553 €
35 879 €
39 866 €
39 539 €
35 879 €
39 539 €
35 879 €
39 539 €
38 861 €
43 179 €
42 521 €
38 861 €
42 521 €
38 861 €
42 521 €
41 842 €
46 491 €
45 502 €
41 842 €
45 502 €
41 842 €
45 502 €
- €
5 000 €
10 000 €
15 000 €
20 000 €
25 000 €
30 000 €
35 000 €
40 000 €
45 000 €
50 000 €
Seuil de revenu net imposable
Soit un salaire de
Soit une pension déclarée de Seuil de revenu net imposable Soit une pension ou un salaire
déclaré de
Seuil de revenu net imposable Soit une pension ou un salaire
déclaré de
Déclarant et conjoint âgé de moins de 65 ans et valide
Déclarant ou conjoint âgé de plus de 65 ans ou invalide
Déclarant et conjoint âgés de plus de 65 ans ou invalides
1 part
1,5 part
2 parts
2,5 parts
3 parts
3,5 parts
4 parts
4,5 parts
5 parts
5,5 parts
6 parts
Source
: Rapporteur.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 16 -
1.3.2.2.
La forte discontinuité du barème aval
[47]
Au total, le « barème aval » fait ressortir de nombreuses discontinuités dans les taux
marginaux d’imposition. Alors que le barème « administratif » de l’impôt sur le revenu compte
aujourd’hui cinq tranches (aux taux marginaux de 0 % entre 0 et 5 875 €, 5,5 % entre 5875 et
11 720 €, 14 % entre11 720 € et 26 030 €, 30 % entre 26 030 € et 69 783 € et 41 % au-delà), les
effets combinés des barèmes de l’impôt sur le revenu et de la prime pour l’emploi et le cumul de
mesures connexes rendent le prélèvement net irrégulièrement progressif. Ainsi, les taux
marginaux ne sont pas toujours monotones croissants en fonction du revenu imposable. En
résulte un système de taux marginaux réels particulièrement compliqué. Sont dénombrées, pour
un célibataire, par moins de seize tranches de taux marginal. Pour en comprendre
schématiquement le fonctionnement, il a semblé nécessaire de mentionner l’impact qu’exercent,
non plus sur le seul fait d’être ou non imposé, mais sur la progressivité des taux marginaux,
certains mécanismes clés
8
:
rhombus5
la déduction forfaitaire sur les traitements et salaires ;
rhombus5
le système de la décote ;
rhombus5
le minimum de recouvrement ;
rhombus5
la prime pour l’emploi.
[48]
La déduction forfaitaire de 10 % sur les traitements et salaires bénéficie à tous les salariés ou
associés et gérants d’entreprise qui ne demandent pas la déduction des frais réels. Cette
déduction, qui n’est subordonnée à aucune justification de la part des contribuables, est
présumée couvrir les dépenses professionnelles courantes auxquelles la plupart des salariés
doivent faire face pour être en mesure d’occuper leur emploi ou d’exercer leur fonction. Entrent
dans cette catégorie les frais de déplacement du domicile au lieu de travail, les frais de
restauration sur le lieu de travail (dépenses supplémentaires par rapport au coût des repas pris à
domicile) et les frais de documentation personnelle et de mise à jour des connaissances
nécessités par l’activité professionnelle
9
. Sont prévus un minimum de déduction fixé à 421 € et un
maximum fixé à 14 157 € pour 2011. Ce dispositif conduit à appliquer, hors plafond, à l’assiette
brute déclarée la formule suivante : X- 421 - (X- 4 150)0,10.
Il faut noter que cette déduction a
pour pendant un abattement spécial de 10 % sur les pensions (y compris les pensions
alimentaires), retraites et rentes viagères à titre gratuit (pour une analyse critique de ce dispositif,
cf.2.3.1.2., ci-après), abattement dont le minimum s’établit en 2011 à 374 € et le maximum à
3 660 €.
[49]
Le système de la décote, accroît pour sa part, comme indiqué plus haut, les taux marginaux
des bas revenus d’un facteur 1,5. La décote, en réduisant voire en supprimant le prélèvement des
contribuables imposables les plus modestes, relève les taux marginaux et accroît ainsi la
progressivité de l’impôt des bénéficiaires de ce dispositif.
[50]
Le minimum de perception de l’impôt sur le revenu est quant à lui fixé pour les revenus 2010
à 61 €. La cotisation initiale d’impôt sur le revenu (résultant de l’application du barème mais
également des taux proportionnels et le cas échéant de la décote) n’est donc pas mise en
recouvrement lorsque son montant global, avant imputation de tout crédit d’impôt, est inférieur
8
Naturellement, s’ajoutent à ces dispositifs plusieurs mécanismes (notamment nombre de réductions et crédits
d’impôt, ou la présence de certains revenus catégoriels taxés à taux forfaitaire ou proportionnel) qui modifient
également fortement la continuité des taux marginaux d’imposition.
9
Il est assez remarquable de constater que ces frais font aujourd’hui l’objet, pour nombre de contribuables, d’une
prise en charge partielle ou totale de la part de leurs employeurs.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 17 -
à cette somme. Si le montant de l’impôt sur le revenu est supérieur ou égal à ce seuil, avant
imputation des crédits d’impôts, mais devient inférieur au seuil à ce seuil après imputation, ce
montant est mis en recouvrement sous réserve qu’il excède 12 €.
[51]
S’agissant de la prime pour l’emploi, ses mécanismes sont complexes. Elle est d’abord
soumise à une clause d’éligibilité pour le foyer fiscal dans son ensemble. Il s’agit d’éviter que les
membres d’un foyer favorisé, eux-mêmes titulaires d’un revenu d’activité modeste, puissent
bénéficier de ce crédit d’impôt. Ensuite, le barème de calcul s’applique à chaque apporteur de
revenus d’activité du foyer fiscal. Le barème diffère donc selon la configuration familiale. Il prévoit
par ailleurs deux tranches : une première où la prime est une fonction croissante du revenu
d’activité et une seconde où elle est décroissante. Pour ouvrir droit à la prime, le revenu annuel
d’activité doit être supérieur ou égal à 3 743 € quelle que soit la durée du temps de travail. La
prime a ainsi en fonction du revenu, un profil en « dos d’âne » dont le maximum est atteint pour
un montant proche du salaire minimum à temps complet. Ce profil est déformé par un
mécanisme qui relève le montant de la prime en cas d’emploi d’une durée inférieur ou égale à un
mi-temps payé au taux horaire du salaire minimum.
Coexistent dès lors vingt barèmes différents
de la prime pour l’emploi.
Tableau 9 : Barème de la prime pour l’emploi
Situation de famille
Revenu annuel d’activité
salariée ou revenu
d’activité non salariée
exercée à titre
professionnelle
x 1,1111
%
Montant de la prime
individuelle
Majoration pour le
foyer
Supérieur ou égal à
3 743 € et inférieur à
12 475 €
R x 7,7 %
- Célibataires, divorcés
avec des enfants à charge
qu’ils n’élèvent pas seuls
- Veufs avec ou sans
personne à charge
- Mariés ou liés par un
PACS ayant chacun son
activité
- Personne à charge du
foyer
Supérieur à 12 475 € et
inférieur ou égal à
17 451 €
(17 541 – R) x 19,3 %
Supérieur ou égal à
3743 € et inférieur à
12 475 €
(R x 7,7 %) + 83 €
Supérieur à 12 475 € et
inférieur ou égal à
17 451 €
[(17 541 – R) x 19,3 %] + 83 €
36 € x nombre de
personnes à charge
Supérieur à 17 451 € et
inférieur ou égal à
24 950 €
83 €
- Mariés ou liés par un
PACS et un seul des
conjoints ou partenaires
exerce une activité lui
procurant au moins
3 743 € dans l’année
Supérieur à 24 950 € et
inférieur ou égal à
26 572 €
(26 572 – R) x 5,1 %
Majoration
forfaitaire de 36 €
quel que soit le
nombre de
personnes à charge
Supérieur ou égal à
3 743 € et inférieur à
12 475 €
R x 7,7 %
- Célibataires, divorcés
élevant seuls leurs
enfants
Supérieur à 12 475 € et
inférieur ou égal à
17 451 €
(17 541 – R) x 19,3 %
- 72 € pour la
première personne
à charge
- 36 € x nombre de
personnes à charge
à partir de la
deuxième
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 18 -
Situation de famille
Revenu annuel d’activité
salariée ou revenu
d’activité non salariée
exercée à titre
professionnelle
x 1,1111
%
Montant de la prime
individuelle
Majoration pour le
foyer
Supérieur à 17 451 € et
inférieur ou égal à
26 572 €
0 €
72 € quel que soit
le nombre de
personnes à charge
Source
: Données transmises par la direction de la législation fiscale.
[52]
L’effet combiné de ces dispositions, estimé dans le cadre du présent rapport, est représenté
dans le graphique n°5. Il représente, pour un célibataire actif sans enfant, les taux moyens et
marginaux
d’imposition (après application de la prime pour l’emploi) en fonction du revenu
mensuel. Il apparaît, en premier lieu que l’impôt net de PPE est progressif à partir de 500 € de
revenu mensuel déclaré. Le taux moyen d’imposition est alors de – 12 %, soit une PPE de 59 € par
mois. Le taux moyen s’élève ensuite modérément jusqu’à 1 000 €, puis croît rapidement entre
1 000 et 1 500 €. Il s’élève ensuite plus régulièrement : 7,5 % pour un salaire mensuel de 2 500 €,
18,4 % pour un salaire mensuel déclaré de 5 400 €. En revanche, les taux marginaux laissent
apparaître des discontinuités très significatives avec des taux marginaux parfois très élevés entre
1 000 et 1 500 € de revenu mensuel. Plusieurs ressauts apparaissent dans les taux marginaux,
notamment :
rhombus5
le ressaut observé autour de 311 € par mois est lié à l’accès au bénéfice de la prime pour
l’emploi, qui correspond à une activité exercée à temps partiel sur l’année entière : le
montant de la prime croît ensuite régulièrement avec le revenu, ce qui produit un taux
marginal constant ;
rhombus5
autour de 547 € de revenu mensuel, le contribuable exerce une activité correspondant à un
mi-temps au SMIC. Les modalités de calcul de la majoration de la prime au titre du temps
partiel sont alors modifiées ;
rhombus5
autour de 1 046 € mensuels, le contribuable devient imposable, son impôt sur le revenu
avant imputation de la prime pour l’emploi s’établissant à 2 €. La cotisation d’impôt sur le
revenu augmente dès lors plus vite que le montant de la prime pour l’emploi. Le seuil de
recouvrement n’a alors aucune incidence puisqu’il n’est pas tenu compte du seuil en
présence d’une imputation de prime pour l’emploi. Le contribuable bénéficie par ailleurs de
la décote ;
rhombus5
à compter de 1 093 € mensuels, l’activité est présumée exercée à temps plein. A partir de
ce niveau de revenu, la prime pour l’emploi décroît ;
rhombus5
autour de 1 101 € mensuels, le contribuable change de tranche d’imposition en passant à la
tranche à 14 %. Il bénéfice cependant toujours de la décote qui a pour effet de multiplier
par 1,5 son taux marginal d’imposition au barème ;
rhombus5
entre 1 267 € et 1 271 € mensuels, s’applique le minimum de restitution (- 8 €) et le
minimum de paiement (12 €) ;
rhombus5
autour de 1 422 € mensuels, le montant de PPE théorique, qui s’établit à 29 €, n’est pas
attribué car il est inférieur au seuil de 30 € ;
rhombus5
à 1 466 € de revenus mensuels, le contribuable sort du champ de la décote ;
rhombus5
le changement de tranche d’imposition suivant s’effectue ensuite à 2 446 €, correspondant
au passage à la troisième tranche au taux marginal de 30 %.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 19 -
Graphique 6 : Taux moyen et marginal de la cotisation nette IR – PPE
(salarié célibataire sans enfant ; barème applicable aux revenus de 2010)
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
50%
100
1 000
10 000
100 000
Salaire mensuel déclaré (en euros, échelle logarithmique)
Taux moyens et marginaux
Taux moyen
Taux marginal
Source
: Direction de la législation fiscale.
Précaution de lecture du graphique
: Si l’échelle des ordonnées est linéaire, l’échelle des abscisses est logarithmique, qui
permet d’espacer les valeurs faibles et de rapprocher les valeurs fortes.
[53]
Les discontinuités sont également très marquées pour les couples mariés avec enfants.
Comme pour les foyers célibataires, interviennent la déduction forfaitaire sur les traitements et
salaires, le système de la décote, le minimum de recouvrement et la prime pour l’emploi. S’y
ajoute l’effet du quotient familial et de son plafonnement. L’avantage maximum en impôt
résultant de l’application du quotient familial attribué au titre des enfants à charge principale ou
exclusive est fixé à 2 336 € au titre des revenus 2010 pour chaque demi-part qui s’ajoute à une
part pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et à deux parts pour les contribuables
soumis à imposition commune. Ce montant est divisé par deux pour les enfants dont la charge est
également partagée entre les parents divorcés, séparés de droit ou de fait ou mariés soumis à
imposition distincte. Ce plafonnement général s’applique également lorsque les contribuables
remplissent les conditions pour bénéficier d’une demi-part supplémentaire de quotient familial à
un autre titre (ancien combattant ou invalidité).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 20 -
Graphique 7 : Taux moyen et marginal de la cotisation nette IR – PPE comprise
(contribuable marié - deux enfants à charge -salarié monoactif; barème applicable aux revenus de 2010)
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
50%
100
1 000
10 000
100 000
Salaire mensuel déclaré (en euros, échelle logarithmique)
Taux moyens et marginaux
Taux moyen
Taux marginal
Source
: Direction de la législation fiscale.
Précaution de lecture du graphique
: Si l’échelle des ordonnées est linéaire, l’échelle des abscisses est logarithmique, qui
permet d’espacer les valeurs faibles et de rapprocher les valeurs fortes.
1.3.3.
L’impact redistributif de l’impôt sur le revenu a stagné malgré les efforts consentis en
direction des bas revenus
1.3.3.1.
Un impôt dont l’impact redistributif est resté relativement stable par rapport à la fin
des années 1990
[54]
L’effet redistributif de l’impôt est mesuré par la différence constatée dans la distribution des
revenus avant et après impôt. L’indice de Musgrave et Thin (1948) se fonde sur une comparaison
des indices de Gini avant et après impôt. C’est donc un indicateur de l’égalité relative de la
répartition des revenus avant et après impôt, qui se définit comme suit :
M =
Gb
-
-
1
Ga
1
où G
a
est le coefficient de Gini du revenu fiscal net après impôt et G
b
le coefficient
de Gini applicable au revenu brut déclaré avant impôt. Des valeurs de M supérieures à l’unité
signifient que l’impôt réduit la concentration des inégalités.
L’indice de Musgrave s’établissait en 2010 à 1,034, ce qui est relativement faible et représente
une atténuation de 3,9 % des inégalités de revenus. Il convient de noter que sans la PPE, l’indice
s’établissait à 1,035, ce qui procède de la moindre concentration du revenu fiscal net sans la PPE
10
qu’avec la PPE (les écarts entre les centiles de revenus fiscaux nets étant alors légèrement
amoindris).
10
L’indice de Gini du revenu fiscal net après impôt sans PPE s’établit à 0,44165 contre 0,44245 avec PPE.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 21 -
Les simulations effectuées par la direction de la prévision du ministère des Finances estimaient,
pour les revenus 1998, à 1,033 la valeur de l’indice de Musgrave de l’impôt sur le revenu.
Malgré
l’instauration de la prime pour l’emploi, la redistributivité de l’impôt sur le revenu serait donc
restée relativement stable.
1.3.3.2.
Le moindre poids de l’IR dans les revenus ménages
[55]
Rapporté non pas au seul revenu brut déclaré mais à l’ensemble des revenus des ménages,
l’impôt sur le revenu a poursuivi son déclin au cours de la dernière décennie. La part de l’impôt
sur le revenu dans le revenu primaire des ménages s’est réduit de 26 %, passant de 4,5 % en 2000
à 3,3 % en 2009.
Tableau 10 : Part de l’impôt sur le revenu dans le revenu primaire des ménages
Revenus de l’année…
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Produit net de l’impôt sur le revenu
(en Md€
courants)
47,3
44,5
46,5
48,5
49,9
49,9
45,9
Solde des revenus primaires (au sens de l’INSEE)
1
059
1
111
1
151
1
183
1
230
1
273
1
332
Rapport entre l'impôt net sur le revenu et les
revenus primaires
4,5%
4,0%
4,0%
4,1%
4,1%
3,9%
3,4%
Source
: Données transmises par la DGFiP et INSEE.
1.3.3.3.
Les réformes de l’impôt sur le revenu intervenues depuis 10 ans ont réduit les taux
moyens et marginaux d’imposition
[56]
Les taux moyens et marginaux d’imposition sur le revenu se sont sensiblement réduits. En
particulier, la pression fiscale induite par l’impôt sur le revenu a fortement décru depuis 2005. Le
taux moyen d’imposition s’établissait en 2005 à 6,5 % tous foyers confondus et le taux marginal
moyen d’imposition à 11,4 %. Pour les seuls imposés, ces taux étaient respectivement de 9,3 % et
22,7 %. Le taux marginal d’imposition était donc 2,4 fois plus élevé que le taux moyen. En 2008,
tous foyers confondus, le taux moyen d’imposition s’était réduit à 5,5 %, et le taux marginal à 8,0
%. Pour les seuls imposés, ces taux étaient respectivement passés à 8,9 % et 17,7 %. Le fait
remarquable tient au rapprochement du taux moyen et du taux marginal d’imposition, l’écart
entre les deux se contractant de 20 %
puisque le taux marginal n’est plus que 2,0 fois plus élevé
que le taux moyen d’imposition.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 22 -
Graphique 8 : Évolution des taux moyens et marginaux effectifs d’imposition à l’impôt sur le revenu de
l’ensemble des foyers et des seuls imposés
6,50%
11,39%
9,27%
22,63%
5,68%
8,22%
8,65%
17,03%
5,84%
8,44%
8,77%
17,09%
5,46%
8,04%
8,85%
17,67%
0,00%
5,00%
10,00%
15,00%
20,00%
25,00%
Taux moyens d'imposition
Taux marginal moyen
d'imposition
Taux moyens d'imposition
Taux marginal moyen
d'imposition
Totalité des foyers
Uniquement les foyers imposés
2005
2006
2007
2008
Source
: DGFiP. Rapporteur.
1.3.4.
Les évolutions observées en France se retrouvent chez nos partenaires étrangers
[57]
Les réformes de l’impôt sur le revenu conduites en France au cours des deux dernières
décennies sont à l’image de celles mises en œuvre chez certains de nos partenaires. Dans une
étude de politique fiscale conduite en 2006, l’OCDE observe ainsi que nombre de pays ont
procédé simultanément à une diminution des taux d’imposition et à un élargissement de la
matière imposable. En France, l’impôt sur le revenu a supporté plusieurs baisses des taux
marginaux
légaux ainsi qu’une réduction du nombre de tranches tandis que la suppression de
l’abattement de 20 % et la CSG incarnaient un élargissement de l’assiette d’imposition. Comme la
France, beaucoup de pays ont par ailleurs remplacé un système d’imposition semi-unifié par un
dispositif semi-dual, dans lequel une partie des revenus patrimoniaux est moins imposée que les
revenus salariaux. La moindre utilisation des taux de prélèvement marginaux comme instrument
de redistribution a par ailleurs été compensée par l’institution de crédits d’impôt pour les revenus
d’activité les plus modestes.
[58]
En revanche, en France, le législateur n’a pas souhaité remettre en cause l’imposition
conjugale du revenu. Il n’a donc pas touché à l’unité imposable pour lui substituer un schéma
d’imposition individuelle à l’IR, semblable à ce qui existe en matière de CSG
11
. Il n’a pas davantage
tranché le débat relatif aux mécanismes d’imposition : facialement unifié, l’impôt sur le revenu a
vu se développer les éléments de dualisation, notamment à travers le prélèvement forfaitaire
libératoire sur les dividendes instauré en 2008, et conserve certains mécanismes d’imposition
forfaitaires ou semi-forfaitaires, comme l’illustrent les forfaits agricoles ou les semi-forfaits des
régimes « micro-fonciers » ou « micro-BNC ».
11
Alors même que la prime pour l’emploi reste individuelle.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 23 -
2.
Vers une meilleure connaissance des effets redistributifs de l’impôt sur le
revenu
[59]
Le présent chapitre est consacré à l’impact redistributif de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire
à son rôle dans la réduction des inégalités de revenus. Alors que le barème focalise généralement
l’attention publique, l’examen du fonctionnement de l’impôt requiert de décomposer le rôle
spécifique joué par chaque mécanisme de liquidation de l’impôt. Pour ce faire, il convient de
rappeler comment l’impôt est calculé.
2.1.
La structure de liquidation de l’impôt conditionne son action redistributive
[60]
La liquidation de l’impôt, qui s’opère en plusieurs étapes, détermine les conditions dans
lesquelles s’exerce sa progressivité. L’IR porte en effet sur le revenu net global annuel dont
dispose chaque foyer fiscal. La détermination de ce revenu net global s’effectue de la façon
suivante :
rhombus5
les revenus bruts du foyer sont en premier lieu répartis par catégorie (traitements et
salaires, pensions et rentes, revenus de capitaux mobiliers…) ;
rhombus5
chaque catégorie de revenus prévoyant des règles propres d’abattement ou de déductions,
le revenu net catégoriel est ensuite obtenu selon des règles différenciées ;
rhombus5
la somme des revenus nets catégoriels permet d’obtenir le revenu brut global du foyer ;
rhombus5
de ce revenu brut global, sont déduites les charges du revenu global pour déterminer le
revenu net global ;
rhombus5
le revenu net imposable est obtenu en déduisant, le cas échéant, du revenu net global,
certains abattements ;
rhombus5
une fois appliqués simultanément le barème et le quotient familial, sont déduits les
réductions puis les crédits d’impôt et appliquées certaines dispositions du « barème aval ».
[61]
Plusieurs mécanismes permettent dès lors d’atténuer la progressivité apparente de l’impôt
sur le revenu :
rhombus5
les mécanismes intervenant en amont du barème concernant la détermination des revenus
catégoriels, du revenu brut global puis du revenu net global ;
rhombus5
les mécanismes intervenant dans le cadre de la mise en œuvre du barème, notamment le
quotient conjugal et le quotient familial ;
rhombus5
les mécanismes intervenant en aval du barème, relatifs à la décote, aux réductions et aux
crédits d’impôts.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 24 -
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 25 -
2.2.
Décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu
2.2.1.
L’impôt sur le revenu réduit de 4 % les inégalités de revenus
2.2.1.1.
Une décomposition schématique des mécanismes de liquidation de l’impôt sur le
revenu en huit étapes
[62]
La décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu a été réalisée en plusieurs
étapes, reprenant de façon simplifiée le schéma de liquidation de l’impôt. A partir du fichier
exhaustif des 36,4 M de déclarations enregistrées pour les revenus 2009, on été calculés, dans
l’ordre et comme décrit dans le schéma ci-dessous, les pseudo-indices de Gini :
rhombus5
du revenu brut déclaré (étape 1) ;
rhombus5
des déductions et abattements sur les revenus catégoriels déclarés (étape 2);
rhombus5
des charges déductibles du revenu brut global et d’abattements spéciaux (étape 3);
rhombus5
de l’impôt après application du seul barème (étape 4) ;
rhombus5
de l’impôt après imputation de l’effet propre du quotient familial (étape 5)
rhombus5
des réductions d’impôt imputées sur l’impôt brut issu du barème (étape 6);
rhombus5
des crédits d’impôts (étape 7) ;
rhombus5
du revenu après impôt (étape 8).
Graphique 9 : Schéma de décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu
[63]
Pour chacune de ces étapes, les foyers fiscaux ont été maintenus dans l’ordre initial issu de la
répartition du revenu brut déclaré. Cette méthode autorisait en effet la semi-additivité des
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 26 -
coefficients observés.
2.2.1.2.
Résultats obtenus
[64]
Les résultats obtenus permettent de mettre en évidence que l’impôt sur le revenu réduit de
4 % les inégalités observées dans la distribution du revenu brut déclaré. La distribution des
revenus fiscaux nets après impôt net sur le revenu est donc moins inégalitaire de 4 % que ne
l’était celle des revenus bruts déclarés. L’interprétation de ce résultat appelle plusieurs
précautions. En premier lieu, le revenu fiscal net intègre nombre de charges et déductions non
pas réelles mais calculées (déductions forfaitaires pour frais professionnels, abattement
forfaitaire et réfaction de 40 % sur les dividendes…). Deuxièmement, l’unité de référence reste le
foyer fiscal, si bien que la distribution obtenue n’est, par construction, que le reflet imparfait des
niveaux de vie. Ainsi, un enfant à charge sera compté pour 0,5 ou 1 part, c’est-à-dire un adulte ou
la moitié d’un adulte là où les statistiques de l’INSEE estiment à 0,3 adulte le coût d’un mineur à
charge. Troisièmement, ne sont pas intégrés au raisonnement les revenus exonérés d’impôt sur le
revenu entrant dans le niveau de vie du foyer fiscal (allocations familiales par exemple).
[65]
Il est intéressant de relever que l’assiette brute est réduite de 15 % du fait des déductions et
abattements appliqués aux revenus catégoriels puis au revenu brut global. L’impôt brut est pour
sa part réduit de 27 %, soit 17 Md€, du fait des réductions puis des crédits d’impôt. Le revenu
fiscal net après impôt est 20 % inférieur au revenu brut déclaré. L’impôt net ne représente lui-
même que le quart de cette réduction. Le solde est constitué par des chargées réelles, des
charges calculées ou des déficits reportés.
Tableau 11 : Valeurs des pseudo-indices de Gini par étape de liquidation de l’impôt sur le revenu
Étape
Désignation
Montant total
Valeur du pseudo-indice de
Gini
1
Revenu brut déclaré
963 Md€
0,4606
2
Déductions et abattements sur les
revenus bruts déclarés
118 Md€
0,4842
Revenu brut global
845 Md€
0,4573
3
Charges déductibles du revenu
brut global
26 Md€
0,1434
Revenu net global imposable
819 Md€
0,4672
4
Impôt issu de l’application du seul
barème
78 Md€
0,7458
5
Atténuation d’impôt résultant de
l’application du quotient familial
14 Md€
0,6287
Revenu fiscal net après impôt
brut
755 Md€
0,4413
6
Réductions d’impôt imputées
5 Md€
0,7728
Revenu fiscal net après impôt
brut corrigé des réductions
d’impôts
760 Md€
0,4434
7
Crédits d’impôts (PPE comprise)
12 Md€
0,3790
8
Revenu fiscal net après impôt
net
772 Md€
0,4425
Source
: Calcul réalisés par le bureau GF3C de la DGFiP.
[66]
La représentation graphique des pseudo-courbes de Lorenz de l’impôt illustre un léger
déplacement vers le haut de la courbe du revenu fiscal net après impôt (courbe de pointillés
noirs) par rapport à celle du revenu brut déclaré (courbe rouge).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 27 -
Graphique 10 : Pseudo-courbes de Lorenz du revenu avant et après chaque étape de liquidation de
l’impôt
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Lorenz 1 revenus bruts déclarés
Lorenz 2 après déductions
Lorenz 3 après charges
Lorenz 4 après impôt
Lorenz 5 après RI
Lorenz 6 après CI
Source
: Calculs réalisés par le bureau GF3C de la DGFiP.
2.2.2.
Contribution de chaque étape de liquidation à la réduction des inégalités
2.2.2.1.
Le barème reste au cœur des mécanismes redistributifs de l’impôt sur le revenu
[67]
La contribution de chaque étape clés de liquidation à cette réduction des inégalités est
retracée dans le graphique n°11. Sur les six étapes sélectionnées, trois réduisent les inégalités et
trois les accroissent : l’application des déductions et abattements au revenu brut global, celle du
quotient familial et le bénéfice des réductions d’impôt ont donc un effet régressif. Assez
logiquement, le barème joue le rôle le plus essentiel dans la redistribution issue de l’impôt sur le
revenu.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 28 -
Graphique 11 : Contribution de chaque étape de liquidation à la réduction des inégalités
18,2%
-54,6%
162,3%
5,5%
-19,5%
-11,9%
-100,0%
-50,0%
0,0%
50,0%
100,0%
150,0%
200,0%
Déductions et
abattements sur les
revenus bruts déclarés
Charges déductibles du
revenu brut global
Application du seul
barème
Impact du quotient
familial
Réductions d'impôt
Crédits d'impôt
Source
: Calculs réalisés sur les revenus 2009 par le bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture du graphique
: La contribution de chaque étape a été, dans l’ordre de liquidation, rapportée à la contribution
totale de l’IR à la réduction des inégalités. Certaines étapes exercent un effet régressif (effet négatif sur la réduction des
inégalités) et d’autres un effet progressif (effet positif sur la réduction des inégalités). Les trois histogrammes présentant
des valeurs positives sont donc partiellement compensés par les histogrammes illustrant des valeurs négatives. La
somme des valeurs présentées dans les histogrammes est égale 100 %.
Si l’on sous-décompose le rôle des crédits d’impôt, il est observé que la prime pour l’emploi
explique l’essentiel du rôle progressif des crédits d’impôts, comme l’illustre le graphique n°12.
Sans elle, les crédits d’impôts exercent un effet plutôt régressif.
Graphique 12 : Contribution de chaque étape de liquidation à la réduction des inégalités (PPE isolée)
18,2%
-54,6%
162,3%
14,8%
-9,4%
-19,5%
-11,9%
-100,0%
-50,0%
0,0%
50,0%
100,0%
150,0%
200,0%
Déductions et
abattements sur
les revenus bruts
déclarés
Charges
déductibles du
revenu brut global
Application du seul
barème
Impact du quotient
familial
Réductions d'impôt
Prime pour
l'emploi
Crédits d'impôt
Source
: Calculs réalisés sur les revenus 2009 par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 29 -
2.2.2.2.
La distribution des avantages issus des mécanismes de liquidation varie fortement
d’une étape à l’autre
[68]
Examinées une à une, les étapes de liquidation de l’impôt font apparaître, comme le retrace
le graphique n°12, que :
rhombus5
la distribution des revenus avant et après impôt est peu modifiée, la pseudo-courbe de
Lorenz étant légèrement décalée vers le haut du fait de l’application de l’impôt ;
rhombus5
les déductions et abattements sur les revenus bruts catégoriels, qui représentent
118,1 Md€, sont plus concentrés que ne l’est le revenu pour les six premiers déciles puis
légèrement moins concentrés au-delà ; certaines déductions étant négatives en raison de la
multiplication par 1,25 des revenus pour les indépendants non adhérents d’un centre de
gestion agréée ;
rhombus5
les charges déductibles du revenu brut global, qui représentent 25,8 Md€, sont davantage
équiréparties, notamment pour les six premiers déciles de revenus bruts déclarés ;
rhombus5
l’impôt résultant du seul barème, qui s’établit à 78,3 Md€, est beaucoup plus concentré que
le revenu brut déclaré ;
rhombus5
l’atténuation d’impôt résultant du barème, qui porte sur 13,9 Md€, est plus inégalement
répartie que ne l’était le revenu brut déclaré ;
rhombus5
les réductions d’impôt, qui représentent 4,9 Md€, sont quant à elles encore plus
concentrées que l’impôt issu du simple barème ;
rhombus5
les crédits d’impôt, qui s’élèvent à 11,9 Md€, sont plus également répartis que les revenus
bruts déclarés avec une concavité de la courbe du 3
ème
au 5
ème
décile principalement
imputable à l’effet de la prime pour l’emploi. Toutefois, quand l’on distingue la prime pour
l’emploi et les autres crédits d’impôts, il est observé que les crédits d’impôts sont alors plus
concentrés que le revenu brut déclaré tandis que la prime pour l’emploi présente une très
forte concavité entre le 1
er
et le 7
ème
décile.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 30 -
Graphique 13 : Pseudo-courbes de Lorenz des principales étapes de liquidation de l’impôt sur le revenu
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Déductions et abattements sur les revenus bruts catégoriels
Charges déductibles du revenu brut global
Impôt résultant du seul barème
Atténuation d'impôt résultant du quotient familial
Réductions d'impôt
Prime pour l'emploi
Crédits d'impôt hors PPE
Crédits d'impôt PPE incluse
Revenu fiscal net après impôt
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Source
: Calculs réalisés sur les revenus 2009 par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 31 -
[69]
Les résultats obtenus peuvent également être présentés sous forme de rapports interdéciles.
Deux principales conclusions peuvent alors être dressées.
[70]
S’agissant, premièrement, de l’impact global de l’impôt sur le revenu sur la réduction des
inégalités, il apparaît que l’écart entre le décile supérieur et le second décile passe de 10,3 avant
impôt à 9,8 après impôt, soit une baisse de 4,9 %. La réduction de l’écart est cependant la plus
élevée lorsque l’on compare les revenus des dernier et quatrième déciles (-7,7 %)
Tableau 12 : Évolution de l’écart de revenu avant et après impôt sur le revenu
Ecart
Évolution
D10/D2
- 4,9%
D10/D3
- 7,6%
D10/D4
- 7,7%
D10/D5
- 6,3%
D10/D6
- 5,0%
D10/D7
- 6,1%
D10/D8
- 3,8%
D10/D9
- 5,0%
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture du tableau
: Les ménages étant classés dans un ordre constant, le résultat présenté dans le tableau correspond à
l’évolution du rapport interdéciles avant et après impôt (réductions et crédits d’impôt inclus, y compris la PPE). La valeur
de -7,6 % associée au rapport D10/D3 signifie donc que l’écart de revenus constaté entre le décile supérieur et le
troisième décile est réduit de 7,6 % par l’application du schéma de liquidation de l’impôt sur le revenu, schéma qui, il
faut le rappeler, inclut de nombreuses charges calculées.
[71]
S’agissant, deuxièmement, de la distribution des avantages fiscaux, les rapports interdéciles
font ressortir la surconcentration relative du quotient familial, des réductions et des crédits
d’impôts. Les foyers du décile supérieur de revenu brut déclaré bénéficient, en montant, 27 fois
plus du quotient familial, 537 fois plus des réductions d’impôts et 21 fois plus des crédits d’impôts
(hors PPE) que les foyers appartenant au troisième décile de revenu brut déclaré.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 32 -
Tableau 13 : Impact des étapes de liquidation de l’impôt sur le revenu, mesurées en valeurs (en milliards d’euros) et en rapports interdéciles
Déciles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Impact du QF
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Revenu fiscal net
après impôt
D1
3 792 599
-
485 533 740
-
4 750 492 136
821 412 676
252 798 147
33 188 895
30 444
328
53 906 179
133 230 388
3 441 517 363
D10/D1
7,1
187,5
192,9
101,6
0,2
28,
6
69,1
D2
3 862 041
30 341 392 681
3 758 565 345
2 836 348 892
94 099 826
25 856 263
3 981 804
539 913 901
126 755 143
24 348 885 729
D10/D2
10,3
9,4
2,1
503,8
247,7
776,6
0,0
30,0
9
,8
D3
3 862 861
47 637 149 042
5 985 456 482
3 375 497 754
364 687 179
231 152 128
5 755 712
843 186 147
179 806 840
39 171 408 454
D10/D3
6,6
5,9
1,7
130,0
27,7
537,3
0,0
21,2
6,1
D4
3 861 133
6
0 667 440 702
8 543 277 492
2 726 092 024
1 191 474 837
456 632 290
25 372 311
702 346 116
269 148 491
49 660 095 557
D10/D4
5,2
4,1
2,1
39,8
14,0
121,9
0,0
14,1
4,8
D5
3 511 400
65 720 269 114
9 599
962 474
2 080 722 968
2 083 817 583
709 717 142
72 530 585
162 072 259
362 857 645
53 262 943 720
D10/D5
4,8
3,7
2,8
22,7
9,0
42,6
0,1
10,5
4,5
D6
3 511 132
77 800 112 752
10 903 666 637
2 451 035 638
3 134 847 522
916 286 363
156 644 662
178 551 383
491 154 672
63 053 200 035
D10/D6
4,0
3,2
2,4
15,1
7,0
19,7
0,1
7,8
3,8
D7
3 510 755
94 364 350 703
12 608 435 482
1 813 531 072
4 573 542 918
1
054 556 093
307 630 367
281 908 160
658 717 911
77 671 653 762
D10/D7
3,3
2,8
3,2
10,4
6,1
10,1
0,0
5,8
3,1
D8
3 510 546
118 357 584 407
15 813 500 417
1 690 130 768
7 280 346 841
1 638 916 009
492 880 427
377 872 975
980 704 121
97 063 979 912
D10/D8
2,6
2,2
3,5
6,5
3,9
6,3
0,0
3,9
2,5
D9
3 510 948
155 592 772 394
20 411 053 365
2 207 193 232
11 921 265 383
2 503 609 886
755 930 695
147 028 656
1 54
4 130 940
126 003 960 588
D10/D9
2,0
1,7
2,6
4,0
2,6
4,1
0,1
2,5
1,9
D10
3 510 903
313 132 165 368
35 223 386 111
5 842 328 905
47 403 896 546
6 403 339 748
3 092 274 062
10 616 652
3 807 489 594
237 976 273 862
TOTAL
36 444 318
963 127 703 462
118 096 811 702
25 844 293 957
78 300 777 703
13 973 255 328
4 943 446 573
3 297 402 429
8 553 995 869
771 653 919 087
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 33 -
2.3.
Examen des principaux déterminants de la contribution de l’impôt sur le revenu
à la réduction des inégalités
[72]
La détermination du revenu imposable de chaque contribuable résulte de l’application de
règles successives.
2.3.1.
Les règles de détermination du revenu brut global mettent en évidence d’importantes
différences de traitement selon l’origine et la nature des revenus
[73]
Le revenu brut global est la somme des revenus nets catégoriels. En principe, tous les
revenus devraient être imposés de manière équivalente, quelle que soit leur origine. La mise en
œuvre de ce principe connaît cependant de nombreux aménagements, motivés par des
considérations :
rhombus5
sociales : ex. avantager les foyers modestes, favoriser les personnes âgées ;
rhombus5
économiques : ex. éviter une double imposition, par exemple des dividendes ;
rhombus5
directement fiscales : ex. corriger la sous-déclaration de certains revenus ;
rhombus5
autres : ex. avantager certaines catégories socioprofessionnelles.
Parmi les retraitements appliqués aux revenus bruts catégoriels, certains correspondent à des
charges réelles et d’autres à des charges calculées ou forfaitaires, ce qui est de nature à
déconnecter l’assiette imposable de la capacité contributive des déclarants. Cette situation reflète
une difficulté importante pour la mise en œuvre de l’impôt sur le revenu et la recherche de
l’équité fiscale.
[74]
Préalablement à l’examen, revenu catégoriel par revenu catégoriel, des règles de
détermination du revenu brut global, il convient d’observer que la structure des revenus bruts
déclarés est relativement stable dans le temps.
Graphique 14 : Structure des revenus bruts déclarés
-20%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Traitements et salaires
Gains sur levée d'option
Pensions et rentes
Bénéfices agricoles - Forfait
Bénéfices agricoles - Régime réel
BIC Régime micro
BIC Régime réel
BIC Régime micro non professionnel
BIC Régime réel non professionnel
BNC Régime spécial
BNC Déclaration contrôlée
BNC Régime spécial non professionnel
BNC Régime réel non professionnel
Revenus fonciers - Régime micro
Revenus fonciers - Revenus
Revenus fonciers - Déficits
Revenus de capitaux mobiliers
Plus et moins-values professionnelles à court terme
Revente de titres de SOFICA
Plus et moins-values professionnelles à long terme
Plus et moins values - valeurs mobilières
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 34 -
2.3.1.1.
Les règles de détermination de l’assiette des traitements et salaires : des atténuations
nombreuses
Les contribuables n’ont à déclarer qu’une partie de leurs rémunérations principales ou accessoires.
[75]
L’assiette des traitements et salaires déclarés exclut, premièrement, l’essentiel des
cotisations sociales des salariés et employeurs, à l’exception de la contribution sociale
généralisée, dont une partie est « non-déductible ». Cette conception n’est pas universelle. Dans
de nombreux pays, une partie des cotisations sociales, y compris dans certains pays une fraction
des cotisations à la charge de l’employeur, sont incluses dans la base taxable de l’impôt. Ces
différences reflètent l’ambivalence des cotisations de sécurité sociale : la cotisation est à la fois
une prime assurancielle, à laquelle les salariés décident, par contrat social implicite, de consacrer
leur revenu, et un prélèvement obligatoire, déduit du revenu avant qu’il soit disponible. En
France, le caractère obligatoire l’emportant, les cotisations sont essentiellement exclues de
l’assiette à déclarer. En contrepartie, les prestations sont par principe imposables, car il s’agit de
revenus libres d’affectation. Il en va ainsi, par exemple, les indemnités journalières de maladie,
d’accident et de maternité ou des allocations perçues en cas de chômage ou de préretraite.
[76]
Le principe d’imposition des prestations admet cependant des exceptions, notamment :
rhombus5
les remboursements de soins, qui ne sont pas assimilables à un enrichissement susceptible
de taxation ;
rhombus5
les prestations et aides à caractère familial ou social, qui sont pourtant libres d’affectation
et qui procurent un avantage croissant avec le revenu.
Sont ainsi exonérés :
rhombus5
les prestations familiales légales : allocation pour jeune enfant, allocations familiales,
complément familial, allocation de logement, allocation d’éducation de l’enfant handicapé,
de soutien familial, de rentrée scolaire, de parent isolé, allocation parentale d’éducation,
allocation d’adoption, allocation journalière de présence parentale ;
rhombus5
le revenu minimum d’insertion ;
rhombus5
le revenu de solidarité active ;
rhombus5
le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) versé dans les départements
d’outre-mer ;
rhombus5
l’aide exceptionnelle de fin d’année versée aux titulaires de certains minimas sociaux
(« prime de Noël ») ;
rhombus5
les indemnités journalières versées par la sécurité sociale et la mutualité sociale agricole
(ou pour leur compte) pour maladie comportant un traitement prolongé particulièrement
coûteux, accident du travail ou maladie professionnelle ;
rhombus5
l’allocation de garde d’enfant à domicile, l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante
maternelle agréée ainsi que la majoration de cette aide ;
rhombus5
la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour les enfants nés à partir de 2004 ;
rhombus5
la prestation de compensation du handicap ;
rhombus5
l’allocation aux adultes handicapés, le complément de ressources et la majoration pour la
vie autonome.
[77]
A ces prestations exonérées s’ajoute l’exonération de plusieurs rémunérations, contributions
et quasi-rémunérations versées par l’employeur :
rhombus5
les heures ou jours supplémentaires et heures complémentaires ;
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 35 -
rhombus5
la participation de l’employeur à l’acquisition de titres restaurants, dans la limite de 5,19 €
par titre ;
rhombus5
la participation annuelle de l’employeur à l’acquisition de chèques-vacances (limité
annuellement au montant d’un SMIC mensuel) ;
rhombus5
la prise en charge obligatoire par l’employeur des titres d’abonnement de transports
publics pour les trajets domicile-travail (limité à 200 € par an) ;
rhombus5
la prime exceptionnelle d’intéressement d’un montant maximum de 1 500 € si elle est
affectée à un plan d’épargne salariale ;
rhombus5
les sommes versées au titre de la participation des salariés ;
rhombus5
l’abondement versé par l’entreprise en application du plan d’épargne salariale ;
rhombus5
les sommes versées au titre de l’intéressement collectif ;
rhombus5
les sommes issues d’un compte-épargne-temps affectées à un PERCO (dans la limite de 10
jours par an) ;
rhombus5
les indemnités compensatrices issues d’un CET, qui correspondent à des sommes provenant
de l’intéressement, et à l’issue de la période d’indisponibilité, de la participation ou d’un
plan d’épargne entreprise.
[78]
Certains revenus font par ailleurs l’objet d’évaluations forfaitaires. C’est en particulier le cas
des avantages en nature, qui donnent lieu à deux difficultés : d’une part, leur sous-déclaration par
les contribuables, d’autre part, l’imprécision de l’évaluation forfaitaire. Les avantages concernés
sont principalement la mise à disposition de logements, de nourriture ou de véhicules. Plusieurs
de ces avantages échappent totalement ou partiellement à l’impôt : tarifs privilégies pour
l’acquisition de produits de l’entreprise, prestations de loisirs, prestations de comités
d’entreprise. Le tarif forfaitaire est parfois défini sur la base de considérations a priori étrangères
à l’évaluation sur la base de leur valeur réelle. Ainsi, le barème d’évaluation forfaitaire de
l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un logement, varie selon le rapport
entre la rémunération brute mensuelle et le montant mensuel du plafond de la sécurité sociale.
Les évaluations forfaitaires apparaissent globalement inadaptées, ce qui peut par exemple être le
cas pour le prix des repas.
[79]
L’assiette brute déclarée bénéficie également de retraitements. Le plus connu d’entre eux
est la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, applicable à tous les salariés ou
gérants qui ne demandent pas la déduction des frais réels. Cette déduction est présumée couvrir
«
les frais de déplacement du domicile au lieu de travail, les frais de restauration sur le lieu de
travail (dépenses supplémentaires par rapport au coût du repas pris à domicile), les frais de
documentation personnelle et de mise à jour des connaissances nécessités par l’activité
professionnelle
». Lorsque les contribuables estiment avoir engagé un montant de dépenses
professionnelles supérieur à celui de la déduction forfaitaire de 10 %, ils peuvent demander à
déduire le montant de leurs frais réels, à condition de les justifier. Dans un même foyer fiscal,
chaque personne peut opter pour le régime de déduction qui lui est le plus favorable. Sont
déductibles :
rhombus5
les frais supplémentaires de nourriture ;
rhombus5
les frais de transport du domicile au lieu de travail ;
rhombus5
les achats de matériels, outillages, mobiliers de bureau utilisés pour l’exercice de la
profession ;
rhombus5
l’acquisition de matériel informatique utilisé dans le cadre professionnel ;
rhombus5
les logiciels ;
rhombus5
certains dépenses spécifiques aux professions artistiques (acquisition d’instruments, de
matériel hi-fi…).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 36 -
[80]
Certaines autres charges sont déductibles du revenu brut catégoriel déclaré. C’est
notamment le cas d’une partie de la contribution sociale généralisée. La CSG sur les revenus
d’activité et de remplacement est déductible du revenu brut catégoriel à hauteur de :
rhombus5
5,1 % pour les revenus d’activité ;
rhombus5
4,2 % pour pensions de retraite, de préretraite et d’invalidité ;
rhombus5
3,8 % pour les allocations chômage et pour les pensions de retraite de contribuables ne
payant pas l’impôt sur le revenu.
Comme le souligne le rapport particulier
Prélèvements obligatoires sociaux pesant sur les
ménages, progressivité et redistributivité
, réalisé en 2011 par M
me
Aurélie Lorrain-Itty, inspectrice
des affaires sociales, cette déductibilité partielle s’explique d’une part «
par le fait que la CSG a en
partie remplacé des cotisations salariales elles-mêmes déductibles de l’IR
». D’autre part, cette
déductibilité
« se justifie par la volonté d’éviter une double imposition des ménages en les taxant à
l’IR sur des sommes non perçues puisque prélevées à la source pour acquitter la CSG
».
L’érosion d’assiette induite par cette déductibilité partielle est estimée pour 2009 à 40 Md€ au
titre de la CSG sur les revenus d’activité et à 10 Md€ au titre de la CSG sur les revenus de
remplacement.
2.3.1.2.
Les pensions et rentes viagères bénéficient d’avantages dont la justification n’est plus
toujours évidente
[81]
Rentrent dans cette catégorie de revenus les pensions, les rentes à titre gratuit, les
allocations de retraite et de vieillesse, les pensions et rentes d’invalidité, les pensions alimentaires
et rentes à titre onéreux.
[82]
Plusieurs revenus sont toutefois exonérés. Pour les pensions de retraite et de vieillesse,
peuvent être mentionnées :
rhombus5
les bonifications ou majorations accordées aux allocataires en considération des enfants
qu’ils ont eus ou élevés ou qu’ils ont encore à charge ;
rhombus5
l’allocation aux mères de famille ;
rhombus5
l’allocation personnalisée d’autonomie ;
rhombus5
la prestation spécifique dépendance ;
rhombus5
les avantages de vieillesse dits « non-contributifs » (prestations constitutives du minimum
vieillesse, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation supplémentaire
d’invalidité…).
Pour les pensions alimentaires, plusieurs exonérations existent également :
rhombus5
la partie supérieure à 2 700 € de la rente perçue par décision de justice pour l’entretien
d’un enfant mineur ;
rhombus5
la partie supérieure à 5 753 € de la pension alimentaire reçue de ses parents par un majeur
non chargé de famille ;
rhombus5
la partie supérieure à 11 506 € de la pension alimentaire reçue de ses parents par un
majeur chargé de famille.
[83]
Les revenus déclarés font ensuite l’objet de retraitements, notamment d’un abattement de
10 % dont la raison d’être mérite d’être questionnée. Cet abattement, qui concerne les pensions
de retraite mais également les rentes constituées à titre gratuit et pensions alimentaires
12
, est
plafonné à 3 606 € par foyer fiscal. Il ne peut être inférieur à 368 € par pensionné dès lors que ce
12
L’application de cet abattement aux pensions alimentaires a de quoi surprendre.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 37 -
montant n’excède pas les pensions reçues. Il se présente comme le pendant de l’abattement de
10 % sur les revenus d’activité, qui se justifie, en théorie du moins, par les frais professionnels que
supportent les contribuables en emploi quand ils n’optent pas pour le régime des frais réels. Mis
en place dans les années 1970 pour « aider les personnes âgées », il représente une moindre
recette d’impôt sur le revenu estimée en 2010 à 2,7 Md€ et relève du programme « Handicap et
dépendance » au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il a bénéficié
en 2007 à plus de 16 M de personnes représentant 13,1 M de foyers fiscaux. Compte-tenu du
nombre de foyers non-imposables, l’abattement de 10 % se traduit par une réduction effective
d’impôt sur le revenu pour 6,9 M de foyers. Le bénéfice moyen de l’abattement par foyer fiscal
est par ailleurs égal à 370 €. 1 M de foyers sont déclarés non-imposables du fait de cet
abattement. Les effets anti-redistributifs de cet abattement méritent d’être soulignés :
rhombus5
les foyers non-imposables ne peuvent bénéficier de l’abattement ;
rhombus5
l’avantage fiscal moyen par bénéficiaire s’accroît avec le montant de la pension puisque
l’abattement est proportionnel. Il faut toutefois rappeler qu’existe pour le bas des revenus
un minimum et que 20 % des foyers bénéficiant effectivement de l’abattement ont vu leur
abattement plafonné. Les foyers fiscaux des trois premiers déciles ne bénéficient pas de
l’abattement.
Cet abattement peut être critiqué à trois titres :
rhombus5
le niveau de vie des retraités a aujourd’hui atteint un niveau équivalent à celui des actifs,
comme le montrent les données du Conseil d’orientation des retraites ;
rhombus5
il ne peut se justifier par les charges spécifiques rencontrées par certaines personnes âgées,
notamment dépendantes, puisque d’autres instruments budgétaires ou fiscaux existent en
leur faveur ;
rhombus5
il emporte des effets indirects importants pour un coût budgétaire de plus d’1,5 Md€
puisqu’il génère :
circle4
une diminution du rendement de la taxe d’habitation dont l’imposition est
subordonnée au niveau du revenu fiscal de référence ;
circle4
une réduction, estimée par la direction générale du Trésor à 900 M€, du rendement
de la CSG puisque l’imposition à l’impôt sur le revenu et le niveau du RFR
déterminent le taux de CSG prélevé sur les pensions de retraites (quand le RFR est
inférieur à 9 837 €, le taux de CSG est nul, quand il dépasse 9 837 € et que le foyer
n’est pas imposable, il est ramené de 6,6 à 3,8 %) ;
circle4
l’éligibilité ou l’augmentation du montant perçu au titre de la prime pour l’emploi
puisque l’abattement réduit le RFR d’un foyer dont un membre est pensionné et
l’autre en activité ;
circle4
l’éligibilité ou l’augmentation de certaines prestations, déterminée en fonction du
revenu déclaré, notamment l’allocation adulte handicapé et les allocations logement
(coût estimé en 2010 par la DGTPE entre 500 et 700 M€).
[84]
Les personnes âgées bénéficient également d’un abattement spécifique pour le calcul de
l’impôt sur le revenu dès lors qu’elles ont plus de 65 ans. Les foyers fiscaux composés de deux
personnes âgées bénéficient d’un double abattement. Le montant de l’abattement individuel est
égal à 2 276 € quand la personne âgée appartient à un foyer fiscal dont le revenu annuel n’excède
pas 14 010 € et à 1 138 € quand la personne âgée appartient à un foyer fiscal dont le revenu
annuel est compris entre 14 010 € et 22 590 €. Cette disposition, créée au début des années 1970,
bénéficie à 1,5 M de foyers et engendre une moindre recette de 245 M€. L’abattement de 2 276 €
est ciblé sur des personnes âgées modestes vivant seules (célibataires, veufs, divorcés) et
correspond à un revenu mensuel de 1 250 € pour un pensionné ou un retraité, soit près du double
du minimum vieillesse pour une personne seule. L’abattement rend ces contribuables non
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 38 -
imposables : sans lui, ils seraient imposés au taux de 3,4
%. L’abattement représente l’équivalent
d’un « treizième mois », égal à la prestation mensuelle d’allocation spéciale vieillesse, prestation
garantissant le minimum vieillesse et qui s’établit à 239 €. L’abattement de 1 138 € concerne les
couples comme les personnes vivant seules. La condition de revenu est alors indépendante de la
structure du foyer fiscal, ce qui induit une double iniquité :
rhombus5
entre les célibataires et les couples : les célibataires sont largement favorisés par rapport
aux couples ;
rhombus5
entres les couples puisque ceux dont les deux membres ont plus de 65 ans bénéficient d’un
double abattement.
[85]
Le régime fiscal de la rente viagère à titre onéreux offre enfin des possibilités de déductions
d’assiettes qui manquent de cohérence et de clarté. La rente viagère désigne les allocations
périodiques - ou arrérages – qu’une personne appelée débirentier, s’engage à servir à une autre
personne, appelée crédirentier, pendant la vie de celle-ci. Elle résulte en principe d’un contrat et
est constituée soit à titre onéreux soit à titre gratuit. La rente est par principe soumise à l’impôt
sur le revenu, sauf cas particuliers (rente versée à titre de dommages et intérêts servie en
application d’une décision de justice, rentes versée aux orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions antisémites…). Les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont en
revanche imposables que pour une fraction de leur montant. Cette solution vise à éviter une
double taxation en ne cherchant à taxer que les produits capitalisés et non le capital investi, qui a
déjà fait l’objet d’une première taxation. La fraction imposable, déterminée par l’âge du
crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente, est fixée à :
rhombus5
70 % si l’intéressé est âgé de moins de 50 ans ;
rhombus5
50 % s’il est âgé de 50 à 59 ans inclus ;
rhombus5
40 % s’il est âgé de 60 à 69 ans inclus ;
rhombus5
30 % s’il est âgé de plus de 69 ans.
Le cas des titulaires de contrats d’assurance-vie, de contrats de l’article 82, ou de PEA et PEP de
moins de 8 ans, est dès lors confus. Ce régime de la rente viagère acquise à titre onéreux est
favorable pour une fraction de la population (cas d’une femme de 60 ans liquidant en 2009 sa
rente), indéterminé pour la plupart des cas (une fraction des intérêts produits pendant la phase
d’accumulation du capital est taxée à l’IR, la sortie en capital donnant lieu à une taxation suivant
des modalités distinctes) et parfois défavorable (double taxation des assurés apportant un capital
conséquent juste avant la liquidation de la rente). De nombreux contrats d’assurance-vie ayant
été souscrits avant 1998 ou bénéficiant du jeu des abattements, la sortie en capital demeure
défiscalisée pour de nombreux foyers fiscaux. Le choix de la sortie en rente est alors défavorable
pour certains assurés.
2.3.1.3.
Les revenus et plus-values des professionnels non salariaux se distinguent pas la
coexistence
des régimes réels, simplifiés et forfaitaires d’imposition qui manquent
d’unité
Les revenus industriels et commerciaux professionnels
[86]
Les bénéfices provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle et
artisanale sont imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Là encore, coexistent
plusieurs régimes d’imposition.
[87]
Le régime des micro entreprises, qui est optionnel, est réservé exclusivement aux entreprises
individuelles, donc soumises à l’impôt sur le revenu, réalisant moins de 27 000 euros de chiffre
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 39 -
d’affaires annuel pour les prestataires de services (76 300 euros de chiffre d’affaires annuel pour
les ventes et fournitures de logement). Il s’applique dès la première année de respect du seuil.
[88]
Le régime réel normal s’applique lui de plein droit aux exploitants individuels et associés de
sociétés civiles de moyens et aux personnes morales passibles de l’IS au-dessus du seuil du régime
réel simplifié. Il s’applique, sur option, aux contribuables normalement imposés au régime réel
simplifié, ou au micro-BIC. Ce régime « réel simplifié » s’applique à l’ensemble des exploitations
réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 230 000 euros (763 000 euros pour les
ventes et fournitures de logement), qu’elles soient soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt
sur le revenu. Les contribuables imposés au micro-BIC peuvent opter pour le régime réel simplifié.
Le bénéfice imposable est égal :
rhombus5
au chiffre d’affaires hors taxes, hors plus et moins-values à court et long terme (celles-ci
demeurent imposables selon un mode réel). Il s’agit en principe du chiffre d’affaires
comptable (créances acquises) mais l’instruction administrative 4G 2-99 du 20 juillet 1999 a
admis que les recettes encaissées puissent seules être prises en compte ;
rhombus5
avec une déduction forfaitaire de 71 % pour les activités de vente ou de fourniture de
logements, et de 50 % pour les prestations de services. L’abattement ne peut être inférieur
à 305 euros.
Les revenus non commerciaux professionnels
[89]
Les bénéfices non commerciaux relèvent eux de trois groupes distincts :
rhombus5
les bénéfices des professions libérales proprement dites ;
rhombus5
les produits des charges et offices ;
rhombus5
les produits ne relevant d’aucune autre catégorie d’imposition des revenus.
[90]
Les bénéfices non commerciaux sont principalement définis par défaut. Outre les professions
libérales, la doctrine administrative et la jurisprudence rangent par exemple dans cette catégorie
des BNC les revenus des boxeurs, des généalogistes, des guérisseurs magnétiseurs-rebouteux, des
joueurs professionnels de bridge ou de garde-malades ainsi que divers revenus illégaux. En
fonction du montant du chiffre d’affaires, le régime applicable est celui du régime spécial « micro
» BNC ou de la déclaration contrôlée.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 40 -
[91]
Le régime « micro-BNC » s’adresse, sauf exclusion expresse, aux contribuables dont le
montant annuel de recettes n’excède pas 27 000 € et qui sont exonérés de TVA ou bénéficient de
la franchise de base en TVA. Ces contribuables sont imposés sur un bénéfice évalué
forfaitairement à 66 % de leurs recettes (l’abattement prend en compte les charges sociales).
Jusqu’en 2007, le régime micro BNC continuait également de s’appliquer l’année de dépassement
du seuil.
[92]
Le régime de déclaration contrôlée est obligatoire pour les exploitations dont le chiffre
d’affaires dépasse 27 000 € et peut être choisi sur option par les contribuables relevant du régime
« micro ». Les contribuables doivent déclarer le montant exact de leur bénéfice, établi à partir de
leur comptabilité de l’année. Celui-ci est constitué par l’excédent des recettes effectivement
encaissées pendant l’année sur les dépenses professionnelles acquittées au cours de l’année et
selon les règles en vigueur dans la profession. Le bénéfice tient compte des gains et pertes
provenant d’éléments d’actifs ou de charges, d’office et de clientèle (plus ou moins-values). Sur
option, le bénéfice peut être déterminé selon une comptabilité faisant état non des
encaissements et décaissements, mais des créances acquises et des charges engagées. Dans tous
les cas, la déclaration du contribuable est soumise au droit de contrôle de l’administration qui
peut la vérifier et, le cas échéant, la rectifier dans les limites de la prescription.
Tableau 14 : Régimes d’imposition selon le chiffre d’affaires
CA < 27 000 €
CA > 27 000 €
Entreprise individuelle
Régime micro-BNC
Options possibles : déclaration
contrôlée
Régime de la déclaration contrôlée
EURL
SCP
Régime de la déclaration contrôlée
Régime de la déclaration contrôlée
Source
: Rapporteur.
Les revenus agricoles
[93]
Deux régimes d’imposition distincts existent pour les exploitants agricoles : l’imposition au
forfait collectif et l’imposition au réel. Le forfait collectif constitue une survivance de l’imposition
sur les revenus cadastraux, autrefois unique régime d’imposition en agriculture. Il ne constitue
aujourd’hui plus une obligation, et l’option pour le régime réel permet seule de bénéficier des
dispositions fiscales spécifiques et favorables pour la détermination du bénéfice imposable
(régime de jeunes agriculteurs, déduction pour aléas, étalement de revenus exceptionnels).
[94]
Les exploitants dont les recettes annuelles (moyenne calculée sur les deux années
précédentes) sont inférieures ou égales à 76 300 € peuvent être imposés au régime du forfait
collectif. L’imposition au titre du forfait collectif consiste à fixer au niveau départemental les
revenus des exploitants en fonction des productions. Chaque direction départementale des
finances publiques détermine un compte type annuel pour les polycultures, d’une part, pour les
cultures spécialisées (viticulture, apiculture…), d’autre part. Le code général des impôts prévoit
une harmonisation au niveau national par production, afin de limiter les divergences d’évaluation.
Parallèlement, les représentants des professions agricoles élaborent un compte type pour les
mêmes productions. Ces deux évaluations sont comparées dans le cadre de la commission
départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, composée à parité de
représentants du monde agricole et de l’Etat (même si le président est un magistrat de tribunal
administratif qui a voix prépondérante). A l’issue d’une négociation, un compte type
départemental par production est arrêté. Afin de calculer les bénéfices agricoles de chaque
exploitant, ces forfaits collectifs (par exemple pour la polyculture, le bénéfice forfaitaire par
hectare) sont ensuite appliqués aux informations relatives à la consistance de l’exploitation
déclarées annuellement par le chef d’exploitation. Cette obligation déclarative se limite aux
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 41 -
seules caractéristiques physiques de l’exploitation, comme pour les polycultures la superficie des
terres exploitées.
[95]
Hors imposition au bénéfice forfaitaire, l’imposition des revenus agricoles s’effectue par
principe sous le régime du bénéfice « réel normal ». Le bénéfice est constitué par l’excès du
produit brut sur les dépenses nécessitées directement par l’exercice de la profession et qui
entraînent une diminution de l’actif net ou sont destinées à éviter une diminution probable de cet
actif. Comme en matière de BIC, prédomine la logique de droits constatés et il est fait état, pour la
détermination du bénéfice imposable, des créances acquises au cours de l’exercice, des achats
définitivement conclus et des frais et charges engagés au cours de la même période. Toutefois, les
produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l’avance sont
rattachés au cours d e l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens ou l’achèvement
des prestations.
[96]
Quand leurs recettes annuelles sont inférieures à 300 000 €, les exploitants peuvent avoir
recours au régime « réel simplifié ». Le produit brut est déterminé dans les mêmes conditions que
sous le régime du bénéfice réel normal, mais des dispositions simplifiées pour sont prévues pour
l’évaluation des stocks et de l’autoconsommation. Les stocks sont évalués soit au prix de revient
ou au cours du jour à la clôture si ce cours du jour est inférieur au prix de revient, soit de façon
forfaitaire. Dans ce dernier cas, s’applique une décote de 20 % pour la généralité des produits
finis, des produits en cours de fabrication et des animaux et de 30 % pour les bovins et produits
de la viticulture. L’autoconsommation est également évaluée de façon forfaitaire. Les frais et
charges sont en revanche déductibles de façon forfaitaire s’agissant des frais relatifs aux
carburants consommés lors des déplacements professionnels de l’exploitant individuel, tandis
que les frais généraux accessoires payés en espèce n’ont à être justifié que lorsqu’ils dépassent 1
pour 1 000 du chiffre d’affaires hors taxe.
[97]
Les bénéfices agricoles sont soumis aux mêmes règles générales de déductions des charges
que les bénéfices industriels et commerciaux. Ils en diffèrent cependant pour deux dispositifs,
destinés à favoriser l’investissement en agriculture, d’une part, à tenir compte des aléas auxquels
est sujette l’activité agricole, d’autre part.
2.3.1.4.
Les revenus fonciers
[98]
Ce sont les revenus des propriétés bâties (appartements, maisons…) et non bâties
(terrains…) : loyers, fermage, revenus de parts de sociétés immobilières. Le revenu net foncier est
obtenu par différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Ce
revenu est calculé selon des modalités différentes selon qu’il s’agit de propriétés urbaines ou de
propriétés rurales. Les immeubles s’entendent de toutes les constructions, quelles que soient leur
affectation et leur situation géographique, qui ne font pas partie intégrante d’une exploitation
agricole (et des terrains qui en constituent la dépendance). Toutes les autres propriétés ont le
caractère de propriété rurale.
[99]
Le régime foncier de base ou « régime normal » est le régime de droit commun en matière
de revenus fonciers. Le revenu brut est constitué par les recettes brutes perçues par le bailleur et
de compléments divers de loyers ou fermages et indemnités diverses (subventions destinées à
financer des charges déductibles, indemnité de déspécialisation du bail, primes à la
construction…). Les charges déductibles du revenu brut foncier sont particulièrement
nombreuses. Jusqu’en 2006, survivait la possibilité de procéder à une déduction forfaitaire pour
les propriétés urbaines comme pour les propriétés rurales, remplacée depuis par l’obligation de
procéder à la déduction des frais réels. Sont notamment déductibles les frais d’administration et
de gestion, les primes d’assurances, les dépenses de réparation et d’entretien, les dépenses
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 42 -
d’amélioration ou d’agrandissement ainsi que les intérêts des emprunts contractés pour
l’acquisition, la (re)construction, l’agrandissement, la conservation, la réparation ou l’amélioration
des immeubles donnés en location ou encore les impôts locaux incombant au propriétaire.
Surtout, les quinze dernières années ont été caractérisées par la multiplication des possibilités de
déduire des charges d’amortissement, les quotités ou durées de référence étant à chaque fois
différentes : pour les logements neufs ou assimilés donnés en location jusqu’en 2001
(« Périssol »), pour les logements neufs du secteur locatif intermédiaire jusqu’en 2003 (« Besson
neuf »), pour les logements neufs ou assimilés ou anciens réhabilités donnés en location depuis
2003 (« Robien classique » puis « Robien recentré »). Il faudrait y ajouter en parallèle plusieurs
dispositifs spécifiques qui se sont succédés ou juxtaposés : « Besson-ancien », « Lienemann »,
« Robien ZRR », « Borloo neuf », « Borloo SCPI », « Borloo ancien ». Les propriétés rurales, dont le
revenu brut se définit de la même façon que celui des propriétés urbaines, n’accèdent pas à ces
amortissements mais se voient reconnaître des charges déductibles spécifiques : les dépenses
d’amélioration dites « non rentables » des propriétés rurales bâties ou non bâties, les dépenses
d’amélioration et de construction qui s’incorporent aux bâtiments d’exploitation.
[100]
Depuis l’imposition des revenus 1997, un régime micro-foncier est applicable lorsque les
revenus fonciers perçus par l’ensemble du foyer fiscal n’excèdent pas 15 000 €, charges non
comprises quelles que soit la durée de la location. Le revenu brut est constitué par le montant des
recettes brutes perçues par le propriétaire au cours de l’année d’imposition, y compris les
recettes accessoires. Le revenu net imposable est déterminé automatiquement par application
d’un abattement représentatif des charges de propriété, fixé depuis 2006 à 30 % des revenus
bruts.
2.3.1.5.
Les plus-values
et les revenus de capitaux mobiliers : une fiscalité d’exception dans
l’impôt sur le revenu
Les revenus de capitaux mobiliers
[101]
Les revenus de capitaux mobiliers désignent deux catégories de revenus dont l’imposition
a été progressivement harmonisée, dans le sens d’une exclusion progressive du barème
d’imposition. Les revenus de placement à revenu variable désignent les revenus des actions et
parts sociales et revenus assimilés distribués par les personnes morales passibles de l’impôt sur
les sociétés. C’est ce que l’on appelle génériquement les dividendes.
Les produits de placement à
revenu fixe désignent pour leur part essentiellement les revenus des créances, dépôts,
cautionnements, comptes courants, revenus des fonds d’Etats, revenus des obligations.
Le régime fiscal des dividendes vise, en théorie,
à atténuer les effets de leur double imposition
[102]
Le régime actuel de taxation des dividendes cumule les effets combinés de deux réformes
successives :
rhombus5
la réforme, intervenue dans le cadre du PLF 2004, du mécanisme d’avoir fiscal, contrepartie
de la suppression alors décidée du précompte mobilier ;
rhombus5
l’instauration, au 1
er
janvier 2008, d’une possibilité d’option des épargnants pour un
prélèvement forfaitaire libératoire, en lieu et place de l’imposition au barème.
[103]
Ces réformes débouchent sur un système complexe faisant coexister :
rhombus5
une réfaction de 40 % sur le montant de dividendes perçus ;
rhombus5
un abattement forfaitaire de 1 525 € pour un célibataire et 3 050 € pour un couple ;
rhombus5
alternativement à ces deux avantages fiscaux, le prélèvement forfaitaire libératoire au taux
de 19 %.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 43 -
a) L’imposition sur le revenu des dividendes bénéficie d’une réfaction de 40 %, donc d’un
abattement proportionnel
[104]
L’assiette d’imposition des revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères fait
l’objet d’un premier abattement, appelé « réfaction », égal à 40 % du montant brut des
dividendes perçus, déduction faite des seuls frais d’encaissement. Initialement fixé à 50 % du
montant brut des dividendes perçus, cette réfaction a été ramenée à 40 % au 1er janvier 2007
pour compenser les effets de l’intégration au barème d’imposition de l’impôt sur le revenu de
l’abattement de 20 % intervenu dans le cadre de la réduction du nombre de tranches opérée par
la LFI 2006
13
.
[105]
Alors que l'avoir fiscal n'était applicable qu'aux distributions réalisées par des sociétés
françaises, le régime en vigueur depuis le 1er janvier 2004 bénéficie, conformément au droit
communautaire, aux distributions effectuées non seulement par les sociétés françaises soumises
à l’impôt sur les sociétés mais également à celles réalisées par des sociétés étrangères établies
dans des États ayant conclu une convention fiscale avec la France
14
.
[106]
Au titre des revenus 2008 imposés en 2009, la réfaction a représenté, d’après des
simulations réalisées par la direction générale des finances publiques, un avantage fiscal de
1 515 M€ pour les épargnants par rapport à ce que donnerait une imposition au barème.
b) L’imposition des dividendes bénéficie également d’un abattement forfaitaire
[107]
L’ensemble des dividendes de titres éligibles à la réfaction des dividendes bénéficie, après
application de cette dernière d’un abattement forfaitaire fonction de la situation de famille du
contribuable. Cet abattement forfaitaire, qui existait au temps de l’avoir fiscal, a été maintenu
mais s’applique, depuis 2004, sur l’assiette réfactée après déduction de plusieurs frais et charges
dits « déductibles »
15
.
[108]
L’abattement s’élève, depuis le PLF 2005, à 1 525 € pour les contribuables célibataires,
veufs ou divorcés, et 3 050 € pour les contribuables soumis à l’imposition commune.
[109]
La direction de la législation fiscale estime à 5 349 852 le nombre de foyers fiscaux ayant
payé moins d’impôt du fait de cet abattement, dont 5 026 902 n’ont eu à payer aucun impôt au
titre de leurs dividendes.
[110]
Les effets cumulés de la réfaction de 40 % et de l’abattement forfaitaire représentent une
économie par rapport au barème de 1 995 M€ pour les contribuables percevant des dividendes.
13
En effet, les dividendes ne bénéficiant pas de l’abattement de 20 % applicables jusqu’alors aux traitements et
salaires, maintenir la réfaction à 50 % dans un contexte d’abaissement des taux propres à chaque tranche aurait
créé un sur-avantage à leur profit.
14
Les dividendes de sociétés étrangères étaient taxés de façon plus défavorable auparavant.
15
Figurent au nombre de ces frais et charges déductibles les frais de garde des titres.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 44 -
Graphique 15 : Économie d’impôt par rapport au barème réalisée au titre des revenus 2008 par les
ménages français grâce à la réfaction de 40 % et à l’abattement forfaitaire (en millions d’€)
1515 M€
480 M€
1515 M€
480 M€
0
500
1000
1500
2000
2500
Economie d'impôt résultant de la
réfaction de 40%
Economie d'impôt résultant de
l'abattement forfaitaire
Economie d'impôt liée à la réfaction +
l'abattement
1995 M€
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
c) Une possibilité d’option entre l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu et le
prélèvement forfaitaire libératoire est effective depuis le 1
er
janvier 2008
[111]
Depuis le 1er janvier 2008, les épargnants recevant des dividendes peuvent, en lieu et
place de l’imposition au barème (triplement corrigée par la réfaction, l’abattement forfaitaire et
le crédit d’impôt), choisir d’être imposés à un prélèvement forfaitaire libératoire dont le taux a
été fixé à 19 %
16
. Dans ce cas, ouvert par la loi de finances pour 2008, le prélèvement s’effectue à
la source, auprès de l’établissement payeur. Cette option, irrévocable, peut être partielle ou
totale. Les revenus distribués à raison desquels le contribuable n’a pas exercé l’option pour le
prélèvement forfaitaire libératoire sont imposables à l’impôt sur le revenu au barème progressif.
[112]
L’option pour le prélèvement forfaitaire a pour effet de libérer d’impôt sur le revenu les
revenus distribués auxquels le prélèvement s’applique. Ces revenus n’entrent donc pas en
compte pour la détermination du revenu global du contribuable, même s’ils doivent être
mentionnés sur la déclaration d’ensemble des revenus souscrite par le contribuable. En revanche,
en cas d’option pour le PFL, l’épargnant ne bénéficie plus ni de la réfaction, ni de l’abattement
forfaitaire ni du crédit d’impôt, tant pour les revenus qu’il a souhaité voir soumis au PFL que pour
ses autres revenus distribués qu’il laisse soumis au barème progressif
17
.
[113]
En 2009, 47 898 foyers fiscaux ont opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire sur les
dividendes et y ont soumis un montant de dividendes perçus de 5,4 Mds €. Le gain fiscal dont ils
ont bénéficié à raison du prélèvement forfaitaire libératoire s’est élevé à 77,0 M€.
[114]
Un examen détaillé montre que, parmi ces déclarants, certains n’avaient pas d’intérêt
financier évident à opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire. Il se peut cependant que ces
16
Rappelons qu’auparavant, l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire n’était ouverte que pour les
produits de placement à revenus fixes (intérêts des obligations) sans être ouverte aux placements à revenus
variables.
17
Exception faite des dividendes perçus dans le cadre d’un PEA, (cf. 1.1.1.2.1., ci-dessous).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 45 -
contribuables aient opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire en raison de sa simplicité
administrative.
Tableau 15 : Ventilation de l’économie d’impôt réalisée par les épargnants grâce au prélèvement
forfaitaire libératoire sur les dividendes
Tranche de revenu fiscal de
référence
Nombre de foyers ayant opté pour le PFL
Économie fiscale réalisée
<15 237 €
4 794
-0,7 M€
entre 15 238 € et 27 581 €
4 807
-1,49 M€
entre 27 582 € et 47 112 €
4 870
-1,27 M€
entre 47 113 € et 73 584 €
4 732
-5,62 M€
entre 73 585 € et 112 726 €
4 782
-5,38 M€
entre 112 727 € et 176 577 €
4 769
-5,73 M€
entre 176 578 € et 247 573 €
4 797
-7,05 M€
entre 247 574 € et 344 954 €
4 803
5,39 M€
entre 344 955 et 539 756 €
4 779
17,36 M€
> 539 756 €
4 766
81,59 M€
Total
47 898
77,09 M€
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
Financièrement, certains contribuables ont opté à tort pour le PFL alors qu’ils perdaient le bénéfice de la réfaction de
40 %, de l’abattement forfaitaire et du crédit d’impôt ; d’autres contribuables, plus aisés, ont opté à tort pour le PFL
puisqu’ils perdaient dès lors le bénéfice du régime des dividendes défini pour le fonctionnement du « bouclier fiscal ».
Les revenus de capitaux à produits fixes sont soit exonérés soit soumis au prélèvement
forfaitaire libératoire
[115]
Une part importante des revenus de capitaux à produits fixes est, premièrement,
exonérée. Sont notamment concernés les produits de l’épargne sur livret. Bénéficient d’une
exonération totale de prélèvements fiscaux (et sociaux) le livret A, le livret Bleu, le livret Jeune, le
livret de développement durable (LDD) et le livret d’épargne populaire (LEP). L’encours de ces
livrets s’est établi pour 2009 à 322 Md€, tandis que leur rendement peut être estimé
raisonnablement à 6,6 Md€.
Tableau 16 : Base taxable théorique résultant des comptes sur livrets
Produit
Encours moyen 2009
(en Md€)
Taux moyen de
rémunération
observé en 2009
Base taxable théorique (en Md€)
Livret A
160,5
1,92 %
3,1
Livret Bleu
23,5
1,92 %
0,5
Livret Jeune
7,3
3,17 %
0,2
LDD
70,5
1,92 %
1,3
LEP
59,8
2,48 %
1,5
Total
321,7
6,6
Source
: Banque de France.
[116]
Les produits d’épargne-logement représentent pour leur part un revenu estimé en 2009 à
6,3 Md€, également exonéré de la base des revenus de capitaux mobiliers.
[117]
Les autres revenus de capitaux mobiliers à produits fixes sont en revanche imposables
mais soumis de plein droit au prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 46 -
Les plus-values mobilières
a) L’abattement général pour durée de détention, créé en 2005, ne concerne que l’impôt sur le
revenu et ne produira ses pleins effets qu’à partir de 2011
[118]
L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 a créé un abattement pour durée
de détention des titres, à l’instar du régime fiscal dont bénéficient les plus-values immobilières
18
.
Cet abattement est égal à un tiers du montant de plus-value réalisée par année de détention des
titres ou droits cédés et est applicable dès la fin de la sixième année. Lorsque les titres ou droits
cédés ont été détenus plus de 6 ans révolus et moins de 7 ans, l’abattement est donc égal à un
tiers du montant du gain net, deux tiers du montant du gain net lorsque les titres ou droits cédés
ont été détenus depuis plus de 7 ans révolus à moins de 8 ans et 100 % du montant du gain net
au-delà de 8 ans de détention révolus. En cas de cession des titres ou droits avant la fin de la
6ème année de détention, aucun abattement n’est applicable. Par ailleurs, la durée de détention
est décomptée à partir du 1er janvier de l’année d’acquisition ou de souscription des titres et
droits et à partir du 1er janvier 2006 pour les titres détenus avant cette date.
Tableau 17 : Régime fiscal des plus-values réalisées sur des titres détenus
depuis plus de 6 ans révolus
Durée de détention
comprise entre 6 ans
révolus et 7 ans
Durée de détention
comprise entre 7 ans
révolus et 8 ans
Durée de détention
supérieure à 8 ans
révolus
Assiette de prélèvements
à l’impôt sur le revenu
2/3 du montant des plus-
values réalisées sur ces
titres
1/3 du montant des plus-
values réalisées sur ces
titres
0
Source
: Rapporteur.
[119]
En conséquence, les épargnants ne pourront effectivement se voir appliquer cet
abattement dans le calcul de leur imposition qu’à compter de leur imposition sur le revenu 2011
qui sera réalisée en 2012. L’abattement général pour durée de détention procédait d’une volonté
d’« encourager l'investissement à long terme des particuliers dans les sociétés et permettre ainsi
à ces dernières de se constituer un actionnariat stable
19
» et s'inscrit « dans le cadre d'un
allégement de la fiscalité des actions par rapport à d'autres formes de placement moins
risquées.
20
» D’après la Banque de France, la durée de détention moyenne apparente des actions
françaises par les ménages était de 4,6 années en 2004.
[120]
Si la mesure générale ne produira ses effets qu’à compter de la campagne fiscale 2012, il
faut noter qu’une exception a été prévue s’agissant des titres ou droits de dirigeants de PME
partant à la retraite. La LFR 2005 a en effet précisé que l’abattement pour durée de détention
était applicable dès l’imposition des revenus de l’année 2006, pour les cessions de titres détenus
depuis plus de 6 ans par les dirigeants de PME en vue de leur départ à la retraite. Cette exception
est constitutive d’une dépense fiscale classée comme telle dans les
Voies et moyens
.
[121]
La mesure représente un coût important en 2009 au titre des revenus 2008 : 361 M€,
dont le bénéfice n’est réparti qu’entre 2 219 contribuables, dont 90 % ont un revenu fiscal de
référence supérieur à 85 927 € et dont 50 % ont un revenu fiscal de référence dépassant
397 915 €.
18
Rappelons que la réforme des plus-values immobilières, introduite par l'article 10 de la loi de finances initiale
pour 2004, prévoyait une dégressivité de la taxation de 10 % par année de détention au-delà de cinq ans.
19
Exposé des
motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2005.
20
Intervention au Sénat du ministre délégué au budget dans le cadre de la discussion de la LFR2005, 19 décembre
2005.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 47 -
Graphique 16 : Répartition des bénéficiaires de l’application rétroactive de l’abattement pour durée de
détention
216 M€
59 M€
31 M€
19 M€
13 M€
9 M€
6 M€
4 M€
2 M€
1
M€
0
50
100
150
200
250
RFR ¹ < 85 927 €
85 928 € < RFR < 141 240 €
141 241 € < RFR < 211 394 €
211 395 € < RFR < 293 065 €
293 066 € < RFR < 397 914 €
397 915 € < RFR < 545 785 €
3545 786 € < RFR < 797 341 €
797 342 € < RFR < 1 371 483 €
1 271 484 < RFR < 2 641 335 €
RFR > 2 641 336 €
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP..
b) L’imputation des moins-values réalisées a été étendue dans la durée
[122]
L’article 150-0 D du code général des impôts prévoit que les moins-values subies au cours
d’une année où le seuil d’imposition est atteint sont imputables sur les plus-values de même
nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes. Jusqu’en 2002,
l’imputation pouvait s’opérer sur les cinq années suivantes. Sur initiative parlementaire
intervenue dans le contexte d’affaissement des cours consécutive à l’éclatement de la « bulle
Internet », le PLF 2003 a porté cette période à 10 ans. Cet allongement visait à « lisser » les pertes
tout en incitant les épargnants à conserver une épargne en actions. En effet, l’épargnant devenait
incité « à constater sa moins-value, à redéployer ses actifs, tout en restant en bourse puisque les
pertes ainsi dégagées viendraient s'imputer sur les plus-values futures à escompter pendant une
période de dix ans »
21
.
[123]
Cette possibilité d’imputation des moins-values de cession est également ouverte, depuis
le 1er janvier 2010, pour le calcul de l’assiette des prélèvements sociaux. En effet, en contrepartie
de la suppression, pour ces prélèvements, du seuil de cession, l’assiette est désormais calculée
non plus sur le fondement des plus-values de cessions brutes mais nettes. Ainsi, les moins-values
subies au cours d’une année seront imputables sur les plus-values de même nature réalisées au
cours de la même année et des dix années suivantes, quel que soit le montant annuel des
cessions de l’année considérée.
c) L’application d’un taux forfaitaire de prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu remonte à
1978 mais a été unifié en 2001
[124]
Les gains provenant de cessions imposables de valeurs mobilières, droits sociaux et titres
assimilés, sont soumis, après application de la règle de seuil, de l’abattement pour durée de
détention et imputation des moins-values de cession, au taux forfaitaire d’imposition sur le
revenu de 18 %. Fixé à 16 % pour les cessions réalisées avant le 1er janvier 2008, ce taux a été
porté, sur initiative parlementaire, à 18 % en 2008 puis à 19 % en 2009.
[125]
Pour la campagne d’imposition sur le revenu 2008, l’existence de ce taux forfaitaire
d’imposition à 18 % avait représenté, pour les épargnants déclarant des plus-values, une
économie d’impôt de 1 713 M€ par rapport à l’imposition au barème.
21
Intervention, au nom de la commission des finances, du rapporteur général du budget, M. Philippe Marini,
Sénateur, 22 novembre 2002.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 48 -
Les plus-values immobilières réalisées par les particuliers obéissent à un régime différent selon
qu’il s’agit ou non de la résidence principale
[126]
Les plus-values réalisées par les particuliers sur leur résidence principale sont exonérées
d’impôt sur le revenu. Toute plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est
donc exonérée, quelle que soit la nature du logement (maison individuelle ou appartement).
Aucune durée d’occupation minimale n’est exigée. Cette exonération profite également aux
dépendances du logement (chambres de services, garages, terrains…) si elles sont cédées en
même temps que lui.
[127]
Les autres plus-values immobilières sont, au titre de l’impôt sur le revenu, soumises au
taux proportionnel de 18 %.
2.3.1.6.
Bilan de l’influence d’ensemble des dispositions catégorielles sur la progressivité de
l’impôt
[128]
Le profil de concentration des déductions et abattements catégoriels suit globalement
celui du revenu brut déclaré.
Graphique 17 : Concentration comparée du revenu brut déclaré et des déductions et abattements
catégoriels
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Déductions et abattements sur les revenus bruts catégoriels
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[129]
L’influence des dispositions catégorielles sur la progressivité de l’impôt a été mesurée sur
l’ensemble des 36,5 M de déclarations. L’estimation a été réalisée en trois étapes :
rhombus5
dans un premier temps, ont été calculés les taux marginaux moyens d’imposition des
revenus déclarés, par type de revenus ;
rhombus5
dans un second temps, pour neutraliser les écarts de concentration de revenus selon les
revenus catégoriels, les taux marginaux moyens d’imposition ont été mesurés par décile de
revenu brut global ;
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 49 -
rhombus5
enfin, a été calculé, par décile de revenu brut global, le rapport entre les taux marginaux
moyen d’imposition et le taux moyen observé par décile de revenu.
Tableau 18 : Rapport des taux marginaux moyens d’imposition par catégorie de revenus
Déciles de RBG
TS
PR
RCM*
RF
PV**
BA***
BIC pro
BNC pro
TMMI
total
< 4 070 €
0,0
0,0
12,9
0,0
NS
0,0
0,0
0,0
0,7 %
entre 4 070 et 8 695 €
0,0
0,0
3,6
0,1
NS
0,2
0,1
0,3
0,1 %
entre 8 695 et 11 750 €
0,3
0,1
2,2
0,7
NS
0,3
2,6
5,6
0,1 %
entre 11 750 et 14 199 €
1,3
0,3
1,0
0,5
NS
0,3
0,3
0,7
2,6 %
entre 14 199 et 16 898 €
1,2
0,4
0,9
0,6
1,8
0,4
0,6
1,0
8,0 %
entre 16 898 et 20 403 €
1,1
0,7
1,0
0,8
1,8
0,6
0,7
1,0
8,3 %
entre 20 403 et 25 271 €
1,0
1,0
1,0
0,9
1,6
0,5
0,7
1,0
9,6 %
entre 25 271 et 32 312 €
1,0
1,0
1,0
1,0
1,2
0,6
0,7
1,1
13,6 %
entre 32 312 et 45 171 €
1,0
1,0
1,0
1,0
1,1
0,8
0,9
1,1
14,7 %
> 45 171 €
1,0
1,1
1,0
1,1
0,8
1,1
1,1
1,2
22,4 %
Total
1,1
0,9
1,3
1,7
1,9
1,1
1,2
2,2
8,6%
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[130]
Les résultats obtenus font apparaître:
rhombus5
une moindre imposition relative des pensions et retraites, des revenus fonciers, des
bénéfices agricoles et des bénéfices industriels et commerciaux ;
rhombus5
une sur-imposition relative des plus-values, des revenus de capitaux mobiliers et des
bénéfices non commerciaux.
Graphique 18 : Rapport entre les taux d’imposition catégoriel et le taux d’imposition global
1,0
0,9
1,2
1,8
2,9
1,5
1,7
2,6
1,1
0,9
1,3
1,7
1,9
1,1
1,2
2,2
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
Traitements et
salaires
Pensions et
rentes
Revenus de
capitaux
mobiliers
Revenus fonciers
Plus-values
Bénéfices
agricoles
Bénéfices
industriels et
commerciaux
Bénéfices non
commerciaux
Rapport entre le taux moyen catégoriel et le taux moyen global
Rapport entre le taux marginal moyen d'imposition catégoriel et le taux marginal moyen d'imposition global
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[131]
Les taux moyens et marginaux d’imposition des revenus fonciers, des plus-values et des
bénéfices non commerciaux sont
a contrario
relativement plus élevés que la moyenne.
2.3.2.
La déduction des charges du revenu brut global permet de passer au revenu net global
[132]
L’étape de déduction des charges du revenu brut global exerce un effet négatif sur la
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 50 -
réduction des inégalités de revenus, ce qui procède de leur faible montant agrégé et de la
déformation de la courbe dans le haut de la distribution des revenus.
Graphique 19 : Concentration comparée du revenu brut déclaré et du bénéfice des déductions de charges
du revenu brut global
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Charges déductibles du revenu brut global
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Source
: Données transmises par la direction générale des finances publiques.
[133]
Les pensions alimentaires versées à des personnes non comptées à la charge du
contribuable pour la détermination du nombre de part peuvent être déduites du revenu brut
global. Sont concernées :
rhombus5
les pensions alimentaires versées aux ascendants ou descendants dans le cadre d’une
obligation alimentaire, dans la limite de 5 753 € par bénéficiaire majeur et par an ;
rhombus5
les pensions alimentaires versées en vertu d’une décision de justice (pensions au profit des
enfants, des époux ou ex-époux) qui sont alors majorées de 25 % ;
[134]
Depuis l’imposition des revenus de l’année 2004, sont déductibles du revenu brut global
les cotisations ou primes versées, par chaque membre d’un foyer fiscal au :
rhombus5
plan d’épargne retraite populaire (PERP) ;
rhombus5
plan d’épargne retraite entreprise (PERE) ;
rhombus5
régime PREFON ;
rhombus5
complément de retraite mutualiste ;
rhombus5
complément de retraite des particuliers.
[135]
Le plafond général de déduction s’établit, pour chaque membre du foyer fiscal à la
différence constatée, au titre de l’année précédente, entre :
rhombus5
une fraction égale à 10 % des revenus professionnels retenu dans la limite de huit fois le
montant annuel du plafond de sécurité sociale ;
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 51 -
rhombus5
et le montant des cotisations ou primes correspondant à l’épargne retraite constituée dans
le cadre professionnel.
[136]
Ainsi, les cotisations versées étaient déductibles en 2009 avec une limite minimum de 3
328 et un maximum de 26 621 €.
[137]
Les dépenses de grosse réparation effectuées par les nus-propriétaires peuvent, sur
option du contribuable, constituer une charge déductible du revenu global dans la limite annuelle
de 25 000 €. Cette déduction concerne les immeubles :
rhombus5
dont le démembrement de propriété résulte d’une succession ou d’une donation effectuée
sans charge ni condition entre parents jusqu’au quatrième degré ;
rhombus5
quelle que soit leur affectation : l’immeuble peut être occupé par le nu-propriétaire ou par
l’usufruitier, donné en jouissance gratuite à un tiers ou donné en location par l’usufruitier.
La fraction des dépenses qui excède la limite de 25 000 € est déductible du revenu des dix années
suivantes dans la même limite annuelle de 25 000 €.
[138]
Les charges relatives aux monuments historiques sont également déductibles. Il s’agit des
immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, des immeubles faisant partie
du patrimoine national en raison de leur caractère historique ou artistique. Quatre régimes
différents coexistent :
rhombus5
les propriétaires de monuments historiques occupant une partie de ces immeubles et
percevant des droits de visite peuvent déduire de leur revenu brut global la fraction des
frais et charges non déduite des revenus bruts fonciers (en général 25 % du total), en
totalité pour les immeubles classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire et à 50 % (soit
12,5 % de la dépense totale) pour les immeubles agréés au titre du patrimoine national ;
rhombus5
les propriétaires de monuments historiques ne percevant aucune recette peuvent déduire
la totalité des sommes versées à l’administration des Affaires culturelles, le montant des
travaux (de réparation ou d’entretien) subventionnés, diminué de la quote-part de
subvention afférente à ces travaux, et les autres charges foncières en totalité pour les
immeubles ouverts au public et sinon pour moitié ;
rhombus5
les propriétaires d’immeubles ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine ne
percevant aucune recette peuvent déduire les charges pour travaux de réparation et
d’entretien à hauteur de 50 % lorsque les travaux sont subventionnés pour moins de 20 %
de leur montant et en totalité lorsque les travaux sont subventionnés
pour plus de 20 % de
leur montant ;
rhombus5
les propriétaires ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine percevant des recettes
peuvent déduire les travaux dans les conditions de droit commun.
[139]
À ces charges déductibles s’ajoutent des déductions présentant un statut particulier : les
déficits globaux des années antérieures, qui peuvent être reportés sur le revenu global des six
années suivantes. Au-delà, le déficit qui n’a pas été imputé est définitivement perdu. Derrière ce
principe général, existent plusieurs régimes particuliers selon les catégories de revenus. Par
exemple :
rhombus5
pour les déficits fonciers, la limite de report est de 10 700 €, la partie du déficit qui excède
ce montant étant imputable sur les revenus fonciers des dix années suivantes ;
rhombus5
pour les déficits agricoles, l’imputation n’est admise que lorsque le total des revenus nets
des autres catégories de revenus réalisés par l’ensemble des membres du foyer ne dépasse
pas 104 655 €.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 52 -
L’impact de cette possibilité d’imputer les déficits globaux mériterait un examen approfondi. Bien
que constituant en partie des charges calculées, ils ne peuvent, en tout état de cause être
assimilés dans leurs mécanismes et leurs
finalités aux autres charges déductibles.
2.3.3.
Le quotient familial et conjugal
[140]
L’impôt sur le revenu a un caractère familial. Depuis 1948, l’impôt progressif sur le revenu
prend en compte la vie conjointe et les charges de famille : le revenu imposable est divisé par un
certain nombre de « parts » qui varie selon la situation conjugale (célibataire, marié, pacsé) des
déclarants et leurs charges de famille ; sur ce revenu par part est appliqué le barème ; le résultat
est remultiplié par le nombre de parts. Le quotient familial consiste à tenir compte du fait familial,
le quotient conjugal désigne principalement le fait d’imposer les apporteurs de revenus de façon
conjointe et non pas séparée.
2.3.3.1.
Le quotient familial exerce un effet régressif par rapport au revenu que ne corrige pas
son plafonnement
[141]
Le quotient familial, qui constitue à l’exception du Luxembourg, une exception française
consiste à déterminer un nombre de parts correspondant à la situation de famille des
contribuables en tenant compte :
rhombus5
de la situation personnelle des intéressés suivant qu’ils sont célibataires, mariés ou pacsés
soumis à l’imposition commune, veufs, divorcés ou séparés ;
rhombus5
du nombre de personnes fiscalement à leur charge (enfants mineurs du contribuable ou
enfants recueillis, enfants majeurs célibataires, personnes titulaires d’une carte d’invalidité
vivant sous le toit du contribuable…).
[142]
Le nombre de parts à prendre en considération pour la détermination du quotient familial
fait intervenir plusieurs singularités. Les célibataires, divorcés ou veufs sans enfant à charge ont le
droit à une part. Les contribuables mariés ou pacsés soumis à l’imposition commune et sans
enfant à charge, ont le droit à deux parts. Les deux premiers enfants donnent droit chacun à une
demi-part de quotient familial, de même que les personnes invalides à charge. Chaque enfant à
charge à partir du troisième donne à une part entière de quotient familial au lieu d’une demi-part
[143]
Des quarts de parts ou demi-parts supplémentaires sont accordées pour tenir compte de
situations particulières. S’agissant des enfants à charge, une demi-part supplémentaire est
accordée, pour le premier enfant aux célibataires ou divorcés qui en exercent à titre exclusif ou
principal la charge, nonobstant la perception d’une pension alimentaire versée pour leur
entretien. En cas de résidence alternée, chaque parent bénéficie d’un quart de parts
supplémentaire pour chacun des deux premiers enfants et une demi-part à partir du troisième.
Une demi-part supplémentaire est également accordée pour chaque enfant célibataire à charge
titulaire de la carte d’invalidité. Une demi-part supplémentaire est également accordée pour les
couples mariés ou pacsés lorsque l’un au moins des conjoints ou partenaires est invalide.
[144]
Il faut également relever que pour les enfants de 18 à 21 ans qui sont toujours à charge,
les contribuables peuvent choisir entre le rattachement au foyer fiscal parental ou la déduction
d’une pension alimentaire du revenu imposable (des parents). Lorsque les enfants n’ont pas de
revenus propres, le choix entre les deux options est neutre sur l’ensemble de la famille pour les
hauts revenus soumis au taux maximum d’imposition (pour les enfants mariés, seul le mécanisme
de l’abattement est autorisé). Après 21 ans, les enfants ne peuvent être rattachés au foyer
parental que s’ils poursuivent leurs études. Après 25 ans, le rattachement n’est plus possible. Le
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 53 -
rattachement des enfants majeurs est présenté par l’administration fiscale comme une
« modalité de calcul de l’impôt » et dont le coût était estimé pour 2010 à 2,0 Md€ dans le tome II
des
Voies et moyens
annexé au projet de loi de finances pour 2011.
22
[145]
Depuis 1981, existe un plafonnement du quotient familial. L’avantage maximum en impôt
résultant de l’application du quotient familial s’établissait pour les revenus 2009 à 2 301 € pour
chaque demi-part qui s’ajoute à une part pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et
à deux parts pour les contribuables mariés ou soumis à imposition commune. En cas de résidence
alternée des enfants à charge de l’un et l’autre parent, cet avantage de 2 301 € est réduit de
moitié par quart de part qui s’ajoute à une part (célibataires, divorcés, veufs) ou à deux parts
(couples maris ou soumis à imposition commune). Par ailleurs, pour les contribuables célibataires,
divorcés ou séparés vivant seuls et supportant effectivement la charge principale ou exclusive de
leurs enfants, l’avantage maximal en impôt procuré par la part entière attachée au premier enfant
à charge ne peut excéder 3 980 €, le plafond de 2 301 € demeurant inchangé pour les autres
demi-parts.
[146]
La composante « charges de famille » du quotient familial a pu être isolée dans la
décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu. Pour ce faire, les quarts de parts
ou demi-parts supplémentaires ont été ramenée à zéro. Pour prendre un exemple, au lieu d’être
divisé par trois parts, le revenu imposable d’un couple marié avec deux enfants a donc été divisé
par deux parts. De même, le revenu net global des célibataires ayant un enfant à charge a été
divisé par non plus deux mais une part.
[147]
Le coût, en moindres recettes fiscales, de la composante « charges de famille » du
quotient familial s’établit à 13,9 Md€ pour les revenus 2009.
[148]
Le bénéfice de la composante familiale du quotient est particulièrement
concentré puisque :
rhombus5
les foyers appartenant aux cinq premiers déciles de revenu brut déclaré se partagent 10 %
seulement de l’atténuation fiscale ;
rhombus5
les foyers appartenant aux sixième et septième déciles de revenu brut déclaré se partagent
14 % de cette atténuation d’impôt ;
rhombus5
les foyers appartenant au huitième décile concentrent 12 % de l’avantage fiscal ;
rhombus5
ceux du neuvième décile concentrent 18 % de l’avantage fiscal ;
rhombus5
enfin, les foyers de décile de revenu brut déclaré le plus élevé concentrent 46 % de
l’avantage fiscal.
22
Le quotient familial n’est pas l’unique avantage consenti aux familles dans le cadre de l’impôt sur le revenu. S’y
ajoutent notamment l’exonération de l’assiette d’imposition des prestations familiales, des réductions d’impôt
spécifiques pour « compenser » les frais de scolarité (à partir du collège) ainsi que les réductions au titre des coûts
de garde des jeunes enfants.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 54 -
Graphique 20 : Répartition comparée du revenu brut déclaré et de l’avantage tiré de la composante
« charges de famille » du quotient familial
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Atténuation d'impôt résultant du quotient familial
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Les 50 % des foyers déclarant les plus faibles revenus se partagent
10%
de l'avantage fiscal
Les 20 % suivants…14 %
Les 10 %
suivants…
12 %
Les 10 %
suivants…
18 %
Les 10 %
suivants…
46 %
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
2.3.3.2.
Le quotient conjugal présente des effets ambigus en matière de redistribution
[149]
Le système fiscal français réserve aux couples mariés ou pacsés la possibilité de procéder
à une déclaration conjointe. Quelle que soit leur nature ou leur origine, les ressources du foyer
fiscal se trouvent ainsi mises en commun au nom du principe de solidarité familiale. Le conjoint
ou partenaire se voyant attribuer une part fiscale entière et le barème de l’impôt sur le revenu
étant progressif, les couples bénéficient en général d’un gain en impôt appelé « quotient
conjugal ». Ce gain est d’autant plus élevé que l’écart de revenus au sein du couple est important.
Cette distorsion entre couples mariés ou pacsés et concubins non pacsés emporte des effets
contrastés selon le niveau et les écarts de revenus.
[150]
Au plan théorique, il convient de rappeler que la neutralité de l’impôt par rapport à la vie
en couple et à la structure des revenus du couple est par construction contradictoire avec celle de
progressivité. Deux conceptions de la neutralité peuvent en effet exister : la non pénalisation du
mariage supposerait que l’impôt payé ne varie pas lorsque deux célibataires se pacsent ou se
marient ; la neutralité à l’égard de la structure des revenus du couple supposerait quant à elle que
l’impôt payé par un couple dépende de son revenu global, indépendamment de la façon dont se
revenu se répartit entre les deux conjoints. Si ces deux conceptions de la neutralité étaient
respectées, l’impôt ne serait alors guère progressif puisque l’imposition séparée de deux
célibataires percevant le même revenu déboucherait sur un impôt égal à celui d’un célibataire
percevant à lui seul le revenu global des deux déclarants. Or, la progressivité implique que lorsque
le revenu double, l’impôt fait plus que doubler. Cette contradiction ne peut être résolue qu’au
prix de l’abandon de l’une ou l’autre des deux conceptions de la neutralité, ce qui conduit à
introduire une certaine discrimination, à revenu global égal, soit entre deux célibataires et un
couple, soit entre un couple à un seul revenu et un couple à deux revenus équivalents. Le système
français de taxation conjointe sur deux parts débouche sur un impôt payé indépendant de la
répartition du revenu entre les deux conjoints.
[151]
Les études conduites en France montrent que le quotient conjugal est avantageux ou
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 55 -
neutre pour quatre couples sur cinq, favorable pour deux couples sur trois avec un ou deux
enfants et d’autant plus important que les couples sont monoactifs
23
.
2.3.4.
Le barème par tranche exerce toujours un important effet redistributif
2.3.4.1.
Le barème assure l’essentiel de l’impact redistributif de l’impôt sur le revenu
[152]
L’impôt issu du seul barème est beaucoup plus concentré que le revenu brut déclaré
puisque :
rhombus5
les foyers
appartenant aux six premiers déciles de revenu brut déclaré concentrent 8 %
seulement de l’impôt issu du seul barème ;
rhombus5
les foyers du septième décile concentrent 6 % de l’impôt issu de seul barème ;
rhombus5
les foyers du huitième décile 9 % ;
rhombus5
ceux du neuvième décile 16 % ;
rhombus5
enfin, les foyers du décile présentant les revenus bruts déclarés les plus élevés concentrent
64 % de l’impôt issu du seul barème.
Graphique 21 : Concentration comparée du revenu brut déclaré et de l’impôt résultant du seul barème
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Impôt résultant du seul barème
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Les 60 % des foyers déclarant les plus faibles revenus concentrent
8%
de l'impôt résultant du seul barème
Les 10 %
suivants…
6 %
Les 10 %
suivants…
9 %
Les 10 %
suivants…
16 %
Les 10 %
suivants…
61 %
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
23
François Legendre et Florence Thibault,
Les concubins et l’impôt sur le revenu en France
,
Economie et statistiques
n°401, 2007.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 56 -
2.3.4.2.
Le barème de l’impôt sur le revenu a été fortement allégé au cours de la dernière
décennie
[153]
L’évolution du barème dépend du nombre de tranches, de leur taux de réévaluation et du
taux marginal d’imposition par tranche. L’allègement et la simplification du barème intervenus au
cours des années 1990 ont été poursuivis au cours des années 2000. Depuis vingt ans, le nombre
de tranches a ainsi été sensiblement réduit, d’abord de 13 tranches à 7 tranches à compter des
revenus 1993 puis de 7 tranches à 5 tranches depuis les revenus 2006. Parallèlement, plusieurs
baisses de taux sont intervenues :
rhombus5
un plan de baisse des taux du barème de l’impôt sur le revenu répartie sur les années
d’imposition des revenus de 2000 et 2001 a ainsi été adopté dans le cadre du projet de loi
de finances pour 2001 : les taux des quatre premières tranches ont été baissées de deux
points, mesure qui s’est ajoutée à la baisse d’un point des deux premières tranches
appliquées pour l’imposition des revenus 1999 et les deux taux les plus élevés (48 et 54 %)
ont été baissés en deux ans de 1,25 point ;
rhombus5
une réduction de 6 % de l’impôt sur le revenu a été accordée au titre des revenus 2001(LFR
2002) ;
rhombus5
tous les taux du barème ont été baissés de 3 % par la loi de finances pour 2003 ;
rhombus5
la réforme du barème par la loi de finances pour 2006 a enfin réduit à quatre le nombre de
tranches, les taux étant par ailleurs ramenés à 0, 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 % ;
rhombus5
dans le cadre de la réforme des retraites, la loi de finances pour 2011 a relevé d’un point à
41 % le taux de la tranche marginale supérieure d’imposition.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 57 -
Tableau 19 : Évolution des tranches et taux légaux d’imposition entre 2001 et 2006
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Limites
inférieures
Taux
Limites
inférieures
Taux
Limites
inférieures
Taux
Limites
inférieures
Taux
Limites
inférieures
Taux
Limites
inférieures
Taux
4 055 €
8,25%
4 121 €
7,50%
4 191 €
7,05%
4 262 €
6,83%
4 334 €
6,83%
4 412 €
6,83%
7 976 €
21,75%
8 104 €
21,00%
8 242 €
19,74%
8 382 €
19,14%
8 524 €
19,14%
8 678 €
19,14%
14 039 €
31,75%
14 264 €
31,00%
14 506 €
29,14%
14 753 €
28,26%
15 004 €
28,26%
15 225 €
28,26%
22 732 €
41,75%
23 096 €
41,00%
23 489 €
38,54%
23 888 €
37,38%
24 294 €
37,38%
24 731 €
37,38%
36 987 €
47,25%
37 579 €
46,75%
38 218 €
43,94%
38 868 €
42,62%
39 529 €
42,62%
40 241 €
42,62%
45 612 €
53,25%
46 343 €
52,75%
47 131 €
49,58%
47 932 €
48,09%
48 747 €
48,09%
49 624 €
48,09%
Source
: Loi de finances 2001 è 2006.
Tableau 20 : Évolution des tranches et taux légaux d’imposition entre 2007 et 2010
2006
2007
2008
2009
Limites inférieures
Taux
Limites inférieures
Taux
Limites inférieures
Taux
Limites inférieures
Taux
5 615 €
5,50%
5 688 €
5,50%
5 853 €
5,50%
5 876 €
5,50%
11 198 €
14%
11 345 €
14%
11 674 €
14%
11 721 €
14%
24 872 €
30%
25 196 €
30%
25 927 €
30%
26 031 €
30%
66 679 €
40%
67 546 €
40%
69 505 €
40%
69 783 €
40%
Source
: Lois de finances 2007 à 2010.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 58 -
2.3.4.3.
La réforme du barème intervenue en 2006 a essentiellement profité aux contribuables
à hauts revenus
[154]
Cette réforme a été plus poussée que les précédentes. La loi de finances initiale pour
2007 a simplifié le barème de l’impôt sur le revenu. Applicable à partir de l’impôt payé en 2007
sur les revenus 2006, cette réforme a engendré un écrasement du barème effectif d’imposition.
Au lieu des six tranches, le barème a en effet été ramené à quatre tranches d’imposition (avec
une première tranche à zéro). L’abattement de 20 % qui était appliqué sur la plupart des revenus
a été supprimé et intégré au barème. Les seuils définissant les tranches ont donc été recalculés
afin d’être comparables non plus au revenu abattu mais au revenu non abattu de 20 %. Ce
nouveau barème n’a pas modifié les deux premiers seuils d’imposition et n’a modifié qu’à la
marge le taux de la première tranche.
Les quatre premières tranches de l’ancien système ont été
réduites à deux, et les taux marginaux d’imposition du nouveau barème varient suivant la zone de
revenu considéré, en-dessous ou au-dessus de l’ancien barème. Surtout, la dernière tranche
commence plus haut dans l’échelle des revenus. Les travaux de l’INSEE
24
ont mis en évidence que
le gain de la réforme avait été maximum pour les foyers dont les personnes dont les revenus se
situaient au niveau des troisième et quatrième tranche du nouveau barème.
[155]
Ventilés par décile, les taux marginaux moyens
25
d’imposition se sont fortement resserrés
pour les cinquième, sixième et septième déciles. Le taux marginal moyen d’imposition, étalonné
de 10,3 à 15,2 % en 2005, s’établit désormais autour de 7,6 %. Les trois derniers déciles de
revenus ont pour leur part vus leurs taux marginaux moyens d’imposition ramenés de 16,8, 20,2
et 29,1 % à 12,5, 14,4 et 22,2 %. Il convient de relever que l’écart entre le taux marginal moyen du
dernier décile et celui du septième décile s’est accru, passant de 10 à 13 points. Surtout, le taux
marginal moyen du septième décile a été divisé par deux tandis que celui du dernier décile était
réduit d’un quart. Ainsi s’explique que l’impôt net soit aujourd’hui plus concentré malgré
l’abaissement des taux marginaux supérieurs d’imposition.
Graphique 22 : Évolution des taux marginaux moyens d’imposition depuis 2005
0,7%
0,0%
0,1%
1,6%
10,3%
11,1%
15,2%
16,8%
0,8%
7,8%
7,6%
20,2%
29,1%
22,2%
14,4%
12,5%
7,6%
2,0%
0,1%
0,1%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
30,0%
35,0%
1er décile
2ème
décile
3ème
décile
4ème
décile
5ème
décile
6ème
décile
7ème
décile
8ème
décile
9ème
décile
10ème
décile
2005
2006
2007
2008
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
24
Elise Amar, Vincent Bonnefoy, François Marical et Benoît Mirouse,
La redistribution en 2007 et la réforme de
l’impôt sur le revenu et la prime pour l’emploi
, INSEE Références, 2007.
25
Il s’agit d’une moyenne non pondérée.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 59 -
2.3.5.
Les réductions d’impôt exercent un effet globalement anti-redistributif
[156]
Les réductions d’impôt suivent un profil sensiblement identique à celui de l’impôt issu du
barème (quotient familial inclus) :
rhombus5
les foyers appartenant aux six premiers déciles de revenus bruts déclarés concentrent
seulement 6 % des crédits d’impôt ;
rhombus5
les foyers du septième décile en concentrent 6 % ;
rhombus5
ceux du huitième décile 9 % ;
rhombus5
ceux du neuvième décile 17 % ;
rhombus5
enfin les foyers appartenant au décile déclarant les revenus bruts les plus élevés
concentrent à eux seuls 62 % des crédits d’impôts.
[157]
Les crédits d’impôt sont donc une fonction linéaire de l’impôt issu du barème.
Graphique 23 : Concentration comparée du revenu brut déclaré et des réductions d’impôt
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Réductions d'impôt
Impôt issu du barème (QF inclus)
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Les 60 % des foyers déclarant les plus faibles revenus se partagent
6%
des réductions d'impôt
Les 10 %
suivants…
6%
Les 10 %
suivants…
9 %
Les 10 %
suivants…
17%
Les 10 %
suivants…
62%
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
2.3.6.
La contribution des crédits d’impôt à la réduction des inégalités est au total légèrement
positive, résultat imputable à la prime pour l’emploi
[158]
Les crédits d’impôts sont beaucoup moins concentrés que le revenu brut déclaré, ce qui
résulte notamment de la prime pour l’emploi. On observe ainsi que :
rhombus5
les foyers appartenant aux trois premiers déciles de revenus bruts déclarés concentrent
15 % des crédits d’impôt ;
rhombus5
ceux des quatrième et cinquième déciles concentrent 13 % des crédits d’impôt ;
rhombus5
ceux des sixième et septième déciles concentrent également 13 % des crédits d’impôt ;
rhombus5
ceux du huitième décile concentrent 11 % des crédits d’impôt ;
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 60 -
rhombus5
ceux du neuvième décile 16 % ;
rhombus5
enfin, les foyers appartenant au décile de revenu le plus élevé dans l’échelle des revenus
bruts déclarés concentre 32 % des crédits d’impôt.
Graphique 24 : Concentration comparée du revenu brut déclaré, de l’impôt issu du barème (quotient
familial inclus) et des crédits d’impôt
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Crédits d'impôt
Impôt issu du barème (QF inclus)
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Les 30 % des foyers déclarant les plus
faibles revenus se partagent 15%
des
crédits d'impôt
Les 20 % suivants… 13%
Les 20 % suivants… 13%
Les 10 %
suivants…
11%
Les 10 %
suivants…
32%
Les 10 %
suivants…
16%
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[159]
Si l’on décompose les crédits d’impôts en isolant l’effet de la prime pour l’emploi, il est
observé que les crédits d’impôts hors PPE ont alors un impact régressif par rapport au revenu. La
concentration des crédits d’impôts hors PPE passe alors à 63 % pour les 20 % de foyers qui se
situent dans le haut de la distribution des revenus, contre 48 % lorsque l’on inclut la PPE.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 61 -
Graphique 25 : Concentration comparée du revenu brut déclaré, de l’impôt issu du barème (quotient
familial inclus) et des crédits d’impôt
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Proportion des ménages classés selon le revenu brut déclaré croissant
Revenu brut déclaré
Prime pour l'emploi
Crédits d'impôts sans PPE
Impôt issu du barème (quotient familial inclus)
Première bissectrice = distribution
la plus égalitaire
Les 30 % des foyers déclarant les plus
faibles revenus se partagent 5 %
des
crédits d'impôt hors PPE
Les 20 % suivants… 6 %
Les 20 % suivants… 13%
Les 10 %
suivants…
13%
Les 10 %
suivants…
46%
Les 10 %
suivants…
17%
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 62 -
3.
L’imposition des hauts revenus et des hauts patrimoines : une visibilité
encore partielle
[160]
Le présent chapitre vise essentiellement à rendre compte, en statistique descriptive, de
caractéristiques dominantes de l’imposition des hauts revenus et des hauts patrimoines.
S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, il ne prétend aucunement dupliquer les analyses
conduites dans le cadre du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires consacré en 2009 au
Patrimoine des ménages, mais propose des compléments d’information permettant d’enrichir
l’information disponible sur le fonctionnement de l’impôt.
[161]
Dans une publication récente consacrée aux « très hauts revenus », c’est-à-dire au 1 %
présentant les revenus les plus élevés, l’INSEE distingue :
rhombus5
les « hauts revenus » qui représentent les 10 % des
ménages classés dans le haut de
l’échelle des niveaux de vie ;
rhombus5
les « aisés » qui représentent les 1 % les plus favorisés ;
rhombus5
les « très aisés », qui appartiennent aux 0,1 % les plus favorisés ;
rhombus5
les « plus aisés », qui appartiennent aux 0,01 % les plus favorisés.
Graphique 26 : Découpage de la population des très hauts revenus réalisée par l’INSEE
Source
: INSEE, dossier sur les très hauts revenus.
[162]
Cette étude met en évidence que :
rhombus5
au sein même des très hauts revenus, les revenus sont fortement concentrés sur quelques
personnes, ce qui s’illustre par le fait que l’indice de Gini des hauts revenus (0,13) soit plus
deux fois inférieur à celui des plus aisés (0,28) ;
rhombus5
les 10 % les plus riches reçoivent les deux tiers des revenus du patrimoine et quatre
cinquième des revenus exceptionnels ;
rhombus5
les revenus d’activité occupent une part décroissante des revenus totaux au fur et à mesure
que l’on monte dans la hiérarchie des revenus déclarés, si bien que la moitié des revenus
des plus aisés sont des revenus du capital ;
rhombus5
le taux d’imposition des revenus des personnes à très hauts revenus serait de 20 % ;
rhombus5
pour les personnes très aisées et les personnes les plus aisées, le poids de l’impôt sur le
revenu serait de l’ordre de 25 % ;
rhombus5
ce dernier résultat serait très dispersé puisque un quart des plus aisés aurait un taux
d’imposition des revenus déclarés inférieur à 15 % et plus d’un autre quart un taux
d’imposition supérieur à 35 %.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 63 -
3.1.
L’imposition globale des plus aisés ne peut être mesurée
[163]
L’appareil de statistique fiscale ne permet pas de mesurer de façon intégrée l’imposition
globale des revenus ou des patrimoines en isolant pour un même foyer l’impôt sur le revenu, la
taxe d’habitation, la taxe foncière, la CSG et les prélèvements connexes, les droits de mutation et
autres impositions ou taxes.
[164]
Les tentatives d’appréciation globale de l’imposition pesant sur les ménages n’ont
jusqu’ici été entreprises que sur le fondement d’hypothèses sur les comportements, sans
appariement entre données. C’est par exemple le cas des travaux publiés en 2011 par les
économistes Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez
26
.
3.2.
L’imposition à l’IR des plus hauts revenus
3.2.1.
Plus les revenus augmentent, plus s’accroissent les parts des revenus non salariaux et
des revenus taxés à taux forfaitaires ou proportionnels
[165]
L’examen de la structure des revenus des foyers aisés en 2008 permet de mettre en
évidence que :
rhombus5
les 1 % de foyers aisés (363 903 foyers) ont déclaré 94,9 Md€ de revenus, constitués à 41 %
de traitements et salaires, à 4 % de pensions, à 16 % de revenus de capitaux mobiliers et à
11 % de plus-values de cession ;
rhombus5
les 0,10 % de foyers très aisés (36 390 foyers) ont déclaré 33,3 Md€ de revenus, constitués
à 26 % de traitements et salaires, à 1 % de pensions, à 24 % de revenus de capitaux
mobiliers et à 29 % de plus-values de cession ;
rhombus5
les 0,01 % de foyers les plus aisés (3 639 foyers) ont déclaré 13,1 Md€ de revenus,
constitués à 15 % de traitements et salaires, à 22 % de revenus de capitaux mobiliers et à
53 % de plus-values de cession ;
rhombus5
enfin les 0,001 % de foyers au sommet de la hiérarchie des revenus (364 foyers) ont déclaré
4,7 Md€ de revenus, constitués à 7 % de traitements et salaires, à 17 % de revenus de
capitaux mobiliers et à 72 % de plus-values de cession.
[166]
La part de dividendes et plus-values, taxés à taux forfaitaire ou proportionnel, s’établit
donc à :
rhombus5
28 % des revenus bruts déclarés pour les 1 % des foyers aisés ;
rhombus5
53 % des revenus bruts déclarés pour les 0,1 % des foyers très aisés ;
rhombus5
75 % des revenus bruts déclarés pour les 0,01 % des foyers les plus aisés ;
rhombus5
89 % des revenus bruts déclarés pour les 0,001 % des foyers au sommet de la hiérarchie des
revenus.
26
Pour une révolution fiscale, un impôt sur le revenu pour le XXIème siècle, Editions du Seuil, janvier 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 64 -
Graphique 27 : Structure de revenus des foyers aisés
39 074
8 736
1 920
349
14 294
3 430
528
15 480
7 837
2 955
813
5 470
1 322
10 694
9 673
6 966
3 349
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1%
0,10%
0,01%
0,001%
Salaires
Pensions
BA
BIC
BNC
RCM*
RF
PV sur cessions de VMP
autres
Source
: Rapporteur, d’après données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
3.2.2.
La contribution des plus hauts revenus à l’impôt sur le revenu reflète la très forte
concentration des revenus et de l’impôt
[167]
La surconcentration de l’impôt sur le revenu s’illustre par le fait que :
rhombus5
les 1 % des foyers aisés concentrent 8,1 % du revenu brut déclaré mais 37,3 % de l’impôt
(16,7 Md€) ;
rhombus5
les 0,1 % des foyers très aisés concentrent 1,9 % des revenus et 14,3 % de l’impôt
(6,4 Md€) ;
rhombus5
les 0,01 % des foyers les plus aisés concentrent 0,4 % des revenus et 5,0 % de l’impôt (2,2
Md€) ;
rhombus5
les 0,001 % des foyers au sommet de la hiérarchie des revenus concentrent 0,1 % des
revenus et 1,6 % de l’impôt (715 M€).
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 65 -
Graphique 28 : Part dans hauts revenus dans le revenu net global et dans l’impôt sur le revenu acquitté
en 2008
8,1%
1,9%
0,4%
0,1%
37,3%
14,3%
5,0%
1,6%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
30,0%
35,0%
40,0%
1%
0,10%
0,01%
0,001%
Part du revenu net global
Part dans l'impôt sur le revenu payé par l'ensemble des contribuables y compris prélèvement forfaitaire libératoire
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[168]
L’examen, pour le dernier centile de revenu brut déclaré, du ratio entre l’impôt brut (ou
net) et le revenu brut déclaré, donc le taux moyen d’imposition du revenu brut déclaré, confirme
la progressivité observée en première partie du présent rapport. Ce taux moyen progresse très
fortement de 5,2 % pour les foyers appartenant au 90ème centile à 18,4 % pour les foyers du
dernier centile. Il convient de souligner que l’impact des réductions et crédits d’impôts s’accroît
très sensiblement avec le revenu. Alors que le taux moyen d’imposition du revenu brut est
atténué de 1,6 point pour les foyers du 90
ème
centile, il l’est de 2,8 points pour le dernier centile.
Les réductions et crédits d’impôts exercent, pour les foyers du dernier centile, un effet de levier
dans l’atténuation de l’impôt à payer 75 % plus important que pour les foyers du 90
ème
centile.
Graphique 29 : Taux moyen de prélèvement sur le revenu brut fiscal déclaré par centile de revenu
(dernier décile)
6,8%
7,1%
7,3%
7,7%
8,2%
8,8%
9,5%
10,5%
12,1%
21,2%
5,2%
5,4%
5,7%
6,0%
6,4%
6,9%
7,6%
8,5%
9,8%
12,0%
14,5%
18,4%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
D90
D91
D92
D93
D94
D95
D96
D97
D98
D99
D100
Ratio - Impôt brut sur revenu brut déclaré
Ratio - Impôt net sur revenu brut déclaré
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 66 -
Source
: Rapporteur, d’après les données sur les revenus 2009 (cinquième émission) transmises par le bureau GF3C de la
DGFiP.
Lecture du graphique
: les ménages du dernier décile ayant été classés, en abscisses, par centile de revenu croissants, la
courbe en bleu représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré avant réductions et crédits d’impôt. La
courbe en vert représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré après réductions et crédits d’impôt.
[169]
Examiné pour les revenus 2009 (sixième émission), le taux moyen de prélèvement sur le
revenu brut fiscal déclaré fait apparaître une baisse de taux au sein du centile supérieur de revenu
brut déclaré. Alors que les 352 335 foyers fiscaux appartenant au centile supérieur de revenu brut
déclaré présentent un ratio impôt net sur revenu brut déclaré de 18,3 %, ceux qui parmi eux
appartiennent aux 35 233 foyers les plus aisés présentent un ratio de 20,5 %, tandis que les 3 523
foyers en haut de la distribution des revenus se distinguent par un ratio de 17,5 % et les 352
foyers les plus riches par un ratio de 15,0 %.
Graphique 30 : Taux moyen de prélèvement sur le revenu brut fiscal déclaré (revenus 2009, dernier
centile de revenus)
6,8%
7,1%
7,3%
7,7%
8,2%
8,8%
9,5%
10,5%
12,1%
14,5%
21,2%
23,3%
5,2%
5,4%
5,7%
6,0%
6,4%
6,9%
7,6%
8,5%
9,8%
12,0%
18,3%
15,0%
16,6%
19,8%
17,5%
20,5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
D90
D91
D92
D93
D94
D95
D96
D97
D98
D99
D100
D 1 000
D 10 000
D 100 000
Ratio - impôt brut sur revenu brut déclaré
Ratio - impôt net sur revenu brut déclaré
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP.
Lecture du graphique
: les ménages du dernier décile ayant été classés, en abscisses, par fractiles de revenu croissants, la
courbe en bleu représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré avant réductions et crédits d’impôt. La
courbe en vert représente le taux de prélèvement sur le revenu brut déclaré après réductions et crédits d’impôt.
3.3.
L’imposition à l’ISF des plus hauts patrimoines
3.3.1.
Rappel des principes de fonctionnement de l’ISF
[170]
Pour rappel, l’impôt de solidarité sur la fortune est premièrement dû par les personnes
physiques ayant leur domicile fiscal en France à raison de tous leurs biens, qu’ils soient situés sur
le territoire national ou en dehors, lorsque la valeur totale du patrimoine ainsi détenue est
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 67 -
supérieure au seuil de la première tranche du barème (790 000 euros en 2009). Sont également
concernées les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal situé en France, à raison de
leurs biens situés en France. En dehors des cas d’exonération, tous les biens, meubles ou
immeubles appartenant aux contribuables domiciliés en France entrent dans le champ
d’application de l’impôt, que ces biens soient situés en France ou hors de France. Toutefois, les
contribuables domiciliés en France et disposant de biens situés à l’étranger peuvent bénéficier de
l’imputation sur leur ISF en France de l’impôt sur la fortune éventuellement acquitté à l’étranger.
Pour les personnes domiciliées fiscalement hors de France, seuls les biens situés en France sont
imposables.
[171]
Il convient de souligner que si l’imposition à l’ISF se fait par foyer fiscal, cette notion de
foyer fiscal de l’ISF diffère de celle prise en compte pour l’impôt sur le revenu. Les couples de
concubins non pacsés sont imposés ensemble sur la totalité de leur patrimoine, alors que
l’imposition commune
pour l’impôt sur le revenu ne concernera que les couples mariés et
partenaires pacsés. Le patrimoine des enfants majeurs n’est par ailleurs pas pris en compte pour
l’ISF, même s’ils sont rattachés au foyer fiscal pour l’impôt sur le revenu. Comme en matière
d’impôt sur le revenu, sont en revanche imposés séparément à l’ISF, sur leur patrimoine
respectifs : les époux mariés sous le régime de la séparation de biens et ne vivant pas sous le
même toit, de même que les époux en instance de séparation de corps ou de divorce et autorisés
à avoir des résidences séparées.
[172]
Les principales exonérations ont trait aux biens professionnels, aux titres détenus avec un
engagement de conservation
(« Pacte Dutreil ») ou encore aux œuvres d’art. La résidence
principale bénéfice d’un abattement de 20 %, porté à 30 % en 2007 par la loi TEPA.
3.3.2.
Un impôt caractérisé par l’existence d’un plafonnement de cotisation puis d’un
plafonnement des impôts directs ou « bouclier fiscal » destiné à en atténuer l’impact
économique et financier pour les contribuables
[173]
Depuis son rétablissement en 1988, l’ISF voit sa cotisation plafonnée par rapport aux
revenus du contribuable. Fixé à 70% des revenus disponibles en 1988, ce plafonnement, qui ne
tient pas en compte des impôts locaux payés et s’applique aux revenus de l’année précédente, a
été relevé à 85% par la loi de finances pour 1991. Ce plafonnement a donné lieu en 1996 à son
tour à un plafonnement (« plafonnement du plafonnement ») disposant qu’il ne pouvait aboutir à
une réduction de l’impôt supérieure soit à la moitié de la cotisation normalement due, soit au
montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la
troisième tranche du barème.
[174]
Au-delà du plafonnement de cotisation d’ISF, l’article 74 de la loi de finances pour 2006
(n° 2005-1719 du 30 décembre 2005) a instauré, au profit de chaque contribuable, un droit à
restitution des impositions directes pour leur fraction qui excède 60 % des revenus réalisés
l’année précédant celle du paiement des impositions. Le droit à restitution, codifié aux articles
1 et 1649-0 A du code général des impôts (CGI), a pu être exercé pour la première fois en 2007,
compte tenu des revenus réalisés en 2005 et des impositions versées en 2006. Les impositions
prises en compte étaient l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune, ainsi que les
taxes foncières et la taxe d’habitation sur la résidence principale. En revanche, n’étaient pas
incluses les cotisations sociales et impôts sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social…).
[175]
La loi TEPA du 1er août 2007 a abaissé le seuil du bouclier fiscal à 50% du revenu déclaré.
De plus, les contributions sociales (la CSG et la CRDS) ont été intégrées dans les impôts servant de
référence au calcul du bouclier. Depuis 2008, le mode de fonctionnement du bouclier fiscal a été
par ailleurs été modifié. Les contribuables qui le souhaitent peuvent désormais déduire
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 68 -
directement de leurs impôts les sommes dépassant le seuil de 50% des revenus
, san
s attendre un
remboursement de l'administration l'année suivante. Cette mesure a été applicable à partir de
2009 pour les revenus de l’année 2008. La formule de calcul de ce plafonnement des impôts
s’exprime schématiquement comme suit :
(IR + Prélèvements sociaux) sur Revenus nets + (ISF +TH+TF) ≤ Revenu net
[176]
Les dispositifs de plafonnement répondent à deux préoccupations :
rhombus5
d’une part, réduire l’impact économique négatif que peut représenter l’existence de taux
de prélèvements substantiels sur les patrimoines et revenus élevés, dans un contexte où
joue la présomption d’une concurrence fiscale entre territoires ;
rhombus5
d’autre part, répondre à une préoccupation de nature juridique de protection du droit de
propriété et de limitation du taux de prélèvement sur les fruits du travail.
[177]
S’agissant de cette dernière préoccupation, elle trouve des prolongements dans la
jurisprudence constitutionnelle française. Ainsi, à l’occasion de l’examen de la constitutionnalité
du plafonnement à 60 %, le Conseil constitutionnel a pris soin de rappeler que
« l'article 13 de la
Déclaration de 1789 dispose que « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses
d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie
entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés »
et que
« cette exigence ne serait pas
respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de
contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives
».
[178]
Il faut par ailleurs souligner que le plafonnement de la cotisation d’ISF et le plafonnement
des impôts directs (ou « bouclier fiscal ») présentent des différences d’assiette des revenus et
impôts pris en compte rendant la norme à appliquer sophistiquée pour les contribuables.
Contrairement aux règles en vigueur pour le plafonnement, le revenu de référence du bouclier
fiscal ne comprend par exemple pas les plus-values immobilières exonérées d’IR. S’agissant des
impôts retenus, l’IR sera apprécié avant crédits d’impôts pour le plafonnement de l’ISF mais après
crédits d’impôts pour le plafonnement des impôts directs. Un aménagement intervenu dans la loi
de finances pour 2009 conduit à intégrer le montant des dividendes perçus hors abattement.
Tableau 21 : Impôts pris en compte dans le plafonnement de la cotisation d’ISF et dans le plafonnement
des impôts ou « bouclier fiscal »
Plafonnement de l’ISF
Plafonnement des impôts
Prélèvement pris en compte
Assiette retenue
Assiette retenue
Impôt de solidarité sur la fortune
Impôt dû au titre de l’année après
application, le cas échéant, des
réductions pour charges de famille
Idem
Impôt sur le revenu
Impôt dû au titre de l’année
précédant celle de l’imposition à
l’ISF, à raison des revenus perçus
par chaque membre du foyer fiscal
au sens de l’ISF. Le montant retenu
est la cotisation d’impôt après
plafonnement des effets du
quotient familial, application de la
décote, des réductions d’impôt,
mais avant crédits d’impôts. S’y
ajoutent les prélèvements
libératoires de l’IR, ainsi que les
prélèvements et contributions
additionnels à l’IR (prélèvements
Impôt dû au titre de l’année de
réalisation des revenus et non pas
de paiement de l’impôt. Le
montant d’IR retenu est la
cotisation (prélèvements
proportionnels inclus) après
application de la décote, des
réductions et des crédits d’impôts.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 69 -
Plafonnement de l’ISF
Plafonnement des impôts
Prélèvement pris en compte
Assiette retenue
Assiette retenue
sociaux sur les revenus d’activité
et de remplacement du patrimoine
et produits de placements)
Taxe d’habitation afférente à
l’habitation principale
Non retenue
Le montant de taxe à retenir
s’entend après application des
abattements à la base et pour
charges de famille et le cas
échéant du dégrèvement
Taxes foncières afférentes à
l’habitation principale
Non retenues
Sont retenues la TFB et la TFNB
après application, le cas échéant,
du dégrèvement en faveur des
personnes de condition modeste
CSG et CRDS
Non retenues
Le montant retenu est le montant
total versé par le contribuable,
que le prélèvement soit déductible
ou non du revenu brut catégoriel
de l’IR.
Source
: Instructions fiscales 13 A-1-06 n°207 du 15 décembre 2006 et 13 A-1-08 n°83 du 26 août 2008.
[179]
En théorie, le dispositif de plafonnement des impôts directs peut produire plusieurs
effets :
rhombus5
quand le « bouclier fiscal » joue, le taux marginal d’imposition direct du patrimoine devient
nul ; en revanche, pour ses bénéficiaires, le taux marginal d’imposition du revenu est
susceptible d’augmenter, le taux de plafonnement des impôts directs (50 %) étant
supérieur au taux marginal d’imposition au barème de l’IR (41 %) ;
rhombus5
l’impôt se trouve alors complètement défamilialisé, les charges de familles étant sans
incidence au-delà du couple revenu-patrimoine d’éligibilité au bouclier ;
rhombus5
les contribuables bénéficiaires du plafonnement global n’ont plus d’intérêt marginal à
souscrire à des dispositifs donnant lieu à des réductions ou crédits d’impôts ;
rhombus5
enfin, les contribuables bénéficiaires du plafonnement ont un moindre intérêt à générer
des revenus du patrimoine dont les taux de prélèvements marginaux se trouvent alors
fortement accrus.
[180]
Le plafonnement des impôts directs a bénéficié à 18 764 foyers pour l’année 2009, contre
13 998 en 2008 et 15 066 en 2007. Tous ses bénéficiaires ne sont toutefois pas redevables de
l’ISF. Ainsi, les assujettis à l’ISF ayant eu recours au « bouclier fiscal » étaient au nombre de 3 734
en 2007 et 10 089 en 2009. La concentration de cette restitution est cependant importante
puisqu’en 2009 les redevables de l’ISF concentraient, en montant, 99 % des sommes
remboursées. Pour les 1 000 contribuables situées en haut de la distribution du patrimoine brut
déclaré, représentant 6 % des bénéficiaires, ont alors reçu 63 % de la restitution, soit 369 M€.
3.3.3.
Le
nombre de redevables de l’ISF a plus que doublé au cours de la dernière décennie
mais la loi TEPA
a accru en leur sein la part des non-imposables
[181]
De 244 000 en 2000, le nombre de redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune est
passé à près de 560 000 en 2009. Alors que moins de 0,5 % des contribuables étaient déclarés
non-imposables en 2000, cette proportion a été multipliée par 16 pour passer à un peu moins de
7,5 % en 2009. L’évolution du nombre de non-imposables a été particulièrement sensible à partir
de 2008, du fait des réductions d’impôts accordées dans le cadre de la loi dite « TEPA ».
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 70 -
Tableau 22 : Évolution du nombre de redevables, d’imposables et de non-imposables à l’ISF depuis 2000
Années
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Nombre de
redevables
243 975
268 242
281 434
296 795
333 493
394 518
456 856
527 866
565 966
559 727
Part de
redevables
imposables
99,54%
99,52%
99,48%
99,42%
99,53%
99,52%
99,50%
99,53%
94,59%
92,62%
Part de
redevables
non-
imposables
0,46%
0,48%
0,52%
0,58%
0,47%
0,48%
0,50%
0,47%
5,41%
7,38%
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP.
3.3.4.
L’ISF étant très concentré, il représente des montants d’impôt de cotisation
relativement faibles pour une part importante des assujettis
[182]
L’ISF (avant imputation du bouclier fiscal) est fortement concentré puisque 40 % des
foyers acquittent 90 % de l’impôt. 10 % des foyers assujettis à l’ISF acquittent 75 % du produit de
l’impôt. L’indice de Gini de l’ISF reflète cette concentration : il s’établit à 0,7514 pour la campagne
de recouvrement 2009.
Graphique 31 : Concentration de l’impôt de solidarité sur la fortune (foyers classés par ordre croissant
d’ISF à acquitter)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Nombre cumulé de foyers ISF
Montant cumulé de l'impôt
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[183]
L’impôt de solidarité sur la fortune représente des montants particulièrement faibles pour
la moitié des assujettis. Pour le premier décile d’assujettis, l’ISF représente une moyenne
inférieure à 63 €, avec un montant d’ISF nul pour les 7 premiers centiles. Pour le second décile,
l’impôt à payer reste en moyenne inférieur à 408 €, pour le troisième, il reste en moyenne
inférieur à 797 € et pour le quatrième inférieur à 1 243 €. Pour près de la moitié des assujettis à
l’ISF, ce dernier est probablement inférieur voire très inférieur au montant de la taxe foncière
acquittée.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 71 -
Graphique 32 : Limite supérieur de la moyenne d’ISF à payer par décile d’ISF à payer
63 €
797 €
1 243 €
1 773 €
2 438 €
3 569 €
5 486 €
9 615 €
408 €
- €
2 000 €
4 000 €
6 000 €
8 000 €
10 000 €
12 000 €
1er décile
2ème décile
3ème décile
4ème décile
5ème décile
6ème décile
7ème décile
8ème décile
9ème décile
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
3.3.5.
L’ISF voit sa progressivité très fortement atténuée par le bouclier fiscal
[184]
Au sein du dernier décile de patrimoine brut déclaré, les redevables à l’ISF voient leur
cotisation progresser avec leur niveau de patrimoine. Cette progressivité est toutefois fortement
atténuée par le bouclier fiscal. Avant bouclier fiscal, la cotisation va de 0,32 % du patrimoine
brut
déclaré pour le 90ème centile à 0,77 % pour le dernier centile. Après bouclier fiscal, la cotisation
nette ne va plus que de 0,31 % du patrimoine brut déclaré pour le 90ème centile à 0,42 % pour le
dernier centile.
Graphique 33 : Cotisation d’ISF rapportée au patrimoine brut déclaré avec et sans imputation intégrale du
bouclier fiscal
0,32%
0,33%
0,33%
0,34%
0,36%
0,38%
0,40%
0,44%
0,33%
0,34%
0,36%
0,36%
0,38%
0,41%
0,42%
0,53%
0,77%
0,32%
0,32%
0,31%
0,30%
0,35%
0,40%
0,45%
0,50%
0,55%
0,60%
0,65%
0,70%
0,75%
0,80%
90ème
centile
91ème
centile
92ème
centile
93ème
centile
94ème
centile
95ème
centile
96ème
centile
97ème
centile
98ème
centile
99ème
centile
Cotisation d'ISF rapportée au patrimoine brut
Cotisation d'ISF nette du bouclier fiscal rapportée au patrimoine brut
Source
: Rapporteur, d’après les données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 72 -
[185]
Les 10 % de foyers situés dans le haut de la distribution des patrimoines bénéficient d’une
restitution qui s’est établie à 558 M€ au titre du bouclier 2009.
Tableau 23 : Montant de restitution parmi les foyers du dernier décile de patrimoine brut déclaré à l’ISF
Montant
Patrimoine
3<P<
3,2
3,2<P<
3,4
3,4<P
<3,6
3,6<P
<3,9
3,9<P<
4,2
4,2<P<
4,7
4,7<P<
5,4
5,4<P<
6,7
6,7<P
<9,7
P>9,7
Total
Montant du
bouclier 2009
1,11
1,48
1,81
2,51
3,82
6,04
9,41
20,68
50,05
461,24
558,14
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
3.3.6.
Les redevables de l’ISF n’appartiennent pas tous aux foyers les plus aisés de l’impôt sur
le revenu
[186]
Le rapprochement du fichier des redevables à l’ISF en 2009 avec le revenu brut global
obtenu à l’impôt sur le revenu permet de relever que plus de 50 % des foyers imposés à l’ISF
n’atteignent pas, à l’impôt sur le revenu, la dernière tranche d’imposition à 40 %.
Graphique 34 : Redevables de l’ISF classés par décile de revenu brut global
21 089 €
33 155 €
43 265 €
53 093 €
63 705 €
76 711 €
94 684 €
123 374 €
181 808 €
0 €
20 000 €
40 000 €
60 000 €
80 000 €
100 000 €
120 000 €
140 000 €
160 000 €
180 000 €
200 000 €
1er décile
2ème décile
3ème décile
4ème décile
5ème décile
6ème décile
7ème décile
8ème décile
9ème décile
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
3.3.7.
Les revenus des redevables de l’ISF ne sont pas spécifiquement taxés à taux forfaitaires
ou proportionnels mais reflètent l’âge moyen des assujettis
[187]
Les redevables de l’ISF présentent des revenus dominants reflétant essentiellement leur
âge et leur position dans le cycle de vie du patrimoine. Ainsi, 41,8 % des redevables ont pour
revenu dominant les pensions et rentes et 18,2 % des revenus fonciers.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 73 -
Graphique 35 : Revenu dominant des imposables à l’ISF
23,4%
41,8%
5,4%
18,2%
3,5%
2,7%
1,9%
1,1%
2,0%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
30,0%
35,0%
40,0%
45,0%
Traitements et
salaires
Pensions et
rentes
Bénéfices
industriels et
commerciaux
Bénéfices non
commerciaux
Bénéfices
agricoles
Revenus
fonciers
Revenus de
capitaux
mobiliers
Autres revenus
Sans revenu
dominant
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[188]
Ce résultat est cohérent avec la répartition par âge des redevables de l’ISF puisque 67,9 %
d’entre eux ont plus de 60 ans et 38,7 % plus de 70 ans.
Graphique 36 : Âge des assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune
0,0%
0,3%
1,9%
9,0%
20,9%
29,1%
21,8%
14,8%
2,1%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
30,0%
35,0%
Moins de 20 ans
Entre 20 et 30
ans
Entre 30 et 40
ans
Entre 40 et 50
ans
Entre 50 et 60
ans
Entre 60 et 70
ans
Entre 70 et 80
ans
Entre 80 et 90
ans
Plus de 90 ans
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
3.3.8.
A l’exception du décile le plus riche, la structure patrimoniale des assujettis à l’ISF est
sensiblement identique
[189]
Pour l’ensemble des assujettis, les deux pôles dominant de propriété sont l’immobilier
bâti, qui représente 43,7 % de l’actif brut déclaré, et les valeurs mobilières, qui représentent 22,3
% de l’actif brut déclaré.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 74 -
Graphique 37 : Structure des actifs bruts déclarés (tous assujettis confondus) en 2009
20,3%
23,3%
0,3% 0,4%
0,1%
1,3%
0,9%
1,3%
2,3%
22,3%
13,0%
13,3%
0,0%
0,5% 0,5%
0,1% 0,2%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
Résidence
principale
Autres
immeubles
Bois, forêts et
parts de
groupements
Baux ruraux
loués à long
terme
Parts de
groupements
fonciers
Autres biens
Parts ou
actions
détenues par
Parts ou
actions de
sociétés avec
Droits
sociaux de
sociétés dans
Autres
valeurs
mobilières
Liquidités
Autres biens
meubles
Droits
sociaux
détenus à la
Droits
sociaux
détenus par
Droits
sociaux
constituant
Titres ou
parts de FIP,
FCPI ou FCPR
Part
Immeubles
bâtis
Immeubles non bâtis, parts de
groupements forestiers ou
fonciers
Valeurs mobilières
Montant des exonérations
afférentes aux droits et titres
ci-dessous
Forfait
mobilier
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[190]
Examinée par décile de patrimoine brut déclaré, la structure du patrimoine est
relativement invariante, sauf pour le décile de patrimoine le plus aisés, c’est-à-dire pour les
56 000 assujettis dont le patrimoine est supérieur à 3,0 M€.
Graphique 38 : Décomposition du patrimoine des assujettis à l’ISF par décile de patrimoine
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
P <1,0 M€
1,0 M€
<P<1,1 M€
1,1 M€ < P <
1,2 M€
1,2 M€ < P <
1,3 M€
1,3 M€ < P <
1,4 M€
1,4 M€ < P <
1,6
1,6 M€ < P <
1,9 M€
1,9 M€ < P <
2,2 M€
2,2 M€ < P <
3,0 M€
P> 3,0 M€
Forfait mobilier, le cas échéant
Titres ou parts de FIP, FCPI ou FCPR reçus en contrepartie de la souscription au capital d'une PME
Droits sociaux constituant plus de 50% du patrimoine
Droits sociaux détenus par le foyer fiscal dans une société interposée
Droits sociaux détenus à la suite d'un rachat d'entreprise par les salariés
Autres biens meubles
Liquidités
Autres valeurs mobilières
Droits sociaux de sociétés dans lesquelles vous exercez une fonction ou une activité
Parts ou actions de sociétés avec engagement de conservation de 6 ans au minimum
Parts ou actions détenues par les salariés ou mandataires sociaux
Autres biens
Parts de groupements fonciers agricoles et groupements agricoles fonciers
Baux ruraux loués à long terme
Bois, forêts et parts de groupements forestiers
Autres immeubles
Résidence principale
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
[191]
L’examen de la structure de patrimoine brut déclaré du dernier décile fait ressortir la
prépondérance croissante avec le niveau de patrimoine des valeurs mobilières. La résidence
principale, qui représente 18 % du patrimoine déclaré du 90ème centile, n’en représente que 5 %
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 75 -
pour le dernier centile. Si l’on ajoute les autres immeubles, la part de la propriété immobilière
passe de 44 % à 14 % entre le 90ème centile et le dernier centile. Il faut souligner, au sein du
dernier centile de patrimoine brut déclaré, le recours significatif au dispositif du pacte de
conservation (« Pacte Dutreil ») : la part du patrimoine incluse dans un tel dispositif s’établit à
6 %, contre 1 % pour le 90ème centile et 3 % pour le 98ème centile.
Graphique 39 : Décomposition du patrimoine des assujettis à l’ISF pour le dernier décile de patrimoine
0%
20%
40%
60%
80%
100%
3,0<P<3,2
3,2<P<3,4
3,4 <P<3,6
3,6<P<3,9
3,9<P<4,2
4,2<P<4,7
4,7<P<5,4
5,4<P<6,7
6,7<P<9,7
P>9,7
Forfait mobilier, le cas échéant
Titres ou parts de FIP, FCPI ou FCPR reçus en contrepartie de la souscription au capital d'une PME
Droits sociaux constituant plus de 50% du patrimoine
Droits sociaux détenus par le foyer fiscal dans une société interposée
Droits sociaux détenus à la suite d'un rachat d'entreprise par les salariés
Autres biens meubles
Liquidités
Autres valeurs mobilières
Droits sociaux de sociétés dans lesquelles vous exercez une fonction ou une activité
Parts ou actions de sociétés avec engagement de conservation de 6 ans au minimum
Parts ou actions détenues par les salariés ou mandataires sociaux
Autres biens
Parts de groupements fonciers agricoles et groupements agricoles fonciers
Baux ruraux loués à long terme
Bois, forêts et parts de groupements forestiers
Autres immeubles
Résidence principale
Source
: Données transmises par le bureau GF3C de la DGFiP.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 76 -
CONCLUSION
[192]
Il ressort du présent rapport que l’impôt sur le revenu reste bien un impôt globalement
progressif. Toutefois, son impact redistributif apparaît aujourd’hui limité :
rhombus5
d’une part, par l’existence de mécanismes de liquidation à effet régressif : déductibilité de
certaines charges du revenu brut global, quotient familial, réduction d’impôt et crédits
d’impôt (hors PPE) ;
rhombus5
d’autre part, en raison de la structure des revenus des foyers aisés (1 % des contribuables),
revenus qui se trouvent essentiellement imposés à des taux de prélèvement forfaitaires et
non pas au barème.
[193]
Sans doute un effort de simplification de l’impôt sur le revenu serait-il,
a minima
,
souhaitable pour garantir une meilleure équité de ce prélèvement. Nombre de dispositions
catégorielles apparaissent aujourd’hui archaïques ou inefficaces et supposeraient d’être en
conséquence réévaluées. Les présents travaux montrent qu’une fusion entre l’impôt sur le revenu
et la CSG n’est en revanche guère indispensable à un meilleur fonctionnement l’IR. L’analyse
détaillée du schéma de liquidation de ce dernier montre que demeurent de nombreuses marges
de manœuvre dans le renforcement de son efficience comme de son équité.
[194]
L’examen de l’impôt de solidarité sur la fortune montre quant à lui que ses assujettis
n’appartiennent pas nécessairement aux foyers les plus aisés de l’impôt sur le revenu. Il serait
toutefois abusif d’en conclure que les assujettis à l’ISF échappent à l’impôt sur le revenu. Comme
le Conseil des prélèvements obligatoires l’avait déjà mis en évidence en 2009, l’évolution des prix
de l’immobilier a sensiblement étendu le nombre d’assujettis. Il faut toutefois s’interroger sur le
bon calibrage de cet impôt, ceci au moins de deux points de vue :
rhombus5
pour 30 % des contribuables à l’ISF, soit près de 700 000 assujettis, l’impôt à payer est
inférieur à 800 €. Si une telle charge fiscale apparaît faible, il ne faut nullement mésestimer
la charge administrative qui en résulte pour le contribuable, ni le coût d’intervention
supporté par les services fiscaux ;
rhombus5
l’imposition séparée du patrimoine d’un côté et des revenus du patrimoine de l’autre,
manque de lisibilité et de cohérence fiscale.
[195]
La réforme annoncée de l’impôt de solidarité sur la fortune offre dans ce contexte
l’opportunité de clarifier les objectifs, les modalités et les effets souhaités de l’imposition des
revenus du capital et du stock de capital des ménages.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 77 -
ANNEXES STATISTIQUES
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 78 -
Annexe n°1 – Décomposition des effets redistributifs de l’IR – Valeurs de
référence
Guide de lecture
: La décomposition des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu a été réalisée
en plusieurs étapes.
Dans un premier temps, à partir du fichier exhaustif des déclarations de revenus 2009 (impôt sur
le revenu 2010), ont été calculées, par centile de revenu déclaré croissant, les valeurs associées et
coordonnées des pseudo-courbes Lorenz du revenu en décomposant les étapes suivantes :
rhombus5
le revenu brut déclaré (1) ;
rhombus5
(1) moins le montant des déductions et abattements sur les revenus catégoriels (2) ;
rhombus5
(2)
moins le montant des charges déductibles du revenu brut global et abattements
spéciaux (3) ;
rhombus5
(3)
moins le montant de l’impôt sur le revenu avant application des réductions et
crédits d’impôt et sans effet du quotient familial (donc sans demi-parts ou quart de
parts pour enfants à charge). Le présent rapport parle parfois « d’impôt théorique »
avant quotient familial (4) ;
rhombus5
(4) plus/moins la correction à appliquer à l’impôt dû en raison de l’application du
quotient familial (5) ;
rhombus5
(5) plus le montant des réductions d’impôts imputées (6) ;
rhombus5
(6) plus le montant de la prime pour l’emploi (qui est un crédit d’impôt) (7) ;
rhombus5
(7) plus le montant des autres crédits d’impôts hors PPE (8). Ce montant
correspondant aux revenus calculés fiscalement après impôt net sur le revenu.
Les résultats sont présentés dans le tableau n°24
ci-dessous. Il convient de noter que l’ordre
de classement identifié pour le revenu brut déclaré a été maintenu pour les étapes
ultérieures. Ainsi, les foyers figurant dans le premier centile de revenu brut déclaré sont les
mêmes foyers que ceux mentionnés pour le premier centile de déductions et abattements,
pour les charges déductibles, et ainsi de suite. Seule cette méthode permettait en effet une
décomposition pertinente des indices de Gini. Les indices de Gini correspondants figurent
d’ailleurs dans le tableau n°25
ci-dessous.
Dans un second temps, ont été calculées, les foyers étant toujours classés par ordre croissant
de revenu brut déclaré, les pseudo-courbes de Lorenz de chaque étape mentionnée ci-dessus.
Les coordonnées de ces courbes figurent dans le tableau n°26
. Les indices de Gini
correspondants sont retracés dans le tableau n°27
.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 79 -
Tableau 24 : Passage du revenu brut déclaré au revenu fiscal après impôt, les foyers étant classés par centile croissant de revenu brut déclaré (en €)
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Inférieurs
a
61
1 686 551
-5 695 757 493
-5 700 912 443
75 250 027
214 651 256
29 182 030
27 928 505
7 915 481
76 552 810
-
143 167 507
Compris
entre 61 et
704
350 752
124 717 188
75 541 336
8 699 920
3 863 931
498 407
411 570
363 682
9 808 579
47 694 239
Compris
entre 704
et 1597
350 838
400 783 618
135 220 576
46 943 32
1
5 961 526
676 022
403 362
549 929
9 209 459
223 496 967
Compris
entre 1597
et 2540
351 197
726 970 487
149 284 818
111 558 676
6 989 766
813 995
474 559
680 891
9 150 222
470 256 894
Compris
entre 2540
et 3348
351 065
1 049 027 884
165 563 273
175 254 449
6 480 356
603 939
412 303
634 822
8 774 798
712 155 668
Compris
entre 3348
et 4154
351 311
1 319 548 467
180 569 922
196 023 887
7 429 678
698 153
420 148
14 470 679
9 917 112
961 031 072
Compris
entre 4154
et 4885
350 885
1 589 176 109
244 240 382
207 682 396
7 421 634
716 349
393 881
29 290 695
9 817 408
1 170 050 030
Compris
entre 4885
et 5471
351 479
1 838 417 261
236 641 757
180 165 021
6 250 875
594 199
288 840
27 619 876
8 642 059
1 452 504 582
Compris
entre 5471
et 6065
351 505
2 029 388 646
256 105 035
200 186 698
7 149 304
555 624
446 878
33 133 244
9 724 532
1 609 807 887
Compris
entre 6065
et 6681
350 265
2 233 495 081
277 748 155
226 398 264
7 660 182
664 571
431 628
41 030 370
10 980 559
1 774 795 608
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 80 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre 6681
et 7237
351 574
2 449 699 807
307 251 591
238 959 22
7
7 378 156
688 062
372 355
48 048 555
11 534 080
1 956 753 885
Compris
entre 7237
et 7744
350 914
2 630 205 112
321 209 323
256 815 337
6 784 019
633 285
319 441
53 759 191
11 349 908
2 111 458 258
Compris
entre 7744
et 8210
351 146
2 801 829 299
344 955 678
279 261 021
6 190 632
605 788
311 669
54 861 166
11 53
4 560
2 238 735 151
Compris
entre 8210
et 8676
351 116
2 965 334 618
361 318 965
281 164 444
6 952 045
717 224
404 854
55 402 932
12 417 943
2 384 842 117
Compris
entre 8676
et 9119
350 925
3 122 853 828
376 129 533
289 050 701
7 063 772
902 673
414 752
54 993 413
12 101 044
2 519 021 704
Compris
entre 9119
et 9556
3
51 222
3 280 195 800
395 847 940
297 937 715
9 802 025
3 880 548
382 995
54 945 472
12 642 087
2 648 459 222
Compris
entre 9556
et 9961
351 055
3 426 545 297
411 062 007
291 573 755
12 895 105
6 830 531
308 053
56 895 810
12 777 236
2 787 826 060
Compris
entre 9961
et 10351
350 840
3 563 427 932
470 295 361
294 836 709
15 973 711
9 783 758
300 339
59 223 872
13 051 135
2 864 681 255
Compris
entre
10351 et
10737
351 784
3 709 665 687
445 309 559
302 128 062
19 068 090
12 640 138
310 261
58 064 848
13 980 830
3 028 156 053
Compris
entre
10737 et
11114
351 019
3 835 311 295
462 252 873
301 690 835
21 135 434
14 653 405
304 294
60 818 741
1
4 223 984
3 140 232 577
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 81 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
11114 et
11487
350 843
3 965 059 819
480 521 197
306 867 887
23 406 957
16 835 646
296 643
63 860 286
14 709 900
3 249 966 253
Compris
entre
11487 et
11845
351 355
4 100 264 182
500 362 275
301 920 914
25 494 373
18 978 340
280 309
64 845 554
15 189 594
3 371 780 417
Compris
entre
11845 et
12200
351 428
4 225 287 651
514 769 540
308 486 992
27 626 502
20 672 352
311 614
71 906 074
15 866 659
3 483 161 317
Compris
entre
12200 et
12548
350 279
4 335 226 985
599 0
36 115
313 386 134
29 840 845
22 348 244
316 563
76 361 613
16 246 684
3 508 236 995
Compris
entre
12548 et
12887
351 001
4 464 400 801
552 606 902
309 700 456
32
702 500
22 957 328
605 648
84 110 971
16 692 497
3 693 757 387
Compris
entre
12887 et
13207
351 003
4 579 707 448
572 511 191
305 175 216
35 449 882
22 913 560
688 883
91 373 072
17 015 800
3 798 562 474
Compris
entre
13207 et
13527
351 050
4 692 752 926
595 853 397
311 821 898
42 250 019
24 714 640
754 153
89 535 199
18 076 906
3 8
75 908 510
Compris
entre
13527 et
13837
351 620
4 811 097 949
621 210 061
307 173 071
49 948 123
26 220 539
880 239
92 432 526
18 322 745
3 970 622 743
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 82 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
13837 et
14148
351 479
4 918 374 299
641 023 372
307 146 289
57 764 454
28 217 936
1 007 105
89 877 263
19 481 241
4 051 023 729
Compris
entre
14148 et
14451
350 270
5 008 935 161
662 261 056
299 548 944
66 049 981
29 599 561
1 284 796
89 178 139
20 408 110
4 121 545 786
Compris
entre
14451 et
14753
351 372
5 131 246 838
690 603 96
2
300 376 888
72 981 734
31 005 571
1 146 391
86 314 277
20 828 115
4 206 578 608
Compris
entre
14753 et
15038
350 940
5 228 338 759
713 090 105
308 236 565
79 784
793
32 273 019
1 175 584
82 063 708
21 328 254
4 264 067 861
Compris
entre
15038 et
15313
351 036
5 327 533 585
734 752 226
316 356 449
85 964 199
34 321 089
1 305 581
76 245 548
21 962 402
4 324 295 331
Compris
entre
15313 et
15583
351 129
5 424 626 679
753 706 883
312 918 313
93 223 206
36 157 134
1 540 591
70 654 526
22 562 559
4 3
95 693 087
Compris
entre
15583 et
15852
351 023
5 517 319728
775 448 076
222 984 836
107 943 375
42 850 660
2 281 285
65 513 877
23 902 888
4 545 492 151
Compris
entre
15852 et
16124
351 484
5 619 535 511
801 547 967
202 459 193
118 004 216
45 430 847
2 583 633
60 319 183
25 356 529
4 631 214 327
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 83 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
16124 et
16397
351 280
5 711 992 379
823 548 422
192 355 057
127 763 922
47 297 903
3 144 432
54 186 283
26 856 876
4 699 810 472
Compris
entre
16397 et
16674
351 583
5 813 661 193
847 779 866
191 547 815
137 058 548
49 872 302
3 324 377
47 372 932
27 426 762
4 765 271 337
Compris
entre
16674 et
16952
351 000
5 901 542 472
861 504 602
189 490 031
146 821 963
52 63
7 630
3 620 936
39 413 342
28 658 761
4 828 056 545
Compris
entre
16952 et
17233
350 016
5 982 708 397
879 034 327
189 817 933
155 878 901
55 186 574
3 964 705
31 084 301
29 857
235
4 878 070 051
Compris
entre
17233 et
17519
352 099
6 118 202 639
898 549 034
192 884 473
167 122 069
58 621 006
4 694 479
21 525 208
31 302 635
4 975 790 391
Compris
entre
17519 et
17804
350 847
6 196 552 586
909 880 331
195 221 313
176 420 138
62 044 088
5 207 835
17 678 248
32 018 170
5 031 979 146
Compris
entre
17804 et
18095
351 215
6 304 210 555
928 358 996
195 968 190
186 054 490
64 629 230
5 816 277
17 026 391
33 492 412
5 114 793 189
Compris
entre
18095 et
18394
350 210
6 389 417 650
939 305 799
199 305 627
194 005 983
67 321 965
6 488 302
15 508 788
34 658 442
5 180 777 738
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 84 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
18394 et
18696
351 184
6 512 986 548
955 695 835
204 601 438
203 771 965
69 991 622
6 981 575
15 363 391
35 517 809
5 276 771 707
Compris
entre
18696 et
19002
352 047
6 635 818 210
969 251 845
211 136 718
212 703 767
72 419 105
7 363 680
14 903 695
37 272 263
5 374 684 623
Compris
entre
19002 et
19312
350 654
6 717 569 505
978 607 108
215 621 137
220 838 398
74 833 932
8 012 903
14 839 265
38 06
2 105
5 438 251 067
Compris
entre
19312 et
19629
350 531
6 825 037 236
991 249 364
220 153 760
230 368 408
77 042 936
8 593 134
15 033 241
38 599 066
5 522 534 081
Compris
entre
19629 et
19953
351 821
6 962 911 275
1 010 188 914
222 572 557
240 958 957
80 294 973
9 327 426
14 990 588
40 423 622
5 634 227 456
Compris
entre
19953 et
20286
350 792
7 057 562 910
1 018 875 248
223 257 755
251 573 409
82 518 285
10 044 974
15 203 444
41 511 121
5 713 134 322
Compris
entre
20286 et
20628
351 298
7 186 308 110
1 031 196 834
223 285 120
264 593 531
84 708 217
11 000 361
15 545 370
42 549 286
5 821 035 859
Compris
entre
20628 et
20983
351 319
7 309 219 398
1 044 733 632
227 929 455
274 178 627
87 671 771
11 661 984
15 834 267
44 496 045
5 922 041 751
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 85 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
20983 et
21347
350 984
7 428 448 397
1 056 172 232
231 188 672
284 992 477
89 054 191
12 692 989
16 137 0
45
45 927 016
6 019 906 257
Compris
entre
21347 et
21722
351 004
7 558 535 978
1 068 766 215
239 589 483
294 684 357
90 143 082
13 678 554
16 692 889
47 111 545
6 123 121 993
Compris
entre
21722 et
22108
351 173
7 695 966 734
1 083 738 797
244 390 282
305 656 107
91 235 237
14 681 859
17 451 405
47 859 245
6 233 409 294
Compris
entre
22108 et
22504
350 887
7 826 619 323
1 093 490 428
250 404 223
316 906 715
92 107 371
16 092 761
17 907 915
49 303 920
6 341 229 924
Compris
entre
22504 et
22913
350 888
7 967 896 089
1 111 748 0
23
254 424 329
328 925 725
93 221 633
17 199 655
18 429 221
51 124 625
6 452 773 146
Compris
entre
22913 et
23340
351 513
8 128 966 728
1 124 799 911
256 354 642
342 565 0
79
95 095 180
18 641 004
19 321 239
52 512 092
6 590 816 611
Compris
entre
23340 et
23781
350 327
8 253 503 888
1 134 751 334
258 423 785
353 963 779
95 599 460
19 797 006
20 099 327
53 860 489
6 695 721 272
Compris
entre
23781 et
24237
351 739
8 444 648 107
1 154 269 231
265 045 647
368 381 126
97 450 221
21 198 489
21 132 705
56 410 409
6 853
143 927
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 86 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
24237 et
24712
350 753
8 584 266 672
1 166 880 931
266 902 127
378 540 086
97 991 506
22 504 207
22 301 613
56 732 207
6 971 473 061
Compris
entre
24712 et
25201
351 281
8 766 539 531
1 184 749 552
257 390 208
391 884 367
98 857 442
23 831 367
23 433 223
58 902 144
7 137 539 580
Compris
entre
25201 et
25710
350 817
8 929 815 0
84
1 200 955 176
180 376 722
412 069 979
99 682 531
26 497 595
24 721 719
60 434 171
7 347 749 223
Compris
entre
25710 et
26240
351 400
9 127 361 557
1 217 428 268
167 651
611
427 845 280
101 978 488
28 174 190
26 165 319
62 449 476
7 533 203 871
Compris
entre
26240 et
26789
350 766
9 300 033 026
1 245 232 210
160 245 666
444 512 646
103 121 996
29 927 386
26 894 130
63 870 339
7 673 856 355
Compris
entre
26789 et
27358
351 216
9 508 294 207
1 256 553 482
157 454 963
463 258 661
104 730 400
31 715 464
28 117 876
66 3
13 645
7 861 904 486
Compris
entre
27358 et
27952
351 238
9 713 103 341
1 281 472 236
155 268 497
483 077 590
106 732 187
33 678 716
29 927 891
68 708 856
8 032 332 668
Compris
entre
27952 et
28569
350 847
9 914 458 786
1 354 612 980
155 204 475
500 358 221
109 305 642
35 061 989
31 632 569
70 423 745
8 150 707 055
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 87 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
28569 et
29207
351 079
10 141 447 734
1 332 891 310
156 323 452
523 022 099
113 298 632
37 222 416
33 364 403
73 857 399
8 386 953 723
Compris
entre
29207 et
29876
351 358
10 379 030 765
1 367 659 337
156 713 351
548 973 989
118 857 269
39 017 037
35 349 417
77 025 929
8 575 933 740
Compris
entre
29876 et
30567
350 665
10 596 920 358
1 395 806 393
158 260 992
577 308 316
127 146 650
40 867 877
37 248 676
79 663 937
8 750 471 797
Compris
entre
30567 et
31280
351 109
10 856 976 048
1 435 497 545
158 060 463
610 025 556
134 690 431
42 381 879
38 475 89
8
82 989 591
8 951 930 283
Compris
entre
31280 et
32018
351 090
11 111 340 038
1 469 285 349
161 652 555
640 237 809
141 833 025
43 922 641
40 194 225
87 049 128
9 153 163 344
Compris
entre
32018 et
32785
351 168
11 377 878 603
1 508 416 881
163 566 082
674 107 067
150 388 580
46 310 155
41 002 287
90 433 698
9 359 923 293
Compris
entre
32785 et
33580
351 072
11 648 432 754
1 549 380 328
167 423 010
707 280 312
159 097 934
48 689 106
41 080 867
94 517 015
9 567 734 026
Compris
entre
33580 et
34407
351 122
11 934 785 261
1 593 0
09 102
168 092 720
740 645 862
167 608 142
50 749 613
40 806 051
97 868 164
9 790 069 547
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 88 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
34407 et
35269
351 314
12 238 242 702
1 643 278 085
174 652 830
775 918 5
65
175 773 228
52 344 029
39 740 762
104 514 556
10 016 765 797
Compris
entre
35269 et
36170
350 906
12 533 422 329
1 687 269 027
176 096 719
812 229 551
185 091 250
54 108 286
38 0
14 232
109 982 797
10 245 023 597
Compris
entre
36170 et
37109
351 211
12 866 983 959
1 737 782 012
178 935 845
850 819 265
193 687 785
55 970 067
31 874 505
114 002 280
10 494 981 474
Compris
entre
37109 et
38092
350 889
13 192 602 355
1 793 775 695
183 389 552
891 774 539
203 598 984
57 536 774
29 435 472
119 682 955
10 733 916 754
Compris
entre
38092 et
39125
351 111
13 554 953 125
1 825 475 336
188 682 227
937 077 848
213 731 775
60 090 657
26 790 388
125 268 851
11 029 599 385
Compris
entre
39125 et
40214
351 278
13 933 706 595
1 87
6 738 693
193 786 126
982 107 569
222 563 488
62 869 666
24 461 602
131 562 675
11 322 531 638
Compris
entre
40214 et
41366
350 923
14 312 323 174
1 928 155 346
199 404 974
1 031 673 25
6
230 763 511
65 766 294
21 616 856
136 241 157
11 607 477 416
Compris
entre
41366 et
42583
351 192
14 738 902 203
1 974 488 310
205 813 470
1 083 800 305
240 132 322
67 816 054
17 588 60
1
143 236 865
11 943 573 960
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 89 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
42583 et
43888
351 110
15 177 681 798
2 010 315 147
212 673 078
1 140 536 491
246 393 019
72 095 753
15 356 149
149 657 694
12 297 659 697
Compris
entre
43888 et
45288
351 035
15 648 949 747
2 058 952 076
220 366 410
1 200 593 349
255 242 668
75 806 584
13 357 033
156 617 921
12 670 062 118
Compris
entre
45288 et
46809
351 005
16 159 986 715
2 098 942 797
228 700 534
1 266 868 463
262 551 072
79 987 978
10 274 916
164 515 360
13 082 804 247
Compris
entre
46809 et
48469
351 081
16 720 756 059
2 154 646 363
240 451 899
1 339 804 362
269 279 371
84 487 219
7 450 732
171 041 333
13 518 112 090
Compris
entre
48469 et
50300
351 159
17 336 339 104
2 226 877 856
251 622 239
1 423 720 038
277
140 480
90 520 355
5 676 832
177 627 753
13 985 084 391
Compris
entre
50300 et
52337
351 054
18 009 173 874
2 256 461 441
265 692 275
1 515 083 705
285 812 180
96 490 135
4 455 547
1
88 361 331
14 547 055 646
Compris
entre
52337 et
54640
351 114
18 772 024 241
2 333 583 844
279 564 947
1 618 055 743
292 225 799
104 099 108
3 490 281
199 026 707
15 139 661 602
Compris
entre
54640 et
57271
351 138
19 637 163 253
2 398 937 421
297 710 131
1 743 196 825
303 097 875
112 641 135
2 645 227
211 011 974
15 826 715 087
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 90 -
Centiles
de
revenus
bruts
déclarés
Nombre de
foyers
Montant des
revenus bruts
déclarés
Montant des
déductions et
abattement sur
les revenus
catégoriels
déclarés
Montant des
charges
déductibles du
RBG et
abattements
spéciaux
Montant de
l'impôt
théorique hors
QF avant
réductions et
crédits d'impôt
Déduction de
l’impact du
quotient
familial
Montant des
réductions
d'impôt
imputées
Montant PPE
après
imputation
RSA
Montant des
crédits
d'impôt hors
PPE
Montant des
revenus après
impôt
Compris
entre
57271 et
60363
351 023
20 630 919 806
2 484 450 300
322 215 318
1 912 893 148
325 174 411
123 606 562
1 632 729
224 355 299
16 586 130 041
Compris
entre
60363 et
64096
351 080
21 825 316 067
2 586 082 958
34
9 507 567
2 165 991 443
382 613 368
139 531 226
1 128 665
242 312 569
17 489 319 927
Compris
entre
64096 et
68765
351 083
23 289 407 853
2 716 153 974
389 007 321
2 517 061 402
478 386 488
156 274 638
747 129
265 399 286
18 567 992 697
Compris
entre
68765 et
74947
351 116
25 173 481 443
2 874 485 555
433 071 949
2 992 750 352
608 092 825
181 730 780
473 223
297 451 3
07
19 960 921 722
Compris
entre
74947 et
83802
351 092
27 759 331 537
3 090 503 749
504 553 057
3 671 809 806
757 865 122
219 236 702
279 431
344 851 764
21 814 697 944
Compris
entre
83802 et
98350
351 070
31 722 101 340
3 404 250 261
615 464 416
4 740 707 996
916 062 037
281 504 728
144 365
423 442 402
24 582 832 199
Compris
entre
98350 et
130439
351 092
39 21
9 497 188
3 995 398 426
842 031 113
6 768 054 330
1 095 058 414
412 910 706
51 563
559 165 287
29 681 199 289
Supérieurs
a 130439
351 095
85 102 922 640
9 339 539 623
1 809 203 086
19 273 375 501
1 244 763 409
1 360 738 477
24 039
1 040 472 999
58 326 803 354
Total
36 444 318
963 127 703 423
118 096 811 669
25 844 293 929
78 300 776 783
13 973 254 817
4 943 444 953
3 297 402 428
8 553 995 745
771 653 918 982
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 91 -
Tableau 25 : Coordonnées des pseudo-courbes de Lorenz des revenus après chaque étape clé de liquidation
Abscisses
Lorenz
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus bruts
déclarés
(1)
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus brut
déclarés moins
déductions et
abattements
(2)
Ordonnées
Pseudo courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (2) moins
les charges
déductibles du
revenu global
(3)
Ordonnées
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (3)
moins impôt
théorique sur le
revenu avant
application du
quotient familial
(4)
Ordonnées
Pseudo-courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (4) après
application du
quotient familial
(5)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (5) après
application
des
réductions d’impôts
(6)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (6) après
application de la
PPE (7)
Ordonnées Pseudo-
courbe de Lorenz du
revenu obtenu en
(7) après
application des
autres crédits
d’impôts
Nombre
cumulé de
foyers IR
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Négatif
Négatif
Négatif
Négatif
Négatif
Négatif
Négatif
Négatif
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
11,4%
0,1%
0,7%
0,6%
0,6%
0,6%
0,6%
0,6%
0,6%
12,3%
0,4%
0,9%
0,8%
0,8%
0,8%
0,8%
0,8%
0,8%
13,3%
0,6%
1,1%
1,0%
1,1%
1,1%
1,0%
1,1%
1,1%
14,3%
0,8%
1,4%
1,2%
1,3%
1,3%
1,3%
1,3%
1,3%
15,2%
1,1%
1,7%
1,5%
1,6%
1,6%
1,6%
1,6%
1,6%
16,2%
1,4%
2,0%
1,7%
1,9%
1,9%
1,9%
1,9%
1,9%
17,2%
1,7%
2,3%
2,0%
2,2%
2,2%
2,2%
2,2%
2,2%
18,1%
2,0%
2,6%
2,3%
2,5%
2,5%
2,5%
2,5%
2,5%
19,1%
2,4%
2,9%
2,6%
2,9%
2,8%
2,8%
2,9%
2,9%
20,0%
2,7%
3,3%
3,0%
3,2%
3,2%
3,2%
3,2%
3,2%
21,0%
3,1%
3,7%
3,3%
3,6%
3,6%
3,5%
3,6%
3,6%
22,0%
3,5%
4,0%
3,7%
4,0%
4,0%
3,9%
4,0%
4,0%
22,9%
3,9%
4,4%
4,1%
4,4%
4,4%
4,3%
4,4%
4,4%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 92 -
Abscisses
Lorenz
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus bruts
déclarés
(1)
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus brut
déclarés moins
déductions et
abattements
(2)
Ordonnées
Pseudo courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (2) moins
les charges
déductibles du
revenu global
(3)
Ordonnées
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (3)
moins impôt
théorique sur le
revenu avant
application du
quotient familial
(4)
Ordonnées
Pseudo-courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (4) après
application du
quotient familial
(5)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (5) après
application
des
réductions d’impôts
(6)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (6) après
application de la
PPE (7)
Ordonnées Pseudo-
courbe de Lorenz du
revenu obtenu en
(7) après
application des
autres crédits
d’impôts
Nombre
cumulé de
foyers IR
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
23,9%
4,3%
4,8%
4,4%
4,9%
4,8%
4,8%
4,8%
4,8%
24,9%
4,7%
5,3%
4,8%
5,3%
5,2%
5,2%
5,3%
5,3%
25,8%
5,2%
5,7%
5,3%
5,8%
5,7%
5,6%
5,7%
5,7%
26,8%
5,6%
6,2%
5,7%
6,2%
6,1%
6,1%
6,2%
6,2%
27,7%
6,1%
6,6%
6,1%
6,7%
6,6%
6,6%
6,7%
6,6%
28,7%
6,5%
7,1%
6,6%
7,2%
7,1%
7,0%
7,2%
7,1%
29,7%
7,0%
7,6%
7,0%
7,7%
7,6%
7,5%
7,7%
7,6%
30,6%
7,5%
8,1%
7,5%
8,2%
8,1%
8,0%
8,2%
8,2%
31,6%
8,0%
8,6%
8,0%
8,7%
8,6%
8,6%
8,7%
8,7%
32,6%
8,6%
9,1%
8,5%
9,3%
9,1%
9,1%
9,3%
9,2%
33,5%
9,1%
9,6%
9,0%
9,8%
9,7%
9,6%
9,8%
9,8%
34,5%
9,6%
10,2%
9,5%
10,4%
10,2%
10,2%
10,4%
10,3%
35,5%
10,2%
10,7%
10,0%
10,9%
10,8%
10,7%
10,9%
10,9%
36,4%
10,8%
11,2%
10,6%
11,5%
11,4%
11,3%
11,5%
11,4%
37,4%
11,3%
11,8%
11,1%
12,1%
12,0%
11,9%
12,1%
12,0%
38,3%
11,9%
12,4%
11,7%
12,7%
12,6%
12,5%
12,7%
12,6%
39,3%
12,5%
13,0%
12,2%
13,3%
13,2%
13,1%
13,3%
13,2%
40,3%
13,1%
13,5%
12,8%
14,0%
13,8%
13,7%
13,9%
13,9%
41,2%
13,7%
14,1%
13,4%
14,6%
14,4%
14,3%
14,6%
14,5%
42,2%
14,3%
14,7%
14,0%
15,2%
15,1%
15,0%
15,2%
15,1%
43,2%
15,0%
15,4%
14,6%
15,9%
15,7%
15,6%
15,8%
15,8%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 93 -
Abscisses
Lorenz
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus bruts
déclarés
(1)
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus brut
déclarés moins
déductions et
abattements
(2)
Ordonnées
Pseudo courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (2) moins
les charges
déductibles du
revenu global
(3)
Ordonnées
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (3)
moins impôt
théorique sur le
revenu avant
application du
quotient familial
(4)
Ordonnées
Pseudo-courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (4) après
application du
quotient familial
(5)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (5) après
application
des
réductions d’impôts
(6)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (6) après
application de la
PPE (7)
Ordonnées Pseudo-
courbe de Lorenz du
revenu obtenu en
(7) après
application des
autres crédits
d’impôts
Nombre
cumulé de
foyers IR
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
44,1%
15,6%
16,0%
15,3%
16,6%
16,4%
16,3%
16,5%
16,4%
45,1%
16,3%
16,6%
15,9%
17,2%
17,0%
16,9%
17,2%
17,1%
46,1%
16,9%
17,3%
16,5%
17,9%
17,7%
17,6%
17,8%
17,7%
47,0%
17,6%
17,9%
17,2%
18,6%
18,4%
18,3%
18,5%
18,4%
48,0%
18,3%
18,6%
17,8%
19,3%
19,1%
19,0%
19,2%
19,1%
48,9%
19,0%
19,3%
18,5%
20,0%
19,8%
19,7%
19,9%
19,8%
49,9%
19,7%
20,0%
19,2%
20,8%
20,6%
20,4%
20,6%
20,5%
50,9%
20,4%
20,7%
19,9%
21,5%
21,3%
21,2%
21,4%
21,3%
51,8%
21,2%
21,4%
20,6%
22,3%
22,0%
21,9%
22,1%
22,0%
52,8%
21,9%
22,1%
21,3%
23,0%
22,8%
22,7%
22,9%
22,8%
53,8%
22,7%
22,9%
22,1%
23,8%
23,6%
23,4%
23,6%
23,5%
54,7%
23,4%
23,6%
22,8%
24,6%
24,4%
24,2%
24,4%
24,3%
55,7%
24,2%
24,4%
23,6%
25,4%
25,2%
25,0%
25,2%
25,1%
56,7%
25,0%
25,2%
24,4%
26,2%
26,0%
25,8%
26,0%
25,9%
57,6%
25,8%
26,0%
25,2%
27,0%
26,8%
26,7%
26,9%
26,7%
58,6%
26,7%
26,8%
26,0%
27,9%
27,7%
27,5%
27,7%
27,6%
59,5%
27,5%
27,6%
26,8%
28,8%
28,5%
28,4%
28,6%
28,4%
60,5%
28,4%
28,4%
27,6%
29,6%
29,4%
29,2%
29,4%
29,3%
61,5%
29,2%
29,3%
28,5%
30,5%
30,3%
30,1%
30,3%
30,2%
62,4%
30,1%
30,2%
29,4%
31,4%
31,2%
31,0%
31,2%
31,1%
63,4%
31,0%
31,1%
30,3%
32,4%
32,1%
32,0%
32,2%
32,0%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 94 -
Abscisses
Lorenz
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus bruts
déclarés
(1)
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus brut
déclarés moins
déductions et
abattements
(2)
Ordonnées
Pseudo courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (2) moins
les charges
déductibles du
revenu global
(3)
Ordonnées
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (3)
moins impôt
théorique sur le
revenu avant
application du
quotient familial
(4)
Ordonnées
Pseudo-courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (4) après
application du
quotient familial
(5)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (5) après
application
des
réductions d’impôts
(6)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (6) après
application de la
PPE (7)
Ordonnées Pseudo-
courbe de Lorenz du
revenu obtenu en
(7) après
application des
autres crédits
d’impôts
Nombre
cumulé de
foyers IR
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
64,4%
32,0%
32,0%
31,2%
33,3%
33,1%
32,9%
33,1%
33,0%
65,3%
32,9%
32,9%
32,1%
34,3%
34,1%
33,9%
34,1%
33,9%
66,3%
33,9%
33,9%
33,1%
35,3%
35,1%
34,9%
35,1%
34,9%
67,2%
34,9%
34,9%
34,1%
36,4%
36,1%
35,9%
36,1%
36,0%
68,2%
35,9%
35,9%
35,1%
37,4%
37,1%
37,0%
37,2%
37,0%
69,2%
36,9%
36,9%
36,1%
38,5%
38,2%
38,0%
38,2%
38,1%
70,1%
38,0%
37,9%
37,2%
39,6%
39,3%
39,1%
39,3%
39,1%
71,1%
39,0%
39,0%
38,2%
40,7%
40,4%
40,2%
40,4%
40,3%
72,1%
40,1%
40,1%
39,3%
41,9%
41,5%
41,4%
41,5%
41,4%
73,0%
41,3%
41,2%
40,5%
43,0%
42,7%
42,5%
42,7%
42,5%
74,0%
42,4%
42,3%
41,6%
44,2%
43,9%
43,7%
43,9%
43,7%
75,0%
43,6%
43,5%
42,8%
45,4%
45,1%
44,9%
45,1%
44,9%
75,9%
44,8%
44,7%
44,0%
46,7%
46,4%
46,2%
46,4%
46,2%
76,9%
46,1%
45,9%
45,3%
47,9%
47,6%
47,4%
47,6%
47,5%
77,8%
47,3%
47,2%
46,5%
49,3%
48,9%
48,7%
48,9%
48,8%
78,8%
48,6%
48,4%
47,8%
50,6%
50,3%
50,1%
50,3%
50,1%
79,8%
50,0%
49,8%
49,2%
51,9%
51,6%
51,4%
51,6%
51,4%
80,7%
51,3%
51,1%
50,6%
53,3%
53,0%
52,8%
53,0%
52,8%
81,7%
52,7%
52,5%
52,0%
54,8%
54,5%
54,3%
54,4%
54,3%
82,7%
54,2%
53,9%
53,4%
56,2%
55,9%
55,7%
55,9%
55,7%
83,6%
55,7%
55,4%
54,9%
57,7%
57,4%
57,2%
57,4%
57,2%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 95 -
Abscisses
Lorenz
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus bruts
déclarés
(1)
Ordonnées
Pseudo-
courbe de
Lorenz des
revenus brut
déclarés moins
déductions et
abattements
(2)
Ordonnées
Pseudo courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (2) moins
les charges
déductibles du
revenu global
(3)
Ordonnées
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (3)
moins impôt
théorique sur le
revenu avant
application du
quotient familial
(4)
Ordonnées
Pseudo-courbe
de Lorenz du
revenu obtenu
en (4) après
application du
quotient familial
(5)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (5) après
application
des
réductions d’impôts
(6)
Ordonnées Lorenz
Pseudo-courbe de
Lorenz du revenu
obtenu en (6) après
application de la
PPE (7)
Ordonnées Pseudo-
courbe de Lorenz du
revenu obtenu en
(7) après
application des
autres crédits
d’impôts
Nombre
cumulé de
foyers IR
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant
cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
84,6%
57,2%
56,9%
56,4%
59,3%
59,0%
58,8%
58,9%
58,8%
85,5%
58,8%
58,5%
58,0%
60,9%
60,6%
60,4%
60,5%
60,4%
86,5%
60,4%
60,1%
59,6%
62,5%
62,2%
62,0%
62,2%
62,0%
87,5%
62,1%
61,7%
61,3%
64,2%
63,9%
63,7%
63,9%
63,7%
88,4%
63,8%
63,5%
63,1%
66,0%
65,7%
65,5%
65,6%
65,5%
89,4%
65,6%
65,2%
64,9%
67,8%
67,5%
67,3%
67,4%
67,3%
90,4%
67,5%
67,1%
66,8%
69,7%
69,4%
69,2%
69,3%
69,2%
91,3%
69,4%
69,1%
68,8%
71,6%
71,4%
71,1%
71,3%
71,1%
92,3%
71,5%
71,1%
70,8%
73,7%
73,4%
73,2%
73,3%
73,2%
93,3%
73,6%
73,2%
73,0%
75,8%
75,6%
75,4%
75,5%
75,3%
94,2%
75,9%
75,5%
75,3%
78,1%
77,8%
77,6%
77,7%
77,6%
95,2%
78,3%
78,0%
77,8%
80,5%
80,2%
80,0%
80,1%
80,0%
96,1%
80,9%
80,6%
80,4%
83,0%
82,8%
82,6%
82,7%
82,6%
97,1%
83,8%
83,5%
83,4%
85,8%
85,6%
85,4%
85,5%
85,4%
98,1%
87,1%
86,9%
86,8%
88,9%
88,8%
88,6%
88,7%
88,6%
99,0%
91,2%
91,0%
91,0%
92,6%
92,6%
92,5%
92,5%
92,4%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 96 -
Tableau 26 : Pseudo-indices de Gini du revenu après application de chaque étape clé de liquidation
Indice de Gini
Revenu brut déclaré
(1)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu brut
déclaré
après déductions
catégorielle
(2)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (2) et
déductions
du RBG (3)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (3) et
imputation
de l’IR brut
sans QF (4)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (4) et
application du
QF (5)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (5) et
application
des réductions
d’impôt (6)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (6) et
application
de la PPE
(7)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (7) et
application
des autres
crédits d’impôt
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
7,98628E-05
0,000394723
0,000337662
0,00035347
0,00034947
0,0003495
0,00035406
0,00036059
D9
2,37095E-05
7,70815E-05
6,65424E-05
7,0156E-05
6,9293E-05
6,9235E-05
7,0175E-05
7,1232E-05
D10
4,48953E-05
9,80156E-05
8,56803E-05
9,1233E-05
8,9985E-05
8,9797E-05
9,1111E-05
9,2058E-05
D11
6,8517E-05
0,000121774
0,000107391
0,00011513
0,00011345
0,00011311
0,0001149
0,00011573
D12
9,37813E-05
0,000146907
0,000130437
0,00014052
0,00013838
0,00013789
0,0001402
0,00014089
D13
0,000121014
0,000174175
0,000155398
0,00016804
0,00016539
0,00016473
0,00016761
0,00016814
D14
0,000149849
0,00020301
0,00018185
0,0001972
0,00019402
0,00019318
0,00019664
0,00019699
D15
0,000180201
0,000233385
0,000209847
0,00022806
0,00022433
0,00022329
0,00022731
0,00022748
D16
0,000212389
0,000265692
0,000239695
0,00026095
0,00025664
0,0002554
0,00025998
0,00025994
D17
0,000245826
0,000299193
0,000270802
0,0002952
0,00029032
0,00028887
0,00029401
0,00029375
D18
0,000280609
0,000333805
0,000303084
0,00033071
0,00032528
0,0003236
0,00032932
0,00032883
D19
0,00031781
0,000371013
0,000337838
0,0003689
0,00036291
0,00036098
0,0003673
0,00036657
D20
0,000354846
0,000408033
0,000372573
0,00040705
0,00040053
0,00039836
0,00040525
0,00040427
D21
0,000393652
0,00044689
0,000409105
0,00044716
0,00044009
0,00043767
0,00044518
0,00044393
D22
0,000434593
0,000487955
0,000447807
0,00048963
0,000482
0,00047932
0,00048747
0,00048594
D23
0,000476361
0,000529767
0,000487334
0,00053298
0,00052481
0,00052185
0,00053068
0,00052887
D24
0,000517518
0,000570384
0,000525778
0,00057514
0,00056645
0,00056322
0,00057277
0,00057068
D25
0,000562582
0,000615143
0,000568158
0,00062158
0,00061232
0,0006088
0,00061919
0,00061681
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 97 -
Indice de Gini
Revenu brut déclaré
(1)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu brut
déclaré
après déductions
catégorielle
(2)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (2) et
déductions
du RBG (3)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (3) et
imputation
de l’IR brut
sans QF (4)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (4) et
application du
QF (5)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (5) et
application
des réductions
d’impôt (6)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (6) et
application
de la PPE
(7)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (7) et
application
des autres
crédits d’impôt
D26
0,000607805
0,000660275
0,000611098
0,00066861
0,00065878
0,00065497
0,00066627
0,00066357
D27
0,000654255
0,000706553
0,000655199
0,00071687
0,00070645
0,00070233
0,00071457
0,00071155
D28
0,00070292
0,000755007
0,000701418
0,00076736
0,00075633
0,00075191
0,0007651
0,00076176
D29
0,000751351
0,000803023
0,000747362
0,00081746
0,00080586
0,00080112
0,00081525
0,00081159
D30
0,000798299
0,000849304
0,000791823
0,00086585
0,0008537
0,00084867
0,00086366
0,00085969
D31
0,000851564
0,000902105
0,000842495
0,00092094
0,00090817
0,0009028
0,00091873
0,00091442
D32
0,000902306
0,000952024
0,00089052
0,00097306
0,00095973
0,00095403
0,00097078
0,00096615
D33
0,000955336
0,001004194
0,000940638
0,0010274
0,00101348
0,00100745
0,00102497
0,00102002
D34
0,001009369
0,00105727
0,000991663
0,00108264
0,00106816
0,00106179
0,00108001
0,00107472
D35
0,001063777
0,001110595
0,00104355
0,00113871
0,00112369
0,00111699
0,00113582
0,0011302
D36
0,001120934
0,001166607
0,001098691
0,00119819
0,00118264
0,00117558
0,00119499
0,00118903
D37
0,001176986
0,001221288
0,001152835
0,00125647
0,00124043
0,00123303
0,00125289
0,00124662
D38
0,001235724
0,001278591
0,001209593
0,00131748
0,00130094
0,00129319
0,00131346
0,00130686
D39
0,00129225
0,001333492
0,001264167
0,00137601
0,00135903
0,00135095
0,00137147
0,00136456
D40
0,001347881
0,001387397
0,001317862
0,00143348
0,0014161
0,00140769
0,00142833
0,00142114
D41
0,001416596
0,001454668
0,001384324
0,00150472
0,0014868
0,00147799
0,00149883
0,00149128
D42
0,001473105
0,001509341
0,001438855
0,00156288
0,00154461
0,00153549
0,00155622
0,00154841
D43
0,001537191
0,001571724
0,001500781
0,00162896
0,00161029
0,00160081
0,00162151
0,00161339
D44
0,001596116
0,001628781
0,001557665
0,00168948
0,0016705
0,0016607
0,00168127
0,00167288
D45
0,0016651
0,001696072
0,001624362
0,00176055
0,00174116
0,00173099
0,00175153
0,00174283
D46
0,001735131
0,001764392
0,001692079
0,00183262
0,00181284
0,0018023
0,00182279
0,00181378
D47
0,001794966
0,001822343
0,001749858
0,00189384
0,00187381
0,00186296
0,00188327
0,00187402
D48
0,001861958
0,001887565
0,001814625
0,00196254
0,0019422
0,00193101
0,0019512
0,00194167
D49
0,00193791
0,001961836
0,001888143
0,00204059
0,00201988
0,0020083
0,00202845
0,0020186
D50
0,002002302
0,002024393
0,001950451
0,00210642
0,00208548
0,00207359
0,00209357
0,00208347
D51
0,002076469
0,002096861
0,002022379
0,00218252
0,00216126
0,00214902
0,00216891
0,00215852
D52
0,002149135
0,002167826
0,00209292
0,00225701
0,00223547
0,00222289
0,00224266
0,002232
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 98 -
Indice de Gini
Revenu brut déclaré
(1)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu brut
déclaré
après déductions
catégorielle
(2)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (2) et
déductions
du RBG (3)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (3) et
imputation
de l’IR brut
sans QF (4)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (4) et
application du
QF (5)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (5) et
application
des réductions
d’impôt (6)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (6) et
application
de la PPE
(7)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (7) et
application
des autres
crédits d’impôt
D53
0,00222077
0,002237768
0,002162507
0,00233037
0,00230858
0,00229568
0,0023153
0,00230439
D54
0,002295831
0,002311193
0,002235472
0,00240728
0,00238521
0,00237198
0,00239148
0,0023803
D55
0,002373245
0,002387007
0,00231076
0,00248659
0,00246422
0,00245065
0,00247005
0,0024586
D56
0,002448899
0,00246109
0,002384395
0,00256401
0,00254137
0,00252749
0,00254675
0,00253504
D57
0,002527852
0,002538513
0,002461294
0,00264484
0,00262188
0,00260769
0,00262683
0,00261487
D58
0,002612956
0,002622136
0,002544268
0,00273208
0,00270875
0,00269423
0,00271329
0,00270104
D59
0,002685894
0,002693616
0,002615525
0,00280662
0,00278304
0,00276826
0,00278715
0,00277468
D60
0,002780385
0,002786759
0,002707865
0,00290367
0,00287964
0,00286451
0,00288337
0,0028706
D61
0,002857674
0,002862703
0,002783548
0,00298276
0,00295842
0,00294305
0,00296175
0,00294877
D62
0,002948798
0,002952556
0,002872897
0,00307639
0,00305163
0,00303595
0,00305458
0,00304132
D63
0,003033337
0,003035861
0,002956486
0,00316373
0,00313857
0,00312264
0,00314116
0,00312765
D64
0,003128765
0,003130129
0,003051388
0,00326302
0,00323736
0,00322114
0,00323962
0,00322582
D65
0,003215195
0,003215399
0,003137742
0,00335303
0,00332696
0,00331051
0,00332888
0,00331484
D66
0,003313417
0,003312507
0,003235815
0,00345542
0,00342882
0,00341211
0,00343042
0,00341611
D67
0,003409796
0,003407852
0,003332318
0,00355596
0,00352885
0,0035119
0,00353015
0,00351558
D68
0,003504093
0,003500845
0,003426624
0,00365398
0,0036264
0,00360925
0,00362743
0,00361261
D69
0,003606711
0,00360216
0,003529181
0,00376064
0,00373252
0,00371514
0,0037333
0,00371823
D70
0,003712283
0,003706676
0,003635004
0,00387056
0,00384192
0,00382432
0,00384247
0,00382715
D71
0,003809739
0,003803053
0,003732945
0,00397183
0,0039428
0,00392504
0,00394313
0,00392762
D72
0,003921864
0,003914026
0,003845317
0,00408816
0,00405871
0,00404073
0,00405885
0,0040431
D73
0,00403152
0,004022479
0,003955323
0,00420167
0,00417188
0,00415371
0,00417184
0,0041559
D74
0,004144914
0,004134616
0,004069041
0,00431882
0,00428874
0,00427038
0,00428853
0,00427241
D75
0,004258934
0,004247303
0,004183391
0,00443633
0,00440603
0,00438751
0,00440565
0,00438939
D76
0,004377496
0,004364434
0,004302217
0,00455827
0,00452781
0,00450912
0,00452727
0,00451086
D77
0,004500861
0,00448624
0,004425739
0,00468487
0,00465429
0,00463544
0,00465357
0,00463704
D78
0,004619457
0,004603183
0,004544545
0,00480615
0,00477556
0,00475659
0,00477464
0,00475807
D79
0,004750549
0,00473249
0,004675666
0,00494013
0,00490952
0,00489039
0,00490833
0,00489171
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 99 -
Indice de Gini
Revenu brut déclaré
(1)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu brut
déclaré
après déductions
catégorielle
(2)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (2) et
déductions
du RBG (3)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (3) et
imputation
de l’IR brut
sans QF (4)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (4) et
application du
QF (5)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (5) et
application
des réductions
d’impôt (6)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (6) et
application
de la PPE
(7)
Pseudo-indice
de Gini
Revenu obtenu
après (7) et
application
des autres
crédits d’impôt
D80
0,004876448
0,00485649
0,004801638
0,0050683
0,0050378
0,00501854
0,00503628
0,00501966
D81
0,005013311
0,004991406
0,00493849
0,00520757
0,0051772
0,00515778
0,00517531
0,0051587
D82
0,005153246
0,005129439
0,005078528
0,00534981
0,00531962
0,00530006
0,00531731
0,00530075
D83
0,005289235
0,005263507
0,00521473
0,00548758
0,00545767
0,00543801
0,00545492
0,00543846
D84
0,005438623
0,005410934
0,00536426
0,00563895
0,00560929
0,00558951
0,00560603
0,00558968
D85
0,005586981
0,005557494
0,005513033
0,00578905
0,0057597
0,00573982
0,0057559
0,00573971
D86
0,005739933
0,005708803
0,005666618
0,00594371
0,00591468
0,00589473
0,00591031
0,00589431
D87
0,005898487
0,005865892
0,005826042
0,00610398
0,00607528
0,00605527
0,0060703
0,00605452
D88
0,006064204
0,006030337
0,005992868
0,00627141
0,00624302
0,00622297
0,0062374
0,00622187
D89
0,006235911
0,006200865
0,006165831
0,00644461
0,00641652
0,00639645
0,00641022
0,00639497
D90
0,006410798
0,006374912
0,006342397
0,00662084
0,00659305
0,00657302
0,00658607
0,00657114
D91
0,006595857
0,006559509
0,00652957
0,00680736
0,00677982
0,00675985
0,00677215
0,00675759
D92
0,006788426
0,006751945
0,006724667
0,00700119
0,00697387
0,00695401
0,00696552
0,00695137
D93
0,006987554
0,006951393
0,006926842
0,00720111
0,00717407
0,00715439
0,00716505
0,00715138
D94
0,007201015
0,00716562
0,007143838
0,00741444
0,00738799
0,00736859
0,00737835
0,00736524
D95
0,0074267
0,007392614
0,007373649
0,00763809
0,00761299
0,00759401
0,0076028
0,00759038
D96
0,007669789
0,007637705
0,007621614
0,00787639
0,00785382
0,00783542
0,00784318
0,00783161
D97
0,007933994
0,007904908
0,007891751
0,00813179
0,0081132
0,00809564
0,00810229
0,00809185
D98
0,008230959
0,008206427
0,008196214
0,00841377
0,00840064
0,00838439
0,00838978
0,00838095
D99
0,00858627
0,008569142
0,008561785
0,00874312
0,00873673
0,00872269
0,00872663
0,0087202
D100
0,009208114
0,009201869
0,009198882
0,00927823
0,00927687
0,00927056
0,00927213
0,00926965
0,460596317
0,457291448
0,467194272
0,4377516
0,44128643
0,44344306
0,4407533
0,44245371
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 100 -
Tableau 27 : Coordonnées des pseudo-courbes de Lorenz des étapes clés de liquidation de l’IR
Abscisses
Ordonnées
Revenus brut
déclarés
Ordonnées
Déductions et
abattement
catégoriels
Ordonnées
Déductions du
RBG
Ordonnées IR
théorique avant
QF
Ordonnées
Quotient familial
Ordonnées
Réductions
d’impôt
Ordonnées PPE
Ordonnées
Autres crédits
d’impôts
Nombre cumulé
de foyers IR
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
négatif
négatif
négatif
négatif
négatif
négatif
négatif
négatif
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
11,4%
0,1%
-3,8%
3,9%
0,3%
0,2%
0,6%
2,5%
1,7%
12,3%
0,4%
-3,6%
4,7%
0,3%
0,2%
0,6%
3,5%
1,8%
13,3%
0,6%
-3,4%
5,5%
0,3%
0,3%
0,6%
4,7%
1,9%
14,3%
0,8%
-3,1%
6,5%
0,4%
0,3%
0,6%
6,2%
2,0%
15,2%
1,1%
-2,8%
7,4%
0,4%
0,3%
0,7%
7,8%
2,2%
16,2%
1,4%
-2,5%
8,5%
0,4%
0,3%
0,7%
9,5%
2,3%
17,2%
1,7%
-2,2%
9,6%
0,4%
0,3%
0,7%
11,2%
2,4%
18,1%
2,0%
-1,9%
10,7%
0,4%
0,3%
0,7%
12,8%
2,6%
19,1%
2,4%
-1,6%
11,9%
0,4%
0,3%
0,7%
14,5%
2,7%
20,0%
2,7%
-1,2%
13,0%
0,4%
0,4%
0,7%
16,2%
2,9%
21,0%
3,1%
-0,8%
14,2%
0,4%
0,4%
0,7%
18,0%
3,0%
22,0%
3,5%
-0,5%
15,3%
0,5%
0,5%
0,7%
19,8%
3,2%
22,9%
3,9%
-0,1%
16,5%
0,5%
0,6%
0,7%
21,6%
3,4%
23,9%
4,3%
0,3%
17,7%
0,5%
0,7%
0,7%
23,6%
3,5%
24,9%
4,7%
0,8%
18,8%
0,6%
0,9%
0,7%
25,5%
3,7%
25,8%
5,2%
1,2%
20,0%
0,6%
1,0%
0,7%
27,7%
3,9%
26,8%
5,6%
1,7%
21,3%
0,6%
1,2%
0,7%
30,0%
4,1%
27,7%
6,1%
2,2%
22,4%
0,7%
1,3%
0,7%
32,6%
4,3%
28,7%
6,5%
2,7%
23,6%
0,7%
1,5%
0,8%
35,3%
4,5%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 101 -
Abscisses
Ordonnées
Revenus brut
déclarés
Ordonnées
Déductions et
abattement
catégoriels
Ordonnées
Déductions du
RBG
Ordonnées IR
théorique avant
QF
Ordonnées
Quotient familial
Ordonnées
Réductions
d’impôt
Ordonnées PPE
Ordonnées
Autres crédits
d’impôts
Nombre cumulé
de foyers IR
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
29,7%
7,0%
3,2%
24,8%
0,8%
1,7%
0,8%
38,1%
4,7%
30,6%
7,5%
3,7%
26,0%
0,8%
1,9%
0,8%
40,9%
4,9%
31,6%
8,0%
4,2%
27,2%
0,9%
2,1%
0,8%
43,6%
5,1%
32,6%
8,6%
4,8%
28,4%
1,0%
2,3%
0,8%
46,3%
5,4%
33,5%
9,1%
5,4%
29,5%
1,1%
2,5%
0,9%
48,9%
5,6%
34,5%
9,6%
6,0%
30,7%
1,2%
2,7%
0,9%
51,4%
5,9%
35,5%
10,2%
6,6%
32,0%
1,3%
3,0%
0,9%
53,7%
6,1%
36,4%
10,8%
7,2%
33,2%
1,4%
3,2%
0,9%
55,8%
6,4%
37,4%
11,3%
7,9%
34,0%
1,6%
3,6%
1,0%
57,8%
6,7%
38,3%
11,9%
8,6%
34,8%
1,7%
3,9%
1,0%
59,7%
7,0%
39,3%
12,5%
9,3%
35,6%
1,9%
4,2%
1,1%
61,3%
7,3%
40,3%
13,1%
10,0%
36,3%
2,0%
4,6%
1,2%
62,7%
7,6%
41,2%
13,7%
10,7%
37,0%
2,2%
4,9%
1,2%
63,9%
7,9%
42,2%
14,3%
11,5%
37,8%
2,4%
5,3%
1,3%
64,9%
8,3%
43,2%
15,0%
12,2%
38,5%
2,6%
5,8%
1,4%
65,5%
8,7%
44,1%
15,6%
13,0%
39,3%
2,9%
6,2%
1,5%
66,1%
9,0%
45,1%
16,3%
13,8%
40,0%
3,1%
6,7%
1,6%
66,6%
9,4%
46,1%
16,9%
14,6%
40,8%
3,4%
7,2%
1,8%
67,1%
9,8%
47,0%
17,6%
15,4%
41,6%
3,6%
7,7%
1,9%
67,5%
10,2%
48,0%
18,3%
16,2%
42,4%
3,9%
8,2%
2,1%
68,0%
10,7%
48,9%
19,0%
17,0%
43,2%
4,2%
8,7%
2,2%
68,4%
11,1%
49,9%
19,7%
17,9%
44,1%
4,5%
9,3%
2,4%
68,9%
11,6%
50,9%
20,4%
18,7%
44,9%
4,8%
9,8%
2,6%
69,3%
12,0%
51,8%
21,2%
19,6%
45,8%
5,1%
10,4%
2,8%
69,8%
12,5%
52,8%
21,9%
20,5%
46,7%
5,4%
11,0%
3,0%
70,3%
13,0%
53,8%
22,7%
21,3%
47,6%
5,8%
11,7%
3,3%
70,7%
13,5%
54,7%
23,4%
22,2%
48,5%
6,1%
12,3%
3,5%
71,2%
14,1%
55,7%
24,2%
23,1%
49,4%
6,5%
12,9%
3,8%
71,7%
14,6%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 102 -
Abscisses
Ordonnées
Revenus brut
déclarés
Ordonnées
Déductions et
abattement
catégoriels
Ordonnées
Déductions du
RBG
Ordonnées IR
théorique avant
QF
Ordonnées
Quotient familial
Ordonnées
Réductions
d’impôt
Ordonnées PPE
Ordonnées
Autres crédits
d’impôts
Nombre cumulé
de foyers IR
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
56,7%
25,0%
24,1%
50,3%
6,9%
13,6%
4,1%
72,3%
15,2%
57,6%
25,8%
25,0%
51,3%
7,3%
14,3%
4,4%
72,8%
15,8%
58,6%
26,7%
25,9%
52,3%
7,7%
14,9%
4,8%
73,4%
16,4%
59,5%
27,5%
26,9%
53,3%
8,2%
15,6%
5,1%
74,0%
17,0%
60,5%
28,4%
27,8%
54,3%
8,6%
16,3%
5,5%
74,6%
17,6%
61,5%
29,2%
28,8%
55,3%
9,1%
17,0%
6,0%
75,2%
18,3%
62,4%
30,1%
29,8%
56,3%
9,6%
17,7%
6,4%
75,9%
18,9%
63,4%
31,0%
30,8%
57,3%
10,1%
18,4%
6,9%
76,6%
19,6%
64,4%
32,0%
31,8%
58,0%
10,6%
19,1%
7,4%
77,3%
20,3%
65,3%
32,9%
32,9%
58,7%
11,2%
19,8%
8,0%
78,1%
21,1%
66,3%
33,9%
33,9%
59,3%
11,7%
20,6%
8,6%
79,0%
21,8%
67,2%
34,9%
35,0%
59,9%
12,3%
21,3%
9,3%
79,8%
22,6%
68,2%
35,9%
36,1%
60,5%
12,9%
22,1%
9,9%
80,7%
23,4%
69,2%
36,9%
37,2%
61,1%
13,6%
22,9%
10,6%
81,7%
24,2%
70,1%
38,0%
38,3%
61,7%
14,2%
23,7%
11,4%
82,7%
25,1%
71,1%
39,0%
39,5%
62,3%
14,9%
24,5%
12,2%
83,8%
26,0%
72,1%
40,1%
40,7%
62,9%
15,7%
25,4%
13,0%
84,9%
26,9%
73,0%
41,3%
41,9%
63,5%
16,5%
26,4%
13,9%
86,1%
27,9%
74,0%
42,4%
43,1%
64,2%
17,3%
27,4%
14,8%
87,3%
28,9%
75,0%
43,6%
44,4%
64,8%
18,1%
28,5%
15,7%
88,5%
29,9%
75,9%
44,8%
45,7%
65,4%
19,0%
29,6%
16,7%
89,8%
31,1%
76,9%
46,1%
47,1%
66,1%
20,0%
30,8%
17,7%
91,0%
32,2%
77,8%
47,3%
48,5%
66,8%
21,0%
32,1%
18,8%
92,2%
33,4%
78,8%
48,6%
49,9%
67,5%
22,0%
33,4%
19,9%
93,4%
34,7%
79,8%
50,0%
51,4%
68,1%
23,1%
34,8%
21,0%
94,3%
36,0%
80,7%
51,3%
52,9%
68,9%
24,2%
36,3%
22,2%
95,2%
37,4%
81,7%
52,7%
54,4%
69,6%
25,4%
37,8%
23,4%
96,0%
38,9%
82,7%
54,2%
56,0%
70,3%
26,7%
39,4%
24,6%
96,8%
40,4%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 103 -
Abscisses
Ordonnées
Revenus brut
déclarés
Ordonnées
Déductions et
abattement
catégoriels
Ordonnées
Déductions du
RBG
Ordonnées IR
théorique avant
QF
Ordonnées
Quotient familial
Ordonnées
Réductions
d’impôt
Ordonnées PPE
Ordonnées
Autres crédits
d’impôts
Nombre cumulé
de foyers IR
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
Montant cumulé
83,6%
55,7%
57,7%
71,1%
28,0%
41,0%
26,0%
97,4%
42,0%
84,6%
57,2%
59,3%
71,9%
29,4%
42,7%
27,3%
98,0%
43,7%
85,5%
58,8%
61,0%
72,7%
30,8%
44,5%
28,8%
98,4%
45,5%
86,5%
60,4%
62,8%
73,6%
32,4%
46,3%
30,3%
98,8%
47,3%
87,5%
62,1%
64,6%
74,5%
34,0%
48,2%
32,0%
99,1%
49,2%
88,4%
63,8%
66,4%
75,4%
35,7%
50,1%
33,7%
99,4%
51,2%
89,4%
65,6%
68,3%
76,4%
37,5%
52,1%
35,5%
99,5%
53,3%
90,4%
67,5%
70,2%
77,4%
39,5%
54,2%
37,4%
99,7%
55,5%
91,3%
69,4%
72,2%
78,5%
41,5%
56,3%
39,6%
99,8%
57,8%
92,3%
71,5%
74,2%
79,6%
43,8%
58,4%
41,8%
99,9%
60,3%
93,3%
73,6%
76,3%
80,9%
46,2%
60,8%
44,3%
99,9%
62,9%
94,2%
75,9%
78,5%
82,2%
49,0%
63,5%
47,2%
99,9%
65,7%
95,2%
78,3%
80,8%
83,7%
52,2%
66,9%
50,3%
100,0%
68,8%
96,1%
80,9%
83,2%
85,4%
56,0%
71,3%
54,0%
100,0%
72,3%
97,1%
83,8%
85,8%
87,4%
60,7%
76,7%
58,4%
100,0%
76,3%
98,1%
87,1%
88,7%
89,7%
66,7%
83,3%
64,1%
100,0%
81,3%
99,0%
91,2%
92,1%
93,0%
75,4%
91,1%
72,5%
100,0%
87,8%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 104 -
Tableau 28 : Pseudo-indices de Gini des étapes clés de liquidation de l’IR
Gini
Revenus brut
déclarés
Gini
Déductions et
abattement
catégoriels
Gini
Déductions du
RBG
Gini IR
théorique avant
QF
Gini Quotient
familial
Gini Réductions
d’impôt
Gini PPE
Gini Autres crédits
d’impôts
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
7,9863E-05
-0,00217309
0,00220337
0,0001881
0,00013746
0,000353464
0,0014057
0,00094297
D9
2,3709E-05
-0,00035819
0,00041114
3,235E-05
2,351E-05
6,03984E-05
0,00028692
0,00016545
D10
4,4895E-05
-0,0003352
0,00048901
3,3144E-05
2,3847E-05
6,10393E-05
0,00039399
0,0001765
D11
6,8517E-05
-0,00031256
0,00057769
3,4195E-05
2,4403E-05
6,20519E-05
0,00052577
0,00018985
D12
9,3781E-05
-0,00028635
0,00066896
3,5001E-05
2,4813E-05
6,26091E-05
0,00067343
0,00020238
D13
0,00012101
-0,00025937
0,00076933
3,5823E-05
2,5256E-05
6,32656E-05
0,00083257
0,0002154
D14
0,00014985
-0,00023054
0,00087372
3,6628E-05
2,571E-05
6,39584E-05
0,00099358
0,00022887
D15
0,0001802
-0,00020035
0,00097947
3,747E-05
2,6254E-05
6,47218E-05
0,00115423
0,00024254
D16
0,00021239
-0,00016902
0,00108974
3,854E-05
2,7926E-05
6,55542E-05
0,00131587
0,00025669
D17
0,00024583
-0,00013603
0,00119909
3,9917E-05
3,1605E-05
6,61963E-05
0,0014786
0,00027088
D18
0,00028061
-0,00010003
0,00130757
4,1668E-05
3,7308E-05
6,67481E-05
0,0016472
0,00028525
D19
0,00031781
-6,2876E-05
0,00142257
4,394E-05
4,5154E-05
6,75239E-05
0,00182331
0,00030127
D20
0,00035485
-2,5731E-05
0,00153199
4,6317E-05
5,4462E-05
6,79757E-05
0,00199297
0,00031649
D21
0,00039365
1,2708E-05
0,00164456
4,9032E-05
6,5282E-05
6,85268E-05
0,00217397
0,00033261
D22
0,00043459
5,2764E-05
0,00176051
5,2114E-05
7,7732E-05
6,91894E-05
0,0023653
0,00034995
D23
0,00047636
9,4219E-05
0,00187475
5,5396E-05
9,143E-05
6,97811E-05
0,00256575
0,00036752
D24
0,00051752
0,00013923
0,00198426
5,8742E-05
0,00010593
7,01636E-05
0,00277344
0,00038436
D25
0,00056258
0,00018648
0,00210445
6,2709E-05
0,00012176
7,12066E-05
0,00301352
0,0004037
D26
0,00060781
0,00023236
0,00221903
6,6901E-05
0,00013757
7,2468E-05
0,00326982
0,00042268
D27
0,00065425
0,00028004
0,00233431
7,1689E-05
0,000154
7,38836E-05
0,00353449
0,00044249
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 105 -
Gini
Revenus brut
déclarés
Gini
Déductions et
abattement
catégoriels
Gini
Déductions du
RBG
Gini IR
théorique avant
QF
Gini Quotient
familial
Gini Réductions
d’impôt
Gini PPE
Gini Autres crédits
d’impôts
D28
0,00070292
0,00033021
0,00245364
7,7486E-05
0,00017184
7,55985E-05
0,00380645
0,00046374
D29
0,00075135
0,00038162
0,00256728
8,4088E-05
0,00019055
7,74092E-05
0,00407153
0,00048487
D30
0,0007983
0,00043334
0,00267126
9,1398E-05
0,00020978
7,93709E-05
0,00431848
0,00050561
D31
0,00085156
0,00048992
0,00279157
0,00010025
0,00023135
8,19915E-05
0,00458863
0,00053044
D32
0,00090231
0,00054655
0,00290152
0,00010952
0,00025287
8,41522E-05
0,00482885
0,00055351
D33
0,00095534
0,00060574
0,00301871
0,00011974
0,00027589
8,65924E-05
0,00506139
0,00057804
D34
0,00100937
0,00066662
0,0031368
0,0001308
0,00030026
8,93889E-05
0,00527734
0,00060327
D35
0,00106378
0,00072878
0,00323572
0,00014313
0,0003274
9,30852E-05
0,00547462
0,00062924
D36
0,00112093
0,00079413
0,00331935
0,00015723
0,0003583
9,79531E-05
0,00566583
0,00065784
D37
0,00117699
0,00085998
0,00339104
0,00017227
0,00039007
0,000103481
0,0058299
0,00068688
D38
0,00123572
0,00092899
0,00346562
0,00018873
0,00042395
0,000109882
0,0059835
0,00071808
D39
0,00129225
0,00099715
0,00353087
0,00020588
0,00045858
0,000116465
0,00610032
0,00074846
D40
0,00134788
0,00106513
0,00359145
0,00022386
0,00049435
0,000123507
0,00618588
0,00077921
D41
0,0014166
0,00114418
0,00368436
0,00024512
0,00053663
0,000132704
0,00629977
0,00081839
D42
0,0014731
0,00121382
0,00374354
0,00026537
0,00057629
0,000141874
0,0063346
0,00085111
D43
0,00153719
0,00129009
0,0038204
0,00028795
0,00062058
0,000152768
0,00639196
0,00088891
D44
0,00159612
0,00136239
0,00388296
0,00031045
0,00066417
0,000164291
0,00642107
0,00092464
D45
0,0016651
0,00144349
0,00396906
0,00033579
0,00071337
0,000177876
0,00648404
0,00096674
D46
0,00173513
0,00152576
0,0040565
0,00036231
0,00076435
0,000192329
0,00654431
0,00101022
D47
0,00179497
0,00159907
0,00411989
0,00038751
0,00081202
0,000206532
0,00656181
0,00104859
D48
0,00186196
0,00167873
0,00419954
0,00041509
0,000864
0,000222614
0,00660307
0,00109132
D49
0,00193791
0,00176671
0,00429768
0,00044567
0,00092153
0,000240931
0,00667132
0,00113993
D50
0,0020023
0,00184423
0,00436813
0,00047464
0,00097492
0,000259087
0,00669588
0,00118269
D51
0,00207647
0,00193056
0,00445771
0,0005071
0,001034
0,000279979
0,00675048
0,00123176
D52
0,00214914
0,0020154
0,00454212
0,00054029
0,00109352
0,000302092
0,00679676
0,00128088
D53
0,00222077
0,00209914
0,00462334
0,00057416
0,00115338
0,000325527
0,00683696
0,00133056
D54
0,00229583
0,00218591
0,00471132
0,00060985
0,00121521
0,000351236
0,0068853
0,00138302
D55
0,00237325
0,00227477
0,00480381
0,00064708
0,00127833
0,000379045
0,0069385
0,00143717
D56
0,0024489
0,00236167
0,00489207
0,00068483
0,00134045
0,000408705
0,00698448
0,00149068
D57
0,00252785
0,00245157
0,00498612
0,00072454
0,00140431
0,000441127
0,00703755
0,00154721
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 106 -
Gini
Revenus brut
déclarés
Gini
Déductions et
abattement
catégoriels
Gini
Déductions du
RBG
Gini IR
théorique avant
QF
Gini Quotient
familial
Gini Réductions
d’impôt
Gini PPE
Gini Autres crédits
d’impôts
D58
0,00261296
0,00254727
0,00509031
0,00076719
0,0014718
0,000476878
0,00710529
0,00160839
D59
0,00268589
0,00263064
0,00516887
0,00080735
0,00153243
0,00051264
0,00713878
0,00166273
D60
0,00278038
0,00273477
0,00528745
0,00085513
0,00160527
0,000554726
0,0072279
0,00173164
D61
0,00285767
0,00282169
0,00537167
0,00089863
0,00166808
0,000595713
0,00727102
0,00179044
D62
0,0029488
0,0029219
0,00547753
0,0009474
0,00173849
0,000641783
0,00734881
0,00185829
D63
0,00303334
0,00301527
0,00555182
0,00099557
0,00180458
0,000689937
0,00740939
0,00192298
D64
0,00312877
0,00311901
0,00562597
0,00104894
0,00187715
0,000744401
0,00749611
0,00199543
D65
0,00321519
0,00321373
0,00567687
0,00110066
0,0019444
0,000799619
0,00756002
0,0020629
D66
0,00331342
0,00331993
0,00574339
0,00115794
0,00201857
0,00086073
0,00765011
0,00213888
D67
0,0034098
0,0034237
0,00580206
0,00121625
0,00209162
0,00092453
0,00773542
0,00221507
D68
0,00350409
0,00352734
0,00585343
0,00127535
0,00216372
0,000990434
0,00781667
0,0022909
D69
0,00360671
0,00363928
0,00591536
0,00133915
0,00224188
0,001061519
0,00791678
0,00237366
D70
0,00371228
0,0037524
0,00597844
0,00140621
0,00232375
0,001136706
0,00802353
0,00246057
D71
0,00380974
0,00385758
0,00602529
0,00147264
0,00240387
0,001212208
0,00811362
0,00254385
D72
0,00392186
0,00397795
0,00609187
0,00154755
0,00249717
0,001294864
0,00823452
0,00263866
D73
0,00403152
0,00409621
0,00615113
0,00162437
0,00259236
0,001378888
0,00834899
0,00273427
D74
0,00414491
0,0042186
0,00621312
0,00170561
0,00269369
0,001467135
0,00846949
0,00283484
D75
0,00425893
0,00434216
0,00627311
0,00179011
0,00279964
0,001559294
0,00858707
0,00293821
D76
0,0043775
0,00447096
0,00633654
0,00187945
0,00291266
0,001656416
0,00870792
0,00304697
D77
0,00450086
0,00460548
0,00640393
0,00197383
0,0030327
0,001757839
0,00883042
0,00316267
D78
0,00461946
0,00473591
0,00646183
0,00206918
0,00315351
0,001859468
0,00893369
0,00327972
D79
0,00475055
0,00487977
0,00653364
0,00217332
0,00328687
0,00196838
0,00904358
0,00340874
D80
0,00487645
0,00501925
0,00659514
0,00227847
0,00342073
0,002077111
0,0091248
0,00353713
D81
0,00501331
0,00517005
0,00666866
0,00239242
0,00356676
0,002193045
0,00921271
0,00367731
D82
0,00515325
0,0053236
0,00674316
0,00251168
0,00371893
0,002313963
0,009292
0,00382376
D83
0,00528924
0,00547333
0,00680959
0,00263297
0,00387137
0,002436905
0,00934989
0,00397062
D84
0,00543862
0,00563675
0,00689035
0,00276516
0,00403671
0,002568971
0,00941435
0,00413109
D85
0,00558698
0,00579797
0,00696675
0,00290136
0,00420349
0,002704707
0,00946028
0,00429506
D86
0,00573993
0,00596268
0,00704595
0,00304473
0,00437549
0,00284822
0,00950019
0,00446658
D87
0,00589849
0,00613172
0,00712903
0,00319623
0,00455356
0,002999743
0,00953389
0,00464699
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 107 -
Gini
Revenus brut
déclarés
Gini
Déductions et
abattement
catégoriels
Gini
Déductions du
RBG
Gini IR
théorique avant
QF
Gini Quotient
familial
Gini Réductions
d’impôt
Gini PPE
Gini Autres crédits
d’impôts
D88
0,0060642
0,00630653
0,00721801
0,00335727
0,00473787
0,00316065
0,00956185
0,00483695
D89
0,00623591
0,00648668
0,00731134
0,00352805
0,00492732
0,00333191
0,00958316
0,0050344
D90
0,0064108
0,00666758
0,00740556
0,00370776
0,00511989
0,003513114
0,00959509
0,00523896
D91
0,00659586
0,00685594
0,00750846
0,00390115
0,00532004
0,003709178
0,00960834
0,00545801
D92
0,00678843
0,00704946
0,00761658
0,00410822
0,00552564
0,003920648
0,00961796
0,00568931
D93
0,00698755
0,0072463
0,0077296
0,00433174
0,00574037
0,004149516
0,00962106
0,00593256
D94
0,00720101
0,00745428
0,00785605
0,00458335
0,00598528
0,004406579
0,00962665
0,0061963
D95
0,0074267
0,0076706
0,00799375
0,00487147
0,00628213
0,004694838
0,00962948
0,00648224
D96
0,00766979
0,00789936
0,00814773
0,0052109
0,00665727
0,00502465
0,00963216
0,00679982
D97
0,00793399
0,00814212
0,00832193
0,00562053
0,00712768
0,005415004
0,0096326
0,00716104
D98
0,00823096
0,00840649
0,00853014
0,00613766
0,00770423
0,00590255
0,00963262
0,0075932
D99
0,00858627
0,00870883
0,00880232
0,00684603
0,00839799
0,006579549
0,00963351
0,00814699
D100
0,00920811
0,0092528
0,00929654
0,00844809
0,00920464
0,008307841
0,0096337
0,00904783
0,46059632
0,48424401
0,14340162
0,7457823
0,6287094
0,772757765
-0,17903299
0,59414645
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 108 -
Annexe n°2 – Données relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 109 -
Tableau 29 : Décomposition des patrimoines déclarés à l’ISF en 2009 par décile de patrimoine brut déclaré (en €)
3,0<P<3,2
3,2<P<3,4
3,4 <P<3,6
3,6<P<3,9
3,9<P<4,2
4,2<P<4,7
4,7<P<5,4
5,4<P<6,7
6,7<P<9,7
P>9,7
Total
Résidence
principale
3 177 679 083
3 208 656 545
3 382 826 510
3 433 820 240
3 556 767 599
3 741 649 774
4 040 987 763
4 203 088 628
4 863 100 601
6 502 473 912
230 373 452 846
Autres
immeubles
4 550 625 144
4 617 727 857
4 879 792 818
5 098 920 540
5 531 302 306
5 864 672 826
6 471 516 649
7 332 116 087
8 391 624 693
12 307 459
777
264 223 107 173
Bois, forêts et
parts de
groupements
forestiers
63 966 817
87 154 196
78 929 827
93 995 684
112 257 787
135 637 280
128 590 087
179 757 218
224 408 719
484 882 403
3 407 727 219
Baux ruraux
loués à long
terme
90 882 921
104 359 251
106 495 716
86 248 075
90 263 288
143 403 045
109 157 561
133 111 512
122 957 911
130 624 900
4 480 552 042
Parts de
groupements
fonciers
agricoles et
groupements
agricoles
fonciers
21 445 173
29 136 126
28 677 474
31 997 815
41 164 075
40 495 245
42 515 109
60 121 028
74 294 312
164 404 070
1 170 545 886
Autres biens
219 485 731
237 842 388
220 712 191
243 072 191
285 128 682
277 042 323
255 146 083
311 671 487
287 829 496
393 461 704
14 267 645 229
Parts ou
actions
détenues par
les salariés ou
mandataires
sociaux
85 683 581
72 809 495
100 774 373
95 858 568
125 757 818
155 840 704
170 740 769
262 295 686
396 216 681
6 921 977 562
9 904 009 495
Parts ou
actions de
sociétés avec
engagement
de
conservation
de 6 ans au
minimum
190 954 698
188 033 267
229 695 124
312 520 262
279 493 668
428 372 357
504 912 643
748 300 456
1 337 080 764
7 813 231 124
14 435 733 588
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 110 -
3,0<P<3,2
3,2<P<3,4
3,4 <P<3,6
3,6<P<3,9
3,9<P<4,2
4,2<P<4,7
4,7<P<5,4
5,4<P<6,7
6,7<P<9,7
P>9,7
Total
Droits sociaux
de sociétés
dans
lesquelles
vous exercez
une fonction
ou une
activité
418 102 969
475 343 160
532 917 349
577 430 205
639 478 308
704 560 723
920 941 812
1 153 198 192
1 610 562 844
7 883 435 281
26 176 192 039
Autres valeurs
mobilières
4 216 348 060
4 604 740 512
4 829 405 663
5 302 823 596
6 008 253 744
6 664 010 186
7 800 356 293
9 664 118 030
13 311 780 651
43 112 967
963
252 229 521 482
Liquidités
2 251 884 157
2 381 330 617
2 581 986 766
2 728 944 620
2 830 578 925
3 066 584 360
3 593 639 428
4 120 140 188
5 372 653 698
11 920 944
747
147 526 067 614
Autres biens
meubles
2 269 650 853
2 470 698 636
2 571 053 444
2 896 894 299
3 113 942 050
3 647 964 552
4 008 984 553
5 120 110 054
7 758 270 708
25 986 695
277
150 229 767 657
Droits sociaux
détenus à la
suite d'un
rachat
d'entreprise
par les salariés
37 049
191 424
0
220 229
150 036
106 105
290 828
7
152 731
47 031
6 550 550
Droits sociaux
détenus par le
foyer fiscal
dans une
société
interposée
21 277 676
20 016 726
44 523 771
38 667 328
50 833 451
87 079 867
104 248 714
140 853 828
267 893 915
4 727 167 936
5 788 749 247
Droits sociaux
constituant
plus de 50%
du patrimoine
18 992 834
25 402 381
40 066 839
43 031 935
39 492 098
61 048 684
91 887 170
153 448 003
315 854 522
4 421 450 317
5 312 709 397
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 111 -
3,0<P<3,2
3,2<P<3,4
3,4 <P<3,6
3,6<P<3,9
3,9<P<4,2
4,2<P<4,7
4,7<P<5,4
5,4<P<6,7
6,7<P<9,7
P>9,7
Total
Titres ou parts
de FIP, FCPI
ou FCPR reçus
en
contrepartie
de la
souscription
au capital
d'une PME
14 070 150
15 067 550
14 571 204
19 757 608
24 695 176
28 636 394
34 858 921
46 734 590
87 806 850
149 859 335
682 641 966
Forfait
mobilier, le
cas échéant
22 298 453
17 251 605
20 163 008
19 344 588
19 383 780
17 950 845
21 083 706
22 468 158
22 879 939
37 452 980
2 000 095 476
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 112 -
Tableau 30 : Répartition du patrimoine au sein du décile supérieur d’assujettis à l’ISF
en 2009
Montant
Patrimoine
<= à
3 230
591
<= à
3 407
215
<= à
3 625
942
<= à
3 895
418
<= à
4 249
372
<= à
4 731
284
<= à
5 443
489
<= à
6 716
613
<= à
9 743
582
> à
9 743 582
Total
NOMBRE
5 597
5 596
5 598
5 597
5 597
5 597
5 597
5 597
5 596
5 596
55 968
Résidence
principale
3 177 679 083
3 208 656 545
3 382 826 510
3 433 820 240
3 556 767 599
3 741 649 774
4 040 987 763
4 203 088 628
4 863 100 601
6 502 473 912
40 111 050 655
Autres
immeubles
4 550 625 144
4 617 727 857
4 879 792 818
5 098 920 540
5 531 302 306
5 864 672 826
6 471 516 649
7 332 116 087
8 391 624 693
12 307 459 777
65 045 758 697
Bois, forêts et
parts de
groupements
forestiers
63 966 817
87 154 196
78 929 827
93 995 684
112 257 787
135 637 280
128 590 087
179 757 218
224 408 719
484 882 403
1 589 580 018
Baux ruraux
loués à long
terme
90 882 921
104 359 251
106 495 716
86 248 075
90 263 288
143 403 045
109 157 561
133 111 512
122 957 911
130 624 900
1 117 504 180
Parts de
groupements
fonciers
agricoles et
groupements
agricoles
fonciers
21 445 173
29 136 126
28 677 474
31 997 815
41 164 075
40 495 245
42 515 109
60 121 028
74 294 312
164 404 070
534 250 427
Autres biens
219 485 731
237 842 388
220 712 191
243 072 191
285 128 682
277 042 323
255 146 083
311 671 487
287 829 496
393 461 704
2 731 392 276
Parts ou
actions
détenues par
les salariés ou
mandataires
sociaux
85 683 581
72 809 495
100 774 373
95 858 568
125 757 818
155 840 704
170 740 769
262 295 686
396 216 681
6 921 977 562
8 387 955 237
Parts ou
actions de
sociétés avec
engagement
de
conservation
de 6 ans au
minimum
190 954 698
188 033 267
229 695 124
312 520 262
279 493 668
428 372 357
504 912 643
748 300 456
1 337 080 764
7 813 231 124
12 032 594 363
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 113 -
Montant
Patrimoine
<= à
3 230
591
<= à
3 407
215
<= à
3 625
942
<= à
3 895
418
<= à
4 249
372
<= à
4 731
284
<= à
5 443
489
<= à
6 716
613
<= à
9 743
582
> à
9 743 582
Total
Droits sociaux
de sociétés
dans lesquelles
vous exercez
une fonction
ou une activité
418 102 969
475 343 160
532 917 349
577 430 205
639 478 308
704 560 723
920 941 812
1 153 198 192
1 610 562 844
7 883 435 281
14 915 970 843
Autres valeurs
mobilières
4 216 348 060
4 604 740 512
4 829 405 663
5 302 823 596
6 008 253 744
6 664 010 186
7 800 356 293
9 664 118 030
13 311 780 651
43 112 967 963
105 514 804 698
Liquidités
2 251 884 157
2 381 330 617
2 581 986 766
2 728 944 620
2 830 578 925
3 066 584 360
3 593 639 428
4 120 140 188
5 372 653 698
11 920 944 747
40 848 687 506
Autres biens
meubles
2 269 650 853
2 470 698 636
2 571 053 444
2 896 894 299
3 113 942 050
3 647 964 552
4 008 984 553
5 120 110 054
7 758 270 708
25 986 695 277
59 844 264 426
Droits sociaux
détenus à la
suite
d'un rachat
d'entreprise
par les salariés
37 049
191 424
0
220 229
150 036
106 105
290 828
7
152 731
47 031
1 195 440
Droits sociaux
détenus par le
foyer fiscal
dans une
société
interposée
21 277 676
20 016 726
44 523 771
38 667 328
50 833 451
87 079 867
104 248 714
140 853 828
267 893 915
4 727 167 936
5 502 563 212
Droits sociaux
constituant
plus de 50% du
patrimoine
18 992 834
25 402 381
40 066 839
43 031 935
39 492 098
61 048 684
91 887 170
153 448 003
315 854 522
4 421 450 317
5 210 674 783
Titres ou parts
de FIP, FCPI ou
FCPR reçus en
contrepartie de
la souscription
au capital
d'une PME
14 070 150
15 067 550
14 571 204
19 757 608
24 695 176
28 636 394
34 858 921
46 734 590
87 806 850
149 859 335
436 057 778
Forfait
mobilier, le cas
échéant
22 298 453
17 251 605
20 163 008
19 344 588
19 383 780
17 950 845
21 083 706
22 468 158
22 879 939
37 452 980
220 277 062
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 114 -
Montant
Patrimoine
<= à
3 230
591
<= à
3 407
215
<= à
3 625
942
<= à
3 895
418
<= à
4 249
372
<= à
4 731
284
<= à
5 443
489
<= à
6 716
613
<= à
9 743
582
> à
9 743 582
Total
Total
17 633 385 349
18 555 761 736
19 662 592 077
21 023 547 783
22 748 942 791
25 065 055 270
28 299 858 089
33 651 533 152
44 445 369 035
132 958 536 319
364 044 581 601
Montant d'ISF
à payer
55 505 130
60 930 420
65 047 649
72 505 844
81 415 084
95 509 841
112 266 325
147 543 347
233 973 721
1 025 545 372
1 950 242 732
Montant du
bouclier
2009
1 107 952
1 478 326
1 809 939
2 507 953
3 816 915
6 044 864
9 408 851
20 681 386
50 047 330
461 240 546
558 144 061
Montant d'ISF
net de
bouclier
2009*
54 397 178
59 452 094
63 237 710
69 997 891
77 598 169
89 464 977
102 857 474
126 861 961
183 926 391
564 304 826
1 392 098 671
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 115 -
Tableau 31 : Répartition, par centile d’ISF à payer, du montant d’ISF avant application du bouclier fiscal
(2009, en €)
Montant ISF
Nombre
Montant total
Moyenne
0 (7 centiles)
41 721
0
0
<= à 17
3 065
27 064
9
<= à 47
5 595
181 856
33
<= à 78
5 678
356 174
63
<= à 111
5 640
535 443
95
<= à 144
5 568
711 929
128
<= à 111
5 562
893 490
161
<= à 211
5 549
1 078 565
194
<= à 246
5 723
1 309 935
229
<= à 281
5 529
1 458 991
264
<= à 317
5 625
1 684 988
300
<= à 353
5 610
1 881 078
335
<= à 389
5 578
2 071 722
371
<= à 426
5 633
2 298 661
408
<= à 462
5 482
2 436 277
444
<= à 500
5 620
2 706 801
482
<= à 538
5 570
2 894 092
520
<= à 577
5 667
3 162 208
558
<= à 616
5 656
3 375 979
597
<= à 655
5 500
3 497 234
636
<= à 695
5 618
3 795 809
676
<= à 736
5 625
4 026 894
716
<= à 776
5 519
4 174 774
756
<= à 818
5 630
4 487 756
797
<= à 859
5 575
4 679 402
839
<= à 902
5 683
5 005 942
881
<= à 945
5 581
5 157 522
924
<= à 989
5 531
5 352 017
968
<= à 1 035
5 628
5 697 081
1 012
<= à 1 079
5 556
5 875 058
1 057
<= à 1 125
5 608
6 183 525
1 103
<= à 1 171
5 597
6 428 417
1 148
<= à 1 219
5 690
6 802 841
1 196
<= à 1 267
5 581
6 939 441
1 243
<= à 1 316
5 573
7 201 846
1 292
<= à 1 365
5 524
7 407 293
1 341
<= à 1 416
5 613
7 807 064
1 391
<= à 1 468
5 677
8 187 692
1 442
<= à 1 522
5 560
8 314 872
1 495
<= à 1 575
5 563
8 616 814
1 549
<= à 1 631
5 616
9 002 674
1 603
<= à 1 687
5 599
9 291 618
1 660
<= à 1 744
5 632
9 662 448
1 716
<= à 1 802
5 624
9 973 388
1 773
<= à 1 861
5 523
10 115 028
1 831
<= à 1 924
5 591
10 582 511
1 893
<= à 1 987
5 649
11 048 348
1 956
<= à 2 051
5 553
11 212 013
2 019
<= à 2 120
5 643
11 772 459
2 086
<= à 2 187
5 539
11 929 670
2 154
<= à 2 256
5 657
12 570 756
2 222
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 116 -
Montant ISF
Nombre
Montant total
Moyenne
<= à 2 327
5 570
12 767 501
2 292
<= à 2 400
5 577
13 182 216
2 364
<= à 2 476
5 587
13 621 955
2 438
<= à 2 556
5 612
14 123 179
2 517
<= à 2 638
5 589
14 514 192
2 597
<= à 2 732
5 582
14 971 889
2 682
<= à 2 847
5 635
15 719 167
2 789
<= à 2 966
5 560
16 162 204
2 907
<= à 3 091
5 619
17 018 069
3 029
<= à 3 218
5 592
17 642 867
3 155
<= à 3 352
5 581
18 334 608
3 285
<= à 3 495
5 589
19 135 183
3 424
<= à 3 643
5 590
19 953 577
3 569
<= à 3 798
5 598
20 834 060
3 721
<= à 3 959
5 606
21 748 625
3 879
<= à 4 128
5 595
22 623 060
4 043
<= à 4 305
5 613
23 670 904
4 217
<= à 4 493
5 598
24 624 082
4 399
<= à 4 686
5 571
25 563 742
4 588
<= à 4 895
5 610
26 872 922
4 790
<= à 5 119
5 600
28 025 802
5 005
<= à 5 359
5 584
29 245 174
5 238
<= à 5 614
5 601
30 725 880
5 486
<= à 5 891
5 599
32 213 384
5 753
<= à 6 188
5 602
33 828 812
6 038
<= à 6 512
5 594
35 519 966
6 350
<= à 6 862
5 601
37 443 481
6 685
<= à 7 248
5 587
39 394 680
7 051
<= à 7 673
5 604
41 787 796
7 457
<= à 8 150
5 594
44 236 992
7 908
<= à 8 680
5 597
47 064 791
8 409
<= à 9 276
5 590
50 162 560
8 974
<= à 9 970
5 607
53 909 511
9 615
<= à 10 786
5 590
57 958 876
10 368
<= à 11 736
5 594
62 887 828
11 242
<= à 13 114
5 597
69 200 409
12 364
<= à 15 030
5 597
78 552 884
14 036
<= à 17 427
5 598
90 511 717
16 167
<= à 20 742
5 595
106 258 993
18 993
<= à 25 833
5 597
129 293 825
23 101
<= à 36 700
5 597
171 052 807
30 562
<= à 64 838
5 596
269 912 101
48 230
> à 64 838
5 596
1 079 602 559
192 916
Total
559 727
3 263 740 291
5 831
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 117 -
Tableau 32 : Construction des courbes de Lorenz de l’ISF à payer (hors imputation du bouclier fiscal),
2009.
Abscisses Lorenz
Ordonnées Lorenz
Nombre cumulé de foyers ISF
Montant cumulé de l'impôt
7,5%
0,0%
8,0%
0,0%
9,0%
0,0%
10,0%
0,0%
11,0%
0,0%
12,0%
0,1%
13,0%
0,1%
14,0%
0,1%
15,0%
0,2%
16,0%
0,2%
17,0%
0,3%
18,0%
0,3%
19,0%
0,4%
20,0%
0,4%
21,0%
0,5%
22,0%
0,6%
23,0%
0,7%
24,0%
0,8%
25,0%
0,9%
26,0%
1,0%
27,0%
1,1%
28,0%
1,2%
29,0%
1,4%
30,0%
1,5%
31,0%
1,6%
32,0%
1,8%
33,0%
2,0%
34,0%
2,1%
35,0%
2,3%
36,0%
2,5%
37,0%
2,7%
38,0%
2,9%
39,0%
3,1%
40,0%
3,3%
41,0%
3,5%
42,0%
3,7%
43,0%
4,0%
44,0%
4,2%
45,0%
4,5%
46,0%
4,7%
47,0%
5,0%
48,0%
5,3%
49,0%
5,6%
50,0%
5,9%
51,0%
6,2%
52,0%
6,5%
53,0%
6,9%
54,0%
7,2%
55,0%
7,6%
56,0%
7,9%
IMPÔT SUR LE REVENU, IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE ET ÉQUITÉ FISCALE
- 118 -
Abscisses Lorenz
Ordonnées Lorenz
57,0%
8,3%
58,0%
8,7%
59,0%
9,1%
60,0%
9,5%
61,0%
10,0%
62,0%
10,4%
63,0%
10,9%
64,0%
11,4%
65,0%
11,9%
66,0%
12,4%
67,0%
12,9%
68,0%
13,5%
69,0%
14,1%
70,0%
14,7%
71,0%
15,3%
72,0%
16,0%
73,0%
16,7%
74,0%
17,4%
75,0%
18,2%
76,0%
18,9%
77,0%
19,8%
78,0%
20,6%
79,0%
21,5%
80,0%
22,5%
81,0%
23,4%
82,0%
24,5%
83,0%
25,6%
84,0%
26,7%
85,0%
27,9%
86,0%
29,2%
87,0%
30,6%
88,0%
32,0%
89,0%
33,5%
90,0%
35,2%
91,0%
37,0%
92,0%
38,9%
93,0%
41,0%
94,0%
43,4%
95,0%
46,2%
96,0%
49,4%
97,0%
53,4%
98,0%
58,7%
99,0%
66,9%
100,0%
100,0%
Source
: Bureau GF3C de la DGFiP, 2011.
L’évolution de la répartition des revenus en France
Gabriel Z
UCMAN
École d’économie de Paris
11 novembre 2010
1.
La tendance contemporaine à la hausse des inégalités de revenus
L’évolution récente de la distribution des revenus avant prélèvements en France se caractérise
par la divergence entre la faible augmentation des revenus de 90 % de la population et la forte
hausse des plus hautes rémunérations, autrement dit par une augmentation des inégalités « par
le haut ». Cette tendance date de la fin des années 1990. Elle est documentée par les travaux
de Camille Landais [2008], dont les séries vont jusqu’à 2006, et, plus récemment, par l’Insee,
dont les chiffres s’arrêtent en 2007. Elle provient essentiellement de la très forte augmentation
des très hauts salaires. On sait encore très peu de choses concernant l’effet de la crise
financière qui a commencé en 2008 sur les inégalités.
a.
1998-2006 : forte augmentation des très hautes rémunérations…
Pour analyser la distribution des revenus, les statistiques établies annuellement par
l’administration fiscale sur la base des déclarations de revenus (« États 1921 ») constituent
une source privilégiée : à l’inverse de la plupart des données d’enquête, elles permettent
d’établir des séries historiques longues, homogènes, fondées sur des concepts harmonisés,
avec une bonne couverture des très hauts revenus
1
. Les statistiques fiscales portent sur le
revenu brut avant impôt sur le revenu (mais net des cotisations sociales et de la CSG
déductible). Elles incluent tous les revenus indiqués sur les déclarations : salaires (y compris
droits d’auteur, allocations chômage, avantages en nature, etc.), pensions (retraites et rentes
viagères),
revenus
des
indépendants
(bénéfices
agricoles,
bénéfices
industriels
et
commerciaux et bénéfices non commerciaux imposables à l’IR et non à l’impôt sur les
sociétés), revenus fonciers, revenus des capitaux mobiliers (hors avoir fiscal avant 2004) et
plus-values
2
. Les chiffres qui suivent excluent les plus-values réalisées, par nature très
volatiles, mais les tendances sont identiques lorsque les plus-values sont prises en compte.
D’un point de vue agrégé, les statistiques fiscales montrent que les gains réels de revenus ont
été en moyenne très limités depuis la fin des années 1990. Entre 1998 et 2006, le revenu
moyen des foyers fiscaux est passé de 22 481 euros à 25 347 euros (en euros de 2005). Ceci
représente une hausse de + 12,7 % sur 8 ans, soit + 1,5 % en moyenne par an.
Comme le montre le graphique n° 1, extrait de l’étude de Camille Landais [2008, p. 8], ces
faibles gains de revenus réels sont très inégalement répartis entre les différents groupes. Seule
une très faible proportion de Français voient leurs revenus augmenter sensiblement, mais pour
1
L’analyse des très hauts revenus nécessite de recourir à des extrapolations statistiques, mais ces extrapolations
ont fait la preuve de leur fiabilité. L’accès à des échantillons de déclarations fiscales sur-échantillonnant la queue
de la distribution permet de gagner en précision, particulièrement quand les évolutions de la législation fiscale se
traduisent par la diminution du nombre de tranches d’imposition.
2
Les revenus au sens fiscal diffèrent cependant des revenus économiques réels (au sens de Haig-Simons) dans la
mesure où ils excluent certaines catégories comme les loyers imputés, les plus-values latentes, ou les avantages
salariaux divers.
ceux-ci l’évolution est remarquable. Alors que pour 90 % de la population, le gain total de
revenu réel a été 12,4 %, il a été de + 26,9 % (soit + 3 % par an en moyenne) pour les 1 % les
plus aisés et de 43,3 % (+ 4,6 % par an) pour les 0,1 % les plus aisés. Tout en haut de la
distribution, le revenu moyen des 0,01 % des foyers fiscaux les plus aisés a crû de 63,7 %
(+ 6,3 % par an).
Graphique 1 : Evolution du revenu réel moyen par fractile de revenu, base 100 en 1998
Source : Landais [2008]
La hausse rapide du revenu des 1 % les plus aisés se traduit par une augmentation de la part
de leurs revenus dans le revenu total : celle-ci est passée de 7,8 % en 1997 (un niveau assez
proche du plancher historique de 7 % atteint en 1983) à 9 % en 2006. À l’aune de ce que
gagnent les 1 % des foyers les plus aisés relativement au reste de la population, la tendance
récente
est
donc
à
l’augmentation
continue
et
dynamique
des
inégalités
depuis
1998 (graphique n° 2), et plus largement depuis le milieu des années 1980, si l’on met entre
parenthèses la crise du début des années 1990. Les chiffres publiés par l’Insee en mai 2010
montrent que la tendance s’est prolongée jusqu’en en 2007 au même rythme
3
.
3
Pour la première fois, l’édition 2010 des R
evenus et patrimoine des ménages
de l’Insee inclut des statistiques
sur la distribution des revenus au sein 10 % des revenus les plus élevés, en « zoomant » jusqu’aux 0,01 % les
plus aisés [Julie Solard, 2010]. Ces statistiques utilisent les mêmes sources fiscales que l’étude de Camille
Landais, mais les revenus moyens par tranche y sont calculés par unité de consommation (u.c.), ce qui empêche
de pouvoir comparer directement les tableaux des deux études. L’échelle utilisée par l’Insee pour passer des
revenus aux revenus par u.c. est la suivante : le premier adulte du ménage compte pour une u.c., les autres
personnes de 14 ans ou plus comptent pour 0,5 u.c. et les enfants des moins de 14 ans pour 0,3 u.c. Le revenu
moyen par unité de consommation des 0,01 % les plus aisés était de 1,27 million d’euros en 2007 [Solard, 2010,
tableau 2 p. 46], alors que leur revenu moyen était de 2,1 millions d’euros en 2006 [Landais, 2008, figure 2 p. 8].
Graphique 2 : Evolution de la part du revenu total touché par les 1 % les plus aisés
Source : Landais [2008]
Certains indicateurs donnent une vision apparemment différente de l’évolution des inégalités.
Le rapport interdécile du revenu disponible des ménages (ratio du revenu plancher des 10 %
les plus aisés et du revenu plafond des 10 % les moins aisés, prenant en compte les taxes et les
transferts) est resté remarquablement stable depuis la fin des années 1990, autour de 4,5. Il
serait erroné d’en conclure que les inégalités stagnent. La contradiction entre l’évolution du
rapport interdécile et la hausse des inégalités suggérée par les graphiques n° 1 et n° 2 ne tient
pas à la prise en compte des transferts : elle reflète simplement l’incapacité du rapport
interdécile à capturer l’augmentation des inégalités au sein du dernier décile, autrement dit
l’augmentation des inégalités « par le haut ». Les autres indicateurs traditionnellement utilisés
dans la littérature économique pour mesurer les inégalités de revenus (indices de Gini, indice
d’Atkinson, etc.) donnent, d’une façon générale, la même image de l’évolution des inégalités
que la part des plus hauts revenus dans le revenu total [Andrew Leigh, 2007].
b.
… Sous l’effet de la hausse des très hauts salaires
La hausse des très hauts revenus provient essentiellement d’une augmentation remarquable
des très hauts salaires. Alors que le salaire moyen a stagné en termes réels pour 90 % des
travailleurs entre 1998 et 2006 (+ 0,9 %), le salaire moyen réel des 1 % des salariés les mieux
payés a augmenté de 18,3 %, celui des 0,1 % les mieux payés de 35,8 % et celui des 0,01 %
les mieux payés de 68,9 % (graphique 3).
Graphique 3 : Evolution du salaire réel moyen par fractile de salaire, base 100 en 1998
Source : Landais [2008]
Cette évolution rompt avec la grande stabilité de la hiérarchie des salaires qui prévalait en
France depuis la fin des années 1970 : de 1978 à 1996, la fraction du salaire total touché par
les 1 % des salariés les mieux payés était de 5,8 %. Entre 1996 et 2005, elle est passée de
5,8 % à 6,6 %. Les très hauts salaires sont essentiellement versés à des dirigeants d’entreprise
(39,3 %), à des professionnels de la finance (14,9 %) et à des cadres commerciaux (10,2 %)
(cf. l’étude de Michel Amar [2010, tableau 2 p. 2]). Notons que les statistiques fiscales sur les
salaires excluent les revenus tirés de l’exercice de stocks options ou la valeur présente des
stocks options accordées aux cadres dirigeants. Leur inclusion renforcerait la tendance.
Plusieurs facteurs se conjuguent pour alimenter la hausse des inégalités de salaires.
D’un point de vue économique, Xavier Gabaix et Augustin Landier [2008] ont montré que la
hausse des salaires des cadres dirigeants pouvait s’interpréter comme la conséquence naturelle
de l’augmentation de la taille des grandes entreprises (entre 1980 et 2003, le salaire des PDG
américains a été multiplié par 6 et la capitalisation boursière des grandes entreprises par 6
également).
La fiscalité a sans doute également son importance via les effets d’offre : le taux moyen
effectif d’imposition des 0,01 % les plus aisés est passé de 44 % en 1998 à 26 % en 2006 sous
l’effet des réformes du barème de l’IR et de la multiplication des niches fiscales [Landais,
2008, figure 10 p. 23]. Même si elle n’affecte pas directement les revenus primaires, la baisse
importante des taux effectifs d’imposition tout en haut de la distribution peut contribuer
indirectement à augmenter les inégalités en favorisant l’offre de travail des plus hauts
revenus.
Des facteurs sociologiques sont aussi certainement à l’oeuvre : les normes sociales régissant la
fixation des salaires évoluent, avec l’accent mis sur l’intéressement et la participation, et
l’acceptation d’une plus grande volatilité du salaire.
Parallèlement à la très forte augmentation des plus hauts salaires, les inégalités salariales dans
le bas de la distribution ont eu tendance à se réduire au cours des dernières décennies sous
l’effet des hausses du SMIC. Si l’on considère les salaires nets des temps complets, les ratios
interdéciles D9/D1 et D5/D1 déclinent depuis 40 ans ; le ratio D9/D1 est ainsi passé de 4,18
en 1966 à 2,97 en 2006 [Jean-Philippe Cotis, 2009, p. 54]. Les hausses du SMIC ne
provoquent pas une augmentation uniforme des salaires : l’effet d’entraînement devient de
plus en plus faible lorsqu’on s’élève dans la hiérarchie des salaires. Malik Koubi et Bertrand
Lhommeau [2006] estiment que les hausses du salaire minimum n’ont pratiquement plus
aucune influence au-delà de 1,5 SMIC. En conséquence, les plus bas salaires ont tendance à
rattraper les salaires intermédiaires. Cette tendance est néanmoins contrecarrée par le
développement du temps partiel et des formes atypiques d’emploi en bas de la distribution. La
réduction du ratio interdécile disparaît quand on considère le revenu salarial total : la
diminution des inégalités de revenu horaire dans le bas de la distribution est plus que
compensée par la diminution du nombre d’heures travaillées.
c.
Les revenus du capital restent extrêmement concentrés
La hausse des inégalités de revenus depuis la fin des années 1990 est essentiellement due à la
très forte augmentation des très hauts salaires, mais elle a également été alimentée par la
bonne tenue des revenus du capital soumis à l’IR (revenus fonciers et revenus de capitaux
mobiliers). Ces derniers ont en moyenne augmenté de 30,7 % en euros constants entre 1998 et
2005, alors que les salaires n’ont augmenté que de 5,3 %. Or, la part des revenus du capital
dans le revenu total des foyers fiscaux croît avec le niveau de revenu.
Pour 90 % des
Français, les revenus du capital représentent moins de 5 % du revenu total, mais cette part
s’élève à 53 % pour les 0,01 % des foyers les plus aisés. La bonne santé des revenus du
capital, alimentée par la hausse des prix de l’immobilier (donc des loyers) et plus encore par
l’augmentation des dividendes versés par les entreprises
4
, contribue donc à l’augmentation
générale des inégalités de revenu.
d.
Des incertitudes demeurent
Bien que les sources fiscales offrent une perspective unique sur la distribution des revenus,
elles souffrent de plusieurs limites. La principale tient au fait qu’une grande partie des
revenus du capital sont sortis du barème progressif de l’impôt sur le revenu, ce qui complique
le suivi de l’évolution de leur répartition sur longue période. En particulier, les statistiques de
Camille Landais excluent les revenus soumis au prélèvement libératoire (revenus de bons,
d’obligations et des autres placements à revenus fixes), les intérêts des livrets exonérés et des
placements en assurance vie
5
. La forte croissance des revenus de capitaux mobiliers depuis les
années 1980, indiquée par la comptabilité nationale, suggère que la part du dernier décile dans
le revenu total a sensiblement plus progressé que ce que ne suggère l’évolution des seuls
revenus soumis au barème progressif de l’IR.
4
Les données de la comptabilité nationale montrent que les revenus distribués des entreprises ont augmenté de
63 % entre 1998 et 2005.
5
Depuis 2009, les épargnants peuvent également choisir le prélèvement libératoire pour leurs dividendes. Les
revenus soumis au prélèvement libératoire ne quittent pas entièrement les statistiques fiscales pour autant,
puisqu’ils sont inclus depuis 1999 dans le « revenu fiscal de référence ».
Par ailleurs, les statistiques fiscales ne portent, par définition, que sur les revenus déclarés au
fisc, et sont donc affectées par l’optimisation et la fraude fiscale. Quand les revenus sont
déclarés par un tiers (salaires, revenus des patrimoines gérés par des intermédiaires financiers
domestiques), les possibilités de fraude sont quasiment nulles. Les revenus des indépendants
sont plus difficiles à appréhender, mais les possibilités de fraude ne sont probablement guère
différentes aujourd’hui qu’hier. Le problème le plus important concerne, là encore, les
revenus du capital : l’internationalisation considérable de la gestion des fortunes signifie
qu’une part croissante de ces revenus est touchée à l’étranger. Il devient de plus en plus
difficile pour l’administration fiscale de connaître l’ensemble des revenus du patrimoine
touchés par les plus fortunés.
In fine
, la forte hausse des inégalités de salaire depuis la fin des années 1990 est le fait central
de la dynamique contemporaine de la distribution des revenus en France. Cette hausse est
solidement établie. Les sources disponibles suggèrent qu’elle s’accompagne d’une
augmentation des revenus du capital touchés par les ménages les plus aisés, qui renforce la
tendance à l’augmentation des inégalités de revenus, mais les incertitudes relatives à la
dynamique des patrimoines sont réelles.
2.
Mise en perspective historique et internationale
a.
La France n’a pas retrouvé le niveau d’inégalités de revenus du premier
XX
e
siècle
Malgré la hausse des inégalités de revenu depuis la fin des années 1990, la France est loin
d’avoir retrouvé le niveau d’inégalité qui prévalait au début du
XX
e
siècle. Comme le montre
le graphique n° 4, le revenu des 1 % les plus aisés représentait environ 20 % du revenu total à
la veille de la première guerre mondiale, contre 7-8 % au sortir de la guerre, soit une chute de
plus de plus de 50 %. Autrement dit, le revenu moyen des 1 % les plus aisés était 20 fois plus
élevé que le revenu moyen de la population française au début du
XX
e
siècle, contre 7 à 8 fois
plus élevé à la fin du
XX
e
siècle et 9 fois plus élevé aujourd’hui. Plus on monte dans le dernier
centile des revenus, plus l’effondrement relatif des très hauts revenus est spectaculaire à
l’échelle du siècle. La part des 0,01 % les plus aisés est ainsi passée d’environ 3 % au début
du siècle à 0,5-0,6 % depuis 1945, si bien que le revenu réel de ce groupe n’a en réalité pas
augmenté au cours du vingtième siècle, alors que le revenu moyen de l’ensemble de la
population a été multiplié par 4,5.
L’effondrement séculaire des inégalités est entièrement dû à l’évolution de la répartition des
revenus du capital. La part des 1 % des salariés les mieux payés dans le salaire total n’a de fait
pas diminué au cours du siècle, et a connu de faibles variations jusqu’à la fin de années 1990.
En revanche, les capitalistes du début du
XX
e
siècle ont été frappés de plein fouet par les
guerres mondiales (destructions, nationalisation au sortir de la seconde guerre mondiale),
l’inflation (l’indice des prix à la consommation a été multiplié par 100 entre 1914 et 1950,
alors que l’inflation était inexistante au
XIX
e
siècle), et la Grande Dépression (avec son lot de
faillites). Ces chocs ont substantiellement réduit la concentration des patrimoines et donc de
leurs revenus entre 1914 et 1945.
Graphique 4 – La part des 1 % les plus aisés au cours du
XX
e
siècle
Source : Piketty [2001] et Landais [2008]
Par la suite, tout se passe comme si la montée en charge de la fiscalité progressive sur le
revenu et les successions avait empêché la reconstitution des très grandes fortunes d’avant-
guerre, sans affecter pour autant la reconstitution de patrimoines moyens ou grands. Le taux
moyen effectif d’imposition sur le revenu des 0,01 % les plus aisés tournait autour de 55 %
des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980 [Piketty, 2003, graphique 6 p. 1028], contre
15 % environ pour le dernier décile de revenus : au-delà des effets d’offre, de tels taux
rendent tout simplement plus difficile et plus longue l’accumulation de très larges fortunes.
b.
La France va-t-elle rattraper les pays anglo-saxons ?
La diminution de la concentration des revenus au cours du premier vingtième siècle sous
l’effet des guerres et de la Grande Dépression n’est pas spécifique à la France : la plupart des
pays ayant participé aux conflits mondiaux ont connu le même phénomène. Comme en
France, les très hauts revenus ont diminué parce que la concentration du patrimoine a
diminué.
En revanche, l’évolution de la répartition des revenus depuis l’après-guerre est bien plus
contrastée. Les très hauts revenus ne se sont pas rétablis dans l’immédiat après-guerre
6
, mais
les inégalités ont fortement augmenté dans les pays anglo-saxons et dans d’autres pays depuis
la fin des années 1970.
6
À l’exception des hauts revenus australiens et néo-zélandais, tirés par la hausse du prix des matières premières
dans les années d’après-guerre.
Dans le cadre d’un projet de recherche international, Anthony Atkinson, Thomas Piketty et
Emmanuel Saez ont réuni des données historiques homogènes sur l’évolution des inégalités
de revenus dans 22 pays. Cette recherche les amène à distinguer 3 groupes au sein des pays
développés : 1) les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Irlande, Australie
et Nouvelle-Zélande) ; 2) l’Europe continentale (France, Allemagne, Pays-Bas, Suisse) et le
Japon ; 3) Les pays d’Europe du Nord (Norvège, Suède, Finlande) et du Sud (Portugal,
Espagne, Italie).
Dans les pays anglo-saxons, l’évolution des inégalités suit un profil en « U » : la forte
augmentation des hauts revenus depuis les années 1980 (profitant essentiellement aux 1 % les
plus aisés, et peu ou pas aux 4 % suivants) a ramené les inégalités de revenus à leur niveau du
début du
XX
e
siècle (graphique 5). La hausse récente des inégalités est largement tirée par
l’accroissement des inégalités de salaires. Par conséquent, alors que les rentiers dominaient la
distribution des revenus au début du
XX
e
siècle, les «
working rich
» et les rentiers cohabitent
aujourd’hui en haut de l’échelle des richesses.
Graphique 5 : Part des revenus touchés par les 1 % les plus aisés dans les pays anglo-saxons
Source : Atkinson, Piketty et Saez [2010]
Dans les pays d’Europe continentale et au Japon, l’évolution des inégalités suit un profil en
« L » : les hauts revenus ne se sont jamais remis des chocs du premier vingtième siècle
(graphique 6).
Graphique 6 : Part des revenus touchés par les 1 % les plus aisés dans les pays d’Europe
continentale et au Japon
Source : Atkinson, Piketty et Saez [2010]
On peut se faire une idée concrète de la différence entre la dynamique des inégalités en
France et aux Etats-Unis en étudiant la répartition de la croissance entre les groupes de
revenus depuis 30 ans dans les deux pays. Entre 1975 et 2006, le revenu réel par famille a
augmenté de 32,2 % aux États-Unis contre 27,1 % en France : l’économie américaine a été,
dans son ensemble, plus performante que l’économie française. La situation est inversée si
l’on considère la croissance dont ont bénéficié les 99 % de la population avec les revenus les
moins élevés : pour ce groupe – l’économie complète, moins les 1 % les plus aisés –, la
croissance américaine a été de 17,9 % et la croissance française de 26,4 %
7
.
Le rythme actuel d’augmentation des inégalités en France est néanmoins comparable à celui
qu’ont connu les États-Unis dans les années 1980-1990 : entre 1980 et 1998, les revenus du
dernier centile ont crû de 1 % par an en moyenne en France et de 8,5 % aux Etats-Unis. Entre
1998 et 2005, ils ont crû de 5 % par an en France et de 3,7 % aux Etats-Unis.
On l’a vu, ce phénomène a été alimenté, comme aux États-Unis, par l’explosion des hauts
salaires. La France connaîtra-t-elle à terme une augmentation des inégalités aussi importante
que dans les pays anglo-saxons, avec simplement un décalage 15 à 20 ans ? Dans certains
pays européens, les pays d’Europe du Nord et du Sud, l’augmentation des inégalités était déjà
en 2005 bien plus visible que dans les pays d’Europe continentale (cf. graphique 7). La
distinction entre les pays au profil en « U » et ceux au profil en « L » ne doit donc pas être
exagérée : la tendance récente est, dans nombre de pays au profil en « L », à l’augmentation
des inégalités, si bien qu’on ne peut pas exclure que la plupart des pays ne présentent, à terme,
un profil en « U ».
7
Ces comparaisons sont tributaires de la fenêtre temporelle exacte retenue, de l’inclusion ou non des plus-
values, et du choix de l’indice des prix.
Graphique 7 : Part des revenus touchés par les 1 % les plus aisés dans les pays d’Europe du
Nord et du Sud
So
urce : Atkinson, Piketty et Saez [2010]
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édition 2010
, Insee, Paris.
1
CONSEIL DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
RAPPORT SUR
PHOTOGRAPHIE DU SYSTÈME SOCIO-FISCAL ET DE SA
PROGRESSIVITÉ
-----------------------
Mlle. Marie CHANCHOLE
M. Guy LALANNE
Administrateurs de l’Insee
-----------------------
Ce rapport particulier a été établi sous la seule responsabilité de ses auteurs.
2
RESUME
Ce rapport se propose, après avoir rappelé les principales conclusions de la théorie
économique de la fiscalité optimale, de dresser un état des lieux aussi exhaustif que possible
de la progressivité et de la redistributivité du système socio-fiscal français. Ce rapport retient
une définition large de la redistribution. Tout d’abord, il considère le système socio-fiscal
dans son ensemble, en appréhendant conjointement les prélèvements obligatoires et les
prestations monétaires qu’ils financent en partie. Ensuite, il s’intéresse à la fois à la
redistribution des niveaux de vie (redistribution verticale), ou celle liées à d’autres
caractéristiques (structure familiale, nature des revenus…).
La recherche d’une « fiscalité optimale » arbitrant au mieux entre respect des incitations et
objectifs de redistribution est un thème classique de l’analyse économique. Elle donne des
éléments qualitatifs sur les instruments de la redistribution à privilégier et le profil
d’imposition permettant de concilier les objectifs d’efficacité et de redistribution qui peuvent
entrer en conflit.
De ces travaux se dégagent d’abord des enseignements très généraux, concernant notamment
la sous-optimalité de taux marginaux d’imposition négatifs ou supérieurs à 100%. La forme
précise de fiscalité optimale est plus débattue. Déterminer celle-ci suppose dans ces modèles
d’introduire des hypothèses sur les préférences sociales, la distribution spontanée des revenus
(en l’absence d’imposition), et les réactions des ménages aux incitations (en particulier en
matière d’offre de travail). Ces hypothèses sont fragiles et sujettes à débat, ce qui conduit à
une certaine diversité de résultats. Ont notamment pu être mis en avant comme bénéficiant de
propriétés d’optimalité le profil simple de la ‘
flat tax
’ (taux marginal d’imposition constant,
c’est-à-dire un transfert universel assorti d’une imposition à taux constant des revenus) et,
davantage dans la littérature récente, un profil comportant des taux marginaux d’imposition
relativement plus faibles au milieu de la distribution des revenus qu’à ses extrémités.
Ce rapport propose ensuite une photographie globale du système socio-fiscal français à l’aide
des dernières données disponibles : le caractère progressif et redistributif des prestations
(allocations logement, prestations familiales, RSA et minima sociaux), impôts (CSG, CRDS,
impôt sur le revenu, taxe d’habitation, ISF, TVA, TIPP et droits d’accises) et cotisations
sociales y est décrit. Un modèle dit de micro-simulation reposant sur des données d’enquête
permet d’apprécier l’effet global du système socio-fiscal, en tenant compte d’un large spectre
de facteurs d’hétérogénéité des ménages. Une maquette de cas-types décrit plus finement les
effets du système socio-fiscal sur certaines catégories de ménages.
Les principales conclusions sont les suivantes :
•
le système dans son ensemble est progressif et redistributif ;
•
la majeure partie de la redistribution est le fait des impôts directs et des prestations
sociales. Les charges sociales (cotisations sociales non contributives, CSG, CRDS) ont
un effet plus limité. Toutefois, si le point de départ de la redistribution est fixé au
3
niveau des revenus primaires, c’est-à-dire des revenus tirés directement de l’activité
économique, naturellement les systèmes de retraite et d’allocations chômage ont un
effet de redistribution très important. La fiscalité indirecte a en revanche une incidence
faible et plutôt anti-redistributive ;
•
les prestations considérées s’avèrent plus progressives que les impôts directs, dans le
sens où elles sont plus concentrées que les impôts dans la distribution des niveaux de
vie ;
•
les prestations contribuent aux deux tiers de la redistribution des niveaux de vie nets
des charges sociales, le reste venant des impôts ;
•
la redistribution s’opère essentiellement aux deux extrémités de la distribution des
niveaux de vie, avec peu d’effets en moyenne sur le centre de la distribution. Les
prestations sont ciblées sur les trois premiers déciles de niveau de vie, et tout
particulièrement le premier, tandis que l’impôt sur le revenu joue sur les quatre
derniers déciles, et plus particulièrement le dernier. Les données d’enquête à la base
du modèle micro-simulation ne permettent cependant pas d’étudier précisément les
très hauts revenus (les 3 % les plus riches).
L’analyse empirique des taux marginaux d’imposition est compliquée par la diversité des
configurations familiales, la pluralité des natures de revenus, et la multiplicité des instruments
fiscaux et sociaux. Les conclusions de portée générale en la matière sont en conséquence
difficiles ; le système socio-fiscal n’a pas été conçu comme un tout mais par empilements
successifs. Toutefois en l’état actuel du système socio-fiscal, il apparaît peu de situations de
taux marginaux d’imposition négatifs ou supérieurs à 100%. En outre, s’agissant de
l’imposition des revenus d’activité, les courbes de taux marginaux d’imposition, bien que
marquées par une certaine complexité, ne sont pas en contradiction avec les prescriptions
théoriques de la fiscalité optimale. Cette observation ne préjuge toutefois pas de l’intérêt de
réformes visant notamment à simplifier le système socio-fiscal.
La redistribution ne se limite pas à sa dimension verticale. Aussi, un éclairage supplémentaire
est apporté par la prise en compte de la dimension familiale et de la nature des revenus :
•
Concernant la dimension familiale :
o
à niveau de vie donné, le système socio-fiscal traite de façon différente les
familles, entres autres selon le nombre d’enfants et les situations de
monoparentalité ;
o
une redistribution s’opère des ménages sans enfant et des couples avec un
enfant vers les couples avec trois enfants ou plus et les familles
monoparentales ;
o
le système socio-fiscal modifie significativement le niveau de vie de ménages
ayant initialement le même niveau de vie, mais une composition familiale
différente. À niveau de vie donné, les transferts sont d’autant plus importants
que la famille est nombreuse ;
o
le système socio-fiscal est progressif pour chaque type de ménage ;
4
•
Concernant les revenus :
o
les revenus sont imposés différemment selon leur nature (salaires, revenus du
capital, retraites) ;
o
la structure des revenus n’est pas la même selon la position dans l’échelle des
niveaux de vie ; pour des niveaux de vie élevés, les taux moyens d’imposition
théoriques englobant les cotisations sociales non contributives, la CSG et
l’impôt sur le revenu sont plus élevés pour les revenus salariaux que pour les
retraites et les revenus des capitaux mobiliers ;
o
l’imposition est globalement progressive ; toutefois, à partir d’un certain
niveau de vie, les taux moyens d’imposition des revenus des capitaux
mobiliers croissent moins vite que ceux des autres revenus (renforçant alors
l’écart avec le taux moyen d’imposition des revenus salariaux) du fait des
abattements et des crédits d’impôts associés à ces revenus et du prélèvement
forfaitaire libératoire, limitant ainsi la progressivité du système socio-fiscal.
5
Table des matières
Introduction
................................................................................................................................
7
Partie 1 : Cadrage théorique et méthodologique
........................................................................
9
1.1
Redistribution et progressivité : concepts et mesures
..................................................
9
i.
Qu’entend-on par redistribution ?
................................................................................
9
ii.
Redistribution et progressivité : deux notions liées, mais distinctes
.........................
12
1.2
Comment le système socio-fiscal peut-il concilier efficacité et redistribution ?
.......
15
i.
Le dilemme entre efficacité et redistribution
.............................................................
15
ii.
Le bas de la distribution des revenus
.........................................................................
23
iii. Le haut de la distribution des revenus
.......................................................................
26
iv. L’imposition des revenus de l’épargne
......................................................................
27
v.
La taxation indirecte ne constitue pas en général une manière efficace de redistribuer
...................................................................................................................................
29
vi.
Faire dépendre l’imposition d’autres caractéristiques ?
............................................
30
1.3
Champ et choix méthodologiques
.............................................................................
31
i.
Le champ des prélèvements obligatoires à retenir
.....................................................
31
ii.
Les différentes notions de revenus et les différentes étapes de la redistribution
.......
33
iii.
Panorama des différents impôts et transferts retenus
................................................
34
iv.
Le niveau de vie du ménage, l’indicateur le plus pertinent
.......................................
40
v.
Les outils de modélisation mobilisés
.........................................................................
42
Partie 2 : La redistributivité globale du système socio-fiscal
...................................................
45
2.1. Appréciation d’ensemble du système socio-fiscal
........................................................
45
i.
Les masses de prélèvements et de prestations
...........................................................
45
ii.
Une réduction des inégalités entre niveau de vie initial et final évaluée à 14 % selon
l’indice de Gini
.................................................................................................................
47
2.2 Zoom sur la redistribution entre le niveau de vie net et le niveau de vie disponible
.....
53
i.
Une redistribution concentrée sur les extrêmes de la distribution
.............................
53
ii.
Les prestations contribuent pour deux tiers à la réduction des inégalités, l’impôt sur
le revenu pour un tiers
......................................................................................................
55
iii.
La redistribution s’effectue via les prestations pour les niveaux de vie faibles et par
l’impôt sur le revenu pour les niveaux de vie élevés
. ......................................................
61
iv.
Des taux marginaux d’imposition élevés pour les faibles revenus, modérés pour le
milieu de la distribution puis croissants
...........................................................................
63
6
Partie 3 : Hétérogénéité face au système socio-fiscal : degré de progressivité, incitations et
redistribution horizontale
.........................................................................................................
68
3.1. Rôle de la composition familiale dans le système socio-fiscal
.....................................
69
i.
Les familles avec enfants : un poids démographique et un enjeu de politique
publique importants
..........................................................................................................
69
ii.
Les familles nombreuses et les familles monoparentales bénéficient largement de la
redistribution
....................................................................................................................
73
iii.
Une redistribution vers les familles, d’autant plus forte que la famille est nombreuse.
...................................................................................................................................
76
iv.
Les incitations diffèrent également suivant la structure familiale
.............................
81
3.2. Le traitement différencié des types de revenus
.............................................................
88
i.
La structure du revenu dépend du niveau de vie
.......................................................
88
ii.
La catégorie de revenus la plus imposée change suivant le niveau de vie considéré 90
Annexe 1 : Méthode de calcul des taux marginaux
.............................................................
97
Annexe 2 : Taux marginaux d’imposition sur cas-types
......................................................
98
Annexe 3 : Imputation de la TVA, de la TIPP et des droits d’accises dans le modèle de
micro-simulation Saphir
.....................................................................................................
104
Annexe 4 : Imputation de l’ISF dans le modèle de micro-simulation Saphir
....................
105
7
Introduction
La redistribution est un enjeu fondamental de l’action publique,
en termes de poids dans
les finances publiques, ainsi que dans une perspective de justice sociale et de solidarité. Or,
analyser la redistribution n’est pas chose aisée. En effet, celle-ci ne peut être étudiée
indépendamment des autres objectifs de la politique budgétaire, notamment l’efficacité de
l’économie et le financement de l’intervention publique. Par ailleurs, la redistribution peut
prendre de multiples formes, si bien qu’il est difficile d’en avoir une image complète. Pour
cette raison, il est nécessaire de fournir des éléments d’analyse économique de la
redistribution, en la resituant parmi les autres objectifs de la politique budgétaire, mais aussi
des éléments descriptifs afin de mettre au jour l’ensemble de ses canaux. La connaissance du
système redistributif est un préalable nécessaire pour une réflexion politique.
Ce rapport propose une photographie aussi large et exhaustive que possible de la
progressivité et de la redistributivité des impôts et prestations (« système socio-fiscal »)
concernant les ménages en 2009
. La prise en compte des seuls prélèvements obligatoires,
sans les prestations qu’ils servent à financer, conduirait à une vision partielle de la
redistribution, en particulier s’agissant du soutien aux ménages modestes. Une approche
globale est donc nécessaire.
La progressivité et la redistributivité du système socio-fiscal ne sauraient être jugées dans
l’absolu. Il ne s’agit donc pas dans ce rapport de définir le degré de redistribution souhaitable,
nécessairement politique, mais, sans prendre position, de
fournir des éléments sur la
manière de concilier un certain de degré de redistribution avec les autres objectifs de la
politique budgétaire
, notamment la recherche d’un certain niveau d’activité économique. La
théorie économique de la fiscalité optimale fournit à ce titre certains éléments sur les moyens
de redistribuer tout en ménageant l’objectif d’efficacité de l’économie. En particulier, des
indications peuvent être obtenues sur la répartition de la charge fiscale minimisant les effets
indésirables, ainsi que sur les instruments fiscaux à privilégier. Ces enseignements sont utiles
à l’examen du système socio-fiscal français.
Le rapport cherche ensuite à
caractériser la progressivité et la redistributivité du système
socio-fiscal
. Tout d’abord, il quantifie la progressivité du système socio-fiscal et la mesure
dans laquelle ce système modifie la répartition des niveaux de vie, notamment à partir
d’indicateurs d’inégalités. Ensuite, il resitue le rôle de chacun des prélèvements ou prestations
afin de dégager les principaux facteurs de progressivité et de redistribution. Enfin, il examine
comment les différentes composantes du système socio-fiscal se rapportent à des zones
distinctes de la distribution des niveaux de vie.
La redistribution dite « verticale », visant la réduction des inégalités de niveau de vie, ne
recouvre cependant pas l’ensemble des transferts entre ménages. La seule redistribution entre
8
ménages de niveaux de vie différents ne permet donc pas de capter tous les transferts
réellement effectués par le système socio-fiscal. Des transferts plus larges sont en réalité
opérés, les impôts et prestations dépendant du niveau de vie, mais aussi d’autres
caractéristiques des ménages (structure familiale, âge, nature des revenus, …). L’évaluation
du système socio-fiscal à l’aune de l’unique critère de redistribution verticale donnerait alors
une image partielle de la redistribution.
C’est pourquoi
le rapport illustre également le fait que d’autres caractéristiques que le
niveau de vie interviennent dans la redistribution à travers deux exemples prégnants : la
redistribution entre ménages de structure familiale différente, les conséquences en
termes de progressivité et de redistribution du traitement différencié des revenus selon
leur origine
(salaires, retraites, revenus des capitaux mobiliers, …). L’attention particulière
portée au rôle de la structure familiale se justifie par l’ampleur des transferts financiers en jeu,
mais aussi par les questions de politique familiale soulevées. Le traitement différencié des
catégories de revenu quant à lui fait simultanément appel à des problématiques d’équité
devant l’impôt et d’efficacité économique.
9
Partie 1 : Cadrage théorique et méthodologique
La redistribution est une des fonctions assurée par le système de prélèvements obligatoires.
Cependant, la redistribution ne saurait être considérée uniquement dans son versant
prélèvements. Une vision plus complète des transferts entre ménages doit également tenir
compte des prestations sociales. De plus, la question de la redistribution ne saurait être
abordée indépendamment de la question de l’efficacité économique, les deux objectifs
pouvant entrer en conflit. Cette partie analyse la façon dont la théorie économique traite la
redistribution. Ce cadre permettra d’extraire quelques grands principes pour essayer de situer
la structure des prélèvements obligatoires par rapport à une frontière « efficacité -
redistribution » et guider les choix méthodologiques pour l’étude empirique du système socio-
fiscal présentée dans les parties suivantes.
1.1
Redistribution et progressivité : concepts et mesures.
i.
Qu’entend-on par redistribution ?
La redistribution désigne l’ensemble des transferts, monétaires ou en nature, effectués
par la puissance publique entre les individus ou les ménages.
La redistribution permet en
particulier à la puissance publique de réduire des inégalités jugées trop importantes et
socialement inacceptables (
cf.
Encadré 1) et de se rapprocher ainsi d’un certain niveau de
justice sociale. À ce critère peuvent s’ajouter des objectifs plus pragmatiques, comme la
volonté d’éviter l’apparition de phénomènes non souhaitables tels que la criminalité ou le
manque de cohésion sociale.
Encadré 1 :
Économie normative : inégalités et justice sociale
La volonté de redistribution est liée à la compréhension du mécanisme de formation des
inégalités économiques. Aussi, s’interroger sur la redistribution revient à s’interroger sur les
inégalités, notamment sur leur mécanisme de formation et leur mesure. Certaines inégalités
peuvent être considérées comme justes, si elles résultent de choix individuels. Ainsi, deux
individus peuvent avoir des préférences différentes vis-à-vis des loisirs et choisir de fournir un
niveau d’effort différent dans leur activité professionnelle. Dans ce cas, les inégalités de
niveau de vie n’ont pas forcément vocation à être corrigées par la puissance publique. Au
contraire, si les inégalités économiques résultent de phénomènes non contrôlables par les
individus, comme des capacités différentes ou un handicap, la puissance publique peut
souhaiter redistribuer et réduire ainsi les inégalités économiques. En pratique, toute la
difficulté repose sur la détermination de l’origine des inégalités, en particulier de la
responsabilité des individus vis-à-vis de leur situation économique.
Pour apprécier le caractère juste ou injuste de l’ampleur des inégalités, l’économie du bien-
être propose différents critères de justice sociale qui permettent d’appréhender l’équité au
niveau de la société dans son ensemble. Une première approche s’inspire du critère utilitariste
10
de Bentham. Il s’agit d’accorder « le plus grand bonheur au plus grand nombre ». Le bonheur
est mesuré par le concept d’utilité. Le bien-être collectif s’identifie alors à la somme pondérée
des utilités individuelles que la puissance publique doit maximiser. Les pondérations reflètent
l’importance dans le bien-être collectif de chaque individu. Par conséquent, ces pondérations
ne sauraient être déterminées par l’économiste. Cette approche conduit à redistribuer dès lors
qu’un transfert de revenu des plus aisés vers les plus pauvres est bénéfique du point de vue du
bien-être collectif.
Pareto a critiqué l’approche qui consiste à sommer les utilités individuelles pour définir le
bien-être collectif, en renonçant à pouvoir classer systématiquement deux distributions de
bien-être. Deux situations ne peuvent selon lui être ordonnées que si le bien-être de chacun
des individus est supérieur dans l’une des distributions.
Cette approche a aussi été critiquée par Rawls, qui pose la primauté de la justice sur le bien-
être et fonde sa théorie de la justice sur deux principes fondamentaux : 1) le système des
libertés qui doit s’appliquer à tous de la même manière et, 2) si des inégalités persistent,
celles-ci doivent être justes, c’est-à-dire émanant d’un système qui maximise
a priori
le bien-
être des plus démunis. Selon cette approche, la redistribution se justifie dès lors que le
principe de justice n’est pas respecté.
Pour mesurer l’équité, Sen utilise le concept de capabilités (capacité-possibilité,
capabilities
),
définies comme les « possibilités réelles » dont disposent les personnes pour réaliser les
objectifs auxquels elles attribuent de la valeur. La finalité des politiques publiques est alors
d’assurer la possibilité de mettre en pratique les droits minimaux sur lesquels s’accorde la
société, c'est-à-dire les transformer en capabilités. Ce principe a présidé à la création des
indices de développement humain (IDH).
Au-delà d’aspects philosophiques ou sociétaux, l’économie du bien-être offre donc plusieurs
perspectives pour appréhender la question de la justice sociale et la finalité des politiques
publiques. Ce rapport ne prend pas position sur le critère de justice sociale à utiliser.
Il ne s’agit pas ici de justifier ou de juger la redistribution ni la correction des inégalités
,
ce qui relève de l’économie normative (
cf.
Encadré 1), mais de les caractériser et de les
quantifier dans le contexte plus général de l’intervention publique, notamment à travers
l’instrument de la politique fiscale au sens large.
Un objectif au coeur de l’intervention publique et de la politique fiscale
La redistribution n’est qu’un objectif parmi d’autres de la politique fiscale.
Ainsi, dans
sa
Théorie des Finances Publiques
(1959), Musgrave assigne trois fonctions à la politique
budgétaire, qui s’appliquent en particulier à la politique fiscale : l’allocation des ressources, la
redistribution et la stabilisation.
La fonction d’allocation des ressources a pour but de garantir le bon fonctionnement de
l’économie, en remédiant aux inefficacités d’un système qui reposerait uniquement sur la
poursuite des intérêts privés, en assurant la protection de l’environnement, la promotion de la
recherche et du développement, l’assurance de risques non couverts par des assurances
11
privées, la régulation des monopoles ou encore la provision de biens publics (enseignement,
défense, …).
À cette fonction d’allocation s’ajoute une fonction de redistribution des revenus et des
patrimoines, qui ne se place pas sur le terrain de l’efficacité économique, mais sur celui de
l’équité. Il s’agit alors de corriger la répartition initiale des richesses pour atteindre un objectif
de justice sociale (
cf.
Encadré 1). Une allocation efficace n’est pas nécessairement équitable,
dans la mesure où elle peut conduire à une répartition jugée trop inégale des richesses.
Enfin, la stabilisation a pour objet de minimiser les fluctuations économiques par rapport au
sentier de croissance de l’économie. Ces fluctuations, dues au cycle économique, peuvent
avoir des effets négatifs sur le bien-être des individus et sur l’efficacité économique.
Au-delà de sa fonction de financement de l’intervention publique, la fiscalité permet de
remplir, au moins en partie, les trois fonctions décrites précédemment. La structure des
prélèvements peut modifier la répartition des revenus entre ménages, et avoir une incidence
en termes d’efficacité car elle modifie le comportement des agents et éventuellement le cycle
économique.
À l’inverse,
la redistribution ne se réduit pas à la fiscalité
. Bourguignon (1998)
1
, par
exemple, identifie quatre circuits de redistribution : la fiscalité, les assurances sociales, le
système des prestations non-contributives et l’ensemble des interventions publiques modifiant
le jeu des marchés. Les assurances sociales regroupent l’ensemble des prestations
conditionnées par le paiement préalable de contributions, comme le sont largement en France
les allocations chômage ou les retraites. Le système des prestations non-contributives
correspond aux prestations non soumises à cotisation préalable et qui relèvent donc d’une
logique d’assistance ou de solidarité plus que d’assurance, comme les minima sociaux ou les
allocations logement. Les interventions publiques peuvent également effectuer de la
redistribution, par exemple à travers la prise en charge par la puissance publique de la
production de biens de santé ou d’éducation, ou l’existence d’un salaire minimum.
Le champ de la redistribution dépasse donc largement celui des seuls prélèvements
obligatoires, qui ont dans le même temps d’autres finalités.
Ce rapport est à la croisée des
chemins, son objectif étant d’étudier la redistribution effectuée par le système socio-
fiscal
dans une acception large (fiscalité et prestations).
Les différents types de redistribution monétaire
Les inégalités monétaires, que la redistribution se propose de réduire, doivent se
comprendre en termes de niveau de vie
, c’est-à-dire en tenant compte non seulement du
revenu des ménages, mais aussi de leur composition. En effet, une personne seule et une
famille nombreuse disposant du même revenu ne sont pas dans des situations économiques
comparables. Le recours à une échelle d’équivalence, affectant un poids à chacun des
membres du ménage, permet de convertir le revenu du ménage en niveau de vie et de
1
François Bourguignon, « Fiscalité et redistribution », 1998, Conseil d’Analyse Économique.
12
raisonner en revenu par équivalent-adulte (
cf.
Encadré 2). Ce procédé permet de comparer des
ménages de taille et de revenus différents. La redistribution consiste alors, par un jeu de
transferts et prélèvements, à réduire les écarts de niveau de vie entre les ménages, pour se
rapprocher d’une certaine justice sociale.
La forme la plus immédiate de redistribution consiste à
réduire les inégalités entre ménages
de niveaux de vie différents : c’est la redistribution verticale
. Elle peut par exemple
s’articuler autour de prélèvements sur les ménages dans le haut de la distribution des niveaux
de vie et de transferts aux ménages dans le bas de la distribution.
La redistribution consiste aussi à effectuer des transferts, à niveau de vie donné, selon
d’autres
critères
(composition
du
ménage,
âge,
situation
de
handicap,
zone
géographique…) : c’est la redistribution horizontale
. En particulier, pour un même niveau
de vie, un ménage avec enfants percevra des prestations familiales quand une personne seule
ou un couple sans enfant n’en percevra pas. Une personne seule sans ressources percevra le
minimum vieillesse si elle a plus de 65 ans ou le RSA, d’un moindre montant, si elle n’a pas
atteint cet âge. Ces transferts ont pour but d’établir une solidarité entre différentes catégories
de ménages de même niveau de vie.
Dans les faits, les redistributions horizontale et verticale sont fortement liées.
Par
exemple, les ménages avec enfants étant plus souvent dans le bas de la distribution des
revenus, lier un transfert à la présence d’enfant, même sans condition de ressources, a des
effets en termes de redistribution verticale. Certains transferts cumulent certaines propriétés
de redistribution horizontale et verticale. C’est par exemple le cas des prestations familiales
sous conditions de ressources.
Par ailleurs, les notions de redistribution horizontale et verticale ne recouvrent pas
l’ensemble du champ de la redistribution.
Il existe, en effet, d’autres dimensions, comme la
redistribution effectuée entre différentes générations via un déficit ou un excédent budgétaire,
ou celle effectuée sur le cycle de vie en transférant du pouvoir d’achat entre différents
moments de l’existence d’un même individu, via le système de retraites par répartition ou
d’assurance chômage. Il peut enfin exister une redistribution entre individus différant par leur
patrimoine.
La redistribution verticale est l’objet de la deuxième partie de ce rapport. Certains aspects de
la redistribution horizontale sont traités dans la troisième partie. En revanche, les
redistributions intergénérationnelle et au cours du cycle de vie ne seront pas abordées
2
.
ii.
Redistribution et progressivité : deux notions liées, mais distinctes
En faisant dépendre la charge fiscale de la capacité contributive des foyers,
conformément au principe posé par la Constitution, la fiscalité assure son rôle de
2
Voir à ce sujet le rapport du CPO de novembre 2008 « La répartition des prélèvements obligatoires entre
générations et la question de l’équité intergénérationnelle ».
13
redistribution.
Dans une optique de redistribution verticale, un contribuable ayant une
capacité contributive supérieure doit payer un impôt plus élevé.
Les capacités contributives ne sont pas nécessairement proportionnelles au niveau de vie
et peuvent augmenter plus vite que celui-ci, justifiant ainsi la progressivité du système
.
Le paiement de l’impôt impose un « sacrifice » (ou perte d’utilité), qui n’est pas
nécessairement le même pour tous les ménages, à cause de leurs caractéristiques ou de leurs
revenus. Par exemple, la théorie économique fait la plupart du temps l’hypothèse que le bien-
être retiré de la consommation d’un bien ou d’un service décroît avec la quantité déjà
consommée. Si la charge fiscale doit être répartie de telle sorte que la diminution de bien-être
soit identique entre les ménages, ce raisonnement conduit à considérer que les capacités
contributives sont croissantes avec le niveau de vie. Cet argument est l’un de ceux avancés
pour justifier la progressivité de l’impôt, dans le sens où il augmente plus que
proportionnellement au niveau de vie.
Un impôt est qualifié de progressif lorsque son taux moyen croît avec la base à laquelle il
s’applique.
De manière plus formelle, cela revient à dire que le taux marginal est
supérieur au taux moyen.
Le taux moyen d’un impôt est égal au rapport entre l’impôt payé
et le revenu avant impôt. Le taux marginal correspond à l’impôt supplémentaire dû suite à une
petite variation de revenu (il correspond par exemple à la hausse d’impôt associée à un euro
supplémentaire de revenu).
Ces deux notions peuvent être illustrées à l’aide d’un exemple concret d’un contribuable
célibataire déclarant un revenu net global de 20 000 euros à l’impôt sur le revenu. Son revenu
est alors soumis au barème progressif par tranche. Jusqu’à 5 875€, le taux d’imposition est
nul, de 5 875 à 11 720€, le taux d’imposition de la tranche est de 5,5%, de 11 720 à 26 030, le
taux d’imposition est de 14%. Ainsi, son impôt total s’élève à (11 720-5 875)*5,5% +
(20 000-11 720)*14%
=
1 481 €.
Son
taux
moyen
d’imposition
est
alors
de
1 481 / 20 000 = 7,4 %. Si ce contribuable déclarait un euro supplémentaire, il serait imposé à
14 % sur cet euro supplémentaire et paierait 14 centimes d’euros de plus d’impôt. Son taux
marginal d’imposition est alors de 14 %.
Les définitions de taux moyen, de taux marginal et de progressivité peuvent être aussi
appliquées aux prestations sociales.
Pour une prestation sociale, c’est la puissance publique
qui verse les sommes au ménage : le taux moyen est alors négatif. Le taux marginal
correspond à la perte de prestation suite à une petite augmentation de revenu ; il est donc en
général positif pour les prestations. La progressivité d’une prestation est définie de la même
façon que celle de l’impôt, c’est-à-dire lorsque le taux moyen de la prestation croît (devient
moins négatif) avec le niveau de vie du ménage. Par exemple, un célibataire
3
avec un revenu
d’activité annuel de 4 800 € perçoit 3 120 € d’allocations logement, son taux moyen est de
-3 120/4 800 = - 65 %. Pour un même célibataire percevant 7 200 euros de revenus annuels,
les allocations logement s’élèvent à 2 244 €, soit un taux moyen de -2 244/7 200 = - 31 %. Le
3
Il est supposé locataire, au loyer plafond, en zone 2 (villes de plus de 100 000 habitants hors Paris et petite
couronne).
14
taux moyen des allocations logement croît avec le revenu (devient moins négatif), ce qui
indique leur progressivité.
Bien que différentes, les notions de taux marginal et de taux moyen sont liées : la
connaissance du barème des taux marginaux et du niveau du transfert pour une
personne sans revenu permet d’en déduire les taux moyens applicables à chaque niveau
de revenu.
En effet, à partir du montant d’impôt acquitté (ou de prestation reçue) par un
ménage sans revenu et de la taxation de chaque euro de revenu supplémentaire (c’est-à-dire le
taux marginal), il est possible de reconstituer le montant d’impôt payé pour n’importe quel
niveau de revenu, et donc les taux moyens. Par exemple, en ne considérant que l’impôt sur le
revenu, à partir du barème des taux marginaux de cet impôt et sachant qu’une personne sans
revenu n’est pas imposable, il est possible de déterminer le montant de l’impôt sur le revenu à
acquitter. À l’inverse, la connaissance des taux moyens permet d’en déduire les taux
marginaux. Ainsi, les taux moyens et les taux marginaux ne sont que des manières différentes
de présenter la même information donnée par le barème de l’impôt ou de la prestation.
Une augmentation du taux marginal, à un niveau de revenu donné, augmente le taux
moyen pour tous les revenus supérieurs et laisse inchangé celui des revenus inférieurs.
Par exemple, si on modifie le barème de l’impôt sur le revenu en portant le taux marginal
d’imposition de la troisième tranche de 14% à 15 %, tous les individus ayant des revenus
compris entre 11 720 € et 26 030 € seront désormais imposés marginalement à 15 %. Le taux
moyen d’imposition d’un revenu de 20 000 € passera alors de 7,4 % à 7,8 %. Plus
généralement, tous les revenus supérieurs à 11 720 € verront leur taux moyen d’imposition
augmenter. À l’inverse, le taux moyen d’imposition d’un revenu de 4 000 € par exemple ne
sera pas affecté par la modification.
La progressivité d’un impôt n’assure pas sa redistributivité et la redistributivité ne
nécessite pas la progressivité.
Un impôt proportionnel, donc non progressif, peut être
redistributif, s’il porte sur des revenus concentrés à certains niveaux de la distribution des
niveaux de vie. Par exemple, du fait que les plus hauts revenus détiennent en moyenne plus de
patrimoine que les plus bas revenus, un impôt sur le patrimoine ou ses revenus à taux
proportionnel a des effets redistributifs, sans être progressif dans son barème. À l’inverse, un
impôt dont le barème est très progressif peut avoir des propriétés redistributives limitées. Par
exemple, si le barème est proportionnel dans la majeure partie de la distribution des revenus,
puis très progressif à partir d’un niveau de revenu qui concerne peu de monde, ses effets
redistributifs seront faibles. De même, un impôt très progressif, mais d’importance financière
très faible, n’aura que peu d’effets redistributifs. De ce fait,
le barème ne saurait être
l’unique critère d’appréciation de la redistributivité, qui est également très dépendante
de la distribution des revenus à laquelle les prélèvements ou les prestations s’appliquent
et des montants en jeu
.
15
*
*
*
La redistribution a été définie et située dans le cadre plus large de l’intervention publique. Les
objectifs de cette dernière ne peuvent néanmoins pas être traités séparément. En particulier,
l’objectif de redistribution peut entrer en conflit avec l’objectif d’efficacité économique. La
théorie de la fiscalité optimale s’intéresse spécifiquement à cette tension potentielle entre ces
objectifs et fournit des clefs d’analyse sur les instruments privilégiés permettant de concilier
redistribution et efficacité, à recettes fiscales et préférences pour la redistribution données.
1.2
Comment le système socio-fiscal peut-il concilier efficacité et
redistribution ?
Dans cette partie, les impôts payés et les transferts reçus par les ménages, c’est-à-dire le
système socio-fiscal dans son ensemble, sont envisagés simultanément.
On cherche à
répondre en particulier aux questions suivantes : étant donné l’objectif de recettes (nettes des
prestations versées) que doit dégager ce système (pour financer les dépenses publiques hors
transferts), comment répartir de façon optimale économiquement la charge fiscale et les
prestations selon les capacités contributives des ménages ? En particulier, existe-t-il une
progressivité optimale du système socio-fiscal ? Le but de cette partie est d’exposer les
éléments de réponse à ces questions fournis par la théorie économique.
i.
Le dilemme entre efficacité et redistribution
L’origine du dilemme
L’efficacité est supposée atteinte lorsque le niveau de l’activité économique coïncide avec
celui qui serait obtenu en l’absence d’intervention publique.
La taxation peut, dans
certains cas, corriger certaines inefficacités économiques dues à des externalités
4
ou des
défaillances de marché. Cependant,
par souci de simplicité et pour présenter le dilemme
efficacité - redistribution, seule la taxation à vocation redistributive dans un cadre sans
externalités et sans défaillances de marché est considérée
. Sous ces hypothèses, tout
changement du comportement des agents économiques induit par l’intervention publique
diminue par conséquent l’efficacité économique. Un système socio-fiscal ménageant
l’efficacité de l’économie doit donc viser à modifier le moins possible les décisions
économiques.
Dans un tel cadre,
la redistribution la plus efficace serait effectuée au moyen d’une taxe
forfaitaire, qui ne modifierait pas le comportement des agents économiques.
Une telle
taxe ne pourrait ni être basée sur les décisions économiques des contribuables, ni modifiable
par leur comportement, mais dépendrait uniquement de leurs caractéristiques intrinsèques et
4
Une externalité existe quand le gain ou le coût perçu d’un bien ou d’un service diffère du gain ou du coût pour
la société. Par exemple, un individu effectuant un trajet en voiture ne perçoit pas la totalité du coût social de ce
trajet, en particulier l’encombrement du trafic et la pollution provoqués. La taxation peut dans ce cas agir pour
rapprocher le coût perçu du coût social.
16
individuelles. Ainsi, sous réserve de connaître leur productivité et dans l’hypothèse où celle-ci
ne serait pas modifiable, il s’agirait d’assujettir à une taxe forfaitaire plus importante les
individus les plus productifs, qui auraient tendance à avoir les revenus les plus importants.
Un
tel système socio-fiscal présenterait donc un caractère redistributif, tout en ayant
l’avantage de ne pas peser sur les décisions économiques
des individus car il s’appuierait
uniquement sur des caractéristiques intrinsèques, non modifiables.
Dans les faits, il n’est pas possible de mettre en place une telle taxation, la fiscalité
modifie par conséquent les décisions économiques des agents.
En effet, comme la plupart
des caractéristiques intrinsèques des agents économiques, par exemple la productivité, ne sont
pas observables par l’autorité fiscale, la fiscalité est assise sur des grandeurs, le revenu par
exemple, issues des décisions économiques (travailler ou pas, nombre d’heures travaillées…).
Or, les agents prenant leurs décisions (d’activité, d’investissement, de consommation,…) en
fonction des revenus et des coûts après impôts, la forme de ces derniers influencera les
décisions économiques.
En général et en l’absence d’externalités, la taxation va diminuer l’efficacité globale de
l’économie.
Par exemple, la forme de la taxation
va modifier le comportement d’offre de
travail, et donc la production globale de l’économie. Intuitivement, pour les individus
subissant des taux d’imposition marginaux très élevés, chaque euro supplémentaire de revenu
d’activité se traduit par un gain faible en revenu disponible. Ces individus peuvent alors avoir
intérêt à diminuer leur offre de travail, et, partant, les ressources disponibles dans l’économie.
À l’extrême, pour un niveau très élevé de taxation, toute augmentation supplémentaire de
l’impôt risque de diminuer l’assiette, voire même les recettes fiscales. Dans ce cas particulier,
toute augmentation supplémentaire d’impôt va à la fois à l’encontre des objectifs de
redistribution et d’efficacité.
Ce résultat est connu sous le nom de courbe de Laffer.
Si la puissance publique cherche à redistribuer, elle doit renoncer à la taxation
forfaitaire, impossible à mettre en place en pratique et faire dépendre la fiscalité par
exemple des revenus, des patrimoines ou de la consommation.
Pour augmenter l’ampleur
de la redistribution à dépenses publiques inchangées, les pouvoirs publics devront augmenter
la progressivité de la taxation ou instaurer des transferts destinés aux ménages les plus
modestes, ce qui peut avoir pour impact de diminuer l’offre de travail de certaines populations
et par conséquent l’efficacité de l’économie.
Les objectifs de redistribution et d’efficacité peuvent donc entrer en conflit et les
pouvoirs publics sont conduits à un arbitrage permanent entre les deux.
Comment concilier redistribution et efficacité ?
En se concentrant pour l’instant sur les revenus du travail, il s’agit de réfléchir à
un système
socio-fiscal qui respecte au maximum les choix collectifs en matière d’objectifs de
redistribution, tout en maintenant un niveau d’offre de travail suffisant.
La théorie
17
économique de la fiscalité optimale cherche à déterminer un tel système de taxation et de
transferts
5
.
Dans ces travaux, le bien-être des individus provient de la valorisation de la
consommation et du loisir
. Les individus choisissent leur effort de travail pour concilier au
mieux ces deux objectifs concurrents. Une augmentation de l’effort de travail permet en effet
d’augmenter le revenu et donc la consommation, mais diminue le temps de loisir. L’effort de
travail doit se comprendre ici dans une acception large, reflétant les situations diverses des
salariés, des travailleurs indépendants et autres, et comprenant notamment l’effort effectué
pendant le temps de travail (motivation, implication, temps de travail, …).
La puissance publique cherche alors à satisfaire au maximum un critère de bien-être
social
(au sens de Bentham dans ces travaux,
cf.
Encadré 1), qui peut se comprendre comme
une somme pondérée du bien-être de chacun des individus. À cette fin, elle met en place une
taxation des revenus, afin d’augmenter le bien-être des plus pauvres, au risque de diminuer
celui des plus riches.
Il est alors possible de déterminer la progressivité optimale de la taxation dans un cadre
théorique très général, mais les enseignements pratiques sont assez limités.
Quelques
principes généraux peuvent néanmoins être esquissés concernant les paramètres économiques
pertinents intervenant dans le dilemme efficacité – redistribution, ainsi que sur la forme
optimale des taux moyens et marginaux d’imposition.
À recettes fiscales données, il semble donc souhaitable d’
utiliser l’assiette la plus large
possible
pour pouvoir limiter les taux de taxation. Des taux moyens de taxation plus bas
permettent en effet de limiter l’impact de la fiscalité sur les choix individuels, dans la mesure
où les taux marginaux seront également plus bas en moyenne.
La forme optimale de la taxation dépend des préférences sociales pour la redistribution, de la
réponse des agents économiques aux incitations et de la distribution des productivités
individuelles dans la population, même si elles ne sont pas directement observables. Plus
précisément :
•
La pondération des individus dans l’évaluation du bien-être social est un élément-
clé pour déterminer où placer de façon optimale le curseur entre redistribution et
efficacité économique.
Elle représente les préférences sociales des pouvoirs publics
en termes de distribution du bien-être. La théorie économique ne saurait se prononcer
sur ces poids, qui reflètent des choix sociaux et politiques. Elle permet en revanche de
donner des indications sur la progressivité la plus appropriée pour le système socio-
fiscal,
à
préférences
sociales
pour
la
redistribution
données.
Naturellement,
plus les préférences sociales favorisent la redistribution, plus le
système socio-fiscal est progressif
, ce qui peut se faire au détriment de l’objectif
d’efficacité.
5
Une grande partie de cette théorie est exposée dans : Salanié, Bernard (2003), “The Economics of Taxation”,
MIT Press.
18
•
Par ailleurs,
la réaction du comportement d’offre de travail d’un individu à une
baisse de son salaire après impôts (l’élasticité de l’offre de travail) détermine
l’ampleur de la perte d’efficacité économique suite à une augmentation des taux
marginaux de taxation.
En effet, pour un salaire brut donné, une hausse des impôts
diminue le salaire après impôts, et par conséquent l’incitation à l’effort de travail.
Cependant, les individus peuvent vouloir maintenir un certain niveau de revenus après
taxes et donc augmenter leur effort de travail. Ces deux effets combinés déterminent la
réponse des individus à la taxation des revenus du travail, qui se mesure par l’élasticité
de l’offre de travail. Les estimations de l’élasticité de l’offre de travail concluent
qu’une hausse de la taxation se traduit par une baisse de l’effort de travail
6
, bien que
l’ampleur de cet effet diffère suivant les travaux.
Plus l’élasticité de l’offre de travail est élevée, plus la perte d’efficacité économique à
consentir pour obtenir un certain niveau de redistribution est importante. Si les agents
diffèrent selon l’élasticité de leur offre de travail, néanmoins difficile à mesurer au
niveau individuel, il est plus efficace de soumettre aux taux marginaux les plus élevés
ceux ayant la plus faible élasticité, afin de limiter les effets de désincitation au travail.
•
La forme de la taxation optimale et la distribution des revenus avant impôt sont
déterminées simultanément.
Elles dépendent, en plus des paramètres précédents, de
la distribution des productivités individuelles. À l’équilibre, le lien entre la forme de la
taxation optimale et la répartition des revenus devrait être influencé par deux forces,
en plus de celles précédemment énumérées.
D’une part, les taux marginaux optimaux devraient probablement être, toutes
choses égales par ailleurs, plus faibles dans les zones les plus denses de la
distribution.
En effet, lorsque le taux marginal est élevé, les individus ont intérêt à
diminuer leur effort de travail car leur perte de revenu est compensée en grande partie
par une baisse importante de leur imposition. Un taux marginal élevé se traduit donc
par une baisse de l’effort de travail des individus concernés. Ainsi, la perte agrégée
d’efficacité liée à un taux marginal élevé pour un niveau de revenu est d’autant plus
importante que les individus à ce niveau de revenu sont nombreux.
D’autre part, le taux marginal optimal aurait tendance, toutes choses égales par
ailleurs, à être plus élevé dans le bas de l’échelle des revenus.
En effet, un taux
marginal élevé à un niveau de revenu donné se répercute sur le taux moyen de tous les
individus de revenu supérieur. Si ces derniers sont nombreux, le taux marginal élevé
produit donc d’importantes recettes fiscales.
La résultante de ces deux effets ne permet pas de dresser de profil définitif des
taux marginaux optimaux.
6
Un résumé des estimations de l’élasticité de l’offre de travail peut être trouvé dans :
Blundell Richard et MaCurdy Thomas (1999), “Labour Supply: A Review and Alternative Approaches”, in
Ashenfelter O. et Card D.,
Handbook of Labor Economics
(North-Holland).
Un travail plus spécifique à la réponse à l’imposition est le suivant :
Gruber, Jon et Saez, Emmanuel (2002), “The Elasticity of Taxable Incomes : Evidence and Implications”,
Journal of Public Economics
, 84, pp. 1-32.
19
Principes généraux pour les taux marginaux d’imposition
Il semble, suivant cette logique, que les taux marginaux optimaux ne doivent pas être
supérieurs à 100 %
. Un taux marginal supérieur à 100 % signifie que chaque euro
supplémentaire gagné par un individu donne lieu à un prélèvement de plus d’un euro. Cela est
donc totalement dissuasif du point de vue de l’offre de travail. Sur le Graphique 1, personne
ne choisira d’augmenter son effort de travail entre les points A et C, zone où les taux
marginaux sont supérieurs à 100%. En effet, dans ce cas, le revenu disponible après
prélèvements et transferts est inférieur à celui du point A avec un effort de travail plus
important (ligne pleine). Tous les individus susceptibles de gagner un revenu initial entre A et
C choisiront de gagner un revenu initial A. Il sera plus profitable pour la puissance publique
de diminuer les taux marginaux jusqu’à une valeur inférieure à 100 % (ligne pointillée). Cela
permettra éventuellement d’augmenter l’offre de travail des agents qui pourront gagner un
revenu entre A et C. Dans le même temps, les recettes fiscales ne diminueront pas, chaque
individu payant au moins autant d’impôt que dans la situation précédente. Il semble donc
inutile de mettre en place des taux marginaux supérieurs à 100 %.
Graphique 1 : Effet d’un taux marginal supérieur à 100 %
Des taux marginaux négatifs ne paraissent pas non plus adaptés pour concilier efficacité
et redistribution
. Ils consistent à effectuer un transfert qui augmente avec le revenu, ou à
baisser l’impôt acquitté lorsque le revenu croît. Par conséquent, ils impliquent un effet anti-
redistributif, dans la mesure où la différence de revenu après transfert entre les individus A et
B est plus importante que la différence de revenu initial (Graphique 2, ligne pointillée). De
plus, ces taux marginaux négatifs génèrent des recettes fiscales moindres par rapport à un taux
marginal nul (ligne pleine).
20
Graphique 2 : Effet d’un taux marginal négatif
Quelle forme pour les taux marginaux d’imposition ?
En plus des principes généraux énoncés ci-dessus,
certains travaux académiques
7
ont
essayé de préciser la progressivité optimale du système socio-fiscal dans ce cadre
. Ces
travaux reposent sur des hypothèses fortes concernant la réponse de l’offre de travail aux
incitations fournies par la taxation, les préférences sociales et la distribution des revenus
initiaux dans l’économie. Les premiers travaux menés par James Mirrlees dans les années
1970 conduisaient à une taxation proportionnelle des revenus, soit un taux marginal constant,
assortie d’un transfert universel forfaitaire. Des travaux plus récents, qui essaient de mieux
mesurer la distribution des revenus avant impôt, obtiennent un profil plus complexe
(Graphique 3) en faisant intervenir des données sur l’économie américaine dans leur modèle
théorique.
Ces résultats sont néanmoins à interpréter avec la plus grande prudence et
sont décrits ici à titre illustratif : une modification des hypothèses pourrait conduire à
une forme différente des taux marginaux.
7
On peut citer notamment les travaux suivants :
Mirrlees, James A. (1971), “An Exploration in the Theory of Optimum Income Taxation”, The Review of
Economic Studies, 38(2), 175-208.
Diamond, Peter A. (1998), “Optimal Income Taxation: An Example with a U-Shaped Pattern of Optimal
Marginal Tax Rates”, American Economic Review, 88(1), 83-95.
Saez, Emmanuel (2001), “Using Elasticities to Derive Optimal Income Tax Rates”, The Review of Economic
Studies, 68, 205-229.
Salanié, Bernard (2003), “The Economics of Taxation”, MIT Press.
21
Ces travaux conduisent à esquisser une courbe possible de taux marginaux d’imposition
optimaux :
•
Dans le bas de la distribution, les taux marginaux optimaux auraient tendance à être
élevés.
En effet, un taux marginal élevé dans cette zone se traduit par des taux moyens
plus élevés pour une très grande partie de la population dont le revenu est supérieur, et
donc par un gain conséquent pour les finances publiques. Les pertes en termes d’offre de
travail sont relativement faibles car les individus sont supposés moins productifs.
Par ailleurs, des taux marginaux élevés sont la contrepartie de l’existence d’un
revenu de subsistance.
En effet, la redistribution implique en général des transferts vers
ces individus. Ainsi, tout gain d’un euro supplémentaire de revenu avant impôt
impliquerait une baisse importante des transferts reçus. La question de la nature de ces
transferts vers les bas revenus et la façon dont ils peuvent préserver les incitations à
l’emploi sera abordée dans la suite. Néanmoins, ces taux marginaux élevés dans le bas de
la distribution peuvent être abaissés par des préférences sociales fortes pour la
redistribution.
•
Les taux marginaux baisseraient ensuite en arrivant dans les zones les plus denses de
la distribution, correspondant à des niveaux de revenus intermédiaires.
Comme il a
été expliqué ci-dessus, des taux marginaux élevés dans cette partie de la distribution
toucheraient un nombre important d’individus et pourraient avoir par conséquent des
effets fortement négatifs en termes d’efficacité économique si l’effort de travail de ces
derniers y est sensible.
•
Concernant le haut de la distribution des revenus, plusieurs effets s’opposeraient :
o
Des premiers arguments plaident pour des taux marginaux limités dans le haut de la
distribution. En effet, des taux marginaux élevés dans le haut de la distribution des
revenus rapporteraient peu, car ils auraient un effet sur le taux moyen de peu
d’individus. De plus, leur impact négatif sur l’efficacité de l’économie peut être
substantiel dans la mesure où ces individus peuvent être susceptibles de modifier de
façon plus importante leurs décisions en réponse à la taxation (mobilité internationale,
par exemple). Enfin, les pertes en termes d’efficacité pourraient être plus élevées car
ces individus sont supposés être les plus productifs.
o
À l’inverse, d’autres arguments plaident pour des taux marginaux élevés dans le haut
de la distribution. Les individus concernés par ces taux marginaux élevés étant moins
nombreux à mesure qu’on se place dans le haut de la distribution des revenus, les
effets sur l’efficacité de l’économie deviendraient alors faibles. De plus, si les
préférences sociales favorisent la redistribution, elles encourageront une contribution
relativement plus importante des plus hauts revenus.
o
Finalement, il semblerait que, dans ces travaux plus récents
8
, ce soit plutôt la seconde
série d’arguments qui l’emporte, expliquant une remontée des taux marginaux, puis
leur stabilisation.
8
Diamond (1998), Saez (2001) et Salanié (2003).
22
Ces travaux donnent des principes généraux, mais leurs conclusions ne peuvent être
interprétées de façon littérale car elles découlent d’hypothèses fortes
, aussi bien sur le
comportement des agents que sur les objectifs sociaux et l’environnement économique. Par
exemple, il n’est pas impossible que le taux marginal optimal décroisse pour les plus hauts
revenus, suivant la forme du haut de la distribution des revenus. De plus,
certains auteurs,
dans des articles récents, avancent également que des taux marginaux constants seraient
proches de l’optimalité
, à la fois en termes de redistribution et d’efficacité
9
, rejoignant ainsi
les premières conclusions de Mirrlees.
Graphique 3 : Deux exemples de formes schématiques des taux marginaux optimaux
Comme on vient de le montrer,
le système optimal est en général très complexe
.
Notamment, il attribue à chaque niveau de revenu un taux marginal différent. En pratique,
l’administration d’un tel système se révèlerait très coûteuse, sinon impossible, mais également
très opaque.
Une imposition par tranche pourrait s’approcher d’une taxation optimale, car elle
permettrait de moduler le taux d’imposition selon le niveau de revenu, tout en restant
envisageable en pratique.
La mise en pratique d’une taxation des revenus qui concilierait à
la fois l’optimalité au sens du dilemme efficacité - redistribution, des coûts administratifs
limités et un certain degré de simplicité pourrait donc consister en un système avec des taux
marginaux différents, mais en nombre restreint. En général, pour des revenus modestes, le
système socio-fiscal consisterait en un transfert qui diminuerait avec le revenu.
9
Pour des développements introduisant ces nuances :
Mankiw, N. Gregory, Matthew Weinzierl et Danny Yagan (2009), “Optimal Taxation in Theory and Practice”,
Journal of Economic Perspectives, 23(4), 147-174.
23
ii.
Le bas de la distribution des revenus
Au vu de l’analyse précédente, il semble justifié de porter une attention particulière au
système socio-fiscal dans le bas de l’échelle des revenus pour deux raisons :
•
le système socio-fiscal optimal correspondrait à un transfert.
En pratique, si un
système d’imposition par tranche peut s’approcher de la taxation optimale, la mise en
place de transferts en faveur des individus dans le bas de la distribution des revenus
n’a jusqu’à présent pas été détaillée.
•
la décision d’effort économique prend dans ce cas essentiellement la forme de la
participation ou non au marché du travail
. Les problèmes de désincitation au
travail prennent alors la forme de « trappes » à inactivité ou à chômage
10
: le système
socio-fiscal, par la forme de ses transferts et prélèvements, peut décourager à
l’exercice d’une activité professionnelle. Jusqu’ici n’ont été mentionnés que les effets
désincitatifs de la taxation sur l’effort de travail des agents, et ces effets n’ont été pris
en compte que via leur impact sur l’efficacité de court terme de l’économie.
Néanmoins, pour les individus en bas de la distribution des revenus, les effets sur
l’efficacité de l’économie peuvent être des effets de plus long terme : exclusion
durable du marché du travail, déqualification, désocialisation, …
En pratique, deux grands types de transferts assurent une redistribution en faveur du bas de la
distribution des revenus :
•
des revenus minimums garantis
(minimum vieillesse, allocation pour adulte
handicapé (AAH), RSA « socle » par exemple). Si l’individu ne dispose d’aucun
revenu, il bénéficiera d’un transfert égal au revenu minimum garanti ; s’il dispose d’un
revenu inférieur au revenu minimum garanti, il percevra un transfert tel que son
revenu total égale le revenu minimum garanti (Graphique 4).
•
des subventions aux bas salaires
(Prime Pour l’Emploi, RSA « activité » pris
isolément, allègements de cotisations sociales par exemple). Pour des salaires faibles,
on augmente le revenu dans une certaine proportion, le transfert augmente même avec
le revenu de l’individu. À partir d’un certain niveau de salaire, le transfert est
éventuellement plafonné, puis il diminue progressivement (Graphique 4).
Les deux composantes précédentes peuvent être combinées au sein d’un même dispositif
(RSA englobant, c’est-à-dire « socle » et « activité », ou allocations logement par exemple). Il
est constitué d’un revenu minimum garanti et d’une subvention aux bas salaires. Un individu
sans revenu bénéficie d’un transfert égal au revenu minimum garanti. Un individu touchant un
revenu suffisamment faible perçoit un transfert tel que son revenu final corresponde au revenu
minimum garanti augmenté d’une part de son revenu initial (Graphique 4).
10
Ces thèmes sont par exemple traités par Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg, « Salaire Minimum
et bas revenus : comment concilier justice sociale et efficacité économique ? », Conseil d’Analyse Économique,
2008.
24
Graphique 4 : Les différents types de prestations
Chaque type de transfert présente certains avantages et certains inconvénients au regard des
objectifs d’incitations économiques et de redistribution :
•
Le principal inconvénient des revenus minimums garantis est d’imposer des taux
marginaux de 100 %
, car ce type d’allocation est purement différentiel. Pour chaque
euro supplémentaire de revenu avant transferts, le transfert diminue d’autant, laissant
le revenu après transferts inchangé. Par conséquent, les incitations financières à
l’emploi induites par ce système sont nulles, et il décourage fortement l’offre de travail
sur toute la zone de revenu où il existe. Néanmoins, les revenus minimums garantis
25
peuvent se justifier pour des populations bien identifiées et caractérisées par une offre
de travail de toute façon faible, par exemple les retraités (
cf. infra
).
•
Les subventions aux bas-salaires visent quant à elles à renforcer les incitations
économiques à l’exercice d’un emploi pour les individus touchant de faibles
salaires.
Ainsi, cette subvention augmente le différentiel de revenu entre la situation
d’inactivité et la situation d’activité. Ceci est dû au fait que le transfert augmente
localement avec le revenu initial (Graphique 4), ce qui correspond au cas d’un taux
marginal d’imposition négatif : chaque euro supplémentaire de salaire va donner lieu à
plus d’un euro supplémentaire de revenu disponible. Les subventions aux bas salaires
permettraient alors d’encourager plus d’individus à entrer, ou à se maintenir sur le
marché du travail.
Cependant, ces subventions impliquent des taux marginaux négatifs, jugés
précédemment difficilement compatibles avec une taxation optimale. De tels taux
marginaux auraient des effets anti-redistributifs, en exacerbant les différences de
revenu initial, et seraient coûteux pour les finances publiques. Toutefois pour des bas
salaires, la décision des individus ne porte plus uniquement sur l’effort de travail, mais
également sur la participation au marché du travail. En induisant une participation
accrue au marché du travail, les subventions aux bas salaires pourraient éviter les
effets néfastes à long terme décrits plus haut, contrebalançant ainsi les pertes
d’efficacité de court terme liées à des taux marginaux négatifs.
•
À cet égard, la combinaison des deux dispositifs précédents, du type « RSA
englobant », permet d’assurer un revenu minimum garanti, tout en limitant les
problèmes d’incitation
à l’emploi grâce à un mécanisme de subvention aux bas
salaires. En effet, un euro supplémentaire de revenu avant transferts se traduit par une
diminution du transfert inférieure à un euro (voire une hausse du transfert), et donc par
une augmentation du revenu après transferts.
Ce dispositif semble donc se rapprocher de la forme de l’impôt optimal décrit
précédemment. À ce titre, il est également sujet au
dilemme entre redistribution (un
revenu minimum garanti important) et efficacité (un taux marginal faible)
. À
budget constant, pour augmenter le revenu minimum garanti, il faudrait augmenter le
taux marginal, en accélérant l’extinction de la prestation avec l’augmentation des
revenus, ce qui conduirait par conséquent à une moindre incitation à l’emploi
(Graphique 5).
Pour cette raison, il peut être justifié de conditionner les transferts à certaines
caractéristiques.
Par exemple, distinguer entre les transferts aux retraités et ceux aux
actifs du bas de la distribution des revenus permet d’augmenter le revenu minimum
garanti pour les retraités (éventuellement jusqu’à ce que le taux marginal soit égal à
100 %, auquel cas il s’agit uniquement d’un revenu minimum garanti), sans pour
autant nuire aux incitations à l’emploi des actifs.
26
Graphique 5: Le dilemme entre un taux marginal faible et un revenu minimum garanti
élevé
Note
: Un aplatissement de la pente correspond à une augmentation plus lente du revenu après transferts avec le
revenu avant transferts, et donc à une hausse du taux marginal d’imposition
.
En pratique, ces trois types de prestations coexistent.
En effet, elles résultent de deux
logiques distinctes (garantir un revenu minimum et inciter à l’emploi), et poursuivent des
objectifs à première vue différents : assurer un revenu minimum aux individus éloignés du
marché du travail, inciter à la participation au marché du travail et soutenir le revenu des
travailleurs pauvres.
iii.
Le haut de la distribution des revenus
Les ressources des hauts revenus constituent un enjeu important en termes de
redistribution verticale.
Concernant les revenus du travail, un des exemples de taxation
optimale présenté dans le Graphique 3 suggère une augmentation des taux marginaux dans le
haut de la distribution des revenus puis une stabilisation (voire une baisse), justifiée par la
coexistence de deux effets opposés :
•
un effet désincitatif potentiellement fort sur l’effort de travail de ces contribuables
11
,
•
et un effet redistributif, combiné à un impact relativement faible en termes de perte
d’efficacité économique (lorsque les hauts revenus sont peu nombreux).
11
Voir notamment Gruber et Saez (2002).
27
D’autres facteurs sont à prendre en considération pour la taxation des hauts revenus, en
particulier la concurrence fiscale.
En effet, les individus percevant des hauts revenus
seraient, selon les rares études disponibles à ce sujet, et menées sur des publics très
particuliers, plus mobiles internationalement
12
. Même si elles ne reposent pas uniquement sur
la fiscalité, les décisions de mobilité des contribuables, notamment celles des travailleurs
qualifiés, peuvent en effet être influencées par l’existence de taux d’imposition plus faibles
dans les autres pays. Ainsi, augmenter très fortement les taux d’imposition des hauts revenus
pourrait entraîner, outre l’expatriation d’individus qualifiés, une diminution de la base
taxable, voire une perte de recettes fiscales.
La taxation des revenus de l’épargne, qui constituent une partie importante des revenus
dans le haut de la distribution, est aussi un élément déterminant.
En effet, les individus
qui ont des revenus du travail élevés peuvent plus facilement se constituer une épargne, et
ceux qui disposent d’une épargne importante disposent
a priori
également de forts revenus
générés par cette épargne.
Les taux marginaux dans le haut de la distribution des revenus sont alors déterminés
conjointement par les composantes suivantes : la volonté de redistribution verticale, la
concurrence fiscale et la taxation de l’épargne.
iv.
L’imposition des revenus de l’épargne
Du point de vue de l’équité
, deux approches s’opposent quant à la taxation des revenus de
l’épargne :
•
D’une part,
taxer les revenus de l’épargne peut s’apparenter à une double
taxation
: chaque euro épargné est, en effet, taxé au moment où il est perçu en tant
que revenu du travail ou revenu de remplacement (chômage, retraite) et au moment où
il génère des revenus de l’épargne. Deux individus ayant les mêmes revenus, mais des
taux d’épargne différents supportent ainsi un impôt sur le revenu différent, ce qui peut
aller à l’encontre de l’équité devant l’impôt
13
.
•
D’autre part,
les revenus de l’épargne peuvent être considérés comme augmentant
la capacité contributive
; leur taxation s’inscrirait alors dans une optique de
redistribution.
La taxation des revenus de l’épargne n’échappe pas à l’arbitrage entre efficacité et
redistribution.
En effet, taxer les revenus de l’épargne affecte les choix de consommation et
d’épargne des ménages.
La taxation des revenus de l’épargne affecte le taux d’épargne dans une économie qui
serait totalement fermée aux capitaux extérieurs
, et où l’investissement des entreprises
12
Voir à ce sujet l’étude « Taxation and international mobility of Superstars : Evidence from the European
Football market », de E. Saez, H. Kleven et C. Landais qui met en évidence que les choix de carrière des
footballeurs (population néanmoins particulière) dépendent notamment des taux d’imposition dans chaque pays.
13
En présence d’un impôt sur la consommation, ce raisonnement reste valable sur une perspective de très long
terme où tous les revenus (épargne et travail) seraient finalement consommés.
28
serait donc entièrement financé par l’épargne des ménages. Ainsi, l’accumulation de capital
dans l’économie serait affectée. Deux effets contraires sont à l’oeuvre.
•
D’une part,
la taxation des revenus de l’épargne diminue le rendement de
l’épargne
, ce qui rend la consommation plus attrayante. C’est
l’effet de substitution,
qui joue dans le sens d’une diminution du taux d’épargne.
•
D’autre part,
la diminution du rendement de l’épargne incite les ménages à vouloir
épargner davantage
pour s’assurer un niveau égal de revenus futurs. C’est
l’effet
revenu,
qui joue dans le sens d’une augmentation du taux d’épargne.
Dans une économie ouverte au marché mondial du capital, une taxation des revenus de
l’épargne serait sans effet sur le coût du capital pour les entreprises, qui pourraient se
financer à l’étranger.
En revanche, le rendement de l’épargne nationale après impôt serait
diminué et cette épargne serait alors découragée. De plus, une forte taxation de cette ressource
peut avoir pour conséquence une fuite des capitaux et donc la réduction de l’assiette
imposable.
La situation pertinente pour un pays comme la France se situe probablement entre ces deux
extrêmes. Le cadre d’une économie ouverte permet de relativiser l’impact de la taxation de
l’épargne sur le coût du capital et donc sur l’efficacité économique. De plus, une partie des
revenus de l’épargne est constituée de rentes (au sens économique
14
), que l’efficacité justifie
de taxer complètement, sauf exceptions
15
.
Par ailleurs, les quelques résultats empiriques
16
sur le sujet suggèrent que la fiscalité
aurait un faible effet sur le taux d’épargne.
En revanche, la fiscalité aurait un effet plus
important sur l’allocation de l’épargne entre différents supports.
Si l’épargne n’est pas
investie de manière optimale, sa fiscalisation pourrait permettre, via des effets incitatifs de
réallocation de portefeuille, d’améliorer l’efficacité de l’économie.
Ainsi, taxer les revenus de l’épargne peut se justifier tant du point de vue de l’efficacité
que de celui de la redistribution.
En cas d’imposition de ces revenus, deux approches
peuvent notamment être citées quant à l’articulation de la taxation des revenus de l’épargne et
de ceux du travail :
•
soit
un impôt universel avec pour assiette l’ensemble des revenus
des individus
(travail et capital). Les taux marginaux sont alors identiques pour les deux types de
revenu.
•
soit
un impôt dual
(les revenus du travail seraient soumis à un barème progressif,
ceux du capital à un prélèvement à taux constant). Les taux marginaux des deux types
de revenu sont alors indépendants.
14
Une rente économique est le
surplus de revenu lié à la fourniture d’un bien ou d’un service, en raison d’une
offre fixe quel que soit le prix. Des rentes sont par exemple associées à certaines matières premières.
15
Par exemple, les rentes issues d’innovations technologiques permettent de créer des incitations à la recherche.
16
À ce sujet, les études sont résumées par Bernheim (2002), “Taxation and saving”, in A. J. Auerbach & M.
Feldstein (ed.), Handbook of Public Economics, edition 1, volume 3, chapter 18, pages 1173-1249 Elsevier.
29
La théorie ne tranche pas de manière définitive sur la forme de l’impôt à adopter. La taxation
idéale se situerait peut-être entre les deux systèmes : les taux marginaux appliqués aux
revenus du travail et du capital devraient évoluer conjointement
17
.
v.
La taxation indirecte ne constitue pas en général une manière efficace
de redistribuer
A priori, le système socio-fiscal privilégie pour redistribuer les impôts et des transferts
basés sur les revenus.
Toutefois, la taxation de la consommation est un élément central du
système fiscal, notamment à travers la TVA acquittée par les ménages, susceptible d’avoir des
effets redistributifs pour deux raisons :
•
Si les taux d’épargne diffèrent suivant le revenu, la fiscalité indirecte pèsera, à l’instant
considéré, relativement plus sur les individus qui épargnent moins.
•
Du fait de taux de TVA différenciés suivant les biens et services, si la structure de la
consommation varie en fonction du revenu, des effets redistributifs peuvent apparaître.
En pratique, les taux d’épargne ont tendance à augmenter avec le revenu, ce qui confère
à la fiscalité indirecte des effets anti-redistributifs.
L’intérêt en termes de redistribution d’une taxe sur la consommation pourrait alors venir de
taux différenciés selon les biens et services. Par exemple, si les individus ayant un revenu plus
faible consomment relativement plus de produits de première nécessité et que ces produits
sont soumis à un taux réduit, alors la fiscalité indirecte peut avoir un effet redistributif.
Cependant,
si la structure de la consommation ne dépend que du revenu, des taux
différenciés de taxe sur la consommation ne permettent pas de mieux concilier efficacité
et redistribution que l’imposition directe des revenus
. Au contraire, elle introduit une
inefficacité potentielle supplémentaire en modifiant les choix des individus en termes
d’épargne ou de structure de la consommation
18
. En d’autres termes, la théorie économique
nous indique, qu’à objectif de redistribution fixé, il serait plus efficace de supprimer les
réductions de taux de la fiscalité indirecte et de redéployer les marges budgétaires ainsi
obtenues en effectuant une redistribution plus ciblée à l’aide de la fiscalité directe ou des
prestations.
En première approche, la taxation indirecte devrait donc avoir un taux unique et ne
devrait pas être un outil de redistribution.
Avec un taux unique, et si les effets anti-
redistributifs venant de la hausse du taux d’épargne avec le revenu sont négligés, la fiscalité
indirecte serait donc proche d’une imposition sur le revenu à un taux uniforme. Par rapport à
l’imposition sur le revenu, une taxe sur la consommation présente néanmoins l’avantage de
prélever des ressources pour le fonctionnement de la puissance publique à moindre coût (sa
gestion administrative est relativement simple et elle permet de fiscaliser les importations sans
17
Selon James Bank et Peter A. Diamond (2008), « The base for direct taxation »,
MIT Department of
Economics Working Paper n° 08-11
,
les taux marginaux appliqués aux revenus du travail et du capital doivent
vraisemblablement être corrélés positivement.
18
Cette conclusion est connue sous le nom de résultat d’Atkinson-Stiglitz.
30
effets sur l’offre de biens). Efficace économiquement, elle semble peu efficace pour jouer un
rôle redistributif, assuré davantage par la fiscalité directe.
Dans de nombreux pays dont la France, la fiscalité indirecte fait néanmoins apparaître
des taux différenciés.
D’un point de vue économique, les taux réduits ou majorés peuvent
être utilisés pour la correction d’externalités (environnementales, de santé publique, …) liées
à la consommation d’un bien particulier. Cet argument justifie par exemple les droits d’accise,
en plus de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), sur le tabac et l’alcool, ou la Taxe Intérieure
sur les Produits Pétroliers (TIPP).
Des taux différenciés de la fiscalité indirecte peuvent être mis en place au titre de
l’efficacité
(pour les biens conduisant à des externalités),
mais pas au titre de la
redistribution
(pour les biens de première nécessité). En effet, les travaux autour de la
fiscalité optimale n’apportent que peu d’éléments étayant la taxation à taux réduit de certains
biens dans une optique de redistribution, sauf sous certaines hypothèses particulières.
vi.
Faire dépendre l’imposition d’autres caractéristiques ?
Jusqu’ici les individus n’ont été distingués que par leur revenu avant impôt. Mais
les
différences entre individus sont par essence multidimensionnelles et le système socio-
fiscal pourrait s’appuyer sur ces différences pour redistribuer.
Les caractéristiques reliées aux capacités contributives des individus devraient, du point
de vue de l’efficacité, être utilisées par le système socio-fiscal.
En effet, puisque l’arbitrage
efficacité/redistribution vient de la nécessité pour la puissance publique de se baser sur des
décisions économiques pour la taxation, toute information sur les caractéristiques intrinsèques
des individus pourrait permettre d’améliorer l’efficacité du système.
En pratique, de telles informations sont souvent prises en compte dans la taxation.
Par
exemple, la structure familiale est reflétée à travers le quotient familial, les majorations pour
enfant à charge de la prime pour l’emploi, les prestations familiales, les barèmes des minima
sociaux et des allocations logements, etc. D’autres caractéristiques sont également utilisées :
le handicap, le statut d’occupation du logement pour déterminer l’éligibilité aux allocations
logement, l’âge pour les minima sociaux et certains abattements spéciaux de l’impôt sur le
revenu, la région d’habitation pour la fiscalité locale et les allocations logement. L’intérêt de
différencier les prestations dans le bas de la distribution des revenus entre, par exemple, les
retraités et les actifs a déjà été abordé.
La puissance publique prend certainement en compte une notion d’équité horizontale
,
c’est-à-dire une norme qui indique dans quelle mesure des contribuables différents doivent
être traités différemment par le système socio-fiscal à niveau de vie initial identique.
La question est alors de savoir quelles sont les caractéristiques qui peuvent socialement
donner lieu à un traitement différencié par le système socio-fiscal, et dans quelle mesure.
Ainsi, la prise en compte de considérations d’équité horizontale peut créer un arbitrage avec
l’efficacité du système. Pour des raisons d’équité horizontale, certaines informations ne seront
31
pas ou pas totalement utilisées par le système socio-fiscal (l’âge, par exemple), ce qui diminue
l’efficacité économique de la taxation.
*
*
*
Cette partie a permis d’obtenir des principes généraux sur la question de l’arbitrage
efficacité/redistribution posée par la taxation. Ils seront utilisés
infra
lors de la description du
système socio-fiscal français, notamment en ce qui concerne l’assiette (les revenus du travail
et de l’épargne), la progressivité des barèmes (notamment sur les hauts et bas revenus), les
instruments (la taxation du revenu plutôt que de la consommation pour ce qui concerne la
redistribution) et les caractéristiques des individus à prendre en compte. Il faut toutefois
garder à l’esprit que certaines des conclusions précédentes, notamment sur la progressivité des
barèmes, reposent sur des hypothèses fortes et spécifiques, qui dépendent fondamentalement
du critère de justice sociale retenu. Ces concepts abstraits vont maintenant être rendus plus
opérationnels avec la description du champ des prélèvements et de la mesure des capacités
contributives retenus pour l’étude empirique.
1.3
Champ et choix méthodologiques
i.
Le champ des prélèvements obligatoires à retenir
En pratique,
tous les impôts et toutes les prestations peuvent avoir une dimension
redistributive.
Il est donc nécessaire d’avoir un champ large pour étudier l’effet redistributif
global du système socio-fiscal. En particulier, il est pertinent de prendre en compte les impôts
ou prestations a priori peu dirigés vers la redistribution, comme les allocations familiales, qui
sont sans conditions de ressources, ou l’imposition indirecte.
Toutefois, le champ de la redistribution dans ce rapport se restreint aux prélèvements
obligatoires et aux prestations monétaires.
D’autres interventions publiques peuvent aussi
avoir un rôle redistributif, comme par exemple la réglementation sur le salaire minimum.
Cependant, attribuer à chaque ménage les bénéfices et les coûts de ce type de dispositifs
dépasse largement le cadre de ce rapport. Pour la même raison, les prestations en nature (soins
ou éducation, par exemple) sont exclues du champ d’analyse. Leur rôle est cependant
fondamental dans la réduction des inégalités, et ils sont financés par les prélèvements
obligatoires. Une étude de l’Insee
19
estime qu’ils participent pour près de la moitié à la
réduction des inégalités : par les masses en jeu, ils sont très redistributifs, bien que peu ciblés.
De plus,
seuls les transferts et prélèvements concernant directement des ménages sont
retenus.
Il est en effet difficile de savoir dans quelle mesure certains prélèvements ou
19
V. Bonnefoy, M.-C. Cazenave, A. Eidelman et T. Razafindranovona, « La redistribution en 2009 »,
in
France
Portrait Social 2010, Insee.
32
transferts à destination des entreprises sont reportés au final sur les ménages. Une des
difficultés de l’évaluation consiste en effet à déterminer qui paie l’impôt
in fine
20
.
Le champ du système socio-fiscal retenu
dans le cadre de cette étude est le suivant :
•
Les
impôts directs
(Impôt sur le Revenu (IR), Impôt de Solidarité sur la Fortune
(ISF), taxe d’habitation (TH)) et les
charges sociales
(Contribution Sociale
Généralisée (CSG), Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS),
ainsi qu’une partie des cotisations sociales salariales et patronales
21
) sur l’ensemble
des revenus (revenus d’activité, revenus de remplacement et revenus du capital) sont
retenus. Les impôts directs constituent des instruments privilégiés de la redistribution
via leur progressivité. Les charges sociales ne peuvent pas être négligées, étant donné
leur part importante dans les prélèvements obligatoires.
•
Parmi les charges sociales,
les cotisations sociales vieillesse et chômage ne sont pas
retenues dans le champ des prélèvements obligatoires.
En
effet, la cohérence
conduirait alors à considérer leurs contreparties, c’est-à-dire les pensions de retraite et
les allocations chômage, comme des prestations. Bien que pouvant être considérés
comme faisant partie de la redistribution, ces revenus et cotisations correspondent à
une assurance sociale au sens décrit par Bourguignon (1998). Ils peuvent donc aussi se
comprendre comme un transfert entre périodes de la vie. Cette approche n’est pas
retenue dans ce rapport, mais la redistribution effectuée par ce biais est toutefois
brièvement décrite (Encadré 5
).
•
Les Droits de Mutation à Titre Gratuit et Onéreux
(DMTG et DMTO) et
la Taxe
Foncière
(TF) ne sont pas traités pour des raisons techniques, essentiellement dues à
la nature des données disponibles. Il est en effet très difficile de relier les montants
acquittés au titre de ces impôts aux revenus des contribuables concernés. Cependant,
leur effet redistributif n’est
a priori
pas négligeable. En effet, la taxation des
successions et des donations modifie la répartition du patrimoine, et l’exonération de
taxe foncière de certains ménages relève d’une logique redistributive.
Les prestations monétaires (prestations familiales, allocations logement, Revenu de
Solidarité Active (RSA), minimum vieillesse (Allocation de Solidarité aux Personnes
Âgées, ASPA), Allocation Adulte Handicapé (AAH)) sont également retenues.
Elles
constituent un élément privilégié de redistribution, notamment pour le bas de la distribution
des revenus. Il existe des aides locales, à la fois monétaires et en nature, mais elles ne peuvent
être prises en compte. En effet, il serait impossible d’être exhaustif
22
.
20
Ces questions sont abordées avec plus de détails dans le rapport d’Alexis Eidelman, Fabrice Langumier et
Augustin Vicard.
21
Voir le rapport particulier d’Alexis Eidelman, Fabrice Langumier et Augustin Vicard sur les raisons de
prendre en compte les cotisations sociales patronales dans le champ des prélèvements pesant sur les ménages.
22
Pour plus de détails sur les aides locales, voir par exemple, D. Anne et Y. L’Horty, « Aides sociales locales,
revenu de Solidarité active (RSA) et gains du retour à l’emploi », Économie et Statistique n°429-430, 2010.
33
L’imposition indirecte
(TVA, TIPP, droits d’accise) est aussi incluse dans le champ du
rapport. Même si la théorie suggère que ce type d’imposition ne doit pas être utilisé à des fins
redistributives, l’existence de taux réduits et l’évolution du taux d’épargne des ménages avec
leur revenu peuvent induire un effet redistributif de la fiscalité indirecte.
Au total, l’ensemble des impôts et cotisations retenus dans ce rapport couvre près de la
moitié des prélèvements obligatoires (portant sur les ménages et les entreprises)
23
.
ii.
Les différentes notions de revenus et les différentes étapes de la
redistribution
Au vu du champ des taxes et prestations retenues ci-dessus, différents concepts de revenu
peuvent être définis à différents stades de la redistribution.
Le Graphique 6 résume les
différentes notions de revenu et de niveau de vie utilisées dans le cadre de cette étude.
En
premier lieu, le revenu primaire
correspond à l’ensemble des revenus d’activité super-bruts
(avant prélèvement des cotisations sociales salariales et patronales) et des revenus du
patrimoine, avant tout prélèvement. Cet agrégat correspond donc à la valeur ajoutée produite
par les résidents.
À ces revenus primaires peuvent être ajoutées les allocations chômage et les pensions de
retraite, de nature contributive. Afin d’éviter tout double compte, il faut retrancher de cet
agrégat les cotisations sociales associées (vieillesse et chômage).
Le revenu ainsi obtenu,
revenu primaire augmenté des revenus du chômage et des pensions de retraite et
diminué des cotisations correspondantes, sera qualifié de revenu initial
.
En aval du revenu initial, plusieurs étapes dans la redistribution peuvent être distinguées :
•
Les cotisations sociales non contributives salariales et patronales (i.e. hors
chômage et vieillesse), la CSG et la CRDS sont prélevées sur le revenu primaire
pour obtenir le revenu net
.
Il correspond au revenu effectivement perçu par les
ménages.
•
Les impôts directs (IR, ISF et TH) sont ensuite déduits du revenu net et les
prestations (allocations logement, prestations familiales, minima sociaux)
ajoutées pour obtenir le revenu disponible
.
Il correspond au revenu utilisé par le
ménage pour ses choix d’épargne et de consommation.
•
Enfin,
les impôts indirects (TVA, TIPP et droits d’accise) sont retirés du revenu
disponible afin d’obtenir le revenu final
24
. Les montants d’impôts indirects sont
calculés à partir de la composition du panier de consommation des ménages.
23
L’autre moitié est constituée des prélèvements portant sur les entreprises, des cotisations sociales contributives
(retraite et chômage), des DMTG, des DMTO, de la Taxe Foncière, …
24
Le revenu final correspond donc au revenu disponible auquel on retranche les impôts indirects, mais pas les
dépenses de consommation.
34
Graphique 6 : Les différentes notions de revenu et de niveau de vie
iii.
Panorama des différents impôts et transferts retenus
Le champ exact des différents prélèvements et transferts intervenant dans la redistribution est
ici explicité, et le principe de chaque composante du système socio-fiscal est brièvement
rappelé, en soulignant notamment les aspects du barème susceptibles de jouer un rôle
redistributif.
Du revenu initial au revenu net :
•
Les cotisations sociales (sauf chômage et vieillesse)
sont des prélèvements sur les
revenus d’activité, de remplacement ou les revenus du capital. Seul leur rôle
redistributif direct sera étudié ici, c’est-à-dire le versant prélèvements. Il faut
néanmoins garder à l’esprit que ces cotisations servent à financer des prestations
sociales, certaines entrant dans le champ (prestations familiales, par exemple), d’autres
en étant exclues (accidents du travail ou cotisations maladie par exemple). Les
cotisations sociales sont susceptibles de participer directement aux mécanismes de
redistribution pour deux raisons : elles portent essentiellement sur les revenus
d’activité, et leur plafonnement va limiter la part payée par les revenus d’activité les
plus élevés.
o
Pour les salariés, elles se répartissent entre cotisations patronales et cotisations
salariales. Le salaire brut est obtenu en retranchant au salaire super-brut les
cotisations patronales, puis le salaire net est calculé en enlevant au salaire brut
les cotisations salariales. Par exemple, pour un salarié non-cadre ayant un
salaire inférieur au plafond de la sécurité sociale, les cotisations sociales
salariales s’élèvent à 13,7 % du salaire brut (seulement 0,75 % dans le champ
retenu), et les cotisations sociales patronales à 46,7 % du salaire brut
(seulement 26,7 % dans le champ retenu).
35
o
Pour les indépendants, les cotisations sont prélevées sur l’ensemble des
revenus professionnels non salariés. Par exemple, pour un commerçant, le taux
de cotisations sociales sur ses bénéfices industriels et commerciaux inférieurs
au plafond de la sécurité sociale est de 31,3 % (seulement 8,15 % dans le
champ retenu).
o
Les revenus du chômage sont soumis à des cotisations sociales de 3 % qui
servent à financer la retraite complémentaire, ces cotisations n’entrent pas dans
le champ retenu.
o
Pour les revenus du patrimoine s’appliquent un prélèvement social de 2 %, une
taxe additionnelle de 0,3 % et une taxe pour le financement du RSA de 1,1 %.
Ces prélèvements entrent dans le champ retenu.
•
La Contribution Sociale Généralisée (CSG)
est un prélèvement sur les revenus du
travail, mais aussi sur les revenus de remplacement (chômage, retraite), et la plupart
des revenus du capital
25
. Comme les cotisations sociales, la CSG est affectée au
financement de la protection sociale (essentiellement aux branches famille, vieillesse
et maladie), mais seule la redistribution effectuée par le côté prélèvement sera
attribuée à la CSG. Elle peut avoir un effet redistributif car, d’une part, les revenus de
remplacement sont soumis à un taux inférieur aux revenus d’activité, eux-mêmes
soumis à un taux inférieur à celui des revenus du capital, et, d’autre part, les retraités
et les chômeurs disposant de faibles revenus bénéficient de taux réduits, voire
d’exonération (Tableau 1)
.
Une partie de la CSG acquittée est déductible de l’impôt
sur le revenu.
Tableau 1: Le barème de la CSG en 2009
Revenus du
patrimoine
Revenus de
placement
Revenus
d’activité
Allocations
chômage
Retraites
Assiette
Totalité
Totalité
97 % du
salaire brut
97 % de
l’allocation
Totalité
Taux plein
8,2 %
8,2 %
7,5 %
6,2 %
6,6 %
dont déductible
5,8 %
-
5,1 %
3,8 %
4,35 %
Taux réduit
-
-
-
3,8 %
(déductible)
si
foyer
fiscal non imposable sur ses
revenus de l’année N-2
Exonération
Montant
de
charges
sociales < 61 €
-
-
Si exonéré de taxe d’habitation
ou
allocation
journalière
de
chômage < 44 €
•
La Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS)
s’applique sur
l’ensemble de l’assiette de la CSG à un taux de 0,5 %. La CRDS n’est pas déductible
de l’impôt sur le revenu.
25
Sont exonérés de CSG les revenus du livret A, du livret d’épargne populaire (LEP), du livret jeunes et du livret
de développement durable.
36
Du revenu net au revenu disponible :
•
L’impôt sur le revenu
(IR)
est un impôt direct, acquitté tous les ans, au titre des
revenus de l’année précédente. Les contribuables sont imposés en tant que membres
d’un foyer fiscal et non en tant qu’individus. La notion de foyer fiscal diffère de celle
de ménage : les célibataires (y compris les concubins), veufs et divorcés sont imposés
séparément, les couples unis juridiquement (mariage ou PACS) le sont conjointement.
Par ailleurs, les enfants peuvent rester à charge jusqu’à leurs 25 ans sous certaines
conditions. L’assiette de l’impôt sur le revenu comprend les revenus nets catégoriels
du foyer fiscal, composés de huit catégories de revenus (traitements et salaires,
pensions et rentes viagères, …), ainsi que la CSG non déductible et la CRDS. La
plupart des revenus catégoriels bénéficient d’abattements spécifiques. Il existe par
exemple un abattement plafonné de 10 % sur les salaires pour frais professionnels.
Le barème de l’impôt sur le revenu est un barème progressif par tranche (Tableau 2).
Le mode de calcul de l’impôt est également basé sur le mécanisme du quotient
familial (Encadré 6), qui permet de prendre en compte la taille et certaines
caractéristiques du foyer fiscal.
La prime pour l’emploi (PPE)
est un crédit d’impôt de soutien à l’emploi attribué
aux personnes ayant exercé une activité professionnelle salariée ou non salariée. Les
revenus du foyer fiscal ne doivent pas dépasser certaines limites, et le revenu
d’activité doit être compris entre un seuil correspondant à environ 30 % de la
rémunération d’une activité à temps plein au Smic et un plafond correspondant à
environ 1,4 Smic. La PPE s’articule avec le RSA (
cf.
infra
).
Tableau 2 : Le barème 2009 de l’impôt sur le revenu
Tranche du revenu net imposable
Taux d’imposition de la tranche
Entre 0 € et 5 852 €
0 %
De 5 852 € à 11 673 €
5,5 %
De 11 673 € à 25 926 €
14 %
De 25 926 € à 69 505 €
30 %
Au-delà de 69 505 €
40 %
Note : Il s’agit du barème de l’impôt acquitté en 2009 sur les revenus 2008.
•
La taxe d’habitation
(TH) est un impôt dû par tous les ménages occupant un
logement, qu’ils soient locataires, propriétaires ou occupants à titre gratuit. Son
montant est calculé à partir de la valeur locative brute du logement. Les ménages de
condition modeste en sont exonérés ou peuvent bénéficier d’abattements et de
dégrèvements. Elle concerne les résidences principales et secondaires, seules les
premières pouvant faire l’objet d’abattements.
•
L’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF)
est un impôt sur le stock de patrimoine,
acquitté tous les ans par les foyers fiscaux (à la différence de l’IR, les concubins sont
imposés conjointement). Le barème est progressif (Tableau 3). La résidence principale
37
bénéficie d’un abattement de 30 % ; les oeuvres d’art et les biens professionnels sont
exonérés.
Tableau 3 : Le barème 2009 de l’impôt de solidarité sur la fortune
Valeur du patrimoine imposable
Taux d’imposition de la tranche
Inférieur à 790 000 €
0 %
De 790 000 € à 1 290 000 €
0,55 %
De 1 290 000 € à 2 530 000 €
0,75 %
De 2 530 000 € à 3 980 000 €
1,00 %
De 3 980 000 à 7 600 000 €
1,30 %
De 7 600 000 € à 16 540 000 €
1,65 %
Supérieur à 16 540 000 €
1,80 %
•
Les prestations familiales
énumérées ci-dessous sont prises en compte. Elles sont
versées au titre d’une famille, c’est-à-dire un bénéficiaire, son conjoint éventuel et les
enfants à charge de moins de 20 ans ou 21 ans suivant les prestations. Certaines sont
sans conditions de ressources, d’autres avec.
Les allocations sans conditions de ressources
:
o
Les allocations familiales
sont sans conditions de ressources. Elles sont
versées en métropole pour les familles ayant au moins deux enfants de moins
de 20 ans à charge. En 2009, pour deux enfants, elles s’élèvent à 123,92 € par
mois, et augmentent de 158,78 € par mois pour chaque enfant supplémentaire.
Il existe des majorations pour l’âge des enfants entre 11 et 20 ans sauf pour
l’aîné des familles des deux enfants, ainsi qu’un forfait pour l’aîné des familles
de plus de trois enfants entre 20 et 21 ans.
o
L’allocation de soutien familial (ASF)
est également versée sans conditions
de ressources aux parents isolés et au titre des enfants pour lesquels ils ne
perçoivent pas de pension alimentaire. Elle peut être obtenue si la pension n’est
pas perçue intégralement, et que le montant versé est inférieur au montant de
l’ASF. Elle s’établit à 87,14 € par mois en 2009
26
.
o
Le Complément de Libre Choix d’Activité (CLCA)
, qui est une composante
de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), constitue un complément de
revenu pour un parent cessant ou diminuant son activité pour élever son enfant
de moins de 3 ans
27
. Cette composante de la PAJE est soumise à des conditions
d’activité antérieure variant suivant le rang de l’enfant, mais à aucune
26
L’allocation aux orphelins de père et mère, dont le montant est supérieur (116,18 € par mois), n’est pas prise
en compte.
27
Le CLCA et le Complément Optionnel de Libre Choix d’Activité (COLCA) sont assimilés. Le COLCA
représente une alternative au CLCA à partir du troisième enfant. Les montants du COLCA sont supérieurs à ceux
du CLCA, mais la durée est réduite. En pratique, le recours au COLCA est marginal : en 2009, la CNAF a
recensé 2 234 bénéficiaires du COLCA contre 553 248 bénéficiaires du CLCA.
38
condition de ressources. La PAJE inclut également le Complément Libre
Choix du Mode de Garde (CMG), dont le montant varie selon les ressources,
mais il ne peut être pris en compte dans le cadre de ce travail en l’absence
d’informations sur le mode de garde choisi par les familles.
Les allocations sous conditions de ressources :
o
L’allocation de rentrée scolaire (ARS)
est accordée sous conditions de
ressources
28
au titre des enfants scolarisés. Elle est versée une fois par an et par
enfant. Elle s’élève à 280,76 € pour les enfants de 6 à 10 ans, 296,22 € pour les
enfants de 11 à 14 ans et 306,51 € pour les enfants de 15 à 18 ans. Si les
revenus
dépassent
légèrement
les
plafonds,
une
allocation
purement
différentielle est versée : chaque euro de revenu supérieur au plafond se traduit
par un euro de moins d’ARS jusqu’à extinction de la prestation.
o
Le complément familial (CF)
est versé sous conditions de ressources aux
familles ayant au moins trois enfants de plus de 3 ans. Son montant forfaitaire
s’élève à161,29 € par mois. Si les revenus dépassent légèrement les plafonds,
une allocation purement différentielle est versée.
o
Deux volets de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)
sont versés
sous condition de ressources. Il s’agit de la
prime de naissance
, de 889,72 €,
versée au septième mois de grossesse
29
et de l’
allocation de base
de 172,95 €
par mois versée de la naissance jusqu’aux 3 ans de l’enfant
30
.
o
Il existe d’autres prestations familiales, moins importantes en termes de
montants, qui ne sont pas prises en compte par le champ du système socio-
fiscal retenu : l’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé, l’Allocation
Journalière de Présence Parentale et la Prime de Déménagement
31
.
•
L
es allocations logement
(AL) constituent une aide pour les familles modestes
locataires ou accédant à la propriété. Le montant dépend des ressources de la famille
(au sens des prestations familiales), de sa structure, de la zone d’habitation et de la
valeur locative du logement. Par exemple, pour une personne seule locataire en zone 2
(villes de plus de 100 000 habitants, hors Paris et petite couronne), le montant
maximum est de 259,92 euros par mois en 2009.
28
Pour les prestations familiales sous conditions de ressources et les allocations logement versées en 2009, les
ressources sont évaluées à partir des revenus nets catégoriels de l’année 2007 (déclarés en 2008). Suivant les
changements de situation intervenus entre temps, une réévaluation ou des abattements peuvent intervenir.
29
Il existe aussi une prime d’adoption qui ne peut être prise en compte. Seulement 113 primes d’adoptions ont
été versées en 2008 selon les données de la CNAF.
30
Les allocations de base ne peuvent se cumuler lorsque plusieurs enfants de moins de 3 ans sont présents dans
le ménage, sauf pour des naissances multiples.
31
Ces allocations ne sont pas retenues dans le champ car les données utilisées (
cf.
Encadré 3) ne permettent pas
d’en identifier les bénéficiaires. Par exemple, il est impossible de déterminer les familles ayant déménagé dans
l’année et donc potentiellement éligibles à la prime de déménagement. Ces trois allocations cumulées
représentent moins de 800 millions d’euros (
cf. infra
).
39
•
Le Revenu de Solidarité Active (RSA)
est constitué de deux composantes : un
revenu minimum garanti, le RSA « socle », et un complément de ressources pour les
foyers ayant une activité professionnelle leur apportant des revenus limités, le RSA
« activité ». Depuis le 1
er
juin 2009, le RSA a remplacé le Revenu Minimum
d’Insertion (RMI) et l’Allocation Parent Isolé (API). Les personnes non étudiantes,
âgées de plus de 25 ans et ayant fait valoir leur droits aux autres prestations sont
éligibles au RSA. Le RSA est versé au titre du « foyer RSA », c’est-à-dire le
bénéficiaire, son conjoint éventuel et les enfants à charge de moins de 25 ans.
Le montant de RSA dépend de la composition familiale. En 2009, le RSA « socle »
était par exemple de 454,63 € pour une personne seule et de 681,95 € pour un couple.
Le niveau du RSA « socle » est majoré pour les parents isolés assumant seuls la
charge d’enfants, soit l’année suivant la séparation, soit jusqu’aux trois ans du plus
jeune enfant. Chaque euro de revenu primaire supplémentaire se traduit par une baisse
d’un euro du RSA « socle ». Mais, si l’euro de revenu primaire supplémentaire vient
d’une activité professionnelle, cette baisse d’un euro de RSA « socle » est compensée
par 62 centimes d’euros de RSA « activité ». Finalement, chaque euro supplémentaire
de revenu d’activité se traduit par une baisse de 38 centimes d’euros du RSA
(« socle » + « activité »).
Les montants de RSA « activité » perçus au cours d’une année sont retranchés de la
PPE perçue l’année suivante
32
.
•
L’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA)
est un minimum social qui
bénéficie aux personnes âgées de plus de 65 ans (ou de plus de 60 ans et invalides).
Cette allocation remplace depuis 2007 le minimum vieillesse. Elle s’élevait au 1
er
avril
2009 à 677,13 € par mois pour une personne seule et 1 147,14 € pour un couple. Cette
allocation est purement différentielle et tient compte des ressources du conjoint.
•
L’Allocation Adulte Handicapé (AAH)
est un minimum social qui bénéficie aux
personnes handicapées. Comme l’ASPA, elle est purement différentielle et tient
compte des ressources du conjoint. Au 1
er
avril 2009, elle s’élevait à 666,96 € par
mois.
Du revenu disponible au revenu final :
•
La Taxe sur la Valeur Ajoutée
est un impôt indirect sur la consommation.
Les
différents taux sont décrits dans le
Tableau 4.
32
Le RSA est calculé trimestriellement sur la base des ressources perçues le trimestre précédent. Au final, le
RSA perçu l’année
n
vient se déduire de la PPE versée l’année
n+1
puisque cette dernière porte sur les revenus
de l’année
n
.
40
Tableau 4 : Taux de TVA en 2009 et produits auxquels ils s’appliquent (à titre indicatif)
Taux normal
19,6 %
Taux réduit
5,5 %
- eaux et boissons non alcooliques
- alimentation, sauf exception (confiserie, chocolats, margarines,
caviar, ...)
- produits agricoles, fleurs, intrants agricoles (engrais, aliments pour
animaux, ...)
- bois de chauffage, abonnements pour le gaz naturel et l'électricité
- livres, spectacles et parcs récréatifs (sauf exception), télévision
payante
- médicaments non pris en charge par la sécurité sociale
- appareillages pour handicapés
- oeuvres d’art, objets de collection ou d’antiquité
- transport intérieur (+routier et fluvial vers l'étranger)
- hôtellerie et restauration (sauf boissons alcoolisées)
- rénovation de logements anciens, construction et rénovation de
logements sociaux
- nettoyage de logements privés, soins à domicile
- tri et recyclage des déchets, distribution d'eau, nettoyage des voies
publiques
- or
- aide juridictionnelle
Taux super-réduit
2,1 %
- médicaments pris en charge par la sécurité sociale
- presse
- redevance télévisuelle
Exonération
0,0 %
- soins médicaux et dentaires
- transport international (sauf routier et fluvial)
•
Les droits d’accise sur l’alcool et le tabac, et la taxe intérieure de consommation
sur les produits pétroliers (TIPP)
sont des impôts portant sur la quantité
consommée. Par exemple, pour un litre d’essence sans plomb, la TIPP est de 0,6 € en
2010.
iv.
Le niveau de vie du ménage, l’indicateur le plus pertinent
Le ménage est supposé être une unité économique au sein de laquelle il y a mise en
commun des ressources
. Sous réserve que cette hypothèse est vérifiée
33
, l’échelle du ménage
est la plus appropriée pour évaluer le niveau de vie. La définition du ménage retenue est celle
formulée par l’Insee : il s’agit de « l’ensemble des occupants d'un même logement sans que
ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté (en cas de cohabitation, par
exemple) ».
D’un point de vue pratique, le ménage présente également l’avantage d’englober
presque toutes les unités économiques retenues pour le calcul de chaque impôt et de
chaque prestation
. Au vu de la complexité des unités pertinentes pour chaque type de
prestation et d’impôt, il apparaît impossible d’effectuer l’analyse conjointe de l’ensemble du
système socio-fiscal à un autre niveau que le ménage tel que défini par l’Insee. Toutefois,
33
Elle peut ne pas être vérifiée pour certains colocataires, par exemple.
41
même des individus n’appartenant pas au ménage peuvent intervenir dans le calcul des
prestations et des impôts, comme par exemple un étudiant ayant son propre logement mais
faisant partie du foyer fiscal de ses parents.
Une fois le champ du système socio-fiscal délimité et l’unité économique pertinente choisie, il
reste à déterminer la mesure du niveau de vie du ménage.
À revenu donné, plus le nombre de personnes au sein d’un ménage est élevé, plus le
niveau de vie est faible.
Il convient par conséquent de tenir compte de la taille et de la
structure du ménage pour s’approcher de la notion heuristique de niveau de vie.
Le regroupement d’individus au sein du ménage amène certaines économies d’échelle
(sur le logement, ou la consommation de biens durables par exemple). Il ne suffit donc pas de
diviser le revenu par le nombre de membres du ménage : ceci tendrait à sous-estimer le niveau
de vie des ménages constitués d’au moins deux personnes.
Pour pouvoir à la fois tenir compte du nombre de personnes dans le ménage et des économies
d’échelle en son sein, l’échelle d’équivalence Insee/OCDE est utilisée (Encadré 2). Cette
échelle permet de calculer le nombre d’unités de consommation au sein d’un ménage en
retenant :
•
1 unité pour le premier membre du ménage,
•
0,5 unité pour les autres membres de plus de 14 ans,
•
0,3 unité pour les membres du ménage de moins de 14 ans.
Le niveau de vie est défini par la suite comme le revenu de l’ensemble des membres du
ménage divisé par le nombre d’unités de consommation au sein du ménage.
Pour étudier
l’effet du système socio-fiscal, il sera utile de comparer ce niveau de vie à différents stades de
la redistribution, c’est-à-dire en utilisant les différents concepts de revenu (Graphique 6).
Encadré 2 : Les échelles d’équivalence
L’objectif d’une échelle d’équivalence est de permettre la comparaison des niveaux de
vie de ménages de composition différente.
Une échelle d’équivalence associe à un ménage
un
coefficient
, fonction des caractéristiques sociodémographiques de ses membres (âge,
situation matrimoniale, position dans le cycle de vie, lieu de résidence…). Les échelles
d’équivalence visent notamment à tenir compte des économies d’échelle résultant de la vie en
commun. Le niveau de vie du ménage est alors obtenu en divisant ses revenus par ce
coefficient.
Le choix d’une échelle d’équivalence n’est pas anodin : il détermine l’importance
relative de certaines caractéristiques du ménage dans la détermination de son niveau de
vie
. La comparaison entre trois échelles communément utilisées est éclairante :
1) L’échelle d’Oxford (dite aussi de l’OCDE)
a été créée en 1982. Elle attribue un coefficient
de 1 au premier adulte du ménage, de 0,7 à tous les autres adultes (membre de plus de 14 ans)
du ménage et de 0,5 aux enfants du ménage (membre de moins de 14 ans).
42
2) L’échelle de l’OCDE modifiée
a été créée en 1994. Elle attribue un coefficient de 1 au
premier adulte du ménage, de 0,5 à tous les autres adultes du ménage (membre de plus de 14
ans) et de 0,3 aux enfants du ménage (membre de moins de 14 ans).
Cette échelle est utilisée
pour le calcul des « unités de consommation » Insee
.
3) La racine carrée de la taille de la famille (dite aussi échelle du Luxembourg)
fait partie
d’une classe plus large d’échelles dites paramétriques qui attribuent à un ménage de taille
le coefficient d’équivalence
. L’âge des membres du ménage n’intervient donc pas dans
l’échelle du Luxembourg.
Chacune de ces échelles d’équivalence repose sur des hypothèses liées aux possibles
économies d’échelle réalisées au sein d’un ménage. Ces hypothèses peuvent être testées
empiriquement. À cet égard, sur les données de l’enquête Budget des Familles de l’Insee,
Hourriez et Olier (1997)
34
n’ont pas rejeté l’échelle de l’OCDE modifiée (et ont invalidé
l’échelle d’Oxford). Cette étude est toutefois isolée et porte sur des données un peu anciennes,
qui ne tiennent pas compte des évolutions de prix et de structure des dépenses intervenues
depuis, par exemple en matière de coût du logement.
Le choix dans ce rapport d’utiliser l’échelle d’équivalence de l’OCDE modifiée
(également appelée échelle Insee) consiste à suivre l’usage le plus courant dans les
travaux français
.
v.
Les outils de modélisation mobilisés
La notion de niveau de vie retenue étant fixée, il faut, pour obtenir des éléments sur la
progressivité et la redistributivité du système socio-fiscal, comparer le niveau de vie après
transferts entre ménages différant soit par leur niveau de vie avant transferts, soit par d’autres
caractéristiques, comme leur composition.
Il est donc nécessaire de
simuler l’ensemble des impôts et prestations
auxquels un ménage
de revenu initial donné pourra prétendre pour calculer ses revenus net, disponible et final, puis
les niveaux de vie correspondants. À cette fin, la maquette de cas-types Paris de la DG-Trésor
est utilisée pour calculer les impôts et prestations d’un ménage à partir de sa structure
familiale et de la composition de ses revenus primaires.
Cette maquette permet d’établir des éléments de progressivité de chaque prestation et
du système socio-fiscal dans son ensemble.
Mais elle ne permet en aucune façon de tirer
des conclusions en termes de redistributivité car elle ne contient aucune information sur
la fréquence des différentes situations étudiées dans la population française.
Pour prendre en compte la pertinence des cas illustratifs sélectionnés et
pour obtenir des
éléments de dispersion, le modèle de micro-simulation Saphir de la DG-Trésor (
cf.
Encadré 3) est utilisé.
Un modèle de micro-simulation permet de calculer sur barème
34
J.-M. Hourriez et L. Olier (1997) : « Revenus par UC et taille du ménage : estimation d’une échelle d’équivalence »,
Économie et Statistique
, n°308-309-310, pp. 65-94.
43
l’ensemble des impôts et prestations pour un échantillon représentatif de la population, en
supposant que tous les ménages bénéficient des prestations auxquelles ils ont droit.
La maquette et le modèle de micro-simulation supposent l’absence de non recours
: dès
lors que les ménages sont éligibles à une prestation, elle leur est attribuée. Dans les faits, des
comportements différents peuvent être observés, certains ménages ne bénéficient pas de
certaines prestations, faute d’en faire la demande par exemple. Les revenus disponibles
obtenus ne correspondent donc pas exactement aux revenus disponibles observés.
Les résultats de ce rapport portent sur la législation en vigueur en 2009 (et 2010 lorsque
cela est possible), et uniquement sur la partie pérenne de cette législation
: c’est-à-dire
que les mesures temporaires, comme la prime de Noël et les mesures « anticrise » ne sont pas
prises en compte. De plus, la généralisation du RSA a eu lieu le 1
er
juin 2009, mais son impact
redistributif est évalué comme s’il avait toujours été en place (c’est-à-dire non seulement sur
l’ensemble de l’année 2009, mais également sur l’année précédente, afin de prendre en
compte son articulation avec la PPE). Il en est de même avec la mise en place à partir du 1
er
juillet 2009 du taux réduit de TVA sur la restauration.
Encadré 3 : Le modèle de micro-simulation Saphir et la maquette de cas-types PARIS
Le modèle de micro-simulation Saphir permet d’obtenir des résultats représentatifs de
la population
Saphir est un modèle de micro-simulation qui s’appuie sur l’enquête Revenus Fiscaux et
Sociaux (ERFS) de l’Insee.
L’ERFS rassemble pour un même ménage les données de l’enquête Emploi en continu, des
données fiscales (impôt sur le revenu 2007, taxe d’habitation) et des données sur les
prestations sociales issues des fichiers de la Caisse Nationale des Allocations Familiales
(CNAF) et de la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole (CCMSA). L’enquête
Emploi fournit un certain nombre d’informations sur la composition du ménage et la situation
d’activité de ses membres. Les données fiscales décrivent de façon précise et presque
exhaustive les ressources du ménage. Sur la base de ces informations, le modèle Saphir
simule sur barème les principaux éléments du système de transferts.
L’ERFS porte sur
les ménages ordinaires de France métropolitaine
, tels que définis par
l’Insee. Le champ considéré exclut donc les personnes vivant dans des habitations mobiles ou
en collectivité et les ultra-marins. L’ERFS est donc représentative d’environ 95% de
l’ensemble de la population française
35
.
La version de Saphir utilisée dans ce rapport est celle basée sur l’ERFS 2007 et portant sur la
législation 2009. L’enquête ERFS 2007 porte sur les revenus de l’année 2007 et les
informations recueillies par l’Enquête Emploi au quatrième trimestre 2007. Dans Saphir, la
structure sociodémographique est ensuite calée sur celle de l’année 2009 afin d’être
35
Au 1er janvier 2008, d’après les estimations de population de l’Insee, 2,9% de la population française réside
dans les DOM. En 2006, 2,4% de la population de métropole vit dans une communauté.
44
représentative de la population en 2009. De plus, des taux d’évolution des revenus sont
appliqués pour chaque type de revenu afin de prendre en compte les évolutions économiques
intervenues entre 2007 et 2009. Au final, les données de Saphir, tant sur la population que sur
les revenus, sont supposées être représentatives de l’année 2009. Les transferts fiscaux et
sociaux sont ensuite imputés sur barème selon la législation en vigueur fin 2009.
Le modèle prend également en compte la TVA et l’ISF qui ne sont pas recalculés sur barème,
ni observés, mais imputés en fonction des caractéristiques des ménages ou des foyers fiscaux
(
cf.
Annexe 3 et 4).
Les données de l’ERFS comptabilisent un peu plus de 35 000 ménages. Étant données la taille
de l’échantillon et la difficulté de mesurer avec précision les très hauts revenus dans des
enquêtes auprès des ménages, il n’est pas possible de déterminer avec précision comment le
système socio-fiscal affecte les ménages très aisés. L’analyse utilisant le modèle Saphir
s’arrêtera le plus souvent à un niveau de vie de 50 000 euros par an.
La maquette de cas-types PARIS permet d’étudier des situations particulières
PARIS recalcule, pour des configurations familiales et de ressources données, les transferts
fiscaux et sociaux afin d’offrir une représentation du revenu des ménages. Elle permet
notamment d’analyser l’évolution du revenu selon le type de ménage. Dans un souci de
simplification, la maquette repose sur les hypothèses suivantes :
•
les personnes dont les salaires sont inférieurs au Smic occupent un emploi à temps partiel
rémunéré au Smic horaire ; celles dont le revenu d’activité est supérieur au Smic
travaillent à temps plein ;
•
les revenus d’activité du ménage sont stables dans le temps en parts de Smic ;
•
le ménage est supposé locataire en zone 2 (villes de plus de 100 000 habitants, hors Paris
et petite couronne) ;
•
le ménage n’est pas soumis à l’ISF ;
•
les couples sont supposés mariés ou pacsés (sauf mention contraire) et les enfants ont
entre 6 et 10 ans.
*
*
*
L’étude de la redistribution effectuée par le système socio-fiscal est maintenant possible : le
champ des prélèvements obligatoires et prestations retenus a été précisé et, les notions de
niveau de vie qui serviront de base à la mesure des inégalités ont été définies.
45
Partie 2 : La redistributivité globale du système socio-fiscal
Dans un premier temps, les différentes étapes de la redistribution (Graphique 6) sont étudiées
globalement et comparées entre elles. Dans un deuxième temps, la redistribution effectuée
entre le revenu net et le revenu disponible, qui correspond à la partie la plus importante de la
redistribution verticale, est examinée en détail.
2.1. Appréciation d’ensemble du système socio-fiscal
i.
Les masses de prélèvements et de prestations
Le passage du niveau de vie initial au niveau de vie net s’effectue uniquement au travers
de prélèvements.
À cette étape, plus de 200 Mds€ sont prélevés : 120 Mds€ de cotisations
sociales non contributives, 80 Mds€ de CSG et 5 Mds€ de CRDS (Graphique 7). D’après le
modèle de micro-simulation Saphir, le niveau de vie initial moyen d’un ménage est de 27 000
euros par an. Une fois la CSG, la CRDS et les cotisations sociales non-contributives
acquittées, le niveau de vie net des ménages est de 22 000 euros par an en moyenne.
Entre le revenu net et le revenu disponible,
des transferts ont lieu via le système socio-
fiscal. Cependant,
les masses totales de revenu restent inchangées
: un peu plus de 60 Mds€
d’euros sont prélevés (principalement via l’impôt sur le revenu) et un peu plus de 50 Mds€
sont redistribués sous forme de prestations. Plus de 5 % de la masse des revenus est
redistribuée entre les ménages lors de cette étape.
Les prestations familiales représentent près de 45 % des transferts effectués vers les
ménages, les allocations logement près de 25 %. Le RSA « socle » et « activité » d’une
part, l’AAH et l’ASPA d’autre part, représentent chacun près de 15 % des transferts.
Enfin, entre le revenu disponible et le revenu final, 110 Mds€
sont prélevés par les
impôts indirects, dont 90
Mds€ par la TVA.
Après acquittement des impôts indirects, le
niveau de vie final annuel s’élève à 19 000 euros par ménage.
46
Graphique 7 : Montant global des prélèvements et des transferts
Montant des prélèvements en 2009
Montant des transferts en 2009
Lecture : En 2009, le montant prélevé par l’impôt sur le revenu hors PPE est de 47 Mds€, celui redistribué par les
allocations logement est de 14 Mds€.
Note : Les cotisations chômage sont versées à l’Unedic et non à la Sécurité Sociale. Elles sont donc par construction exclues
des cotisations de sécurité sociale, qui ne regroupent que les cotisations famille et maladie.
Source : RPO, CNAF, CNAV, Sécurité Sociale, CADES, Budget des familles et Calculs des auteurs.
47
ii.
Une réduction des inégalités entre niveau de vie initial et final évaluée à
14 % selon l’indice de Gini
Les montants globaux de chacun des prélèvements et transferts permettent de resituer leur
importance, mais ne donnent aucun élément sur leur caractère redistributif. Pour bien saisir
leur rôle, des éléments sur leur impact sur la distribution des niveaux de vie sont présentés
dans la suite.
Le système de transferts permet de diminuer le nombre de ménages disposant de
ressources soit très faibles, soit très élevées.
Ainsi, avant transferts, plus de 1,8 millions de
ménages disposent d’un niveau de vie annuel inférieur à 6 000 €, soit 500 € par mois, ils sont
environ 1 million après (Graphique 8 à Graphique 11). De même, 350 000 de ménages ont un
niveau de vie initial annuel supérieur à 100 000 € ; ils sont 150 000 après redistribution. En
effet, le niveau de vie des ménages les plus pauvres augmente grâce aux prestations, tandis
que celui des ménages les plus aisés diminue du fait des impôts acquittés.
La dispersion des niveaux de vie se réduit donc au cours de la redistribution.
Le nombre
de ménages ayant un niveau de vie entre 4 000 et 22 000 € augmente de 65% après la
redistribution effectuée par l’ensemble du système socio-fiscal.
Le système socio-fiscal semble avoir des effets importants sur les inégalités
: le premier
décile, soit le niveau de vie en-deçà duquel se situent les 10 % de ménages les plus pauvres,
diminue de 3 %, tandis que le neuvième décile, soit le niveau de vie au-delà duquel se situent
les 10 % de ménages les plus aisés diminue de 32 % (Tableau 5).
Ce constat est confirmé par d’autres mesures d’inégalités.
Ainsi,
le rapport inter-décile,
qui rapporte le seuil de niveau de vie délimitant les 10 % de ménages les plus aisés au seuil
délimitant les 10 % de ménages les plus modestes, et qui illustre donc la distance entre les
revenus extrêmes,
diminue
. Ce rapport passe de 5,6 en termes de niveau de vie initial à 3,8 en
termes de niveau de vie final (Tableau 5).
De même,
les courbes de Lorenz
(
cf.
Encadré 4)
permettent d’illustrer
la concentration des
niveaux de vie dans la population, en représentant le pourcentage de niveau de vie possédé
par les ménages les plus pauvres. Elles
se rapprochent après redistribution de la
bissectrice, c’est-à-dire de la situation où tous les ménages auraient le même niveau de
vie.
Ainsi, les 20 % de ménages ayant le niveau de vie net le plus faible, représentent 6 % du
niveau de vie initial, mais 8 % du niveau de vie final (Graphique 12). A l’inverse, les 20 % de
ménages ayant le niveau de vie net le plus élevé, représentent 45 % du niveau de vie initial,
mais 40 % du niveau de vie final.
48
Graphique 8 : Distribution des niveaux de vie initiaux
Lecture : 183 000 ménages ont un niveau de vie initial compris entre 1 000 € et 2 000 €.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Graphique 9 : Distribution des niveaux de vie nets
Lecture : 190 000 ménages ont un niveau de vie net compris entre 1 000 € et 2 000 €.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Graphique 10 : Distribution des niveaux de vie disponibles
Lecture : Moins de 7 000 ménages ont un niveau de vie disponible compris entre 1 000 et 2 000 €.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Graphique 11 : Distribution des niveaux de vie finaux
Lecture : 78 000 ménages ont un niveau de vie net compris entre 1 000 € et 2 000 €.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
49
Tableau 5 : Niveaux de vie et indicateurs d’inégalités aux différentes étapes de la
redistribution (en euros par an)
Niveau
de vie
initial
(1)
Niveau
de vie
net
(2)
Évolution
(1) =>(2)
en %
Niveau de
vie
disponible
(3)
Évolution
(2) =>(3)
en %
Niveau
de vie
final
(4)
Évolution
(3) =>(4)
en %
Évolution
(1) =>(4)
en %
Moyenne
27 160
22 260
-18%
21 760
-2%
19 480
-10%
-28%
D1
8 480
7 320
-14%
10 500
43%
8 230
-22%
-3%
D2
12 930
11 220
-13%
12 780
14%
10 620
-17%
-18%
D3
16 320
13 930
-15%
14 750
6%
12 560
-15%
-23%
D4
19 580
16 350
-16%
16 530
1%
14 380
-13%
-27%
D5
22 860
18 730
-18%
18 530
-1%
16 320
-12%
-29%
D6
26 420
21 380
-19%
20 820
-3%
18 610
-11%
-30%
D7
30 800
24 770
-20%
23 690
-4%
21 410
-10%
-30%
D8
36 670
29 400
-20%
27 580
-6%
25 210
-9%
-31%
D9
47 670
38 390
-19%
35 090
-9%
32 570
-7%
-32%
D9/D1
5,6
5,2
-7%
3,3
-36%
4,0
18%
-30%
Indice de
Gini
0,36
0,36
1 %
0,29
- 22 %
0,31
9 %
- 14 %
Lecture : Un ménage fait partie des 10 % de ménages les plus pauvres en termes de niveau de vie initial si celui-ci est
inférieur à 8 480 euros par an.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
L’information donnée par les courbes de Lorenz peut être synthétisée par des indicateurs
d’inégalité, par exemple,
le coefficient de Gini
(
cf.
Encadré 4). Ce coefficient
diminue lui
aussi nettement grâce à la redistribution effectuée par l’ensemble du système socio-
fiscal
, traduisant une réduction des inégalités : le coefficient de Gini associé à la répartition
des niveaux de vie initiaux vaut 0,36 ; il n’est plus que de 0,31 pour le niveau de vie final, soit
une réduction de près de 14 % des inégalités par rapport à la situation d’égalité complète des
niveaux de vie entre tous les ménages (Tableau 5).
Les différentes étapes de la redistribution contribuent inégalement à la réduction des
inégalités.
Le passage du niveau de vie initial au niveau de vie net
, c’est-à-dire la prise en compte des
cotisations non contributives, de la CSG et de la CRDS,
a peu d’effet sur les inégalités.
Il se
traduit en effet par une baisse de l’ensemble des niveaux de vie, légèrement plus prononcée en
haut de la distribution (Tableau 5). Certes le rapport inter-décile, mesurant la distance entre le
niveau de vie des 10% les plus aisés et celui des 10% les plus modestes tend à reculer, mais
les courbes de Lorenz restent très proches (Graphique 12), ce qui se traduit par la stabilité de
l’indice de Gini.
Le passage du niveau de vie net au niveau de vie disponible
, c’est-à-dire l’effet des impôts
directs et prestations,
a en revanche des effets nettement plus prononcés sur les inégalités.
Cette étape de la redistribution a un effet très marqué sur le niveau de vie des plus modestes.
Ainsi, le premier décile, soit le niveau de vie en-deçà duquel se situent les 10 % de ménages
50
les plus modestes, augmente de 44 %, tandis que le neuvième décile, soit le niveau de vie au-
delà duquel se situent les 10 % de ménages les plus aisés diminue de 8 % (Tableau 5). La
distance entre ces deux extrêmes diminue fortement : le rapport inter-décile passe de 5,2 à 3,3,
soit une baisse de 37% (Tableau 5). L’évolution du coefficient de Gini associé à la répartition
des niveaux de vie nets et disponibles illustre bien cette réduction des inégalités : il passe de
0,3 à 0,29, soit une réduction de 22 % des inégalités par rapport à la situation d’égalité
complète des niveaux de vie entre tous les ménages.
La prise en compte des impôts indirects, et donc le passage du niveau de vie disponible
au niveau de vie final a un effet inverse sur les inégalités : il tend à les accentuer.
En
effet, cette étape de la redistribution se traduit par une baisse des niveaux de vie de l’ensemble
des ménages, plus marquée pour les ménages les plus modestes : le niveau de vie des 10% les
plus modestes recule de 17% lorsque celui des 10% les plus aisés ne recule que de 6%. Le
coefficient de Gini augmente légèrement, passant de 0,29 à 0,31.
Graphique 12 : Concentration des niveaux de vie aux différentes étapes de la redistribution
(pseudo-courbes de Lorenz)
Note : Quel que soit le niveau de vie considéré, les ménages sont classés selon le même critère, le niveau de vie net.
Lecture : Les 20 % de ménages les plus pauvres représentent 5,7 % du niveau de vie net et 9,4 % du niveau de vie disponible.
La diagonale correspond au cas d’une répartition égale des niveaux de vie entre les ménages.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
L’effet anti-redistributif des impôts indirects s’explique par deux raisons principales. D’une
part, la consommation représente une plus grande part du revenu des ménages les plus
pauvres car le taux d’épargne augmente avec le niveau de vie. Dès lors, les impôts indirects
ont tendance à représenter une plus grande part du revenu des ménages modestes. D’autre
part, ces ménages consomment relativement plus de produits soumis à des droits d’accise. Les
51
taux réduits de TVA sur les produits de première nécessité ne suffisent pas à contrebalancer
ces deux effets anti-redistributifs.
*
*
*
La suite de cette partie analyse plus particulièrement le passage du niveau de vie net au
niveau de vie disponible, coeur du système redistributif
(champ restreint du Graphique 6),
et laisse de côté les impôts indirects et les charges sociales. En effet, l’objectif principal des
premiers n’est pas la redistribution (
cf.
partie 1) et les secondes n’ont qu’un rôle mineur dans
la réduction des inégalités.
Encadré 4 : Mesure de la progressivité et de la redistribution
Mesurer les inégalités de niveau de vie
Les inégalités peuvent être appréhendées en jalonnant la distribution des niveaux de vie de
repères qui la partitionnent en morceaux de taille identique.
Les déciles sont
définis de cette
façon : il s’agit des
9 bornes de niveaux de vie qui séparent la distribution des niveaux en
10 tranches de taille identique
. Ainsi, le premier décile est le niveau de vie tel que 10 % des
ménages aient un niveau de vie inférieur ; le neuvième décile est le niveau de vie tel que 90 %
des ménages aient un niveau de vie inférieur. On dit alors qu’un ménage appartient au premier
décile s’il fait partie des 10 % de ménages les plus pauvres, au deuxième décile s’il est entre
les 10 % de ménages les plus pauvres et les 20 % de ménages les plus pauvres, etc. De la
même façon, on peut définir les quintiles qui séparent la distribution des niveaux de vie en 5
tranches de taille identique.
Le rapport inter-décile, obtenu comme le rapport entre le neuvième décile et le premier
décile d’une distribution, donne une mesure des inégalités.
Il représente en effet l’écart de
niveau de vie entre celui au-delà duquel se situent les 10 % de ménages les plus riches et celui
en-deçà duquel se situent les 10 % de ménages les plus pauvres. Cette mesure ne prend
cependant pas en compte l’ensemble de la distribution des niveaux de vie ; par exemple elle
ne varie pas suite à une modification du niveau de vie des ménages situés au-dessus du
neuvième décile ou en-dessous du premier décile.
La
courbe de Lorenz
permet de représenter graphiquement les inégalités, par exemple de
niveau de vie. Dans ce cas, les ménages sont classés par niveau de vie croissant et on leur
associe la part de niveau de vie total qu’ils possèdent. La diagonale correspond à une situation
où tous les ménages ont le même niveau de vie. Lorsque ce n’est pas le cas, la courbe de
Lorenz se situe en dessous de la diagonale ; plus la courbe est éloignée de la diagonale, plus
les inégalités de niveau de vie sont fortes (Graphique 13).
La
pseudo-courbe de Lorenz
de la charge fiscale par exemple représente la part de l’impôt
acquittée par la part cumulée des ménages classés par ordre croissant de niveau de vie avant
impôt. Cette courbe n’est pas à proprement parler une courbe de Lorenz car les ménages ne
sont pas classés par charge fiscale croissante, mais toujours par niveau de vie net croissant.
52
L’
indice de Gini
offre une mesure des inégalités. Il correspond au double de l’aire entre la
diagonale et la courbe de Lorenz (2A). Il est compris entre 0 (parfaite égalité) et 1
(concentration des revenus chez un seul ménage). Pour comparer la concentration de
différents impôts ou prestations, les ménages doivent être classés selon le même critère, en
général le niveau de vie. L’indice de « pseudo-Gini » est alors calculé à partir des pseudo-
courbes de Lorenz. Il est construit comme l’indice de Gini, sauf que la variable qui sert à
classer les ménages n’est pas la variable dont on regarde la répartition.
Mesurer la progressivité
L’
indice de Kakwani
d’un impôt ou d’une prestation correspond au double de l’aire
comprise entre sa pseudo-courbe de Lorenz et la courbe de Lorenz de concentration des
niveaux de vie (soit le double de l’aire B). Lorsque l’impôt est proportionnel, les deux courbes
sont confondues. Dans le cas d’un impôt progressif, la part payée par les plus pauvres est
inférieure à leur part dans le revenu et l’indice de Kakwani est positif. À l’inverse, pour un
impôt dégressif, la pseudo-courbe de charge fiscale se situe au-dessus de la courbe de Lorenz
des niveaux de vie, l’indice de Kakwani est négatif.
Pour ces raisons, l’indice de Kakwani est un indicateur global de progressivité d’un
impôt.
La valeur de l’indice de Kakwani dépend aussi de la distribution initiale des niveaux
de vie (dans le cas extrême où tous les ménages ont le même niveau de vie, un impôt
progressif n’a aucun effet et l’indice de Kakwani est nul,
cf.
la partie 2.2 pour une
application).
Graphique 13 : Courbe de Lorenz, Gini et indice de Kakwani
Pour une prestation
concentrée sur les faibles niveaux de vie, les montants de prestation
versés sont concentrés dans le bas de la distribution et la pseudo-courbe de Lorenz de la
prestation se situe
a priori
au-dessus de la courbe de Lorenz de concentration des niveaux de
53
vie, voire au-dessus de la courbe d’équi-répartition.
L’indice de Kakwani est encore calculé
comme le double de l’aire entre la pseudo-courbe de Lorenz de la prestation et la courbe
de Lorenz des niveaux de vie.
Il reste donc positif pour les prestations. Pour la PPE, qui
constitue un versement (ou un crédit d’impôt) aux ménages, l’indice de Kakwani se calcule de
la même façon.
Plus généralement, il est possible que la courbe de Lorenz des niveaux de vie et la pseudo-
courbe de Lorenz d’un impôt ou d’une prestation se croisent. Dans ce cas, pour déterminer
l’indice de Kakwani, une partie de l’aire est comptée positivement et une partie est comptée
négativement. Par exemple, cette situation apparaît concernant la taxe d’habitation
(Graphique 18). Comme il s’agit d’un impôt, elle est progressive lorsqu’elle est moins
concentrée que les niveaux de vie. Ainsi, l’aire comprise entre les deux courbes sera comptée
positivement dans l’indice de progressivitié de Kakwani pour les zones où la courbe de
Lorenz des niveaux de vie est au-dessus de la pseudo-courbe de Lorenz de la taxe d’habitation
(ce qui arrive dans le bas de la distribution des niveaux de vie dans le Graphique 18) et
négativement dans le cas contraire.
Mesurer la redistribution verticale
Pour mesurer la redistribution verticale, il s’agit de comparer des mesures d’inégalités de
niveau de vie avant et après redistribution. Les mesures d’inégalités de niveau de vie peuvent
par exemple être fondées sur les seuils de déciles de niveau de vie ou sur des courbes de
Lorenz. Les indices de Gini peuvent être calculés avant et après redistribution, ce qui permet
de quantifier l’impact du système socio-fiscal sur la répartition globale des niveaux de vie (
cf.
les parties 2 et 3 pour une application).
Mesurer la redistribution horizontale
La mesure des inégalités horizontales est compliquée. Il est en effet difficile de trouver des
individus ayant des niveaux de vie initiaux exactement identiques pour pouvoir étudier leur
différence de niveau de vie final. Même si cela était possible, l’obtention d’une mesure
synthétique d’inégalités horizontales nécessiterait de pondérer les différentes composantes des
inégalités horizontales. Pour étudier la redistribution horizontale, ce rapport se contentera
d’une analyse composante par composante des inégalités (situation vis-à-vis de l’activité, du
handicap, …) et préférera alors comparer des situations individuelles à partir de cas-types et
des situations moyennes à partir du modèle de micro-simulation Saphir (
cf.
la partie 3 pour
une application).
2.2 Zoom sur la redistribution entre le niveau de vie net et le niveau de vie
disponible
i.
Une redistribution concentrée sur les extrêmes de la distribution
Les courbes de distribution et les courbes de Lorenz présentées ci-dessus ne permettent pas
d’observer le lien entre le niveau de vie net et le niveau de vie disponible pour un ménage
donné. Environ 150 000 ménages ont un niveau de vie net entre 40 000 et 41 000 euros par
an ; ils sont également 150 000 à avoir un niveau de vie disponible dans cette fourchette, mais
ce ne sont probablement pas les mêmes ménages.
54
Globalement, pour les ménages les plus modestes, le niveau de vie disponible est supérieur au
niveau de vie net (ils sont situés au-dessus de la diagonale du Graphique 14), c’est le contraire
pour les ménages les plus aisés (ils sont situés au dessous de la diagonale).
La redistribution
s’effectue d’un extrême de la distribution vers l’autre, avec peu d’effets sur le centre de
la distribution
.
Graphique 14 : Niveau de vie disponible en fonction du niveau de vie net
Note : Chaque point correspond à un ménage, le niveau de vie disponible (revenu disponible par unité de consommation) est
représenté en fonction du niveau de vie net (revenu net par unité de consommation). La diagonale correspond aux situations
où le niveau de vie est inchangé.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Cependant,
on observe une forte variabilité à niveau de vie donné.
Ainsi, à titre d’exemple,
pour les ménages gagnant 20 000 € par unité de consommation, le niveau de vie disponible est
compris entre 17 500 et 25 000 €. Le système socio-fiscal ne traite donc pas de façon
exactement équivalente des ménages de même niveau de vie net. Réciproquement, des
ménages ayant un niveau de vie disponible de 20 000 € ont des niveaux de vie nets compris
entre 16 000 et 22 000 €. Cette variabilité du système socio-fiscal tient au fait qu’à niveau de
vie donné, les ménages diffèrent par d’autres caractéristiques (la présence d’enfants, la nature
de leurs revenus…). Cela sera abordé dans la partie 3.
Comme le Graphique 14 le montre, les données à la base de modèle de micro-simulation
Saphir comptent une quantité relativement faible de ménages ayant un niveau de vie net
supérieur à 50 000 euros par an. Dans la suite, afin d’obtenir des résultats robustes, ce rapport
se concentre sur les ménages de niveau de vie inférieur à 50 000 euros par an, pour lesquels la
représentativité de notre échantillon est assurée (
cf.
Encadré 3 pour plus de détails).
55
Graphique 15 : Évolution des déciles de niveau de vie nets et disponibles
Lecture : Les déciles sont les valeurs qui partagent une distribution ordonnée en dix parties égales. Sur ce graphique sont
représentés les déciles de niveau de vie, nets et disponibles. Les déciles 4, 5 et 6 ne sont pas représentés pour préserver la
lisibilité du graphique : ces déciles de niveaux de vie nets et disponibles sont identiques.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La redistribution contracte la distribution des revenus, avec un effet maximal sur les
déciles 1 et 9
(Graphique 15)
:
le niveau de vie des premiers déciles s’élève alors que celui
des derniers déciles diminue après redistribution.
En ce qui concerne les déciles du centre
de la distribution (notamment D4, D5 et D6, qui représentent une partie des « classes
moyennes »), l’effet est très faible
.
ii.
Les prestations contribuent pour deux tiers à la réduction des inégalités, l’impôt
sur le revenu pour un tiers.
Il est important de comprendre les rôles respectifs de chaque prestation ou prélèvement dans
la réduction des inégalités. Pour cela, après avoir examiné la progressivité du système dans
son ensemble, des courbes de pseudo-Lorenz (
cf.
Encadré 4) correspondant à chaque élément
du système socio-fiscal sont tracées. Ensuite, le caractère redistributif de chacun des éléments
du système socio-fiscal sera abordé en confrontant leur progressivité à leur poids financier
dans le système.
Les taux moyens d’imposition sont bien croissants avec le niveau de vie, ce qui illustre la
progressivité du système socio-fiscal
(Graphique 16). Cette progressivité se vérifie à tous les
niveaux de revenus : les taux marginaux sont toujours supérieurs aux taux moyens. En
moyenne, les ménages deviennent contributeurs nets à partir d’un niveau de vie net de
16 000 € par an : leur taux moyen est alors nul. En-deçà de ce niveau de vie, le taux moyen est
56
négatif, ce qui signifie qu’ils bénéficient en moyenne de prestations supérieures à leurs
impôts. Au-delà de ce seuil, les ménages paient en moyenne plus d’impôts qu’ils ne
perçoivent de prestations.
Graphique 16 : Taux moyens et taux marginaux en fonction du niveau de vie net
Note : La moyenne des taux marginaux par tranche de niveau de vie est représentée sur ce graphique. Dans ce graphique, la
médiane et les premier et troisième quartiles du taux moyen par tranche de niveau de vie sont représentés. Voir l’Annexe 1
pour plus de détails. Les fluctuations de taux marginal au-delà de 40 000 euros sont dues au faible nombre de ménages dans
l’échantillon à ce niveau de revenu et ne doivent pas être interprétées.
Lecture : Pour un ménage dont le niveau de vie est de 25 000 € et par an, le taux moyen de taxation est de 5,1 %. Le taux
marginal est quant à lui de 15,9 %.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Une certaine dispersion des taux moyens est néanmoins visible, notamment pour les
ménages modestes.
Cette dispersion tient principalement à l’éligibilité à différentes
prestations qui dépend de caractéristiques du ménage. Par exemple, à niveau de vie identique,
un ménage modeste avec trois enfants bénéficie des allocations familiales et de prestations
familiales sous conditions de ressources (allocation de rentrée scolaire, complément familial)
et éventuellement d’allocations logement et de minima sociaux, tandis qu’un jeune seul de
moins de 25 ans ne peut prétendre qu’aux allocations logement.
Les impôts et les prestations sont tous deux progressifs sur l’ensemble de la distribution
des revenus
(Graphique 17). Les prestations sont néanmoins plus progressives dans le bas de
la distribution.
57
Graphique 17 : Décomposition des taux moyens entre impôts directs et prestations
Lecture : Pour un ménage dont le niveau de vie est de 35 000 € et par an, le taux moyen de taxation est de 7,4 %, composé
d’un taux de taxation dû aux impôts (hors PPE) de 8,2 %, et de -0,8 % dû aux prestations (y compris PPE).
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Tableau 6 : Progressivité et redistributivité des prestations et des impôts
Indice de progressivité
de Kakwani
Masse financière (en
Mds €)
Contribution en % à la
baisse du Gini
Prestations
-
51
67%
Allocations logement
1,13
14,5
21%
PF sans conditions
0,66
14,6
14%
PF sous conditions
0,81
7,4
8%
AAH et ASPA
1,16
7,5
10%
RSA « Socle »
1,15
5,7
10%
RSA « Activité »
1,06
0,8
4%
Instruments fiscaux
-
68,5
32%
IR hors PPE
0,40
46,7
28%
Taxe d'habitation
0,00
14,6
0%
PPE
0,59
3,9
2%
ISF
0,44
3,3
2%
Lecture : Les allocations logement ont un indice de progressivité de Kakwani supérieur à celui des prestations familiales.
Cependant, l’ensemble des prestations familiales contribuent légèrement plus à la redistribution que les allocations
logement.
Note : Ces indices sont calculés en classant les ménages par niveau de vie net croissant.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
58
À part la taxe d’habitation, tous les impôts et prestations sont progressifs (Tableau 6).
Les prestations sont plus progressives que les instruments fiscaux.
De tous les instruments fiscaux, la PPE s’avère la plus progressive (
Graphique 18
et
Tableau 6
).
Elle se concentre sur les ménages avec des revenus d’activité bas et
intermédiaires : les ménages dont le niveau de vie net est compris entre le deuxième et le
septième décile (entre environ 11 000 et 25 000 euros par an), soit 50 % des ménages,
perçoivent 72 % de la PPE. Si les 10 % de ménages les plus pauvres bénéficient de 5 % du
montant de la PPE, bien plus que leurs 1,5 % du niveau de vie net, leur part dans le montant
de la PPE reste néanmoins plus faible que leur poids démographique. Cela s’explique par les
conditions d’activité et les seuils de revenu d’activité qui déterminent le versement de la PPE
et excluent les ménages sans revenu d’activité ou à revenus d’activité trop faibles.
L’impôt sur le revenu (hors PPE) est également très progressif
: les 50 % de ménages les
plus pauvres ne payent que 3 % du montant total de l’impôt sur le revenu. Les 90 % de
ménages les moins aisés ne payent que 39 % de l’impôt sur le revenu. La charge de l’impôt
sur le revenu est donc nettement plus concentrée que les niveaux de vie nets.
Graphique 18 : Concentration des éléments fiscaux du système socio-fiscal (courbes de
pseudo-Lorenz)
Lecture : Les 20 % de ménages les plus pauvres en termes de niveau de vie net représentent 6 % du niveau de vie net,
touchent 20 % de la PPE, payent une part non significative de l’impôt sur le revenu et 4 % de la taxe d’habitation.
Note : Les ménages sont classés par niveau de vie net croissant.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
L’impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) est légèrement plus progressif que l’impôt sur
le revenu
: les 10 % des ménages les plus aisés acquittent 80 % de cet impôt. Une grande
59
partie des contribuables assujettis à l’ISF sont dans le dernier décile, même si l’ISF est basé
sur le patrimoine et non le revenu.
Enfin,
la taxe d’habitation ne semble pas progressive : sa concentration est très proche
de celle des niveaux de vie nets
. La part des ménages les plus pauvres dans le paiement de la
taxe d’habitation est légèrement plus faible que leur part dans les niveaux de vie nets grâce
aux dispositifs d’abattements, de dégrèvements et de plafonnements. Mais, au-delà d’un
certain seuil, cette relation s’inverse : les 80 % des ménages les moins aisés représentent une
plus grande part dans le paiement de la taxe d’habitation que dans les revenus nets. Ceci
traduit probablement, en première approche, le constat que la taille et la qualité de l’habitat
évoluent moins vite que le niveau de vie au-delà d’un certain seuil.
Les prestations sont clairement concentrées sur les ménages aux niveaux de vie initiaux
les plus faibles
(Graphique 19 et Tableau 6). Les 10 % des ménages les plus pauvres
perçoivent :
•
76 % du RSA « socle »,
•
72 % de l’AAH et de l’ASPA,
•
57 % des allocations logement,
•
51 % du RSA « activité »,
•
27 % des prestations familiales sous conditions de ressources,
•
et 24 % des prestations familiales sans conditions de ressources.
Les minima sociaux (AAH, ASPA et RSA « socle ») sont par nature les plus concentrés
car ils visent les ménages ayant pas ou peu de revenus nets. Les allocations logement sont
légèrement moins concentrées car elles décroissent moins vite que les minima sociaux et
concernent des ménages à des niveaux plus élevés de la distribution des revenus. Le RSA
« activité » est aussi par nature moins concentré : puisqu’il est soumis à une condition
d’activité, il concernera des ménages à des niveaux de vie intermédiaires. Enfin,
les
prestations familiales sont beaucoup moins concentrées sur les niveaux de vie faibles
,
même celles soumises à conditions de ressources, du fait de plafond de ressources
relativement élevés.
En combinant l’information sur la progressivité qui vient d’être décrite et l’importance
financière de chaque élément du système socio-fiscal, une mesure de la redistribution
effectuée par l’élément en question est obtenue.
Par exemple, il est possible de calculer la
contribution de chaque prestation et de chaque impôt à la réduction des inégalités de niveau
de vie mesurées par l’indice de Gini (Tableau 6). Il est en effet important d’aller au-delà des
mesures de progressivité car un impôt ou une prestation très progressif qui aurait un poids
financier très faible aurait un rôle secondaire dans la redistribution.
60
Graphique 19 : Concentration des prestations (courbes de pseudo-Lorenz)
Lecture : Les 20 % de ménages les plus pauvres en termes de niveau de vie net perçoivent 88 % des montants d’AAH et
d’ASPA, 84 % du RSA « socle », 82 % des allocations logement », 80 % du RSA « activité » 47 % des prestations familiales
sous conditions de ressources et 42 % des prestations familiales sans conditions de ressources.
Note : Les ménages sont classés par niveau de vie net croissant.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La réduction des inégalités de niveau de vie entre leur acception nette et disponible
résulte pour un tiers du système fiscal et pour deux tiers des prestations.
En effet, les
prestations sont plus progressives que les prélèvements. Cette forte progressivité compense
leur poids financier légèrement plus faible (51 Mds€ contre 68,5 Mds€ pour les
prélèvements).
Au sein du système fiscal, la majeure partie de la redistribution est effectuée par l’impôt
sur le revenu, en raison de sa progressivité significative et surtout de son importance
financière
. Au final, l’impôt sur le revenu est le principal prélèvement ayant un rôle
redistributif marqué. Il pèse près de dix fois plus que la Prime pour l’emploi et que l’ISF dans
la réduction des inégalités. Cette différence est due essentiellement à leur poids financier
respectif (la PPE et l’ISF représentent chacun 3 Mds€, tandis que l’impôt sur le revenu hors
PPE représente 50 Mds€, Tableau 6). L’ISF peut néanmoins jouer sur les inégalités de
patrimoine, qui ne sont pas abordées dans ce rapport.
Du côté des prestations,
les allocations logement et les prestations familiales effectuent
chacune plus de 20 % de la redistribution.
Les allocations logement sont à la fois
progressives
et
financièrement
importantes.
Les
prestations
familiales
sont
moins
progressives, mais leur poids financier supérieur leur assure un niveau de redistribution
comparable. Le RSA, l’AAH et l’ASPA ont un impact redistributif un peu plus faible (14 %
61
pour le RSA « socle » et « activité », 10 % pour l’AAH et l’ASPA) car ils représentent une
masse de prestations plus faible.
iii.
La redistribution s’effectue via les prestations pour les niveaux de vie faibles et
par l’impôt sur le revenu pour les niveaux de vie élevés.
Les éléments précédents permettent de déterminer la part de chaque impôt et de chaque
prestation dans l’ensemble du système socio-fiscal. Le
point de vue du ménage permet de
compléter cette analyse globale.
Dans un premier temps, celui-ci permettra de voir de quelle
façon sont composés les revenus des ménages de niveaux de vie différents. Puis, il sera
possible de mener une analyse plus approfondie sur les incitations que fournit le système
socio-fiscal à chaque ménage et les impacts en termes d’efficacité qui en résultent.
Le système socio-fiscal répartit les prestations et les impôts de telle sorte que les premières
bénéficient davantage aux ménages dont le niveau de vie est faible et que les secondes pèsent
davantage sur les ménages dont le niveau de vie est élevé. Le Graphique 20 illustre le poids
qu’ils représentent dans le niveau de vie disponible de ces ménages.
Graphique 20 : Composition moyenne du revenu disponible selon le décile de niveau de vie
net (en % du revenu disponible)
Lecture : Sur 100 € de revenu disponible d’un ménage du huitième décile, 106 € viennent du revenu net et 1 € des prestations
familiales sans conditions de ressources, auxquels il faut retrancher 5 € d’impôt sur le revenu (hors PPE) et 2 € de taxe
d’habitation.
Note : Pour chaque décile de niveau de vie, on exprime le niveau moyen des prestations et des impôts en proportion du
revenu disponible moyen du décile.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
62
Ainsi, les prestations sont ciblées sur les trois premiers déciles de niveau de vie, tandis
que les impôts (et principalement l’impôt sur le revenu) reposent sur les quatre derniers
déciles.
Pour les ménages du premier décile, le revenu net représente un peu plus de 40 % du
niveau de vie disponible.
Le reste de leur niveau de vie disponible est composé de
prestations, notamment d’allocations logement, de prestations familiales, de RSA « socle »,
d’AAH et d’ASPA.
La part des prestations dans le niveau de vie disponible des ménages diminue très vite
lorsque le niveau de vie augmente.
Les prestations ne représentent plus que 18 % du niveau
de vie disponible des ménages du deuxième décile et 8 % du niveau de vie disponible des
ménages du troisième décile.
À partir du cinquième décile, le niveau de vie net est en moyenne supérieur au niveau de
vie disponible
: ces ménages paient en moyenne plus d’impôts qu’ils ne reçoivent de
prestations. La contribution de chaque ménage rapportée à son niveau de vie disponible
augmente avec le décile jusqu’au dixième décile où les prélèvements représentent près de
17 % du niveau de vie disponible.
Les conclusions précédentes sont renforcées par le Tableau 7 qui présente la part de
bénéficiaires de chaque prestation par décile. La part de bénéficiaires nets du système socio-
fiscal (Tableau 7) décroît lorsqu’on s’élève dans la distribution des niveaux de vie.
Au niveau
du quatrième décile, on observe un équilibre entre part des contributeurs nets et des
bénéficiaires nets. À partir du cinquième décile, la part de contributeurs nets au système
socio-fiscal dépasse largement les 50 %.
Tableau 7 : Bénéficiaires et contribuables par décile de niveau de vie net (en %)
Décile de niveau de vie net
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Ensemble
Part de bénéficiaires nets*
98
85
69
53
33
25
15
9
3
2
39
Part de bénéficiaires des AL
80
60
41
25
8
3
1
1
0
0
22
… des PF sous conditions de
ressources
42
38
29
21
13
13
8
6
1
0
17
… des PF sans conditions de
ressources
35
31
23
21
17
18
15
14
13
12
20
… de l’AAH ou de l’ASPA
45
9
4
3
2
2
1
1
1
1
12
… du RSA « socle »
31
24
11
4
3
2
2
1
1
0
8
… du RSA « activité »
41
22
7
3
2
1
1
1
1
0
8
… de la PPE
2
8
25
49
69
83
89
93
94
96
61
Part de contributeurs à l’IR
avant PPE
39
57
63
79
93
97
98
99
99
99
82
… à la TH
12
34
35
39
34
26
22
12
5
2
22
… à l’ISF
98
85
69
53
33
25
15
9
3
2
39
* Les bénéficiaires nets sont les ménages pour lesquels les transferts perçus excèdent les impôts versés.
Lecture : Dans le troisième décile, 69 % des individus sont des bénéficiaires nets du système socio-fiscal. 29 % des ménages
de ce décile de niveau de vie bénéficient de prestations familiales sous conditions de ressources, contre 17 % dans
l’ensemble des ménages.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
63
La part de bénéficiaires du RSA (« socle » et « activité »), de l’AAH et de l’ASPA devient
faible à partir du quatrième décile. La part de bénéficiaires des allocations logement reste
encore élevée pour ce décile, mais diminue fortement à partir du cinquième décile. La part des
bénéficiaires des prestations familiales ne baisse que légèrement, notamment parce que les
allocations familiales sont versées sans conditions de ressources.
De son côté, la part de ménages payant un impôt positif avant PPE augmente avec le décile et
la majorité des ménages à partir du cinquième décile sont dans ce cas. La PPE bénéficie quant
à elle aux ménages modestes, principalement entre le deuxième et le septième décile.
iv.
Des taux marginaux d’imposition élevés pour les faibles revenus, modérés pour le
milieu de la distribution puis croissants
Un panorama global de la progressivité et de la redistributivité d’ensemble du système socio-
fiscal a été réalisé. Cette vision est complétée ci-après par des éléments permettant
d’apprécier l’efficacité du système, tels que les taux marginaux (
cf.
partie 1).
Les taux marginaux d’imposition calculés à partir de l’ensemble du système socio-fiscal
et sur la base du revenu net sont compris entre 15 et 60 % (
Graphique 21
)
. Les taux
marginaux les plus élevés se rapportent aux ménages avec les niveaux de vie les plus faibles,
et correspondent à la baisse rapide des prestations (le taux moyen est alors très négatif, voir
aussi le Graphique 16). Les taux marginaux baissent ensuite, avant de se stabiliser lorsque les
ménages deviennent des contributeurs nets au système socio-fiscal. Le taux marginal remonte
ensuite à partir d’un niveau de vie de 25 000 € par an, sous l’effet de la hausse du taux
marginal des impôts. En résumé, pour des niveaux de vie nets inférieurs à 50 000 € par an,
les
taux marginaux décroissent d’abord rapidement, puis croissent lentement par la suite.
Les taux marginaux obtenus sont toujours positifs et inférieurs à 100 %
comme suggéré
par la théorie économique dans un objectif d’efficacité.
Le niveau de ces taux marginaux
dans le bas de la distribution des revenus, s’il peut indiquer que les ménages avec les
revenus les plus faibles ont le moins d’incitations à l’effort économique, n’est pas
forcément contradictoire avec l’efficacité du système,
comme l’a montré la discussion sur
les implications de la théorie de la fiscalité optimale. La baisse rapide des prestations permet,
à budget constant, d’augmenter le niveau maximum de ces prestations.
Les taux marginaux élevés pour les niveaux de vie très faibles correspondent
principalement à la baisse rapide du RSA « socle », compensée en partie par la hausse
du RSA « activité »
, lorsque les revenus correspondent à une activité professionnelle. Le
Graphique 21 décrit également une remontée des taux marginaux pour un niveau de vie net
autour de 4 000 € par unité de consommation et par an. Cela vient du taux marginal induit par
la baisse des allocations logement qui commence à partir de ce niveau de vie. Les prestations
familiales, quant à elles, jouent un rôle secondaire sur ces taux marginaux en moyenne par
tranche de niveau de vie.
64
Graphique 21 : Décomposition des taux marginaux entre impôts directs et prestations
Lecture : Pour un ménage dont le niveau de vie est de 25 000 euros par an, le taux marginal de 16 % se décompose en un
taux marginal dû aux impôts (impôt sur le revenu y compris PPE) de 15 % et un taux marginal dû à la baisse des prestations
de 1 %.
Note : Les niveaux de vie correspondant aux passages des tranches d’imposition sont calculés pour un célibataire ne
percevant que des revenus d’activité. Les fluctuations de taux marginal au-delà de 40 000 euros sont dues au faible nombre
de ménages dans l’échantillon à ce niveau de revenu et ne doivent pas être interprétées
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Côté imposition, les taux marginaux observés ne suivent pas strictement le barème à cause de
l’abattement sur les salaires, les pensions et les indemnités chômage, du mécanisme du
quotient familial et de la composition du revenu (présence de revenus du capital par exemple).
L’effet des changements de tranche se traduit globalement sur les taux marginaux. À niveau
de vie donné, la structure de la population est hétérogène : une famille peut se situer, à même
niveau de vie, dans une tranche d’imposition inférieure à celle d’un célibataire sous l’effet du
quotient familial
36
(
cf.
partie 3). Ainsi, le passage dans la tranche d’imposition à 14 %
s’effectuera à un niveau de vie supérieur pour un couple sans enfant par rapport à un
célibataire. De plus, pour des niveaux de vie compris entre 12 000 et 15 000 €, la baisse des
montants de Prime pour l’emploi et le passage dans la seconde tranche d’imposition
contribuent à l’augmentation du taux marginal.
Le taux marginal dû aux impôts proche de zéro pour des niveaux de vie autour de 3 000 euros
est la conséquence de l’éligibilité à la Prime Pour l’Emploi. Pour ces niveaux de vie, une
36
Cette différence vient du fait que l’échelle d’équivalence de l’Insee utilisée pour calculer les niveaux de vie
diffère des nombres de parts utilisés pour le calcul du quotient familial.
65
augmentation des revenus d’activité induit une augmentation plus importante du revenu
disponible, du fait de l’augmentation des montants de PPE.
Trois points doivent être soulignés afin d’éviter une interprétation trop hâtive de ces résultats :
•
Tout d’abord,
les taux marginaux sont sensibles au mode de calcul adopté
. Ici,
ils ont été obtenus en augmentant tous les revenus de 1 %. Ils auraient pu être
calculés en adoptant une autre convention, comme augmenter d’un euro tous les
revenus.
•
Ensuite, les conclusions sur les incitations pourraient être différentes si la décision
correspondait à l’entrée sur le marché du travail ou non, au choix de la mono-
activité ou de la bi-activité pour un couple.
•
Enfin, ces taux marginaux sont obtenus en faisant la moyenne de taux marginaux
pour l’ensemble d’une tranche de niveau de vie
. Ces moyennes masquent en fait
des disparités selon la situation des ménages (structure familiale, type de
revenus, actif ou retraité)
, explicitées dans la partie suivante.
*
*
*
Cette partie a étudié la progressivité globale du système socio-fiscal et mis en évidence les
rôles respectifs des prestations et des prélèvements dans la redistribution. La réduction, au
sens de l’indice de Gini, de 20 % des inégalités de niveau de vie entre le revenu net et le
revenu disponible s’opère via une redistribution verticale due pour deux tiers aux prestations
et pour un tiers à l’impôt sur le revenu. Les ménages les plus pauvres bénéficient de
prestations. Celles-ci représentent plus de la moitié du niveau de vie disponible moyen des
ménages du premier décile. Les ménages les plus riches bénéficient peu de prestations et
supportent un niveau de prélèvement plus élevé. Les impôts directs (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation et ISF) représentent 17 % du niveau de vie disponible des ménages du dernier
décile.
Encadré 5 : La redistribution effectuée par les cotisations et prestations contributives
Le prélèvement des cotisations de retraite et de chômage et leur contrepartie, le versement des
pensions de retraites et des allocations chômage aux ménages ayant préalablement cotisé,
répondent largement à une logique assurancielle. Il a été choisi pour cette raison de ne pas les
inclure dans le champ de la redistribution (
cf.
début de la partie 2). Cependant, ces
prélèvements et ces versements modifient la distribution des revenus au sein de la population
du point de vue instantané. De plus, la distribution des revenus primaires correspond à la
distribution des revenus directement issus de la production des richesses, avant toute
intervention directe de la puissance publique.
Il est donc légitime de s’interroger sur la redistribution effectuée par ces prélèvements et
versements, c’est l’objet de cet encadré.
66
La distribution des niveaux de vie primaires (restreints aux revenus d’activité et de
patrimoine) présente un nombre très important de ménages entre 0 et 1 000 euros (Graphique
22) : 5,5 millions de ménages, soit 20 % de l’ensemble des ménages. Cette concentration
vient de la présence des ménages de retraités et de chômeurs dans cette zone. La comparaison
avec la distribution des niveaux de vie initiaux (Graphique 8) semble indiquer que le passage
du revenu primaire au revenu initial induit un niveau élevé de redistribution des ménages
actifs vers les ménages comprenant des retraités et des chômeurs.
Graphique 22 : Distribution des niveaux de vie primaires
Lecture : 1 210 000 ménages ont un niveau de vie net compris entre 1 000 € et 2 000 €.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La courbe de Lorenz (Graphique 23) montre que la distribution des niveaux de vie primaires
est plus concentrée que celle des niveaux de vie initiaux. Le coefficient de Gini des niveaux
de vie primaire vaut 0,41, alors qu’il s’élève à 0,36 pour les niveaux de vie initiaux. Ainsi, le
passage du revenu primaire au revenu initial réduit les inégalités de 13 %.
Néanmoins, les conclusions précédentes reposent sur le fait de classer les ménages par niveau
de vie net. Or, selon ce classement, les ménages de retraités et de chômeurs sont répartis à
différents niveaux de la distribution, alors qu’un classement par niveau de vie primaire les
placerait
a priori
dans le bas de la distribution. Ainsi, la courbe de Lorenz des niveaux de vie
primaire se distingue relativement peu de celle des niveaux de vie initiaux. En revanche, si les
ménages sont classés par niveau de vie primaire, tous les ménages de retraités et de chômeurs
se retrouvent dans le bas de la distribution. L’écart entre les courbes de Lorenz du niveau de
vie primaire et du niveau de vie initial est alors beaucoup plus important (Graphique 24), et
l’indice de Gini diminue de près de la moitié.
67
Graphique 23 : Pseudo-courbe de Lorenz du niveau de vie primaire
Lecture : Les 20 % de ménages les plus pauvres représentent 6 % du niveau de vie initial et 5 % du niveau de vie primaire.
La diagonale correspond au cas d’une répartition égale des niveaux de vie entre les ménages.
Note : Les ménages sont classés par niveau de vie net croissant.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Graphique 24 : Courbe de Lorenz du niveau de vie primaire
Lecture : Les 20 % de ménages les plus pauvres représentent 10 % du niveau de vie initial et une part négligeable du niveau
de vie primaire. La diagonale correspond au cas d’une répartition égale des niveaux de vie entre les ménages.
Note : Les ménages sont classés par niveau de vie primaire croissant.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
68
Partie 3 : Hétérogénéité face au système socio-fiscal : degré de
progressivité, incitations et redistribution horizontale
Le système socio-fiscal répond par sa progressivité à un objectif de redistribution verticale.
Toutefois,
d’autres caractéristiques que le niveau de vie du ménage interviennent dans la
redistribution.
En particulier la redistribution horizontale doit être examinée pour apprécier
globalement le système socio-fiscal.
Les deux dimensions de la redistribution ne peuvent cependant pas être séparées
. Par
exemple, les ménages avec enfants étant plus souvent dans le bas de la distribution des
niveaux de vie, effectuer un transfert sur la seule base des niveaux de vie a certes un effet en
termes de redistribution verticale, mais réduit aussi les écarts relatifs de niveau de vie entre
ménages avec et sans enfant. À l’inverse, lier un transfert à la présence d’enfant, même sans
condition de ressources, aura des effets en termes de redistribution verticale. Ce lien entre
redistribution verticale et horizontale existe également pour ce qui concerne le type de
revenus : par exemple, les revenus du patrimoine sont concentrés dans le haut de la
distribution des niveaux de vie (
cf. infra
).
Comme la structure familiale et le type de revenus, d’autres caractéristiques interviennent
dans le traitement par le système socio-fiscal :
-
D’autres éléments de la composition de la famille entrent en compte (nombre d’adultes
et âge des enfants).
-
La présence de personnes handicapées ou invalides dans le ménage ouvre droit à
certaines prestations et peut modifier le calcul de l’impôt sur le revenu.
-
Le lieu d’habitation modifie le montant de la taxe d’habitation ou des allocations
logement.
-
L’imposition et l’ouverture de droits à certaines prestations dépendent de la nature des
revenus (salaires, revenus de remplacement, capital, etc.).
-
Il existe des dispositifs fiscaux dérogatoires (soit avec vocation redistributive comme
le crédit pour la garde d’enfants, soit relevant d’une logique totalement différente :
investissements dans l’immobilier, incitation aux dons). Des ménages de niveau de vie
identiques s’acquitteront d’un impôt différent selon les crédits dont ils bénéficient.
-
D’autres caractéristiques sont également susceptibles d’intervenir. Il est très difficile
de toutes les recenser ici.
Cette partie se propose d’examiner plus précisément en termes de redistribution et
d’incitations deux des principales sources d’hétérogénéité au regard du système socio-fiscal :
la composition familiale et le type de revenus. Le traitement différencié selon la structure
familiale répond entre autres à une logique de redistribution horizontale, répondant elle-même
à d’autres objectifs de la politique familiale (compensation du coût de l’enfant, …). Ce n’est
pas forcément le cas pour le traitement différencié par type de revenu, qui peut être assorti de
considérations d’efficacité économique.
69
3.1. Rôle de la composition familiale dans le système socio-fiscal
Le périmètre du système socio-fiscal retenu ici correspond au champ restreint décrit
précédemment (Graphique 6), c’est-à-dire au passage du revenu net au revenu
disponible opéré par les impôts directs et les prestations.
En effet, en amont du revenu net,
les cotisations sociales ne dépendent pas de la composition familiale ; en aval, la structure de
consommation en dépend, mais l’échelle des unités d’équivalence permet
a priori
de tenir
compte de ces différences.
i.
Les familles avec enfants : un poids démographique et un enjeu de
politique publique importants
Les familles vivant avec des enfants représentent environ un tiers des ménages.
Parmi
elles, un cinquième sont des familles monoparentales (Tableau 8).
Tableau 8 : Répartition des structures familiales dans les ménages (en %)
Personne seule
Couple
Ensemble
Sans enfant
35
29
64
Avec enfant
7
28
36
dont 1 enfant
4
11
15
dont 2 enfants
3
12
15
dont 3 enfants ou plus
1
5
6
Ensemble
43
57
100
Note : Les couples considérés ici ne sont pas nécessairement unis juridiquement. Les enfants à charge ont moins de 25 ans.
Les ménages « autres » sont des ménages qui comportent soit plus d’une famille, soit plusieurs personnes seules, soit des
enfants de plus de 25 ans. Ce sont par exemple des ménages au sein desquels cohabitent plusieurs générations. La ventilation
par nombre d’enfants n’est effectuée que sur le champ des personnes seules et des couples.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine, hors ménages complexes et ménages avec des enfants de plus de 25
ans. Ce champ particulier peut expliquer des différences avec d’autres chiffres, issus du recensement par exemple.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Les ménages sont ici décrits par le nombre d’enfants de moins de 25 ans qui partagent leur
logement. Les ménages sans enfant, qu’il s’agisse de personnes seules ou de couples, sont de
ce point de vue une population assez hétérogène : certains formeront leur cellule familiale,
d’autres ont des enfants qui ont quitté le domicile parental. Cela se traduit par une grande
dispersion des âges de la personne de référence parmi les ménages sans enfant : un quart des
personnes seules sans enfant a moins de 40 ans, un quart a plus de 75 ans (Tableau 9). Les
ménages avec enfants forment une population plus homogène du point de vue de leur position
dans leur cycle de vie.
70
Tableau 9 : Distribution de l’âge de la personne de référence du ménage
moyenne
Q1
médiane
Q3
Intervalle
inter-quartile
(Q3-Q1)
Couple sans enfant
59
51
61
71
20
avec un enfant
43
34
43
52
18
avec deux enfants
41
36
41
47
11
avec trois enfants ou plus
42
37
42
47
10
Personne seule sans enfant
57
40
58
75
35
avec un enfant
44
36
45
51
15
avec deux enfants
42
37
42
47
10
avec trois enfants ou plus
41
36
41
45
9
Autres
48
29
48
61
32
Ensemble
53
38
51
66
28
Lecture : La personne de référence (au sens de l’Enquête Emploi en continu de l’Insee) des couples sans enfant est en
moyenne âgée de 59 ans. L’âge médian est de 61 ans. Dans 25 % des cas, la personne de référence des couples sans enfant a
moins de 51 ans, dans 25 % des cas, elle a plus de 71 ans.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Les personnes seules, notamment lorsqu’elles ont des enfants, et les couples avec trois
enfants ou plus ont, avant la redistribution opérée par les impôts directs et les
prestations, un niveau de vie net plus faible en moyenne que les couples avec moins de
trois enfants.
Ainsi, seuls 9 % des couples sans enfant appartiennent au premier quintile de
niveau de vie net, contre 41 % des couples avec trois enfants ou plus et 82 % des familles
monoparentales avec trois enfants ou plus (Tableau 10). Dans le haut de la distribution, le
phénomène s’inverse : 30 % des couples sans enfant sont dans le dernier quintile et seulement
1 % des personnes seules avec trois enfants ou plus. La composition familiale n’explique
probablement pas à elle seule ces résultats : elle reflète également d’autres différences en
termes d’insertion sur le marché du travail, de position dans le cycle de vie…
Tableau 10 : Structure familiale et position dans l’échelle des niveaux de vie nets (en %)
Q1
Q2
Q3
Q4
Q5
Total
Couple sans enfant
9
17
20
25
30
100
avec un enfant
14
16
23
26
21
100
avec deux enfants
18
22
23
21
17
100
avec trois enfants ou plus
41
22
14
12
11
100
Personne seule sans enfant
22
23
21
18
17
100
avec un enfant
39
27
15
11
7
100
avec deux enfants
55
23
12
4
6
100
avec trois enfants ou plus
82
9
6
2
1
100
Autres
24
18
20
20
19
100
Ensemble
20
20
20
20
20
100
Lecture : 9 % des couples sans enfant appartiennent au 1
er
quintile de niveau de vie, c’est-à-dire ont un niveau de vie net
inférieur à celui qui délimite les 20 % des ménages au niveau de vie le plus faible.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
À nombre d’enfants donné, les personnes seules ont un niveau de vie net plus faible que
les couples
(Tableau 11). Le niveau de vie net moyen des personnes seules avec trois enfants
ou plus représente près d’un tiers de celui des couples avec trois enfants ou plus.
Le taux de
71
pauvreté augmente avec le nombre d’enfants dans le ménage
: plus de la moitié des
ménages de personnes seules avec deux enfants ont un niveau de vie net en deçà du seuil de
pauvreté, cette proportion atteint 82 % pour les ménages de personnes seules avec trois
enfants ou plus. Tous les ménages de personnes seules ont un taux de pauvreté supérieur à la
moyenne de l’ensemble des ménages.
Tableau 11 : Niveaux de vie et revenu net en fonction de la structure familiale
Niveau de vie net moyen
(en euros)
Revenu net moyen
(en euros)
Taux de pauvreté*
(en %)
Couple sans enfant
27 540
41 310
9
avec un enfant
23 740
44 900
13
avec deux enfants
21 550
47 990
17
avec trois enfants ou plus
17 230
45 840
41
Personne seule sans enfant
20 580
20 580
22
avec un enfant
15 160
21 420
39
avec deux enfants
12 040
21 580
54
avec trois enfants ou plus
6 320
14 470
82
Autres
20 760
39 590
23
Ensemble
22 260
34 220
20
* Le taux de pauvreté correspond au pourcentage de ménages dont
le niveau de vie net
est inférieur au seuil de pauvreté, ce
seuil est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie disponibles. L’Insee calcule un taux de pauvreté en
niveau de vie
disponible
, il s’élève à 13 % en 2008.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Les inégalités en termes de niveau de vie net sont plus élevées au sein des familles
nombreuses et des familles monoparentales
(Tableau 12 et Graphique 25).
Par exemple,
l’indice de Gini du niveau de vie net est 50 % plus élevé parmi les familles monoparentales
avec trois enfants ou plus que dans l’ensemble de la population. Ces plus grandes inégalités
sont surtout dues à la présence d’une plus grande proportion de ménages avec des niveaux de
vie nets très faibles (Tableau 10).
Tableau 12 : Inégalités de niveau de vie net et structure familiale
Indice de Gini du
niveau de vie net
Couple sans enfant
0,34
avec un enfant
0,31
avec deux enfants
0,32
avec plus de trois enfants
0,43
Personne seule sans enfant
0,36
avec un enfant
0,41
avec deux enfants
0,43
avec plus de trois enfants
0,54
Ensemble
0,36
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
72
Graphique 25 : Inégalités de niveau de vie net pour les couples et les personnes seules selon
le nombre d’enfants
Lecture : 40% des personnes seules sans enfant représentent 18 % des niveaux de vie net des personnes seules sans enfant.
Note : Les courbes de Lorenz sont tracées pour les distributions de niveau de vie net de chaque configuration familiale.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
73
Plusieurs points de vue peuvent être adoptés pour prendre en compte la dimension familiale. Il
est nécessaire de s’interroger sur les différentes redistributions envisageables. De combien
évolue le niveau de vie des ménages avec enfants après transferts ? Au total, quelle masse de
prestations reçoivent-ils ? La réduction des inégalités est-elle plus forte au sein des couples
avec enfants qu’elle ne l’est au sein des personnes seules ? Enfin, quelle est l’ampleur de la
redistribution horizontale, c’est-à-dire comment sont traités des ménages de même niveau de
vie net, mais de composition différente ?
Encadré 6 : Les mécanismes du quotient conjugal et du quotient familial
Le calcul de l’impôt sur le revenu se fonde sur les capacités contributives du foyer, via les
mécanismes du quotient conjugal et du quotient familial, qui rapportent le revenu au nombre
de personnes constituant le foyer. Plus précisément, le revenu imposable total du foyer fiscal
est divisé par le nombre de parts, puis soumis au barème progressif de l’impôt et multiplié par
le nombre de parts afin d’obtenir l’impôt à acquitter par le foyer.
Le calcul du nombre de parts diffère de l’échelle de consommation utilisée pour le calcul du
niveau de vie. Ainsi, dans le système du quotient conjugal, le conjoint se voit attribuer une
part entière, contre 0,5 unité de consommation dans l’échelle d’équivalence de l’Insee
(échelle OCDE modifiée). Le quotient familial attribue une demi-part pour chacun des deux
premiers enfants, et une part pour chaque enfant supplémentaire à partir du troisième enfant.
L’échelle d’équivalence de l’Insee, quant à elle, attribue des unités de consommation
différentes selon l’âge et non le rang : les enfants de plus de 14 ans se voient attribuer 0,5
unité de consommation et ceux de moins de 14 ans 0,3 unité de consommation.
En résumé, le calcul du nombre de parts fiscales est plus généreux que l’échelle d’équivalence
de l’Insee. Ainsi, en général et à niveau de vie donné, l’impôt va diminuer avec le nombre
d’unités de consommation du ménage.
Du fait de la progressivité du barème, le mode de calcul de l’impôt avantage les foyers qui
bénéficient des quotients conjugal et familial. Le montant de l’avantage du quotient familial
est plafonné à 2 292 € par demi-part pour l’imposition des revenus 2008.
ii.
Les familles nombreuses et les familles monoparentales bénéficient
largement de la redistribution
Les prestations dans leur ensemble sont très concentrées sur les ménages avec deux
enfants ou plus (ces ménages perçoivent 54% de la masse des prestations versées) et les
personnes seules sans enfant (17% de la masse des prestations à elles seules)
(Tableau
13). Plus précisément,
les prestations familiales, par définition ciblées sur les ménages avec
enfants, sont largement dirigées vers les familles avec trois enfants ou plus, pour différentes
raisons : ces familles, en moyenne plus modestes, bénéficient plus souvent des prestations
sous condition de ressources ; des prestations (le complément familial) leur sont
spécifiquement dédiées ; le montant des allocations familiales augmentent significativement à
74
partir du 3
ème
enfant. Les personnes seules sans enfant perçoivent une part importante des
minima sociaux, en raison notamment de la faiblesse de leur niveau de vie.
Tableau 13 : Poids des prestations et prélèvements selon la configuration familiale (en %)
Couple
Personne seule
sans
enfant
avec
un
enfant
avec
deux
enfants
avec
plus de
trois
enfants
sans
enfant
avec
un
enfant
avec
deux
enfants
avec
plus de
trois
enfants
Autres
Total
Part dans la
population des
ménages
28
10
11
5
33
4
2
1
5
100
AL
8
6
9
12
34
12
10
5
4
100
PF sous
condition de
ressources
0
20
25
36
0
5
6
6
3
100
PF sans
condition de
ressources
0
1
35
44
0
2
9
7
2
100
AAH et ASPA
19
6
5
4
35
5
2
1
23
100
RSA « socle »
6
7
7
6
26
12
9
3
24
100
RSA
« activité »
12
14
15
10
15
12
7
1
14
100
Total
prestations
6
7
18
23
17
7
8
5
9
100
IR (hors PPE)
38
14
15
6
20
2
1
0
5
100
TH
35
12
14
5
24
3
2
0
6
100
PPE
23
18
19
9
14
4
2
1
8
100
ISF
53
8
9
5
18
1
2
0
5
100
Total impôts
directs
37
14
15
6
21
2
1
0
6
100
Lecture : Les couples sans enfant bénéficient de 6 % du montant total des prestations et s’acquittent de 37 % des impôts
directs.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
En moyenne, la redistribution s’opère des ménages sans enfant et des couples avec un
enfant vers les familles monoparentales ou les couples avec 3 enfants ou plus
.
Ainsi, suite
au jeu des impôts directs et des prestations, un couple sans enfant voit son niveau de vie net
diminuer en moyenne de 7 % ; cette diminution est de 4 % pour un couple avec un enfant
(Tableau 14). À l’inverse, les couples avec trois enfants bénéficient d’une augmentation de
leur niveau de vie net de 13 %. L’effet sur le niveau de vie est encore plus marqué pour les
familles monoparentales : il varie de 11 % pour celles avec un seul enfant à 93 % pour celles
ayant trois enfants ou plus. Ces effets ne se réduisent pas à la seule redistribution horizontale ;
ils intègrent aussi des aspects de redistribution verticale. Ainsi, les couples sans enfant sont
ceux dont la baisse relative de niveau de vie est la plus importante, mais ce sont également
ceux qui ont le niveau de vie net le plus élevé avant redistribution.
75
Tableau 14 : Niveaux de vie net et disponible en fonction de la structure familiale
Niveau de vie net
en €/an
Niveau de vie
disponible en
€/an
Variation de
niveau de vie en
€
Variation de
niveau de vie en
%
Couple sans enfant
27 540
25 580
-1 960
-7
avec 1 enfant
23 740
22 870
-870
-4
avec 2 enfants
21 550
21 640
90
0
avec 3 enfants ou plus
17 230
19 420
2 190
13
Isolé sans enfant
20 580
20 030
-550
-3
avec 1 enfant
15 160
16 840
1 680
11
avec 2 enfants
12 040
15 020
2 980
25
avec 3 enfants ou plus
6 320
12 180
5 860
93
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Les transferts entre types de famille passent plus par les prestations que par les impôts
(
Tableau 15
).
En effet, la différence de variation de niveau de vie entre ménages avec enfants
et ménages sans enfant s’explique pour une plus grande part par des différences de prestations
que par des différences de montants d’impôts acquittés. L’impact financier du traitement
différencié des structures familiales par le système socio-fiscal se traduit principalement par
les prestations.
Tableau 15 : Décomposition de l’évolution entre le niveau de vie net et le niveau de vie
disponible par structure familiale
Varia
tion
de
nivea
u de
vie en
€
AL
PF
sous
condit
ions
PF
sans
condit
ions
RSA
« socl
e »
RSA
« acti
vité »
AAH
et
ASPA
Total
prest
ations
Total
impôt
s
Couple sans enfant
-1 960
100
0
0
30
30
100
260
-2 230
avec 1 enfant
-870
160
280
20
80
70
70
680
-1 560
avec 2 enfants
90
180
270
760
60
60
40
1 370
-1 290
avec 3 enfants ou plus
2 190
420
700
1 700
100
70
70
3 060
-860
Isolé sans enfant
-550
490
0
0
180
40
250
960
-1 520
avec 1 enfant
1 680
1 080
240
240
550
220
200
2 530
-830
avec 2 enfants
2 980
1 200
360
1 210
480
160
110
3 520
-540
avec 3 enfants ou plus
5 860
1 630
1 050
2 540
540
90
110
5 960
-90
Lecture : Entre le niveau de vie net et le niveau de vie disponible, la baisse est de 870 € pour un couple avec un enfant alors
qu’on observe une hausse de 2 190 € pour un couple avec 3 enfants. La différence vient principalement du versement de
680 € de prestations pour le couple avec un enfant, contre 3 060 € pour le couple avec trois enfants.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La réduction des inégalités (mesurée par l’indice de Gini) au sein d’un type de ménage
est plus importante pour les familles nombreuses et les familles monoparentales.
Le
système socio-fiscal conduit à une réduction du coefficient de Gini de 67 % chez les familles
monoparentales avec trois enfants ou plus, contre seulement 4 % chez les couples sans enfant
(Tableau 16). Cet effet est dû à la présence d’une forte proportion de ménages à niveaux de
76
vie faible parmi les familles nombreuses et les familles monoparentales, mais aussi à
l’existence de transferts spécifiquement liés à la présence d’enfants ou à la situation
d’isolement et de prestations sous condition de ressources.
Tableau 16 : Réduction des inégalités par type de famille
Indice de Gini du
niveau de vie net
Indice de pseudo-Gini
du niveau de vie
disponible
Pourcentage de
réduction des
inégalités
Couple sans enfant
0,34
0,32
4 %
avec un enfant
0,31
0,29
7 %
avec deux enfants
0,32
0,28
12 %
avec plus de trois enfants
0,43
0,33
23 %
Personne seule sans enfant
0,36
0,21
15 %
avec un enfant
0,41
0,28
32 %
avec deux enfants
0,43
0,26
41 %
avec plus de trois enfants
0,54
0,18
67 %
Ensemble
0,36
0,29
20 %
Note : L’indice de Gini de l’ensemble de la population n’est pas une moyenne pondérée des indices de Gini dans chacune
catégorie. Par exemple, si chaque catégorie était parfaitement homogène en termes de niveau de vie, mais que chaque
catégorie avait un niveau de vie différent, l’indice de Gini de chaque catégorie serait nul (parfaite égalité), mais l’indice de
Gini de l’ensemble de la population serait positif.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La redistribution horizontale ne saurait être déconnectée de la redistribution verticale.
La redistribution horizontale, en effectuant des transferts vers les familles nombreuses et les
familles monoparentales, en moyenne moins aisées, contient nécessairement une composante
verticale. À l’inverse, la redistribution verticale, en améliorant les conditions des familles
pauvres, parmi lesquelles les familles nombreuses et monoparentales sont surreprésentées,
induit une certaine redistribution horizontale.
iii.
Une redistribution vers les familles, d’autant plus forte que la famille est
nombreuse
Pour isoler la dimension horizontale de la redistribution, il est nécessaire d’analyser les
différences de traitement à niveau de vie donné.
À niveau de vie net donné, les ménages de structure familiale différente ne disposent pas
en moyenne du même niveau de vie disponible
. Par exemple, les couples sans enfant
disposent d’un niveau de vie disponible plus faible en moyenne que des couples avec trois
enfants ou plus de même niveau de vie net (Graphique 26). Cependant, au sein de la même
structure familiale, des différences de traitement subsistent. Cela peut provenir d’autres
différences entre les ménages : catégorie de revenus, âge des enfants, zone géographique…
77
Graphique 26 : Niveau de vie disponible en fonction du niveau de vie net selon la structure
familiale (couple sans enfant
versus
couple avec trois enfants)
Note :
Chaque point correspond à un ménage, représenté avec une couleur différente selon la composition familiale. Le
niveau de vie disponible (revenu disponible par unité de consommation) est représenté en fonction du niveau de vie net
(revenu net par unité de consommation). La diagonale correspond aux situations où le niveau de vie est inchangé.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
À structure parentale donnée, le niveau de vie net à partir duquel les ménages reçoivent
moins de prestations qu’ils n’acquittent d’impôts augmente avec le nombre d’enfants. À
nombre d’enfants donné, il est plus élevé pour les personnes seules que pour les couples
(Tableau 17). Le niveau de vie à partir duquel les couples avec trois enfants ou plus
deviennent contributeurs nets est le double de celui à partir duquel les couples sans enfant le
deviennent ; pour les personnes seules, ce rapport est trois fois plus élevé.
Tableau 17 : Niveau de vie net à partir duquel les ménages deviennent contributeurs nets
Personne seule
Couple
sans
enfant
avec 1
enfant
avec 2
enfants
avec 3
enfants
sans
enfant
avec 1
enfant
avec 2
enfants
avec 3
enfants
Niveau de
vie net
(en €/an)
14 180
19 770
29 950
41 840
13 680
13 930
16 720
26 170
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les couples sont supposés mono-actifs.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
À niveau de vie donné, les taux moyens d’imposition au sens large, c’est-à-dire incluant
les prestations, diffèrent suivant la composition familiale, et la redistribution s’effectue
par des mécanismes différents
(Graphique 27).
78
Graphique 27 : Taux d’imposition moyens par structure familiale
Lecture : Le taux d’imposition moyen d’une personne seule sans enfant disposant d’un niveau de vie net compris entre
22 000 € et 23 000 € est de 7 %.
Note : Le taux d’imposition moyen est défini comme la moyenne des taux d’imposition des ménages d’une tranche de niveau
de vie donnée. Le taux d’imposition rapporte pour chaque ménage la différence entre le revenu net et le revenu disponible au
niveau de vie net. Les niveaux de vie nets à partir desquels les ménages deviennent contributeurs nets (lorsque le taux
d’imposition devient positif) ne correspondent pas exactement à ceux du Tableau 17 car il s’agit ici de moyennes sur un
échantillon représentatif, et non de cas-types sujets à des hypothèses spécifiques.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Le système socio-fiscal opère une redistribution vers les familles, d’autant plus forte que
la famille est nombreuse.
À niveau de vie net identique, les familles avec enfants supportent
un taux d’imposition plus faible que les ménages sans enfant. Il s’agit bien de redistribution
horizontale : des ménages de niveaux de vie équivalents avant redistribution, mais de
composition différente bénéficient de transferts différents
37
. Ainsi, la présence d’enfants au
sein du ménage modifie les prestations sociales. Par ailleurs, les écarts entre le nombre de
parts utilisé pour le calcul du quotient familial et l’échelle d’équivalence de l’Insse utilisée
pour le calcul des niveaux de vie induisent aussi une redistribution horizontale. À cela
peuvent s’ajouter des dispositifs spéciaux de l’impôt sur le revenu comme des crédits d’impôt
pour frais de scolarité ou pour frais de garde, associés à des dépenses liées à la présence
d’enfants dans le ménage. En l’absence de ces prestations, de ces dispositifs et avec un
quotient familial qui suivrait strictement l’échelle d’équivalence de l’Insee, les taux moyens
37
L’effet mesuré n’est toutefois pas entièrement imputable à la seule présence d’enfants : d’autres différences
(nature des revenus, zone d’habitation…) peuvent exister. L’analyse de cas-types permettra de comparer des
taux moyens d’imposition « toutes choses égales par ailleurs », en observant la situation de ménages en tous
points identiques et ne différant que par leur composition familiale.
79
d’imposition seraient identiques à niveau de vie donné pour toutes les configurations
familiales.
Graphique 28 : Taux moyens d’imposition selon des cas-types de structure familiale
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les couples sont supposés mono-actifs. Les revenus
proviennent d’une activité.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
L’analyse de cas-types permet d’observer l’incidence de la composition familiale, « toutes
choses égales par ailleurs ».
La différence de traitement selon la structure familiale
intervient principalement pour des niveaux de vie nets compris entre 10 000 et 70 000
euros par an
(Graphique 28). Pour des ménages situés dans le haut de la distribution, pour
lesquels les prestations sous conditions de ressources représentent une part faible du niveau de
vie disponible, la différence de traitement provient essentiellement de l’imposition
différenciée due au mécanisme du quotient familial. Cette différence s’atténue et s’inverse à
partir de 70 000 euros en raison du plafonnement de l’avantage du quotient familial.
La redistribution s’effectue par des voies différentes selon la situation familiale. Parmi
les ménages les plus modestes, l’essentiel des transferts provient des minima sociaux et
des allocations logement pour les couples sans enfant et des prestations familiales pour
les couples avec trois enfants ou plus
(Graphique 29). Ainsi, pour un couple avec trois
enfants, les prestations familiales représentent plus d’un quart du niveau de vie disponible
pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie. Pour un couple
sans enfant du premier quintile, les minima sociaux, y compris le RSA « socle », constituent
13 % du niveau de vie disponible.
80
Graphique 29 : Composition du niveau de vie disponible selon la structure familiale et le
quintile de niveau de vie net
Couple sans enfant
Couple avec trois enfants
Lecture :
Sur 100 € de niveau de vie disponible d’un couple sans enfant du troisième quintile, il y a 103 € de niveau de vie
net, et 1 € de PPE. Il s’acquitte de 2 € d’impôt sur le revenu et de 2 € de taxe d’habitation.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
81
La part de niveau de vie disponible acquittée sous forme de prélèvements par les couples de
trois enfants est inférieure en général à celle des couples sans enfant, sauf pour les ménages
les plus riches, entre autres du fait du plafonnement du quotient familial. Les ménages avec
enfants, même aisés, bénéficient de transferts : 3 % du niveau de vie disponible des couples
avec trois enfants ou plus provient des prestations familiales sans conditions de ressources.
iv.
Les incitations diffèrent également suivant la structure familiale
Le traitement des structures familiales par le système socio-fiscal se traduit non seulement par
des taux moyens d’imposition différents, mais aussi par des incitations à l’effort économique,
et donc des effets en termes d’efficacité, différentes. Comme il a été rappelé dans la première
partie, les taux marginaux permettent d’apprécier les incitations/désincitations fournies par le
système socio-fiscal. Pour les ménages les plus modestes, pour lesquels les décisions
concernent plus la participation au marché du travail que l’effort de travail (
cf.
partie 1),
l’analyse des taux marginaux peut en outre être complétée par d’autres indicateurs comme les
gains monétaires à la reprise d’emploi.
Les taux marginaux d’imposition
La forme du taux marginal d’imposition
38
, calculé à partir du barème des prestations et des
impôts, est présentée en détail pour une personne seule (Graphique 30). Cette description des
taux marginaux peut être complétée par la composition du revenu disponible en termes de
prestations et d’impôts (Graphique 31). La présentation détaillée des taux marginaux pour
d’autres configurations familiales se trouve dans l’Annexe 2.
Le taux marginal est la somme des taux marginaux dus aux différents impôts et prestations.
En termes d’incitations, seule compte la forme globale, mais le détail est nécessaire à la
compréhension. L’annexe 2 regroupe des explications plus détaillées que celles présentées par
la suite.
Zone 1
: Pour une personne seule sans revenus nets et non éligible à l’AAH ou à l’ASPA,
mais vérifiant les conditions d’éligibilité au RSA, le revenu disponible mensuel est composé
du RSA « socle » et des allocations logement (Graphique 31). Dans la zone 1, pour chaque
euro de revenu d’activité supplémentaire, le RSA « socle » baisse d’un euro, cette baisse est
compensée par une augmentation de 62 centimes d’euros du RSA « activité », tandis que les
allocations logement restent à leur montant maximum. L’augmentation d’un euro du revenu
d’activité se traduit alors par une augmentation de 62 centimes d’euro du revenu disponible, le
taux marginal d’imposition y est donc de 100-62 = 38 %. La fin de la zone 1 est délimitée par
la sortie du RSA « socle », qui est concomitante au début de la baisse des allocations
logement (Graphique 31).
38
Le taux marginal d’un ménage est le rapport entre l’augmentation de sa contribution nette au système socio-
fiscal et son augmentation de revenu net pour une petite augmentation de son revenu net.
82
Graphique 30 : Taux marginal d’imposition – Cas d’une personne seule sans enfant
Lecture : Entre 0 et 5 000 euros de niveau de vie net annuel, le taux marginal d’imposition d’une personne seule sans enfant
est de 38%.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 2
: Le ménage touche du RSA « activité » et des allocations logement, puis de la PPE à
partir d’un niveau de vie annuel net de 10 000 euros. Le taux marginal est en moyenne plus
élevé dans cette zone, car, au taux marginal de 38 % dû au RSA, se rajoute la baisse des
allocations logements. Les allocations logement baissent chaque fois que les ressources du
bénéficiaire franchissent un palier de 100 euros, ce qui explique l’aspect heurté des taux
marginaux. Aux alentours de 12 000 euros et jusque vers 15 000 euros de niveau de vie net
annuel, une zone d’instabilité des taux marginaux apparaît, pour des raisons assez techniques
d’imbrication entre le RSA, la PPE et les allocations logement (voir l’Annexe 2 pour plus de
détails). La zone 2 s’achève par la sortie des allocations logement. Comme il existe un seuil
de non-versement de 15 euros par mois, la perte de ces allocations entraîne une hausse
ponctuelle dans le taux marginal.
Zone 3
: Le taux marginal se stabilise autour de 42 %. Le ménage est imposé dans la
deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu à 14 %, taux auquel il faut rajouter
l’extinction progressive du mécanisme de la décote de l’impôt sur le revenu, ce qui porte le
taux marginal dû à l’impôt sur le revenu à 21 %. La décroissance de la PPE contribue de plus
à hauteur de 19,3 % au taux marginal, et le reste vient de l’augmentation des montants de taxe
d’habitation. En effet, les ménages dans cette zone bénéficient de dégrèvements qui diminuent
lorsque leur revenu augmente. La fin de cette zone coïncide avec la sortie de la PPE et la fin
de la décote.
83
Graphique 31 : Composition du niveau de vie disponible d’une personne seule sans enfant
L
ecture : Pour une personne seule sans enfant et sans revenus nets, le niveau de vie disponible mensuel est composé de 405
euros de RSA « socle » et de 260 euros d’allocations logement.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité. Les montants des
prestations (et impôts) sont exprimés en termes mensuels pour faciliter la comparaison aux barèmes.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 4
: Le taux marginal d’imposition dans la zone 4 s’élève à environ 16 % ; il découle
essentiellement du taux marginal de la deuxième tranche d’imposition sur le revenu
39
, auquel
s’ajoute la décroissance des dégrèvements de la taxe d’habitation. La fin de la zone est
marquée par un taux marginal localement élevé et correspond au seuil à partir duquel le
ménage n’est plus éligible aux dégrèvements de taxe d’habitation. Par conséquent, son
montant de taxe d’habitation passe brutalement au montant maximum, ce qui a pour
conséquence ce taux marginal localement élevé.
Zone 5
: Le taux marginal dans la zone 5, de 13%, est uniquement dû à l’imposition dans la
deuxième tranche d’imposition sur le revenu.
Zone 6
: Le ménage passe ensuite dans la troisième tranche d’imposition sur le revenu et son
taux marginal est alors de 27 %
40
.
39
Le taux de la deuxième tranche est de 14 %, mais il faut prendre en compte l’abattement de 10 % sur les
salaires. Ainsi pour chaque euro de revenu d’activité supplémentaire, le revenu net imposable augmentera de 90
centimes. L’impôt augmentera donc de 90*14 %=12,6 centimes. Le taux marginal dû à l’impôt sur le revenu est
donc d’environ 13 %.
40
Le taux marginal du barème de l’impôt est de 30%. Le taux de 27% est obtenu après prise en compte de
l’abattement de 10 % sur les salaires.
84
En résumé, le taux marginal dans le bas de la distribution pour une personne seule est
relativement heurté en raison de l’interaction complexe des différentes prestations et
impôts
(Graphique 30). Il ne suit ainsi, pour une personne seule, le barème de l’impôt sur le
revenu qu’à partir d’un niveau de vie net d’environ 25 000 euros par an.
Pour un couple
(Graphique 32 et Annexe 2)
, les événements qui marquent l’évolution du
taux marginal ne sont pas exactement identiques, du fait de la conjugalisation des
barèmes du RSA, des allocations logement, de la PPE, de la taxe d’habitation et de
l’impôt sur le revenu.
Le profil des taux marginaux est encore différent pour un couple avec trois enfants
(Graphique 32 et Annexe 2). En particulier,
la perte aux alentours d’un niveau de vie net
annuel de 16 000 euros des prestations familiales sous conditions de ressources
(l’Allocation de Rentrée Scolaire et le Complément Familial, spécifique aux familles de trois
enfants ou plus)
élève sensiblement les taux marginaux d’un couple avec trois enfants par
rapport à un couple sans enfant et à une personne seule.
En superposant ces courbes de taux marginaux et en considérant une plage de revenus plus
large, il est également possible de faire apparaître l’effet du quotient familial (Graphique 32).
Les familles de niveau de vie net annuel autour de 30 000 € (ce qui les situe dans le
neuvième décile) font face à un taux marginal plus bas que les personnes seules du fait
du quotient familial ; à l’inverse, les familles nombreuses très aisées, ayant un niveau de
vie net annuel supérieur à 55 000 €, font face à un taux marginal plus élevé
(
cf. infra
).
Le passage des tranches de l’impôt sur le revenu se fait plus tôt dans l’échelle des
niveaux de vie pour une personne seule par rapport à un couple sans enfant, et pour un
couple sans enfant par rapport à un couple avec trois enfants.
Cet effet est dû à un
nombre de parts retenues pour le calcul de l’impôt plus généreux pour les familles que
l’échelle des unités de consommation de l’Insee.
Toutefois, à partir d’un niveau de vie net d’environ 55 000 €, le couple avec trois enfants fait
face au taux marginal le plus élevé. Il atteint le plafonnement de l’abattement de 10 % sur les
salaires, puis passe à la dernière tranche d’imposition à 40 %. Le plafonnement de
l’abattement de 10 % sur les salaires est rencontré à un niveau de vie plus faible pour le
couple avec trois enfants que pour les autres structures familiales car ce plafond ne dépend
que du revenu, et non de la structure familiale. De même, le couple avec trois enfants atteint
la dernière tranche d’imposition à niveau de vie plus faible car le plafonnement de l’avantage
du quotient familial, attribué par demi-part fiscale, est atteint pour des niveaux de vie plus
faibles.
85
Graphique 32 : Taux marginaux selon la structure familiale
Lecture : Pour un revenu de 2,5 SMIC par unité de consommation, le taux marginal d’imposition d’un couple mono-actif
marié ou pacsé, sans enfant, locataire en zone géographique 2 et n’ayant que des revenus d’activité, est de 13 %. Pour une
personne seule, il est de 27 %.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité et les couples sont
mono-actifs.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Les effets de la structure familiale sur les taux marginaux d’imposition ne se limitent pas à
ceux liés à la composition à proprement parler (couple / famille monoparentale, nombre
d’enfants).
Le système socio-fiscal prend aussi en compte
:
•
l’âge des enfants
, à travers les majorations des allocations familiales, le complément
familial, l’allocation de rentrée scolaire, la prestation d’accueil du jeune enfant, les
crédits d’impôt pour frais de scolarité ;
•
le nombre d’individus actifs
dans le couple, à travers les plafonds de ressources pour
certaines prestations familiales (complément familial, prime de naissance et allocation
de base de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant), le barème de la prime pour
l’emploi, l’abattement pour bi-activité sur les ressources utilisées pour calculer les
allocations logement ;
•
et le statut de l’union des conjoints
pour un couple (mariés/pacsés ou concubins), à
travers l’impôt sur le revenu.
Les gains financiers à la reprise d’activité
Les taux marginaux, s’ils aident à comprendre les incitations en termes d’effort de travail, ne
permettent pas d’appréhender les choix en termes de participation au marché du travail. Ces
choix interviennent en particulier pour les ménages de niveaux de vie les plus faibles. Les
86
gains financiers au retour à l’emploi, mesurés par la différence entre le revenu disponible
correspondant à un certain temps de travail et le revenu disponible en cas d’inactivité,
complètent donc la vision précédente.
Les gains financiers au retour à l’emploi sont positifs et croissants. Ils varient
relativement peu en fonction de la structure familiale
, aussi bien pour le choix de l’activité
d’un premier membre du ménage (Graphique 33), que pour la bi-activité dans le cas d’un
couple (Graphique 34).
Par conséquent, plus le ménage comporte de membres, plus les
gains en termes de niveau de vie du retour à l’emploi sont faibles.
Graphique 33 : Gains financiers à la reprise d’activité lorsqu’aucun membre du ménage
n’est actif
Lecture : Un couple sans actif où un des conjoints reprend une activité rémunérée au SMIC gagne 500 euros de revenu
disponible par mois.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité et le gain financier
représente la différence de revenu entre le cas où un membre du ménage travaille et le cas où aucun membre du ménage ne
travaille.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Seul le parent isolé avec 3 enfants se démarque en ayant un gain à la reprise d’activité plus
important. En plus du salaire, une partie du gain financier à la reprise d’activité provient du
RSA « activité » et de la PPE. Ce gain est en partie compensé par la perte de certaines
prestations, par exemple le RSA « socle » et les allocations logement. Comme les prestations
familiales représentent une part importante des ressources prises en compte pour le calcul du
RSA, les montants de RSA « activité » seront plus faibles que pour les autres structures
familiales (les prestations familiales se substituent au RSA « activité »). Dès lors, une famille
monoparentale avec trois enfants bénéficie d’un complément de PPE, alors que pour les autres
structures familiales, le montant de RSA « activité » versé s’impute sur la PPE.
87
Graphique 34 : Gains financiers à la bi-activité
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité et le gain financier
représente la différence de revenu entre le cas où deux membres du ménage travaillent et le cas où un seul membre du
ménage travaille. Le premier membre du ménage est supposé être rémunéré au Smic.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
*
*
*
La redistribution entre structures familiales s’effectue des couples sans enfant et des
personnes seules sans enfant vers les familles nombreuses et les familles monoparentales. Ces
transferts s’effectuent essentiellement via les prestations, le mécanisme du quotient familial
semble donc avoir un rôle moindre. La redistribution horizontale ne saurait être déconnectée
de la redistribution verticale, les ménages qui bénéficient de la redistribution horizontale sont
également ceux dont le niveau de vie est le plus faible. Les incitations à l’effort économique,
mesurées en termes de taux marginaux diffèrent selon les structures familiales.
88
3.2. Le traitement différencié des types de revenus
S’intéresser à la nature des revenus se justifie à double titre : les catégories de revenus ne sont
pas identiquement réparties selon le niveau de vie des ménages et il existe des dispositifs de
prise en compte de ces revenus qui peuvent avoir des effets redistributifs.
i.
La structure du revenu dépend du niveau de vie
Dans l’ensemble, les revenus salariaux représentent la majorité (57 %) des revenus nets
(Tableau 18). Les retraites sont la deuxième source de revenu, avec près du quart des revenus
nets. Les revenus des travailleurs indépendants, les revenus des produits financiers exonérés
d’impôt sur le revenu (épargne régulée principalement) et, dans une moindre mesure, les
allocations chômage sont aussi des sources de revenu non négligeables.
Tableau 18 : Composition du revenu net par décile (en %)
Décile de
niveau de
vie net
Salaires
Chômage
Revenu
des
indépend
ants
Retraites
et rentes
viagères
Revenus
fonciers
Divers*
Revenus
des
capitaux
mobiliers
Gain de
levée
d’options
et plus-
values
Revenus
des
produits
financiers
exonérés
d’IR**
Total
1
51
16
8
18
-1
4
1
0
4
100
2
57
7
4
27
1
1
1
0
3
100
3
53
5
3
33
1
1
1
0
3
100
4
55
4
2
33
1
1
1
0
3
100
5
58
3
2
31
1
0
1
0
3
100
6
64
3
2
26
1
0
1
0
4
100
7
64
2
3
24
1
0
1
0
4
100
8
64
2
3
23
2
0
1
0
5
100
9
60
1
4
24
2
0
2
0
6
100
10
48
1
11
17
5
0
7
2
9
100
Ensemble
57
3
6
24
2
0
2
1
5
100
* « Divers » regroupe les revenus perçus à l’étranger, les pensions alimentaires versées et reçues, les revenus accessoires
(BIC non professionnels essentiellement), les plus-values mobilières et les gains de levée d’options.
** Le livret A, le Livret de Développement Durable, le Livret d’Épargne Populaire et le Livret Jeune sont exonérés d’impôts
sur le revenu et de prélèvements sociaux. Le Compte Épargne Logement, les intérêts des Plans Épargne Logement acquis
avant le 1er janvier 2006, les contrats d’assurance-vie ouverts avant 1998, les Plans Épargne Action de plus de 5 ans sont
exonérés d’impôt sur le revenu.
Lecture : Les revenus du cinquième décile sont constitués à 31 % de retraites et rentes viagères, contre 24 % dans l’ensemble
de la population.
Note : Les revenus surreprésentés par rapport à l’ensemble de la population sont colorés en vert.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Il existe cependant une forte variation selon le niveau de vie.
Ainsi, dans le premier décile,
les allocations chômage et les revenus des indépendants (essentiellement des agriculteurs)
représentent une part des revenus plus importante que dans l’ensemble de la population. Dans
le dernier décile, ce sont les revenus du patrimoine, quelle que soit leur nature (fonciers,
capitaux mobiliers, options et plus-values, produits financiers exonérés d’impôt sur le
revenu), ainsi que les revenus des travailleurs indépendants qui sont surreprésentés. Les
89
salaires et les retraites sont relativement plus présents dans le milieu de la distribution des
niveaux de vie.
Même si les revenus du patrimoine représentent une part relativement faible des
revenus du dernier décile, l’essentiel de ces revenus y est concentré
(Tableau 19) : 96 %
des gains de levée d’options et plus-values, 72 % des revenus des capitaux mobiliers et 59 %
des revenus fonciers sont perçus par les ménages du dernier décile. Les revenus des
travailleurs indépendants sont également assez concentrés dans le dernier décile.
Tableau 19 : Répartition du revenu net selon les déciles de niveaux de vie nets (en %)
Décile
de
niveau
de vie
net
Salaires
Chômage
Revenu des
indépendants
Retraites
et rentes
viagères
Revenus
fonciers
Divers
Revenus
des
capitaux
mobiliers
Gain de
levée
d’options
et plus-
values
Revenus
des
produits
financiers
exonérés
d’IR
1
1
9
2
1
0
83
0
-1
1
2
4
12
3
5
1
47
1
0
2
3
5
11
3
8
2
36
2
0
3
4
7
10
3
9
2
50
2
0
4
5
8
9
3
10
4
13
2
0
5
6
10
9
4
10
3
1
3
0
6
7
12
9
6
10
6
-32
4
1
8
8
14
10
7
12
8
-29
6
1
11
9
16
8
12
15
15
-5
9
2
16
10
23
12
57
20
59
-64
72
96
45
Total
100
100
100
100
100
100
100
100
100
Lecture : 23 % des salaires sont touchés par des ménages du dixième décile, contre 1 % pour le premier décile.
Note : La catégorie « divers » présente des pourcentages négatifs car elle contient, entre autres, les pensions versées, qui
sont comptées négativement.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
Néanmoins, une faible part de ménages a pour principale source des revenus issus de
leur patrimoine, même dans le dernier décile
(Tableau 20).
Plus de la moitié des ménages
perçoit essentiellement des salaires, un tiers des ménages touche principalement des
retraites.
Les ménages bénéficiant principalement de revenus de travailleurs indépendants
sont concentrés aux deux extrêmes de la distribution. Dans le premier décile, un quart de la
population touche principalement des revenus issus de l’épargne régulée, sans autre source
significative de revenu, les prestations n’étant pas considérées ici.
90
Tableau 20 : Répartition des ménages par revenu principal et par décile de niveau de vie
net (en %)
Décile de
niveau de
vie net
Salaires
Chômage
Revenu
des
indépend
ants
Retraites
et rentes
viagères
Revenus
fonciers
Divers
Revenus
des
capitaux
mobiliers
Gain de
levée
d’options
et plus-
values
Revenus
des
produits
financiers
exonérés
d’IR
Total
1
33
13
5
16
1
5
1
0
26
100
2
52
7
4
35
1
1
0
0
0
100
3
49
4
3
43
0
1
0
0
0
100
4
52
1
2
43
0
1
0
0
0
100
5
56
1
2
39
1
0
0
0
0
100
6
63
1
2
33
0
0
0
0
0
100
7
64
1
3
30
1
0
0
0
0
100
8
64
1
3
29
1
0
0
0
1
100
9
62
1
4
30
1
0
0
0
1
100
10
54
1
10
24
4
0
2
1
4
100
Ensemble
55
3
4
32
1
1
0
0
3
100
Lecture : Dans le premier décile, 16 % des ménages ont pour principale source de revenu les retraites et pensions viagères,
contre 32 % dans l’ensemble de la population.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La taxation différenciée des types de revenu relève à la fois de la redistribution et de
l’efficacité.
Puisque la structure du revenu diffère suivant le niveau de vie, une taxation
différenciée des revenus peut répondre à une problématique de redistribution. Cependant, le
cadrage théorique effectué au début de ce rapport souligne que la charge fiscale doit aussi
dépendre des considérations d’efficacité propres à chaque type de revenus. En effet, la
taxation des revenus d’activité a pour conséquence de diminuer l’« effort » de travail et la
taxation des revenus du patrimoine peut quant à elle modifier les comportements
d’accumulation du patrimoine : tout comme la taxation des hauts revenus salariés, elle
s’insère dans un contexte où la prise en compte de la compétitivité fiscale ne peut être éludée.
Du point de vue de l’efficacité, la taxation des retraites et, dans une moindre mesure, des
revenus du chômage pose
a priori
moins de problèmes incitatifs. Du point de vue de la
redistribution, les revenus du chômage étant concentrés dans le bas de la distribution des
revenus, leur taxation jouerait peu (Tableau 18). Pour les retraites, réparties de manière plus
homogène dans la distribution des niveaux de vie, leur imposition progressive pourrait, en
revanche, permettre de redistribuer, sans nuire à l’objectif d’efficacité.
ii.
La catégorie de revenus la plus imposée change suivant le niveau de vie
considéré
En pratique, les catégories de revenus sont effectivement traitées différemment.
Concernant les prestations, seul le barème du RSA distingue les revenus d’activité (salariés et
travailleurs indépendants) des autres types de revenus. Les revenus d’activité donnent droit au
RSA « activité » : chaque euro de revenu d’activité se traduit par une baisse de 38 centimes
91
du RSA englobant. Pour les autres revenus en revanche, chaque euro supplémentaire de
revenu se traduit par une baisse correspondante de la prestation.
Concernant
les
prélèvements,
les
cotisations
sociales
non
contributives
affectent
principalement les revenus d’activité, mais aussi les revenus du patrimoine. Les revenus de
remplacement ne sont pas concernés (
cf.
partie 2).
La CSG s’applique à l’ensemble des revenus (activité, remplacement et patrimoine), mais à
des taux différents selon la nature des revenus (Tableau 1, partie 1). Le taux de CSG sur les
revenus du patrimoine est supérieur à celui sur les revenus d’activité, lui-même supérieur au
taux sur les revenus de remplacement. Il existe par ailleurs, pour les revenus de
remplacement, des taux réduits pour les ménages modestes.
Enfin, l’impôt sur le revenu est assis sur la distinction de revenus « catégoriels » donnant droit
à des abattements, mais aussi à des taux d’imposition différents
41
:
•
Les revenus salariaux sont taxés au barème de l’impôt sur le revenu après un
abattement de 10 % pour frais professionnels. Cet abattement a un montant minimum
ainsi qu’un plafond
42
. Les contribuables peuvent opter, à la place de l’abattement, pour
une déclaration réelle de leurs frais professionnels
43
.
•
Les revenus du chômage sont également taxés au barème de l’impôt sur le revenu et
bénéficient d’un abattement de 10%, dont le plancher diffère de celui des revenus
salariaux pour les personnes inscrites depuis plus d’un an comme demandeur
d’emploi
44
.
•
Les retraites sont aussi soumises au barème de l’impôt sur le revenu et à un abattement
de 10 %, dont les plafond et plancher diffèrent de ceux des revenus salariaux et des
revenus du chômage
45
. Les personnes âgées de plus de 65 ans peuvent également
bénéficier d’un abattement spécial sur le revenu global sous condition de revenu
46
.
•
Les revenus d’indépendants sont répartis entre bénéfices industriels et commerciaux
(BIC, activités industrielle, commerciale ou artisanale), bénéfices non commerciaux
(BNC, professions libérales, revenus de la propriété intellectuelle, …) et bénéfices
agricoles (BA). La base d’imposition est le bénéfice tiré de l’activité, sauf pour les
petites entreprises qui peuvent bénéficier d’un régime simplifié ou d’un régime
forfaitaire.
•
Les revenus fonciers sont taxés au barème de l’impôt sur le revenu. Sous le régime
normal, les revenus déclarés sont nets des charges liées aux biens dont sont issus les
41
Le rapport particulier de Michaël Fribourg (IGF) donne plus de détails sur ce sujet. Seuls les éléments
principaux sont rappelés ici.
42
Sur les revenus de 2009, le montant minimal de l’abattement pour frais professionnels est de 415 € par
personne. Il est plafonné à 13 948 € par personne.
43
18 % des contribuables déclarant des revenus d’activité ont recours à la déclaration réelle de leurs frais.
44
Sur les revenus de 2009, le montant minimal de l’abattement pour les chômeurs de longue durée est de 910 €.
45
Sur les revenus de 2009, le montant minimal de l’abattement sur les pensions de retraite est de 368 € par
personne. Il est plafonné à 3 606 € par personne.
46
Sur les revenus de 2009, cet abattement est de 2 276 € si leur revenu n’excède pas 14 010 €. Il est réduit de
moitié si le revenu est compris entre 14 010 € et 22 590 €.
92
revenus. Pour les montants de revenus bruts de charges inférieurs à 15 000 euros, le
régime « micro-foncier » constitue le régime de droit commun avec option possible
pour le régime normal. Le contribuable déclare alors ses recettes brutes et un
abattement de 30 % est appliqué ensuite pour prendre en compte les charges.
•
Les revenus des capitaux mobiliers sont soit soumis au barème de l’impôt sur le
revenu, soit soumis au prélèvement forfaitaire libératoire (PFL). Pour les livrets
d’épargne bancaires, les obligations, les SICAV, les FCP, les bons du Trésor et les
dividendes d’actions, le taux du PFL hors prélèvements sociaux est de 18 %
47
. Pour
les intérêts des contrats d’assurance-vie, le taux du PFL décroît avec la durée de
détention : il est de 35% pour les contrats de moins de 4 ans, de 15 % pour les contrats
détenus entre 4 et 8 ans et de 7,5 % au-delà. Les produits de placement à revenu
variable (dividendes, revenus d’actions et parts sociales par exemple, mais pas les
obligations) bénéficient d’un abattement de 40 % et d’un abattement forfaitaire
lorsqu’ils sont taxés au barème de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, ils bénéficient
également d’un crédit d’impôt plafonné de 50 % des sommes déclarées
48
. Au total,
seuls les contribuables les plus aisés, ceux qui ont le taux marginal au barème le plus
élevé, ont intérêt à opter pour l’imposition des revenus des capitaux mobiliers au
prélèvement libératoire. À titre d’exemple, pour une personne seule percevant 100 000
€ de salaires, le choix de l’imposition au PFL est avantageux pour des dividendes
perçus supérieurs à 12 000 €.
Puisque les catégories de revenus sont inégalement assujetties aux cotisations sociales non
contributives et à la CSG, dans la suite de cette partie,
une définition plus large du système
socio-fiscal est retenue : sont considérés tous les prélèvements et toutes les prestations
intervenant entre le niveau de vie initial et le niveau de vie disponible
(Graphique 6).
Pour les niveaux de vie initiaux les plus faibles, les taux marginaux et moyens sur les
salaires sont inférieurs à ceux pesant sur les autres types de revenus, sous l’effet du RSA
« activité »
(Graphique 35 et Graphique 36). En effet, chaque euro supplémentaire de revenu
d’activité initial se traduit par une baisse moindre du RSA englobant. En revanche, pour les
revenus du chômage et des retraites, les minima sociaux (RSA « socle » pour le chômage,
ASPA pour les retraites) décroissent d’un euro pour chaque euro de revenu net
supplémentaire. De plus, les revenus du chômage et des retraites deviennent progressivement
soumis à la CSG et à la CRDS, ce qui crée des taux marginaux localement supérieurs à
100 %.
Pour des niveaux de vie initiaux entre 10 000 et 20 000 € par an (entre le deuxième et le
quatrième décile)
,
le taux marginal est très fluctuant pour les revenus des chômages et
des retraites
. Ceci provient de la séquence exonération de charges sociales / passage au taux
réduit / passage au taux plein sur les revenus de remplacement, ce qui a de plus pour
conséquence d’affecter l’impôt sur le revenu. Mais le taux marginal est globalement plus
47
Le taux est fixé à 19% à compter des impôts payés en 2011 (PLF 2011).
48
Ce crédit d’impôt est supprimé en 2011.
93
élevé sur les salaires, sous l’effet conjugué de la diminution des allègements de cotisations
sociales et de la décroissance de la PPE.
Graphique 35 : Taux moyen d’imposition suivant le type de revenu – Cas d’une personne
seule
Lecture : Pour un niveau de vie initial annuel de 30 000 euros, le taux moyen d’imposition (comprenant l’impôt sur le
revenu, la CSG et les cotisations non contributives) est de 25 % pour une personne seule ne percevant que des revenus
fonciers.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les ménages ne perçoivent qu’un seul type de revenu. Le
chômeur est supposé être sans emploi depuis un an et éligible à l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) à taux plein.
Le retraité est supposé avoir plus de 65 ans. Les revenus des obligations ont été retenus pour représenter l’imposition des
revenus des capitaux mobiliers (
cf.
supra
). La courbe du taux moyen d’imposition du chômage est tronquée du fait du
plafonnement de l’ARE.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Pour des niveaux de vie plus importants
, pour lesquels les prestations ont disparu et les
ménages sont dans la troisième tranche d’imposition sur le revenu,
le taux moyen est
supérieur pour les salaires par rapport aux autres catégories de revenus,
principalement
sous l’effet des cotisations sociales, mais également de l’existence du PFL pour les revenus de
capitaux mobiliers, plus avantageux que le barème à partir d’un certain seuil.
Si les graphiques précédents permettent d’illustrer le traitement différencié des catégories de
revenus en termes de taux moyens et marginaux d’un ménage qui ne percevrait qu’un seul
type de revenu, en réalité, la plupart des ménages perçoivent plusieurs types de revenus. Pour
cette raison, il est complémentaire d’étudier les taux marginaux moyens propres à chaque type
de revenus pour un échantillon représentatif de la population française.
94
Graphique 36 : Taux marginal d’imposition suivant le type de revenu – Cas d’une personne
seule
Lecture : Pour un niveau de vie initial annuel de 30 000 euros, le taux marginal d’imposition (comprenant l’impôt sur le
revenu, la CSG et les cotisations non contributives) est de 30 % pour une personne seule ne percevant que des revenus
fonciers.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les ménages ne perçoivent qu’un seul type de revenu. Le
chômeur est supposé être sans emploi depuis un an et éligible à l’ARE à taux plein. Le retraité est supposé avoir plus de 65
ans. Les revenus des obligations ont été retenus pour représenter l’imposition des revenus des capitaux mobiliers (
cf.
supra
).
La courbe du taux moyen d’imposition du chômage est tronquée du fait du plafonnement de l’ARE.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Dans le bas de la distribution des niveaux de vie, les taux marginaux sur les revenus des
capitaux mobiliers et les taux marginaux sur les retraites sont légèrement supérieurs au
taux marginal sur les salaires
(Graphique 37), du fait de l’augmentation progressive des
charges sociales sur ces revenus.
Dans le haut de la distribution, les salaires font face au taux marginal le plus élevé,
principalement du fait des cotisations sociales
(Graphique 37). À l’inverse,
les revenus des
capitaux mobiliers font face au taux marginal le plus faible
, sous l’effet du prélèvement
forfaitaire libératoire, mais aussi des abattements et du crédit d’impôt si les ménages optent
pour la taxation au barème. Globalement, le constat obtenu avec des cas-types sur des
ménages ne percevant qu’un seul type de revenu est conservé sur un échantillon de ménages
représentatif de la population française. La différence entre taux marginaux s’avère même
plus marquée.
95
Graphique 37 : Taux marginal d’imposition suivant la catégorie de revenus
Note : Voir l’annexe 1 pour le calcul des taux marginaux.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
La courbe des taux marginaux, notamment sur les salaires et sur l’ensemble des
revenus, semble bien suivre une courbe « en U »
, comme celle préconisée par certains
travaux académiques recensés dans la partie 1.
La progressivité globale du système socio-fiscal est limitée par les taux marginaux plus
faibles sur les revenus des capitaux mobiliers et les revenus fonciers dans le haut de la
distribution.
En effet, la remontée des taux marginaux sur les salaires à partir d’un certain
niveau de revenu est compensée par la part croissante des revenus du patrimoine (foncier et
capitaux mobiliers) et par le fait que ces revenus ont un taux marginal de taxation plus bas. En
raison de cet effet de composition, la progressivité des taux marginaux sur l’ensemble des
revenus est plus faible que la progressivité associée à chacun des principaux revenus
catégoriels.
L’impact du prélèvement forfaitaire libératoire est cependant limité sur la taxation dans
la gamme de revenus considérée
(Graphique 38).
Si les revenus des capitaux mobiliers
déclarés au PFL étaient soumis au barème, le taux marginal sur les revenus des capitaux
mobiliers serait supérieur de 4 points de pourcentage, en moyenne pour les niveaux de vie
supérieurs à 20 000 euros par an. L’impact sur le taux marginal de l’ensemble des revenus,
ainsi que sur les taux moyens des revenus des capitaux mobiliers, comme de l’ensemble des
revenus, est négligeable.
96
Graphique 38 : Impact sur les taux marginaux du prélèvement forfaitaire libératoire
Lecture : Voir l’annexe 1 pour le calcul des taux marginaux. Les courbes « avec PFL » correspondent à la législation 2009,
soit 18 % pour les revenus déclarés à l’impôt sur le revenu, sauf pour les produits d’assurance-vie de plus de 8 ans pour
lesquels le taux est de 7,5 %. Les courbes « sans PFL » correspondent aux taux marginaux calculés lorsque les revenus
soumis au PFL et déclarés à l’imposition sur le revenu sont pris en compte dans le calcul de l’impôt sur barème.
Champ : Ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : Modèle de micro-simulation Saphir, législation 2009, DG Trésor.
97
Annexe 1 : Méthode de calcul des taux marginaux
Les taux marginaux sont appliqués en augmentant tous les revenus considérés de 5 %
49
, puis
en recalculant l’ensemble des prestations et des impôts dans le modèle de micro-simulation
Saphir avec ces nouveaux revenus, et enfin en rapportant l’augmentation de la contribution
totale au système socio-fiscal à l’augmentation de revenu net.
Pour les taux marginaux sur l’ensemble des revenus, tous les revenus et déficits déclarés à
l’impôt sur le revenu, ainsi que les revenus des produits financiers non imposables (imputés
dans l’ERFS,
cf.
Encadré 3) sont augmentés de 5 %.
Pour les retraites, les revenus pris en compte sont les « pensions, retraites et rentes » déclarées
par l’ensemble des membres du ménage.
Pour les revenus des capitaux mobiliers, les revenus pris en compte sont l’ensemble des
revenus déclarés dans le cadre 2 de la déclaration des revenus, à l’exception des crédits
d’impôts.
Les taux marginaux et les taux moyens par tranche de niveau de vie net sont agrégés en
effectuant une moyenne pondérée par la part du ménage dans le revenu dont il est question au
sein de la tranche de niveau de vie.
49
Une augmentation des revenus de 1 % donnait des montants de revenus supplémentaires trop faibles et des
taux marginaux assez volatiles car très locaux.
98
Annexe 2 : Taux marginaux d’imposition sur cas-types
Dans le cas d’une personne seule sans enfant (Graphique 30), explication de l’interaction
entre RSA, Allocations logement et PPE
Tout d’abord, entre 11 000 et 12 000 euros de niveau de vie net annuel, le montant de PPE
auquel la personne a droit est supérieur au RSA « activité » qu’il a perçu l’année précédente.
Ainsi, chaque euro supplémentaire de revenu d’activité se traduit par 38 centimes d’euros de
RSA « activité » en moins (l’année en cours, mais aussi l’année précédente), aussitôt
compensé par un surplus de PPE de 38 centimes d’euros. Le taux marginal d’imposition dû au
RSA est donc annulé par la PPE. Mais dans le même temps, avec l’augmentation du revenu
d’activité, le montant de PPE croît. Le taux marginal est alors la résultante de la baisse des
allocations logement, compensée en partie par la croissance de la PPE.
Entre 12 000 et 13 000 euros, le montant des allocations logement devient inférieur à 55
euros, montant qui correspond au forfait logement pour une personne seule. Le forfait
logement est retenu dans les ressources prises en compte pour le calcul du RSA lorsque le
ménage perçoit des allocations logement supérieures à ce forfait ou n’est pas éligible aux
allocations logement. En revanche, quand les allocations logement perçues sont inférieures au
forfait, c’est le montant réel des allocations qui est retenu. Par conséquent, dans cette zone, la
baisse des allocations logement se traduit par une baisse correspondante dans les ressources
retenues pour le calcul du RSA. L’interaction entre les deux dispositifs a pour conséquence
d’annuler le taux marginal dû aux allocations logement. Le taux marginal est alors dû au RSA
« activité », mais diminué de l’effet de la croissance de la PPE, et augmenté de l’imposition
sur le revenu.
Couple sans enfant
Zone 1
: Pour un couple sans revenus nets, le revenu disponible mensuel est composé de RSA
« socle » et d’allocations logement (Graphique 40). Dans la zone 1, comme pour le cas de la
personne seule (graphique TMI seul), pour chaque euro de revenu d’activité supplémentaire,
le RSA « socle » baisse d’un euro, cette baisse est compensée par une augmentation de 62
centimes d’euros du RSA « activité », tandis que les allocations logement restent à leur
montant maximum. Le taux marginal d’imposition est donc dans cette zone de 38 %. La fin
de la zone 1 est délimitée par la sortie du RSA « socle », qui est concomitante au début de la
baisse des allocations logement (Graphique 40).
Zone 2
: Le taux marginal est la résultante de la baisse du RSA, de la décroissance des
allocations logements, et, à partir de 6 000 euros de niveau net annuel, de l’apparition de la
taxe d’habitation. Comme pour la personne seule, la décroissance des allocations logement est
hachée. La taxe d’habitation contribue au taux marginal car, lorsque le revenu augmente, les
dégrèvements, qui sont proportionnels au revenu, diminuent. Ainsi, le montant de taxe
d’habitation augmente avec les revenus.
99
Graphique 39 : Taux marginal d’imposition d’un couple mono-actif sans enfant
Lecture : Entre 0 et 4 000 euros de niveau de vie net annuel, le taux marginal d’imposition d’un couple est de 38 %.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité et le couple est mono-
actif.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 3
: Le début de la zone 3 est marqué par un montant d’allocations logement qui passe
sous le seuil des 110 euros par mois. Ce seuil correspond au forfait logement pour un ménage
de deux personnes. Le forfait logement est retenu dans les ressources prises en compte dans le
calcul du RSA lorsque le ménage touche un montant d’allocations logement supérieur au
forfait ou lorsque le ménage n’est pas éligible aux allocations logement. En revanche, lorsque
le ménage perçoit un montant d’allocations logement inférieur au forfait, c’est le montant
d’allocations logement qui entre dans le calcul des ressources prises en compte pour le calcul
du RSA. Ainsi, lorsque le montant d’allocations logement est inférieur au forfait logement,
chaque euro d’allocations logement en moins se traduit par un euro de RSA en plus. Le taux
marginal dû à la décroissance des allocations logement est donc neutralisé par le RSA, jusqu’à
ce que les allocations logement deviennent nulles.
Le taux marginal dans la zone 3 est alors dû à la pente du RSA « activité », soit 38 %, auquel
il faut rajouter le taux marginal résultant de la croissance de la taxe d’habitation.
Zone 4
: L’entrée dans la zone 4 correspond au moment où le ménage devient imposable à
l’IR. Le taux marginal de la première tranche d’imposition est de 5,5 %, mais le mécanisme
de la décote porte ce taux marginal à 8 %. Le taux marginal de l’impôt sur le revenu s’ajoute à
celui qui prévalait dans la zone 3 (pente du RSA et hausse de la taxe d’habitation). La zone 4
se termine lorsque le ménage ne perçoit plus de RSA.
100
Graphique 40 : Composition du revenu disponible d’un couple mono-actif sans enfant
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité. Les montants des
prestations (et impôts) sont exprimés en termes mensuels pour faciliter la comparaison aux barèmes.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 5
: Puisque le ménage ne perçoit plus de RSA, le taux marginal est dû à l’impôt sur le
revenu (toujours à hauteur de 8 %) et à la hausse de la taxe d’habitation. De plus, puisque le
ménage ne perçoit pas de RSA, il perçoit un faible montant de PPE (83 euros par an) qui
correspond à la prime de mono-activité. Le passage de la zone 5 à la zone 6 se fait en deux
temps. Le taux marginal augmente ponctuellement dans un premier temps du fait de la perte
de la PPE (prime de mono-activité), puis plus durablement suite au passage dans la deuxième
tranche de l’impôt sur le revenu.
Zone 6
: Le taux marginal dans cette zone est dû à l’impôt sur le revenu à hauteur de 20 % : le
taux marginal de la deuxième tranche est de 14 %, auquel il faut ajouter le mécanisme de
décote ; mais aussi à la taxe d’habitation pour 3 %. La sortie de la zone 6 correspond à la fin
de la décote.
Zone 7
: Le taux marginal d’imposition est alors de 16 % : 13 % venant de l’impôt sur le
revenu
50
et 3 % venant de la taxe d’habitation. La fin de la zone 7 est marquée par le seuil de
dégrèvement de la taxe d’habitation. Au-delà de ce seuil, les ménages s’acquittent de la
50
Le taux de la deuxième tranche est de 14 %, mais il faut prendre en compte l’abattement de 10 % sur les
salaires.
101
totalité de leur taxe d’habitation. Le passage du seuil crée une hausse ponctuelle du taux
marginal.
Zone 8
: Le taux marginal est entièrement dû à la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu.
Couple avec trois enfants
Graphique 41 : Taux marginal d’imposition d’un couple mono-actif avec trois enfants
Lecture : Le taux marginal d’imposition entre 0 et 3 000 euros de niveau de vie net annuel est de 38 %.
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité et le couple est mono-
actif.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 1
: Dans cette zone, le taux marginal est entièrement dû à la pente du RSA, qui impose
un taux marginal de 38 %. Le RSA « socle » disparaît pour cette configuration familiale avant
le début de la baisse des allocations logements, qui marque l’entrée dans la zone 2.
Zone 2
: Le taux marginal est dû à la décroissance du RSA et des allocations logements
simultanément. La fin de cette zone coïncide avec la sortie du RSA, qui donne lieu à la
perception de la prime pour mono-activité de la PPE, et avec le début du paiement de la taxe
d’habitation.
102
Graphique 42 : Composition du revenu disponible d’un couple mono-actif avec trois
enfants
Note : Voir l’Encadré 3 pour une description des hypothèses. Les revenus proviennent d’une activité. Les montants des
prestations (et impôts) sont exprimés en termes mensuels pour faciliter la comparaison aux barèmes.
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Zone 3
: Le taux marginal dans la zone 3 est dû à la baisse des allocations logements et à
l’augmentation des montants de taxe d’habitation. Le taux marginal est légèrement supérieur
aux alentours d’un niveau de vie net annuel de 11 000 euros du fait de la perte de la prime
pour mono-activité de la PPE. Enfin, la fin de la zone 3 est marquée par la perte des
allocations logement. L’existence d’un seuil de perception occasionne une décroissance
brusque des montants d’allocations logement, occasionnant un pic dans le taux marginal.
Zone 4
: Dans la zone 4, le taux marginal vient de l’augmentation des montants de taxe
d’habitation et de l’impôt sur le revenu. Le taux marginal dû à l’impôt sur le revenu est de
8 % : le ménage est dans la première tranche à 5,5 %, mais le mécanisme de décote augmente
ce taux. Le taux marginal baisse à la fin de la zone 4 car la taxe d’habitation cesse
d’augmenter, le seuil de dégrèvement étant atteint.
Zone 5
: Le taux marginal dans la zone 5 est dû pour 8 % à l’impôt sur le revenu. Mais la zone
5 est surtout marquée par la perte des prestations familiales sous conditions de ressources qui
occasionnent des taux marginaux très élevés. La fin de la zone 5 coïncide avec la fin de la
décote.
Zone 6
: Par conséquent, dans la zone 6, le taux marginal se réduit à celui de la première
tranche de l’impôt sur le revenu, après abattement de 10 % sur les salaires, soit 5 %.
103
Zone 7
: Le ménage est maintenant soumis à la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu,
soit après abattement de 10 % sur les salaires, un taux marginal de 13 %.
104
Annexe 3 : Imputation de la TVA, de la TIPP et des droits d’accises dans le
modèle de micro-simulation Saphir
Le modèle de micro-simulation Saphir est basé sur l’ERFS (Enquête Revenus fiscaux et
sociaux, Insee) qui ne contient aucun renseignement sur la consommation des ménages. Par
conséquent, il est impossible de recalculer sur barème les montants de Taxe sur la Valeur
Ajoutée (TVA), de Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) et de droits d’accise (sur
les tabacs et alcools) payés.
Ces montants doivent donc être imputés. Une information sur la structure de la consommation
des ménages est fournie par l’enquête Budget des Familles
51
2006 de l’Insee qui fournit une
décomposition de la consommation des familles suivant plusieurs postes de consommation
pendant une période de référence sur l’année 2006. En actualisant la structure de la
consommation de ces ménages en 2009 et à partir de la fiscalité indirecte prévalant en 2009, il
est possible de recalculer sur barème des montants d’impôts indirects pour ces ménages
correspondant à l’année 2009.
Néanmoins, les ménages de l’enquête Budget des Familles (BdF) et de l’ERFS ne sont pas les
mêmes. Pour imputer des montants d’impôts indirects aux ménages de l’ERFS à partir de
l’information fournie par l’enquête budget des familles, la méthode du
hot-deck
probabiliste
52
est utilisée. Pour chaque ménage de l’ERFS, les ménages de l’enquête BdF ayant la même
composition familiale (personne seule ou couple, avec ou sans enfant, ménage complexe) et la
même catégorie socioprofessionnelle (pour la personne de référence) sont sélectionnés. Parmi
ces ménages, ceux qui ont soit le même nombre d’enfants, soit la même classe d’âge (pour la
personne de référence), soit la même zone de résidence sont retenus. Parmi les ménages
retenus, un tirage aléatoire prenant en compte le revenu permet d’associer au ménage de
l’ERFS un seul ménage de l’enquête BdF. Le montant d’impôt indirect du ménage de
l’enquête BdF est ensuite imputé au ménage de l’ERFS.
51
La méthodologie de l'enquête Budget de famille 2006 / BdF 2006 (Note méthodologique de l’Insee,
05/11/2007).
52
Fusion et greffes de données, Gilbert Saporta et Nicolas Fisher.
105
Annexe 4 : Imputation de l’ISF dans le modèle de micro-simulation Saphir
Le modèle de micro-simulation Saphir est basé sur l’ERFS (Enquête Revenus fiscaux et
sociaux, Insee) qui ne contient aucun renseignement sur le patrimoine des ménages
53
. Par
conséquent, il est impossible de recalculer sur barème les montants d’ISF. Il est nécessaire
d’avoir recours à une imputation en se basant sur certaines caractéristiques des
foyers
fiscaux
54
;
les données manquantes sont alors remplacées à l’aide des règles de décision
présentées
infra
.
Ne disposant pas des données individuelles sur les redevables à l’ISF, l’imputation des
montants d’ISF dans le modèle de micro-simulation Saphir a été effectuée à partir de données
agrégées fournies par la DGFiP. Ces données contiennent, pour l’ISF versé en 2009, le
nombre de redevables, le montant moyen de l’ISF par redevable et l’écart-type de ce montant
moyen selon plusieurs ventilations :
•
par centile de revenu net dans la distribution des foyers fiscaux redevables de l’ISF ;
•
par vingtile de revenu net dans la distribution des foyers fiscaux redevables de l’ISF et
par structure familiale (couple ou personne seule, ainsi que le nombre d’enfants) ;
•
par vingtile de revenu net dans la distribution des foyers fiscaux redevables de l’ISF et
par source de revenu principal (voir Tableau 20 pour la définition des revenus
principaux) ;
•
par quintile de revenus des capitaux mobiliers, quintile de revenus fonciers et quintile
de gains de levée d’options et plus-values dans la distribution des foyers fiscaux
redevables de l’ISF.
Les variables de revenu et de structure familiale peuvent être construites de la même façon
dans les données de la DGFiP et dans l’ERFS. Chaque ventilation permet de définir des
cellules, chaque foyer fiscal appartenant alors à une cellule et une seule. Pour chacune des
ventilations précédentes, à partir du nombre de redevables fourni par la DGFiP et du nombre
de foyers fiscaux dans chacune des cellules, il est ainsi possible de calculer la proportion de
foyers fiscaux redevables de l’ISF en 2009 par cellule. Pour déterminer les foyers fiscaux
imposés à l’ISF, cette proportion est assimilée à la probabilité qu’un foyer fiscal soit soumis à
l’ISF, étant donné ses caractéristiques.
Quatre jeux de probabilités d’être soumis à l’ISF (un par ventilation) sont donc obtenus ainsi.
La moyenne de ces quatre probabilités est ensuite utilisée pour déterminer aléatoirement quels
sont les foyers fiscaux redevables
55
.
53
L’enquête fournit néanmoins des indications sur les revenus du patrimoine, certains étant déclaré à l’impôt sur
le revenu, d’autres imputés à partir de l’enquête Patrimoine.
54
L’unité de taxation à l’ISF n’est pourtant pas le foyer fiscal, les concubins étant imposés conjointement, mais
la méthode utilisée nécessite un appariement entre les données ISF et les données d’impôt sur le revenu. Cet
appariement n’est possible qu’au niveau foyer fiscal.
55
D’autres pondérations de ces probabilités ont été essayées, notamment la variance des nombres de redevables
qui renseigne sur le pouvoir explicatif de chacune des ventilations. Les résultats sont assez proches.
106
Une fois les foyers fiscaux redevables déterminés, il s’agit d’imputer les montants d’ISF
acquittés. Pour chaque ventilation, chaque foyer fiscal peut se voir associer le montant moyen
d’ISF de sa cellule et l’écart-type correspondant. Un montant d’ISF est alors obtenu par le
tirage aléatoire pour chaque foyer fiscal dans une loi log-normale dont la moyenne et l’écart-
type sont issus des données de la DGFiP. Pour chaque foyer fiscal redevable de l’ISF, quatre
montants d’ISF sont ainsi obtenus et c’est leur moyenne qui est retenue
56
.
Chaque foyer fiscal s’est donc vu imputer un montant d’ISF (nul si le foyer fiscal n’est pas
redevable). Cette opération est effectuée 10 fois et le tirage médian en termes de montant total
d’ISF est retenu. Le montant d’ISF acquitté par un ménage est ensuite calculé comme la
somme des montants d’ISF acquittés par les foyers fiscaux du ménage et le résultat est
introduit dans le modèle de micro-simulation Saphir.
56
De la même façon, d’autres pondérations des montants ont été essayées.
CONSEIL DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
Rapport sur
PROGRESSIVITE ET REDISTRIBUTIVITE DES
PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX REPOSANT
SUR LES MENAGES
Aurélie LORRAIN-ITTY
Inspectrice des Affaires Sociales
Ce rapport est établi sous la seule responsabilité de son auteur.
Sommaire
SOMMAIRE
........................................................................................................................................
3
RESUME
..............................................................................................................................................
7
INTRODUCTION
...............................................................................................................................
9
CHAPITRE
1 :
OBJECTIFS
ET
CARACTERISTIQUES
DES
PRELEVEMENTS
OBLIGATOIRES SOCIAUX REPOSANT SUR
LES MENAGES
............................................
11
I. CHAMP DE L’ETUDE ET OBJECTIFS ASSIGNES AUX PRELEVEMENTS SOCIAUX11
1.
L
E
CHAMP
DE
L
’
ETUDE
INTEGRE
LES
PRELEVEMENTS
OBLIGATOIRES
SOCIAUX
,
LA
REDISTRIBUTION HORIZONTALE
,
INTRAGENERATIONNELLE ET VERTICALE
,
ET LES DEPENSES
SOCIALES
...........................................................................................................................................
11
1.1.
Le champ des prélèvements obligatoires sociaux
................................................................
11
1.2.
Prélèvements contributifs et non-contributifs
......................................................................
13
1.3.
Distinction entre cotisations salariales et patronales
.........................................................
17
1.4.
Redistribution verticale, horizontale et intragénérationnelle
..............................................
19
1.5.
Prestations sociales
.............................................................................................................
19
2.
B
ENEFICIAIRES DIRECTS DES DEPENSES DE PROTECTION SOCIALE
,
LES MENAGES EN SONT LES
PRINCIPAUX FINANCEURS
.................................................................................................................
19
2.1.
Les ménages devancent désormais les entreprises dans le financement de la protection
sociale
..........................................................................................................................................
19
2.2.
Sur longue période, les cotisations salariales ont davantage supporté l’augmentation des
dépenses que les cotisations patronales
......................................................................................
20
3.
L
ES
PRELEVEMENTS
SOCIAUX
S
’
INSCRIVENT
EN
MAJORITE
DANS
UNE
LOGIQUE
ASSURANTIELLE DONT L
’
OBJECTIF PREMIER RESTE LA RECHERCHE DE L
’
EQUILIBRE FINANCIER
...21
3.1.
Les deux tiers des prélèvements sociaux sont le fruit de l’histoire de la protection sociale,
fondée sur une couverture assurantielle des risques sociaux plus que sur la redistribution
......
21
3.2.
D’autres prélèvements sociaux se sont développés depuis les années 1990 et poursuivent
davantage un objectif de solidarité
.............................................................................................
22
II. ETAT DES LIEUX PAR TYPE D’ASSIETTE DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
SOCIAUX REPOSANT
SUR LES MENAGES
............................................................................
25
1.
L
ES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES REVENUS D
’
ACTIVITE RESTENT
PREDOMINANTS
.................................................................................................................................
26
1.1.
Les cotisations sociales
........................................................................................................
26
1.2.
Les impôts et taxes : CSA, CSG et CRDS
............................................................................
30
2.
L
ES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX SUR LES REVENUS DE REMPLACEMENT DES
MENAGES
..........................................................................................................................................
33
2.1.
La CSG sur les revenus de remplacement
...........................................................................
33
2.2.
La CRDS sur les revenus de remplacement
.........................................................................
33
3.
L
ES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES REVENUS DU PATRIMOINE ET LES
PRODUITS DE PLACEMENT
.................................................................................................................
34
3.1.
La CSG sur les revenus des produits de placement
.............................................................
34
3.2.
La CSG sur les revenus du patrimoine
................................................................................
34
3.3.
La CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement
................................
35
3.4.
Le prélèvement social de 2%
...............................................................................................
35
3.5.
La contribution additionnelle de 1,1% pour financer le RSA
..............................................
35
3.6.
Les deux contributions additionnelles au prélèvement de 2%
.............................................
35
4.
L
ES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES SOMMES ENGAGEES OU LES
PRODUITS REALISES PAR LES MENAGES A L
’
OCCASION DES JEUX
....................................................
36
4.1.
La CSG sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion des jeux
...............
36
4.2.
La CRDS sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion des jeux
.............
36
5.
A
UTRES ASSIETTES
......................................................................................................................
36
5.1.
La cotisation CMU
..............................................................................................................
36
5.2.
La CRDS sur les ventes de métaux, d’objets précieux, de bijoux, d’objets d’art ou de
collection
.....................................................................................................................................
37
CHAPITRE 2 : PROGRESSIVITE ET REDISTRIBUTIVITE DES PRELEVEMENTS
SOCIAUX REPOSANT SUR LES MENAGES
.............................................................................
38
I. CONSIDEREES ISOLEMENT, LES COTISATIONS SALARIALES ET LA CSG ONT
PEU D’IMPACT SUR LA REDISTRIBUTION
............................................................................
38
1.
L
E CARACTERE CONTRIBUTIF DES COTISATIONS SOCIALES LIMITE LE RECOURS A LA
PROGRESSIVITE
.................................................................................................................................
38
1.1.
Les cotisations sociales sont volontairement proportionnelles, voire dégressives pour les
cotisations plafonnées
.................................................................................................................
38
1.2.
Les éléments de progressivité des cotisations sont principalement le fait des exonérations
de cotisations patronales
.............................................................................................................
40
1.3.
La validation des périodes de chômage dans les régimes AGIRC-ARRCO constitue un
exemple de redistribution de prélèvements contributifs
..............................................................
41
2.
L
A
CSG
COMPORTE DES EFFETS DIFFERENCIES SELON LA COMPOSANTE D
’
ASSIETTE
CONSIDEREE
......................................................................................................................................
42
2.1.
Bien que proportionnelle, la CSG a introduit de la progressivité au sein des prélèvements
sociaux en élargissant leur assiette à des revenus concentrés chez les ménages aisés
...............
43
2.2.
La création de la CSG a toutefois peu modifié la structure de l’assiette des prélèvements
sociaux, qui reste dominée par les revenus d’activité
.................................................................
45
2.3.
Parmi les différentes CSG, la CSG sur les revenus de remplacement est en partie
progressive mais comporte des effets de seuil qui peuvent pénaliser certains ménages
.............
48
2.4.
La CSG comporte une légère part de progressivité par le biais des exonérations ciblées
sur des ménages à faibles revenus
...............................................................................................
52
2.5.
La CSG déductible a un impact sur l’IR en réduisant son assiette mais permet d’éviter
une double imposition des ménages redevables de l’IR
..............................................................
53
3.
L
A DOMINANTE PROPORTIONNELLE DES PRELEVEMENTS SOCIAUX N
’
EXCLUT PAS DE LEGERS
EFFETS REDISTRIBUTIFS
....................................................................................................................
58
3.1.
Ramenés au revenu disponible des ménages, les prélèvements sociaux pèsent un peu
moins sur les bas revenus
............................................................................................................
58
3.2.
Le poids des prélèvements sociaux sur les ménages dont la personne de référence est au
chômage est réduit
.......................................................................................................................
59
3.3.
Les prélèvements sociaux ont peu d’impact sur la distribution des niveaux de vie
.............
60
II. LA REDISTRIBUTION S’EFFECTUE PRINCIPALEMENT PAR LES DEPENSES
FINANCEES PAR LES PRELEVEMENTS SOCIAUX
...............................................................
61
1.
L
ES DEPENSES SOCIALES FINANCEES PAR LES PRELEVEMENTS SOCIAUX ONT DES EFFETS
REDISTRIBUTIFS HORIZONTAUX
,
INTRAGENERATIONNELS ET VERTICAUX
......................................
61
1.1.
La redistribution horizontale constitue l’un des fondements des prestations sociales
........
61
1.2.
La redistribution intragénérationnelle opérée par le système des retraites doit être prise
en compte
.....................................................................................................................................
62
1.3.
La redistribution verticale est établie s’agissant des prestations non-contributives mais
fait l’objet d’une information incomplète
....................................................................................
63
1.4.
Le bilan contributif cotisations/prestations, s’il n’inclut pas les prestations d’assurance
maladie et les allocations chômage, fournit des indications sur l’impact des régimes
assurantiels sur les ménages modestes
........................................................................................
67
2.
U
N EXEMPLE DE REDISTRIBUTION ENTRE LES MENAGES PAR LES DEPENSES SOCIALES
:
L
’
ASSURANCE MALADIE
....................................................................................................................
71
2.1.
L’assurance maladie, en lien avec les organismes complémentaires, poursuit des objectifs
de redistribution horizontale et verticale
....................................................................................
71
2.2.
Le dispositif des affections de longue durée témoigne de la redistribution horizontale
opérée par l’assurance maladie et les organismes complémentaires
.........................................
73
2.3.
L’assurance maladie opère également une redistribution verticale à destination des
ménages les plus modestes, dont les dépenses de santé sont plus élevées
...................................
73
LISTE DES SIGLES UTILISES
.....................................................................................................
77
LISTE DES PERSONNES RENCONTREES
................................................................................
79
RESUME
Le présent rapport vise à proposer un état des lieux des prélèvements sociaux
reposant sur les ménages et à appréhender si et comment ils mettent en oeuvre des
formes de progressivité et de redistribution,
en replaçant l’analyse dans le cadre du
système de protection sociale et en l’accompagnant d’éclairages historiques
.
Proportionnels pour la plupart d’entre eux, les prélèvements sociaux ne visent pas
directement un objectif de redistribution, mais la couverture financière de certains
risques sociaux.
Le rapport rappelle ainsi l’importance de la dimension assurantielle dans
le financement de la protection sociale et son impact sur les caractéristiques des
prélèvements sociaux.
Des objectifs de redistribution sont en revanche fixés aux prestations directement
financées par ces prélèvements sociaux
. C’est la raison pour laquelle le rôle des
prestations dans la logique de redistribution du système de protection sociale sera mis en
évidence dans le rapport.
Le premier chapitre est consacré à la définition du champ de l’étude, à la
présentation des données de cadrage permettant de positionner les ménages dans le
financement de la protection sociale – au regard, notamment, des autres financeurs –,
au rappel des objectifs des prélèvements obligatoires sociaux et au recensement des
prélèvements obligatoires sociaux pouvant être considérés comme reposant sur les
ménages.
En partie descriptif, ce chapitre vise à fournir le cadre nécessaire à l’analyse des
prélèvements sociaux : quels sont les prélèvements obligatoires sociaux pouvant être
considérés comme reposant sur les ménages, quels objectifs poursuivent-ils, quelles sont
leurs caractéristiques et leurs fondements juridiques.
Le rapport, dans ce chapitre,
présente les différentes approches de la distinction entre
cotisations salariales et patronales à court et à moyen terme.
Il présente également les objectifs des prélèvements sociaux reposant sur les ménages,
rappelant leur essence assurantielle et la nécessité d’assurer le financement de chaque
régime avant d’envisager un objectif de redistribution au niveau des prélèvements.
Une classification des prélèvements sociaux reposant sur les ménages est ensuite proposée
par type d’assiette, en insistant sur la nécessité de différencier les quatre contributions qui
composent la contribution sociale généralisée (CSG).
Le second chapitre constitue le coeur de l’analyse. Il traite de la progressivité et de la
redistributivité des prélèvements sociaux, mais aussi des prestations dont ils assurent
le financement
, en vertu du principe d’affectation des recettes du système de protection
sociale. Le caractère assurantiel de la majeure partie des prélèvements sociaux implique en
effet de les analyser en lien avec les dépenses (ou prestations) sociales versées aux assurés
en contrepartie de leurs cotisations.
8
L’analyse porte tout d’abord sur les cotisations sociales.
Les cotisations, à dominante
proportionnelle en raison de leur caractère assurantiel, ne sont véritablement
progressives que s’agissant des cotisations patronales
, en raison des exonérations sur les
bas salaires. Les cotisations salariales comportent toutefois de légers éléments de
progressivité, tenant à la cotisation relative à la couverture maladie universelle (cotisation
CMU).
S’agissant de la CSG, le rapport montre en premier lieu que malgré sa
proportionnalité apparente, la CSG présente des effets différenciés en fonction de la
composante de CSG considérée.
Trois éléments de progressivité sont relevés : au niveau
de l’assiette de la CSG prise dans son ensemble, au sein de laquelle sont pris en compte des
revenus concentrés dans le haut de la distribution des niveaux de vie et ont été instaurées
des exonérations pour les bénéficiaires de minima sociaux ; au niveau des taux des
différentes CSG, qui se révèlent plus élevés sur les revenus concentrés chez les ménages
aisés ; au niveau de la CSG sur les revenus de remplacement, réellement progressive, qui
prévoit des exonérations pour les ménages les plus modestes et des taux différenciés en
fonction du niveau de revenus.
En second lieu, le rapport rappelle les principes ayant justifié la mise en place de la
CSG déductible et évalue son impact sur l’impôt sur le revenu (IR).
Il apparaît que la
CSG déductible
limite les effets redistributifs de l’IR en réduisant son rendement,
mais
permet d’éviter une double imposition des ménages en ne leur faisant pas payer l’IR sur
des sommes ayant préalablement servi à acquitter la CSG.
Le rapport évalue à 5,34
milliards d’euros la perte d’assiette d’IR due à la CSG déductible en 2009.
Au total, le rapport montre que les prélèvements sociaux considérés isolément des
prestations ont peu d’effets redistributifs
, ce qui apparaît logique compte tenu de leurs
objectifs propres, mais n’ont pas non plus d’effets antiredistributifs.
La redistribution, qu’elle soit horizontale, intragénérationnelle ou verticale, passe
principalement par le biais des prestations, également appelées dépenses sociales
1
.
Après avoir détaillé ces trois formes de redistribution, le rapport développe l’
exemple de
l’assurance maladie
obligatoire
2
, souvent peu évoqué dans les études sur la redistribution,
afin d’en souligner les effets redistributifs horizontaux et verticaux.
1
On parle de prestations si l’on se place du point de vue des ménages, et de dépenses sociales du point de vue de l’Etat.
2
En lien avec les organismes complémentaires de santé.
9
INTRODUCTION
Les prélèvements sociaux reposant sur les ménages constituent un volet essentiel des
prélèvements obligatoires reposant sur les ménages
. La contribution sociale généralisée
(CSG), la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et les cotisations
sociales sur le seul champ de la sécurité sociale représentent près de 258 milliards d’euros
par an
3
. A elle seule, la CSG permet de prélever 82,6 milliards d’euros par an
4
, contre
45,836 milliards d’euros
5
pour l’impôt sur le revenu.
L’importance des prélèvements obligatoires sociaux dans le PIB et au sein des
prélèvements obligatoires a augmenté de manière continue.
Plusieurs
indicateurs
sont
généralement
utilisés
pour
évaluer
l’importance
des
prélèvements sociaux.
Le « taux de prélèvements obligatoires sociaux », qui n’intègre pas les cotisations versées
aux organismes complémentaires et les cotisations des employeurs à leur propre régime,
s’élève à 23,5% du PIB en 2009, répartis entre 16,5% de cotisations sociales et 7%
d’impôts et taxes affectés.
Les Comptes de la protection sociale utilisent un indicateur plus large, le « taux de
prélèvements sociaux », qui intègre les contributions publiques versées à la protection
sociale.
Le taux de prélèvements sociaux s’élève à 28,1% du PIB en 2009.
La part des prélèvements obligatoires sociaux dans le total des prélèvements obligatoires a
augmenté de 12,5 points depuis le début des années 1980, passant de 44% en 1981 à 56,5%
de l’ensemble des prélèvements obligatoires
6
en 2009.
Cette hausse reflète celle du « taux de redistribution sociale »
7
,
qui mesure la part de la
richesse nationale dévolue à la couverture des risques sociaux et la redistribution, et a
augmenté de 4,6 points entre 1981 et 2008, passant de 24,5% à
29,1% du PIB
.
Tableau 1 :
Principaux ratios macro-économiques de la protection sociale, en %
1981
1990
2000
2005
2006
2007
2008
Taux de redistribution sociale
24,5
25,8
27,7
29,4
29,3
29,0
29,3
Taux de socialisation des revenus *
29,2
32,8
34,7
35,9
35,7
35,4
35,5
Taux de prélèvements sociaux
-
25,1
27,1
27,7
27,9
27,8
28,1
Ressources de la protection sociale / Pib
26,5
27,6
29,6
30,4
30,7
30,6
30,8
Source :
Drees, comptes de la protection sociale, et INSEE, Comptes de la Nation ; *Prestations de
protection sociale rapportées au Revenu disponible brut des ménages
3
CSG 2009 : 82,8 milliards d’euros, CRDS 2009 : 5,99 milliards d’euros, cotisations sociales 2009 : 169 milliards
d’euros. Source : comptes de la sécurité sociale. Ces prélèvements étant en grande partie assis sur la masse salariale, leur
rendement est très lié à la conjoncture économique et suit un rythme procyclique.
4
Comptes de la sécurité sociale juin 2010
5
Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, PLF 2011.
6
PLFSS 2011, PQE financement, indicateur 2
7
Taux de redistribution sociale : part de protection sociale dans le PIB.
10
La commande du conseil des prélèvements obligatoires (CPO) porte sur la progressivité et
la redistributivité des prélèvements obligatoires sociaux reposant sur les ménages
8
. Le
rapport procèdera à cette analyse en suivant les orientations suivantes :
Tout d’abord, les cotisations sociales, qui représentent les trois quarts des
prélèvements sociaux, s’inscrivent dans une logique assurantielle et non de
redistribution :
les ménages s’assurent contre un risque social (chômage, vieillesse…) en
s’acquittant de cotisations en contrepartie desquelles ils percevront des prestations si le
risque se réalise. L’analyse de la redistributivité de ces prélèvements considérés isolément
des prestations qu’ils financent est donc nécessairement limitée.
Ensuite, en partie du fait de leurs caractéristiques assurantielles et en partie pour des
raisons historiques, les prélèvements obligatoires sociaux sont pour la plupart
proportionnels.
L’examen de leur progressivité impliquera par conséquent de les analyser
dans le détail afin d’étudier si, malgré cette dominante de proportionnalité, des éléments de
progressivité peuvent être identifiés.
Pour autant, si la redistribution n’est pas un objectif des prélèvements sociaux en tant
que tels, elle n’en est pas pour autant absente dès lors que l’on replace l’analyse dans
le cadre plus large du système de protection sociale.
Ce système repose sur des
prélèvements directement affectés à des dépenses sociales qui, elles, intègrent une
dimension redistributive. Compte tenu de ces éléments et conformément à la demande des
membres du CPO, le présent rapport particulier intègrera par conséquent le rôle
redistributif des dépenses sociales dans son analyse, en rappelant la place de la
redistribution dans les objectifs des dépenses sociales et en développant l’exemple de
l’assurance maladie.
S’agissant des prélèvements reposant uniquement sur les ménages, le présent rapport
s’intéressera à l’ensemble des ménages pour les analyses de longue période, mais
mettra l’accent, dans l’état des lieux présentant les différents prélèvements, sur les
prélèvements acquittés par les salariés du régime de base.
Les travailleurs indépendants
et les salariés agricoles ne feront pas l’objet d’un traitement spécifique, les premiers ayant
déjà fait l’objet de travaux précédents
9
et les seconds ayant un régime de prélèvements
proche de celui des salariés.
8
Les notions de progressivité et de redistribution sont précisées dans le rapport particulier de la
DGTrésor.
9
Les prélèvements obligatoires des indépendants, CPO, mars 2008.
11
Chapitre 1 : Objectifs et caractéristiques des
prélèvements obligatoires sociaux reposant sur
les ménages
I. CHAMP DE L’ETUDE ET OBJECTIFS ASSIGNES AUX PRELEVEMENTS
SOCIAUX
1.
LE CHAMP DE L’ETUDE INTEGRE LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
SOCIAUX, LA REDISTRIBUTION HORIZONTALE, INTRAGENERATIONNELLE
ET VERTICALE, ET LES DEPENSES SOCIALES
1.1.
Le champ des prélèvements obligatoires sociaux
La notion de prélèvements sociaux comporte plusieurs acceptions
selon qu’elle est
évoquée dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ou les comptes de la
protection sociale.
Dans la LFSS, les prélèvements sociaux sont centrés sur la seule sécurité sociale
. Ils
n’intègrent ni les prélèvements liés à l’assurance chômage, ni les prélèvements finançant
les régimes de retraite complémentaire.
Le rapport retiendra, dans la suite de l’analyse, l’acception des comptes de la
protection sociale
, qui présente l’intérêt d’être large – et d’inclure donc davantage de
prélèvements obligatoires et de fournir des séries longues permettant une mise en
perspective historique des prélèvements, comme l’ont souhaité les membres du CPO.
Il convient ainsi de bien différencier l’appellation « protection sociale » de celle de
« sécurité sociale »,
la première englobant l’assurance chômage et les régimes de retraite
complémentaire, tandis que la seconde se limite à la sécurité sociale.
12
Graphique 1 :
Champ de la protection sociale et dépenses par type de régime
Régim e général de sécur ité
sociale
255,3M€ (44,8 %)
Autres régimes obligatoires:
71,5M€ (12,5 %)
Fonds concourant au financement
des régimes obligatoires de base:
2,1M€ (0,4 %)
Régimes de
sécurité
sociale
entrant dans
le cham p de
la LFSS
328,9M €
(57,7 %)
Régimes de
sécurité
sociale
prévus par
le Code de
la Sécurité
sociale
392M € (68,8
%)
Assurances
sociales
au sens des
Comptes
nationaux
414,1M €
(72,7 %)
Assurances
sociales
au sens des
Comptes de
la pr otection
sociale
460,6M €
(80,9 %)
Comptes de
la protection
sociale
570,3M €
(100 %)
Régimes complémentaires : 63,1M€ (11,1 %)
Régime d'indemnisation du chômage: 22,1M€ (3,9 %)
Régimes directs d'employeurs publics: 46,5M€ (8,2 %)
Prestations extra-légales des régimes d'employ eurs publics et privés: 11,7M€ (2 %)
Régimes de la mutualité, de la retraite supplémentaire et de la prévoyance: 27,1M€ (4,8 %)
Régimes d'intervention soc iale des administrations publiques: 61,4M€ (10,8 %)
Régimes d'intervention soc iale des ISBLSM: 9,5M€ (1,7 %)
Source :
DREES, Comptes de la protection sociale 2008
Sont ainsi considérés comme des prélèvements sociaux l’ensemble des financements
obligatoires
de
la
protection
sociale
des
régimes
d’assurances
sociales
et
d’intervention des pouvoirs publics
,
c’est-à-dire :
•
les cotisations sociales effectives, qui représentent les versements des personnes
assurées ou de leurs employeurs à des régimes ou institutions allouant des
prestations sociales ;
•
les cotisations sociales imputées, qui représentent la contribution des employeurs
au financement du régime d’assurance sociale qu’elles organisent pour leurs
salariés et ayants droits ;
•
les impôts et taxes affectés au financement de la protection sociale,
Ce rapport particulier portant uniquement sur les prélèvements sociaux reposant sur
les ménages, ne seront abordés que ces derniers
et non et les prélèvements relevant des
employeurs
10
. Sont ainsi pris en compte dans le présent rapport :
•
les prélèvements sociaux des régimes d’assurances sociales : régimes obligatoires
de sécurité sociale (assurance maladie, vieillesse, famille
11
), régime d’assurance
chômage, et les prélèvements sociaux des régimes de retraite complémentaire de
10
Voir développement sur la distinction cotisations salariales et patronales dans la suite du rapport. En outre, le terme
« employeur » est ici préféré au terme « d’entreprise », plus restreint. A titre d’exemple, les employeurs peuvent
également être des associations.
11
La branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) étant financées par des cotisations employeurs, elle
n’est pas prise en compte dans le rapport.
13
l’association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et de
l’association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO)
12
;
•
les impôts et taxes affectés.
Selon les approches, les cotisations acquittées par les ménages auprès des organismes
complémentaires
de santé sont considérées ou non comme des prélèvements à la charge
des ménages.
94% des Français sont affiliés à un organisme complémentaire, et l’adhésion
à certains organismes complémentaires peut être rendue obligatoire par une convention
collective
13
.
Le rapport ne les abordera toutefois que sous l’angle des prestations
, et
non des prélèvements. En effet, les modalités de calcul des cotisations des organismes
complémentaires apparaissent trop diverses pour pouvoir les inclure dans la présentation
des prélèvements : individuelles ou collectives, en fonction de l’âge ou des revenus, les
cotisations des organismes complémentaires suivent des règles particulières qui diffèrent
de celles des cotisations sociales ou des impôts affectés. Les effets redistributifs des
prestations versées par les organismes complémentaires, en revanche, feront l’objet d’un
examen dans le second chapitre.
1.2.
Prélèvements contributifs et non-contributifs
L’analyse du caractère redistributif des prélèvements sociaux implique d’appréhender la
distinction, parmi ces prélèvements, entre prélèvements contributifs et non-contributifs.
Selon les prélèvements considérés, en effet, la logique, les objectifs et les caractéristiques
diffèrent.
a.
Les prélèvements finançant des prestations contributives
Les prélèvements finançant des prestations contributives
s’inscrivent dans une logique
assurantielle de couverture de certains risques sociaux (chômage, retraite…), et relèvent
par conséquent de régimes d’assurances sociales. Ces prélèvements, essentiellement des
cotisations sociales, sont assimilées à des primes d’assurance en contrepartie desquelles les
contribuables se voient reverser des prestations si le risque assuré se réalise.
12
Le régime AGIRC-ARRCO est certes un régime complémentaire, mais il est obligatoire, ce qui explique sa prise en
compte dans le cadre des prélèvements obligatoires sociaux, contrairement aux cotisations acquittées par les ménages
auprès des organismes complémentaires de santé.
13
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., « Financement des dépenses de santé et reste à charge des ménages : une
approche par microsimulation », DREES, Comptes nationaux de la santé 2009 , p74.
14
L’intervention publique pour assurer ces risques est fondée par le caractère
difficilement mesurable de certains risques sociaux et l’existence d’asymétries
d’information
qui rendent plus pertinente, à long terme, la mise en place d’un système de
coopération entre les membres de la société que le recours à une assurance privée
14
. A titre
d’exemple, l’assurance chômage, la retraite par répartition et les retraites complémentaires
constituent des systèmes assurantiels. Dans le cas de l’assurance chômage, les assurés
cotisent pour s’assurer contre le risque de perte d’emploi et percevoir un revenu de
remplacement en cas de chômage. Les études réalisées dans le champ de la solidarité
familiale montrent ainsi que la mise en place d’un système assurantiel se justifie, par
exemple, dans le champ des retraites par répartition : seul l’Etat est capable d’engager les
enfants à l’égard des parents pour assurer la prise en charge des personnes âgées via le
système de retraites par répartition, la famille étant surtout solidaire avec sa descendance
tandis que les transferts familiaux ascendants sont davantage subis que volontaires
15
.
Les prélèvements sociaux finançant des prestations contributives reposent sur les
salaires du fait de leur lien direct avec l’activité professionnelle
16
: sur la base de
prélèvements préalables, les ménages constituent des droits à un revenu de remplacement
destiné à compenser la perte de salaire entraînée par la réalisation du risque social assuré.
Le lien entre les prélèvements et les prestations obtenues en contrepartie, dans le système
contributif, montre bien que le caractère redistributif de ces prélèvements ne peut être
analysé indépendamment des prestations.
b.
Les prélèvements finançant des prestations non-contributives
La logique des régimes non-contributifs est différente : l’allocation de prestation n’est
pas directement liée au fait d’avoir acquitté un prélèvement
. C’est le cas, notamment,
de la CSG et de la CRDS. Les prélèvements non-contributifs sont des impositions de toutes
natures, et non des cotisations.
L’objectif de ces prélèvements reste le financement de dépenses de protection
sociale
17
, mais leur logique est orientée vers la solidarité et non assurantielle :
les
prestations financées par ces prélèvements sont ainsi le plus souvent universelles – et non
conditionnées à l’exercice d’une activité professionnelle. Elles peuvent également être
allouées sous conditions de ressources.
Les justifications avancées pour mettre en place une intervention publique via des
prélèvements non-contributifs sont la solidarité nationale et l’intérêt collectif à mettre
en place une meilleure allocation des ressources
grâce à des transferts monétaires ou en
nature entre les individus ou entre les groupes, par exemple entre familles ayant peu
d’enfants et familles nombreuses.
14
CREMER H. et PESTIAU P., « Assurance privée et protection sociale »,
Revue d’économie politique
n°5, 2004.
15
MASSON A., « Forces et faiblesses des solidarités comme anti-marché »,
Solidarités familiales en question,
LGDJ,
2002.
16
Originellement, cela était également le cas de l’assurance maladie : sur un marché du travail à dominante industrielle,
l’assurance maladie permettait d’assurer tant les salariés contre les risques de maladie en partie liés à leur activité
professionnelle que les employeurs contre le risque d’interruption de l’activité liée à la maladie. Le risque maladie a
progressivement été déconnecté de l’activité salariée, la prise en charge s’étendant à l’ensemble de la population.
Cette
évolution a en partie conduit à financer l’assurance maladie majoritairement par l’impôt –la CSG- et non plus par les
cotisations sociales, même si des cotisations patronales demeurent.
17
Les difficultés de ces régimes à atteindre ou maintenir cet équilibre ne remettent pas en cause le fait que la recherche de
cet équilibre reste leur objectif premier.
15
Tableau 2 :
Prélèvements finançant des prestations contributives et non-contributives
Caractéristiques des
prélèvements
Prélèvements finançant des
prestations contributives
Prélèvements finançant des
prestations non-contributives
Logique inhérente
Assurance sociale
Assistance sociale
Objectifs
Protection des individus contre les
risques sociaux
Solidarité,
redistribution,
allocation
des
ressources
plus
équitable
Prestations
Prestation versée au moment de la
réalisation du risque.
Transferts
monétaires
ou
en
nature,
parfois
versés
sous
conditions de ressources
Justification du versement de la
prestation
Cotisation préalable, qui constitue
in fine
un revenu différé
Situation individuelle
Assiette
Salaires
Ensemble
des
revenus
des
ménages (salaires, revenus du
patrimoine,
produits
de
placement, gains issus du jeu,
revenus de remplacement)
Source :
Rapporteur
La distinction entre prélèvements relevant d’une logique assurantielle et logique de
redistribution tend à s’accentuer depuis les années 1990
, en raison notamment d’une
connaissance statistique de plus en plus fine des catégories d’assurés et des risques les
concernant
18
.
La
classification
des
prélèvements
sociaux
au
regard
de
cette
logique
contributive/non-contributive
doit
toutefois
être
nuancée
19
.
Les
prélèvements
s’inscrivant dans une logique assurantielle n’excluent pas la prise en compte d’objectifs de
redistribution, par exemple entre assurés fortement exposés à un risque social et assurés
peu exposés à ce risque. En outre, les logiques d’assurance et de redistribution sont parfois
imbriquées, par exemple dans le cas de la couverture maladie universelle (CMU).
Encadré 1 : La CSG, imposition de toute nature ou cotisation sociale ?
Il est classiquement considéré que les prélèvements finançant des prestations contributives
sont des cotisations sociales et ceux finançant des prestations non-
contributives sont des
impositions de toute nature.
Cette distinction doit toutefois être nuancée, la qualification juridique de la
contribution
sociale généralisée (CSG)
entre imposition de toute nature et cotisation ayant fait l’objet de
discussions au moment de sa création et n’étant aujourd’hui pas pleinement tranchée.
Cette distinction entre cotisations et impositions de toute nature est importante
en ce
qu’elle détermine qui, de l’autorité réglementaire ou du Parlement, est habilité à fixer
les règles de taux.
En vertu de l’art
icle 34 de la Constitution, s’agissant des impositions de
18
ROSANVALLON P., « La troisième crise de l’Etat-providence ? »,
Le Banquet,
numéro 3
,
1993.
19
ELBAUM M., Economie politique de la protection sociale, PUF, 2008.
16
toute nature, le législateur fixe les règles relatives à l’assiette, le taux et les modalités de
recouvrement. En matière sociale, en revanche, le législateur détermine simplement les
principes de l
a sécurité sociale. La fixation des taux relatifs aux cotisations sociales relève
par conséquent de l’autorité réglementaire, le cas échéant
après négociation avec les
partenaires sociaux. Le Conseil constitutionnel utilise le critère de contrepartie pour
distinguer ce qui relève d’une cotisation ou d’une imposition de toute nature, les
cotisations finançant des prestations réservées aux seuls cotisants
(Cons. const. 13 août
1993, n°93-325 DC)
.
Le Conseil constitutionnel a estimé en 1990 que la CSG était un
e imposition de toute
nature
(Cons. const., 28 déc. 1990, n°90-285 DC)
et a confirmé cette approche en 2000
(Cons. const., 19 décembre 2000, n° 2000-437 DC)
.
Le Conseil d’Etat a
adopté une
position identique dans un arrêt du 7 janvier 2004.
La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) et la Cour
de cassation,
en revanche, n’ont pas retenu la même approche
, considérant la CSG comme une
cotisation sociale.
Dans un arrêt du 15 février 2000
Commission des communautés européennes contre
République française
, la CJCE a été amenée à se prononcer sur la CSG dans le cadre d’un
recours en manquement présenté par la Commission européenne à l’encontre de la France
.
La Commission estimait que la France avait manqué à ses obligations en appliquant la
CSG aux rev
enus d’activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants
résidant en France mais travaillant dans un autre Etat membre et n’étant pas soumis au
régime français de sécurité sociale. La Commission arguait du fait que la CSG était une
coti
sation de sécurité sociale destinée au financement de plusieurs branches de sécurité
sociale et que par conséquent, en prélevant la CSG sur des revenus acquis sur le territoire
d’un autre Etat membre et soumis à cotisations de sécurité sociale dans cet aut
re Etat
membre, la France avait méconnu
la règle d’unicité de législation. La France estimait au
contraire que la CSG était un impôt et non une cotisation de sécurité sociale. La CJCE a
donné raison à la Commission européenne et a condamné la France, observant que la CSG
était directement affectée au financement de la sécurité sociale et qu’elle se substituait en
partie à des cotisations de sécurité sociale.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril 2001, reprend en partie les arguments de la
CJCE estimant que
«
la CSG (…) revêt, du fait de son affectation exclusive au financement
des divers régimes de sécurité sociale, la nature d’une cotisation sociale. »
17
1.3.
Distinction entre cotisations salariales et patronales
L’analyse des prélèvements obligatoires sociaux reposant sur les ménages implique de
déterminer s’il convient de prendre en compte les parts salariale et patronale des
cotisations sociales, ou uniquement la part salariale.
Ce choix méthodologique nécessite
de déterminer si la distinction entre cotisations patronales et salariales s’appuie sur des
fondements économiques et d’apprécier qui, de l’employeur ou du salarié, supporte en
réalité le coût des cotisations sociales. Cette question fait l’objet de débats récurrents entre,
d’un côté, la thèse selon laquelle la distinction entre part salariale et part patronale est
pertinente -si ce n’est à long terme, au minimum à court terme- et celle qui considère que
le salarié est
in fine
le seul à supporter le coût des cotisations sociales et que la distinction
entre cotisations salariales et patronales n’a pas de fondement économique.
Une première approche considère que
les cotisations salariales et patronales ont une
incidence différente à court terme:
le salarié supporte les cotisations salariales et
l’employeur supporte les cotisations patronales. Deux mécanismes illustrent cette
différence à court terme :
•
une hausse de cotisations salariales aura un impact immédiat sur les ménages en
réduisant leur pouvoir d’achat, tandis qu’une hausse des cotisations patronales ne
pourra pas être répercutée immédiatement sur les salaires du fait d’une rigidité des
salaires à la baisse ;
•
les négociations salariales portent sur le salaire brut (salaire net + cotisations
salariales), et non sur le salaire superbrut (salaire net + cotisations salariales +
cotisations patronales), ce qui tend à confirmer que les salariés intègrent les
cotisations salariales dans la négociation salariale en les considérant comme un
salaire différé, tandis que les cotisations patronales sont perçues à court terme
comme relevant exclusivement de l’employeur
20
.
Encadré 2 : Salaire net, salaire brut et salaire superbrut
Salaire net
= Salaire perçu par le salarié après prélèvement des cotisations
salariales et patronales
Salaire brut
= Salaire net + cotisations salariales
Salaire superbrut
= Salaire net + cotisations salariales + cotisations
patronales
ou
= Salaire brut + cotisations patronales
20
GAVREL F., LEBON I., « Cotisations employeurs, cotisations employés et emploi, qui doit financer les dépenses
sociales ?
»
, Université du Havre, 1998.
18
Dans la lignée de la théorie de l’incidence fiscale, une seconde approche considère que
la
distinction
entre
cotisations
salariales
et
patronales
n’est
pas
fondée
économiquement du fait de l’équivalence, à long terme, entre ces cotisations
, les
ménages étant finalement les seuls à supporter une hausse de cotisations
21
. Dans cette
approche, la demande de travail est déterminée par le coût total pour l’employeur (salaire
superbrut), et l’offre de travail est déterminée par le salaire net perçu par le salarié, par
opposition au salaire brut. Le «
coin salarial
»
22
qui demeure entre le salaire net et le
salaire superbrut pèse de manière globale sur des salariés et des employeurs qui cherchent
à répercuter le poids sur l’autre dans la négociation salariale.
Encadré 2 : Le coin salarial
Le coin salarial
23
représente l’ensemble des facteurs qui expliquent la différence entre le
coût réel du travail pour l’entreprise et le pouvoir d’achat net du salarié. Ce coin salarial se
compose de deux éléments principaux : les termes de l’échange intérieurs
24
, et le coin
fiscalo-social.
Le coin fiscalo-social
est l'ensemble des prélèvements expliquant l'écart entre le coût du
travail pour l'employeur et le salaire net perçu par le salarié.
Il n’appartient pas au présent rapport de trancher de manière définitive le débat entre ces
deux approches. Il peut toutefois être noté que l’existence d’un salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) accrédite la première approche selon laquelle la
distinction entre part patronale et part salariale a une incidence différente : elle limite en
effet les possibilités pour l’employeur de répercuter une hausse de cotisations patronales
sur les salaires. Au niveau du SMIC, une hausse des cotisations patronales ne peut pas être
répercutée sur le salarié et est par conséquent directement supportée par l’employeur.
La suite du rapport retiendra par
conséquent plusieurs hypothèses.
A court terme, les cotisations patronales sont principalement acquittées par les
employeurs
,
et les cotisations salariales sont principalement acquittées par les
ménages
.
A long terme, la distinction entre cotisations sociales patronales et salariales tend à
s’estomper
. Le présent rapport abordera les cotisations dans leur ensemble –salariales et
patronales- dans les analyses de long terme, et notamment de la mise en perspective
historique des cotisations. En revanche, la présentation descriptive des prélèvements
obligatoires sociaux restera centrée sur les prélèvements reposant à court terme sur les
ménages.
21
COTIS J-P, LOUFIR A., « Formation des salaires d’équilibre, chômage ‘‘d’équilibre’’ et incidences des cotisations
sur le coût du travail », Économie et Prévision, n° 92-93, 1990-1/2.
22
COTIS J-P., MEARY R., SOBCZAK N. Le chômage d’équilibre en France, une évaluation ; Ministère de l’économie
et des finances, décembre 1996, 29p.
23
COTIS, MEARY, SOBCZAK. Op.cit.
24
Les termes de l'échange intérieurs représentent le rapport entre les prix de consommation et les prix de valeur ajoutée.
Ils rendent compte du fait que « les salariés considèrent comme déflateur du salaire l'indice des prix à la consommation,
tandis que les employeurs ne s'intéressent qu'à leur prix de valeur ajoutée ».
19
1.4.
Redistribution verticale, horizontale et intragénérationnelle
La redistribution peut être entendue comme la répartition des revenus résultant de l'activité
économique afin de corriger partiellement les inégalités de revenus.
Le présent rapport particulier porte essentiellement sur trois types de redistribution
25
:
•
la
redistribution verticale
, qui désigne les transferts de revenus entre individus et
catégories sociales ayant des revenus différents : des plus aisés vers les plus
démunis, des familles aisées vers les familles modestes ;
•
la
redistribution horizontale
, qui s’effectue entre les personnes faiblement
exposées à un risque social et celles fortement exposées : des salariés vers les
chômeurs, des actifs vers les inactifs, des bien-portants vers les malades, des
célibataires vers les familles.
Le rapport n’aborde pas la redistribution intergénérationnelle, qui a déjà fait l’objet d’un
rapport du CPO
26
. En revanche, elle aborde la
redistribution intragénérationnelle
opérée
par les systèmes de retraite, entre les personnes d’une même génération.
1.5.
Prestations sociales
Le rapport analyse les effets redistributifs des prélèvements sociaux en les mettant en
lien avec les dépenses sociales –ou prestations- auxquelles elles sont affectées
. Les
prestations sont considérées dans leur ensemble pour les analyses macroéconomiques. Au
niveau microéconomique, le rapport prend l’exemple de l’assurance maladie pour illustrer
les effets redistributifs des dépenses sociales financées par les prélèvements obligatoires
sociaux.
2.
BENEFICIAIRES DIRECTS DES DEPENSES DE PROTECTION SOCIALE, LES
MENAGES EN SONT LES PRINCIPAUX FINANCEURS
2.1.
Les ménages devancent désormais les entreprises dans le financement de
la protection sociale
Le financement de la protection sociale est assuré par trois financeurs :
•
les ménages (impôts et taxes affectés, cotisations salariales), y compris les
travailleurs indépendants ;
•
les employeurs (cotisations patronales, impôts et taxes affectés) ;
•
les contributions publiques des administrations publiques (dotations budgétaires de
l’Etat).
25
MONTOUSSE M., Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, Bréal, 2007.
26
La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de l’équité intergénérationnelle, novembre
2008.
20
Les ménages et les employeurs sont les principaux financeurs de la protection sociale
.
Ils assurent conjointement 88% de ce financement en 2008
27
. Ils en sont également les
principaux bénéficiaires par le biais des prestations qu’ils perçoivent, même si les
employeurs bénéficient également du bon état de santé de leurs salariés.
La répartition entre ces deux financeurs a toutefois évolué, les ménages devançant
progressivement les employeurs dans le financement de la protection sociale.
En 2008,
les ménages assurent 44,3% du financement du régime général de la sécurité sociale et
46% du financement de la protection sociale dans son ensemble, contre 43,6% et 42% pour
les entreprises
28
.
La part de la protection sociale financée par les ménages est ainsi passée de 34% en
1990 à 46% en 2008.
Parallèlement, la part du financement assuré par les employeurs est
passée de 49% à 42%, essentiellement du fait de la création de la CSG – qui a en partie
remplacé des cotisations patronales par un impôt assis sur les revenus des ménages- et de
la compensation des exonérations de cotisations patronales par des recettes fiscales.
2.2.
Sur longue période, les cotisations salariales ont davantage supporté
l’augmentation des dépenses que les cotisations patronales
Deux périodes
peuvent être distinguées dans l’évolution des taux des cotisations salariales
et patronales
:
•
jusqu’au milieu des années 1980, les taux de cotisations augmentent, mais de
manière peu différenciée entre la part salariale et la part patronale. De 1973 à 1980,
le taux apparent employeurs passe de 31% à 35% ; le taux apparent salariés passe
de 8% à 12%
29
;
•
à partir du milieu dans années 1980, cotisations salariales et patronales évoluent
séparément du fait de la création de la CSG et des exonérations de cotisations
patronales. Entre 1990 et 2007, les taux apparents salariés (CSG comprise)
augmentent de trois points tandis que le taux apparent de cotisations patronales
diminue de deux points jusqu’en 2005
30
.
27
PLFSS 2011, Programme « financement ».
28
PLFSS 2011, Programme « financement »
29
HENNION M., Cinquante ans de financement de la protection sociale, DREES, Comptes de la protection sociale 2008.
30
HENNION M., op.cit.
21
3.
LES PRELEVEMENTS SOCIAUX S’INSCRIVENT EN MAJORITE DANS UNE
LOGIQUE
ASSURANTIELLE
DONT
L’OBJECTIF
PREMIER
RESTE
LA
RECHERCHE DE L’EQUILIBRE FINANCIER
3.1.
Les deux tiers des prélèvements sociaux sont le fruit de l’histoire de la
protection sociale, fondée sur une couverture assurantielle des risques
sociaux plus que sur la redistribution
Les prélèvements obligatoires sociaux découlent de l’histoire de la protection sociale,
construite sur une logique d’assurances sociales.
Dès le début du XXème siècle, les
pouvoirs publics estiment nécessaire de mettre en place une assurance obligatoire contre
certains risques sociaux liés à l’activité salariée. En matière d’assurance vieillesse, la loi du
5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes institue un premier régime de retraite
pour les salariés de l’industrie, du commerce, des professions libérales et de l’agriculture,
les serviteurs à gages, les salariés de l’Etat qui ne sont pas placés sous le régime des
pensions civiles ou des pensions militaires et les salariés des départements et des
communes
31
. Les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 mettent en place une assurance
pour les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès à destination des salariés
titulaires d’un contrat de travail
32
. La loi du 30 avril 1928 met ensuite en place un régime
d’assurance spécifique pour les agriculteurs
33
. Les prélèvements destinés à financer ces
risques sont des cotisations sociales, au financement desquelles participent les salariés, qui
bénéficient des prestations de ces assurances, mais aussi les employeurs, responsables des
risques entraînés par l’activité salariée.
La structure actuelle des prélèvements obligatoires sociaux reste très marquée par cette
histoire : les deux tiers de ces prélèvements sont, encore aujourd’hui, des cotisations
sociales servant à financer les prestations des régimes assurantiels.
L’objectif premier de ces prélèvements reste la recherche de l’équilibre financier de
chaque régime, et non la redistribution
34
: le régime doit pouvoir tenir ses engagements
et conserver la confiance des assurés en assurant le financement des prestations pour
lesquelles ces derniers ont préalablement cotisé. Deux exemples actuels illustrent la
priorité donnée à cet objectif d’équilibre financier : les discussions sur l’évolution des
cotisations AGIRC-ARRCO en vue de pérenniser le financement des régimes de retraite
complémentaire ou, s’agissant de l’assurance chômage, le recours à un emprunt obligataire
de 4 milliards d’euros en décembre 2009 pour pouvoir continuer à financer les allocations
chômage en période de baisse du rendement des cotisations
35
.
31
32
33
34
Les difficultés rencontrées pour atteindre cet objectif dans certains régimes ne remettent pas en cause le fait que cet
objectif reste prioritaire.
35
Unedic, rapport financier 2009.
22
En outre, le fait que ces régimes assurantiels soient liés à l’exercice d’une activité
salariée et donc assis sur les salaires se traduit par un mode de gouvernance
spécifique des prélèvements qui associe, dans certains régimes, les partenaires
sociaux
36
.
Dans ce mode de gouvernance, les objectifs et l’orientation des prélèvements
sont définis conjointement avec les partenaires sociaux. Contrairement au budget de l’Etat,
les prélèvements sont directement affectés à des recettes, ce qui implique un pilotage
global des dépenses et des recettes.
3.2.
D’autres prélèvements sociaux se sont développés depuis les années 1990
et poursuivent davantage un objectif de solidarité
Les prélèvements finançant des prestations non-contributives qui participent à
financer la protection sociale, au premier rang desquels la CSG, s’inscrivent
davantage dans une perspective de solidarité
.
Ils se sont développés à partir des
années 1990 sous l’effet de trois évolutions
:
•
L’augmentation continue des dépenses sociales
conduisant à rechercher des
ressources supplémentaires pour financer la protection sociale. De 1959 à 2007, la
part des dépenses sociales
37
est passée de 14% à 29% du PIB ;
•
L’universalisation de
certaines
prestations
désormais
déconnectées
de
l’activité
salariée
et
allouées
en
fonction
d’une
logique
territoriale
,
principalement en matière d’assurance maladie, conduisant à la création de la
CSG
38
. A partir du moment où les prestations sont déconnectées de l’activité
salariée, le choix est progressivement fait de les financer par l’impôt plutôt que par
des cotisations sociales. Comme le rappelle le conseil économique et social
39
en
2007 dans son rapport sur le financement de la protection sociale, il s’agit ainsi de
mettre en adéquation le système de prélèvements sociaux avec les changements du
système de protection sociale, qui passe progressivement d’une logique de
mutualisation des risques professionnels à une logique de couverture universelle de
la population et de solidarité. Les nouveaux risques sociaux (notamment
l’exclusion et la dépendance) ne constituent pas de nouvelles assurances sociales
mais sont prises en charge par l’intervention des pouvoirs publics (notamment le
revenu minimum d’insertion et l’allocation personnalisée d’autonomie);
•
La connaissance statistique de plus en plus fine des catégories d’assurés et des
risques les concernant
, conduisant à distinguer de manière croissante les
prélèvements relevant d’une logique assurantielle et ceux relevant de la solidarité
40
.
Encadré 3 : Retour sur la création de la CSG
La CSG est instituée en 1991, en substitution à certaines cotisations salariales. Son
taux est alors de 1,1% affecté au financement de la CNAF, en raison du caractère
universel de ce régime, mais dans l’optique à terme de financer la branche vieillesse.
36
C’est le cas, notamment, du régime AGIRC-ARRCO ou de l’assurance chômage. Ce n’est toutefois pas le cas du
régime général de sécurité sociale.
37
Voir partie relative au champ de l’étude, qui définit les prestations sociales, ou dépenses sociales.
38
CHADELAT J-F, Le financement de la protection sociale, ,
in Revue Parlementaire n°892
39
DUTHILLEUL A.,
Le financement de la protection sociale
, Rapport du Conseil économique et social, 2007.
40
ROSANVALLON P., « La troisième crise de l’Etat-providence ? »,
Le Banquet,
numéro 3
,
1993.
23
1993 constitue ce que Jean-Louis Rey
41
qualifie « d’année de la rupture » pour le
système de protection sociale qui entre alors dans « l’ère de l’endettement
42
». Le
Fonds solidarité vieillesse (FSV) est alors chargé de financer cet endettement
43
. 1,3
point supplémentaire de CSG est ainsi affecté au financement du FSV. D’autres
mesures sont prises en parallèle pour augmenter les recettes de la branche vieillesse,
comme la suppression en septembre 1995 de la remise forfaitaire de 42 francs sur la
cotisation d’assurance vieillesse.
En 1997-98, la CSG se substitue à la quasi-totalité des cotisations salariales
d’assurance maladie, son taux sur les revenus d’activité augmentant à 7,5%. En
contrepartie, en deux ans, les cotisations salariales d’assurance maladie diminuent,
passant de 6,8% à 0,75%.
Le graphique ci-dessous illustre la substitution de la CSG aux cotisations d’assurance maladie.
0,75
5,5
6,8
0
1
2
3
4
5
6
7
8
1993
1994
1995
1
996
19
97
1998
1999
2000
2001
20
02
200
3
2004
2005
2006
2007
20
08
2009
2010
Taux de cotisation (part salariale)
substitution de la CSG à
une partie de la
cotisation
substitution de la CSG
à une partie de la
cotisation
Source : Données INSEE, traitement rapporteur.
Sur longue période, la structure des prélèvements a évolué mais reste dominée par la
logique assurantielle.
La part des prélèvements contributifs au sein des prélèvements obligatoires sociaux a
diminué sur longue période
, principalement sous l’effet de la création de la CSG et
l’augmentation des ressources fiscales destinées à compenser les exonérations de
cotisations patronales. De 1959 à 1990, les cotisations sociales représentaient autour de
80% des recettes de la protection sociale
44
, contre 65% aujourd’hui.
41
REY J-L,
La sécurité sociale, son histoire à travers les textes, Tome VI, comité d'histoire de la sécurité
sociale, 2005.
42
REY J-L, op.cit.
43
A l’époque, la CADES n’est pas encore créée.
44
HENNION M., op.cit.
24
A partir du début des années 1990, l’Etat tente de diversifier les recettes de la
protection sociale afin de trouver de nouvelles sources de financement et de réduire la
part des prélèvements assis sur les salaires.
La part des impôts et taxes affectés passe
ainsi de 3,5% des ressources de la protection sociale en 1990 à 21% en 2007
45
.
Graphique 2 :
Diversification des ressources de la protection sociale, en millions d’euros
0
100
200
300
400
500
600
700
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
Autres recettes
Contributions publiques
Impôts et taxes affectés
Cotisations effectives
Cotisations imputées
Montée en charge de la CSG
Financement des exonérations de
charges sociales sur contributions
publiques *
Source :
DREES, comptes de la protection sociale 2008
Cette évolution de la structure des prélèvements obligatoires sociaux ne remet pas
profondément en cause la prédominance des cotisations sociales et de la logique
assurantielle au sein des prélèvements sociaux
46
. Les cotisations sociales représentent
toujours les deux tiers des recettes de la protection sociale. Leur objectif, en tant que
prélèvement, reste l’équilibre financier des régimes et non la redistribution, objectif
assigné aux prestations.
45
HENNION M., op.cit.
46
Il convient de noter que la structure des prélèvements obligatoires est ici étudiée pour l’ensemble de la protection
sociale, y compris assurance chômage et régimes de retraite complémentaire, et non pour le seul régime général de la
sécurité sociale.
25
II. Etat des lieux par type d’assiette des
prélèvements obligatoires sociaux reposant
sur les ménages
L’objectif du présent rapport est notamment de dresser un état des lieux exhaustif des
prélèvements obligatoires sociaux reposant sur les ménages.
Ces prélèvements sont présentés ci-dessous classés par assiette, ce qui permettra dans la
suite du rapport de porter une appréciation sur l’impact qu’a eu la création de la CSG sur la
structure de l’assiette des prélèvements sociaux dans son ensemble.
Les prélèvements présentés sont ici ceux à la charge des ménages salariés du régime de
base.
Au total, ces prélèvements ont un rendement d’environ 388,57 milliards d’euros en
2009
47
.
Tableau 3 :
Rendement des prélèvements obligatoires sociaux reposant sur les ménages en 2009
Prélèvement
Montant en Mds d'euros en 2009
CSG activité
59,314
CSG remplacement
13,851
CSG patrimoine
4,1
CSG produits de placement
4,841
CSG jeux
0,506
CRDS (toutes assiettes)
5,99
cotisations sociales de sécurité sociale
214,3
cotisation ARRCO
34,5
cotisation AGIRC
16,06
Contributions assurance chômage
30,56
contribution solidarité autonomie
2,296
cotisation CMU
0,376
Prélèvement social 2%
0,657
contribution additionnelle 1% RSA
0,9
contributions additionnelles au prélèvement
social de 2%
0,319
TOTAL
388,57
Source :
Rapporteur, données CCSS, DSS, Unedic, AGIRC-ARRCO. Remarque : tous les montants des
cotisations intègrent la part patronale, certains régimes ne distinguant pas les deux en matière de rendement.
47
Cumul de données de la DSS, des Comptes de la sécurité sociale de juin 2010 et de l’Unedic.
26
1.
LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES REVENUS
D’ACTIVITE RESTENT PREDOMINANTS
1.1.
Les cotisations sociales
Trois types de cotisations salariales peuvent être distingués :
•
Les cotisations de sécurité sociale (le rapport met ici l’accent sur le régime
général) ;
•
Les cotisations des régimes de retraite complémentaire ;
•
Les cotisations d’assurance chômage.
1.1.1.
Les cotisations salariales de sécurité sociale
Les cotisations sociales salariales de sécurité sociale regroupent :
•
la cotisation maladie, maternité, invalidité, décès
assise sur la totalité du salaire,
dont le taux au 1
er
janvier 2011 est de 0,75% ;
•
la cotisation d’assurance vieillesse plafonnée
, assise sur la partie du salaire
inférieure à un plafond de sécurité sociale (2.946 € au 1
er
janvier 2011), dont le taux
au 1
er
janvier 2011 est de 6,65% ;
•
la cotisation d’assurance vieillesse déplafonnée
, assise sur la totalité du salaire,
dont le taux est de 0,1%.
Tableau 4 :
Taux des cotisations de sécurité sociale, part salariale
Source :
Données CSS
L’article L.242-1 du code de la sécurité sociale précise les éléments de rémunération
compris dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
Sont prises en compte toutes
les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment :
•
Les salaires ou gains,
•
Les indemnités de congés payés
•
Le montant des retenues pour cotisations ouvrières,
•
Les indemnités, primes, gratifications ou tous autres avantages en argent,
•
Les avantages en nature,
•
Les sommes perçues directement ou par l’entreprise d’un tiers à titre de pourboire.
Cotisation
Assiette
Taux (part salariale)
Maladie
Totalité
du
salaire
0,75 %
Vieillesse déplafonnée
Totalité
du
salaire
0,1 %
Sous plafond
Vieillesse plafonnée
Partie
du
salaire
<
1
plafond
de
sécurité
sociale
6,65 %
27
1.1.2.
Les cotisations salariales de retraite complémentaire différencient les
prélèvements entre les cadres et les non-cadres
Les cotisations de retraite complémentaire sont plafonnées
, du fait du caractère
plafonné des retraites complémentaires elles-mêmes : au-dessus d’un certain plafond, le
salaire n’est plus soumis à cotisation au titre de la retraite complémentaire.
Quatre types de cotisations coexistent, différenciant prélèvements reposant sur les
cadres et prélèvements reposant sur les non-cadres
:
•
les cotisations de l’association générale des institutions de retraite des cadres
(AGIRC) acquittées par les salariés cadres de l’industrie, du commerce, des
services et de l’agriculture;
•
les cotisations de l’association pour le régime de retraite complémentaire des
salariés (ARRCO) acquittées par les salariés non-cadres, cadres et assimilés de
l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture ;
•
la cotisation de l’association pour la gestion du fonds de financement
de l’AGIRC
et de l’ARRCO (AGFF), acquittées par l’ensemble des salariés cotisant à ces
régimes ;
•
des cotisations propres au régime AGIRC :
- la garantie minimale de points (GMP), qui permet d’inscrire 120 points par an au
compte des participants dont le salaire se situe au voisinage du plafond de la sécurité
sociale, en contrepartie du versement d’une cotisation forfaitaire ;
- la contribution exceptionnelle et temporaire (CET), qui s’applique à tous les salariés
relevant du régime AGIRC ;
- la cotisation de l’agence pour l’emploi des cadres (APEC).
L’assiette des cotisations AGIRC-ARRCO, depuis le 1er janvier 1996, est calculée sur
les mêmes éléments de rémunération pris en compte dans l’assiette des cotisations de
sécurité sociale.
Chaque régime comprend toutefois des règles spécifiques de
plafonnement
48
.
Les cotisations ARRCO sont à 40% à la charge des salariés
et à 60% à la charge des
employeurs. La répartition entre part salariale et patronale peut différer pour certaines
entreprises créées avant le 1
er
janvier 1999 ou créées depuis et visées par une convention
ou un accord collectif de branche antérieur au 25 avril 1996.
En 2009, les cotisations ARRCO sont acquittées par 17,9 millions de cotisants
et
permettent de verser des prestations à 11 millions de bénéficiaires. Elles ont rapporté
34,5
milliards d’euros
en 2009
49
.
Les cotisations AGIRC sont à 37,93% à la charge des salariés
et à 62,07% à la charge
des employeurs.
50
Le nombre de cadres étant moins élevé
, les cotisations AGIRC concerne un nombre plus
réduit de cotisants (3,8 millions en 2009)
et de bénéficiaires (2,4 millions en 2009). Elles
ont rapporté
16,06 milliards d’euros au titre de l’année 2009
51
.
48
Cf tableau 5
49
Comptes de la sécurité sociale 2008
50
Fiche pratique « cotisations : taux et calculs »,
www.agirc-arrco.fr
51
AGIRC, rapport d’activité 2009.
28
Encadré 4 : Les régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO
Finalité des prélèvements de ces régimes
: les régimes de retraite complémentaire sont
des régimes par répartition. Ils permettent de financer la retraite complémentaire des
salariés en plus du régime de base. La cotisation AGFF, elle, sert à financer la retraite
avant 65 ans sans minoration.
Contrepartie des prélèvements de ces régimes
: En contrepartie des cotisations
acquittées par les salariés, des points sont attribués, permettant aux cotisants d’acquérir
des droits à retraite complémentaire. Au 1
er
avril 2010, la valeur du point AGIRC est
de 0,4216 €, et celle du point ARRCO est de 1,1884 €.
52
Pilotage de ces prélèvements
: Ces cotisations sont gérées par les partenaires sociaux
au sein du même groupement d’intérêt économique, le GIE AGIRC-ARRCO.
Les ménages sont redevables d’un taux global tenant compte à la fois du taux contractuel
et du taux de cotisation des régimes AGIRC-ARRCO. Ce taux global est désigné
« cotisations appelées » dans le tableau ci-dessous.
Tableau 5 :
Cotisations sociales de retraite complémentaire au 1
er
janvier 2010
Répartition des cotisations
Cotisations
Assiette
Taux de cotisation
Part patronale
Part salariale
ARRCO (non-cadres et cadres)
Cotisations
appelées
<
1
plafond
de
sécurité sociale
Entre
1
et
3
plafonds
de
sécurité sociale
7,5%
20%
4,5%
12%
3%
8%
AGIRC (salariés cadres)
Cotisations
appelées
GMP
CET
De 1 à 4 plafonds
de sécurité sociale
De 4 à 8 fois le
plafond de sécurité
sociale
Forfait (% d’appel
inclus)
De 1 à 8 plafonds
de sécurité sociale
20,30%
20,30%
62,81€
0,35%
12,6%
Jusqu’à 20%, en
fonction accord
d’entreprise (sur
0,30% : 0,1%)
38,99 € par mois
0,22%
7,70%
Jusqu’à 20%, en
fonction accord
d’entreprise (sur
0,30% : 0,2%)
23,82 € par mois
0,13%
52
« AGIRC, paramètres 2010 »,
www.agirc-arrco.fr
.
29
AGIRC-ARRCO
Cotisation AGFF
<
1
plafond
de
sécurité sociale
De 1 à 4 plafonds
de sécurité sociale
2%
2,20%
1,20%
1,30%
0,80%
0,90%
Source :
AGIRC-ARRCO, reconstitution rapporteur. Note :
* Les cotisations appelées
correspondent au taux dont s’acquittent effectivement les cotisants. Il s’agit du taux global entre taux d’appel et
taux contractuel.
Ainsi, il convient de noter que :
•
Seuls les cadres cotisent à l’AGIRC ;
•
Tous les salariés cotisent à l’ARRCO ;
•
Les non-cadres ne cotisent qu’à l’ARRCO ;
•
Mais certains ne payent pas la cotisation AGIRC. Il s’agit des cadres dont le salaire
n’atteint pas le niveau minimal pour constituer des points AGIRC. Ils s’acquittent
en sus de la cotisation GMP auprès de l’AGIRC afin de leur conférer un nombre
minimal de points à l’AGIRC.
Malgré l’existence de tranches par niveau de revenus, les cotisations AGIRC-ARRCO ne
sont pas progressives, pour trois raisons. D’une part, l’augmentation du taux de cotisation
par tranche de revenus génère en contrepartie une augmentation des droits ouverts ; d’autre
part,
ces cotisations sont plafonnées, ce qui les rend dégressives au-delà du plafond
puisque les plus hauts revenus ne sont plus soumis à cotisation.
1.1.3.
Des contributions d’assurance chômage sont également acquittées par
les ménages
La troisième grande catégorie de cotisations sociales acquittées par les ménages
recouvre les contributions d’assurance chômage, cotisations destinées à assurer les
salariés contre le risque de privation d’emploi.
Les règles relatives à ces contributions
sont fixées par les partenaires sociaux dans le cadre de conventions soumises à l’agrément
du ministre du Travail. La convention actuellement en vigueur date du 19 février 2009
53
.
Les contributions d’assurance chômage concernent les employeurs et salariés du secteur
privé relevant de l’article L.5422-13 du code du travail, mais aussi du secteur public
relevant de l’article L.5424-1 du code du travail pour les salariés et agents non-
fonctionnaires.
Deux types de contributions d’assurance chômage existent, une seule étant due par les
ménages :
•
la contribution d’assurance chômage au sens strict, partagée entre employeurs et
salariés ;
•
la cotisation de l’association pour la gestion du régime d’assurance des créances des
salariés (AGS), destinée à garantir le paiement des sommes dues aux salariés lorsque leur
53
Arrêté ministériel du 30 mars 2009, publié au journal officiel du 1
er
avril 2009.
30
entreprise rencontre de graves difficultés, mais qui n’est pas acquittée par les ménages et
est à la seule charge des employeurs.
Les personnes assujetties au régime d’assurance chômage et redevables des
cotisations correspondantes sont celles titulaires d’un contrat de travail.
L’assiette de la cotisation chômage est identique à celle des cotisations de sécurité
sociale, dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale.
Les rémunérations
des salariés âgés de 65 ans et plus sont exonérées de cotisation.
Le taux de la contribution d’assurance chômage est fixé à 6,4%, dont 2,4% à la
charge des salariés,
le reste étant dû par l’employeur
54
.
Tableau 6 :
Taux de cotisations d’assurance chômage au 1
er
janvier 2011
Source :
Unedic, reconstitution rapporteur
Le nombre de cotisants à l’assurance chômage dépend fortement de la conjoncture
économique
puisqu’il dépend du nombre de titulaires d’un contrat de travail. Au 31
décembre, le nombre de salariés des secteurs concurrentiels relevant d’une affiliation à
l’assurance chômage était de
16,287 millions de personne
s. Compte tenu de la
conjoncture dégradée, ce chiffre était en baisse de 1,5% par rapport à 2008.
Les contributions d’assurance chômage ont permis de prélever
30,562 milliards d’euros
en 2009.
1.2.
Les impôts et taxes : CSA, CSG et CRDS
1.2.1.
La contribution solidarité autonomie
Juridiquement, la contribution solidarité autonomie (CSA) repose sur les employeurs
et non sur les ménages. Le présent rapport l’inclut toutefois dans les prélèvements
sociaux reposant sur les ménages en raison de l’existence de la journée de solidarité
,
qui conduit de fait à faire reposer ce prélèvement sur les ménages à court terme.
54
Circ. UNEDIC n°2007-02 du 18 janvier 2007.
Répartition
Cotisation
Taux
Part patronale
Part salariale
Assurance
chômage
6,40%
4%
2,40%
AGS
0,40%
0,40%
0%
31
Créée par la loi n°2004-626 du 30 juin 2004, complétée depuis par la loi n°2008-351 du 16
avril 2008,
la contribution solidarité autonomie vise à financer l’autonomie des
personnes âgées et des personnes handicapées par le biais d’une journée de travail
supplémentaire des salariés
. Les salariés et les agents publics travaillent une journée
supplémentaire par an sans être rémunérés, ce qui entraîne une création de valeur ajoutée
au sein des entreprises. En contrepartie de cette valeur ajoutée, les employeurs versent une
contribution à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette
contribution repose donc bien à court terme sur les salariés, qui concèdent la rémunération
de l’une de leurs journées de travail.
La canicule de l’été 2003, ayant causé de nombreux décès parmi les personnes âgées,
est à l’origine de la création de la CSA.
Elle a amené les pouvoirs publics à prendre
conscience de la nécessité d’un financement supplémentaire pour l’autonomie des
personnes âgées et handicapées. La recherche de ce financement nouveau se heurtait à une
double contrainte
55
:
•
la nécessité de ne pas pénaliser la compétitivité de la France en créant un
prélèvement supplémentaire ;
•
la nécessité de ne pas réduire le pouvoir d’achat des ménages.
La création d’une journée de travail supplémentaire non rémunérée constitue d’un
point de vue technique une solution inhabituelle
, en tentant de créer un nouveau
prélèvement social sans augmenter facialement l’importance des prélèvements sociaux
dans le niveau de vie des ménages.
Le taux de la contribution de solidarité autonomie a été fixé à 0,3% et n’a pas été
modifié depuis.
Ce taux correspond initialement à la valeur ajoutée prévisionnelle
escomptée pour une journée de travail supplémentaire.
1.2.2.
La CSG et la CRDS
a)
CSG et CRDS, des impôts cédulaires
Impôts cédulaires
56
, la CSG et la CRDS, dont les règles d’assiette sont identiques, ne
constituent pas un prélèvement unique, mais respectivement quatre prélèvements s’agissant
de la CSG et cinq prélèvements s’agissant de la CRDS.
La CSG est ainsi composée des quatre prélèvements suivants,
ayant chacun leurs règles
propres en matière d’assiette et de taux :
•
la CSG sur les revenus d’activité (art. L136-1 à L.136-5 du code de la sécurité
sociale), qui représente 71,8% de l’assiette totale de CSG ;
•
la CSG sur les revenus de remplacement (art. L136-1 à L.136-5 du code de la
sécurité sociale), qui représente 16,8% de l’assiette totale de CSG ;
•
la CSG sur les revenus du patrimoine (art. L.136-6 du code de la sécurité sociale) et
les produits de placement, (art. L.136-7 du code de la sécurité sociale), qui
représentent 10,8% de l’assiette totale de CSG ;
55
Rapport n°1540 de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée
nationale sur le projet de loi instituant la contribution solidarité autonomie, présenté par le Député Denis
JACQUAT,
avril 2004.
56
Un impôt cédulaire est un impôt qui taxe différemment chaque catégorie de revenus en fonction de son origine.
32
•
la CSG sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion des jeux, (art.
L.136-7-1 du code de la sécurité sociale), qui représente 0,6% de l’assiette totale de
CSG
57
.
Tableau 7 :
Les composantes de la CSG
Revenus assujettis
Taux
Montant annuel en 2009
(en milliards d’euros)
58
Revenus d’activité
7,5%
59,314
Revenus de remplacement
De 3,8% à 6,6%
13,851
Revenus du patrimoine
4,100
Revenus des produits de placement
8,2%
4,841
Sommes
engagées
et
produits
réalisés
à
l’occasion des jeux
de 9,5% à 12%
0,506
Source :
Données comptes de la sécurité sociale juin 2010 ; traitement Rapporteur
Chaque composante de CSG acquittée par les ménages est présentée, dans la suite du
rapport, avec les prélèvements de l’assiette dont elle relève.
La contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), comme la CSG, est
également composée de plusieurs prélèvements distincts :
•
la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement ;
•
la CRDS sur les revenus du patrimoine ;
•
la CRDS sur les produits de placement ;
•
la CRDS sur les sommes engagées ou les gains réalisés à l’occasion de jeux.
A ces quatre prélèvements s’en ajoute un dont l’assiette est spécifique à la CRDS, la CRDS
assise sur les ventes de ventes de meubles et de métaux précieux.
b)
La CSG et la CRDS sur les revenus d’activité
Les ménages assujettis à la CSG sur les revenus d’activité sont les personnes
fiscalement domiciliées en France et affiliées à un régime obligatoire français
d’assurance maladie
59
.
Les personnes n’étant pas fiscalement domiciliées en France mais
assujetties à un régime obligatoire français d’assurance maladie ne sont pas redevables de
la CSG sur les revenus d’activité. En contrepartie, elles doivent s’acquitter d’une cotisation
salariale d’assurance maladie.
57
Données : comptes de la sécurité sociale juin 2010.
58
Source : comptes de la sécurité sociale juin 2010,
59
Art. L.136-1 du code de la sécurité sociale.
33
L’assiette de la CSG sur les revenus d’activité est composée des salaires et assimilés et
des revenus professionnels non salariés.
Sont considérés comme salaires et assimilés les
revenus tirés des activités donnant lieu à affiliation au régime général de sécurité sociale et
ceux considérés comme des salaires par la législation fiscale. Les salaires, les indemnités
pour frais professionnels, les avantages en nature sont notamment concernés. L’épargne
salariale, l’intéressement ou les indemnités de rupture ou modification du contrat de travail
sont assimilés à des salaires et par conséquent assujettis à la CSG. L’assiette de la CSG
porte sur 97% de ces salaires et assimilés, une déduction forfaitaire pour frais
professionnels de 3% du montant brut des revenus étant appliquée. Depuis la loi de
financement de la sécurité sociale de 2011 (LFSS 2011), cet abattement forfaitaire est
plafonné
60
.
La CRDS sur les revenus d’activité suit les mêmes règles d’assiette que la CSG
sur les
revenus d’activité
61
.
Le taux de la CSG sur les revenus d’activité est de 7,5%. Celui de la CRDS sur les
revenus d’activité est de 0,5%.
2.
LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX SUR LES REVENUS DE
REMPLACEMENT DES MENAGES
2.1.
La CSG sur les revenus de remplacement
L’assiette de la CSG sur les revenus de remplacement comprend
les pensions de
retraite ou d’invalidité, les rentes viagères à titre gratuit, les allocations chômage, les
allocations de préretraite et les indemnités et allocations diverses (montant brut, avant
l’application de toute déduction).
Le taux de la CSG sur les revenus de remplacement varie de 0% pour les
bénéficiaires de revenus de remplacement exonérés de CSG, à 6,6%
en fonction des
types et des tranches de revenus. Cette CSG fait l’objet de développements spécifiques
relatifs aux caractéristiques progressives de ses taux dans le second chapitre du rapport.
2.2.
La CRDS sur les revenus de remplacement
La CRDS sur les revenus de remplacement suit des règles d’assiette identiques à celles de
la CSG
62
. Son taux est fixé à 0,5%.
60
61
Ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 ; art. L.136-2 à L.136-4 du code de la sécurité sociale.
62
Art.L.136-2 à L.136-4 du code de la sécurité sociale.
34
3.
LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES REVENUS
DU PATRIMOINE ET LES PRODUITS DE PLACEMENT
3.1.
La CSG sur les revenus des produits de placement
Les personnes assujetties à la CSG sur les revenus des produits de placement sont celles
fiscalement
domiciliées en France et placées sous le régime de l’anonymat
63
.
L’assiette de la CSG sur les produits de placement comprend des revenus de deux
ordres
:
•
les revenus mobiliers (produits de placement à revenu fixe ou variable, revenus
exonérés de l’impôt sur le revenu), sur laquelle la CSG est précomptée directement
par l’établissement payeur et reversée au service des impôts ou virés au Trésor ;
•
les plus-values immobilières imposables au titre de l’article 150 U et 150 UV du
code général des impôts
64
, et certains biens meubles, sur lesquelles la CSG est
recouvrée par la conservation des hypothèques ou le service des impôts en même
temps que l’imposition forfaitaire à l’impôt sur le revenu de la plus-value.
Les livrets A, livrets jeunes, livrets d’épargne populaire, livret de développement durable,
livret d’épargne entreprise, les lots et primes de remboursement ne sont pas concernés par
ces prélèvements.
Le taux de la CSG sur les produits de placement est de
8,2%.
3.2.
La CSG sur les revenus du patrimoine
Les personnes assujetties à la CSG sur les revenus du patrimoine sont les personnes
physiques fiscalement domiciliées en France
,
même celles qui ne sont pas soumises à
l’impôt sur le revenu
ou dont la cotisation d’impôt sur le revenu n’atteint pas le seuil de
recouvrement de 61 euros.
L’assiette de la CSG sur les revenus du patrimoine
comprend les revenus suivants :
•
les revenus fonciers ;
•
les rentes viagères constituées à titre onéreux ;
•
les plus-values à taux proportionnel et les revenus de capitaux mobiliers,
minoritaires, qui ne sont pas soumis préalablement à la CSG sur les produits de
placement ;
•
les gains provenant des options de souscription ou d’achat d’actions et des
attributions d’actions gratuites ;
63
Un placement effectué sous couvert d’anonymat est un placement pour lequel la personne réalisant le placement refuse
que son identité soit mentionnée ou communiquée au fisc. De tels placements sont par exemple possibles pour l’or, les
bons de caisse ou les bons de capitalisation. Il est toutefois interdit, lors d'un contrôle fiscal, de justifier certaines
dépenses par l’utilisation de fonds placés sous le régime de l’anonymat. A titre d’exemple, un particulier ne pourra pas
faire valoir que l’achat d’un appartement a été réalisé grâce à de la vente d'or si elle n'a pas été attestée par la comptabilité
de l'intermédiaire ou si ce dernier n'a pas enregistré son identité et son domicile fiscal.
64
Ces articles ne s’appliquent pas à toutes les plus-values, et notamment pas à une plus-value immobilière réalisée sur la
vente de la résidence principale.
35
•
les revenus entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des
bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles lorsqu’ils n’ont pas été
assujettis à la CSG et la CRDS au titre des revenus professionnels.
Le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine est de 8,2%, comme pour la CSG
sur les produits de placement.
3.3.
La CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement
La CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement suit des règles
d’assiette et de recouvrement identique la CSG sur les revenus du patrimoine et la CSG sur
les produits de placement
65
.
Son taux est de 0,5%.
3.4.
Le prélèvement social de 2%
L’assiette du prélèvement social de 2
% (art.L.245-14 et suivants du code de la sécurité
sociale) comprend deux types de revenus :
•
les revenus du patrimoine ;
•
les produits de placement.
Le prélèvement social de 2% suit des règles d’assiette identiques à celles applicables à la
CSG
3.5.
La contribution additionnelle de 1,1% pour financer le RSA
La loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 a institué une nouvelle contribution à la
charge des ménages
en vue de financer le revenu de solidarité active : la contribution
additionnelle de 1,1%, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2009.
Cette contribution est en réalité composée de deux parties : l’une assise sur les
revenus du patrimoine et l’autre assise sur les produits de placement
. Ces deux
contributions sont additionnelles au prélèvement social de 2% mentionné aux articles
L.245-14 et L.245-15 du code de la sécurité sociale.
Elles sont assises
, contrôlées,
recouvrées et exigibles
dans les mêmes conditions que celles applicables au
prélèvement social de 2%. Leur taux est de 1,1%.
3.6.
Les deux contributions additionnelles au prélèvement de 2%
Créées par la loi n°2004-626 du 30 juin 2004 en même temps que la contribution
solidarité autonomie, ces deux contributions visaient à faire peser sur tous les revenus
l’effort de solidarité à destination des personnes âgées et handicapées.
Comme pour la
contribution solidarité autonomie,
le taux de ces deux contributions additionnelles est de
0,3%. L’assiette de ces contributions est identique à celle du prélèvement social de
2%
sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
65
Art.L.136-2 à L.136-4 du code de la sécurité sociale.
36
4.
LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES SOCIAUX ASSIS SUR LES SOMMES
ENGAGEES
OU
LES
PRODUITS
REALISES
PAR
LES
MENAGES
A
L’OCCASION DES JEUX
4.1.
La CSG sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion des
jeux
Les ménages doivent également acquitter la CSG pour les sommes qu’ils ont engagées ou
les gains qu’ils ont réalisés à l’occasion de jeux.
Cette CSG est elle-même composée de règles différentes d’assiette et de taux selon
qu’il s’agit des sommes engagées ou des produits réalisés.
S’agissant des sommes misées par le joueur
, la CSG s’applique à une fraction de 25,5%
de la somme engagée. Sont concernées les sommes misées dans les jeux exploités par la
Française des jeux pour les tirages et les émissions.
En ce qui concerne les produits issus des jeux
:
•
une CSG de 9,5% est prélevée sur 68% du produit brut des jeux automatiques des
casinos ;
•
une CSG de 12% est prélevée sur tous les gains supérieurs ou égaux à 1500 euros,
réglés au joueur par des bons de paiement manuels.
4.2.
La CRDS sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion
des jeux
Ce prélèvement suit les mêmes règles d’assiette que la CSG sur les sommes engagées ou
les produits réalisés à l’occasion des jeux.
Son taux est de 0,5%.
5.
AUTRES ASSIETTES
5.1.
La cotisation CMU
La cotisation CMU :
•
constitue un prélèvement obligatoire pour les bénéficiaires de la CMU ;
•
la cotisation CMU est l’un des rares prélèvements sociaux reposant sur les ménages
comprenant des éléments de progressivité
66
.
La cotisation CMU est redevable par les bénéficiaires de la CMU sur la base des
ressources de l’année précédente qu’ils déclarent auprès de la caisse primaire d’assurance
maladie.
Elle pèse sur tout type de revenus.
La cotisation CMU se décompose en deux taux distincts :
•
un taux de 8% pour les bénéficiaires dépassant un plafond de 9 029 € de revenus au
cours de l’année précédente ;
66
Voir chapitre 2
37
•
un taux de 0% pour les bénéficiaires dont les revenus sont situés en-dessous de ce
plafond.
La cotisation CMU comporte la particularité de ne pas suivre les dates calendaires
habituelles. Annuelle, elle vaut cotisation pour la période du 1
er
octobre au 30 septembre
de l’année suivante
.
En 2009, la cotisation CMU était redevable par 33 842 cotisants et a rapporté 37,6
millions d’euros (soit 0,376 milliards d’euros).
Elle a permis de couvrir 57 000 assurés,
qu’il s’agisse des cotisants ou de leurs ayants droit
.
5.2.
La CRDS sur les ventes de métaux, d’objets précieux, de bijoux, d’objets
d’art ou de collection
Les ménages procédant à la vente de métaux, d’objets précieux, de bijoux, d’objets d’art
ou de collection sont redevables d’une CRDS spécifique, à un taux de 0,5%.
Les ménages peuvent choisir entre l'imposition de droit commun relative aux plus-
values immobilières ou opter pour une taxation forfaitaire
calculée sur le prix de vente
de la manière suivante :
•
4,5% + 0,5% au titre de la CRDS sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de
collection et d'antiquité (lorsque leur montant excède 5 000 euros) ;
•
7,5% + 0,5% au titre de la CRDS sur les ventes de métaux précieux.
Les biens des ménages concernés par cette CRDS sont l’or, l’argent, le platine et les
bijoux, les objets d’art, de collection ou d'antiquité.
Pour apprécier le caractère « de
collection » de l'objet, sont pris en compte la rareté, l'ancienneté, la provenance, l'intérêt
historique et l'importance du prix par rapport à un objet courant de même nature.
38
Chapitre 2 : Progressivité et redistributivité des
prélèvements sociaux reposant sur les ménages
I. Considérées isolément, les cotisations salariales
et la CSG ont peu d’impact sur la redistribution
1.
LE CARACTERE CONTRIBUTIF DES COTISATIONS SOCIALES LIMITE LE
RECOURS A LA PROGRESSIVITE
1.1.
Les cotisations sociales sont volontairement proportionnelles, voire
dégressives pour les cotisations plafonnées
Les taux proportionnels des cotisations sociales s’expliquent par le caractère
assurantiel de ces cotisations. La proportionnalité des taux constitue en effet l’un des
principes des assurances sociales :
les cotisations sont proportionnelles aux salaires et les
prestations sont proportionnelles aux cotisations.
67
Ce principe justifie également la taxation dès le premier euro
, l’ensemble du revenu
retenu pour le calcul des droits devant contribuer à financer la future prestation qui sera
elle-même calculée sur la base de ce revenu. De ce fait, les cotisations comportent peu
d’éléments de progressivité, les exonérations ou les différents taux constituant l’exception.
L’analyse des textes relatifs aux cotisations en témoigne
.
Les exonérations et mesures de réduction, sur le principe, restent l’exception
. Ces
exonérations et mesures de réduction apparaissent :
•
soit comme des mesures catégorielles destinées à appuyer tel ou tel secteur
d’activité : le secteur agricole (contrats de vendanges, emploi de travailleurs
occasionnels agricoles), les services à la personne, les marins salariés ;
•
soit comme les éléments d’une autre politique publique –la politique de l’emploi-
en vue d’alléger le coût du travail, comme les exonérations sociales dans les zones
de revitalisation rurale et urbaine (ZRR-ZRU). Sauf exceptions, ces exonérations
concernent les cotisations patronales.
67
La protection sociale, note de synthèse du Sénat, décembre 1995,
39
Certaines cotisations, en matière de vieillesse et de chômage, conservent même une
part de dégressivité en raison du caractère plafonné des cotisations :
au-dessus d’un
certain seuil de revenus, les ménages ne sont plus redevables de la cotisation pour la partie
du salaire supérieure à ce plafond. Il en va ainsi, s’agissant des cotisations salariales, des
cotisations AGIRC-ARRCO, des contributions d’assurance chômage et des cotisations
vieillesse dont une partie est plafonnée. Ce plafonnement des cotisations correspond à un
plafonnement des prestations : pour la partie des revenus dépassant les plafonds, les actifs
ne se constituent pas de droits à prestations chômage ou retraite et sont renvoyés à
l’épargne ou à l’auto-assurance pour maintenir leur niveau de revenu.
Le mouvement de déplafonnement des cotisations mené à partir de 1967 a donc
conduit à passer de prélèvements dégressifs à des prélèvements proportionnels.
Les
cotisations aujourd’hui déplafonnées l’ont été en cinq étapes
68
, tant pour générer de
nouvelles recettes pour financer la protection sociale que pour alléger le coût du travail
pour les entreprises qui employaient des salariés peu qualifiés en nombre important. Avant
le déplafonnement, en effet, la dégressivité des cotisations avec le salaire tendait à
favoriser les entreprises employant de la main d’oeuvre qualifiée au niveau de revenus
élevé.
Graphique 3 :
Les principales opérations de déplafonnement des cotisations sociales : de la dégressivité à
la proportionnalité des prélèvements sociaux contributifs
Source :
Rapporteur
68
Cf graphique 3
L
ES ETAPES DU DEPLAFONNEMENT DES COTISATIONS SOCIALES
1967
Déplafonnement
partiel des cotisations
d’assurance maladie
1984
Déplafonnement total
de la part patronale des
cotisations d’assurance
maladie
1991
Déplafonnement total
des cotisations
d’accidents du travail
1980
Déplafonnement total de la
part salariale des
cotisations d’assurance
maladie
1989-90
Déplafonnement total
des cotisations
famille
40
L’analyse de la progressivité/dégressivité des cotisations sociales à long terme conduit
ainsi à distinguer trois périodes :
•
Jusqu’au début des années 1980, en raison du plafonnement de la plupart des
cotisations, les cotisations sociales sont dégressives ;
•
A partir des années 1980, les cotisations sociales sont à dominante proportionnelle
en raison du déplafonnement de la plupart d’entre elles ;
•
A partir des années 1990, les cotisations sociales deviennent en partie progressives
du fait des exonérations patronales sur les bas salaires.
1.2.
Les éléments de progressivité des cotisations sont principalement le fait
des exonérations de cotisations patronales
Sont progressives :
•
des cotisations dont les taux augmentent par tranche de revenus ;
•
des cotisations dont les exonérations en-dessous d’un seuil de revenus conduit de
fait à créer deux tranches, l’une à taux 0% pour les ménages aux revenus les plus
faibles, l’autre au taux normal pour les ménages ayant des revenus plus élevés.
Seule une cotisation sociale salariale peut être considérée comme comportant des
éléments de progressivité : la cotisation CMU.
La cotisation CMU peut être considérée comme progressive du fait de l’existence de deux
tranches de cotisations tenant compte du niveau de revenus :
•
en-dessous d’un plafond de ressources de 9 029€
69
, les ménages bénéficiant de la
CMU ne sont pas redevables de la cotisation, ce qui équivaut à un taux 0% ;
•
au-delà de ce plafond de ressources, les ménages bénéficiaires acquittent un
prélèvement de 8% sur les revenus situés au-dessus de ce plafond
70
.
Au 31 octobre, 2,23 millions de bénéficiaires de la CMU
(assurés et ayants droit)
sont
exonérés de cotisation CMU
71
.
Cet élément de progressivité s’explique par le caractère mixte de la cotisation CMU,
alliant assurance et solidarité :
au-delà de la stricte logique assurantielle, l’objectif de la
CMU est en effet de permettre l’accès aux soins à toute personne résidant en France de
manière stable et régulière mais n’ayant pas droit aux prestations en nature du régime
général de l’assurance maladie
72
.
69
Arrêté du 30 juin 2010 pris en application de l’article D.380-4 du code de la sécurité sociale. Ce montant est valable
jusqu’au 30 septembre 2011.
70
Art.L.280-2 et D.380-4 du code de la sécurité sociale
71
Direction de la sécurité sociale, SD5A.
72
Rapport d’activité 2009 du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du
risque maladie.
41
En-dehors de la cotisation CMU,
les éléments de progressivité des cotisations sociales
sont principalement le fait des exonérations patronales sur les bas salaires
mises en
place pour favoriser l’emploi des personnes peu qualifiées. En outre, la dégressivité de la
plupart des exonérations ciblées conduit à rendre les cotisations patronales progressives.
L’existence de ces exonérations s’explique par la conciliation progressive de plusieurs
objectifs au sein de la politique socio-fiscale : à l’objectif assurantiel des cotisations
sociales s’est ajouté un objectif de politique de l’emploi visant à réduire le coût du travail
sur les bas salaires pour favoriser l’embauche des personnes peu qualifiées et lutter contre
le chômage de masse.
Les exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires se sont développées à
partir des années 1990
, avec les exonérations « Balladur » en 1993 (exonération de
cotisations familiales part patronale jusqu’à 1,2 SMIC) et « Juppé » en 1995 (dégressivité
des cotisations patronales maladie et vieillesse). En 1997, ces deux dispositifs ont été
fusionnés, portant désormais sur les salaires situés entre 1 et 1,3 SMIC. En 2003, les
exonérations patronales sur les bas salaires sont fusionnées avec celles instituées depuis
1996 pour accompagner la réduction du temps de travail. Evaluant à 32,1 milliards d’euros
le coût annuel représenté par les allègements généraux et exonérations ciblées de
cotisations patronales, le CPO a rappelé l’efficacité des exonérations sur les bas salaires en
matière d’emploi, estimant qu’entre 100 000 et 450 000 emplois ont été créés sous l’effet
des seuls allègements généraux
73
.
1.3.
La validation des périodes de chômage dans les régimes AGIRC-ARRCO
constitue un exemple de redistribution de prélèvements contributifs
Si les cotisations sociales sont dans l’ensemble majoritairement proportionnelles et n’ont
pas vocation à être redistributives en tant que prélèvements, elles peuvent néanmoins
ponctuellement comporter des éléments de solidarité ayant des effets redistributifs.
Le dispositif de validation des périodes de chômage dans les régimes AGIRC-ARRCO
constitue un exemple de solidarité entre ménages plus aisés et ménages modestes au
sein d’un régime assurantiel
. Ce dispositif diffère de la redistribution opérée par les
prestations en ce qu’il intervient au stade du prélèvement, et non des prestations. Les
régimes AGIRC-ARRCO sont assurantiels : les prélèvements permettent d’accumuler des
points permettant de percevoir une retraite complémentaire en fonction du salaire de
référence du bénéficiaire.
Ces régimes comportent toutefois une part de
redistribution en faveur des assurés
traversant une période de chômage.
Les affiliés au régime en situation de chômage
bénéficient de l’inscription de droits à retraite complémentaire pour leurs périodes
indemnisées au titre du chômage
74
, sous certaines conditions :
•
être indemnisé par l’UNEDIC ;
•
avoir cotisé auprès d’une institution de retraite complémentaire avant la rupture du
contrat de travail ;
•
fournir des éléments de preuve de l’indemnisation par l’assurance chômage.
73
Rapport du CPO « entreprises et niches fiscales et sociales : des dispositifs dérogatoires nombreux », octobre 2010,
pp190-193.
74
Protocole du 10 mai 1967 conclue entre les signataires de la Convention collective nationale du 14 mars 1947 et de
l’accord du 8 décembre 1961 relatifs aux régimes AGIRC-ARRCO.
42
Cette disposition juridique a des effets redistributifs horizontaux entre actifs occupés
cotisant à ces régimes et chômeurs, et des effets redistributifs verticaux différés
en
augmentant, au moment de la retraite, le niveau de vie des personnes bénéficiant de cette
disposition par les droits à retraite complémentaire qu’elles ont pu acquérir pendant leur
période de chômage sans cotiser en contrepartie. Le constat de redistribution verticale est
étayé par le fait qu’en moyenne, les personnes indemnisées perçoivent moins que la
moyenne des actifs occupés cotisant aux régimes puisqu’elles ne perçoivent pas la totalité
de leur salaire. L’indemnité versée par l’assurance chômage correspond en effet soit à
57,4% du salaire journalier de référence, soit à 40,4% du salaire journalier de référence
auquel s’ajoute 11,17 € par jour.
A titre d’exemple, un salarié non-cadre indemnisé pendant 100 jours
au titre de
l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) et dont le salaire journalier de référence
servant à calculer l’ouverture de droits aux régimes a été fixé à 50 euros bénéficiera de
5 000 euros de droits ARRCO pour sa période de chômage sans verser les 300 euros de
cotisations effectives qu’il aurait dû acquitter s’il n’avait pas été au chômage.
2.
LA CSG COMPORTE DES EFFETS DIFFERENCIES SELON LA COMPOSANTE
D’ASSIETTE CONSIDEREE
La CSG ne poursuit pas un objectif de redistribution en ce qu’elle ne vise pas, en tant
que prélèvement, à modifier la distribution des niveaux de vie. Par rapport aux
cotisations qu’elle a remplacées, elle s’inscrit toutefois dans une démarche de
solidarité,
en finançant par l’impôt des prestations universalisées (famille, maladie) et non
liées à l’exercice d’une activité professionnelle, et les prestations non-contributives
vieillesse via le FSV. Elle vise à assurer le financement de ces prestations, par un
rendement suffisant et une taxation de l’ensemble des revenus, dès le premier euro.
Le principe de la CSG est celui d’un prélèvement proportionnel assujettissant
l’ensemble des revenus.
Jean-François CHADELAT rappelle ainsi à propos de la création
de la CSG: «
L'idée de base était que tous les revenus soient assujettis, le texte étant de
nature législative, au cours de la discussion parlementaire des amendements introduirent
des exceptions, les minima sociaux, le livret A de la caisse d'épargne, les rentes d'anciens
combattants,... Le principe de la CSG qui était en train de naître a donc été "Tout
sauf" »
75
.
Toutefois, malgré ce caractère proportionnel apparent, la CSG comporte des
éléments de progressivité à trois niveaux
:
•
au niveau de son assiette ;
•
au niveau des taux de la CSG sur les revenus de remplacement ;
•
au niveau de certaines des exonérations.
La suite du rapport analyse ces éléments et observe également l’impact de la CSG
déductible sur l’impôt sur le revenu.
75
Revue parlementaire n°892, Jean-François CHADELAT, le financement de la sécurité sociale
43
2.1.
Bien que proportionnelle, la CSG a introduit de la progressivité au sein
des prélèvements sociaux en élargissant leur assiette à des revenus
concentrés chez les ménages aisés
Des prélèvements peuvent être progressifs
:
•
par leurs taux
, si ces taux sont allégés sur les bas revenus ;
•
par leur l’assiette
, si cette dernière intègre des revenus concentrés chez les
ménages aisés et si, par ailleurs, ce type de revenus est davantage taxé.
En premier lieu, la CSG a introduit de la progressivité au sein de l’assiette des
prélèvements sociaux en l’élargissant à des revenus concentrés dans le haut de la
distribution des niveaux de vie
.
En effet, contrairement aux cotisations sociales qu’elle a remplacées, qui portaient
uniquement sur les revenus d’activité, la CSG porte également sur les revenus du
patrimoine et les produits de placement, fortement concentrés dans les derniers
déciles de revenus.
Le CPO a récemment montré que les 10% des ménages les plus riches
possédaient près de la moitié du patrimoine brut local
76
. Cette tendance est stable sur
longue période : en France métropolitaine en 1997, les 10% de ménages les plus modestes
détiennent un patrimoine de 339 €, contre 552 657 € pour les 10% de ménages les plus
aisés
77
. L’écart se creuse en 2003, le patrimoine des ménages du dernier décile de revenus
augmentant de 37%, contre 4% pour les ménages du 1
er
décile de revenus. Le constat est le
même en raisonnant en catégorie socioprofessionnelle. En 2010, 30,9% des ouvriers non
qualifiés détiennent un patrimoine immobilier contre 75,3% pour les cadres, et 76,5% des
ouvriers non qualifiés détiennent un patrimoine financier contre 98,3% pour les cadres
78
.
Tableau 8 :
Patrimoine moyen par décile, en euros
Déciles
1997
2003
Inférieur 1
er
décile
339
354
Entre 1e et le 2e décile
2 123
2 137
Entre 2e et le 3e décile
7 769
8 357
Entre 3e et le 4e décile
24 922
30 843
Entre 4e et le 5e décile
56 768
76 835
Entre 5e et le 6e décile
83 229
116 801
Entre 6e et le 7e décile
110 500
155 295
Entre 7e et le 8e décile
145 857
204 937
Entre 8e et le 9e décile
211 276
298 051
Supèrieur au 9è décile
552 657
755 406
Source :
INSEE, enquêtes Patrimoine 1998 et 2004
La création de la CSG a ainsi permis de passer de cotisations sociales entièrement
assises sur les revenus d’activité à un impôt assis à 71,80% sur les revenus d’activité,
à 10,80% sur les revenus du patrimoine et les produits de placement
,
à 16,80% sur les
revenus de remplacement et à 0,60% sur les revenus issus des jeux.
76
Rapport CPO, Le patrimoine des ménages, mars 2009.
77
Source : INSEE, enquêtes patrimoine 1998 et 2004
78
Source : INSEE, enquête patrimoine 2009-2010
44
Graphique 4 :
La répartition de la CSG par assiette en 2009
71,80%
16,80%
10,80%
0,60%
CSG activité
CSG remplacement
CSG patrimoine et
placements
CSG jeux
Source :
Données DSS- 6SD, traitement Rapporteur
En second lieu, la CSG a introduit de la progressivité au sein des prélèvements
sociaux en faisant peser des taux plus élevés sur ces revenus concentrés chez les
ménages aisés.
Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement est en
effet supérieur à ceux sur les revenus d’activité et les revenus de remplacement
: 8,2%
sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, contre 7,5% pour les revenus
d’activité, 6,6% pour le taux plein sur les pensions de retraite et 6,2% pour le taux plein sur
les allocations chômage.
45
2.2.
La création de la CSG a toutefois peu modifié la structure de l’assiette des
prélèvements sociaux, qui reste dominée par les revenus d’activité
Si l’intégration des revenus du patrimoine et des produits de placement à l’assiette
des prélèvements sociaux a introduit de la progressivité, elle n’a toutefois pas remis
fondamentalement en cause les équilibres structurels qui dominent l’assiette de ces
prélèvements depuis les années 1980.
Le graphique ci-dessous montre sur la période
1959-2007 qu’à partir des années 1990, de nouveaux types de revenus rejoignent l’assiette
des prélèvements finançant les régimes de protection sociale, mais que les revenus
d’activité restent majoritaires au sein de l’assiette. Ce constat s’explique en partie du fait
de la structure de l’assiette des prélèvements, mais aussi de la structure des revenus des
ménages, les revenus d’activité constituant 55% de leurs revenus en 2009
79
.
Graphique 5 :
cotisations, CSG et autres ressources reçues par les régimes de protection sociale,
en % du PIB, de 1959 à 2007
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
1959
1961
1963
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
cotisations employeurs
cotisations imputées
cotisations salariés
CSG sur salaires
cotisations et CSG sur revenus des non salariés
cotisations et CSG sur revenus de remplacement
CSG sur revenus du capital + jeux
Autres ressources
CSG
et cotisations
sur salaires
CSG
et cotisation sur
autres revenus
Autres
ressources
Source :
DREES, Comptes de la protection sociale ; Direction de la Sécurité Sociale, commission des
comptes de la sécurité sociale ; INSEE
80
Si leur part a diminué sur longue période, les prélèvements reposant sur les salaires
des ménages représentent encore les trois quarts des ressources de la protection
sociale
81
.
79
Photographie du système socio-fiscal et de sa progressivité, CPO, janvier 2011, p92.
80
Les autres sources de financement comprennent notamment les impôts et taxes affectés autres que CSG (CRDS, taxes
sur tabac, alcool) et les contributions publiques.
46
Graphique 6 :
Répartition des ressources de la protection sociale selon l’assiette de prélèvement
0%
20%
40%
60%
80%
100%
1 9 5 9
1 9 6 1
1 9 6 3
1 9 6 5
1 9 6 7
1 9 6 9
1 9 7 1
1 9 7 3
1 9 7 5
1 9 7 7
1 9 7 9
1 9 8 1
1 9 8 3
1 9 8 5
1 9 8 7
1 9 8 9
1 9 9 1
1 9 9 3
1 9 9 5
1 9 9 7
1 9 9 9
2 0 0 1
2 0 0 3
2 0 0 5
2 0 0 7
prélèvements sur salaires
prélèvements sur revenus d'activité des non salariés
prélèvements sur revenus de remplacement
prélèvements sur autres revenus
prélèvements sur consommation
autres prélèvements
Source :
DREES, Comptes de la protection sociale 2008
La création de la CSG a augmenté la progressivité de l’assiette des prélèvements
sociaux mais de manière limitée.
Une étude réalisée par la DREES sur longue période
montre ainsi que l’effort contributif au financement de la protection sociale des revenus
autres que ceux d’activité, sur 50 ans, a été plus réduit que l’effort contributif des revenus
d’activité, en raison de trois facteurs : la stabilité de la structure de l’assiette des
prélèvements sociaux, l’évolution des taux et la dynamique de chaque assiette
82
.
81
HENNION M., DREES, Op.cit.
82
HENNION M., Op.Cit.
47
Sur longue période, de 1959 à 2007, trois constats peuvent être dressés à partir des taux de
prélèvement apparents
83
:
•
l’effort contributif le plus important a été réalisé par l’assiette salariale : le taux
apparent des prélèvements sur les salaires est passé de 3,3% en 1959 à 58% en
2007 ;
•
les revenus non-salariaux des ménages ont également été mis à contribution, avec
un taux de prélèvement apparent passé de 3% en 1959 à 24% en 2007 ;
•
bien que réel, l’effort contributif des autres assiettes est beaucoup plus réduit, avec
un taux apparent passant de 0% en 1959 à 9% en 2007.
La comparaison entre le taux de prélèvements sur les revenus issus du travail et le
taux de prélèvement sur les revenus du capital (revenus du patrimoine et produits de
placement) montre également qu’en dépit de la création de la CSG, l’assiette des
prélèvements reste dominée par les revenus d’activité
.
Ainsi, en intégrant dans la comparaison la totalité des prélèvements sociaux reposant sur
les ménages en-deçà du plafond de sécurité sociale, y compris les prélèvements
contributifs qui constituent un revenu différé pour les ménages et hors cotisations
patronales,
les revenus d’activité sont taxés de 12,3 points de plus que les revenus du
patrimoine et des produits de placement
84
.
Tableau 9 :
Comparaison des taux des prélèvements sociaux reposant sur les revenus d’activité des ménages
et ceux reposant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, année 2010
Prélèvements sociaux reposant
sur les revenus du capital
(patrimoine, placements)
Taux
Prélèvements sociaux
reposant sur les revenus
d’activité en-deçà du
PSS
Taux
CSG-CRDS
8,7%
CSG-CRDS
8%
prélèvement social
2%
Cotisations
vieillesse
plafonnée+ déplafonnée
6,75%
Cotisations maladie part
salariale
0,75%
ARRCO part salariale
inférieure à un plafond
5,4%
AGFF
0,80%
Contribution
solidarité
autonomie
0,3%
Contribution additionnelle
1,1%
Contributions additionnelles au
prélèvement social
0,3%
Assurance chômage
2,40%
TOTAL
12,1%
TOTAL
24,4%
Source :
Rapporteur- Champ : prélèvements reposant sur les ménages, hors cotisations patronales, en-
dessous du plafond de la sécurité sociale.
PSS : plafond de la sécurité sociale
83
Taux de prélèvement apparent : rapport entre le montant prélevé et l’assiette considérée
84
La comparaison pourrait être effectuée en ajoutant les cotisations patronales si l’on estime qu’elles reposent à long terme sur les
ménages, puis en retirant de la comparaison tous les prélèvements contributifs au motif qu’il s’agit de revenus différés plus que de
prélèvements, et en retirant également la partie des prélèvements correspondant aux indemnités journalières, qui constituent également
un revenu différé. L’écart serait alors plus proche de 8,7 points, mais confirmerait que les revenus d’activité restent moins taxés que les
revenus du patrimoine et les produits de placement.
48
2.3.
Parmi les différentes CSG, la CSG sur les revenus de remplacement est en
partie progressive mais comporte des effets de seuil qui peuvent pénaliser
certains ménages
Considérées isolément, seule la CSG sur les revenus de remplacement peut être
considérée comme progressive en raison de ses taux
,
différenciés en fonction du
niveau de revenus et croissants avec les revenus
85
:
•
Pour les retraités et les chômeurs les plus modestes, une exonération totale qui
équivaut à un taux zéro ;
•
Un taux réduit de 3,8% pour les retraités et les chômeurs situés dans la tranche
intermédiaire ;
•
Un taux plein de 6,6% pour les retraités et 6,2% pour les chômeurs de la tranche
supérieure.
La progressivité de la CSG sur les revenus de remplacement découle d’un objectif de
justice sociale au moment de sa création.
Les revenus de remplacement constituant des
transferts sociaux, ils n’étaient initialement pas ou peu taxés. Avec l’universalisation
progressive de l’assurance maladie et son financement par l’impôt est née la volonté de
faire participer l’ensemble de la société à l’effort national de financement de l’assurance
maladie, y compris les retraités et les chômeurs, qui en sont également les bénéficiaires. La
mise en place immédiate de prélèvements élevés sur ces revenus aurait toutefois représenté
une perte de pouvoir d’achat importante pour les bénéficiaires des revenus de
remplacement. Le barème actuel en tient compte en exonérant une partie des ménages
concernés et en appliquant un taux réduit aux ménages ne payant pas l’impôt sur le revenu.
Deux critères conduisent à l’assujettissement d’un bénéficiaire de revenus de
remplacement à l’un ou l’autre des taux de CSG :
•
un
seuil de revenus
, qui correspond au seuil d’allègement de la taxe d’habitation.
Ce seuil d’exonération a été fixé par l’arrêté du 3 mars 2010
86
fixant les limites
d’application des abattements, exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur
les propriétés bâties et de taxe d’habitation. Depuis le 1
er
janvier 2011, le seuil
d’exonération de CSG est fixé à 9 876€ pour une personne célibataire
87
;
•
le
montant dû au titre de l’impôt sur le revenu (IR)
. Au-dessus du seuil de
revenus de 9 876€ mais en-dessous de 61€
88
dus au titre de l’impôt sur le revenu, la
CSG sur les revenus de remplacement s’applique au taux réduit. Au-dessus de 61 €
dus au titre de l’impôt sur le revenu, le taux plein s’applique. Toute modification de
l’assiette de l’IR a donc un impact immédiat sur l’assiette de la CSG sur les revenus
de remplacement.
85
La CSG sur les revenus d’activité a toutefois introduit un léger élément de progressivité début 2011 avec le
plafonnement à quatre plafonds de l’abattement forfaitaire de 3% pour frais professionnels.
86
Paru au journal officiel du 17 mars 2010
87
A noter : l’exonération de CSG entraîne l’exonération de CRDS.
88
Le montant de 61 € correspond au montant en-dessous duquel les services fiscaux ne recouvrent pas l’impôt sur le
revenue, le coût de recouvrement s’avérant supérieur à la somme due.
49
Tableau 10 :
CSG et retraités : trois taux différenciés en fonction des revenus
CSG sur les retraites et les pensions d’invalidité
RFR < seuil 1
>
seuil
1
mais
cotisation
à
l’IR
inférieure à 61€
> seuil 1 et cotisation
à l’IT > à 61€
Exonération
Taux réduit
Taux plein
CSG déductible
-
3,8%
4,2%
CSG non déductible
-
0%
2,4%
CSG totale
0%
3,8%
6,6%
Source :
Comptes de la sécurité sociale ; code de la sécurité sociale ; Note : « RFR » : revenu fiscal de
référence ; « seuil 1 » : seuil d’allègement de la taxe d’habitation
Tableau 11 :
CSG et chômeurs, trois taux différenciés en fonction des revenus
CSG sur les allocations chômage et les indemnités journalières
RFR < seuil 1
>
seuil
1
mais
cotisation
à
l’IR
inférieure à 61€
> seuil 1 et cotisation
à l’IT > à 61€
Exonération
Taux réduit
Taux plein
CSG déductible
-
3,8%
3,8%
CSG non déductible
-
0%
2,4%
CSG totale
0%
3,8%
6,2%
Source :
Comptes de la sécurité sociale ; code de la sécurité sociale ; Note : « RFR » : revenu fiscal de
référence ; « seuil 1 » : seuil d’allègement de la taxe d’habitation
En 2008, l’exonération de CSG sur les revenus de remplacement concerne 31,2% de
l’assiette
, soit un tiers de l’assiette
89
. En revanche, seule 4,6% de l’assiette relève du taux
réduit.
La part de ménages exonérés diffère toutefois selon qu’il s’agit des retraités ou des
chômeurs
. Ainsi,
s’agissant des allocations chômage, 75,7% de l’assiette est exonérée
,
contre 29,2% des retraites de base et 18,6% des retraites complémentaires.
En revanche,
les indemnités journalières et les pensions d’invalidité sont majoritairement soumises
au taux plein (87,5% de l’assiette),
les indemnités journalières n’ouvrant pas droit à
l’application d’une exonération ou d’un taux réduit.
89
Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2009
50
Tableau 12 :
Seuil d’exonération de CSG sur les revenus de remplacement
depuis le 1
er
janvier 2011
90
Nombre de parts de quotient
familial
Régime fiscal de référence figurant sur l’avis d’imposition
sur les revenus de 2009
1
9 876 €
1,25
11 195 €
1,5
12 513 €
1,75
13 832 €
2
15 150 €
2,25
16 469 €
2,5
17 787 €
2,75
19 106 €
3
20 424 €
>3
+ 2 637 € par demi-part supplémentaire à + 1 319 € par
quart de part supplémentaire
Source :
Circulaire Unedic n°2010-21 du 24 novembre 2010 ; note DSS du 30 juin 2010
La progressivité des taux de la CSG sur les revenus de remplacement comporte
toutefois des effets de seuil pénalisants pour les ménages situés au voisinage de chaque
seuil.
En effet, contrairement à l’impôt sur le revenu, le franchissement d’un seuil de la
CSG sur les revenus de remplacement conduit à l’assujettissement de l’ensemble de
l’assiette au taux supérieur, et non de la seule partie de l’assiette située au-dessus de ce
seuil. A titre d’exemple, un retraité célibataire dont les revenus s’élèvent à 9 876 € bruts en
2009 n’est pas redevable de la CSG. Il est également exonéré de CRDS. Pour un euro de
revenu supplémentaire, cette même personne sera redevable de 375 € de CSG et 49 € de
CRDS, soit 424 € de prélèvements supplémentaires. Les ménages situés au voisinage d’un
seuil sont donc pénalisés.
Deux questions se posent aujourd’hui s’agissant de la progressivité de la CSG sur les
revenus de remplacement :
•
la pertinence de maintenir un taux plein de CSG sur les pensions de retraite
inférieur à celui de la CSG sur les revenus d’activité, alors que les dépenses
supplémentaires à financer dans les années à venir seront en partie liées au
vieillissement de la population et à la dépendance ;
•
le choix le plus approprié pour lisser les effets de seuil liés à la progressivité de la
CSG sur les revenus de remplacement sans pénaliser les ménages modestes.
Encadré 5 : Un exemple de progressivité de la CSG-CRDS sur les revenus de remplacement : les
indemnités de chômage partiel pendant la crise économique
Le chômage partiel est un dispositif permettant aux employeurs de suspendre
provisoirement les contrats de travail de leurs salariés pour faire face à une baisse
conjoncturelle d’activité et éviter de procéder à des licenciements économiques.
90
A noter : ces exonérations ne concernent pas les bénéficiaires d’une allocation de préretraite ayant pris effet à compter
du 11 octobre 2007, qui sont redevables de la CSG au taux de 7,5% peu importe leur niveau de revenus.
51
Pendant cette période, les salariés concernés perçoivent des indemnités de ch
ômage
partiel qui sont soumises à la CSG et à la CRDS,
respectivement au taux de 6,2% pour
la CSG (taux plein) et 0,5% pour la CRDS.
Les indemnités de chômage partiel peuvent être :
- une indemnité minimale garantie correspondant à 60% du salaire brut
91
, avec un
minimum de 6,84 euros par heure (soit le montant du SMIC net horaire) ;
- le cas échéant, une allocation complémentaire de l’employeur.
Ces indemnités permettent de
maintenir un niveau de revenu suffisant pour les salariés
concernés.
La CSG sur les indemnités de chômage partiel comporte des
éléments de progressivité à
trois niveaux :
1/ en entrant dans le dispositif de chômage partiel,
les salariés deviennent redeva
bles de
la CSG sur les revenus de remplacement (taux de 6,2% maximum) au lieu de la CSG
sur les revenus d’activité (taux de 7,5%)
. Leur taux de prélèvement est donc réduit ;
2/
les bénéficiaires de l’indemnité de chômage partiel peuvent être totalement
exonérés de CSG et de CRDS
92
si leurs revenus annuels sont inférieurs au seuil
mentionné dans le tableau 12 (9 876
€ pour une personne seule). Les salariés en chômage
partiel peuvent également être exonérés de CSG/CRDS si ces prélèvements ont
pour effet
de ramener leur indemnité de chômage partiel nette en-dessous du montant du SMIC brut ;
3/
les bénéficiaires du chômage partiel peuvent se voir appliquer le taux réduit de
CSG de 3,8%
au lieu du taux plein de 6,2% si leurs revenus sont supérieurs à ce même
seuil mais que le montant d’IR dont ils sont redevables est inférieur à 61 €.
Si l’ACOSS n’a pas la possibilité de reconstituer avec précision l’assiette salariale à
laquelle se substituent les indemnités de chômage partiel, les
bordereaux récapitulatifs de
cotisations (BRC) permettent d’établir que l’assiette sa
lariale correspondant aux
indemnités soumises au taux pleins de CSG de 6,2% a atteint 1,3 milliards d’euros en
2009, contre 0,37 milliards d’euros en 2008
93
. Sans le recours au chômage partiel, ces 1,3
milliards d’euros auraient été soumis à la CSG sur les revenus d’activité au taux de 7,5%
au lieu de 6,2% dans le cas présent
. Les BRC ne permettent toutefois pas d’évaluer
l’assiette des indemnités assujetties au taux réduit de CSG de 3,8% ou l’assiette des
indemnités exonérées de CSG
94
.
Les dispositifs de tau
x réduits et d’exonérations sur la
CSG sur les revenus de remplacement ont donc permis d’accompagner le maintien
du niveau de revenus des bénéficiaires d’indemnités de chômage partiel
.
Le graphique ci-dessous illustre l’augmentation du recours au chômage
partiel par
trimestre et par secteur d’activi
té pendant la crise économique, se traduisant par une
augmentation de la substitution des indemnités de chômage partiel à l’assiette salariale de
91
Décret n°2009-110 du 29 janvier 2009. Auparavant, cette indemnité était de 50% du salaire brut.
92
L’exonération de CSG entraîne l’exonération de CRDS.
93
Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), septembre 2010.
94
ACOSS STAT n°104, juin 2010.
52
la CSG.
Graphique 7 :
Assiette de CSG relative aux indemnités de chômage partiel, par
trimestre et par secteur d’activité
69
72
50
96
230
247
215
329
334
178
113
0
50
100
150
200
250
300
350
400
2008T1
2008T2
2008T3
2008T4
2009T1
2009T2
2009T3
2009T4
2010T1
2010T2
2010T3
tertiaire
btp
industrie
millions d'euros
Source : Acoss-Urssaf (12/2010)
Note
: Les montants sont présentés en millions d’euros et par trimestre. L’augmentation
importante de l’assiette de CSG déclarée dans le secteur des BTP au premier trimestre
2010 constitue un effet saisonn
ier dû à l’intégration des congés intempéries dans l’assiette
au premier trimestre de chaque année.
2.4.
La CSG comporte une légère part de progressivité par le biais des
exonérations ciblées sur des ménages à faibles revenus
Les exonérations constituent également un élément de progressivité de la CSG. Comme l’a
souligné le rapport, la CSG vise à assujettir l’ensemble des revenus, les exonérations
n’étant consenties qu’au cas par cas à des catégories de population.
Une exception notable
aux exonérations catégorielles doit être notée car elle découle d’une volonté, dès la
création de la CSG, de préserver les ménages modestes : l’exonération de CSG sur les
minima sociaux
.
53
Cette exonération introduit une légère part de progressivité et d’effets redistributifs
au sein de la CSG.
En 2009, elle concerne
3,3 millions de bénéficiaires
en France
métropolitaine
95
. A titre d’exemple, l’exonération de CSG sur le revenu de solidarité active
(RSA) bénéficie à des ménages percevant, pour une personne seule, 467 € par mois et
situés dans le premier décile de revenus. Il en va de même pour les bénéficiaires de
l’allocation aux adultes handicapés, dont le montant mensuel maximum de l’allocation aux
adultes handicapés (AAH) est de 711,95 €.
Tableau 13 :
Nombre de bénéficiaires des minima sociaux en 2008,
exonérés de CSG (France métropolitaine)
Minima sociaux
Nombre de
bénéficiaires, en
milliers, en 2008
Nombre de
bénéficiaires
en milliers,
en 2009
Revenu de solidarité active
-
Revenu minimum d’insertion (RMI)
1005,2
Allocation de parent isolé (API)
172,0
1 313,9
Allocation aux adultes handicapés (AAH)
820,3
883, 3
Allocation supplémentaire d'invalidité (ASI)
97,0
91,9
Allocation de solidarité spécifique (ASS)
298,2
346,1
Allocations diverses en faveur des personnes
âgées démunies
606,3
677,3
Ensemble
2999,0
3 312,5
Source :
Données INSEE 2009 et Observatoire des inégalités 2010, traitement Rapporteur.
2.5.
La CSG déductible a un impact sur l’IR en réduisant son
assiette mais permet d’éviter une double imposition des
ménages redevables de l’IR
La CSG et l’impôt sur le revenu sont souvent comparés
pour deux raisons :
•
tout d’abord, parce que
leurs objectifs et leurs modalités techniques sont très
différentes
et montrent les conséquences que peuvent avoir des choix différents de
fiscalité : l’un est un impôt avec une assiette large et des taux proportionnels, avec
quelques éléments de progressivité ; l’autre est un impôt avec une assiette plus
réduite, un rendement plus faible mais un barème progressif.
96
La CSG pèse ainsi
sur une assiette d’environ 1 140 Mds d’euros, contre 810 Mds d’euros pour l’impôt
sur le revenu.
•
ensuite, en matière de progressivité
, la CSG est souvent présentée comme
réduisant la progressivité de l’IR du fait de sa déductibilité partielle de
l’assiette de l’IR
97
.
95
Source : INSEE
96
Voir tableau de comparaison des assiettes de la CSG et de l’IR dans la suite de cette partie.
97
Ce constat est toutefois souvent peu documenté.
54
Tableau 14 :
Comparaison de l’assiette de l’IR et de l’assiette de la CSG en 2009
Source :
DSS, 5
ème
sous-direction, janvier 2011 (données 2009)
Assiette de l’IR
Assiette de la CSG
Revenus d’activité salariaux
Rémunérations salariales nettes
(sauf
CSG non-déductible)
Frais professionnels à la charge des
salariés : 10% (ou plus sur justificatif)
Intéressement (sauf s’il est réinvesti sous
forme d’épargne salariale)
Indemnités de rupture élevées (plus de
150 000 euros environ ou 2 ans de
salaires) sauf en cas de plan social (exo
totale)
Sous-total
: 470 Md€
Revenus d’activité salariaux
Rémunérations salariales brutes
(+137
Md€)
Frais professionnels à la charge des
salariés : 3% (+50 Md€)
Intéressement et participation (+ 7 Md€)
Contributions des employeurs pour la
prévoyance et la retraite supplémentaire
(+15 Md€)
Toutes indemnités de rupture au delà du
montant légal ou conventionnel (+3 Md€)
Revenus exonérés dont heures sup (+ 11
Md€)
Sous-total
: 690 Md€ (soit 220 Md€ de
plus)
Revenus d’activité non salariaux
Bénéfice net des non salariés (sauf CSG
non déductible et CRDS)
Sous-total
: 68 Md€
Revenus d’activité non salariaux
Bénéfice avec réintégration des
cotisations obligatoires et facultatives et
des revenus exonérés
Sous-total
: 100 Md€ (soit 32 Md€ de
plus)
Revenus de remplacement
Pensions de retraite, allocations de
chômage et IJ nettes (sauf CSG non
déductible et CRDS) avec abattement ou
déduction de 10%
Sous-total :
220 Md€
Revenus de remplacement
Pensions de retraite, allocations de
chômage et IJ brutes sans abattement
Sous-total :
250 Md€ (soit 30 Md€ de
plus)
Revenus du capital
(hors plus values à
taux proportionnel)
Revenus fonciers nets
Revenus de taux
Dividendes (avec abattement de 40%
lorsqu’ils sont imposés au barème)
Exonérations CEL, PEA, assurance vie
(en grande partie)
Exonérations livrets réglementés
Sous-total :
53 Md€
Revenus du capital
(hors plus values à
taux proportionnel)
Revenus fonciers sans imputation des
déficits
Revenus de taux
Dividendes (sans abattement)
CEL, PEA, assurance vie (en totalité)
Exonérations livrets réglementés
Sous-total :
88 Md€ (soit 35 Md€ de plus)
Produits des jeux
Exonération des revenus exceptionnels
Produits des jeux
Taxation forfaitaire représentative des
gains des joueurs
Sous-total :
13 Md€
Total : 810 Md€
Total : 1 140 Md€
55
La CSG est partiellement déductible de l’IR à un taux différent en fonction des
catégories de revenus concernés.
La CSG déductible varie ainsi de 3,8% pour la CSG sur
les revenus de remplacement à 5,8% pour la CSG sur les revenus du patrimoine et les
produits de placement.
Tableau 15 :
CSG déductible de l’assiette de l’IR, par type de CSG
Assiette
Part de CSG déductible de
l’assiette de l’IR
Revenus du patrimoine et produits de placement
5,8%
Revenus d’activité
5,1%
Pensions de retraite, préretraite et invalidité
4,2%
Autres revenus de remplacement
3,8%
Source :
Rapporteur
S’agissant
de
l’impact
de
la
CSG
déductible
sur
l’IR,
deux
précautions
méthodologiques
s’imposent
:
•
rappeler les fondements de la CSG déductible ;
•
objectiver son impact sur l’assiette de l’IR sur la base d’éléments chiffrés.
En premier lieu, la déductibilité partielle de la CSG s’explique par le fait que la CSG
a en partie remplacé des cotisations salariales elles-mêmes déductibles de l’assiette de
l’IR.
En 1991, au moment de sa création, la CSG n’est pas déductible, d’une part pour éviter
tout impact sur l’assiette de l’IR, d’autre part parce que les cotisations que remplace la
CSG sont alors des cotisations patronales, qui ne sont pas déductibles de l’IR.
Fin 1996 et
1997, les points de CSG supplémentaires remplacent des cotisations salariales,
déductibles de l’assiette de l’IR. Tant le gouvernement que les parlementaires et les
partenaires sociaux se prononcent alors pour que ces nouveaux points de CSG soient
eux aussi déductibles afin de ne pas pénaliser les ménages redevables de l’IR.
Le 30
octobre 1996, le Ministre du Travail et des Affaires Sociales explique devant l’Assemblée
nationale : «
Le Gouvernement propose que la fraction nouvelle de CSG soit déductible, à
l’instar des cotisations maladie qu’elle remplace (…)»
98
.
La commission des finances du Sénat se déclare, à l’époque, favorable à une déductibilité
totale de la CSG, tout en précisant que cette déductibilité est difficile à évaluer
99
. A
l’époque, les Sénateurs font valoir que le coût entraîné par la déductibilité est neutre
puisque compensé par l’augmentation de l’assiette de l’IR, consécutive à la diminution des
taux de cotisations d’assurance maladie, qui accroît le revenu net imposable. L’assemblée
nationale adopte une position similaire : les points supplémentaires de CSG se substituant à
des cotisations d’assurance maladie elles-mêmes déductibles de l’IR, il est logique que ces
points de CSG soient «
par principe, déductibles »
100
.
98
Extrait du discours du Ministre du travail et des affaires sociales devant l’Assemblée nationale le 30 octobre 1996.
99
Débats parlementaires, 1997-1998, www.senat.fr
100
Rapport d’information n°1061 du 9 juillet 1998 sur l’application des dispositions fiscales contenues dans les lois de
finances n°96-314 du 12 avril 1996 et n°97 du 10 novembre 1997.
56
La déductibilité est étendue à la hausse de taux portant sur les autres assiettes de la
CSG, et non à la seule hausse portant sur les revenus d’activité, à la suite de la
décision du Conseil Constitutionnel du 30 décembre 1997
101
. Le Conseil constitutionnel
estime en effet que si le législateur est fondé à prévoir une déductibilité de la CSG s’il le
souhaite, il ne peut faire porter la déductibilité uniquement sur la CSG sur les revenus
d’activités et doit l’étendre aux autres composantes de l’assiette de la CSG. La CSG non
déductible sera donc, pour toutes les CSG, de 2,4 %.
En second lieu
,
la déductibilité de la CSG se justifie par la volonté d’éviter une double
imposition des ménages en les taxant à l’IR sur des sommes non perçues puisque
prélevées à la source pour acquitter la CSG.
Cela renvoie d’une part au principe de non-
redondance de l’imposition, qui irrigue fortement la fiscalité des revenus : il justifie ainsi
l’exclusion de l’assiette de l’IR des cotisations sociales, mais aussi la déductibilité des
primes d’épargne-retraite ou l’abattement de 50% sur les dividendes. D’autre part, la
déductibilité de la CSG de l’assiette de l’IR renvoie à la logique selon laquelle l’IR porte
sur le revenu net des ménages et non sur leur revenu brut, ce qui conduit à déduire de son
assiette toute une série de charges pesant sur les ménages, telles que les frais
professionnels ou les pensions alimentaires versées. En ce sens, la non-déductibilité d’une
partie de la CSG pourrait être considérée comme une dérogation, conduisant à augmenter
l’assiette de l’IR.
A cet argument, certains opposent parfois que la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA), autre
impôt acquitté par les ménages, n’est pas déduite de l’assiette de l’IR, mais il s’agit d’un
impôt entraîné par des dépenses de consommation volontaires des ménages- contrairement
à la CSG- et qui pèse sur la consommation, assiette différente de celle de l’IR.
S’agissant de l’impact réel de la CSG déductible sur l’assiette de l’IR, deux précisions
doivent être apportées avant de procéder à son évaluation chiffrée
. Tout d’abord, d’un
point de vue technique, la CSG ne modifie pas les règles de progressivité de l’IR. Elle en
réduit l’assiette, qui se voit ensuite appliquer les mêmes règles de progressivité que celles
initialement applicables en matière d’IR.
La CSG déductible n’a par conséquent pas un
impact sur la progressivité de l’IR en tant que telle, mais sur son rendement et ses
effets redistributifs
. Ensuite, toute analyse chiffrée de l’impact de la CSG sur l’IR doit
être appréhendée en gardant en mémoire que la baisse de la progressivité de l’IR est
principalement due à deux facteurs
102
:
•
Le passage du barème de l’IR de 13 tranches en 1990 (taux marginal d’imposition
allant de 0% à 56,8%) à 5 tranches en 2006 (taux marginal d’imposition allant de
0% à 40%) en vue de simplifier et clarifier le barème de l’IR ;
•
Les déductions, exonérations, abattements et crédits d’impôt, dont la CSG ne
constitue que l’un des éléments.
Ainsi, la CSG déductible s’élève à 53 milliards d’euros en 2009
103
. Cette déductibilité
partielle conduit à une baisse de recettes de l’IR de l’ordre de 5,34 Mds € en 2009
104
.
101
Décision n°97-395 DC du 30 décembre 1997
102
Rapport évaluant l’utilisation et l’impact économique et social des dispositions permettant à des contribuables de
réduire leur IR sans limitation de montant, rapport du gouvernement aux commissions des finances de l’Assemblée
nationale et du Sénat, avril 2008.
103
Données DSS, 5SD.
104
Calculs : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par la DLF. Voir encadré précisant la méthode de calcul.
57
Encadré 6 : Evaluation de la perte d’assiette de l’IR entraînée par la déductibilité partielle de la
CSG
La CSG déductible s’élève à 53 milliards d’euros en 2009
, répartis de la manière
suivante :
- 40 milliards de CSG déductible au titre de la CSG sur les revenus d’activité ;
- 10 milliards de CSG déductible au titre de la CSG sur les revenus de remplacement ;
-
3 milliards de CSG déductible au titre de la CSG sur les revenus du patrimoine et les
produits de placement.
Les revenus du patrimoine et certains produits de placement étant déclarés auprès des
services des impôts, la pe
rte de recettes d’IR induite par la CSG déductible sur cette
catégorie de revenus permet d’appliquer à chaque contribuable le taux marginal
d’imposition qui lui correspond afin de savoir quel serait le montant de son IR si la CSG
n’était pas déductible. Il
ressort ainsi que si la CSG sur les revenus du patrimoine et les
produits de placement n’était pas déductible, l’IR aurait un rendement supérieur de l’ordre
de 0,693 milliards d’euros
105
.
La CSG déductible sur les autres catégories de revenus étant plus dif
ficilement
individualisable au niveau du contribuable, la DLF indique ne pas être en mesure
de
calculer la perte d’IR à partir du taux marginal d’imposition de chaque ménage. Il convient
dès lors d’appliquer à la CSG déductible de chaque catégorie de reven
us le taux marginal
moyen d’imposition pour l’ensemble de la population.
Le taux marginal moyen
d’imposition auquel serait taxé un euro d’assiette supplémentaire d’IR, sur l’année
2009, est de 9,3% pour l’ensemble de la population
106
.
En appliquant ce taux m
arginal
moyen au montant de CSG déductible sur les revenus d’activité et
sur les revenus de
remplacement, il apparaît que la déductibilité de la CSG sur ces catégories de revenus
diminue l’assiette de l’IR de l’ordre de
4,647 milliards d’euros par an, hors
prise en compte
de l’élasticité des taux marginaux d’imposition en fonction de la catégorie de revenus.
Au total, la déductibilité de la CSG entraîne une diminution des recettes d’IR
d’environ 5,34 milliards d’euros par an.
105
Données DLF.
106
Données DLF.
58
3.
LA
DOMINANTE
PROPORTIONNELLE
DES
PRELEVEMENTS
SOCIAUX
N’EXCLUT PAS DE LEGERS EFFETS REDISTRIBUTIFS
3.1.
Ramenés au revenu disponible des ménages, les prélèvements sociaux
pèsent un peu moins sur les bas revenus
Le revenu disponible des ménages comprend :
•
les revenus d’activité,
•
les revenus du patrimoine,
•
les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales monétaires
(pensions de retraite, indemnités chômage, minima sociaux), nets des impôts
directs.
Le revenu disponible direct est rapporté au nombre d’unités de consommation afin de
comparer des ménages de taille différente.
Tableau 16 :
Rapport des prélèvements sociaux au revenu disponible par UC des
ménages en 2009
Source :
données DREES 2010, PLFSS 2011 Champ : Ce tableau présente l’importance des prélèvements sociaux
par rapport au revenu disponible des ménages, à partir d’un échantillon de personnes appartenant à des ménages ordinaires
dont le revenu déclaré à l’administration fiscale est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante
107
.
107
PLFSS 2011, PQE financement, indicateur n°2-1.
Décile de revenu disponible par unité de consommation (UC)
En € annuels
1
er
2
ème
3
ème
4
ème
5
ème
6
ème
7
ème
8
ème
9
ème
10
ème
Ensemble
des
ménages
Revenu
disponible
moyen
par
UC
dont
disposent
les
ménages
de
chaque décile
8820
12000
14340
16240
18180
20130
22700
25970
31230
53420
22340
Cotisations
patronales par
UC
12%
19%
21%
25%
28%
31%
34%
36%
36%
34%
31%
Cotisations
salariales
et
contributions
sociales
par
UC
(CSG,
CRDS)
9%
12%
14%
16%
17%
19%
19%
20%
21%
22%
19%
Total
des
cotisations et
contributions
par
UC
rapporté
au
revenu
disponible
21%
31%
35%
41%
45%
50%
54%
56%
57%
56%
49%
59
Trois conclusions peuvent être tirées de ce tableau, même si elles doivent être nuancées du
fait que les données ne tiennent compte que du champ de la sécurité sociale, et non ceux
des retraites complémentaires et de l’assurance chômage :
•
les prélèvements sociaux pèsent un peu moins sur les bas revenus.
En 2009, les
prélèvements sociaux reposant sur les ménages (cotisations salariales, CSG et
CRDS) représentent environ 9% du niveau de vie disponible moyen des 10% de la
population ayant le revenu disponible moyen par unité de consommation (UC) le
plus faible, contre 22% pour les 10% des ménages les plus aisés ;
•
les prélèvements sociaux augmentent avec le revenu disponible par unité de
consommation
du fait de l’existence d’allègements de charges patronales sur les
bas salaires et du nombre plus élevé de bénéficiaires de revenus de remplacement
au bas de l’échelle de revenus ;
•
toutefois, l’importance des prélèvements sociaux dans le niveau de vie des 10%
des ménages les plus aisés est légèrement inférieure aux ménages du décile
inférieur
, en raison d’une part plus importante de revenus du patrimoine dans les
ressources des ménages les plus aisés ;
3.2.
Le poids des prélèvements sociaux sur les ménages dont la personne de
référence est au chômage est réduit
Tableau 17 :
Rapport des prélèvements sociaux au niveau de vie des ménages par statut de la personne
de référence
Source :
données DREES 2010, PLFSS 2011 Lecture : les cotisations salariales et les contributions
sociales représentent en moyenne 22% du revenu disponible par UC lorsque la personne de référence du
ménage est active occupée. Champ : sécurité sociale, hors retraite complémentaire et assurance chômage
Statut de la personne de référence du ménage
Active occupée
Au chômage
A la retraite
Autre inactive
hors étude
Ensemble
Revenu
disponible
moyen par UC en
euros par an
23530
13980
22310
15240
22340
Cotisations
patronales par UC
41%
21%
5%
10%
31%
Cotisations salariales
et
contributions
sociales
par
UC
(CSG, CRDS)
22%
14%
10%
14%
19%
Total des cotisations
et contributions par
UC
rapporté
au
revenu disponible
63%
35%
15%
34%
49%
60
En complément du tableau précédent, ce tableau intègre la situation de la personne de
référence du ménage afin de tenir compte de la prédominance des revenus d’activité dans
le niveau de vie des ménages.
Ainsi, pour les ménages dont la personne de référence est active occupée, les cotisations
salariales et contributions sociales représentent en moyenne 22% de leur revenu disponible
par UC
108
, contre 14% pour les ménages dont la personne de référence est au chômage.
Au total,
l’ensemble des cotisations et des contributions sociales représentent 63% du
revenu disponible par UC des ménages dont la personne de référence est active
occupée, contre 35% pour les ménages dont la personne de référence est au chômage
et 15% pour les ménages dont la personne de référence est retraitée.
3.3.
Les prélèvements sociaux ont peu d’impact sur la distribution des niveaux
de vie
Le rapport particulier présenté en janvier 2011 par la DGTrésor montre que les
prélèvements sociaux ont peu d’effets sur les inégalités de niveau de vie,
dans un sens
comme dans l’autre. Les simulations réalisées par les rapporteurs montrent que le passage
du niveau de vie initial au niveau de vie net après prise en compte de ces prélèvements
sociaux se traduit par une baisse de l’ensemble des niveaux de vie, bien qu’un peu plus
prononcée dans le haut de la distribution des niveaux de vie
109
.
Considérés isolément des prestations, les prélèvements sociaux ont donc peu d’impact
sur la distribution des niveaux de vie.
Les prélèvements obligatoires sociaux étant
directement affectés aux dépenses sociales, il convient toutefois de les analyser en lien
avec ces dépenses, dont il ressort qu’elles ont des effets redistributifs importants.
108
Unité de consommation selon l’INSEE : le premier adulte du ménage représente 1 UC. Les autres personnes du
ménage ayant plus de 14 ans représentent 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans 0,3 UC.
109
Le rapport particulier de la DGTrésor exclut de son champ les prélèvements s’inscrivant dans une logique
assurantielle.
61
II. La redistribution s’effectue principalement par
les dépenses financées par les prélèvements
sociaux
1.
LES DEPENSES SOCIALES FINANCEES PAR LES PRELEVEMENTS SOCIAUX
ONT
DES
EFFETS
REDISTRIBUTIFS
HORIZONTAUX,
INTRAGENERATIONNELS ET VERTICAUX
1.1.
La
redistribution
horizontale
constitue
l’un
des
fondements
des
prestations sociales
La forme de redistribution la plus spontanée, s’agissant des dépenses sociales, est la
redistribution horizontale.
En mutualisant les risques entre les assurés et en ne versant les
prestations qu’aux assurés ayant vu le risque social concerné se réaliser, les prestations des
régimes assurantiels ont des effets redistributifs horizontaux entre bien-portants et malades
ou actifs occupés et chômeurs
110
.
Tableau 18 :
La redistribution horizontale opérée par les dépenses sociales
Source :
Rapporteur. Note : sont
présentés les régimes dont le financement est en partie
assuré par les ménages. La branche
famille est certes en partie financée par les cotisations patronales, mais aussi par les cotisations des ménages (travailleurs indépendants,
exploitants agricoles) et par la CSG.
Les cotisations sociales représentent 56% de ces recettes et la CSG 21% au titre de l’année 2009. Les
accidents du travail et les maladies professionnelles, financés par des cotisations patronales, ne sont pas présentés dans le graphique.
110
L’assurance maladie n’est certes pas uniquement un régime assurantiel puisqu’une partie des prestations sont
universelles et financées par le biais de la CSG. On peut considérer, toutefois, que le maintien de cotisations patronales
maladie perpétue certaines de ses caractéristiques assurantielles.
62
Plus encore que dans les autres régimes, la redistribution horizontale est un objectif
affiché de la politique familiale
. Le programme de qualité et d’efficience (PQE)
« famille » présenté chaque année aux parlementaires dans le cadre des discussions sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en fait ainsi son premier
objectif, en visant la contribution à la compensation financière des charges de famille. Les
indicateurs présentés dans le PLFSS 2011, confirmés par les simulations complémentaires
effectués par le rapport particulier de la DGTrésor pour le CPO, montrent que les
prestations familiales réduisent bien les disparités de
niveaux de vie en fonction de la
configuration familiale, et plus particulièrement des ménages sans enfants et avec un
enfant vers les familles monoparentales ou nombreuses. A titre d’exemples, un couple avec
enfant voit son niveau de vie médian augmenter de 5,1%, alors qu’une famille de trois
enfants au moins voit son niveau de vie croître de 24,6%. Après prestations familiales, le
niveau de vie médian des parents isolés avec deux enfants au moins augmente de 34%
111
.
1.2.
La redistribution intragénérationnelle opérée par le système des retraites
doit être prise en compte
La redistribution intergénérationnelle, de même, a fait l’objet de nombreux travaux,
dont un rapport du CPO
112
.
Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a depuis
complété ces travaux en examinant la redistribution intragénérationnelle
113
.
Le COR a ainsi mis en évidence le rôle joué par les retraites dans la redistribution,
principalement via les dispositifs de solidarité.
Les travaux du COR rappellent que la
redistribution intragénérationnelle opérée par le système des retraites passe par deux
canaux : les dispositifs de solidarités et les modalités de calcul des pensions. Les effets
redistributifs des retraites de base (régime général) sont essentiellement le fait des
dispositifs de solidarité, qu’il s’agisse des droits familiaux, des périodes de validation de
trimestres non cotisés, ou des minima de pensions. Ces dispositifs de solidarité
représenteraient 20% de la masse des retraites de droits propres. En outre, le modèle
DESTINIE de l’INSEE montre que la pension moyenne des retraités du régime de base nés
entre 1950 et 1960 serait inférieure de 15% à leur niveau actuel en l’absence des dispositifs
de solidarité et à âge de liquidation inchangé
114
.
Encadré 6: Les dispositifs de solidarité dans les régimes de retraite de base
1/ les droits familiaux
Majoration de pension pour trois enfants, assurance vieillesse des parents au foyer
2/ les périodes assimilées
Validation de trimestres non cotisés au titre du chômage, de la maladie, du volontariat,
de la maternité
3/ les minimas de pension
Minimum contributif dans le régime général, minimum garanti dans la fonction
publique.
111
PQE « famille », Objectifs et Résultats, PLFSS 2011.
112
« La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de l’équité intergénérationnelle », CPO,
novembre 2008.
113
« Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques », Conseil d’Orientation des
Retraites, janvier 2010.
114
COR, op.cit.
63
Cette redistribution peut s’opérer soit entre les assurés d’un même régime, soit entre
les assurés de régimes distincts par le biais de transferts inter-régimes.
Dans le premier
cas, la redistribution s’effectue par le biais de prélèvements sociaux contributifs (les
cotisations sociales des assurés). Dans le second cas, la redistribution peut être financée par
des prélèvements sociaux contributifs ou, dans certains cas, par la CSG. C’est ainsi que le
Fonds Solidarité Vieillesse (FSV), financé en grande partie par la CSG, prend en charge les
périodes validées au titre du chômage des régimes de base des salariés.
Les dispositifs de réversion opèrent également une redistribution entre célibataires et
couples mariés, et entre hommes et femmes,
les femmes ayant une espérance de vie plus
longue. Ces dispositifs participent d’autant plus à la redistribution qu’il existe des
dispositifs de réversion sous conditions de ressources, au sein du régime général, qui
tendent à favoriser les survivants ayant peu de droits propres
115
.
Le COR estime ainsi que les systèmes de retraite opèrent une redistribution entre les
couples ayant un niveau de salaire élevé et les couples à bas salaires, les principales
bénéficiaires de cette redistribution étant les femmes
116
.
Les taux de rendement interne
(TRI) permettant de dresser le bilan contributif des retraites par catégorie de population
montrent ainsi que ces TRI sont les plus élevés pour les femmes à bas salaires ou dont la
carrière a été courte, mais aussi, de manière générale, pour les assurés ayant réalisé une
carrière courte avec inactivité précoce, les carrières à salaires très faibles pour élever un
enfant ou les personnes en invalidité. Le système bénéficie en revanche moins aux hommes
à bas salaires
117
.
Au total, les dispositifs de solidarité prévus dans le régime général de retraite
permettent de ramener les inégalités de retraite au même niveau que les inégalités de
salaires.
L’INSEE évalue le rapport interdécile des retraites à 4,3, soit à un niveau
équivalent de celui des salaires moyens de retraites (4,1). Sans ces dispositifs de solidarité,
le rapport interdécile des retraites serait de 8.
118
1.3.
La redistribution verticale est établie s’agissant des prestations non-
contributives mais fait l’objet d’une information incomplète
La redistribution verticale opérée par les prestations non-contributives est bien
établie
. Les prestations non-contributives (c’est-à-dire hors retraites et assurance chômage)
sont en effet concentrées sur les trois premiers déciles de niveau de vie
119
. Pour les
ménages du premier décile, le revenu net représente autour de 40% du niveau de vie
disponible, le reste étant composé de prestations.
Globalement, comme le montre le tableau ci-dessous, les prestations non-contributives
représentent en moyenne 7,1% du niveau de vie
120
et contribuent pour 63,2% à la réduction
des inégalités.
115
COR, op.cit.
116
BRIARD et LELIEUR (2007), « Taux de rendement de l’opération retraite et redistribution intragénérationnelle »,
CNAV, Retraite et société 2007/1 – n° 51.
117
CNAV, op.cit.
118
BEFFY, BLANCHET et CRENNER, « Redistribution intragénérationnelle dans le système de retraite français :
premières estimations à partir du modèle de microsimulation Destinie 2 », INSEE 2009.
119
Rapport particulier CPO janvier 2011, op.cit.
120 Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le
niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage.
64
Tableau 19 :
Contribution des différents transferts à la réduction des inégalités de vie en 2009
Part du transfert
dans le revenu
disponible
(en %)
Progressivité du
transfert
Contribution à la
réduction des
inégalités
(en %)
Prélèvements
-17,4
1,9
36,8
Cotisations redistributives (famille, logement)
-7,9
0,5
4,7
Contributions sociales (CSG hors maladie, CRDS)
-3,3
0,7
2,6
Impôt sur le revenu (net de PPE)
-4,8
5,6
29,7
Dont :
impôt sur le revenu (avant PPE)
-5,3
4,6
26,7
prime pour l'emploi (PPE)
0,4
6,4
3,0
crédit d'impôt 2009
0,1
4,0
0,5
Taxe d'habitation
-1,4
-0,2
-0,2
Prestations
7,1
8,1
63,2
Prestations familiales sans conditions de ressources
2,9
5,3
16,9
Dont :
allocations familiales
1,7
6,2
11,3
Prestations familiales sous conditions de ressources
et aides à la scolarité
1,1
8,2
10,2
Dont :
socle de la PAJE
0,6
6,7
4,7
complément familial
0,2
9,5
2,2
Aides au logement
1,4
10,9
16,8
Minima sociaux (y c. RSA "socle")
1,2
11,2
14,6
APA
0,3
8,6
2,8
RSA "activité"
0,1
10,6
0,8
Prime de solidarité active
0,1
9,6
1,1
Niveau de vie
100,0
100,0
Source :
Source : Insee-DGI, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2007 (actualisée 2009), modèle Ines,
calculs Drees et Insee. Champ : personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire dont le
revenu net est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.
Parmi les prestations, celles dont les effets sur la redistribution verticale sont
régulièrement étudiées et font l’objet d’une information régulière des parlementaires
sont principalement les prestations familiales.
Cette information passe notamment par
l’élaboration chaque année, des programmes de qualité et d’efficience (PQE) des projets de
loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
65
La redistribution verticale est en effet un objectif affiché de la politique familiale
.
L’objectif prioritaire de la politique familiale a longtemps été l’encouragement de la
natalité. A cet objectif nataliste se sont greffés à partir des années 1970 un objectif de
redistribution horizontale puis, progressivement, un objectif de redistribution verticale
aujourd’hui intitulé « aider les familles vulnérables » au sein du PLFSS
121
.
Les indicateurs suivis par la DREES dans le cadre du PLFSS montrent que pour les
couples avec deux enfants, la politique familiale
contribuent à réduire l’écart de
niveau de vie entre les 10% des ménages les plus aisés situés dans le dernier décile de
revenus et les 10% des ménages les plus modestes
122
.
Pour ces ménages, le niveau de vie
initial des ménages du 9
ème
décile est 4,1 fois supérieur à celui des ménages du premier
décile. Après intervention de l’impôt sur le revenu –et du quotient familial, l’écart est de
3,7. Après intervention des prestations familiales, des minima sociaux et des aides aux
logements, l’écart tombe à 2,9.
Tableau 20 :
Rapport inter-déciles des distributions de niveaux de vie avant et après transferts
couples
Etapes du niveau de vie
avec 1
enfant
avec 2
enfants
avec 3
enfants ou
plus
parent isolé
avec un
enfant
Objectif
PLFSS
Niveau de vie de référence
3,7
4,1
6,5
18,3
Niveau de vie après IR sans
quotient familial
3,4
3,7
5,8
16,7
Niveau de vie après IR y.c.
quotient familial
3,4
3,8
6,2
17,5
Niveau de vie après PPE et TH
3,4
3,8
6,0
17,3
Niveau de vie après PF
3,2
3,2
3,8
8,3
Niveau
de
vie
après
rSa
« activité »
et
prime
de
solidarité active
3,2
3,1
3,7
7,7
Niveau de vie après minima
sociaux +AL
3,0
2,9
3,2
2,6
Réduction
des
écarts
de
niveau
de vie
Source :
DREES, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2007 actualisée 2009, modèle INES. Champ :
personnes appartenant à des ménages ordinaires vivant en métropole dont le revenu déclaré au fisc est positif
ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans.
Si les effets des prestations familiales sur la redistribution sont bien connus, en
revanche, l’impact sur la redistribution verticale des prestations relevant d’un régime
assurantiel fait l’objet d’une information insuffisante.
Les études sur la redistribution
opérée par les dépenses sociales n’offrent qu’une information partielle, pour trois raisons.
121
L’une des difficultés de cette politique publique consiste à hiérarchiser ces différents objectifs, parfois contradictoires,
l’objectif de redistribution horizontale pouvant conduire à aider des familles nombreuses aux revenus élevés, limitant
alors les effets des prestations sous condition de ressources destinées à favoriser la redistribution verticale.
122
PQE « famille », PLFSS 2011, indicateur n°2-1.
66
Tout d’abord, en-dehors de quelques études ponctuelles, les travaux chargés
d’informer les parlementaires et le grand public excluent le plus souvent de leur
champ toutes les prestations relevant d’un régime assurantiel,
soit pour des raisons
méthodologiques, soit en raison de la complexité que nécessiterait une étude élargie à
l’ensemble des prestations. Il semble pourtant difficile de mesurer les effets redistributifs
des prélèvements et prestations sociales en excluant les prestations de retraite et les
indemnités chômage, comme c’est actuellement le cas dans les études observant par
exemple l’impact des prestations sur la distribution des niveaux de vie. Même si elle exclut
elle aussi ces éléments du champ de son étude, l’édition 2010 de l’étude
France Portrait
Social
conduite chaque année par l’INSEE aborde brièvement ces éléments, indiquant elle
aussi la nécessité d’intégrer davantage les allocations chômage dans l’analyse de la
distribution des niveaux de vie et de mieux tenir compte de l’impact individuel des retraites
sur le niveau de vie.
Ainsi, il ressort de cette étude que
les allocations chômage ont des effets redistributifs
verticaux.
Pour les 12% des salariés ayant perçu des allocations chômage en plus de leur
salaire en 2007, ces allocations ont permis d’augmenter leur revenu moyen de 49% par
rapport à leurs seuls revenus d’activité. La même année,
près d’un tiers des salariés
ayant de faibles revenus d’activité ont perçu des allocations chômage
qui ont permis
une hausse de 94% de leurs revenus.
Après versement des allocations chômage, 29% de
ces ménages ne sont plus situés dans le bas de la distribution des revenus
123
.
En
outre,
les
ménages
modestes
cotisent
auprès
de
l’assurance
chômage
proportionnellement à leurs revenus, mais ont une probabilité plus grande que les
ménages aisés de percevoir des prestations de l’assurance chômage.
Le taux de
chômage des cadres était en effet de 3,8% en 2009 contre 20,8% pour les ouvriers non
qualifiés. La survenance du risque de chômage est donc moins élevée pour les cadres, dont
les cotisations participent de fait à financer les prestations des assurés aux revenus plus
modestes.
Graphique 8 :
Taux de chômage par catégorie socioprofessionnelle en 2009
3,8
8,7
13,2
20,8
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
TAUX DE
CHOMAGE
EN %
Cadre
Employé
Ouvrier
0uvrier non
qualifié
CATEGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE
Source :
Données INSEE Enquête Emploi, traitement Rapporteur
123
INSEE, France Portrait Social, édition 2010.
67
Ensuite, les études sur la redistribution opérée par les dépenses sociales ne prennent
pas en compte les prestations en nature
– celles de l’assurance maladie mais aussi celles
de la politique familiale. S’agissant par exemple de la politique familiale, le rôle joué par la
fourniture de services (soins de santé, éducation, prise en charge d’une partie des dépenses
de loisirs, culture, vacances) est en partie pris en charge par la collectivité
124
. Ces transferts
pourraient représenter jusqu’à 23% du revenu disponible brut pour l’ensemble des
ménages, et 35% pour les familles monoparentales et les familles nombreuses
125
.
1.4.
Le bilan contributif cotisations/prestations, s’il n’inclut pas les prestations
d’assurance maladie et les allocations chômage, fournit des indications
sur l’impact des régimes assurantiels sur les ménages modestes
Si la redistribution verticale des systèmes assurantiels est peu étudiée, un bilan
contributif est toutefois réalisé dans le cadre du PLFSS.
Ce bilan vise à évaluer si les
ménages modestes perçoivent davantage de prestations qu’ils ne versent de cotisations.
Ce bilan cotisations/prestations est axé sur le champ de la sécurité sociale, le PLFSS
n’ayant pas vocation à s’étendre à l’ensemble de la protection sociale.
Par conséquent,
l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire ne sont pas pris en compte.
Ce bilan contributif est réalisé à un âge donné mais ne peut pas être réalisé sur un
cycle de vie, les séries longitudinales nécessaires pour réaliser un tel bilan n’existant
pas.
Ce bilan contributif ne prend pas non plus en compte les prestations d’assurance
maladie, principalement du fait de choix méthodologiques anciens qui méritent
aujourd’hui d’être réévalués
.
Les prestations d’assurance maladie doivent être incluses dans le bilan contributif
présenté chaque année aux parlementaires afin de leur donner la vision la plus
précise possible de la réalité.
Les PQE du PLFSS 2011 indiquent que des travaux sont en
cours, au sein de la DREES, pour permettre l’intégration des prestations d’assurance
maladie dans le bilan contributif des PLFSS des prochaines années. Il apparaît souhaitable
que cela puisse être le cas dès le PLFSS 2012.
Ainsi, deux éléments ressortent du bilan contributif (hors assurance maladie) entre
les cotisations acquittées et les prestations reçues.
En premier lieu, le bilan contributif évolue avec l’âge de la personne et est plus
favorable aux personnes âgées, en raison du versement des pensions de retraite à
partir d’un certain âge.
Jusqu’à 60 ans, le bilan contributif est globalement négatif, ce qui
signifie qu’une personne seule paye davantage de cotisations qu’elle ne perçoit de
prestations. En revanche, à partir de 60 ans, notamment en raison des retraites, le bilan
contributif devient nettement positif. Ainsi, une personne ayant entre 65 et 69 ans perçoit
autour de 18 000 € de prestations contre 4 000 € de cotisations versées
126
.
124
ELBAUM M., op.cit.
125
« Les transferts en nature atténuent les inégalités de revenus », INSEE Première n°1264 – novembre 2009.
126
Les indicateurs disponibles permettent de réaliser ce bilan contributif à un âge donné mais ne permettent
malheureusement pas de procéder à la même analyse sur un cycle de vie.
Graphique 9 :
Cotisations acquittées et prestations reçues annuellement selon l’âge de la personne de référence
Source :
Modèle INES, DREES, données 2009
Cotisations
20 000
18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
Total (€)
cotisations patronales
cotisations salariales et contributions
Prestations
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000 12 000 14 000 16 000 18 000 20 000
20 à 24 ans
25 à 29 ans
30 à 34 ans
35 à 39 ans
40 à 44 ans
45 à 49 ans
50 à 54 ans
55 à 59 ans
60 à 64 ans
65 à 69 ans
70 à 74 ans
75 à 79 ans
80 ans et plus
Total (€)
Retraites
Chômage - préretraites
Prestations garde d'enfants
Autres prestations familiales
Allocations logement
APA
Minima sociaux
En second lieu, les ménages du premier quartile de revenus ont un bilan contributif
bénéficiaire ou neutre peu importe leur âge.
Le graphique ci-dessous montre ainsi que
les ménages du premier quartile de revenus ont un bilan contributif positif ou neutre peu
importe l’âge de la personne de référence du ménage, devenant clairement bénéficiaires à
partir de l’âge de la retraite. Ainsi, un ménage dont la personne de référence a entre 20 et
24 ans et se situe dans le premier quartile de la distribution des niveaux de vie fait état d’un
bilan de – 3 013€, ce qui signifie qu’il perçoit environ 3 000 € de prestations en plus qu’il
ne verse de cotisations. Un ménage dont la personne de référence du même âge est situé
dans le quatrième quartile de revenus, en revanche, verse 14 910 € de plus qu’il ne perçoit
de prestations.
En outre, tous les ménages deviennent bénéficiaires lorsqu’ils atteignent l’âge de la
retraite, peu importe leur position dans la distribution des niveaux de vie
127
.
Graphique 10 :
Écart en euros entre les cotisations acquittées et les prestations reçues annuellement
selon le quartile de niveau de vie du ménage et l’âge de la personne de référence, en 2009
-30 000
-20 000
-10 000
0
10 000
20 000
30 000
40 000
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
50-54
55-59
60-64
65-69
70-74
75-79
80 et plus
Tranche d'âge
Cotisations-Prestations (en €)
1er quartile
2ème quartile
3ème quartile
4ème quartile
Source :
Modèle INES, DREES. Note : lorsque la courbe est située sous le niveau des abscisses, le bilan
est positif pour le ménage.
127
PQE, Programme « financement », données de cadrage, PLFSS 2011.
71
2.
UN EXEMPLE DE REDISTRIBUTION ENTRE LES MENAGES PAR LES
DEPENSES SOCIALES : L’ASSURANCE MALADIE
Le champ du rapport étant large, afin d’illustrer le rôle redistributif des dépenses sociales
financées par les prélèvements obligatoires sociaux, le présent rapport s’intéresse à un
exemple en particulier : celui de l’assurance maladie, en lien avec la redistribution opérée
par les organismes complémentaires.
2.1.
L’assurance maladie, en lien avec les organismes complémentaires,
poursuit des objectifs de redistribution horizontale et verticale
L’affiliation à l’assurance maladie est obligatoire, considérant que la mutualisation
des risques au niveau national se révèle, à long terme, bénéfique pour l’ensemble de la
société.
Elle constitue un bon exemple de redistribution opérée par les dépenses sociales,
pour deux raisons :
•
les effets redistributifs de l’assurance maladie ont fait l’objet de peu d’études, alors
même que la redistribution se situe au coeur de ses objectifs ;
•
le financement de l’assurance maladie mélange prélèvements contributifs
(essentiellement la part patronale des cotisations maladie) et non- contributifs
(CSG).
Les prestations sociales ou dépenses sociales financées par les prélèvements obligatoires
sociaux peuvent être soit des prestations
en espèces
, qui visent à garantir le maintien du
niveau de vie en cas d’incapacité totale de travail, temporaire ou définitive, soit des
prestations
en nature
, (remboursements d’actes médicaux, de médicaments, d’actes
chirurgicaux, maternité).
En 2008, les prestations d’assurance maladie représentent 162,7 milliards d’euros
128
.
Tableau 21 :
Montants des prestations en espèces de l’assurance maladie au 1
er
janvier 2011
129
Prestation
Montant journalier maximum
Indemnité journalière maladie
48,43 €
Indemnité
journalière
maladie
majorée pour charge de famille
64,57 €
Indemnité
journalière
maternité/congé
de
paternité/congé d’adoption
77,79 €
Minimum mensuel
Maximum mensuel
Pensions
d’invalidité
de
1
ère
catégorie
265,13 €
883,8 €
Majoration forfaitaire pour tierce
personne
1038,36 €
Source :
Sécurité sociale-
128
PLFSS 2011, PQE maladie, prestations d’assurance maladie au sens des comptes de la protection sociale.
129
Les montants maximums sont revalorisés au 1er janvier 2011 sur la base de la revalorisation du plafond annuel de la
sécurité sociale, les autres montants minimums sont fixés au 1er avril 2010.
72
Les prestations d’assurance maladie poursuivent deux objectifs en lien avec la
redistribution :
•
un objectif de redistribution horizontale
entre bien-portants et malades
130
: en
termes de politique publique, cet objectif implique de chercher à réduire le coût de la
maladie, sans tenir compte de la situation financière du malade
131
. Cet objectif se
mesure par le biais du reste à charge en valeur absolue après remboursement des
régimes
de
base
–sans
tenir
compte
des
remboursements
des
organismes
complémentaires
132
;
•
un objectif de redistribution verticale
, qui vise à favoriser
l’accessibilité financière
des soins
pour les ménages les plus modestes, afin d’éviter que les frais de santé ne
conduisent certains ménages à vivre en-dessous du seuil de pauvreté. L’organisation
mondiale de la santé (OMS) évalue en effet à 100 millions le nombre de personnes
dans le monde qui basculent chaque année dans la pauvreté à cause des frais
médicaux
133
. L’objectif d’accessibilité financière des soins se mesure par le biais du
reste à charge en valeur absolue après remboursement des régimes de base et des
organismes complémentaires
, ainsi que par le taux d’effort des ménages pour
financer leurs dépenses de soins
134
. L’assurance maladie, en poursuivant l’objectif d’un
égal accès aux soins, doit ainsi veiller à réduire ou à éviter les inégalités financières en
suivant chaque année l’évolution du reste à charge des 10% des ménages les plus
pauvres sur leurs dépenses de santé
135
.
•
Les organismes complémentaires participent à l’effort de redistribution opérée
par l’assurance maladie
: 94% de la population ont souscrit à une couverture auprès
d’un organisme complémentaire. Le reste à charge des ménages est donc lié aux
prestations fournies par ces organismes.
Encadré 7: Les indicateurs permettant de mesurer les effets redistributifs de l’assurance maladie
1/ Le reste à charge en valeur absolue après remboursement de l’assurance maladie
obligatoire
RAC = dépense – remboursement opéré par la seule assurance maladie
2/ Le reste à charge en valeur absolue après remboursement de l’assurance maladie
obligatoire et des organismes complémentaires
RAC = dépense – remboursement opéré par l’assurance maladie et les organismes
complémentaires
3/ Le taux d’effort
Taux d’effort = reste à charge par rapport au revenu disponible
130
« La démarche de tableau de bord du HCAAM, application à la question de l’accessibilité financière des soins », Haut
conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, 27 janvier 2011, pp 10.
131
En outre, même si ce n’est pas un objectif en tant que tel de l’assurance maladie, elle opère une redistribution entre
célibataires et familles, les premiers cotisant autant qu’une famille de revenu égal, sans en faire bénéficier d’ayants droits.
132
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., « La prise en charge des dépenses maladie des assurés sociaux en fonction du
risque constaté : quelle contribution de l’assurance maladie et des organismes complémentaires », Comptes nationaux de la
Santé 2009. Cet indicateur est intitulé « RAC2 » dans les tableaux de la suite du rapport.
133
« Rapport sur la santé dans le monde 2010. Le financement des systèmes de santé : le chemin vers une couverture
universelle », Organisation mondiale de la santé (OMS).
134
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., op.cit.
135
PLFSS 2011, programme de qualité et d’efficience « maladie », objectif 1.
73
2.2.
Le dispositif des affections de longue durée témoigne de la redistribution
horizontale
opérée
par
l’assurance
maladie
et
les
organismes
complémentaires
L’un des moyens de vérifier que l’objectif de redistribution horizontale de
l’assurance maladie est atteint est de s’intéresser à la situation des assurés les plus
malades, dont la pathologie a été reconnue comme constituant une affection de longue
durée (ALD).
Les affections de longue durée sont en effet des maladies qui nécessitent un
suivi particulier et prolongé, d’au moins six mois, et impliquent le recours à des traitements
coûteux. Le fait, pour un malade, d’être reconnu comme relevant du dispositif de l’ALD
peut lui permettre d’être pris en charge jusqu’à 100% par la sécurité sociale.
En concentrant les moyens financiers de la sécurité sociale sur les assurés souffrant
des pathologies les plus lourdes, le dispositif de l’ALD de l’assurance maladie
contribue à la redistribution horizontale en réduisant le coût de la maladie pour les
plus malades
136
.
En moyenne, les dépenses moyennes de santé des assurés en ALD sont
très supérieures à celles des autres assurés. En 2006, elles sont de l’ordre de 7 500 €
annuels, contre 1 200 € pour les autres assurés. Une personne en ALD dispose en moyenne
d’un taux de remplacement moyen de 92%, contre 67% pour les autres assurés. 85% de ses
dépenses de ville sont remboursées, contre 55% pour les autres assurés. Le taux de
remplacement atteint 98% s’agissant des dépenses hospitalières des personnes en ALD,
contre 92% pour les autres. En outre, le remboursement moyen de l’assurance maladie est
environ 8,5 fois plus élevé pour les personnes en ALD que pour les autres.
L’assurance maladie opère donc bien une redistribution entre bien-portants et malades
,
même si le reste à charge des personnes en ALD, reste encore élevé (600 € par an en
moyenne contre 200 € pour les autres assurés.
2.3.
L’assurance maladie opère également une redistribution verticale à
destination des ménages les plus modestes, dont les dépenses de santé sont
plus élevées
Les prestations d’assurance maladie participent à la redistribution verticale à
plusieurs niveaux.
En premier lieu, le recours à une assurance maladie obligatoire publique rend
possible un bilan contributif –ou actuariel- neutre ou positif pour certains groupes
sociaux
137
. Un assureur privé, en effet, tendra à rechercher un bilan actuariel positif pour
son entreprise et négatif ou neutre pour l’assuré afin d’assurer sa propre viabilité
financière.
136
L’étude du HCAAM précitée du 27 janvier 2011 sur les indicateurs relatifs à l’accessibilité financière aux soins
rappelle toutefois que 75% des assurés sociaux ne sont pas en ALD et que par ailleurs, en matière de santé, la dispersion
des situations est telle que la notion de moyenne ne représente que partiellement la réalité.
137
CAUSSAT L., LE MINEZ S., RAYNAUD D. (2005) : « L’assurance-maladie contribue-t-elle à redistribuer les
revenus?», Dossiers Solidarité et Santé, n° 1-2005.
74
En deuxième lieu, les ménages modestes cotisent en fonction de leurs revenus mais
reçoivent des prestations en fonction de leur exposition au risque de maladie, qui
s’avère plus élevée que pour les ménages aisés
. A 35 ans, l’écart d’espérance de vie entre
un cadre et un ouvrier est de 7 ans au bénéfice du cadre. Or, la surmortalité des ouvriers est
directement liée à leur surexposition à certaines maladies : 20% de la surmortalité des
ouvriers et employés s’explique par les cancers de l’oesophage et des voies aérodigestives
supérieures (VADS)
138
.
En dernier lieu, les études réalisées en 2005 et en 2010 par la DREES montrent que si
les ménages modestes ont en moyenne des dépenses plus élevées, le reste à charge
moyen augmente avec le niveau de vie et est donc inférieur pour les ménages des
premiers déciles de revenus.
Comme le montre le graphique 11, les ménages des quatre premiers déciles de niveau de
vie ont en effet des dépenses de santé en moyenne plus élevées que les autres ménages :
ceux du premier décile dépensent en moyenne 6 636 € par an pour leurs dépenses de santé,
contre 4 224 € pour un ménage du 6
ème
décile et 4 621 € pour un ménage du 10
ème
décile
139
.
Graphique 11 :
Dépense annuelle de santé par ménage (en €) en fonction du décile de niveau de vie
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Dépense annuelle moyenne de santé par ménage
Source :
DREES ; Champ : France métropolitaine, dépenses présentées au remboursement
138
PQE « maladie », Partie I, données de cadrage, indicateur 6.
139
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., op.cit.
75
Les dépenses de santé plus importantes pour les premiers déciles de revenus s’expliquent
notamment par la taille des ménages, plus élevée dans le premier décile que pour le reste
de la population
140
.
Les ménages du premier décile comptent ainsi 2,7 personnes en
moyenne, contre une moyenne de 2,4 personnes par ménage pour l’ensemble de la
population. Le taux de recours à l’hôpital plus élevé constitue l’autre particularité des
ménages du premier décile : les dépenses hospitalières de ces ménages représentent 52%
de la dépense totale, contre 41% pour les ménages du dernier décile. Pour les trois déciles
suivants, les dépenses de santé élevées sont principalement le fait d’un âge moyen plus
élevé que la moyenne des ménages. Plus d’un quart des ménages de ces trois déciles ont
plus de 60 ans, contre en moyenne un cinquième pour l’ensemble des ménages. Enfin, les
ménages de ces déciles (D2, D3 et D4) sont en moins bonne santé que ceux des autres
déciles : une personne sur cinq est en affection longue durée (ALD), contre une personne
sur sept en moyenne pour l’ensemble des ménages
141
.
Graphique 12 :
Part (en %) de
l’hôpital, de la ville et des médicaments dans la dépense moyenne de santé
0
10
20
30
40
50
60
70
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Hôpital
Ville
Médicaments
Source :
DREES ;
Champ : France métropolitaine, dépense présentée au remboursement
Malgré leur niveau de dépenses de soins plus élevé, le reste à charge (RAC) moyen des
ménages modestes est inférieur à celui des ménages des derniers déciles de revenus, que ce
soit uniquement après le remboursement de l’assurance maladie ou également après le
remboursement des organismes complémentaires
142
. Il est de 271 € pour un ménage du 1er
140
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., op.cit.
141
Voir graphique 12.
142
Le HCAAM rappelle toutefois, dans son étude du 27 janvier 2011 précitée, les limites de l’indicateur du reste à
charge. Il rappelle notamment que les études futures sur l’assurance maladie devront mettre en lien le calcul du reste à
charge et celui du renoncement aux soins.
76
décile après remboursement de l’assurance maladie et des organismes complémentaires,
contre 431 € pour un ménage du dernier décile
143.
Une nuance doit toutefois être apportée à ce constat, le taux d’effort des ménages modestes
étant plus élevé que celui des ménages des derniers déciles : si le reste à charge moyen est
croissant en fonction du niveau de vie, en revanche, le taux d’effort des ménages pour
financer leur reste à charge de dépenses de santé par rapport à leur revenu disponible
diminue au fur et à mesure que le niveau de vie augmente.
143
LEGAL R., RAYNAUD D., VIDAL G., op.cit.
77
Liste des sigles utilisés
ACOSS
Agence centrale des organismes de sécurité sociale
AGFF
Association pour la gestion du fonds de financement
AGIRC
Association générale des institutions des retraites des cadres
AGS
Association de garantie des salaires
APEC
Association pour l’emploi des cadres
ARRCO
Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés
ATMP
Accidents du travail et des maladies professionnelles
CCSS
Commission des comptes de la sécurité sociale
CET
Contribution exceptionnelle temporaire
CNAMTS
Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés
CNAVTS
Caisse nationale d’assurance-vieillesse des travailleurs salariés
CNSA
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
CRDS
Contribution au remboursement de la dette sociale
CSA
Contribution de solidarité pour l’autonomie
CSG
Contribution sociale généralisée
CSS
Code de la sécurité sociale
DG Trésor
Direction générale du trésor et de la politique économique
DLF
Direction de la législation fiscale
DREES
Direction des recherches, des études, de l’évaluation et des statistiques
DSS
Direction de la sécurité sociale
FSV
Fonds de solidarité vieillesse
GMR
Garantie minimale de rémunération
IGAS
Inspection générale des affaires sociales
IGF
Inspection générale des finances
IJ
Indemnités journalières
INSEE
Institut national de la statistique et des études économiques
IR
Impôt sur le revenu
LFSS
Loi de financement de la sécurité sociale
PLFSS
Projet de loi de financement de la sécurité sociale
PQE
Programme de qualité et d’efficience
PSS
Plafond de la sécurité sociale
RSA
Revenu de solidarité active
TVA
Taxe sur la valeur ajoutée
UC
Unité de consommation
UNEDIC
Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce
URSSAF
Unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales
ZFU
zones franches urbaines
ZRR
zones de revitalisation rurale
Liste des personnes rencontrées
IGAS
AMGHAR Yann-Gaël, Inspecteur des affaires sociales, ancien rapporteur particulier du
CPO
BOCQUET Pierre-Yves, Inspecteur général des affaires sociales, président du Copairs
« Protection sociale »
BRAS Pierre-Louis, Inspecteur général des affaires sociales, ancien directeur de la sécurité
sociale
DURAFFOURG Michel, Inspecteur général des affaires sociales, membre du CPO
MARIE Etienne, Inspecteur général des affaires sociales, Président du conseil
d’administration du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)
DSS
BOSREDON Jonathan, Sous-directeur du financement de la sécurité sociale (SD5)
CAUSSAT Laurent, Sous-directeur des études et des prévisions financières (SD6)
CORNU-PAUCHET Marianne, 6
ème
sous-direction, Chef du bureau Etudes et Evaluations
LEPETIT Brice, 5
ème
sous-direction, Chef du bureau des recettes fiscales
REY Jean-Louis, Chef de service, Adjoint au directeur de la sécurité sociale
DREES
BUFFETEAU Sophie, Chef de bureau
ZAIDMAN Catherine, Chargée de mission auprès de la directrice, responsable des
synthèses et des études économiques
UNEDIC
MONNIER Michel, Directeur général adjoint de l’Unedic
CAVARD Pierre, Directeur des études et analyses
DOMERGUE Jean-Paul, Directeur des affaires juridiques
ACOSS
GUBIAN Alain, Directeur financier, directeur des statistiques, des études et de la prévision
CNAF
FOURCADE Nathalie, Sous-directrice des statistiques, des études et de la recherche
AGIRC-ARRCO
PESTRE Gilles, Directeur délégué, directeur technique
FONDS CMU
CHADELAT Jean-François, Président du Fonds CMU
Chercheurs
ELBAUM Mireille, chercheuse, Professeure au conseil national des arts et métiers
(CNAM)
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
RAPPORT SUR :
PROGRESSIVITE DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
ACQUITTES PAR LES MENAGES :
EVOLUTION ENTRE 1990 ET 2009
-----------------------
M. Alexis EIDELMAN
M. Fabrice LANGUMIER
M. Augustin VICARD
Insee
-----------------------
Ce rapport particulier a été établi sous la seule responsabilité de ses auteurs
2
Résumé
Le système français des prélèvements et transferts - l’ensemble des impôts, cotisations, contributions
sociales et allocations, est en perpétuelle évolution. Au fil du temps et des réglementations, différents
instruments se sont superposés ou ont été modifiés, réduisant fortement la lisibilité du système, et
rendant difficile l'appréhension de son caractère redistributif d’ensemble. L’objectif de ce rapport est
de donner une vue aussi synthétique que possible des changements advenus entre 1990 et 2009, et
de quantifier leur impact sur le caractère progressif du système socio-fiscal dans son ensemble.
Le présent rapport se concentre sur l’évolution de la progressivité des prélèvements acquittés,
directement ou indirectement, par les ménages, à l'exclusion des prélèvements assis sur le patrimoine
(ISF, taxe foncière et droits de mutation), dont nous ne tenons pas compte pour des raisons
techniques. Il aborde également la question des prestations monétaires, dans la mesure où la
redistribution opère aujourd’hui majoritairement par celles-ci, et non par les prélèvements. L’effet de
l’évolution de la législation sur la situation des ménages ayant de très hauts revenus (ceux des
derniers centiles de la distribution) n’est pas pris en compte, notamment à cause d’un défaut de
couverture de cette population par l’outil technique mobilisé pour ce rapport.
* * *
Entre 1990 et 2009, le poids global des prélèvements obligatoires s'est très légèrement accru. Au-delà
de cet accroissement global, le poids de chacun des prélèvements a été modifié : les cotisations et
contributions sociales ont vu leur part progresser au détriment des impôts (hors CSG et CRDS).
L'imposition indirecte a le moins évolué durant la période. Le taux de TVA a augmenté d'un point,
passant de 18,6 % en 1990 à 19,6 % en 2009, tandis que les droits d’accise sur le tabac ont fortement
progressé. L’effet global de ces évolutions sur le caractère progressif d’ensemble du système socio-
fiscal est cependant très faible.
Le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu (IRPP) a diminué, ses taux marginaux d'imposition ont
été réduits, et les dispositifs de réduction et de crédit d’impôts ont vu leur nombre s’accroître. En
conséquence, l’IRPP représente une part plus faible de l’ensemble des prélèvements en 2009 qu'en
1990. De surcroît, il est devenu moins progressif : sa contribution à la réduction des écarts de revenu
est donc nettement plus faible aujourd’hui qu’il ne l’était en 1990.
Le financement de la protection sociale a été profondément remanié, en substituant des contributions
(CSG et CRDS), assises sur l'ensemble des revenus, issus du travail comme du patrimoine, aux
cotisations, assises uniquement sur le travail. Cette « fiscalisation » du financement de la protection
sociale a introduit une nouvelle source de progressivité, les nouvelles contributions (CSG et CRDS)
étant davantage progressives que les cotisations.
3
Enfin, la redistribution opérée par la plupart des prestations sociales monétaires a diminué, du fait du
mode de revalorisation de leur barème, basé sur l’inflation, qui évolue moins vite que les revenus
moyens.
* * *
Les cotisations sociales, salariales et patronales, posent un problème particulier puisqu'il est difficile
de déterminer qui en supporte réellement la hausse ou la baisse, en particulier dans le cas des
exonérations de cotisations pour les bas salaires : les salariés peu qualifiés via une hausse de leur
salaire et les chômeurs peu qualifiés via un accès facilité à l'emploi à l'un des bouts du spectre, ou, à
l'autre bout du spectre, les propriétaires des entreprises via une hausse de leurs dividendes et les
consommateurs via une baisse des prix ? Cette question est cruciale car les exonérations de
cotisations mobilisent des masses financières importantes et sont ciblées sur les bas salaires : elles
ont de ce fait un effet important sur la progressivité d’ensemble du système socio-fiscal.
Au total, si l’on considère que les exonérations de cotisations sociales ont bénéficié en totalité aux
salariés concernés par la mesure (sous forme d’effet emploi ou d’effet salaire), les prélèvements
acquittés et les prestations reçues par les ménages sont plus progressifs en 2009 qu’en 1990. En
modifiant l’hypothèse d’incidence fiscale sur les exonérations de cotisations sociales, l’évolution du
caractère progressif du système socio-fiscal est moins marquée entre 1990 et 2009. En retirant les
cotisations patronales des prélèvements analysés, l’ensemble du système apparaît comme moins
progressif en 2009 qu’en 1990, du fait de la moindre progressivité de l’impôt sur le revenu et de la
perte de redistributivité des prestations sociales.
Les modifications de législation qui ont eu l’impact le plus fort sur la progressivité d’ensemble du
système, en particulier la fiscalisation croissante du financement de la protection sociale, sont
intervenues principalement entre 1990 et 1998. De ce fait, les évolutions du système socio-fiscal
intervenues entre 1998 et 2009 ont eu un effet moins prononcé.
Les conclusions du rapport pourraient sans doute être modifiées en incluant dans l'analyse les
prélèvements assis sur le patrimoine, dont le poids dans l'ensemble des prélèvements a baissé durant
la période. La fiscalité pesant sur les entreprises (en particulier l'impôt sur les sociétés) ne fait pas non
plus partie du champ de ce rapport, alors que son évolution sur la période pourrait avoir affecté les
ménages, en particulier ceux ayant de hauts revenus. Pour ces deux raisons, le présent rapport ne
mesure pas l’effet de l’évolution de la législation sur la situation des ménages ayant de très hauts
revenus.
4
Sommaire du rapport
Introduction
..............................................................................................................................................
7
A.
Des modifications nombreuses qui rendent nécessaire mais difficile un exercice de synthèse 7
B.
Progressivité : comment la définir, comment la mesurer ?
........................................................
8
C.
Un modèle pour simuler les prélèvements et transferts du système socio-fiscal français à trois
dates : 1990, 1998 et 2009
..................................................................................................................
9
I.
Décrire l'évolution du caractère progressif des prélèvements obligatoires reposant sur les
ménages : enjeux et difficultés
..............................................................................................................
11
A.
L’incidence fiscale : qui supporte en réalité le poids des prélèvements ?
...............................
12
1.
Tous les prélèvements reposent
in fine
sur les ménages, soit comme consommateurs, soit
comme salariés, soit comme actionnaires ou propriétaires
...........................................................
12
2.
Le mécanisme de l'incidence fiscale : un prélèvement ne repose pas forcément sur les
ménages qui l'acquittent
.................................................................................................................
13
3.
Empiriquement, quantifier précisément les effets d'incidence fiscale est délicat
................
16
4.
Grandes réformes du système socio-fiscal entre 1990 et 2009 : à quels effets d'incidence
fiscale peut-on s'attendre ?
............................................................................................................
21
5.
Synthèse : les prélèvements et prestations intégrés dans le champ de l’étude
..................
25
B.
Raisonner une année donnée vs. raisonner sur le cycle de vie des ménages : quelles
implications ?
.....................................................................................................................................
27
1.
Les prélèvements principalement contributifs doivent être pris en compte dans une analyse
en évolution
....................................................................................................................................
28
2.
La TVA et les impôts indirects sur la consommation : un effet redistributif très différent
selon la perspective que l'on adopte
..............................................................................................
29
C.
Raisonner à structure de population et de revenus constante
.................................................
30
1.
Appliquer le barème socio-fiscal de 1990 ou 1998 à la population de 2009
.......................
31
2.
Quels revenus maintenir constants ?
...................................................................................
33
II.
Évolution du caractère progressif des prélèvements obligatoires reposant sur les ménages :
enseignements du modèle Ines
............................................................................................................
35
A.
Une légère progression du taux de prélèvements durant la période 1990-2009, accompagnée
d’une fiscalisation accrue du financement de la protection sociale
...................................................
35
1.
Un accroissement du taux de prélèvements obligatoires durant la décennie 1990, suivi d’un
reflux durant la décennie 2000
.......................................................................................................
35
2.
L’impôt sur le revenu a perdu en importance
.......................................................................
36
3.
Le financement de la protection sociale a été progressivement fiscalisé
............................
37
4.
La part des PO acquittés, directement ou indirectement, par les ménages, fluctue
légèrement depuis 1995, sa base fiscale étant moins sensible à la conjoncture économique que
les PO acquittés par les entreprises
..............................................................................................
38
5.
La comparaison des législations socio-fiscales de 1990, 1998 et 2009 à structure de
population et de revenus constante délivre les mêmes messages que les données de la
comptabilité nationale
.....................................................................................................................
39
B.
Évolution du caractère progressif des cotisations et contributions sociales, des impôts
indirects, des impôts directs et des prestations monétaires
..............................................................
41
1.
Le financement de la protection sociale est devenu plus progressif au cours des années 90
41
2.
Les impôts directs : l’impôt sur le revenu est moins progressif tandis que la taxe
d’habitation perd son caractère antiredistributif
.............................................................................
57
3.
La dégressivité de la taxation indirecte reste inchangée
.....................................................
69
4.
Les prestations sociales sont devenues moins efficaces dans la réduction des inégalités
74
III.
Synthèse : la redistribution verticale opère par des canaux en partie différents en 1990 et en
2009
88
A.
La fiscalisation du financement de la protection sociale a introduit une nouvelle source de
progressivité, mais, dans le même temps, la progressivité de l’impôt sur le revenu a été
significativement réduite
....................................................................................................................
88
1.
Une diminution de l’importance des deux canaux traditionnels de redistribution, l’impôt sur
le revenu et les prestations sociales
..............................................................................................
88
2.
La fiscalisation du financement de la protection sociale a rendu le système socio-fiscal
davantage progressif
......................................................................................................................
90
3.
L’impôt sur le revenu a perdu en importance et est devenu moins progressif
....................
91
5
4.
Les prestations sociales, qui sont le premier vecteur de redistribution verticale, ont vu leur
progressivité s’éroder
.....................................................................................................................
91
B.
Le jugement porté sur l’évolution de la progressivité de l’ensemble des prélèvements
obligatoires acquittés par les ménages dépend crucialement des hypothèses retenues en matière
d’incidence fiscale
..............................................................................................................................
91
1.
Un constat différencié en fonction du champ retenu
...........................................................
92
2.
La hausse de la progressivité du système est moindre en modifiant les hypothèses
d’incidence fiscale des exonérations de cotisations sociales
........................................................
95
IV.
Annexes
....................................................................................................................................
97
A.
Taux d’effort moyen du système socio-fiscal
...........................................................................
97
B.
Le champ des prélèvements obligatoires a la même allure que sur le graphe 1990-2009, en
étant moins accentué
.........................................................................................................................
98
6
Liste des principaux sigles utilisés
AAH : Aide à l’Adulte Handicapé
AEEH : Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé
AER : Allocation Équivalent Retraite
AF : Allocation Familiales
AL : Aide au logement
ALF : Allocation Logement Famille
ALS : Allocation Logement Social
Apa : Aide personnalisé à l’autonomie
API : Allocation Parent Isolé
APL : Aide Personnalisée au Logement
ARS : Allocation de Rentrée Scolaire
ASF : Allocation de Soutien Familial
ASPA : Allocation de Solidarité aux Personnes Agées
ASSO : Administration de sécurité sociale
CF : Complément Familial
CPO : Conseil des Prélèvements Obligatoires
CRDS : Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale
CSG : Contribution Sociale Généralisée
IS : Impôt sur les sociétés
ISF : Impôt de solidarité sur la fortune
IR / IRPP : Impôt sur le revenu / Impôt sur le revenu des personnes physiques
PAJE : Prime d’Accueil du Jeune Enfant
PIB : Produit intérieur brut
PO : Prélèvement Obligatoire
PPE : Prime Pour l’Emploi
RMI : Revenu Minimum d’Insertion
RSA : Revenu de Solidarité Active
TH : Taxe d’habitation
TIPP : Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
7
Introduction
La Commission des Finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée Nationale, par lettre
de saisine du 10 décembre 2009, et la Commission des Finances du Sénat, par lettre de saisine du 20
avril 2010, ont demandé au Conseil des prélèvements obligatoires d’élaborer un rapport sur la
progressivité et les effets redistributifs des prélèvements obligatoires (PO) reposant sur les ménages.
Sur le fondement du découpage proposé par votre Rapporteur général lors de la séance du
21 octobre 2010, ce rapport particulier traite de l'évolution depuis 20 ans en France de la progressivité
des prélèvements obligatoires reposant sur les ménages. Compte tenu de leur méthodologie
commune et de la proximité de leurs thématiques, le présent rapport s'articule étroitement avec celui
portant sur la « photographie du système socio-fiscal et sa progressivité », rédigé par Marie
Chanchole et Guy Lalanne. Par analogie, le présent rapport présente le film des évolutions du
système socio-fiscal français entre 1990 et 2009.
A. Des modifications nombreuses qui rendent nécessaire
mais difficile un exercice de synthèse
Durant cette période, le système français des prélèvements et transferts
1
a connu de très nombreux
changements, d’importance et de nature différentes.
Des changements profonds sont intervenus, qui portent sur l’orientation ou la philosophie sous-
jacente au système socio-fiscal. Qu’on pense par exemple à la « révolution » intervenue en matière de
financement de la protection sociale. À une partie des cotisations, assises uniquement sur le facteur
travail, ont été progressivement substituées des contributions nouvellement créées puis étendues
(Contribution sociale généralisée - CSG - à partir de 1991 et Contribution au remboursement de la
dette sociale - CRDS - à partir de 1996), assises sur l'ensemble des revenus, issus du travail comme
du patrimoine. Qu’on pense également à la mise en place de mécanismes proches du principe de
l’impôt négatif, avec l’entrée en vigueur de la prime pour l’emploi - PPE - en 2001 et de la composante
« activité » du Revenu de solidarité active - RSA - en 2008.
D’autres changements importants sont intervenus. Ils ont pu modifier de manière significative les
propriétés redistributives du système socio-fiscal même s’ils ne révèlent pas de modification explicite
de son orientation. L'impôt sur le revenu, par exemple, a vu son nombre de tranches passer de treize
à cinq, tandis que les taux marginaux d'imposition qui constituent son barème ont été réduits. Des
exonérations de taxe d’habitation ont été introduites pour les bénéficiaires de minima sociaux et, plus
généralement, pour les ménages à bas revenus. En matière d'imposition indirecte, le « taux normal »
1
Dans la suite de ce rapport, par souci de concision, le système français des prélèvements et transferts sera appelé système
socio-fiscal.
8
de la Taxe sur la valeur ajoutée - TVA - a augmenté de deux points en 1995, passant de 18,6 % à
20,6 %, avant de baisser d’un point en 2000. Les droits d’accise sur le tabac ont augmenté de
manière très significative, avec des conséquences redistributives puisque les ménages modestes
consacrent, proportionnellement, une part plus importante de leur revenu à la consommation de tabac.
Enfin, des changements mineurs se sont superposés durant la période : si aucun d’eux, considéré
isolément, n’a pu affecter significativement le caractère redistributif de l’ensemble du système, leur
accumulation a pu avoir un tel effet.
Confrontés à ces changements, souvent complexes et techniques, les citoyens comme les décideurs
publics peuvent rencontrer des difficultés à appréhender l’évolution du système socio-fiscal, et en
particulier de son caractère redistributif. L’ambition de ce rapport particulier est de contribuer à éclairer
cette question, sur le champ restreint des prélèvements reposant sur les ménages, et des transferts
monétaires qui leur sont directement versés.
B. Progressivité : comment la définir, comment la mesurer ?
La redistribution opérée par le système socio-fiscal se déploie dans plusieurs dimensions :
redistribution verticale bien entendu, des ménages à hauts revenus vers les ménages faibles
revenus ; redistribution horizontale ensuite, des ménages avec enfants vers les ménages sans
enfants ; d’autres formes de redistribution sont également à l’oeuvre, comme la redistribution des bien
portants vers les malades au travers des prestations d’assurance maladie. Mesurer la redistributivité
du système socio-fiscal est dès lors complexe. L’ambition du présent rapport est plus limitée puisqu’il
se cantonne à décrire les évolutions en matière de redistribution verticale, c’est-à-dire qu’il porte sur
son caractère plus ou moins progressif.
Ainsi, le principal indicateur d'intérêt que nous étudierons ici sera le rapport entre le prélèvement
acquitté par le ménage et son niveau de vie
2
. Le terme de taux d’effort sera employé par la suite pour
désigner cet indicateur
3
. Par définition, un prélèvement sera considéré comme progressif si ce taux
d'effort augmente avec le niveau de vie ; il sera considéré comme dégressif si ce taux d'effort baisse
avec le niveau de vie, et comme proportionnel s'il est constant avec le niveau de vie. La comparaison
des taux d’effort des différents déciles aux différentes dates (1990, 1998 et 2009) nous servira de
base pour décrire le caractère plus ou moins progressif de l’ensemble du système socio-fiscal.
2
Le niveau de vie est égal au revenu du ménage divisé par son nombre d'unités de consommation (uc). Le niveau de vie est
donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Les unités de consommation sont calculées selon l'échelle
d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 uc au premier adulte du ménage, 0,5 uc aux autres personnes de 14 ans
ou plus et 0,3 uc aux enfants de moins de 14 ans. Pour former le taux de d’effort, on divise au numérateur les prélèvements par
le nombre d’unité de consommation du ménage, et, au dénominateur, le revenu du ménage également par ce même nombre
d’unité de consommation (niveau de vie). On obtient ainsi des unités comparables au numérateur et au dénominateur.
3
Symétriquement, on utilisera par la suite le terme de « taux de soutien » pour désigner le montant de prestations reçu (par
unité de consommation) rapporté au niveau de vie de référence.
9
C. Un modèle pour simuler les prélèvements et transferts du
système socio-fiscal français à trois dates : 1990, 1998 et 2009
Dans cette perspective, nous utilisons un modèle de simulation des prélèvements et transferts du
système socio-fiscal français, le modèle de microsimulation Ines, développé et maintenu par la Drees
(Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et l’Insee (Institut national
de la statistique et des études économiques). Ce modèle nous permet de comparer les systèmes
socio-fiscaux français de 1990, 1998 et 2009. Après avoir reconstitué les paramètres du système pour
ces trois années (barèmes, seuils et assiettes), nous simulons l’impact des différents prélèvements et
prestations sur le revenu des ménages, en partant du revenu superbrut pour aller vers le revenu final
après application de l’ensemble des prélèvements et prestations retenues dans le cadre du présent
rapport (Schéma 1).
Nous avons dû procéder à des ajustements conséquents du modèle Ines afin de simuler les systèmes
socio-fiscaux de 1990 et 1998, dans des délais contraints pour ce type d’exercice. En conséquence,
nous avons été contraints d’exclure de notre champ d’analyse certains prélèvements et prestations
(
cf.
partie I).
Porter un regard sur l'évolution en France depuis 20 ans de la progressivité des prélèvements
obligatoires reposant sur les ménages oblige à opérer des choix, qui portent principalement sur les
trois dimensions suivantes :
1.
Comment délimiter le périmètre des prélèvements obligatoires reposant sur les ménages ?
2.
En réaction à la modification d’un prélèvement, les ménages ou les entreprises taxés peuvent
modifier leur comportement, par exemple en matière d’offre de travail, de fixation des prix, de
comportement de consommation ou d’épargne. Ainsi, des reports de charge fiscale peuvent avoir
lieu, qui peuvent modifier la répartition du poids de l’impôt. C’est la question de l’incidence fiscale :
comment déterminer sur quel agent se répercute un prélèvement ?
3.
Enfin, entre deux dates, le système socio-fiscal évolue, mais de nombreux autres éléments
évoluent en parallèle : croissance du revenu moyen, modification de la répartition des revenus
superbruts, introduction de nouveaux statuts comme le PACS... Comment tenir compte de ces
modifications tout en isolant le rôle du système socio-fiscal ?
Afin de clarifier le positionnement de ce rapport, nous explicitons les choix auxquels nous avons
procédé dans
la première partie du rapport
, qui interroge plus globalement les enjeux et difficultés
d’une description de l’évolution du caractère progressif du système socio-fiscal.
La deuxième partie du rapport
présente quant à elle les résultats du modèle Ines et indique quel a
été l’effet des modifications du système socio-fiscal sur le caractère progressif de quatre de ses
composantes : le financement de la protection sociale (cotisations et contributions sociales), les
impôts directs (impôt sur le revenu et taxe d’habitation), les impôts indirects et les prestations sociales
monétaires.
10
La troisième et dernière partie
constitue une synthèse de l’ensemble du rapport. Elle présente
l’évolution globale de la progressivité des prélèvements acquittés et des prestations monétaires
reçues par les ménages.
Schéma 1. Démarche poursuivie dans le présent rapport
* Une part résiduelle des contributions sociales (CSG imposable, CRDS et prélèvements sociaux sur le patrimoine) est
également comptabilisée dans le modèle Ines en déduction du revenu de référence. Le revenu de référence est donc, en toute
rigueur, le revenu perçu augmenté de ces éléments.
-
Impôts directs
(IR et TH)*
Revenu de référence
= revenu effectivement perçu (revenus d’activité salariée et indépendante +
revenus de remplacement+ revenus du patrimoine + pensions alimentaires)
-
Cotisations patronales et
salariales
-
Contributions sociales
(CSG déductible)
- Impôts indirects
Revenu « final »
Revenu « disponible »
Champ du
système
socio-fiscal
+ Prestations sociales
Revenu « superbrut »
= montant dépensé par l’employeur pour les salariés + revenus des indépendant incluant
toutes les cotisations + pensions ret
raite et chômage brutes + revenus du patrimoines
+ pensions alimentaires
11
I. Décrire l'évolution du caractère progressif des
prélèvements obligatoires reposant sur les ménages :
enjeux et difficultés
Décrire la réalité fiscale et sociale oblige à se poser une série de questions et à faire un certain
nombre de choix, en fonction des approches théoriques retenues et/ou des données existantes. Cette
première partie est ainsi l’occasion de décrire avec la plus grande transparence possible les choix
effectués et leur impact probable sur nos résultats. Au-delà de cette nécessaire exigence de
clarification, s’interroger sur les enjeux et difficultés d’une description de l’évolution du caractère
progressif des PO permet de mieux comprendre et appréhender les évolutions à l’oeuvre et leur
impact. C’est l’objet de cette première partie. Celle-ci s’articule autour de trois axes.
Premier axe : la question de l’incidence fiscale. Cette notion correspond à l’idée qu’un prélèvement ne
pèse pas forcément en intégralité sur l’agent économique qui l’acquitte. Il peut y avoir un report de
charge fiscale, au sens où l’agent qui acquitte le prélèvement en fait supporter une partie à d’autres
agents économiques. C’est par exemple le cas quand une hausse de la TVA, acquittée par les
entreprises mais assise sur la consommation des ménages, est répartie entre les ménages
consommateurs et les entreprises productrices. La section A décrit le mécanisme de l’incidence
fiscale, rappelle qu’il est difficile de quantifier, même grossièrement, l’ampleur et le sens des reports
de charge socio-fiscale, et s’interroge sur les reports de charge qui ont pu avoir lieu à la faveur des
grandes réformes socio-fiscales intervenues entre 1990 et 2009.
Deuxième axe : la question de l’absence de prise en compte du cycle de vie. En effet, dans la
deuxième partie du rapport, notre analyse consiste à comparer, pour chaque décile de niveau de vie,
les prélèvements acquittés une année donnée rapportés au revenu perçu la même année (que ce soit
en 1990, 1998 ou 2009). Cela peut poser des problèmes pour appréhender le caractère progressif de
certains prélèvements, en particulier pour les taxes assises sur la consommation, comme la TVA, ou,
de manière plus nette, pour les prélèvements principalement contributifs (cotisations vieillesse
notamment). Contrairement au choix effectué dans la plupart des analyses publiées, nous faisons ici
le choix d’intégrer ces prélèvements principalement contributifs dans le champ de notre travail
4
. En
effet, nous sommes conscients que ces prélèvements correspondent principalement à des revenus
différés, donc qu’ils n’ont, par nature, qu’un impact redistributif
a priori
faible. Cependant, sur la
période 1990-2009, les réformes intervenues en matière de prélèvements contributifs, et notamment
les exonérations de cotisations sur les bas salaires ou les déplafonnements, sont en grande partie
déconnectées de changements correspondant en matière de prestations. Ainsi, ignorer les PO
principalement contributifs reviendrait à omettre une évolution significative du système de
prélèvements et de transferts.
4
Les revenus de remplacement correspondants à ces prélèvements (pensions de retraites, allocations chômage) sont quant à
elles considérées comme faisant partie du revenu superbrut des ménages. Elles ne sont pas intégrés dans le champ de la
redistribution opérée par le système socio-fiscal.
12
Troisième et dernier axe : l’intérêt et la difficulté de raisonner à population constante. En effet, il est
difficile d’avoir une source statistique qui permette d’évaluer les prélèvements acquittés par les
ménages en 1990 et ainsi de reconstituer le degré de progressivité du système de prélèvements et
transferts lors de cette année. Cela nous incite à comparer les systèmes socio-fiscaux de 1990 et
2009 à structure de population et de revenus constante (celle de 2009). En conséquence, l’analyse
que nous conduisons consiste à répondre à la question suivante :
quels seraient les prélèvements
et prestations acquittés par les ménages en 2009 si on avait conservé le barème socio-fiscal de
1990 (ou de 1998) ?
Les trois axes de réflexion présentés ci-dessus font l’objet des trois sections de cette première partie.
A. L’incidence fiscale : qui supporte en réalité le poids des
prélèvements ?
1. Tous les prélèvements reposent
in fine
sur les ménages,
soit comme consommateurs, soit comme salariés, soit
comme actionnaires ou propriétaires
En première analyse, l’intitulé du rapport général, « Progressivité et effets redistributifs des
prélèvements obligatoires reposant sur les ménages », nous invite à distinguer deux catégories de
prélèvements : les PO reposant sur les ménages d’une part, et ceux reposant sur les entreprises
d’autre part. Cette approche « juridique » conduit à considérer implicitement que la personne morale
ou physique redevable d’un prélèvement obligatoire, c'est-à-dire qui est tenue, sous peine de
sanction, de s’en acquitter, en supporte la charge.
L’approche « juridique » s’oppose à une approche « économique », présentée par exemple dans le
cadre d’un rapport publié par le CPO en octobre 2009, et qui s’intitule : « Les prélèvements
obligatoires des entreprises dans une économie globalisée ». À cette occasion, le Conseil note, dans
le titre du premier chapitre, que la notion de prélèvement obligatoire des entreprises n’est pas
pleinement pertinente. D’une part, les entreprises ont une forte capacité de transfert de leur charge
fiscale ; d’autre part, certains prélèvements acquittés par les personnes physiques ont un impact sur
l’attractivité et la compétitivité des entreprises.
Nous abondons ici dans le même sens et mobilisons l’approche « économique » pour aboutir au
constat suivant :
in fine
, seuls les ménages acquittent réellement des prélèvements. Ceux acquittés
par les entreprises reposent, en réalité, soit sur leurs clients, soit sur leurs fournisseurs, soit sur leurs
salariés, soit sur leurs actionnaires, si bien que, une fois éliminés les mouvements inter-entreprises,
clientes ou fournisseurs, les PO acquittés par les entreprises reposent toujours sur les ménages, soit
en tant que clients, soit en tant que salariés, soit en tant qu’actionnaires. Dès lors, la question d’intérêt
n’est plus de savoir si les ménages payent
in fine
tel ou tel prélèvement, mais bien de déterminer
quels sont les ménages sur lesquels ils reposent, en fonction notamment de leur niveau de vie
5
.
5
Il est notamment possible qu’une taxe établie sur le territoire national soit supportée par des ménages étrangers, par exemple
parce qu’ils possèdent des entreprises exerçant une activité en France. Ces considérations dépassent toutefois, de par leur
complexité, le cadre simplifié du présent travail.
13
2. Le mécanisme de l'incidence fiscale : un prélèvement ne
repose pas forcément sur les ménages qui l'acquittent
Nous n’effectuerons pas ici de présentation détaillée du mécanisme de l’incidence fiscale. Nous le
présentons cependant succinctement afin d’insister sur le rôle central des
élasticités
dans ce
mécanisme. L’élasticité est une mesure de la sensibilité de l’offre ou de la demande d’un facteur à la
variation de son prix. Il peut s’agir de l’offre ou de la demande d’un bien ou d’un service, mais aussi du
travail ou du capital.
La loi de l'offre et de la demande explique comment se forme le prix d'un bien (ou, dans d’autres
contextes, du travail ou du capital). La production d'un bien (son offre) augmente avec son prix, et ce
d’autant plus rapidement que l'élasticité de l'offre est élevée. Au contraire, la quantité consommée (la
demande) diminue avec le prix, et ce d’autant plus vite que l'élasticité de la demande est forte. Le prix
d’équilibre du marché égalisera offre et demande et dépendra de ce fait des élasticités respectives de
l’offre et de la demande.
Lorsqu’une transaction est taxée, cela induit une différence entre le prix de consommation, somme
totale payée par l'acheteur, et le prix de production, revenu effectivement perçu par le producteur.
Dans le cas général, le prélèvement frappe toutes les entreprises du marché de façon égale, ce qui
est le cas lorsque la taxe est proportionnelle au prix du produit. Un nouvel équilibre de marché en
résulte. Si, après introduction de la taxe, le prix de consommation demeure inchangé, le producteur
supporte l’intégralité de la taxe
via
une diminution du prix de production. Si, à l’inverse, le prix de
production demeure inchangé, le consommateur supporte l’intégralité de la taxe
via
une hausse du
prix de consommation. La réflexion sur l’incidence fiscale constitue un cadre théorique qui permet de
comprendre sous quelles conditions on se trouve dans l’un des deux cas polaires évoqués ci-dessus,
ou entre ces deux cas polaires.
Ainsi, les élasticités de l’offre et de la demande de biens ou services déterminent dans une large
mesure qui de l’entreprise (offreur de bien) ou du consommateur (demandeur) supporte la taxe. Au
total, cette dernière pèse principalement sur l’agent le moins sensible au prix, c’est-à-dire sur l’agent
dont l’élasticité au prix est la plus faible (Graphique 1).
14
Graphique 1. Mécanisme de l'incidence fiscale : le cas d'une taxe sur la consommation
A. La demande est plus élastique : la taxe est
supportée principalement par les producteurs
(salariés et propriétaires de l'entreprise)
B. La demande est moins élastique : la taxe
est
supportée
principalement
par
les
consommateurs
La demande est plus élastique que l'offre (les
consommateurs
diminuent
rapidement
leurs
achats quand les prix augmentent) : les prix de
vente
augmentent
peu
et
la
taxe
est
principalement payée par le producteur.
La demande est moins élastique que l'offre (les
consommateurs diminuent peu leurs achats en
fonction du prix) : les producteurs peuvent
augmenter leur prix de vente et faire peser la taxe
sur le consommateur.
L’élasticité de la demande pour un produit diffère selon sa nature. Si la demande pour le produit
frappé par l’augmentation du prélèvement fiscal est très inélastique, c'est-à-dire très peu sensible au
prix (ex : taxes sur les tabacs, taxes sur les assurances obligatoires), la charge fiscale sera
essentiellement transférée aux consommateurs dudit produit. Si, parce qu’il existe des substituts
proches, la demande est au contraire fortement élastique (ex : une boisson alcoolique particulière
comme le gin), la charge fiscale supplémentaire ne pourra être que très faiblement répercutée aux
consommateurs (qui s’en détourneraient dans le cas contraire) et les entreprises du secteur devront
supporter, en première analyse, l’essentiel de l’impact de la taxation. Ainsi, l’effet d’une taxe sur les
ventes et le prix d’un produit n’est pas le même selon que les substituts dudit produit sont également
taxés ou non.
L’analyse économique met également en évidence que l’élasticité de la demande est presque toujours
plus forte à long terme qu’à court terme, du fait notamment de l’apparition de produits concurrents ou
de produits utilisant de façon moins intensive le sous-produit faisant l’objet de la taxation. En
conséquence, plus le temps passe, plus la possibilité de répercuter aux consommateurs la charge
fiscale s’atténue. De ce point de vue, l’exemple de la TIPP s’avère riche d’enseignement. Cette
dernière s'applique à tout produit qui est destiné à être utilisé, qui est mis en vente ou qui est utilisé
comme carburant pour moteur, mais son montant dépend de la nature du produit. En particulier le
gazole est moins taxé que l’essence : 42,84 € par hectolitre pour le premier, contre 60,69 € par hl pour
15
la seconde (au 1
er
janvier 2010). À court terme, les consommateurs possédant un véhicule équipé
d’un moteur essence n’ont pas la possibilité de consommer du gazole et continuent donc d’acheter de
l’essence : leur demande est faiblement élastique. Mais, à long terme, lors du renouvellement de leur
véhicule, ils ont la possibilité d’opter pour un véhicule équipé d’un moteur diesel (qui nécessite du
gazole comme carburant) : la demande devient plus élastique. Plus généralement, les taxes sur
l’énergie constituent un autre exemple, en raison de l’apparition de produits consommant moins de
carburant ou d’énergie ou par rentabilisation d’investissements permettant de consommer moins
d’énergie.
Dans le cas où les entreprises ne peuvent que faiblement répercuter le prélèvement fiscal sur leurs
clients, elles peuvent tenter de le répercuter auprès de leurs fournisseurs, ou de leurs salariés. Les
fournisseurs n’ont pas de raison d’accepter, hormis le cas de ceux à l’égard desquels les entreprises
clientes disposent d’un pouvoir important de marché vis-à-vis de leur fournisseur (pouvoir de
« monopsone »). Les salariés des entreprises du secteur peuvent en revanche être conduits à
supporter le poids de la taxation, soit sous forme de réduction de salaires, soit sous forme de
réduction du volume d’emploi, cette possibilité de leur faire supporter le poids de la taxation
dépendant notamment du pouvoir de négociation des salariés. Dans les secteurs fortement
concentrés où ce pouvoir est important (ex : secteur de l’énergie, des transports) et où il n’existe par
ailleurs que peu de produits substituables, au moins à court terme, cette répercussion sur les salariés
sera faible ou nulle ; dans les secteurs atomisés où ce pouvoir est faible, et ou l’élasticité de la
demande des produits des entreprises du secteur est forte, ceux-ci peuvent être contraints de
supporter une partie de la taxation, de sorte que l’entreprise sera en mesure de compenser une partie
au moins du coût supplémentaire lié à la taxation par une baisse d’autres coûts, en l’espèce les coûts
de main-d’oeuvre. La fraction que l’entreprise ne parvient pas à répercuter aux parties prenantes
(clients, salariés, fournisseurs) sera nécessairement supportée par les actionnaires sous forme de
réduction du profit de l’entreprise. En définitive, comme nous l’avons rappelé plus haut, la taxation,
même lorsqu’elle est acquittée par les entreprises, est
toujours
supportée par les ménages, soit en
tant que consommateurs, soit en tant que salariés, soit en tant qu’actionnaires. Les conséquences
redistributives sont cependant très différentes selon la catégorie de ménages concernée : les
ménages actionnaires sont par exemple surreprésentés dans les déciles supérieurs.
Ainsi, l’analyse de l’incidence fiscale montre que la partie prenante à une transaction (acheteur ou
vendeur) sur laquelle repose la majeure partie du poids de la fiscalité appliquée au bien faisant l’objet
de celle-ci n’est pas celle qui est réglementairement astreinte à régler le prélèvement, mais celle dont
l’offre ou la demande (selon qu’il s’agisse des offreurs ou des acquéreurs) est la moins élastique au
prix. Les mécanismes d'incidence fiscale ne se limitent pas au seul cas d'une taxe sur la
consommation, représentée dans le Graphique 1. Ils opèrent également sur les marchés des facteurs
de production, en particulier sur les marchés du travail ou du capital. Par exemple, une hausse des
cotisations sociales employeurs pourra, dans certains cas et à moyen terme, être répercutée sur les
16
salaires nets des employés, de sorte que ce sont les salariés et non les employeurs qui supportent la
charge de l'augmentation des cotisations
6
.
Au total, l'incidence fiscale traduit l'effet de la mise en place ou de la modification d'un impôt sur le
système de prix ou sur la distribution des revenus superbruts. Ne pas tenir compte des enjeux
d’incidence fiscale et des possibilités de report de charge, de la part des personnes - physiques ou
morales - qui acquittent un prélèvement, peut ainsi conduire à une analyse biaisée de la redistribution
opérée par le système socio-fiscal.
3. Empiriquement, quantifier précisément les effets
d'incidence fiscale est délicat
Les connaissances actuelles, telles qu’elles apparaissent dans la littérature économique
7
, sont
insuffisantes
pour
déterminer
avec
précision
quels
reports
de
charges
fiscales
ont
lieu
consécutivement à l’introduction ou à la modification de la plupart des prélèvements et transferts.
Cette section présente les enseignements et les lacunes de la littérature économique et fiscale sur
l’incidence fiscale des différents types de prélèvements.
a)
Impôts indirects
Dans le cadre des impôts indirects, assis sur la consommation des ménages, la principale question
d’incidence fiscale est la suivante : la taxe est-elle supportée par les consommateurs, sous forme de
hausse des prix d’achat, toutes charges comprises, ou par les producteurs, sous forme d’une baisse
des prix de vente, hors taxes ? En théorie, sur des marchés concurrentiels, l’élasticité de l’offre à long
terme est infinie
8
, car les entreprises produisent déjà sans réaliser de surprofit : le prix de vente (hors
taxes) ne peut de ce fait pas baisser, car, si c’était le cas, les entreprises réaliseraient des pertes
structurelles et feraient faillite. En conséquence, l'intégralité d'une hausse de la TVA (ou d'un impôt
indirect sur la consommation) est répercutée dans le long terme sur les consommateurs.
Ce n’est toutefois pas forcément le cas sur les marchés non concurrentiels, pour lesquels il a pu être
montré, toujours d’un point de vue théorique, que, selon les caractéristiques précises du marché, la
hausse d'une taxe sur la consommation de 1 % pouvait être répercutée sous la forme d’une hausse
du prix inférieure à 1 % (cas d’une sous-compensation), ou même, par une hausse du prix supérieure
à 1 % (cas d’une surcompensation).
Les études empiriques apportent un éclairage complémentaire. Elles étudient les baisses de prix
consécutives à la modification des taux des impôts indirects, simultanément pour la majorité des biens
et services (par exemple
9
, la hausse récente du taux normal de TVA de 16 % à 19 % en Allemagne),
ou pour des biens et services particuliers (par exemple, la baisse récente de la TVA dans le secteur
de la restauration en France). Par nature, les études empiriques ne nous fournissent des
6
Cf.
partie I.3.b.
7
Dans cette section, nous nous appuierons notamment sur l’article de synthèse rédigé par D. Fullerton et G. Metcalf dans le
Handbook of Public Economics
,
"
Tax incidence" (2002), qui traite exclusivement d'incidence fiscale et fait le point sur les
connaissances accumulées par la littérature théorique et empirique.
8
Ce résultat théorique repose, outre l’hypothèse de marché concurrentiel déjà mentionnée, sur une hypothèse technique de
rendements d’échelle constants.
9
Les exemples sont développés plus tard.
17
enseignements que sur les effets d’incidence fiscale à court ou moyen terme. Un grand nombre
d’études ont été conduites dans de nombreux pays dans le monde. Leurs résultats ne sont pas tous
convergents. Si, généralement, la majeure partie de la hausse (baisse) d’une taxe indirecte est
reportée sur les consommateurs sous forme de hausse (baisse) de prix, le report est parfois
incomplet. En d’autres termes, il y a sous-compensation : la hausse d'une taxe sur un produit de 1 %
induit une hausse des prix dudit produit inférieure à 1 %.
Revenons à la récente hausse de 3 points de la TVA en Allemagne, pour aborder un exemple concret
de la problématique de l’incidence fiscale des impôts indirects. Le 1
er
janvier 2007, l'Allemagne a
relevé le taux normal de TVA de 16 % à 19 %. Dans les trois mois qui ont suivi, la hausse des prix à la
consommation a été très limitée. Toutefois, l'effet de ce relèvement de taux de TVA sur les prix est
difficile à établir dans la mesure où cette politique a été annoncée par le gouvernement allemand plus
d'un an avant son entrée en vigueur. Certaines entreprises ont ainsi pu augmenter leurs prix de
manière anticipée, rendant complexe l'exercice de démêler inflation sous-jacente normale et inflation
causée par la hausse de la TVA. Deux chercheurs du Fonds monétaire international
10
se sont
cependant prêtés à cet exercice difficile. Il ressort de leur analyse que 73% de la hausse de TVA de
3 points aurait été transférée, à court terme, aux consommateurs sous forme de hausse des prix (dont
près de la moitié de manière anticipée).
En matière d’incidence fiscale des PO indirects, la principale question, que nous venons d’aborder, est
donc celle de la répartition entre producteurs et consommateurs de la charge du prélèvement indirect,
via une modification des prix. Au-delà de cette première interrogation se posent également deux
questions quant à l’existence d’effets de second ordre. Première question : dans le cas où les
producteurs supportent une partie de la charge fiscale, cela se traduit-il par une baisse des marges
des producteurs, supportée par ses propriétaires, ou par une baisse des salaires de ses employés ?
Deuxième question : des mécanismes d’indexation des salaires et revenus sur les prix, automatiques
ou négociés, viennent-ils limiter, dans un cadre dynamique, les possibilités de report de la charge
fiscale indirecte des producteurs vers les consommateurs ? L’analyse économique, théorique comme
empirique, n’apporte pas de réponse tranchée à ces deux questions, ce qui souligne à nouveau la
difficulté de répartir le poids des PO sur les personnes qui les supportent et la fragilité des analyses
qui utilisent ce type de répartition.
b)
Prélèvements assis sur le salaire (cotisations sociales,
contributions et taxe sur les salaires)
Les prélèvements assis sur le salaire ne se limitent pas en France aux seules cotisations sociales : ils
incluent aussi les taxes sur les salaires et les contributions sociales (CSG et CRDS), ces dernières
étant également assises sur d’autres types de revenus.
Concernant ces prélèvements, le consensus des spécialistes est le suivant : à long terme, l'ensemble
des cotisations sociales (salariales comme employeurs), sont déduites du salaire superbrut et pèsent
en intégralité sur les salariés. En d’autres termes, la demande de travail, émanant des employeurs,
10
A. Carare et S. Danninger (2008), “Inflation smoothing and the modest effect of VAT in Germany”, IMF Working Paper No.
08/175.
18
serait relativement élastique au salaire superbrut (ou coût du travail), tandis que l’offre, émanant des
ménages, serait très peu élastique au salaire net. Du côté de la demande de travail, la concurrence
internationale, dans les secteurs qui y sont soumis, viendrait limiter la marge de manoeuvre des
entreprises, les empêchant de demeurer rentables tout en relevant le salaire de leurs employés. En
outre, l’élasticité de l’offre au salaire net est d’autant plus faible que les cotisations versées sont
contributives, c’est-à-dire qu’elles se traduiront par des prestations correspondant aux cotisations
versées (par exemple dans le cas de l’assurance vieillesse). Dans ce cas, les employés perçoivent la
hausse des cotisations salariées comme une substitution entre salaire immédiat (salaire net) et salaire
différé (prestations futures), et non comme une perte de salaire net : ainsi, la baisse de l’offre de
travail est limitée. En conséquence des élasticités des offre et demande de travail, l’essentiel des
cotisations sociales serait dans les faits supporté par les salariés.
Toutefois, aucune preuve empirique directe de l’incidence exacte des cotisations sociales n’a été
apportée. Un certain nombre d’éléments confortent cependant l’analyse décrite au paragraphe
précédent.
Au plan macroéconomique, la grande stabilité du partage de la valeur ajoutée sur longue période vient
à l’appui de cette thèse. Depuis le milieu des années 1970, les cotisations sociales patronales ont
globalement augmenté. Si les entreprises avaient effectivement payé cette augmentation des
cotisations, on aurait dû constater une déformation progressive du partage de la valeur ajoutée
(ensemble de la richesse produite dans l’économie, égale à la somme de la rémunération du travail et
de celle du capital) en faveur du travail et au détriment du capital. Dans ce cas, en effet, la hausse des
cotisations aurait augmenté le coût du travail (salaires nets + cotisations), et ainsi amputé les profits
d’autant. Au total, cela aurait entraîné une diminution de la part des profits dans le total de la valeur
ajoutée produite.
Or, sur longue période, on n’observe aucune dégradation de la part du capital dans la valeur ajoutée
11
qui puisse être imputée à l’augmentation des cotisations sociales. Cette stabilité a une implication
irréfutable : si la part des salaires (cotisations inclues) n’a pas augmenté dans la valeur ajoutée, c’est
que les cotisations sociales ont été intégralement payées par les salariés.
Au plan microéconomique, la thèse selon laquelle l’incidence fiscale des cotisations sociales pèse
quasi exclusivement sur les salariés a été peu testée. La suppression des cotisations sociales qui eut
lieu au Chili au moment de la privatisation de la sécurité sociale en 1981 donne toutefois quelques
enseignements
12
: l’intégralité de cette suppression a été reportée sur les salariés, qui ont vu leurs
salaires nets augmenter du même montant de la taxe qui venait d’être supprimée.
Il convient toutefois de relativiser l’analyse présentée ci-dessus : en toute rigueur, dire que les salariés
paient l’intégralité des cotisations n’est valable qu’à long terme. Compte tenu du contexte institutionnel
français (cotisations sociales exprimées en pourcentage du salaire brut), il est probable qu’à court
terme, les employeurs ne parviennent pas à amortir l’intégralité des augmentations de cotisations : en
11
Voir à ce propos le rapport de JP Cotis (2009) sur le « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de
rémunérations en France », Insee.
12
J. Gruber, “The incidence of payroll taxation: Evidence for Chile”
Journal of Labor Economics
, vol. 15, n°. 3, p. 72-101, 1997.
19
cas de relèvement du taux des cotisations patronales, un employeur ne pourra pas du jour au
lendemain diminuer le salaire net de ses employés en réduisant leur salaire brut. Ce dernier est en
effet le plus souvent négocié au niveau de la branche, ce qui permet d’assurer à court terme les
salariés contre ce type d’amputation de leur pouvoir d’achat. À long terme cependant, les employeurs
s’efforceront d’alléger de fait les cotisations patronales en ralentissant la progression des salaires,
rétablissant ainsi le partage de long terme de la valeur ajoutée.
De surcroît, l’analyse présentée ci-dessus n’est pas forcément pertinente pour les salariés rémunérés
au niveau du salaire minimum, pour lesquels une augmentation des cotisations employeurs ne peut
pas être répercutée sur le salaire. En revanche, celle-ci pourrait avoir des effets en termes d’emplois
perdus, affectant de ce fait certains des ménages des premiers déciles de niveau de vie, dont l’un des
membres pourrait être involontairement au chômage au lieu d’occuper un emploi à bas salaire. À ce
propos, une analyse plus approfondie de l'incidence des exonérations de cotisations employeurs pour
les bas salaires, telles qu'elles ont été mises en place progressivement à partir de 1990, est proposée
dans la section 4.
c)
Impôt sur le revenu
À notre connaissance, aucune analyse, française ou internationale, n’a cherché à évaluer les effets de
report possibles dans le cas de l’impôt sur le revenu des personnes physiques
13
. Les études
d’incidence fiscale que nous avons pu consulter font systématiquement l’hypothèse que l’ensemble de
l’impôt sur le revenu acquitté par un ménage (ou par un individu) repose en totalité sur lui.
d)
Impôts sur les sociétés
Le modèle canonique de Harberger, publié en 1962, constitue un cadre de référence pour
appréhender, sur le plan théorique, les problématiques liées à l'incidence fiscale de l'impôt sur les
sociétés (IS). Dans la première version de ce modèle, le poids de l’IS est supporté économiquement
par l'ensemble des ménages détenteurs de capitaux, en proportion des revenus qu'ils perçoivent de
leur capital (que ce capital soit investi dans des sociétés ou non). Toutefois, lorsque l'on lève certaines
hypothèses simplificatrices du modèle initial de Harberger, ses conclusions apparaissent plus
nuancées, et il est difficile sur la seule base de ce modèle de fonder une répartition adéquate du poids
de l'IS entre les déciles de niveau de vie.
De surcroît, une récente synthèse de la littérature sur l’incidence fiscale de l’impôt sur les sociétés
montre que les connaissances actuelles sont insuffisantes pour déterminer qui supporte le poids de ce
prélèvement
14
. Nous nous démarquons de ce fait de la position adoptée par plusieurs auteurs anglo-
saxons d'analyses d'incidence fiscale, qui choisissent de suivre le modèle initial de Harberger, et
d'imputer le poids de l'impôt sur les sociétés au prorata des revenus du capital perçus par les
13
Il serait par exemple théoriquement envisageable, mais non obligatoirement vraisemblable, qu’une entreprise soit obligée
d’augmenter la rémunération totale qu’elle verse à un salarié dont le taux d’imposition sur le revenu augmente, sous peine qu’il
quitte l’entreprise ou diminue son effort au travail. Ainsi, l’entreprise (donc ses propriétaires) supporterait une partie de la
hausse de l’impôt sur le revenu.
14
Auerbach, A. 2005. “Who bears the corporate tax? A review of what we know”. Working Paper No. 11686. Cambridge, MA:
NBER.
20
différents ménages, ou de l’imputer selon d’autres schémas. Au contraire, dans la mesure où nous ne
conduisons pas ici un travail de recherche, exploratoire, mais un travail de synthèse, qui doit reposer
sur les hypothèses les moins contestables possibles, nous préférons exclure l’impôt sur les sociétés
du champ d’analyse.
e)
Taxes sur la propriété foncière ou immobilière
La taxe foncière est acquittée par les propriétaires, mais peut être répercutée partiellement par ceux-ci
à leurs locataires,
via
une hausse des loyers. De ce point de vue, deux perspectives opposées sont
présentes dans la littérature, sans qu’il soit possible de trancher empiriquement entre celles-ci :
•
Elle est répercutée et conçue comme une taxe sur les services de logement, et affecte de ce
fait de la même manière locataires et propriétaires. Sous cette hypothèse, elle est dégressive,
car les services de logement occupent une part comparativement plus importante du budget
des ménages plus pauvres ;
•
Elle n’est pas répercutée et est conçue comme une taxe sur les revenus du capital immobilier,
progressive puisque les ménages les plus riches possèdent davantage de capital immobilier
que les plus pauvres.
Quoi qu’il en soit, nous n’étudions pas la taxe foncière pour des raisons techniques : les données à la
base de notre analyse ne contiennent en effet aucune information sur la répartition de la propriété
foncière au sein des ménages.
f)
Analyses globales
Les développements initiés jusqu’ici dans cette section soulignent que les bases sont peu solides pour
développer une analyse du caractère progressif, ou, plus largement, redistributif, des PO, en tenant
compte des effets d’incidence fiscale. Toutefois, sur ces bases mouvantes, quelques études, déjà
anciennes et relatives à des pays anglo-saxons, ont tenté d’établir une analyse du caractère
redistributif du système socio-fiscal américain ou canadien en tenant compte des effets d’incidence
fiscale. Cela leur permet de répondre à la question suivante : quelle serait la répartition des revenus et
niveaux de vie si l’ensemble des PO étaient supprimés ? Alors qu’une analyse qui ne tient pas compte
des effets de report de charge, répond implicitement à la question suivante : quels sont les transferts
de revenus induits par l’existence des PO, sous l’hypothèse qu’ils n’ont pas d’effet sur la répartition
des revenus superbruts ?
À titre d’illustration de cette approche, nous allons présenter la première des analyses. Pechman and
Okner, en 1974, construisent une analyse globale de la progressivité du système de prélèvements
américain du milieu des années 60. Disposant du même type de fichiers que le nôtre, ils font
différentes hypothèses sur l'incidence économique des différents prélèvements :
•
L'impôt sur le revenu, les cotisations salariales et les impôts indirects, acquittés par le
ménage, pèsent intégralement sur celui-ci ;
21
•
Deux scénarii sont retenus pour les cotisations employeurs : soit elles pèsent en
intégralité sur les salariés, soit pour moitié sur les salariés et pour moitié sur les
consommateurs ;
•
Deux scénarii sont retenus pour la taxe foncière : soit elle pèse en totalité sur
l'ensemble des propriétaires de biens immobiliers, soit en totalité sur l'ensemble des
détenteurs de capitaux, fonciers et non fonciers ;
•
Enfin, pour l'impôt sur les sociétés, ils considèrent plusieurs scénarii, avec des poids
différents sur les propriétaires d'actions, les détenteurs de capitaux en général, les
consommateurs et les salariés.
Au total, quel que soit le scénario retenu, ils trouvent que le système de prélèvement américain (du
milieu des années 60) est globalement proportionnel ou neutre pour les huit déciles intermédiaires. Il
est dégressif pour le premier décile (qui supporte un poids d'imposition élevé via les impôts indirects,
en comparaison du deuxième décile et des suivants), et progressif pour le dernier décile, qui supporte
une partie importante du poids de l'impôt sur les sociétés.
La présente section a montré que l’hypothèse d’absence de report de la charge fiscale n’est pas
toujours réaliste. Afin de mieux comprendre la portée de cette hypothèse sur la période 1990-2009,
nous présentons dans la section suivante une synthèse des études qui ont cherché à quantifier les
reports de charge fiscale induits par les principales réformes socio-fiscales édictées en France entre
1990 et 2009. Elle nous permettra de nuancer et de contextualiser les résultats du modèle Ines,
établis sous l’hypothèse d’absence de report de la charge fiscale.
4. Grandes réformes du système socio-fiscal entre 1990 et
2009 : à quels effets d'incidence fiscale peut-on s'attendre ?
Cette section présente une synthèse des études qui ont cherché à quantifier les mécanismes
d'incidence fiscale (report de taxe via des modifications des prix ou de la redistribution primaire des
revenus) induits par les principales réformes socio-fiscales édictées en France entre 1990 et 2009.
Les études existantes ne sont pas suffisantes pour comprendre et évaluer l'ensemble des
mécanismes à l'oeuvre. Elles permettent cependant de mieux appréhender les effets économiques
relatifs aux réformes de la TVA et des allocations logement, et à l'exonération de cotisations sociales
pour les bas salaires.
a)
TVA et des droits d’accises : des hausses sans doute
supportées en partie par les producteurs
Un chercheur de l’école d’économie de Paris, Clément Carbonnier, a consacré plusieurs travaux
15
à
l’analyse de l’effet sur les prix des modifications de la TVA depuis 20 ans.
15
En 2007 : “Who pays sales taxes? Evidence from French VAT reforms, 1987-1999”
Journal of Public Economics
, vol. 91,
n° 5, p. 1219-1229, et en 2008 : “Différence des aj ustements de prix à des hausses ou baisses des taux de la TVA: un examen
empirique à partir des réformes françaises de 1995 et 2000,”
Économie et statistique
, vol. 413, n°. 1, p. 3-20. L’auteur a
également publié, en 2007, une évaluation
ex ante
de l’effet de la baisse de la TVA dans la restauration : “À qui profiterait une
baisse de la TVA dans la restauration ?”
Regards croisés sur l'économie
, n°. 1, p. 145-150.
22
L’auteur étudie en particulier l’effet des réformes de 1995 et de 2000 du taux plein de TVA. Rappelons
que ce dernier est tout d’abord passé de 18,6 % à 20,6 % le 1
er
août 1995, puis est redescendu de
20,6 % à 19,6 % le 1
er
avril 2000. Il est demeuré à ce niveau depuis cette date.
L’auteur examine également l'impact de deux baisses importantes de la TVA en France. La première
baisse, intervenue le 1
er
septembre 1987, a réduit le taux de TVA sur les automobiles de 33,33%
(ancien
taux de luxe
) à 18,6% (valeur du taux normal à cette date). La deuxième baisse, intervenue le
1
er
septembre 1999, a réduit le taux de TVA sur les travaux et réparations immobilières de 20,6%
(valeur du taux normal à cette date) à 5,5% (valeur du taux réduit). Dans les deux cas, la baisse de la
TVA met quatre mois pour se refléter dans les prix. À l'issue de cette période, 77 % de la baisse de la
TVA aurait été répercutée, sous forme de baisse des prix, sur les consommateurs dans le secteur
(très concurrentiel) des travaux et réparations immobilières. Dans le secteur de l'automobile, moins
concurrentiel, 57 % de la baisse de la TVA a été répercutée.
b)
Cotisations sociales : les exonérations pour les bas
salaires ont eu des effets complexes, difficiles à résumer
dans une analyse d’incidence fiscale
En matière de cotisations sociales, deux grandes catégories de réforme ont marqué la période 1990-
2009 : d’une part, la fiscalisation progressive du financement de la protection sociale à partir de 1991,
et, d’autre part, la mise en place d’exonérations générales de cotisations sociales pour les bas
salaires, à partir de 1993.
La fiscalisation du financement de la protection sociale s’est manifestée par la création de la CSG et
de la CRDS, et par le renforcement de la contribution sociale sur le patrimoine. La montée en vigueur
de ces prélèvements a provoqué un transfert de charge socio-fiscale des salariés vers les détenteurs
de patrimoine, et vers les bénéficiaires de revenus de remplacement (y.c. les retraités), au sens où les
bénéficiaires de revenus de remplacement et les détenteurs de patrimoine acquittent une part plus
importante du financement du système de protection sociale en 2009 qu’en 1990. Mais qu’en est-
il des ménages qui supportent réellement le poids de ces nouveaux prélèvements ? En d’autres
termes, la fiscalisation du financement de la protection sociale s’est-elle accompagnée de reports de
charge socio-fiscale des ménages qui acquittent les nouveaux prélèvements vers d’autres ménages ?
À notre connaissance, aucune étude ne porte sur cette question. Les éléments empiriques et
théoriques plus généraux rappelés dans la section 3 suggéreraient toutefois que les reports, si jamais
ils ont existé, ont été de faible ampleur. Ils se seraient manifestés principalement via une hausse de la
rémunération du capital, répercutée à son tour dans les prix de vente.
La problématique de l’incidence fiscale est certainement plus dirimante lorsque l’on souhaite
comprendre quels sont les transferts de charge fiscale consécutifs à la montée en puissance des
exonérations de cotisations sociales. Celles-ci ont eu des effets complexes sur l’emploi et les salaires,
qui font débat, et il convient de s’arrêter ici quelques instants pour décrire les évaluations conduites
afin d’évaluer leurs effets.
23
Tout d’abord, comme le rappelle le rapport de la mission d’information commune sur les exonérations
de cotisations sociales
16
, les différentes mesures d’allégements généraux de cotisations sociales
avaient des objectifs différents : diminution du coût du travail en 1993, compensation du coût de la
réduction du temps de travail en 1997, harmonisation des Smic en 2002, et soutien aux heures
supplémentaires en 2007.
Aucune de ces mesures n’avait comme objectif le soutien au salaire des salariés peu rémunérés, c’est
même le risque inverse qui a souvent été souligné par les observateurs, celui d’enfermer les salariés
peu rémunérés dans une « trappe à bas salaires ». Deux chercheurs de la Dares
17
rappellent
cependant l’ambiguïté des effets des allégements sur les salaires des travailleurs peu rémunérés.
D’un côté, le coût moyen du travail est réduit et le surplus ainsi dégagé par les entreprises peut être
en partie utilisé pour accélérer la promotion salariale. D’un autre côté, le coût marginal du travail
augmente en raison de la dégressivité des allégements, ce qui renchérit d’autant le coût d’une
augmentation donnée du salaire net. Leur estimation permet de décomposer ces deux effets ; ils
trouvent que l’effet négatif de la progressivité du coût marginal sur la mobilité salariale des travailleurs
à bas salaires l’emporte. La question de la réalité et de l’ampleur de l’effet « trappe à bas salaires »
des allègements de cotisations sociales demeurent cependant une question débattue
18
. Elle l’est
d’autant plus que le Smic a été très dynamique durant cette période, ce dynamisme ayant pu être
permis pour partie par les allègements de cotisations qui pourraient avoir limité l’effet négatif sur
l’emploi des hausses du salaire minimum.
Par ailleurs, une partie des allègements de cotisations a pu se traduire à court terme par un « effet
d’aubaine », certaines entreprises profitant de cette baisse de leur charge fiscale pour augmenter
leurs profits : une partie des baisses de charge a ainsi pu bénéficier à court terme aux actionnaires. À
moyen terme toutefois, pour les entreprises opérant dans un marché concurrentiel, la pression
concurrentielle tend à faire baisser les prix jusqu’à restauration des marges initiales.
En fait, jusqu’à 2006, au-delà de leurs objectifs divergents, les mesures d’exonération de cotisations
sociales ont en commun de viser à créer ou maintenir des emplois. De ce point de vue, les
évaluations disponibles, empiriques comme théoriques, s’accordent sur l’existence d’un effet positif
sur l’emploi, mais pas sur son ampleur
19
. Près de 200 000 emplois non qualifiés auraient été créés en
application des mesures d’allègements mises en place entre 1994 et 1997 (représentant environ 6 M€
annuels), qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’évaluations empiriques. L’effet sur les emplois
qualifiés serait moins consensuel, et l’effet total sur l’emploi (qualifié et non qualifié) s’échelonnerait de
80 000 à 460 000 emplois créés ou sauvegardés, selon les études.
16
Rapport de la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales, présenté par M. Yves Bur en juin
2008, Assemblée nationale.
17
B. Lhommeau et V. Rémy, « Les politiques d’allègements ont-elles un effet sur la mobilité salariale des travailleurs à bas
salaires? »,
Économie et Statistique
, n°429-430, août 2010.
18
Voir à ce propos les travaux de R. Aeberhardt et D. Sraer, “Allégements de cotisations patronales et dynamique salariale,”
Économie et statistique
, p. 177-189, 2009, et ceux de C. Audenis, N. Laïb, et S. Roux, “L’évolution de l’emploi faiblement
rémunéré au cours des dix dernières années”
L’économie Française, Edition
, vol. 2003, p. 159-201, 2002.
19
Pour une synthèse de l’ensemble des travaux publiés jusqu’en 2006, voir V. Rémy, “Les politiques d’allégements de
cotisations sociales employeurs?”
Travail et emploi
, vol. 105, p. 69, 2006.
24
Au total, les mesures d’allègements de cotisations ont eu des effets complexes, de quatre ordres :
•
Des créations d’emplois, en particulier non qualifiés, qui ont bénéficié à des personnes qui
auraient été chômeuses involontaires en l’absence d’allègements, et qui auraient de ce fait
appartenu le plus souvent aux déciles de niveau de vie les plus bas ;
•
Un effet ambigu et incertain sur le salaire des personnes les moins qualifiées ;
•
Un effet probable d’augmentation des profits pour les entreprises employant des salariés peu
rémunérés et opérant dans un secteur peu concurrentiel : cette hausse bénéficie aux
propriétaires des entreprises, appartenant le plus souvent aux déciles de niveau de vie les
plus élevés ;
•
Un effet probable de baisse des prix de vente des produits fabriqués par des entreprises de
secteurs concurrentiels ayant recours à des salariés peu rémunérés
20
: cette baisse bénéficie
aux consommateurs de ces produits,
a priori
assez également répartis dans l’échelle des
niveaux de vie.
Dans le scénario principal de l’analyse présentée dans la deuxième partie, on attribue la charge des
cotisations sociales salariales et patronales, comme de l’ensemble des autres prélèvements
considérés, aux employés qui perçoivent le salaire sur lequel elles sont calculées. Ainsi, implicitement,
lorsque l’on compare les cotisations qui pèsent sur une personne en 1990 (avant les mesures
d’exonérations) et en 2009, on considère que les exonérations lui ont bénéficié en intégralité. Or nous
venons de voir que les effets des exonérations sont plus complexes : si l’on peut considérer qu’ils
bénéficient pour partie aux salariés peu rémunérés (« effet emploi »), il est également probable que
d’autres ménages en bénéficient, via des baisses de prix ou des hausses de revenus du patrimoine.
En conséquence, trois variantes à notre scénario principal répartissent le bénéfice des exonérations
de cotisations entre les différents ménages, selon différentes hypothèses
. Ces scénarios alternatifs
demeurent arbitraires. Leur vocation est de constituer un test de sensibilité aux résultats issus du
modèle de microsimulation Ines, et de montrer l’étendue de l’incertitude qui pèse sur ces résultats.
c)
Allocations logement : des réformes qui ont sans doute
bénéficié aux propriétaires
Des effets similaires à ceux mis en avant par le mécanisme d’incidence fiscale peuvent également se
manifester en matière de prestations monétaires. Dans ce cas, on observe un report de produit au
détriment du ménage qui reçoit la prestation monétaire, et non un transfert de charge fiscale au
bénéfice de celui qui acquitte le prélèvement. Les aides au logement constituent un exemple
particulièrement révélateur de ce type de mécanismes.
Depuis la fin des années 1970, les aides directes à la personne sont devenues l’instrument majeur de
la politique du logement au détriment des aides à la pierre, dont l’efficacité avait été remise en cause à
plusieurs reprises. Les aides à la personne permettent, en théorie, de mieux cibler les populations
pour qui le logement représente une charge jugée trop importante.
20
Cet effet a également pu soutenir les exportations des entreprises françaises.
25
Au début des années 1990, les aides au logement ont été considérablement réformées, renforcées et
étendues à des publics qui n’y avaient auparavant pas droit, ou pas dans les mêmes conditions. Une
chercheuse de l’école d’économie de Paris, Gabrielle Fack
21
, a étudié l’effet de cette réforme, en
s’interrogeant notamment sur la part des aides supplémentaires qui a bénéficié aux locataires, à qui
elles étaient destinées, et la part qui est revenue à leurs propriétaires, sous forme de hausse des
loyers.
L’auteur tire parti du fait que la réforme s’est appliquée seulement à certains types de ménages et non
à d’autres. Elle compare ainsi l’évolution des loyers des ménages à bas revenus bénéficiaires de la
réforme à celle des ménages qui n’ont pas été touchés : par différence, elle identifie les effets de la
réforme pour les ménages concernés. Selon ses estimations, entre 50 % et 80 % des allocations
logement perçues par ces ménages auraient été absorbées par les augmentations de leurs loyers.
La hausse de la demande des locataires provoquée par les aides semble s’être heurtée à court terme
à une offre de logement trop inélastique de la part des bailleurs, entraînant ainsi une forte hausse des
loyers. Cet effet a pu être renforcé par l’arrivée massive des étudiants sur le marché du logement à la
suite de la réforme de ces aides. L’insuffisance de l’offre de logements peut subsister, même à long
terme, dans les grandes agglomérations, où la rareté des terrains fonciers vient la limiter.
Les résultats présentés dans les parties II et III reposent sur l’hypothèse que les allocations logements
bénéficient en totalité aux allocataires. Toutefois, pour tenir compte des possibles effets d’incidence
fiscale mis en évidence ci-dessus, les trois scénarios alternatifs évoqués à la section précédente
comporteront une hypothèse différente de répartition du bénéfice des allocations logement, à hauteur
de 30 % pour les locataires-allocataires, et à hauteur de 70 % pour les propriétaires (
cf.
parties II.B.4
et III.B.2).
5. Synthèse : les prélèvements et prestations intégrés dans
le champ de l’étude
Notre démarche consiste à considérer que tous les prélèvements reposent en réalité sur les ménages.
Dans le même souci d’exhaustivité, nous considérons qu’une analyse du caractère redistributif du
système socio-fiscal ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les prestations, pour au moins trois
raisons. Premièrement, la raison d’être des prélèvements obligatoires est notamment de financer des
prestations et transferts, monétaires ou en nature. Analyser le caractère redistributif des prélèvements
sans examiner en même temps celui des transferts qu’ils financent pourrait conduire à une vision
incomplète. Deuxièmement, un certain nombre de transferts monétaires peuvent être assimilés à des
impôts négatifs : prime pour l’emploi, minima sociaux, allocations familiales,
etc
. Troisièmement, et
c’est, selon nous, l’argument décisif, les études existantes montrent que la majeure partie de la
redistribution s’opère par les prestations, et non par les prélèvements
22
.
21
G. Fack, 2005, « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L'incidence des aides au
logement en France (1973-2002) »,
Économie et Statistique
n°381-382. Voir également A. Lafferère et D. Le Bl anc, 2002,
« Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ? »,
Économie et Statistique
, n°351.
22
Voir par exemple à ce sujet, « La redistribution en 2009 », M.C. Cazenave, V.Bonnefoy, A.Eidelman et T.Razafindranovona,
in «
France, Portrait Social », Insee Références
, édition 2010
.
Un autre article de l’Insee montre que les transferts en nature
(santé, éducation et logement) contribuent davantage à la réduction des inégalités de niveau de vie que les prestations
monétaires dont nous tenons compte ici (voir Amar E., Beffy M., Marical F. et Raynaud E., « Les services publics de santé,
26
Cette volonté de tenir compte le plus largement possible de l’ensemble des prélèvements et transferts
se heurte cependant à deux obstacles : d’une part, le manque de connaissances et de consensus
autour des personnes (salariés, consommateurs, actionnaires,
etc
.) qui supportent
in fine
le poids de
tel ou tel prélèvement ; d’autre part, l’incapacité technique d’intégrer dans le modèle Ines certains
prélèvements et prestations.
Le premier des deux obstacles nous oblige à nous limiter aux prélèvements acquittés directement ou
indirectement par les ménages. Il s’agit des prélèvements assis sur le revenu et la consommation des
ménages (cf. Tableau 1, p.26 pour le détail). Nous faisons en outre l’hypothèse que chaque
prélèvement pèse en totalité sur le ménage qui l’acquitte (hypothèse d’absence de report de la charge
fiscale), tandis que chaque prestation bénéficie en totalité au ménage qui le reçoit. En particulier, les
impôts indirects pèsent en totalité sur les consommateurs, et les cotisations sociales, salariales
comme patronales, pèsent en totalité sur les employés. Tout éloignement de l’hypothèse d’absence
de report de la charge fiscale nous obligerait à répartir de manière forcément arbitraire le poids de
chacun des prélèvements entre les différents ménages : nous ne le ferons que pour certains
prélèvements, afin d’éprouver la sensibilité de nos résultats et de montrer la marge d’incertitude qui
les accompagnent (
cf.
partie III.B.2). Nous avons en effet montré, dans cette première partie du
rapport, que cette hypothèse d’absence de report de la charge fiscale n’est pas toujours réaliste. En
particulier, nous avons présenté une synthèse des études qui ont cherché à quantifier les reports de
charge fiscale induits par les principales réformes socio-fiscales édictées en France entre 1990 et
2009. Elle nous permettra de nuancer et de contextualiser les résultats du modèle Ines, établis sous
l’hypothèse d’absence de report de la charge fiscale.
Le deuxième obstacle est d’ordre technique : l’échantillon qui sert de base au modèle Ines ne contient
aucune information sur le patrimoine des ménages
23
. En conséquence, nous ne pouvons pas intégrer
les prélèvements assis sur le patrimoine, comme l’impôt sur la fortune - l’ISF, les droits de succession
ou la taxe foncière. Nous sommes en revanche en mesure de tenir compte des prélèvements assis
sur les revenus du patrimoine. Le Tableau 1 présente les prélèvements exclus et inclus dans le champ
de ce rapport. Au total, en 2009, les prélèvements inclus dans notre champ représentent 83 % du total
des PO, et 96 % des PO acquittés directement ou indirectement par les ménages.
Tableau 1. Prélèvements et prestations intégrées dans le modèle Ines
Retenues dans le champ
Hors champ
éducation et logement contribuent deux fois plus que les transferts monétaires à la réduction des inégalités de niveau de vie »,
in « France, portrait social »,
Insee Références
, édition 2008). Nous ne sommes toutefois pas en mesure d’intégrer dans
l’analyse menée les transferts en nature, car nous ne disposons pas d’informations sur l’évolution de ces transferts entre 1990
et 2009.
23
En effet, l’enquête Revenus Fiscaux et Sociaux, sur laquelle est basée le modèle de microsimulation Ines, ne délivre pas
d’informations sur la répartition du patrimoine entre les ménages (elle donne en revanche des informations sur les revenus du
patrimoine perçus par chaque ménage). Imputer dans le modèle des montants d’impôts sur le patrimoine nécessiterait ainsi de
réaliser des hypothèses nombreuses et nécessairement fragiles, dont il conviendrait d’évaluer la justesse afin de les valider, en
les confrontant à des données d’enquêtes externes et des sources fiscales. Dans le temps imparti pour la rédaction du présent
rapport, il n’a pas été possible de se livrer à un tel exercice.
27
contributives
Vieillesse, maladie, chômage
Complémentaires
retraites facultatives
Cotisations
sociales
redistributives
Famille, logements et taxes
diverses
Contributions sociales
CRDS, CSG, contribution
additionnelle, contribution
additionnelle RSA,
prélèvement social
Impôts directs (hors
contributions sociales)
Impôt sur le revenu, taxe
d’habitation
Taxe foncière, ISF,
droits de mutation
Impôts indirects
TVA, TIPP, droits d’accise
(y.c. taxe premix) et taxes sur
les jeux d’argent, les
assurances et les ventes de
bijoux
Autres taxes
indirectes assises
sur les bouteilles
d’eau minérale, sur
la farine…
Minima sociaux
RMI, RSA, API, AAH, ASPA
AER (comptée dans
le revenu superbrut)
Allocations
familiales
AF, ASF, CF , PAJE de base,
AEEH, ARS
Complément de
PAJE, Apa
Allocations
logement
APL, ALF, ALS
Prestations
sociales
Aides à
l’activité
RSA « activité », PPE
Voir la liste des sigles utilisés p.6 pour une explication des sigles.
B. Raisonner une année donnée
vs.
raisonner sur le cycle de
vie des ménages : quelles implications ?
Les prélèvements pesant sur les revenus des ménages ne répondent pas tous aux mêmes objectifs.
Un certain nombre de prélèvements, au premier rang desquels figurent les cotisations vieillesse, ont
par exemple une vocation assurantielle, qui consiste en l’occurrence principalement en un transfert de
revenus dans le temps (de la période de vie active vers la période de retraite).
Or ce type de prélèvements pose une difficulté évidente dans le cadre d’une analyse lors d’une seule
année, et non sur l’ensemble du cycle de vie d’un ménage (ou des individus qui le composent). En
effet, pour un ménage d’âge actif, seuls les prélèvements sont comptabilisés, et non les prestations
qui seront reçues par celui-ci quelques années plus tard. En ne comptabilisant que la partie
prélèvements une année donnée, on laisse penser qu’une redistribution a eu lieu alors que ce n’est
pas le cas, puisqu’il s’agit en fait d’un simple transfert de revenus dans le temps.
Un problème similaire, quoique moins aigu, se retrouve dans le cadre de l’analyse de la TVA et des
impôts indirects assis sur la consommation. En effet, lorsqu’on effectue l’analyse à partir d’une seule
année, on ne tient compte que des taxes acquittées sur la consommation réalisée cette année là. Or
les ménages les plus riches épargnent davantage que les ménages pauvres : cette épargne sera pour
partie taxée dans le futur. Certains ménages consommeront tout ou partie de leur épargne,
consommation qui sera taxée à ce moment-là ; d’autres conserveront leur épargne, qui sera pour
partie taxée au titre d’impôts sur le patrimoine. Ainsi, en ignorant la dimension cycle de vie, nous
surestimons le caractère dégressif de la TVA et des impôts indirects.
28
Ainsi, la perspective qui serait la plus pertinente pour évaluer le caractère redistributif des PO serait
une analyse sur le cycle de vie des ménages (ou des individus qui le composent). Cependant, nous
ne disposons pas des outils techniques pour conduire une telle analyse, qui nécessiterait en outre de
nombreuses hypothèses, qui la fragiliseraient nécessairement. Nous conduisons donc notre analyse
en comptabilisant les prélèvements acquittés lors d'une année donnée, ou en comparant la situation
entre deux années données. Cette section s’interroge sur les limites associées à cette démarche, en
comparaison d’une analyse sur l’ensemble du cycle de vie, d’une part pour les prélèvements
assurantiels ou contributifs et, d’autre part, pour les impôts indirects sur la consommation.
1. Les prélèvements principalement contributifs doivent être
pris en compte dans une analyse en évolution
On peut distinguer parmi les cotisations ou contributions sociales, celles pour lesquelles le motif de
solidarité ou de redistribution est prépondérant (par exemple, le financement des allocations
familiales, des allocations logement ou des minima sociaux) de celles pour lesquelles la fonction
assurantielle est plus marquée et qui conduisent à des transferts de revenus dans le temps (retraites)
ou selon différents états (chômage, indemnités journalières maladie). Les premières sont qualifiées de
redistributives ou non contributives, tandis que les dernières sont qualifiées d’assurantielles ou de
contributives, dans la mesure où les prestations reçues par un individu seront en lien, voire en
proportion, avec les cotisations qu’il a acquittées
24
. Sous une hypothèse de neutralité actuarielle, elles
fonctionneraient comme une assurance permettant de percevoir des revenus différés, en fonction de
la survenue du risque (par exemple chômage ou vieillesse).
Lorsqu’ils sont contributifs (retraites, chômage), et qu'ils correspondent donc au paiement de
cotisations en échange de prestations dans le futur (revenu différé), considérer les prélèvements sans
les prestations correspondantes fausse l'analyse du caractère redistributif du système socio-fiscal.
Cependant, l’hypothèse de neutralité actuarielle n’est jamais pleinement respectée ; en d’autres
termes, aucun prélèvement n'est totalement contributif, ils opèrent tous des formes de redistribution,
même à la marge.
En particulier, en évolution, les prélèvements ont parfois été changés sans modification
correspondante des prestations, autrement dit, sans que la modification des prélèvements acquittés
par un ménage ait comme contrepartie une modification du revenu qu'il percevra. Nous prenons en
conséquence le parti d’intégrer les prélèvements principalement contributifs dans notre analyse en
évolution. Cela nous permet de tenir compte de la mise en oeuvre des exonérations de cotisations
sociales pour les bas salaires ou du déplafonnement des cotisations, phénomènes qui ne se sont pas
traduits par une modification correspondante des prestations reçues.
24
Dans cette optique distinguant entre cotisations assurantielles et cotisations redistributives, les prélèvements destinés à
financer l’assurance maladie (remboursements des soins) sont de nature plus controversée : en première approximation, ils ne
donnent pas lieu à des prestations qui sont directement liées au niveau des cotisations, même si la consommation de soins
croît légèrement avec le niveau de vie ; de plus, les prestations sont versées à l’ensemble des ayants-droit d’un cotisant, elles
opèrent donc une redistribution horizontale en faveur des familles nombreuses.
29
2. La TVA et les impôts indirects sur la consommation : un
effet redistributif très différent selon la perspective que l'on
adopte
Les ménages utilisent leur revenu en le répartissant entre épargne et consommation. L’intensité avec
laquelle les prélèvements sur la consommation affectent le niveau de vie des membres d’un ménage à
un moment donné de son cycle de vie dépend de la façon dont ils répartissent leurs ressources entre
consommation et épargne, et des types de produits qu’ils consomment. S’ils épargnent et ne
consomment qu’une part relativement faible de leurs revenus, leur budget est mécaniquement moins
fortement touché par les prélèvements sur la consommation (effet « taux d’épargne »). Et ces
ménages sont également moins touchés s’ils consomment des biens peu taxés (effet « structure de
consommation »). Il apparaît que l’effet « structure de consommation » selon le niveau de ressources
est limité, c’est-à-dire que la part des dépenses de consommation absorbée par les taxes indirectes
est presque constante quel que soit le niveau de vie des personnes considérées.
Si l’effet « structure de consommation » est limité, cela signifie que le poids des prélèvements sur la
consommation en termes de redistribution passe par l’effet « taux d’épargne ». En première analyse,
et à un instant donné, les taxes sur la consommation affecteront davantage les personnes modestes
dans la mesure ou elles consomment une part plus importante de leurs ressources que les personnes
aisées. Deux économistes du Gremaq
25
se sont intéressés à cette question en 2008. Selon eux,
lorsqu’on combine les deux effets, « taux d’épargne » et « structure de consommation », la TVA était
très fortement dégressive, puisque le taux d'effort du premier décile,
i.e.
la TVA acquittée rapportée
aux revenus, était deux fois supérieur à celui du neuvième décile en 2000-2001. En revanche, lorsque
l’on ne s’intéresse qu’à l’effet « structure de consommation », le taux d'imposition apparent lié à la
TVA,
i.e.
la TVA acquittée rapportée aux dépenses de consommation, est proportionnel, ou très
légèrement progressif. Ce n'est en revanche pas le cas des doits d’accises sur le tabac et l'alcool, qui
sont dégressifs quelle que soit l'hypothèse considérée.
Le surcroît d’épargne réalisé par les ménages aisés sera cependant assujetti à diverses formes de
taxation : taxes à la valeur ajoutée sur la construction de logements neufs ou les achats de biens
durables lorsque les ménages désépargnent (théorie du cycle de vie), taxation sur les revenus de
l’épargne et les héritages,
etc
. Or les ménages qui désépargnent le font à un moment où leurs
revenus diminuent, par exemple lors de leur retraite, du moins s’ils poursuivent une logique de lissage
de leur consommation au cours du temps, ou, selon les termes de la théorie économique, s’ils suivent
la théorie du cycle de vie. Une partie de l’effet « taux d’épargne » correspondra ainsi en réalité à un
lissage de la consommation dans le temps, et non à un prélèvement dégressif.
Ainsi, si les individus fondent leurs décisions de consommation sur la base de leur revenu permanent,
une analyse partielle portant sur une année de taxation va être biaisée vers la dégressivité de
l'imposition indirecte (pour autant qu’il y ait désépargne en fon de vie). Des études sur données
américaines et canadiennes suggèrent cependant que ce biais est de faible ampleur dans ces pays.
25
N. Ruiz et A. Trannoy, « Le caractère dégressif des taxes indirectes : les enseignements d'un modèle de microsimulation »
Economie et statistique
413, n°. 1 (2008): 21-46.
30
Deux chercheurs nord-américains ont mené une telle étude en 1993
26
. Leurs conclusions rejoignent
celles de Davies et
al.,
en 1984, dont nous allons présenter les résultats. Ceux-ci ont effectué une
analyse d’incidence fiscale du système fiscal canadien, en tenant compte de la dimension cycle de
vie. En comparaison de l'approche sur une année, ils trouvent qu'une analyse sur le cycle de vie
conduit à des résultats différents :
•
L'impôt sur le revenu apparaît comme moins progressif, dans la mesure où des personnes qui
ont un revenu moyen sur leur cycle de vie important ont pu bénéficier en début de carrière, au
moment où leurs revenus étaient encore relativement faibles, de taux d'imposition peu élevés.
Ce phénomène est renforcé par le fait que les cadres ont des trajectoires salariales
ascendantes jusqu'à un âge avancé, alors que les ouvriers et employés, et, dans une moindre
mesure, les professions intermédiaires, ont des revenus salariaux qui plafonnent plus
rapidement.
•
Les impôts indirects apparaissent comme légèrement moins dégressifs, puisqu'une partie des
revenus épargnés par un ménage sont consommés par la suite.
•
Au total, ces deux effets s'annulent dans leur étude.
Les considérations de cycle de vie rappelées dans cette section dépassent, de par leur complexité, le
cadre simplifié du présent travail. On se concentre donc sur l’effet « anti-redistributif » qu’exercent à
court terme les impôts sur la consommation en négligeant des formes de taxation, plus redistributives,
qui s’exerceront ultérieurement sur les revenus épargnés aujourd’hui.
C. Raisonner à structure de population et de revenus
constante
Deux facteurs affectent l'évolution du caractère progressif des prélèvements obligatoires : l'évolution
des revenus superbruts (« effet population ») et l'évolution de la législation socio-fiscale (« effet
législation »). Or c’est ce dernier élément qui constitue notre principal objet d’analyse. Dès lors,
comment faire la part des choses entre ces deux facteurs ? La démarche retenue dans ce rapport
consiste à raisonner à population constante (celle de 2009), afin de distinguer entre "effet population"
(i.e. modification de la distribution des revenus superbruts) et "effet législation".
Toutefois, appliquer tel quel le système socio-fiscal de 1990 à la population de 2009 n’aurait aucun
sens, car les barèmes socio-fiscaux de 1990 ne sont pas construits pour correspondre aux revenus de
2009, parce que le niveau moyen des prix et des revenus ont augmenté entre ces deux dates. Cette
section s’intéresse à la question de la meilleure méthode de revalorisation des barèmes de 1990 et
1998 afin de comparer les caractères progressifs des systèmes socio-fiscaux de 1990, 1998 et 2009.
26
D. Fullerton et D. L. Rogers,
Who bears the lifetime tax burden?
Brookings Institution Press, 1993.
31
1. Appliquer le barème socio-fiscal de 1990 ou 1998 à la
population de 2009
Raisonner à population constante revient en réalité à appliquer le barème socio-fiscal de 1990 ou de
1998 aux revenus des personnes imposables en 2009. La question posée ici est celle du taux
d’actualisation pour les barèmes de prestation. Plusieurs dimensions composent le barème d'un
prélèvement : les taux, les seuils et l'assiette. Comment dès lors revaloriser les éléments de barème
qui le nécessitent (seuils, montants) pour répondre au mieux à l'interrogation sur l'évolution du
caractère progressif de tel ou tel prélèvement, ou plus généralement, du système socio-fiscal ?
Ce choix revêt pour notre analyse un caractère crucial dans la mesure où celle-ci s'applique à une
période de 20 ans, inhabituellement longue pour ce type d'exercice
27
. Les écarts entre les différentes
méthodes d'indexation des barèmes (inflation et progression des revenus) sont en effet d'autant plus
forts que la période d'analyse est longue (Tableau 2).
Tableau 2. Coefficient multiplicatif pour convertir les barèmes socio-fiscaux de 1990 et 1998 en
euros 2009
Mode de revalorisation
1990
1998
En fonction de l'évolution moyenne des revenus
1,8
1,4
En fonction de l'évolution moyenne des prix
1,4
1,2
Revaloriser en se basant sur l'inflation est peu pertinent. Pour le voir, il suffit d'imaginer que l’on
souhaite comparer les caractères progressifs des systèmes socio-fiscaux de 1960 et de 2009. Sur
cette période, les prix ont été multipliés par 9, tandis que les revenus nominaux ont été multipliés
par 30, soit un rapport de un à trois pour les revenus réels. Les barèmes socio-fiscaux de 1950, même
revalorisés de l’inflation, seront en complet décalage avec les revenus de 2009, d’un facteur de un à
trois. La plupart des ménages de 2009 verraient par exemple une grande partie de leurs revenus
soumis à la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, à l’aune du barème de 1950 relevé de
l’inflation. Des arguments similaires s’appliquent aux montants versés aux bénéficiaires de prestations
sociales. Pour reprendre l’exemple ci-dessus, si les allocations familiales étaient revalorisées dans
notre modèle selon l’inflation et non selon l’évolution des revenus, on réduirait facticement
l’importance de ces allocations en divisant par trois leur montant exprimé par rapport au revenu
moyen (ou au PIB).
Une fois éliminée le choix de la revalorisation basée sur l’inflation, deux solutions demeurent
envisageables, que nous qualifions respectivement de démarche descriptive et de démarche
normative. Elles répondent toutes les deux à des questionnements différents.
27
Deux études de l’Insee se sont livrées à un exercice similaire à celui conduit dans ce rapport, en comparant des législations
espacées de 8 ou 10 ans. Elles ont servi à la fois de base de réflexion et de base technique au présent rapport. Il s’agit d’une
part du travail de F.Murat, N.Roth et C.Starzec, « L’évolution de la redistributivité du système socio-fiscal entre 1990 et 1998 :
une analyse à structure de population constante »,
France, Portrait Social 2000-2001
, et, d’autre part, du travail de E.Amar,
N.Laïb, F.Marical et B.Mirouse, « 1996-2006 : 10 ans de réformes du système de redistribution »,
France, Portrait Social 2007.
32
La première consiste à revaloriser les barèmes en fonction de leur évolution habituelle, que celle-ci
soit inscrite dans la loi ou non. Ainsi, implicitement, seules les modifications explicitement souhaitées
par les pouvoirs publics sont prises en compte dans la comparaison de la progressivité des systèmes
de 1990, 1998 et 2009. Par exemple, en dehors des années de réforme, les barèmes de l’impôt sur le
revenu (IR) semblent suivre de très près l’indice des prix à la consommation (IPC). Dans ce cas,
toutes les évolutions de barème qui vont au-delà de l’IPC vont être considérées comme des choix
politiques, qui correspondent à un « coup de pouce » sur l’impôt sur le revenu. On qualifie cette
approche de descriptive car elle décrit objectivement la manière dont les barèmes sont relevés.
Implicitement, la comparaison que nous effectuerions avec cette démarche serait la suivante : quels
seraient les prélèvements acquittés et les prestations perçues par les ménages en 2009 si les règles
du système socio-fiscal n'avaient pas été modifiées entre 1990 et 2009, en dehors des revalorisations
légales ou habituelles propres à chacun de ces prélèvements ou prestations ?
La seconde approche, normative, considère au contraire que les barèmes doivent être relevés en
fonction de l'évolution moyenne des revenus pour conserver à un prélèvement donné son degré de
progressivité. Ici, implicitement, quand les minima sociaux sont revalorisés en fonction de l'inflation et
non de l'évolution des revenus moyens, on considère qu'ils perdent en progressivité.
Finalement, la comparaison que nous effectuerions serait la suivante : quels seraient les prélèvements
acquittés et les prestations perçues par les ménages en 2009 si les règles du système socio-fiscal
n'avaient pas été modifiées entre 1990 et 2009, en revalorisant les barèmes des prélèvements et
prestations de l'évolution du revenu moyen disponible, afin de maintenir constant le caractère
progressif du système socio-fiscal ? C’est cette dernière démarche que nous retenons ici.
Le choix de ce mode de revalorisation n’est évidemment pas neutre quant à l’appréciation de la
progressivité des évolutions du système socio-fiscal entre 1990 et 2009. Ainsi, les minima sociaux, ou
d’autres prestations, sont en règle générale revalorisés chaque année suivant l’inflation. Dans le cadre
retenu, et en l’absence de revalorisation exceptionnelle (« coup de pouce »), notre modèle en déduit
que les minima sociaux ont perdu en progressivité, puisque le revenu moyen a augmenté plus vite
que les montants versés. En d’autres termes, si les bénéficiaires de ces minima ne perdent pas en
pouvoir d’achat, ils s’éloignent du revenu moyen : en conséquence, les minima sociaux constituent un
élément moins progressif que ce qu’ils ont pu être par le passé.
33
Graphique 2. Barème fiscal de l'impôt sur le revenu de 1998 revalorisé en euros 2009, en
fonction du mode de revalorisation
0
10
20
30
40
50
60
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
70 000
Revenu imposable en
€ 2009
Taux marginal en %
Revalorisé en fonction de l'inflation
Revalorisé en fonction de l'évolution du
revenu moyen
Lecture :
Si le barème est revalorisé en fonction de l’inflation, un revenu imposable de 30 000 euros de 2009 se situe dans la
cinquième tranche de l’impôt, il est dans la quatrième si le barème est revalorisé en fonction de l’évolution du revenu moyen ;
Source :
Insee, Calcul des auteurs.
Pour résumer, nous prenons le parti de raisonner principalement à structures de population et de
revenus constantes (celles de 2009), afin de répondre à la question suivante : quels seraient les
prélèvements acquittés et les prestations perçues par les ménages en 2009 si les règles du système
socio-fiscal n'avaient pas été modifiées entre 1990 et 2009
? Répondre à cette question nécessite
bien entendu de revaloriser les barèmes des prélèvements et prestations de 1990 ou 1998 pour
qu’elles puissent s’appliquer aux ménages de 2009. Nous prenons le parti de revaloriser en fonction
de l'évolution du revenu moyen disponible, afin de maintenir constant le caractère progressif du
système socio-fiscal de 1990 et 1998.
Pour
des raisons techniques, nous ne pouvons
malheureusement pas effectuer le même exercice sur l’année 1990 : nous ne disposons en effet pas
lors de cette année d’une base de données représentative de la population française et qui
contiendrait les informations nécessaires pour reconstituer les prélèvements acquittés et les
prestations perçues par les ménages.
2. Quels revenus maintenir constants ?
Schématiquement, on distingue dans ce rapport quatre niveaux de revenus (Schéma 1, p.10) :
•
le revenu superbrut
, correspondant aux revenus d’activité salariée et indépendante (y.c.
cotisations sociales salariales et employeurs), aux revenus de remplacement, aux revenus du
patrimoine et aux pensions alimentaires ;
34
•
le revenu de référence
, qui correspond au revenu net encaissé par les ménages, après
déduction des cotisations (salariales et patronales) et des contributions sociales (hors CSG
imposable, CRDS et prélèvements sociaux sur le patrimoine) ;
•
le revenu disponible
, après déduction de la plupart des impôts directs et après ajout des
prestations non contributives (famille, logement, pauvreté) ;
•
le revenu final
, après déduction des impôts indirects.
Rappelons que l’exercice réalisé dans la deuxième partie du rapport consiste à comparer les trois
législations socio-fiscales (1990, 1998 et 2009) en les appliquant à la population de 2009, après avoir
procédé à la revalorisation des barèmes tel qu’expliqué dans la section précédente. Au moment
d’effectuer cette comparaison se pose la question de savoir quel revenu maintenir constant. En effet,
on ne peut pas maintenir l’ensemble des revenus constants, puisque, une fois l’un des revenus fixés,
une modification des prélèvements et transferts vient modifier les autres revenus. Trois solutions sont
envisageables.
Une première solution aurait consisté à maintenir constant le revenu superbrut, en considérant par
exemple que la concurrence internationale détermine le coût du travail et le niveau de rémunération
du capital, quelle que soit la législation socio-fiscale nationale. On répondrait ainsi à la question
suivante : « quels seraient les prélèvements acquittés par les ménages avec les législations de 1990,
1998 et 2009, à rémunération des facteurs, travail et capital, fixée, les niveaux de vie différant ? ».
Une deuxième solution aurait consisté à maintenir constant le revenu final. On répondrait ainsi à la
question suivante : « quels seraient les prélèvements acquittés par les ménages avec les législations
de 1990, 1998 et 2009, à revenu final constant, les rémunérations du travail et du capital
s’adaptant en conséquence ? ».
Nous avons adopté une troisième solution, en maintenant constant le revenu de référence. Le revenu
de référence correspond au revenu encaissé par les ménages, après déduction des cotisations
(salariales et patronales) et des contributions sociales (CSG et CRDS). Si ce concept de revenu de
référence peut paraître non conventionnel, il présente l’avantage d’avoir une signification concrète
pour les ménages, puisqu’il s’agit du revenu perçu au titre des facteurs de production, travail ou
capital, auxquels s’ajoutent les revenus différés (pensions de retraites et indemnités de chômage). De
plus, ce revenu sert de référence au calcul de l’essentiel des prélèvements obligatoires, il y a donc
une logique à le maintenir constant pour les différentes législations.
Par la suite lorsque nous parlerons du niveau de vie d’un ménage, il s’agira de son revenu de
référence divisé par le nombre d’unité de consommation du ménage. Ce niveau de vie de référence
est donc commun aux trois législations.
35
II. Évolution du caractère progressif des prélèvements
obligatoires reposant sur les ménages : enseignements du
modèle Ines
L’ambition de ce rapport est de proposer une analyse permettant de comparer le système socio-fiscal
en France à trois dates, en 1990, 1998 et 2009, en se limitant aux prélèvements acquittés directement
ou indirectement par les ménages (Tableau 1 page 26 pour une liste détaillée du champ retenu).
L’analyse se place dans le cadre d’une comparaison statique, sans prise en compte des réactions des
individus, des ménages ou des entreprises face aux changements législatifs, notamment en matière
d’offre de travail, de comportement de consommation ou d’épargne.
L'évolution du caractère progressif du système socio-fiscal français dans son ensemble résulte tout
d’abord de l'évolution du poids de chacun des prélèvements au sein de l'ensemble, selon qu’ils sont
plus ou moins progressifs. La section A décrit l’évolution du poids des prélèvements au cours des
vingt dernières années, en se basant sur les données issues de la comptabilité nationale.
Mais l’évolution de la progressivité du système socio-fiscal résulte tout autant des évolutions du
caractère progressif de chacun des prélèvements qui le composent. La section B examine ces
évolutions sur la période 1990-2009, en mobilisant le modèle de microsimulation Ines, à structure de
population et de revenus constante (
cf.
section C de la première partie). Elle distingue, de manière
assez classique, trois types de prélèvements obligatoires : ceux qui concourent à financer la
protection sociale (cotisations sociales et contributions), les prélèvements directs (impôt sur le revenu
et taxe d’habitation), et les prélèvements indirects (TVA, TIPP et droits d’accises principalement). Elle
examine également l’évolution de la progressivité des prestations monétaires (aides au logement,
allocations familiales et minima sociaux), dont on a déjà eu l’occasion de rappeler qu’elles sont le
vecteur principal de redistribution du système socio-fiscal français, en vertu de leur plus grand ciblage.
A. Une légère progression du taux de prélèvements durant la
période 1990-2009, accompagnée d’une fiscalisation accrue
du financement de la protection sociale
1. Un accroissement du taux de prélèvements obligatoires
durant la décennie 1990, suivi d’un reflux durant la décennie
2000
Le poids global des prélèvements obligatoires
28
s'est légèrement accru sur l’ensemble de la période
1990-2009 (Graphique 3). Le taux de PO a augmenté de manière continue et forte du milieu des
années 60, où il avoisinait les 30 %, au milieu des années 80, où il a atteint plus de 42 %, avant de se
stabiliser durant la fin de cette décennie. Au cours des années 1990, il a repris sa progression,
28
Les prélèvements obligatoires sont l’ensemble des impôts et cotisations sociales reçus par les administrations publiques et
les institutions européennes.
36
passant d’environ 42 % en 1990 à environ 44 % en 1998, et 45 % en 1999 (point historiquement le
plus haut). Il a ensuite diminué au cours des années 2000, pour atteindre près de 43 % en 2008.
Graphique 3. Évolution du taux de prélèvements obligatoires, 1980-2008
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
En % du PIB
41,6 %
42,8 %
44,0 %
Lecture :
en 1990, l’ensemble des prélèvements obligatoires représentait 41,6 % du PIB ;
Source :
Insee, comptes nationaux,
base 2000.
2. L’impôt sur le revenu a perdu en importance
Le poids de chacune des grandes catégories de prélèvements a été modifié, sans toutefois que les
évolutions soient très marquées : les cotisations et contributions sociales ont vu leur part progresser
au détriment des impôts, hors contributions sociales (Graphique 4). Au sein des impôts, l'impôt sur le
revenu représente une part plus faible en 2009 qu'en 1995
29
: 9 % du total des PO en 1995 contre 6 %
en 2009.
29
Les données produites actuellement par le département des comptes nationaux de l’Insee ne permet pas d’appréhender
l’ensemble des PO, avec un niveau de détail suffisant pour notre analyse, avant 1995.
37
Graphique 4. Part des cotisations et contributions, des prélèvements indirects et des
prélèvements directs dans l’ensemble des prélèvements obligatoires, 1995-2009
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Impôts indirects
Impôts directs et assimilés, hors contributions sociales
Cotisations et contributions sociales
Lecture :
en 1995, les cotisations et contributions représentaient 47 % du montant de l’ensemble des prélèvements
obligatoires ;
Note :
les cotisations et contributions recouvrent les cotisations sociales, la CSG et la CRDS ; les impôts indirects
recouvrent la TVA, la TIPP, les droits d’accise sur les boissons et tabacs, les droits d’enregistrement, les taxes sur les
assurances, la taxe foncière et la taxe professionnelle, ainsi que de nombreux autres impôts indirects de moindre importance ;
les impôts directs et assimilés recouvrent principalement l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune, les droits de mutation,
l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la taxe foncière ;
Source :
Insee, comptes nationaux,
base 2000.
3. Le financement de la protection sociale a été
progressivement fiscalisé
Une évolution marquante de la période est le changement profond opéré en matière de financement
de la protection sociale. En 1990, la protection sociale est financée en quasi-totalité par des
cotisations sociales. Les administrations de sécurité sociale (qui n’administrent cependant qu’une
partie des dépenses de protection sociale) sont financées en 1990 à plus de 96 % par des cotisations
sociales (Tableau 3).
À partir de 1991, la CSG est mise en place, puis renforcée progressivement au cours de la décennie
1990. La CRDS vient compléter la CSG à partir de 1996, tandis que le poids de la contribution sociale
sur le patrimoine s’accroît significativement durant la période. Ce mouvement de fiscalisation du
financement de la protection sociale est renforcé par la mise en place progressive, à partir de 1993,
d’exonérations générales de cotisations sociales, en particulier pour les salariés peu rémunérés. Les
exonérations sont, pour la majeure partie d’entre elles, compensées par l’État, qui affecte ainsi aux
administrations de sécurité sociale (ASSO) les recettes de plusieurs impôts (par exemple les droits
d’accise sur les tabacs et alcools). Ainsi, en 2008, les recettes fiscales constituent près de 30 % du
38
financement des ASSO. La CSG ne compte que pour les deux tiers de ces recettes d’origine fiscale,
le tiers restant étant constitué d’autres recettes (compensation pour les exonérations de cotisations et
autres contributions).
Tableau 3. Financement des administrations de sécurité sociale
En % du
financement total
1990
1998
2008
Cotisations sociales
96,3%
76,0%
70,2%
Impôts
3,7%
24,0%
29,8%
Lecture :
en 1990, les cotisations sociales représentent 96,3 % du financement des administrations de sécurité sociale ;
Source :
Insee, comptes nationaux, base 2000.
4. La part des PO acquittés, directement ou indirectement,
par les ménages, fluctue légèrement depuis 1995, sa base
fiscale étant moins sensible à la conjoncture économique
que les PO acquittés par les entreprises
Dans le cadre de ce rapport, le champ retenu exclut les prélèvements acquittés par les sociétés,
comme l’impôt sur les sociétés ou la taxe professionnelle. Or nous avons vu dans la première partie
du rapport que ces PO reposent
in fine
sur certains ménages, en particulier sur les ménages les plus
riches qui possèdent plus souvent dans leur patrimoine des parts sociales. En excluant les
prélèvements acquittés par les sociétés, on fait implicitement l’hypothèse de neutralité de leur
évolution sur la période. Leur contribution au caractère progressif du système socio-fiscal provient de
deux mécanismes : l’évolution de leur poids au sein de l’ensemble des PO d’une part, et l’évolution de
leur législation d’autre part. Cette dernière dimension a fait l’objet d’une analyse approfondie de la part
du Conseil des PO dans le cadre du rapport « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans
une économie globalisée » d’octobre 2009.
Le poids de l’IS et de la taxe professionnelle a évolué significativement durant la période, passant de
7,8 % du PIB en 1995 à 9,8 % en 2001 (point le plus haut), puis revenant à 8,4 % en 2008, avant de
baisser en 2009 à 5,3 %. Cependant, la comparaison dans le temps est rendue difficile par le fait que
la fin de la décennie 90 bénéficie d'une conjoncture dynamique, au cours de laquelle les prélèvements
les plus pro-cycliques, dont l’impôt sur les sociétés, voient leur part progresser automatiquement. À
l'inverse, l'année 2009 correspond à un creux conjoncturel historique, réduisant le rendement des
prélèvements les plus pro-cycliques. Ainsi, les évolutions sont davantage liées à la conjoncture
macroéconomique qu’aux modifications de législation en matière d’impôt sur les sociétés ou de taxe
professionnelle.
39
5. La comparaison des législations socio-fiscales de 1990,
1998 et 2009 à structure de population et de revenus
constante délivre les mêmes messages que les données de
la comptabilité nationale
La démarche initiée dans la suite de cette deuxième partie du rapport consiste à raisonner à structure
de population et de revenus constante (celles de 2009), afin de répondre à la question suivante :
quels seraient les prélèvements acquittés et les prestations perçues par les ménages en 2009 si les
règles du système socio-fiscal n'avaient pas été modifiées entre 1990 ou 1998 et 2009
? De ce fait,
les résultats issus du modèle Ines ne sont pas forcément cohérents avec les données de la
comptabilité nationale, qui décrivent simplement l’évolution du poids des prélèvements, sans
neutraliser « l’effet population ».
Rappelons également que le principal indicateur examiné ici est le rapport entre le prélèvement
acquitté par unité de consommation par le ménage et son niveau de vie
30
, ou taux moyen d’effort
31
. Il
diffère du taux de prélèvements obligatoires selon deux dimensions. Au numérateur de notre ratio, un
certain nombre de prélèvements obligatoires ne font pas partie de notre champ d’analyse
(essentiellement les prélèvements acquittés par les entreprises et les prélèvements assis sur le
patrimoine), ce qui pourrait induire une première source de divergence. Au dénominateur de notre
ratio d’intérêt, des écarts sont également inévitables. Le dénominateur du taux de prélèvements
obligatoires est le PIB, qui correspond à la somme de l’ensemble des revenus produits sur le territoire
français. Le dénominateur du taux d’effort est un indicateur de niveau de vie, et non directement de
revenus. Le niveau de vie renvoie au concept de revenu, mais il tient compte de la composition des
ménages et du partage d’un budget commun au sein de ceux-ci. De plus, le revenu à partir duquel
nous construisons le niveau de vie de référence est le revenu de référence : si l’on sommait
l’ensemble des revenus de référence des ménages français, on obtiendrait un agrégat plus petit que
le PIB, par exemple parce que les entreprises ne distribuent pas instantanément aux ménages
l’ensemble des revenus qu’elles génèrent une année donnée
32
, mais aussi parce que le revenu de
référence ne comprend pas les cotisations salariales et patronales. En conséquence, le taux d’effort
diffère assez largement du taux de prélèvements obligatoires. Par exemple, en 1990, le taux moyen
de PO est d’environ 42 %, alors que le taux moyen d’effort est de 64 %. Ce niveau tient aussi au choix
du niveau de vie net comme dénominateur du taux d’effort. Il serait différent si l’on choisissait un
niveau de vie construit à partir du revenu superbrut, ou du revenu final. Le niveau du taux moyen
d’effort a donc peu d’intérêt en tant que tel : ce sont surtout ses évolutions qui sont significatives.
30
Le niveau de vie d’un ménage est le rapport entre son revenu de référence et son nombre d’unités de consommation, celui-ci
étant défini en utilisant l’échelle d’équivalence dite modifiée de l’OCDE (voir la note de bas de page n°2 pour une description de
cette échelle).
31
Pour les transferts qui augmentent le revenu disponibles des ménages, on emploiera le terme de taux de soutien à la place
de taux d’effort.
32
Une partie du PIB est par exemple utilisée pour renouveler le capital déprécié. Le produit intérieur brut est ainsi plus élevé
que le revenu intérieur net, une fois retiré la dépréciation du capital.
40
Graphique 5. Taux d’effort moyen avec les législations socio-fiscales de 1990, 1998 et 2009
0
10
20
30
40
50
60
70
80
1990
1998
2009
En % du niveau de vie
Cotisations sociales
Contributions sociales
Impôts indirects
Impôts sur le revenu et taxe d'habitation
Lecture :
les prélèvements obligatoires acquittés par les ménages représentent en moyenne 68,7 % de leur niveau de vie de
référence en 2009 ; si on avait appliqué la législation de 1990 au lieu de celle de 2009, leur taux d’effort aurait été de 64,4 % et
non de 68,7 % ;
Prélèvements inclus dans l’analyse :
les cotisations sociales comprennent l’ensemble des cotisations
sociales, salariales et patronales ; les contributions sociales comprennent la CSG, la CRDS et la contribution sociale sur le
patrimoine ; les impôts indirects comprennent la TVA, la TIPP, les droits d’accises sur les alcools et tabacs, les taxes
d’assurance, et diverses autres taxes sur la consommation de moindre importance ; les impôts directs ne comprennent que
l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
Malgré les sources de divergence, la comparaison du taux d’effort moyen des ménages français selon
les législations socio-fiscales (1990, 1998 et 2009), reportée dans le Graphique 5, délivre des
messages similaires à ceux que nous avons rappelés ci-dessus, en analysant l’évolution du poids des
prélèvements obligatoires entre 1990 et 2009.
Au total, lorsque l'on prend en compte l'ensemble des prélèvements acquittés par les ménages et
considérés dans cette étude, le taux d'effort moyen des ménages (rapporté au niveau de vie net de
référence) a crû de 64 % en 1990 à 71 % en 1998, avant de retomber à 69 % en 2009.
Le financement de la protection sociale (cotisations et contributions sociales) a le plus contribué à la
croissance du taux d'effort global sur la période : le taux d’effort moyen en matière de cotisations
sociales est passé de 41 % en 1990 à 39 % en 2009, et celui lié aux contributions sociales de 0 % à
9 %. À l'inverse, l’impôt a vu son poids régresser dans les PO acquittés par les ménages, notamment
entre 1998 et 2009. Le taux d’effort lié à l’impôt sur le revenu (et à la taxe d’habitation) est ainsi passé
de 9,5 % en 1990 à 7,0 % en 2009.
41
La section suivante permet de comprendre, catégorie de prélèvement par catégorie de prélèvement,
comment se sont traduites en termes d’évolution de la progressivité les tendances évoquées ci-
dessus : fiscalisation du financement de la protection sociale d’une part et érosion du poids de l’impôt
sur le revenu d’autre part.
Encadré 1. Le modèle Ines
Le principe de la microsimulation consiste à appliquer la législation socio-fiscale à un échantillon
représentatif de la population. Le modèle de microsimulation
Ines
, développé par la Drees et l’Insee,
est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux qui réunit les informations sociodémographiques
de l’enquête Emploi, les informations administratives de la Cnaf et le détail des revenus déclarés à
l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu. L’échantillon est représentatif des
ménages dont une personne au moins n’est pas étudiante de la population vivant en France
métropolitaine dans un logement ordinaire (logement non collectif).
En 2009, les données de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de 2007 sont recalées afin de refléter
la situation en 2009. En particulier, la structure de la population est calée sur celle de 2009 selon
différents critères sociodémographiques et économiques. De même, les revenus fiscaux sont
actualisés de manière à refléter les évolutions des différentes catégories de revenus (salaires,
pensions de retraite, revenus agricoles, revenus du patrimoine, etc.) entre 2007 et 2009.
On calcule pour chaque ménage les différents transferts monétaires (selon sa composition familiale,
l’activité de ses membres et ses revenus). Le modèle
Ines
ne tient pas compte des changements de
comportement des ménages en matière de fécondité ou de participation au marché du travail que
pourraient induire les évolutions des dispositions de la législation socio-fiscale. L’étude menée
correspond ainsi à une analyse statique des transferts monétaires qui permet d’évaluer, au premier
ordre, dans quelle mesure les transferts modifient à une date donnée la distribution des revenus.
B. Évolution du caractère progressif des cotisations et
contributions sociales, des impôts indirects, des impôts
directs et des prestations monétaires
1. Le financement de la protection sociale est devenu plus
progressif au cours des années 90
La période 1990-2009 a été marquée par un changement d’orientation en matière de financement de
la protection sociale, reflétant une volonté de déconnexion plus grande entre contributions et
prestations reçues. Un triple mouvement traduit concrètement ce changement d’orientation : l'entrée
en vigueur de la CSG et de la CRDS, le déplafonnement partiel ou total de certaines cotisations, et la
mise en place puis l'approfondissement des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires.
42
En conséquence, le financement de la sécurité sociale a fortement évolué au cours des deux
dernières décennies : en 1990, la charge financière est uniquement assurée par des cotisations dans
une perspective assurantielle
33
; en 2009, la charge financière est répartie entre cotisations sur les
revenus du travail (environ 70 %) et contributions sociales sur tous les types de revenus (30 %). Le
système de sécurité sociale, historiquement fondé selon une logique bismarckienne, a poursuivi son
hybridation avec une vision béveridgienne.
Dans le même temps, le système de protection sociale a vu ses besoins de financement croître,
particulièrement dans les domaines de la santé et des retraites. Aussi, les réformes ont également
conduit à une hausse des prélèvements. À population constante, depuis vingt ans, l’ensemble des
cotisations et contributions a augmenté de 17 % et s’établit autour de 453 Mds € en 2009. Cette
hausse correspond à près de 7 points supplémentaires du taux d’effort moyen des ménages, passé
de 41 % du niveau de vie de référence en 1990 à 48 % en 2009 (Graphique 6).
Cette section revient sur les modifications de législation intervenues au cours des deux dernières
décennies et leur impact sur la redistributivité. Dans un premier temps sont détaillées les modifications
intervenues en matière de cotisations sociales, qui constituent le coeur du financement de la protection
sociale. Dans un deuxième temps, on quantifie l’effet en matière de progressivité de la montée en
puissance des exonérations de cotisations sociales. Enfin, dans un troisième temps, on s’intéresse à
la fiscalisation du financement de la protection sociale (contributions sociales).
33
Dans un système purement assurantiel, ou bismarckien, les salariés s’assurent mutuellement contre les risques (maladie,
retraites, chômage, accident du travail, famille). Les ménages en dehors du monde du travail sont également exclus du système
de protection sociale auquel ils ne cotisent pas. Dans un système béveridgien, tous les citoyens bénéficient d’une couverture
universelle, dont le coût est financé par l’impôt.
43
Graphique 6 : Taux d’effort moyen consacré au financement de la protection sociale
0
10
20
30
40
50
1990
1998
2009
En % du niveau de vie
cotisations patronales maladie
cotisations patronales retraites
cotisations patronales chomage
cotisations patronales famille
cotisations patronales autres
cotisations salariales maladie
cotisations salariales retraites
cotisations salariales chomage
cotisations salariales famille
cotisations salariales autres
csg déductible
csg imposable
crds
contribution sur les revenus du patrimoine
Lecture
: les prélèvements sociaux acquittés par les personnes s’élèvent à 41 % de leur niveau de vie de référence en
appliquant la législation 1990. Les cotisations patronales contre le risque maladie représentent quant à elles 8,3 % du niveau de
vie de référence en 1990 ;
Note
: les cotisations patronales sont représentées par des aires rayées, les cotisations employées
sont représentées par des aplats et les contributions par des pointillés ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations
1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
a)
Les cotisations sociales sont devenues moins lourdes et
légèrement plus progressives
Depuis 1990, les négociations des partenaires sociaux ont abouti à de nombreux ajustements sur les
cotisations sociales (notamment en jouant sur les taux de prélèvements) sans toutefois changer
l’esprit du dispositif. La présente section détaille principalement l’évolution du régime le plus répandu,
le régime général. En effet, la diversité des régimes
34
et par voie de conséquence des cotisations
auxquels est assujettie la population est trop grande pour commenter exhaustivement tous les
changements de barèmes intervenus entre 1990 et 2009. Toutefois, le modèle Ines, sur lequel se
base le diagnostic en matière de progressivité, intègre tous les régimes de protection sociale.
Deux changements principaux sont intervenus au cours de cette période :
•
Au cours de la décennie 1990, la cotisation salariale d’assurance maladie a diminué de
4,75 points, en contrepartie d’une hausse de la CSG en 1998 de 4,1 points (voir
Graphique 7
).
34
Parmi les plus importants, on peut citer le régime général, le régime des indépendants, les cotisations concernant les
pensions de retraites, les indemnisations chômage et le régime particulier des agriculteurs.
44
Cette substitution a des effets ambigus. Elle va dans le sens d’une moindre progressivité
puisque n’en bénéficient que les salariés, qui disposent
a priori
de revenus plus élevés que
les personnes bénéficiant des minima sociaux. Mais, elle va également dans le sens d’une
plus forte progressivité puisque la CSG pèse sur tous les types de revenus, tandis que les
cotisations ne sont assises que sur les salaires.
•
Par suite, les cotisations de complémentaires retraites (obligatoires) ont fortement augmenté,
notamment dans la décennie 2000. La majorité des employés a ainsi subi une hausse des
cotisations de 4 points du salaire brut, les mieux rémunérés subissant une hausse de
17 points (voir
Graphique 7
). Pour les cadres, la hausse est légèrement supérieure (entre 5 et 8
%). Ces hausses, le plus souvent partagées à égalité entre des cotisations patronales et
salariales, ont augmenté le caractère progressif des cotisations puisque les augmentations les
plus fortes se sont concentrées entre le 1
er
et 3
ème
plafond de sécurité sociale, et ont donc
concerné les 15 % des employés les mieux rémunérés et 90 % des cadres les mieux payés
(voir
Graphique 7
et
Graphique 8
).
Par ailleurs, les cotisations ont diminué de 3,6 Mds € pour les bénéficiaires de revenus de
remplacement (-66 %). Cependant, cette baisse des cotisations n’a pas été uniforme suivant les
publics concernés. En effet, entre 1990 et 2009, les cotisations des chômeurs ont plus que doublé
tandis que celles des retraités ont baissé de 89 %. Cette évolution en ciseau s’explique par deux
facteurs : d’un côté, par la hausse générale des cotisations retraites dont sont exemptés les retraités,
et, de l’autre, par une baisse des cotisations maladie dont sont exclus les chômeurs.
Les cotisations sociales sur les revenus des indépendants (médecins, professions libérales,
commerçants et agriculteurs) ont diminué nettement moins rapidement que pour les salariés mais de
manière bien plus hétérogène.
Au total, en appliquant à la population 2009, les législations 1990 et 2009, les modifications se sont
traduites par une baisse des cotisations salariales
35
(-24 %) et une hausse des cotisations patronales
(+5 %).
35
Ici, les cotisations salariales comprennent non seulement les cotisations salariales des salariés mais également des
cotisations perçues sur les revenus des indépendants et de remplacement.
45
Graphique 7. Taux marginal des cotisations sociales salariales
A. Pour les non cadres
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
Salaire annuel brut en milliers d'euros
En % du salaire brut
2009
1998
1990
Hausse des cotisations retraites complémentaires
qui ne concerne que 15% des employés
Baisse des cotisations maladie
déplafonnée de 1998
Source
: Insee, calcul des auteurs
Lecture
: le taux d’imposition marginal des cotisations salariales pour les employés est de 13,8 % en 2009 pour un
salaire brut annuel compris entre 0 et 34 000 €.
B. Pour les cadres
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
Salaire annuel brut en milliers d'euros
En % du salaire brut
2009
1998
1990
zone concernée par les hausses de cotisations retraites
Hausse des cotisations de retraites
complémentaires de 1,3 % entre 1998
et 2009
Baisse des cotisations maladie déplafonnée en 1998
Source
: Insee, calcul des auteurs
Lecture
: le taux d’imposition marginal des cotisations salariales pour les cadres est de 13,7 % en 2009 pour un
salaire brut annuel compris entre 0 et 34 000 €.
46
Graphique 8. Taux marginal des cotisations sociales patronales
A. Pour les non cadres
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
Salaire annuel brut en milliers d'euros
En % du salaire brut
2009
1998
1990
Hausse substantielle des cotisations de complémentaires retraites
mais ne concerne que 15% des employés
Les cotisations patronales bénéficient d'exonérations dans cette zone
Source
: Insee, calcul des auteurs
Lecture
: le taux d’imposition marginal de cotisations patronales pour les employés est de 40,6 % en 2009 pour
un salaire brut annuel compris entre 0 et 34 000 €.
B. Pour les cadres
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
Salaire annuel brut en milliers d'euros
En % du salaire brut
2009
1998
1990
Hausse des cotisations de complémentaires retraites
Seuls 3 % des cadres sont
concernés par les hausses les plus
importantes
Source
: Insee, calcul des auteurs
Lecture
: le taux d’imposition marginal de cotisations patronales pour les cadres est de 40,6 % en 2009 pour un
salaire brut annuel compris entre 0 et 34 000 €.
47
Au vu des effets contradictoires des différentes modifications de taux de cotisations, il est difficile d’en
inférer une évolution globale du caractère progressif des cotisations. Aussi, en appliquant la législation
de 1990 et de 2009, à la population 2009, le modèle Ines permet-il de comparer les taux d’effort des
ménages suivant leur niveau de vie. En faisant la différence entre les taux d’effort entre 1990 et 2009,
apparaît alors l’évolution de la progressivité des cotisations sociales (voir Graphique 9).
Sans tenir compte des exonérations, les cotisations sociales ont au total très légèrement gagné en
progressivité.
Graphique 9. Cotisations sociales (hors exonérations)
: différence entre le taux d’effort de 2009
et celui de 1990, par déciles de niveau de vie de référence
-4
-2
0
2
4
6
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Cotisations salariales (hors exonérations)
Cotisations patronales (hors exonérations)
Évolution de l'ensemble des cotisations (hors exonérations)
Lecture :
sous la législation de 2009, les cotisations sociales des personnes les plus modestes, i.e
.
le premier décile de niveau
de vie (D1), sont supérieures de 1,2 point de niveau de vie à celles qu’ils auraient acquittées sous la législation de 1990. Cette
hausse s’explique à hauteur de +2,8 points, par la hausse des cotisations patronales, en partie amoindrie, à hauteur de
-1,6 points par la baisse des cotisations salariales ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de
référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009,
législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
b)
Des exonérations au caractère progressif très affirmé
En réponse à la hausse du coût du travail, notamment à l’alourdissement des cotisations patronales,
les gouvernements successifs ont mis en place des dispositifs d’exonération de cotisations sociales à
large échelle en direction des bas salaires. Il s’agit de soutenir la demande de travail des entreprises
et de diminuer le chômage. Ainsi, à population constante, le coût des exonérations de cotisations
sociales s’est fortement accru, passant de 1 Md € en 1990 à une trentaine de milliards d'euro en 2009
(pour le détail des dispositifs ainsi que l’évolution dans le temps, voir Encadré 3). Les contrats aidés
48
représentent une part faible et déclinante de ces dispositifs (1 Mds € en 2009 contre 1,2 Mds € en
1990 en population constante).
La principale composante est constituée des exonérations de cotisations sociales employeurs en
direction des bas salaires. Ces exonérations ont touché un nombre croissant de salariés : dans un
premier temps centrées autour du Smic, elles ont été étendues jusqu’à 1,6 Smic (Encadré 3). Elles
n’existaient pas en 1990, bénéficiaient, selon le modèle INES pour la population 2009, à 7 millions de
salariés sous la législation 1998 et actuellement à 11 millions de personnes (soit près de 40 % des
salariés). Le coût associé à ces mesures est passé de 9,7 Mds € en 1998 à 22 Mds € (en population
constante). La montée en charge des exonérations était donc déjà partiellement effectuée en 1998.
En 2009, de nouvelles exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ajoutent
près de 4 Mds € d’abaissement de cotisations. Cependant, la philosophie du dispositif y est différente
puisque les baisses de cotisations concernent principalement les cotisations salariées et non
patronales. Ces dernières bénéficient d’une réduction forfaitaire.
Les exonérations bénéficient largement aux ménages les plus modestes. Elles diminuent
significativement le taux de cotisations patronales et donc le taux d’effort des ménages modestes. Les
exonérations ont ainsi un caractère progressif affirmé.
Par exemple, elles ont diminué de 13 points le
taux d’effort des ménages les plus modestes (voir Graphique 10).
Cependant, l’incidence de long terme de ces dispositifs est particulièrement complexe, et il est difficile
de déterminer quels en sont les bénéficiaires (voir la partie II.A.4b). Afin de tenir compte de ces
éléments d’incertitude, trois scénarios alternatifs sont présentés dans l’Encadré 2. Ils ne remettent pas
en cause le caractère progressif des exonérations de cotisations, mais nuancent leur degré de
progressivité.
49
Graphique 10. Exonérations de cotisations sociales
: taux de soutien en 1990, 1998 et 2009 par
déciles de niveau de vie de référence
0
3
6
9
12
15
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Législation 1990
Législation 1998
Législation 2009
Lecture :
sous la législation de 2009, les exonérations dont bénéficient les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier décile
de niveau de vie (D1), représentent 13 % de niveau de vie. Sous la législation 1998, elles représentent 10 % ;
Note
: le niveau
de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation
qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Encadré 2. Le caractère progressif des exonérations demeure sous différentes hypothèses
d’incidence fiscale
Le caractère progressif des exonérations de cotisations sociales, établi dans la section II.B.1.b),
repose en partie sur une hypothèse d’incidence fiscale assez forte : les employés peu rémunérés,
ciblés par ces mesures, en bénéficient entièrement (sous forme d’effet emploi notamment). Toutefois,
comme l’a souligné la partie I.A, les études disponibles montrent que d’autres acteurs ont pu
bénéficier de ces exonérations : les entreprises sous forme d’augmentation de leurs marges (et donc,
in fine
, leurs propriétaires), et les consommateurs sous forme de baisse des prix.
Aussi, présentons-nous trois scénarios alternatifs basés sur des hypothèses différentes en matière de
bénéficiaires des exonérations de cotisations sociales, selon les proportions suivantes :
- Le scénario 2 présente le plus simple des scénarios alternatifs. Le montant des exonérations est
divisé en trois parts égales entre le salarié, le consommateur et l’actionnaire. Sous cette hypothèse,
les revenus mobiliers augmentent de 18 % et les prix à la consommation baissent de 1 %. Enfin, les
salariés payent près de 20 Mds € de cotisations supplémentaires.
50
- Le scénario 3 identifie le consommateur comme le principal bénéficiaire du partage des
exonérations. La moitié des montants lui revient sous forme de baisse de prix.
- Le scénario 4, construit pour faire pendant au scénario 3, avantage l’actionnaire et non le
consommateur dans le partage du bénéfice des exonérations.
Les résultats des simulations nuancent les conclusions du scénario central sans toutefois les remettre
en cause : quel que soit le scénario, les exonérations ont bien un caractère progressif affirmé
(Graphique 11).
Graphique 11. Exonérations de cotisations sociales
: taux de soutien des exonérations suivant
différents scénarii par déciles de niveau de vie de référenceen 2009
0
2
4
6
8
10
12
14
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Scénario central
Scénario 2
Scénario 3
Scénario 4
Lecture :
dans le scénario central, retenu dans le rapport, les exonérations dont bénéficient les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier décile de niveau de vie (D1), représentent 13 % de niveau de vie. Dans le scénario 2, elles représentent 9 % ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de
consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
c)
Des contributions sociales davantage progressives que
les cotisations, car assises sur une assiette plus large
L’introduction de la CSG puis de la CRDS a également modifié le caractère progressif du financement
de la protection sociale. Conçues dans le but d’élargir l’assiette des prélèvements de la sécurité
sociale, les contributions sociales sont assises sur tous les types de revenus. Le barème de la CSG, à
l’origine proportionnel, est devenu progressif avec l’introduction de taux différents suivant les revenus.
51
Pour les salariés, le taux est de 7,6 points en 1998 puis de 7,76 points en 2009
36
. Celui reposant sur
les revenus de remplacement est de 6,6 points sur les retraites et de 6,2 points sur les indemnités
chômage, revenus surreprésentés parmi les ménages modestes. Surtout un taux réduit et un autre nul
ont été renforcent le caractère progressif. Ainsi, depuis 1998, les personnes ayant des faibles
ressources (revenus de remplacement exonérés du payement de l’impôt sur le revenu), bénéficient
d’un taux réduit de 3,8 % et ceux dont les revenus sont plus faibles encore (exonérés partiellement de
taxe d’habitation) sont exonérés de CSG et de CRDS.
Enfin, les contributions sociales sur les revenus du patrimoine, revenus particulièrement concentrés
parmi les ménages les plus aisés, ont un taux bien plus élevé de 12,1 %. Ce dernier, déjà existant en
1990, était seulement de 1 %. L’augmentation très marquée du taux de contributions sociales sur le
patrimoine (+1300 %) illustre bien la volonté de redistribution (Graphique 12). Cela se traduit par une
pression supplémentaire de 3 points du niveau de vie de référence dans le dernier décile.
Graphique 12. Evolution des taux marginaux de prélèvements sociaux sur les revenus du
patrimoine
0
2
4
6
8
10
12
14
16
1990
1998
2009
En % des revenus du patrimoine
Prélèvement social
CSG
CRDS
Contribution additionnelle
Contribution additionnelle RSA
Contribution salariale
Lecture
: le taux de prélèvements sur les revenus du patrimoine était de 1 % en 1990, contre 10 % en 1998 et 14 % en 2009 ;
Note :
La contribution salariale s’applique uniquement aux stock-options ;
Source
: Insee, calcul des auteurs.
Ainsi, le barème des contributions sociales, globalement proportionnel, semble être légèrement
progressif - le taux réduit bénéficiant aux plus modestes étant trois fois inférieur à celui sur le
patrimoine. Mais quelles conclusions peut-on en inférer lorsque l’on applique ce barème aux ménages
réels ?
36
En 1998, le taux de CSG imposable est de 2,4 points, celui de CSG déductible est de 5,1 points et celui de CRDS est 0,5
point, soit 8 points. L’assiette est de 95 % du revenu. En 2009, les taux restent inchangés mais l’assiette augmente à 97 % du
revenu.
52
En appliquant la législation de 1990 à la population de 2009 et en faisant la différence entre les taux
d’effort en 1990 et 2009, on obtient l’évolution de la progressivité du système de financement de la
protection sociale. Les contributions sociales ont bien un caractère légèrement progressif, les
prélèvements rapportés au revenu sont un tiers plus importants pour les ménages aisés que pour les
ménages modestes. En effet, au premier décile, les contributions ne reposent que sur une partie du
revenu total, à savoir sur les revenus du travail
37
, les minima sociaux, par exemple, une des
principales sources de revenus, en sont exclus. À l’inverse, au dernier décile, les contributions
reposent sur toutes les sources de revenus, notamment les revenus du patrimoine, plus fortement
taxés.
Graphique 13. Prélèvements sociaux
: différence entre le taux d’effort de 2009 et celui de 1990,
par déciles de niveau de vie de référence
-15
-10
-5
0
5
10
15
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Contribution des cotisations (hors dispositifs d'exonérations)
Contribution des contributions sociales
Contribution des exonérations de charges sociales
Différence du taux d'effort des prélèvements sociaux
Lecture :
sous la législation de 2009, les prélèvements sociaux (cotisations et contributions sociales) des personnes les plus
modestes, i.e
.
le premier décile de niveau de vie (D1), sont inférieures de 5,0 points de niveau de vie à ceux qu’ils auraient
acquittés sous la législation de 1990. Cette baisse s’explique par les exonérations de cotisations sociales à hauteur de
-12,6 points, la hausse de cotisations sociales à hauteur de +0,5 points et enfin la hausse des contributions sociales à hauteur
de +7,1 points ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le
nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
Au total, les trois composantes du financement du système de protection sociale, les cotisations, les
exonérations et les contributions, ont évolué dans le sens d’une plus grande progressivité
(Graphique
13). À population constante, les ménages les plus modestes ont un taux d’effort de 5 points inférieur
en 2009 à celui de 1990, principalement en raison des exonérations de cotisations sociales. Dans le
même temps, les ménages les plus aisés ont un taux de 11 points supérieur en raison de l’introduction
37
Bien souvent, avec ses faibles ressources, les revenus de remplacement sont exonérés de CSG et de CRDS. À l’inverse, la
CRDS est également prélevée sur certaines prestations sociales. Cependant, les sommes taxées sont très faibles.
53
des contributions sociales. Le principal élément de progressivité apparu lors des vingt dernières
années est constitué par les dispositifs d’exonération de cotisations sociales. De surcroît, les réformes
progressives ont eu lieu dans la première partie des années 90 : dès 1998, la progressivité du
système de protection sociale était très proche de celle actuelle.
Le caractère progressif du système de financement de la sécurité sociale s’est donc accentué entre
1990 et 2009, à population constante (Graphique 14). Conçu initialement sans caractère progressif
38
,
le financement de la protection sociale était globalement proportionnel en 1990 à l’exception du
dernier décile où il était dégressif. Les prélèvements sociaux en direction des plus modestes ont
diminué tandis que ceux en direction des plus aisés ont augmenté de près de 11 points. En 2009, le
système est devenu globalement progressif à l’exception du dernier décile (D10).
En effet, les 10 %
des personnes ayant les plus hauts revenus disposent davantage que les autres de revenus du
patrimoine, qui ne sont par définition pas taxés au titre des cotisations sociales, ce qui réduit
nettement leur taux d’effort, en 1990 comme en 1998 ou en 2009.
Graphique 14. Prélèvements sociaux
: taux d’effort sous les législations de 1990, 1998 et 2009,
par déciles de niveau de vie de référence
30
35
40
45
50
55
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Législation de 1990
Législation de 1998
Législation de 2009
Lecture :
sous la législation de 2009, les prélèvements sociaux des personnes les plus modestes, i.e
.
le premier décile de
niveau de vie (D1), représentent 42 % de leur niveau de vie. Sous la législation de 1990, ils auraient acquitté des prélèvements
sociaux à hauteur de 47 % de leur niveau de vie ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de
référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009,
législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
38
Les cotisations ont longtemps été plafonnées, ce qui en faisait un système dégressif.
54
Encadré 3. Principales modifications intervenues au cours des vingt dernières années en
matière de financement de la protection sociale
Rappelons les modifications intervenues au cours des vingt dernières années.
Les cotisations sociales
La principale modification des cotisations sociales est la hausse des taux pour le financement des
retraites. En 1991, le plafond utilisé pour le calcul des cotisations de retraite complémentaire des
cadres a été doublé, passant de quatre à huit fois le plafond de la sécurité sociale et les cotisations
vieillesse des employeurs ont été déplafonnées (voir Graphique 15). En 1991, les cotisations
patronales familiales ont diminué de 1,6 point en contrepartie de l’introduction de la CSG qui finançait
le risque famille. Par ailleurs, la cotisation vieillesse patronale déplafonnée de 1,6 points est introduite
en 1991. Durant la décennie 2000, les taxes sur salaires et les cotisations chômages ont diminué la
pression fiscale reposant sur les entreprises.
Graphique 15. Évolution des prélèvements sociaux (pour la majorité des salariés, dont le
salaire est situé entre le premier et le troisième plafond de la sécurité sociale)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
1990
1998
2009
En % du salaire brut
cotisations maladie
cotisations famille
cotisation vieillesse
cotisations chômage
cotisations complémentaires retraites
taxes diverses
contributions sociales
Lecture
: les prélèvements sociaux acquittés par les personnes s’élèvent à 42 % de leur niveau de vie de référence sous la
législation 1990. Les cotisations contre le risque maladie représentent 18,5 % du niveau de vie de référence. Les cotisations
logement sont trop faibles pour être prises en compte. Les taxes diverses renvoient aux taxes pour la formation, l’apprentissage
et le transport ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le
nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009),
Insee, calcul des auteurs.
55
En 2006, les cotisations vieillesse plafonnées augmentent légèrement.
Le financement de la protection sociale des indépendants agricoles a fait l’objet d’une réforme
engagée en 1990 et achevée en 1996. Au terme de cette réforme, les revenus professionnels sont
totalement substitués au revenu cadastral dans le calcul des cotisations sociales. Cette régularisation
de l’assiette des indépendants agricoles s’accompagne d’une harmonisation de leurs taux de
prélèvements avec ceux des autres professions indépendantes.
Les contributions sociales
L’instauration de la Contribution sociale généralisée (CSG) par la loi du 28 décembre 1990 marque
une évolution profonde dans le financement de la protection sociale, faisant porter le financement de
certaines dépenses (prestations familiales, prestations maladie hors indemnités journalières, minima
sociaux) sur un ensemble plus large de revenus que les seuls salaires. Elle est fixée initialement au
taux de 1,1 % en 1991. Ce taux passe ensuite à 2,4 % en 1993.
En 1996, la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) est instaurée à compter
du 1er février 1996. Cette nouvelle contribution, affectée à la caisse d’amortissement de la dette
sociale (CADES), est prélevée au taux uniforme de 0,5 %.
En 1997, le taux de la CSG sur les revenus d’activité est porté à 3,4 % (avec une baisse des
cotisations maladie de 1,3 points) puis à 7,5 % en 1998 (compensé par une baisse des cotisations
maladie de 4,75 points). Pour les revenus de remplacement (chômage, préretraites et retraites), le
taux de la CSG passe à 6,2 % (avec des mécanismes d’exonérations, notamment pour les retraités
non imposables). Les augmentations de CSG de 1997 et 1998 se sont accompagnées d’un
élargissement de l’assiette à de nombreux produits de placement, à l’exception des intérêts des livrets
A et assimilés et des plus-values de valeurs mobilières sous seuil de cession.
En 2005, les assiettes de la CSG et de la CRDS sont élargies à 97 % du salaire brut. Certains taux
sont augmenté : ceux sur les revenus du patrimoine, des jeux de hasard, sur les retraites.
Les exonérations sociales
Deux types d’exonérations ont été mis en place progressivement :
1) Les contrats aidés forment le dispositif le plus ancien. On peut en distinguer 4 types : des aides à
l’embauche des personnes en difficultés dans le service public, des aides similaires dans le secteur
privé, des contrats pour faciliter l’insertion des jeunes, et enfin les contrats d’apprentissage. Seul, le
contrat CIVIS n’a pu être implémenté dans
Ines
.
2) les dispositifs d’aide à l’emploi des bas-salaires.
56
Ces dispositifs d’abaissement du coût du travail à destination des bas salaires ont été initiés en 1993
sous l’impulsion du gouvernement Balladur. Ils ont été amplifiés en 1995
via
le dispositif dit Juppé. La
réduction de cotisations sociales, plafonnée, s’applique aux cotisations patronales. Elle est dégressive
pour les salaires entre 1 et 1,3 Smic. Les exonérations sont plafonnées à 12,6 % du revenu brut. À la
suite de la réduction du temps de travail à 35 heures, des exonérations supplémentaires ont été
accordées. Elles ont ensuite été regroupées sous le nom de dispositif Fillon. Ces dispositifs étendent
les exonérations jusqu’à 1,6 Smic. Enfin, en 2008, un dispositif d’exonération de charges sociales
salariales et patronales des rémunérations associées aux heures supplémentaires est mis en place,
dans le but d’augmenter le salaire perçu par l’employé sur les heures supplémentaires.
57
2. Les impôts directs : l’impôt sur le revenu est moins
progressif tandis que la taxe d’habitation perd son caractère
antiredistributif
a)
L’impôt sur le revenu est moins progressif
Au cours de ces vingt dernières années, l’impôt sur le revenu a évolué sur de nombreux points. La
progressivité de l’impôt a pu changer du fait de ces modifications.
Les taux du barème général ont sensiblement baissé avec un effet contrasté sur la
redistribution
Le barème général désigne le système de l’imposition par tranche de revenu avec un taux spécifique
à chaque tranche. Il faut le distinguer du barème global qui tient compte des aménagements (voir plus
bas). Le barème général est l’élément principal en termes de redistributivité car il marque une volonté
de prélever une part plus importante de leur revenu aux ménages ayant les ressources les plus
élevées.
Le système d’imposition par tranche, reflet de cette logique, a vu évoluer son nombre de tranches et
ses taux d’imposition : il y avait 13 tranches jusqu’en 1993, puis 7 jusqu’en 2006 et désormais il y en a
5. Le Graphique 16 montre l’évolution du barème par tranche. Un cas type présenté plus loin
permettra de mieux conclure sur les conséquences du barème global. La dernière tranche était
imposée au taux de 56,8 % en 1990, à 54 % en 1998 et seulement à 50 % en 2010
39
. Le barème est
donc moins progressif pour les hauts revenus.
À l’inverse, l’évolution du taux de la première tranche d’impôt va dans le sens d’une plus grande
progressivité. En effet, le premier taux d’imposition correspond à 6,9 % en 2009 alors qu’il était de
10,5 % en 1998. En 1990, il existait une tranche imposée à 5,0 % mais cette tranche était très fine
(moins de 1000 F de revenus) et très rapidement le taux passait à 9,6 %. Toutefois, cette évolution
bénéficie aussi à tous les revenus au-delà de la première tranche et peut donc avoir un effet ambigu.
La suppression de l’abattement de 20 % favorise les revenus des déciles supérieurs, qui n’en
bénéficiaient que partiellement
Jusqu’à l’imposition des revenus 2005, certains revenus bénéficiaient d’un abattement de 20%. Cet
abattement était réduit à 10% pour les revenus les plus élevés, il y avait ainsi une légère portée
redistributive qui a donc disparu. Lors de sa suppression, les seuils du barème général de l’impôt ont
été relevés afin que cette suppression soit transparente. De même les taux ont été abaissés.
Cependant, les revenus qui ne bénéficiaient pas de cet abattement (revenus du capital, indépendants
non soumis au forfait,
etc
.), profitent de la hausse des seuils et de la baisse des taux, sans
contrepartie. Ces revenus font donc face à des taux réels plus faibles en comparaison des législations
39
Sauf mention du contraire, les taux et les montants de la législation 2009 présentés dans ce rapport sont calculés pour être
comparables à ceux des législations 1990 et 1998. Dans ces dernières, l’essentiel des revenus est soumis à un abattement de
20 % contrairement à 2009, il est donc nécessaire de prendre en compte le fait que l’assiette d’imposition n’est pas la même.
58
de 1990 et 1998 (Graphique 16). Par conséquent, les bénéficiaires de ces revenus sont moins
imposés dans la législation 2009 par rapport aux législations 1990 et 1998. Il s’agit principalement des
ménages aisés
40
.
Graphique 16 : Barème de l’impôt sur le revenu
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
0
10
20
30
40
50
60
70
80
revenu soumis au barème général en milliers d'euros
barème 90
barème 98
barème 09 apparent
barème09 réel
Lecture :
Un revenu imposable annuel de 70 000 euros après abattements est taxé à 50 % dans la législation 2009, 54 % dans
la législation 1998 et 56,8 en 1990, si ce revenu qui ne bénéficiait pas de l’abattement de 20 %, le taux d’imposition n’est que
de 40 % ;
Source :
calculs des auteurs.
D’autres paramètres modifient le barème dans le sens d’une plus grande progressivité
Si le barème général est l’élément central de la progressivité de l’impôt, d’autres mécanismes influent
aussi sur celle-ci. Le meilleur exemple est celui de la décote. Ce mécanisme correspond à une
réduction d’impôt pour les ménages qui acquittent un faible montant théorique : elle augmente en
conséquence la progressivité de l’IR.
La décote a évolué au fil des législations ; en particulier ses modalités de calcul ont changé en 2001.
L’Encadré 4 présente l’influence de ce mécanisme sur l’évolution de la progressivité de l’IR.
40
Un ménage dont tous les revenus bénéficient de l’abattement a, dans la législation 2009 un revenu de référence valant 1,25
fois le revenu de référence de la législation 1990 ou 1998 : dans ce cas, les hausses de 25 % du barème et les baisses de
20 % des taux marginaux sont transparentes et ne lui bénéficient pas. C’est le cas de la plupart des ménages des premiers
déciles et des déciles intermédiaires. Il en va autrement pour les deux déciles supérieurs : en moyenne, le rapport entre les
revenus fiscaux de référence avec les deux législations est de 1,23 dans le 9° décile et de 1,20 dans le dixième. Cela indique
que les bénéficiaires de la suppression de l’abattement de 20 % sont essentiellement des ménages des derniers déciles, ce qui
réduit la progressivité de l’impôt de la législation 2009 par rapport aux précédentes.
59
Encadré 4. Mécanisme de décote et progressivité de l’impôt sur le revenu
Comme l’influence de la décote ne peut se comprendre qu’après le calcul de l’impôt sur barème, un
cas-type permet de mieux saisir l’influence de ses modifications dans le temps. Le graphique ci-
dessous montre le taux d’effort pour les différentes législations en fonction du revenu pour un
célibataire vivant seul (Graphique 17).
Pour les revenus les plus faibles, la décote intervient. Il apparaît à travers ce cas-type que le barème
de l’impôt de 2009 taxe des revenus plus faibles que les législations de 1990 et de 1998 et s’avère
donc être moins progressif pour les premiers revenus imposables, contrairement à ce que faisait
penser la lecture des tranches et des taux. Pour les revenus plus élevés, la décote n’intervient plus et
la situation s’inverse
- comme le laissait penser le barème -
c’est l’IR de la législation 2009 qui taxe le
moins. De plus, il faut noter que la minoration n’est pas suffisante pour gommer le fait que le taux de
la dernière tranche est plus élevé dans la législation 1990 que dans les autres
41
.
Graphique 17 : Montant d’impôt acquitté par un célibataire en fonction de son revenu
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
8
13
18
23
28
33
revenu annuel imposable en milliers d'euros
Impôt 1990 avant décote et minoration
Impôt 1990
Impôt 1998 avant décote
Impôt 1998
Impôt 2009 avant décote
Impôt 2009
Influence de la décôte dans
la législation 2009
Influence de la décôte dans
la législation 1998
Influence de la décôte et
de la minoration en 1990
Montant d'impôt
(en millier d'euros)
Source :
modèle Ines, Insee, calcul des auteurs ;
Note :
ce cas-type tient compte de la minoration systématique de l’impôt qui
existait dans la législation 1990.
Le Graphique 18 représente le taux d’effort associé à l’impôt sur le revenu, en amont des mécanismes
d’avantages fiscaux, plus communément qualifiés de dépenses fiscales ou de « niches fiscales » (qui
sont analysés en détails par la suite). L’impôt est moins progressif dans la législation 2009 que dans la
législation 1998, elle-même moins progressive que la législation 1990. En effet, même si certains
41
Avec la minoration de 3 % du montant d’impôt, le taux apparent de la dernière tranche est de 55,1 %, supérieur à 54 % le
taux pour la législation 1998.
60
ménages font face à un barème moins avantageux dans sa version 2009 que dans les autres, ils sont
peu nombreux si bien que dans tous les déciles on paye en moyenne plus d’impôts sur le revenu dans
la législation 1990 et moins dans la version 2009.
Dans la législation 1990, une minoration renforçait aussi le caractère progressif de l’IR. Calculée à
partir du montant d’impôt à acquitter après application du barème et de la décote, il s’agissait d’une
réduction de ce montant allant de 11 % pour les montants d’impôts et donc les revenus les plus faibles
à 3 % pour les montants d’impôts plus élevés.
Graphique 18 : Impôt sur le revenu (hors avantages fiscaux)
: taux d’effort sous les législations
de 1990, 1998 et 2009, par déciles de niveau de vie de référence
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Impôt résultant du barème 1990
Impôt résultant du barème 1998
Impôt résultant du barème 2009
Lecture :
sous la législation de 2009, l’impôt sur le revenu (hors réductions d’impôt) acquitté par les personnes du 7
ème
décile
(D7) représente 3,8 % de leur niveau de vie, contre 4,3 % sous la législation 1998 et 4,7 % sous la législation 1990 ;
Note
: les
avantages fiscaux, exclus des calculs, correspondent aux dispositifs d’abattements, de réduction et de crédit d’impôt. Le niveau
de vie correspond au rapport du revenu de référence du ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
La progressivité de l’impôt demeure cependant forte puisque les trois déciles les plus modestes
payent en moyenne chaque année moins de 22 euros d’impôt sur le revenu, tandis que les trois
derniers acquittent en moyenne annuellement plus de 4 180 euros. Le dernier décile de niveau de vie
acquitte plus de 60 % du montant total de l’IR.
Les dispositifs d’abattements, de réduction et de crédits d’impôt ont des effets hétérogènes
42
42
Le mécanisme du quotient familial sera traité plus loin.
61
Permettre aux ménages de payer moins d’impôt est un moyen pour l’État de compenser certaines
charges ou bien de les inciter à réaliser certains choix d’investissement et de consommation jugés
socialement utiles. Ainsi les revenus de certains placements sont exonérés totalement ou
partiellement d’impôt. En dehors de la possibilité d’exclure certains types de revenus du montant
imposable, trois manières de réduire l’impôt peuvent être utilisées : l’abattement sur le revenu
imposable, la réduction d’impôt et le crédit d’impôt.
La législation relative aux abattements a très peu évolué depuis 20 ans. Ce n’est pas le cas des lois
encadrant les réductions d’impôt, dont le nombre a nettement augmenté. Quant aux crédits d’impôt, ils
n’apparaissent pas dans les législations 1990 et 1998 mais sont nombreux en 2009
43
.
Concernant les réductions d’impôt, le mécanisme théorique anti-redistributif décrit dans l’Encadré 5 se
traduit concrètement par une diminution de la progressivité de l’IR. En effet, le montant de réduction
d’impôt auquel peuvent prétendre les ménages est inégalement réparti entre les déciles. Les déciles
supérieurs de niveau de vie répondent davantage aux incitations fiscales ce qui introduit une première
composante dégressive. À cela s’ajoute le fait que ces ménages s’acquittent d’un montant d’IR élevé,
et ne saturent ainsi pas la contrainte liée au montant de l’impôt. En revanche, les ménages des quatre
premiers déciles de niveau de vie bénéficient en moyenne de moins d’un quart du montant de
réduction d’impôt auquel ils ouvrent droit (Graphique 19).
Encadré 5. Les avantages fiscaux et la redistribution théorique
On distingue trois types d’avantages fiscaux différents :
1. Les abattements sur le revenu imposable
Cette solution est en général retenue pour la compensation des charges ce qui correspond à une
logique de compensation plutôt qu’à une incitation. En effet, le but n’est pas directement de réduire le
montant d’impôt mais de considérer que certaines dépenses doivent être exclues des revenus comme
par exemple les pensions alimentaires versées aux enfants majeurs ou les frais d’accueil d’une
personne de plus de soixante-quinze ans dans le besoin. Il s’en suit qu’un abattement tend à réduire
la progressivité de l’impôt. En effet, l’avantage est d’autant plus grand que l’on est imposé dans une
tranche supérieure de l’impôt car l’on soustrait alors un revenu qui aurait été imposé à un taux élevé.
2. La réduction d’impôt
Il s’agit de déduire directement une somme du montant de l’impôt calculé à partir du barème. On peut
ainsi déduire des frais de garde d’enfant de moins de 7 ans ou bien une partie des dons aux oeuvres.
A priori ce dispositif est progressif car il offre le même abattement pour tous les ménages quelle que
soit leur tranche d’imposition et donc quels que soient leurs revenus. Cependant, comme il est limité
au montant d’impôt
ex ante
calculé sur le barème, il ne bénéficie qu’à hauteur de ce montant. En
43
Le nombre de pages consacrées aux réductions et crédit d’impôt de la brochure pratique de l’IR publiée par la Direction
Générale des Finances Publiques, dont le format est resté sensiblement identique au cours de la période, est passé de 32 en
1998 à 92 en 2009.
62
conséquence, l’ensemble des ménages non imposables ne peuvent pas bénéficier du dispositif. Cela
exclut donc des ménages à faibles revenus et fait donc de la réduction d’impôt un mécanisme
potentiellement antiredistributif.
3. Le crédit d’impôt
La logique du crédit d’impôt est la même que celle de la réduction d’impôt, à ceci prêt que l’avantage
n’est cette fois plus limité au montant d’impôt théorique (calculé à partir du barème général). Cela
conduit certains ménages à recevoir de l’argent de l’administration fiscale l’imposition sur le revenu.
Le crédit d’impôt n’étant plus limité par le montant de l’impôt, il tend à être davantage progressif que la
réduction d’impôt.
L’ensemble des avantages fiscaux est en général plafonné par un montant maximal de réduction ou
bien, plus rarement, par un seuil dépendant du revenu ou de l’impôt résultant de l’application du
barème. Dans le premier cas, cela peut limiter la dégressivité des abattements et des réductions
d’impôt. Dans les faits, les plafonds sont rarement atteints.
63
Graphique 19 : Réduction d’impôt
: taux de soutien potentiel et effectif par décile de niveau de
vie en 2009
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
1,2%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Réduction effective
Réduction potentielle
effet de la majoration par
l'impôt calculé
ex ante
sur
barème
Lecture :
En 2009, les personnes du cinquième décile bénéficient en moyenne d’une hausse de leur niveau de vie de 0,19 %
grâce aux réductions d’impôt, le taux de soutien serait de 0,36 % s’ils payaient plus d’impôt ou s’il s’agissait de crédits d’impôt
et non de réductions;
Source :
modèle Ines, Insee, calcul des auteurs.
Bien que les ménages non imposables puissent théoriquement bénéficier des crédits d’impôt, ces
derniers diminuent la redistribution opérée par l’impôt sur le revenu. Les calculs du modèle Ines
montrent effectivement que dans la population, les déciles supérieurs bénéficient davantage des
crédits d’impôt que les autres, relativement à leur niveau de vie(Graphique 20).
Le mécanisme du quotient familial
L’impôt sur le revenu opère une redistribution horizontale par le mécanisme du quotient familial.
Comme les familles bénéficiant de ce mécanisme ne sont pas réparties aléatoirement dans la
distribution des revenus, le quotient familial engendre également une redistribution verticale. Le
mécanisme de quotient familial est sensible à la manière dont le nombre de parts fiscales est défini,
définition qui a été modifiée à trois reprises entre 1990 et 2009 (voir Encadré 6). Le plafonnement de
l’effet du quotient familial a aussi son importance.
Ces éléments ont été pris en compte dans le Graphique 18 ci-dessus, des calculs non présentés ici
montrent que même s’ils ont un impact sur la redistributivité de l’impôt sur le revenu, ils sont moins
déterminants que les modifications liées au barème.
64
Graphique 20 : Avantages fiscaux
: taux de soutien sous les législations de 1990, 1998 et 2009,
par déciles de niveau de vie de référence
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
1,2%
1,4%
1,6%
1,8%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Avantage 1990
Avantage 1998
Avantage 2009
Lecture :
les personnes les plus aisées bénéficient le plus des avantages fiscaux, cet effet se renforçant au fil des législations.
Les avantages fiscaux dont bénéficient les personnes du 9
ème
décile de niveau de vie (D9) représentent 0,89% de leur niveau
de vie dans la législation 2009, contre 0,45% sous la législation 1990 et 0,75% sous la législation 1998 ;
Note
: les avantages
fiscaux correspondent aux dispositifs d’abattements, de réduction et de crédit d’impôt. Le niveau de vie correspond au rapport
du revenu de référence du ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines
(population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Encadré 6. Les changements dans le calcul du nombre de parts fiscales
On peut noter trois changements importants dans la législation concernant le nombre de parts
fiscales.
Avant 1995, toute personne ne faisant pas partie d’un couple fiscal bénéficiait d’une demi-part
supplémentaire lorsqu’elle déclarait un enfant à charge. À partir de 1995 cet avantage est limité aux
personnes vivant seules (apparition de la case T). Cette mesure a fait perdre un élément
d’optimisation fiscale aux couples non mariés. En effet, dans certains cas, un tel couple non marié
avec deux enfants gagnait à déclarer un enfant sur chaque déclaration. Perdant le bénéfice d’une
demi-part supplémentaire au total, il peut alors devenir plus avantageux de déclarer les deux enfants
du couple sur la déclaration du conjoint payant le plus d’impôt.
Deuxième modification importante : la prise en compte de la garde alternée à partir de l’imposition des
revenus 2003. Au contraire du point précédent, cela crée un nouvel élément éventuel d’optimisation
fiscale.
65
Enfin la création du Pacte Civil de Solidarité (PACS) en 1999 a une influence fiscale puisque les
pacsés sont maintenant imposés au même titre que les couples mariés.
D’autres modifications sont intervenues mais sans avoir autant d’influence sur la façon de déclarer sa
situation familiale.
Concernant nos calculs, nous avons à notre disposition des données concordant avec la législation
2009 et nous raisonnons sur une population constante dont on suppose qu’elle ne modifie pas son
comportement même si on vient de voir que des procédés d’optimisation fiscale auraient pu l’inciter à
déclarer différemment en 1990 par exemple. Cette règle générale ne peut être appliquée
scrupuleusement concernant le PACS. En effet, dans les législations 1990 et 1998, les pacs ne sont
pas envisagés. Nous avons pris le parti de considérer que les pacsés sont imposés au même titre que
les couples mariés dans ces législations comme ils les sont en 2009. On fait donc comme si le PACS
existait toujours dans notre population constante, ce choix s’expliquant aussi par l’impossibilité de faire
d’autres hypothèses à la fois parce qu’on ne connaît pas le comportement qu’aurait eu les pacsés en
absence de pacs et à la fois pour des raisons techniques.
Au total, l’impôt sur le revenu est nettement moins redistributif en 2009 qu’en 1998 ou en 1990
Pour tous les déciles, et en tenant compte des réductions d’impôt, le montant moyen d’IR acquitté par
les ménages est nettement supérieur dans la législation de 1990 à ce qu’il est dans la législation
2009. Le bilan en termes de progressivité peut s’établir à partir du Graphique 21 qui présente la
différence de taux d’effort entre les deux législations. Il montre que les déciles ayant les plus hauts
revenus ont davantage bénéficié de l’évolution de la législation que les déciles plus modestes
.
66
Graphique 21 : Impôt sur le revenu
: différence entre le taux d’effort de 2009 et ceux de 1990 et
1998, par déciles de niveau de vie de
référence
-6%
-5%
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Évolution 1990/2009
Évolution 1998/2009
Lecture :
sous la législation de 2009, l’impôt sur le revenu des personnes du 9
ème
décile de niveau de vie (D9), est inférieur de
2,3 points de niveau de vie à celui qu’ils auraient acquitté sous la législation de 1990 ;
Note
: le niveau de vie d’une personne
correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
b)
La taxe d’habitation a acquis une dimension
progressive
La taxe d’habitation (TH) que les ménages doivent acquitter résulte d’un calcul relativement complexe
à partir de la valeur locative brute déterminée en fonction des caractéristiques du logement (
cf.
Encadré 7). On étudie dans ce rapport
uniquement les exonérations et les dégrèvements
accordés par l’État
en considérant la taxe d’habitation brute comme donnée.
Ces dispositifs ont été modifiés dans le temps dans le sens d’une plus grande progressivité.
Un premier élément a été l’exonération totale de taxe d’habitation pour les personnes bénéficiant du
RMI à partir de 1990. Pour le reste, les exonérations et dégrèvements sont de même nature en 1990
et en 1998 : exonération totale pour les ménages de plus de 60 ans ainsi que pour les veufs ou
veuves et pour les personnes handicapées sous certaines conditions de revenus, montant forfaitaire à
acquitter ou déduction d’une partie de la TH brute sous certaines conditions de revenus.
Le changement le plus important allant dans le sens d’une progressivité accrue de la taxe d’habitation
intervient au début des années 2000. À partir de cette date, la taxe d’habitation ne peut dépasser un
montant proportionnel au revenu du ménage diminué de certains abattements. Tous les ménages
67
avec un revenu inférieur au montant de ces abattements se sont donc retrouvés exonérés. Les
graphiques suivants montrent bien l’impact dans le temps de ces réformes.
Encadré 7. Calcul de la taxe d’habitation
Le calcul de la taxe d’habitation peut-être illustré par le schéma suivant
44
:
Taux TH votés par les Collectivités
Abattements des
Exonérations et Dégrèvements
Collectivités
accordés par l’Etat
Valeur
Locative
Brute
Valeur
Locative
Nette
TH
Brute
TH
Nette
Si la valeur locative brute n’évolue que par des taux d’actualisation nationaux, la détermination de la
valeur locative nette et de la TH brute nécessite des données locales que nous n’avons pas à notre
disposition. C’est pourquoi nous considérons que notre population constante acquitte une taxe
d’habitation brute constante. Les simulations portent donc sur les exonérations et les dégrèvements
accordés par l’État. On part donc du principe, dans notre population constante, que les ménages font
face à la même TH brute.
Le schéma précédent illustre aussi que le montant de la taxe d’habitation se détermine en premier lieu
par le logement et sa valeur locative : le revenu de celui qui l’occupe n’apparaît pas initialement dans
le calcul du montant de taxe d’habitation. Ce sont donc les dispositifs d’exonération et de
dégrèvement qui donnent à la taxe d’habitation une dimension progressive.
44
Tiré de « La réforme 2000 de la taxe d’habitation : une pression fiscale atténuée et désormais progressive », Marco Fugazza,
Sylvie Le Minez, version 1, 24 mai 2002
68
Graphique 22 : Taxe d’habitation
: montant acquitté sous les législations de 1990, 1998 et 2009,
par déciles de niveau de vie de référence
0
100
200
300
400
500
600
700
800
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
TH 1990
TH 1998
TH 2009
En euros par unité de consommation
Lecture :
les ménages modestes bénéficient des exonérations de taxe d’habitation. Sous la législation de 2009, les ménages
les plus modestes,
i.e.
le premier décile de niveau de vie (D1), acquittent un montant négligeable de taxe d’habitation, alors
qu’ils auraient acquitté plus de 100 € sous la législation de 1990
;
Note :
le niveau de vie d’une personne correspond au rapport
du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent
;
Source :
modèle Ines
(population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Si les montants de taxe d’habitation sont plus élevés dans le centre de la distribution pour les
législations 1990 et 1998 c’est surtout sur les premiers déciles que l’aspect progressif de la taxe
d’habitation s’est accentué. Cela s’explique par les réformes mentionnées plus haut. Le premier décile
de niveau de vie ne paye pratiquement pas de taxe d’habitation dans la législation 2009. Il paye en
moyenne 118 euros dans la législation 1990 et l’exonération des bénéficiaires du RMI réduit ce
montant à 106 euros dans la législation 1998. Le deuxième décile s’acquitte de 68 euros en 2009
contre 125 dans les législations antérieures. La réforme de 2000 entraîne donc une progressivité de la
taxe d’habitation dans les premiers déciles, là où elle était auparavant dégressive. En revanche, celle-
ci reste faible dans les déciles les plus aisés car la taxe d’habitation brute croît moins vite que le
revenu, notamment dans le dernier décile.
69
Graphique 23 : Taxe d’habitation
: taux d’effort sous les législations de 1990, 1998 et 2009, par
déciles de niveau de vie de référence
0,0%
0,5%
1,0%
1,5%
2,0%
2,5%
3,0%
3,5%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
TH 1990
TH 1998
TH 2009
Lecture
: l’évolution des législations a rendu la taxe d’habitation davantage redistributive. Sous la
législation de 2009, les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier décile de niveau de vie (D1),
acquittent un montant négligeable de taxe d’habitation, alors qu’elles auraient acquitté un montant
correspondant à plus de 2,9 % de leur niveau de vie sous la législation de 1990 ;
Note
: le niveau de
vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre
d’unités de consommation qui le composent ;
Source
: modèle Ines (population 2009, législations
1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
3. La dégressivité de la taxation indirecte reste inchangée
La taxation indirecte acquittée par les ménages a peu évolué depuis 20 ans. Entre 1990 et 2009, son
poids a très légèrement diminué. À population et consommation constante, le taux d’effort a diminué
de 0,5 % du revenu de référence. Sa structure reste globalement inchangée : la TVA (Taxe sur la
Valeur Ajoutée) représente la majeure partie des recettes (autour de 70 %), viennent ensuite la TIPP
(Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) dont le poids dans les recettes ont diminué (14 % à 12 %)
puis les droits d’accises pour lesquels il a augmenté (de 9 % à 11 %), et enfin la taxation sur
l’assurance, la loterie, les bijoux qui représentent une part stable autour de 7 %.
Malgré la hausse d’un point de TVA de 18,6 à 19,6 points, entre 1990 et 2009, les recettes de TVA
ont diminué. Deux facteurs expliquent cette baisse : la suppression du taux majoré appliqué en 1990
ainsi que le passage à une taxation réduite pour de nombreux produits (principalement les travaux
dans le bâtiment et la restauration). Ces modifications ont eu un impact en moyenne neutre sur le
niveau de vie des ménages (sauf le gain de 3 % de niveau de vie de référence sur le 1
er
décile ; voir
Graphique 24).
70
Parallèlement, le poids des recettes de la TIPP a également diminué légèrement. Cette baisse
s’explique par une moindre revalorisation des taxes perçues que la hausse du revenu moyen
45
. Les
poids de taxes sur l’essence acquittés actuellement sont inférieurs de 18 % à ceux payés en 1990
(voir Tableau 4). Cette baisse a rendu la TIPP légèrement moins dégressive puisque le poste
carburant représente une plus large part du budget chez les familles modestes que des familles
aisées. Toutefois, ce gain de progressivité n’est que très marginal.
À l’inverse, les droits d’accises ont globalement augmenté en raison des fortes hausses sur le prix du
tabac effectuées par les gouvernements successifs. En effet, les droits acquittés, fixés sur le prix des
cigarettes les plus fumées (Marlboro rouge) sont passés de 5,5 Fr (0,84 €) en 1990 à 3,5 € en 2009.
Correspondant à un objectif de santé publique, cette hausse représente 2 Mds € de recettes
supplémentaires. Elle a plus fortement touché les ménages modestes, notamment dans le 1
er
décile,
plus gros consommateurs de cigarettes (-2 points de niveau de vie, voir Graphique 24). À l’inverse, les
droits sur l’alcool ont diminué, et ce malgré l’introduction d’une taxe supplémentaire, la taxe
premix
.
Cette baisse s’explique par une hausse des droits deux fois plus faible que l’augmentation moyenne
des revenus.
Au total, les évolutions de la législation en matière d’impôts indirects ont eu peu d’effet sur le caractère
progressif du système socio-fiscal dans son ensemble
.
45
Il s’agit du même mécanisme de différence de revalorisation que dans le cas des prestations. Voir partie II.B.3.
71
Graphique 24. Impôts indirects
: différence entre le taux d’effort de 2009 et celui de 1990, par
déciles de niveau de vie de référence
-3
-2
-1
0
1
2
3
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Taxe sur la Valeur Ajouté (TVA)
Taxe Intérieure sur les Produits Pétrroliers (TIPP)
Droits d'accise (tabac et alcool)
Évolution des impôts indirects
Lecture :
sous la législation de 2009, les impôts indirects des personnes les plus modestes, i.e
.
le premier décile de niveau de
vie (D1), sont inférieurs de 1 point de niveau de vie à ceux qu’ils auraient acquittés sous la législation de 1990. Cette légère
baisse s’explique par la baisse relative de la TIPP à hauteur de -1 % et par la baisse de TVA à hauteur de -2 % du niveau de
vie, et, à l’inverse, par la hausse des droits d’accise concernant le tabac et l’alcool à hauteur de +2 % du niveau de vie ;
Note
:
le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de
consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
En adoptant une perspective différente, il est possible d’observer la fiscalité indirecte non pas en
fonction du niveau de vie de référence mais plutôt en fonction du niveau de consommation. Cette
opération permet de neutraliser l’effet « taux d’épargne
46
», qui est responsable de la dimension
dégressive de la TVA. La fiscalité indirecte est également légèrement dégressive par rapport à la
consommation car elle reflète la structure de consommation qui n’est pas uniformément taxée
(Graphique 25). Par exemple, la consommation de tabac, d’alcool et de carburant, fortement taxée, a
un poids plus lourd dans le panier de la ménagère modeste que dans ceux des ménages aisés. À
l’inverse, la consommation de biens culturels, à la taxation réduite, par exemple 2,1 % pour la presse,
est plus importante (relativement à la consommation) chez les ménages aisés que dans le premier
décile.
46
Les ménages les plus modestes ont un taux d’épargne bien plus faible que les ménages aisés. Leur consommation occupe
une part plus importante au sein de leur budget que dans les ménages aisés. De plus, les montants de TVA sont proportionnels
aux montants de consommation. Ainsi, parmi les ménages les plus modestes, la part du budget consacré à la TVA est plus forte
que chez les ménages aisés. Cette dégressivité de la fiscalité indirecte à un instant n’est pour autant pas aussi nette dans le
cycle de vie (voir partie II.B.2).
72
Graphique 25. Rapport entre les impôts indirects et la consommation, par déciles de niveau de
vie de référence
9,0%
9,5%
10,0%
10,5%
11,0%
11,5%
12,0%
12,5%
13,0%
13,5%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % de la consommation (par uc) du ménage
En 1990
En 1998
En 2009
Lecture :
les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier décile de niveau de vie (D1), acquittent des impôts indirects à
hauteur de 12,1 % du montant de leur consommation ;
Source :
Insee, calcul des auteurs à partir de l’Enquête Budget des
Familles 2006.
73
Encadré 8. Principales modifications intervenues au cours des vingt dernières années en
matière de fiscalité indirecte
Les modifications des taxes indirectes sont peu nombreuses. En 1990, le taux normal de TVA était de
18,6 %. Il existait alors un taux majoré à 25 % pour les biens de luxe. Ce dernier est diminué à 22 %
en 1991 puis supprimé en 1993. En 1995, le taux normal de TVA augmente de 2 points avant d’être
diminué d’un point en 2000. En 1999, le secteur de la construction bénéficie d’une taxation à taux
réduit ainsi que la fourniture de gaz et d'électricité. En 2009, la restauration bénéficie du même
privilège.
Si les droits à la consommation et la TIPP n’ont pas changé (mis à part le système de TIPP flottante),
les taxes ont augmenté moins fortement que l’évolution du revenu moyen, à l’exception notable du
tabac (voir Tableau 4). La TIPP s’applique non seulement aux carburants (essence, diesel, GPL) mais
également au fuel de chauffage
47
. La plus forte hausse des droits perçus sur le diesel par rapport à
l’essence s’explique par la volonté politique d’aligner progressivement les tarifs du diesel sur ceux de
l’essence. Les plus faibles revalorisations concernent l’alcool dont le prix n’a crû que de 4 % et en
corrigeant de l’évolution du revenu moyen, a été divisé par deux.
Tableau 4 : Montants des droits acquittés (non revalorisés) par type de produits.
1990
1998
2009
droit d'accise
unité en €
vins
100L
6,07
4,71
3,45
-43
-27
bières
100L
2,10
1,63
1,22
-42
-25
marlboros rouges
1 paquet
1,51
2,46
3,58
137
46
TIPP
Essence
100 L
75,86
82,25
61,86
-18
-25
Diesel
100 L
44,18
51,55
43,99
0
-15
Rapport
1990/2009
Rapport
1998/2009
Source :
Insee, calculs des auteurs
. Lecture :
Un paquet de 20 cigarettes marlboro rouge aurait couté 1,51 € en 1990,
lorsqu’on revalorise le prix de 1990 suivant l’évolution des revenus moyen. L’augmentation du prix entre 1990 et 2009
représente 137 %.
47
Le butane était également taxé dans la décennie 1990.
74
4. Les prestations sociales sont devenues moins efficaces
dans la réduction des inégalités
Comme cela a été dit plus haut, l’analyse de la progressivité des prélèvements obligatoires ne peut se
passer de celle des prestations sociales. D’une part une prestation peut-être considérée comme un
prélèvement négatif, d’autre part et surtout, les prestations sociales sont un vecteur important de
redistribution et il faut donc en tenir compte si on veut quantifier l’évolution de la progressivité globale
du système socio-fiscal pesant sur les ménages.
Dans l’ensemble, les prestations sociales sont redistributives (Graphique 26). Concentrées sur les
ménages les plus modestes (plus de 60 % de leur montant est versé à des ménages situés dans les
deux premiers déciles de niveau de vie), elles assurent plus de 70 % de la redistribution globale en
2009
48
. L’allure générale de la redistributivité de ces prestations n’a que peu changé entre les
législations 1990, 1998 et 2009, aussi, comme dans la partie précédente, nous nous concentrerons
sur la différence des taux de soutien au cours du temps.
Graphique 26 : Prestations sociales
: taux de soutien sous la législation de 2009, par déciles de
niveau de vie de référence
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
140%
160%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Ensemble des prestations
Allocations logement
Minima
Prestations familiales
Aides à l'activité
Lecture :
Dans toutes les législations, la progressivité des prestations est très forte ;
Source :
modèle Ines (population 2009,
législation 2009), Insee, calcul des auteurs.
Dans la suite de cette partie, nous étudierons ces évolutions en distinguant quatre groupes de
prestations sociales. On étudiera d’abord les minima sociaux puis les différentes prestations
familiales, dont les paramètres ont peu changé durant la période. Ensuite nous regarderons la
redistribution liée aux allocations logement et enfin celle liée aux aides à l’activité (PPE et composante
48
Cf. Tableau 8 page 88.
75
« activité » du RSA), qui ont fait l’objet de réformes profondes sur la période. Toutes ces prestations
sont essentiellement ciblées sur les ménages modestes.
La revalorisation des prestations est relativement peu dynamique
Les prestations sont moins importantes que par le passé lorsqu’on les compare au revenu superbrut
moyen. En effet, elles sont le plus souvent indexées sur l’indice des prix et cet indice croît moins vite
que le revenu superbrut (Graphique 27). Une prestation indexée sur l’indice des prix aura donc moins
de poids en 2009 qu’en 1990 dans la redistribution : un montant de 100 euros de 1990 correspond à
181 euros en le revalorisant en fonction de l’évolution du revenu moyen (barème 1990 revalorisé pour
être appliqué à la population de 2009), alors qu’il ne serait que de 135 euros s’il avait été indexé sur
l’indice des prix.
Graphique 27 : Évolution des montants des prestations sociales, en comparaison de
l’évolution des prix et des revenus
100
110
120
130
140
150
160
170
180
190
200
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Revenu moyen
Smic
Indice des Prix
BMAF
RMI
indice, base 100 en 1990
Lecture :
en base 100 en 1990, le revenu superbrut a augmenté 81 % en 2009, la base mensuelle des allocations
familiale de 38 % et le montant du RMI de 45 % ;
Note :
BMAF : base mensuelle des allocations familiales, Indice de prix
hors tabac ;
Source :
CNAF, Prestations Familiales 2008, Statistiques Nationales ; comptes nationaux, base 2000 ;
calculs des auteurs.
On veillera à étudier l’évolution des barèmes au cours du temps et leur impact direct sur la
progressivité de ces transferts. Mais il faut garder à l’esprit que toute modification des conditions
d’éligibilité ou des montants
49
versés modifie l’impact redistributif d’une prestation ; c’est pourquoi le
barème seul n’est pas suffisant pour comprendre les changements de législations. Ces éléments
pouvant être contradictoires, le nombre d’éligibles pouvant augmenter alors que les montants versés
49
Les montants sont dissociés du barème pour souligner que celui-ci ne concerne que la progressivité intrinsèque de la
prestation par opposition à la progressivité empirique qui dépend de la répartition des revenus et des caractéristiques des
ménages dans la population.
76
diminuent dans le même temps par exemple, seule la micro-simulation offre la possibilité de donner
un diagnostic à partir de données réelles.
a)
Les minima sociaux
Les minima sociaux regroupent différentes aides : le revenu minimum d’insertion (RMI), l’allocation
parent isolé (API), les aides correspondant au « minimum vieillesse », et l’allocation pour adultes
handicapés (AAH). Le RMI et l’API n’existent plus dans la législation 2009 puisque nous retenons la
nouvelle législation de métropole dans laquelle le RSA a remplacé ces prestations
50
. Bien qu’étant
conscients du caractère unitaire du RSA, nous prenons le parti de distinguer RSA socle, que nous
classons parmi les minima sociaux, et RSA activité, que nous classons parmi les aides à l’activité
dans le prolongement de la PPE
51
. L’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) est également
comptée parmi les minima sociaux. Elle concerne un effectif très réduit. Les évolutions de son barème
se sont produites au même rythme que pour celui du RMI.
Les modifications de la législation concernant les minima sont allés dans le sens d’une plus
grande progressivité…
Les différents minima pour personnes âgées ont été remaniés entre 1990 et 2009 mais la logique
reste la même : assurer un minimum de ressources aux personnes âgées. Avec une revalorisation de
+6,9 % le premier avril 2009, la législation évolue actuellement dans le sens d’une augmentation de
ce minimum.
Par ailleurs, pour les allocataires du RMI, une prime de Noël est versée à partir de 1998. Au départ
exceptionnelle, nous ne devrions pas la prendre en compte. Toutefois ayant été reconduite année
après année jusqu’à présent, elle a acquis un statut pérenne, aussi nous avons choisi de l’intégrer au
montant touché par les bénéficiaires du RMI au quatrième trimestre. Cela tend aussi à limiter l’écart
grandissant entre le niveau du RMI et le niveau moyen des revenus superbruts puisqu’en 1998 la
prime de Noël représente une augmentation de 3,4 % du revenu d’une personne au RMI toute
l’année.
Pour ce qui est des autres mesures, on peut noter l’apparition d’un forfait logement dans le calcul de
l’API qui limite le montant d’allocation logement pris en compte dans les ressources. Cela favorise
donc les bénéficiaires d’une allocation logement supérieure au montant du forfait logement
(pratiquement tous les bénéficiaires d’une allocation logement et de l’API dans les législations 1998 et
2009). L’instauration d’une garantie de ressource et d’un complément d’AAH pour les chefs de
50
Insistons ici, sur le fait que nous comparons des législations en mettant de côté les mécanismes temporaires et les montées
en charge des dispositifs pendant lesquelles tous les bénéficiaires éligibles n’ont pas recours à la prestation. En particulier, pour
le RSA, nous faisons comme s’il avait été appliqué dès le 1
er
janvier 2009, tous les ménages éligibles en ayant fait la demande.
Cela vaut également pour les autres dispositifs étudiés.
51
L’objectif du RSA est bien évidemment plus large que la seule mise en place de sa composante « activité », puisqu’il fusionne
également le Revenu minimum d’insertion (RMI) et l’Allocation de parent isolé (API), et procède à une remise à plat du
processus d’accompagnement des allocataires de minima sociaux et du soutien financier qu’ils reçoivent en cas de reprise
d’emploi. Nous séparons ici composantes « socle » et « activité » du RSA dans une optique de comparaison des législations de
2009 et 1990, puisque, sous cette dernière, n’existaient que le RMI et l’API, qui sont comparables au RSA socle en matière de
paramètres financiers.
77
ménage en incapacité de travailler a augmenté les montants versés à ces bénéficiaires, relativement
peu nombreux.
…mais cela ne compense pas l’effet de la moindre revalorisation des barèmes comparée à
l’évolution du revenu moyen
Les évolutions de la législation allant dans le sens d’une plus grande générosité des minima ne
suffisent pas à réduire l’écart croissant entre le montant de ces minima et la moyenne des revenus
superbruts. Quand on applique en 2009 les législations de 1990 ou 1998, en revalorisant les barèmes
de l’évolution moyenne des revenus entre 1990 ou 1998 et 2009, les montants versés au titre des
minima sociaux sont nettement plus élevés qu’en 2009 (Tableau 5).
Tableau 5 : Évolution du montant annuel des minima sociaux, en euros
1990
1998
2009
Rapport
1990/2009
Rapport
1998/2009
RMI
6792
6367
5456
52
+24%
+17%
API
53
9090
8100
7006²
+30%
+16%
AAH
9446
8787
54
7537
55
+25%
+16%
Minimum
Vieillesse
9690
9000
8062
+20%
+12%
Lecture :
Le montant d’un RMI annuel de la législation 1990 correspond à 6792 euros, soit 24 % de plus que le montant de
2009;
Source :
Calculs des auteurs.
Les minima sont moins redistributifs au fil des législations. L’effet dégressif de la revalorisation des
barèmes des minima, en général liée à l’inflation, l’emporte largement sur l’effet progressif des
mesures citées plus haut pour renforcer ces aides.
Au total, les minima sociaux dans leur ensemble
représentent 53 % du revenu de référence du 1
er
décile en 2009, contre 7 % pour le deuxième décile,
2 % pour le 3
ème
décile
56
, et une part très faible du revenu de référence des déciles suivants. Ils
représenteraient une part plus importante du revenu des ménages de 2009 si on leur appliquait la
législation de 1990 ou celle de 1998 : en effet, si on se focalise sur le premier décile, il recevrait 62 %
de son revenu de référence sous forme de minima sociaux en 1990, et 57 % en 1998. Le Graphique
28 montre la différence de taux de soutien sous les différentes législations.
52
Le RSA socle étant assez similaire dans son principe à l’API au RMI qu’il remplace, ce sont les paramètres financiers du RSA
socle en législation 2009 que nous comparons à ceux du RMI et de l’API des législations 1990 et 1998.
53
Valeur pour une personne isolée avec un enfant. Montant aligné sur la base mensuel des allocations familiales.
54
+1406 euros annuel si on bénéficie du complément d’AAH (chefs de ménage sans activité professionnelle)
55
+2151 euros annuel si on bénéficie de la garantie ressource (chefs de ménage en incapacité de travailler)
56
Ces nombres, comme les graphiques de cette partie, exprimés en pourcentages du niveau de vie de référence, doivent être
pris avec précaution lorsque l’on compare les déciles. En effet, les revenus primaires étant inégalement répartis dans la
population, l’augmentation de 1000 euros du niveau de vie de chaque décile représentera une augmentation de 33 % du pour le
premier décile, 10 % pour le deuxième et déjà plus que 5 % pour le sixième.
78
Graphique 28 : Minima sociaux
: différence entre le taux de soutien de 2009 et ceux de 1990 et
1998, par déciles de niveau de vie de référence
-10%
-9%
-8%
-7%
-6%
-5%
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Évolution 1990/2009
Évolution 1998/2009
en % du niveau de vie
Lecture :
sous la législation de 2009, les minima sociaux reçues par les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier décile de
niveau de vie (D1), sont inférieures de 10,8 points de niveau de vie à celles qu’elles auraient reçues sous la législation de
1990 ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre
d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
b)
Les prestations familiales
Comme pour les minima, la progressivité du barème des allocations familiales n'a pas été
massivement remaniée. Le point le plus marquant est la mise sous condition de ressources de
l'ensemble des prestations au cours de l’année 1998. Seulement, cette mesure ne fût finalement que
temporaire si bien que nous ne la prenons pas en compte. Rappelons que même sans condition de
ressource un montant unique versé à tous les ménages est progressif dans la mesure où le montant
ne croît pas avec le revenu et représente donc une part plus importante du revenu des ménages
modestes
57
.
Étant donné que les barèmes n'ont que peu évolué dans leurs principes, la redistribution opérée par
les prestations familiales dépend essentiellement des montants globaux mis en jeu. La législation peut
faire évoluer ces montants globaux à l’aide de deux leviers : en premier lieu, jouer sur les conditions
d’éligibilité, en second lieu, modifier le montant des prestations.
Les conditions d’éligibilité des prestations familiales ont été élargies entre 1990 et 2009. L'âge limite
des enfants considérés comme étant à charge des parents pour le calcul des allocations familiales a
57
Les prestations sous conditions de ressources sont constituées de toutes les prestations familiales à l’exclusion des
allocations familiales, de l’allocation de soutien familial et de l'allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
79
été relevé, de 18 ans en 1990, à 19 ans en 1998 puis à 20 ans en 2009
58
. Dans le même temps, les
plafonds conditionnant l’attribution des prestations sous conditions de ressource telle la prestation
d'accueil du jeune enfant (PAJE) de base, du complément familial ainsi que celui de l'allocation de
rentrée scolaire (ARS) ont évolué. À l’exception du plafond de la PAJE, revalorisé de 37% en 2005, ils
ont diminué par rapport au revenu moyen excluant donc au fil du temps un certain nombre de ménage
de ces prestations.
Tableau 6 : Plafonds et nombre de bénéficiaires des prestations familiales sous conditions de
ressources
1990
1998
2009
59
Rapport
1990/2009
Rapport
1998/2009
Plafond
(en euros)
PAJE
24175
22964
26250
-8%
-13%
ARS
22531
21401
18357
+22%
+17%
Complément familial
24175
22964
19161
+26%
+19%
Nombre
de
bénéficiaires
(en milliers)
PAJE
2342
2151
2458
- 5%
-12%
ARS
3132
3162
2514
+25%
+26%
Complément familial
768
758
743
+3%
+2%
Source :
modèle Ines (population 2009, législation 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Pour la PAJE et l’ARS, le nombre de bénéficiaires dépend uniquement des plafonds. La réévaluation
du plafond de la PAJE augmente le nombre de bénéficiaires dans la législation 2009. À l’inverse, sans
revalorisation, l’ARS qui n’est destinée qu’aux enfants de moins de 18 ans, a 25 % de bénéficiaires en
plus dans les législations 1990 et 1998. Pour le complément familial, le nombre de bénéficiaires est la
résultante de l’accroissement de l’âge des enfants comptabilisés par la CNAF et de l’évolution des
plafonds. Ces deux éléments se compensent et le nombre de bénéficiaires du complément familial est
relativement constant pour toutes les législations.
58 La limite étant étendue à 21 pour le complément familial les allocations logement et l'allocation forfaitaire existant
uniquement dans la législation 2009.
59
La fin de l’abattement de 20% pour certains types de revenus a eu pour effet d’augmenter mécaniquement les revenus pris
en compte pour les allocations. La CNAF a réagit en revalorisant l’ensemble de ces plafonds pour tenir compte de cette hausse.
Pour assurer la comparabilité avec plafonds des législations 1990 et 1998, nous indiquons ici 80% des plafonds de 2009.
80
Les montants versés, fondamentaux pour comprendre l'évolution de la progressivité des prestations
familiales, ont augmenté moins vite que l'évolution des revenus ou des salaires.
Ces montants suivent la base mensuelle d'allocations familiales (BMAF), qui est l'étalon de la plupart
des prestations familiales. Ainsi en les revalorisant en fonction de l’évolution moyenne des revenus, la
BMAF serait en 2009 de 505 euros en appliquant la législation 1990, de 450 euros en appliquant celle
de 1998, contre 389 euros actuellement.
Tableau 7 : Montant des prestations familiales
1990
1998
2009
60
Rapport
1990/2009
Rapport
1998/2009
Montant
(en euros)
base
mensuelle
des
allocations familiales
505
450
389
+29%
+15%
ARS
101
338
282
-64%
+20%
Source :
Calculs des auteurs.
Cette érosion des montants versés (en comparaison de l’évolution moyenne des revenus) ne
s’observe pas pour toutes les prestations. Par exemple, l'allocation de rentrée scolaire (ARS) a été
nettement revalorisée : alors qu’elle correspondait à 101 euros dans la législation 1990, elle est
passée à 338 pour 1998 et s’élève encore à 282 pour 2009
61
. Notons aussi que l'allocation
d’éducation de l’enfant handicapé (anciennement allocation d'éducation spéciale) a connu des
changements dans le sens d'une plus grande générosité et prend mieux en compte en 2009, les
besoins spécifiques de l'enfant handicapé. L’effet progressif de ces revalorisations ne suffit cependant
pas à compenser l’effet dégressif de l’érosion de la BMAF (base mensuelle d'allocations familiales)
par rapport à l’évolution moyenne des revenus.
En effet, la baisse des montants attribués aux premiers déciles n’est pas compensée (Graphique 29).
Les taux de soutien sont moins élevés dans la législation 2009 que dans les autres. Le caractère
redistributif des prestations familiales est donc plus fort pour les législations 1990 et 1998 que pour la
législation 2009.
60
La fin de l’abattement de 20% pour certains types de revenus a eu pour effet d’augmenter mécaniquement les revenus pris
en compte pour les allocations. La CNAF a réagit en revalorisant l’ensemble de ces plafonds pour tenir compte de cette hausse.
Pour assurer la comparabilité avec plafonds des législations 1990 et 1998, nous indiquons ici 80% des plafonds de 2009.
61
Le montant peut être majoré en fonction de l'âge de l'enfant en 2009
81
Graphique 29 : Prestations familiales
: différence entre le taux de soutien de 2009 et ceux de
1990 et 1998, par déciles de niveau de vie de référence
-7%
-6%
-5%
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Évolution 1990/2009
Évolution 1998/2009
en % du niveau de vie
Lecture :
sous la législation de 2009, les prestations familiales reçues par les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier
décile de niveau de vie (D1), sont inférieures de 6,2 points de niveau de vie à celles qu’elles auraient reçues sous la législation
de 1990 ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre
d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
Les prestations familiales étant destinées principalement à des ménages modestes, ce sont eux qui
souffrent le plus de la baisse relative de leur montant malgré les mesures prises.
c)
Les allocations logement
62
Depuis 1990, les allocations logements ont toujours gardé une logique de prise en charge progressive
du loyer par le ménage au fur et à mesure que ses revenus augmentent. Ce mécanisme assure une
redistributivité marquée à ces allocations sans faire intervenir explicitement de plafond de ressources.
Si cette logique s’est maintenue, le public visé et les barèmes ont été profondément remaniés à
plusieurs reprises, ce qui modifie la redistribution opérée par les aides aux logements.
Initialement, les allocations logements étaient réservées d’une part aux familles avec enfants ou aux
jeunes couples (
Allocation Logement Familles
(ALF)) d’autre part aux personnes âgées et aux
travailleurs vivant seuls de moins de 25 ans (
Allocation Logement Sociale
(ALS)).
Il y avait donc une logique de redistribution horizontale puisqu’à revenus égaux les ménages
bénéficiaient de l’allocation en fonction de leurs caractéristiques. Les locataires de certains logements
62
Pour des raisons techniques, nous n’avons considéré que les allocations logements destinées aux locataires. De surcroît,
puisque l’enquête ERFS se fait au sein de « ménages ordinaires » et exclut les personnes vivant en foyer, nous ne nous
attardons pas sur les allocations spécifiques qui sont destinées à ces ménages.
82
(neuf conventionné ou réhabilité avec l’aide de l’État puis l’ensemble des logements du parc social)
pouvaient aussi bénéficier d’une allocation logement (
Aide Personnalisée au Logement
(APL)).
À la fin des années 1980, un processus de
généralisation des aides au logement
a été mis en
oeuvre afin d’aider potentiellement tous les locataires. Le champ des logements couverts par les APL
a été élargi. Dans le même temps, les conditions restrictives pour pouvoir toucher l’ALS ont été
abandonnées si bien qu’à partir de 1993, tous les ménages ne bénéficiant pas de l’APL ou de l’ALF
sont candidats à l’ALS. Le nombre de bénéficiaires de l’ALS a ainsi plus que doublé entre 1990 et
1998 passant de 1,03 million de bénéficiaires à 2,20 tandis que les autres allocations logement
progressaient plus lentement
63
.
Le barème des allocations logement ne comporte pas de plafond. Il établit un montant maximal
dépendant du logement diminué en fonction des ressources du ménage et de ses caractéristiques.
Lorsque les ressources du ménage sont élevées, la diminution du montant de l’allocation logement est
importante et l’allocation finalement versée parfois nulle. C’est donc du barème que l’on peut déduire,
à population constante, le nombre de bénéficiaires.
Le Graphique 30, établi sur un cas-type, est riche d’enseignement. Tout d’abord, il montre que les
montants maximaux versés diminuent au fil des législations. La raison, évoquée au début de cette
partie, en est le non-alignement de ces montants sur le revenu superbrut moyen. En faisant
abstraction de ce point, on observe que la pente des APL de la législation 1998 est la plus faible. Des
ménages aux revenus plus élevés sont donc concernés dans cette législation. Ceci est plus frappant
pour des ménages de plusieurs personnes puisqu’un couple avec deux enfants bénéficie d’une
allocation familiale tant que ses ressources annuelles sont inférieures à 34 150 euros pour les APL de
la législation 1998, inférieures à 25 500 euros dans la législation 1990 et seulement 17 330 euros en
2009. Le barème des APL a en effet été réformé en 1997. Il y a ensuite eu une unification des
barèmes des AL et des APL achevée en 2001 ce qui a donc éliminé l’aspect purement horizontal dans
la redistribution inscrite dans le barème. Notons que l’harmonisation des barèmes s’est faite « par le
haut »
c’est-à-dire dans le sens d’une plus grande générosité de l’allocation.
63
Prestations Familiales, Statistique Nationale, CNAF, Direction des statistiques, des études et de la rechecherche. Bénéficiaire
tous régimes des prestations métropole.
83
Graphique 30 : Cas-type du montant d’allocation logement annuel reçu par un célibataire.
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
4500
0
2
4
6
8
10
12
14
16
ressources annuelles en milliers d'euros
ALF et ALS législation 1990
APL législation 1990
ALF et ALS législation 1998
APL législation 1998
ALS, ALF et APL législation 2009
pente plus forte en 2009
=
progressivité intrinsèque
importante
différence entre les plafonds
implicites de ressources
en euros
Lecture :
Un célibataire vivant seul et payant un loyer de 500 euros mensuel en zone deux reçoit une allocation logement,
annuel dans la législation 2009, tant que ses revenus sont inférieurs à 12 000 euros, le montant maximal qu’il peut recevoir est
3100 euros;
Source :
calculs des auteurs.
La somme de tous ces effets - champ élargi, montant maximal moins élevé et progressivité différente -
conduit le nombre de bénéficiaires d’allocation logement de la population constante 2009 à évoluer
fortement suivant la législation. En effet, près de 5,2 millions de personnes sont concernées dans la
législation 1990, 6,5 millions dans la législation 1998 et seulement 4,9 millions dans la législation
2009
64
. L’élargissement et la modification du barème des APL compense la baisse relative du montant
des allocations logement entre les législations 1990 et 1998. En revanche, malgré la hausse des
montants faisant suite à l’harmonisation des barèmes, la moindre revalorisation entre les législations
1998 et 2009 réduit le nombre de bénéficiaires.
64
Le champ de l’ERFS réduit l’ampleur du phénomène de généralisation. En effet celui-ci n’inclut pas
les étudiants, vivant en foyer étudiant ou en ménage ordinaire, qui pourraient bénéficier d’une
allocation en 2009 sans en bénéficier dans la législation 1990.
84
Graphique 31 : Allocations logement
: différence entre le taux de soutien de 2009 et ceux de
1990 et 1998, par déciles de niveau de vie de référence
-4,5%
-4,0%
-3,5%
-3,0%
-2,5%
-2,0%
-1,5%
-1,0%
-0,5%
0,0%
0,5%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Évolution 1990/2009
Évolution 1998/2009
en % du niveau de vie
Lecture :
sous la législation de 2009, les allocations logement reçues par les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier
décile de niveau de vie (D1), sont inférieures de 3,8 points de niveau de vie à celles qu’elles auraient reçues sous la législation
de 1990 ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre
d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
Le Graphique 31 montre que les allocations logement de la législation 2009 entraînent un taux de
soutien moins élevé pour le premier décile par rapport à la législation 1990, l’augmentation du champ
de l’allocation logement a donc eu un effet redistributif moins important que l’érosion des montants
versés. Un pic est atteint pour la législation 1998 en termes de nombre de bénéficiaires mais ils
reçoivent un montant moins élevé qu’en 1990 ce qui conduit à une légère perte de progressivité sur
cette période.
Encadré 9. Les allocations logements et l’incidence fiscale
Comme rappelé dans la première partie, les allocations ne bénéficient sans doute pas entièrement
aux ménages qui les reçoivent (voir I.A.4.c) page 24).
C'est pourquoi nous proposons une répartition alternative de l'allocation logement en considérant que
les bénéficiaires de l'allocation ne bénéficie
in fine
que de 30 % du montant qui leur est attribué
lorsqu'ils sont locataires dans le secteur privé. Le reste des allocations est affecté par un procédé
d'imputation aux ménages en fonction de leur revenu foncier, pris comme indicateur du nombre de
logement pour lequel le ménage est bailleur.
85
Cela change la progressivité des allocations logements. Nous verrons plus loin l'effet d'une telle
hypothèse alternative sur l'évolution de la progressivité de la législation socio-fiscale. Le Graphique 32
montre les taux de soutien lorsque l’on fait cette hypothèse. Le taux de soutien du premier décile est
de 35 % contre 59 % lorsque l’on suppose que les allocations logement accordées à des locataires du
secteur privé ne bénéficient qu’à ces locataires. Le taux de soutien des déciles supérieurs est lui
relevé. Le dixième décile, principal détenteur de revenus fonciers et supposé principal bailleur, a un
taux de soutien non nul malgré son niveau de vie de référence élevé. En effet, lorsque l’on fait
l’hypothèse d’un report des allocations logement sur les bailleurs, un ménage du dixième décile
bénéficie en moyenne de 629 euros annuellement d’allocations logement contre 1054 pour le premier
décile.
Graphique 32 : Prise en compte de l’incidence fiscale dans la législation 2009
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
avec prise en compte de l'incidence fiscale
sans prise en compte de l'incidence fiscale
Lecture :
En 2009, les allocations logement augmentent le niveau de vie du premier décile de niveau de vie (D1) de 44 % et de
seulement 28 % lorsque l’on prend en compte l’incidence fiscale;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport
du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines
(population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
d)
Les aides à l’activité
Avec la création de la prime pour l’emploi (PPE) en 2001, un nouveau type d’aide est apparu, dans
l’objectif d’inciter à la reprise d’emploi et de compléter les revenus de certaines personnes ayant une
activité mais percevant un salaire modeste. La législation 2009 introduit le RSA qui contient une
composante « activité » qui correspond à cette même logique mais en ciblant des montants de revenu
d’activité plus modestes. Du reste, le RSA remplace en partie la PPE puisque seule une partie
résiduelle de la PPE est versée afin que personne ne perde à la mise en place du RSA. Ayant été
86
instaurée après 1998, la prime pour l’emploi n’apparaît donc que sous sa forme résiduelle dans ce
rapport.
Graphique 33 : RSA « activité » et prime pour l’emploi
: montant moyen reçu sous la législation
de 2009, par déciles de niveau de vie de référence
0
50
100
150
200
250
300
350
400
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Prime pour l'emploi
résiduelle
RSA activité
Lecture :
le RSA « activité » augmente le niveau de vie du premier décile de 312 euros par unité de consommation, la prime
pour l’emploi de 44 euros soit 356 euros en tout ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législation 2009), Insee, calcul des
auteurs.
La prime pour l’emploi est centrée sur les individus travaillant à un salaire autour du Smic tandis que
le RSA baisse jusqu’à cette valeur. Cela explique que la composante activité du RSA bénéficie aux
deux premiers déciles tandis que les suivants bénéficient plus fréquemment de la prime pour l’emploi.
Ces primes reposant sur des contours différents de celui de ménage au sens retenu par l’Insee pour
ses enquêtes, certains ménages des derniers déciles peuvent aussi en bénéficier sans que cela altère
la progressivité de ces dispositifs. Cela peut être le cas des personnes vivant sous le même toit sans
lien ou encore dans les cas où un jeune a des ressources trop élevées pour être considéré comme à
la charge de ses parents et suffisamment peu pour bénéficier de la prime pour l’emploi.
Le Graphique 26 présenté au début de cette partie montre que les aides à l’activité ont une portée
redistributive limitée sur les premiers déciles en comparaison des autres dispositifs. Toutefois, elles
ciblent moins le bas de la distribution que la plupart des autres prestations et affectent les ménages
entre le quatrième et le dixième décile qui n’étaient pas concernés par les prestations sociales avant
la mise en place de ce type d’aide.
e)
Conclusion
Les prestations sociales sont moins redistributives dans la législation 2009
87
Le Graphique 34 montre que l’ensemble des prestations sociales monétaires est devenu moins
progressif au fil des législations. Malgré l’instauration de la prime pour l’emploi et du RSA et malgré
les réformes des allocations logement, les prestations monétaires sont moins progressives dans la
législation 1990 que dans les législations de 1998 ou 2009. La diminution du soutien apporté par les
minima sociaux et par les prestations familiales du fait de leur revalorisation peu dynamique par
rapport au revenu moyen l’emporte les modifications de la législation allant dans le sens d’une plus
grande progressivité.
Ce taux de soutien moins élevé correspond à un effort plus grand de la part des
personnes qui, dans l’ordre des niveaux de vie de référence, sont dans les premiers déciles.
Graphique 34 : Ensemble des prestations sociales
: différence entre le taux d’effort de 2009 et
ceux de 1990 et 1998, par déciles de niveau de vie de référence
-12%
-10%
-8%
-6%
-4%
-2%
0%
2%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Évolution 1990/2009
Évolution 1998/2009
en % du niveau de vie
Lecture :
sous la législation de 2009, les prestations sociales reçues par les personnes les plus modestes,
i.e.
le premier
décile de niveau de vie (D1), sont inférieures de 6,5 points de niveau de vie à celles qu’elles auraient reçues sous la législation
de 1990 ;
Note :
les prestations sociales retenues comprennent les minima sociaux, les allocations logement et les prestations
familiales et les aides à l’activité. Le niveau de vie correspond au rapport du revenu de référence du ménage sur le nombre
d’unités de consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee,
calcul des auteurs.
88
III.
Synthèse : la redistribution verticale opère par des
canaux en partie différents en 1990 et en 2009
L’évolution de la progressivité des quatre grandes composantes du système socio-fiscal - financement
de la protection sociale, impôts indirects, impôts directs (impôt sur le revenu et taxe d’habitation) et
prestations sociales - a été examinée dans la partie précédente (partie II). Cependant, au-delà des
évolutions de ces quatre composantes considérées isolément, que peut-on dire de l’évolution de la
progressivité du système dans son ensemble ? La synthèse présentée dans cette partie vise à
répondre à cette question : elle décrit l’évolution de la progressivité du système socio-fiscal et
compare l’influence de chacune de ses composantes.
A. La fiscalisation du financement de la protection sociale a
introduit une nouvelle source de progressivité, mais, dans le
même temps, la progressivité de l’impôt sur le revenu a été
significativement réduite
Rappelons tout d’abord que nous nous sommes livrés dans le présent rapport à un exercice de
comparaison des législations socio-fiscales de 1990, 1998 et 2009, à structure de population et de
revenus constante
. Dans cette optique, le barème socio-fiscal de 2009 est appliqué à un échantillon
représentatif de la population française en 2009. Les barèmes socio-fiscaux de 1990 et 1998, une fois
revalorisés en fonction de l’évolution du revenu moyen, sont également appliqués à la population de
2009, afin de comparer les montants versés par les ménages en fonction de la législation à laquelle ils
sont soumis.
Sur le champ retenu dans ce rapport, les prélèvements acquittés et les transferts reçus par les
ménages seraient dans l’ensemble plus progressifs en appliquant la législation de 2009 qu’en
appliquant celle de 1990
(Graphique 35). Ce constat est cependant dépendant des hypothèses
retenues en matière d’incidence fiscale : ce mécanisme est discuté de manière approfondie dans la
section suivante (section B). Cette première section, quant à elle, s’attache à aller au-delà d’une
simple réponse binaire à la question de l’évolution de la progressivité, pour caractériser de manière
qualitative les évolutions intervenues entre 1990 et 2009.
1. Une diminution de l’importance des deux canaux
traditionnels de redistribution, l’impôt sur le revenu et les
prestations sociales
Dans la législation de 1990, l’impôt sur le revenu et les prestations représentent les principaux
vecteurs de redistribution : la majeure partie de la réduction des inégalités opérée par le système
socio-fiscal leur est imputable (Tableau 8). Les grandes réformes intervenues entre 1990 et 2009 ont
significativement modifié cette situation. Tout d’abord, les réformes du financement de la protection
sociale se sont traduites par une progressivité accrue des prélèvements sociaux. Ensuite, la
modération de l’impôt sur le revenu et la revalorisation des prestations à un rythme plus faible que le
89
revenu moyen, ont réduit la progressivité du coeur redistributif du système socio-fiscal. En
conséquence, dans la législation de 2009, la réduction des inégalités s’effectue davantage
via
le
financement de la protection sociale, et moins au travers des deux canaux traditionnels de la
redistribution : les prestations et l’impôt sur le revenu. À titre d’illustration, en 1990, le financement de
la protection sociale contribuait à hauteur de 19 % à la réduction des inégalités, contre 40 % en 2009.
À l’inverse, l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation opéraient 42 % de la réduction des inégalités
en 1990, contre 31 % en 2009 (Tableau 8).
Les modifications des vingt dernières années ont ainsi déplacé « en amont » la redistribution : la
réduction des inégalités se fait aujourd’hui moins par l’intermédiaire de l’impôt sur le revenu qu’il n’y a
vingt ans, alors que les contributions sociales sont plus progressives que ne l’étaient les cotisations
sociales qu’elles ont remplacées. Le « centre de gravité » de la redistribution s’est donc déplacé.
Tableau 8. Contribution des quatre composantes du système socio-fiscal à la réduction des
inégalités : comparaison des législations 1990, 1998 et 2009
1990
1998
2009
Cotisations et contributions sociales, dont :
19%
32%
40%
- exonérations de cotisations
1%
9%
19%
- hors exonérations de cotisations
18%
24%
21%
Impôts directs (IR et TH)
42%
37%
31%
Impôts indirects
-41%
-42%
-42%
Prestations sociales
79%
73%
71%
Total
100%
100%
100%
Lecture :
Les cotisations et contributions sociales contribuent à la réduction des inégalités de niveau de vie entre personnes à
hauteur de 19 % de la réduction totale opérée par le système socio-fiscal avec la législation 1990, à hauteur de 32 % avec celle
de 1998 et à hauteur de 40 % avec celle de 2009 ; les impôts indirects accroissent les inégalités de revenus : elles sont de ce
fait comptabilisées comme contribuant négativement à la réduction des inégalités, à hauteur d’environ -40 % de la réduction
totale opérée par le système socio-fiscal, pour les trois législations ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990,
1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Le Graphique 35 compare les prélèvements acquittés et les prestations reçues par les ménages,
selon leur décile de niveau de vie, avec la législation 1990 et avec celle de 2009. Il met également en
lumière la contribution des quatre grandes composantes du système socio-fiscal - financement de la
protection sociale, impôts indirects, impôts directs (impôt sur le revenu et taxe d’habitation) et
transferts monétaires - à l’évolution du caractère progressif du système dans son ensemble. L’effet
des réformes, peu nombreuses, des impôts indirects ne sera pas évoqué, dans la mesure où elles
n’ont eu qu’un impact très marginal sur la répartition des prélèvements acquittés par les ménages.
90
Graphique 35 : Scénario central
: différence entre le taux d’effort global de 2009 et celui de
1990, par déciles de niveau de vie de référence
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En
%
du niveau de vie
Prestations sociales
Prélèvements sociaux
Impots directs (IR et TH)
Impôts indirects
Évolution du taux moyen d'effort
Baisse du taux de soutien des prestations sociales
Lecture :
en appliquant aux 10 % des personnes les plus modestes (D1 signifie premier décile de niveau de vie) les législations
en vigueur en 1990 et 2009, le système socio-fiscal prélève 0,8 % de niveau de vie en plus en 2009 qu’avec la législation 1990.
Quatre facteurs contribuent à cette économie d’impôt : de moindres prélèvements sociaux, contribuant à hauteur de 5,0 % du
niveau de vie de référence, de moindres impôts directs (IR et TH), correspondant à 3,0 % du niveau de vie de référence
supplémentaire et de la baisse des impôts indirect correspondant à une hausse de 1,5 % du niveau de vie de référence; à
l’inverse, la baisse des prestations (prestations familiales, minima sociaux et allocations logement) contribue négativement, à
hauteur de -10,2 % du niveau de vie.
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de
son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent
;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations
1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
2. La fiscalisation du financement de la protection sociale a
rendu le système socio-fiscal davantage progressif
Les ménages modestes, en particulier ceux appartenant au premier décile, acquittent moins de
prélèvements sociaux en législation 2009, comparée à celle de 1990. Deux mécanismes se
conjuguent ici : les exonérations de cotisations sociales pour les salariés peu rémunérés d’une part, et
la substitution de contributions sociales aux cotisations.
À l’inverse, les ménages aisés acquittent des prélèvements sociaux beaucoup plus lourds avec la
législation de 2009. Les taux de cotisation ont en effet augmenté de manière importante pour faire
face au besoin de financement croissant du système de protection sociale. De surcroît, les revenus du
patrimoine contribuent désormais au financement de la protection sociale,
via
la CSG et la CRDS
bien-sûr, mais également
via
les autres prélèvements sur le patrimoine qui se sont accrus entre 1990
et 2009. Au total, la contribution moyenne des ménages du dernier décile est plus forte de 11 % de
leur revenu de référence avec la législation de 2009, comparée à celle de 1990.
91
3. L’impôt sur le revenu a perdu en importance et est devenu
moins progressif
Pour sa part, le taux d’imposition sur le revenu a baissé pour tous les déciles, reflet de la baisse des
barèmes intervenue entre 1990 et 2009. Compte tenu de la nature intrinsèquement progressive de
l’IR, ce sont principalement les ménages les plus aisés qui profitent de ces allègements de barème.
Par exemple, les ménages du dernier décile acquittent un montant d’IR plus faible avec la législation
de 2009 qu’avec celle de 1990, la différence correspondant à 5 % de leur revenu fiscal de référence.
La perte de progressivité de l’IR a toutefois été partiellement compensée par deux nouveaux
mécanismes introduits entre 1990 et 2009 : l’exonération partielle ou totale de taxe d’habitation pour
les ménages les plus modestes, et l’introduction de mécanismes de soutien aux salariés peu
rémunérés (PPE et RSA). Les exonérations de taxe d’habitation se sont toutefois concentrées sur les
ménages les plus modestes, ce qui explique que le cumul des réformes de l’IR et de la TH entre 1990
et 2009 soit plus favorable aux déciles extrêmes, les plus modestes et les plus riches, qu’aux déciles
intermédiaires (Graphique 35).
4. Les prestations sociales, qui sont le premier vecteur de
redistribution verticale, ont vu leur progressivité s’éroder
Les prestations sociales ont fait l’objet de nombreuses réformes durant la période. L’extension des
allocations logement à de nouveaux publics et l’introduction de mécanismes de soutien aux employés
peu rémunérés en constituent deux exemples qui soulignent que ces réformes ont le plus souvent été
conduites avec la volonté de renforcer la redistribution opérée par le système socio-fiscal. Dans le
même temps, cependant, les montants des prestations étaient revalorisés annuellement le plus
souvent en fonction d’un indice proche de l’inflation. L’évolution des allocations a ainsi été moins
dynamique que celle du revenu moyen, grevant leur caractère progressif. Au total, à population
constante, l’effet dégressif de cette dérive des montants d’allocations l’a emporté sur l’effet des
réformes conduites entre 1990 et 2009. La perte de progressivité des allocations sociales concerne
surtout, à divers degrés, les personnes des cinq premiers déciles (Graphique 35).
B. Le jugement porté sur l’évolution de la progressivité de
l’ensemble des prélèvements obligatoires acquittés par les
ménages dépend crucialement des hypothèses retenues en
matière d’incidence fiscale
Il est maintenant temps de répondre à la question qui sous-tend l’ensemble de ce rapport : entre 1990
et 2009, les prélèvements acquittés et les prestations reçues par les ménages sont-elles devenus,
dans leur ensemble, plus ou moins progressives ?
La réponse à cette interrogation est très dépendante du champ retenu. Elle diffère en particulier selon
que l’on se restreint aux seuls prélèvements obligatoires, ou qu’on y ajoute les prestations. Elle diffère
également selon que l’on intègre ou non les prélèvements sociaux à vocation assurantielle (vieillesse,
chômage et maladie) dans le champ de l’étude. Comme nous l’avons rappelé en première partie,
exclure ces prélèvements peut se justifier par le fait que nous ne tenons pas compte des prestations
92
correspondantes. C’est le parti pris dans de nombreuses études sur la redistribution, et notamment
dans le rapport particulier sur la « photographie du système socio-fiscal et sa progressivité », rédigé
par Marie Chanchole et Guy Lalanne. Dans la première sous-section (sous-section 1), l’évolution du
caractère progressif du système socio-fiscal est quantifiée en examinant quatre champs distincts.
Plus fondamentalement, la problématique de l’incidence fiscale est ici primordiale : au-delà des
ménages qui acquittent ou reçoivent tel ou tel prélèvement ou prestation, qui supporte réellement le
coût ou les bénéfices des réformes du système socio-fiscal intervenues entre 1990 et 2009 ? Dans le
présent rapport, nous avons pris le parti de ne pas répondre directement à cette dernière question et
avons souligné, dans la première partie, sa grande complexité. Nous avons par exemple rappelé que
les effets des exonérations de cotisations sociales étaient sans doute très complexes et qu’elles
avaient pu bénéficier à d’autres ménages que ceux à qui était destinée cette mesure.
Ainsi, une grande incertitude pèse sur les bénéficiaires réels des exonérations de cotisations, alors
même que le poids de ce dispositif est important dans l’évolution des prélèvements sociaux et de leur
progressivité. En conséquence, trois scénarios alternatifs sont également présentés dans la seconde
sous-section. Contrairement au scénario central, ils prennent en compte des effets d’incidence fiscale.
Ils s’appuient toutefois sur des hypothèses nécessairement arbitraires sur les reports de charge à
l’oeuvre. Leur vocation est de constituer un test de sensibilité aux résultats issus du modèle de
microsimulation Ines, et de montrer l’étendue de l’incertitude qui pèse sur ces résultats.
1. Un constat différencié en fonction du champ retenu
Le Graphique 36 présente l’évolution du caractère progressif du système socio-fiscal en examinant
quatre champs distincts : l’ensemble des prélèvements acquittés et des transferts reçus par les
ménages, une agrégation plus restreinte en excluant les cotisations patronales, les seuls
prélèvements (hors prestations), et les prélèvements et transferts sur le « champ traditionnel » des
études de redistribution (
i.e.
hors prélèvements sociaux à vocation assurantielle).
93
Graphique 36. Synthèse
: différence entre le taux d’effort global de 2009 et celui de 1990, par
déciles de niveau de vie, selon les prélèvements et prestations retenus dans le champ
d’analyse
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
Champ général : cotisations et contributions sociales, impôts directs et indirects, prestations sociales
en excluant les cotisations patronales
en excluant les cotisations et contributions sociales contributives (vieillesse, chômage et maladie)
en excluant les prestations sociales
Lecture :
Sur le champ général, à savoir, en retenant tous les prélèvements et prestations du champ de l’étude, le taux d’effort
des personnes du premier décile est moins élevé de 0,8 % de son niveau de vie de référence avec la législation 2009,
comparée à la législation 1990. En excluant les prélèvements sociaux contributifs (cotisations et contributions vieillesse,
maladie et chômage), la hausse du taux d’effort du premier décile est plus vive encore (6,2 % du niveau de vie de référence)
avec la législation 2009, comparée à la législation 1990. De même, en excluant les cotisations patronales mais en réintégrant
les cotisations salariales contributives et les contributions sociales, l’augmentation du taux d’effort entre les législations de 2009
et de 1990 est plus aiguë (7,9 % du niveau de référence). À l’inverse, en excluant les prestations sociales (mais en réintégrant
les cotisations patronales), la différence des taux d’effort pour le premier décile est de 9,5 % ;
Note
: le niveau de vie d’une
personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le
composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Sur le champ le plus large, le système des prélèvements et transferts sous la législation 2009 est plus
progressif que celui sous la législation 1990. Le gain de progressivité s’explique en grande partie par
l’importance qu’ont pris les dispositifs d’exonérations de cotisations (principalement patronales).
Concentrés sur les bas salaires, ils jouent un rôle redistributif important, et ce d’autant plus que les
modalités de calcul retenues dans notre scénario principal attribuent la totalité du bénéfice des
exonérations aux salariés peu rémunérés ciblés par ces mesures. Si l’on remet en cause cette
hypothèse, le constat est plus nuancé. Cette évolution générale sur une période de 20 ans comprend
en réalité deux temps. La première période, entre 1990 et 1998, est marquée par une hausse de la
progressivité du fait de la fiscalisation du financement de la protection sociale. La seconde, depuis
1998, s’accompagne d’une stagnation de la progressivité globale, et d’une diminution globale du taux
d’effort (voir annexe B page 98).
94
Le constat est même plus net si l’on enlève du champ les prestations, c’est-à-dire en réduisant le
champ d’analyse aux prélèvements obligatoires au sens strict du terme. En effet, en enlevant du
champ les prestations, alors que celles-ci sont devenues moins progressives, la partie restante, à
savoir, les prélèvements obligatoires, ont gagné en progressivité.
À l’inverse, en excluant les cotisations patronales, le système socio-fiscal a légèrement perdu de sa
progressivité. En effet, les exonérations de cotisations, une des nouvelles sources de progressivité du
système socio-fiscal, sont largement exclues de ce champ. Ainsi, les ménages les plus aisés, en
particulier ceux du 10
ème
décile, ont le plus bénéficié des réformes intervenues entre 1990 et 2009,
via
la perte de progressivité de l’IR (Graphique 36).
Enfin, en excluant les prélèvements sociaux qui ont une vocation principalement contributive
65
,
i.e.
en
reconstituant le « champ traditionnel » des études sur la redistribution, la progressivité du système
socio-fiscal entre 1990 et 2009 diminue également. La grande proximité des conclusions entre les
deux derniers champs (champ hors cotisations patronales et « champ traditionnel de la
redistribution ») s’explique par le fait que les deux champs ne diffèrent que de cotisations
principalement proportionnelles.
L’utilisation des termes « champ traditionnel de la redistribution » peut apparaître abusive. Elle était
pourtant justifiée en 1990, puisqu’en appliquant la législation de 1990, la réduction des inégalités était
alors exclusivement concentrée dans ce champ. En 2009, ce champ a perdu de sa pertinence. En
effet, près de 14 % de la réduction des inégalités se déroule en amont, au travers des prélèvements
sociaux assurantiels.
Si les conclusions sur la progressivité du modèle socio-fiscal français varient suivant le champ étudié,
les principaux facteurs d’évolution demeurent communs. Le coeur du système de redistribution
monétaire, composé de l’impôt sur le revenu et les prestations, a perdu en progressivité ; l’ajout d’une
composante d’aide au retour à l’activité n’a pas totalement compensé cette baisse. À l’inverse, plus en
amont dans le processus de taxation, les prélèvements sociaux ont gagné en progressivité.
65
A savoir les cotisations assurantielles (cotisations vieillesse, maladie et chômage) et les contributions à vocation assurantielle
(notamment les 5,25 points de CSG dédiés à la caisse d’assurance maladie). Le champ ainsi formé est proche de celui retenu
dans les travaux de Guy Lalanne et de Marie Chanchole, auteurs du rapport particulier sur la « photographie du système socio-
fiscal et sa progressivité ».
95
2. La hausse de la progressivité du système est moindre en
modifiant les hypothèses d’incidence fiscale des
exonérations de cotisations sociales
Les exonérations de cotisations jouent un rôle crucial dans le constat formulé jusqu’ici d’une
augmentation de la progressivité globale du système socio-fiscal
66
. En effet, le caractère très
progressif des exonérations de cotisations sociales repose en partie sur l’hypothèse retenue dans ce
rapport, qui considère que les exonérations de cotisations sociales bénéficient en intégralité aux
salariés dont le salaire est ciblé par ces mesures (sous forme d’effet emploi ou d’effet salaire).
Toutefois, comme l’a souligné la partie I.A, les études disponibles montrent que d’autres acteurs ont
pu bénéficier de ces exonérations : les entreprises sous forme d’augmentation de leurs marges (et
donc,
in fine
, leurs propriétaires), et les consommateurs sous forme de baisse des prix. Comme nous
avons également déjà eu l’occasion de le souligner, les allocations logement font aussi l’objet d’un
débat sur leur incidence fiscale : bénéficient-elles en totalité aux ménages qui les reçoivent, ou sont-
elles également transférées aux propriétaires de biens immobiliers
via
une hausse des loyers versés ?
Nous présentons ici des scénarios alternatifs afin de tenir compte de l’incertitude sur les bénéficiaires
réels des exonérations de cotisations sociales et des allocations logement
67
. Les hypothèses
formulées dans chacun des scénarios sont décrites dans le Graphique 37. Dans chacun de ces
scénarios, les allocations logement bénéficient pour 30 % aux allocataires locataires, et pour 70 % aux
propriétaires dans le secteur privé, en cohérence avec l’étude la plus aboutie publiée sur ce sujet (
cf.
partie I.A.4.c). Le bénéfice des exonérations est quant à lui réparti entre salariés, consommateurs et
propriétaires, selon des proportions variables.
Quel que soit le scénario retenu, le taux d’effort des ménages les plus modestes (le 1
er
décile de
niveau de vie) diminue ou augmente peu entre 1990 et 2009 (en tenant compte des prestations),
tandis que le taux d’effort des autres déciles a nettement augmenté (Graphique 37). Cependant, cette
augmentation de la progressivité du système entre 1990 et 2009 est moins marquée quand on fait
l’hypothèse que les propriétaires des entreprises ont bénéficié pour moitié des exonérations de
cotisations sociales, sous forme de hausse de leurs revenus (scénario 4 du Graphique 37).
66
A l’exception du constat sur le champ restreint des prélèvements obligatoires hors financement des prestations sociales
contributives.
67
D’autres prélèvements ou prestations auraient sans doute pu faire l’objet d’une analyse de sensibilité. Nous nous limitons ici
aux exonérations de cotisations sociales et aux allocations logement dans la mesure où elles jouent un rôle important dans
l’évolution de la progressivité entre 1990 et 2009, et dans la mesure où la répartition de leurs bénéficiaires est particulièrement
discutée (
cf.
partie I.A).
96
Graphique 37 : Tests de sensibilité
: différence entre le taux d’effort global de 2009 et celui de
1990, par déciles de niveau de vie, selon différents scénarios d’incidence fiscale des
exonérations de cotisations sociales et des allocations logement
0
1
2
3
4
5
6
7
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En % du niveau de vie
scénario principal
scénario 2
scénario 3
scénario 4
Lecture
: dans le scénario principal, en appliquant aux 10 % des personnes les plus modestes (D1 signifie premier décile de
niveau de vie) les législations en vigueur en 1990 et 2009, le système socio-fiscal prélève 0,8 % de niveau de vie en plus en
2009 qu’avec la législation 1990 ; dans le scénario 3, le différentiel entre les législations 1990 et 2009 est de 1,7 % ;
Scénario
principal
: les exonérations de cotisations sociales ont bénéficié en intégralité aux salariés à bas salaire ; dans tous les autres
scénarii, les allocations logement bénéficient à hauteur de 30 % aux allocataires locataires, et à hauteur de 70 % aux
propriétaires ;
Scénario 2
: les exonérations de cotisations sociales ont bénéficié pour un tiers aux salariés à bas salaire, pour
un tiers aux consommateurs, et pour un tiers aux actionnaires ;
Scénario 3
: les exonérations de cotisations sociales ont
bénéficié pour un quart aux salariés à bas salaire, pour une moitié aux consommateurs, et pour un quart aux actionnaires ;
Scénario 4
: les exonérations de cotisations sociales ont bénéficié pour un quart aux salariés à bas salaire, pour un quart aux
consommateurs, et pour une moitié aux actionnaires ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu
de référence de son ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent ;
Source
: modèle Ines (population
2009, législations 1990 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
97
IV.
Annexes
A. Taux d’effort moyen du système socio-fiscal
Graphique 38 : Taux d’effort moyen du système socio-fiscal de 1990, 1998 et 2009
-60
-40
-20
0
20
40
60
80
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Taux d'effort moyen global
En % du niveau de vie
2009
1998
1990
Les ménages les plus modestes reçoivent plus
de prestations qu'ils ne payent de taxes
Lecture :
sous la législation de 2009, le système socio-fiscal augmente de 41 % le niveau de vie des personnes les plus
modestes, i.e
.
le premier décile de niveau de vie (D1). À l’inverse, le système socio-fiscal diminue de 64 % le niveau de vie des
personnes les plus aisées. Sous la législation de 1990, le niveau de vie des personnes des plus aisées aurait diminué de 59 % ;
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de
consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1990, 1998 et 2009), Insee, calcul des
auteurs.
98
B. Le champ des prélèvements obligatoires a la même allure
que sur le graphe 1990-2009, en étant moins accentué.
Les tableaux présentés dans le rapport dressent le bilan de l’évolution entre 1990 et 2009. Pour avoir
une idée de la dynamique actuelle de la réduction des inégalités nous étudions dans cette annexe
l’évolution de la progressivité sur une période plus courte : 1998 - 2009.
Graphique 39 : Différence entre le taux d’effort global de 2009 et celui de 1998, par déciles de
niveau de vie
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En
%
du niveau de vie
Prestations sociales
Prélèvements sociaux
Impots directs (IR et TH)
Impôts indirects
Évolution du taux moyen d'effort
Baisse du taux de soutien des prestations sociales
Lecture :
en appliquant aux 10 % des personnes les plus modestes (D1 signifie premier décile de niveau de vie) les législations
en vigueur en 1998 et 2009, le système socio-fiscal prélève 4,1 % de niveau de vie en moins en 2009 qu’avec la législation
1998. Quatre facteurs contribuent à cette économie d’impôt : la hausse des impôts indirects, contribuant à hauteur de 4,6 % du
niveau de vie de référence, de moindres impôts directs (IR et TH), correspondant à 2,6 % du niveau de vie de référence
supplémentaire ; à l’inverse, la baisse des prestations (prestations familiales, minima sociaux et allocations logement) contribue
négativement, à hauteur de -3,4 % du niveau de vie, et les moindres prélèvements sociaux ont un effet négligeable (0,3 %).
Note
: le niveau de vie d’une personne correspond au rapport du revenu de référence de son ménage sur le nombre d’unités de
consommation qui le composent ;
Source :
modèle Ines (population 2009, législations 1998 et 2009), Insee, calcul des auteurs.
Le Graphique 39 est le pendant du Graphique 35 page 90 sur la période entre 1998 et 2009. Pour
chaque élément du système, on retrouve, avec des intensités différentes, les mêmes progressions
que sur la période entière de vingt ans en pleine cohérence avec les résultats de la deuxième partie
du présent rapport. Cependant, si la progressivité augmente entre 1990 et 2009, elle n’a pas
progressé de façon notable depuis 1998, on constate plutôt une baisse du taux d’effort généralisé
dans la population et une progressivité constante
qu’une modification de progressivité. Cela s’explique
en partie par le fait que le principal responsable de la hausse de progressivité, la fiscalisation du
financement de la protection sociale était déjà entamée en 1998 et son évolution a donc moins
d’impact après cette date. La hausse de niveau de vie qu’entrainent pour les ménages les plus
modestes la diminution de la taxation indirecte et la progressivité nouvelle de la taxe d’habitation est
en partie atténuée par la moindre revalorisation des prestations sociales.