Cour de discipline budgétaire et financière
Arrêt du 25 janvier 1977, Direction départementale des services vétérinaires de la
Lozère
N° 30-95
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
La Cour,
Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, modifiée et complétée par les lois n° s 55-1069 du 6 août
1955, 65-778 du 31 juillet 1963 et 71-564 du 13 juillet 1971, tendant à sanctionner les fautes de
gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de
discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 3 juillet 1974 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline
budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion des crédits de l'Etat, du
département de la Lozère et du Groupement de défense sanitaire de ce département (GDS), et
nommément déféré M Jacques X, ancien directeur des services vétérinaires de la Lozère, décision
transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 29 octobre 1974 ;
Vu le réquisitoire du Procureur Général de la République en date du 19 novembre 1974 transmettant
le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 25 novembre 1974
désignant comme rapporteur M GASTINEL, conseiller référendaire à la Cour des Comptes ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée, adressée le 26 mars 1975 à M X, l'informant de
l'ouverture d'une instruction et l'avisant qu'il était autorisé à se faire assister soit par un mandataire,
soit par un avocat ou un avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Vu l'avis émis le 18 février 1976 par le ministre de l'agriculture ;
Vu l'avis émis le 10 juin 1976 par le ministre de l'économie et des finances ;
Vu les conclusions du Procureur Général de la République en date du 30 juin 1976 renvoyant M X
devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'avis émis le 16 septembre 1976 par la commission administrative paritaire du corps des
vétérinaires inspecteurs réunis en formation disciplinaire ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée, adressée le 4 novembre 1976 à M X, l'avisant qu'il
pouvait dans un délai de quinze jours prendre connaissance du dossier de l'affaire soit par lui- même,
soit par un mandataire, soit par le ministère d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat
et à la Cour de Cassation ;
Vu le mémoire en défense présenté par M X et les pièces annexées ;
Vu l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée le 21 décembre 1976 à M X et l'invitant à
comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment le procès-verbal d'interrogatoire ;
Ouï M GASTINEL, Conseiller Référendaire à la Cour des Comptes, en son rapport ;
Ouï le Procureur Général de la République en ses réquisitions ;
Ouï en ses observations M X, ayant eu la parole le dernier.
En ce qui concerne les crédits de l'Etat :
Considérant que l'arrêté interministériel du 13 janvier 1967 sur les mesures financières relatives à la
lutte contre la brucellose dans les espèces bovine, ovine et caprine dispose à son article 14 : "Les
opérations de désinfection prescrites par les directeurs des services vétérinaires départementaux sont
à la charge des propriétaires des animaux. Toutefois elles peuvent être subventionnées à
concurrence de cinquante pour cent de la dépense justifiée par la présentation d'une facture
acquittée, sans pouvoir excéder quarante francs (somme portée à cent vingt francs en 1972) par
intervention pour une même exploitation" ; et qu'aux termes de l'article 15 du même arrêté "les
opérations de désinfection sont exécutées par les organismes autorisés, conformément à l'article 3 de
l'arrêté ministériel du 28 février 1957" ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que ces dispositions n'ont pas été respectées par M X, alors
directeur départemental des services vétérinaires de la Lozère ; que celui-ci a fait accorder des
subventions pour des opérations de désinfection effectuées par les propriétaires en l'absence de
participation des organismes autorisés ; que des aides étaient mandatées au profit non des
propriétaires mais du groupement de défense sanitaire (GDS) ;
Considérant que ces règlements étaient opérés non au vu de factures mais d'états nominatifs des
éleveurs établis par le GDS et que même, à partir de 1971, ces états ne faisaient plus apparaître les
dépenses que par groupements de défense sanitaire locaux ; qu'il était dès lors impossible, faute de
justifications suffisantes, de s'assurer de la réalité des droits des bénéficiaires et de l'exactitude des
liquidations ; qu'en outre il est apparu que le GDS avait reçu des subventions calculées sur des bases
supérieures aux dépenses effectivement exposées par les éleveurs ; que les mêmes exploitants
figuraient plusieurs fois sur les états établis par le GDS, sans qu'une explication satisfaisante ait été
fournie ;
Considérant que ces pratiques se sont poursuivies jusqu'à la cessation des fonctions de M X dans le
département de la Lozère en septembre 1972, c'est-à-dire dans un temps non couvert par la
prescription prévue par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant que les irrégularités dont il s'agit constituent des infractions aux règles d'exécution des
dépenses de l'Etat ; que, dès lors, leur auteur est passible des sanctions prévues à l'article 5 de la dite
loi ;
En ce qui concerne les crédits du département de la Lozère :
Considérant que M X a fait mandater sur les crédits départementaux, au moyen de certifications
inexactes attestant faussement le service fait, des sommes destinées à constituer auprès de deux
fournisseurs - le garage SOLIGNAC et la droguerie CHABERT - des avoirs dont il assurait la gestion ;
que ce procédé lui a permis d'épuiser des dotations budgétaires ; et que, dans certains cas, ces avoirs
lui ont servi au paiement de dépenses que ne couvraient pas les crédits ouverts au budget de l'Etat
pour le fonctionnement des services vétérinaires ;
Considérant que le ministère de l'Agriculture avait réclamé le reversement à l'Etat des émoluments
indûment perçus par un fonctionnaire appartenant aux services vétérinaires, M Y, à la suite de son
recrutement irrégulier comme préposé vacataire sanitaire effectué par M X ;
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Considérant qu'à la demande de ce dernier le GDS a accepté de se substituer pour ce
remboursement au véritable débiteur du Trésor public ; qu'en contrepartie de cette dépense le
Groupement a bénéficié, sur l'initiative de M X, d'une part d'une fraction des avoirs constitués, comme
il a été dit plus haut, auprès de la droguerie CHABERT, et d'autre part, de "subventions
complémentaires" allouées sur le budget départemental et prétendument destinées à compenser des
avances que le GDS avait consenties à divers éleveurs, alors que celles-ci lui avaient déjà été
remboursées ou allaient l'être dans l'année ; qu'en outre, le Groupement a disposé de délais pour le
règlement au Trésor alors que les sommes en cause avaient été mises immédiatement à sa
disposition ; que M X a ainsi fait supporter indirectement au budget départemental une dépense qui
incombait à M Y, exonérant ainsi l'intéressé de tout reversement exigé par son administration centrale
;
Considérant que ces faits se sont produits dans un temps non couvert par la prescription prévue par
l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses du
département ; que, dès lors, elles tombent sous le coup des dispositions de l'article 5 de la dite loi ;
Considérant que les agissements de M X ont procuré au détriment du budget du département de la
Lozère un avantage injustifié à certains fournisseurs de cette collectivité - droguerie CHABERT et
garage SOLIGNAC - qui ont bénéficié de mandatements pour les fournitures qu'ils n'avaient pas
encore livrées ; que, de même, le GDS a reçu la contrepartie de la dette de M Y avant de procéder à
son règlement, pour lequel il a profité de délais ; que, surtout, M X a fait supporter au budget
départemental la charge de la dite dette, procurant ainsi un avantage indû d'un montant équivalent à
M Y ; que dès lors ces infractions tombent sous le coup de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 ;
En ce qui concerne les crédits du groupement de défense sanitaire de la Lozère :
Considérant que le groupement de défense sanitaire de la Lozère (GDS), association subventionnée,
relève du contrôle de la Cour des Comptes en application de l'article 1er de la loi n° 67-1183 du 22
juin 1967 et de l'article 33 du décret n° 68-827 du 20 septembre 1968 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M X, "conseiller technique" du GDS, se comportait, en
fait, pour certaines dépenses, comme un véritable ordonnateur ; qu'en tant qu'agent de fait du
groupement il est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article
1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée par la loi du 13 juillet 1971 ;
Considérant que M X a fait supporter au budget de cette association des dépenses qui ne relevaient
pas de son objet statutaire ; que, notamment, pendant la période non couverte par la prescription
prévue par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948, il a fait assumer par le GDS des charges qui
concernaient en fait la direction départementale des services vétérinaires pour pallier soit
l'insuffisance des crédits ouverts au budget de l'Etat (frais de garage) soit leur absence (frais de
réception) ; qu'il a lui-même bénéficié personnellement d'une partie de ces dépenses ;
Considérant que ces faits constituent une infraction aux règles d'exécution des dépenses du GDS ;
que, dans ces conditions, leur auteur est passible des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25
septembre 1948 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de
l'affaire en infligeant à M X une amende de trois mille francs ;
ARRETE :
Article 1er - M Jacques X est condamné à une amende de trois mille francs.
Article 2 - Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel de la République Française.
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