Contacts presse :
Dorine BREGMAN -
Directrice de la communication - Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr
Denis GETTLIFFE -
Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
dgettliffe@ccomptes.fr
R
APPORT PUBLIC THÉMATIQUE
Paris, le 7 juillet 2011
L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique
La
préservation de la sécurité publique incombe principalement à l’Etat
, qui dispose à cet effet
de deux f
orces, dont c’est une partie des missions : la
police nationale
(majoritairement dans les villes
de plus de vingt mille habitants) et la
gendarmerie nationale
, qui se partagent le territoire national en
deux zones de compétence distinctes.
De plus en plus, les collectivités territoriales y contribuent aussi, les communes en particulier avec le
développement des polices municipales
et des
systèmes de vidéosurveillance de la voie
publique
.
Face à la montée de la délinquance, l’Etat a, depuis le début des années 2000 et jusqu’en
2009, consacré des moyens croissants
, budgétaires, technologiques et humains, aux politiques de
sécurité publique. Les statistiques du ministère de l’intérieur montrent néanmoins que
les résultats
obtenus dans la lutte contre la délinquance ont été contrastés
, avec un recul des atteintes aux biens
mais une augmentation des atteintes aux personnes.
Or, depuis 2009
, l’objectif de stabilisation des dépenses de l’Etat renforce sensiblement le défi à
relever, puisque
l’exigence d’une plus gra
nde efficacité de la lutte contre la délinquance doit être
désormais satisfaite avec des moyens en effectifs et en fonctionnement courant qui diminuent
dans les services de police et les unités de gendarmerie.
Dans ce contexte,
l’organisation et la gestion
et d’organisation des forces de sécurité publique
revêtent une importance d’autant plus déterminante
. C’est pourquoi la Cour et les chambres
régionales des comptes y ont consacré une enquête spécifique, leur première dans le domaine de
sécurité publique.
Il ne s’agit pas d’une évaluation d’ensemble la politique de sécurité publique
, mais de l’examen
de quelques questions clés concernant la gestion et l’organisation des forces, à partir de contrôles
opérés dans
quinze départements et une cinquantaine de communes des régions Ile-de-France,
Rhône-Alpes, PACA et Languedoc-Roussillon
, ainsi qu’auprès des services du ministère de
l’intérieur.
Le pilotage des forces de sécurité publique
L
e pilotage des forces de sécurité publique repose sur une
gestion par objectifs exprimés en
fonction des statistiques de la délinquance.
Mais, surtout dans la police, cette gestion est centralisée, fortement directive et assortie d’un
grand nombre d’objectifs, laissant ainsi peu de marge d’autonomie aux responsables de terrain.
Les objectifs sont excessivement fondés sur les statistiques mensuelles et annuelles
de
mesure de la délinquance. Ces statistiques
présentent
des lacunes, des imperfections et
soulèvent des difficultés d’interprétation
. Dans certains cas, elles ne sont pas pertinentes pour servir
de base à l’
activité des services et pour évaluer leur efficacité.
Ainsi, l’agrégat de délinquance générale est dénué de réelle signification
du fait de
l’hétérogénéité des rubriques qui le composent.
Les évolutions statistiques
peuvent aussi être
influencées par des changements du mode de comptabilisation des délits.
Au total, ces instruments de mesure éclairent mal sur l’efficacité des services. De 2002 à 2009,
la baisse globale
enregistrée dans les statistiques a résulté principalement du
recul de deux grandes
catégories d’infractions, les vols liés à l’automobile et les destructions et dégradations de biens
privés
, qui, selon la plupart des analystes, a été surtout dû à
l’amélioration par les constructeurs
automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols et les effractions
, et au
renforcement des dispositifs de protection des espaces publics et privés (parkings, gares, etc.).
Page 2 sur 4
Le défi de la baisse des moyens
En application de la loi d’orientation et de programm
ation sur la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002,
les DDSP ont connu, au cours de la
période 2003-2009, un accroissement de leurs effectifs de
policiers de 2,1 %
en métropole à périmètre constant. Au plan national, toutefois, ce renforcement des
effectifs
de fonctionnaires n’a
pas été suffisant
pour
compenser la forte baisse du nombre d’adjoints
de sécurité (ADS). Le total des effectifs
des DDSP
a baissé de 2,3 %
au cours de la
période 2003-
2009.
Enfin,
le nombre de fonctionnaires a commencé à baisser en 2010
. En particulier, celui des
policiers est retombé à 50 928 au 1er janvier 2011, annulant ainsi plus de la moitié du renforcement
opéré au cours de la période 2003-2009.
L’effectif total des DDSP s’est établi à 62 256 agents en
baisse de 5,3 % depuis le 1er janvier 2003.
Ce mouvement de baisse se poursuit en 2011.
Globalement,
les dépenses de fonctionnement et d’équipement des DDSP ont été réduites de
2,1 % en 2008
, stabilisées en 2009
et abaissées de 25 % en 2010
, quand bien même, du fait de la
hausse des rémunérations, le montant des crédits a continué à augmenter.
Faute de pouvoir à court terme comprimer les dépenses liées à l’immobilier (loyers, fluides),
l’ajustement se fait sur les moyens nécessaires à l’activité opérationnelle, aux enquêtes
judiciaires ou au renouvellement des équipements informatiques
et à la maintenance des locaux.
La nouvelle donne budgétaire renforce encore la nécessité d’optimiser les organisations et la gestion
des ressources.
Les contraintes pesant sur la gestion des ressources humaines
L’organisation du temps de travail dans la police est coûteuse
. En effet, en sécurité publique,
près de la moitié des policiers travaillent selon un régime cyclique et bénéficient à ce titre de droits à
repos spécifiques. En outre, leur durée du travail est réduite par un
régime de compensation des
heures supplémentaires
. Dans la pratique, l’impossibilité pour les policiers, du fait des nécessités du
service, de récupérer les temps qui leur sont dus aboutit à
l’accumulation d’une quantité considé
rable
d’heures reportées. Ce stock représentait l’équivalent de 6
700 emplois de policiers à la fin de
2009
.
En 2009, 30 % du potentiel théorique des services de police chargés de la sécurité publique
ont été indisponibles pour cause de congés, repos, maladies et autres absences.
Les heures
passées dans les locaux de police ont représenté 61 % du potentiel restant, employés dans des activités
administratives ou judiciaires, de soutien opérationnel ou logistique.
Les heures de présence des policiers sur la voie publique
(activités de police de la circulation et
de police générale) restent faibles. Elles
occupent en moyenne seulement un tiers du potentiel
disponible
.
L’application du
principe de la disponibilité permanente des gendarmes
, liée à leur statut
militaire, aménagée par des règles relatives aux temps de repos et de récupération, offre une
capacité
de mobilisation rapide d’un surcroît de personnels
en fonction des circonstances dans des
conditions de coût budgétaire mieux maîtrisées
.
D’ailleurs,
le temps de travail effectif annuel des gendarmes
(1 796 heures en 2007)
est
supérieur à celui des policiers chargés de missions de sécurité générale
qui varie selon leur régime
de travail (de 1 435 heures en régime cyclique de nuit à 1 603 heures en régime hebdomadaire en
2007).
De nécessaires réformes de l’organisation
En dépit d’un mouvement correctif introduit à compter de 2007, la répartition territoriale des effectifs
laisse subsister
d’importantes inégalités entre les circonscriptions de sécurité publiqu
e
,
révélatrices de situations de sur-dotation ou sous-dotation au regard des niveaux de délinquance. En
particulier,
l’implantation des services de police, plutôt que des unités de la gendarmerie
départementale, dans des circonscriptions de moins de vingt
mille habitants où la loi ne l’impose
pas
, est peu compatible avec l’ajustement des moyens dans les villes les plus exposées à la
délinquance. Dans la gendarmerie départementale, le dimensionnement des unités est arrêté
principalement en fonction de la population couverte. Le
nombre de faits de délinquance par
gendarme présente ainsi de grandes variations entre les départements
.
Page 3 sur 4
Certaines réformes ont connu une mise en œuvre difficile, du fait d’une préparation insuffisante.
Ainsi, conçu pour renforcer les effectifs dans les quartiers réputés sensibles,
le plan de déploiement de
nouvelles unités de lutte contre les violences urbaines a dû être arrêté (compagnies de
sécurisation) ou revu à la baisse (unités territoriales de quartier).
Enfin,
le partage du territoire national entre les zones de compétences de la police et de la
gendarmerie est relativement figé
. L’adaptation des zones de compétences pourrait aller plus loin et
prendre la forme d’une
nouvelle partition territoriale permettant notamment à la gendarmerie de
prendre en charge, dans des conditions moins coûteuses en effectifs, grâce à
son implantation
départementale, les communes situées dans les CSP « isolées » de moins de vingt mille
habitants
.
Le rôle grandissant des polices municipales
Depuis le vote de la loi du 15 avril 1999 sur les polices municipales,
celles-ci sont devenues plus
nombreuses et leurs effectifs ont été renforcés
. En janvier 2010, les effectifs des polices municipales
atteignaient 19 370 agents contre 14 300 en janvier 2002, soit une augmentation de 35 %.
Les communes ne recourent pas toutes de la même manière à la large palette de missions qui sont
attribuées par la loi aux polices municipales. Si
beaucoup restent cantonnées dans des missions de
police administrative et de prévention
,
d’autres tendent à devenir des forces de substitution de la
police nationale
.
En zone de police, le dispositif de coordination aboutit à ce que
les services de l’Etat se retirent
des missions de surveillance générale de la voie publique
pour se consacrer davantage aux
interventions ciblées de lutte contre la délinquance. L’équilibre ainsi établi prend acte du transfert de la
police de proximité sous l’autorité du maire et de la priorité donnée à l’action répressive, depuis la LOPSI
de 2002, par les
forces de sécurité de l’Etat.
Cette évolution fait ainsi dépendre du choix des élus
locaux les conditions de mise en œuvre des politiques de sécurité de l’Etat.
L’hétérogénéité des doctrines d’emploi des polices municipales ne favorise pas leur
professionnalisation
. L’extension et la diversification des missions des policiers municipaux appellent
un
effort accru de formation initiale et continue
. Enfin, l’action des polices municipales pâtit d’un
manque d’évaluation et de contrôle.
La vidéosurveillance de la voie publique
A partir des données rassemblées par les services de police et de gendarmerie,
la Cour estime à
environ 10 000 le nombre de caméras de surveillance de la voie publique
fin 2010 (à l’exclusion des
caméras destinées à surveiller des bâtiments publics, des lieux ouverts au public ou installées dans les
transports publics).
La vidéosurveillance des espaces publics n’est pas moins développée en
France
que dans les autres pays industrialisés à l’exception du Royaume
-Uni.
L’Etat a engagé un progra
mme de triplement en trois ans (2010-2012) du nombre de caméras
de surveillance de la voie publique.
Ce programme représente pour les collectivités territoriales, principalement les communes, un
investissement d’au moins 300 millions d’euros
, subventionné par le fonds interministériel de
prévention de la délinquance (FIPD) et des
dépenses annuelles d’exploitation estimées à 300
millions d’euros
.
L’importance des sommes en jeu justifie que l’efficacité des dispositifs de vidéosurveillance de la voie
publique
soit évaluée. Elle
y invite d’autant plus que
les différentes études conduites à l’étranger,
notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Australie, ne démontrent pas globalement cette
efficacité
. Or,
la France se caractérise par la quasi-
absence d’enq
uête concluante sur le sujet
.
Une seule étude a été menée par le ministère de l’intérieur essentiellement à partir des statistiques de la
délinquance. Cependant, ses résultats contradictoires autant que sa méthode ne permettent pas d’en
tirer des enseignements fiables.
Au regard des textes en vigueur,
les préfets remplissent imparfaitement leurs missions quand
ils autorisent l’installation de systèmes de vidéosurveillance de la voie publique
sans appliquer les
exigences prévues quant à la qualité des personnes habilitées à visionner les images.
Cette pratique
favorise une gestion souple
des dispositifs par les communes, notamment celles dépourvues de police
municipale, qui y affectent des personnels de leur choix. Elle constitue néanmoins
une infraction à
l’
article 10 de la loi du 21 janvier 1995
et au code général des collectivités territoriales.
Page 4 sur 4
Les
commissions départementales de vidéosurveillance n’exercent qu’un contrôle formel
sur
la conformité des projets présentés aux textes législatifs et réglementaires.
Faute de moyens, elles ne
peuvent pas non plus exercer leur pouvoir de contrôle a posteriori
prévu par la loi. La Cour et les
chambres régionales des comptes ont constaté un
manque de professionnalisation chez les agents
communaux chargés d’exploiter l
es systèmes de vidéosurveillance
de la voie publique, notamment
de visionner les images.
Conclusion
L’organisation et la gestion des forces doivent s’inscrire dans le difficile défi auquel les pouvoirs
publics sont actuellement confrontés en matière de sécurité publique :
améliorer l’efficacité de la lutte
contre la délinquance, tout en participant à l’effort de maîtrise accrue des dépenses publiques
.
Les effectifs de policiers et gendarmes, après avoir fortement augmenté à la suite du vote de la loi
d’ori
entation de la sécurité intérieure du 29 août 2002, dite LOPSI, ont ainsi commencé à décroître
depuis 2009. En 2010, ils étaient moins nombreux qu’en 2006.
Le nombre des policiers affectés dans
les services de sécurité publique sera revenu en 2011 à son niveau de 2002.
La
répartition spatiale de l’ensemble ces forces
devrait être mieux corrélée avec la taille de la
population et l’importance de la délinquance constatée. La présence policière étatique apparaît
relativement insuffisante dans certains lieux et
, à l’inverse, excessive dans d’autres.
Selon les choix
des élus locaux, cette présence est complétée
, dans certaines communes, par celles d’agents
municipaux. Cumulées, toutes
ces disparités sont susceptibles de compromettre l’égalité de
traitement des citoyens au regard de leur droit à la sécurité
.
Des
marges de manœuvres significatives pourraient être trouvées dans le redéploiement des
implantations territoriales de l’ensemble des forces de police et de gendarmerie
, sous réserve
d’effectuer les aménagements immobiliers indispensables et d’accepter transitoirement certains
sureffectifs pour surmonter les réticences des personnels et des élus locaux. Les moyens nécessaires à
ces redéploiements devraient être recherchés dans une
meilleure maîtrise de la progression des
dépenses de rémunérations
qui a fait défaut ces dernières années.
Les budgets consacrés par les communes et les intercommunalités à leurs missions de sécurité
publique et de prévention de la délinquance ont sensiblement augmenté ces dernières années. Le
développement des polices municipales
recouvre une grande diversité de doctrines d’emploi. Il
appelle un renforcement de la professionnalisation
des personnels, notamment par un effort accru
de formation.
Encouragé par l’Etat, le recours croissan
t à la vidéosurveillance de la voie publique ne peut
se substituer à l’action des forces de sécurité étatiques ; il s’y ajoute
. La charge financière et la
gestion des dispositifs incombent, pour l’essentiel, aux communes. Le
déploiement et l’utilisation de
ces dispositifs s’opèrent dans des conditions de régularité mal contrôlées par l’Etat et parfois en
infraction
à la loi.
La Cour formule plusieurs recommandations visant à :
poursuivre l’amélioration du système de mesure de la délinquance
mieux répartir les policiers et les gendarmes sur le territoire
améliorer la formation et le contrôle des policiers municipaux
accroître la disponibilité et optimiser
les coûts des forces de sécurité de l’Etat
mieux encadrer le développement de la vidéosurveillance
Consulter le rapport et les autres éléments
Contacts presse :
Dorine BREGMAN -
Directrice de la communication - Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr
Denis GETTLIFFE -
Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
dgettliffe@ccomptes.fr