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CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS
OBLIGATOIRES
PRÉLÈVEMENTS Á LA SOURCE
& IMPÔT SUR LE REVENU
février 2012
Le Conseil des prélèvements obligatoires est chargé
d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et
budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi
que de formuler des recommandations sur toute question relative
aux prélèvements obligatoires (loi n°2005-358 du 20 avril
2005).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Les rapports
du Conseil des prélèvements obligatoires
Novembre 2011
– L'activité du Conseil des prélèvements
obligatoires pour les années 2006 à 2011
Mai
2011
-
Prélèvements
obligatoires
sur
les
ménages :
progressivité et effets redistributifs
Octobre 2010
- Entreprises et "niches" fiscales et sociales – Des
dispositifs dérogatoires nombreux
Mai 2010
- La fiscalité locale
Octobre 2009
- Les prélèvements obligatoires des entreprises dans
une économie globalisée
Mars 2009
- Le patrimoine des ménages
Novembre 2008
- La répartition des prélèvements obligatoires
entre générations et la question de l'équité intergénérationnelle
Mars 2008
- Sens et limites de la comparaison des prélèvements
obligatoires entre pays développés
Mars 2008
- Les prélèvements obligatoires des indépendants
Mars 2007
- La fraude aux prélèvements obligatoires et son
contrôle
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Le Conseil des prélèvements obligatoires est présidé par M. Didier
MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes.
Il comprend :
M. Alain PICHON, président de chambre à la Cour des comptes,
Suppléant le Premier président de la Cour des comptes,
En sont membres :
M. Robert BACONNIER, président et délégué général de
l’association nationale des sociétés par actions,
Mme Anne BOLLIET, inspectrice générale des finances,
M.
François
CALVARIN,
président
directeur
général
de
SOURIAU,
M. Jean-François CHADELAT, directeur du fonds de financement
de la protection complémentaire de la couverture universelle du
risque maladie,
M. Éric CHANEY, chef économiste d'AXA,
M. Jean-Pierre COSSIN, conseiller maître à la Cour des comptes,
M. Alain CHAPPERT, inspecteur général de l’INSEE,
M. Dominique DULIN, conseiller à la Cour de cassation,
M. Michel DURAFFOURG, inspecteur général des affaires
sociales,
Mme Marie-Anne FRISON-ROCHE, professeure agrégée des
facultés de Droit, professeur des Universités à l’Institut d’Études
politiques de Paris,
M. Gérard GILMANT, directeur de l’URSSAF de la Seine-
Maritime,
M. Alain GUBIAN, directeur statistique et directeur financier de
l’agence centrale des organismes de sécurité sociale,
M. Philippe MARTIN, conseiller d'État,
M. Gilles de ROBIEN, ancien ministre, Ambassadeur chargé de la
promotion, de la cohésion sociale, délégué du Gouvernement
auprès de l'Organisation internationale du travail,
M. Gérard MOISSELIN, préfet,
M. Alain TRANNOY, professeur agrégé des facultés d'économie,
directeur d'études à l’École des hautes études en sciences sociales,
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
6
Le secrétariat du Conseil des prélèvements obligatoires est assuré
par :
Mme Catherine DÉMIER, conseillère maître à la Cour des
comptes,
secrétaire
générale
du
Conseil
des
prélèvements
obligatoires,
Mme Jacqueline GUILLON, chargée de mission au secrétariat
général du Conseil des prélèvements obligatoires.
Le rapport, présenté par M. Pierre-Emmanuel THIARD, inspecteur
des finances, rapporteur général, a été délibéré et arrêté au cours
de la séance du 14 février 2012.
Les études préliminaires au rapport ont été effectuées par :
M. Yann-Gaël AMGHAR, inspecteur des affaires sociales,
Mme Marie-Astrid de BARMON, auditrice au Conseil d'État,
M. Vincent CLAUDON, inspecteur des finances,
Mme Sandra DESMETTRE, inspectrice des finances,
M. Jérôme ITTY, inspecteur des finances,
M. Sébastien VELEZ, administrateur à la Commission des finances
de l'Assemblée nationale
Par ailleurs, ont été auditionnés par le Conseil :
M.
François
AUVIGNE,
inspecteur
général
des
finances,
M. Benjamin DELOZIER, chef du bureau Études fiscales à la
direction générale du Trésor, avec le concours de Mlle Claire
MONTIALOUX et de M. Vincent BONJOUR.
Ces études sont des documents de travail n'engageant pas en
tant que tels le Conseil des prélèvements obligatoires et sont
consultables sur le site internet de la Cour des comptes,
rubrique CPO
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
DÉFINITIONS, PÉRIMÈTRE ET AVANTAGES COMPARATIFS
DES PRÉLÈVEMENTS À LA SOURCE
Chapitre I
La retenue à la source en France : retour sur un débat ancien
I. Les origines : la brève expérience du « stoppage à la source » et son abandon (1930-
1959)…………………………………………………………………………………………
17
II. La relance avortée du projet dans un contexte de modernisation de l’impôt (1960-1974)
18
III. Les débats de la dernière décennie : la retenue à la source, progrès ou menace pour les
salariés (1990-2007)………………………………………………………………………….
20
Chapitre II
Définitions et périmètre des prélèvements à la source
I. Plusieurs approches sont possibles pour définir le prélèvement à la source………………
23
II. Suivant ces approches, les prélèvements à la source représentent entre le quart la moitié
du total des prélèvements obligatoires……………………………………………………...
27
Chapitre III
Prélèvements à la source et prise en compte des intérêts des contribuables
I. Le prélèvement à la source permet-il de simplifier les démarches des contribuables ?
.......
37
II. Le prélèvement à la source favorise-t-il un ajustement plus rapide de l’impôt aux
variations de revenu des contribuables ?
..................................................................................
47
III. Le prélèvement à la source est-il de nature à améliorer la lisibilité de l’impôt, et ce
faisant, à renforcer le consentement de l’impôt ?
....................................................................
66
Chapitre IV
Prélèvements à la source et assainissement des finances publiques
I. L’extension du prélèvement à la source permettrait-elle à l’État de réaliser un gain de
trésorerie ?
...............................................................................................................................
73
II. Le prélèvement à la source entraînerait-il une amélioration du taux de recouvrement de
l’impôt ?
..................................................................................................................................
87
III. Le prélèvement à la source serait-il un levier pour dégager des gains de productivité
dans l’administration ?
............................................................................................................
93
Chapitre V
Prélèvements à la source et pilotage de l’économie
I. Le prélèvement à la source accroît-il la réactivité des politiques macroéconomiques ?….
105
II. Le prélèvement à la source peut-il avoir une incidence sur la consommation de l'épargne
des ménages ?
...........................................................................................................................
111
Conclusion de la première partie
………………………………………………………….
116
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
8
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
DEUXIÈME PARTIE
QUESTIONS POSEES PAR LA RETENUE A LA SOURCE DE L’IMPOT SUR LE
REVENU, ETENDUE DES CHOIX POSSIBLES ET CONSEQUENCES
DE CHACUN
Chapitre I
Modalités possibles de calcul d'un impôt sur le revenu prélevé à la source
I. La retenue à la source de l'impôt sur le revenu est-elle subordonnée à une réforme
préalable de cet impôt ?
.........................................................................................................
121
II. Quels revenus pourraient être concernés par la retenue à la source ?
...............................
128
III. Avec quelle réactivité l'impôt retenu à la source pourrait-il s'ajuster aux évolutions de
la situation du contribuable ?
...................................................................................................
142
IV. Synthèse des choix possibles sur les modalités de calcul d'un impôt sur le revenu
prélevé à la source…………………………………………………………………………..
149
Chapitre II
Modalités possibles de recouvrement d'un impôt sur le revenu prélevé à la source
I. Quel tiers payeur peut être choisi pour précompter l'impôt pour le compte de
l'administration ?
.....................................................................................................................
153
II. Comment protéger la confidentialité des informations transmises par le contribuable au
tiers payeur ?
...........................................................................................................................
165
III. Quel réseau de recouvrement choisir ?…………………………………………………..
174
IV Comment répartir les responsabilités entre le contribuable, le tiers payeur et
l'administration ?
....................................................................................................................
179
V. Synthèse des choix possibles sur les modalités de recouvrement d'un impôt sur le revenu
prélevé à la source…………………………………………………………………………..
186
Chapitre III
Modalités possibles de transition vers une retenue à la source de l'impôt sur le revenu
I. Comment gérer la suppression du décalage temporel entre les revenus et l'impôt
correspondant ?……………………………………………………………………………….
189
II. En cas de suppression de la dernière année de recettes fiscales, quel sort réserver aux
dépenses fiscales correspondantes ?
........................................................................................
195
III. Comment limiter les abus qui pourraient naître de la transition entre l'ancien et le
nouveau système de recouvrement ?
........................................................................................
203
IV. Synthèse des choix possibles sur les modalités de transition vers un impôt sur le revenu
prélevé à la source……………………………………………………………………………
205
Chapitre IV
Les alternatives possibles à une retenue à la source de l'impôt sur le revenu
I. L'alternative
a minima
: engager une promotion active des nouveaux services offerts par
l'administration fiscale………………………………………………………………………
207
II. L'alternative de second niveau : adopter l'imposition contemporaine des revenus sans la
retenue à la source………………………………………………………………………….
210
Conclusion de la deuxième partie
………………………………………………………….
215
Conclusion générale
…………………………………………………………………………
217
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Introduction
« Si l’on considère l’ensemble des prélèvements sur les ménages
en France, l’imposition des revenus courants et la retenue à la source
sont déjà les modalités de paiement de droit commun. L’assiette actuelle
et le paiement de l’impôt sur le revenu apparaissent dès lors comme des
anomalies »
1
. Formulé il y a douze ans, ce postulat a de quoi surprendre :
la France est généralement présentée comme un pays où le paiement sur
avis d’imposition est la norme, et où le prélèvement à la source est
l’exception. Cette « exception française » explique d’ailleurs que le débat
sur la retenue à la source de l’impôt sur le revenu revienne régulièrement
sur la table, les dernières fois en 2002 et en 2007.
Pourtant, les prélèvements à la source – ou impôts retenus à la
source, les deux expressions pouvant être employées indifféremment –
constituent effectivement une part d’ores et déjà significative des
prélèvements obligatoires en France. Pour ne citer que quelques
exemples, la contribution sociale généralisée (CSG), tout ou partie des
cotisations sociales sur les salaires ou encore, s’agissant de la sphère
fiscale, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital
(PFL) sont des prélèvements dont le recouvrement « à la source » ne fait
guère de doute. La France dispose donc d’une expérience importante et
ancienne de ce mode de recouvrement de l’impôt.
Le fait qu’elle soit méconnue signale un premier paradoxe. Le
Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) qui, de même que son
prédécesseur, le Conseil des impôts, avant lui, n’avait jamais consacré
d’étude
spécifique
au mode
de
recouvrement
des
prélèvements
obligatoires en France a donc estimé nécessaire de procéder à un état des
lieux des prélèvements à la source et, sur cette base, de dresser une
analyse approfondie des caractéristiques, avantages et inconvénients de
cette forme de recouvrement par rapport aux autres modalités de
paiement de l’impôt.
Ce faisant, cette réflexion a poursuivi un second objectif :
actualiser les termes du débat sur l’opportunité de réformer le mode de
recouvrement de l’impôt sur le revenu afin de le collecter par retenue à la
source.
En effet, la plupart des travaux réalisés sur ce sujet au cours des
années 1990 ou au début des années 2000 ont pris position en faveur
1
Conseil des impôts,
L’imposition des revenus
, XVIII
e
rapport au Président de la
République, 2000.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
10
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Cependant, le contexte
a évolué depuis lors : d’une part, plusieurs prélèvements à la source sont
apparus (contribution au remboursement de la dette sociale, ou CRDS, en
1996 ; imposition à la source des plus-values immobilières en 2004) ou
sont montés en puissance (comme la contribution sociale généralisée),
enrichissant l’expérience qui pouvait en être retirée ; d’autre part,
l’administration fiscale a engagé de nombreux chantiers de modernisation
de la gestion de l’impôt sur le revenu.
Par exemple, la montée en puissance du paiement dématérialisé de
l’impôt – notamment le paiement mensualisé – conduit peut-être à
relativiser la simplification qu’apporterait la retenue à la source. De
même, les nouveaux services offerts par l’administration fiscale aux
contribuables qui éprouvent des difficultés à payer leur impôt – par
exemple les délais de paiement, ou la possibilité de moduler ses acomptes
mensuels ou provisionnels directement sur internet, sans même solliciter
son centre de gestion – ont peut-être permis d’apporter une réponse
satisfaisante au problème posé par le décalage d’un an entre la perception
des revenus et le paiement de l’impôt correspondant.
Ces exemples montrent que des constats qui avaient pu être établis
par le passé méritent d’être réexaminés à la lumière des changements
intervenus dans le paysage socio-fiscal français.
Ainsi, il est apparu nécessaire de procéder à un travail
d’investigation décliné en deux temps.
D’une part, réaliser une étude objective et étayée des avantages et
des inconvénients du prélèvement à la source par rapport au prélèvement
sur rôle qui prévaut aujourd’hui pour l’impôt sur le revenu, cette étude
permettant de déterminer s’il existe encore des arguments qui
justifieraient un basculement de l’impôt sur le revenu à la source, et si
oui, quels seraient ces arguments.
Le prélèvement à la source supposant, malgré les débats que peut
susciter sa définition
2
, que la base imposable soit constituée d’un revenu
versé à un particulier, le Conseil des prélèvements obligatoires a
concentré ses travaux sur les prélèvements assis sur les revenus des
ménages : prélèvements sociaux (cotisations sociales, contribution sociale
généralisée…) ou fiscaux (prélèvement forfaitaire libératoire, imposition
des plus-values immobilières…) retenus à la source et, en miroir, impôt
sur le revenu.
D’autre part, le travail d’investigation s’est attaché à déterminer
comment le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu pourrait être
2
Cf.
chapitre II de la première partie du rapport.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
11
mis en oeuvre en France, à quelles conditions et avec quelles
conséquences.
Cette double démarche est apparue nécessaire pour appréhender
l’économie globale d’un système de retenue à la source de l’impôt sur le
revenu, qui peut être résumée de la façon suivante : compte tenu à la fois
des avantages théoriques qui pourraient en être attendus, et des modalités
opérationnelles qu’elle pourrait emprunter dans le cadre français, la
retenue à la source apporterait-elle une amélioration du système actuel, et
si oui à quelle(s) condition(s) ?
Le Conseil des prélèvements obligatoires s’est appuyé sur une
méthodologie reposant sur trois axes :
-
i.
d’une
part,
une
analyse
comparée
des
effets
qu’apporterait un prélèvement à la source au regard des
résultats actuels de l’impôt sur le revenu
: taux de
recouvrement, impacts sur la trésorerie des ménages ou de
l’Etat, prise en compte des variations de revenu des
contribuables, coûts de gestion des administrations… Cette
démarche a été complétée par une analyse des enjeux
juridiques et opérationnels que poserait une retenue à la source
de l’impôt sur le revenu en France ;
-
ii. d’autre part, une enquête internationale approfondie
auprès
des
principaux
pays
de
l’Organisation
de
coopération et de développement économiques
(OCDE), et
notamment de ceux qui ont choisi de prélever l’impôt sur le
revenu à la source. Le CPO a ainsi étudié treize pays dans
lesquels l’impôt sur le revenu est prélevé à la source
3
et deux
dans lesquels il est recouvré dans des conditions voisines du
nôtre
4
. Cette étude a reposé sur un dépouillement des
informations déjà existantes sur ces pays
5
, complété par
l’envoi d’un questionnaire approfondi au réseau des attachés
fiscaux et des services économiques de la direction générale
du Trésor et par des échanges directs avec les administrations
des pays concernés ;
-
iii. enfin, une large audition des principaux acteurs
concernés par une éventuelle retenue à la source de l’impôt
sur le revenu en France
. A ce titre, ont été notamment
3
Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Irlande,
Italie, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni.
4
Singapour et Suisse.
5
Cf.
par exemple la publication bisannuelle de l’OCDE :
« L’administration fiscale
dans les pays de l’OCDE »
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
12
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
rencontrés les représentants des employeurs (Medef, CGPME,
UPA), qui deviendraient les tiers payeurs de l’impôt prélevé à
la source, les représentants des salariés (CGT, CFDT, FO,
CFE-CGC)
6
, qui seraient concernés au premier chef par le
prélèvement de l’impôt sur les salaires, les représentants des
usagers de l’administration (ADUA), les professionnels de
l’édition des logiciels de paye ou encore les représentants de
l’Ordre des experts-comptables.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a choisi de réaliser ses
travaux avec l’hypothèse d’un cadre constant des prélèvements
obligatoires : les éventuelles réformes de l’impôt sur le revenu n’ont été
étudiées que dans la mesure où elles constitueraient une condition
préalable à la mise en place du prélèvement à la source. En revanche, les
débats sur l’opportunité de procéder à une réforme de l’imposition des
ménages – révision de la progressivité de l’impôt sur le revenu, fusion de
celui-ci avec d’autres prélèvements comme, par exemple, la contribution
sociale généralisée – n’entraient pas dans le champ du présent exercice et
ont donc été exclus des travaux.
Par ailleurs, les travaux se sont concentrés sur les questions de
droit interne. Les problématiques posées par la retenue à la source en
droit international n’ont pas été étudiées dans le cadre du présent
exercice.
Dans ce contexte, les travaux réalisés par le CPO sont restitués
dans le présent rapport en deux parties :
-
i. la première partie dresse le bilan comparé du
prélèvement à la source par rapport au prélèvement actuel
de l’impôt sur le revenu
. Après avoir replacé le débat sur la
retenue à la source dans une perspective historique et rappelé
les définitions possibles et le poids correspondant des
prélèvements à la source dans le champ français, la première
partie reprend les différents critères d’appréciation des modes
de recouvrement de l’impôt pour déterminer si, pour chacun
d’entre eux, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu
apporterait un progrès par rapport au système actuel. Ces
critères sont répartis en trois ensembles : les avantages à
attendre pour les contribuables ; les avantages à attendre pour
les finances publiques ; les avantages à attendre pour le
pilotage de l’économie ;
6
La CFTC n’a pas répondu aux sollicitations de la mission.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
13
-
ii
.
la seconde partie analyse les questions opérationnelles
que poserait une mise en oeuvre de la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu
. Elle expose les différents choix
possibles et leurs conséquences, en fonction des objectifs
poursuivis. Ces questions opérationnelles sont étudiées en trois
étapes : les questions relatives aux modalités de calcul de la
retenue à la source ; les questions relatives à ses modalités de
recouvrement ; enfin, les questions spécifiques posées par la
transition entre l’actuel système de recouvrement et une
éventuelle retenue à la source. La seconde partie se conclut par
une présentation des alternatives possibles au prélèvement à la
source de l’impôt sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PREMIÈRE PARTIE
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements à la source
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre I
La retenue à la source : retour sur un
débat ancien
I
-
Les origines : la brève expérience du « stoppage
à la source » et son abandon (1930-1959)
Les origines du prélèvement à la source remontent au XIX
e
siècle.
Un système de prélèvement à la source de l’impôt sur les salaires est en
effet mis en place en Prusse dès 1811. Une expérience est également
engagée aux Etats-Unis en 1862 pendant la guerre de Sécession avant
d’être interrompue dix ans plus tard.
C’est au cours de la première moitié du XX
e
siècle que le
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu se généralise dans les
principaux pays développés, notamment pendant la première guerre
mondiale (Canada) et la seconde (Pays-Bas, Australie, Etats-Unis,
Royaume-Uni), l’Allemagne adoptant quant à elle son système actuel en
1925.
En France, les premières traces du débat sur le sujet remontent aux
années 1930. Dans un contexte de montée en puissance de l’impôt sur le
revenu
7
, les réflexions se multiplient autour des nouvelles techniques et
procédures permettant de fiabiliser le recouvrement de l’impôt. La
retenue à la source apparaît ainsi dans le débat, l’enjeu étant alors résumé
en ces termes par un percepteur :
« On sait bien que le Français ne paiera
jamais l’impôt spontanément. Il faut donc l’y amener par des moyens
pour ainsi dire automatiques »
8
.
Le déclenchement de la seconde guerre mondiale et les besoins
financiers correspondants précipitent la réflexion : la retenue à la source
sur les salaires est instaurée par le décret du 10 novembre 1939 sous le
nom de
« stoppage à la source »
, avec effet au 1
er
janvier 1940. Il s’agit
d’un impôt proportionnel assis sur l’ensemble des rémunérations ; un
7
Introduit en deux étapes pendant la première guerre mondiale (1914 et 1917),
l’impôt sur le revenu concerne environ 15 % des foyers fiscaux pendant l’entre-deux
guerres.
8
Cité in N. Delalande et A. Spire,
Histoire sociale de l’impôt
, La découverte, 2010,
p. 52.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
18
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
barème simplifié est appliqué pour tenir compte des frais professionnels
et des charges de famille
9
. Les acomptes prélevés par les employeurs sont
reversés à l’administration fiscale dans les quinze jours suivant la paye.
Le système prévaut jusqu’à la réforme d’octobre 1948 : dans un
contexte de lutte contre l’inflation, le gouvernement supprime le
« stoppage à la source »
et le remplace par une taxe sur les salaires de
5 % à la charge des entreprises, appelée
« versement forfaitaire »
, cette
fois non libératoire de l’impôt sur le revenu (les salaires restant soumis à
la surtaxe progressive)
10
. Le
« versement forfaitaire »
est à son tour
abrogé par la loi du 28 décembre 1959 créant l’impôt sur le revenu unifié
et progressif dans sa forme moderne. Comme le résumait le Conseil des
impôts en 2000, la retenue à la source française
« n’aura vécu que neuf
ans sous la forme d’une retenue à la source libératoire de l’impôt sur le
revenu dite « stoppage à la source » et onze ans sous une forme
voisine »
11
.
II
-
La relance avortée du projet dans un contexte
de modernisation de l’impôt (1960-1974)
Après quelques initiatives restées sans suite sous la IV
ème
République
12
, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu est à nouveau
étudiée à partir des années 1960. Ces réflexions sont concomitantes de la
généralisation de l’impôt sur le revenu : le nombre de contribuables
assujettis passe de 5,7 millions en 1960 à 10,5 millions en 1970, soit un
doublement en dix ans et, en 1979, l’impôt sur le revenu est désormais
payé par 63,3 % des ménages contre 15 % en 1950
13
. L’enjeu est
d’assurer le recouvrement d’un impôt désormais acquitté par une
population de contribuables beaucoup plus large et parfois moins acquise
au paiement de l’impôt que celle qui y était assujettie jusqu’alors (les
indépendants ou artisans, par exemple).
9
Le quotient familial n’existant pas à cette époque, la prise en compte des charges de
famille prenait la forme d’un abattement à la base sur le revenu pour chaque enfant du
foyer.
10
L’assiette du « versement forfaitaire » différait de celle du « stoppage à la source »
puisque, désormais, l’impôt était assis sur la masse salariale, c’est-à-dire les salaires
bruts.
11
Conseil des impôts,
L’imposition des revenus
, XVIII
e
rapport au Président de la
République, 2000, p. 107.
12
Cf.
par exemple les tentatives de René Mayer en 1951 et 1953 ; cité in N. Delalande
et A. Spire,
Histoire sociale de l’impôt op. cit.
13
N. Delalande,
Les batailles de l’impôt – Consentement et résistances de 1789 à nos
jours
, Paris, Seuil, 2011.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
19
Une initiative est engagée en 1966 par le ministre des finances
Michel Debré, puis une commission d’étude installée fin 1967 sous la
présidence du secrétaire d’État à l’économie et aux finances Jacques
Chirac
14
. Mais le projet est finalement abandonné à la suite des
événements de mai 1968, son impact sur les salaires nets suscitant
l’hostilité des organisations syndicales
15
. Le texte des « accords de
Grenelle » du 27 mai 1968 indique en effet à son point 11 « fiscalité » :
« Il ne sera pas proposé d’assujettir les salariés au régime de la retenue
à la source »
.
Le sujet est à nouveau débattu suite à la publication d’un rapport
de l’Inspection générale des finances en 1971
16
. Celui-ci débouche dans
un premier temps sur la loi du 29 juin 1971 instaurant le paiement
mensualisé de l’impôt sur le revenu
17
.
Puis un projet de retenue à la source de l’impôt sur le revenu est
introduit par amendement gouvernemental en octobre 1973 lors du débat
sur le projet de loi de finances pour 1974. Le ministre des finances Valery
Giscard d’Estaing justifie alors la mesure par la nécessité de moderniser
l’impôt et de réduire les formalités administratives imposées aux
contribuables. Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, il est
finalement abandonné au cours de débat en raison de l’hostilité majeure
qu’il suscite sur deux points : la perte du lien citoyen que constitue le fait
de payer l’impôt sur le revenu et la crainte que ce projet suscite des
revendications salariales incontrôlables comme le résumait le rapporteur
général du Sénat à l’époque :
« Le salarié français a l’habitude, et c’est
du reste humain, de ne considérer que le montant net de sa feuille de
paie. Peu lui importe sa rémunération théorique si celle-ci se trouve
amputée de diverses manières. […] L’État se déchargerait ainsi sur les
employeurs de l’impopularité de la ponction fiscale ce qui, dans le climat
social français, risquerait d’entraîner de graves répercussions. On peut
craindre, par conséquent, que la retenue à la source n’entraîne des
revendications généralisées en matière de salaires »
.
Le projet est donc définitivement abandonné en 1974.
14
Gouvernement Pompidou (IV). Cité in G. Delorme,
De Rivoli à Bercy : souvenirs
d’un inspecteur des finances 1952-1998
, Comité pour l'histoire économique et
financière de la France, 2000.
15
Le prélèvement de l’impôt sur le salaire brut lors de son versement au salarié se
traduit mécaniquement par une baisse du net perçu la première année de mise en place
du système.
16
J. Delmas, P. Bilger,
Rapport au Ministre sur le recouvrement de l’impôt sur le
revenu
, Paris, 1970.
17
Loi n° 71-505 du 29 juin 1971 portant institution d’un paiement mensuel de l’impôt
sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
20
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
III
-
Les débats de la dernière décennie : la retenue
à la source, progrès ou menace pour les salariés ?
(1990-2007)
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu est à nouveau
évoquée dans le débat fiscal français à partir des années 1990.
La
modernisation
continue
des
méthodes
de
travail
de
l’administration fiscale au cours des années 1980 et les débuts de
l’informatisation permettent en effet d’envisager des solutions nouvelles
aux problèmes techniques que pouvait poser la retenue à la source. Des
sources importantes de simplification des démarches pour les usagers et
d’économies de gestion pour l’administration sont attendues de la
dématérialisation naissante des procédures déclaratives ou de paiement.
Enfin, l’introduction de la contribution sociale généralisée en 1990
fournit un exemple moderne et réussi de prélèvement à la source sur les
revenus des ménages.
Plusieurs rapports prennent position en faveur de la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu, en particulier le rapport de la mission
comparative des administrations fiscales dit « rapport Lépine » de 1999
18
et le rapport de la « Mission 2003 » publié en 2000
19
. Plusieurs travaux
s’attachent à définir des scénarios possibles de mise en oeuvre d’une telle
réforme, notamment un rapport de l’Inspection générale des finances en
1998
20
et un rapport du ministère de l’économie et des finances en 2002
21
.
Malgré ce contexte général favorable au projet - nonobstant quelques
publications plus réservées
22
voire hostiles
23
- il n’y est pas donné suite au
cours de la décennie 1990.
18
Inspection
générale
des
finances,
Mission
d’analyse
comparative
des
administrations fiscales,
mars 1999.
19
P. Champsaur, Th. Bert,
Mission 2003 : construire ensemble le service public de
demain
, ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, La documentation
française, janvier 2000.
20
Inspection générale des finances,
La mise en place d’une retenue à la source en
matière d’impôt sur le revenu
, décembre 1998.
21
Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie,
Le point sur la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu
, février 2002.
22
Conseil des impôts,
L’imposition des revenus
, XVIII
e
rapport au Président de la
République,
op. cit.
23
B. Ducamin, R. Baconnier, R. Briet,
Etude des prélèvements fiscaux et sociaux
pesant sur les ménages
, La documentation française, 1996.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
21
C’est finalement début 2007 que le sujet est débattu pour la
dernière fois : après la publication du rapport de la commission sur
l’économie de l’immatériel dit « rapport Lévy-Jouyet »
24
et à la suite
d’une annonce du Premier ministre, le ministre de l’économie Thierry
Breton engage une concertation en vue d’instaurer la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu au 1
er
janvier 2009, ajoutant :
« il n’y aura plus
qu’à appuyer sur le bouton lors du vote du PLF 2008 »
25
. Trois
personnalités qualifiées sont chargées par le gouvernement de préparer un
rapport sur les conditions de mise en oeuvre de la réforme
26
, le principal
sujet de préoccupation étant alors le problème posé par la divulgation
d’informations fiscales confidentielles aux employeurs désormais en
charge du recouvrement de l’impôt. Au même moment, un rapport
parlementaire approfondit le sujet dans la perspective plus large de la
fusion entre impôt sur le revenu et contribution sociale généralisée
27
.
Le projet du gouvernement est finalement abandonné à la suite des
échéances électorales du printemps 2007.
24
M. Lévy, JP. Jouyet,
L’économie de l’immatériel – la croissance de demain
, Paris,
2006. Le rapport prend position en faveur de la retenue à la source de l’impôt sur le
revenu (
cf.
recommandation n° 26).
25
Th. Breton, « Je propose que 2008 soit une année de non imposition », interview du
ministre de l’économie, des finances et de l’industrie in
Les Echos
n° 19 817 du
18 décembre 2006.
26
R. Viricelle, C. Bébéar, F. Auvigne,
Rapport sur les modalités de mise en oeuvre du
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France
, La documentation
française, mars 2007.
27
Didier Migaud,
Le prélèvement à la source et la fusion de l’impôt sur le revenu et
de la CSG
, Rapport d’information n° 3779, Assemblée nationale, mars 2007.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre II
Définitions et périmètre des
prélèvements à la source
I
-
Plusieurs approches sont possibles pour définir
le prélèvement à la source
A - L’approche par le tiers payeur conduit à retenir une
acception étroite des prélèvements à la source
Le prélèvement à la source
28
peut d’abord être défini selon un
critère organique : serait un prélèvement à la source
tout prélèvement
obligatoire assis sur le revenu des ménages mais recouvré par le tiers
payeur de ce revenu
, en général une entreprise (employeur, banque) ou
une institution (caisse de retraite par exemple),
au moment de son
versement
. Le prélèvement à la source se caractériserait donc par la
différenciation qu’il imposerait entre le redevable de l’impôt, d’une part,
et la personne qui réalise le paiement, d’autre part.
Ainsi, l’INSEE, dans son glossaire en ligne, définit le prélèvement
à la source comme
« un mode de recouvrement de l'impôt consistant à
faire prélever son montant par un tiers payeur, le plus souvent
l'employeur ou le banquier, au moment du versement au contribuable des
revenus sur lesquels porte l'impôt »
29
. De même, l’administration fiscale
suisse indique que le prélèvement à la source est
« une procédure suivant
laquelle le débiteur d'une prestation représentant un revenu imposable
pour son bénéficiaire déduit directement l'impôt dû sur cette prestation et
le verse ensuite aux autorités fiscales »
, le débiteur agissant pour le
compte du bénéficiaire de la somme imposable.
28
Les expressions
« prélèvement à la source »
et
« retenue à la source »
n’ont
a
priori
jamais été distinguées par le passé. Il est donc proposé de les utiliser
indifféremment.
29
www.insee.fr.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
24
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Cette approche du prélèvement à la source restreint naturellement
le champ des prélèvements concernés : elle ne s’applique qu’aux revenus
versés à des particuliers et qui peuvent faire l’objet d’un versement par un
tiers. Elle exclut donc par construction les prélèvements sur les
entreprises, ainsi que, au sein des prélèvements sur les ménages, ceux qui
sont assis sur des assiettes autres que le revenu (comme, par exemple, le
patrimoine).
A cette aune, plusieurs prélèvements obligatoires se distinguent
naturellement comme des prélèvements à la source :
-
les cotisations sociales salariales, assises sur les rémunérations
(définies à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale), sur
certains revenus de remplacement et sur certains revenus du
capital, et payées par l’employeur, l’organisme de versement des
revenus de remplacement ou l’établissement financier ;
-
les prélèvements tels que la contribution sociale généralisée
(CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette
sociale (CRDS), reposant sur des assiettes et des modalités de
recouvrement proches de celles des cotisations salariales ;
-
certains prélèvements fiscaux assis sur les revenus des ménages
et prélevés par des tiers : le prélèvement forfaitaire libératoire
(PFL) assis sur certains revenus du capital et recouvré par les
établissements
financiers ;
l’impôt
sur
les
plus-values
immobilières (PVI), recouvré depuis 2004 par les notaires lors de
la transaction ; certains cas particuliers de l’impôt sur le revenu,
comme celui qui s’applique aux contribuables non résidents.
En revanche, sont exclus du champ des prélèvements à la source
l’ensemble des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, tels
que l’impôt sur les sociétés (IS) ou la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
La question aurait pu se poser pour la TVA dans la mesure où,
stricto sensu
, la TVA est assise sur la valeur ajoutée créée par
l’entreprise, mais où, dans les faits, elle est payée par le consommateur
lors de l’achat des biens ou services mis en vente, consommateur qui
aurait pu alors faire office de tiers payeur. Toutefois, la définition du
prélèvement à la source par le tiers payeur permet de lever toute
ambiguïté : dans le cadre de la TVA, le redevable de l’impôt, l’entreprise,
est également l’acteur qui précompte l’impôt lors de l’encaissement du
chiffre d’affaire, et qui le reverse ensuite à l’administration ; il n’existe
pas de tiers versant à l’entreprise son « revenu imposable » (la valeur
ajoutée ne se réduit pas au chiffre d’affaire et n’est obtenue qu’après les
retraitements comptables que seule l’entreprise peut effectuer) et
précomptant l’impôt pour le compte de l’administration.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
25
Sont également exclus du champ des prélèvements à la source les
prélèvements sur le patrimoine, tels que l’impôt de solidarité sur la
fortune (ISF) ou les taxes foncières (TF) : par définition, un patrimoine
n’est pas un
« revenu versé par un tiers »
qui pourrait faire l’objet d’un
prélèvement
lors
de
son
« versement »
.
Enfin,
sont
exclus
les
prélèvements sur le revenu acquittés par le contribuable lui-même sans
recours à un tiers : impôt sur le revenu des personnes physiques (IR) et,
plus indirectement, taxe d’habitation.
La définition par le tiers payeur conduit également à exclure du
champ des prélèvements à la source les cotisations sociales employeur :
en effet, celles-ci sont dues par une entreprise, et non pas par un
contribuable particulier ; de ce fait, elles ne font pas intervenir un tiers
payeur : l’entreprise, qui est le redevable de l’impôt, est également
l’acteur qui verse cet impôt à l’administration.
B - L’approche par la concordance des opérations
d’assiette et de recouvrement débouche sur un
périmètre plus large
Une approche alternative de la retenue à la source peut être
recherchée dans un critère matériel : serait un prélèvement à la source
tout
prélèvement
obligatoire
dont
le
recouvrement
intervient
simultanément à la formation de l’assiette
.
Cette approche trouve son origine dans la notion
« d’imposition
des revenus courants »
esquissée par exemple par le Conseil des impôts
en 2000
30
. Elle peut également être rapprochée de l’expression
« pay as
you earn »
qui fut mise en avant aux États-Unis à partir de 1942 pour
promouvoir le projet de loi sur la retenue à la source de l’impôt sur le
revenu, lui-même significativement intitulé
« loi sur le paiement
contemporain de l’impôt »
31
.
Dans cette approche, l’élément clef est que le
paiement de l’impôt
survient au moment même où la base imposable apparaît, c’est-à-dire au
moment de la
formation de l’assiette
:
-
l’assiette est la base (salaire, revenu de remplacement…),
valorisable financièrement, sur laquelle sera appliqué un barème
(taux, droits
ad valorem
...) afin de liquider l’impôt ;
30
Conseil des impôts,
L’imposition des revenus
, XVIIIe rapport au Président de la
République
op. cit.
31
Current Tax payment Act
, adopté le 9 juin 1943.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
26
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
le paiement de l’impôt est le moment où l’impôt est prélevé par
l’acteur chargé de le reverser à l’administration. Dans les faits,
l’impôt n’est pas toujours reversé instantanément : des délais de
trésorerie sont consentis par l’État à l’acteur chargé de verser
l’impôt. Mais l’important est que l’impôt pourrait être
aussitôt
reversé ;
-
la concordance entre formation de l’assiette et paiement de
l’impôt suppose que la liquidation de l’impôt soit également
réalisée simultanément aux deux autres opérations : pour que le
paiement ait lieu, il faut que l’impôt ait été calculé.
L’approche par la simultanéité assiette / recouvrement confirme le
périmètre des prélèvements à la source identifié via l’approche par le tiers
payeur : les cotisations sociales des salariés, la CSG ou encore le
prélèvement
forfaitaire
libératoire
sont
calculés
(liquidation)
et
précomptés
(opération
par
laquelle
le
paiement
de
l’impôt
à
l’administration devient possible) au moment même où le salaire, le
revenu de remplacement ou encore le revenu du capital sont versés au
contribuable, c’est-à-dire au moment où se forme la base taxable.
A l’inverse, les prélèvements sur les entreprises sont exclus du
champ des prélèvements à la source, puisque leur assiette n’est connue
qu’après la réalisation de certains retraitements, alors même qu’elle se
forme en continu : le bénéfice imposable à l’IS se forme au fur et à
mesure de l’activité de l’entreprise, mais n’est connu qu’en fin d’exercice
comptable ;
idem
pour l’assiette de la TVA, qui n’est connue qu’après
imputation des déductions, ou pour celle des accises, la mise à la
consommation des produits, qui n’est pas réalisée simultanément à la
fabrication de ceux-ci.
L’impôt sur le revenu est lui aussi exclu du périmètre puisqu’il est
mis en recouvrement
après
qu’il a été procédé à la liquidation de l’impôt,
via l’envoi de la déclaration de revenu par le contribuable et l’émission
d’un avis d’imposition par l’administration. Quant aux prélèvements assis
sur le patrimoine - taxes foncières, impôt de solidarité sur la fortune et,
dans une certaine mesure, taxe d’habitation
32
- ils sont incompatibles avec
cette acception du prélèvement à la source puisque, par construction, un
stock de patrimoine ne se forme qu’une fois, alors que l’imposition du
patrimoine est récurrente.
32
L’assiette de la taxe d’habitation repose sur la valeur locative nette du logement,
même si l’impôt est calculé en tenant compte des revenus du ménage. L’assiette ne se
forme donc qu’une fois, lorsque le bien immobilier est construit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
27
En revanche, à la différence de l’approche précédente, l’approche
de la retenue à la source par la simultanéité assiette / recouvrement
conduit à inclure les cotisations sociales patronales dans le champ des
prélèvements à la source : en effet, de la même manière que pour les
cotisations salariales, les cotisations patronales sont liquidées et
précomptées au moment même où l’assiette se forme (versement du
salaire, du revenu de remplacement, ou du produit de la rémunération du
capital).
II
-
Selon ces approches, les prélèvements à la
source représentent entre un quart et la moitié du
total des prélèvements obligatoires
A - Les prélèvements à la source actuellement en
vigueur en France peuvent être répartis
en trois catégories
Exception faite des cotisations sociales employeur, les deux
approches de la retenue à la source présentées ci-dessus permettent
d’identifier le même périmètre des prélèvements à la source. Ces derniers
peuvent être regroupés en trois catégories.
1 -
Les cotisations sociales
Indépendamment de la distinction cotisation employeur / cotisation
salarié, les cotisations sociales constituent en partie des prélèvements à la
source. C’est le cas pour :
-
les cotisations sur les rémunérations versées aux travailleurs
salariés :
o
cotisations de sécurité sociale ;
o
cotisations d’assurance-chômage ;
o
cotisations aux régimes de retraite complémentaire
obligatoires.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
28
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Encadré n° 1 : La notion de rémunération selon le code
de la sécurité sociale
L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale définit les rémunérations
comme
« toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à
l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de
congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les
indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les
avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par
l'entremise d'un tiers à titre de pourboire »
.
Le même article précise que la notion de rémunération comprend également
les compensations salariales d'une perte de rémunération induite par une
mesure de réduction du temps de travail, ainsi que la plus-value réalisée lors
de l’exercice d’une option de souscription d’actions dans certains cas.
Les rémunérations versées aux travailleurs salariés se distinguent notamment
des revenus d’activité des travailleurs indépendants (articles L. 131-6 et
L. 242-11).
-
les cotisations sur les revenus de remplacement :
o
cotisations de sécurité sociale destinées à la branche
maladie (prélevées sur les allocations chômage
33
, les
pensions
de
retraites
complémentaires
et
supplémentaires
34
et sur les revenus de remplacement
perçus en France par des non résidents) ;
o
cotisations aux régimes de retraite complémentaire
obligatoire (prélevées sur les allocations chômage).
Qu’elles soient assises sur les salaires ou sur les revenus de
remplacement, les cotisations sont prélevées par l’organisme débiteur du
revenu lors du
versement de celui-ci à son bénéficiaire. Ainsi, s’agissant
des cotisations sur les salaires, l’article L. 243-1 du code de la sécurité
sociale dispose que «
la contribution du salarié est précomptée sur la
rémunération ou le gain de l'assuré lors de chaque paye. (…) Le
paiement de la rémunération effectué sous déduction de la retenue de la
contribution du salarié vaut acquit de cette contribution à l’égard du
salarié de la part de l’employeur »
.
Une fois le précompte réalisé, l’organisme débiteur du revenu
(l’employeur pour les rémunérations ; l’organisme verseur du revenu de
remplacement, par exemple la caisse de retraite, pour ces derniers)
dispose d’un délai généralement mensuel pour reverser les cotisations
ainsi prélevées à l’administration en charge de les recouvrer : unions pour
33
Les titulaires de ces allocations peuvent bénéficier d’une réduction ou exonération
si l’allocation est inférieure à un certain montant.
34
Des exonérations existent pour les titulaires qui bénéficient d’une exonération ou
d’une exemption de l’impôt sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
29
le recouvrement des cotisations sociales et d’allocations familiales
(URSSAF), association pour le régime de retraite complémentaire des
salariés (ARRCO) et association générale des institutions de retraite des
cadres (AGIRC), ou encore mutualité sociale agricole (MSA).
L’organisme débiteur du revenu fait donc office de tiers payeur
chargé de recouvrer le prélèvement pour le compte de l’administration.
Par ailleurs, il y a concordance entre la formation de l’assiette
(le versement du salaire ou du revenu de remplacement) et le précompte
de la cotisation par le tiers payeur.
A contrario
, les cotisations sociales assises sur le revenu des
travailleurs indépendants ne sont pas prélevées à la source : elles sont
payées par le redevable lui-même (et non par un tiers), suite à l’émission
d’un appel de cotisation, même si, dans le cas des artisans et
commerçants, des acomptes (mensuels ou trimestriels) sont versés par le
contribuable l’année même au titre de laquelle ces acomptes sont dus (les
cotisations dues au titre de l’année
n
sont payées l’année
n
, avec une
régularisation en
n+1
).
2 -
Les prélèvements sociaux de nature fiscale
Quatre prélèvements sociaux de nature fiscale sont partiellement
ou entièrement retenus à la source : la contribution sociale généralisée, la
contribution au remboursement de la dette sociale, la contribution
solidarité autonomie et le versement transport.
-
la
contribution
sociale
généralisée
(CSG)
:
certaines
composantes de la CSG sont retenues à la source :
o
la CSG sur les revenus d’activité et les revenus de
remplacement
(articles L. 136-1 à L. 136-5 du code de
la sécurité sociale) : elle est retenue à la source sur les
rémunérations
versées
aux
travailleurs
salariés
(
cf.
encadré n° 1 ci-dessus) au taux de 7,5 % et sur les
revenus de remplacement auxquels elle s’applique
(indemnités journalières de sécurité sociale (au taux de
6,2 %), allocations chômage (au taux de 6,2 %),
pensions d’invalidité et de retraite (au taux de 6,6 % ou
3,8 % si le contribuable perçoit de faibles revenus),
retraites complémentaires et supplémentaires (
idem
)). En
revanche, la CSG prélevée sur les revenus d’activité des
travailleurs indépendants n’est pas prélevée à la source ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
30
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
o
la CSG sur les produits de placement
(article L. 136-7
du code de la sécurité sociale) : assise sur les revenus
mobiliers (produits de placement à revenu fixe ou
variable)
35
et sur les plus-values immobilières au taux de
8,2 %, elle constitue également un prélèvement à la
source. A titre plus anecdotique, on peut ajouter la CSG
sur les sommes engagées ou produits réalisés à
l’occasion des jeux (article L. 136-7-1 du code de la
sécurité sociale
36
).
-
la contribution au remboursement de la dette sociale
(CRDS) :
la CRDS constitue un prélèvement à la source dans les
mêmes limites que la CSG, c’est-à-dire lorsqu’elle s’applique
aux rémunérations versées aux travailleurs salariés, aux revenus
de remplacement
37
, et aux produits de placement ;
-
la contribution solidarité autonomie
(CSA) : créée par la loi
n° 2004-626 du 26 juin 2004 relative à la solidarité pour
l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées,
la contribution solidarité autonomie est prélevée à un taux de
0,3 % sur
« la même assiette que les cotisations patronales
d'assurance maladie affectées au financement des régimes de
base de l'assurance maladie »
. Elle est également
« recouvrée
dans les mêmes conditions
et sous les mêmes garanties que
lesdites cotisations »
(article 11 de la loi précitée). Sous la
réserve de la distinction précitée entre cotisations salariales et
cotisations employeur
38
, la CSA peut donc également être
considérée comme un prélèvement à la source ;
35
Certains produits de placement sont exonérés de CSG et de CRDS : livrets A,
livrets jeunes, livrets d’épargne populaire, livrets d’épargne entreprise, lots et primes
de remboursement.
36
Taux de 9,5 % sur la fraction égale à 68 % du produit brut des jeux automatiques
des casinos et taux de 12 % sur tous les gains d'un montant supérieur ou égal à 1 500
euros réglés aux joueurs par des bons de paiement manuels.
37
Les revenus de remplacement auxquels s’applique la CRDS sont les mêmes que
ceux concernés par la CSG (indemnités journalières, allocations chômage, pensions
d’invalidité et de retraite, retraites complémentaires et supplémentaires), auxquels il
faut ajouter le revenu de solidarité active et les prestations familiales.
38
Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 indiquait :
« Juridiquement, la contribution solidarité autonomie (CSA) repose sur les
employeurs, et non directement sur les ménages. Cependant, l’existence de la journée
dite de solidarité conduit de facto à faire reposer ce prélèvement sur les ménages »
(Conseil des prélèvements obligatoires,
Prélèvements obligatoires sur les ménages.
Progressivité et effets redistributifs
, mai 2011, p. 322).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
31
-
le versement transport :
instauré par la loi n° 71-559 du
12 juillet 1971, le versement transport, dû par les employeurs
d’entreprises de plus de 9 salariés, est assis sur l’assiette des
rémunérations et recouvré dans les mêmes conditions que les
cotisations sociales employeur (article L. 2333-69 du code
général des collectivités territoriales). Sous la réserve de la
distinction précitée entre cotisations salariales et cotisations
employeur, le versement transport peut donc également être
considéré comme un prélèvement à la source.
La CSG, la CRDS, la CSA et le versement transport sont recouvrés :
-
s’agissant de l’imposition des rémunérations et des revenus de
remplacement, selon les mêmes modalités que les cotisations
sociales : précompte par l’employeur ou l’organisme verseur du
revenu de remplacement lors du versement du revenu, puis
transfert à l’administration du produit collecté ;
-
s’agissant de l’imposition des produits de placement, selon un
précompte par l’organisme qui verse ces produits (banque,
assureur, comptable de l’entreprise qui verse les dividendes,
notaire lors de la signature de l’acte de vente du bien immobilier)
au moment de leur versement, puis un reversement du précompte
à l’administration dans un délai de quinze jours.
En revanche, les autres composantes de la CSG et de la CRDS ne
sont pas prélevées à la source :
-
la CSG et la CRDS sur les revenus des indépendants sont
recouvrées dans les mêmes conditions que les cotisations sociales
de ces contribuables (
cf.
1 -
ci-dessus : paiement par le
contribuable suite à l’émission d’un appel) ;
-
la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine (revenus
fonciers, plus-values et rentes viagères principalement ;
cf.
article
L. 136-6 du code de la sécurité sociale) sont payées par le
contribuable lui-même, suite à l’émission d’un rôle spécifique
par l’administration fiscale, un an après la perception des revenus
correspondants.
3 -
Les prélèvements fiscaux
Plusieurs prélèvements fiscaux sont prélevés à la source. Les
principaux sont :
-
le prélèvement forfaitaire libératoire
(article 125 A du code
général des impôts) : il est ouvert sur option aux contribuables
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
32
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
assujettis à l’impôt sur le revenu pour l’imposition de certains
revenus de capitaux mobiliers :
o
les produits de placements à revenu fixe : obligations et
autres titres d’emprunt négociables, créances, dépôts,
cautionnements et comptes courants, bons du Trésor…,
lorsqu’ils ne sont pas intégralement exonérés d’impôt
sur le revenu (article 125 A, I du code général des
impôts). L’application du prélèvement forfaitaire est en
principe facultative et subordonnée à une option
expresse du bénéficiaire des revenus. Cependant, il est
opéré d’office sur les produits de certains placements
(par
exemple
bons
des
caisses
d’épargne),
le
contribuable conservant néanmoins la possibilité d’opter
pour le régime de droit commun (article 125 A, II du
code général des impôts) ;
o
les dividendes et distributions assimilées perçus par les
personnes physiques, en principe soumis à l’impôt sur le
revenu au barème progressif après application d’un
abattement de 40 % et d’un abattement fixe annuel.
Toutefois,
le
contribuable
peut
opter
pour
leur
assujettissement à un prélèvement forfaitaire libératoire
de l’impôt sur le revenu au taux de 19 % (depuis 2011)
auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux.
Le
prélèvement
forfaitaire
libératoire
est
recouvré
par
l’établissement payeur du produit des placements mobiliers
(banque, assurance) et versé au service des impôts des non-
résidents au plus tard le 15 du mois suivant le paiement des
revenus. Il est libératoire de l’impôt sur le revenu, ce qui signifie
que les revenus qui lui ont été soumis n’ont plus à être déclarés
au titre de l’impôt sur le revenu.
-
l’imposition des plus-values immobilières
(articles 150 U et
150 UV du code général des impôts) : depuis 2004, les plus-
values immobilières se sont plus soumises au barème de l’impôt
sur le revenu. Elles font l’objet d’un prélèvement proportionnel
au taux forfaitaire de 19 %, qui est retenu à la source par le
notaire lors de la signature de l’acte de vente puis reversé à
l’administration fiscale ;
-
les retenues à la source spécifiques de l’impôt sur le revenu :
par exception au régime de recouvrement de droit commun de
l’impôt sur le revenu, certains revenus spécifiques sont recouvrés
par voie de retenue à la source. Il s’agit notamment :
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
33
o
des traitements, salaires, pensions et rentes viagères,
de source française, servis à des personnes qui ne
sont pas fiscalement domiciliées en France
(article 182
A du code général des impôts) : ces revenus sont soumis
à une retenue à la source selon un barème à deux
tranches (12 % pour la fraction des revenus comprise
entre 13 170 euros et 38 214 euros ; 20 % pour la
fraction des revenus supérieure à 38 214 euros) ;
o
des rémunérations des auteurs, artistes et sportifs
lorsqu’ils sont domiciliés en France (article 182 C du
code général des impôts ; retenue de 15 %) ;
o
des indemnités de fonction perçues par les titulaires
de mandats électifs locaux
39
(article 204-0
bis
du code
général des impôts) : elles sont imposées sur option à un
taux forfaitaire libératoire correspondant au barème de
droit commun de l’impôt sur le revenu (article 197 du
code général des impôts).
B - Ces prélèvements représentent entre le quart
et la moitié du total des prélèvements obligatoires
La partie précédente permet d’identifier deux périmètres des
prélèvements à la source :
-
un périmètre « restrictif »
correspondant à l’approche par les
tiers
payeurs :
cotisations
sociales
salariales
sur
les
rémunérations et revenus de remplacement ; contribution sociale
généralisée et contribution au remboursement de la dette sociale
sur les rémunérations, sur les revenus de remplacement et sur les
produits de placement ; prélèvement forfaitaire libératoire ; plus-
values immobilières ; retenues à la source de l’impôt sur le
revenu ;
-
un périmètre « large »
correspondant à l’approche par la
simultanéité assiette / recouvrement : outre les prélèvements de
la liste précédente, celui-ci ajoute les cotisations sociales
employeur, la contribution solidarité autonomie et le versement
transport.
39
Membres des conseils municipaux, des conseils d'arrondissement, des conseils
généraux et des conseils régionaux et membres des comités économiques et sociaux
(
cf.
article 41 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice
des mandats locaux) et élus intercommunaux. En revanche, l’indemnité perçue par les
membres du Parlement est imposable à l'impôt sur le revenu dans les conditions de
droit commun (
cf.
article 43 de la loi précitée).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
34
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 1 : Produit des principaux prélèvements à la source en 2010
(en millions d’euros)
Prélèvements à la source
Produit 2010
Cotisations sociales salariales
(hors indépendants)
88 103
CSG (hors revenus du patrimoine)
40
80 031
CRDS
41
6 047
Plus-values immobilières
5 917
PFL
4 818
Retenues à la source de l’impôt sur le revenu
446
Total périmètre « restrictif »
185 362
Cotisations sociales employeur
234 437
CSA
2 188
Versement transport
6 359
Total périmètre « large »
428 346
Total prélèvements obligatoires
822 100
Périmètre « restrictif » en %
22,55 %
Périmètre « large » en %
52,10 %
Sources : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution 2012
(CRDS, PFL, retenues à la source de l’IR, CSA, versement transport, total
PO) ; Rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale pour
2012 (cotisations régime général et complémentaires, CSG) ; Rapport
financier 2010 de l’Unedic (cotisations chômage) ; DGFiP (PVI).
Ainsi, selon le périmètre retenu, les prélèvements à la source
représentent entre un quart (approche par les tiers payeurs) et la moitié
(approche par la simultanéité assiette / recouvrement) du total des
prélèvements
obligatoires.
L’ampleur
de
cette
différence
résulte
directement du poids des cotisations sociales employeur, qui sont exclues
par la première approche mais incluses par la seconde.
40
Il n’a pas été possible d’isoler la CSG acquittée par les indépendants au sein de la
CSG sur les revenus d’activité.
41
Il n’a pas été possible d’isoler la CRDS sur les revenus du patrimoine et la CRDS
acquittée par les indépendants.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
35
Graphique n° 1 : Poids respectif des prélèvements à la source dans le
total des prélèvements obligatoires en France en 2010 suivant l’approche
restrictive (colonne de gauche) et l’approche large (colonne de droite)
23%
52%
77%
48%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
Approche restrictive
(tiers payeurs)
Approche large
(simultanéité)
Prélèvements à la source
Autres prélèvements
Source : CPO.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre III
Prélèvements à la source et prise en
compte des intérêts des contribuables
La capacité des prélèvements à la source à mieux répondre aux
préoccupations des contribuables peut être appréhendée sous trois angles :
la simplicité des démarches à accomplir pour déclarer ses revenus et
payer son impôt ; la possibilité de bénéficier d’un ajustement rapide de
l’impôt si les revenus diminuent ; la faculté de mieux comprendre le
montant des impôts acquittés et de participer de façon plus éclairée au
débat fiscal.
I
-
Le prélèvement à la source permet-il de
simplifier les démarches des contribuables ?
A - Plusieurs éléments pourraient laisser penser que le
prélèvement à la source simplifie les démarches
du contribuable
1 -
Le sentiment général d’une plus grande simplicité
du prélèvement à la source
Dans un sondage réalisé en 2003 sur l’hypothèse d’une mise en
place de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, la première
motivation mise en avant par les personnes favorables à l’idée était la
« simplicité » qui résulterait, selon elles, du nouveau système (42 % de
citations en premier), loin devant les autres arguments
42
. De même, la
« Mission 2003 » estimait en 1999 que
« l’ensemble [des difficultés liées
à la complexité des procédures déclaratives] pourrait (…) être résolu,
comme l’ont fait tous nos partenaires, par un système de retenue à la
source sur les revenus de l’année courante »
43
.
42
Conseil des impôts,
Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale,
XX
ème
rapport au Président de la République
,
2003, p. 32.
43
P. Champsaur, Th. Bert,
Mission 2003 op. cit
, p. 106.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
38
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
De fait, le prélèvement à la source est associé à une grande
simplicité de gestion pour le contribuable, celui-ci semblant dispensé de
toute démarche pour calculer ou payer son impôt. Les principaux
prélèvements présentés dans le chapitre précédent illustrent ce sentiment :
qu’il s’agisse des cotisations sociales, de la CSG ou encore de la CRDS,
le contribuable n’a aucune démarche déclarative à réaliser, et le paiement
est effectué directement par son employeur sans qu’il ait besoin
d’intervenir. La situation contraste avec les démarches à réaliser
s’agissant de l’impôt sur le revenu : le contribuable doit remplir sa
déclaration de revenus, puis payer par lui-même l’impôt. On pourrait en
déduire que le prélèvement à la source est un facteur de simplification des
démarches à accomplir pour le contribuable.
2 -
L’exemple du choix entre impôt sur le revenu et prélèvement
forfaitaire libératoire
Un autre exemple semble conforter cette approche. Il existe en
effet un cas dans le système fiscal français où le contribuable peut choisir
entre un impôt sur rôle et un impôt prélevé à la source : l’imposition des
revenus du capital. Le contribuable peut décider, soit de les déclarer avec
l’ensemble de ses autres revenus pour les soumettre au barème progressif
de l’impôt sur le revenu ; soit d’opter pour le prélèvement forfaitaire
libératoire qui, comme cela a été présenté au chapitre précédent, est un
prélèvement à la source.
La différence entre les deux prélèvements est d’abord une
différence de mode de calcul : avec l’impôt sur le revenu, les revenus du
capital se voient appliquer le barème progressif et donc, suivant la tranche
marginale dans laquelle se situe le contribuable, un taux d’imposition
pouvant aller de 5,5 % (fraction des revenus inférieure à 11 896 euros) à
41 % (fraction des revenus supérieure à 70 830 euros). En revanche, avec
le prélèvement forfaitaire libératoire, les revenus du capital se voient
appliquer un taux unique proportionnel de 21 % (pour les dividendes) ou
24 % (pour les intérêts)
44
, quels que soient les revenus dont le
contribuable dispose par ailleurs. On pourrait donc s’attendre à ce que les
contribuables procèdent au choix entre l’un ou l’autre de ces deux
prélèvements uniquement en fonction du taux qui est le plus avantageux
pour eux.
44
Depuis le 1
er
janvier 2012. Le taux était auparavant de 19 % (revenus de 2011)
voire 18 % (revenus de 2010 et antérieurs) pour l’ensemble des revenus du capital
(intérêts et dividendes).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
39
Or il n’en est rien : l’analyse des 7,85 millions de foyers ayant
opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire en 2009 pour l’imposition
de leurs dividendes ou de leurs intérêts montre que seule une minorité
(1,8 millions, soit 23 %) avait un intérêt financier à choisir cette option.
Les autres redevables, soit n’avaient pas d’intérêt à choisir une option
plutôt que l’autre et ont pourtant choisi le prélèvement forfaitaire
libératoire (1,9 millions de foyers, soit 24 %), soit auraient eu intérêt à
opter pour le barème de l’impôt sur le revenu afin de payer moins
d’impôts (4,2 millions de foyers, soit 52 %) même si le montant moyen
de leur gain aurait été limité (77 euros par foyer)
45
.
Graphique n° 2 : Intérêt financier des contribuables ayant opté pour le
prélèvement forfaitaire libératoire plutôt que l’impôt sur le revenu
(% du nombre de contribuables ayant opté pour le PFL en 2009)
23%
24%
53%
Intérêt financier à choisir le
PFL
Choix neutre financièrement
Perte financière à choisir le
PFL
Source : Direction générale des finances publiques.
Si trois quarts des contribuables qui choisissent le prélèvement
forfaitaire libératoire n’y ont pas d’intérêt financier, voire en sont
pénalisés financièrement, c’est peut-être parce qu’ils y trouvent d’autres
avantages. La simplicité du paiement de ce prélèvement, liée au fait qu’il
est retenu à la source (pas de nécessité de renseigner la déclaration de
revenus, pas de démarche à effectuer pour le paiement), pourrait être l’un
de ces avantages.
Toutefois, dans le cas d’espèce, d’autres explications peuvent
être avancées : l’option pour le prélèvement libératoire étant proposée
lors de la souscription du produit d’épargne, à la banque, il est possible
que le contribuable choisisse cette option par méconnaissance des termes
du choix entre prélèvement libératoire et imposition au barème. Par
45
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
40
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ailleurs, l’option pour le prélèvement libératoire, une fois souscrite, étant
renouvelée chaque année par tacite reconduction, il est également
possible que des contribuables aient choisi cette option lorsqu’ils y
avaient un intérêt mais que, leurs revenus ayant évolué entretemps, cet
intérêt se soit perdu sans qu’ils aient procédé à une réévaluation de leur
situation.
Ainsi, la comparaison entre impôt sur le revenu et prélèvement
forfaitaire libératoire n’est pas réellement conclusive. Une analyse plus
détaillée de l’impôt sur le revenu actuel est nécessaire pour déterminer si
une retenue à la source apporterait des simplifications.
B - En réalité, les démarches à accomplir pour le calcul
de l’impôt dépendent avant tout de la complexité de
l’impôt lui-même, et non pas de son mode de paiement
Les formalités déclaratives – remplir une déclaration de revenus,
informer l’administration d’un changement de situation personnelle
(changement
de
domicile,
divorce…),
vérifier
les
informations
communiquées par l’administration dans l’avis d’imposition (taux
d’imposition, échéancier de paiement…) – ne sont pas liées au mode de
recouvrement de l’impôt (retenue à la source ou autre), mais à son mode
de calcul :
-
les impôts non personnalisés
, c’est-à-dire dont le mode de
calcul ne tient pas compte des caractéristiques individuelles du
contribuable, ne nécessitent pas de formalités déclaratives
importantes. C’est le cas de la contribution sociale généralisée ou
du prélèvement forfaitaire libératoire : le taux d’imposition de
ces deux prélèvements (par exemple 7,5 % des rémunérations
pour la CSG) ne tient compte, ni de la situation conjugale ou
familiale du contribuable (le taux est le même pour un
contribuable célibataire ou un contribuable marié avec enfants),
ni des revenus dont il dispose par ailleurs (le taux est le même
pour un contribuable aisé et un contribuable modeste), ni des
dépenses qu’il a engagées au cours de l’année fiscale (et qui
pourraient lui ouvrir droit, dans le cadre de l’impôt sur le revenu,
à un abattement ou une réduction d’impôt). Dans ces conditions,
la seule information à connaître pour prélever l’impôt est le
montant de l’assiette imposable : montant du salaire brut pour la
CSG sur les rémunérations, montant des dividendes ou des
intérêts perçus pour le prélèvement forfaitaire libératoire. Cette
information est aisément identifiable par l’entité chargée de
verser
le
revenu
(l’employeur
ou
la
banque)
et
par
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
41
l’administration, sans qu’il soit besoin que le contribuable
communique des informations complémentaires. C’est pourquoi
la CSG ou le prélèvement forfaitaire libératoire n’appellent pas
de démarches particulières de la part du contribuable, sauf
exception.
-
les impôts personnalisés
, en revanche, impliquent par essence
des démarches complémentaires. En effet, l’entité en charge de
calculer l’impôt et / ou de le recouvrer a besoin de connaître
différentes informations dont la plupart ne peuvent être
communiquées que par le contribuable lui-même : situation de
famille, existence de revenus autres que salariaux, utilisation de
dépenses fiscales ... C’est pour cette raison qu’il est demandé au
contribuable de remplir une déclaration et, le cas échéant, de
fournir des informations complémentaires, comme dans le cadre
de l’impôt sur le revenu.
Ainsi, la simplicité déclarative des prélèvements à la source en
France tient plus au caractère non personnalisé de leur mode de calcul
qu’au fait qu’ils soient prélevés à la source.
Or, il n’existe pas de lien automatique entre ces deux dimensions :
un impôt peut être d’un calcul simple sans être pour autant prélevé à la
source, comme l’illustre l’exemple de la contribution à l’audiovisuel
public (ancienne redevance audiovisuelle ; montant forfaitaire de 123
euros par foyer fiscal en métropole, paiement adossé à celui de la taxe
d’habitation) ; inversement, un impôt prélevé à la source peut être
personnalisé et d’un calcul complexe, entraînant des démarches
déclaratives parfois lourdes.
Sur ce dernier point, les comparaisons internationales fournissent
un exemple éclairant : parmi les 13 pays qui prélèvent l’impôt sur le
revenu à la source et qui ont été étudiés dans le cadre du présent
exercice
46
:
-
les deux seuls pays dans lesquels un faible nombre de
contribuables continuent de remplir une déclaration annuelle de
revenus (Danemark avec 17,5 % des contribuables et Royaume-
Uni avec 25 % des contribuables) sont également deux pays dans
lesquels l’impôt sur le revenu est faiblement personnalisé :
o
le taux d’imposition du contribuable ne tient compte, ni
de sa situation conjugale, ni de sa situation familiale
(au Royaume-Uni, la politique familiale passe par le
46
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales et introduction du
présent rapport.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
42
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
versement d’une prestation compensatoire, le
child tax
credit
, qui n’influe pas sur le taux d’imposition) ;
o
le barème est simple : au Royaume-Uni, la quasi-totalité
des contribuables sont situés dans la première (20 %) ou
la deuxième tranche (40 %, revenus annuels inférieurs à
150 000 £, soit environ 180 000 euros) ; au Danemark, le
barème est limité à trois taux d’imposition ;
o
les contribuables ne peuvent utiliser qu’un nombre
limité de dépenses fiscales pouvant réduire leur taux
d’imposition.
Ainsi, le taux appliqué par l’employeur sur la feuille de paye ne
tient compte que d’un nombre limité d’informations (existence de
revenus complémentaires du contribuable, recours éventuel à
quelques dépenses fiscales) et peut être aisément standardisé. Cela
explique que peu de contribuables aient à fournir une déclaration
annuelle de revenus.
Toutefois, dans ces deux pays, le contribuable n’est pas dispensé
d’informer l’administration de ses changements de situation
(domicile, changement d’employeur ...) en cours d’année.
-
dans tous les autres pays, la déclaration annuelle de revenus reste
soit obligatoire pour tous les contribuables (Australie, Belgique,
Canada), soit souscrite par une grande majorité de contribuables
bien qu’elle soit facultative (93,4 % des contribuables aux États-
Unis, 90 % des contribuables en Espagne, 74 % en Allemagne
...).
En outre, dans le cas français, la généralisation de la déclaration
préremplie (DPR) en 2006 a déjà permis de simplifier significativement
les obligations déclaratives des contribuables, 90 % d’entre eux étant
dorénavant destinataires de la DPR avec un taux d’erreur inférieur à 8 %
quel que soit le type de revenus perçus. La DPR intégrant déjà tous les
revenus transmis par des tiers déclarants, c’est-à-dire tous ceux qui
pourraient être concernés par une retenue à la source si celle-ci était
étendue à l’impôt sur le revenu, il ne semble pas que la retenue à la
source puisse apporter de nouveaux allègements des obligations
déclaratives des contribuables.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
43
Encadré n° 2 : La déclaration préremplie en France
47
La déclaration de revenus préremplie (DPR) repose sur la
transmission par les tiers déclarants
(employeurs, organismes sociaux
et établissements financiers)
des revenus versés à chaque contribuable.
Sur la base du numéro d’inscription au répertoire national d’identification
des
personnes physiques (NIR, ou « numéro de sécurité sociale »), elle
nécessite le croisement entre la
centaine de millions de «
lignes »
transmises par les tiers déclarants et les fichiers de l’administration
fiscale.
En 2011, près de 33 millions de foyers fiscaux (soit 90 %) ont été
destinataire d’une DPR
. Les revenus portent sur la déclaration
concernent les revenus transmis par les tiers déclarants, c'est-a-dire :
-
les traitements et salaires, les allocations chômage, les indemnités
journalières de maladie, les pensions de retraite, les allocations de
préretraite, les rémunérations payées au moyen de chèques emploi
services (CESU), de titres emploi simplifie agricole (TESA) ou
financées par la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ;
-
les
revenus
exonérés
issus
des
heures
supplémentaires
ou
complémentaires effectuées par les salariés ;
-
la plupart des revenus de capitaux mobiliers (dividendes d’actions,
intérêts d’obligations, produits de Sicav ou de FCP) ;
-
le montant du revenu de solidarité active « complément d’activité »
perçu au titre de l’année précédente.
Le contribuable a la faculté de corriger les montants indiqués par
l’administration fiscale.
Il a également l’obligation de compléter la
déclaration des revenus non connus par l’administration fiscale
,
comme notamment les revenus fonciers, les bénéfices industriels et
commerciaux, les bénéfices agricoles, ou les bénéfices non commerciaux.
De plus, les changements de situation sont également à porter à la
connaissance de l’administration fiscale. Ces changements peuvent
concerner l’état civil, l’adresse ou la situation de famille.
Enfin, les dépenses fiscalement déductibles doivent être ajoutées. En cas
d’option pour le régime réel d’imposition pour les revenus catégoriels
(salaires, bénéfices commerciaux, revenus fonciers...), les charges
déduites des revenus doivent être ajoutées. De même, les dépenses
déductibles du revenu global (une pension alimentaire par exemple) ainsi
que toute dépense ouvrant droit a réduction ou crédit d’impôt doivent être
complétées.
47
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
44
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 3 : Taux d’erreur de la DPR par catégories de revenus
37 708 736
1 157 491
14 632 973
42 250 398
35 877 855
1 064 991
14 237 724
40 41
4,35%
2,70%
7,99%
4,86%
0
5 000 000
10 000 000
15 000 000
20 000 000
25 000 000
30 000 000
35 000 000
40 000 000
45 000 000
Traitements et salaires
RSA
Pensions et retraites
Revenus de capita
mobiliers
Total des revenus donnant lieu à taxation
Total des revenus donnant lieu à taxation et présents dans la DPR
Taux de qualité de la DPR
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A, calculs du
CPO. Taux d’erreur de la DPR échelle de droite, total des revenus échelle de
gauche.
Il apparaît ainsi que le prélèvement à la source de l’impôt sur le
revenu, toutes choses égales par ailleurs, n’entraînerait pas une
simplification sensible des démarches déclaratives qui incombent au
contribuable, celles-ci dépendant du mode de calcul de l’impôt et non pas
de son mode de recouvrement. La nécessité de remplir une déclaration de
revenus
subsisterait,
de
même
que
la
nécessité
d’informer
l’administration des changements de situation intervenant en cours
d’année ou de vérifier l’avis d’imposition assorti, le cas échéant, d’un
appel de régularisation. C’est un point qui a été souligné avec constance
par les précédents travaux sur ce sujet
48
.
48
Cf.
par exemple C. Bebear, F. Auvigne, R. Viricelle,
Les modalités de mise en
oeuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France op. cit.
et
D. Migaud,
Le prélèvement à la source et la fusion de l’impôt sur le revenu et de la
CSG op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
45
C - Compte tenu de la diversité des moyens de paiement
déjà offerts aux redevables de l’impôt sur le revenu, le
progrès apporté par une retenue à la source pour
simplifier ses démarches de paiement serait limité
Si des simplifications peuvent être attendues de l’introduction
d’une retenue à la source, celles-ci semblent devoir être recherchées du
côté des procédures de paiement. En effet, par définition, un prélèvement
à la source dispense le contribuable de démarches à accomplir pour payer
l’impôt puisque ces démarches sont accomplies en amont par le tiers
payeur (l’employeur par exemple).
Toutefois, dans le cas de l’impôt sur le revenu en France, la
simplification qu’apporterait la retenue à la source ne doit pas être
surestimée.
En effet, l’administration fiscale offre déjà aujourd’hui une palette
d’outils de paiement diversifiée aux contribuables. En particulier, aux
côtés des moyens de paiement dits « matériels » (paiement en espèces
dans un centre des finances publiques
49
; paiement par chèque ; paiement
par un titre interbancaire de paiement (TIP), c’est-à-dire une autorisation
ponctuelle de prélèvement sur le compte bancaire ; paiement par virement
bancaire du contribuable
50
), l’administration offre plusieurs moyens de
paiement dématérialisés aux contribuables :
-
le télérèglement
(ou « paiement direct en ligne »)
51
: ouvert
depuis 2001, il consiste pour le contribuable à donner un ordre de
paiement (prélèvement sur le compte bancaire) depuis son
compte fiscal en ligne (site
impots.gouv.fr
; cela le différencie du
virement bancaire qui est réalisé depuis le compte bancaire du
contribuable) ;
-
le prélèvement automatique
: à la différence du télérèglement,
l’impôt est prélevé automatiquement sur le compte bancaire du
contribuable, sans que celui-ci ait à effectuer de démarche
particulière. Il se subdivise en deux catégories :
49
Dans la limite de 3 000 euros ;
cf.
article 1680-1 du code général des impôts.
50
Depuis la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2011, le virement
bancaire est désormais exclu des moyens de paiement dits « dématérialisés »
(
cf.
article 1681
sexies
du code général des impôts). De plus, son utilisation est
autorisée dans les limites d’un plafond de 30 000 euros.
51
Cf.
article 188
ter
de l’annexe IV du code général des impôts.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
46
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
o
le prélèvement à l’échéance
52
: comme pour le
télérèglement, l’impôt est prélevé en trois fois (premier
acompte en février ; deuxième acompte en mai ; le cas
échéant, solde en septembre), la seule différence résidant
dans le caractère ici automatique du paiement ;
o
la mensualisation
53
: ouverte depuis 1973 pour l’impôt
sur le revenu, elle permet au contribuable de régler son
imposition en 10 mensualités (de janvier à octobre), des
acomptes
complémentaires
étant
éventuellement
prélevés en novembre et décembre si la situation du
contribuable le justifie. Le contribuable doit adhérer à un
« contrat de prélèvements mensuels » pour bénéficier de
cette modalité de paiement.
Or les moyens de paiement dématérialisés ont connu une forte
progression au cours de la décennie 2000 et sont aujourd’hui très
répandus : ils étaient utilisés par 87,1 % des contribuables en 2010, dont
72,8 % au titre de la mensualisation, 11,0 % au titre du prélèvement à
l’échéance et 3,3 % au titre du télérèglement.
Graphique n°4 : Répartition des différents moyens de paiement
de l’impôt sur le revenu en 2010 (en %)
11,0
87,1
9,0
3,9
3,3
72,8
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Mensualisation
Prélèvement à
l'échéance
Télérèglement
Sous-total
paiements
dématérialisés
TIP
Autres: espèces,
chèques,
virements
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
52
Cf.
article 188
bis
de l’annexe IV du code général des impôts.
53
Cf.
article 1681 A du code général des impôts.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
47
Avec près de 73 % des contribuables mensualisés en 2010, contre
55,8 % en 2002, et au total près de 90 % des contribuables recourant à des
moyens de paiement dématérialisés, les redevables de l’impôt sur le
revenu bénéficient déjà de tout l’allègement des démarches de paiement
qu’apporterait une retenue à la source. Cela d’autant plus que le relatif
ralentissement de la progression du taux de mensualisation depuis 2007
(+ 8,5 % sur la période 2007-2011 contre + 17,4 % sur la période 2002-
2007) semble indiquer que la mensualisation approche de son maximum
et que la fraction restante concerne des contribuables qui s’accommodent
très bien des moyens traditionnels de paiement.
Graphique n° 5 : Évolution de la part des redevables de l’impôt sur le
revenu adhérant au contrat de mensualisation depuis 2002
71,1%
72,8%
65,4%
55,8%
56,8%
58,1%
60,8%
61,2%
60,9%
65,5%
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
II
-
Le prélèvement à la source favorise-t-il un
ajustement plus rapide de l’impôt aux variations de
revenu des contribuables ?
L’une des principales caractéristiques de la retenue à la source
est de permettre une taxation
contemporaine
des revenus. Cela signifie
que l’impôt dû au titre des revenus de l’année
n
est effectivement payé au
cours de l’année
n
. Cette situation contraste avec les modalités de
recouvrement de l’impôt sur le revenu en France : les revenus de l’année
n
sont déclarés et l’impôt correspondant payé au cours de l’année
n+1
,
soit avec une année de décalage.
Cette différence peut entraîner des conséquences importantes
pour les contribuables qui connaissent une variation de revenu d’une
année sur l’autre. Par exemple, un contribuable dont les revenus baissent
au milieu de l’année
n
devra continuer à payer un impôt élevé jusqu’à la
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
48
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
fin de l’année
n
avec l’impôt sur le revenu actuel : c’est seulement en
n+1
que son impôt baissera pour tenir compte de l’évolution de ses revenus.
En revanche, avec une retenue à la source, l’impôt diminue dès l’année
n
si le revenu a diminué. Il en résulte un gain de trésorerie potentiellement
appréciable pour le contribuable.
Les
développements
qui
suivent
permettent
d’abord
de
caractériser les situations de baisses de revenus, avant d’analyser les
solutions offertes dans le cadre de l’impôt sur le revenu actuel, puis
d’étudier si une retenue à la source apporterait une amélioration.
A - Environ un tiers des contribuables sont concernés
chaque année par une baisse de revenu
L’analyse des revenus des foyers fiscaux imposables montre
qu’au moins un tiers des contribuables connaissent chaque année une
baisse de revenu. Cette proportion a même atteint 40 % depuis 2008 du
fait de la dégradation de la conjoncture économique.
Ces 30 à 40 % de contribuables qui connaissent une baisse de
revenu subissent une baisse médiane d’environ 10 %. Toutefois, un tiers
des contribuables qui connaissent une baisse de revenu (soit environ 10 %
du total des contribuables) subissent une baisse supérieure à 30 % (notion
de « baisse brutale de revenu » au sens de l’administration fiscale).
Graphique n° 6 : Part des foyers fiscaux imposables concernés par des
baisses de revenus d’une année sur l’autre
9,7%
10,2%
11,1%
10,2%
29,3%
28,7%
25,0%
24,3%
11,1%
12,0%
10,9%
9,5%
34,7%
34,5%
39,8%
39,6%
2006 et 2007
2007 et 2008
2008 et 2009
2009 et 2010
Foyers fiscaux ayant connu une baisse brutale de revenus (au moins 30%)
Foyers fiscaux ayant connu une baisse de revenus (inférieure à 30%)
Montant médian de la baisse de revenu rapportée au revenu de l'année courante
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
49
Les causes de ces variations peuvent être diverses. Toutefois, les
changements de situation professionnelle (départ en retraite, chômage)
représentent l’essentiel des baisses de revenu (entre 25 et 30 % des
contribuables chaque année, soit près des trois quarts des cas de baisse de
revenu). Le quart restant s’explique par des changements de situation
conjugale (divorce) ou familiale (perte d’allocations familiales ...).
Graphique n 7: Causes des variations de revenus pour les foyers fiscaux
imposables
54
26,2%
25,7%
30,7%
30,3%
4,1%
4,4%
4,5%
4,7%
4,3%
4,4%
4,6%
4,6%
2007
2008
2009
2010
Modification de l'activité professionnelle
Modification de la situation conjugale
Modification de la situation familiale
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C.
Le caractère relativement homogène des baisses de revenu en
fonction de l’âge des contribuables confirme que ces baisses ne sont pas
liées uniquement aux départs en retraite, mais qu’elles découlent
également de changements de situation d’activité (changement d’emploi,
chômage ...).
Graphique n° 8 : Part des foyers fiscaux imposables concernés par une
baisse de revenus d’une année sur l’autre, par âge
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
50%
20 ans et
moins
Entre 21 et
30 ans
Entre 31 et
40 ans
Entre 41 et
50 ans
Entre 51 et
60 ans
Entre 61 et
70 ans
Entre 71 et
80 ans
Au dessus de
80 ans
2007
2008
2009
2010
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C.
54
La rubrique « modification de l’activité professionnelle » inclut les autres causes de
variations de revenu qui ne sont pas liées à la situation conjugale ou familiale du
contribuable (par exemple : perte d’un revenu foncier).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
50
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, les baisses de revenu constituent un enjeu majeur pour les
foyers imposables à l’impôt sur le revenu : au moins un tiers d’entre eux
sont concernés chaque année, pour une baisse médiane de 10 % qui peut
cacher des baisses sensiblement plus importantes ; en outre, ces baisses
ne sont pas liées qu’à des événements prévisibles comme le départ en
retraite.
La capacité de l’impôt à prendre en compte ces variations de
revenu constitue donc un enjeu majeur.
B - Les solutions offertes par l’administration
sont peu utilisées
1 -
L’administration offre plusieurs solutions aux contribuables
Pour
tenir
compte
des
difficultés
rencontrées
par
les
contribuables dans le paiement de leur impôt, l’administration fiscale
offre déjà aujourd’hui plusieurs solutions : les délais de paiement, qui
permettent de disposer d’un délai supplémentaire pour payer l’imposition
due ; la modulation des acomptes, qui permet au contribuable de faire
varier dès le début de l’année le montant de son impôt si ses revenus de
l’année précédente ont évolué, sans attendre la régularisation de fin
d’année.
a)
Les délais de paiement
Le contribuable qui éprouve des difficultés pour payer son impôt
n
(au titre de ses revenus
n-1
, par exemple si entretemps, au cours de
l’année
n
, ses revenus ont diminué) a la faculté de solliciter dès l’année
n
un délai supplémentaire pour acquitter son impôt.
Le service offert par l’administration fiscale se décompose en
deux catégories :
-
la procédure de droit commun
55
: elle est ouverte à tous les
contribuables, que la baisse de revenus soit conjoncturelle
(chômage, difficultés imprévisibles ...) ou structurelle (revenus
du foyer inférieurs au revenu de solidarité active, chômage de
longue durée). Elle est régie par deux principes :
55
Cf.
article 357 H de l’annexe III du code général des impôts (notamment 1
er
alinéa
du I.) et instruction codificatrice n° 98-010 A1 du 12 janvier 2008 sur le recouvrement
de l’impôt par voie de rôle.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
51
o
i.
le caractère discrétionnaire des suites apportées à
la demande :
le délai de paiement n’est pas de droit ; il
est accordé au cas par cas, en fonction de la situation du
contribuable. En particulier, celui-ci doit fournir à
l’appui de sa demande des pièces justifiant de ses
difficultés.
En
outre,
le
délai
est
réservé
aux
contribuables présumés de bonne foi.
o
ii. la préservation des intérêts du Trésor
: les
modalités d’établissement de l’échéancier de délais de
paiement visent à garantir un recouvrement efficace de
la créance fiscale. Les délais de paiement sont
généralement accordés pour trois mois maximum, à
l’exception des situations particulièrement difficiles. Les
contribuables sont invités à verser un premier acompte
en gage de bonne foi. La majoration de 10 % en cas de
paiement en retard peut être remise selon que le
contribuable a bénéficié ou non de délais de paiement
les années précédentes. Enfin, les contribuables sont
encouragés à souscrire au contrat d’adhésion au
prélèvement mensuel, sans que cette adhésion ne puisse
être exigée comme contrepartie à l’octroi des délais.
-
la procédure spécifique en cas de baisse brutale de revenu
56
:
elle est réservée aux foyers qui ont connu une baisse de revenu
supérieure à 30 % par rapport au mois correspondant du revenu
fiscal de référence, quelle que soit la cause de cette baisse
(chômage, maladie ...).
o
elle se distingue de la procédure de droit commun par
son caractère automatique : le délai de paiement est de
droit pour le contribuable, qui peut s’en prévaloir dès la
constatation de la baisse des revenus ;
o
en outre, la garantie des intérêts du Trésor est allégée : le
premier acompte de bonne foi n’est pas exigé et la
majoration de 10 % est systématiquement remise en cas
de respect de l’échéancier. Lorsque l’échéancier n’est
pas respecté, une lettre de relance est envoyée au
contribuable pour qu’il régularise sa situation. C’est
seulement à défaut de régularisation que le contribuable
perd le bénéfice de la mesure. Des poursuites sont alors
engagées, le cas échéant, à son encontre.
56
Cf.
2
e
alinéa du I de l’article 357 H de l’annexe III du code général des impôts et
instruction n° 04-012 A1 du 27 janvier 2004 sur le traitement des baisses brutales de
revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
52
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
b)
La modulation des acomptes
Par ailleurs, le contribuable qui a connu une baisse de revenus au
cours de l’année
n
bénéficiera d’une baisse de son impôt en
n+1
, l’impôt
n+1
correspondant aux revenus
n
.
Toutefois, cette baisse ne sera pas immédiate : lors des premiers
mois de l’année
n+1
, les revenus
n
du contribuable ne sont pas encore
connus de l’administration ; celle-ci applique donc le dernier taux
d’imposition connu, à savoir le taux appliqué en
n
au titre des revenus
n-1
, c’est-à-dire avant que le contribuable ne subisse sa baisse de revenus.
Ce n’est que lorsque le contribuable a envoyé sa déclaration de revenus,
au printemps
n+1
, et que, sur cette base, l’administration a liquidé
l’impôt effectivement dû au titre des revenus de l’année
n
, au cours de
l’été
n+1
, que le montant d’impôt est ajusté : en septembre
n+
1, le
contribuable sera informé qu’il n’aura pas à payer les dernières
mensualités ou le solde, voire qu’il bénéficiera d’un remboursement du
trop perçu.
Afin d’anticiper cette baisse d’impôt, l’administration fiscale offre
la possibilité au contribuable de moduler dès janvier
n+1
ses acomptes
d’impôt
n+1
dus au titre des revenus
n
, sans attendre la régularisation de
septembre
n+1
.
La modulation du versement des acomptes obéit aux principes
suivants :
-
elle est ouverte aux contribuables ayant opté pour le
paiement par acomptes provisionnels
(« tiers provisionnels » ;
jusqu’au 30 juin de l’année
n+1
)
comme aux contribuables
ayant opté pour la mensualisation
(jusqu’au 1
er
juillet de
l’année
n+1
). Les contribuables ayant opté pour les acomptes
provisionnels peuvent par ailleurs refuser qu’un prélèvement soit
effectué sur leur compte bancaire s’ils estiment qu’ils n’ont
aucun impôt à régler en
n+1
au titre de leurs revenus
n
(jusqu’au
31 janvier pour l’acompte provisionnel du 15 février et jusqu’au
30 avril pour l’acompte provisionnel du 15 mai) ;
-
elle peut être réalisée à la baisse
(anticipation d’une baisse
future du taux d’imposition)
comme à la hausse
(anticipation
d’une hausse future du taux d’imposition) ;
-
elle est encadrée
pour éviter les abus :
o
s’agissant
des
contribuables
payant
par
tiers
provisionnels : en cas de demande de modulation à la
baisse des deux premiers tiers provisionnels, une marge
d’erreur de 10 % est autorisée. Autrement dit, le montant
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
53
cumulé des deux premiers tiers provisionnels ne peut pas
être inférieur à 56 % du montant final de l’impôt dû ;
o
s’agissant des contribuables mensualisés : d’une part,
une seule demande de modulation est autorisée dans
l’année ; d’autre part, les contribuables disposent d’une
marge d’erreur de 20 % dans l’estimation de l’impôt
final dû.
o
si le contribuable dépasse les marges d’erreur autorisées,
il se verra appliquer une majoration de 10 % lors du
paiement du solde ou des derniers acomptes mensuels.
La procédure de modulation des acomptes permet donc en principe
au contribuable de bénéficier dès janvier
n+1
(s’il est mensualisé) ou
février
n+1
(s’il paye par tiers provisionnels) de la baisse de l’impôt
n+1
dont il bénéficierait normalement en septembre
n+1
pour tenir compte de
la baisse de revenu survenue en
n
.
2 -
Ces services sont toutefois peu utilisés par les contribuables
Les délais de paiement sur l’année
n
pour payer l’impôt
n-1
et la
modulation des acomptes
n+1
pour anticiper la baisse d’impôt de
septembre
n+1
sont peut utilisés par les contribuables. Cette situation
contraste avec le nombre de contribuables concernés.
S’agissant des délais de paiement, environ 2 % des contribuables
utilisent chaque année la procédure de droit commun, alors que plus de
30 % seraient susceptibles de l’utiliser. Le différentiel est encore plus
marqué pour les contribuables qui subissent une baisse brutale de
revenus : ils sont à peine 0,01 % chaque année à bénéficier de la
procédure spécifique de délais de paiement, alors que 10 % devraient en
bénéficier de droit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
54
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 2 : Délais de paiement accordés et nombre de contribuables
théoriquement concernés
Délais de paiement de droit commun
Délais de paiement pour baisse brutale de
revenus (- 30 %)
Nombre de
demandes
accordées
57
En % du
nombre de
contribuables
Part des
contribuables
ayant subi
une baisse de
revenu
Nombre
de
demandes
accordées
En % du
nombre de
contribuables
Part des
contribuables
ayant subi une
baisse brutale
de revenu
2005
150 779
0,93 %
NC
1 658
0,01 %
NC
2006
341 776
2,09 %
NC
2 533
0,02 %
NC
2007
289 514
1,71 %
34,70 %
2 155
0,01 %
9,70 %
2008
342 764
2,10 %
34,50 %
1 917
0,01 %
10,20 %
2009
447 396
2,66 %
39,80 %
2 374
0,01 %
11,10 %
2010
314 423
2,00 %
39,60 %
1 484
0,01 %
10,20 %
Sources : Direction générale des finances publiques, bureaux GF3C (contribuables
concernés par les baisses de revenu) et GF1A (délais accordés). Fichier statistique
Recinfo, SISPEO. Délais de paiement sur rôles généraux uniquement.
Ainsi, en 2010, seuls 5 % des contribuables qui auraient pu
solliciter un délai de paiement en ont effectivement bénéficié
58
, et seuls
0,1 % des contribuables qui auraient du bénéficier d’un délai de paiement
pour baisse brutale de revenu en ont effectivement bénéficié.
S’agissant des modulations d’acomptes, le constat est également
peu satisfaisant : environ 7 % des redevables de l’impôt sur le revenu
mensualisés
59
modulent chaque année leurs acomptes. Cela représente
environ 25 % des contribuables qui subissent une baisse de revenu et qui,
à ce titre, auraient intérêt à moduler à la baisse leurs mensualités dès le
mois de janvier
n+1
.
57
L’administration fiscale n’est pas en mesure de retracer les demandes déposées
mais non accordées.
58
5 % = 2,0 % / 39,6 %.
59
L’administration fiscale n’est pas en mesure de retracer les modifications
d’acomptes provisionnels.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
55
Tableau n° 3 : Modulations de mensualités effectuées et nombre de
contribuables théoriquement concernés
Nombre de
modulations
En % du
nombre de
contribuables
mensualisés
(1)
Part des
contribuables
ayant subi une
baisse de revenu
(2)
Taux
d’utilisation de
la modulation
(1) /
0,7*(2)
60
2009
686 847
6,23 %
34,50 %
61
27,78 %
2010
787 873
6,89 %
39,80 %
23,71 %
2011 (à fin septembre)
823 788
6,92 %
39,60 %
24,61 %
Source
: Direction générale des finances publiques, bureaux GF3C
(contribuables concernés par les baisses de revenu) et GF1A (modulations).
Fichiers statistiques TraBase, Satelit, Recinfo.
L’offre de services déployée par l’administration fiscale pour
corriger les effets du décalage d’un an entre la perception des revenus et
le paiement de l’impôt correspondant n’est donc pas utilisée de façon
optimale aujourd’hui. Il convient de se demander si un passage à la
retenue à la source permettrait
mécaniquement
de mieux traiter la
situation.
C - Une retenue à la source pourrait améliorer
significativement la prise en compte des difficultés
des contribuables
1 -
Présentation de la problématique : retenue à la source contre
mensualisation
La
retenue
à
la
source
est
souvent
confondue
avec
la
mensualisation. Pourtant, un impôt prélevé à la source présente deux
différences majeures avec l’impôt sur le revenu d’un contribuable
mensualisé :
-
i. les revenus de l’année
n
sont taxés en
n
, et non pas en
n+1
comme dans le cadre de l’impôt sur le revenu actuel. Par
exemple, avec une retenue à la source, les acomptes prélevés
60
Le nombre de modulations n’étant connu que pour les contribuables mensualisés, il
est fait l’hypothèse que le taux de mensualisation des contribuables subissant une
baisse de revenu est le même que pour l’ensemble de la population de contribuables,
soit 65 % en 2009, 73 % en 2010 et 71 % en 2011.
61
La modulation des acomptes 2009 bénéficie aux contribuables dont le revenu a
diminué entre 2007 et 2008, afin d’anticiper dès janvier 2009 la baisse de l’impôt
2009 qui serait normalement effective en septembre 2009 au titre des revenus 2008.
Cela explique le décalage du nombre de contribuables par rapport au tableau
précédent.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
56
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
chaque mois en 2012 le seraient au titre des revenus 2012 ; alors
que les acomptes payés actuellement par un contribuable
mensualisé représentent l’impôt dû au titre des revenus 2011.
Ainsi, si le contribuable subit une baisse de revenu en 2012, son
impôt peut immédiatement s’ajuster à la baisse avec une retenue
à la source ; en revanche, dans le système actuel, le contribuable
devra attendre le 1
er
janvier 2013 pour ajuster ses mensualités à
la baisse, puisque les mensualités de 2012 valent pour
l’imposition des revenus 2011 qui, eux, n’avaient pas subi de
baisse ;
-
ii. les acomptes prennent la forme d’un taux appliqué aux
revenus
, et non pas d’un montant d’impôt à payer. Il en résulte
deux effets potentiellement cumulatifs :
o
un effet assiette :
si les revenus baissent l’année
n
, le
fait que l’impôt résulte de l’application d’un taux à ces
revenus entraîne mécaniquement une baisse de l’impôt
prélevé. Par exemple, si le taux d’imposition du
contribuable est de 10 % et si son revenu mensuel passe
de 1 000 euros à 800 euros, l’impôt prélevé chaque mois
passe instantanément de 100 euros à 80 euros, soit une
baisse d’impôt immédiate de 20 %. En revanche, avec la
mensualisation, le contribuable continue de devoir payer
100 euros d’impôt chaque mois puisque, du fait du
décalage d’un an, il paye en 2012 l’impôt dû au titre de
ses revenus 2011.
Graphique n° 9 : Différence entre retenue à la source (en vert) et
mensualisation (en orange) pour un contribuable dont les revenus
baissent en cours d’année
(montant d’impôt payé chaque mois, en
euros)
100
100
100
100
100
100
80
80
0
50
100
150
200
Avril
Mai
Juin
Juillet
Mensualités
Retenue à la source
Revenu
Baisse de revenu
Source : CPO.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
57
o
un effet taux :
l’effet assiette peut être amplifié si la
baisse de revenu du contribuable le fait changer de
tranche
d’imposition
et
si,
en
conséquence,
le
contribuable bénéficie d’un nouveau taux d’imposition
plus faible. Pour reprendre l’exemple précédent, si le fait
de passer d’un revenu mensuel de 1 000 euros à un
revenu de 800 euros conduit le contribuable à passer
d’un taux moyen d’imposition de 10 % à 8 %, alors le
mois qui suit sa baisse de revenu, son impôt mensuel
passe de 100 euros (10 % de 1 000 euros) à 64 euros
(8 %
de
800
euros).
Le
contribuable
bénéficie
immédiatement d’une baisse d’un tiers de son impôt
(soit un quasiment doublement du seul effet assiette
obtenu précédemment), alors qu’avec le système actuel
de mensualisation son impôt ne baisse pas jusqu’à la fin
de l’année.
Graphique n°10 : Différence entre retenue à la source (en vert) et
mensualisation (en orange) pour un contribuable dont les revenus
baissent en cours d’année, effet assiette + effet taux
(montant d’impôt payé chaque mois, en euros)
100
100
100
100
100
100
64
64
0
50
100
150
200
250
Avril
Mai
Juin
Juillet
Mensualités
Retenue à la source
Revenu
Baisse de revenu
Source : CPO.
2 -
Modélisation de l’impact d’une retenue à la source sur la prise
en compte des variations de revenu des contribuables
Afin de mesurer précisément l’avantage que pourrait apporter la
retenue à la source dans la prise en compte des variations de revenu des
contribuables, il a été procédé à la modélisation d’un cas type : un
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
58
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
contribuable traversant une période de chômage de 18 mois. Trois
scénarios comparatifs sont appliqués à ce cas de figure :
-
scénario 1 :
évolution de l’impôt payé et du revenu disponible
après impôt dans le cadre de la mensualisation actuelle de
l’impôt sur le revenu ;
-
scénario 2 :
évolution de l’impôt payé et du revenu disponible
après
impôt
dans
le cadre
d’une retenue
à
la
source
« imparfaite »,
i.e.
où le taux d’imposition appliqué est le dernier
taux connu et où, en l’absence de possibilité de moduler ce taux
en cours d’année, seul « l’effet assiette » présenté plus haut joue ;
-
scénario 3 :
évolution de l’impôt payé et du revenu disponible
après impôt dans le cadre d’une retenue à la source « parfaite »,
i.e.
où le taux d’imposition est recalculé en temps réel en
fonction de l’évolution des revenus du contribuable et où, par
conséquent, « l’effet taux » se cumule à « l’effet assiette ».
Encadré n° 3 : Hypothèses retenues pour la modélisation du cas type
d’un salarié traversant une période de chômage
62
Le foyer fiscal est composé d’un salarié célibataire sans enfant, ne
touchant ni la prime pour l’emploi, ni le revenu de solidarité active.
Ce salarié traverse une période de chômage au cours de la période
de simulation :
ƒ
au cours de la première année, le salarié est rémunéré à 1 500 €
par mois. Il est réputé avoir été dans l’emploi et avoir perçu la
même rémunération l’année précédente ;
ƒ
à partir du mois de juillet de la deuxième année, il traverse une
période de chômage de 18 mois (du 19
ème
mois au 36
ème
mois de
la simulation) pendant laquelle il perçoit un revenu de
remplacement à hauteur de 70 % de son revenu d’activité (soit
1 050 € par mois) ;
Sa période de chômage s’arrête le premier mois de la quatrième
année, il retrouve un emploi rémunéré à 1 500 € par mois, jusqu’à la
fin de la période de simulation.
Avec le scénario 1, le montant d’impôt dû ne s’ajuste qu’avec un
an de retard : alors que le revenu annuel du contribuable passe de
18 000 euros (dernière année précédant le chômage) à 15 300 euros
(année où survient la perte d’emploi), le montant d’impôt dû reste de
929 euros par an, soit 93 euros par mois. En conséquence, sur les six
derniers mois de la deuxième année (la perte d’emploi étant intervenue en
62
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
59
juillet), le contribuable subit une perte de revenu après impôt de
450 euros par mois, soit une baisse de revenu de près d’un tiers.
La tendance se poursuit sur les sept premiers mois de l’année
suivante (la « troisième année » présentée dans l’encadré ci-dessus)
jusqu’à ce que ses nouveaux revenus communiqués à l’administration
conduise celle-ci à ajuster le taux d’imposition (cessation du prélèvement
des acomptes mensuels à partir d’août et remboursement au contribuable
du trop perçu, à savoir 206 euros, par rapport à l’impôt théorique de
444 euros dû au titre des revenus de la deuxième année).
Le contribuable retrouvant un emploi au 1
er
janvier de la quatrième
année, son impôt sera d’abord minoré au cours de celle-ci (car calculé sur
la base des revenus de la troisième année, période de chômage continu),
entraînant cette fois une hausse du revenu après impôt du contribuable.
C’est finalement un an et demi plus tard, en août de la cinquième année,
que l’impôt se réajustera au retour à l’emploi du contribuable
via
un
rappel important de 310 euros par mois.
Tableau n° 4 : Variations du revenu après impôt du contribuable dans le
cadre de l’impôt sur le revenu actuel avec mensualisation
(période de chômage grisée)
Revenu
mensuel du
contribuable
(en €)
Montant des
acomptes
mensuels de l’IR
(en €)
Revenu
disponible
après impôt
(en €)
Evolution du
revenu
mensuel disponible
(en %)
Année 0
1 500
93
1 407
-
Année 1
1 500
93
1 407
-
Année 2 (janvier-
juin)
1 500
93
1 407
-
Année 2 (juillet
– décembre)
(chômage)
1 050
93
957
- 31,98 %
Année 3 (janvier
– juillet)
1 050
93
957
-
Année 3 (août –
décembre)
1 050
0
63
+
remboursement
(206 €)
64
1 050 +
remboursement
+ 9,72 %
65
Année 4 (reprise
d’emploi)
1 500
44
66
, puis 0
67
+
remboursement
(444 €)
1 466, puis 1 500
+
remboursement
+ 39,62 %
63
Le contribuable ayant versé un montant excessif d’impôt sur les six premiers mois
de l’année 3, il est remboursé du trop versé et il n’a plus à payer d’acomptes sur la fin
de l’année.
64
Remboursement par l’administration du trop d’impôt payé par le contribuable sur
les six premiers mois de l’année.
65
Les remboursements ne sont pas pris en compte dans ce calcul.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
60
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Revenu
mensuel du
contribuable
(en €)
Montant des
acomptes
mensuels de l’IR
(en €)
Revenu
disponible
après impôt
(en €)
Evolution du
revenu
mensuel disponible
(en %)
Année 5 (janvier-
juillet)
1 500
0
1 500
-
Année 5 (août –
décembre)
1 500
310
1 190
- 20,67 %
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
Ainsi, la mensualisation de l’impôt sur le revenu ne tient compte
qu’avec un retard important de la baisse du revenu du contribuable,
conduisant celui-ci à connaître une baisse importante de son revenu après
impôt (32 %) pendant près de 12 mois (
i.e.
jusqu’à la régularisation de
l’été de la troisième année). Plus généralement, la mensualisation entraîne
des variations importantes, à la hausse ou à la baisse, du revenu après
impôt du contribuable.
Graphique n° 11 : Évolution des acomptes mensuels d’impôt sur le
revenu dans le scénario 1
(impôt sur le revenu actuel avec mensualisation)
0
50
100
150
200
250
300
350
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59
Situation de référence
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO.
66
Nouveau montant d’acompte mensuel calculé en appliquant au nouveau revenu
connu du contribuable (revenu global de l’année 2,
i.e.
15 300 euros) le barème
correspondant.
67
Les nouveau revenu global déclaré par le contribuable au printemps de l’année 4
(revenu perçu sur l’année 3,
i.e.
année complète de chômage) le rend non imposable.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
61
Graphique n° 12 : Évolution du revenu disponible après impôt dans le
scénario 1
(impôt sur le revenu actuel avec mensualisation)
900
1100
1300
1500
1700
1900
2100
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59
Revenu après impôt actuel
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO
Dans le cadre du scénario 2 (retenue à la source imparfaite avec
uniquement l’effet assiette), l’ajustement de l’impôt à la baisse du revenu
du contribuable est plus rapide : dès le mois qui suit la perte d’emploi,
l’impôt prélevé chaque mois s’ajuste à la baisse (puisqu’il s’agit d’un
taux appliqué à un revenu qui diminue) et passe de 77 euros par mois à
54 euros par mois.
Toutefois, l’ajustement du taux d’imposition n’intervenant qu’en
juillet de l’année suivant la perte d’emploi, le gain permis par « l’effet
taux » (le taux d’imposition passe de 5,2 % à 2,9 %, entraînant une
nouvelle baisse des acomptes mensuels à 30 euros contre 54 euros
précédemment) n’est obtenu qu’avec retard.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
62
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 5 : Variations du revenu après impôt du contribuable dans le
cadre de la retenue à la source « imparfaite »
(« effet assiette » seulement ; période de chômage grisée)
Revenu
mensuel du
contribuable
(en €)
Taux
de
retenue
à la
source
Montant de
l’impôt
prélevé
chaque mois
(en €)
Revenu
disponible
après impôt
(en €)
Evolution du
revenu
mensuel disponible
(en %)
Année 0
1 500
5,2 %
68
77
1 423
-
Année 1
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 2 (janvier-
juin)
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 2 (juillet –
décembre)
(chômage)
1 050
5,2 %
54
996
- 30,01 %
Année 3 (janvier –
juillet)
1 050
5,2 %
54
996
-
Année 3 (août –
décembre)
1 050
2,9 %
69
30
+
remboursement
(346 €)
70
1 020
+
remboursement
+ 2,41 %
Année 4 (reprise
d’emploi)
1 500
2,9 %
puis
0 %
71
44 puis 0 +
remboursement
(532 €)
1456 puis 1 500
+
remboursement
+ 42,75 %
Année 5 (janvier-
juillet)
1 500
0 %
0
1 500
+ 3,02 %
Année 5 (août –
décembre)
1 500
5,2 %
77 + rappel
(624 €)
72
1423
- 5,13 %
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
Ainsi, la retenue à la source « imparfaite » n’apporte qu’un gain
limité pour le contribuable par rapport à la mensualisation de l’impôt sur
le revenu, en termes de revenu disponible après impôt. Surtout, l’absence
d’ajustement en temps réel du taux d’imposition conduit à la persistance
68
Dernier taux d’imposition connu du contribuable, calculé en rapportant au dernier
revenu imposable connu le taux d’imposition correspondant compte tenu de la
situation familiale du foyer et du barème de l’impôt sur le revenu (928 / 18 000).
69
Nouveau taux calculé en appliquant au nouveau revenu connu du contribuable
(revenu global de l’année 2,
i.e.
15 300 euros) le barème correspondant.
70
Remboursement par l’administration du trop d’impôt payé par le contribuable en
année 2.
71
Le dernier revenu global connu du contribuable (année 3,
i.e.
année complète de
chômage) le rend non imposable.
72
Rappel d’impôt dû par le contribuable à l’administration au titre de l’impôt qu’il
aurait dû payer sur les six premiers mois de l’année.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
63
de fortes variations du revenu disponible après impôt, préjudiciables au
contribuable.
Graphique n° 13 : Évolution des retenues à la source mensuelles de
l’impôt sur le revenu dans le scénario 2
(retenue à la source « imparfaite » avec application du seul « effet assiette »)
0
50
100
150
200
250
300
350
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59
Option 1 : retenue à la source effet « assiette »
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO.
Graphique n° 14 : Évolution du revenu disponible après impôt dans le
scénario 2
(retenue à la source « imparfaite » avec application du seul « effet assiette »)
700
900
1100
1300
1500
1700
1900
2100
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59
Revenu après retenue à la source (option 1)
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO.
Dans le cadre du scénario 3 en revanche (retenue à la source
« parfaite » avec ajustement du taux d’imposition en temps réel),
l’ajustement de l’impôt à la baisse du revenu est sensiblement plus
marquée : la baisse de 30 % du revenu est immédiatement prise en
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
64
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
compte par une baisse de 86 % de l’impôt prélevé (la retenue mensuelle
passe de 77 euros à 11 euros) ; dès le début de l’année suivante, la retenue
mensuelle de l’impôt est stoppée pour tenir compte du caractère non
imposable du contribuable.
Tableau n° 6 : Variations du revenu après impôt du contribuable dans le
cadre de la retenue à la source « parfaite »
(cumul de « l’effet taux » et de « l’effet assiette » ; période de chômage grisée)
Revenu
mensuel du
contribuable
(en €)
Taux de
retenue à
la source
Montant de
l’impôt prélevé
chaque mois
(en €)
Revenu
disponible
après impôt
(en €)
Evolution du
revenu
mensuel
disponible (en %)
Année 0
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 1
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 2 (janvier-
juin)
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 2 (juillet
– décembre)
(chômage)
1 050
1 %
73
11
1 039
-26,99 %
Année 3 (janvier
– juillet)
1 050
0 %
74
0
1 050
1,06 %
Année 3 (août –
décembre)
1 050
0 %
0 +
remboursement
(84 €)
75
1 050
Année 4 (reprise
d’emploi)
1 500
5,2 %
77
1 423
35,52 %
Année 5 (janvier-
juillet)
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Année 5 (août –
décembre)
1 500
5,2 %
77
1 423
-
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
La retenue à la source « parfaite » est ainsi autrement plus
profitable au contribuable que les deux précédents systèmes : l’ajustement
immédiat et maximal de l’impôt permet de limiter à 27 % la baisse du
revenu disponible après impôt, soit moins que la baisse du revenu brut
causée par la perte de l’emploi (30 %).
73
Le taux d’imposition est surajusté à la baisse afin que l’impôt payé sur les six
derniers mois n’excède pas l’impôt dû au titre de l’année compte tenu des retenues à
la source effectuées de 5,2 % effectuées de janvier à juillet.
74
Le taux d’imposition anticipe le fait que, si le chômage devait se prolonger, le
contribuable deviendrait non imposable.
75
Remboursement par l’administration du trop d’impôt payé par le contribuable sur
l’année 2 (impôt théorique de 444 euros ; impôt réellement payé par le contribuable :
6 x 77 + 6 x 11 = 528 euros).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
65
Avec la retenue à la source « parfaite », le contribuable bénéficie
d’un revenu net après impôt de 1 039 euros par mois dès le premier mois
de son chômage, contre 957 euros dans le cadre de la mensualisation
actuelle et 996 euros dans le cadre de la retenue à la source
« imparfaite » : c’est un gain de pouvoir d’achat de près de 10 % (8,57 %)
par rapport à la situation actuelle.
En outre, la retenue à la source « parfaite » permet de mieux lisser
les variations de revenu après impôt du contribuable, puisque l’impôt
s’ajuste en permanence en temps réel aux variations de revenu. Ainsi, le
revenu disponible après impôt varie au plus de 27 % sur la période, contre
40 % ou plus avec les deux systèmes précédents.
Graphique n° 15 : Évolution des retenues à la source mensuelles
de l’impôt sur le revenu dans le scénario 3
(retenue à la source « parfaite » avec cumul de « l’effet taux »
et de « l’effet assiette »)
0
50
100
150
200
250
300
350
1
3
5
7
9
11
13 15 17 19
21 23 25 27
29 31 33 35
37 39 41 43 45
47 49 51 53
55 57 59
Option 2 : retenue à la source effet « assiette et taux »
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
66
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n°16 : Évolution du revenu disponible après impôt
dans le scénario 3
(retenue à la source « parfaite » avec cumul de « l’effet taux » et de « l’effet assiette »)
700
900
1100
1300
1500
1700
1900
2100
1
3
5
7
9
11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59
Revenu après retenue à la source (option 2)
Période de chômage
Source : Direction générale des finances publiques et CPO
Ainsi, la retenue à la source est susceptible d’apporter une
amélioration sensible dans la prise en compte des variations de revenu des
contribuables par rapport au système actuel, notamment pour les
contribuables modestes connaissant d’importantes baisses de revenu
(chômage, départ en retraite ...).
Toutefois, cet effet positif de la retenue à la source ne joue
véritablement que dans le cadre d’une retenue à la source « parfaite » qui,
en permettant l’ajustement du taux d’imposition en temps réel et sans
erreur (que ce soit à l’initiative de l’administration ou à celle du
contribuable), permet de cumuler « l’effet taux » à « l’effet assiette ».
Or, comme cela sera montré en deuxième partie, une retenue à la
source « parfaite » est complexe à bâtir dans le cadre du système fiscal
actuel et emporte en contrepartie un certain nombre d’inconvénients,
notamment en termes de coûts de gestion pour l’administration et / ou les
tiers payeurs.
III
-
Le prélèvement à la source est-il de nature à
améliorer la lisibilité de l’impôt et, ce faisant, à
renforcer le consentement à l’impôt ?
Le consentement à l’impôt est l’un des principes fondateurs de la
République. Deux des dix-sept articles de la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 lui sont consacrés :
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
67
-
article XIII
:
« Pour l’entretien de la force publique, et pour les
dépenses d’administration, une contribution commune est
indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les
Citoyens, en raison de leurs facultés. »
;
-
article XIV
:
« Tous les Citoyens ont le droit de constater, par
eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre
l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement
et la durée. »
.
La façon dont le mode de recouvrement de l’impôt nourrit la
capacité des citoyens à
« [le] consentir librement »
ne saurait donc être
négligée : il s’agit de l’un des déterminants du contrat social.
A - Peu contraignant et rapidement recouvré, le
prélèvement à la source peut renforcer l’acceptation de
l’impôt par le contribuable
André Barilari rappelle que
« le premier visage de l’impôt reste,
pour l’individu, celui de la contrainte ».
En effet,
« acquiescer à la
nécessité de l’impôt n’est ni immédiat ni évident, même dans un cadre
démocratique. Cela suppose pour l’individu d’admettre qu’à travers les
mécanismes de la décision collective, le souverain (dont il fait partie en
tant que citoyen) a décidé le prélèvement, et de comprendre que
l’utilisation de celui-ci relève également de la décision collective à
laquelle il doit participer »
76
.
Face à une telle perception, l’enjeu est de favoriser un meilleur
consentement
à l’impôt, c’est-à-dire
« l’alchimie »
qui permet de
« faire
comprendre que l’un [l’individuel] n’existe pas sans l’autre [le
collectif] »
77
. Les travaux universitaires récents soulignent que cet objectif
implique de poursuivre deux démarches complémentaires : l’amélioration
du processus de décision démocratique, d’une part – le
« civisme fiscal
classique »
; et la recherche d’une meilleure qualité de services rendus
aux usagers, d’autre part – le
« nouveau civisme fiscal »
78
. La pierre
angulaire de ce second objectif est le principe de commodité de l’impôt,
ainsi énoncé par Adam Smith :
« Tout impôt doit être perçu à l’époque et
76
A. Barilari, « Le consentement à l’impôt, fragile mais indispensable aporie » in
Regards croisés sur l’économie – Quelle fiscalité pour quels objectifs ?
, La
Découverte, 2007.
77
A. Barilari
op. cit.
78
M. Bouvier, « Nouveau civisme fiscal et légitimité du recouvrement de l’impôt »,
Revue française des finances publiques
n° 112, novembre 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
68
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
selon le mode que l’on peut présumer les plus commodes pour le
contribuable »
79
.
A cette aune, le prélèvement à la source peut être considéré comme
favorisant un meilleur consentement à l’impôt. En effet, comme cela a été
vu dans les précédents chapitres, le prélèvement à la source est
généralement associé à deux qualités :
-
il simplifie le paiement de l’impôt pour le contribuable
,
puisque le recouvrement est confié à un tiers payeur : sauf
régularisation, le contribuable n’a plus de démarche particulière à
accomplir pour payer son impôt. Cela peut être perçu comme une
contrainte en moins par rapport à des impôts qui nécessitent un
paiement manuel (chèque, virement bancaire ...) ;
-
il donne plus de visibilité au contribuable sur son revenu
disponible
, puisque le revenu qui est versé sur le compte
bancaire du contribuable est net d’impôt (sur le revenu). Le
contribuable peut donc disposer de son revenu librement, sans
avoir à se préoccuper de constituer une épargne de précaution en
prévision d’un impôt futur. Ce point est potentiellement
significatif, comme le montre le chapitre suivant sur le
comportement d’épargne des ménages avec un impôt sur rôle.
De fait, le sondage réalisé par BVA en 2002 pour le Conseil des
impôts révélait que les deux premières motivations indiquées par les
partisans de la retenue à la source étaient précisément la « simplicité » du
mode de paiement de l’impôt (42 % de citations en premier) et la
« facilité de gestion » pour le ménage résultant du fait de disposer
immédiatement d’un revenu net d’impôt (29 % de citations en premier)
80
.
L’avancée permise par le prélèvement à la source au regard du
principe de commodité de l’impôt doit toutefois être relativisée à l’aune
de deux facteurs :
-
l’existence de commodités analogues déjà offertes par le
système
actuel
:
la
mensualisation
ou
le
prélèvement
automatique, par exemple, offrent une simplicité de paiement
analogue à celle qu’apporterait la retenue à la source. De ce point
de vue, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
n’apporterait pas d’amélioration par rapport au système actuel,
79
A. Smith,
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
cité in
M. Bouvier, « Nouveau civisme fiscal et légitimité du recouvrement de l’impôt »,
Revue française des finances publiques
n° 112, novembre 2010.
80
Conseil des impôts,
Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale,
op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
69
sauf éventuellement pour les contribuables qui procèdent encore
à un paiement manuel – sous réserve que le paiement manuel ne
résulte pas d’un choix délibéré de leur part, ce qui peut être
discuté ;
-
l’impact du modèle de retenue à la source sur la commodité
des démarches du contribuable
: comme le montrent en détail
les développements de la deuxième partie, les démarches à
accomplir par le contribuable dans le cadre d’un impôt retenu à
la source sont fortement dépendantes i. de la complexité de
l’impôt ; ii. du modèle de retenue à la source choisi. Compte tenu
de la structure de l’impôt sur le revenu en France (forte
personnalisation, nombreuses dépenses fiscales ...) et de la
difficulté qu’il y aurait à mettre en place une retenue à la source
permettant un ajustement très rapide de l’impôt aux variations de
revenu du contribuable (exemptant par exemple celui-ci de
procéder à une régularisation de son impôt chaque année), il
n’est pas certain que la retenue à la source favoriserait une
meilleure « commodité » de l’impôt.
Ainsi, si la retenue à la source favorise en théorie un meilleur
consentement à l’impôt via le renforcement de la « commodité » de celui-
ci, il n’est pas évident que ces effets seraient ressentis de manière
significative par le contribuable français.
B - Mais ce faisant, le prélèvement à la source est moins
identifiable et peut altérer le consentement du citoyen
à l’impôt
A contrario
, la retenue à la source est susceptible d’affaiblir l’autre
pilier du consentement à l’impôt exposé par Michel Bouvier : le
« civisme fiscal classique » qui passe par une meilleure participation du
contribuable – citoyen au débat démocratique.
En effet, le prélèvement à la source emporte deux conséquences en
matière de lisibilité de l’impôt :
-
il est moins directement perceptible pour le contribuable
:
retenu sur la fiche de paye aux côtés d’autres prélèvements
(cotisations sociales, CSG ...), l’impôt prélevé à la source
n’apparaît plus sur le compte bancaire du contribuable, où seul
figure le salaire net d’impôt. Le contribuable doit donc engager
une démarche spécifique – regarder le détail de sa fiche de paye
et, une fois par an, consulter sa déclaration de revenu – pour
connaître le montant d’impôt qu’il verse à la collectivité. Il peut
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
70
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
en
résulter
une
moindre
compréhension
du
poids
des
prélèvements obligatoires et, conséquemment, du débat public
sur la fiscalité. C’est pour répondre à cette préoccupation que le
représentant républicain au Congrès américain Ron Paul a
présenté à trois reprises un projet de loi tendant à remplacer les
retenues à la source par un mécanisme de paiement mensuel de
l’impôt,
« afin de permettre aux contribuables de mieux
apprécier l’ampleur de leur fardeau fiscal »
81
;
-
il est moins directement compréhensible
: en outre, quand bien
même le contribuable souhaiterait connaître le montant de son
impôt, il n’y est pas forcément aidé par le système de retenue à la
source. En effet, une variation du revenu net qui lui est versé par
son employeur peut résulter, soit d’une variation de son taux
d’imposition, soit d’une variation de sa rémunération. Même
quand le contribuable fait la démarche de consulter la ligne
relative à son taux d’imposition sur sa fiche de paye, celle-ci peut
l’induire en erreur si, par exemple, le taux d’imposition n’intègre
pas tous les éléments de calcul de l’impôt (renvoyant le paiement
du solde lors d’une régularisation en fin d’année) ou si, au
contraire, il intègre des éléments autres que ceux relatifs au
calcul de l’impôt pour l’année en cours : intégration d’autres
impositions
(par
exemple
la
« flood
levy »
prélevée
temporairement en 2011 en Australie pour financer les travaux
de reconstruction au Queensland du fait des inondations
récentes) ou intégration des régularisations des impositions
précédentes (optionnelle au Royaume-Uni, en Irlande et au
Danemark). Par comparaison, le système du paiement sur rôle
qui prévaut actuellement en France est plus compréhensible : le
contribuable reçoit une fois par an un avis d’imposition
récapitulant le taux synthétique d’impôt dû au titre de l’ensemble
de ses revenus, ainsi que l’échéancier des paiements à venir. Les
prélèvements effectués chaque mois (contribuable mensualisé)
ou aux échéances correspondent exactement à l’impôt dû par le
contribuable ;
-
sur un plan plus symbolique, on peut considérer que le paiement
de l’impôt est un « acte citoyen » par lequel le contribuable
manifeste son attachement volontaire à la contribution aux
charges publiques. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le
revenu supprimerait cette manifestation du contribuable, du
81
D. Boudreau et G. Larin,
Les retenues à la source et les acomptes provisionnels :
des problèmes de couverture et d’équité – Fascicule 1 : Les fondements théoriques
,
Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, mars 2010, page 32.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
71
moins pour les 20 % d’entre eux qui ne sont pas mensualisés. En
2002, 14 % des personnes interrogées avaient motivé leur
hostilité à la retenue à la source en priorité pour cette raison
82
.
Enfin, la retenue à la source peut entraîner des conséquences
collatérales qui, si elles n’affectent pas directement le lien entre le
contribuable et l’impôt, peuvent altérer par ailleurs le débat public. En
effet, l’introduction d’un tiers payeur, s’il s’agit de l’employeur, peut
perturber les relations de travail : des réactions d’hostilité peuvent
apparaître entre salariés, puisque deux salariés occupant la même fonction
pourraient dorénavant recevoir un salaire net différent si leurs taux
d’imposition sont différents (par exemple si l’un a des enfants et l’autre
pas) ; de même, la crainte que l’employeur utilise l’information nouvelle
dont il aurait connaissance (le taux d’imposition de ses salariés) pour
orienter la politique salariale de l’entreprise, voire sa politique d’emploi
(licenciement en priorité des salariés dont le taux d’imposition plus élevé
semble indiquer qu’ils perçoivent d’autres revenus) ne saurait être
négligée, notamment dans les petites entreprises ; enfin, les variations de
salaire net engendrées par la retenue à la source (une hausse du taux
d’imposition entraînant une baisse du salaire net) pourraient susciter
régulièrement de nouvelles revendications salariales. Ces préoccupations
ont été exprimées avec constance par les organisations syndicales de
salariés comme d’employeurs qui ont été rencontrées dans le cadre du
présent exercice.
C - En outre, la transition vers le prélèvement à la
source est susceptible d’entraîner
des malentendus spécifiques
Indépendamment du problème posé par la « double imposition »
(
cf.
deuxième partie), la mise en oeuvre d’une retenue à la source se
traduit mécaniquement par une baisse du salaire net lors de la première
année d’imposition.
En effet, si la retenue à la source est mise en oeuvre au 1
er
janvier
de l’année
n
, le salarié se voit appliquer sur son salaire du mois de janvier
un taux d’imposition qui n’existait pas auparavant. Le salaire qui est
versé sur son compte bancaire est donc amputé du montant d’impôt
dorénavant prélevé à la source. C’est l’effet « bas de la feuille de paye ».
82
Conseil des impôts,
Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale,
op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
72
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Certes, les exemples fournis dans le chapitre précédent montrent
que la baisse resterait limitée (le salarié célibataire sans enfant percevant
le revenu médian de 1 500 euros par mois subirait un prélèvement de
77 euros par mois, soit une baisse d’environ 5 % de son salaire net). De
plus, la mise en place de la retenue à la source s’accompagnerait
naturellement de la fin du prélèvement mensuel (ou à l’échéance) de
l’impôt sur le compte bancaire qui prévalait avec l’ancien système : pour
ce même contribuable rémunéré 1 500 euros par mois, la suppression des
mensualités,
a priori
réalisée au moment même où la retenue à la source
est mise en place
83
, génèrerait un surcroît de revenu de 93 euros par mois
sur son compte bancaire.
Il n’en reste pas moins que le premier effet que percevra le
contribuable est que le salaire qui lui est versé par son employeur a
diminué depuis l’entrée en vigueur de la réforme. Comme le soulignaient
Bernard Ducamin, Robert Baconnier et Raoul Briet en 1996 : «
faire que
des millions de salariés reçoivent, après le passage au nouveau système,
une feuille de paye diminuée sensiblement et que l’ensemble des retraités
reçoivent, au même moment, une pension significativement réduite
nécessite d’être bien compris et accepté ; l’effet d’un choc de ce type peut
être redoutable
»
84
.
Une telle préoccupation nécessiterait donc un effort important de
pédagogie de la part des pouvoirs publics s’il était décidé de mettre en
oeuvre la retenue à la source de l’impôt sur le revenu.
Au final, il n’est donc pas certain que la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu renforcerait le consentement à l’impôt des
contribuables : les progrès enregistrés en matière de « commodité » de
l’impôt, si tant est qu’il y en ait compte tenu des facilités déjà offertes par
le système fiscal actuel, seraient immédiatement contrebalancés par les
régressions probables que la mesure entraînerait en matière de perception
et de compréhension du taux d’imposition par le contribuable – citoyen.
Et cela sans compter les incompréhensions que ne manquerait pas de
susciter la transition entre les deux systèmes.
83
C’est le cas s’il est décidé d’effacer la dernière année d’imposition au titre de
l’ancien système ;
cf.
deuxième partie.
84
B. Ducamin, R. Baconnier, R. Briet,
Etude des prélèvements fiscaux et sociaux
pesant sur les ménages
op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre IV
Prélèvements à la source et
assainissement des finances publiques
Une extension du prélèvement à la source pourrait, toutes choses
égales par ailleurs, avoir une incidence sur trois paramètres des finances
publiques :
-
i. la trésorerie de l’État
, dans la mesure où un gain de trésorerie
pourrait être obtenu de la suppression du décalage d’un an entre
perception des revenus et recouvrement de l’impôt ;
-
ii. le montant des recettes fiscales collectées chaque année
, si
le prélèvement à la source permet de fiabiliser le recouvrement
de l’impôt et ainsi de réduire la part des créances fiscales qui ne
sont pas perçues chaque année ;
-
iii. les dépenses publiques
, s’il s’avérait que le prélèvement à la
source permettait de réaliser des gains de productivité, et donc
des économies d’emplois, dans l’administration fiscale.
I
-
L’extension du prélèvement à la source
permettrait-elle à l’État de réaliser un gain
de trésorerie ?
A - Problématique générale : le gain de trésorerie
théorique résulte du cumul d’un lissage des
encaissements et de l’avancement de l’assiette taxable
d’un an
1 -
En théorie, la retenue à la source génère mécaniquement un
gain de trésorerie pour l’État
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu est susceptible de
générer des gains de trésorerie pour l’État pour deux raisons :
-
i. avec la retenue à la source, le produit de l’impôt est
recouvré plus régulièrement à raison d’une fraction par
mois
. Il s’agit en principe d’un avantage par rapport au système
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
74
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
des tiers provisionnels de l’impôt sur le revenu actuel. Par
exemple, si l’État doit recouvrer un montant total d’impôt de
1 000 euros sur l’année, il en a en principe déjà recouvré 400 au
mois d’avril avec une retenue mensuelle (quatre prélèvements de
100 euros depuis le début de l’année), alors qu’avec le système
de tiers provisionnels, seul le premier tiers de 330 euros a été
encaissé à cette date ;
-
ii
.
avec la retenue à la source, la base d’imposition est
avancée d’un an, permettant à l’État de bénéficier de la
croissance des revenus
. La retenue à la source a pour seconde
caractéristique d’offrir une taxation contemporaine des revenus :
l’impôt dû au titre des revenus de l’année
n
est collecté par
l’administration dès l’année
n
. En revanche, avec le système de
paiement sur rôle de l’impôt sur le revenu actuel, l’impôt dû au
titre des revenus de l’année
n
n’est calculé et mis en
recouvrement qu’en
n+1
. Ainsi, si la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu était déjà en vigueur en France, l’État
percevrait en 2012 le produit de l’imposition des revenus de
2012, alors que l’impôt qu’il perçoit aujourd’hui a été calculé sur
la base des revenus de 2011. Si les revenus ont progressé entre
2011 et 2012, le changement de système de recouvrement de
l’impôt permet à l’État de bénéficier d’un surcroît de trésorerie
en année pleine.
Ces deux effets ont été résumés en une phrase dans le rapport de la
« Mission 2003 » publié en 1999 :
« Le système [de la retenue à la
source] permettrait enfin un lissage des recettes de l’Etat, qui s’ajouterait
au rehaussement mécanique de la base taxable. »
85
.
2 -
Dans le contexte français, ce gain théorique est beaucoup
moins évident
Intuitivement, deux séries de facteurs viennent fortement nuancer
les gains à attendre de la retenue à la source dans le cadre français :
-
i. les facteurs liés au rythme de recouvrement de l’impôt sur
le revenu
: d’une part, comme cela a été rappelé au I du chapitre
III ci-dessus, plus de 70 % des redevables de l’impôt sur le
revenu sont mensualisés : cela permet à l’État de bénéficier dès
aujourd’hui d’une part prépondérante de ses recettes sur une base
mensuelle. D’autre part, le calendrier de recouvrement des tiers
provisionnels pour les 30 % restants est calibré de telle sorte
85
P. Champsaur, Th. Bert,
Mission 2003 op. cit.
p. 107.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
75
qu’en réalité, le produit de l’impôt est versé à l’État plus vite que
si ces contribuables étaient mensualisés. En effet, le premier tiers
(soit un tiers de l’impôt total de l’année) est dû dès le 15 février,
alors que ce cap n’est franchi qu’en avril pour les contribuables
mensualisés. Dès le mois suivant (mai), les contribuables doivent
verser le deuxième tiers ; les contribuables mensualisés, eux,
attendront le mois de juillet pour verser une somme équivalente.
Enfin, le solde est dû dès le 15 septembre, alors que les
contribuables mensualisés versent leur dernier acompte en
octobre. Au total donc, l’avantage de trésorerie dû au « lissage »
des recettes qu’apporterait la retenue à la source en France est
devenu largement théorique.
Graphique n° 17 : Montant cumulé des acomptes versés à l’État par un
contribuable mensualisé
(en vert)
et par un contribuable payant par tiers
provisionnels
(en rouge)
0
200
400
600
800
1000
1200
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Mensualisation
Tiers provisionnels
Source : CPO.
-
ii. les facteurs liés à la conjoncture économique :
l’avancement
d’un an de la base d’imposition entraîne effectivement un gain de
trésorerie pour l’État si la nouvelle base
n+1
est plus importante
que la base
n
du fait de la croissance des revenus. Toutefois, le
ralentissement de la croissance observé ces dernières années, et
singulièrement l’impact de la crise économique survenue en
2008, conduisent ici aussi à nuancer des conclusions formulées
dans les années 1990. En période de récession, l’avancement
d’un an de la base d’imposition pourrait au contraire entraîner
une
perte
de trésorerie pour l’État.
Pour ces raisons, l’impact de trésorerie qu’entraînerait l’adoption
de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu mérite d’être réexaminé
dans le contexte actuel.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
76
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
En tout état de cause, la conséquence budgétaire de la variation de
trésorerie causée par l’extension de la retenue à la source (gain budgétaire
dans le cas d’un gain de trésorerie, perte dans le cas contraire) dépend de
la période prise en compte, puisqu’elle résulte de la comparaison entre la
trésorerie que collecte l’Etat avec le système actuel d’une part, et la
trésorerie qu’il collecterait si l’impôt était prélevé à la source sur la même
période d’autre part, pour une période donnée. L’enjeu est toutefois
concentré autour de l’année de transition, certains précédents rapports
ayant avancé l’idée que le gain de trésorerie apporté par le changement de
système permettrait de couvrir les coûts de ce changement.
B - La simulation du calendrier des encaissements avec
une retenue à la source confirme que, sur ce point,
le gain de trésorerie serait limité
Afin de valider l’intuition selon laquelle une retenue à la source
n’apporterait pas à l’État une rentrée d’impôt significativement plus
régulière en cours d’année que le système actuel, il a été procédé à la
simulation suivante : pour chacune des quatre dernières années de recettes
fiscales connues (impôt collecté en 2007, 2008, 2009 et 2010 au titre des
revenus des années 2006, 2007, 2008 et 2009), le profil d’encaissement
effectivement constaté avec l’impôt actuel a été comparé avec le rythme
d’encaissement qui aurait été obtenu dans le cadre d’une retenue à la
source, selon deux variantes :
-
scénario 1 : une retenue à la source « imparfaite » :
le
prélèvement est effectué en appliquant chaque mois aux revenus
le dernier taux d’imposition connu du contribuable (taux de
l’année
n-2
jusqu’au 30 juillet ; puis taux de l’année
n-1
à partir
du mois d’août), assorti d’une régularisation (remboursement du
contribuable ou rappel d’impôt complémentaire) au mois de
juillet. Le taux n’est pas modulé en cours d’année en fonction de
l’évolution des revenus du contribuable. Par rapport aux
développements présentés dans le chapitre III ci-dessus, seul
« l’effet assiette » joue ici pour le contribuable ;
-
scénario 2 : une retenue à la source « parfaite »
: le taux
appliqué
chaque
mois
aux
revenus
correspond
au
taux
effectivement dû par les contribuables compte tenu de leurs
revenus, comme si l’impôt était liquidé en temps réel. Il n’y a
donc pas de remboursement ou dégrèvement à mi-année.
« L’effet taux » se cumule donc ici avec « l’effet assiette ». Cette
modélisation est toutefois moins fine que celle présentée dans le
chapitre précédent.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
77
Encadré n° 4 : Limites méthodologiques inhérentes au scénario 2
86
Dans la mesure où le taux moyen effectif constaté de l’année
n
est appliqué
au revenu de référence de l’année
n
et que l’impôt effectivement dû est
prélevé de manière synchronisée avec la perception des revenus,
cette
simulation est nécessairement simplificatrice pour deux raisons
:
ƒ
d’une part,
elle part du principe que la perception des revenus est
uniforme au cours de l’année.
En effet, le calcul des mensualités
s’effectue en divisant le revenu fiscal de référence global par douze et
en lui appliquant le taux moyen effectif constaté au titre de l’année
n
.
La simplification résulte à la fois du caractère mensuel de la
perception des revenus, certains revenus étant versés sur une base
trimestrielle, semestrielle ou annuelle, et au caractère uniforme au
cours de l’année des revenus (absence de prise en compte des primes
de fin d’année par exemple) ;
ƒ
d’autre part,
dans la mesure où le taux moyen d’imposition effectif
est connu dès le début de l’année
, elle suppose une connaissance
ex
ante
de l’ensemble des revenus de l’année à venir et de l’ensemble des
remboursements et dégrèvements. Cette hypothèse est simplificatrice,
mais permet de se rapprocher d’un scénario de retenue à la source dans
lequel le contribuable aurait la possibilité de piloter son taux moyen au
plus près de l’évolution de ses revenus et des avantages fiscaux dont il
dispose.
Avec le premier scénario (retenue à la source « imparfaite »), le
calendrier d’encaissement plus régulier de la retenue à la source ne profite
à la trésorerie de l’État qu’en période de croissance économique (2007 et
plus marginalement 2008) car la totalité des contribuables sont prélevés
dès le premier mois et il n’y a pas de régularisation importante au mois
d’août. En revanche, à partir de 2009, le calendrier d’encaissement des
retenues mensuelles fait perdre de la trésorerie à l’État : le réajustement
du taux dès le mois d’août pour tenir compte de la baisse du revenu
survenue l’année précédente entraîne un décrochage dans l’encaissement
des recettes fiscales par rapport au système actuel, où l’ajustement se fait
plus tard dans l’année.
86
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
78
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 18 : Profil des encaissements comparé entre la retenue à la
source
(en bleu)
et le système actuel
(en rouge)
avec une retenue à la
source « imparfaite » pour l’impôt collecté en 2007 au titre des revenus
2006
(en milliards d’euros)
0
10
20
30
40
50
60
3/1
3/3
3/5
3/7
3/9
3/11
Montant cumulé des encaissements effectifs
Montant des encaissements du scénario 1
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C. Service
de la comptabilité de l’État et calculs du CPO.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
79
Graphique n° 19 : Profil des encaissements comparé entre la retenue à la
source (en bleu) et le système actuel (en rouge) avec une retenue à la
source « imparfaite » pour l’impôt collecté en 2010 au titre des revenus
2009 (en milliards d’euros)
0
10
20
30
40
50
60
3/1
3/3
3/5
3/7
3/9
3/11
Montant cumulé des encaissements effectifs
Montant des encaissements du scénario 1
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C. Service
de la comptabilité de l’État et calculs du CPO.
En tout état de cause, l’impact du calendrier de retenue à la source
est très marginal : le gain ou la perte de trésorerie ne dépasse jamais
4 milliards d’euros – an, soit, si cette somme était placée par l’État sur un
compte rémunéré à 2 %, un gain ou une perte budgétaire qui reste
toujours
inférieur(e)
à
100
millions
d’euros
rapporter
aux
46,9 milliards d’euros d’impôt sur le revenu collectés en 2010 par
exemple).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
80
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Encadré n° 5 : La mesure du gain ou de la perte de trésorerie
pour l’État
87
Le gain ou la perte de trésorerie pour l’État sont mesurés par
l’aire algébrique
entre la courbe représentant le montant cumulé des recouvrements fictifs et celle
représentant le montant cumulé des recouvrements effectifs.
Dans la mesure où la situation de référence concernant les recouvrements
effectifs de l’impôt sur le revenu est donnée par les situations hebdomadaires de
la comptabilité de l’État, cette aire est mesurée en euros-semaine (1 Md€-semaine
= 19,2 M€-an). Un gain de trésorerie de x euros-semaine (ou y euros-an)
représente le fait que l’État pourrait placer sur un compte rémunéré l’équivalent
de x euros supplémentaires pendant une semaine (ou y euros supplémentaires
pendant un an) et bénéficier de la rémunération correspondante.
Le gain ou la perte de trésorerie pour l’État peuvent ensuite être valorisés au taux
d’intérêt du marché interbancaire (EONIA), qui constitue les principaux
placements réalisés à sur le court terme par l’agence France Trésor pour le
compte de l’État. Avec une hypothèse de taux à 0,8 % (moyenne basse de
l’EONIA sur les cinq dernières années), 19,2 M€, placés pendant un an rapportent
environ 157 000 €. L’hypothèse haute de l’EONIA est un taux de 2 %.
Tableau n° 7 : Évaluation du gain de trésorerie pour l’État avec une
retenue à la source « imparfaite » (scénario 1)
Année
Gain/perte de
trésorerie
en Md€-semaine
Gain/perte de
trésorerie
en M€-an
Valorisation des
gains de
trésorerie à 0,8 %
(en M€)
Valorisation des
gains de trésorerie
à 2 %
(en M€)
2007
44,88
861,63
6,03
17,23
2008
3,29
63,24
0,44
1,26
2009
-96,73
-1 857,15
-13,00
-37,14
2010
-197,59
-3 793,73
-26,56
-75,87
Total sur
quatre ans
-246,15
-4 726,00
-33,08
-94,52
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C, calculs du
CPO
Avec le deuxième scénario (retenue à la source « parfaite »), la
perte pour l’État est amplifiée. En effet, dans le système actuel, le
versement des acomptes provisionnels, même s’ils sont basés sur le taux
moyen d’imposition de l’année
n-2
, intervient relativement tôt dans
l’année (février et mai), de sorte que même en dépit des remboursements
et dégrèvements intervenant en juillet, le système de recouvrement actuel
est plus avantageux en trésorerie dans la plupart des cas.
87
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
81
Graphique n° 20 : Profil des encaissements comparé entre la retenue à la
source
(en vert)
et le système actuel
(en rouge)
avec une retenue à la
source « parfaite » pour l’impôt collecté en 2007 au titre des revenus
2006
(en milliards d’euros)
0
10
20
30
40
50
60
3/1
3/3
3/5
3/7
3/9
3/11
Montant cumulé des encaissements effectifs
Montant des encaissements du scénario 2
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C. Service
de la comptabilité de l’État et calculs du CPO.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
82
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 21 : Profil des encaissements comparé entre la retenue à la
source
(en vert)
et le système actuel
(en rouge)
avec une retenue à la
source « parfaite » pour l’impôt collecté en 2010 au titre des revenus
2009
(en milliards d’euros)
0
10
20
30
40
50
60
3/1
3/2
3/3
3/4
3/5
3/6
3/7
3/8
3/9
3/10
3/11
3/12
Montant cumulé des encaissements effectifs
Montant des encaissements du scénario 2
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C. Service
de la comptabilité de l’État et calculs du CPO
L’impact pour le budget de l’État est toutefois encore plus
limité dans cette configuration : la variation de trésorerie ne dépasse
jamais 3 milliards d’euros – an, ce qui se traduit par un impact budgétaire
d’au plus 50 millions d’euros avec l’hypothèse de taux d’intérêt la plus
élevée (2 %).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
83
Tableau n° 8 : Évaluation du gain de trésorerie pour l’État avec une
retenue à la source « parfaite » (scénario 2)
Année
Gain/perte de
trésorerie
en Md€-
semaine
Gain/perte de
trésorerie
en M€-an
Valorisation des
gains de
trésorerie à
0,8 %
(en M€)
Valorisation des
gains de
trésorerie à 2 %
(en M€)
2007
5,06
97,11
0,68
1,94
2008
- 64,64
- 1 241,13
- 8,69
- 24,82
2009
- 72,34
- 1 388,86
- 9,72
- 27,78
2010
- 39,00
- 2 629,99
- 18,41
- 52,60
Total sur
quatre ans
- 170,92
- 5162,87
- 36,14
- 103,26
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C, calculs du
CPO.
Ainsi, l’impact du calendrier d’encaissement mensuel en principe
plus régulier permis par la retenue à la source est en réalité très limité
pour la trésorerie de l’État : l’enjeu est au maximum de l’ordre de la
centaine de millions d’euros en gain ou perte budgétaire nette sur un an.
De plus, contrairement à une idée reçue, ce nouveau calendrier
n’est pas forcément plus favorable à la trésorerie de l’État que le
calendrier actuel. Au contraire même, l’État serait perdant dans la plupart
des cas avec une retenue à la source, notamment dans le cas d’une retenue
à la source « parfaite » liquidée l’année même des revenus.
C - En revanche, l’effet « avancement d’un an de
l’assiette imposable » serait plus significatif
Le second effet de trésorerie attendu avec la retenue à la source est
l’avancement d’un an de la base taxable : l’impôt collecté par l’État en
2012 serait calculé sur la base des revenus 2012, et non pas 2011 comme
dans le système actuel. Les revenus progressant mécaniquement d’une
année sur l’autre, il devrait en résulter un second impact de trésorerie
pour l’État.
Cet impact apparaît
a priori
plus significatif que le précédent,
comme l’illustre l’ampleur de la progression des revenus taxables
observée ces six dernières années, y compris depuis la crise économique.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
84
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 9 : Effets d’un devancement d’une année du recouvrement de
l’impôt sur le revenu (en Mds €)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Impôt sur le revenu net
effectivement collecté
(décalage d’un an)
52,55
53,76
50,03
51,74
46,66
47,43
Impôt sur le revenu
potentiellement collecté avec
la retenue à la source
(taxation contemporaine
des revenus)
88
53,76
50,03
51,74
46,66
47,43
51,62
Différence (Mds €)
+ 1,21
- 3,73
+ 1,71
- 5,08
+ 0,78
+ 4,19
En %
2,30 %
-6,94 %
3,42 %
-9,82 %
1,67 %
8,83 %
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C.
Il est donc nécessaire de croiser les simulations de trésorerie
effectuées au B (impact du changement de calendrier de perception des
acomptes mensuels) avec le changement de base taxable (avancement
d’un an de l’assiette des revenus imposables) afin d’affiner l’analyse de
l’impact de la retenue à la source sur la trésorerie de l’État.
D - Synthèse : même en cumulant les deux effets,
l’impact d’une retenue à la source serait marginal en
matière de trésorerie
Les deux scénarios présentés au B ci-dessus (retenue à la source
« imparfaite » et retenue à la source « parfaite ») ont été reproduits, mais
en changeant de base d’imposition par rapport au scénario de référence
(impôt sur le revenu actuel) : par exemple, l’impôt collecté en 2007 a été
modélisé en appliquant le calendrier d’encaissement de chaque retenue à
la source aux revenus de 2007 (alors que, dans le scénario de référence,
l’impôt encaissé au cours de l’année est calculé sur les revenus 2006).
Ainsi, l’effet « lissage du calendrier » se cumule à l’effet « changement
de base d’imposition » pour mesurer l’impact complet d’un basculement
à la retenue à la source sur la trésorerie de l’État.
Un deuxième effet a été pris en compte : celui de la transition entre
les deux systèmes. En effet, l’année où la retenue à la source est mise en
place, il existe une perte de trésorerie pour l’État liée au délai de
reversement accordé aux tiers payeurs. Par exemple, si la retenue à la
source avait été mise en place au 1
er
janvier 2012, la retenue réalisée par
les tiers payeurs au mois de janvier n’aurait été reversée à l’État que
quelques semaines plus tard, comme c’est le cas pour les cotisations
88
Si l’impôt de 2006, assis sur les revenus 2005, avait été collecté dès 2005.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
85
sociales ou la CSG : le premier acompte n’aurait donc été encaissé par
l’État qu’en février au mieux ; comme, en parallèle, les acomptes payés
par les contribuables au titre de l’ancien système d’imposition auraient
été interrompus au 31 décembre 2011, il en résulterait une absence
d’encaissement de recettes pour l’État, au moins pour le mois de janvier,
voire plus si un délai de reversement de plusieurs mois était accordé aux
tiers payeurs.
Il a donc été nécessaire d’intégrer ce décalage initial pour l’année
de mise en oeuvre de la réforme, selon deux hypothèses (un délai de
reversement d’un mois et un délai de reversement de trois mois), puis de
recalculer le calendrier des retenues mensuelles des années suivantes pour
tenir compte de ce décalage originel.
Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous :
Tableau n° 10 : Simulation de l’impact de trésorerie complet d’un
passage à la retenue à la source
(effet calendrier des acomptes + effet
changement de base d’imposition)
, y compris année de basculement, dans
le cadre
d’une retenue à la source « imparfaite »
(scénario 1)
Variation de
trésorerie
l’année du
basculement
(M € - an)
Cumul des
variations de
trésorerie sur
les années
suivantes
(jusqu’en 2010,
en M € - an)
Valorisation
du total des
gains de
trésorerie à
0,8 %
(en M €)
Valorisation
du total des
gains de
trésorerie à
2 %
(en M €)
1 mois
89
-8 076,31
-5 260,12
-93,36
-266,73
Si basculement
en 2007
3 mois
-15 551,64
-5 690,93
-148,70
-424,85
1 mois
-8 953,64
-4 437,53
-93,74
-267,82
Si basculement
en 2008
3 mois
-15 872,93
-4 655,06
-143,70
-410,56
1 mois
-10 116,82
-2 606,14
-89,06
-254,46
Si basculement
en 2009
3 mois
-16 983,05
-2 790,78
-138,42
-395,48
1 mois
-9 882,00
NC
-69,17
-197,64
Si basculement
en 2010
3 mois
-8 076,31
NC
-112,47
-321,35
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C, calculs du
CPO.
89
Délai de reversement des acomptes consenti aux tiers payeurs.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
86
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 11 : Simulation de l’impact de trésorerie complet d’un
passage à la retenue à la source
(effet calendrier des acomptes + effet
changement de base d’imposition)
, y compris année de basculement, dans
le cadre d’une retenue à la source « parfaite »
(scénario 2)
Variation de
trésorerie
l’année du
basculement
(M € - an)
Cumul des
variations de
trésorerie sur les
années suivantes
(jusqu’en 2010,
en M € - an)
Valorisation
du total des
gains de
trésorerie à
0,8 %
(en M €)
Valorisation
du total des
gains de
trésorerie
à 2 %
(en M €)
1 mois
-7 884,39
-2 735,59
-74,34
-212,40
Si basculement
en 2007
3 mois
-14 507,11
-2 720,23
-120,59
-344,55
1 mois
-9 494,40
-1 121,93
-74,31
-212,33
Si basculement
en 2008
3 mois
-15 615,93
-1 757,07
-121,61
-347,46
1 mois
-8 600,35
237,09
-58,54
-167,27
Si basculement
en 2009
3 mois
-14 671,77
-298,84
-104,79
-299,41
1 mois
-7 124,51
NC
-49,87
-142,49
Si basculement
en 2010
3 mois
-13 731,87
NC
-96,12
-274,64
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF3C, calculs du
CPO.
Quel que soit le scénario de retenue à la source adopté, les
conclusions sont identiques : en intégrant les deux effets du passage à la
retenue à la source (lissage du calendrier de perception mensuelle des
acomptes d’impôt + avancement d’un an de la base d’imposition), en
tenant compte de l’impact spécifique de l’année où est réalisée le
basculement et en prévoyant deux calendriers alternatifs de reversement
des acomptes prélevés par les tiers payeurs :
-
1. l’impact d’une extension de la retenue à la source à l’impôt
sur le revenu serait marginal sur la trésorerie de l’État
: le
cumul des variations de trésorerie n’excède jamais 6 milliards
d’euros, ce qui signifie que l’impact final sur le budget de l’État
(si les gains de trésorerie sont placés sur un compte rémunéré)
n’est jamais supérieur à 500 millions d’euros ;
-
2
.
l’impact ne serait pas forcément positif pour la trésorerie
de l’État
: les simulations ci-dessus ont certes été réalisées sur
une période de dégradation de la conjoncture économique, mais
elles intègrent également des années de croissance (2007 et
2008) pour lesquelles l’impact est également rarement positif : le
passage à la retenue à la source n’aurait été favorable à la
trésorerie de l’État en rythme de croisière que pour la seule année
2007, en partie seulement s’agissant du scénario de retenue
« parfaite » (avec le décalage de trois mois) et en tout état de
cause dans des proportions extrêmement modestes : le gain
budgétaire maximal sur une année aurait été de 11,6 millions
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
87
d’euros (retenue à la source « imparfaite », décalage d’un mois,
valorisation à 2 %).
Il ne faut donc pas attendre de gains de trésorerie importants,
voire pas de gains du tout, d’un passage à la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu.
II
-
Le prélèvement à la source entraînerait-il une
amélioration du taux de recouvrement de l’impôt ?
A - Les comparaisons internationales et le bilan des
prélèvements à la source dans la sphère sociale laissent
penser qu’une retenue à la source de l’impôt sur le
revenu améliorerait le taux de recouvrement
1 -
Les indications issues des comparaisons internationales
Les éléments recueillis auprès des pays étrangers montrent que la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu a souvent été introduite avec
pour premier objectif d’améliorer le recouvrement des recettes fiscales de
l’État. C’était explicitement le cas aux Etats-Unis (1943), au Royaume-
Uni (1944), en Australie (1942), en Nouvelle-Zélande (1958), au Canada
(1917) et en Italie (1973). Il faut d’ailleurs noter que cinq des treize pays
étudiés dans le cadre du présent exercice ont mis en place la retenue à la
source en période de guerre, afin de financer les besoins correspondants :
Canada, Pays-Bas, Australie, Etats-Unis, Royaume-Uni.
On peut également rappeler que la seule expérience de retenue à la
source de l’impôt sur le revenu qui ait été pratiquée en France, le
« stoppage à la source » de la cédule salariale, le fut elle aussi dans un
contexte de guerre, là encore pour maximiser le recouvrement des recettes
fiscales pour l’État (
cf.
chapitre I ci-dessus).
Ces éléments pourraient laisser penser que la retenue à la source,
toutes choses égales par ailleurs, est un mode de prélèvement qui favorise
un recouvrement plus efficace de l’impôt.
De fait, le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu dans les
pays où il est prélevé à la source est particulièrement élevé : 95 % en
Irlande, 99,5 % aux Pays-Bas et 99,7 % au Danemark
90
. De même, en
Nouvelle-Zélande, une étude a montré que l’introduction de la retenue à
90
Source : rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
88
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
la source sur les produits de placement en 1989 avait conduit à réévaluer
de 20 à 50 % la part des intérêts et dividendes non déclarés, preuve
qu’une part importante de la base taxable était éludée sous l’ancien
système de paiement et que seule la retenue à la source avait permis
d’identifier ces revenus dissimulés
91
.
2 -
Les indications issues de l’expérience des prélèvements
à la source en France
En France, le taux de recouvrement des prélèvements à la source
dans la sphère sociale (cotisations et contributions sociales dues sur les
salaires) atteint des niveaux systématiquement supérieurs à 99 %. Sur la
période 2004-2010, il s’est élevé en moyenne à 99,5 % au 31 décembre
de l’année
n
, et à 99,6 % si l’on y ajoute les restes à recouvrer collectés
au 31 mars de l’année
n+1
.
Tableau n° 12 : Taux de recouvrement des prélèvements sociaux
(cotisations et contributions sociales)
sur les salaires en France
(en %)
Exercice
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Moyenne
sur la
période
Taux de
recou-
vrement au
31
décembre n
99,58 %
99,61 %
99,58 %
99,57 %
99,51 %
99,42 %
99,47 %
99,53 %
Taux de
recou-
vrement au
31 mars
n+1
99,65 %
99,68 %
99,66 %
99,66 %
99,62 %
99,54 %
99,59 %
99,63 %
Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Ce résultat contraste avec le taux de recouvrement sensiblement
plus faible des prélèvements sociaux sur les indépendants qui, à la
différence des précédents, ne sont pas prélevés à la source mais par voie
de rôle.
91
Source : L. Jinyan, « Withholding tax on domestic interest and dividends »,
Canadian Tax Journal
, 1995 cité in G. Larin, D. Boudreau,
Les retenues à la source
et les acomptes provisionnels : des problèmes de couverture et d’équité op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
89
Tableau n° 13 : Taux de recouvrement des prélèvements sociaux
(cotisations et contributions sociales)
sur les indépendants en France
(en %)
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Moyenne sur
la période
Artisans,
commerçants,
Professions
libérales
95,3
95,31
95,14
94,74
89,63
85
82,2
91,05 %
Praticiens et
auxiliaires
médicaux
97,82
97,57
93,33
95,5
95,16
95,06
95,42
95,69 %
Non salariés
agricoles
96,76
95,66
96,64
96,59
96,51
NC
NC
96,43 %
Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
La différence de performance, qui est d’environ cinq points en
moyenne, semble accréditer l’idée que le prélèvement à la source est un
mode de recouvrement de l’impôt sensiblement plus fiable que le
prélèvement sur rôle.
Un dernier exemple vient appuyer cette hypothèse : la réforme de
l’imposition des plus-values immobilières en 2004. En effet, jusqu’à cette
date, les plus-values immobilières étaient intégrées au revenu global
soumis au barème de l’impôt sur le revenu, et l’impôt correspondant était
payé par voie de rôle. Depuis la loi de finances pour 2004, un nouveau
prélèvement a été institué : proportionnel, il est recouvré à la source par le
notaire lors de l’enregistrement de l’acte de vente.
Or, la mise en place de la retenue à la source sur les plus-values
immobilières s’est accompagnée d’un saut spectaculaire dans le montant
des plus-values déclarées : + 120 %, contre + 30 % en moyenne les autres
années de croissance. Ce résultat semble résulter d’autres facteurs que la
seule évolution du marché
92
et laisse supposer que le changement de
mode de recouvrement a permis de réduire la sous-déclaration de plus-
values.
92
A titre de comparaison, la hausse des prix de logements anciens a été évaluée cette
année là à 15,9 % par l’indice INSEE – Notaires et à 14,6 % par l’indice FNAIM, un
chiffre comparable à celui de l’année 2003 (respectivement 12,5 % et 13,8 %) et à
celui de l’année 2005 (+ 14,8 % et + 9,8 %). Source : Sénat,
La mesure des prix
immobiliers : de nombreuses sources diversement exploitées
, Service des études
économiques et de la prospective.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
90
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Graphique n° 22 : Évolution des plus-values immobilières déclarées
chaque année depuis 2002
(en %)
52,8%
6,6%
-45,2%
119,3%
24,0%
-8,4%
27,3%
34,8%
-100%
-50%
0%
50%
100%
150%
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Année de mise en oeuvre des PVI
Source : DGFiP, bureau GF3C. Pour 2002 et 2003, les montants
correspondent aux montants déclarés dans la 2042 C, pour 2004 et les
années suivantes, les montants ont été déduits des recettes fiscales des PVI
(imposées à 16 %).
Ainsi, il semblerait que la retenue à la source permette, toutes
choses égales par ailleurs, d’améliorer le recouvrement de l’impôt :
confiée à des tiers payeurs qui n’ont aucun intérêt à éluder les acomptes,
elle permettrait de réduire la dissimulation de revenus ; et ce d’autant plus
que ces tiers étant moins nombreux que les contribuables particuliers, les
tâches de suivi et de contrôle de l’administration fiscale seraient allégées,
lui permettant de se recentrer sur les cas véritablement problématiques.
L’enjeu était ainsi résumé par l’Inspection générale des finances en 1998 :
« Le système [de la retenue à la source] peut aussi permettre de sécuriser
le recouvrement : les interlocuteurs de l’administration fiscale sont des
entreprises, pleinement substituées aux contribuables dans leurs
obligations fiscales. Elles sont moins nombreuses donc a priori mieux
suivies : les agents du recouvrement peuvent concentrer leurs efforts de
relances et de poursuites sur un nombre limité d’objectifs rentables,
plutôt que sur une pléiade d’individus »
93
.
93
Inspection générale des finances,
La mise en place d’une retenue à la source en
matière d’impôt sur le revenu
, décembre 1998.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
91
B - Dans les faits, les gains attendus ne doivent pas être
surestimés
Toutefois, le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu,
pourtant prélevé sur rôle, atteint d’ores et déjà des niveaux très élevés
aujourd’hui : s’il n’est que de 94 % en moyenne à l’échéance (la date
limite de paiement), ce taux monte à plus de 97 % après la phase de
relance amiable pour atteindre 99,4 % au 31 décembre de l’année
n+1
, au
terme de la période contentieuse.
Graphique n°23 : Taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu
en France
93,0%
93,1%
92,9%
94,7%
94,3%
94,1%
96,2%
96,3%
96,4%
97,9%
97,8%
97,6%
98,9%
99,1%
99,2%
99,4%
99,4%
99,3%
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Taux de recouvrement à l'échéance
Taux de recouvrement au basculement en procédure contentieuse
Taux de recouvrement au 31 décembre de l'année N+1
Source : Direction générale des finances publiques, bureau GF1A.
Ce taux de recouvrement final de plus de 99 %, obtenu avec
constance depuis 2005, est comparable à celui observé dans les pays qui
prélèvent l’impôt sur le revenu à la source et à celui des prélèvements
sociaux à la source (
cf.
A ci-dessus).
Ce résultat peut s’expliquer par deux séries de facteurs :
-
i. la progression des moyens de paiement automatiques
(mensualisation ou prélèvement automatique à l’échéance,
désormais utilisés par plus de 80 % des contribuables ;
cf.
I du
chapitre
III
ci-dessus)
:
ils
permettent
de
s’assurer
du
recouvrement rapide et sécurisé des acomptes d’impôt dus ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
92
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
ii
.
la
modernisation
des
méthodes
d’analyse
de
l’administration
fiscale
:
elle
favorise
une
politique
de
recouvrement à la fois plus réactive (notamment lors de la phase
contentieuse) et plus ciblée en fonction des enjeux.
Ainsi, les gains théoriquement attendus de la retenue à la
source en matière d’efficacité du recouvrement ont été largement
atteints via les réformes engagées par l’administration fiscale depuis
2000
.
Dans ces conditions, il semble difficile que la retenue à la source
puisse apporter de nouveaux progrès significatifs : tout au plus
permettrait-elle à l’État d’économiser la phase de relance amiable, c’est-
à-dire la période où sont recouvrés les acomptes des contribuables
a
priori
de bonne foi qui ont omis de régler leur imposition dans les temps
par erreur plus que par volonté de dissimulation. L’économie de cette
phase rapporterait un gain de trésorerie limité pour l’État et quelques
économies de fonctionnement (
cf.
III ci-dessous).
En revanche, il semble illusoire d’attendre de la retenue à la source
un progrès important au-delà du gain de la phase amiable :
-
d’une part, la quasi-totalité des revenus qui peuvent faire l’objet
de recoupements sont aujourd’hui recoupés, via notamment la
déclaration préremplie. Les autres revenus, par exemple ceux des
indépendants, ne pourraient pas plus être recoupés dans un
système de retenue à la source en l’absence de tiers payeurs
identifiés. Les exemples étrangers comme l’expérience retirée
des prélèvements sociaux à la source dans le cas français
montrent d’ailleurs que ces revenus continuent de faire l’objet
d’une imposition sur rôle et d’un paiement par acomptes, avec
les limites afférentes ;
-
d’autre part, la retenue à la source ne supprime pas tout risque de
défaillance du redevable de l’impôt : elle transfère en partie ce
risque du contribuable vers le tiers payeur. Mais ce dernier n’est
pas non plus exempt de difficultés de paiement, qu’il s’agisse
d’erreurs dans le précompte de l’impôt, de difficultés financières
(liquidation judiciaire par exemple) ou encore de fraude.
L’amélioration du taux de recouvrement n’apparaît donc plus
comme une raison majeure d’étendre la retenue à la source à l’impôt
sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
93
III
-
Le prélèvement à la source serait-il un levier
pour dégager des gains de productivité
dans l’administration ?
A - Problématique générale : un mode de recouvrement
réputé moins coûteux que l’impôt sur rôle
Le prélèvement à la source a souvent été présenté comme un mode
de recouvrement plus efficient que celui qui prévaut aujourd’hui pour
l’impôt sur le revenu. En effet, deux de ses caractéristiques sont
susceptibles de générer des économies de gestion dans l’administration
fiscale :
-
i. le caractère automatisé de son paiement
: les acomptes
d’impôt étant systématiquement prélevés par des tiers payeurs
(employeurs, banques, caisses de sécurité sociale ...) et reversés à
l’administration par simple virement, cette dernière serait
affranchie de toutes les tâches d’encaissement manuel de
l’impôt : réception du public au guichet, traitement des chèques
... ;
-
ii. l’interface assurée par le tiers payeur vis-à-vis des
contribuables
: l’impôt étant désormais précompté et prélevé par
le tiers payeur, et la majorité des contribuables percevant
principalement des revenus salariaux ou de remplacement,
l’administration serait déchargée du traitement de certaines
tâches de gestion : saisie et contrôle des revenus du contribuable,
renseignements divers ...
Le rapport de la mission comparative des administrations fiscales
concluait ainsi en 1998 :
« Ce mode de prélèvement de l’impôt sur le
revenu [la retenue à la source] est à l’évidence moins coûteux qu’un
appel direct aux contribuables individuels, en ce qu’il limite le nombre de
points de contact entre l’administration fiscale et les contribuables, et
diminue le nombre de paiements à gérer. »
94
.
Pourtant, les économies attendues ne doivent pas être surestimées.
La première explication tient au fait que l’impôt sur le revenu n’occupe
qu’une faible part des prélèvements obligatoires en France : moins de 6 %
du produit total des prélèvements obligatoires, moins de 13 % des seules
94
Inspection
générale
des
finances,
Mission
d’analyse
comparative
des
administrations fiscales op. cit.
p. 118.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
94
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
recettes fiscales et moins de 20 % des seules recettes fiscales de l’État
95
-
contre 30 % en moyenne dans les autres pays de l’OCDE
96
. Ainsi, la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu, quand bien même elle
génèrerait des gains de productivité pour la gestion de celui-ci,
n’éliminerait en rien les tâches liées au calcul et au recouvrement des
autres prélèvements (par exemple les impôts directs locaux), qui
mobilisent l’essentiel des ressources de l’administration fiscale. C’est
pour cette raison que, déjà en 1998, l’Inspection générale des finances
parlait de
« relative modicité »
des économies de gestion à attendre de la
mise en oeuvre d’une retenue à la source : 2 700 emplois au total, dont
1 700 au sein des services chargés du calcul de l’impôt et 1 000 au sein
des services chargés de son recouvrement
97
.
En outre, certains facteurs d’économie que la retenue à la source
pouvait apporter ont été entretemps introduits par d’autres moyens. C’est
le cas de l’automatisation de la saisie des revenus des contribuables pour
les services d’assiette
98
, ou de la généralisation des moyens de paiement
dématérialisés pour les services en charge du recouvrement (
cf.
I du
chapitre III ci-dessus pour la déclaration préremplie et les moyens de
paiement dématérialisés). De fait, dix ans après le rapport de l’Inspection
générale des finances précité, le ministère de l’économie et des finances
réduisait les économies possibles à une fourchette comprise entre 600 et
1 200 emplois
99
.
L’impact d’une retenue à la source sur le coût de recouvrement de
l’impôt sur le revenu a donc fait l’objet de nouvelles évaluations dans le
cadre du présent rapport.
95
Produit total 2010 : 46,9 milliards d’euros ; total recettes fiscales de l’État 2010 :
258,3 milliards d’euros ; total recettes fiscales 2010 : 365,9 milliards d’euros ; total
prélèvements obligatoires 2010 : 822,1 milliards d’euros. Source :
Rapport sur les
prélèvements obligatoires 2012 op. cit.
96
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
97
Inspection générale des finances,
La mise en place d’une retenue à la source en
matière d’impôt sur le revenu
op. cit.
98
La disparition de la saisie manuelle des déclarations expliquait ainsi les 1 700
économies d’emploi envisagées par l’Inspection générale des finances dans les
services d’assiette en 1998.
99
Simulations de l’administration fiscale en 2007 suite à la publication du rapport
Auvigne, Bebear, Viricelle.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
95
B - Les gains de productivité réalisés depuis dix ans par
l’administration fiscale réduisent toutefois fortement les
économies de gestion à attendre de la retenue
à la source
Deux approches peuvent être utilisées pour évaluer les économies
de gestion que pourrait apporter la retenue à la source :
-
i. l’approche par les coûts de recouvrement
: la direction
générale des finances publiques et l’Agence centrale des
organismes
de
sécurité
sociale
disposant
chacune
d’une
comptabilité d’analyse des coûts, il est possible de comparer les
coûts de gestion de l’impôt sur le revenu, géré par la première, et
des prélèvements sociaux retenus à la source, gérés par la
seconde ;
-
ii. l’approche par la fonction de production
: elle consiste à
décomposer les tâches de gestion de l’impôt sur le revenu pour
analyser les économies réalisables à chacune d’elle si l’impôt
était dorénavant prélevé à la source.
1 -
L’approche par les coûts de recouvrement n’est pas pertinente
en raison des différences de nature entre impôts
Une première approximation des surcoûts générés par le
prélèvement sur rôle et, corrélativement, des économies que pourrait
apporter une retenue à la source, consiste à comparer les coûts de gestion
de l’impôt sur le revenu, d’une part, et de prélèvements à la source de
dimension comparable, d’autre part.
Cette comparaison est possible dans la mesure où les deux
administrations chargées du recouvrement des principaux prélèvements
obligatoires en France – la direction générale des finances publiques pour
les prélèvements fiscaux et l’Agence centrale des organismes de sécurité
sociale pour les prélèvements sociaux – ont chacune mis en place une
comptabilité d’analyse des coûts. Celle-ci permet de rattacher à chaque
prélèvement les coûts de gestion correspondants, décomposés par grande
fonction (accueil, recouvrement amiable, contrôle ...). On obtient ainsi un
coût de gestion complet de chaque impôt.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
96
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Encadré n° 6 : La méthodologie d’analyse des coûts de gestion
dans la sphère fiscale
100
La direction générale des finances publiques (DGFiP) recourt à deux
méthodes d’évaluation des coûts :
- la méthode dite « Lépine »
, du nom de la mission conduite par
l’Inspection générale des finances en 1998 d’analyse comparative des
administrations fiscales. Elle permet d’établir le rattachement des coûts
pour chacun des principaux impôts gérés par la DGFiP (impôt sur le revenu,
impôts directs locaux, TVA ...). Le calcul des coûts prend en compte les
pensions civiles (stabilisées à 41,1 % du traitement brut), la valeur locative
des immeubles domaniaux à titre d’amortissement du patrimoine (loyers
budgétaires généralisés à compter de 2010), les salaires des conservateurs
des hypothèques, les rémunérations et les coûts de fonctionnement de la
direction de la législation fiscale, ainsi que les coûts immobiliers supportés
par le secrétariat général du ministère ;
- la méthode dite « CAC »
(pour comptabilité analytique des coûts), issue
de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) entrée en vigueur
en 2006. Elle est basée sur les données de comptabilité générale du contrôle
budgétaire et comptable ministériel (CBCM). Le calcul des coûts prend en
compte les cotisations employeur « réelles », les salaires des conservateurs
des hypothèques, les rémunérations et les coûts de fonctionnement de la
direction de la législation fiscale ainsi que la totalité des déversements
externes en provenance des programmes support 218 et 309.
La méthode de ventilation des coûts diffère selon les filières de la DGFiP :
- pour la filière fiscale
, le coût des structures assurant des missions fiscales
est ventilé entre les différents impôts, actions et sous-actions (assiette de la
fiscalité des particuliers, recouvrement de la fiscalité des PME…) en
fonction du temps consacré par chaque structure à ces différentes tâches. La
répartition de l’activité des structures est obtenue à grâce à des grilles issues
d’une enquête (la cartographie de l’activité) actualisée avec les dernières
données connues ;
- pour la filière gestion publique,
la ventilation est effectuée par action,
sous-action ou activité (dépenses État, du secteur public local, amendes,
domaine, recouvrement des impôts) au moyen de l’enquête par structure de
« répartition fonctionnelle des effectifs ». Les coûts du recouvrement des
impôts sont répartis entre trois processus : la gestion amiable de l’impôt, la
gestion des contrats de paiements et le contentieux.
100
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
97
Une fois calculés, les coûts de gestion complets de chaque impôt
peuvent être rapprochés du produit de l’impôt. On obtient alors le « taux
d’intervention », qui mesure le degré de mobilisation des ressources
administratives nécessaire à la gestion de chaque prélèvement.
La comparaison des taux d’intervention entre l’impôt sur le revenu
et les prélèvements à la source dans la sphère sociale fait apparaître des
différences sensibles.
Tableau n° 14 : Taux d’intervention comparés de l’impôt sur le revenu et
des prélèvements sociaux à la source en 2010
(en %, coûts complets)
Impôt sur le revenu
(payé sur rôle)
Prélèvements sociaux sur
comptes d’employeurs
(retenus à la source)
Méthode Lépine
2,43 %
Méthode CAC
2,79 %
0,21 %
Source : Direction générale des finances publiques, bureau BP1A (impôt sur
le
revenu) ;
Agence
centrale
des
organismes
de
sécurité
sociale
(prélèvements sociaux).
Ces chiffres signifient que le recouvrement de 100 euros d’impôt
sur le revenu coûte entre 2,43 et 2,79 euros, alors que le recouvrement de
100 euros de prélèvements sociaux sur employeurs (retenus à la source)
ne coûte que 21 centimes. On pourrait en déduire que le coût de gestion
des prélèvements à la source est significativement inférieur à celui de
l’impôt sur le revenu, et par conséquent qu’un prélèvement à la source de
l’impôt sur le revenu permettrait de réaliser des économies de
fonctionnement substantielles dans l’administration fiscale.
En réalité, ces différences proviennent de la structure des
prélèvements, bien plus que de leur mode de recouvrement.
Si l’impôt sur le revenu est « cher », c’est parce qu’il s’agit d’un
prélèvement complexe, qui intègre une grande variété de paramètres
(situation conjugale, nombre d’enfants, montant des revenus, utilisation
éventuelle de dépenses fiscales ...) et qui nécessite de ce fait une gestion
relativement personnalisée. Par contraste, les prélèvements sociaux
retenus à la source sur les comptes d’employeurs (cotisations sociales,
CSG ...) intègrent peu de paramètres : ils mobilisent donc moins de
ressources administratives. De ce point de vue, on ne peut guère déduire
du taux d’intervention comparé la perspective de gains de productivité
importants avec la retenue à la source.
Deux
exemples
complémentaires
viennent
illustrer
cette
problématique :
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
98
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
dans la sphère fiscale, si le taux d’intervention des autres impôts
directs sur les ménages se situe à un niveau comparable à celui
de l’impôt sur le revenu, en revanche, celui de la TVA s’établit à
environ 0,6 % en 2010
101
, soit un taux proche de celui des
prélèvements sociaux à la source. La TVA étant de nature très
différente des deux types de prélèvements précités, cet exemple
illustre l’impossibilité d’isoler au sein d’un taux d’intervention la
part qui est liée au mode de recouvrement de l’impôt des autres
paramètres ;
-
inversement, dans la sphère sociale, le taux d’intervention plus
élevé des prélèvements sur rôle (1,59 % pour les prélèvements
sur les indépendants en 2010) est observé précisément là où il
n’est pas possible d’appliquer une retenue à la source : en
l’absence de tiers payeurs et de possibilité de connaître le revenu
en temps réel, les recoupements sont rendus plus difficiles. Ainsi,
là encore, un taux d’intervention élevé ne signifie pas que des
gains de productivité importants soient possibles : il signale
davantage la spécificité de l’impôt (en l’espèce, de ses
redevables).
La méthode par les coûts de recouvrement n’est donc pas
pertinente pour procéder à l’évaluation des prélèvements à la source : elle
ne permet pas d’isoler la part des coûts de gestion qui est liée au mode de
recouvrement de l’impôt (prélèvement à la source ou autre). Elle risque
au contraire de provoquer des contresens, en conduisant à confondre les
facteurs de recouvrement avec les facteurs d’assiette (mode de calcul de
l’impôt, nature de l’assiette taxable et des redevables ...). Elle n’est donc
pas appropriée pour identifier les éventuels gains de productivité permis
par la retenue à la source.
2 -
L’approche par la fonction de production révèle
une amélioration limitée avec la retenue à la source
La seconde approche consiste à décomposer la fonction de
production de l’impôt sur le revenu et d’identifier, pour chaque étape,
quel serait l’impact d’une retenue à la source sur la gestion administrative
de l’impôt.
A la différence de la précédente, cette méthode permet de procéder
à une comparaison des modes de gestion au sein d’une même
administration, pour un même impôt. Ella a donc l’avantage de
neutraliser les paramètres autres que le mode de recouvrement de l’impôt.
101
0,55 % en méthode « Lépine » et 0,63 % en méthode CAC.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
99
Le premier enseignement de cette démarche est que, parmi les cinq
grandes fonctions de gestion de l’impôt des particuliers, seule une – la
phase de recouvrement amiable – est susceptible d’être significativement
affectée par la mise en place d’une retenue à la source.
Graphique n° 24 : Décomposition de la fonction de production de l’impôt
sur le revenu
Source : Direction générale des finances publiques etCPO.
En effet, les autres fonctions resteraient globalement inchangées :
-
la gestion administrative des contribuables
ne serait pas
affectée, car il faudrait toujours suivre et recouper les
changements de situation familiale, de domicile ... En outre, cette
fonction s’enrichirait du suivi des changements de situation
professionnelle afin d’assurer une articulation efficace des tiers
payeurs ;
-
l’établissement des rôles et l’envoi des déclarations
ne seraient
pas non plus profondément modifiés. Ils ne seraient pas
simplifiés, les informations communiquées par les tiers payeurs
étant déjà intégrées aujourd’hui via la déclaration préremplie. En
outre, la déclaration et l’avis d’imposition resteraient nécessaires
pour communiquer au contribuable son taux d’imposition et, le
cas
échéant,
le
montant
de
ses
rappels
ou
de
ses
remboursements lors de la régularisation ;
-
la gestion du recouvrement contentieux
subsisterait afin de
s’assurer du recouvrement des créances fiscales auprès des
contribuables ou des tiers payeurs défaillants. Le II ci-dessus a
montré que la retenue à la source ne supprime pas les
Gestion de
l'impôt sur
le revenu
Gestion
administra-
tive
Etablisse-
ment des
rôles
Recouvre-
ment
amiable
Recouvre-
ment
contentieux
Contrôle
Impact significatif de
la retenue à la source
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
100
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
défaillances des payeurs, qui sont en partie déportées sur les tiers
payeurs ;
-
la mission de contrôle
: les revenus recoupables étant déjà
recoupés dans le système actuel, la retenue à la source ne
réduirait pas les comportements d’évitement de l’impôt. Le
contrôle resterait donc nécessaire, en étant là aussi partiellement
redéployé en direction des tiers payeurs.
S’agissant de la fonction de recouvrement amiable, trois familles
d’économies sont envisageables :
-
i. les économies liées à la suppression du paiement manuel de
l’impôt
: la retenue à la source de l’impôt étant réalisée par des
tiers payeurs, le paiement manuel de l’impôt (par chèque, TIP ou
numéraire, soit encore entre 10 % et 15 % des paiements
aujourd’hui) disparaîtrait. Il en résulterait une économie de
gestion dans les services des impôts des particuliers (SIP, ex
trésoreries ; environ 50 équivalents temps plein) et dans les
centres d’encaissement des finances publiques chargés de
procéder à l’encaissement automatique des TIP (économie de
fonctionnement de 3 millions d’euros par an) ;
-
ii. les économies liées à la suppression de la phase de relance
amiable :
avec la retenue à la source, l’émission des lettres de
rappel, destinées aux contribuables ayant oublié de régler leur
imposition dans les temps, ne serait plus nécessaire. Les
contribuables étant prélevés automatiquement sur leurs revenus,
les seuls restes à recouvrer qui subsisteraient après l’échéance
seraient le fait d’un comportement délibéré du contribuable
(défaillance ou fraude) et relèveraient donc directement de la
phase de recouvrement contentieuse. L’économie réalisée serait
de l’ordre de 300 000 euros par an ;
-
iii. les économies liées à la suppression des délais de
paiement
: la retenue à la source permettant une meilleure
synchronisation de l’impôt aux variations de revenu, il peut être
considéré qu’elle rendrait les délais de paiement superflus. La
gestion des délais de paiement de l’impôt sur le revenu mobilise
environ 130 équivalents temps plein.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
101
Tableau n° 15 : Synthèse des économies de gestion envisageables avec la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu
Familles d’économies
Actions
supprimées
Nombre d’ETP
Valorisation
Encaissements
manuels en SIP
53,90
2,66 M€
102
Suppression des
encaissements manuels
de l’impôt
Encaissements en
centres
d’encaissement
-
3,16 M€
103
Suppression de la
relance amiable
Emission de la
lettre de rappel
-
0,32 M€
Suppression des délais
de paiement
Procédures de délai
de paiement
130,44
6,43 M€
Total
184,34
12,57 M€
Source : Direction générale des finances publiques, bureaux GF1A, SI1F,
BP2B et CL1C, calculs du rapporteur particulier.
Au total, l’économie de gestion qui pourrait résulter de la retenue à
la source de l’impôt sur le revenu apparaît particulièrement faible : moins
de 200 équivalents temps plein et une économie totale annuelle d’environ
12 millions d’euros. Au surplus, près de la moitié de cette économie
pourrait être réalisée plus simplement qu’avec la retenue à la source, en
généralisant la mensualisation de l’impôt sur le revenu (les encaissements
manuels seraient également supprimés).
C - En outre, la retenue à la source génère de nouveaux
coûts de gestion pour l’administration
et pour les tiers payeurs
En contrepartie, la retenue à la source est susceptible de générer
des coûts de gestion supplémentaires, à deux niveaux.
1 -
Des coûts de gestion supplémentaires dans l’administration
La retenue à la source peut également entraîner des charges
supplémentaires pour l’administration fiscale.
102
Estimation du nombre d’ETP réalisée sur la base d’une enquête temps (nombre
d’encaissements par an x temps moyen de traitement). Valorisation de l’ETP à
49 333 euros par an, coût chargé des cotisations employeur.
103
Chiffrage réalisé sur la base de la comptabilité d’analyse des coûts des centres
d’encaissement
des
finances
publiques.
Correspond
au
coût
complet
de
l’encaissement, y compris ETP, fonctions support et amortissement.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
102
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
D’une part, la phase de gestion administrative risque d’être
compliquée puisque, au suivi des contribuables, s’ajouterait désormais le
suivi des tiers payeurs : déménagements, absorptions, liquidations ...
D’autre part, l’établissement des rôles et la phase de recouvrement
amiable risquent d’être singulièrement compliqués par la faculté
désormais ouverte d’ajuster le taux d’imposition en temps réel.
-
soit l’administration devra effectuer le travail d’ajustement en
continu du taux d’imposition (modèle de la retenue à la source
« parfaite » présentée au chapitre III), auquel cas la charge de
gestion nouvelle risque d’être considérable – l’option consisterait
en effet à dupliquer sur les douze mois de l’année le travail de
liquidation de l’impôt réalisé aujourd’hui une seule fois par an,
lors de l’émission des rôles ;
-
soit, à défaut, c’est au contribuable qu’il sera laissé la possibilité
d’ajuster son taux d’imposition en cours d’année. Mais les
risques afférents d’erreurs ou de fraude impliqueront de renforcer
les contrôles lors de la phase de recouvrement amiable (contrôle
des variations d’acomptes, calcul des régularisations).
Ces coûts nouveaux étant fortement dépendants du modèle de
retenue à la source adopté, il n’a pas été possible d’en fournir une
évaluation précise. Toutefois, ils peuvent rapidement excéder les
modestes économies de gestion identifiées par ailleurs (
cf.
ci-dessus).
2 -
Des coûts de gestion supplémentaires pour les tiers payeurs
La retenue à la source a une seconde contrepartie : elle génère une
charge de gestion nouvelle pour les tiers payeurs à qui est confié le
précompte de l’impôt.
Cette charge est bien sûr dépendante du modèle de retenue à la
source adopté (
cf.
deuxième partie ci-après). Mais en tout état de cause,
même dans un scénario de minimisation du transfert de charges aux tiers
payeurs, ceux-ci subiront
a minima
deux types de surcoûts :
-
i. un coût d’adaptation lors de l’année de transition
: les tiers
payeurs devront à la fois adapter les outils de versement de
revenus (logiciels de paye notamment) pour intégrer le taux
d’imposition de chaque contribuable, adapter les circuits de
transfert d’acomptes et d’informations (afin de précompter et
reverser à l’administration le nouveau prélèvement qui leur est
confié) et mobiliser des effectifs, notamment dans les services
des ressources humaines, pour répondre aux questions nouvelles
que ne manqueront pas de poser les contribuables – salariés sur
la mise en oeuvre du nouveau système ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
103
-
ii
.
un coût de gestion en régime de croisière
: les tiers payeurs
devront gérer un nouveau flux d’échanges, mensuel vis-à-vis de
l’administration (versement des acomptes d’impôt), et d’une
périodicité
à
définir
vis-à-vis
des
salariés
et/ou
de
l’administration
pour
procéder
à
l’ajustement
des
taux
d’imposition en cours d’année.
Plusieurs études ont été réalisées à l’étranger sur les « coûts de
conformité » (
compliance costs
) supportés par les tiers payeurs dans les
pays qui prélèvent l’impôt sur le revenu à la source
104
. Si les résultats sont
fortement dépendants du système de retenue à la source adopté, deux
conclusions s’imposent :
-
i. le montant total des coûts de conformité n’est pas
négligeable
. Les différentes études le placent entre 1,3 % et
3,5 % des montants prélevés
105
. En conséquence, si ce coût de
gestion est ajouté au coût de gestion administratif de la retenue à
la source, le coût total pour la société d’un système en retenue à
la source peut excéder celui d’un système déclaratif avec
prélèvement sur rôle ;
-
ii. c’est sur les petites et moyennes entreprises (PME) que
repose l’essentiel des coûts de conformité
, dans la mesure où
elles
sont
moins
bien
équipées
que
les
entreprises
et
administrations de taille plus importante pour gérer la complexité
d’un système de retenue à la source
106
.
Les éléments recueillis dans le cadre de l’enquête internationale
confirment que la charge de gestion supportée par les tiers payeurs en
régime de croisière peut être significative, de 4 euros par salarié et par an
au Danemark (pays à structure d’imposition très simple) jusqu’à
200 euros par salarié par an (Pays-Bas et Australie)
107
. Il s’agit également
d’un sujet de préoccupation qui a été souligné avec constance par les
interlocuteurs patronaux auditionnés dans le cadre du présent exercice.
104
Par exemple : D. Collar et M. Godwin, « Compliance Costs for Employers : UK
PAYE and National Insurance », 1995/1996
, Fiscal Studies
, 1999 et F. Vaillancourt,
J. Clemens et P. Milagros,
Compliance and administrative Costs of Taxation in
Canada,
2007.
105
G. Larin et D. Boudreau,
Les Retenues à la source et les acomptes provisionnels :
des problèmes de couverture et d’équité
op. cit.
106
Par exemple : Chittenden, Francis, Saleema Kauser et Panikkos Poutziouris¸
“PAYE-NIC Compliance costs, Empirical Evidence from the UK SME Economy” in
International Small Business Journal
, Décembre 2005 ; “Changes in SME tax
compliance costs 2004 to 2009, evaluation report 2”, New Zealand Inland Revenue,
2010.
107
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre V
Prélèvements à la source et pilotage
de l’économie
L’impôt étant également un instrument de politique économique,
son mode de recouvrement peut avoir une incidence sur l’efficacité du
pilotage de l’activité.
Deux effets sont plus spécifiquement étudiés dans ce chapitre :
-
au niveau macroéconomique, le rôle que le prélèvement à la
source peut jouer pour favoriser une plus grande réactivité des
politiques économiques ;
-
au niveau microéconomique, l’impact que peut avoir le
prélèvement à la source sur le comportement d’épargne des
ménages et, de ce fait, sur leur consommation.
I
-
Le prélèvement à la source accroît-il la
réactivité des politiques macroéconomiques ?
Le prélèvement à la source favorise un calcul de l’impôt au fil de
l’eau : d’une part, l’application d’un taux aux revenus conduit
mécaniquement le montant d’impôt à s’ajuster aux variations de revenus
des contribuables,
a fortiori
si le taux lui-même peut être ajusté (« effet
assiette » et « effet taux » présentés au chapitre III ci-dessus) ; d’autre
part, le taux étant appliqué chaque mois aux revenus, il apparaît possible
de modifier le mode de calcul de l’impôt en cours d’année avec effet
immédiat, sans attendre l’émission de l’avis d’imposition en
n+1
.
Il en résulte deux effets potentiellement intéressants en matière de
conduite des politiques économiques :
-
i. la meilleure synchronisation de l’impôt aux variations de
revenus
peut
renforcer
l’efficacité
des
stabilisateurs
automatiques, c’est-à-dire le rôle d’amortisseur des variations de
revenu joué par les finances publiques ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
106
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
ii. le calcul de l’impôt sur une base mensuelle peut favoriser une
entrée en vigueur plus rapide des nouvelles dispositions fiscales,
et ainsi améliorer leur utilisation à des fins de politique
économique.
A - Le prélèvement à la source renforcerait l’effet des
stabilisateurs automatiques, mais de façon limitée dans
le cas français
1 -
Présentation du raisonnement théorique
Les finances publiques jouent un rôle important d’amortisseurs des
variations de l’activité économique. Cet effet est appelé « stabilisateurs
automatiques » :
-
lorsque la conjoncture se dégrade, les rentrées fiscales diminuent
mécaniquement sous l’effet de la baisse des revenus (les
contribuables imposables, qu’il s’agisse des entreprises ou des
particuliers, sont moins nombreux et disposent de revenus plus
faibles), alors même que les transferts des administrations
publiques augmentent (indemnisation du chômage par exemple).
L’effet de ciseau entre baisse des recettes et hausse des dépenses
se traduit par un creusement du déficit budgétaire ;
-
lorsque l’activité économique redémarre, l’effet inverse se
produit : les recettes fiscales et sociales progressent sous l’effet
de la hausse des revenus, alors que les transferts publics
diminuent. Il en résulte une résorption du déficit conjoncturel.
La contribution des prélèvements obligatoires aux stabilisateurs
automatiques est essentielle : en période de dégradation de la conjoncture,
l’absence de compensation de la baisse des recettes fiscales revient à
soutenir les revenus et donc la demande globale.
A contrario
,
l’augmentation automatique des prélèvements obligatoires en période de
croissance permet de contenir l’inflation.
Dans ce contexte, le prélèvement à la source, parce qu’il permet
une synchronisation plus immédiate de l’impôt aux variations de revenus,
est susceptible d’amplifier l’effet des stabilisateurs automatiques :
-
d’une part, l’impôt sur le revenu étant dorénavant prélevé sur les
revenus de l’année courante, il s’ajusterait dès la survenance de
la variation de revenus (alors qu’aujourd’hui, l’impôt s’ajuste
avec un an de décalage, soit en
n+1
). C’est « l’effet assiette » ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
107
-
d’autre part, l’impôt pourrait être recalculé en temps réel pour
tenir compte des variations de revenu (via la modulation du taux
d’imposition), accélérant la prise en compte des variations de
revenu dès l’année
n
(et non pas lors de la régularisation de
n+1
).
C’est « l’effet taux ».
En période de dégradation de l’activité économique, il en
résulterait un soutien plus immédiat à la demande des ménages (effet dit
contracyclique, car compensant la baisse des revenus des ménages) et, en
contrepartie, une contribution plus forte au déficit budgétaire (effet dit
procyclique, car amplifiant la dégradation des finances publiques).
2 -
Application au cas de l’impôt sur le revenu en France
S’agissant du cas de l’impôt sur le revenu en France, deux
conclusions peuvent être tirées :
-
i. le prélèvement à la source entraînerait effectivement une
amplification des stabilisateurs automatiques
: le simple
devancement de l’année de recettes fiscales (« effet assiette »
correspondant à une retenue à la source « imparfaite »)
entraînerait
des
variations
de
recettes
fiscales
d’environ
3 milliards d’euros par an par rapport au système actuel ;
Graphique n° 25 : Ampleur des variations de recettes fiscales si la base
d’imposition avait été avancée d’une année par rapport au système
actuel
(en milliards d’euros)
2,6
1,2
­
3,7
1,7
­
5,1
0,8
4,2
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source :
Direction générale des finances publiques, bureau GF3C.
-
ii. toutefois, cette amplification resterait limitée, compte tenu
du faible poids de l’impôt sur le revenu
: comme cela a été
rappelé au III du chapitre IV, l’impôt sur le revenu représente
aujourd’hui moins de 6 % du produit total des prélèvements
obligatoires (46,9 milliards d’euros de recettes en 2010 pour un
produit total des prélèvements obligatoires de 822,1 milliards
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
108
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
d’euros)
108
. En conséquence, la plus grande réactivité de l’impôt
sur le revenu aux variations de la conjoncture n’aurait qu’un
impact limité au niveau macroéconomique.
Graphique n° 26 : Impact sur le déficit public du devancement d’un an
de la recette d’impôt sur le revenu
(en % du PIB)
109
­
3,6%
­
2,9%
­
2,3%
­
7,1%
­
7,5%
­
3,3%
­
2,7%
­
6,9%
­
7,5%
­
3,6%
­
2,6%
­
2,5%
­
2,8%
­
3,4%
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Déficit public effectif
Déficit public avec devancement d'une année de l'impôt sur le revenu
Source : Comptes nationaux INSEE et direction générale des finances
publiques. Le déficit public est le déficit public des administrations publiques
au sens de Maastricht, exprimé en pourcentage du produit intérieur brut.
B - Le prélèvement à la source aurait une incidence plus
marquée sur l’entrée en vigueur des nouvelles
dispositions fiscales
Le second volet du pilotage économique concerne l’entrée en
vigueur des dispositions fiscales : lorsqu’une nouvelle disposition est
votée en cours d’année, son impact sur le comportement des
contribuables peut être plus ou moins rapide. Un ajustement rapide du
comportement est plus
intéressant car il permet de produire plus
immédiatement les résultats attendus.
108
Rapport sur les prélèvements obligatoires pour 2012 op. cit.
109
Actuellement, l’impôt sur le revenu est enregistré dans les comptes nationaux à la
date de l'émission des rôles et non à la date du fait générateur (la perception des
revenus). Ainsi, l’impôt recouvré en 2011 au titre des revenus 2010 est rattaché
budgétairement à l’exercice 2011 (et pas à l’exercice 2010). En revanche, avec une
retenue à la source, l’impôt sur le revenu deviendrait presque par construction un
impôt enregistré selon le fait générateur (l’impôt 2011 serait rattaché à l’exercice
2011). Ce changement de base, s’il n’était pas accompagné d’un retraitement des
montants d’impôt collectés précédemment, pourrait fausser la lecture de l’évolution
des montants d’impôt collectés et donc de l’impact réel de la retenue à la source sur le
déficit budgétaire.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
109
Dans cette perspective, la retenue à la source de l’impôt sur le
revenu pourrait apporter une avancée non négligeable.
1 -
Inertie du système actuel d’impôt sur le revenu
Dans le cadre de l’impôt sur le revenu, il est d’ores et déjà possible
de tirer les conséquences d’une nouvelle disposition fiscale en cours
d’année, sans attendre l’émission de l’avis d’imposition en
n+1
. En effet,
les contribuables disposent de la faculté de moduler leurs acomptes
(provisionnels ou mensuels) s’ils anticipent une baisse de leur impôt futur
(
cf.
I du chapitre III ci-dessus).
C’est notamment le cas lorsqu’une nouvelle disposition fiscale
favorable aux contribuables entre en vigueur
(par exemple : baisse du
taux marginal, dépense fiscale permettant de réduire l’impôt dû ...) : si
elle est applicable à compter des revenus de l’année
n
, le contribuable qui
en bénéficie verra son impôt diminuer en
n+1
. La baisse de l’impôt sera
normalement
calculée
au
moment
de
l’établissement
de
l’avis
d’imposition, à l’été
n+1
, et prise en compte lors du versement du solde
ou des derniers acomptes mensuels de l’année
n+1
. Toutefois, le
contribuable n’est pas obligé d’attendre la régularisation de fin d’année :
il peut moduler ses acomptes (provisionnels ou mensuels) dès le mois de
janvier
n+1
pour anticiper la baisse future de son imposition.
Toutefois, l’étude empirique réalisée dans le cadre du présent
exercice sur la dépense fiscale « Scellier »
110
montre que cette possibilité
d’anticiper l’ajustement de l’impôt reste largement théorique : sur
l’échantillon de 149 contribuables mensualisés qui bénéficiaient pour la
première fois d’une réduction d’impôt « Scellier » au titre de leur impôt
2010, seuls 11, soit 7 % de l’échantillon, ont baissé dès janvier 2010 leurs
mensualités d’impôt de façon correcte. Les 93 % restants ont soit modifié
leurs acomptes dès janvier mais de façon incorrecte (9 %), soit modifié
avec retard (13 %) voire pas du tout (71 %) leurs mensualités. Pourtant,
les montants en jeu étaient significatifs et auraient pu justifier une
démarche de la part du contribuable : le remboursement des trop perçus
par l’administration s’est élevé en moyenne à 3 500 euros, ce qui
correspond à un trop payé par les contribuables de 500 euros par mois
pendant sept mois.
Ainsi, les modalités de prise en compte accélérée des nouvelles
dispositions fiscales restent largement inopérantes dans le cadre actuel.
110
Cf.
rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement concernés par
une extension de la retenue à la source. Source direction générale des finances
publiques, bureau GF1A.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
110
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est frappée d’une certaine
inertie qui résulte du décalage d’un an entre la perception des revenus et
le calcul de l’impôt.
2 -
Avantage comparatif de la retenue à la source
Par contraste, les prélèvements à la source se singularisent par une
entrée en vigueur rapide des nouvelles dispositions fiscales.
Dans la sphère sociale, les nouvelles dispositions entrent en
vigueur rapidement dès lors que le calcul du prélèvement peut être réalisé
sur une base mensuelle. C’est le cas de la mesure d’exonération des
heures supplémentaires, inscrite dans la loi relative au travail, à l’emploi
et au pouvoir d’achat promulguée le 21 août 2007 (loi dite « TEPA ») et
dont l’application aux cotisations sociales a été effective dès le mois
d’octobre 2007. Le pendant fiscal – exonération au titre de l’impôt sur le
revenu – n’a lui, profité aux contribuables qu’en septembre 2008.
Graphique n° 27 : Illustration du délai comparé d’entrée en vigueur
d’une nouvelle disposition
(loi TEPA)
dans le cadre d’un prélèvement à
la source
(cotisations sociales sur les salaires)
et dans le cadre d’un
prélèvement sur rôle
(impôt sur le revenu)
juil-07
août-07
sept-07
oct-07
nov-07
déc-07
janv-08
févr-08
mars-08
avr-08
mai-08
juin-08
juil-08
août-08
sept-08
oct-08
nov-08
déc-08
Cotisations sociales
Impôt sur le revenu
Entrée en vigueur loi TEPA
Source : CPO
Toutefois, cet effet d’accélération permis par la retenue à la source
ne joue à plein que si le mode de calcul de l’impôt ou des nouvelles
dispositions fiscales correspondantes permet une prise en compte infra-
annuelle de ces dernières. Par exemple, l’annualisation du calcul de
l’allègement de charges sociales sur les bas salaires, adoptée en décembre
2010, n’est entrée en vigueur qu’en janvier 2012 pour les cotisations dues
au titre des revenus 2011. C’est un délai certes plus court que celui qui
prévaut pour l’impôt sur le revenu (janvier
n+1
contre septembre
n+1
),
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
111
mais l’avantage est réduit du fait de la nature même de la disposition
fiscale (gain de sept mois et non pas de dix-huit mois) et ne vaut, là
encore, que si le mode de calcul du prélèvement peut être ajusté
rapidement (ce qui est le cas d’un prélèvement non personnalisé comme
les cotisations).
Le même constat peut être dressé à partir des exemples étrangers.
Au Canada par exemple, les nouvelles réductions d’impôt prévues dans le
cadre du budget 2009/2010, déposé le 29 janvier 2009, ont été intégrées
dans le taux de retenue à la source dans un délai de deux mois : ainsi, dès
le versement de la paye d’avril 2009, les contribuables ont bénéficié de la
réduction d’impôt et de la hausse du salaire net correspondante. Ici aussi,
c’est parce que le taux de retenue à la source pouvait être ajusté en cours
d’année, sans attendre la déclaration des revenus de
n+1
, que les
contribuables ont bénéficié plus rapidement des nouvelles réductions
d’impôt. Toutefois, on peut considérer que la retenue à la source facilite
par elle-même cette dynamique, d’abord parce que l’impôt est dû sur les
revenus de l’année en cours (et non pas sur ceux de l’année
n-1
), ensuite
parce que la modulation d’un taux peut sembler plus facile à mettre en
oeuvre que celle d’acomptes mensuels ou provisionnels.
Le prélèvement à la source peut donc favoriser une entrée en
vigueur plus rapide des nouvelles dispositions fiscales, à condition qu’il
permette un ajustement du taux d’imposition en cours d’année, sans
attendre la liquidation finale de l’impôt en
n+1
.
II
-
Le prélèvement à la source peut-il avoir une
incidence sur la consommation et l’épargne des
ménages ?
A - La retenue à la source pourrait réduire une partie
de l’épargne contrainte des ménages
La théorie économique montre que l’incertitude sur les revenus
futurs peut affecter la consommation et l’épargne à travers deux canaux
principaux :
-
i. l’épargne de précaution
: elle est liée à l’aversion au risque
des agents économiques. Ceux-ci constituent une épargne pour se
prémunir contre une éventuelle baisse de revenu future.
L’épargne de précaution est une fonction décroissante du
revenu : plus le revenu est élevé, plus l’agent économique est
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
112
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
prémuni contre le risque qu’une baisse de revenu affecte la
couverture de ses besoins de subsistance ;
-
ii. l’épargne tampon
: elle provient de la présence potentielle de
contraintes de liquidités. Les agents constituent une épargne pour
s’assurer d’un volant de trésorerie minimum.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
113
Encadré n° 7 : L’évaluation empirique de l’existence de contraintes
de liquidité
111
Des tests empiriques ont permis de démontrer la possible existence de contraintes de
liquidités aux États-Unis :
- Zeldes (1989)
112
évalue empiriquement la présence de contraintes de liquidité sur
des données américaines. Il montre que les ménages américains qui possèdent
une richesse nette inférieure à un certain seuil sont bien soumis à une contrainte
qui va limiter leur consommation et empêcher l’emprunt. Il faut remarquer que
cette distinction entre ménages est importante car les ménages plus riches ne
sont pas frappés par la contrainte d’après Zeldes (1989). Ceux qui possèdent une
richesse assez importante et liquide peuvent désépargner pour lisser leur
consommation lorsque leurs revenus sont bas même s’il est difficile
d’emprunter contre les revenus futurs ;
- Jappelli & al. (1998)
113
répliquent les tests de Zeldes (1989) mais en s’appuyant
sur des informations concernant les crédits des ménages. Ils obtiennent alors des
résultats plus significatifs que Zeldes (1989). Plus récemment, Gross & Souleles
(2009)
114
, en utilisant des données américaines de cartes de crédit, montrent
qu’élever la limite de la ligne de crédit associée génère une augmentation
immédiate et significative de la dette des consommateurs.
Ces résultats révèlent donc a priori la présence des contraintes de liquidité aux États-
Unis et celles-ci frapperaient plus particulièrement les bas revenus et les jeunes.
Sur données agrégées françaises, Bacchetta & Gerlach (1998)
115
parviennent à
déceler un impact significatif des conditions de crédit sur la consommation agrégée
ce qui tend à démontrer que les contraintes de liquidité joueraient un rôle important
dans le comportement des ménages français. Mais il est difficile de distinguer dans
leur cadre les contraintes dues à l’offre de celles dues à la demande de crédit.
Cependant, des doutes subsistent quant à la présence réelle des contraintes de
liquidité. Shea (1995)
116
trouve des résultats contradictoires dans son test sur données
américaines. Au cas d’espèce sur l’impact du passage à la retenue à la source en
matière d’impôt sur le revenu, il n’est pas certain non plus que les 60 % des ménages
fiscaux français qui sont imposables subissent directement les contraintes de
liquidités ou adaptent leur comportement de consommation face à la perspective de
leur activation dans le futur. Une étude empirique répliquant les tests de Zeldes
(1989), Shea (1995) ou encore Jappelli & al. (1998) sur les ménages imposables en
France permettrait de se prononcer sur le sujet.
111
Extrait du rapport particulier sur les prélèvements fiscaux potentiellement
concernés par une extension de la retenue à la source.
112
S.P. Zeldes, Consumption and liquidity constraints : An empirical investigation.
The Journal of Political Economy
, pages 305–346, 1989.
113
T. Jappelli, J.-S. Pischke, and N.S. Souleles. Testing for liquidity constraints in
euler equations with complementary data sources.
The Review of Economics and
Statistics
, pages 251–262, 1998.
114
D.B. Gross and N.S. Souleles. Do liquidity constraints and interest rates matter for
consumer behaviour ? Evidence from credit card data.
The Quarterly Journal of
Economics
, pages 149–185, 2002.
115
P. Bacchetta and Gerlach S. Consumption and credit constraints : International
evidence.
Journal of Monetary Economics
, pages 207–238, 1997.
116
J. Shea. Union contracts and the life-cycle/permanent-income hypothesis.
The
American Economic Review
, pages 186–200, 1995.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
114
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
La retenue à la source pourrait contribuer à réduire ces deux types
d’épargne. En effet, la retenue à la source permet en principe au
contribuable de bénéficier d’un revenu net d’impôt : elle réduit donc son
incertitude quant aux dépenses futures et aux sommes à provisionner en
conséquence. En outre, la retenue à la source entraîne un ajustement
immédiat de l’impôt aux variations de revenu : elle réduit donc le risque
de liquidité auquel le contribuable est confronté, par exemple lorsqu’il
subit une baisse brutale de son revenu sans avoir pu ajuster
immédiatement sa consommation en conséquence.
B - L’impact sur la consommation resterait toutefois
très limité
Le principal bénéfice à attendre d’une réduction de l’épargne de
précaution et de l’épargne tampon est une augmentation immédiate de la
consommation. En effet, plusieurs études montrent que :
-
i. la réduction des incertitudes sur les revenus futurs se
traduit par une augmentation de la consommation à court
terme
(
cf.
par exemple Barsky, Mankiw et Zeldes, 1986
117
ou
Caroll, 1994
118
) ;
-
ii. la consommation à court terme s’ajuste directement aux
variations du revenu courant
(
cf.
Parker et
alii
2011
119
ou
Lollivier 1999
120
).
Toutefois, le surplus de consommation qui résulterait d’une
retenue à la source ne doit pas être surestimé dans le cas français :
l’épargne de précaution représente environ 2 % du patrimoine des
ménages
121
, soit au maximum 0,2 point de produit intérieur brut
122
. Or une
retenue à la source de l’impôt sur le revenu, même suffisamment
synchronisée pour réduire significativement l’incertitude sur les revenus
117
R. Barsky, G. Mankiw, and S. Zeldes, “Ricardian consumers with keynesian
propensities”,
American Economic Review,
76 :676–691, 1986.
118
C.D. Carroll, “How does future income affect current consumption ?”,
The
Quarterly Journal of Economics
, 109(1) : 111, 1994.
119
J.A. Parker, N.S. Souleles, D.S. Johnson, and R. McClelland. “Consumer spending
and the economic stimulus payments of 2008”,
Technical report, National Bureau of
Economic Research
, 2011.
120
S. Lollivier. « La consommation sensible aux variations de revenu, même sur le
court terme »,
Economie et statistique
, 324(1) :181–193, 1999.
121
Cf.
L. Arrondel et H. Calvo Pardo, « Les français sont-ils prudents ? Patrimoine et
risque sur le marché du travail. »,
Economie et statistique
, 417(1) : 27–53, 2008.
122
Hypothèses d’un taux d’épargne des ménages d’environ 10 points de PIB et d’une
corrélation entre le taux d’épargne de précaution observé sur le stock d’épargne des
ménages et la part des flux d’épargne annuels alloués à l’épargne de précaution.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
115
futurs, ne réduirait qu’une partie de l’épargne de précaution : l’impact sur
la croissance du produit intérieur brut serait donc très faible.
De même, au niveau microéconomique, la réduction de l’épargne
de précaution se traduirait par un surcroît de revenu disponible d’environ
sept euros par an pour le contribuable médian (revenu avant impôt de
2 000 euros par mois)
123
: là encore, l’impact d’une retenue à la source sur
la consommation des ménages serait probablement marginal.
Ainsi, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu n’aurait qu’un
impact très faible sur la consommation des ménages et sur la croissance.
Cela tient au fait que le mode de recouvrement actuel de l’impôt sur le
revenu, certes générateur d’incertitudes sur le revenu futur, n’est qu’un
des nombreux déterminants de ces incertitudes. De surcroît, la réduction
des incertitudes ne serait significative qu’avec une retenue à la source
s’approchant du modèle « parfait » (
cf.
chapitre III ci-dessus), c’est-à-dire
offrant une synchronisation de l’impôt aux variations de revenus
suffisamment aboutie pour minimiser les régularisations en
n+1
. Or,
comme le montrent les développements qui suivent dans la deuxième
partie ci-après, un tel modèle de retenue à la source paraît difficile à
envisager dans le système français à court terme.
123
Le patrimoine total de ce ménage est évalué à environ 135 000 euros, son taux
d’épargne à 10 % de son revenu (source INSEE). La baisse de volatilité du revenu
grâce à la retenue à la source est évaluée à 15 % (
cf.
scénario 1 de retenue à la source
présenté au chapitre III).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Conclusion de la première partie
Les développements qui précèdent montrent que la retenue à la
source concerne d’ores et déjà une part significative des prélèvements
obligatoires en France : selon la définition adoptée, entre un quart et la
moitié du produit des prélèvements obligatoires provient de prélèvements
à la source. Ce résultat conduit à relativiser « l’exception française » que
constituerait l’absence de retenue à la source de l’impôt sur le revenu :
plusieurs prélèvements importants sur les revenus des ménages, comme la
contribution sociale généralisée, sont prélevés à la source, avec un produit
supérieur à celui de l’impôt sur le revenu.
En outre, l’administration fiscale n’a pas cessé
de moderniser les
modalités de calcul et de recouvrement de l’impôt sur le revenu, même en
l’absence de retenue à la source. La déclaration préremplie, généralisée
en 2006, a significativement réduit les risques d’erreurs ou d’omission de
recettes fiscales, tout en allégeant les tâches de gestion de l’administration
fiscale. La montée en puissance des moyens de paiement dématérialisés,
qui représentent désormais près de 90 % des paiements de l’impôt sur le
revenu, a à la fois simplifié les démarches des contribuables, fiabilisé
l’encaissement du produit de l’impôt et réduit les tâches de recouvrement
au sein de l’administration.
Dans ce contexte, plusieurs arguments forts autrefois avancés pour
promouvoir la retenue à la source de l’impôt sur le revenu ont aujourd’hui
perdu de leur poids : la retenue à la source n’entraînerait ni une
simplification
des
tâches
incombant
aux
contribuables,
ni
une
amélioration du recouvrement des recettes fiscales ou de la trésorerie de
l’État, ni des économies de gestion significatives dans l’administration, ni
une réduction sensible de l’épargne de précaution des ménages.
A l’issue de ce bilan critique, deux arguments subsistent en faveur
d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu : la meilleure prise en
compte des variations de revenu du contribuable ; et la plus grande
réactivité du système pour traduire dans la situation des contribuables les
réformes fiscales adoptées en cours d’année.
Ces avantages paraissent toutefois insuffisants pour légitimer à eux
seuls une extension de la retenue à la source.
D’une part, ils doivent être rapprochés des inconvénients de ce
mode de recouvrement de l’impôt : une dégradation possible de la
lisibilité de l’impôt et donc du consentement à le payer pour le citoyen ;
une détérioration potentielle des relations de travail dans l’entreprise ; et
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
117
un coût de gestion global peut-être plus élevé pour la société si l’on ajoute
la charge nouvelle portée par les tiers payeurs au travail subsistant de
l’administration.
D’autre part, leur réalisation dépend du type de retenue à la source
mis en oeuvre. Seule une analyse de l’économie globale du prélèvement à
la source de l’impôt sur le revenu via l’étude des modèles possibles, des
choix qu’ils impliquent et de leurs conséquences, permettrait de
déterminer si, et dans quelles conditions, une retenue à la source de
l’impôt sur le revenu à structure constante des prélèvements obligatoires
pourrait encore apporter un progrès. C’est l’objet de la deuxième partie.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
DEUXIÈME PARTIE
Questions posées par une retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre I
Modalités possibles de calcul d’un impôt
sur le revenu prélevé à la source
I
-
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu
est-elle subordonnée à une réforme préalable
de cet impôt ?
A - Plusieurs éléments pourraient laisser penser qu’une
retenue à la source nécessiterait une simplification
préalable de l’impôt sur le revenu
1 -
Les éléments qui plaident en faveur d’une refonte de l’impôt
sur le revenu préalable à la retenue à la source
La retenue à la source est souvent présentée comme un mode de
recouvrement de l’impôt qui ne peut s’accommoder que de modalités de
calcul particulièrement simples. En effet, pour pouvoir être précompté par
le tiers payeur dès le versement du revenu, le prélèvement à la source ne
doit pas impliquer des retraitements complexes et chronophages.
Les prélèvements à la source dans le champ social semblent
conforter cette opinion : les cotisations sociales ou la contribution sociale
généralisée sur les revenus salariaux, par exemple, sont prélevées selon
un taux unique proportionnel quels que soient les revenus du
contribuable, sa situation conjugale ou encore sa situation familiale
(
cf.
chapitre II de la première partie ci-dessus). Ainsi, sauf exceptions, ni
le tiers payeur ni l’administration n’ont à effectuer de calculs spécifiques
pour prélever l’impôt : il suffit d’appliquer au salaire versé chaque mois
le taux national en vigueur (7,5 % pour la contribution sociale généralisée
...). L’impôt peut donc être prélevé dès le versement d’une rémunération,
interrompu dès la disparition de celle-ci, et recouvré quelles que soient
ses fluctuations à la hausse comme à la baisse.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
122
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Les prélèvements à la source dans le champ fiscal incitent à
conclure de façon identique : le prélèvement forfaitaire libératoire sur les
revenus du capital, par exemple, est recouvré selon un taux proportionnel
unique qui varie uniquement selon la nature de l’assiette (21 % pour les
dividendes ou 24 % pour les intérêts)
124
; de même, les plus-values
immobilières sont soumises à un taux unique de 19 %, quelle que soit là
encore la situation personnelle du contribuable. Ce dernier exemple est
d’ailleurs éclairant sur le lien possible entre prélèvement à la source et
simplicité du calcul de l’impôt. En effet, la mise en place de la retenue à
la source de l’imposition des plus-values immobilières, en 2004, s’est
accompagnée d’une simplification importante du mode de calcul de
l’impôt : un taux unique proportionnel a été substitué au barème
progressif qui prévalait jusque là, la plupart des exonérations ont été
supprimées...
Cette
expérience
semble
corroborer
l’idée
qu’un
prélèvement à la source n’était pas compatible avec le maintien d’un
mode de calcul complexe et personnalisé.
Tableau n° 16 :
Principales évolutions de l’assiette du prélèvement sur
les plus-values immobilières lors du passage à la retenue
à la source
125
Ancien régime d’imposition
(antérieur au 31 décembre 2003)
Nouveau régime d’imposition
(à compter du 1
er
janvier 2004)
Exonération de la résidence principale
Exonération de la résidence principale
Exonération de la première cession d’un
logement
Exonération supprimée
126
Exonération si le patrimoine familial est
inférieur à 61 000 € (+ 15 250 € par enfant à
partir du troisième)
Exonération supprimée
Exonération des terrains agricoles ou forestiers
Exonérations supprimée
Exonération des titulaires de pensions de
vieillesse non assujettis à l’impôt sur le revenu
Exonération aménagée (ne pas être assujetti
à l’ISF et ne pas dépasser un plafond de
ressources ; à nouveau aménagée depuis)
Exonération des cessions inférieures à 4 600 €
Exonération des cessions inférieures à
15 000 €
Abattement de 5 % par an au delà de la
deuxième année : la plus value est exonérée au
bout de 22 ans.
Abattement de 10 % par année de détention
au-delà de la 5
ième
. La plus value est
exonérée au bout de 15 ans
127
124
Encore que cette différenciation n’existait pas jusqu’au 31 décembre 2011, tous les
revenus du capital étant jusque là soumis à un taux unique de 19 %.
125
Extrait du rapport particulier sur la typologie des modes de prélèvement.
126
Rétablie à compter du 1
er
février 2012, sous conditions (exonération de la plus-
value réalisée lors de la première cession d'un logement lorsque le cédant n'est pas
propriétaire de sa résidence principale et qu'il remploie le produit de la vente dans
l'acquisition de sa résidence principale).
127
Remplacé depuis le 1
er
février 2012 par un abattement progressif appliqué à
compter de la 5
e
année de détention et ouvrant droit à exonération au bout de 30 ans.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
123
Ancien régime d’imposition
(antérieur au 31 décembre 2003)
Nouveau régime d’imposition
(à compter du 1
er
janvier 2004)
Abattement en cas de première cession d’une
résidence secondaire (3 050 € par époux,
4 600 € pour les veufs, célibataires ou divorcés,
et 1 525 € pour chacun des enfants)
Abattement supprimé.
La plus value est intégrée au revenu global et
imposée selon le barème progressif de l’impôt
sur le revenu
La plus value est taxée au taux
proportionnel fixe de 19 %
128
Paiement fractionné pendant 5 ans du montant
de l’impôt.
Système d’étalement supprimé
Prélèvements sociaux avec déductibilité d’une
part de la CSG
Prélèvement sociaux sans déductibilité de la
CSG
Obligation déclarative : déclaration 2049
Obligation déclarative : 2048.
Source : code général des impôts.
2 -
Les mesures de simplification qui pourraient être adoptées
dans le cas français
Dans ce contexte, l’impôt sur le revenu, tel qu’il existe aujourd’hui
en France, semble incompatible avec une retenue à la source :
personnalisé, calculé selon un barème progressif qui tient compte de
l’ensemble des revenus du contribuable et de sa situation de famille,
ouvrant droit à de nombreux types de dépenses fiscales (abattements sur
l’assiette, exonérations de certains revenus, réductions de l’impôt final
dû…), il ne semble pas pouvoir s’accommoder d’un prélèvement mensuel
par un tiers payeur. En effet, comment celui-ci pourrait-il avoir
connaissance mois par mois de l’ensemble des éléments nécessaires au
calcul de l’impôt (montant des autres revenus du contribuable, recours à
des dépenses fiscales...) ? Une telle perspective semble difficile à
concevoir.
C’est d’ailleurs le constat que semblait dresser le Conseil des
impôts en 1990, lorsqu’il écrivait que
« pour pouvoir être commodément
géré par les entreprises, le calcul de la retenue à la source doit mettre en
oeuvre des barèmes aussi simples que possible, des paramètres aussi peu
nombreux que possible »
au point de conclure :
« le quotient familial peut
être intégré dans le calcul de la retenue [à la source] ; la cascade
d’abattements, correctifs et plafonnements que comporte la législation ne
le peut »
129
.
128
Depuis le 1
er
janvier 2011. Le taux était auparavant de 16 %.
129
Conseil des impôts,
L’impôt sur le revenu
, XI
e
rapport au Président de la
République, 1990.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
124
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
De fait, de nombreuses simplifications de l’impôt sur le revenu
pourraient être envisagées :
-
s’agissant du barème progressif
: la réduction du nombre de
tranches, voire le remplacement du taux marginal par un taux
effectif couvrant la totalité du revenu du contribuable ;
-
s’agissant de la prise en compte des charges de famille
: le
remplacement
du
quotient
familial
par
un
mécanisme
d’abattement sur l’assiette de l’impôt, ou encore par un
mécanisme de réduction ou de crédit d’impôt versé par
l’administration lors de la régularisation en
n+1
. Dans cette
dernière situation, il ne serait plus nécessaire de tenir compte de
la situation de famille du contribuable lors du calcul du taux
d’imposition appliqué mensuellement sur les salaires
;
-
s’agissant du montant global de l’impôt
: la suppression ou du
moins la limitation de certaines dépenses fiscales.
Ces quelques exemples montrent que le champ des possibles est
très vaste, et excède en tout état de cause le cadre d’analyse du présent
rapport.
La seule question qui doive être posée dans ce cadre est donc la
suivante : ces mesures de simplification sont-elles indispensables à la
mise en oeuvre d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu ? Ou
celle-ci pourrait-elle en réalité s’accommoder de la complexité actuelle de
l’impôt sur le revenu ?
B - Dans les faits, une telle simplification ne serait
ni nécessaire, ni toujours possible
dans le cadre juridique français
1 -
L’enseignement issu des exemples étrangers
L’observation des pays ayant choisi de prélever à la source l’impôt
sur le revenu apporte une réponse claire à la question précédente : la
simplicité de l’impôt n’est pas une condition préalable au prélèvement à
la source.
Certes, dans certains pays, l’impôt recouvré à la source obéit à des
modalités de calcul sensiblement plus simples que celles de l’impôt sur le
revenu français : au Royaume-Uni et au Danemark, par exemple, le taux
d’imposition appliqué au revenu par le tiers payeur ne tient compte, ni de
la situation conjugale ou familiale du contribuable, ni de son
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
125
comportement économique, le nombre de dépenses fiscales étant très
limité
130
.
Toutefois, dans la majorité des cas, les modalités de calcul de
l’impôt se rapprochent de la complexité du système français
131
:
-
en premier lieu,
les treize pays examinés appliquent un
barème progressif
, le taux d’imposition étant ainsi différencié
en fonction du revenu global du contribuable. Le nombre de
tranches est comparable à celui du système français (entre quatre
et six, la France en comptant cinq), certains pays prévoyant
même un nombre de tranches significativement supérieur (sept
tranches en Espagne et aux Etats-Unis, et même dix-huit au
Luxembourg). En outre, le barème est, comme en France,
toujours exprimé en taux marginaux sauf en Australie ;
Graphique n° 28 : Nombre de tranches du barème de l’impôt sur le
revenu dans les pays prélevant cet impôt à la source, et situation de la
France
(en rouge)
132
7
18
6
5
4
3
IRL
UK NL DK
CAN
ALL AUS BE
NZ FR
IT
ES USA
LUX
Source : Rapport particulier sur les comparaisons internationales.
-
par ailleurs,
neuf des treize pays prennent en compte la
situation conjugale du contribuable
(tous sauf le Royaume-
Uni, le Danemark, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande)
, dont
130
Cf.
première partie, B. du I. du chapitre III ci-dessus.
131
Les éléments qui suivent sont extraits du rapport particulier consacré aux
comparaisons internationales.
132
Légende : IRL = Irlande ; UK = Royaume-Uni ; NL = Pays-Bas ; DK =
Danemark ; CAN = Canada ; ALL = Allemagne ; AUS = Australie ; BE = Belgique ;
NZ = Nouvelle-Zélande ; FR = France ; IT = Italie ; ES = Espagne ; USA = Etats-
Unis ; LUX = Luxembourg.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
126
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
huit au stade de la retenue à la source
(en Espagne, cette prise
en compte intervient lors de la régularisation) : à revenu égal, le
taux peut donc être différencié suivant que le contribuable est
marié ou pas ;
-
dix des treize pays prennent en compte
la situation familiale du
contribuable
(tous sauf le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande
et le Danemark), dont six au stade de la retenue à la source :
Italie, Espagne, Belgique, Canada, Irlande et Allemagne. Dans
ces six pays, le taux de retenue à la source doit donc être
différencié suivant le nombre d’enfants du contribuable ;
-
enfin, tous les pays prévoient que
le contribuable puisse
recourir à des dépenses fiscales
pour réduire son montant
d’imposition. Ces dépenses fiscales peuvent être prises en
compte dès le stade du calcul de la retenue à la source, y
compris quand leur nombre est élevé (Irlande, Canada),
entraînant une grande différenciation des taux d’imposition en
fonction des choix de consommation ou d’épargne des
contribuables.
Ainsi, dans près de la moitié des pays examinés (six sur treize), la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu est mise en oeuvre malgré une
grande différenciation des taux applicables, puisque le calcul mensuel de
ces deniers doit prendre en compte le montant des revenus, la situation
conjugale et la situation familiale du contribuable. En outre, l’Irlande et le
Canada montrent que la retenue à la source mensuelle peut même intégrer
un nombre élevé de dépenses fiscales malgré la complexité de calcul
correspondante.
Ce constat découle du fait que le calcul et le recouvrement de
l’impôt sont en réalité deux opérations différentes et non directement
corrélées : la retenue à la source, qui est un mode de
recouvrement
de
l’impôt, suppose que le recouvrement puisse intervenir de façon
contemporaine au versement du revenu, donc que le
calcul
de l’impôt
puisse lui-même être réalisé en temps réel.
Naturellement, plus le calcul de l’impôt est simple, plus il peut être
réalisé rapidement et plus le recouvrement de la somme correspondante
peut lui-même intervenir dans un délai court. C’est pourquoi la retenue à
la source est souvent privilégiée pour recouvrer les prélèvements dont le
mode de calcul est simple, comme les cotisations sociales ou, depuis
2004, les plus-values immobilières en France. Mais cela ne signifie pas
qu’inversement, seul un impôt simple puisse être prélevé à la source : un
calcul complexe peut également être effectué mois par mois, au fil du
versement des revenus ; il en résultera simplement un coût de gestion plus
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
127
élevé pour l’entité chargée d’effectuer le calcul, qu’il s’agisse de
l’administration ou du tiers payeur.
Par conséquent, dans le cas français, si la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu pourrait s’accompagner d’une simplification de son
mode de calcul, il ne s’agirait aucunement d’une condition nécessaire.
2 -
Les contraintes applicables dans le cadre français
En outre, s’il était décidé de procéder à une simplification du mode
de calcul de l’impôt sur le revenu, celle-ci ne pourrait être réalisée que
dans les limites fixées par les décisions du Conseil constitutionnel. En
particulier, trois éléments font l’objet d’un contrôle étroit :
-
i. le respect du principe d’égalité devant l’impôt
: le principe
d’égalité devant l’impôt se comprend à la fois comme l’égalité
des contribuables devant la loi fiscale
133
, celle-ci devant être la
même pour tous, et comme l’égalité des contribuables devant les
charges publiques
134
, chacun devant contribuer à hauteur de ses
capacités. Le principe d’égalité n’interdit pas au législateur de
traiter de façon différente des contribuables placés dans une
situation différente pour des raisons d’intérêt général, ou à
condition que la différence de situation soit objective et que la
différence de traitement soit en rapport direct avec l’objet de la
loi. Dans le cas de l’impôt sur le revenu, ce raisonnement exclut
de procéder à une différenciation trop importante du calcul de
l’impôt en fonction du type de revenu perçu par le contribuable
et ferait
a priori
obstacle à ce que soit remis en cause le
caractère universel de l’impôt (
cf.
chapitre II ci-dessous) ;
-
ii.
la
prise
en
compte
des
charges
de
famille
du
contribuable
: elle découle directement du principe d’égalité
devant les charges publiques présenté ci-dessus. Un contribuable
qui doit subvenir aux besoins d’une ou plusieurs personnes à
charge n’ayant pas le même revenu final, et de ce fait pas les
mêmes
capacités
contributives,
qu’un
contribuable
sans
personne à charge percevant le même revenu, le calcul de
l’impôt doit tenir compte de cette différence de situation. C’est à
cette aune que le Conseil constitutionnel a validé le mécanisme
du quotient conjugal
135
et du quotient familial
136
. Si le Conseil
133
L’égalité devant la loi fiscale est garantie par l’article 6 de la déclaration des droits
de l’homme et du citoyen.
134
Ce second volet découle de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et
du citoyen.
135
Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
128
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
constitutionnel a explicitement reconnu que des mécanismes
alternatifs de prise en compte des charges de famille pouvaient
être envisagés
137
, il n’en reste pas moins qu’un impôt sur le
revenu supprimant toute prise en compte des charges conjugales
ou familiales ne serait pas reconnu conforme aux principes
constitutionnels ;
-
iii. le respect du principe de progressivité de l’impôt sur le
revenu
: il découle lui aussi du principe d’égalité devant les
charges publiques et a été affirmé avec constance par le Conseil
constitutionnel
138
. Si sa portée n’est pas précisée afin de
préserver le pouvoir d’appréciation du législateur, il est
néanmoins probable qu’un impôt sur le revenu à taux unique
purement
proportionnel
(
« flat
tax »
)
serait
jugé
inconstitutionnel.
Ainsi, même s’il était décidé de procéder à une simplification du
mode de calcul de l’impôt sur le revenu pour accompagner la mise en
place d’une retenue à la source, cette démarche se heurterait rapidement
aux bornes fixées par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu en France devrait
s’accommoder du maintien d’une certaine complexité de l’impôt qui
l’éloignerait des modèles britannique ou danois.
II
-
Quels revenus pourraient être concernés par la
retenue à la source ?
Le chapitre II de la première partie a montré qu’il ne pouvait y
avoir retenue à la source que dans des circonstances particulières : non
seulement il faut que la base taxable soit connue au moment même où elle
se forme, ce qui limite
a priori
le champ de ce mode de prélèvement aux
seuls revenus des particuliers, mais encore ce revenu doit-il être versé par
un tiers payeur en mesure de liquider et de précompter l’impôt.
Ce champ de contraintes contraste avec le caractère universel de
l’impôt sur le revenu : en effet, celui-ci a vocation à s’appliquer à
136
Décisions n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 relative à la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1998 et n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 relative à la loi de
finances pour 1999. A travers ces décisions, le Conseil constitutionnel rappelle
également que le quotient familial est l’une des aides aux familles choisies par la
représentation nationale et participe ainsi à l’exigence résultant des dixième et
onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
137
Décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010.
138
Cf.
par exemple décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
129
l’ensemble des revenus que peut percevoir le contribuable particulier,
l’impôt étant de plus calculé sur le revenu global.
De ce fait, deux questions de périmètre se posent s’agissant d’une
retenue à la source de l’impôt sur le revenu :
-
i. peut-elle s’appliquer à
chacun
des revenus concernés par
l’impôt sur le revenu, ou doit-elle être limitée à certains d’entre
eux ?
-
ii. lorsqu’un contribuable perçoit plusieurs types de revenus, une
même retenue à la source peut-elle couvrir
l’ensemble
des
revenus agrégés, ou faut-il segmenter le recouvrement de
l’impôt par type de revenu ?
A - Pour les contribuables qui perçoivent un seul type
de revenu, la retenue à la source ne peut s’appliquer
que s’il s’agit d’un revenu salarial ou, dans une certaine
mesure, de revenus du capital
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu implique de
distinguer trois familles de revenus : les revenus salariaux et assimilés ;
les revenus du capital ; les autres revenus (revenus des indépendants et
revenus fonciers notamment).
1 -
Les revenus salariaux ou de remplacement
Les revenus salariaux et les revenus assimilés, comme les revenus
de remplacement (pensions de retraite, indemnités de chômage ...), se
prêtent le plus naturellement à une retenue à la source : versés en général
chaque mois, connus dès leur versement sans qu’il soit besoin de
procéder à des retraitements complexes, ils transitent nécessairement par
un tiers verseur facilement identifiable : l’employeur, la caisse de
retraite... Didier Migaud écrivait ainsi en 2007 qu’
« intuitivement, le sujet
se concentre sur la catégorie des traitements, salaires, indemnités,
émoluments, pensions et rentes viagères »
139
.
Pour un contribuable ne percevant que des revenus salariaux ou de
remplacement, la retenue à la source serait donc relativement simple à
mettre en oeuvre. Elle serait proche du système qui prévaut aujourd’hui
pour la contribution sociale généralisée sur les salaires, les deux
principales différences se situant dans la différence d’assiette d’une part,
et dans le calcul du taux d’imposition d’autre part, ce dernier devant
139
Page 80.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
130
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
intégrer davantage d’éléments dans le cadre de l’impôt sur le revenu
(revenus des autres membres du foyer fiscal, situation de famille du
contribuable, progressivité) : il serait donc plus individualisé.
En 2010, environ 40 % des contribuables étaient dans cette
situation.
Tableau n° 17 : Contribuables percevant exclusivement des revenus
salariaux ou de remplacement en 2010
140
Nombre de foyers
imposables percevant
exclusivement des
revenus de la catégorie
En % du total des
imposables
Traitements et salaires
6 726 032
31,62 %
Pensions et retraites
1 679 012
7,89 %
Total
8 405 044
39,51 %
Rappel nombre total des
foyers imposables
21 273 977
Source : Direction générale des finances publiques.
2 -
Les revenus du capital
Les revenus du capital partagent avec les revenus salariaux des
caractéristiques qui facilitent leur imposition à la source : connus dès leur
versement, ils transitent également par un tiers verseur qui est cette fois la
banque, la société d’assurance ou l’établissement financier via lesquels
ont été souscrits les produits d’épargne. C’est pour cette raison qu’ils font
déjà l’objet de plusieurs prélèvements à la source, qu’il s’agisse de la
contribution sociale généralisée sur les produits de placement, du
prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et les dividendes ou
encore de l’imposition des plus-values immobilières (
cf.
chapitre II de la
première partie ci-dessus).
Toutefois, deux différences importantes les éloignent des revenus
salariaux :
-
i. d’une part, tous ne peuvent pas faire l’objet d’une retenue
à la source
, notamment en raison de l’absence de tiers payeur
pertinent. C’est en particulier le cas pour :
o
les plus-values de cession de valeurs mobilières (PVM ;
cession d’actions par exemple) : l’atomicité du marché
des détenteurs de valeurs mobilières, qui sont des
particuliers pour une partie d’entre elles, peut gêner la
mise en place d’une retenue à la source efficace. En
140
Foyers dénombrés en 2011 au titre des revenus perçus en 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
131
outre, la base imposable n’est pas immédiatement
connue puisque les moins-values peuvent s’imputer aux
plus-values de la même année
141
. Dans le système
actuel, les plus-values de valeurs mobilières ne sont
d’ailleurs pas incluses dans le périmètre du prélèvement
forfaitaire
libératoire :
elles
font
l’objet
d’une
déclaration spéciale (2074) déposée dans les mêmes
conditions que la déclaration annuelle d’ensemble des
revenus (2042) ;
o
les revenus fonciers : ils ne peuvent pas non plus faire
l’objet d’une retenue à la source, le précompte de
l’impôt par les locataires lors du paiement de leur loyer
n’étant pas concevable.
-
ii. d’autre part, les revenus du capital sont par essence plus
éclatés que les revenus salariaux
. A la différence de ces
derniers, il n’existe pas une source du revenu (l’employeur),
mais autant que le contribuable détient de produits d’épargne :
contrats obligataires, portefeuilles d’actions ... Il apparaît
difficilement concevable de mettre en place des retenues à la
source multiples qui puissent chacune incorporer en temps réel
le montant global des revenus du contribuable.
Dans ces conditions, quatre options peuvent être explorées en cas
de retenue à la source de l’impôt sur le revenu :
-
1. le
statu quo
: les revenus du capital seraient exclus du champ
de la retenue à la source et continueraient d’être imposés suite à
émission d’un rôle, en
n+1
, ou via le prélèvement forfaitaire
libératoire. Un tel choix aurait le mérite d’être simple à mettre
en oeuvre, mais au prix d’un système peu lisible et limitant les
avantages de la retenue à la source pour le contribuable ;
-
2. la généralisation du prélèvement forfaitaire libératoire
:
les contribuables ne percevant que des revenus du capital
seraient contraints de recourir au prélèvement forfaitaire
libératoire. C’est le choix qui a été réalisé aux Pays-Bas et en
Espagne. Toutefois, cette solution ne serait pas applicable à
toutes les situations (
cf.
les plus-values mobilières ou les revenus
fonciers). En outre, elle pourrait apparaître problématique au
regard des principes de progressivité et d’universalité de l’impôt
sur le revenu ;
141
Cf. 11 de l’article 150 -0 D du code général des impôts.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
132
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
3
.
le
recours
à
des
prélèvements
forfaitaires
non
libératoires
:
variante
de
l’option
précédente,
celle-ci
consisterait à soumettre également l’ensemble des revenus du
capital à un prélèvement à la source proportionnel. Toutefois, à
la différence du modèle précédent, le montant d’impôt prélevé à
la source constituerait seulement un acompte de l’impôt final
dû : lors de la réception de la déclaration de revenus du
contribuable, en
n+1
, l’administration calculerait le montant réel
d’impôt en appliquant le barème progressif à l’ensemble des
revenus déclarés ; en fonction du montant des acomptes déjà
prélevés en
n
, une régularisation interviendrait lors de l’émission
de l’avis d’imposition (rappel complémentaire d’impôt auprès
du contribuable ou remboursement à celui-ci du trop perçu). Ce
système, qui permettrait également d’inclure les plus-values
mobilières,
impliquerait
en
revanche
de
reporter
à
la
régularisation de
n+1
le paiement de l’impôt sur les revenus
fonciers ;
-
4. la généralisation d’acomptes mensuels au titre des revenus
courants
: le contribuable verserait chaque mois un acompte au
titre de ses revenus futurs de l’année
via
un prélèvement
automatique sur son compte bancaire. Il s’agirait en quelque
sorte d’une généralisation de la mensualisation déjà proposée
aujourd’hui, à ceci près que, dans le cas d’espèce, les acomptes
payés en
n
seraient dus au titre de l’impôt
n
assis sur les revenus
de l’année
n
(et non pas les revenus
n-1
comme aujourd’hui). Un
rappel ou un remboursement interviendrait en
n+1
pour
régulariser le solde.
o
cette option paraît moins pertinente que la précédente
pour les revenus qui peuvent faire l’objet d’une retenue
à la source. En effet, les revenus du capital étant
fortement volatiles sur l’année, le paiement d’acomptes
réguliers entraînerait probablement des régularisations
plus
fortes
en
n+1
que
les
prélèvements
non
libératoires ;
o
elle ne serait guère adaptée non plus à l’imposition des
plus-values mobilières, par définition non récurrentes
au cours de l’année ;
o
en revanche, elle serait bien adaptée à l’imposition des
revenus fonciers, qui sont récurrents mais qui ne
peuvent pas faire l’objet d’une retenue à la source. Le
versement d’acomptes mensuels en cours d’année,
plutôt que le paiement intégral de l’impôt lors de la
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
133
régularisation en
n+1
, serait en effet plus satisfaisant
tant du point de vue de l’égalité de traitement entre
contribuables que de celui de la sécurisation des recettes
fiscales pour l’Etat.
En tout état de cause, l’enjeu ne doit pas être surestimé : en 2010,
seuls 50 000 contribuables ont perçu exclusivement des revenus du
capital, soit moins de 1 % du total des contribuables.
La quasi-totalité d’entre eux (96 %) ont perçu exclusivement des
revenus fonciers et seraient donc concernés par une généralisation des
acomptes mensuels prélevés sur le compte bancaire au titre de l’année
n
ou, à défaut, par le maintien d’une imposition en
n+1
. Seuls les 4 %
restants pourraient être concernés par une généralisation du prélèvement
forfaitaire, libératoire ou non.
Tableau n° 18 : Contribuables percevant exclusivement
des revenus du capital en 2010
142
Nombre de foyers imposables
percevant exclusivement des
revenus de la catégorie
En % du total des
imposables
Revenus fonciers
48 004
0,23 %
Revenus de capitaux mobiliers
(imposés au barème)
1 277
0,01 %
Revenus de capitaux mobiliers
(soumis au prélèvement forfaitaire
libératoire)
NC
NC
Plus-values
608
0,00 %
Total
49 889
0,23 %
Rappel nombre total des foyers
imposables
21 273 977
Source : Direction générale des finances publiques.
3 -
Les revenus des indépendants
Les revenus perçus par les professionnels indépendants (bénéfices
industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, bénéfices
agricoles)
présentent
deux
caractéristiques
qui
les
rendent
peu
compatibles avec une retenue à la source :
-
i. ils ne sont pas versés par des entités pouvant faire office de
tiers payeurs
, le précompte et le reversement de l’impôt ne
pouvant être confié aux clients de l’entreprise
143
;
142
Foyers dénombrés en 2011 au titre des revenus perçus en 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
134
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
ii. ils ne sont pas connus dès leur versement
: le revenu
imposable des indépendants est constitué du bénéfice annuel de
leur activité. Or celui-ci est obtenu après imputation sur le
chiffre d’affaires mensuel des charges d’exploitation, des soldes
financiers et des soldes exceptionnels, qui dans certains cas ne
sont connus qu’en fin d’exercice comptable. Le calcul mensuel
du chiffre d’affaires n’est donc pas suffisant pour délimiter une
assiette d’imposition mensuelle sur laquelle pourrait être
appliqué un prélèvement à la source.
Cela explique que les systèmes de prélèvements forfaitaires
doivent
a priori
être exclus :
-
i. l’absence de tiers payeurs substituables au client empêche
la mise en place de prélèvements forfaitaires sur le modèle
de l’imposition du capital
:
o
un prélèvement à la source sur les recettes transitant par
le(s) compte(s) bancaire(s) de l’entreprise, sur le
modèle du prélèvement à la source des revenus du
capital (
cf.
ci-dessus) serait peu pertinent, voire
dommageable : les flux de chiffre d’affaire étant très
irréguliers et parfois peu en rapport avec le futur
bénéfice final, un tel prélèvement se traduirait par des
régularisations importantes en
n+1
avec un préjudice
potentiel pour la trésorerie de l’entreprise (par exemple
si un chiffre d’affaire élevé s’accompagne dans un
second temps de charges d’exploitation elles-mêmes
élevées) ;
o
le raisonnement est valable
a fortiori
si le prélèvement à
la source était confié à d’autres tiers payeurs parfois
évoqués dans de précédents travaux, comme les centres
et associations de gestion agréés (CGA et AAA) ou les
experts comptables : non seulement le problème de la
méconnaissance de la base taxable en cours d’exercice
resterait
entier,
avec
les
mêmes
risques
de
régularisations lourdes en
n+1
; mais, en outre, ces
acteurs n’ont aujourd’hui aucune prise sur les flux de
recettes de l’entreprise (ceux-ci transitent directement
du client vers l’entreprise) et donc aucun moyen de
143
Quelques pays ont mis en place une retenue à la source sur les revenus
indépendants confiée à leurs clients. Mais il s’agit des cas très spécifiques où le client
n’est pas un particulier : prestations entre professionnels en Espagne, prestations
payées par des entités gouvernementales en Irlande.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
135
retenir à la source un impôt assis sur ces mêmes flux.
Enfin, quand bien même un mécanisme serait mis en
place à cette fin, de telles institutions ne sont pas
autorisées aujourd’hui à manier des deniers publics : il
faudrait donc procéder préalablement à une réforme
profonde de leur statut.
-
ii. en outre, les retraitements d’assiette rendent peu
pertinents les modèles de paiement sur autoliquidation du
contribuable
: une seconde option de retenue à la source sur les
revenus des indépendants est parfois présentée : la retenue à la
source
sur
autoliquidation
du
contribuable.
Celui-ci
déterminerait lui-même le taux qui lui est applicable en fonction
de ses revenus, et appliquerait ce taux chaque mois sur son
chiffre d’affaires.
o
c’est le modèle qui a été retenu pour le régime des auto-
entrepreneurs : pour les activités dont le chiffre
d’affaires annuel ne dépasse pas 32 600 euros (activité
libérale) ou 81 500 euros (activité commerciale), le
redevable peut opter pour une imposition forfaitaire
assise sur le chiffre d’affaires et dont le taux dépend de
l’activité concernée
144
(1 % pour la vente ou fourniture
de logements ; 1,7 % pour les prestations de services :
2,2 % pour les activités non commerciales) ;
o
toutefois, ce mode d’imposition ne fonctionne que parce
qu’il est réservé à de très petites activités qui génèrent
un chiffre d’affaires faible et pour lesquelles il est
possible de procéder à une évaluation forfaitaire du
bénéfice net final. Il n’est donc pas généralisable à
l’ensemble des activités indépendantes.
En conséquence, deux modèles d’imposition des indépendants
semblent devoir être privilégiés :
-
1. le
statu quo
: compte tenu de leur spécificité, les revenus
indépendants seraient exclus du champ de la retenue à la source.
Ils continueraient d’être imposés selon le régime actuel, c’est-à-
dire l’année suivant leur perception (en
n+1
) sur la base
d’acomptes mensuels ou trimestriels avec ajustement éventuel
lors de l’envoi de l’avis d’imposition en septembre
n+1
.
o
c’est le régime qui prévaut actuellement pour les
prélèvements
sociaux
(cotisations
sociales
et
144
Cf.
article 151-0 du code général des impôts.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
136
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
contribution sociale généralisée sur les indépendants ;
cf.
chapitre II ci-dessus). C’est également la solution qui
avait été privilégiée par de précédents travaux
145
;
o
simple à mettre en oeuvre, cette solution soulève
toutefois un risque constitutionnel au regard du principe
d’égalité devant l’impôt. En effet, si le Conseil
constitutionnel admet qu’une distinction soit opérée
entre revenus d’origine professionnelle d’une part et
revenus du capital d’autre part, il est moins certain qu’il
validerait une telle distinction au sein même des
revenus
d’origine
professionnelle
entre
revenus
salariaux d’une part et revenus indépendants d’autre
part. De ce point de vue, l’exemple de la contribution
sociale généralisée n’est pas totalement transposable : si
le conseil constitutionnel a admis l’existence d’un mode
de recouvrement différencié entre la CSG sur les
salaires
et
la
CSG
sur
les
indépendants,
c’est
principalement en raison de la nature spécifique de la
contribution sociale généralisée, considérée non pas
comme une, mais comme trois impositions distinctes
instaurées
pour
se
substituer
à
des
cotisations
sociales
146
.
-
2. la généralisation d’acomptes mensuels au titre des revenus
courants :
à défaut de retenue à la source, une seconde option
consisterait
à
généraliser
aux
indépendants
le
paiement
d’acomptes mensuels à valoir au titre des revenus de l’année
n
.
Les acomptes seraient calculés sur la base de l’impôt payé en
n-
1
, versés en douze fractions au cours de l’année
n
, puis une
régularisation serait effectuée à l’été
n+1
une fois le revenu final
de l’année
n
connu.
145
Cf.
R. Viricelle, C. Bébéar, F. Auvigne,
Rapport sur les modalités de mise en
oeuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France op. cit.
p. 29 :
« la mission estime que la réforme ne devrait d’abord concerner que les revenus pour
lesquels il existe un tiers-payeur, c’est-à-dire les salaires et les revenus de
remplacement. L’extension de son périmètre aux revenus des indépendants et aux
revenus de l’épargne pourrait ensuite être envisagée à un horizon plus lointain »
.
146
Cf.
décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 ; les développements qui
précèdent sont issus du rapport particulier relatif aux contraintes juridiques encadrant
une extension des prélèvements à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
137
o
ce système permettrait d’assurer une meilleure égalité
entre contribuables (tous les redevables payant leur
impôt en
n
au titre des revenus perçus en
n
) sans
entraîner les mêmes inconvénients que les prélèvements
forfaitaires
évoqués
plus
haut :
les
acomptes
représentant un
montant
d’impôt (et non un taux), ils ne
s’ajusteraient pas automatiquement à la hausse en cas
d’augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise ; la
trésorerie de celle-ci serait ainsi davantage protégée
qu’avec un système de retenues forfaitaires même non
libératoires.
o
ce système d’acomptes sur les revenus courants est
d’ailleurs celui qui a été adopté par les douze pays pour
lesquels des données ont pu être obtenues. La
périodicité de versement est variable suivant les pays
(entre un et douze acomptes par an). Les acomptes sont
généralement calculés sur la base de l’impôt
n-1
, des
tables de conversion permettant parfois d’ajuster les
acomptes en cours d’année en fonction de l’évolution
de l’activité. En outre, des pénalités sont prévues si les
contribuables
minorent
de
façon
excessive
leurs
acomptes en cours d’année
147
.
En tout état de cause, comme pour les revenus du capital, l’enjeu
ne doit pas être surestimé : en 2010, moins de 130 000 foyers imposables
ont perçu exclusivement des revenus indépendants, ce qui représente
seulement 0,6 % du total des redevables de l’impôt sur le revenu.
Tableau n° 19 : Contribuables percevant exclusivement
des revenus indépendants en 2010
148
Nombre de foyers imposables
percevant exclusivement des
revenus de la catégorie
En % du total des
imposables
Bénéfices industriels et
commerciaux
62 081
0,29 %
Bénéfices non commerciaux
56 393
0,27 %
Bénéfices agricoles
8 153
0,04 %
Total
126 627
0,60 %
Rappel nombre total des foyers
imposables
21 273 977
Source : Direction générale des finances publiques.
147
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
148
Foyers dénombrés en 2011 au titre des revenus perçus en 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
138
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, des options différenciées peuvent être envisagées suivant le
type de revenu perçu par les contribuables : une retenue à la source peut
être facilement mise en oeuvre pour ceux qui perçoivent exclusivement
des revenus salariaux ; en revanche, elle est plus difficilement
envisageable pour ceux qui perçoivent exclusivement des revenus du
capital ou des revenus indépendants. Pour ces deux derniers cas de figure,
des options alternatives doivent être envisagées, comme la généralisation
de prélèvements forfaitaires (libératoires ou non) ou la mise en place de
paiements d’acomptes sur les revenus courants.
En
tout
état
de
cause,
les
contribuables
qui
perçoivent
exclusivement un type de revenu ne représentent qu’environ 40 % des
redevables de l’impôt sur le revenu. Dans la majorité des cas, les
contribuables perçoivent plusieurs sources de revenu. Les modalités de
retenue à la source doivent donc être aussi étudiées pour ce cas
majoritaire.
B - Pour les contribuables qui perçoivent plusieurs
catégories de revenus, la présence de revenus de type
salarial permet d’envisager une retenue à la source
dans la majorité des cas
En cas de perception de revenus mixtes, deux options sont
envisageables :
-
i. l’application de modes de recouvrement spécifiques par type
de revenu ;
-
ii. l’intégration des différents types de revenu dans un taux
moyen appliqué sur le revenu principal.
1 -
L’application de modes de recouvrement spécifiques
par type de revenu
Une première option pour recouvrer l’impôt sur des revenus mixtes
consisterait à
imposer séparément des revenus différents
: un prélèvement
à la source pour tous les revenus qui le permettent, et une modalité
alternative pour les autres.
Cette option reviendrait à juxtaposer les modalités d’imposition
présentées au A ci-dessus :
-
sur les revenus salariaux et assimilés, une retenue à la source
dont le taux tiendrait compte uniquement du montant du salaire ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
139
-
sur les revenus du capital, des prélèvements forfaitaires et,
lorsque ce n’est pas possible, des acomptes tenant compte des
seuls revenus correspondants (par exemple, tenant compte des
seuls revenus fonciers connus) ;
-
sur les revenus indépendants, un paiement en
n+1
comme
aujourd’hui, ou des acomptes au titre de l’année
n
calculés sur la
base des seuls revenus indépendants.
Cette option aurait l’avantage de la simplicité de mise en oeuvre
pour l’administration et pour les tiers payeurs : pour chaque type de
revenu, une seule modalité de recouvrement serait possible quels que
soient les revenus dont le contribuable disposerait par ailleurs. Et le taux
de prélèvement serait calculé sur la base du seul revenu correspondant.
Toutefois, elle présenterait trois types d’inconvénients non
négligeables :
-
i. le système serait complexe et peu compréhensible pour le
contribuable
, qui se verrait appliquer des taux multiples en
fonction de ses revenus (un taux pour le revenu salarial, des taux
potentiellement différenciés sur les revenus du capital ...), taux
qui pourraient de plus se juxtaposer avec d’autres modalités
d’imposition au titre du même impôt (par exemple des acomptes
mensuels à payer avec un an de décalage s’agissant de revenus
indépendants). Il deviendrait particulièrement difficile pour le
contribuable de disposer d’une vision synthétique de son taux
d’imposition annuel ;
-
ii. le système génèrerait des régularisations lourdes en
n+1
,
dégradant le principal avantage à attendre de la retenue à la
source : un ajustement plus immédiat de l’impôt aux
variations de revenu
. En effet, chaque prélèvement étant
calculé sur la base du seul revenu sous-jacent, il serait nécessaire
de procéder à un nouveau calcul global de l’impôt en
n+1
, une
fois l’ensemble des revenus de l’année
n
connus, et de
rapprocher ce montant des acomptes payés en
n
ou
n+1
au titre
des différents modes de recouvrement (retenue à la source
salariale, prélèvements forfaitaires non libératoires, acomptes
mensuels…) pour procéder à la régularisation du solde. L’effet
« taux » présenté au chapitre III de la première partie ne jouerait
donc quasiment pas, alors qu’il est une condition déterminante
d’une retenue à la source « parfaite » s’ajustant rapidement aux
variations de revenu du contribuable ;
-
iii
.
sur le plan des principes, ce système constituerait une
atteinte significative au principe d’universalité de l’impôt
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
140
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
sur le revenu
, surtout si le modèle des prélèvements libératoires
était généralisé sur les revenus autres que salariaux.
Cette option ne semble donc devoir être privilégiée que lorsque le
revenu dominant du contribuable n’est pas un revenu de type salarial,
c’est-à-dire lorsque les revenus dominants du contribuable sont des
revenus du capital ou des revenus indépendants : dans ces deux dernières
configurations en effet, l’application d’un taux synthétique sur le revenu
dominant n’apparaît pas possible (
cf.
seconde option ci-après).
Dans les faits, ce cas de figure apparaît très minoritaire : seuls 9 %
des contribuables percevant plusieurs revenus seraient concernés, soit à
peine 5 % du total des contribuables.
Tableau n° 20 : Contribuables dont le revenu dominant n’est pas de type
salarial, en 2010
149
Nombre de foyers imposables
percevant principalement des
revenus de la catégorie
150
En % du total des
imposables
Bénéfices industriels et
commerciaux
287 973
1,35 %
Bénéfices non commerciaux
327 064
1,54 %
Bénéfices agricoles
126 572
0,59 %
Revenus fonciers
289 980
1,36 %
Revenus de capitaux mobiliers
(imposés au barème)
42 591
0,20 %
Revenus de capitaux mobiliers
(soumis au prélèvement
forfaitaire libératoire)
NC
NC
Plus-values
18 662
0,09 %
Autres
20 495
0,10 %
Total
1 113 337
5,23 %
Total des foyers percevant
plusieurs revenus
12 657 680
59,50 %
Rappel nombre total des foyers
imposables
21 273 977
Source : Direction générale des finances publiques.
2 -
L’intégration des revenus dans un taux synthétique
Une seconde option consisterait à intégrer, dans le calcul du
principal taux de retenue à la source, l’ensemble des revenus que perçoit
149
Foyers dénombrés en 2011 au titre des revenus perçus en 2010.
150
Déduction faite des contribuables percevant exclusivement des revenus de la
catégorie.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
141
le contribuable : les revenus qui peuvent faire l’objet d’une retenue à la
source, mais aussi les autres.
Le contribuable se verrait ainsi appliquer chaque mois une seule
retenue à la source, sur un seul de ses revenus. Le taux de cette retenue
serait nécessairement supérieur à celui qui résulterait de la prise en
compte du seul sous-jacent, puisqu’il prendrait en compte l’ensemble des
revenus du contribuable. Par exemple, un contribuable percevant chaque
mois un salaire de 100, un revenu du capital de 15 et un revenu foncier de
5 se verrait appliquer sur son seul salaire une retenue à la source dont le
taux serait calculé à partir de l’ensemble de ses revenus (ici 120) et non
pas à partir de son seul salaire (100) : le taux de cette retenue serait donc
légèrement supérieur à celui qui prévaudrait si le contribuable ne
percevait que son salaire de 100. Ce taux est qualifié de « synthétique »,
car il ferait la synthèse de l’ensemble des revenus perçus par le
contribuable. Il correspondrait au « taux moyen d’imposition » (TMI) qui
est déjà indiqué depuis 2000 sur l’avis d’imposition des contribuables.
L’option d’une retenue à la source sur revenus multiples via le taux
synthétique n’est envisageable que
si le revenu dominant du contribuable
est de type salarial (salaire ou revenu de remplacement)
. En effet, dans le
cas contraire (par exemple un revenu salarial de seulement 15 pour un
contribuable percevant par ailleurs un revenu foncier de 100),
l’application du taux synthétique sur le revenu salarial, soit ne permettrait
pas à l’Etat de recouvrer le montant d’impôt nécessaire compte tenu de
l’étroitesse de l’assiette, soit obligerait à majorer le taux synthétique dans
une proportion telle qu’il en résulterait un assèchement du revenu imposé.
L’objection vaut également pour les contribuables percevant à titre
principal des dividendes ou des intérêts : en théorie, ces revenus
pourraient faire l’objet d’une retenue à la source au taux majoré pour tenir
compte des autres revenus du contribuable ; toutefois, à la différence des
revenus salariaux, les revenus du capital sont souvent fragmentés car
issus de multiples produits : ils constituent donc davantage une somme de
revenus minoritaires qu’un seul revenu majoritaire auquel le taux
synthétique pourrait être appliqué.
Cependant, les contribuables dont le revenu dominant peut faire
l’objet d’une retenue à la source constituent la grande majorité des
contribuables percevant plusieurs revenus (91 %) et la majorité des
redevables de l’impôt sur le revenu (55 %).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
142
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Tableau n° 21 : Contribuables dont le revenu dominant est un revenu de
type salarial, en 2010
151
Nombre de foyers imposables
percevant principalement des
revenus de la catégorie
152
En % du total des
imposables
Traitements et salaires
7 556 849
35,52 %
Pensions et retraites
3 987 494
18,74 %
Total
11 544 343
54,27 %
Total des foyers percevant
plusieurs revenus
12 657 680
59,50 %
Rappel nombre total des
foyers imposables
21 273 977
Source : Direction générale des finances publiques.
Ainsi, la retenue à la source pourrait être appliquée sans
difficulté à une grande majorité des contribuables : en agrégeant les
40 % qui perçoivent exclusivement des revenus de type salarial et les
55 % qui perçoivent plusieurs revenus avec un revenu salarial
dominant, ce sont au total près de 95 % des contribuables qui
pourraient se voir appliquer une retenue à la source de l’impôt sur le
revenu.
Les 5 % restants sont principalement des contribuables percevant
plusieurs revenus mais pour lesquels une retenue à la source globale
apparaît difficile en l’absence de revenu salarial dominant, et à titre plus
anecdotique des contribuables percevant exclusivement des revenus
indépendants (0,6 % des contribuables) ou des revenus fonciers (0,2 %
des contribuables) sur lesquels une retenue à la source est peu
envisageable.
Pour ces deux derniers cas, l’absence de retenue à la source
pourrait être avantageusement compensée par une généralisation du
paiement d’acomptes sur les revenus courants.
III
-
Avec quelle réactivité l’impôt retenu à la
source pourrait-il s’ajuster aux évolutions de la
situation du contribuable ?
151
Foyers dénombrés en 2011 au titre des revenus perçus en 2010.
152
Déduction faite des contribuables percevant exclusivement des revenus de la
catégorie.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
143
A - À défaut d’une liquidation de l’impôt en temps réel,
la retenue à la source de l’impôt sur le revenu passerait
par l’application du dernier taux moyen d’imposition
connu associée à d’importantes possibilités
de modulation
1 -
La difficulté à calculer le taux d’imposition en temps réel
Les avantages de la retenue à la source sont maximisés lorsqu’elle
repose sur un calcul du taux d’imposition en temps réel, mois par mois :
en effet, c’est à cette condition que l’impôt peut s’ajuster le plus
immédiatement aux variations de revenu du contribuable (« effet taux »
se cumulant à « l’effet assiette ») et ainsi limiter les difficultés de
trésorerie qui résultent d’une baisse de revenu (
cf.
chapitre III de la
première partie ci-dessus).
Toutefois, une telle synchronisation en temps réel n’apparaît pas
envisageable dans le cadre du système fiscal français actuel. Elle
supposerait en effet :
-
i. que l’ensemble des revenus imposables soient connus en
temps réel
. Or, cela n’est pas possible pour certains revenus tels
que les revenus professionnels et les plus-values : il faut attendre
la clôture de l’année
n
et la communication en
n+1
des
opérations réalisées en
n
(imputation des charges ou des moins-
values) pour que le montant final de ces revenus soit connu
(
cf.
II ci-dessus). En outre, même les revenus les plus simples,
comme
les
revenus
salariaux,
ne
sont
pas
connus
immédiatement par l’administration : celle-ci n’a connaissance
des rémunérations versées au cours de l’année
n
à chaque
contribuable qu’après réception des déclarations annuelles des
salaires (DADS) communiquées par les employeurs en mars
n+1
. Ainsi, les revenus perçus en
n
par les contribuables ne sont
connus qu’en
n+1
par l’administration ;
-
ii. que l’administration puisse elle-même procéder à la
liquidation de l’impôt en temps réel
. Or cela également est
impossible aujourd’hui compte tenu de la complexité de l’impôt
sur le revenu et du nombre de paramètres à prendre en compte
(collecte, pré-impression, saisie, calcul)
pour chacun des 20
millions
de
foyers
imposables
(situation
conjugale
du
contribuable, nombre d’enfants à charge, montant des revenus,
recours aux dépenses fiscales ...). C’est en raison de cette
complexité juridique et industrielle
qu’aujourd’hui, l’avis
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
144
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
d’imposition final ne peut être adressé aux contribuables qu’en
septembre n+1
pour l’impôt dû au titre des revenus
n
, alors
même que ces derniers sont en théorie connus
dès le début de
l’année n+1
et que l’administration n’a à procéder au calcul de
l’impôt qu’une seule fois par an (au lieu de douze fois dans une
retenue à la source « parfaite ») ; or l’administration fiscale a
indiqué dans le cadre du présent exercice que le simple fait
d’avancer l’avis d’imposition à
juillet n+1
au lieu de
septembre
n+1
était impossible dans le cadre du système actuel. Ainsi,
quand bien même les revenus imposables pourraient être connus
au cours de l’année
n
(ce qui n’est pas possible,
cf.
point
précédent), l’administration ne serait pas en mesure de procéder
en temps réel au calcul de l’impôt dû au titre de ces revenus ;
-
iii. enfin, qu’existent des flux d’échanges d’information
mensuels sécurisés entre l’administration et l’ensemble des
tiers payeurs possibles
. En effet, une liquidation mensuelle des
taux d’imposition ne serait effective que si l’administration
pouvait communiquer ces derniers sur une base mensuelle. Or,
de tels flux d’échange n’existent que pour une minorité des tiers
payeurs envisageables (il n’existe pas de flux avec les banques
ou les sociétés d’assurance, par exemple) ; et lorsqu’ils existent,
ils sont paramétrés pour des impositions simples, à taux
proportionnel uniforme sur le territoire (comme les cotisations
sociales) : les informations transmises en cours d’année par
l’administration aux tiers payeurs concernant simplement des
mises à jour générales (actualisation des seuils d’exonération de
charges, par exemple). Il en irait différemment de la
communication mensuelle de plusieurs millions de taux
individualisés, opération qui devrait de plus être différenciée
tiers payeur par tiers payeur afin d’éviter qu’un employeur
reçoive des informations fiscales sur des salariés relevant d’une
autre entreprise.
Sans qu’il soit besoin d’aller plus loin, on constate aisément
qu’une retenue à la source calculée en temps réel n’est pas envisageable
dans le cadre du système actuel. La seule option réaliste serait
l’application d’un taux par défaut correspondant au dernier taux
d’imposition connu. Ce taux existe déjà : il s’agit du taux moyen
d’imposition (TMI) communiqué chaque année au contribuable sur son
avis d’imposition. Il correspond au taux d’impôt payé en
n+1
au titre des
revenus perçus en
n
. Il n’est connu qu’en septembre
n+1
.
Ainsi, s’il était décidé de prélever à la source l’impôt sur le revenu,
le taux appliqué par les tiers payeurs sur le revenu mensuel serait :
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
145
-
de janvier
n
à septembre
n
, le TMI calculé en septembre
n-1
au
titre des revenus perçus en
n-2 ;
-
d’octobre
n
à décembre
n
, le TMI calculé en septembre
n
au titre
des revenus perçus en
n-1
.
En tout état de cause, le taux de retenue à la source ne
correspondrait pas aux revenus courants du contribuable : sa base de
calcul serait périmée d’un an, voire de deux ans pour les neuf premiers
prélèvements de l’année. En outre, dans les cas particuliers de première
imposition (par exemple un nouvel entrant sur le marché du travail
percevant pour la première fois des revenus salariaux), il n’existerait pas
de base de calcul connue : le tiers payeur ne pourrait donc appliquer
qu’un taux forfaitaire par défaut en attendant qu’il ait été procédé à la
première liquidation de l’impôt, en septembre
n+1
.
Ainsi, compte tenu des contraintes prévalant dans le système
français, il n’est pas possible d’envisager un « effet taux » spontané de la
retenue à la source en cas de variation de revenu du contribuable. En
l’absence de correctif, ce dernier ne pourrait donc pas bénéficier du
principal avantage de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu par
rapport au système actuel.
2 -
L’intérêt d’ouvrir d’importantes possibilités de modulation
en contrepartie
Afin de compenser l’impossibilité de calculer automatiquement
l’impôt en temps réel, il pourrait être proposé d’ouvrir aux contribuables
de larges possibilités de moduler leur taux d’imposition, à leur initiative,
en cours d’année.
Deux options seraient envisageables :
-
i. une modulation laissée à la seule initiative du contribuable,
sous sa responsabilité
: elle soulèverait un risque d’erreurs ou
d’omissions plus important (qui pourrait toutefois être contrôlé ;
cf.
ci-dessous), mais serait plus simple et plus rapide à exercer
pour le contribuable. C’est d’ailleurs l’option qui a été retenue
dans le système actuel pour les modulations d’acomptes
mensuels ou provisionnels (
cf.
chapitre III de la première partie
ci-dessus) ;
-
ii. une modulation appliquée par le contribuable sur
validation préalable de l’administration
: plus sécurisante du
point de vue des possibilités d’erreurs ou d’omissions, elle
risquerait toutefois d’entraîner une surcharge importante de
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
146
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
travail pour l’administration et des délais de traitement élevés
nuisant au service rendu au contribuable.
Afin de limiter les risques d’erreurs et la surcharge de travail
imposée à l’administration et aux tiers payeurs, il pourrait être décidé
d’encadrer les initiatives des contribuables :
-
d’une part, en limitant le nombre de modifications autorisées sur
une année ;
-
d’autre part, en n’autorisant la modification qu’au-delà d’un
certain seuil. Par exemple, toute demande de variation du TMI
inférieure à 10 % pourrait être refusée par l’administration
fiscale.
La modulation du taux en cours d’année, à l’initiative du
contribuable, serait ainsi une réponse imparfaite à l’impossibilité de
connaître le taux d’imposition en temps réel : elle permettrait au
contribuable de bénéficier de tout ou partie de « l’effet taux » permis par
la retenue à la source en cas de baisse de ses revenus.
B - Ce système aurait pour contrepartie le maintien des
obligations déclaratives du contribuable et la nécessité
de procéder à des régularisations
ex post
1 -
Les obligations déclaratives
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu impliquerait
nécessairement le maintien de la déclaration annuelle de revenus pour
l’ensemble des contribuables :
-
a minima
pour recouper les informations communiquées par les
tiers lorsque celles-ci existent, par exemple les salaires versés
par les employeurs et connus de l’administration en
n+1
après
réception des déclarations annuelles des salaires ;
-
a fortiori
pour connaître les autres revenus soumis à l’impôt sur
le revenu en France et qui ne peuvent pas être connus autrement
– hors contrôle fiscal – que par déclaration du contribuable :
revenus indépendants, revenus fonciers, revenus perçus hors de
France mais imposables en France... Il en va de même pour les
nombreuses
dépenses
fiscales
auxquelles
le
contribuable
français est autorisé à recourir, mais dont l’administration n’a
connaissance, et n’en fait bénéficier le contribuable, que si celui-
ci l’en informe : dons aux oeuvres, emploi à domicile...
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
147
De fait, les seuls autres pays qui ont supprimé les obligations
déclaratives pour un nombre significatif de contribuables sont ceux qui,
comme le Royaume-Uni ou le Danemark, ont une structure d’imposition
sensiblement plus simple que celle qui prévaut en France (
cf.
chapitre III
de la première partie ci-dessus).
Par ailleurs, en l’absence de possibilité de connaître le montant
d’impôt exact en temps réel, l’émission d’un avis d’imposition en
septembre
n+1
resterait nécessaire pour indiquer le montant définitif
d’impôt dû en
n
au titre des revenus
n
et le cas échéant, le montant de la
régularisation due en
n+1
compte tenu des retenues à la source effectuées
en
n.
Enfin, la retenue à la source de l’impôt sur le revenu se traduirait
probablement par la création de nouvelles formalités déclaratives. En
effet, aux acteurs déjà concernés par des formalités aujourd’hui (le
contribuable via la déclaration de revenus, l’administration via l’émission
de l’avis d’imposition), s’ajouteraient les tiers payeurs. Ils devraient en
effet communiquer à l’administration fiscale un récapitulatif annuel et/ou
périodique des retenues effectuées au cours de l’année pour chaque
salarié (comme dans les treize pays étudiés dans le cadre du présent
exercice), voire, en supplément, communiquer un tel récapitulatif aux
salariés également (comme au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore
aux Etats-Unis)
153
.
2 -
Les régularisations en
n+1
L’impossibilité de calculer le taux d’imposition en temps réel a une
seconde conséquence : la retenue à la source de l’impôt sur le revenu
s’accompagnerait
nécessairement
de régularisations en
n+1
. En effet, il
faudrait attendre le calcul de l’impôt définitif en septembre
n+1 :
-
i. pour connaître l’ensemble des revenus imposables perçus
en
n
par le contribuable
, notamment ceux qui n’ont pas pu être
communiqués par des tiers payeurs ;
-
ii. pour appliquer à cette nouvelle base imposable le barème
de l’impôt sur le revenu
au titre des revenus
n ;
-
iii. et pour rapprocher le montant ainsi obtenu des retenues
à la source effectuées au cours de l’année
n
. Or ayant été
calculées sur la base du taux
n-2
du contribuable au cours des
neuf premiers mois, puis
n-1
sur les trois derniers mois, ces
retenues seraient nécessairement en décalage avec l’application
du barème
n
aux revenus
n
.
153
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
148
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, les revenus perçus par le contribuable en
n
, bien
qu’ayant fait l’objet d’un prélèvement à la source tout au long de
l’année
n
, ne seraient pas pour autant nets d’impôt au 31 décembre
de
n
: ils resteraient probablement concernés par un rappel d’impôt
complémentaire à la charge du contribuable, ou un remboursement
du trop perçu par l’administration, en septembre
n+1
.
Cette régularisation pourrait emprunter deux modalités :
-
1. une opération de paiement unique décorrélée de la
retenue à la source mensuelle
: si le calcul du solde faisait
apparaître un complément d’impôt à payer pour le contribuable
au regard de l’impôt payé en
n
, il procéderait à un versement de
régularisation en septembre
n+1
, indépendamment des retenues
à la source effectuées en
n+1
au titre des revenus
n+1
; dans le
cas contraire, c’est l’administration qui procèderait à un
remboursement unique en septembre
n+1
. Cette modalité
contraindrait le contribuable à des démarches supplémentaires –
régulariser son solde d’impôt une fois par an – mais elle aurait
l’avantage de préserver la lisibilité du taux de prélèvement à la
source appliqué chaque mois, qui n’évoluerait que sur initiative
du contribuable ;
-
2. une intégration lissée par modulation du taux de retenue à
la source
: le taux de prélèvement des trois derniers mois de
l’année
n+1
serait augmenté pour prélever le complément
d’impôt dû en
n
au titre des revenus
n
, ou au contraire diminué
si la régularisation de septembre
n+1
faisait apparaître un trop
perçu par l’administration. Exemptant le contribuable de
démarche à effectuer au titre de la régularisation du solde, cette
option aurait en revanche l’inconvénient de dégrader la lisibilité
de la retenue à la source : les prélèvements réalisés par le tiers
payeur entre octobre et décembre
n+1
agrègeraient en effet
l’impôt dû en
n+1
au titre des revenus
n+1
et la régularisation
du solde de l’impôt
n
dû au titre des revenus
n.
Un tel système
est proposé aux contribuables sur option au Royaume-Uni et au
Danemark, la période de régularisation pouvant s’étendre
jusqu’aux retenues à la source réalisées
n+2
154
.
Dans tous les cas, la régularisation constituerait une contrainte
pour les contribuables. Des études réalisées aux Pays-Bas et en Espagne
ont ainsi montré qu’un nombre significatif de contribuables (340 000 aux
Pays-Bas, soit 4,6 % des contribuables) préféraient ne pas déposer la
déclaration facultative en n+1 alors même qu’elle leur aurait permis
154
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
149
d’obtenir un remboursement d’impôt. Pour la même raison, en Espagne,
ce sont 500 millions d’euros de trop perçus qui n’ont jamais été réclamés
par les contribuables en 2006 alors qu’ils y avaient droit.
Ainsi, compte tenu de la structure de l’impôt sur le revenu en
France (prélèvement universel, progressif et fortement personnalisé) et de
l’état des techniques administratives (connaissance nécessairement
tardive de la plupart des revenus), il paraît illusoire d’escompter la mise
en place d’une retenue à la source « parfaite » permettant un ajustement
automatique du taux d’imposition aux variations de revenu du
contribuable : la retenue à la source ne pourrait être réalisée que par
application du taux d’imposition antérieur, taux par définition décorrélé
de l’évolution de la situation du contribuable.
Si cet inconvénient pourrait être partiellement corrigé par
l’ouverture de larges possibilités de modulation du taux en cours d’année
à l’initiative du contribuable, il en résulterait en contrepartie le maintien,
voire l’alourdissement des démarches déclaratives, et la nécessité d’une
régularisation systématique du solde de l’impôt
n
en
n+1
.
IV
-
Synthèse des choix possibles sur les modalités
de calcul d’un impôt sur le revenu prélevé
à la source
Les développements qui précèdent permettent de mettre en
évidence trois modèles de retenue à la source :
-
1. la retenue à la source cédulaire
: l’impôt serait liquidé et
recouvré revenu par revenu, pour les revenus qui le permettent
(revenus salariaux, certains revenus du capital, plus-values
immobilières) sur le modèle de l’actuelle contribution sociale
généralisée. Ce choix aurait l’avantage d’une grande simplicité
de mise en oeuvre et de coûts de gestion limités pour
l’administration. Il présenterait toutefois deux inconvénients
majeurs : d’une part, il impliquerait de renoncer au caractère
universel de l’impôt sur le revenu : le barème progressif ne
serait appliqué qu’aux revenus salariaux, les autres étant soumis
à un taux proportionnel libératoire ou à un barème spécifique
(revenus indépendants par exemple) ; d’autre part, il ne réduirait
pas les démarches du contribuable (envoi de la déclaration et
régularisation en
n+1
) du fait des délais de traitement
incompressibles
des
informations
sur
la
base
taxable
(communication à l’administration des données sur les salaires,
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
150
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
connaissance des revenus ne pouvant pas faire l’objet d’une
retenue à la source comme les revenus indépendants ou les
revenus fonciers ...) ;
-
2. la retenue à la source globale synchronisée
: le caractère
universel de l’impôt sur le revenu serait préservé par
l’application du taux synthétique d’imposition au revenu
dominant
(lorsqu’il
s’agit
d’un
revenu
salarial
ou
de
remplacement) ; par ailleurs, la liquidation en temps réel du taux
synthétique conduirait à un ajustement permanent du taux
d’imposition aux variations de revenu du contribuable et donc à
l’absence de régularisation en
n+1
. Comme cela a été montré
plus haut, un tel modèle est utopique en l’état de la structure de
l’impôt sur le revenu (impôt global, progressif, familialisé,
fortement personnalisé via l’ouverture d’un nombre élevé de
dépenses fiscales) et des techniques administratives (au regard
de l’accès aux données des contribuables par l’administration et
de la communication aux tiers payeurs des modifications de taux
d’imposition des contribuables) : non seulement il n’est pas
possible de connaître en janvier
n
le taux synthétique
n
du
contribuable (cette information n’étant connue qu’en septembre
n+1
de façon définitive), mais l’administration n’est pas en
mesure d’effectuer ce calcul chaque mois, ni même d’en
communiquer le résultat à chaque tiers payeur sur une base
mensuelle. De fait, il apparaît que le caractère synchronisé de
l’impôt (ajustement automatique du taux en temps réel) n’est pas
compatible avec son caractère universel (qui suppose d’intégrer
des revenus qu’il n’est pas possible de connaître en temps réel),
a fortiori
s’il doit être également fortement personnalisé (auquel
cas les délais de collecte et de traitement des multiples
informations à intégrer dans le calcul de l’impôt impliquent une
inertie incompressible) ;
-
3. la retenue à la source globale non synchronisée
: la retenue
à la source serait pratiquée en appliquant le dernier taux
d’imposition connu du contribuable, à savoir le taux
n-2
de
janvier à septembre, puis le taux
n-1
d’octobre à décembre.
Cette option permettrait de concilier retenue à la source
mensuelle et caractère universel de l’impôt, mais elle aurait pour
prix le maintien d’un décalage important entre le revenu du
contribuable (perçu en
n
) et l’impôt prélevé au même moment
(calculé sur des bases périmées). Les effets positifs de la retenue
à la source (ajustement de l’impôt aux variations de revenu,
entrée en vigueur rapide des nouvelles dispositions fiscales)
seraient en grande partie perdus, le contribuable étant confronté
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
151
à une régularisation importante en septembre
n+1
. Il serait
possible d’atténuer les défauts de cette solution en ouvrant de
larges possibilités de modulation du taux en cours d’année à
l’initiative du contribuable ; mais l’avantage obtenu en matière
d’ajustement de l’impôt se paierait au prix de charges de gestion
supplémentaires pour les tiers payeurs et de coûts de traitement
et de contrôle plus importants pour l’administration.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre II
Modalités possibles de recouvrement
d’un impôt sur le revenu prélevé
à la source
I
-
Quel tiers payeur peut être choisi pour
précompter l’impôt pour le compte
de l’administration ?
La retenue à la source repose sur l’existence d’un tiers payeur, ou
du moins d’un acteur qui puisse à la fois liquider et recouvrer l’impôt
pour le compte de l’administration au moment où le revenu imposable se
forme (
cf.
chapitre II de la première partie ci-dessus).
Encadré n° 8 : La notion de tiers payeur
La notion de tiers payeur découle de celle de subrogation qui prévaut en droit civil :
le tiers payeur est l’acteur qui bénéficie de la subrogation dans les droits d’un
créancier
155
. En effet, la subrogation est notamment caractérisée
« lorsque le
créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits,
actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur »
156
.
Ainsi, en matière d’accidents de la circulation, est qualifié de « tiers payeur » la
personne ou l'organisme qui est appelé à indemniser une personne victime du
dommage subi et qui peut ensuite engager une action récursoire contre l’auteur de
l’accident : la victime du dommage subroge le tiers payeur dans ses droits à
remboursement vis-à-vis de l’auteur de l’accident
157
.
Il existe des cas où la puissance publique agit comme tiers payeur pour le compte
d’un créancier. Le plus connu est celui des avances de frais de santé remboursés par
la sécurité sociale : le professionnel de santé qui a fourni une prestation à un patient
détient sur lui une créance qui ne s’éteint que lorsque le patient a payé le montant
correspondant à cette prestation ; or, lorsque la prestation est prise en charge par la
sécurité sociale, celle-ci peut procéder directement au paiement et ainsi exonérer le
patient de l’avance de frais : le professionnel de santé subroge dans ses droits la
155
Cf.
article 1249 du code civil.
156
Cf.
1. de l’article 1250 du code civil.
157
Cf.
articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de
la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures
d'indemnisation.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
154
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
caisse primaire d’assurance maladie qui prend en charge le paiement des frais à la
place du patient
158
.
Dans le cadre d’un prélèvement fiscal à la source, on peut considérer que
l’administration subroge le tiers payeur dans ses droits à recouvrer la créance fiscale
auprès du contribuable. La comparaison n’est pas tout à fait exacte dans la mesure où
le « tiers payeur » ne fait ici que recouvrer l’impôt
pour le compte de
l’administration, qui reste seule détentrice de la créance fiscale
in fine
: l’expression
« tiers verseur » serait peut-être plus appropriée. Toutefois, l’expression « tiers
payeur » étant entrée dans le langage courant en matière de prélèvements à la source,
c’est elle qui est utilisée dans le cadre du présent rapport.
L’introduction du tiers payeur dans la relation contribuable –
administration pose trois séries de questions :
-
i. qui doit être ce tiers payeur ?
-
ii. que représente la charge de travail supplémentaire qu’il devra
assumer au titre de ses nouvelles fonctions ?
-
iii. quelles sont les responsabilités nouvelles qui naîtront, sur le
plan juridique, de ses nouvelles fonctions ?
A - Le prélèvement par l’employeur semble devoir être
privilégié à celui réalisé par les banques
1 -
Les avantages et les limites de l’option consistant à confier le
prélèvement à la source aux banques
Le prélèvement à la source des revenus virés sur les comptes
bancaires des contribuables
159
est une option
a priori
séduisante. En effet,
outre sa faisabilité technique – les banques sont déjà tiers payeurs pour la
retenue à la source réalisée sur les revenus du capital (prélèvement
forfaitaire libératoire, contribution sociale généralisée sur les produits de
placement ...) et tous les contribuables disposent normalement d’au moins
un compte bancaire – elle présente deux principaux avantages :
-
i. la préservation de la confidentialité des échanges dans la
relation de travail
: la retenue à la source par la banque
impliquerait que seule celle-ci aurait connaissance du taux
moyen d’imposition du contribuable, qu’elle appliquerait sur le
158
Cf.
article L. 322-2 du code de la sécurité sociale.
159
Qui se distingue donc du prélèvement mensuel aujourd’hui offert aux
contribuables : dans l’hypothèse d’une retenue à la source confiée aux banques, les
revenus feraient l’objet d’un prélèvement
au moment même
où ils parviendraient sur
le compte bancaire du contribuable, de sorte que le revenu figurant sur le compte
bancaire serait un revenu
net d’impôt
. En outre, le prélèvement serait dû au titre des
revenus courants, et non pas au titre des revenus perçus l’année précédente.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
155
revenu au moment de son versement sur le compte bancaire.
Ainsi, la relation de travail dans l’entreprise resterait inchangée :
l’employeur n’aurait pas connaissance du taux d’imposition du
salarié lors du versement de son salaire et celui-ci ne pourrait
pas
en
retour
soupçonner
l’employeur
d’utiliser
cette
information afin de faire pression sur les salaires ou l’emploi. En
outre, tous les salariés relevant du même salaire brut
continueraient
de
percevoir
le
même
salaire
net :
la
compréhension des éléments de rémunération reposerait sur les
mêmes bases qu’aujourd’hui ;
-
ii.
la
commodité
de
gestion
et
la
sécurisation
du
recouvrement pour l’administration
: la quasi-totalité des
contribuables disposant d’au moins un compte bancaire dans
l’une des grandes banques françaises, le nombre d’interlocuteurs
de l’administration serait extrêmement limité : quelques dizaines
tout au plus. Il en résulterait en principe une grande simplicité de
gestion et une meilleure assurance de recouvrer l’impôt dû
(notamment au regard du risques des procédures collectives qui
affectent les tiers payeurs employeurs).
Toutefois, ces avantages ne doivent pas occulter de lourds
inconvénients :
-
i.
la
difficulté
à
recouper
correctement
les
revenus
imposables
:
o
d’une part, toutes les sommes virées sur un compte
bancaire ne sont pas nécessairement des revenus
imposables : les transferts de compte à compte ou les
remboursements de frais professionnels, par exemple ne
sauraient être taxés sous peine de soumettre le
contribuable à une imposition indue. Il conviendrait
ainsi que les payeurs de revenus procèdent à un
« codage » de leurs virements et, parmi ceux-ci, au
codage des seules sommes imposables, afin que ces
dernières soient identifiées par le tiers payeur. Or un tel
codage n’existe pas aujourd’hui ;
o
en sens inverse, tous les revenus ne transitent pas
nécessairement par un compte bancaire : les sommes
versées sous forme de chèque, par exemple, sont
difficiles à identifier ;
o
enfin, pour les contribuables qui détiennent plusieurs
comptes bancaires (28 % en 2010 selon la Fédération
bancaire française ; cette situation est appelée « multi-
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
156
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
bancarisation »), parfois dans plusieurs établissements
distincts, l’application d’un taux uniforme à des sources
de revenus multiples risque de s’avérer délicate à mettre
en oeuvre.
-
ii. la multiplication des risques d’insolvabilité
: contrairement
à l’idée avancée de prime abord (
cf.
« avantages » ci-dessus), le
prélèvement à la source par les banques ne réduit pas les risques
d’insolvabilité : les revenus (autres que ceux versés par les
banques) étant toujours versés par un acteur tiers (l’employeur
...), les risques de défaillances de celui-ci restent entiers. Au
contraire même, ils se voient doublés d’un risque de défaillance
de l’établissement bancaire ;
-
iii. le risque de faible acceptabilité du dispositif par les
contribuables
: ceux-ci peuvent être réticents à l’idée que des
informations fiscales pouvant révéler leur situation patrimoniale
ou personnelle soient transmises à leur banque, notamment
depuis la crise financière de 2008.
Au final, les inconvénients avérés de la solution bancaire (en
particulier la difficulté d’identifier les revenus imposables) ne semblent
pas
équilibrés
par
ses
avantages
supposés
(la
sécurisation
du
recouvrement). Au contraire même, il est possible qu’un recouvrement
par les banques contribue à dégrader le taux de recouvrement de l’impôt.
2 -
Les avantages et les limites de l’option consistant à confier
le prélèvement à la source aux employeurs
Une seconde option consiste à confier le prélèvement à la source à
l’employeur ou à l’organisme verseur des revenus de remplacement pour
ces derniers.
A la différence des banques, les employeurs peuvent identifier sans
difficulté l’assiette imposable, puisqu’il s’agit des rémunérations
mensuelles sur lesquelles sont déjà appliqués des prélèvements à la
source. En outre, le problème posé par la multi-bancarisation disparaît :
même si le contribuable dispose de sources de revenu multiples,
l’application du taux moyen d’imposition au salaire permet de recouvrer
l’impôt au titre de l’ensemble des revenus du contribuable (sous réserve
que le salaire soit le revenu dominant du contribuable, ce qui est le cas de
près de 95 % des redevables de l’impôt sur le revenu ;
cf.
chapitre I ci-
dessus).
En revanche, le prélèvement à la source par l’employeur ne réduit
pas les risques de défaillance du tiers payeur (
cf.
point C ci-dessous sur le
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
157
régime de responsabilité), ni ceux liés à la communication d’informations
fiscales
du
contribuable
il
peut
même
rendre
ceux-ci
plus
problématiques (
cf.
ci-après). Enfin, le prélèvement par l’employeur
entraîne un risque spécifique de confusion entre salaire et impôt qui peut
dégrader l’acceptabilité du dispositif (
cf.
C du chapitre III de la première
partie ci-dessus).
Au final, le prélèvement à la source par l’employeur paraît plus
simple à mettre en oeuvre que le prélèvement par les banques, et
finalement au moins aussi sécurisant pour le recouvrement de l’impôt.
C’est d’ailleurs la solution qui a été retenue par la totalité des pays
prélevant l’impôt sur le revenu à la source, et la solution qui a été
recommandée par les précédents travaux sur le sujet en France.
B - La charge de travail supplémentaire confiée aux
tiers payeurs peut s’avérer non négligeable
1 -
Les facteurs de coûts pour les tiers payeurs
La charge de travail confiée aux tiers payeurs dépend de la façon
dont les tâches de liquidation et de recouvrement de l’impôt sont réparties
entre les trois acteurs : tiers payeur, administration et contribuable. En
particulier, cette charge sera plus limitée si le tiers payeur doit
simplement appliquer un taux communiqué par l’administration, ou s’il
doit calculer lui-même l’impôt à partir des informations qu’il collecterait
par ailleurs.
Or, même avec la première option (l’application d’un taux
communiqué par l’administration, option
a priori
la plus probable en
raison des impératifs de confidentialité des données ;
cf.
ci-après), des
coûts incompressibles s’appliquent aux tiers payeurs. Ceux-ci peuvent
être regroupés en deux ensembles :
-
i. les coûts de transition
: ils résultent de la nécessité d’adapter
les logiciels de paye au traitement des nouvelles informations
(prise en compte d’un nouveau prélèvement sur le salaire,
création des interconnexions avec l’administration,
cf.
ci-après),
et de répondre aux demandes d’information que ne manqueront
pas de formuler les salariés. Il s’agit dans le premier cas d’une
dépense d’investissement supplémentaire, dans le second d’une
charge de fonctionnement additionnelle pour les services en
charge des ressources humaines ;
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
158
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
ii. les coûts de gestion courante
: une fois le système mis en
place, les tiers payeurs ont à supporter des coûts récurrents qui
sont liés à trois opérations :
o
la collecte et l’intégration des taux d’imposition des
salariés
: cette opération est rendue complexe par le
caractère individualisé des taux d’imposition (un par
salarié), ce qui différencie fortement l’impôt sur le
revenu des prélèvements sociaux à la source
160
.
ƒ
une approche
a priori
simple consisterait à
prévoir une transmission
automatisée
des taux
directement par l’administration. Toutefois, les
outils techniques nécessaires à cette approche
(système
d’information
et
« plateforme »
d’interconnexion entre l’administration et les
tiers payeurs) n’existent pas aujourd’hui, sauf
pour
certains
revenus
de
remplacement
spécifiques
161
. En outre, l’administration fiscale
n’a
pas
connaissance
aujourd’hui
de
la
situation d’emploi des salariés : il faudrait pour
cela
qu’elle
réceptionne
et
traite
les
déclarations
uniques
d’embauche
(DUE)
aujourd’hui communiquées aux unions de
recouvrement
des
cotisations
de
sécurité
sociale et d'allocations familiales (URSSAF).
Enfin,
la
Commission
nationale
de
l’informatique et des libertés (CNIL) a indiqué
en
2007
que
cette
option
lui
semblait
insuffisamment
protectrice
des
droits
des
salariés, marquant sa préférence pour une
transmission
du
taux
« à
l’initiative
du
contribuable, à partir d’un document officiel
qu’il aurait reçu de l’administration »
162
;
ƒ
l’approche
manuelle
qui en résulterait – une
saisie manuelle de chacun des taux transmis par
160
Même si les taux des prélèvements sociaux à la source ne sont pas totalement
uniformes et peuvent aussi faire intervenir des éléments de différenciation
(
cf.
départements d’outre-mer ou zones franches urbaines par exemple).
161
Cf.
le Centre national de transfert des données fiscales (CNTDF) utilisé pour
communiquer à la caisse nationale d’assurance vieillesse les informations nominatives
permettant à certains retraités de bénéficier de prestations. Le flux annuel de gestion
est d’environ 700 000 personnes pour un total de 13 millions de retraités.
162
R. Viricelle, C. Bébéar, F. Auvigne,
Rapport sur les modalités de mise en oeuvre du
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
159
les salariés, y compris lorsque ceux-ci décident
de modifier leurs taux en cours d’année – serait
potentiellement lourde pour les services en
charge de la paye, notamment dans les petites
et moyennes entreprises.
o
le rapprochement entre les taux d’imposition et la
situation administrative des salariés
: ce travail de
rapprochement serait nécessaire compte tenu : i. de la
rotation des salariés, particulièrement élevée dans
certains cas (travailleurs intérimaires ou saisonniers) ;
ii. de la diversité des situations de rémunération dans
l’entreprise : par exemple, un salarié en congé maladie
longue durée se voit appliquer une baisse de salaire
compensée par une prise en charge de la sécurité
sociale. Dans ce cas de figure, un système d’échanges
d’informations avec les administrations sociales devra
être mis en place ;
o
la déclaration à l’administration des opérations
effectuées
: enfin, le tiers payeur devrait rendre compte
à l’administration des prélèvements effectués :
ƒ
dans le système actuel, deux supports de
communication
existent
vis-à-vis
des
administrations
sociales :
le
bordereau
récapitulatif
des
cotisations
(BRC),
communiqué chaque mois ou chaque trimestre
pour
indiquer
le
montant
global
des
prélèvements
réalisés ;
et
la
déclaration
annuelle des salaires (DADS), envoyée une fois
par an entre le 31 janvier et le 31 mars
n+1
, qui
contient
les
informations
nominatives
de
chaque salarié. Une contrainte
a minima
consisterait donc à demander aux entreprises de
fournir
les
informations
complémentaires
relatives à l’impôt sur le revenu dans les BRC
mensuels ou trimestriels (montant agrégé des
sommes
collectées)
et
dans
les
DADS
annuelles (données individualisées) ;
ƒ
à moyen terme, ces démarches pourraient être
intégrées via la déclaration sociale nominative
(DSN) qui serait établie chaque mois, sur une
base nominative, en lieu et place de l’ensemble
des déclarations actuelles. Toutefois, l’entrée
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
160
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
en vigueur définitive de la DSN n’est pas
prévue avant au mieux 2016
163
.
2 -
Le chiffrage du surcoût et les modalités de compensation
L’évaluation précise des surcoûts que génèrerait la retenue à la
source pour les tiers payeurs est malaisée : comme cela a été montré plus
haut, ces surcoûts dépendent beaucoup des options choisies par ailleurs
pour calculer ou recouvrer l’impôt (degré d’universalité du taux,
fréquence des modulations en cours d’année, caractère automatique ou
manuel de la saisie des taux dans les fichiers de paye...).
En 2007, le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables
avait estimé la surcharge de travail pour les entreprises à
« une à trois
heures de travail par bulletin de salaire »
. L’auteur du rapport d’alors
avait toutefois estimé ce chiffrage
« un peu excessif »
164
.
Au niveau international, les données recueillies dans le cadre du
présent exercice font apparaître des situations contrastées, les coûts
estimés s’étalant de moins de 20 euros par an et par salarié pour les pays à
structure d’imposition simple (Royaume-Uni, Danemark) à plus de
100 euros par an et par salarié pour les pays à structure plus complexe
(Pays-Bas, Australie). En Allemagne, le surcoût des seules obligations
déclaratives liées à la retenue à la source de l’impôt sur le revenu a été
évalué à près de 10 euros par déclaration par an, soit un surcoût total de
230 millions d’euros par an pour les entreprises
165
.
Dans ses travaux consacrés à la retenue à la source, la chaire de
fiscalité de l’Université de Sherbrooke a quant à elle indiqué que les
études conduites dans les pays pratiquant ce mode de recouvrement pour
l’impôt sur le revenu évaluaient les « coûts de conformité » (
compliance
costs
) supportés par les tiers payeurs entre 1,3 et 3,5 % des montants
d’impôt collectés
166
. A titre d’exemple, dans le cas français, cela aurait
représenté une charge comprise entre 600 millions et 1,6 milliard d’euros
pour l’impôt collecté en 2010. En tout état de cause, le surcoût de gestion
imposé
aux
employeurs
apparaît
comme
le
principal
motif
d’insatisfaction exprimé contre la retenue à la source dans les autres
pays : cinq des sept pays dans lesquels des critiques ont été identifiées
163
Cf.
article 30 de la proposition de loi n° 3706 relative à la simplification du droit et
à l’allègement des démarches administratives.
164
Didier Migaud,
Le prélèvement à la source et la fusion de l’impôt sur le revenu et
de la CSG
op. cit.
p. 84.
165
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
166
Cf.
D. Boudreau et G. Larin,
Les retenues à la source et les acomptes
provisionnels : des problèmes de couverture et d’équité op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
161
placent ce motif au premier rang (Pays-Bas, Allemagne, Espagne,
Nouvelle-Zélande, Canada)
167
.
Graphique n° 29 : Evaluation des surcoûts générés par la retenue à la
source pour les employeurs
(en € par salarié et par an)
4
23
150
180
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
Danemark
Royaume-Uni
Pays-Bas
Australie
Coût par salarié par an (€)
Source : Rapport particulier sur les comparaisons internationales ; le chiffre
indiqué
pour
les
Pays-Bas
résulte
d’une
moyenne,
l’information
communiquée étant un surcoût « compris entre 100 et 200 euros ».
Cependant, aucun des pays prélevant à la source l’impôt sur le
revenu n’a mis en place un mécanisme de compensation des surcoûts
pour les tiers payeurs : un tel mécanisme a existé en Espagne autrefois
(versement d’une « prime de recouvrement » correspondant à un pour
mille unités d’impôt versé) mais il a été abrogé en 1979 avec
l’instauration de l’impôt dans sa forme moderne.
Les seules facilités accordées par l’administration sont :
-
i. des délais de trésorerie
: les entreprises tiers payeurs
disposent d’un délai moyen compris entre 10 jours et un mois et
demi pour reverser à l’administration l’impôt précompté sur les
salaires, ce délai variant en général en fonction du montant
d’impôt collecté (et donc de la taille de l’entreprise) ;
-
ii. des aides plus spécifiques
: dans la plupart des pays,
l’administration accompagne indirectement les tiers payeurs en
leur fournissant des outils d’aide à l’accomplissement de leurs
démarches (portails informatiques, tables de calcul, guides,
centres
d’appel
téléphonique
...),
voire
en
leur
livrant
167
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
162
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
gratuitement les logiciels de calcul de la retenue à la source
(Royaume-Uni, Pays-Bas, Espagne, Australie).
Graphique n° 30 : Délai de trésorerie maximum accordé aux entreprises
tiers payeurs pour le reversement des acomptes d’impôt à
l’administration
(en jours)
30
30
30
30
40
43
50
51
60
55
53
46
45
0
10
20
30
40
50
60
70
AUS
USA
CAN
DK
LUX
ALL
BE
IT
NZ
ES
IRL
UK
NL
Source : Rapport particulier sur les comparaisons internationales ; pour les
Etats-Unis, l’Australie et le Canada, le chiffre est une moyenne, le délai
pouvant aller jusqu’au trimestre, voire à l’année (Etats-Unis).
C - En outre, la responsabilité juridique des tiers
payeurs devra être clarifiée
Le tiers payeur étant chargé du prélèvement de l’impôt pour le
compte du contribuable, c’est sur lui que repose la responsabilité de
reverser le montant d’impôt attendu. Or, indépendamment des cas de
fraude, un décalage peut survenir :
-
soit du fait d’erreurs dans la transmission ou l’application du
taux d’imposition du contribuable ;
-
soit du fait de difficultés financières de l’entreprise,
a fortiori
en
cas de dépôt de bilan.
La question se pose dès-lors de savoir jusqu’à quel point
l’entreprise tiers payeur engage sa responsabilité, et quelles en sont les
conséquences.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
163
1 -
Caractérisation des risques d’erreurs ou de défaut de
paiement
La retenue à la source a pour effet de transférer les obligations
liées au paiement de l’impôt du contribuable vers le tiers payeur. Or, tout
comme le contribuable particulier, le tiers payeur, même de bonne foi,
n’est pas toujours infaillible. L’expérience issue des prélèvements sociaux
à la source est à ce titre éclairante.
D’une part, les données relatives aux contrôles font apparaître un
nombre élevé de redressements : jusqu’à 80 % des entreprises contrôlées
en 2010. Or ces redressements sont dus en partie à des erreurs dans le
calcul du taux d’imposition – et non pas à de la fraude – comme en atteste
la part des redressements qui sont portés au crédit des entreprises (entre
20 et 35 % des redressements chaque année).
Tableau n°22 : Répartition des redressements par bénéficiaires depuis
2010
(en millions d’euros)
2006
2007
2008
2009
2010
Montant des redressements au crédit
de l’URSSAF
610
535
458
781
806
Montant des redressements au crédit
des entreprises tiers payeurs
159
247
252
214
170
Part des redressements en faveur
des tiers payeurs
20,7 %
31,6 %
35,5 %
21,5 %
17,4 %
Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
D’autre part, les données relatives au taux d’encaissement
spontané montrent que celui-ci est sensible à la conjoncture économique :
il a baissé en 2009 et 2011, dans des proportions certes limitées en valeur
absolue, mais équivalentes à la progression des années de croissance. Le
reversement des acomptes d’impôt à l’administration est en effet rendu
plus délicat pour les entreprises qui connaissent des difficultés de
trésorerie.
Tableau n°23 : Évolution du taux d’encaissement spontané des
prélèvements sociaux à la source depuis 2005, en %
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Taux
d’encaissement
spontané
(total secteur
privé)
95,09 %
95,12 %
95,26 %
96,22 %
95,76 %
96,32 %
96,25 %
Evolution sur
un an
0,03%
0,15%
1,01%
-0,48%
0,58%
-0,07%
Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
164
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, comme les contribuables particuliers, les entreprises tiers
payeurs sont exposées au risque d’erreur, voire d’insolvabilité en cas de
difficulté financière. L’impôt restant dû par les contribuables particuliers,
il en résulte une interrogation sur la répartition des responsabilités entre
ces deux acteurs.
2 -
Responsabilité juridique
En matière sociale, le prélèvement à la source a pour effet de
transférer sur l’employeur la responsabilité du recouvrement de l’impôt :
c’est sur lui que repose l’obligation de vérifier la conformité des sommes
précomptées au montant final d’impôt reversé à l’administration
168
, et la
rétention délibérée des sommes précomptées sur les salaires constitue,
s’agissant des cotisations salariales
169
, une infraction pénale même en cas
de paiement partiel
170
.
Cependant, en cas de procédure collective (redressement ou
liquidation judiciaire), le paiement à l’administration des créances nées
avant le jugement d’ouverture est suspendu
171
. Si un paiement partiel est
possible, les cotisations salariales bénéficient d’une imputation prioritaire.
Si l’entreprise est insolvable, les cotisations salariales dues et non payées
par l’entreprise sont couvertes par l’association de garantie des salaires
(AGS)
172
: ainsi, l’administration ne se retourne pas contre les salariés.
Dans le cas d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu, le
principe de la responsabilité du tiers payeur devrait être repris ; mais il
devrait être adapté pour tenir compte des trois types de situation possibles
conduisant à un décalage entre le montant d’impôt attendu par
l’administration et le montant effectivement versé par le tiers payeur :
-
i. le décalage du fait du tiers payeur
: la responsabilité du tiers
payeur serait entière et exclusive,
a fortiori
en cas de fraude ;
-
ii. le décalage du fait du contribuable
: elle pourrait survenir
dans l’hypothèse où c’est le contribuable qui fournirait son taux
moyen d’imposition au tiers payeur (
cf.
1 du B ci-dessus). Dans
ce cas de figure, ce serait au contribuable d’endosser la
responsabilité du décalage et de régulariser sa situation
directement auprès de l’administration, par exemple lors de la
régularisation de septembre
n+1 ;
168
Cf.
Cass. Soc. 26 et 27 septembre 1990.
169
Des règles de priorité sont en effet établies en faveur des cotisations salariales, leur
paiement conditionnant l’ouverture de droits sociaux aux salariés ;
cf.
rapport
particulier sur les prélèvements sociaux à la source.
170
Cf.
articles L et R. 244-3 du code de la sécurité sociale.
171
Cf.
article L. 622-7 du code du commerce et Cass. Crim. 24 janvier 2006.
172
Cf.
dernier alinéa de l’article L. 3253-8 et article L. 3253-21 du code du travail.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
165
-
iii. le décalage du fait de l’insolvabilité du tiers payeur
: des
délais de paiement pourraient être accordés aux tiers payeurs
sous certaines conditions, sur le modèle de ce qui est proposé
aujourd’hui pour les tiers payeurs des prélèvements à la source
en matière sociale ou pour les redevables de l’impôt sur le
revenu en matière fiscale. En cas de procédure collective, un
système comparable à celui de l’Association de garantie des
salaires pourrait être envisagé, même s’il se justifierait moins
que pour le défaut de paiement des cotisations sociales
salariales
173
.
La répartition globale des responsabilités qui naîtrait d’une retenue
à la source de l’impôt sur le revenu fait l’objet d’un développement
spécifique au IV ci-après.
II
-
Comment protéger la confidentialité des
informations transmises par le contribuable
au tiers payeur ?
A - La protection de la confidentialité des informations
fiscales du contribuable est une préoccupation majeure
qui ferait l’objet d’un contrôle strict en droit interne
1 -
L’enjeu de la confidentialité des informations fiscales
La retenue à la source reposant sur le principe d’un prélèvement
par un tiers
de l’impôt dû par le contribuable particulier, ce tiers doit
recueillir les informations nécessaires au calcul et au recouvrement de
l’impôt.
Or ces informations sont potentiellement nombreuses et sensibles
s’agissant d’un impôt personnalisé comme l’impôt sur le revenu : outre le
revenu auquel est appliqué la retenue à la source, le calcul du taux
d’imposition nécessite en effet de connaître les autres revenus perçus par
le contribuable et sa situation de famille – et donc, par exemple, les
revenus de son conjoint.
Le risque posé par la divulgation de telles informations prend une
résonance particulière du fait que les deux tiers des redevables de l’impôt
173
Car le paiement de celles-ci conditionne l’ouverture des droits sociaux aux
salariés ; en revanche, un prélèvement fiscal comme l’impôt sur le revenu obéit au
principe de non affectation : son produit ne conditionne pas l’ouverture de droits aux
contribuables.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
166
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
sur le revenu perçoivent principalement ou exclusivement des revenus
salariaux et que, en conséquence, le tiers payeur le plus vraisemblable
pour ces redevables serait leur propre employeur
174
. Les organisations
syndicales rencontrées dans le cadre du présent exercice ont exprimé leur
préoccupation quant au risque que l’employeur utilise ces nouvelles
informations pour orienter sa politique salariale ou managériale, par
exemple en évinçant en priorité les salariés percevant d’autres revenus
que leur seul salaire – ou mariés à un conjoint percevant également un
salaire – dans le cadre d’un plan social.
Or le problème se poserait dans des termes voisins avec
l’hypothèse d’un tiers payeur bancaire : les nouvelles informations
communiquées à celui-ci pourraient le conduire à refuser un prêt à son
client ou à réviser ses conditions de tarification, par exemple.
Il existe donc un enjeu majeur de sécurisation des informations
fiscales transmises aux tiers payeurs. C’est une condition clef de la
protection des contribuables.
2 -
Les choix possibles et leur pertinence compte tenu
du cadre français
Le risque d’atteinte à la confidentialité des données du
contribuable dépend du nombre d’informations auxquelles le tiers payeur
peut avoir accès
distinctement
.
Ce nombre dépend lui-même de trois facteurs :
-
i. le nombre d’informations prises en compte dans le calcul
de l’impôt sur le revenu
: plus un impôt est complexe et intègre
un nombre élevé de paramètres liés à la situation personnelle du
contribuable, plus il fait courir un risque de divulgation
d’informations confidentielles en cas de retenue à la source. En
ce sens, l’impôt sur le revenu français fait
intrinsèquement
courir plus de risques que l’impôt sur le revenu britannique et
danois qui ne prennent en compte qu’un nombre limité de
paramètres
175
;
-
ii. la part de ces informations qui sont traitées dès le stade de
la retenue à la source :
même si le calcul de l’impôt tient
compte d’un nombre élevé de paramètres, ceux-ci ne sont pas
nécessairement intégrés dès le calcul du taux appliqué sur les
174
Cf
. chapitres I et II ci-dessus.
175
Cf.
A du chapitre III de la première partie : pas de prise en compte de la situation
conjugale du salarié, nombre limité de dépenses fiscales ...
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
167
revenus mensuels : tout ou partie des informations à caractère
personnel du contribuable peuvent n’être intégrées qu’au stade
de la régularisation du solde, en
n+1
, dans le cadre du face à
face classique entre le contribuable et l’administration.
o
c’est le cas par exemple des informations sur le nombre
d’enfants à charge du contribuable, qui ne sont prises en
compte qu’au moment de la régularisation de
n+1
aux
Pays-Bas, en Australie, au Luxembourg ou encore aux
Etats-Unis
176
; c’est également
le cas pour la majorité
ou la totalité des dépenses fiscales utilisées par le
contribuable pour cinq pays sur les dix où elles
représentent un volume significatif (Pays-Bas, Espagne,
Australie, Belgique, Etats-Unis)
177
;
o
or, le renvoi de certaines informations au stade de la
régularisation réduit d’autant la part de celles-ci qui
doivent être communiquées au tiers payeur. Aux Pays-
Bas par exemple, le tiers payeur n’a pas connaissance
de la situation familiale du contribuable, ni des
dépenses fiscales auxquelles il recourt, alors que ces
informations sont prises en compte dans le calcul final
de l’impôt en
n+1
. Il n’a pas non plus connaissance des
autres
revenus
éventuellement
perçus
par
le
contribuable, ceux-ci étant exclus du barème de l’impôt
sur le revenu. Ce système est à l’évidence plus
protecteur pour le salarié que celui dans lequel
l’ensemble de ces informations seraient communiquées
au tiers payeur ;
o
toutefois, le renvoi du traitement des informations au
stade de la régularisation a pour contrepartie une plus
faible synchronisation de l’impôt à la situation du
contribuable : l’impôt ne s’ajuste qu’avec retard aux
changements de situation, limitant « l’effet taux » qui
peut être attendu de la retenue à la source.
-
iii. parmi ces informations, la part de celles qui sont
communiquées séparément à l’employeur en vue d’effectuer
176
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
177
S’agissant des revenus autres que salariaux, le choix réalisé dans certains pays (par
exemple les Pays-Bas ou les Etats-Unis) consiste à les exclure du calcul de l’impôt à
la source et à les imposer séparément (modèle du prélèvement forfaitaire libératoire
ou du paiement sur acomptes pour les indépendants). Ce choix revient à limiter le
nombre d’informations prises en compte dans le calcul de l’impôt à la source (
cf.
puce
précédente).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
168
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
le calcul de l’impôt
: enfin, même si des informations multiples
sont prises en compte dès le calcul du taux de retenue à la
source, elles peuvent être plus ou moins protégées suivant que le
tiers payeur les reçoit séparément ou qu’il n’en connaît que la
synthèse. Au Canada par exemple, le salarié doit communiquer à
son employeur les éléments sur le salaire de son conjoint, sur ses
enfants à charge et sur la plupart des dépenses fiscales
auxquelles il recourt s’il veut bénéficier des crédits d’impôt
correspondants.
A contrario
, dans le système irlandais, toutes
ces
informations
sont
communiquées
à
l’administration
seulement, qui ne transmet qu’un taux synthétique aux tiers
payeurs.
Dans le cas français, compte tenu d’une part du nombre élevé
d’informations prises en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu, et
d’autre part de l’intérêt de traiter ces informations dès le stade de la
retenue à la source afin de maximiser ses effets positifs pour le
contribuable
178
, un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
présenterait par construction un degré de risque élevé en matière de
divulgation d’informations aux tiers payeurs : c’est seulement au stade du
troisième des facteurs présentés ci-dessus que la confidentialité pourrait
être assurée.
Ce constat plaide en faveur de l’option consistant à confier
l’intégralité du calcul de l’impôt à l’administration, celle-ci ne
communiquant au tiers payeur qu’un taux synthétique (modèle irlandais).
C’est d’ailleurs le modèle qui était privilégié par la Commission nationale
de l'informatique et des libertés (CNIL) en 2007 :
« Il conviendrait de
privilégier la solution dans laquelle le tiers payeur ne dispose que d’un
taux d’imposition mensuel applicable […] – une simple donnée agrégée
qui pourra tenir compte de l’ensemble des critères à prendre en compte –
et non de tout ou partie des renseignements individuels nécessaires à son
calcul »
179
.Cette option présente en outre l’avantage de limiter la charge
de gestion pour le tiers payeur par rapport à un système où il aurait à
procéder lui-même au calcul du taux d’imposition pour chaque
contribuable (
cf.
B du I ci-dessus).
En tout état de cause, l’option choisie, quelle qu’elle soit, devrait
être assortie de garanties rigoureuses fixées par la loi, notamment :
178
Cf.
II du chapitre III de la première partie.
179
Contribution du Président Alex Türk, citée dans le rapport de Didier Migaud
op.
cit.
page 77.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
169
-
une délimitation stricte du champ de l’autorisation donnée au
tiers payeur pour utiliser les données confidentielles
180
;
-
un assujettissement du tiers payeur au secret professionnel
181
;
-
un régime de sanctions du tiers payeur en cas de manquement
aux obligations présentées ci-dessus
182
.
B - Le recours au taux moyen d’imposition assorti
d’une option pour le taux standard pourrait répondre
en partie à cette préoccupation
1 -
Le taux synthétique et ses limites
Le taux synthétique apparaissant
plus protecteur
pour le
contribuable que le calcul de l’impôt par le tiers payeur, il reste à savoir
s’il s’agit d’un outil
suffisamment protecteur
en valeur absolue.
Afin de répondre à cette question, il a été procédé à la modélisation
d’un cas type : dans quelle mesure un employeur qui ne disposerait que
des taux synthétiques communiqués par l’administration, et qui
souhaiterait reconstituer sur cette base des éléments d’information relatifs
à ses salariés, pourrait y parvenir
183
.
Les hypothèses suivantes ont été retenues :
-
l’employeur dispose, pour chacun de ses salariés, de deux taux :
o
i. le taux moyen d’imposition (TMI)
qui lui a été
communiqué par l’administration et qui a été calculé en
rapportant l’impôt
n-1
aux revenus perçus en
n-1
. Le
TMI intègre tous les éléments de personnalisation de la
situation du contribuable : ensemble des revenus perçus,
situation de famille, recours aux dépenses fiscales ...
184
.
Le TMI représente donc le taux « réel » d’imposition du
salarié ;
180
Cette exigence découle du droit constitutionnel au respect de la vie privée ;
cf.
par
exemple Conseil constitutionnel, décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998.
181
Cf.
article L. 103 du livre des procédures fiscales.
182
Cf.
par exemple les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal applicables aux
professionnels de l’action sociale dans le cadre des communications d’informations à
des tiers.
183
Les développements qui suivent empruntent largement aux travaux réalisés par la
direction générale du Trésor pour le compte du présent exercice.
184
Seule la prime pour l’emploi (PPE) n’est pas intégrée ici, son inclusion dans la
retenue à la source risquant d’entraîner des difficultés.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
170
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
o
ii. le taux moyen de référence (TMR)
qui représente
le taux d’imposition qui serait dû en principe par le
contribuable si l’on appliquait le barème progressif à
son seul revenu salarial, sans autre élément de
personnalisation
185
.
-
le seul cas problématique pour le salarié est celui où son TMI est
supérieur à son TMR.
o
en effet, si le taux d’imposition réel du contribuable
(TMI) est inférieur à son taux théorique (TMR), c’est
qu’un ou plusieurs facteurs viennent réduire son revenu
imposable ou son montant d’impôt final : l’application
du quotient conjugal si son conjoint perçoit des revenus
plus faibles que lui ; l’application du quotient familial si
le foyer a par ailleurs des enfants à charge ; ou encore
l’utilisation de dépenses fiscales. Compte tenu de la
diversité de ces facteurs possibles, l’employeur n’est
pas en mesure d’identifier si le contribuable perçoit
d’autres revenus que son seul salaire ;
o
en revanche, si le TMI du salarié est supérieur à son
TMR, l’employeur dispose d’une indication sur la
« richesse » du foyer de son salarié : le salarié est soit
marié/pacsé à une personne dont les revenus d’activité
sont bien supérieurs, soit il possède d’autres sources de
revenus (revenus du patrimoine par exemple).
Les simulations, réalisées à partir des données de l’échantillon
« lourd » de la direction générale des finances publiques
186
, font
apparaître les conclusions suivantes :
185
Le contribuable est considéré comme célibataire sans enfants, ne percevant pas
d’autre revenu que son salaire et ne recourant pas à des dépenses fiscales.
186
500 000 déclarations fiscales (sur 36 millions) relatives aux revenus 2009 imposés
en 2010.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
171
-
i. la forte dispersion des taux pour un salaire donné laisse
a
priori
penser que le taux moyen d’imposition protège
correctement
la
confidentialité
des
informations
du
contribuable
. Dans le graphique ci-dessous, on constate que les
salariés percevant un même salaire net de 2 000 euros par mois,
auquel correspond un TMR de 7,1 %, sont en réalité assujettis à
une grande diversité de taux réels d’imposition allant de 0 % (et
même moins pour les contribuables bénéficiant de crédits
d’impôt) à près de 15 %. Ainsi, la lecture des seuls TMI
communiqués par l’administration ne fournit pas d’information
sur la richesse réelle du salarié.
Graphique n° 31 : Dispersion des taux moyens d’imposition des
contribuables percevant un salaire net de 2 000 euros par mois en 2010
Marié à un
conjoint
inactif,
avec 2
enfants
Marié, 2
enfants, le
salaire du
conjoint est
de 500€/mois,
et crédit
d’impôt
Taux
moyen de
référence :
7,1%
Marié à un
conjoint
inactif sans
enfant
Marié sans
enfant, le
salaire du
conjoint est de
3000€/mois
Source : Direction générale du Trésor.
-
ii. la majorité des contribuables sont protégés par un TMI
inférieur au taux de référence
. En effet, en 2010, plus de 82 %
des salariés avaient un taux moyen d’imposition inférieur à leur
taux de « référence ». Pour ces contribuables, la transmission du
TMI
à
l’employeur
ne
divulguerait
pas
d’information
significative sur leurs revenus ;
-
iii. en revanche, la situation des 18 % de contribuables
restants
est
problématique
.
A
contrario
,
18 %
des
contribuables ont un taux réel d’imposition supérieur à leur taux
de référence et, de ce fait, révèlent nécessairement qu’ils
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
172
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
perçoivent d’autres revenus que leur seul salaire (soit par le biais
de leur conjoint, soit parce qu’ils ont d’autres sources de
revenu). Cette situation est doublement problématique : d’une
part, 18 % représente une part significative qu’il n’est pas
possible
d’ignorer ;
d’autre
part,
ces
contribuables
sont
principalement situés dans les premières tranches de salaires : il
s’agit des salariés percevant des revenus modestes et pour
lesquels on peut supposer que le taux d’imposition plus élevé
provient du revenu du conjoint, cette catégorie de la population
étant peu susceptible de percevoir des revenus du capital ou des
revenus professionnels en plus de ses revenus salariaux.
Graphique n°32 : Part des salariés ayant un taux moyen d'imposition
(
TMI)
supérieur à leur taux d’imposition de référence
(TMR)
, par
tranches de 5 000 euros de revenus déclarés
(en 2010)
Source : Direction générale du Trésor.
Ainsi, il apparaît que le taux moyen d’imposition n’est pas une
solution
suffisamment
protectrice
de
la
confidentialité
des
informations des contribuables
. Pour près de 20 % des salariés,
notamment les plus modestes, il permet à l’employeur d’identifier
facilement l’existence de revenus complémentaires des salariés (entre 25
et 30 % des salariés sont concernés pour chacune des trois premières
tranches de salaires). De plus, même pour les autres salariés, la protection
des informations permise par le taux moyen d’imposition peut être
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
173
discutée à partir du moment où certains des paramètres constitutifs du
taux moyen sont généralement connus par ailleurs de l’employeur,
notamment dans les petites et moyennes entreprises
187
.
S’il était décidé de mettre en oeuvre la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu par application du taux moyen d’imposition, il serait
donc nécessaire de prévoir un dispositif complémentaire afin de corriger
les limites de cette solution.
2 -
L’option pour un taux alternatif
Pour mieux protéger la confidentialité de leurs données, il pourrait
être proposé aux contribuables qui le souhaitent de communiquer à leur
tiers payeur un taux alternatif à leur taux moyen d’imposition.
Ce taux alternatif pourrait emprunter deux formes :
-
i. le taux moyen de référence (TMR)
: le contribuable opterait
pour le taux « standard » correspondant à l’application du
barème progressif à son seul revenu salarial, en dehors de tout
autre élément de personnalisation (pas de prise en compte des
autres revenus, pas de prise en compte de la situation conjugale
ou familiale ...). Ce taux serait assurément très protecteur pour
les contribuables, notamment ceux dont le taux effectif est
supérieur au TMR (
cf.
point 1 ci-dessus). Toutefois, il obligerait
les contribuables à procéder à de lourdes régularisations en
n+1
,
l’intégration de tous les éléments de personnalisation étant
renvoyée à cette étape. En outre, il ferait courir un risque pour
les finances publiques, cette option ayant vocation à être utilisée
par les contribuables dont le TMI est supérieur au TMR et qui
seraient donc gagnants financièrement à opter pour le TMR ;
-
ii. le TMI individualisé
: pour les contribuables mariés ou
pacsés, cette option reviendrait à décomposer le taux moyen du
foyer en deux taux établis sur la base des revenus de chacun, les
éventuels
revenus
complémentaires
communs
aux
deux
membres du foyer (par exemple les revenus fonciers) étant
répartis selon une clef à définir (50/50 ou au prorata du salaire
de chacun par exemple). Ainsi, pour un foyer percevant un
revenu annuel de 60 000 euros à raison de 40 000 euros pour le
conjoint A et 20 000 euros pour le conjoint B, le TMI annuel
actuel (par exemple 10 %, soit un montant annuel d’impôt de
6 000 euros) serait décomposé en un taux de 5 % sur le salaire
187
Par exemple, les éléments sur la situation de famille sont communiqués par les
salariés aux comités d’entreprise ou au moment de l’organisation de l’arbre de Noël.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
174
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
de B et, en contrepartie, un taux de 12,5 % sur le salaire de A.
Cette option serait également protectrice pour les contribuables,
notamment pour ceux dont le TMI est supérieur au TMR en
raison des revenus du conjoint, soit
a priori
le cas de figure
majoritaire pour les contribuables des premières tranches de
salaire (
cf.
point 1 ci-dessus). Plus souple pour les contribuables,
elle serait en outre plus sécurisante pour les finances publiques,
le montant d’impôt dû en
n
au titre des revenus
n
étant toujours
collecté au cours de
n
. En revanche, elle n’apporterait pas de
solution pour les contribuables qui ne sont pas mariés ou pacsés,
ou qui perçoivent des salaires équivalents au sein du couple, et
dont le TMI élevé provient de revenus annexes extra-salariaux
(revenus du capital ...).
En tout état de cause, l’option pour le taux alternatif devrait faire
l’objet d’un contrôle étroit par l’administration fiscale pour éviter les
abus. En outre, elle se traduirait inévitablement par des régularisations
plus importantes en
n+1
(notamment avec l’option pour le TMR) et par
une surcharge de travail des tiers payeurs (adaptations plus fréquentes du
taux de retenue à la source sur les logiciels de paye et des formulaires
déclaratifs).
Un choix de priorité doit donc être réalisé entre la protection
de la confidentialité des informations des contribuables d’une part
(au prix d’une moindre synchronisation de l’impôt aux revenus et d’une
surcharge de travail plus importante pour les administrations et pour les
tiers payeurs)
et la simplicité de gestion ou l’ajustement du taux
d’imposition en temps réel d’autre part
.
III
-
Quel réseau de recouvrement choisir ?
Une fois que l’impôt a été précompté par le tiers payeur, il doit être
reversé à l’administration. Or la question peut être posée de savoir quelle
administration serait la plus pertinente pour recouvrer les acomptes
d’impôt. En effet :
-
si l’on s’inscrit dans la continuité de la gestion de l’impôt sur le
revenu, l’administration de recouvrement des acomptes du
prélèvement à la source serait naturellement l’administration
fiscale, unifiée depuis 2007 sous le nom de direction générale
des finances publiques (DGFiP) ;
-
toutefois, une autre administration a acquis une expérience du
recouvrement de prélèvements à la source sur les revenus des
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
175
particuliers : le réseau des unions de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales
(URSSAF), chargé du recouvrement des cotisations sociales
salariales et patronales et de la contribution sociale généralisée.
Les développements qui suivent éclairent les termes du choix qui
pourrait être fait entre les deux options possibles.
A - Le choix qui se pose est entre un recouvrement
confié exclusivement à la DGFiP, d’une part, et un
recouvrement partagé entre la DGFiP et les URSSAF,
d’autre part
Contrairement à une opinion souvent avancée, la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu ne conduit pas à devoir « choisir » entre
l’administration fiscale et le réseau des unions de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
En effet, il n’a jamais été question de retirer à l’administration
fiscale le traitement des principales étapes de la gestion de l’impôt sur le
revenu, même prélevé à la source :
-
la gestion courante des 20 millions de foyers imposables, le
recoupement de l’ensemble des informations les concernant et le
calcul de leur impôt annuel sont des opérations complexes,
nécessitant des ressources humaines importantes et des outils
informatiques spécifiques dont seule l’administration fiscale
dispose
aujourd’hui.
Ainsi,
le
service
d’accueil
des
contribuables, le traitement des déclarations et l’émission des
avis d’imposition resteraient en tout état de cause du ressort de
la direction générale des finances publiques ;
-
de même, le contrôle du recouvrement de l’impôt contribuable
par contribuable, l’identification des anomalies et l’engagement
des poursuites contre les tiers payeurs défaillants resteraient
confiés à la direction générale des finances publiques, car ces
opérations nécessitent de connaître l’assiette de l’impôt : seule
l’administration ayant calculé l’impôt, c’est-à-dire la DGFiP
(
cf.
point précédent) disposerait de tous les éléments nécessaires
à cette fin ;
-
enfin, la mission de contrôle fiscal resterait elle aussi
intégralement du ressort de la direction générale des finances
publiques.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
176
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
En
réalité,
le
choix
qui
se
pose
porte
uniquement
sur
l’encaissement des précomptes versés par les tiers payeurs
:
-
i. soit cette opération serait également confiée à la DGFiP
:
les tiers payeurs verseraient l’impôt collecté sur les salaires à la
direction générale des finances publiques, selon un schéma à
définir ;
-
ii. soit cette opération serait confiée au réseau des URSSAF
,
sur le modèle de l’encaissement des cotisations sociales ou de la
contribution sociale généralisée. Les URSSAF se contenteraient
de percevoir le produit de l’impôt, pour le retransmettre aussitôt
à la direction générale des finances publiques qui resterait en
charge du contrôle du recouvrement et des opérations de
recouvrement contentieuses.
L’enjeu de la question doit donc être relativisé et ramené à de
justes proportions.
B - En l’absence d’élément technique permettant de
départager ces deux options, le choix devra être réalisé
sur d’autres bases
1 -
Les deux options sont techniquement envisageables
En premier lieu, aucune contrainte juridique n’interdit de recourir à
l’une ou l’autre des options. En particulier, la circonstance que les
URSSAF sont des personnes morales de droit privé ne les empêche
nullement de procéder au recouvrement d’un impôt, à partir du moment
où elles agissent sous l’autorité ou pour le compte de l’Etat
188
.
De fait, les URSSAF sont déjà investies de toutes les prérogatives
de puissance publique nécessaires au recouvrement de l’impôt. Elles sont
habilitées à réaliser tout contrôle nécessaire sur les tiers payeurs
189
. De
plus :
-
i.
elles
peuvent
recourir
à
différents
moyens
de
recouvrement forcé en cas d’incident de paiement
, comme la
contrainte
190
, qui correspond au commandement à payer de
l’administration fiscale. La contrainte peut être suivie de
mesures d’exécution forcée comme les oppositions à tiers
détenteur (OTD) qui correspondent aux avis à tiers détenteur
188
Cf.
Conseil constitutionnel, décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.
189
Cf.
article L. 136-5 du code de la sécurité sociale.
190
Cf.
articles L. 244-9 et R. 133-3 à R. 133-7 du code de la sécurité sociale.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
177
(ATD) de l’administration fiscale, ou comme les hypothèques
légales ;
-
ii. elles peuvent engager des poursuites pénales
contre les
cotisants qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de la
législation
sociale
191
,
selon
des
modalités
proches
de
l’administration fiscale
192
;
-
iii.
leurs
créances
bénéficient
de
deux
sûretés
supplémentaires
: un privilège général sur les biens meubles et
un privilège général sur les biens immeubles
193
, qui, pour ce
dernier, est transformé en hypothèque légale.
Ainsi, aucune limite technique ne conduit à rejeter
a priori
l’option
d’un précompte par les URSSAF. Les deux options sont donc également
recevables.
2 -
Aucun élément objectif ne permet de privilégier l’une des
options
En sens contraire, aucune donnée objective ne permet de conclure
de façon décisive à la supériorité de l’une ou l’autre des deux options
quant à la performance du recouvrement :
-
i. s’agissant de l’efficacité du recouvrement
, les deux réseaux
(DGFiP et URSSAF) affichent d’ores et déjà des performances
voisines de l’ordre de 99,5 % de taux de recouvrement au terme
de la période de recouvrement (31 mars
n+1
pour les URSSAF ;
31 décembre
n+1
pour la DGFiP ;
cf.
II du chapitre IV de la
première partie ci-dessus). La performance des URSSAF est
certes plus élevée à l’échéance (plus de 99 % de taux de
recouvrement contre environ 94 % à la DGFiP), mais cela tient
davantage aux modalités de recouvrement des prélèvements
collectés
respectivement
par
les
deux
organismes
(les
prélèvements à la source confiés aux URSSAF permettant de
faire l’économie de la phase amiable ;
cf. ibidem
) qu’à des
différences de performances ;
-
ii. s’agissant de l’efficience du recouvrement
, la comparaison
des taux d’intervention des deux réseaux (le « coût de gestion »
de l’impôt) est peu conclusive en raison des différences de
nature entre les prélèvements collectés ; en tout état de cause, la
191
Cf.
article L. 244-1 du code de la sécurité sociale.
192
Cf.
articles L. 229 et L. 231 du livre des procédures fiscales.
193
Cf.
article L. 243-4 du code de la sécurité sociale.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
178
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
faiblesse des économies de gestion à attendre d’une retenue à la
source côté DGFiP laisse supposer que les différences
d’efficience entre les deux réseaux ne sont pas significatives
(
cf.
III du chapitre IV de la première partie) ;
-
iii. s’agissant du coût d’adaptation à un système de
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
:
o
le réseau des URSSAF a l’avantage de disposer d’ores
et déjà d’un support d’échange mensuel (le bordereau
récapitulatif des cotisations ou BRC) et annuel (la
déclaration annuelle des salaires, ou DADS) avec les
employeurs tiers payeurs pour des prélèvements assis
sur les salaires. Ces supports devraient être adaptés dans
le cas d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu
car l’assiette de ce dernier (le revenu imposable, donc le
salaire net s’agissant des rémunérations versées par
l’employeur) est différente de celle des prélèvements
sociaux (les rémunérations brutes ;
cf.
chapitre II de la
première
partie).
Il
s’agirait
d’une
actualisation
d’ampleur limitée
194
;
o
a contrario
, si la DGFiP entretient également déjà des
échanges mensuels avec la plupart des entreprises, ces
échanges portent
sur des
impositions
de nature
différente, qui ne sont pas assises sur les rémunérations
individuelles (il s’agit par exemple de la TVA ou de
prélèvements sur la masse salariale). La DGFiP devrait
donc procéder à une adaptation de ses supports
déclaratifs et des systèmes d’information permettant de
les traiter
195
. Toutefois, il n’apparaît pas que ces
adaptations supplémentaires à prévoir dans la sphère
fiscale entraînent des surcoûts rédhibitoires.
Ainsi, aucun élément objectif ne fait apparaître une supériorité
manifeste de l’option en faveur d’un recouvrement confié intégralement à
la DGFiP, ou de celle en faveur d’un recouvrement partagé entre la
DGFiP et les URSSAF.
194
D'autant plus que les supports actuels prennent déjà en compte des assiettes
différentes, par exemple entre les cotisations plafonnées, déplafonnées, la CSG sur
revenus salariaux ou encore les versements transport.
195
En outre, du point de vue des entreprises, ce changement se traduirait par la
création d’un nouveau support déclaratif destiné à la DGFiP et complémentaire de
celui émis en destination des URSSAF.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
179
En réalité, le choix entre les deux options est davantage de nature
politique, et dépend notamment du caractère symbolique qui serait
accordé au fait qu’un prélèvement régalien comme l’impôt sur le revenu
soit prélevé ou pas par l’administration fiscale.
IV
-
Comment répartir les responsabilités entre le
contribuable, le tiers payeur et l’administration ?
L’introduction d’un tiers dans le processus de collecte de l’impôt
élargit les sources possibles d’inadéquation entre l’impôt théoriquement
dû et l’impôt effectivement collecté. En effet, le tiers payeur peut être à
l’origine de dysfonctionnements dans la collecte de l’impôt, par exemple
s’il n’applique pas correctement le taux transmis par l’administration ou
s’il ne reverse pas à celle-ci le montant d’impôt attendu.
Il convient donc d’identifier la chaîne de responsabilités et les
conséquences contentieuses qui pourraient en découler si l’impôt sur le
revenu était prélevé à la source. Dans les faits, trois ensembles peuvent
être distingués :
-
i. les contentieux classiques de l’assiette de l’impôt ;
-
ii. les contentieux matériels portant spécifiquement sur le calcul
du taux de retenue à la source ;
-
iii. les contentieux sur le recouvrement de l’impôt.
A - Le contentieux classique de l’assiette de l’impôt
resterait
a priori
inchangé avec une retenue à la source
de l’impôt sur le revenu
La retenue à la source étant une modalité de
recouvrement
de
l’impôt, elle ne changerait
a priori
rien aux éléments constitutifs du
calcul de l’impôt (
cf.
par exemple A du chapitre I ci-dessus).
Ainsi, en cas de désaccord entre le contribuable et l’administration
sur le montant d’impôt dû (au regard des revenus perçus par le
contribuable, de son éligibilité à certaines dépenses fiscales …), le
contentieux qui en naîtrait :
-
i. ne concernerait que le contribuable et l’administration
, le
tiers payeur n’intervenant pas dans le calcul de l’impôt et
n’ayant pas compétence pour se prononcer en opportunité sur le
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
180
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
montant d’impôt dû par le contribuable. Les voies de recours
resteraient donc les mêmes qu’aujourd’hui
196
;
-
ii. resterait du ressort du juge administratif
: en vertu d’une
longue tradition juridique, le contentieux de l’assiette et du
recouvrement des contributions directes relève des juridictions
administratives
197
. Comme l’établissement de l’assiette de
l’impôt resterait du ressort de l’administration fiscale (direction
générale des finances publiques), quel que soit le réseau choisi
par ailleurs pour collecter l’impôt (
cf.
ci-après), les règles de
contentieux ne seraient en rien altérées par rapport à la situation
actuelle.
Par conséquent, un contribuable contestant les éléments retenus par
l’administration pour calculer le montant définitif de son impôt (indiqué
dans l’avis d’imposition) pourrait former un contentieux dans les mêmes
conditions qu’aujourd’hui.
B - Le préjudice né du calcul erroné du taux de retenue
à la source devrait en revanche faire l’objet d’une prise
en compte spécifique
Dans le système actuel, l’impôt est mis en recouvrement
après
que
son montant définitif a été calculé : les revenus de
n
ne sont imposés
qu’en
n+1
, le calcul de l’impôt intervenant lui-même au cours de l’année
n+1
.
Si, jusqu’au mois de septembre de l’année
n+1
, les premiers
acomptes versés au titre des revenus de
n
sont estimés à partir des revenus
perçus en
n-1
, l’émission de l’avis d’imposition en septembre
n+1
permet
de connaître le montant final d’impôt dû au titre des revenus perçus en
n
et d’ajuster en conséquence les derniers acomptes mensuels ou le solde
payés en
n+1
.
Ainsi, le seul contentieux possible en matière d’assiette porte sur
les éléments retenus par l’administration pour calculer l’impôt, par
exemple la prise en compte de certaines exonérations. Ce contentieux est
traité par voie administrative puis juridictionnelle et resterait ouvert dans
les mêmes termes avec une retenue à la source (
cf.
A ci-dessus).
196
Seule changerait éventuellement la date à partir de laquelle s’ouvre le délai de
recours contentieux : il s’agirait
a priori
, comme aujourd’hui, du moment où le
montant définitif de l’impôt est calculé, c’est-à-dire la date d’émission de l’avis
d’imposition (été
n+1
). Toutefois, il est possible d’envisager une date plus précoce.
197
Cf.
Tribunal des conflits, 10 juillet 1956, Société Bourgogne Bois et Conseil
constitutionnel, décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
181
Avec le prélèvement à la source, en revanche, l’impôt serait mis en
recouvrement
en même temps
que son calcul, c’est-à-dire en réalité
avant
que son montant final ait été calculé (
cf.
III du chapitre I ci-dessus) : le
taux de prélèvement mensuel serait donc une
estimation
du taux
d’imposition réel du contribuable. Or, indépendamment du préjudice qui
pourrait naître d’un calcul erroné de ce dernier (qui fait l’objet du
contentieux décrit au A ci-dessus), un préjudice pourrait également
apparaître du fait de sa mauvaise
traduction par le taux de retenue à la
source mensuelle
appliqué par le tiers payeur. Une telle situation pourrait
apparaître avec la possibilité ouverte au contribuable ou à l’administration
de moduler le taux de retenue à la source en cours d’année, ou encore du
fait d’erreurs dans la transmission du taux d’imposition à appliquer aux
revenus
du
contribuable
(transmission
de
l’administration
vers
l’entreprise, ou transmission par l’entreprise sur la fiche de paye par
exemple). Ainsi, si le taux de retenue à la source est manifestement trop
élevé par rapport au montant d’impôt dû par le contribuable, celui-ci
subira une surimposition préjudiciable.
Cette situation nouvelle soulève deux séries de questions :
-
i. faut-il ouvrir une nouvelle voie contentieuse ?
-
ii. si oui, à qui doit être reconnu l’intérêt à agir ?
1 -
Les modalités possibles de traitement d’une contestation du
taux de retenue à la source
Si le contribuable conteste le taux d’imposition appliqué par son
tiers payeur sur ses revenus, par exemple s’il estime que son employeur
prélève un montant d’impôt excessif sur son salaire par rapport au
montant réel de son impôt dû, trois types de réponses sont possibles :
-
i. le renvoi à la régularisation de septembre
n+1
:
le sur-
prélèvement éventuel du contribuable ne pourrait faire l’objet
d’aucune contestation au cours de l’année
n
. Le contribuable
devrait attendre l’émission de son avis d’imposition en
septembre
n+1
pour
vérifier
s’il
a
fait
l’objet
d’une
surimposition en
n
et, le cas échéant, réclamer à l’administration
un remboursement du trop payé. Plus simple à gérer pour
l’administration et pour les tiers payeurs, cette solution serait à
l’évidence moins protectrice des intérêts du contribuable ;
-
ii. la correction du taux de retenue à la source par le
contribuable lui-même en cours d’année
: si le contribuable
estime que son taux de prélèvement mensuel est trop élevé, il
pourrait procéder lui-même à l’ajustement de son taux en cours
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
182
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
d’année
n
, sans attendre la régularisation de
n+1
. Cette solution,
qui faciliterait par ailleurs l’ajustement de l’impôt aux variations
de revenu en cours d’année (
cf.
III du chapitre I ci-dessus), serait
plus favorable au contribuable. Elle soulèverait toutefois des
risques d’erreurs, voire de fraude, plus importants
198
, et
alourdirait la charge de travail des administrations et des tiers
payeurs ;
-
iii. l’ouverture d’une voie contentieuse spécifique
: la
troisième option consisterait à ouvrir une voie contentieuse
portant sur le mode de calcul de la retenue à la source. Elle
pourrait être formée par le contribuable contre le tiers payeur ou
contre l’administration, et / ou par le tiers payeur contre
l’administration (
cf.
2 ci-dessous). Elle permettrait de concilier
défense
des
droits
du
contribuable
et
sécurisation
du
recouvrement de l’impôt ; mais elle n’empêcherait probablement
pas les abus et, surtout, elle risquerait d’entraîner un
alourdissement sensible de l’activité juridictionnelle.
2 -
Le périmètre de l’intérêt à agir dans le cadre de l’ouverture
d’une voie contentieuse spécifique
S’il était décidé d’ouvrir une nouvelle voie de recours contre le
taux de retenue à la source, plusieurs motifs pourraient être envisagés :
-
i.
le
recours
formé
par
le
tiers
payeur
contre
l’administration
: il est déjà prévu aujourd’hui dans le cadre
des prélèvements sociaux à la source et dans le cadre de la
retenue à la source sur les revenus mobiliers versés aux non
résidents
199
. Il pourrait donc être ouvert également dans le cadre
d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu, si le tiers
payeur estime que le taux que lui communique l’administration
est erroné et que cette situation lui porte préjudice ;
-
ii
.
le
recours
formé
par
le
contribuable
contre
l’administration :
par parallélisme, le contribuable s’estimant
victime
d’un
surprélèvement
du
fait
d’une
erreur
de
l’administration (taux communiqué au tiers payeur erroné)
devrait également se voir ouvrir un droit au recours. Ce droit
serait d’autant plus justifié que le redevable serait la principale
198
Le risque de fraude pourrait être limité, comme dans le système actuel de
modulation des acomptes mensuels ou provisionnels, par l’application de pénalités
lorsque la modulation proposée par le contribuable excède une marge d’erreur de 10%
199
Cf.
CE, 19 décembre 1975, n° 84 774 et 91 895,
Plén.
et plus récemment CE, 6
avril 2007 n° 235 069,
Société Denkavit international BV et Denkavit France
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
183
personne à subir un préjudice. Les décisions précitées du
Conseil d’Etat sur les revenus mobiliers versés aux non résidents
ont d’ailleurs précisé que le droit au recours ouvert aux tiers
payeurs valait également pour les bénéficiaires du revenu,
redevables finaux de l’impôt. La principale limite de cette option
est que, cumulée à la précédente, elle présenterait le risque de
doubles demandes de restitution au titre d’une même somme
d’impôt ;
-
iii. le recours formé par le contribuable contre le tiers
payeur :
si le surprélèvement du contribuable provient d’une
erreur du tiers payeur, le contribuable pourrait également se voir
ouvrir un droit au recours contre ce dernier. Le contentieux qui
se nouerait alors serait en principe un contentieux entre
personnes privées, qui pourrait être assimilé à un contentieux du
travail et donc relever de la juridiction prud’homale. Si le
contentieux était considéré comme fiscal, le soin de le trancher
pourrait être confié au juge administratif. Dans un souci de
clarté, un choix devrait vraisemblablement être opéré par le
législateur.
C - Enfin, le contentieux du recouvrement de l’impôt
devrait être aménagé
Une seconde spécificité de la retenue à la source par rapport au
système actuel tient au précompte de l’impôt par le tiers payeur : même si
le taux final d’imposition du contribuable n’est pas contesté, même si les
retenues effectuées en cours d’année
n
paraissent adéquates au regard de
ce taux final d’imposition, un contentieux peut naître au moment du
reversement de ces retenues à l’administration.
En effet, si le tiers payeur ne reverse pas l’impôt précompté, ou
seulement une partie, l’administration subira un préjudice du fait du non
recouvrement de sa créance fiscale. Si, en sens inverse, l’administration
engage des moyens d’exécution forcée pour recouvrer auprès du tiers
payeur des sommes qu’elle estime dues, ce dernier peut également
s’estimer victime d’un préjudice et souhaiter former un recours contre
l’administration.
Ces deux cas de figure soulèvent des questions contentieuses
spécifiques qui sont étudiées ci-après.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
184
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
1 -
Le contentieux formé par l’administration du fait du non
reversement des sommes d’impôt exigibles
Le prélèvement à la source a pour effet de transférer la
responsabilité du recouvrement de l’impôt du redevable particulier vers le
tiers payeur. En cas de défaut de paiement de l’impôt dans les délais
prévus, c’est le tiers payeur qui engage sa responsabilité, qu’il s’agisse
des prélèvements sociaux à la source
200
ou
de la retenue à la source sur
les salaires, traitements, pensions et rentes viagères
201
, sur certains
revenus non salariaux
202
ou encore sur les revenus du capital
203
de source
française perçus par des non résidents.
Dans le cas d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu, le
principe de la responsabilité du tiers payeur devrait être repris. Mais il
pourrait être assorti d’un droit de reprise vis-à-vis du contribuable,
aujourd’hui explicitement exclu
204
, par exemple dans les cas où le tiers
payeur serait déclaré insolvable à la suite d’une procédure collective (
cf.
2
du C du I ci-dessus).
2 -
Le contentieux formé par les tiers payeurs pour contester les
actions de recouvrement mises en oeuvre par l’administration
A contrario
, les tiers payeurs bénéficieraient de la possibilité de
contester les actions en recouvrement engagées par l’administration.
Comme aujourd’hui, et quel que soit l’organisme de recouvrement
choisi
205
, ce contentieux du recouvrement de l’impôt serait partagé entre
la juridiction administrative et la juridiction judiciaire :
-
en effet, aux termes de l’article L.281 du livre des procédures
fiscales, le juge administratif statue sur les contestations des
décisions prises par l'administration
« sur l'existence de
l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des
paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou
sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le
calcul de l'impôt »
;
200
Cf.
Cass. Soc. 26 et 27 septembre 1990
op. cit.
201
Cf.
article 1671 A du code général des impôts et doctrine administrative 5 B-7124
n°45 du 1
er
août 2001 et
Les impôts dans les affaires internationales
, Bruno
Gouthière, n° 3327 p. 92
202
Ibidem.
203
CE 9 juillet 1997 n°149918, Sarl Prominvest immobilier, RJF 1997 n°792.
204
Cf.
par exemple TA de Paris, 18 mars 1999, n° 94-11566 Masureel, RJF 11/1999
n° 1315.
205
Cf
. III ci-dessus.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
185
-
en revanche, le juge de l’exécution (juge judiciaire) statue
« sur
la régularité en la forme de l'acte »
de recouvrement, s’agissant
en particulier de l’exécution forcée.
Une difficulté supplémentaire spécifique à la retenue à la source
pourrait naître si le recouvrement de l’impôt était confié aux unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales
(URSSAF,
cf.
III ci-dessus). En effet, les mesures de contrôle et de
recouvrement prises par les URSSAF sont actuellement placées sous le
contrôle du juge judiciaire. Il pourrait donc être envisagé que le
contentieux du recouvrement (en plus de l’éclatement dû à
la compétence
du juge de l’exécution) soit éclaté entre le juge judiciaire (pour ce qui
concerne le recouvrement par les URSSAF des acomptes) et le juge
administratif (pour ce qui concerne le recouvrement par l’administration
fiscale du solde).
Mais
cette
solution,
particulièrement
complexe
pour
le
contribuable, serait par ailleurs contestable d’un point de vue juridique.
En effet, le contentieux des impôts directs relevant par principe du juge
administratif (
cf.
A ci-dessus), le Conseil constitutionnel censurerait
probablement les dispositions transférant tout ou partie du contentieux de
l’impôt sur le revenu du juge administratif au juge judiciaire. L’exemple
de la cotisation sociale généralisée, dont le contentieux relève du juge
judiciaire, n’est à ce titre pas reproductible : si le Conseil constitutionnel a
admis qu’il soit dérogé pour ce prélèvement au principe de la compétence
du juge administratif sur les impôts directs sur les revenus, c’est en raison
du fait que la contribution sociale généralisée se substituait à des
cotisations sociales dont le contentieux relevait du juge judiciaire
206
.
Ainsi, le contentieux du recouvrement de l’impôt sur le revenu
retenu à la source devrait rester dans sa totalité du ressort du juge
administratif, au risque d’éventuelles divergences de jurisprudence avec
le juge judiciaire si le recouvrement de cet impôt était confié aux unions
de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales, également compétentes pour le recouvrement des cotisations
sociales et de la contribution sociale généralisée, mais dont le contentieux
correspondant relève, lui, du ressort du juge judiciaire.
206
Cf.
décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
186
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
V
-
Synthèse des choix possibles sur les modalités
de recouvrement d’un impôt sur le revenu prélevé à
la source
Les questions posées par le recouvrement d’un impôt sur le revenu
prélevé à la source se résument à deux enjeux :
-
i. quel équilibre fixer entre la défense des intérêts des
contribuables d’une part, et la limitation de la charge de
travail pour les acteurs responsables du recouvrement
d’autre part ?
En effet, en fonction des priorités mises en
avant, deux modèles contradictoires se dessinent :
o
si la priorité assignée à la retenue à la source est le
service rendu au contribuable
, alors il en résulte un
modèle fortement personnalisable par ce dernier : larges
possibilités de modulation des taux en cours d’année
pour ajuster l’impôt le plus rapidement possible aux
variations de revenu ou pour corriger d’éventuelles
erreurs dans le taux appliqué par le tiers payeur ;
possibilités d’option pour des taux alternatifs au taux
effectif d’imposition afin de donner le maximum de
garanties de confidentialité aux contribuables ; larges
possibilités de recours contentieux, y compris en cours
d’année contre le taux de retenue à la source, afin
d’assurer
la
meilleure
défense
des
droits
du
contribuable…
Or
cette
personnalisation
entraîne
nécessairement une surcharge de gestion importante
pour les acteurs à qui est confié le recouvrement :
nécessité de procéder plus fréquemment au calcul et au
contrôle des taux de retenues à la source, obligation de
mettre à jour chaque mois l’ensemble des fichiers de
paye et des supports déclaratifs, régularisations plus
lourdes en
n+1
, exposition plus importante au risque
contentieux. Le service à l’usager se fait au détriment
de la simplicité et du coût de gestion ;
o
si, en revanche, la priorité assignée à la retenue à la
source
est
la
simplicité
de
gestion
pour
l’administration et/ou les entreprises
, alors il en
découle un modèle nécessairement peu protecteur des
intérêts des contribuables : peu ou pas de possibilités de
modulation
des
taux
en
cours
d’année,
faibles
possibilités de recours contentieux, voire exposition au
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
187
risque de divulgation d’informations confidentielles aux
tiers payeurs.
-
ii. comment répartir cette charge de travail entre les tiers
payeurs d’une part, et l’administration d’autre part ?
A
charge de travail donnée, il existe un second choix à réaliser sur
la répartition de cette charge entre les entreprises tiers payeurs et
l’administration.
Ici
aussi,
deux
scénarios
alternatifs
se
dessinent :
o
si la priorité assignée à la retenue à la source est de
réaliser
des
économies
de
gestion
dans
l’administration
,
alors
des
charges
significatives
doivent être transférées aux entreprises tiers payeurs :
accueil et traitement des demandes courantes des
contribuables, traitement des demandes de modulation
des taux d’imposition, voire, comme au Canada, calcul
de l’impôt. Il en résulte une surcharge de travail
importante pour les entreprises et, en outre, un risque
élevé de divulgation des informations à caractère
personnel des contribuables ;
o
si, en revanche, la priorité assignée à la retenue à la
source est de limiter la charge imposée aux
entreprises
, alors il est illusoire d’attendre des
économies de fonctionnement dans l’administration :
non seulement la quasi-totalité des missions actuelles
seront maintenues (
cf.
III du chapitre IV de la première
partie ci-dessus), mais l’administration se verra en outre
imposer des missions supplémentaires telles que la
gestion des tiers payeurs, le contrôle des modulations de
taux en cours d’année ou encore le traitement des
supports déclaratifs mensuels.
En toute hypothèse, un modèle « parfait » de retenue à la source
permettant de concilier grande flexibilité de l’impôt, protection maximale
de la confidentialité des informations des contribuables et faibles coûts de
gestion n’existe pas, et n’est d’ailleurs observé dans aucun pays ayant
adopté le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre III
Modalités possibles de transition vers
une retenue à la source de l’impôt sur le
revenu
I
-
Comment gérer la suppression du décalage
temporel entre les revenus et l’impôt
correspondant ?
A - Le passage à la retenue à la source soulève le risque
d’une « double imposition »
Le prélèvement à la source repose sur une taxation
contemporaine
des revenus : les revenus de l’année
n
sont imposés dès l’année
n
. Il s’agit
là d’un des principaux bénéfices attendus de ce système (
cf.
II du chapitre
III de la première partie). Le passage à la retenue à la source d’un impôt
recouvré sur rôle comme l’impôt sur le revenu se traduit donc par la
suppression du décalage d’un an
qui existe aujourd’hui entre la
perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant.
Or,
l’année
intervient
le
changement
de
système
de
recouvrement, les contribuables sont exposés au risque d’être imposés
deux fois simultanément. En effet, si le changement de système intervient
au 1
er
janvier de l’année
n+1 :
-
i. à partir de janvier
n+1
, les contribuables sont prélevés
chaque mois à la source pour payer leur impôt
n+1
au titre
de leurs revenus
n+1
. C’est la logique du nouveau prélèvement
à la source mis en place ;
-
ii. mais, au cours de cette année
n+1
, ils doivent également
payer l’impôt correspondant aux revenus perçus en
n
. En
effet, jusqu’au 31 décembre de l’année
n
, l’impôt que payaient
les contribuables (par tiers provisionnels ou par mensualités)
correspondait à leurs revenus de l’année
n-1
. C’est la résultante
du décalage d’un an qu’impose l’actuel système de paiement de
l’impôt sur le revenu.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
190
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, en l’absence de correctif, les contribuables sont exposés à un
double prélèvement de l’impôt sur le revenu tout au long de la première
année de mise en oeuvre de la retenue à la source.
Graphique n° 33 : Illustration du risque de « double imposition » lors du
passage à la retenue à la source
(montant d’impôt payé chaque mois par un contribuable, en euros)
207
100
100
100
100
200
200
200
200
0
50
100
150
200
250
T3 n
T4 n
T1 n+1
T2 n+1
T3 n+1
T4 n+1
T1 n+2
T2 n+2
IR sur rôle (sur les revenus n-1 puis n)
IR à la source (sur les revenus n+1 puis n+2)
Passage à la retenue à la source
Source : CPO.
B - Le risque de « double imposition » peut être levé par
un lissage ou une suppression de la dernière année
d’imposition
Le double paiement de l’impôt au cours de la première année de
mise en oeuvre de la retenue à la source apparaît difficilement
concevable : il porterait un coup rédhibitoire à l’acceptabilité de la
mesure et en tout état de cause, la charge qu’il ferait peser sur le revenu
des
ménages
entraînerait
probablement
la
censure
du
Conseil
constitutionnel en raison de la disproportion qui en résulterait entre
l’impôt et les facultés contributives des ménages (
cf.
article XIII de la
déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
Deux options seraient donc envisageables pour gérer la transition :
-
i. l’aménagement de la double imposition
, via l’étalement ou
l’annulation partielle de la dernière année d’imposition ;
-
ii. la suppression de la double imposition
, via l’annulation
totale de la dernière année d’imposition.
207
L’échelle de temps est simplifiée en trimestres : « T3 n » signifie ainsi « troisième
trimestre de l’année n ».
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
191
1 -
L’aménagement de la double imposition par la technique du
lissage
Deux raisons peuvent justifier le maintien, sous une forme
aménagée, de la double imposition des ménages lors de l’année de la
transition :
-
i. une raison budgétaire
: la double imposition a naturellement
pour effet d’accroître les rentrées fiscales de l’Etat pendant la
période de transition. Or, techniquement, ces deux recettes
cumulées sont bien dues à l’Etat, l’une au titre des revenus
n
,
l’autre au titre des revenus
n+1
;
-
ii
.
une raison d’équité sociale
: l’impôt sur le revenu n’étant
payé que par une partie des ménages, ceux dont le revenu est
supérieur au seuil minimal d’imposition, la suppression de la
dernière année d’imposition pourrait être interprétée comme un
« cadeau aux riches ». De fait, c’est précisément sur ce point que
se cristallisa le débat sur le projet de retenue à la source de
l’impôt sur le revenu aux Etats-Unis de la fin 1942 à la mi-
1943 : alors que l’opposition républicaine conditionnait son
soutien à la suppression de la dernière année d’imposition
(proposée dans le cadre du « plan Ruml », du nom du plan
présenté par le directeur de la Réserve fédérale de New York de
l’époque, Beardsley Ruml), le gouvernement démocrate refusait
de céder, arguant du fait que cette suppression représenterait une
injustice majeure,
a fortiori
dans une période de guerre (l’impôt
sur les « riches » étant présenté comme la contrepartie de
« l’impôt du sang » versé par les milieux populaires) et dans un
contexte où l’impôt sur le revenu était acquitté par un nombre
beaucoup plus limité de contribuables qu’aujourd’hui. Comme
l’écrivit le Président Roosevelt lui-même dans une lettre au
Congrès, la suppression de la double imposition
« entraînerait
une répartition hautement inéquitable des contributions à la
guerre, et un enrichissement injuste et discriminatoire de
milliers de contribuables appartenant aux milieux les plus
favorisés »
208
. Le compromis finalement trouvé fut celui d’une
exonération aux trois quarts de la plus faible des deux années
d’imposition, les contribuables disposant d’un an pour payer en
deux fois les 25 % restants
209
.
208
Franklin Delano Roosevelt, lettre aux responsables du Congrès, 17 mai 1943.
209
La loi ayant été votée le 9 juin 1943, les contribuables eurent jusqu’au 15 mars
1944 pour régler les 25 % de la plus faible des deux années d’imposition.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
192
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ainsi, il est possible d’envisager des modalités d’aménagement ou
d’étalement du paiement de l’impôt au titre des deux années encadrant la
mise en oeuvre de la retenue à la source pour préserver le recouvrement
des créances fiscales à un coût supportable pour les contribuables. Au
Royaume-Uni par exemple, la retenue à la source fut accompagnée de
l’aménagement temporaire de deux exercices de 18 mois en 1944
210
.
En France, ces modalités pourraient s’inspirer du dispositif existant
pour les indemnités de départ volontaire en retraite, de mise à la retraite
ou de départ en préretraite en vertu de l’article 163 A du code général des
impôts
211
,
ou du régime d’étalement sur sept ans en vigueur pour les
revenus agricoles exceptionnels
212.
Elles ne soulèveraient pas de difficulté
constitutionnelle particulière.
2 -
La suppression de la double imposition par la technique de
« l’année blanche »
Compte tenu des problèmes d’acceptabilité ainsi que d’équité
213
que poserait la double imposition, il apparaît toutefois plus opportun de
privilégier l’effacement de la dernière année d’imposition précédant la
mise en oeuvre de la retenue à la source. Ce choix de « l’année blanche »
est d’ailleurs celui qui fut préconisé par les précédents travaux sur le
sujet
214
.
Il faut d’abord préciser que la solution de « l’année blanche » ne
signifierait en rien que les contribuables seraient
exonérés d’impôt
pendant une année :
ils continueraient de payer l’impôt chaque mois, sans
interruption lors du passage à la retenue à la source. « L’année blanche »
permettrait simplement d’
éviter qu’ils soient doublement imposés
pendant
une année.
210
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
211
La fraction imposable des indemnités de départ volontaire en retraite, de mise à la
retraite ou de départ en préretraite, peut, sur demande du salarié, être répartie par parts
égales sur l'année de perception et les trois années suivantes (art. 163 A du code
général des impôts).
212
Article 75-0 A du code général des impôts.
213
L’argument de l’équité peut en effet être retourné contre la solution de la « double
imposition » dans la mesure où il est difficilement justifiable que ceux qui acquittent
déjà l’impôt sur le revenu se retrouvent contraints de le payer une deuxième fois au
cours d’une même année.
214
Cf.
par exemple R. Viricelle, C. Bébéar, F. Auvigne,
Rapport sur les modalités de
mise en oeuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
193
Graphique n° 34 : Illustration des effets de « l’année blanche » sur le
montant d’impôt payé par le contribuable
(montant d’impôt
payé chaque mois, en euros)
100
100
100
100
100
100
100
100
0
50
100
150
200
250
T3 n
T4 n
T1 n+1
T2 n+1
T3 n+1
T4 n+1
T1 n+2
T2 n+2
IR sur rôle (sur les revenus n-1)
IR à la source (sur les revenus n+1 puis n+2)
Passage à la retenue à la source
Non imposition
des revenus n
Source : CPO.
Ainsi, avec « l’année blanche », les contribuables continueraient de
verser chaque mois un montant identique d’impôt, avant et après la mise
en oeuvre de la retenue à la source. Ils ne subiraient donc pas de « double
imposition », tandis que le flux de recettes perçues par l’administration
continuerait également d’être versé sans interruption
215
. Pour ces raisons,
l’abandon des recettes fiscales au titre de la dernière année de revenus
précédant la retenue à la source n’apparaît pas non plus soulever de
difficultés constitutionnelles particulières
216
.
Réglant le problème de la « double imposition » sans coût pour les
finances publiques, la solution de « l’année blanche » poserait en
contrepartie des difficultés spécifiques s’agissant du traitement des
dépenses fiscales et des comportements d’optimisation des contribuables
(
cf.
II et III ci-après).
Pour éviter ces difficultés, une variante parfois proposée consiste à
étaler dans le temps le bénéfice de l’année blanche
en contrepartie d’une
montée en puissance progressive
de la retenue à la source : à compter de
215
A la réserve près du délai de trésorerie accordé aux tiers payeurs pour le
reversement de l’impôt, qui pourrait entraîner une rupture de l’encaissement de
l’impôt le premier mois de mise en oeuvre de la retenue à la source.
Cf.
I du chapitre
IV de la première partie ci-dessus.
216
Cf.
rapport particulier sur les contraintes juridiques encadrant une extension des
prélèvements à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
194
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
l’entrée en vigueur du nouveau système d’imposition, les contribuables
paieraient chaque année une fraction de plus en plus faible de l’impôt dû
au titre des revenus
n-1
(par exemple : 80 % de l’impôt la première année,
60 % la deuxième année…) tandis qu’une part croissante de leurs revenus
ferait l’objet d’une retenue à la source au titre des revenus
n
(par
exemple : 20 % de l’impôt dû sur les revenus
n
serait prélevé à la source
la première année, 40 % la deuxième année et ainsi de suite).
-
il s’agirait bien d’une variante de « l’année blanche » car
l’opération serait réalisée au prix de l’abandon par l’Etat d’une
fraction de sa créance fiscale sur les revenus
n-1
chaque année
pendant la durée de la transition
217
.
-
mais à la différence du modèle précédent, « l’année blanche »
serait étalée sur plusieurs exercices et assortie d’une montée en
puissance progressive de la retenue à la source. De ce fait, le
problème posé par les dépenses fiscales serait traité plus
facilement (les contribuables pouvant imputer chaque année
leurs dépenses éligibles, soit sur la fraction des revenus
n
imposée sur rôle en
n+1
, soit sur celle qui serait prélevée à la
source dès
n
;
cf.
II ci-dessous) et les comportements
d’optimisation des contribuables seraient rendus plus complexes
(
cf.
III ci-dessous).
-
toutefois, cette solution serait particulièrement lourde à gérer
pour l’administration qui devrait procéder chaque année pendant
plusieurs années à une double liquidation de l’impôt (afin de
calculer la part de l’impôt qui doit être payée sur rôle et celle qui
doit
être
prélevée
à
la
source).
Surtout,
elle
serait
particulièrement difficile à comprendre pour le contribuable qui
se verrait appliquer pendant plusieurs années deux systèmes de
recouvrement de l’impôt sur le revenu : une retenue à la source
partielle au titre de l’impôt
n
sur les revenus
n ;
et un paiement
sur rôle partiel au titre de l’impôt
n
sur les revenus
n-1
. Le
contribuable subirait les inconvénients des deux systèmes (effet
« bas de la feuille de paye » et altération des relations de travail
du fait de la retenue à la source ; maintien du décalage d’un an
du fait du maintien du paiement sur rôle) sans percevoir
clairement les avantages du nouveau.
217
Par exemple, en
n+1
, année d’introduction de la retenue à la source, les revenus
n+1
seraient imposés à 20 % par retenue à la source en
n+1
et à 60 % par paiement
sur rôle en
n+2
, l’impôt sur rôle payé en
n+1
correspondant aux revenus
n
. Ainsi, au
final, les revenus
n+1
n’auront été imposés qu’à 80 % (20 % + 60 %).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
195
Ainsi, la solution d’un basculement en une fois de l’ancien système
vers le nouveau apparaît préférable. Elle pose toutefois des difficultés
spécifiques qui sont étudiées ci-après.
II
-
En cas de suppression de la dernière année de
recettes fiscales, quel sort réserver aux dépenses
fiscales correspondantes ?
A - Si la dernière année d’imposition est annulée, la
suppression des dépenses fiscales correspondantes peut
poser un problème majeur de financement de
l’économie
1 -
Le principe d’un non versement des dépenses fiscales
attachées à « l’année blanche »
Dans l’hypothèse où il serait recouru à « l’année blanche » (non
imposition de la dernière année de revenus précédant la mise en oeuvre de
la retenue à la source), la question se pose du sort qui serait réservé aux
dépenses fiscales ouvertes aux revenus de l’année correspondante. Par
exemple, si la retenue à la source est mise en oeuvre au 1
er
janvier
n+1
et
s’il est décidé de ne pas prélever (en
n+1
également) l’impôt au titre des
revenus
n
, qu’advient-il des dépenses fiscales ouvertes pour les revenus
n
et qui auraient normalement permis au contribuable de réduire son impôt
n+1
(au titre des revenus
n
) ?
En première analyse, on pourrait considérer que si le contribuable
a été exempté de son impôt
n+1
au titre de ses revenus
n
218
, la
contrepartie logique serait qu’il ne bénéficie pas des dépenses fiscales
permettant de réduire ce même impôt : si le contribuable paye l’impôt, il
bénéficie des dépenses fiscales correspondantes ; si en revanche l’impôt
n’est pas prélevé, les dépenses fiscales correspondantes ne sont pas non
plus
ouvertes.
Cette
solution
serait
d’ailleurs
conforme
à
une
jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, en vertu de laquelle il
est loisible au législateur de remettre en cause un avantage fiscal au
maintien duquel le contribuable n’a pas un droit absolu
219
.
218
Parce qu’il doit dorénavant payer en
n+1
l’impôt au titre de ses revenus
n+1
.
219
Cf
. rapport particulier sur les contraintes juridiques encadrant une extension des
prélèvements à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
196
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A contrario
, il n’est pas évident que le Conseil constitutionnel
validerait une option alternative consistant à maintenir les avantages
fiscaux attachés à « l’année blanche ». Une telle option pourrait être
considérée comme non conforme à l’exigence constitutionnelle de bon
usage des deniers publics,
a fortiori
dans un contexte budgétaire tendu.
En effet, le Conseil constitutionnel pourrait considérer ce « cadeau »,
accroissant sans doute considérablement le coût de la réforme (
cf.
ci-
après), comme une charge manifestement hors de proportion avec le
bénéfice que l’État peut attendre du passage à la retenue à la source.
2 -
Les difficultés posées par cette option
Toutefois, cette option du non versement des dépenses fiscales
associées à « l’année blanche » peut poser un problème majeur dans le
cas des dépenses fiscales bénéficiant à des tiers, comme la réduction
d’impôt au titre des dons aux oeuvres ou le crédit d’impôt au titre de
l’emploi d’un salarié à domicile.
En effet, si la retenue à la source est mise en oeuvre au 1
er
janvier
n+1
, si, en conséquence, l’imposition en
n+1
des revenus de l’année
n
est
annulée (« année blanche ») et si les dépenses fiscales correspondant à cet
impôt sont également annulées, alors le contribuable ne bénéficiera
d’aucune réduction d’impôt au titre des dépenses engagées en
n
.
Par exemple, si le contribuable fait chaque année un don de 100
euros à une oeuvre d’intérêt général, ce don lui ouvre droit à une réduction
d’impôt de 66 %, soit 66 euros
220
. Ainsi :
-
au cours de l’année
n
, il bénéficiera d’une réduction de 66 euros
sur son impôt
n
dû au titre des revenus
n-1
, compte tenu du don
de 100 euros effectué en
n-1 :
ce dernier ne lui aura donc coûté
que 33 euros
in fine ;
-
au cours de l’année
n+1
, il bénéficiera d’une réduction de 66
euros sur son impôt
n+1
dû au titre des revenus
n+1
, compte
tenu du don de 100 euros effectué en
n+1 :
comme dans le cas
précédent, ce don ne lui aura coûté que 33 euros
in fine
;
-
en revanche, si le contribuable souhaite faire un don en
n
, ce don
ne lui ouvrira droit à aucune réduction ou aucun crédit d’impôt.
Il lui coûtera donc 100 euros au lieu de 33 euros habituellement.
220
Dans la limite de 20 % du revenu imposable ;
cf.
article 200 du code général des
impôts.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
197
Graphique n° 35 : Illustration de l’impact d’une « année blanche » sans
paiement des dépenses fiscales sur le coût final pour le contribuable d’un
don de 100 euros à une oeuvre d’intérêt général
(coût final du don, en euros)
221
100
33
33
33
33
0
20
40
60
80
100
120
n-2
n-1
n
n+1
n+2
Coût du don pour le contribuable (après réduction d'impôt)
Montant de la réduction d'impôt
Retenue à la source
"Année blanche" (non imposée)
Source : CPO.
Il existe dès-lors un risque élevé que le contribuable, lors de
l’année
n :
-
i. réduise, voire supprime, toutes ses dépenses facultatives au
profit des tiers
, celles-ci ne lui ouvrant droit à aucune réduction
d’impôt. Par exemple, il n’effectuera pas de don au profit d’une
oeuvre, il ne réalisera pas d’investissement direct dans une PME
ou dans un fonds commun de placement, il reportera des travaux
non urgents sur sa résidence principale…Les tiers concernés par
ces dons ou dépenses risquent d’en pâtir fortement : associations
d’utilité publique, petites et moyennes entreprises recherchant
des fonds propres, entreprises du bâtiment… ;
-
ii. s’agissant des dépenses contraintes, ne déclare plus le
versement de certaines rémunérations
. Le risque concerne
principalement l’emploi de salariés à domicile ou les frais de
garde d’enfant : les dépenses engagées à ce titre au cours de
l’année
n
n’ouvrant plus droit à une réduction d’impôt, le
contribuable pourra estimer plus avantageux de ne pas déclarer
les rémunérations correspondantes ce qui, en retour, affectera le
221
Le montant indiqué correspond au coût final du don
réalisé cette année là
, même
si la réduction d’impôt intervient ultérieurement. Par exemple, le don réalisé en
n-1
n’ouvrira une réduction d’impôt qu’en
n
sur l’impôt
n
au titre des revenus
n-1
. A
partir de la mise en place de la retenue à la source (
n+1
), le don réalisé sur l’année
ouvre droit à une réduction d’impôt sur l’impôt payé cette même année : il n’y a plus
de décalage.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
198
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
recouvrement des cotisations sociales et les droits à couverture
sociale des salariés concernés.
Dans ces conditions, il peut apparaître préférable de maintenir le
versement de tout ou partie des dépenses fiscales associées à l’impôt sur
les revenus
n
, même si cet impôt n’est finalement pas recouvré.
B - En conséquence, la transition se traduira par un
surcoût élevé pour les contribuables ou pour le budget
de l’Etat
S’il était décidé de maintenir le droit au versement des dépenses
fiscales attachées à « l’année blanche » pour les contribuables, deux
questions se poseraient :
-
i. quelles seraient les dépenses fiscales dont il faudrait maintenir
le versement ?
-
ii. qui devrait en supporter le coût ?
1 -
Le périmètre des dépenses fiscales à maintenir
Compte tenu des éléments exposés ci-dessus, le maintien de
l’ensemble des dépenses fiscales apparaît superflu. En effet, certaines
dépenses fiscales dépendent uniquement d’éléments liés à la personne du
contribuable, comme son âge ou sa situation familiale, et non pas de son
comportement économique : le contribuable en bénéficie tant qu’il est
imposable et qu’il remplit les conditions d’éligibilité. Or, « l’année
blanche »
n’ayant
pas
pour
effet
d’interrompre
l’imposition
du
contribuable (il continuerait de verser des acomptes chaque mois,
cf.
B du
I ci-dessus), elle n’interromprait pas non plus son éligibilité à ces
dépenses fiscales.
C’est le cas par exemple de l’abattement de 10 % sur les pensions
ou de la demi-part supplémentaire pour les enfants majeurs rattachés au
foyer fiscal : même si ces dépenses fiscales étaient annulées au titre de
« l’année blanche », elles continueraient de bénéficier sans discontinuité
au contribuable car :
-
jusqu’au 31 décembre
n
, il bénéficierait de la réduction d’impôt
due sur l’impôt
n
au titre des revenus
n-1 ;
-
à partir du 1
er
janvier
n+1
, il continuerait de bénéficier de cette
réduction d’impôt, cette fois due sur l’impôt
n+1
au titre des
revenus
n+1
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
199
En réalité, les seules dépenses fiscales pour lesquelles un problème
se poserait sont celles qui dépendent du
comportement économique
du
contribuable, c’est-à-dire celles qui sont liées à ses
décisions de dépense,
don, investissement
ou assimilé : pour celles-ci en effet, le non versement
de la dépense fiscale correspondant à une année de revenu peut rétroagir
sur le comportement économique du contribuable au titre de cette même
année.
Deux critères alternatifs permettraient de délimiter de façon
objective ces dépenses fiscales qui dépendent du comportement
économique du contribuable :
-
i. le critère du caractère « subi » ou « choisi » de la dépense
fiscale
:
o
seraient considérées comme « subies » les dépenses
fiscales
attachées
à
la
situation
objective
du
contribuable, et ayant pour objet de compenser les
effets produits par cette situation
:
avantages dépendant
de la situation de famille du contribuable (nombre
d’enfants à charge par exemple), avantages bénéficiant
aux personnes en situation d’invalidité… ;
o
à l’inverse, seraient considérées comme « choisies » les
dépenses fiscales dépendant du comportement du
contribuable : dons, investissements… ;
o
conformément à la logique exposée ci-dessus, seules les
dépenses fiscales « choisies » seraient maintenues au
titre de « l’année blanche ». En effet, les dépenses
fiscales « subies » continueraient de bénéficier sans
discontinuité aux contribuables et sans altérer l’activité
économique, même si leur versement était interrompu
au titre de « l’année blanche » ;
o
séduisant dans son principe, le critère du caractère
« subi » ou « choisi » de la dépense fiscale peut
toutefois être sujet à interprétation dans un certain
nombre de cas. Par exemple, la réduction d’impôt pour
l’emploi d’une personne à domicile résulte à la fois
d’un choix du contribuable – recourir à une aide à
domicile – mais d’un choix qui est souvent contraint
compte tenu de sa situation personnelle. Il en va de
même pour l’exonération des heures supplémentaires
-
ii. le critère de l’impact sur un tiers de la dépense fiscale
: un
second critère pourrait donc être celui de l’impact sur des tiers
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
200
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
de la dépense fiscale : ne seraient maintenues au titre de
« l’année blanche » que les dépenses fiscales accordées au
contribuable
à raison des dépenses que celui-ci engage vis-à-vis
de tiers
: rémunération (
cf.
salarié à domicile), investissement
(
cf.
investissements outre-mer, fonds commun de placement
dans les PME…), don (dons aux oeuvres d’utilité publique)…
Ce critère conduirait parfois à inclure des dépenses fiscales qui
n’ont pas d’impact sur l’activité socio-économique, comme la
réduction d’impôt au titre de la prestation compensatoire versée
sous forme d’argent ; mais il laisserait moins de marge à
interprétation que le précédent.
Quel que soit le critère choisi, le maintien du versement des
dépenses fiscales au titre de « l’année blanche » se traduirait par la
transformation des réductions d’impôt en crédits d’impôt
222
et donc par un
décaissement net pour l’Etat (éventuellement compensé par d’autres
moyens,
cf.
ci-après).
Or, même si l’on limitait le maintien des dépenses fiscales aux
seules dépenses bénéficiant à des tiers et, parmi celles-ci, aux seules
dépenses qui prennent la forme d’une réduction d’impôt, d’un crédit
d’impôt ou d’un déficit reportable
223
, le coût pour le budget de l’Etat
dépasserait le milliard d’euros pour s’établir dans une fourchette comprise
entre 5 et 10 milliards d’euros. Les prévisions de coût pour 2012 des
principales dépenses fiscales affectant des tiers suffisent à illustrer ce
propos :
Tableau n°24 : Coût prévisionnel pour 2012 des principales dépenses
fiscales pouvant être considérées comme « choisies » ou ayant un impact
sur les tiers
(coût en millions d’euros)
Intitulé de la mesure
Coût prévisionnel pour 2012
(en M €)
Prime pour l'emploi (PPE)
2 800
Crédit d’impôt au titre de l’emploi
d’un salarié à domicile pour les
contribuables exerçant une activité
professionnelle ou demandeurs
d’emploi depuis au moins trois mois
1 890
Crédit d'impôt pour dépenses
d'équipements de l'habitation
principale en faveur des économies
1 400
222
Les réductions d’impôt réduisent le montant de l’impôt dû. Les crédits d’impôt
s’imputent sur l’impôt dû jusqu’à l’épuiser, puis font l’objet d’une restitution au
contribuable pour la fraction de leur montant qui excède celui de l’impôt dû.
223
Les abattements et exonérations seraient exclus.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
201
Intitulé de la mesure
Coût prévisionnel pour 2012
(en M €)
d'énergie et du développement
durable
Réduction d’impôt au titre de
l’emploi, par les particuliers, d’un
salarié à domicile pour les
contribuables n’exerçant par une
activité professionnelle ou demandeur
d’emploi de mois de trois mois
1 290
Réduction d’impôt au titre des dons
224
1 080
Crédit d'impôt pour frais de garde des
enfants âgés de moins de six ans
940
Total
9 400
Source : Documents annexés au projet de loi de finances pour 2012.
Ainsi, quand bien-même ce chiffrage constituerait un majorant (par
exemple du fait que certaines des dépenses fiscales présentées ci-dessus
sont reportables)
225
, le coût du maintien des dépenses fiscales n’en reste
pas moins un enjeu majeur. Il est donc essentiel de déterminer comment
ce coût pourrait être réparti entre les différents acteurs.
2 -
Les options de répartition du coût correspondant
La prise en charge des dépenses fiscales associées à « l’année
blanche » pourrait emprunter deux modalités :
-
i. une prise en charge par le budget de l’Etat
: le coût des
dépenses fiscales serait assumé par l’Etat. Compte tenu du
montant en cause – plusieurs milliards d’euros – et du contexte
budgétaire, seul un décaissement progressif étalé sur plusieurs
années, par exemple sur cinq ans, serait envisageable. Il en
résulterait une moindre incitation pour les contribuables à
maintenir leurs décisions de dépenses au titre de l’année
n-1
, et
un coût malgré tout élevé pour les finances publiques
226
;
224
La réduction d’impôt au titre des dons est considérée comme une dépense fiscale
« subie » dans le cadre du dispositif du plafonnement global des niches fiscales
(
cf.
article
200-0 A du code général des impôts).
225
Cf.
annexe II du rapport particulier sur les scénarios de mise en oeuvre de la retenue
à la source de l’imposition des ménages pour le détail des hypothèses nécessaires au
calcul du coût de l’année de transition, et de leurs limites.
226
Plusieurs des rapports précédents proposaient que le coût de la transition soit
couvert par le gain de recettes issu du changement de base d’imposition. Toutefois, les
analyses de la première partie de ce rapport ont montré que les gains à attendre de
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
202
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
ii. une prise en charge par les contribuables
: une alternative
consisterait à faire financer par les seuls redevables de l’impôt
sur le revenu, via une hausse de leur taux d’imposition, le
versement des dépenses fiscales au titre de « l’année blanche ».
o
contrairement à la précédente, cette solution serait
neutre pour les finances publiques. Elle pourrait
également être considérée comme plus équitable : les
réductions et crédits d’impôt ne bénéficiant, par
construction, qu’aux seuls redevables de l’impôt sur le
revenu, il pourrait être considéré comme contestable
que leur financement soit assumé par l’ensemble des
citoyens ;
o
plusieurs
modalités
techniques
pourraient
être
envisagées pour mettre en oeuvre le financement des
dépenses fiscales par les seules redevables de l’impôt
sur le revenu : hausse ponctuelle du taux d’imposition
de l’ensemble des redevables ou des seuls redevables
bénéficiant des dépenses fiscales maintenues au titre de
« l’année blanche » ; étalement de la hausse sur
plusieurs années ; voire hausse dégressive au fur-et-à-
mesure de la croissance de la base d’imposition
227
.
o
en
tout
état
de
cause
cette
option
dégraderait
probablement l’acceptabilité de la retenue à la source
(celle-ci s’accompagnant d’une hausse temporaire du
taux d’imposition des ménages) et ne favoriserait pas la
lisibilité du nouveau système.
A défaut de l’une ou l’autre de ces deux options, les contribuables
ne seraient pas incités à engager des dépenses au profit de tiers au cours
de « l’année blanche ». Il pourrait en résulter une forte réduction de leurs
décisions de dépense (investissements, dons…) au cours de la dernière
année précédant la mise en oeuvre de la retenue à la source et un préjudice
lourd pour les tiers bénéficiant de ces décisions de dépense.
l’avancement de la base d’imposition étaient très incertains, et en tout état de cause
sans commune mesure avec les coûts de la transition (
cf.
I du chapitre IV de la
première partie).
227
Solution dite du « taux semi-net » - car le taux d’imposition des premières années
de mise en oeuvre de la retenue à la source est « semi-net des dépenses fiscales » : il
n’intègre qu’une partie des dépenses fiscales au titre de l’année
n
. Le sur-prélèvement
qui en résulte permet de rembourser les crédits d’impôt à verser lors de la
régularisation de septembre (
cf.
rapport particulier sur les scénarios de mise en oeuvre
de la retenue à la source).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
203
III
-
Comment limiter les abus qui pourraient
naître de la transition entre l’ancien et le nouveau
système de recouvrement ?
S’il était décidé de renoncer à l’imposition de la dernière année
précédant la mise en oeuvre de la retenue à la source, des risques d’abus
en résulteraient. En effet, la tentation serait grande pour les contribuables
de tirer profit de cette situation, par exemple en logeant sur « l’année
blanche » des revenus supplémentaires (plus-values
228
, versement anticipé
de bénéfices ou de revenus du capital…).
Pour prévenir ce risque, quatre familles d’options seraient
envisageables :
-
i. l’imposition systématique des plus-values
: les plus-values
réalisées sur l’année
n
seraient exclues de la non imposition de
« l’année blanche » et donc réintégrées dans le calcul de la
retenue à la source mise en place en
n+1
(soit par ajustement du
taux de retenue à la source à compter de septembre
n+1
, soit par
régularisation de l’impôt
n+1
en
n+2
). Simple à mettre en place,
cette solution serait toutefois assez fruste et ne règlerait qu’une
partie des risques d’abus ;
-
ii. l’imposition sur la moyenne des deux années
: une
deuxième option consisterait à liquider l’impôt au titre des deux
années de revenu (l’année
n
, dernière année de perception de
revenus avant la mise en oeuvre de la retenue à la source et
l’année
n+1
, première année d’application du prélèvement à la
source) pour retenir, dans le calcul du taux de retenue à la source
appliqué à compter du 1
er
janvier
n+1 :
soit la moyenne des
deux années de revenu, soit la moyenne du taux d’imposition dû
au titre de ces deux années de revenu. Dissuasive vis-à-vis des
comportements d’optimisation, cette option aurait toutefois pour
inconvénient de brouiller la lisibilité de la retenue à la source
lors de sa première année de mise en oeuvre (le taux
d’imposition ne correspondant qu’en partie aux revenus
courants) et de générer certains effets indésirables (par exemple
en pénalisant les contribuables partant à la retraite en
n
ou
subissant une perte d’emploi en
n+1
229
) ;
228
hormis les plus-values immobilières, qui sont déjà prélevées à la source.
229
Dans ces deux cas, une année blanche « stricte » (non imposition des revenus
n
)
aurait permis à ce contribuable d’être exonéré d’impôt au titre de la plus élevée des
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
204
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
iii. l’imposition du maximum des deux années
: après calcul
de l’impôt dû au titre des revenus
n
et de celui dû au titre des
revenus
n+1
, le plus élevé des deux serait retenu pour le calcul
final de l’impôt
n+1
, première année d’imposition à la source.
o
techniquement, la retenue à la source appliquée en
n+1
serait
calculée
par
référence
au
dernier
taux
d’imposition connu du contribuable, c’est-à-dire le taux
n-1
. Puis, une fois le montant final des revenus
n+1
du
contribuable connu, c’est-à-dire en septembre
n+2
,
l’impôt dû au titre de ces revenus serait rapproché de
l’impôt dû au titre des revenus
n
(connu depuis
septembre
n+1
). Le plus élevé des deux montants serait
conservé
et
appliqué
pour
la
régularisation
de
septembre
n+2
au titre de l’impôt
n+1
;
o
une variante consisterait à réintégrer dans l’assiette des
revenus
n+1
les revenus « excédentaires » perçus en
n
par rapport à
n+1
. C’est la solution qui fut retenue en
Nouvelle-Zélande lors du passage à la retenue à la
source en 1959
230
;
o
très
dissuasive
vis-à-vis
des
comportements
d’optimisation,
cette
approche
serait
également
particulièrement pénalisante vis-à-vis de l’ensemble des
contribuables et notamment de ceux qui subiraient une
baisse de revenu involontaire sur l’une de ces deux
années. Elle nuirait sans doute à l’acceptabilité du
nouveau système d’imposition.
-
iv. la clause de sauvegarde
: les revenus de la dernière année
précédant la mise en oeuvre de la retenue à la source (année
n
)
seraient exemptés d’impôt
sauf en cas de variation forte et
injustifiée
(augmentation exceptionnelle des revenus déclarés au
titre de l’année
n
, par exemple supérieure à 20 %), auquel cas le
différentiel de revenus entre
n
et
n+1
ferait l’objet d’une
taxation exceptionnelle à un taux dissuasif. C’est la solution qui
fut retenue au Danemark lors du passage à la retenue à la source
en 1970
231
. Cette option serait à la fois simple à mettre en oeuvre
(la grande majorité des contribuables ne seraient pas concernés
par le dispositif), efficace pour contrer les abus les plus
deux années de revenu. Avec le système de la moyenne, le contribuable est davantage
imposé.
230
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
231
Cf.
rapport particulier sur les comparaisons internationales.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
205
importants, neutre sur la lisibilité du nouveau système
d’imposition (l’impôt payé à compter de janvier
n+1
ne tiendrait
compte que des revenus perçus à compter de
n+1
) et pertinente
pour distinguer les abus des cas de variations de revenu
involontaires (par exemple les contribuables perdant leur emploi
en
n+1
et affichant de ce fait une forte baisse de revenu entre
n
et
n+1
) : en effet, l’application de la clause de sauvegarde ne
serait pas automatique, mais décidée au cas par cas dans le cadre
d’un dialogue entre l’administration et le contribuable. De ce
fait, cette option aurait pour principal inconvénient de paraître
plus discrétionnaire que les précédentes et, en fonction du seuil
retenu, de ne cibler qu’une partie des abus (les plus importants).
Ainsi, une grande variété de solutions pourraient être envisagées
pour éviter ou limiter les abus qui pourraient naître de « l’année blanche »
(non imposition de la dernière année de revenus précédant la mise en
place de la retenue à la source). De ce fait, la prévention des abus poserait
moins de difficultés que le traitement des dépenses fiscales associées à
« l’année blanche ».
IV
-
Synthèse des choix possibles sur les modalités
de transition vers un impôt sur le revenu prélevé à
la source
Les questions liées à la transition entre un système d’impôt sur rôle
et un système de prélèvement à la source se cristallisent sur la
problématique de la « double imposition » :
-
i. soit la double imposition est maintenue
(imposition à la fois
des revenus
n
et des revenus
n+1
) : la transition ne poserait alors
de problèmes, ni pour le paiement des dépenses fiscales, ni vis-
à-vis des risques d’abus. Mais, même en imaginant des
aménagements (par exemple l’étalement de l’une des deux
années d’imposition sur plusieurs exercices ou l’exonération
partielle de l’une des deux années), cette solution se traduirait en
tout état de cause par une hausse de l’imposition des ménages
qui
compromettrait
fortement
l’acceptabilité
du
nouveau
système de recouvrement de l’impôt ;
-
ii. soit la dernière année de revenus est exonérée d’impôt,
mais de façon progressive et en contrepartie d’une montée
en puissance concomitante du prélèvement à la source.
Le
problème posé par la « double imposition » serait résolu sans
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
206
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
entraîner de difficultés s’agissant du paiement des dépenses
fiscales ou des risques d’abus. Mais il en résulterait un système
particulièrement complexe et peu lisible pour les contribuables,
et une surcharge de travail importante pour l’administration ;
-
iii.
soit la dernière année de revenus est exonérée d’impôt
lors du basculement sur le prélèvement à la source
. Il
s’agirait de la solution à la fois la plus acceptable et la plus
lisible pour le contribuable. Elle soulèverait toutefois des risques
d’abus qui devraient être traités par un mécanisme spécifique.
Surtout, elle poserait, plus que la précédente, un problème
d’impact économique pour les acteurs qui dépendent des
dépenses fiscales ouvertes au titre de l’impôt sur le revenu. Afin
d’éviter tout risque de perturbation de l’activité économique,
une compensation financière de celles-ci devrait être prévue et
prise en charge, soit par le budget de l’Etat, soit via une hausse
du taux d’imposition des redevables. Compte tenu du montant
potentiellement élevé de cette compensation, un équilibre
devrait être trouvé entre les intérêts des tiers concernés par
l’utilisation des dépenses fiscales – pour qui il serait préférable
que l’intégralité de celles-ci soient versées dès l’année de
transition – et les intérêts des acteurs qui en supporteraient le
coût (Etat ou foyers imposables), pour qui seul un lissage de la
mesure sur plusieurs années apparaîtrait acceptable.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Chapitre IV
Les alternatives possibles à une
retenue à la source de l’impôt
sur le revenu
Les développements de la première partie ont montré que si les
avantages du prélèvement à la source étaient souvent surestimés ou
devenus obsolètes, ils subsistaient malgré tout sur au moins un point : la
suppression du décalage d’un an entre la perception des revenus et le
paiement de l’impôt correspondant, facteur de difficultés pour les
contribuables subissant une baisse de revenus.
A défaut de retenue à la source, il est donc utile d’étudier quels
aménagements pourraient être apportés au mode de recouvrement actuel
de l’impôt sur le revenu pour pallier cet inconvénient.
I
-
L’alternative
a minima
: engager une
promotion active des nouveaux services offerts par
l’administration fiscale
Les contribuables qui éprouvent des difficultés à payer leur impôt,
ou qui souhaitent aménager le montant de leurs acomptes pour anticiper
une variation future de leur taux d’imposition, disposent déjà d’une
palette de services offerts par l’administration fiscale
232
:
-
i. les délais de paiement
, qui permettent au contribuable de
bénéficier d’un délai supplémentaire pour payer ses acomptes
d’impôt en cas de difficulté financière. Les délais de paiement
sont de droit lorsque la baisse de revenu est de plus de 30 % (on
parle alors de « baisse brutale de revenu ») ;
-
ii. la modulation des acomptes
, qui permet au contribuable de
réviser dès le mois de janvier le montant de ses acomptes
mensuels ou provisionnels s’il anticipe une variation de son
232
Cf.
II du chapitre III de la première partie.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
208
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
impôt futur, sans attendre l’envoi de l’avis d’imposition en
septembre.
Ainsi, un contribuable qui subit une baisse soudaine de revenu en
juillet de l’année
n
, par exemple suite à la perte de son emploi, et qui
éprouve en conséquence des difficultés payer son impôt, peut en
principe :
-
i. solliciter immédiatement un délai de paiement pour payer avec
plus de souplesse ses derniers acomptes d’impôt
n
au titre de ses
revenus
n-1
;
-
ii. et / ou baisser ses acomptes (mensuels ou provisionnels)
d’impôt
n+1
dès le mois de janvier
n+1
pour anticiper la baisse
future de son impôt
n+1
(qui, étant assis sur ses revenus
n
,
tiendra compte de la baisse des revenus consécutive à la perte
d’emploi), sans attendre son avis d’imposition de l’été
n+1
.
Toutefois, ces démarches restent très peu utilisées. Comme l’a
montré la première partie de ce rapport, alors que plus de 30 % des
contribuables subissent chaque année une baisse de revenu :
-
moins de 7 % recourent chaque année à la modulation de leurs
acomptes ;
-
moins de 3 % obtiennent des délais de paiement.
Les explications de ce décalage sont sans doute multiples. On peut
toutefois penser qu’une part importante tient à la méconnaissance par les
contribuables de ces services et de leur droit à y recourir.
Dès-lors, une amélioration simple du système de prélèvement
actuel de l’impôt sur le revenu pourrait consister à
engager une
promotion active des services offerts par l’administration fiscale aux
contribuables qui connaissent une baisse de revenu
. Cette promotion
pourrait emprunter deux canaux complémentaires :
-
i. une communication plus forte et proactive à destination
des contribuables
: une information plus large pourrait être
diffusée aux contribuables. Au-delà des supports traditionnels
(documents d’information fournis avec la déclaration et l’avis
d’imposition, affiches dans les centres de services aux
particuliers…), cette information pourrait prendre un caractère
proactif :
l’administration
solliciterait
d’elle-même
le
contribuable lorsqu’elle constate une variation de son revenu,
sans attendre qu’il engage une démarche, afin de lui proposer
ses services.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
209
o
une telle évolution a été engagée depuis 2011 pour
les télédéclarations
: les usagers mensualisés qui
télédéclarent leur impôt et pour lesquels l'estimation de
l'impôt déclaré varie de plus de 10 % par rapport à
l'impôt de l'année précédente se voient proposer, à la fin
de la procédure de télédéclaration, de cliquer sur un lien
qui les réoriente directement vers la page leur
permettant de moduler leurs mensualités en rentrant
l'estimation de leur nouvel impôt. Le succès de cette
initiative a été immédiat : sur les deux mois de la
période de la télédéclaration (du 26 avril au 23 juin
2011), le nombre de modulations des mensualités
réalisées en ligne a été multiplié par 4,5 par rapport à
2010, en passant de 85 000 à 387 000 ;
o
de nouvelles initiatives pourraient être engagées sur
ce modèle
: information systématique à l’accueil ou par
téléphone lorsque les contribuables sollicitent des
renseignements auprès de l’administration ; information
plus visible sur la page d’accueil du compte fiscal en
ligne ; voire envoi d’un courriel aux contribuables, par
exemple lorsqu’une baisse brutale de leur revenu est
constatée.
-
ii. une amélioration du simulateur en ligne
: le compte fiscal
en ligne des particuliers (
www.impots.gouv.fr
) propose, depuis
la page d’accueil, de recourir à un calculateur d’impôt en
ligne
233
. Les contribuables ont ainsi l’opportunité d’évaluer leur
impôt prévisionnel pour l’année à venir compte tenu de leurs
revenus et des éléments de leur situation personnelle. Très
complet, ce simulateur pourrait être étoffé pour mieux
promouvoir les services offerts par l’administration, par
exemple :
o
en
déclinant
automatiquement
le
résultat
de
la
simulation d’impôt (aujourd’hui présenté sous la forme
du montant total de l’impôt dû sur l’année) en un
calendrier de paiement des acomptes indiquant le
montant des mensualités ou tiers provisionnels résultant
de la simulation. Ce calendrier pourrait être comparé
avec celui des acomptes payés effectivement par le
contribuable ;
233
Onglet
Calculez votre impôt
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
210
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
o
en proposant un comparateur en ligne permettant au
contribuable
d’évaluer
les
conséquences
d’une
modulation de ses acomptes mensuels ou de l’adoption
d’un échéancier de délais de paiement ;
o
en proposant un lien direct vers la page permettant au
contribuable de moduler ses acomptes.
Ces quelques exemples sont fournis à titre illustratif et ne sauraient
épuiser toutes les possibilités d’amélioration des services rendus à
l’usager. Ils montrent toutefois que des progrès significatifs pourraient
encore être apportés aux contribuables à partir de mesures simples et
concrètes, à faible coût pour l’administration.
II
-
L’alternative de second niveau : adopter
l’imposition contemporaine des revenus sans la
retenue à la source
La promotion des délais de paiement et de la modulation des
acomptes ne constituerait qu’une réponse imparfaite aux problèmes posés
par le recouvrement sur rôle. En effet, les délais de paiement et la
modulation ne suppriment pas le
décalage d’un an
qui existe entre la
perception des revenus et le paiement de l’impôt.
Ainsi, un contribuable dont le revenu baisse en juillet de l’année
n
ne peut escompter une baisse de son impôt qu’à partir de l’année
n+1
,
puisque l’impôt payé en
n
est dû au titre des revenus
n-1
qui, eux,
n’avaient pas été affectés par la baisse. Par conséquent, d’août
n
à
décembre
n
, le contribuable doit continuer de payer un montant d’impôt
élevé et n’est pas fondé à demander une baisse de celui-ci. Il peut en
résulter des difficultés de trésorerie face auxquelles la seule réponse
possible, les délais de paiement, peut s’avérer insuffisante. Par contraste,
une retenue à la source permet un ajustement de l’impôt dès août de
l’année
n
,
a fortiori
si « l’effet taux » se cumule à « l’effet assiette »
(
cf.
II du chapitre III de la première partie ci-dessus).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
211
Graphique n° 36 : Illustration des effets comparés du système actuel de
recouvrement de l’impôt et d’une retenue à la source en cas de baisse du
revenu du contribuable
(montant d’impôt payé chaque mois, en euros)
0
50
100
150
200
250
T2 n
T3 n
T4 n
T1 n+1
T2 n+1
T3 n+1
T4 n+1
T1 n+2
IR mensualisé
RAS assiette
RAS assiette + taux
Revenu
Baisse de revenu
Délais de paiement
uniquement
Possibilité de baisse
des acomptes
Source : CPO. Lecture : à compter de la baisse de revenu du contribuable
(ligne verticale rouge), l’impôt s’ajuste automatiquement à la baisse avec
une retenue à la source (colonnes jaunes et vertes), d’autant plus rapidement
que la retenue à la source permet de cumuler « l’effet assiette » et « l’effet
taux » (colonne verte). Par contraste, l’impôt actuel, par exemple par
paiement mensualisé, ne s’ajuste qu’au troisième trimestre n+1 (colonne
orange). Les facilités offertes par l’administration permettent d’obtenir des
délais pour le paiement des deux derniers trimestres d’impôt en n (mais sans
possibilité de baisser le montant d’impôt), et d’anticiper dès janvier n+1 la
baisse d’impôt prévue en septembre grâce à la modulation des acomptes.
Dans ce contexte, une étape supplémentaire de l’amélioration du
service rendu aux contribuables serait de basculer l’impôt sur le revenu
sur une imposition des revenus courants (IRC), opération parfois résumée
par l’expression
« payer l’impôt sur le revenu comme l’impôt sur les
sociétés (IS) »
.
Avec l’imposition des revenus courants, les acomptes d’impôt
payés chaque mois (ou à chaque échéance pour les contribuables payant
par tiers provisionnels) au cours de l’année
n
seraient dus
au titre des
revenus de l’année n
(et non pas de l’année
n-1
, comme aujourd’hui).
Une fois l’impôt final liquidé, en septembre
n+1
, une régularisation
interviendrait éventuellement au regard des acomptes payés au cours de
n.
L’imposition des revenus courants présenterait trois avantages
importants :
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
212
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
i. comme la retenue à la source, elle permettrait de
supprimer le décalage d’un an entre la perception des
revenus et le paiement de l’impôt correspondant
. Ainsi, les
contribuables subissant une baisse de revenu au milieu de
l’année
n
pourraient dès cette date moduler leurs acomptes
mensuels ou provisionnels à la baisse, puisque ceux-ci seraient
collectés au titre des revenus
n
(et non plus
n-1
). L’effet serait
aussi positif pour la trésorerie des contribuables qu’une retenue
à la source ;
-
ii
.
mais à la différence de la retenue à la source, l’imposition
des revenus courants n’entraînerait pas les difficultés liées à
l’introduction du tiers payeur
: l’impôt resterait payé par le
contribuable, par prélèvement automatique sur son compte
bancaire ou par chèque, dans le cadre d’une relation bilatérale
contribuable – administration. Toutes les difficultés liées au
recouvrement de l’impôt par un tiers payeur : risques sur la
confidentialité des informations des contribuables, surcharge de
travail pour les entreprises, effet « bas de la feuille de paye » et
altération des négociations salariales dans l’entreprise… seraient
évitées avec ce système de paiement calqué sur celui qui prévaut
aujourd’hui ;
-
iii
.
enfin, à la différence de la retenue à la source,
l’imposition des revenus courants ne provoquerait pas de
rupture d’égalité entre les contribuables
puisque tous, quelle
que soit la nature de leurs revenus, pourraient se voir appliquer
un système d’acomptes au titre des revenus courants, assorti le
cas échéant d’une régularisation en
n+1
.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
PRÉLÈVEMENTS A LA SOURCE ET IMPÔT SUR LE REVENU
213
Graphique n° 37 : Service supplémentaire apporté par l’IRC au
contribuable par rapport au système de paiement actuel de l’impôt sur le
revenu pour un contribuable connaissant une baisse soudaine de revenu
(montant d’impôt payé chaque mois, en euros)
0
50
100
150
200
250
300
350
T1 n
T2 n
T3 n
T4 n
T1 n+1
T2 n+1
IR mensualisé
IRC
Revenu
Baisse de revenu
Délais de paiement vs.
modulation
Modulation
Source : CPO. Lecture : à la différence du système actuel, avec l’IRC, le
contribuable peut baisser ses acomptes mensuels d’impôt dès le mois qui suit
la baisse de son revenu, puisque l’impôt est dû au titre de ses revenus
courants et non pas des revenus de l’année précédente. Dans le système
actuel, le contribuable doit attendre le début de l’année suivante (n+1) pour
réduire ses mensualités.
Toutefois, l’imposition des revenus courants partagerait une partie
des inconvénients de la retenue à la source :
-
i. les nouvelles démarches imposées par la retenue à la
source se retrouveraient également dans l’imposition des
revenus courants
. En effet, comme pour le prélèvement à la
source, l’IRC reposerait sur une estimation du montant des
revenus courants ; elle imposerait donc nécessairement une
régularisation en
n+1
, une fois le montant définitif des revenus
n
et de l’impôt correspondant connus. En outre, l’IRC, pour
apporter une véritable prise en compte des variations de la
situation
personnelle
du
contribuable,
imposerait
une
participation proactive de celui-ci (qui devrait faire la démarche
d’aller moduler par anticipation ses acomptes d’impôt sur
internet) ; par contraste, la retenue à la source offre un
ajustement
automatique de
l’impôt,
même
en
l’absence
d’intervention du contribuable (c’est « l’effet assiette », certes
plus limité que « l’effet taux ») ;
-
ii. l’IRC poserait les mêmes difficultés que la retenue à la
source s’agissant de la transition entre l’ancien et le nouveau
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
214
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
système.
Puisqu’elle conduirait à supprimer le décalage d’un an
entre les revenus et l’impôt, l’IRC soulèverait, comme la retenue
à la source, une problématique de gestion de la « double
imposition », de gestion des dépenses fiscales et de gestion des
abus (
cf.
chapitre III ci-dessus). Toutefois, la solution de
l’étalement dans le temps de l’année blanche assortie d’une
montée en puissance progressive du nouveau système
234
aurait
ici plus de sens : comme avec la retenue à la source, elle
permettrait de résoudre la plupart des difficultés liées à la
transition ; mais ici, comme l’ancien et le nouveau système de
recouvrement seraient identiques, le risque de confusion pour les
contribuables serait sensiblement atténué.
Ainsi,
l’adoption
de
l’imposition
des
revenus
courants
représenterait un choix plus ambitieux. Elle impliquerait des évolutions
plus lourdes que l’option précédente, mais offrirait en contrepartie une
prise en compte plus pertinente des besoins des contribuables.
234
A partir de l’année
n+1
, une fraction décroissante des acomptes mensuels serait
due au titre des revenus
n
(comme aujourd’hui) et une fraction croissante serait due au
titre des revenus
n+1
. Le montant final des mensualités prélevées sur le compte
bancaire du contribuable resterait identique (100 euros chaque mois, par exemple),
mais l’assiette de cette somme basculerait progressivement des revenus
n
aux revenus
n+1
(80/20 la première année, 60/40 la deuxième et ainsi de suite).
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Conclusion de la seconde partie
La mise en oeuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le
revenu, si elle était décidée, pourrait être réalisée sans réforme préalable
de celui-ci : même si un prélèvement obligatoire s’accommode d’autant
mieux de la retenue à la source qu’il présente une structure simple, les
pays étrangers montrent qu’il est tout à fait possible de prélever à la
source un impôt complexe et fortement personnalisé comme l’impôt sur
le revenu français.
De fait, chacune des questions opérationnelles posées par la
retenue à la source de l’impôt sur le revenu peuvent trouver une, voire
plusieurs réponses possibles dans le contexte français, qu’il s’agisse des
modalités de calcul et d’ajustement du taux d’imposition, des modalités
de recouvrement de l’impôt ou encore des modalités de transition entre
l’ancien et le nouveau système de recouvrement. Ce constat conforte
l’idée selon laquelle aucun obstacle technique ne s’opposerait au
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu tel qu’il existe
aujourd’hui.
Il en résulte toutefois un corollaire indissociable : la mise en oeuvre
du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu repose sur des choix
de priorités peu compatibles entre elles.
Concernant le calcul de l’impôt retenu à la source, il est par
exemple possible d’envisager une retenue à la source (quasi-) universelle,
s’appliquant à peu près à tous les types de revenus et à toutes les
situations particulières. Mais cela n’est possible qu’au prix d’un caractère
très
estimatif
de
l’impôt
prélevé
sur
les
revenus
courants
et
d’indispensables régularisations en
n+1
: le principal avantage attendu de
la retenue à la source, une meilleure synchronisation de l’impôt aux
variations de revenu du contribuable, serait perdu. Pour remédier à ce
défaut sans perdre le caractère universel de l’impôt, il faudrait prévoir de
larges possibilités de modulation du taux d’imposition en cours d’année à
l’initiative du contribuable : possible, cette solution se paierait néanmoins
au
prix
de
charges
de
gestion
considérablement
accrues
pour
l’administration et pour les entreprises tiers payeurs.
S’il était considéré
qu’une retenue à la source ajustable ne devait pas se faire au prix de coûts
de gestion élevées pour les acteurs chargés de collecter l’impôt, c’est au
caractère universel de l’impôt qu’il faudrait renoncer : ne pourrait
fonctionner de façon à la fois réactive et peu coûteuse qu’une retenue à la
source cédulaire, segmentée par type de revenu, très éloignée de ce fait de
ce qu’est l’impôt sur le revenu aujourd’hui.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
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CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
S’agissant du recouvrement de l’impôt prélevé à la source, celui-ci
peut être réalisé dans un objectif de maximisation des intérêts du
contribuable : aux larges possibilités de moduler le taux d’imposition en
cours d’année s’ajouteraient des possibilités de recourir à des taux
alternatifs
standardisés
protégeant
la
confidentialité
des
données
personnelles du contribuable, et de larges voies de recours contentieux.
Mais il en résulterait des charges de gestion lourdes pour l’administration
et pour les tiers payeurs. La répartition de ces charges supposerait
d’ailleurs elle-même un choix de priorités : en effet, à défaut de reporter
sur les tiers payeurs des segments entiers du calcul de l’impôt, ce qui
serait à la fois très coûteux pour les entreprises et très peu protecteur pour
les salariés, ce serait à l’administration d’assumer l’essentiel des charges
de gestion de l’impôt prélevé à la source. Dans ces conditions, avec un
impôt complexe comme l’est l’impôt sur le revenu et un objectif de
service maximum rendu aux usagers, il serait illusoire d’attendre des
économies de gestion au sein de l’administration : le prélèvement à la
source se traduirait plutôt par des charges supplémentaires.
Enfin, la transition entre l’ancien et le nouveau système de
recouvrement de l’impôt peut être réalisée de sorte à minimiser le coût
pour les contribuables. Mais cette voie de sortie, permise par la technique
de « l’année blanche » soulèverait des risques d’abus et surtout de
perturbations de l’activité économique des acteurs bénéficiant des
dépenses fiscales, tels que les associations d’utilité publique ou les
salariés à domicile. Il serait possible de limiter ce risque, mais à un coût
élevé qui devrait être supporté, soit par les finances publiques, soit par les
seuls redevables de l’impôt sur le revenu.
Les développements qui précèdent montrent que les scénarios de
retenue à la source, quels qu’ils soient, présentent chacun un coût
d’opportunité élevé. Une façon de corriger les inconvénients actuels de
l’impôt sur le revenu sans encourir de tels coûts serait de procéder à des
aménagements de celui-ci, sans recourir à la retenue à la source. Deux
options seraient possibles : une option minimale, consistant à promouvoir
davantage les services déjà offerts par l’administration fiscale ; et une
option plus ambitieuse – mais aussi plus coûteuse – consistant à adopter
l’imposition des revenus courants sans passage à la retenue à la source.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
Conclusion générale
Dans son dix-huitième rapport au Président de la République, le
Conseil des impôts estimait que
« la question centrale est bien celle de
l’imposition des revenus courants. La retenue à la source constitue une
modalité technique parmi d’autres pour atteindre cet objectif »
235
.
Douze
ans plus tard, cette conclusion reste d’actualité.
En effet, beaucoup des arguments historiquement avancés en
faveur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ont perdu de
leur force, soit du fait du changement de contexte économique – c’est le
cas du gain de trésorerie et du gain budgétaire à attendre de l’avancement
d’un an de la base d’imposition – soit grâce aux nombreuses réformes
engagées par l’administration fiscale depuis quinze ans.
Ainsi, la simplification des démarches que la retenue à la source
pourrait apporter aux contribuables est devenue limitée depuis que la
déclaration préremplie a été généralisée à la quasi-totalité d’entre eux (en
2006) et que les moyens de paiement dématérialisés ont été étendus très
largement (plus de 80 % des contribuables faisant désormais l’objet d’un
prélèvement automatique, par exemple), alors que la retenue à la source
ne dispenserait sans doute par les contribuables de procéder à une
régularisation de leur solde en
n+1
. De même, le taux de recouvrement de
l’impôt sur le revenu se situe désormais à un niveau très élevé – plus de
99 % à la clôture de l’exercice : le prélèvement à la source apporterait
principalement un encaissement plus rapide des sommes actuellement
recouvrées lors de la phase amiable, l’enjeu budgétaire étant peu
significatif. Enfin, la progression des recoupements informatisés et des
moyens de paiement dématérialisés a permis à l’administration de réaliser
d’importants gains de productivité depuis dix ans. Dans ces conditions,
les économies de gestion que la retenue à la source pourrait apporter sont
devenues faibles.
En revanche, certains des inconvénients ou des risques posés par la
retenue à la source subsistent. Le basculement de l’ancien vers le nouveau
système pose une série de problèmes qui peuvent chacun être résolus,
mais au prix de distorsions potentielles dans le comportement des
contribuables ou des acteurs économiques, et surtout de coûts élevés pour
les finances publiques ou pour les contribuables. En régime de croisière,
le prélèvement à la source entraîne une surcharge de gestion
probablement significative pour les entreprises tiers payeurs et pour
235
Conseil des impôts,
L’imposition des revenus
, XVIII
e
rapport au Président de la
République
op. cit.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012
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CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
l’administration, en tout cas s’il vise par ailleurs à offrir une prise en
considération fine des préoccupations des contribuables (ajustements
rapides aux variations de revenus, protection de la confidentialité des
informations personnelles, larges voies de recours contentieux…). Enfin,
le passage à la retenue à la source a des conséquences sociologiques et
psychologiques qui, si elles sont difficiles à évaluer précisément, n’en
sont pas moins potentiellement problématiques, s’agissant notamment du
risque d’altération des relations de travail dans l’entreprise ou de la
dégradation du consentement à l’impôt.
Au final, à architecture constante des prélèvements obligatoires et
compte tenu du contexte budgétaire, le prélèvement à la source de l’impôt
sur le revenu a donc sans doute perdu une grande partie de son intérêt.
Les deux améliorations significatives qu’il pourrait apporter seraient la
diffusion plus rapide des nouvelles dispositions fiscales dans l’économie
d’une part, et la taxation contemporaine des revenus d’autre part, cette
dernière permettant un ajustement plus rapide de l’impôt aux baisses de
revenus des contribuables. Mais, comme le rappelait le Conseil des
impôts en 2000, le prélèvement à la source n’est qu’un des moyens, parmi
d’autres, pour atteindre cet objectif – et il ne permet de l’atteindre qu’à
certaines conditions spécifiques. Compte tenu de la structure du paysage
socio-fiscal français, d’autres dispositifs, plus simples et probablement
moins coûteux pour les entreprises et pour l’administration, permettraient
de se rapprocher de cet objectif : la promotion des nouveaux services
offerts par l’administration fiscale, voire l’imposition contemporaine des
revenus sans la retenue à la source.
Ce constat ne doit toutefois pas conduire à écarter définitivement,
et en toutes circonstances, le recouvrement de l’impôt par voie de retenue
à la source. Celui-ci reste l’un des moyens les plus efficaces de réaliser
l’imposition contemporaine des revenus. La pertinence d’une extension
du prélèvement à la source devrait dès-lors
être réexaminée s’il était
décidé de procéder à une réforme profonde de l’imposition des revenus.
Conseil des prélèvements obligatoires
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu - février 2012