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CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
DE PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR
Marseille le 15 mars 2004
Référence à rappeler :
Gref/IC n°768
Lettre recommandée avec AR
n°470375672
Monsieur le directeur,
Par courrier du 3 février 2004, je vous ai adressé,
le rapport d'observations définitives sur la
gestion du centre de long séjour et maison de retraite de Saorge au cours des années 1992 à
2000, arrêté par la chambre lors de sa séance du 22 janvier 2004.
En application des dispositions de l'article L. 241-11 du code des juridictions financières, je vous
invitais à me transmettre votre réponse écrite dans un délai d'un mois suivant sa réception.
Vous voudrez bien trouver sous ce pli le rapport d'observations définitives. Celui-ci devra être
communiqué par vos soins à l'assemblée délibérante dès sa plus proche réunion ; il fera l'objet
d'une inscription à l'ordre du jour de cette assemblée, sera joint à la convocation adressée à
chacun de ses membres et donnera lieu à un débat.
Je vous serais obligé de bien vouloir aviser le greffe de la chambre de la date de cette réunion, à
partir de laquelle ce rapport deviendra communicable aux tiers.
Je vous prie de croire, Monsieur le directeur, à l'expression de ma considération distinguée.
Monsieur Ali M'Madi
Directeur du centre de long séjour
et Maison de Retraite de Saorge
13 rue Louis Pasteur
06540 SAORGE
Le président,
Alain PICHON
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
DE PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
SUR LA GESTION DU
CENTRE DE LONG SEJOUR ET MAISON DE RETRAITE
DE SAORGE
(Département des Alpes-Maritimes)
Années 1992 et suivantes
Rappel de procédure
La chambre a inscrit à son programme l'examen de la gestion du centre de long séjour et maison
de retraite de Saorge, à partir de l'année 1992 qui a été confié à M. Matthey, conseiller. Le
président de la chambre en a informé M. Ali M'Madi, directeur de l'établissement. L'entretien de fin
de contrôle a eu lieu le 21 juin 2002 entre M. M'Madi et le rapporteur.
Lors de sa séance du 20 mai 2003, la chambre, 4e section, a arrêté ses observations provisoires
portant sur les années 1992 à 2000. Celles-ci ont été transmises dans leur intégralité à MM. Ali
M'Madi et au président du conseil d'administration, et au directeur de l'OPAM de Nice, pour la
partie le concernant. Les personnes concernées n'ont adressé aucune réponse aux observations
provisoires.
Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance des conclusions du commissaire du
Gouvernement, la chambre, 4e section, a arrêté le 22 janvier 2004 le présent rapport
d'observations définitives dans la composition suivante : M. Giannini, président de section, M.
Attanasio, conseiller et M. Matthey, conseiller-rapporteur.
Le rapport a été communiqué, à M. Ali M'Madi, en tant que directeur de l'établissement.
La chambre n'a reçu aucune réponse dans le délai légal d'un mois.
Ce rapport devra être communiqué par le directeur à son assemblée délibérante lors de la plus
proche réunion suivant sa réception. Il fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour, sera joint à la
convocation adressée à chacun de ses membres et donnera lieu à un débat.
Ce rapport sera, ensuite, communicable à toute personne qui en ferait la demande en application
des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
1 - PRESENTATION DE L'ORGANISME
Par arrêté du ministre des affaires sociales et de l'intégration en date du 8 novembre 1982,
l'hospice de Saorge est transformé en maison de retraite publique.
Ce changement de statut juridique, conforme aux dispositions de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
modifiée, confirme la vocation de cet établissement à accueillir essentiellement des personnes
âgées. Le maire de Saorge, autrefois président de l'hospice, a conservé la présidence du conseil
d'administration de la nouvelle structure juridique.
Par arrêté préfectoral en date du 16 octobre 1991, la capacité de cette maison de retraite a été
portée de 40 à 60 lits dont 35 lits réservés à la section de cure médicale.
Dans l'esprit de l'arrêté ministériel institutif précité, la section de cure médicale se destinait à
assurer les soins des pensionnaires de l'établissement. Dans une lettre jointe à son arrêté, la
ministre précise notamment que " ceci permet d'assurer les soins liés à la perte d'autonomie, sans
le traumatisme d'un transfert, avec un financement adapté par l'assurance maladie aux besoins
des personnes accueillies. " Cependant, les 35 lits de cure médicalisée pour un total de 60
hébergements, attestent que celle-ci n'accueille pas seulement les résidents de l'établissement,
dès lors la logique qui prévalait à la création de cette maison de retraite s'est trouvé modifiée. En
conséquence, la section de cure médicalisée représente une fonction majeure de l'établissement.
La transformation de l'hospice
en maison de retraite a donné l'occasion, aux responsables de cet
établissement, de construire des nouveaux locaux mieux adaptés.
Par un bail à construction en date du 4 mai 1992, l'établissement a confié, à l'office public d'HLM
de la ville de Nice (O.P.A.M.), la construction d'un immeuble à usage d'habitation. Par ce bail
emphytéotique d'une durée de 55 ans,
l' O.P.A.M. est donc propriétaire du nouveau bâtiment qu'il louera ensuite à la maison de retraite
de Saorge.
Une convention de location en date du 28 avril 1988 avait préalablement défini les conditions
d'occupation des locaux loués à cette maison de retraite et par délibération du même jour, le
conseil d'administration de la MDR de Saorge adoptait un plan de financement de construction
estimé à
16 114 000 F
(2 456 563,46 euros) et subventionné à 41%. Le reste du financement
soit 9 460 900 F (1 442 304,91 euros) est couvert par deux prêts :
l'un de 7 480 900 F (1 140 471,10 euros) est réalisé le 16 novembre 1988 avec la Caisse
d'Epargne de Draguignan pour le compte de la Caisse des Dépôts au taux d'intérêt actuariel de
5,80% sur 34 ans. Ce prêt est conclu avec l'OPAM et non avec la maison de retraite.
Le second de 2 160 000 F (329 289,88 euros) est réalisé le 14 septembre 1989 avec la CRAM du
Sud Est sans intérêt sur 20 ans. Ce prêt est conclu avec la MDR.
L'intérêt du montage initial de l'opération en liaison avec l'OPAM consistait en la remise d'un
établissement "clé en main". Au lieu de cela, la maison de retraite s'est vue alourdir la facture par
le remboursement d'un prêt complémentaire qu'elle a dû réaliser elle-même.
Enfin, le loyer exorbitant a conduit l'établissement à pratiquer une tarification maximum
(le prix de
journée est gelé depuis 1995 en raison de son montant élevé), ce qui n'a pas empêché une quasi-
faillite de la maison de retraite.
Cette transformation a donc généré une situation financière particulièrement tendue et rendue
difficile notamment par le paiement des charges locatives dues à l'OPAM. Pour favoriser un
redressement financier indispensable à sa sauvegarde, l'établissement a négocié et obtenu le
rachat de son bâtiment à l'OPAM et la résiliation du bail à construction précité.
2 - ANALYSE FINANCIERE
Les tensions auxquelles il est fait allusion reposent sur l'observation de quelques données
caractéristiques des situations dangereuses. Ainsi, dès 1997, la maison de retraite n'a pu
s'acquitter de l'ensemble des charges locatives précitées dues à l'O.P.A.M. et le rapport de
présentation du budget 2000 annonce que "l'établissement arrive seulement à payer le loyer
jusqu' en octobre 1999."
2.1
Une première alerte : l'utilisation des fonds déposés par les hébergés...
L'examen du compte au Trésor sur lequel sont déposés ces fonds montre que tout s'est passé
comme si les fonds des hébergés avaient servi, au cours des exercices 1997, 1999 et 2000, à
abonder irrégulièrement la trésorerie de l'établissement public qui aurait présenté un découvert
quasi permanent en l'absence de tels prélèvements.
Le tableau ci-après retrace les montants, relevés au 31 décembre des années 1997 à 2000 inclus,
du solde du compte relatif aux fonds déposés par les hébergés (46321) par comparaison au
compte de trésorerie (515) :
Cet aspect inquiétant des comptes est en fait le révélateur d'autres difficultés financières.
2.2
Un bilan financier défavorable...
L'équilibre d'ensemble du bilan, et partant la santé financière de l'établissement, peut se traduire
sous la forme d'une égalité simple :
FONDS DE ROULEMENT (FR)
-
BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT (BFR)
=
TRESORERIE (T)
La synthèse du bilan financier de Saorge présente
l'évolution suivante :
La trésorerie chute, de 851 MF (129,73 millions d'euros) en 1997 à 252 MF
(38,42 millions d'euros) en 2000, puis devient négative à hauteur
-725 MF(- 110,53 millions d'euros) en 2001.
Le fonds de roulement net global passe de 405 MF (61,74 millions d'euros) en 1997 à -161 MF (-
24,54 millions d'euros) en 2000 et - 4 MF (-0,61 millions d'euros) en 2001 tandis que le besoin en
fonds de roulement, inexistant les années 1997 à 2000 (excédent de financement d'exploitation de
446 MF (67,99 millions d'euros) 1997 et 413 MF ou 62,96 millions d'euros en 2000) devient
brutalement imposant en 2001 (721 MF ou 109,92 millions d'euros). Il en résulte d'ailleurs le déficit
de trésorerie précédemment évoqué.
Dès lors, en 2001, le schéma structurel du bilan laisse apparaître un fonds de roulement négatif ;
l'excédent de financement d'exploitation ne permet pas de dégager une trésorerie positive. Autant
dire qu'il s'agit là d'une situation malsaine, typique d'une situation financière particulièrement
dégradée.
Le diagnostic s'analyse comme suit :
Le détail du fonds de roulement fait apparaître un déficit croissant du cycle d'investissement (-553
MF ou -84,30 millions d'euros en 1999, - 699 MF
ou -106,56 millions d'euros en 2000, -821 MF ou - 125,16 millions d'euros en 2001). Procédant au
règlement définitif du compte administratif 2000, le conseil d'administration constate dans sa
délibération 20 avril 2001 que la section d'investissement "est à présent déficitaire. Ce résultat
s'explique ainsi : les amortissements matériels arrivent à terme ; le bâtiment ne peut être amorti
puisqu'il appartient à l'OPAM."
La situation est d'autant plus inquiétante qu'au cours de la même délibération, le conseil
d'administration constate pour la section d'exploitation que "le budget est difficilement applicable ;
les charges 2000 sont reportées à l'exercice 2001." Ce qui signifie que les résultats du bilan
financier qui présentent un solde positif de la section d'exploitation ne reflètent pas la réalité de la
situation financière.
D'autres aspects confirment la situation difficile de l'établissement :
2.3 ... avec un niveau d'endettement critique...
Le taux d'endettement s'élève à 50,9 % en 1997 puis 51,8 % en 1998 pour revenir à 45 % en
2000.
Ce ratio classique mesure en pourcentage le rapport entre les dettes financières à long et moyen
terme et les capitaux permanents (capitaux propres +dettes financières à LMT.) Le seuil des 50%
retenu comme niveau d'alerte pour ce type d'établissement est dépassé sur deux exercices.
Au surplus, le ratio relatif à l'apurement de la dette, qui mesure le potentiel de remboursement du
capital des emprunts par l'autofinancement généré par l'amortissement, reste à niveau très
critique puisqu'il s'établit à 0,50 en 1997 pour progressivement s'abaisser à 0,43 en 2000 et 0,37
en 2001, alors qu'il devrait être supérieur à 1.
Cette situation est d'autant peu rassurante, qu'elle ne tient pas compte de la dette relative aux
travaux de reconstruction de l'établissement, dette comprise dans le remboursement des loyers à
l'OPAM de Nice.
2.4
...une capacité d'autofinancement devenue inexistante...
Concept proche de la capacité d'autofinancement, l'indicateur de Trésorerie potentielle
d'exploitation mesure la trésorerie générée par les opérations d'exploitation. Il s'obtient en ajoutant
au résultat comptable le solde des flux internes (produits non encaissables et charges non
décaissables) et constitue l'indicateur clé de la section d'exploitation (ou compte de résultat).
Les calculs ainsi établis traduisent une baisse régulière de la capacité d'autofinancement de
l'établissement. Etabli à 883 MF (134,61 millions d'euros) en 1997, il tombe à 460 MF (70,13
millions d'euros) en 2000 où pour la première fois le fonds de roulement net global devient négatif.
Et si l'exercice 2001 atteste une remontée équivalente à 980 MF (149,40 millions d'euros), ce
résultat n'est que la conséquence du report des charges précédemment évoqué et reconnu par
l'établissement dans sa délibération 20 avril 2001.
2.5...et une perte d'autonomie financière...
Il exprime la couverture des dettes à court terme par les principaux postes de l'actif circulant et
doit être supérieur à 1. Or, en 2000, ce ratio tombe pour la première fois à 0,9 et reste égal à 1 en
2001.
Ainsi, la maison de retraite de Saorge n'a plus d'autonomie financière.
En outre, les reports de charges pratiqués et reconnus par l'établissement constituent une
circonstance aggravante puisque les données absentes des comptes soumis à l'analyse
financière masquent la réalité des résultats en les tempérant puisqu'il s'agit d'un report de
dépenses.
Outre le constat des difficultés répertoriées, la Chambre a pu constater à cette occasion que toute
dépense de la section d'exploitation du budget, régulièrement engagée mais non mandatée à la
clôture de l'exercice, constitue une charge de cet exercice dès lors que son montant est évaluable
et qu'elle correspond à un service fait avant le 31 décembre. Il est manifeste que les paiements,
ayant fait l'objet de report de comptabilisation sur l'exercice suivant, évoqués lors de la
délibération du conseil d'administration, et afférents à des prestations effectuées ou livrées avant
la fin de l'année, auraient dû donner lieu à une procédure de rattachement des charges de
l'exercice.
2.6... avec des tarifs et prix de revient maximums.
Ainsi, on note : une stagnation du prix de journée qui est gelé depuis 1995 en raison de son
montant élevé. Il est fixé par le président du conseil général des Alpes maritimes à 349 F (53,20
euros), dont forfaits journaliers soins, équivalent à 160,20 F (24,42 euros) en 1995, remonté à
167,35 F (25,51 euros) en 1999, somme arrêtée par le préfet des Alpes maritimes.
L'hébergement suit l'évolution suivante : 42,69 euros (280,00 F) en 1995,
43,62 euros (286,10 F) en 1996, 44,36 euros (291,00 F)
en 1997, idem en 1998, 45,93 euros
(310,30 F) en 2000.
Le prix de journée soins est fixé comme suit : 19,15 F (2,92 euros) en 1995,
62,84 F (9,58 euros) en 1996,
116,10 F (17,70 euros) en 1997, 14,87 euros
(97,55 F) en 1999, 14,96 euros (98,10 F) en 2000, puis 15,30 euros (100,32 F) en 2001.
Selon les résultats synthétiques 1999 connus à ce jour et édités par Info-Das sous l'égide de la
Direction générale de l'action sociale, les prix comparatifs moyens des maisons de retraite en
1999 s'établit à :
prix de journée moyen (hébergement) 38,27 euros (251,03 F)
et forfait journalier moyen (soins) 24,47 euros (160,53 F)
Une délibération du conseil d'administration de l'établissement en date du 28 septembre 1990
reconnaît en ces termes le déséquilibre financier généré par la mise en ouvre du projet élaboré
par l' O.P.A.M. : "Prix de journée prévisible : 407,40 F (62,11 euros). Sur la base de 40 lits, ce prix
ne peut pas être envisagé. L'établissement risque d'être déconventionné par l'aide sociale. Pour
réduire ce coût, il faut porter la capacité à 60 lits
....
"
Une délibération de ce même conseil en date du 14 avril 2000 résume ainsi la situation : "Au
cours de ces dernières années, nous avons pu constater que le loyer a augmenté de plus de 25%
alors que le prix de journée était gelé. Le Conseil d'administration, face à cette dérive, a demandé
...la possibilité d'acquérir le bâtiment de la maison de retraite. En effets, ces loyers fragilisent
l'établissement et risquent à terme de mettre en péril la situation financière de la structure."
3 - SUR LES MODALITES DE FINANCEMENT DE LA MAISON DE RETRAITE
3.1- Un dispositif conventionnel
aux bases juridiques hasardeuses...
Le modèle de bail à construction proposé par l ' OPAM de Nice à la maison de retraite de Saorge
est donc signé le 4 mai 1992 alors que la délibération l'autorisant est datée du 4 mars 1988.
Par cette délibération du 4 mars 1988, le conseil d'administration de la maison de retraite décide "
d'accepter les termes du contrat, d'autoriser le Directeur à négocier et à signer tous les documents
nécessaires au contrat de ce bail, toutes les conventions nécessaires à la réalisation de ce projet."
Mais le délibéré du conseil d'administration ne pouvait approuver les clauses d'un contrat rédigé
quatre ans plus tard et dont les termes ci-après auraient pourtant mérité d'être connus par
l'assemblée délibérante : "Ayant décidé de mettre en valeur cet immeuble, le bailleur a proposé au
preneur de lui concéder pour une période de longue durée la jouissance
exclusivement dudit
immeuble à charge de construire un immeuble à usage d'habitation."
Or, par la délibération du 4 mars 1988 précitée, le conseil d'administration approuvait les termes
du contrat de bail à construction pour l'édification d'une "maison d'hébergement et
d'hospitalisation de personnes âgées de 41 lits."
Cette confusion
entre la construction d'un immeuble à usage d'habitation et celle d'un
hébergement pour personnes âgées en maison de retraite est encore aggravée par l'intervention
d'une convention tripartite en date du 12 avril 1988 conclue entre l'Etat (Ministre chargé de la
construction et de l'habitation), l'organisme propriétaire (en l'occurrence l'OPAM de Nice) et
l'organisme gestionnaire, c'est-à-dire la maison de retraite de Saorge.
L'objet de cette nouvelle convention (art.1er) conditionne pendant sa durée, l'ouverture du droit à
l'aide personnalisée au logement dans les conditions définies par le code de la Construction et de
l'Habitation [art. L. 351-2 (5°) et R.351-56 (3°)].
Conformément aux dispositions des articles précités du Code de la construction et de l'habitation,
la convention met en ouvre une politique d'aide personnalisée au logement qui concerne des
foyers logements à usage locatif.
Cette convention avec l'Etat prévoit l'attribution d'une aide personnalisée au logement dans les
conditions et limites fixées par l'arrêté du 29 juillet 1977 pris en application de l'article R.331.20 du
Code de la construction et de l'habitation, et il s'agit dans ce cas de loyers et charges locatives
que les résidents de la maison de retraite ne paient pas. Dès lors, les conditions d'attribution
n'étant pas réunies pour ces résidents, l'établissement de dossiers d'aide personnalisée au
logement ont été établis sur des bases fictives.
Dans ces conditions, l'ensemble des dispositions conventionnelles ainsi décrites place les parties
prenantes dans un cadre juridique fragile.
En effet, la mise en place de l'ensemble du dispositif visé par le bail et la convention susvisés est
normalement destiné à la construction de logements. Et quand bien même l'application en eut été
étendue à l'immobilier d'entreprise, il paraît hasardeux
d'en avoir étendu l'utilisation à des
"travaux d'humanisation de l'hospice de Saorge" tels qu'ils ont été définis par la délibération du
conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur en date du 9 juin 1989 accordant une subvention
pour lesdits travaux.
En conséquence, le choix du contrat de bail à construction n'apparaît pas être la formule juridique
adéquate à l'édification d'une maison de retraite.
3.2- ...contenant des clauses très désavantageuses pour l'établissement public...
Le bail à construction, comme le bail emphytéotique confère un droit réel immobilier au preneur, l '
O.P.A.M. de Nice, et ce droit, en l'occurrence fixé pour une durée de 55 ans, peut être hypothéqué
, de même que les constructions édifiées sur le terrain loué.(1)
D'autre part, certaines clauses confirment les privilèges accordés au preneur, c'est notamment le
cas du :
. 4ème paragraphe de la page 5 du bail ( Constitution et acquisition de droits réels) prévoit que " le
preneur pourra grever son droit au présent bail à construction et les constructions qu'il aura
édifiées sur le terrain qui en est l'objet de privilège et d'hypothèques. "
Au 6ème paragraphe (Cession et apport en société) "
Le preneur pourra céder, conformément à
la loi, tout ou partie de ses droits. Les cessionnaires devront s'engager directement envers le
bailleur à l'exécution de toutes les conditions du présent bail à construction. "
Au 7ème paragraphe (locations) " le preneur pourra louer librement les constructions édifiées par
lui-même pour une durée n'excédant pas celle du présent bail. "
L'application de l'ensemble de ces dispositions, qui sont susceptibles d'aboutir notamment à la
prise d'hypothèque sur les immeubles loués, n'est pas conforme
à la pérennité de l'utilisation de
ces
biens immobiliers destinés au service public et finalement à la continuité de ce service.
3.3- ... et des conditions locatives désastreuses pour la maison de retraite.
Le processus conventionnel a suivi une chronologie pour le moins curieuse. Par convention en
date du 28 avril 1988, l ' OPAM de Nice loue à la maison de retraite de Saorge
le bâtiment
construit dans les conditions précitées du bail emphytéotique.
La Chambre observe tout d'abord qu'à la date de la signature de ce bail de location, soit le 28 avril
1988, l ' O.P.A.M. de Nice n'était titulaire d'aucun droit, puisque le bail à construction qui autorise
la dite location est intervenu à une date postérieure soit le 4 mai 1992. Ainsi, l ' OPAM de Nice a
signé indûment, en qualité de bailleur, un contrat de location avec la maison de retraite portant sur
un immeuble alors qu'il n'en est pas propriétaire à la date de signature dudit contrat.
D'autre part, cette location, conclue pour une période de 12 ans et renouvelable par tacite
reconduction et par périodes successives de douze ans, n'a pas été soumise au délibéré du
conseil d'administration de la maison de retraite.
La durée initiale de 12 ans prévue par ladite convention, peut laisser penser que cette dernière ne
relève pas formellement du délibéré dudit conseil dès lors que les compétences propres du
conseil d'administration
définies par l'article 22 de la loi n° 75-435 du 30 juin 1975 modifiée sont
limitées aux baux de plus de 18 ans.
Mais, la Chambre observe en outre que cette convention n'a prévu aucune possibilité de
dénonciation avant le terme du remboursement des emprunts souscrits pour financer l'opération,
et qu'en définitive, sous couvert d'une convention de 12 ans, la maison de retraite a souscrit en
réalité un bail d'une durée supérieure à 18 ans afin de rembourser des prêts souscrits par l'OPAM
d'une durée de 34 années.
Certes il existe une possibilité formelle de dénoncer la convention 6 mois avant l'échéance (de 12
ans)
conformément aux clauses de l'article II du contrat de location.
Mais cette dénonciation est rendue, de fait, inopérante par les mesures dissuasives de l'article III
du même contrat qui contraint la maison de retraite, à rembourser le montant des annuités
d'emprunt dues par le bailleur en précisant qu' " à l'issue de la période de remboursement (des
emprunts) la présente convention fera l'objet d'un avenant pour déterminer le loyer. " Dans ces
conditions, une telle dénonciation aurait eu des conséquences désastreuses, au cours de la
première période contractuelle, pour l'établissement public.
En deuxième lieu, la convention ne fait pas ressortir le coût global de la formule de location.
Conformément à l'article III de la convention, l'OPAM consent cette location à la maison de retraite
moyennant une redevance annuelle calculée, par année civile , sur la base du prix de revient et du
financement définitif de l'opération, sans qu' apparaisse ni coût global ni indication quant au
montant dû pendant la première période de location, ce qui pourrait conduire, en regard de la
jurisprudence de la Cour de Cassation (arrêts des 12 avril 1980 et 30 novembre 1983), à
s'interroger sur la validité même du contrat.
En troisième lieu, la convention met à la charge du locataire, c'est-à-dire la maison de retraite de
Saorge, une provision pour grosses réparations. Cette provision pour grosses réparations, que
l'échéancier des loyers évalue à 139 804 F (21 312,98 euros) en 1994, s'élève à 285 166 F (43
473,28 euros) en 2002 et
533 102 F (81 270,88 euros) en 2022, soit 0,10% du prix de revient global de l'opération, rajusté
tous les ans sur la base de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction.
Ce versement n'est assorti en contrepartie d'aucune obligation pour l ' O.P.A.M. de justifier de
l'existence et de l'ampleur desdites réparations, ce qui apparaît d'autant plus contestable que le
montage retenu s'oppose à la constitution d'amortissements par la maison de retraite.
4 - BILAN DE L'OPERATION
Il apparaît en définitive que la construction a été réalisée au détriment des intérêts de
l'établissement, le mode de financement retenu s'étant avéré particulièrement coûteux pour la
maison de retraite.
Or, par lettre du 6 mars 2000, l 'OPAM annonce qu'un accord sur la cession du bâtiment construit
en faveur de la maison de retraite peut intervenir et qu'il pourrait consentir la vente au prix de 12
230 061 F (1 864 460,78 euros). Il est rappelé que le prix ainsi fixé, s'il est supérieur à l'estimation
des domaines, demeure toutefois inférieur à sa valeur nette comptable.
Par délibération du 14 avril 2000, le conseil d'administration de la maison de retraite de Saorge a
décidé d'engager les formalités d'acquisition des bâtiments à la vente pour la somme proposée
par l'OPAM. L'acte de vente a été signé le 29 et 31 mai 2002.
La Chambre prend acte de l'accord intervenu qui ouvre la possibilité d'un redressement de la
situation financière. Toutefois la résiliation anticipée du bail à construction (31 mai 2002),
précédée par la décision d'achat du bâtiment à l' O.P.A.M. (14 avril 2000) paraissent en définitive
de bonne mais tardive-gestion et compte tenu des éléments résultant de l'analyse financière, ce
redressement s'annonce difficile.
5 - SUR LA GESTION DES EMPLOIS DE DIRECTION
La maison de retraite de Saorge est dirigée, pendant la période sous revue par M. M'MADI Ali,
directeur titulaire depuis 1987 qui exerce la fonction de directeur intérimaire depuis le 1er janvier
1995. Car depuis cette date,
M. M'MADI est, à titre principal, directeur titulaire de l'hôpital de
Tende.
Mais, il est exerce également les fonctions de directeur de l'hôpital de Breil-sur-Roya par arrêté de
la ministre de l'emploi et de la solidarité en date du
14 septembre 2001. Ledit arrêté confirme par ailleurs l'exercice simultané de la fonction de
directeur de l'hôpital de Tende.
La nomination d'une même personne sur deux postes différents et sur un troisième poste en
intérimaire ne semble pas répondre en bonne logique aux préoccupations du statut des
fonctionnaires hospitaliers, ni à l'intérêt d'une bonne gestion d'un établissement déjà en difficultés.
Dans ces conditions, la Chambre souligne le caractère anormal de ce cumul de fonctions qui a
contribué à choisir l'adoption de la formule de rénovation "clé en main" de la maison de retraite,
solution qui s'est avérée particulièrement onéreuse pour cette dernière et a contribué à
déséquilibrer durablement sa situation financière.
Le président de section,
Pierre GIANNINI
Le président,
Alain PICHON
(1) Art.L. 251-1 et L. 251-3 du code la construction et de l'habitation