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Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
1
La valorisation de la recherche
dans les établissements publics
à caractère scientifique
et technologique
(EPST)
RAPPORT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SUIVI
DES REPONSES DES ADMINISTRATIONS
JUIN 1997
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
2
DELIBERE
................................................................................................................................
3
INTRODUCTION
.....................................................................................................................
4
PREMIERE PARTIE : LES RESSOURCES DE VALORISATION
................................
11
I.
-
LA
MESURE
DES
RESSOURCES
..................................................................................
11
.
A.
-
LA
DIFFICULTE
DE
LA
MESURE
....................................................................
12
.
B.
-
LA
SIGNIFICATION
DES
CHIFFRES
................................................................
13
II.
-
LA
GESTION
DES
RESSOURCES
...............................................................................
19
.
A.
-
L'EVALUATION
DES
COUTS
DES
CONTRATS
DE
RECHERCHE
..............
19
.
B.
-
LES
TECHNIQUES
BUDGETAIRES
ET
COMPTABLES
................................
25
DEUXIEME PARTIE : LES INSTRUMENTS DE LA VALORISATION
......................
30
I.
-
LES
STRUCTURES
..........................................................................................................
30
.
A.
-
LES
STRUCTURES
PROPRES
AUX
ETABLISSEMENTS
..............................
31
.
B.
-
LES
STRUCTURES
COOPERATIVES
:
LES
GROUPEMENTS
D'INTERET
PUBLIC
DE
VALORISATION
...................................................................................
37
.
C.
-
LES
STRUCTURES
ECONOMIQUES
:
LES
PRISES
DE
PARTICIPATIONS
ET
CREATIONS
DE
FILIALES
.......................................................................................
41
II.
-
LES
METHODES
............................................................................................................
48
.
A.
-
LA
VALORISATION
DANS
LA
CARRIERE
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
..............................................................................................................
48
.
B.
-
LES
OUTILS
DE
TRANSFERT
DES
RESULTATS
ISSUS
DES
LABORATOIRES
PUBLICS
VERS
LA
SPHERE
ECONOMIQUE
.........................
51
.
C.
-
LES
COLLABORATIONS
DE
RECHERCHE
EPST
-ENTREPRISES
..............
56
TROISIEME PARTIE : LE CADRE REGLEMENTAIRE DE LA VALORISATION..69
I.
-
LES
RELATIONS
ENTRE
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
ET
ENTREPRISES 69
.
A.
-
LES
REGLES
STATUTAIRES
............................................................................
69
.
B.
-
LA
CREATION
D'ENTREPRISES
......................................................................
72
.
C.
-
LES
CONSULTANCES
ET
EXPERTISES
..........................................................
77
II.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
.................................
81
.
A.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
AUTEURS
.......
82
.
B.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
DANS
LE
CADRE
DES
CONTRATS
OU
CONVENTIONS
CONCLUS
AVEC
DES
TIERS
.................
83
.
C.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
AUX
RETOMBEES
FINANCIERES
DE
LEURS
INVENTIONS
......................................
83
CONCLUSION
........................................................................................................................
88
GLOSSAIRE DES SIGLES UTILISES
................................................................................
91
ANNEXE
..................................................................................................................................
92
REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ETABLISSEMENTS PUBLICS
.......
94
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
3
DELIBERE
La Cour des comptes publie, sous la forme d'un fascicule séparé, un rapport
concernant
LA
VALORISATION
DE
LA
RECHERCHE
DANS
LES
ETABLISSEMENTS
PUBLICS
A
CARACTERE
SCIENTIFIQUE
ET
TECHNOLOGIQUE (E.P.S.T.).
*
*
*
Conformément aux dispositions du chapitre VI du titre III du livre 1er du Code
des juridictions financières et de l'article 52 du décret du 11 février 1985, la Cour des
comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au préalable, en
totalité ou par extraits, aux administrations et établissements publics concernés, et après
qu'il a été tenu compte, quant il y avait lieu, des réponses fournies par ceux-ci. En
application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées à la suite du rapport ;
elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Etaient présents : MM. Joxe, premier président ; Morin, Magnet, Marmot,
Logerot, Berget, présidents de chambre ; Giscard d'Estaing, Bonnet, Labrusse,
présidents de chambre maintenus en activité ; Mme Hackett, MM. Contamine, Gournay,
Salmon-Legagneur, de Maistre, Siebauer, Wolff, Poyet, Rosier, Blondel, Chartier,
Ménasseyre, Perrin, Chabrun, Capdeboscq, Join-Lambert, Collinet, Sallois, Delafosse,
Giquel, Mme Legras, MM. Bénard, Billaud, Lagrave, Mme Girard, MM. Kaltenbach,
Gravelin, Babusiaux, Houri, Richard, Devaux, Descheemaeker, Bayle, Parthonnaud,
Adhémar, Mme Boutin, MM. Chabrol, Picq, Cieutat, Ganser, Martin, Guéhenno,
Monier, Mme Cornette-Claudé, MM. Palau, Troesch, Hernandez, Thérond, Ardouin,
Mordacq, Mme Bellon, M. Nasse, conseillers maîtres ; MM. Borel, Prieur, Frouin,
Coeffe, Dischamps, Gros, Bresson, conseillers maîtres en service extraordinaire, M.
Guillard, conseiller maître, rapporteur général.
Etait présente et a participé aux débats : Mme Gisserot, procureur général de la
République, assistée de M. Pouly, avocat général.
Mme Démier, secrétaire général adjoint, assurait le secrétariat de la chambre du
conseil.
Fait à la Cour, le 23 juin 1997.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
4
INTRODUCTION
L'effort budgétaire fait par la France en faveur de la recherche est, à l'heure
actuelle, de l'ordre d'une centaine de milliards de francs par an. Au sein de ces
financements figurent à la fois :
- pour plus de la moitié, le budget civil de recherche et de développement
technologique (ou BCRD), qui retrace l'ensemble des dotations budgétaires civiles
coordonnées par le ministère chargé de la recherche ;
- pour un tiers environ, la dépense budgétaire de recherche et de développement
militaires ;
- enfin, pour la part restante, la part des rémunérations des enseignants
chercheurs de l'enseignement supérieur qui est censée être consacrée à des activités de
recherche, et le crédit d'impôt recherche.
Le BCRD, budget coordonné par le ministre chargé de la recherche, et dont le
montant a été évalué, dans le projet de loi de finances pour 1996, à 53 milliards de
francs, est consacré pour l'essentiel à subventionner des organismes de recherche : en
1994, 84 % des dépenses de ce budget correspondaient à des subventions notifiées à 26
organismes différents. Parmi ces organismes figurent, en majorité, des établissements
publics de recherche.
La valorisation a longtemps été considérée, dans le monde de la recherche
publique, comme une activité secondaire consistant à faire exploiter les découvertes des
laboratoires des organismes publics par des industriels avec lesquels étaient passés, le
cas échéant, des contrats de licence. Témoigne ainsi de cette acception la création, en
1967, de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR), créée auprès
du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et dont la loi n° 67-7 du
3 janvier 1967 définissait ainsi les missions : "
Concourir à la mise en valeur des
résultats des recherches scientifiques et techniques effectuées par les laboratoires et
services publics, notamment par les laboratoires dépendant de l'Université et du Centre
national de la recherche scientifique (...)."
Pour autant, les établissements publics de recherche , notamment ceux dits de "
recherche finalisée", n'étaient pas inactifs dans le domaine du transfert des résultats de
leurs recherches vers les acteurs du monde économique susceptibles de pouvoir en
bénéficier. Certains d'entre eux furent d'ailleurs même créés avec cet objectif : l'Institut
de recherche agronomique, par exemple, fut créé en 1921 parce que les difficultés de
ravitaillement qu'avait connues la France au cours de la première guerre mondiale
avaient fait apparaître l'urgence d'un accroissement de la productivité de l'agriculture
française, et l'intérêt stratégique que pouvait revêtir une recherche à caractère
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
5
scientifique appliquée aux problèmes de l'agriculture. Mais ce transfert des organismes
de recherche publique vers la sphère économique se fit longtemps de façon informelle et
"désintéressée" : les années soixante-dix ont ainsi vu certaines entreprises horticoles
françaises fonder leur croissance sur l'exploitation quasi gratuite de techniques de
multiplication végétative
in vitro
mises au point dans les laboratoires de l'Institut
national de recherche agronomique.
Certains établissements publics de recherche avaient des relations plus
organisées avec les utilisateurs potentiels de leurs résultats : les établissements érigés en
EPIC - établissements publics à caractère industriel et commercial (ou assimilés)
développèrent précocement une politique de partenariat avec les industriels de leur
secteur. Mais les autres établissements publics de recherche, qui avaient le statut
d'établissements à caractère administratif, se caractérisèrent, jusqu'à l'aube de la
décennie quatre-vingt, par la faiblesse de leurs relations avec les entreprises, ou l'aspect
informel de ces relations. Une conséquence de cet état d'esprit était la modeste
exploitation - tout du moins officielle - des découvertes de la recherche publique. Ainsi,
par exemple, en 1982, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, bien
qu'ayant en portefeuille 104 brevets initiaux
1
n'avait concédé que 14 licences
d'exploitation.
La loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement
technologique de la France (loi n° 82-610 du 15 juillet 1982) introduisit une
modification fondamentale dans ces rapports traditionnels entre recherche publique et
valorisation, en consacrant une évolution dont le Colloque national de la recherche et de
la technologie, clôturé à Paris en janvier 1982, s'était fait l'écho : ayant établi la
recherche scientifique et le développement technologique au rang de "priorités
nationales", la loi précisait notamment que la politique de la recherche et du
développement
technologique
visait,
non
seulement
"
à
l'accroissement
des
connaissances
", mais aussi "à la valorisation des résultats de la recherche ". Cette
ambition en matière de valorisation, affichée pour la première fois par le législateur,
était justifiée dans le rapport annexé à la loi, qui indiquait que "
les organismes publics
doivent avoir le souci constant de faire bénéficier au mieux la collectivité nationale des
fruits de leurs travaux
".
La loi du 15 juillet 1982 disposait en ses articles 14 et 15 que la recherche
publique était "
organisée dans les services publics, notamment les universités et les
établissements publics de recherche (...)",
et que les établissements publics de recherche
avaient "
soit un caractère industriel et commercial ou assimilé, soit un caractère
administratif, soit un caractère scientifique et technologique
". Le rapport annexé à la loi
précisait que "
la dénomination d'établissement public à caractère scientifique et
technologique (...) et le contenu donné à cette qualification" visaient à "définir un cadre
juridique de référence spécifique à l'activité de recherche
".
La loi du 15 juillet 1982, créant ainsi une nouvelle catégorie d'établissements
publics, ouvrait la voie à une modification du statut juridique de certains des grands
1) Les « brevets initiaux » ou « brevets prioritaires » sont les brevets dont les demandes ont été déposées
dans un pays au moins – la France en général. Les extensions internationales ne sont donc pas prises en
compte dans le calcul du nombre des « brevets initiaux ».
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
6
établissements publics de recherche : alors que ceux qui avaient le statut
d'établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ou un statut voisin
- tels que le CNES (Centre national d'études spatiales), l'IFREMER (Institut français de
recherche pour l'exploitation de la mer) ou le CEA (Commissariat à l'énergie atomique)
gardèrent leur statut, d'autres établissements basculèrent du statut d'établissement public
à caractère administratif (EPA) à celui, nouveau, "d'établissements publics à caractère
scientifique et technologique" (EPST). C'est dans ce nouveau cadre que s'intégrait
explicitement la nouvelle responsabilité confiée à ces EPST en matière de valorisation
de leurs recherches.
Il existe à l'heure actuelle huit établissements appartenant à cette catégorie :
- le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ;
- l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) ;
- l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) ;
- l'ORSTOM (Institut français de recherche scientifique pour le développement
en coopération) ;
- l'INRIA (Institut national de la recherche en informatique et en automatique) ;
- l'INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité) ;
- le CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des
eaux et des forêts) ;
- l'INED (Institut national d'études démographiques).
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 1996, ces huit établissements ont
été ainsi dotés :
Etablissements
Subventions (DO+CP)
2
Emplois budgétaires
CNRS
13 303 M.F.
26 265
INRA
3 312 M.F.
8 570
INSERM
2 460 M.F.
4 905
ORSTOM
1 054 M.F.
1 615
INRIA
461 M.F.
713
INRETS
217 M.F.
415
CEMAGREF
207 M.F.
617
INED
87 M.F.
164
2) DO : dépenses ordinaires
-
CP : crédits de paiement
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
7
Près de quinze ans après la promulgation de la loi du 15 juillet 1982, la Cour a
jugé utile d'essayer de dresser un bilan de la manière dont les nouveaux EPST avaient
intégré les responsabilités qui leur avaient été affectées en matière de valorisation.
Ont en revanche été exclus du champ de cette enquête, d'une part les
établissements de recherche n'ayant pas le statut d'EPST, d'autre part les établissements
publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, dont font partie les universités.
Toutefois, la valorisation de la recherche dans les universités est en cours d'examen par
la Cour qui fera connaître ultérieurement le résultat de ces enquêtes.
Le présent rapport dresse un bilan de la valorisation de la recherche, à partir
d'enquêtes effectuées dans quatre de ces EPST :
- le CNRS ;
- l'INRA ;
- l'INSERM ;
- l'INRIA.
Ces quatre établissements ont été choisis en raison du fait qu'ils sont, en
dotations budgétaires et en effectifs, les plus importants des EPST, exception faite de
l'ORSTOM. Ce dernier, bien qu'il se situe, sur ces critères, au quatrième rang des EPST,
n'a pas été inclus dans le champ d'enquête de la Cour, en raison de ses caractéristiques.
Orienté vers la recherche et le transfert de technologie, essentiellement dans des pays en
voie de développement de la zone intertropicale et à leur profit, cet établissement a par
nature des modes de relations avec le monde économique très spécifiques : la nature des
activités valorisables, le particularisme des partenaires de la coopération, les rapports
entre mission de valorisation et mission de coopération, font de l'ORSTOM un
établissement trop dissemblable dans le domaine de la valorisation pour pouvoir être
comparé utilement aux quatre autres EPST.
Les quatre établissements retenus concentrent à eux seuls 37 % du BCRD.
Le rapport annexé à la loi du 15 juillet 1982 faisant obligation aux organismes
de recherche de créer un service de valorisation, chacun de ces EPST répondit à cette
obligation en créant une structure, dont la dénomination, sans être identique d'un
établissement à l'autre, comportait - sauf à l'INRIA - le terme "valorisation" :
- « direction de la valorisation et des applications de la recherche » au CNRS ;
- « direction de l'information et de la valorisation » à l'INRA ;
- « mission pour la valorisation économique et sociale » à l'INSERM.
Or, près d'une quinzaine d'années après la création de ces services, chacun
d'entre eux a changé d'intitulé, changement significatif de l'évolution des fonctions
assignées à ces services : ainsi, on par le désormais de « mission
des relations avec les
entreprises
» au CNRS, de « direction des
relations industrielles
et de la valorisation »
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
8
à l'INRA, de « département pour le
partenariat
économique et social » à l'INSERM,
cependant que l'INRIA a créé une « direction du
développement
et des
relations
industrielles
» , et nommé un « délégué général au
transfert technologique
». Certains
des établissements, pour désigner leurs relations avec le monde économique et social,
répugnent même désormais à employer le terme de valorisation, auquel ils préfèrent
ceux de "partenariat" ou de "transfert".
Ce glissement sémantique, revendiqué par tous les établissements, est ainsi
justifié, par exemple par l'INSERM :
"
Longtemps comprise comme un transfert unidirectionnel de résultats acquis
dans les laboratoires des EPST vers la société et les acteurs qui les utilisent, les
transforment et les diffusent, la valorisation s'est élargie à un partenariat permettant les
échanges. En effet, les équipes de recherche ont vite compris qu'elles ne pouvaient
transformer seules une connaissance et la développer en applications. Le cycle
d'innovation suppose la participation d'intervenants multiples aux connaissances
complémentaires. Cette complémentarité s'accompagne de cofinancements multiples, où
certains sont acteurs de la recherche, et où d'autres sont financeurs impliqués dans les
retombées économiques (les industriels) ou sociales. S'il est indispensable, le
partenariat multiple rend complexe la gestion de la valorisation : elle doit s'intéresser
de plus en plus à la recherche en amont des résultats et en préserver la liberté, tout en
organisant les règles du jeu dans le cadre des collaborations scientifiques, les
cofinancements de ces partenariats, et les aspects de propriété intellectuelle
."
En raison du foisonnement qu'elles ont connu depuis le début des années quatre-
vingt, il n'est pas aisé de recenser de façon exhaustive les différentes formes de
partenariat entre les organismes de recherche et le monde économique et d'en dresser
une typologie. On peut cependant, par commodité, les classer en deux grandes
catégories :
a)
Les activités de valorisation au sens traditionnel du terme
Ces formes traditionnelles de valorisation, au sens de transfert de résultats ou de
compétences acquis dans les laboratoires publics vers la société, sont toujours
pratiquées par les EPST et leurs personnels, bien qu'avec une ampleur variable d'un
établissement à l'autre. Elles ont en commun de situer les organismes publics et les
chercheurs en "amont" des utilisateurs potentiels des résultats et connaissances
accumulés dans la sphère publique, ce qui impose à cette dernière une obligation de
résultats dans le cadre des transferts qu'elle est susceptible d'opérer vers "l'aval". Se
rattachent notamment à cette conception de la valorisation :
- les concessions de licences d'exploitation de résultats publics ;
- les analyses, prestations de services ou prestations de recherche , effectuées
dans les laboratoires publics à la demande et pour le compte de tiers ;
- les expertises et consultances individuelles, réalisées par les personnels des
EPST, au profit d'organismes publics ou privés.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
9
b)
Les activités de valorisation au sens élargi de partenariat avec le monde
économique et social
Les modalités de valorisation de la recherche publique se sont diversifiées,
depuis le début des années quatre-vingt, en se déplaçant vers « l'amont » des activités de
recherche : du principe du transfert des laboratoires publics de recherche vers les
entreprises, le centre de gravité des activités de valorisation s'est déplacé vers des
formes d'interactions et d'interpénétration entre les laboratoires publics et le monde
environnant. Les formes nouvelles de valorisation qui se sont ainsi développées ont
pour caractéristique commune le passage, pour les acteurs de la recherche publique
impliqués dans ces activités, d'une obligation de résultats à une
obligation de moyens
:
ce sont les moyens - financiers, humains, techniques - de la recherche publique qui sont
engagés dans le cadre élargi du « partenariat », sans qu'une obligation de résultats (qu'ils
soient scientifiques ou financiers) soit toujours formellement requise.
Dans cet ensemble d'activités figurent :
- d'une part des formes de valorisation qui ont été initiées ou encouragées par les
dispositions de la loi du 15 juillet 1982, telles que :
- les participations à des groupements d'intérêt public ;
- les prises de participations et constitutions de filiales ;
- d'autre part des formes de valorisation qui, sans nécessiter un cadre législatif ou
réglementaire particulier, ont émergé depuis le début des années quatre-vingt, comme :
- les collaborations de recherche entre les laboratoires publics et les
entreprises ;
- les expertises dites collectives, par lesquelles un établissement de
recherche rassemble les capacités d'expertise de plusieurs acteurs de la recherche
publique pour élaborer un document collectif.
L'élargissement de la notion de valorisation a été pris en compte dans le cadre de
l'enquête de la Cour. Le terme de "valorisation" est donc employé dans le présent
rapport dans son sens le plus large : il inclut, non seulement les activités traditionnelles
de transfert, mais aussi, plus largement, l'ensemble des activités qui mettent en relation
le monde de la recherche académique et la sphère économique et sociale. En revanche,
il n'inclut pas certaines des missions également assignées aux EPST par l'article 14 de la
loi du 15 juillet 1982, comme "
la diffusion des connaissances scientifiques"
et
"la
formation à la recherche et par la recherche
".
Cette multiplicité des formes de partenariat et de transfert entre les EPST et leurs
interlocuteurs dans le domaine de la valorisation rend impossible la détermination d'un
critère unique et universel d'évaluation des activités de valorisation d'un organisme.
Plusieurs de ces critères doivent donc être utilisés en parallèle pour cerner ces activités :
on peut ainsi alternativement se placer du point de vue financier, avec le montant des
ressources propres collectées par les organismes grâce à leurs activité de valorisation ;
du point de vue de la mesure de la propriété intellectuelle, avec le nombre de brevets
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
10
présents dans le portefeuille des organismes ; du point de vue de l'économie nationale,
avec l'évaluation du nombre d'emplois créés ou du chiffre d'affaires engendré,
directement ou indirectement, grâce aux transferts de connaissances réalisés à l'aide des
résultats de la recherche publique.
Aucun de ces critères ne suffit à lui seul à résumer quantitativement les activités
de valorisation de la recherche publique. De plus, certains d'entre eux sont difficiles à
appréhender précisément - c'est le cas notamment lorsqu'on cherche à connaître le
nombre d'emplois induits par les résultats de la recherche publique. Enfin, ces critères
ne peuvent prendre en compte, parce qu'elles ne sont pas quantifiables, ni la valorisation
"diffuse", réalisée par transmission directe des résultats publics aux acteurs
économiques, notamment par l'intermédiaire d'instituts techniques et professionnels, ou
grâce à des publications, ni l'incidence que peut avoir le "progrès général des
connaissances" sur la productivité ou la croissance économiques.
Toutefois, l'utilisation prudente de certains des critères évoqués ci-dessus peut
permettre de procéder à d'utiles comparaisons, soit entre établissements de recherche,
soit pour apprécier l'évolution des activités de valorisation d'un établissement au fil des
années, et d'analyser ainsi la transformation réelle et profonde du paysage de la
valorisation de la recherche qui s'est opérée dans les EPST depuis 1982.
Les trois parties du présent rapport sont consacrées respectivement aux
ressources
, aux
instruments
et au
cadre réglementaire
de la valorisation de la recherche
dans les EPST.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
11
PREMIERE PARTIE : LES RESSOURCES DE VALORISATION
Selon les termes du rapport annexé à la loi du 15 juillet 1982, la mission de
valorisation assignée aux organismes publics de recherche a pour objectif de "
faire
bénéficier au mieux la collectivité nationale des fruits de leurs travaux
" : bien que la
collectivité nationale participe, par l'impôt, au financement des recherches menées dans
les établissements publics, l'utilisation du potentiel de la recherche publique par les
acteurs de la vie économique s'est notamment traduite par la croissance des ressources
propres de valorisation des EPST.
Les ressources dont les établissements publics de recherche peuvent ainsi
bénéficier grâce aux retombées de leur mission de valorisation de leurs travaux ne
constituent toutefois pas un indicateur complet et fiable de ces activités de valorisation.
En effet, l'ensemble des formes de valorisation ne se traduit pas systématiquement par
des ressources financières au profit des EPST : les formes de valorisation ouvertes aux
EPST par les dispositions de la loi du 15 juillet 1982, en particulier, ne se traduisent pas
forcément - surtout à court terme - par des ressources financières pour les
établissements, qu'il s'agisse des prises de participation ou constitutions de filiales, ou
des participations à des groupements.
I. - LA MESURE DES RESSOURCES
Les ressources de valorisation des EPST ont augmenté substantiellement depuis
le début des années quatre-vingt. On peut illustrer cette croissance par le montant des
ressources tirées par le CNRS de ses contrats avec des entreprises : ces ressources sont
passées de 10 millions de francs en 1982 à près de 200 millions en 1994. Bien qu'en
francs courants, ces deux montants sont révélateurs de la progression enregistrée depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 1982. On retrouve dans les autres EPST des
évolutions dont les ordres de grandeur sont assez comparables.
Malgré cette croissance significative, la part des ressources de valorisation dans
l'ensemble des ressources financières dont bénéficient les EPST - bien que difficile à
mesurer précisément - reste modeste.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
12
.
A.
-
LA
DIFFICULTE
DE
LA
MESURE
Les ressources résultant des activités de valorisation des unités de recherche des
EPST ne sont pas toutes quantifiables, ou quantifiées, financièrement. Ainsi, une part
non négligeable des contrats de recherche avec les entreprises se traduit au profit des
laboratoires concernés, non par des ressources financières, mais par des contreparties
telles que prestations en retour, mise à disposition de personnel, attribution de matériels,
etc. En ce cas, les EPST ne comptabilisent pas l'équivalent financier de ces
contreparties, dont il est alors difficile d'apprécier l'ampleur.
De plus, les ressources résultant des activités de valorisation des unités de
recherche des EPST ne sont pas gérées en totalité par les établissements eux-mêmes.
La plupart des structures de recherche françaises n'assurent pas la gestion directe
et exclusive de toutes les unités qui en relèvent, ni de tous les personnels qui travaillent
dans leurs unités. Cela est particulièrement vrai pour deux des quatre EPST sur lesquels
a porté l'enquête de la Cour, le CNRS et l'INSERM :
- hormis le cas des "unités propres" qui s'inscrivent dans le périmètre juridique
du CNRS, les laboratoires qui bénéficient d'une affiliation au CNRS dépendent pour
partie
d'institutions
extérieures
au
Centre,
principalement
les
universités,
accessoirement les autres EPST ;
- à l'INSERM, plus de la moitié des personnels travaillant dans les unités de
l'Institut ne sont pas rémunérés par celui-ci, et relèvent administrativement de structures
telles que les hôpitaux, les établissements d'enseignement supérieur ou les autres
organismes de recherche .
L'activité d'un grand nombre de laboratoires ne se laisse donc que partiellement
embrasser par les EPST dont ils relèvent. Cela vaut non seulement pour la recherche,
mais aussi pour sa valorisation. En effet, l'élan donné à la valorisation dans les années
quatre-vingt s'étant traduit par une multiplication des structures consacrées à cette
activité, les EPST ne sauraient prétendre exercer un monopole de prise en charge des
différentes opérations qui s'y rattachent : bon nombre de leurs unités de recherche ont la
possibilité de recourir à d'autres services de valorisation.
De l'aveu même de leurs responsables, les laboratoires se gardent souvent de
confier toute la gestion de leurs activités de valorisation à un même organisme, et
préfèrent effectuer des mélanges entre établissements publics et structures associatives,
en fonction de critères variés, allant de la qualité des services offerts au montant des
frais de gestion prélevés par l'organisme gestionnaire. Ainsi, le CNRS estime qu'il n'a
géré en 1994 que les deux tiers des contrats connus de lui, signés au nom de ses unités
en 1994.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
13
Enfin, les EPST n'ont pas une connaissance exhaustive des ressources de
valorisation dont leurs laboratoires peuvent bénéficier. Les personnels de recherche
concèdent volontiers qu'ils ne déclarent pas systématiquement à leur établissement
toutes les prestations qu'ils réalisent, tous les savoir-faire qu'ils transfèrent, au profit
d'entreprises ; ils obtiennent alors de ces dernières des contreparties, le plus souvent
financières, qu'ils "cantonnent" dans des structures associatives. Ce phénomène, lui
aussi très difficile à chiffrer, est notoire en ce qui concerne des laboratoires du CNRS et
de l'INSERM. Les directeurs d'unité eux-mêmes ne connaissent pas toujours l'ensemble
des accords passés entre leurs personnels et certaines structures privées, singulièrement
les associations.
Une des raisons fréquemment invoquées par les équipes de recherche, pour
justifier leur recours à des associations, est qu'il permet de résoudre le problème
chronique de manque de personnel auquel elles se heurtent, dans l'exécution de leurs
contrats de recherche, les personnels permanents n'étant pas toujours en mesure
d'assurer, dans les délais fixés par les contrats, les programmes prévus. Or,
l'administration de tutelle financière des EPST est traditionnellement réticente devant le
recrutement de personnels sur ressources contractuelles, considérant que l'exécution des
contrats doit se faire prioritairement par la mobilisation des personnels statutaires des
EPST. Mais il est apparu que le recrutement de personnel sur ressources contractuelles
pouvait améliorer la proportion des ressources extérieures des unités de recherche
passant par la caisse d'un comptable public. Afin de ne pas rendre inéluctable le détour
par des associations pour le recrutement de personnels supplémentaires, les EPST ont
désormais la possibilité de rémunérer sur ressources propres jusqu'à 1 ou 2 % de leurs
effectifs en contrats à durée déterminée. L'existence de ce mécanisme n'autorise
cependant pas à supposer qu'il ait eu pour effet de supprimer le recours aux associations.
On ne pourrait donc prétendre avoir une vision à peu près exacte des ressources
de valorisation issues de la recherche publique que si l'on pouvait cumuler celles qui
sont collectées tant par les EPST que par les autres organismes de recherche et les
universités, sans oublier les structures hospitalières et les associations, notamment celles
qui ont été créées à cet effet.
.
B.
-
LA
SIGNIFICATION
DES
CHIFFRES
La part des ressources de valorisation dans les budgets des EPST reste
relativement modeste, mais, en considération des ressources effectivement disponibles,
elle n'est pas négligeable.
En exécution budgétaire 1994, l'ensemble des ressources de valorisation, au sens
le plus large du terme, effectivement encaissées par les EPST sur lesquels a porté
l'enquête de la Cour représente une part comprise entre 5 % et 11,5 % du budget total de
l'établissement :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
14
(données 1994)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Budget exécuté en recettes
11 881 M.F.
3 543 M.F.
2 441 M.F.
574 M.F.
Total des ressources propres
3
1 960 M.F.
970 M.F.
628 M.F.
205 M.F.
Total des "ressources de
valorisation"
4
572 M.F.
332 M.F.
144 M.F.
66 M.F.
Données issues des comptes financiers 1994 des EPST, exprimées en millions de francs H.T.
On peut considérer cette part relative, soit comme modeste (dans l'hypothèse où
l'on estimerait que les organismes devraient pouvoir, dans une proportion notable,
s'autofinancer), soit au contraire comme conséquente (dans l'hypothèse inverse où l'on
considérerait que les organismes perdraient leur raison d'être en cherchant à s'orienter
vers les recherches les plus susceptibles de retombées commerciales).
Il n'est pas surprenant de constater, par ailleurs, que l'EPST dans lequel la part
relative des ressources de valorisation est la plus faible est le CNRS : cela tient
notamment au fait que cet établissement, contrairement aux trois autres EPST dans
lesquels s'est effectuée l'enquête de la Cour, n'est pas un organisme de recherche dite
"finalisée". Sa mission, dite de recherche "fondamentale", consiste à "effectuer toutes
recherches présentant un intérêt pour l'avancement de la science", et ces recherches ne
donnent pas toutes lieu à valorisation.
La répartition des recettes tirées des activités de valorisation entre les différentes
formes de partenariat et entre les différentes catégories de financeurs varie
substantiellement d'un établissement à l'autre :
3) Ressources propres : ensemble des ressources autres que les subventions de base du ministère de la
recherche, en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
4) On considère ici les "ressources de valorisation" au sens le plus extensif du terme, puisqu'elles
comprennent les ressources provenant de l'ensemble des contrats de recherche (quels que soient les
financeurs de ces contrats), les recettes de redevances, ainsi que, pour l'INRA, les recettes d'analyses et
prestations de services et, pour l'INSERM, les recettes des expertises collectives.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
15
(données 1994)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Ressources issues de contrats
de recherche
553 M.F.
236 M.F.
130 M.F.
63 M.F.
(...dont ressources provenant
de contrats avec des
organismes privés)
(162 M.F.)
(47 M.F.)
(81 M.F.)
(17 M.F.)
Ressources de redevances
19 M.F.
22 M.F.
10 M.F.
3 M.F.
Autres ressources de
valorisation
5
74 M.F.
4 M.F.
Total des ressources de
valorisation
572 M.F.
332 M.F.
144 M.F.
66 M.F.
Données issues des comptes financiers 1994 des EPST, exprimées en millions de francs
H.T.
Depuis leur transformation en EPST, le budget des établissements est organisé
en trois sections, alors que la présentation budgétaire des établissements publics à
caractère administratif n'en comporte classiquement que deux (fonctionnement et
investissement) :
- la première section du budget des EPST regroupe l'ensemble des crédits de
personnel ;
- la deuxième section regroupe les crédits destinés à l'administration et aux
services communs ;
- la troisième section regroupe l'ensemble des moyens, hors personnel, affectés
aux activités de recherche dans les laboratoires.
5) Pour l'INRA : recettes d'analyses et prestations de services ;
Pour l'INSERM : recettes d'expertises collectives.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
16
La répartition entre ces trois sections des dépenses exécutées par les EPST en
1994, est la suivante :
(données 1994, en
millions de francs)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Dépenses de la 1
ère
section
7 938 M.F.
2 188 M.F.
1 417 M.F.
221 M.F.
Dépenses de la 2
ème
section
1 421 M.F.
494 M.F.
306 M.F.
129 M.F.
Dépenses de la 3
ème
section
2 647 M.F.
918 M.F.
670 M.F.
234 M.F.
Total des dépenses
exécutées
12 006 M.F.
3 578 M.F.
2 394 M.F.
584 M.F.
Part des dépenses de
personnel permanent
(1
ère
section) par rapport
aux dépenses totales
66%
61%
59%
38%
Données issues des comptes financiers 1994 des EPST.
Ce tableau illustre le fait évident que les organismes de recherche sont avant tout
des "financeurs de matière grise", les dépenses de personnel statutaire représentant
l'essentiel de leurs budgets (le cas atypique de l'INRIA s'explique par le fait que près de
la moitié des personnels qui y travaillent sont des personnels non statutaires, rémunérés
notamment sur ressources propres).
La première section des budgets des EPST représente donc une part relativement
incompressible, en tout cas à court terme, des dépenses totales. La deuxième section est
la plus modeste. Il est dès lors évident que les ajustements budgétaires éventuels sur
crédits publics peuvent se faire presque exclusivement sur la troisième section. Les
ressources de valorisation encaissées par les organismes, qui s'imputent pour l'essentiel
sur cette dernière, pourraient donc, d'une certaine manière, relayer les crédits publics,
bien qu'elles constituent encore une part minoritaire de cette troisième section.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
17
(données 1994, en
millions de francs)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Recettes de la 3
ème
section
2 744 M.F.
918 M.F.
889 M.F.
228 M.F.
Total des ressources de
valorisation
572 M.F.
332 M.F.
144 M.F.
66 M.F.
Part des ressources de
valorisation par rapport
aux recettes de la 3
ème
section
21%
36%
16%
29%
Données issues des comptes financiers 1994 des EPST.
Bien que la troisième section regroupe l'ensemble de moyens (hors personnels
permanents) affectés aux activités de recherche dans les laboratoires, les crédits ouverts
par les EPST à leurs équipes de recherche ne correspondent pas à la totalité des moyens
de cette section : les crédits de travaux immobiliers qui y figurent, notamment, ne sont
pas répartis entre laboratoires. En conséquence, au sein des crédits mis à disposition des
unités de recherche, les ressources de valorisation occupent une part relative beaucoup
plus importante que sur la totalité des ressources de la troisième section.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
18
Par exemple, à l'INRA, les crédits ouverts aux structures de recherche en 1994 se
décomposaient ainsi :
CRÉDITS OUVERTS AUX STRUCTURES DE RECHERCHE EN 1994
(en millions de francs)
Soutien de base provenant de l'Etat, et
actions d'intervention sur programme
249 M.F.
44%
Crédits
"INRA" :
Crédits de matériel moyen et lourd
38 M.F.
7%
51%
Soutien de base sur ressources propres
( = redevances, analyses et prestations
de services, recettes agricoles)
127 M.F.
22%
Crédits provenant de contrats de
recherche d'origine publique (hors
cofinancements de travaux
immobiliers)
112 M.F.
20%
Ressources
extérieures :
49%
Crédits provenant de contrats de
recherche d'origine privée
42 M.F.
7%
TOTAL
568 M.F.
100%
100%
On observe une répartition assez comparable entre ressources sur subventions et
ressources extérieures dans d'autres EPST, notamment à l'INSERM.
Les directeurs d'unité de recherche , qui ne disposent directement que des crédits
de troisième section qui leur sont ouverts, pourraient donc avoir l'impression que les
moyens dont ils bénéficient pour faire fonctionner leurs laboratoires sont issus pour
moitié seulement de leur établissement de rattachement. Ce serait oublier que les
rémunérations des personnels représentent la majeure partie des dépenses effectuées au
profit des laboratoires.
Cette répartition à peu près égale entre ressources sur subventions de base et
ressources extérieures couvre évidemment des disparités fortes entre laboratoires. D'un
établissement à l'autre et d'une unité de recherche à l'autre, les ressources extérieures des
laboratoires peuvent se situer dans une fourchette allant de 0 à 5 fois le soutien de base
sur subventions attribué par l'EPST.
Les disparités semblent être les plus importantes dans l'établissement dont les
activités sont le plus hétérogènes, le CNRS. Ainsi, alors que dans les trois autres EPST,
la majorité des unités de recherche est impliquée dans des activités de valorisation
connues de l'établissement, au CNRS ce sont moins de 400 unités, sur un total supérieur
à 1500, qui ont contracté avec des entreprises en 1994. Il faut toutefois remarquer que
cette très faible proportion (un quart des unités ayant des relations contractuelles
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
19
répertoriées avec des entreprises) s'explique en grande partie par un phénomène propre
au département des sciences de l'homme et de la société : ce département, qui regroupe
à lui seul plus du tiers du total des unités du CNRS, ne contracte qu'exceptionnellement
avec des entreprises : en 1994, ce fut le cas de 5 % des unités du département
seulement.
II. - LA GESTION DES RESSOURCES
La forte progression de leurs ressources de valorisation, depuis une quinzaine
d'années, a incité les EPST à modifier leur mode d'évaluation et de gestion de ces
ressources, tant en recettes qu'en dépenses. Les équipes de recherche et les services de
valorisation savent de mieux en mieux évaluer, d'une part les montants de redevances
qu'ils sont en mesure d'obtenir des entreprises auxquelles ils concèdent des licences
d'exploitation, d'autre part les financements qu'ils peuvent négocier pour couvrir tout ou
partie des coûts d'exécution des programmes de recherche qu'ils mènent en partenariat.
Les mécanismes de prise en charge des dépenses sur ressources de valorisation ont fait
l'objet, dans tous les établissements, de transformations notables par rapport à ce qui
prévalait à la fin des années soixante-dix.
.
A.
-
L'EVALUATION
DES
COUTS
DES
CONTRATS
DE
RECHERCHE
Les contrats de recherche, par lesquels les laboratoires publics exécutent des
programmes de recherche pour le compte de leurs partenaires ou en collaboration avec
ces derniers, apportent aux EPST la majeure partie de leurs ressources de valorisation.
L'importance croissante de cette forme de valorisation a conduit tous les établissements
à élaborer, à l'usage de leurs équipes de recherche, des grilles de calcul du coût des
prestations qu'ils assurent dans le cadre de partenariats.
Le calcul du coût des contrats de recherche
La connaissance du coût réel, pour les organismes de recherche, des travaux
qu'ils mènent en collaboration avec leurs partenaires ou pour leur compte, est
indispensable pour deux raisons :
- la prise en compte du coût réel d'une recherche faisant l'objet d'un contrat de
partenariat permet d'éviter de donner à des tiers des avantages économiques injustifiés ;
- l'attribution de la propriété industrielle des résultats d'une collaboration et le
partage des retombées financières de ces résultats sont souvent effectués en fonction des
apports respectifs de chaque partenaire.
Mais les EPST - sauf l'INRIA - ne disposent pas à l'heure actuelle de véritable
système de suivi analytique de l'activité des unités de recherche. Dans ces conditions, le
coût d'une recherche est plus évalué que calculé.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
20
a)
L'évaluation du coût des programmes de recherche
Cette évaluation peut théoriquement se faire selon deux méthodes : soit au coût
dit marginal (on ne prend alors en compte que le coût supplémentaire induit, à la marge,
par la réalisation du programme de recherche dans le laboratoire qui en est chargé), soit
au coût dit complet (lequel intègre, non seulement le coût marginal du programme de
recherche , mais aussi une partie des coûts fixes engendrés par l'existence même et le
fonctionnement du laboratoire - coûts qui comprennent en particulier les frais de
personnel permanent).
Les financeurs institutionnels des programmes de recherche des EPST peuvent
admettre, ou imposer, diverses modalités de calcul du coût des programmes qu'ils
contribuent à financer. Ainsi, alors que les ministères, notamment le ministère chargé de
la recherche, n'acceptent que le calcul au coût marginal, en revanche la Communauté
européenne prend en considération deux modes de calcul, au coût marginal ou au coût
complet. Les financements contractuels qu'elle apporte peuvent aller jusqu'à 100 % du
coût marginal, ou 50 % du coût complet. Or, le calcul au coût marginal ne fait pas
apparaître le coût en personnel permanent, alors que celui-ci constitue la dépense
majeure dans le coût d'une recherche : faire financer à 100 % le surcoût est donc moins
avantageux que faire financer à 50 % la totalité du coût d'une opération de recherche .
C'est la raison pour laquelle l'INRA, notamment, qui bénéficie de nombreux contrats sur
crédits communautaires, cherche à l'heure actuelle à généraliser une méthode de calcul
en coût complet.
Chacun des EPST est passé progressivement - ou passe actuellement - d'un
système d'évaluation du coût marginal des recherches à un système de calcul au coût
complet. Ce dernier intègre :
- les coûts spécifiquement imputables au programme (fonctionnement,
vacations, contrats à durée déterminée...) ;
- les coûts des personnels permanents impliqués dans le projet, lesquels sont
calculés sur des bases qui varient sensiblement d'un établissement à l'autre :
- au
CNRS
, le calcul du coût en personnel des recherches est effectué à partir du
"coût moyen d'un chercheur" dit "environné", dans lequel on attribue au chercheur le
coût moyen de tout son environnement : à la rémunération moyenne d'un chercheur est
ajoutée le coût de son "environnement scientifique" (rémunérations des personnels ITA
- ingénieurs, techniciens, administratifs - qui travaillent autour de lui, coût hors
personnel du fonctionnement des laboratoires), ainsi qu'une quote-part des "frais
généraux" du Centre (administration, gestion, opérations immobilières).
Différents correctifs ou nuances sont apportés à ce mode général de calcul :
d'une part, les budgets des secteurs de l'astronomie et de la physique nucléaire et
corpusculaire sont exclus des bases de calcul ; d'autre part, le coût moyen du chercheur
est décliné en cinq catégories, correspondant aux différents grades de chercheurs qui
existent, et pondéré par le "nombre d'heures affectables à la recherche " par chacune de
ces catégories (un chercheur débutant est considéré comme consacrant 72 % du temps
total pendant lequel il est payé à la recherche , alors qu'un directeur de recherche de
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
21
classe exceptionnelle n'est supposé y affecter que 37 % de son temps). Par ailleurs, ce
calcul n'est fait qu'à partir du budget primitif de l'établissement, pour l'année en cours.
Ces calculs conduisent, pour 1994, à des coûts annuels de chercheurs environnés
(HT) allant de 765 000 F à 1 125 000 F ; la pondération par le temps affectable à la
recherche conduit à une fourchette de coûts horaires encore plus large : de 500 F à
1 500 F.
- à l'
INSERM
, les principes généraux de calcul reposent sur les mêmes bases
qu'au CNRS, mais il existe deux grilles de "coût annuel moyen du chercheur
environné". Dans les contrats négociés par le service de valorisation de l'Institut n'est
pris en compte qu'un unique coût annuel moyen du chercheur environné : ce coût n'est
pas décliné en fonction des grades des chercheurs, et n'est pas non plus pondéré par le
nombre d'heures affectables à la recherche. Ce coût moyen se situe dans le bas de la
fourchette des coûts annuels observés au CNRS, et est actuellement de l'ordre de 750
000 F (HT). En revanche, dans les contrats négociés par le service du financement de la
recherche de l'Institut, le coût moyen du chercheur est décliné, en fonction des grades,
en cinq catégories, comme au CNRS, et la fourchette des coûts est sensiblement la
même qu'au CNRS ;
- à l'
INRA
, le mode de calcul des coûts complets d'une recherche se différencie
de la pratique du CNRS et de l'INSERM sur deux points essentiels : l'Institut calcule,
non seulement le coût du "chercheur environné", mais aussi celui de "l'ingénieur
environné", ce qui conduit à distinguer quatre catégories, allant du coût moyen de
l'ingénieur d'études à celui du directeur de recherche ; d'autre part, l'INRA établit ces
coûts par département de recherche , et non globalement pour l'ensemble des équipes de
l'Institut. Les coûts moyens ainsi calculés se situent, pour les chercheurs, dans une
fourchette (HT) allant de 900 000 F à 1 500 000 F.
On peut regretter qu'une harmonisation n'ait pas été recherchée, dans les modes
de calcul du coût des programmes de recherche, entre établissements, et parfois au sein
même d'un établissement.
b)
La négociation du financement des contrats de recherche
En sus de la grande difficulté qu'il y a à évaluer a priori le coût réel d'un
programme de recherche, difficulté dont font état tous les responsables d'équipes de
recherche, deux éléments viennent obscurcir encore la question de la juste contribution
des partenaires industriels des EPST au coût des recherches menées à leur demande ou
en collaboration avec eux.
- D'une part, le montant financier des contrats est en réalité toujours négocié
avec le partenaire qui en supportera la charge et, dans cette négociation, l'appréciation a
priori du coût de la recherche n'est qu'un élément.
La capacité contributive du partenaire en est un autre. On peut citer à cet égard
tout particulièrement l'INRA, qui a le handicap d'avoir en face de lui, d'une part des
secteurs industriels qui investissent peu en recherche, du moins en France - les
industries agro-alimentaires, et d'autre part le secteur agricole, qui est à la fois fortement
subventionné et peu habitué à payer pour le transfert de nouvelles techniques : il n'est
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
22
donc pas toujours question pour l'INRA de facturer véritablement ses prestations ou ses
collaborations.
Il peut pourtant se révéler parfois essentiel que le prix de revient d'une
collaboration de recherche soit évalué au plus près, surtout quand par exemple, comme
c'est le cas au CNRS, certains contrats prévoient un plafonnement des redevances
susceptibles d'être versées au Centre, au montant de son apport à la recherche commune,
et qu'ils retiennent par défaut un montant équivalent à l'apport de l'industriel comme
apport du CNRS. Toute sous-estimation du coût de la recherche entraîne alors
mécaniquement un risque pour le CNRS. Or, curieusement, le CNRS semble être le seul
EPST à considérer, aux termes d'une instruction interne de 1985, que "
l'évaluation du
coût d'un contrat de recherche n'a pas un caractère contractuel et
[
que
]
la fiche
d'évaluation ne doit pas être annexée au contrat
". A l'INRA et à l'INSERM, au
contraire, les fiches de calcul des coûts sont systématiquement jointes aux contrats.
- D'autre part, l'enquête de la Cour n'a pas permis de mettre en évidence
l'existence, dans les EPST, d'un mécanisme de calcul
a posteriori
du coût des
recherches sur contrats. La négociation en amont d'un contrat fixe donc définitivement,
en règle générale, les contributions respectives des partenaires. Si ce mécanisme de
calcul
a posteriori
existait, il rendrait évidemment plus fondamentale la réflexion sur la
part en coûts de personnels des contrats de recherche.
c)
Le rôle parfois pernicieux des règles de calcul imposées par certains
partenaires des EPST
Malgré l'intérêt - incontestable - d'une évaluation systématique du coût des
recherches selon la méthode du coût complet, vers laquelle s'acheminent les EPST, il
n'est pas certain que toutes les conséquences de cette évaluation puissent être tirées par
les établissements.
En effet, les exigences de certains financeurs potentiels des contrats de recherche
peuvent s'opposer à l'application du calcul au coût complet : en particulier le ministère
chargé de la recherche n'admet que les évaluations au coût marginal, hors salaires des
personnels permanents - tel est le cas dans l'attribution des aides du FRT (Fonds de la
recherche et de la technologie) notamment. Cette position a deux conséquences : d'une
part, elle oblige les EPST, qui souhaitent fortement que leurs équipes de recherche
intègrent de plus en plus le principe de calcul en coût complet, à maintenir en parallèle
deux systèmes d'évaluation du coût des programmes de recherche ; d'autre part, elle
place les EPST en situation de faiblesse vis-à-vis de certains de leurs partenaires privés,
lorsqu'ils réalisent avec eux des programmes de recherche en partie financés par des
fonds publics. Un exemple illustre le danger auquel les établissements sont alors
exposés :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
23
- dans un contrat signé en 1995 entre l'INRA et un groupe agro- alimentaire, il
était convenu que la propriété des résultats de la recherche menée en collaboration
appartiendrait à celui des deux partenaires qui apportait le financement majoritaire.
L'entreprise revendiqua la propriété des résultats sur la base des apports financiers
suivants : pour un coût total de recherche évalué à 1 125 000 F (HT), l'INRA n'était
supposé apporter que 354 000 F, la contribution de l'entreprise étant de 771 000 F.
En réalité, les financements se répartissaient ainsi :
- INRA : 354 000 F ;
- entreprise : 434 000 F ;
- fonds du ministère de la recherche versés à l'entreprise : 434 000 F (dont
210 000 F destinés à être reversés par l'entreprise à l'INRA).
Le financement sur fonds publics était donc majoritaire.
Or, si elle avait été acceptée par l'INRA, la revendication de la propriété des
résultats par l'entreprise, sur l'argument de financements passés en majorité par une
caisse privée, aurait eu pour conséquence de risquer de fausser la concurrence entre
entreprises du même secteur, car elle pouvait permettre à l'entreprise détentrice des
droits de propriété de bloquer les applications de l'invention sur d'autres produits que les
siens.
Les revendications de cette entreprise mettent en lumière l'ambiguïté du "statut"
des crédits publics destinés à soutenir les projets de recherche ou d'innovation à finalité
industrielle :
1. Les ministères attribuent souvent les fonds d'aide à la recherche aux
industriels eux-mêmes, à charge pour ces derniers d'en rétrocéder une partie à leurs
partenaires publics de recherche ; pour autant, les pouvoirs publics ne semblent pas
manifester unanimement la volonté que ces crédits ne cessent d'être considérés comme
publics. Au contraire, en réponse aux interrogations de la Cour, le ministère chargé de la
recherche a même indiqué qu'il considérait ces crédits comme étant "des fonds privés
par destination" ; le ministère chargé du budget a cependant exprimé un avis contraire.
2. Le mode de présentation des demandes d'aides auprès du ministère chargé de
la recherche opacifie l'analyse du financement respectif apporté par chacun des
partenaires, puisqu'il est imposé que les demandes soient présentées
hors salaires
versés sur fonds publics.
Si l'on conçoit que les ministères souhaitent isoler clairement, au sein du coût
des programmes de recherche en collaboration qu'ils contribuent à financer, les
rémunérations des personnels statutaires - qu'ils n'ont aucune raison de subventionner
deux fois - on ne saurait comprendre qu'ils refusent de mettre en évidence ces mêmes
rémunérations dans les contrats d'aide financière qu'ils signent avec des entreprises.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
24
Car il suffit alors au partenaire privé de se fonder sur le chiffrage figurant dans le
dossier d'aide du ministère chargé de la recherche pour faire surgir une illusion
d'optique, au détriment des organismes publics et des crédits publics.
2° Les "prélèvements pour frais de gestion" pratiqués par les EPST
Dans tous les EPST, les recettes provenant des contrats de recherche sont pour
l'essentiel créditées aux laboratoires chargés de l'exécution des programmes
correspondants. L'intégralité du montant des recettes contractuelles n'est cependant pas
reversée, sauf à l'INRIA, puisque les EPST pratiquent un système de "prélèvement pour
frais de gestion" sur cette catégorie de recettes.
Le taux de "prélèvement pour frais de gestion" ainsi appliqué par chacun des
EPST varie de l'un à l'autre, et plusieurs taux peuvent même être appliqués par le même
organisme.
Ainsi, l'INSERM applique, sur les recettes contractuelles provenant de ses
partenaires industriels, un taux de 4,4 %, alors que ce taux est de 5 % au CNRS.
L'INRA pratique des taux allant de 0 à 10 % selon l'organisme financeur :
- 0 % lorsqu'il s'agit d'une collectivité territoriale,
- 4 % lorsqu'il s'agit du ministère chargé de la recherche,
- 5 % lorsqu'il s'agit d'un autre ministère ou de la Communauté européenne,
- 10 % lorsqu'il s'agit d'organismes privés.
Ces différences de taux sont imposées à l'INRA par les partenaires des contrats
de recherche, tout particulièrement les partenaires publics. La disparité des taux ainsi
pratiqués recèle un paradoxe, puisque ce sont les partenaires qui fixent d'autorité les
taux les plus faibles qui ont les exigences les plus grandes en matière de justification de
l'emploi des fonds, et qui imposent de ce fait les tâches de gestion les plus lourdes.
L'INRIA, qui a mis en place un système de suivi analytique de l'activité de ses
unités de recherche lui permettant d'évaluer le coût complet de ses programmes de
recherche , ne pratique pas de prélèvement sur les ressources contractuelles de ses
unités : il considère en effet que l'utilisation, dans les calculs de coûts des contrats, des
"coûts en personnels environnés", permet d'inclure notamment les frais de gestion des
ressources contractuelles, qui sont devenues une donnée de base de la gestion de
l'établissement. Les coûts effectifs de gestion des ressources contractuelles sont donc
assumés globalement par l'Institut.
Le CNRS a pris récemment une orientation différente de celle de l'INRIA :
considérant que le surcoût de fonctionnement engendré par l'exécution des contrats doit
être supporté par les unités de recherche à concurrence des contrats de recherche
qu'elles exécutent, il a mis en place, en comptabilité analytique, un mécanisme de
"participation au fonctionnement général de l'unité", dont l'esprit reste celui d'un
prélèvement sur le montant global de chaque contrat.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
25
Les taux de prélèvement pour frais de gestion, lorsqu'ils sont pratiqués, sont dans
l'ensemble modestes (hormis dans le cas des financements contractuels d'origine privée
de l'INRA). Il n'est pas certain, de toutes façons, qu'il soit si aisé pour les EPST de
calculer "le" véritable taux de frais de gestion de leurs ressources contractuelles.
Une réflexion organisée sur les fondements et les taux des prélèvements pour
frais de gestion effectués par les EPST est donc indispensable. C'est en effet sur
l'argument de frais de gestion excessifs que se fondent de nombreux laboratoires ou
chercheurs pour avoir recours à des associations qui, avec des frais de gestion
artificiellement minorés, collectent des ressources contractuelles qui sortent du circuit
des comptables publics et les administrent dans des conditions mal contrôlées,
susceptibles d'exposer les responsables au risque d'être déclarés comptables de fait de
deniers publics.
.
B.
-
LES
TECHNIQUES
BUDGETAIRES
ET
COMPTABLES
La part importante prise par les ressources de valorisation au sein de la troisième
section du budget des EPST - section à partir de laquelle sont attribuées aux laboratoires
les dotations globalisées leur permettant de fonctionner - a conduit les EPST à élaborer
des modes d'attribution et de gestion de ces ressources qui, sur certains points, divergent
du droit commun de la gestion des crédits dans la plupart des établissements publics.
Les techniques de gestion des ressources contractuelles
Alors qu'à l'origine les financements issus des contrats de recherche étaient
toujours inscrits en "ressources affectées", des procédures de simplification de la gestion
budgétaire et comptable de ces financements ont été mises en oeuvre dans tous les
établissements, en général dès le milieu des années quatre-vingt.
Dans bon nombre de cas pourtant, les recettes contractuelles répondraient à la
définition des ressources affectées : la recette a une affectation précise, le montant de la
recette est égal à la charge de l'établissement, la recette n'est définitivement acquise que
lorsque l'établissement a effectué la dépense correspondante. Mais la lourdeur de la
technique budgétaire et comptable des ressources affectées est apparue dissuasive, au
moment de la montée en puissance des activités contractuelles dans tous les
établissements. On a donc " banalisé" tout ou partie des dépenses et recettes sur
contrats.
Ce faisant, on a donc autorisé les EPST à déroger aux règles en vigueur dans les
établissements publics à caractère administratif (EPA), auxquels se rattachent les EPST,
par des textes dont la force juridique est parfois insuffisante. Ainsi, c'est une simple note
du contrôleur financier des EPST qui a permis à certains d'entre eux, dès 1984, de ne
plus appliquer la technique des ressources affectées aux ressources contractuelles de
valorisation. La direction de la comptabilité publique n'a pas apporté à la Cour
d'éclaircissements convaincants sur les fondements des choix qu'elle a faits en ce
domaine. Il apparaît en effet qu'hormis la possibilité de suivi extra- comptable, dont la
mise en place et les modalités sont laissées à l'appréciation de chaque établissement, il
n'existe plus de technique de suivi comptable des ressources contractuelles présentant à
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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la fois la fiabilité de son insertion dans la comptabilité générale et la souplesse
d'utilisation que requièrent désormais ces ressources.
Les dépenses liées à l'exécution des contrats de recherche sont désormais
imputées aux chapitres budgétaires et aux comptes de charges par nature et au fur et à
mesure de leur réalisation. Les recettes sont, dès l'origine, considérées comme des
produits de l'établissement et leur inscription au budget suit les mêmes règles que les
autres recettes.
Font encore exception à cette pratique les contrats pour lesquels les bailleurs de
fonds exigent des relevés de dépenses certifiés par l'agent comptable ; il s'agit d'une
façon générale des conventions passées avec les collectivités publiques (Communauté
européenne, ministères, collectivités territoriales, etc.). La proportion des contrats de
recherche suivis selon la technique des ressources affectées varie donc, d'un
établissement à l'autre, en fonction de la proportion respective de personnes publiques et
privées avec lesquelles sont passés les contrats. Ainsi, à l'INRA, près de la moitié des
contrats de recherche sont suivis selon la technique des ressources affectées, alors que
l'INSERM recourt peu à cette méthode ; le CNRS et l'INRIA ont totalement abandonné
cette technique pour le suivi des dépenses sur contrats de recherche.
Même lorsque les recettes contractuelles sont "budgétisées", subsiste l'obligation
de rendre compte, par la tenue d'un suivi extracomptable de type analytique, de façon à
vérifier le respect de l'affectation des crédits, et à répondre aux exigences formulées par
les bailleurs de fonds. Dans la réalité, il n'est pas assuré qu'un véritable suivi
individualisé des dépenses par contrat de recherche soit partout opéré : le principe de la
globalisation des crédits au niveau des projets l'a emporté sur l'exigence de suivi
extracomptable.
On peut toutefois relativiser ce défaut apparent en remarquant que, de toute
façon, le suivi comptable, lorsqu'il existe - notamment à l'INRA, pour les contrats suivis
en ressources affectées -, n'inclut aucune dépense de personnel permanent. Ce suivi
comptable n'a alors qu'une validité toute relative, en ne pouvant rendre compte que de
l'exécution du coût marginal des contrats. Or le coût marginal, hors personnel
permanent, n'a pratiquement pas d'intérêt véritable, lorsqu'il s'agit de suivre des
opérations pour lesquelles l'essentiel des dépenses consiste en temps passé par les
personnels de recherche. L'unique intérêt de ce suivi consiste à pouvoir communiquer
des certificats comptables - qui ne retracent pas nécessairement la réalité des dépenses
liées au contrat auquel ils se rapportent - à des financeurs qui estiment indispensable
d'en disposer pour verser les fonds qu'ils ont promis.
En réponse aux interrogations de la Cour sur la justification de l'abandon
presque total de la technique des ressources affectées, les établissements sur lesquels a
porté l'enquête de la Cour ont fait valoir un argument qui témoigne de l'évolution
notable de la nature des relations qu'ils nouent avec leurs partenaires industriels. De plus
en plus, les travaux sur contrats menés en partenariat avec l'industrie s'intègrent dans les
programmes de recherche des laboratoires publics. Une telle imbrication incite à
négocier les financements industriels, plus qu'à présenter une facturation aussi exacte
que possible du coût d'exécution de la recherche menée en collaboration : entrent alors
en considération, non seulement ce coût d'exécution - à supposer que les organismes
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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publics de recherche soient en mesure de l'évaluer précisément -, mais aussi d'autres
facteurs tels que la renommée de l'équipe publique concernée, ... ou ses besoins de
financement. Dans ces conditions, l'application de la technique des ressources affectées,
qui impose de justifier précisément les dépenses effectuées au niveau exact des
ressources prévues contractuellement, ne peut que revêtir un aspect très artificiel.
En revanche, l'utilisation de la technique des ressources affectées a un avantage
inattendu : en raison du fait que, dans le cadre de cette technique, la recette budgétaire
n'est constatée qu'à mesure de l'utilisation des fonds par l'établissement, les ressources
ainsi suivies ne donnent pas lieu à reports de crédits entre deux années budgétaires. Tel
n'est pas le cas pour les ressources contractuelles dont le suivi est "banalisé", et qui font
l'objet, le cas échéant, de reports de crédits : ceci est particulièrement vrai pour les
contrats avec l'industrie, souvent pluriannuels, et dont l'échéancier de versement des
fonds à l'EPST précède en général le calendrier d'exécution des dépenses. Ainsi sont
créés en fin d'exercice des reports "structurels", dont la masse s'est accrue parallèlement
au montant des ressources contractuelles d'origine industrielle collectées par les
établissements. Or les autorités de tutelle financière des EPST ont parfois la tentation,
lorsqu'elles établissent le montant des crédits de paiement sur subvention d'Etat qu'elles
proposent au Parlement d'allouer aux établissements, de minorer ce montant si le niveau
des reports de crédits est élevé.
L'attribution aux laboratoires des ressources de valorisation
a)
Le rattachement des ressources de valorisation au budget des EPST
Par définition, une partie des ressources provenant de la valorisation ne peut être
inscrite au budget de l'organisme qu'en cours d'année, et donc par décision modificative.
La nouvelle instruction codificatrice M9-1 du 1er janvier 1996, qui a modifié la
répartition des rôles entre les ordonnateurs et les conseils d'administration des
établissements publics administratifs et des EPST, en précisant que les décisions
budgétaires modificatives relèvent de la compétence des ordonnateurs, et sont ensuite
soumises pour information aux conseils d'administration, est en contradiction avec la
teneur actuelle des décrets relatifs à l'organisation des EPST, qui prévoient tous que les
décisions modificatives comportant une modification du montant global du budget
relèvent du seul conseil d'administration des établissements.
b)
La part des ressources de valorisation attribuées aux laboratoires
Les ressources de valorisation - constituées pour l'essentiel par les versements
des partenaires des contrats de recherche et par les redevances - ne sont pas en totalité
attribuées aux laboratoires qui en sont à l'origine.
Selon les établissements, et selon la nature des ressources, la part dont
bénéficient les équipes de recherche peut varier sensiblement :
- les recettes provenant des contrats de recherche sont pour l'essentiel créditées
aux laboratoires chargés de l'exécution des programmes correspondants. L'intégralité du
montant des recettes contractuelles n'est cependant pas reversée, sauf à l'INRIA, puisque
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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les autres EPST pratiquent un système de "prélèvement pour frais de gestion" au profit
de l'établissement ;
- les recettes de redevances connaissent un sort plus contrasté d'un établissement
à l'autre :
- Au CNRS et à l'INSERM, ces recettes sont partagées entre l'établissement,
l'unité de recherche dont les résultats ont engendré des redevances, et les inventeurs,
selon une grille de répartition en vigueur depuis la fin des années soixante-dix :
- 50 % sont conservés par l'EPST ;
- 25 % sont attribués à l'unité de recherche ;
- 25 % sont réservés à l'intéressement des inventeurs ;
- A l'INRA et à l'INRIA, qui n'ont pas jusqu'en 1996 pratiqué l'intéressement
de leurs personnels, les redevances font en revanche l'objet de traitements différents. A
l'INRIA, les redevances ne sont pas affectées aux laboratoires, et c'est "l'esprit de
mutualisation" au profit de l'ensemble de l'établissement qui prévaut. A l'INRA,
plusieurs mécanismes se côtoient : les redevances sur contrats de licences sont
entièrement reversées aux laboratoires, sauf si la redevance annuelle est supérieure à
100 000 F (le taux de reversement est alors fixé au cas par cas) ; les redevances sur
obtentions végétales ne sont en revanche pas affectées aux laboratoires.
Une telle diversité dans les choix faits par les EPST est révélatrice des débats qui
agitent la communauté scientifique sur les rapports entre les missions inventives dont
sont investis par nature les personnels de recherche, et les retombées personnelles qu'ils
peuvent ou veulent en attendre, soit à titre individuel, soit au profit de leurs propres
équipes.
c)
La mise à disposition des crédits sur ressources de valorisation
Dans tous les établissements, la part des ressources de valorisation destinée aux
unités leur est versée sous forme de dotation complémentaire à leur budget.
Toutefois, l'échéancier de mise en place de ces crédits n'a pas toujours été conçu
à l'identique par tous les EPST. Alors que, jusqu'en 1990, les recettes contractuelles
étaient partout mises à la disposition des unités, annuellement, selon l'échéancier prévu
au contrat, le CNRS a modifié ce dispositif à partir de 1991. Ses laboratoires se virent
alors octroyer le montant total pluriannuel du contrat, dès lors que ces recettes
contractuelles étaient considérées comme "certaines" : on appliquait ainsi aux recettes
contractuelles un raisonnement en "autorisations de programme", pluriannuelles, et non
plus en "crédits de paiement", annuels.
La raison de cette modification résidait dans l'idée qu'il fallait que l'ensemble des
notifications de dotation aux unités fussent faites de manière homogène, quelle que fût
l'origine des fonds : donc en autorisations de programme, puisque telle était la technique
retenue par le CNRS pour notifier leurs crédits à ses unités. Les effets pervers de ces
dispositions sont évidemment rapidement apparus, puisque les gestionnaires ont
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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considéré que les crédits mis en place à la signature des contrats pouvaient être dépensés
dès lors que la recette future apparaissait comme certaine. Le décalage entre des
autorisations pluriannuelles et des recettes réelles rapportées à l'exercice s'est fait sentir
douloureusement lorsque l'écart entre les autorisations de programme et les crédits de
paiement des dotations budgétaires du CNRS s'est répercuté sur les moyens de paiement
de l'établissement.
Le CNRS a donc été contraint de faire marche arrière en 1995, adoptant dès lors
une procédure encore plus restrictive que celle qui n'avait cessé d'être en vigueur dans
les autres EPST : alors que les autres établissements font annuellement l'avance de leurs
ressources extérieures à leurs unités, de façon que celles-ci puissent disposer
immédiatement des fonds leur permettant de faire démarrer ou de poursuivre les
programmes de recherche qui font l'objet des contrats, les laboratoires du CNRS n'ont
été autorisés à engager des dépenses au titre de recettes contractuelles qu'à la date
d'émission de l'ordre de recette correspondant à l'échéancier prévu dans chaque contrat.
Il ne leur est donc plus possible d'anticiper la mise en place des crédits de paiement sur
ressources propres et d'engager par exemple, dès le début de l'année, une tranche
contractuelle dont l'échéancier prévoit l'ordre de recette en cours d'année.
Dans les établissements autres que le CNRS, qui de fait font l'avance à leurs
unités de recherche des fonds prévus aux échéanciers annuels des contrats (en
application de l'instruction de la direction de la comptabilité publique du 18 mai 1993),
ces avances de crédits posent néanmoins le problème de leur couverture.
L'existence d'un éventuel décalage entre recettes et dépenses ne peut toutefois
être décelé et analysé globalement, en ce qui concerne les contrats entièrement
"budgétisés", puisque par définition les recettes correspondantes sont fondues dans les
dotations globales des unités, et qu'il n'existe en général pas de suivi extra-budgétaire
précis et fiable qui permette de retracer les dépenses correspondantes. En revanche, un
décalage éventuel peut être décelé lorsque les contrats sont suivis selon la technique des
ressources affectées : à l'INRA, qui est l'établissement recourant le plus à cette
technique, ce décalage existe, au détriment de l'établissement, et a une incidence
négative sur la trésorerie de l'établissement, notamment pour les contrats de recherche
financés par des crédits provenant du ministère chargé de la recherche. L'explication
d'un tel décalage peut être, soit que les dépenses effectuées par les laboratoires sont plus
rapides que ce que prévoit l'échéancier du contrat, soit que les versements sont tardifs
par rapport à l'échéancier prévu, ou encore peut être la résultante de ces deux
phénomènes sur l'ensemble des contrats.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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DEUXIEME PARTIE : LES INSTRUMENTS DE LA
VALORISATION
La loi du 15 juillet 1982, faisant figurer désormais la valorisation des résultats de
la recherche au rang des missions des organismes publics de recherche , définissait en
même temps un cadre général approprié à cette mission : elle incitait les établissements
à se doter de structures administratives internes chargées de piloter l'ensemble des
activités de valorisation, et elle ouvrait aux EPST des possibilités juridiques nouvelles
susceptibles de les engager sur les voies de partenariats originaux, en leur laissant le
soin de développer les outils et méthodes requis pour élargir les possibilités de transfert
entre recherche publique et acteurs de la vie économique et sociale.
I. - LES STRUCTURES
La loi du 15 juillet 1982 contient, concernant les structures pouvant être mises
en place par les EPST à fin de valorisation, des dispositions novatrices par rapport aux
pratiques qui existaient jusqu'à son entrée en vigueur :
- article 19 : "
Les établissements publics à caractère scientifique et
technologique sont autorisés, par arrêté du ministre chargé de la tutelle, en tant que de
besoin, à prendre des participations, à constituer des filiales, à participer à des
groupements (...)"
;
- article 21 : "
Des groupements d'intérêt public dotés de la personnalité morale
et de l'autonomie financière peuvent être constitués entre des établissements publics
ayant une activité de recherche et de développement technologique, entre l'un ou
plusieurs d'entre eux et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit
privé pour exercer ensemble, pour une durée déterminée, des activités de recherche ou
de développement technologique (...)".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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Le rapport annexé à la loi de 1982 précisait, dans un chapitre intitulé
"L'amélioration des conditions de valorisation des recherches", les moyens de la
valorisation :
"
Un service de valorisation sera créé dans chaque organisme de recherche.
Doté de moyens propres, il aura pour fonction d'assurer les conditions du meilleur
dialogue avec l'environnement social et économique, de mettre au point les modalités
de coopération et d'échange les mieux adaptées et de garantir les intérêts des
chercheurs et de l'organisme (...).
"
Les établissements publics à caractère scientifique et technologique pourront,
soit créer des sociétés de valorisation, soit, à l'instar des établissements industriels et
commerciaux, prendre des participations et constituer des filiales. La création de
groupements d'intérêt public facilitera la diffusion et le transfert des connaissances. Ces
formules nouvelles élargiront les possibilités de valorisation des résultats de la
recherche publique
."
Ces possibilités ont effectivement été mises en oeuvre par les EPST.
.
A.
-
LES
STRUCTURES
PROPRES
AUX
ETABLISSEMENTS
Dans le domaine de la valorisation, comme pour ce qui concerne l'ensemble des
orientations choisies et suivies par les EPST, les pouvoirs de décision sont répartis, aux
termes des textes réglementaires organisant les établissements, entre les organes
délibérants, la direction et les services administratifs des organismes.
Les organes délibérants
A la suite de la promulgation de la loi du 15 juillet 1982, les décrets érigeant
certains des organismes publics de recherche en EPST intégrèrent des dispositions
relatives à la valorisation, reprenant pour l'essentiel celles qui étaient contenues dans la
loi du 15 juillet 1982. S'y ajoutèrent des dispositions confiant aux organes délibérants
des établissements (conseils d'administration et conseils scientifiques) des attributions
dans le domaine de la valorisation - ces attributions nouvelles allant de pair avec
l'élargissement de la composition des conseils à des représentants du monde des
entreprises.
Aux termes de ces décrets, les conseils d'administration, qui à travers leurs
délibérations relatives au budget et au rapport annuel d'activité des établissements, se
prononcent nécessairement sur sa politique de valorisation, doivent en outre délibérer
sur :
- la participation de l'établissement à des groupements d'intérêt public (GIP)
(sauf dans le décret relatif au CNRS) ;
- les créations de filiales et les prises, cessions et extensions de participations
financières.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Le rôle des conseils scientifiques est plus variable d'un décret à l'autre : soit ils
n'ont aucune attribution dans le domaine de la valorisation (comme à l'INRA ou à
l'INRIA), soit il doivent donner leur avis sur les grandes orientations de la politique
scientifique, notamment en matière de valorisation et d'application de la recherche
(comme à l'INSERM ; et comme au CNRS jusqu'en 1989) ; dans un seul cas (à
l'INSERM) le conseil scientifique doit de plus être consulté sur les créations de filiales
et les prises de participation.
En principe, donc, la mise en oeuvre des activités de valorisation devait reposer
sur un double dispositif : la définition des lignes directrices et l'approbation des actes
majeurs étaient dévolues aux organes délibérants des établissements ; la mise en oeuvre
des actions de valorisation était confiée aux services internes de valorisation, placés à
l'interface entre les chercheurs et leurs partenaires.
Dans la pratique, l'articulation entre ces différents acteurs est beaucoup plus
floue et incertaine, ne serait-ce que parce que, dans la plupart des cas, les organes
délibérants ne jouent pas entièrement le rôle qui leur est assigné par voie réglementaire.
Les délibérations sur la valorisation sont peu fréquentes, peu approfondies - sauf peut-
être au conseil d'administration de l'INRA - et restent presque toujours à un niveau de
généralité qui en réduit la portée opérationnelle.
On peut trouver à cet état de fait plusieurs raisons. Le manque d'intérêt des
membres des conseils pour la valorisation peut en être une ; l'absence d'ouverture à la
véritable discussion de certains conseils en est une autre ; par ailleurs, l'obligation de
confidentialité qui s'impose aux partenaires des actions de valorisation exclut une
transparence totale en ce domaine ; enfin, il faut admettre que chaque opération de
valorisation est un cas particulier, que ne peuvent résoudre les seuls débats de portée
générale au sein d'une instance délibérante. En conséquence, c'est la présidence et/ou la
direction générale de chaque organisme qui joue en réalité un rôle majeur dans la
définition et l'impulsion de la politique de valorisation de l'établissement.
Les structures administratives internes
Le rapport annexé à la loi de 1982 prévoyant qu'un service de valorisation serait
créé dans les organismes de recherche, chacun des EPST s'est plié à cette obligation.
Toutefois, les solutions administratives retenues par chaque établissement ont été
diverses.
Les opérations afférentes à la valorisation de la recherche menée dans les
laboratoires publics sont variées et complexes : recherche de résultats valorisables dans
les laboratoires, études technico-économiques des potentialités de valorisation de
résultats donnés, mise en oeuvre de procédures relatives à la protection des résultats,
gestion du portefeuille de propriété industrielle ainsi obtenu, recherche de partenaires
industriels, négociation de contrats, encaissement de redevances, etc.
Bien que les activités de valorisation résultent de nombreuses décisions et
opérations individuelles, il faut que les services en charge de cet aspect de la gestion des
établissements puissent lui assurer une cohérence globale, contrôler l'adéquation de
cette politique à la stratégie scientifique de l'établissement, vérifier la compatibilité des
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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divers engagements souscrits, et veiller à la protection de la liberté de recherche de
l'établissement.
Schématiquement, on peut regrouper les compétences que nécessite la mise en
oeuvre des activités de valorisation de la recherche en plusieurs ensembles. Ces
compétences sont d'ordre :
- scientifique (faculté d'appréciation des travaux novateurs des laboratoires,
connaissance du contexte de concurrence, notamment internationale, examen de la
compatibilité scientifique des divers engagements de l'établissement, appréciation de
l'équilibre des contributions respectives proposées par les partenaires d'un projet de
collaboration) ;
- juridique (conception et formalisation de formules juridiques adaptées aux
diverses formes de valorisation, connaissance approfondie du droit de la propriété
intellectuelle, du droit des sociétés, du droit des contrats - notamment dans le domaine
international) ;
- financier (examen de la validité des montages financiers proposés par une
société ou un groupement, appréciation des propositions de fixation de redevances d'une
entreprise à qui on concède une licence, vérification des états de vente envoyés par les
licenciés, suivi des participations financières ou du fonctionnement des éventuelles
filiales) ;
- commercial (connaissance et évaluation de la demande industrielle, capacité à
nouer et entretenir le dialogue avec les industriels).
La politique de valorisation est une nécessaire combinaison de ces quatre ordres
de compétence qui ne sont pas spontanément compatibles.
La nécessité de rassembler ces différentes compétences, si elle a été dans
l'ensemble bien perçue par les EPST, a conduit chacun d'entre eux à adopter des modes
d'organisation spécifiques. L'un d'entre eux, le CNRS, a fait le choix de faire traiter par
une structure extérieure une partie notable de ses tâches de suivi de la valorisation (cf.
infra) ; les trois autres, qui traitent de ces dossiers en interne, pourraient, en fonction du
degré de centralisation qu'ils ont adopté en ce domaine, être classés de la façon suivante
- l'INSERM se caractérise par une centralisation marquée de la prise en charge
de ses missions de valorisation depuis 1982 : à la "mission pour la valorisation" créée en
1982 s'est substitué un "département pour le partenariat économique et social" plus
étoffé, tant en nombre de personnes qu'en variété des profils de compétences, et en
attributions. Mais ce service a toujours été rattaché directement au directeur général de
l'Institut, et il n'a guère d'émissaires en région ;
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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- la solution adoptée par l'INRIA, bien qu'assez semblable au moment de la mise
en place initiale des services de valorisation (un service unique), a ensuite divergé de
celle retenue avec constance par l'INSERM : face à l'enrichissement progressif de ses
activités de valorisation, l'Institut a choisi le dédoublement des structures, en créant une
"direction du développement et des relations industrielles" et en nommant un "délégué
général au transfert technologique".
- l'INRA traite la valorisation de façon différente : les acteurs qui interviennent
en ce domaine sont à peu près aussi nombreux que le sont les compétences requises. Les
différentes directions situées sous l'autorité du directeur général jouent toutes (ou
presque) un rôle, plus ou moins déterminant, dans la conduite des actions de partenariat
et de valorisation. Les deux directions jouant les premiers rôles sont la "direction des
relations industrielles et de la valorisation" (qui évalue la demande industrielle, promeut
la culture de valorisation au sein de l'Institut, négocie les concessions de licences), et la
"direction des affaires juridiques" (qui définit le contenu juridique des contrats, tient le
fichier de ces contrats, assure la gestion administrative du portefeuille de brevets et
licences). Mais interviennent aussi les directions scientifiques, qui apprécient le contenu
scientifique des activités contractuelles, la direction de la programmation et du
financement, qui se prononce sur les montages financiers, la direction des relations
internationales, dont l'avis est requis pour les contrats avec des partenaires étrangers, la
direction des ressources humaines, qui intervient lorsque les contrats s'accompagnent de
recrutements temporaires, etc. Il y a probablement à ce mode d'organisation croisée une
raison historique (tenant à la tradition ancienne de valorisation diffuse et généralisée de
l'Institut).
L'enquête de la Cour ne permet pas de conclure qu'un de ces modes
d'organisation serait d'une efficacité nettement supérieure à celle des autres : des
solutions opposées permettent d'aboutir à des résultats comparables. Les solutions
institutionnelles retenues au sein de chaque établissement, qui doivent beaucoup à
l'histoire des organismes et au poids des personnalités impliquées dans leur
fonctionnement, ne constituent pas en elles-mêmes un facteur clé dans la politique de
valorisation des établissements.
Ces modalités d'organisation interne ne sont pas exclusives d'un appel à la sous-
traitance. Les missions de protection de la propriété industrielle, notamment, demandent
des compétences techniques si pointues que les services de valorisation internes, en
particulier ceux de l'INSERM et de l'INRA, ne traitent pas seuls l'ensemble de ces
questions : ils font appel l'un et l'autre à des cabinets de conseil spécialisés en propriété
industrielle. Les services qui sont demandés à ces cabinets portent notamment sur
l'étude de la brevetabilité de certaines inventions, les formalités administratives,
juridiques et fiscales de dépôt des demandes de brevets et de marques, le suivi des
procédures de maintien en vigueur des brevets en France et à l'étranger et le paiement
des annuités correspondantes, l'assistance juridique en cas de contrefaçon.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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La société anonyme FIST
Le CNRS est, des quatre établissements sur lesquels a porté l'enquête de la Cour,
celui dont les choix en matière d'administration de la valorisation ont le plus varié
depuis une quinzaine d'années.
Son service interne de valorisation a vu le périmètre de ses interventions, comme
les moyens humains et financiers dont il disposait, se modifier à plusieurs reprises :
après une période, qui succéda immédiatement au vote de la loi du 15 juillet 1982,
pendant laquelle la "direction de la valorisation et des applications de la recherche " eut
une grande activité créative et des moyens humains et financiers importants, la
deuxième moitié des années quatre-vingt a été marquée par la diminution notable de ces
moyens, au profit des directions scientifiques du Centre.
Par ailleurs, le CNRS a toujours délégué ses dossiers de valorisation à des
structures extérieures :
- jusqu'en 1991 inclus, ce rôle fut dévolu à l'ANVAR, établissement public qui
avait été créé à cette fin en 1967. L'ANVAR réalisait, à la demande et pour le compte du
CNRS, toutes sortes d'opérations afférentes à la valorisation des résultats de recherche
issus des laboratoires : recherche de résultats valorisables dans les laboratoires, études
technico-économiques des potentialités de valorisation de résultats donnés, mise en
oeuvre des procédures relatives à la protection des résultats, gestion du portefeuille de
propriété industrielle ainsi obtenu, assistance au CNRS dans la recherche de partenaires
industriels et la négociation d'accords d'exploitation, encaissement des redevances et
reversement au CNRS de la part lui revenant ;
- à partir de 1992, l'ANVAR - dont les fonctions avaient progressivement glissé
vers une spécialisation dans les aides à l'innovation en faveur des petites et moyennes
entreprises - abandonna définitivement son activité d'aide à la valorisation pour se
consacrer exclusivement à l'aide à l'innovation. Mais le CNRS ne fit pas alors le choix
de mise en place d'une solution interne, à l'instar de ce que pratiquaient depuis des
années les autres EPST : une société de valorisation fut constituée, afin de prendre le
relais de l'ANVAR - la société anonyme FIST (France Innovation Scientifique et
Transfert).
La société anonyme FIST a été créée en août 1992 avec un capital de 4,5
millions de francs, porté à 7,5 millions dès décembre 1992. Ses deux principaux
actionnaires sont le CNRS et l'ANVAR, qui se partagent plus de 65 % du capital.
L'INSERM et l'Institut Pasteur ayant refusé de participer au "tour de table" de FIST,
malgré les sollicitations du ministère chargé de la recherche , le reste du capital est
réparti pour l'essentiel entre quelques EPST (INRA, INRIA, INRETS) et d'autres
organismes de recherche n'ayant pas le statut d'EPST.
Bien que FIST soit à l'heure actuelle une structure de taille réduite (moins d'une
dizaine de personnes y travaillent), son objet social est vaste : "
Toutes opérations liées à
la valorisation des résultats de la recherche, des technologies, des innovations et des
découvertes et notamment les études, l'ingénierie, le courtage, le transfert, le conseil, la
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
36
protection intellectuelle, la propriété industrielle, les prises de participation et les
financements en France et à l'étranger
."
Depuis sa création, FIST a travaillé essentiellement pour le CNRS, qui lui a
assuré, entre 1993 et 1995, de 72 à 82 % de son chiffre d'affaires (de l'ordre de 5
millions de francs par an). Cette situation, de quasi exclusivité résulte de l'effet
conjugué de deux circonstances : les organismes publics de recherche autres que le
CNRS, qui avaient refusé, au moment de la création de la société, de s'engager à lui
fournir un volant d'affaires déterminé, n'ont que très peu recouru aux services de FIST ;
le CNRS, en revanche, s'était engagé par convention à assurer à FIST un chiffre
d'affaires annuel minimal.
Les missions qu'a assurées FIST pour le compte du CNRS sont les suivantes : la
prospection dans les unités de recherche des résultats susceptibles d'être valorisés,
l'étude technico-économique des dossiers d'invention qui lui sont transmis en vue
d'évaluer la faisabilité industrielle des résultats concernés, la prise en charge de dossiers
de protection industrielle et de la gestion du portefeuille de brevets du Centre, la
recherche de financements et de partenaires, la négociation avec les industriels en vue
d'établir les clauses des contrats de licence, le contrôle des conditions d'exploitation par
les partenaires industriels du CNRS des résultats acquis en collaboration avec eux.
Ces missions, proches de celles qu'assurait précédemment l'ANVAR, sont
vastes, et la taille réduite de FIST conduit la société à recourir à des compétences
extérieures pour sous-traiter bon nombre d'entre elles (experts scientifiques et
industriels pour évaluer l'aspect technique des dossiers ou procéder à des études de
marché, cabinets de brevet pour la rédaction et le dépôt des brevets, etc.).
En raison du fait que FIST n'est pas un service interne au CNRS, certains aspects
de ses activités se sont traduits, jusqu'à une date très récente, par un échafaudage
complexe de procédures. Ainsi, par exemple, en était-il du système mis en oeuvre pour
la prise en charge par FIST de la gestion du portefeuille de brevets du CNRS : les
décisions relatives à la prise de brevet, à leur entretien ou à leur abandon, etc., étaient
prises au niveau du CNRS pour être adressées à FIST, qui les répercutait sur les
cabinets de conseil en brevets, lesquels renvoyaient les résultats de leurs prestations,
accompagnés des factures correspondantes, à FIST, qui après examen les transmettait
aux services financiers du CNRS. Ce système a été corrigé à l'occasion de l'enquête de
la Cour, et désormais le CNRS traite directement avec les cabinets de conseil en
propriété industrielle.
Lorsque l'on compare la façon dont les différents EPST s'acquittent de leurs
missions de mise en oeuvre de leur politique de valorisation, on constate que FIST
remplit auprès du CNRS un rôle similaire à celui que remplissent dans les autres EPST
les services internes chargés de la valorisation, dans le domaine de la protection et de
l'exploitation des résultats de la recherche publique - y compris par le recours à des
cabinets de conseil en propriété industrielle. Cela explique que les EPST autres que le
CNRS ne jugent pas nécessaire, en règle générale, de recourir à FIST.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
37
Même si son ambition de départ était plus importante, FIST apparaît donc
comme une partie du service de valorisation du CNRS, extraite de l'organigramme du
Centre et érigée en société anonyme. Le CNRS a tiré les conséquences de cet état de fait
et décidé de faire de FIST une filiale du Centre, par détention de 70 % du capital de la
société.
Il est cependant prévu que FIST reste un prestataire susceptible, tel un cabinet de
conseil en brevets, d'offrir ses services à tous les organismes de recherche qui le
souhaiteraient. Dans cette hypothèse, FIST ressemblerait fortement à l'ANVAR des
origines, la principale différence résidant dans le fait que cette nouvelle ANVAR a été
érigée non en établissement public mais en société anonyme.
.
B.
-
LES
STRUCTURES
COOPERATIVES
:
LES
GROUPEMENTS
D'INTERET
PUBLIC
DE
VALORISATION
Les groupements d'intérêt public (GIP), personnes morales de droit public dotées
d'un budget propre, ont été créés par la loi du 15 juillet 1982. Dans le secteur de la
recherche, un GIP est une structure de coopération entre un ou plusieurs établissements
publics et toute autre personne morale, publique ou privée, dont l'objectif est, selon
l'article 21 de la loi du 15 juillet 1982, le suivant : "exercer ensemble, pendant une durée
déterminée, des activités de recherche ou de développement technologique, ou gérer des
équipements d'intérêt commun nécessaires à ces activités".
Le GIP, personne morale de droit public, se distingue du groupement d'intérêt
économique (GIE), personne morale de droit privé située à mi- chemin entre
l'association et la société commerciale, dont le texte constitutif est l'ordonnance n° 67-
821 du 23 septembre 1967 : un GIE a pour but de "
permettre à des opérateurs
économiques d'unir leurs efforts là où ils ont des intérêts communs" et "de faciliter ou
de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les
résultats de cette activité ; il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même
".
La création des GIP, par la loi du 15 juillet 1982, avait pour objectif d'offrir aux
établissements publics de recherche , notamment dans le domaine de la valorisation, une
alternative à la formule du GIE, dont l'utilisation par les institutions publiques a été
maintes fois critiquée par la Cour : les GIP constituaient, par rapport aux GIE, une
structure qui, moins empreinte de droit privé et d'esprit commercial, était de nature à
permettre une association souple avec des partenaires publics ou privés.
Le recours à divers types de GIP
Les EPST disposent donc, depuis 1982, de la possibilité de principe de participer
à deux sortes de GIP : des GIP "publics", ne réunissant que des personnes morales de
droit public ; des GIP "mixtes", affichant une participation privée. Le recours aux GIP
peut en conséquence s'inscrire dans le cadre d'une volonté d'association susceptible de
s'articuler autour de deux axes : soit une coordination
horizontale
avec les partenaires
publics de recherche des EPST, soit une coordination
verticale
avec les acteurs de la
filière recherche et développement. Les GIP sont ainsi supposés constituer une formule
de coopération, à la fois plus intégrée et plus durable que les simples contrats ou
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
38
conventions (auxquels s'assimilent notamment les groupements d'intérêt scientifique),
mais aussi plus adaptée et plus flexible que des créations institutionnelles lourdes.
Les GIP mixtes apparaissent en principe comme un moyen de contribuer à la
valorisation et à la diffusion des connaissances, tout en évitant un écueil : puisque le
schéma dans lequel se succéderaient de manière linéaire, séquentielle, des opérations de
recherche
fondamentale,
de
recherche
finalisée,
de
prédéveloppement
et
de
développement est généralement considéré comme n'ayant plus guère de pertinence, les
GIP permettent de mettre en oeuvre la notion de réseau d'acteurs, qui disposent
d'éléments pour définir des objectifs économiquement pertinents et scientifiquement
réalistes, pour mobiliser des moyens et pour assurer la diffusion et la valorisation des
résultats.
Rares sont toutefois les GIP de ce type. L'INRA, l'INSERM et l'INRIA ont en
effet participé respectivement à deux GIP mixtes, et le CNRS à six structures de ce type.
La composition de ces GIP témoigne qu'il s'agit de véritables groupements, au
sens propre, pour lesquels n'existe de fait guère d'autre cadre juridique permettant de
rassembler moyens et compétences sur la durée : ils rassemblent, aux côtés des EPST,
des universités, des collectivités territoriales, des entreprises ou groupements
d'entreprises. Dans certains de ces groupements, la participation des EPST n'est parfois
que symbolique et répond plutôt à une finalité de caution scientifique : cette formule
correspond à ce que le Comité national d'évaluation de la recherche a eu l'occasion de
nommer "GIP de soutien technique".
Les GIP sont en principe constitués pour des durées assez courtes (quatre ou
cinq ans en général) ; à l'issue de la durée initiale, soit ils sont reconduits, soit ils
donnent naissance à une autre structure, par exemple une société anonyme. Ce second
cas, celui des GIP préludes à des sociétés commerciales, a été mis en oeuvre à deux
reprises par l'INRIA : les GIP à la constitution desquels il a participé, respectivement en
1984 et en 1987, ont "préfiguré" les sociétés qui leur ont succédé. L'engagement de
l'EPST a été dans les deux cas supérieur à ce qu'il est dans les GIP de "soutien
technique", puisque la participation de l'INRIA, lors de la constitution de ces deux
groupements, était respectivement de 33 % et de 46 % ; à l'échéance des deux
groupements, des sociétés anonymes ont été créées pour commercialiser et poursuivre le
développement des produits que les GIP avaient contribué à mettre au point.
Les fondements de la participation des EPST à ces GIP leur sont parfois
extérieurs et peuvent ne tenir qu'à des demandes faites par les pouvoirs publics. A titre
d'exemple, on peut citer les deux GIP dont fait partie l'INRA : l'un (le "Centre de
recherche appliquée à la sélection de la dinde"), a été constitué parce qu'il ne subsistait
en France qu'une société de sélection et qu'il est apparu souhaitable que la France
échappe au risque de monopole des sélectionneurs étrangers ; l'autre (le GIP "Bretagne-
biotechnologies"), a été créé parce que les pouvoirs publics souhaitaient apporter leur
aide aux producteurs bretons regroupés sous le label "Prince de Bretagne".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
39
Il a pu arriver que les EPST refusent de participer à des GIP, notamment dans le
cas où les dispositions relatives à la valorisation des résultats leur paraissaient
inacceptables (tel fut par exemple le cas de l'INSERM pour le GIP "Imagerie médicale",
créé en 1992, et dont la convention constitutive prévoyait la renonciation pure et simple
des organismes publics à leurs droits de propriété intellectuelle, au profit des partenaires
industriels présents dans le groupement). La question des droits et devoirs respectifs du
groupement et de ses membres, les uns vis-à-vis des autres, peut être difficile à
résoudre, comme le prouve l'exemple d'un GIP constitué en 1988 avec la participation
du CNRS et de l'INSERM : ce GIP, appelé "Thérapeutiques substitutives", est
rapidement apparu aux deux EPST comme un moyen pour son directeur, qui était
également directeur d'une unité de recherche publique, de passer outre la politique des
deux établissements dans ses relations avec ses partenaires privés, et les deux
organismes publics se sont donc retirés du groupement à l'issue de la période initiale
pour laquelle il avait été créé.
L'INRA a choisi en 1989 de recourir à la formule du GIP dans un cas qui, bien
que se situant dans le domaine de la valorisation, n'a rien de commun avec les situations
évoquées précédemment : le GIP alors créé par l'INRA - le GIP GEVES (Groupe
d'étude et de contrôle des variétés et semences) - est issu d'un service interne à l'INRA
et a pris en charge des missions qui étaient précédemment assurées par ce service. Le
groupement a, dans les domaines de l'étude des variétés végétales et des essais de
semences, des activités de recherche et développement, et réalise par ailleurs des
analyses en vue de la délivrance de "certificats d'obtentions végétales" pour les créateurs
de variétés végétales nouvelles. Dans ce second rôle, le GEVES détient un monopole de
droit.
Le GEVES, qui comme tous les GIP bénéficie de la mise à disposition ou du
détachement d'agents publics, est le seul GIP de recherche qui ait été autorisé à recruter
des personnels propres sur contrats à durée indéterminée.
L'exercice par le GEVES d'une prérogative de puissance publique conduisait
évidemment à vouloir que ses missions ne cessent pas d'être assurées par une personne
morale de droit public, d'où le choix de l'instrument juridique du GIP : constitué en
1989 pour une durée exceptionnellement longue - vingt ans - il associe trois personnes
morales (l'Etat représenté par le ministère chargé de l'agriculture, l'INRA et un
groupement professionnel : le Groupement national interprofessionnel des semences et
des plants), au sein desquelles l'INRA est majoritaire. S'il entre dans la catégorie des
GIP mixtes, le GEVES ne constitue donc pas pour autant un groupement consacré au
transfert des résultats de la recherche publique vers une ou des entreprise(s).
L'insuccès relatif de la formule des GIP
On ne peut que faire le constat d'une situation paradoxale en apparence : alors
que la création des GIP en 1982 était censée offrir aux établissements publics de
recherche une alternative aux GIE, les groupements les plus récemment constitués par
des EPST, en partenariat avec des entreprises ou des groupements professionnels, sont
des GIE, bien que le but des groupements ainsi créés soit plus proche de celui assigné
aux GIP que de celui des GIE :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
40
- l'INRA a créé en 1992 un GIE appelé "Labogena", pour lui transférer les
activités de son service interne d'analyse des groupes sanguins animaux, qui réalise des
recherches de filiation chez les animaux de sélection. Ce GIE, constitué pour une durée
longue (vingt ans), regroupe, outre l'INRA qui y est minoritaire (45 %), les principaux
organismes professionnels représentant les utilisateurs des analyses. La raison invoquée
par l'INRA pour justifier la constitution du GIE est qu'il était nécessaire de répondre de
façon plus efficace et plus souple aux besoins croissants en analyses. L'INRA reconnaît
cependant qu'il est nécessaire de "maintenir une liaison forte avec la recherche ", et qu'il
est indispensable que le GIE reste implanté à proximité immédiate des autres
laboratoires INRA travaillant sur la même thématique ;
- l'INRIA a créé en 1994, pour trois ans, avec France Télécom, EDF et la BNP,
un GIE appelé "Previsia", dont l'objet est : "
étudier, concevoir, réaliser des prototypes
expérimentaux dans le domaine des systèmes d'information, expérimenter ces
prototypes, favoriser l'essor industriel des solutions qui en résultent et leur adoption
par les utilisateurs finals
".
Le bilan que l'on peut établir du recours aux GIP mixtes de valorisation, par les
EPST, montre donc que cette innovation a suscité peu d'écho. De surcroît, la plupart des
GIP mixtes auxquels ont participé les EPST ont été créés antérieurement à 1990. On
peut trouver à cet insuccès, et à cette apparente désuétude, plusieurs raisons :
- Tout d'abord, lorsqu'il s'est agi de formaliser une coopération entre un ou
plusieurs organismes de recherche et une entreprise, la création d'une personne morale
nouvelle a paru une formule trop lourde par rapport à celle du contrat de collaboration
de recherche.
Certains établissements, comme le CNRS, préfèrent pratiquer, en sus des
contrats de collaboration, une autre forme de rapprochement entre leurs structures de
recherche et les entreprises, par la constitution d'
unités mixtes de recherche
: en ce cas
encore, c'est une simple convention qui permet de créer, pour une durée de quatre ans
renouvelable, ces entités mixtes de recherche entre le CNRS et un industriel. A
l'inverse, un établissement comme l'INSERM se refuse à constituer de telles unités
mixtes : l'Institut considère en effet qu'il y aurait là un risque de perte d'indépendance
des équipes en ce qui concerne leurs choix scientifiques, car la finalité différente des
deux types d'organismes qui rassemblent leurs moyens au sein des unités mixtes
(produire de la connaissance et la partager, pour un organisme de recherche ; produire
des biens et les vendre, pour une industrie) risquerait de conduire à des divergences
d'appréciation dans le choix des projets de recherche .
- Par ailleurs, le GIP a paru présenter par rapport à des groupements de droit
privé, tels que les GIE (groupements d'intérêt économique), certains inconvénients sur
lesquels ont pu se focaliser les EPST. La procédure de création d'un GIP est plus lourde
que celle d'un GIE, puisque dans le premier cas il est nécessaire d'attendre la
publication, par l'autorité administrative, d'un arrêté d'approbation, alors que dans le
second cas le groupement est doté de la personnalité morale dès son inscription au
registre du commerce. Mais surtout, le refus des autorités ministérielles de voir se
recréer des personnels "hors statut" dans les GIP les amenèrent à s'opposer à des
recrutements de novo par les groupements, si ce n'est à titre subsidiaire (la seule
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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exception tolérée à cette règle non écrite fut le GIP GEVES, créé par l'INRA) : ce refus
fit perdre aux GIP beaucoup de leur intérêt pour les EPST.
Les recommandations qui figuraient dans le rapport annexé à la loi n° 85-1376
du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique n'ont
donc guère reçu d'application pratique. Elles prévoyaient notamment : "
L'efficacité des
GIP créés par la loi de 1982 sera améliorée d'un triple point de vue : une plus grande
rapidité de mise en oeuvre, une meilleure coordination entre les divers départements
ministériels concernés, et l'introduction d'une plus grande souplesse dans les avantages
complémentaires accordés aux personnels mis à disposition auprès de ces organismes
."
Le recours à la formule du GIE, de préférence à celle du GIP, présente pourtant,
pour les EPST, un risque potentiel : les membres d'un GIE sont indéfiniment et
solidairement tenus des dettes communes à l'égard des tiers, alors que les membres d'un
GIP ne sont tenus des dettes communes qu'à proportion de leurs droits statutaires et sans
solidarité.
.
C.
-
LES
STRUCTURES
ECONOMIQUES
:
LES
PRISES
DE
PARTICIPATIONS
ET
CREATIONS
DE
FILIALES
En ce domaine, une évolution s'était amorcée avant même l'élaboration de la loi
du 15 juillet 1982 : d'une part, certains EPST éprouvaient des difficultés croissantes à
faire fonctionner certains de leurs services à activité mixte recherche /prestations
payantes, dans le cadre des règles budgétaires et comptables en vigueur dans les
établissements publics à caractère administratif (c'était par exemple le cas de l'INRA, en
ce qui concerne la commercialisation de ses créations de variétés végétales) ; d'autre
part, la difficulté, dans certains cas, à trouver des entreprises pouvant et acceptant
d'exploiter les résultats des laboratoires publics avait conduit certains organismes de
recherche (autres que ceux érigés en EPIC) à rechercher des solutions alternatives.
Par exemple, le CNRS, l'INRA, l'INSERM et l'Institut Pasteur
6
créèrent en 1980
un groupement d'intérêt économique, le GIE G3 ("groupement du génie génétique"),
dont l'objet était la mise en oeuvre de projets de recherche applicables à l'industrie dans
le domaine du génie génétique. Ce groupement permit notamment l'entrée des
organismes publics dans le capital d'une société de biotechnologie en cours de création,
Transgène.
6)) L’institut Pasteur est une fondation privée, créée et reconnue d’utilité publique en 1887, spécialisée
notamment dans la recherche en biologie.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Une voie empruntée avec circonspection
Les dispositions de la loi du 15 juillet 1982 n'imposaient pas que les prises de
participations des établissements fussent réalisées au profit exclusif de sociétés
naissantes ; dans les faits, c'est cependant la politique qui a prévalu.
En aucun cas, toutefois, il ne s'est agi d'investir de manière durable et pour des
montants suffisants dans des entreprises jugées stratégiques pour pouvoir peser sur leurs
orientations. Les raisons pour lesquelles les EPST ont pris des participations sont autres,
et diverses ; ont notamment été invoqués :
- le poids des résultats publics dans les techniques exploitées par l'entreprise ;
- la "crédibilisation" de sociétés en création ;
- l'encouragement à l'essaimage des personnels de recherche ;
- la volonté de participer à des créations d'emplois.
Bien que la possibilité leur en ait été ouverte, en principe sans restriction, par la
loi du 15 juillet 1982, les EPST sur lesquels a porté l'enquête de la Cour ne se sont
engagés dans la voie des prises de participation qu'avec beaucoup de circonspection. En
témoignent tant le petit nombre de prises de participation que les dates auxquelles
celles-ci ont été réalisées :
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Nombre de prises de
participations (FIST et
Transgene exclues)
2
1
3
5
Total des capitaux investis
2 M.F.
1,6 M.F.
5 M.F.
8,8 M.F.
Date de la première prise de
participation
1983
1986
1985
1984
Date de la dernière prise de
participation
1985
1986
1990
1992
(Remarque : les participations des EPST dans la société Transgene ne sont pas prises en compte
dans ce tableau, en raison du fait qu'après avoir été attribuées gratuitement au GIE G3, elles ont, à
la dissolution de ce GIE, été réparties entre les membres du groupement - l'Institut Pasteur, le
CNRS, l'INRA et l'INSERM)
Cette relative frilosité de la part des EPST - qui semblent de surcroît, à
l'exception de l'INRIA, avoir renoncé de fait à poursuivre leurs investissements - est due
à la conjugaison de plusieurs facteurs :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
43
- les moyens financiers susceptibles d'être consacrés par les EPST à cette activité
que l'on pourrait qualifier de "capital-risque éclairé" sont restés faibles, et l'Etat ne les a
jamais dotés spécifiquement à cet effet ;
- l'attitude des ministères de tutelle n'a pas encouragé les EPST dans cette voie.
Le ministère chargé de la recherche n'a pas cherché à définir une stratégie en ce
domaine. Le ministère chargé de l'économie n'a pas accompagné les initiatives des
EPST dans ce sens. La Cour a relevé l'existence de délais parfois fort longs entre les
délibérations des conseils d'administration des établissements approuvant certaines
prises ou cessions de participations et l'approbation de ces délibérations par la direction
du Trésor, officialisée par la publication des arrêtés correspondants. Tel fut notamment
le cas, par exemple, lorsque l'INSERM a sollicité l'autorisation de souscrire au capital
de la société Immunotech : la délibération du conseil d'administration de l'INSERM date
du 17 octobre 1985, l'arrêté autorisant cette souscription, en date du 24 avril 1990, a été
publié au Journal officiel du 5 mai 1990. Un calcul simple montre que, pendant ce délai
de plus de quatre ans, la variation de la valeur des actions de la société a fait perdre à
l'INSERM plus de 1 million de francs - pour un investissement lui-même à peine
supérieur à 1 million ;
- enfin, dans le cas particulier du CNRS, les échecs qu'ont connus les deux
entreprises au capital desquelles il a souscrit l'ont conduit à renoncer définitivement à ce
mode de valorisation.
Néanmoins, si l'on considère que l'un des objectifs des prises de participations et
constitutions de filiales est de réduire le temps de transfert vers l'industrie des travaux
de recherche, voire de rendre ce transfert possible, on peut admettre que le bilan
scientifique et économique de ces activités de valorisation est positif - notamment pour
l'INSERM et l'INRIA.
Un bilan plus précis que cette seule appréciation qualitative est irréalisable, ne
serait-ce que parce qu'il est impossible d'évaluer a contrario la "perte", en termes
scientifiques, qu'aurait pu subir la collectivité si les sociétés dans lesquelles les EPST
ont pris des participations n'avaient pas existé (en supposant que l'investissement des
EPST ait été un facteur déterminant de leur création).
On peut tout au plus employer un critère d'appréciation relative, celui de la
longévité des sociétés considérées ; il est en effet loisible de penser que, si le démarrage
ou la croissance de ces sociétés a été favorisé(e) par les fonds que leur ont consacrés les
EPST, un indice de la pertinence de ces investissements peut être recherché dans la
pérennité des entreprises ainsi aidées. Or il se trouve que, vues à travers ce prisme, les
prises de participations des EPST semblent avoir été plutôt judicieuses, à l'exception de
celles du CNRS :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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44
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Nombre de prises de
participations sur la période
1982-1995 (FIST et
Transgene exclues)
2
1
3
5
Nombre de sociétés ayant
d'ores et déjà disparu
2
0
0
2
Durée de vie des sociétés
considérées, appréciée au
31 décembre 1995
6 à 8 ans
13 ans
5 à 15 ans
3 à 11 ans
Le bilan économique des prises de participation par les EPST est plus difficile
encore à établir ; il est néanmoins certain que ces activités de valorisation ont contribué,
globalement, à la création de plusieurs centaines d'emplois en France.
Par ailleurs, du point de vue strictement financier, les investissements réalisés
par les EPST, même s'ils n'avaient pas pour objectif principal le retour financier, ont
parfois été rentables - avec cependant de notables variations d'un établissement à l'autre
(FIST est exclue du raisonnement, car il ne s'agit pas d'une société de technologie, de
même que Transgène, puisque les actions en ont été attribuées gratuitement aux EPST) :
- les prises de participations du CNRS se sont soldées par des pertes sèches ;
- la prise de participation de l'INRA, réalisée dans la société Agrinova
(spécialisée dans le financement de l'innovation dans le secteur agro-alimentaire et celui
des biotechnologies) se traduit par un bilan plutôt positif : la gestion prudente
d'Agrinova a préservé les intérêts de ses actionnaires, à défaut de permettre à la société
de jouer un rôle de capital-risque aussi important que celui qu'aurait souhaité l'INRA ;
- la valeur des actions de l'INSERM, dont certaines ont été revendues, peut être
évaluée à un total de l'ordre de 6 à 7 millions de francs, à comparer aux quelque 5
millions investis par l'Institut ;
- les participations de l'INRIA ont été évaluées en 1995 à 65 millions de francs, à
comparer aux 8,8 millions investis.
L'INRIA, qui est l'établissement ayant le mieux réussi dans le pari de l'aide à la
création d'entreprises, a choisi de poursuivre et de renforcer sa politique de soutien en ce
domaine, notamment aux entreprises créées par des personnels issus de l'INRIA. Pour
ce faire, l'Institut a décidé de créer un fonds de placement, "INRIA-Source", alimenté
par les participations qu'il détient dans les trois sociétés de technologie au capital
desquelles il a souscrit et qui sont encore en activité (participations estimées à 65
millions), et complété par celles de quelques partenaires financiers susceptibles
d'apporter 15 à 20 millions supplémentaires.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
45
L'objectif de l'INRIA est de créer un effet de levier pouvant favoriser la création
d'un tissu d'entreprises à fort potentiel technologique, tout en laissant l'Institut lui-même
quelque peu en retrait des opérations d'investissement nécessaires : les prises de
participation futures ne devraient plus être le fait de l'établissement, mais du fonds de
placement.
Le déclin des participations des EPST
Certaines prises de participation des EPST se caractérisent par une présence
d'abord majoritaire de l'organisme public dans le capital de la société - qui est alors une
filiale de celui-ci, puis par une dilution progressive de la présence de l'EPST, au fil des
augmentations de capital qui accompagnent la croissance de la société : on bascule alors
de la société filiale à la simple participation minoritaire. Quatre entreprises ont ainsi été
des "filiales transitoires" d'EPST : une société à capitaux INSERM et trois sociétés à
capitaux INRIA. Les EPST ont donc clairement privilégié le "capital-création" par
rapport au "capital-développement", considérant qu'il n'entrait pas dans leur vocation de
financer le développement d'entreprises situées dans le secteur concurrentiel, au-delà de
leur période de démarrage.
Dans la même logique, certains EPST, notamment l'INSERM, ont procédé à des
cessions de participation lorsqu'ils ont considéré que l'entreprise à la création de laquelle
ils avaient contribué était devenue viable, et qu'il existait des repreneurs fiables.
Ces dilutions et cessions de participations se sont accompagnées, simultanément,
de l'interruption des prises de participation nouvelles ; en conséquence, le bilan actuel
des participations des EPST est très mince, et est de nature à faire supposer que cette
forme de valorisation est déjà tombée en désuétude, sauf à l'INRIA :
Participations originelles des EPST (FIST et Agri-obtentions exclues)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Midi-robots :
28%
Agrinova :
4%
Biocom :
83,3%
Ilog :
73,7%
Métronique-ing. :
5,3%
Cemka :
48,8%
Simulog :
51%
Immunotech :
3,4%
O2-Technology :
65,3%
Connexite :
20%
Gipsy :
10%
Transgene :
4%
Transgene :
4%
Transgene :
4%
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Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
46
Participations actuelles des EPST (FIST et Agri-obtentions exclues)
CNRS
INRA
INSERM
INRIA
Agrinova :
2,29%
Biocom :
28,4%
Ilog :
25,6%
Cemka :
10%
Simulog :
37,1%
Immunotech :
2,6%
O2-Technology :
25,8%
Transgene :
0,89%
Transgene :
0,89%
Transgene :
0,89%
Il est loisible de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les EPST, qui ont
clairement privilégié la politique de participation au capital de sociétés en création, n'ont
pas, à l'inverse, choisi de sortir du capital de celles de ces sociétés qui se sont
suffisamment développées pour n'avoir plus besoin, ni de l'appui scientifique des
organismes publics de recherche, ni de leur apport en capital. Il semble que les EPST,
de même que leurs autorités de tutelle, n'aient conduit aucune réflexion de fond sur les
conditions dans lesquelles les cessions de participation seraient envisageables, voire
souhaitables - tant pour des raisons stratégiques que pour dégager les marges de
manoeuvre nécessaires à de nouveaux investissements.
Ce défaut de réflexion peut être illustré par l'évolution de la participation des
grands organismes de recherche au capital de la société de génie génétique Transgène.
Cette entreprise, née en 1980 à l'initiative de deux chercheurs du CNRS et de
l'INSERM, admit dès 1981 parmi ses actionnaires, par attribution gratuite d'actions,
d'une part le GIE G3 - c'est-à-dire l'Institut Pasteur, le CNRS, l'INSERM et l'INRA -,
d'autre part l'université Louis-Pasteur de Strasbourg : la contrepartie des attributions
gratuites d'actions ainsi consenties par Transgène aux grands organismes de recherche
résidait dans la caution scientifique qu'apportait leur présence au capital de la société,
caution justifiée par la qualité et l'indépendance de l'entreprise.
En 1991, avec l'appui des pouvoirs publics, Transgène passa sous le contrôle de
Pasteur Mérieux sérums et vaccins, filiale de Rhône Poulenc ; en 1994, l'actionnaire
principal de Transgène changea de nouveau, et la société est désormais majoritairement
détenue par TSGH, société appartenant à Biomérieux Alliance et à la CGIP (Compagnie
générale d'industrie et de participations).
Dès lors que Transgène était devenue, dès 1991, la filiale spécialisée en génie
génétique d'un groupe industriel, on peut considérer qu'il n'appartenait plus à des
établissements publics de recherche de continuer à apporter leur caution scientifique à
une telle société. Il est donc surprenant de constater que seul l'Institut Pasteur a tiré les
conséquences de l'évolution de la société, en cherchant dès 1992 à se retirer de son
capital. A l'inverse, les trois EPST qui sont encore actionnaires de cette société n'ont pas
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
47
avancé, devant la Cour, d'arguments convaincants de nature à justifier le maintien de
leur présence au capital de Transgène.
La création de sociétés filiales permanentes
La création de filiales permanentes, c'est à dire de sociétés dans lesquelles les
capitaux apportés par un EPST sont majoritaires et destinés à le rester, correspond à une
autre philosophie que celle qui préside aux prises de participation, temporairement
majoritaires, liées à la volonté de pallier les insuffisances de l'offre de capital-risque : il
peut notamment s'agir d'améliorer ou de faciliter la commercialisation de services ou de
produits dont l'établissement de recherche souhaite garder la maîtrise, auprès du secteur
productif - commercialisation pour laquelle les règles budgétaires et comptables
auxquelles sont soumis les EPST ne sont pas très bien adaptées.
Il n'existe à l'heure actuelle qu'un cas de filiale permanente constituée par un
EPST : l'INRA a créé en 1983, pour assurer l'exploitation de ses créations de variétés
végétales, une société anonyme appelée Agri-obtentions, dont il détient 99,85 p. 100 du
capital. Cette société a du reste été créée avant même que l'INRA soit transformé en
EPST par le décret du 14 décembre 1984. Elle succédait à un service interne, qui avait
été mis en place dès 1971.
Agri-obtentions exerce deux activités : l'une de prestataire de services pour le
compte de l'INRA, au bénéfice des industriels obtenteurs de variétés nouvelles, à qui
elle fournit du "matériel végétal innovant", et qui lui versent à ce titre les redevances
dues à l'INRA en tant qu'inventeur ; l'autre de fournisseur de semences dites de base, à
destination de l'industrie semencière.
L'examen du fonctionnement d'Agri-obtentions révèle toutefois qu'elle est très
éloignée des principes de base d'une société commerciale :
- l'activité de collecte de redevances est entièrement dépendante de l'activité de
créations de variétés végétales nouvelles de l'INRA, laquelle n'est pas constante ;
- l'INRA impose à sa filiale d'exploiter, pour des raisons de service public, un
portefeuille végétal très large, au sein duquel seules quelques variétés rapportent des
redevances significatives ; la plupart des autres peuvent être considérées comme
"variétés de service public", que la sélection privée ne prend pas en charge, car elles ne
répondent pas à un marché suffisamment vaste. Il peut s'agir, notamment, d'espèces qui,
bien que peu ou pas rentables en termes purement économiques, présentent un intérêt
socio-économique ;
- l'activité de production de semences est volontairement limitée par l'INRA, de
façon à ne pas placer Agri-obtentions en situation de concurrence avec l'industrie
semencière. Cette activité reste donc structurellement déficitaire, ce qui a conduit
l'INRA à renoncer à une partie de ses redevances sur ses variétés végétales nouvelles,
pour "subventionner" l'activité de production de semences de base d'Agri- obtentions.
On pourrait donc qualifier Agri-obtentions de "société anonyme de service
public" : structure hybride ayant simultanément une vocation de profit et une vocation
de service public. Sa santé financière, et donc sa survie, n'est assurée que grâce au
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
48
soutien de son actionnaire- obtenteur de variétés, qui lui fait réaliser, en ne percevant
qu'avec retard les redevances qui lui sont dues en tant qu'inventeur, des produits
financiers lui permettant d'équilibrer ses comptes.
En réalité, la question de la voie juridique la plus adéquate, lorsqu'il s'agit de
créer une personne morale permettant à des EPST de participer directement à la
valorisation de leurs travaux, n'est pas clairement résolue. L'INRA apparaît, en cette
matière, comme un "laboratoire d'expérimentation juridique" ; en une quinzaine
d'années, l'Institut a en quelque sorte testé, pour faciliter le développement de certaines
de ses activités à caractère économique marqué - et dont il était nécessaire d'assurer les
possibilités de développement, sans pour autant les couper totalement de la recherche -
trois des quelques structures juridiques qu'il est permis à un EPST de constituer : la
société anonyme, le groupement d'intérêt public, le groupement d'intérêt économique.
L'ordre de succession de ces trois choix est intéressant à noter :
- en premier lieu a été choisie la société anonyme (Agri- obtentions), formule
censée offrir à la fois la plus grande souplesse en matière de recrutement et la plus
grande "réactivité" commerciale. Cette formule a révélé son inconvénient majeur, qui
réside dans la difficulté qu'elle a à tenir compte d'impératifs de service public ;
- en deuxième lieu a été choisi le GIP (GEVES), formule supposée pouvoir
échapper à la seule logique commerciale, et tenir compte des missions de service public
: la formule a réussi, mais son succès a reposé sur le fait que le GIP a reçu l'autorisation
de recruter des personnels propres, autorisation considérée comme exceptionnelle et non
applicable aux GIP en général ;
- pour cette raison même, le troisième choix de l'INRA s'est porté sur un GIE
(Labogena), forme juridique de droit privé, qui présente l'avantage de pouvoir recruter
des personnels et qui répond donc à un problème de fond des activités de valorisation :
la difficulté d'accroître notablement ces activités à effectifs constants
II. - LES METHODES
Les établissements publics de recherche ont tous accompagné, et favorisé, la
montée en puissance des activités de valorisation menées dans leurs laboratoires en
élaborant ou en adaptant leurs méthodes et techniques à ces activités. Ainsi ont-ils, à des
degrés divers, tenté de sensibiliser leurs personnels à leur mission de valorisation, aussi
bien par la prise en compte de cette mission dans le déroulement des carrières que par le
développement d'outils juridiques aptes à favoriser la protection et le développement
industriel des découvertes de leurs laboratoires.
.
A.
-
LA
VALORISATION
DANS
LA
CARRIERE
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
La valorisation peut se traduire concrètement de deux manières dans le
déroulement de carrière des personnels de recherche : en premier lieu, par la prise en
considération des activités liées à la valorisation dans l'évaluation ou la notation ; en
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
49
second lieu, par l'existence de passerelles entre le monde de la recherche publique et
celui des entreprises. Dans les deux cas, les résultats obtenus n'ont pas répondu aux
espérances de ceux qui, au moment de l'élaboration de la loi du 15 juillet 1982, avaient
cru aux possibilités d'osmose entre recherche publique et sphère économique.
La faible prise en compte de la valorisation dans l'évaluation des
chercheurs
La loi du 15 juillet 1982, ayant fixé aux établissements publics de recherche un
objectif de valorisation de leurs travaux, avait également prévu que fût intégrée, dans la
carrière des personnels de recherche, cette nouvelle mission. Le rapport annexé à la loi,
dans un chapitre consacré aux personnels de la recherche, indiquait : "
Les personnels de
recherche (...) devront pouvoir exercer, successivement ou simultanément, des fonctions
de recherche , d'enseignement, d'administration ou de valorisation de la recherche . (...)
Les critères de jugement et la composition des instances d'évaluation seront adaptés
pour prendre en compte la diversité des missions et en particulier les activités relatives
à la valorisation des résultats (...)
."
Dans les EPST, l'évaluation des chercheurs est conduite par des commissions de
scientifiques, où se pratique le "jugement par les pairs". Il ne tient pas de la pétition de
principe de considérer que les jugements de ces commissions sur la valorisation ne sont
ni homogènes ni clairement affichés : elles ont encore, dans l'ensemble, peu intégré
d'autres critères que l'unique instrument de mesure "objectif" de l'efficacité d'un
chercheur que sont les publications dans des revues "à comité de lecture".
Les activités de valorisation sont donc peu prises en compte dans l'évaluation
des chercheurs, hormis par le biais des "commissions de valorisation", comme celle qui
existe au CNRS, mais dont on discute régulièrement l'opportunité, et qui de plus dispose
de trop peu de postes ou de possibilités de formation pour être vraiment efficace.
L'INSERM, quant à lui, n'a pas mis en place une telle commission, dont la création était
cependant envisagée aux termes de son décret d'organisation, au motif qu'une telle
commission n'aurait pas de sens : l'idée qui prévaut est que "sans recherche
d'excellence, il n'y a pas valorisation de la recherche ".
Cette vision semble corroborée par deux études menées respectivement au
CNRS et à l'INRA, à la fin des années quatre-vingt, qui montraient l'une et l'autre qu'il
existe une forte corrélation, pour les équipes de recherche , entre qualité des résultats,
évalués selon les critères académiques, et degré élevé de partenariat : les laboratoires
qui ont le meilleur niveau scientifique sont également ceux qui remplissent le mieux
leurs missions de formation et qui valorisent le plus, ce qui réfute d'éventuels préjugés
pouvant subsister sur l'hypothétique incompatibilité entre la recherche fondamentale et
ses applications.
Les limites de la mobilité des personnels de recherche vers les entreprises
Les décrets propres à chacun des EPST - aussi bien le décret portant organisation
de l'établissement que ceux relatifs aux statuts particuliers de ses personnels - ont tous
repris la notion de mobilité des personnels de recherche entre laboratoires publics et
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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laboratoires privés : cette insistance manifestait que l'existence effective de passerelles
entre recherche publique et recherche privée était une priorité pour le pouvoir législatif
et réglementaire.
Les échanges de personnel entre le monde de la recherche et l'industrie sont en
effet l'un des outils possibles de la valorisation. Or la mobilité stagne à des niveaux qui
déçoivent ceux qui la prônent, sauf peut-être en ce qui concerne les personnels de
l'INRIA. Le bilan que l'on peut faire des départs en entreprises des personnels de
recherche des EPST, depuis l'entrée en vigueur des statuts de ces personnels, montre en
effet que ces mouvements ont été :
1. Très faibles en nombre : depuis une dizaine d'années, toutes positions
statutaires confondues, le nombre total des départs en entreprise des personnels des
quatre EPST est de l'ordre de 700 personnes ; en moyenne annuelle, les personnels de
ces établissements qui, chaque année, font l'expérience d'un départ en entreprise
constituent moins de 0,2 % des effectifs ;
2. Le plus souvent temporaires : à la mise à disposition ou au détachement
succède en général la réintégration dans l'EPST, et non un départ définitif vers
l'industrie.
Plusieurs interprétations peuvent être avancées pour expliquer cette faiblesse des
départs - même temporaires - des personnels de recherche vers les entreprises. En
premier lieu, le contexte économique général, depuis de nombreuses années, n'a pas
toujours été favorable à l'accroissement des services de recherche des entreprises. On ne
peut écarter par ailleurs l'hypothèse d'un certain décalage entre les méthodes de travail
respectives des laboratoires de recherche publics et privés, qui rendrait l'insertion
définitive, dans un laboratoire privé, d'un chercheur formé dans un laboratoire public,
parfois malaisée. Enfin, bien que le droit au retour existe statutairement, les personnels
de recherche peuvent craindre que leur réinsertion dans une équipe publique soit
délicate, et que leur mobilité soit mal prise en compte par les commissions d'évaluation
de leurs activités.
Par ailleurs, il n'est pas certain que l'ambition de mobilité affichée par les
pouvoirs publics au moment de la rédaction de la loi du 15 juillet 1982 soit partagée par
les personnels de recherche eux- mêmes : l'INSERM a exposé à la Cour que "
la force
des motivations les ayant poussés à surmonter les obstacles d'une formation très longue
et d'une sélection très sévère s'accompagne habituellement chez les chercheurs d'un
grand attachement à leur métier
".
Il faut néanmoins remarquer que, si les possibilités de transférer provisoirement
ou définitivement des personnels "seniors" d'une communauté vers l'autre sont
finalement peu mises en vigueur, ces mobilités ne sont pas les seules façons de faire
bénéficier l'organisme d'accueil de compétences acquises dans les laboratoires publics :
il existe notamment une autre solution, qui consiste en le recrutement par les entreprises
de jeunes chercheurs formés dans les laboratoires publics et qui transfèrent de facto vers
l'industrie les savoirs et les méthodes acquis par eux dans les unités de recherche
publique. Si le cas le plus général demeure celui des embauches d'étudiants de troisième
cycle ou de post-doctorants, cette modalité de la valorisation a fait l'objet de mesures
spécifiques telles que les conventions "CIFRE" ou les bourses de docteur-ingénieur
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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cofinancées par les entreprises et qui visent à aider les industriels à procéder à de tels
recrutements. L'INRA a même multiplié ces possibilités en créant des "bourses
cofinancées INRA/industrie", qui fonctionnent selon le même principe que les bourses
CIFRE, si ce n'est que c'est l'INRA, et non l'Agence nationale de la recherche technique
(ANRT), qui prend en charge la moitié du salaire des étudiants de troisième cycle ainsi
recrutés.
.
B.
-
LES
OUTILS
DE
TRANSFERT
DES
RESULTATS
ISSUS
DES
LABORATOIRES
PUBLICS
VERS
LA
SPHERE
ECONOMIQUE
Certains résultats des travaux menés dans les laboratoires publics sont
susceptibles d'applications industrielles. Pour cela, les organismes de recherche
disposent d'outils ou de mécanismes leur permettant, en premier lieu de protéger les
découvertes de leurs laboratoires, en second lieu de favoriser le développement
industriel des travaux valorisables.
Ils sont ainsi à même de poursuivre un triple objectif d'intérêt général :
- protéger le patrimoine scientifique et économique résultant d'un effort national
de recherche ;
- stimuler les efforts de recherche et développement ;
- transférer l'information technologique à des partenaires aptes à en assurer le
développement.
La propriété intellectuelle des résultats de la recherche publique
Dans les organismes publics de recherche, la protection de la propriété
intellectuelle des inventions est nécessaire, tant pour préserver le patrimoine scientifique
national que pour assurer le développement industriel ultérieur des inventions.
Les personnels de recherche sont cependant, dans leur majorité, longtemps restés
étrangers à la nécessité de protection de la propriété intellectuelle de leurs résultats,
notamment en raison du fait qu'ils sont sensibles au processus de reconnaissance par
leurs pairs - ce qui implique de faire connaître vite tout résultat nouveau, notamment,
pour les sciences dites exactes, par communication dans un congrès ou par publication
dans une revue "à comité de lecture". De plus, l'idée est encore répandue, parmi les
chercheurs, que le processus de protection des inventions est trop long par rapport aux
délais de publication des résultats qu'ils souhaitent voir survenir le plus vite possible, de
peur de se faire "doubler" par une équipe concurrente travaillant sur le même sujet.
Une évolution s'est cependant amorcée, singulièrement parmi les chercheurs en
sciences de la vie, en raison de quelques découvertes françaises majeures des quinze
dernières années, dont les retombées financières pour les laboratoires et les personnels
de recherche concernés sont (ou seront) considérables : parmi ces découvertes, figurent
notamment le virus HIV, les vaccins contre l'hépatite B, deux produits anticancéreux.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
52
a)
Les techniques de protection de la propriété intellectuelle
Il existe une large panoplie de modes de protection des inventions : brevets,
dossiers techniques secrets (permettant le transfert de "savoir-faire" non brevetable),
droits d'auteur, engagements de confidentialité, etc. Parmi toutes ces techniques de
protection, les brevets occupent une place majeure. Lorsqu'elle est possible, la
protection des inventions par dépôt de brevet présente en effet plusieurs avantages :
- les brevets sont des outils économiques conférant à leur propriétaire, avec un
degré de protection élevé, un droit exclusif temporaire d'exploitation de l'invention
brevetée (droit qui peut alors être concédé par licence) ;
- les brevets sont, pour les industriels partenaires des EPST, un élément essentiel
de leur stratégie, à la fois offensif (pour créer ou investir un marché) et défensif (pour se
protéger des concurrents) ;
- les brevets pourraient devenir peu à peu, pour les chercheurs, un indicateur -
parmi d'autres - de la validité de leurs travaux.
Toutefois, si les brevets sont un bon outil de protection, ils n'ont pas toujours
pour seul objectif de permettre le développement et la commercialisation des résultats
qu'ils protègent. De plus en plus, en effet, un certain nombre des brevets dont les EPST
sont propriétaires ou copropriétaires ne sauraient donner naissance à un produit
immédiatement commercialisable : le contexte de la concurrence existant dans chaque
domaine de recherche conduit en fait à protéger des inventions à un stade parfois
précoce de leur développement, afin d'éviter une publication anticipée par une équipe
concurrente, et également afin de permettre assez rapidement leur diffusion par les
publications scientifiques. On nomme parfois ces brevets "brevets amont", par
opposition aux "brevets aval", qui sont relatifs à des inventions commercialisables.
Mais la recherche de cet équilibre, entre protection précoce et diffusion à
l'intention de la communauté scientifique des résultats protégés, est délicate, et certains
exemples récents montrent que le dépôt d'un brevet peut attiser la concurrence dans un
domaine donné, en raison du fait que le dépôt d'un brevet s'accompagne obligatoirement
de la publication de toute l'information technique contenue dans le brevet. Le dépôt d'un
brevet, s'il assure une protection économique et s'il peut être vecteur d'un
développement industriel, ne peut alors constituer une barrière à l'entrée de concurrents,
dans des phases de recherche situées très en amont de toute éventuelle application. On
ne saurait donc "évaluer" la recherche des EPST, pas plus que les applications de ces
recherches, à la seule aune de leur portefeuille de brevets.
Les caractéristiques de ces portefeuilles constituent cependant des indicateurs
intéressants ; plus encore dans le cas du CNRS et de l'INSERM, toutefois, que dans
ceux de l'INRA et de l'INRIA, puisque certains des résultats de ces deux établissements
obéissent à un mode de protection autre que le brevet, dans des domaines techniques où
les inventions ne sont par définition pas brevetables. Tel est le cas, notamment, des
créations de variétés végétales de l'INRA, protégées par "des certificats d'obtentions
végétales" distincts des brevets, et des logiciels de l'INRIA, protégés par des droits
d'auteurs.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
53
De plus, le brevet n'est pas toujours l'instrument de protection le plus pertinent :
en raison de son coût, et de la publicité qui est alors donnée à l'invention, il peut se
révéler plus adéquat de se contenter de travailler avec le partenaire industriel sur un
"dossier technique secret", dont le coût est nul et la confidentialité en principe totale. Ce
type de procédure n'offre en revanche, évidemment, aucune voie de recours en cas de
pillage ou de contrefaçon par un concurrent.
Plusieurs critères permettent aux EPST d'être en mesure d'arbitrer, en principe,
entre les différents choix techniques possibles de protection et de transfert de leurs
résultats :
1. Le coût élevé des dépôts et procédures de maintien en vigueur des brevets :
Les coûts moyens de dépôt, d'extension internationale et de maintien en vigueur
d'un brevet (lesquels résultent des coûts de constitution des dossiers techniques et des
tarifs fixés par les organismes officiels chargés, dans chaque pays, de l'enregistrement
de ces demandes) sont très élevés. Les ordres de grandeur (HT) de ces différentes
opérations sont en effet les suivants (sur les brevets récents) :
- délivrance d'un brevet prioritaire en France : entre 30 000 et 50 000 F ;
- extension d'un brevet à l'Europe : entre 150 000 et 500 000 F ;
- extension d'un brevet aux Etats-Unis : entre 100 000 et 400 000 F ;
- extension d'un brevet au Japon : entre 50 000 et 100 000 F ;
- coût moyen annuel d'entretien d'un brevet déjà délivré et étendu à l'étranger :
plusieurs milliers ou dizaines de milliers de francs.
2. La "cible" et les résultats financiers attendus du transfert de technologie :
Il est par exemple essentiel de breveter une découverte dans le domaine de
l'industrie pharmaceutique, dont les investissements en recherche et développement,
comme les résultats économiques de l'exploitation d'une innovation thérapeutique
majeure, sont considérables et à échelle mondiale, alors qu'il est sans grande
justification de le faire pour une découverte susceptible d'intéresser, dans le cadre d'une
exploitation purement locale, une PME du secteur agro-alimentaire. Les EPST se
trouvent donc confrontés, en raison des contextes économiques différents qui
caractérisent leurs partenaires potentiels, à des arbitrages également différents, et il n'est
pas surprenant que le portefeuille de brevets de l'INSERM soit par exemple deux fois
plus abondant que celui de l'INRA.
3. Les délais de maintien du secret de la découverte :
Le secret doit être en principe maintenu indéfiniment dans le cas d'un transfert
sur dossier technique secret, alors qu'au contraire le délai n'est pas indéfini dans le cas
du dépôt d'une demande de brevet. Or ces questions de délais sont essentielles, bien
souvent, du point de vue des chercheurs, et peuvent donc induire l'arbitrage des
établissements.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
54
b)
Les politiques de dépôt et de maintien en vigueur des brevets
Ces politiques ont subi, presque concomitamment dans les EPST, des évolutions
contrastées depuis le début des années quatre-vingt. A la période des années soixante-
dix, au cours de laquelle assez peu de demandes de brevets étaient déposées, a succédé
tout d'abord une période "d'euphorie de la propriété intellectuelle", s'étendant presque
jusqu'à la fin de la décennie suivante, au cours de laquelle les portefeuilles, alors
constitués probablement sans sélection rigoureuse, étaient devenus volumineux. Puis est
survenue une période de raison, au cours de laquelle les portefeuilles ont été réduits.
Cette prise de conscience peut s'expliquer par trois phénomènes :
- le professionnalisme grandissant des services de valorisation des EPST ;
- la perception croissante de l'inutilité qu'il y a, dans la plupart des cas, à
disposer de brevets qui ne soient pas étendus internationalement, conjuguée aux prix
très élevés des protections internationales ;
- la définition de plus en plus fine d'une stratégie de protection efficace des
résultats.
A titre d'exemple, l'évolution du portefeuille de brevets de l'INSERM, depuis
1982, est illustrée par le graphique ci-dessous :
Evolution du portefeuille de brevets de l'INSERM
0
50
100
150
200
250
300
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
Brevets initiaux en
cours
Brevets initiaux
déposés dans l'année
Ce graphique montre que, si le nombre de nouveaux dépôts annuels n'a pas
considérablement changé, en revanche, la durée de vie des brevets est plus longue,
puisque le nombre total des brevets en cours a été presque multiplié par trois en douze
ans.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
55
L'aide au prédéveloppement
Il est sans doute, à l'heure actuelle, moins exact qu'il y a quelques années de
croire qu'il puisse encore exister, dans les laboratoires publics de recherche, des
"gisements" de résultats et de compétences non utilisés, qu'il conviendrait de repérer et
de transférer vers des structures en aval susceptibles de les exploiter. Une telle évolution
s'explique notamment par l'intervention des services de valorisation des EPST, en
particulier lorsque celle-ci s'accompagne d'un "maillage" de proximité qui permet aux
personnels de l'ensemble des laboratoires d'un établissement d'avoir un interlocuteur
identifié dans le domaine de la valorisation.
En revanche, il reste vrai que la valorisation d'un résultat de recherche requiert
de procéder à des opérations qui ne sont pas du ressort habituel du fonctionnement des
laboratoires. Par exemple, breveter un résultat de recherche dont on pense qu'il pourra
avoir des applications industrielles ne suffit pas toujours à le rendre immédiatement
transférable. Des opérations ultérieures peuvent se révéler nécessaires pour lui permettre
d'être plus facilement appropriable par une entreprise : assurer le caractère reproductif
du résultat à une échelle plus grande que celle de l'expérience de laboratoire, définir les
conditions nécessaires pour l'élaboration d'un prototype industriel, etc. Il en est de
même pour l'évaluation technico-économique des inventions, pour le prédéveloppement
d'appareillages, pour l'élaboration de matériaux en quantités préindustrielles, etc.
La réalisation de ces opérations en amont du développement se heurte souvent à
la double réticence des laboratoires et des industriels : les laboratoires, parce qu'ils n'ont
a priori pas les moyens de les prendre en charge et parce que les chercheurs ne sont pas
toujours désireux de travailler sur des applications de la recherche ; les entreprises,
parce que le débouché de ces travaux est aléatoire et qu'elles hésitent à financer des
opérations dont elles ne sont pas sûres de pouvoir retirer un profit.
Différentes solutions ont donc été élaborées au sein des EPST pour tenter de
surmonter cette difficulté. Ont été ainsi mis en place des "fonds de valorisation",
dotations à la disposition des services de valorisation, qui permettent de financer
certaines opérations de prédéveloppement, en s'ajoutant ou en se substituant aux aides à
l'innovation de l'ANVAR ou à certaines aides du Fonds de la recherche et de la
technologie (FRT). Le fonds de valorisation le plus abondant fut celui mis en place au
CNRS en 1982, et dont la dotation atteignit 10 millions de francs en 1984. Mais les
fonds de valorisation des différents EPST sont à l'heure actuelle faiblement dotés, ce qui
obère évidemment leur efficacité potentielle : l'INRA n'y consacre, par exemple, que 2
millions environ par an.
Une initiative originale d'aide au prédéveloppement a été mise en oeuvre par le
CNRS depuis une dizaine d'années : le CNRS a donné à ses laboratoires la possibilité
d'obtenir une aide en personnels ITA (ingénieurs - personnels techniques - corps
d'administration de la recherche) pour conduire des opérations de prédéveloppement et
de développement. Il semble que la moitié environ de la centaine d'opérations qui,
depuis 1985, ont pu bénéficier d'une affectation d'ITA de valorisation aient débouché
sur des transferts effectifs vers l'industrie, le plus généralement sous la forme d'un
contrat de licence.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
56
Le ministère chargé de la recherche a récemment créé, notamment pour relayer
les EPST dans leurs tentatives de pallier la faiblesse, chronique en France, de l'aide au
prédéveloppement, des "centres de ressources technologiques", structures vouées au
transfert technologique de la recherche publique vers l'industrie, et plus particulièrement
les PME. On doit s'interroger sur la pertinence de la création de tels centres, qui
succèdent eux-mêmes à d'autres centres tels que les CRITT (centres régionaux pour
l'innovation et le transfert technologiques), alors qu'existent de longue date les CTI
(centres techniques industriels), dont une des missions est de favoriser le
développement des applications industrielles de la recherche , et qui bénéficient de la
collecte de taxes parafiscales dont le montant était, pour 1996, de l'ordre de 4,4 milliards
de francs.
Le désengagement relatif des EPST du financement des opérations de
prédéveloppement - malgré les rôles que sont censés jouer l'ANVAR, le FRT, et les
structures qui se juxtaposent depuis des années sans convaincre - montre que la France
n'a toujours pas réussi à résoudre efficacement le problème posé par l'aide au
prédéveloppement.
.
C.
-
LES
COLLABORATIONS
DE
RECHERCHE
EPST
-ENTREPRISES
Depuis une quinzaine d'années, l'organisation de véritables partenariats de
recherche - qu'ils associent des entreprises entre elles ou à des institutions publiques de
recherche - tend à se généraliser. Les EPST se sont inscrits dans ce mouvement, et dans
chacun d'entre eux on observe un développement important des relations avec les
entreprises, par l'intermédiaire de la multiplication des contrats, notamment des contrats
dits "de collaboration".
Ces partenariats permettent d'associer, en général pendant plusieurs années, des
financements et des compétences dans des programmes de recherche qui sont censés
être à la fois inscrits dans les orientations scientifiques de l'organisme public et
intéressants pour leurs partenaires. La divergence des partenaires quant aux objectifs
poursuivis n'est en effet pas exclusive de sujets de recherche et de développement -
donc de projets - participant d'un intérêt commun : intérêt scientifique pour les
établissements publics de recherche (obtention d'un résultat nouveau, publication),
intérêt lié à des potentialités d'industrialisation pour les entreprises (amélioration d'un
produit ou d'un procédé, introduction d'une innovation sur le marché).
Contrairement à d'autres formes de valorisation, tels les groupements d'intérêt
public ou les prises de participation dans le capital de sociétés anonymes, les contrats de
collaboration ne résultent pas - sauf exceptions notables - d'une politique délibérée des
organismes de recherche. Ce sont au contraire les équipes de recherche qui ont, dans la
plupart des cas, un rôle moteur dans le déclenchement de ces actions. Leurs motivations
majeures, hormis celles qui peuvent tenir au souhait de participer à la diffusion dans le
tissu social des résultats du progrès des connaissances, sont de deux ordres :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
57
1. La recherche de ressources extérieures supplémentaires, à la fois en
financements et en mises à disposition de personnel : il est banal de constater que les
besoins de financement des laboratoires, supérieurs à ce qu'offre la dépense publique de
recherche, imposent aux équipes de recherche le recours à des partenaires extérieurs. La
capacité d'attirer des financements de cette nature pour des recherches d'amont dépend
bien entendu de la crédibilité scientifique des laboratoires ;
2. La recherche d'association de compétences complémentaires : une osmose
plus grande avec le monde industriel peut apporter aux personnels de la recherche
publique une ouverture intéressante, et permet de progresser plus vite, face à la
compétition scientifique internationale.
Ce mécanisme de complémentarité comporte en lui-même un risque, puisqu'il
implique la coexistence de deux phénomènes :
- connivence entre les équipes de recherche publiques et privées qui collaborent
sur un même programme ;
- concurrence entre l'objectif des EPST, qui est de faire progresser, en le
diffusant, le patrimoine scientifique de la nation, et le but des entreprises, qui est de
protéger le résultat des recherches, lesquelles doivent améliorer leur position
concurrentielle sur le marché.
Même si elles résultent, en majorité, de décisions individuelles, les
collaborations n'ont cessé d'augmenter, dans l'ensemble des EPST, depuis le début des
années quatre-vingt. Ainsi, au CNRS, le nombre de contrats de recherche signés dans
l'année avec des entreprises est passé de 109 en 1982 à 917 en 1994 ; à l'INSERM, le
nombre de contrats de collaboration en cours est passé de 17 en 1982 à 184 en 1994.
On observe cependant de notables variantes d'un EPST à l'autre. Alors qu'à
l'INRA et à l'INSERM, par exemple, une forte majorité des unités de recherche sont
engagées dans des activités de partenariat, le développement de l'activité contractuelle
au CNRS est au contraire marqué par la concentration des contrats sur un nombre
relativement restreint de laboratoires : en 1990, par exemple, plus de 80 % des contrats
étaient traités par 200 laboratoires seulement (sur 1 500), relevant en majorité des
départements de la chimie et des sciences pour l'ingénieur.
Des collaborations de recherche limitées avec les PME
La base d'analyse traditionnelle d'une collaboration - fondée sur le partage des
coûts, par exemple - ne suffit pas à rendre compte des acquis les plus tangibles, pour les
entreprises partenaires des EPST, des accords de collaboration : le transfert et
l'appropriation des connaissances. Car ces accords de partenariat avec les organismes
publics de recherche ne sont évidemment pas tant, notamment pour les grandes
entreprises, une manière de diminuer les charges liées à l'investissement de recherche,
qu'un moyen de partager l'information et la connaissance, d'améliorer l'efficacité de la
veille technologique, et même d'accélérer l'apprentissage dans leurs propres équipes de
recherche : bref, d'accroître les investissements immatériels. Or ces derniers sont
particulièrement élevés dans les opérations de recherche, et indispensables au
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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développement de la stratégie propre à chaque industriel. Il est évident à l'inverse que,
pour bon nombre d'entreprises, le partage de la charge financière n'est pas la motivation
première de la collaboration, puisque les étapes les plus onéreuses de la création d'un
produit nouveau ne sont le plus souvent pas les étapes amont de la recherche, pour
autant qu'elles puissent être identifiées, mais les étapes aval du développement.
Les contrats de collaboration impliquent que les entreprises partenaires des
EPST consacrent des moyens (financiers, matériels et humains) à la réalisation de ces
recherches en collaboration. Or une bonne partie des PME, notamment en France,
n'affectent que très peu de fonds aux dépenses de recherche. Dans chacun des EPST, ce
sont donc les grandes entreprises qui signent le plus grand nombre de contrats de
collaboration. Au CNRS par exemple, l'examen des contrats signés en 1994 permet de
constater un phénomène de concentration des entreprises contractantes : les 19
entreprises ayant conclu 10 contrats ou plus ont signé à elles seules 58 % des contrats, et
versé 63 % du montant total des fonds versés par des entreprises.
Même dans les établissements pour lesquels les PME constituent, sur l'ensemble
des formes de valorisation, la majorité des partenaires industriels en nombre, comme par
exemple au CNRS ou à l'INSERM, ces PME sont minoritaires au sein des signataires
des contrats de collaboration. Cette remarque doit toutefois être tempérée, notamment
dans le cas particulier de l'INRA, par le fait qu'un certain nombre de contrats passés
avec des acteurs publics (ministères, collectivités territoriales, Union européenne) ou
avec des organismes professionnels ou interprofessionnels bénéficient, directement ou
collectivement, à tout un ensemble de PME du monde agricole et agroalimentaire.
Ce phénomène de concentration sur les grandes entreprises, propre aux contrats
de collaboration, ne se retrouve pas pour d'autres formes de valorisation : dans les
modes plus traditionnels de valorisation que sont, par exemple, les contrats de licences
d'exploitation, certains établissements privilégient les contacts avec les PME. Ainsi
l'INSERM avait en 1994 parmi ses partenaires industriels 59 % de PME, alors que ces
dernières n'étaient signataires que de 40 % des contrats de collaboration.
Les clauses des contrats de collaboration
Les termes de l'échange opéré entre les deux partenaires, public et privé, d'un
contrat de collaboration se situent dans des univers différents : d'un côté, de la veille
technologique, des connaissances fondamentales, des idées originales émanant de
chercheurs recrutés selon un processus de sélection et d'évaluation sévère ; de l'autre
côté, des fonds, une bonne appréciation de la nouveauté des découvertes et de la
brevetabilité des inventions, l'apport de capacités techniques n'existant pas dans les
laboratoires publics, et le concours intellectuel des chercheurs de l'entreprise. De cette
dissymétrie découle l'importance de la négociation de chacune des clauses des contrats
de collaboration.
En amont de toute négociation, cependant, il importe que les établissements
aient pu formaliser les points les plus importants dans l'organisation de l'échange, par
une réflexion juridique approfondie, dont les résultats peuvent par exemple être retracés
dans un "contrat- type" de recherche . Ceci est d'autant plus important que, dans la
plupart des collaborations, la négociation initiale a lieu entre une entreprise et une
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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équipe de recherche , les services de valorisation de l'établissement n'étant impliqués
qu'ultérieurement - au stade de la "finalisation" du contrat.
Compte tenu de l'importance de cet aspect juridique des collaborations, on
pourrait croire que le ministère de tutelle des EPST ait pris les initiatives appropriées,
pour proposer une ligne de conduite commune apte à protéger les intérêts de la
recherche publique française, et aussi - surtout - pour éviter que des équipes appartenant
à des établissements différents proposent aux mêmes entreprises ou acceptent de leur
part, des principes de collaboration par trop différents. Ce n'est pas le cas.
On observe ainsi des différences parfois grandes d'un établissement à l'autre.
Certains établissements, notamment l'INSERM et l'INRA, veillent avec soin à la
précision de leurs contrats, et n'acceptent que rarement de transiger sur les clauses les
plus importantes. Y sont détaillés, de façon systématique, les aspects suivants des
collaborations :
- l'état précis des recherches et des découvertes de l'équipe publique dans le
domaine scientifique du contrat, de même que les droits de propriété industrielle déjà
détenus dans le domaine considéré ;
- la définition du domaine scientifique exact de la collaboration et, en son sein,
du programme des travaux prévu dans le cadre de la collaboration, de même que la
durée du contrat ;
- les apports prévisionnels de chaque partenaire - qu'il s'agisse de frais de
personnel, de matériel, de fonctionnement, de missions ou de frais de propriété
industrielle ;
- le montant de la participation financière et le rythme de versement des
paiements de l'industriel ;
- la mise en place d'un comité de coordination, composé paritairement, et chargé
de suivre le déroulement des recherches ;
- l'organisation de la dialectique entre secret et confidentialité des recherches,
d'une part, et droit à publication des chercheurs, d'autre part ;
- la définition du régime de la propriété des résultats ;
- une clause organisant le "droit de retour", c'est-à-dire le droit pour l'EPST de
négocier avec d'autres partenaires des licences d'exploitation des résultats communs,
lorsque ces derniers ne sont pas développés et/ou exploités par le partenaire de
collaboration dans un délai qui est souvent de l'ordre de trois ans (ceci permet de ne pas
voir les résultats des travaux "paralysés" sciemment par un partenaire industriel) ;
- le principe d'une compensation financière au profit de l'établissement public, en
cas d'exploitation des résultats de la collaboration, dont il est en général prévu qu'elle
sera ultérieurement déterminée, en fonction des apports respectifs des deux partenaires.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Les clauses des contrats de collaboration de recherche s'écartent en revanche,
dans un certain nombre de cas, des clauses types, et ces écarts, lorsqu'ils existent, sont
rarement à l'avantage des organismes publics. Les dispositions les plus contestables des
contrats de cette catégorie examinés par la Cour portent notamment sur les points
suivants :
a)
La dispersion des financements
Une unité INSERM est ainsi liée, depuis 1986, par contrat de collaboration à un
groupe pharmaceutique. La participation financière de l'entreprise privée aux travaux
menés dans l'unité INSERM est de l'ordre de 3 millions de francs (TTC) par an, cette
participation se partageant en apports financiers (versés à l'Institut) et en mises à
disposition de personnels.
La Cour a relevé que l'entreprise a versé une partie des fonds destinés au
programme de collaboration, non à l'INSERM, mais à l'association Claude Bernard qui
n'est pas partie au contrat (à hauteur de 1,7 million de francs pour les seules années
1993 et 1994).
b)
Le plafonnement des redevances
Dans plusieurs des contrats signés par le CNRS, la Cour a de même noté
l'existence de clauses protégeant mal les intérêts de l'établissement : le CNRS accepte
ainsi fréquemment que le montant des redevances qu'il est susceptible de percevoir soit
plafonné.
A titre d'illustration, on peut citer les clauses d'un accord entre le Centre et une
firme N.., qui accorde à celle-ci le droit d'"
exploiter gratuitement (...) sans limitation
territoriale ni de durée, pour ses besoins propres, les résultats de l'étude, brevetés ou
non. (...) Si dans le cadre de l'exploitation par N... d'un ou des brevets (...) il était mis en
évidence que la ou les inventions brevetées constituent une avancée concrète, innovante
et enrichissante pour le produit (...) et assurant un avantage économique et commercial
incontestable, il pourra, à l'initiative du CNRS, être négocié par les parties un montant
à verser au CNRS. Dans tous les cas, ce montant, qui tiendra compte de l'exploitation
dudit brevet par des tiers licenciés, (...) ainsi que des frais encourus par la partie
exploitante, notamment les frais d'exploitation industrielle, ne pourra pas dépasser le
triple de la participation du CNRS dans le contrat d'étude ayant donné lieu aux
inventions exploitées, objet des brevets en cause
".
Le plafonnement des redevances, lorsqu'il est institué, est fixé par référence au
montant de la participation du CNRS dans le contrat. Dans ces conditions, déjà
critiquables en elles-mêmes, on conçoit l'importance qu'a une étude financière précise
du coût total, pour le CNRS, de la recherche menée en collaboration. Il n'est pas sûr
qu'une telle étude soit toujours bien faite.
Le CNRS, interrogé sur les raisons pour lesquelles il a accepté de souscrire dans
certains contrats au principe de plafonnement de ses éventuelles redevances, a fait
connaître à la Cour que "le
CNRS est tout à fait conscient des limites qu'une telle
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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formule apporte à ses droits, mais dans tous les cas où ce plafonnement a été accepté, il
était la condition sine qua non de la signature de l'accord par l'entreprise
".
Ces restrictions aux droits du CNRS de percevoir des redevances d'exploitation,
notamment dans certains des accords-cadres signés récemment, sont d'autant plus
préoccupantes que les premiers accords- cadres, négociés à partir de 1983, comportaient
des clauses satisfaisantes à cet égard. On ne peut totalement se satisfaire de l'argument
employé par le CNRS, en réponse à la Cour : "
Théoriquement, il existe effectivement un
risque qu'un tel plafonnement limite les ressources du CNRS, mais concrètement ces
clauses (...) sont peu susceptibles d'entrer en application tant est limité le montant des
redevances
issues
de
l'exploitation
des
résultats
acquis
dans
le
cadre
de
collaborations
." Si le risque de dépasser le plafond est inexistant, pourquoi alors fixer
un plafond ?
c)
La nécessité de prouver l'invention
Certains des contrats signés par le CNRS contiennent des clauses en vertu
desquelles le Centre, pour espérer recevoir des redevances, doit non seulement produire
des résultats, mais encore prouver qu'il les a produits. On peut citer à titre d'illustration
les clauses d'un contrat-cadre signé en 1993, aux termes duquel : "
Si le CNRS peut
rapporter la preuve irréfutable qu'un brevet pris ou étendu par les partenaires repose
sur une invention née au cours de la collaboration et faite par une ou plusieurs
personnes agissant sous son autorité, (...) que ces personnes soient seuls inventeurs ou
qu'elles soient co- inventeurs avec les salariés du partenaire, il a droit - sauf s'il a déjà
perçu une participation forfaitaire lors de la protection des mêmes résultats avec un
dossier technique secret - à une redevance calculée en pourcentage des profits tirés par
la partenaire de l'exploitation de ce brevet
."
De la même façon, l'accord avec la firme N.., évoqué ci-dessus, met le CNRS en
demeure de prouver que ses inventions brevetées éventuelles constituent une
"
innovation (...) assurant un avantage économique et commercial incontestable
". Le
CNRS, interrogé par la Cour sur ces dispositions, a indiqué qu'il est "
favorable à la
résiliation de cet accord-cadre à l'expiration de sa période initiale de validité s'il est
possible de négocier des clauses plus équitables, indépendamment des préoccupations
de politique industrielle des tutelles
".
d)
L'extension a posteriori du domaine sur lequel portent les droits
d'exploitation du partenaire industriel
En principe, dans un contrat de collaboration, les droits d'exploitation concédés
au partenaire industriel - en contrepartie de versements de redevances en cas
d'exploitation effective - sont strictement circonscrits aux résultats issus du programme
de recherche précisément défini dans le contrat de collaboration. Il existe cependant des
contrats dans lesquels les droits du partenaire sont définis de façon beaucoup plus large,
sans pour autant que le montant du contrat le justifie avec évidence.
Une illustration de ce cas peut être apportée par un contrat signé entre l'INSERM
et une entreprise X... Dans ce contrat figurent des clauses qui instaurent un droit de
préférence, dont le mécanisme est le suivant : après avoir défini le domaine du contrat
sur le plan scientifique, le contrat détaille le programme des travaux, ainsi que leur
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
62
répartition entre l'entreprise et l'unité de recherche, ce qui permet en principe de
délimiter exactement les travaux qui font l'objet de la collaboration de recherche et sur
lesquels l'entreprise bénéficie de droits d'exploitation. Mais en sus, le contrat indique
que l'entreprise X.. bénéficie d'un "droit de préférence", en vue de leur exploitation dans
le monde entier, "
sur les résultats de recherche acquis au sein de l'unité dans le
domaine du contrat, ainsi que sur tous droits de propriété industrielle qui en
résulteraient
" : l'entreprise voit ainsi son droit d'exclusivité étendu à l'ensemble des
résultats de l'unité dans le domaine du contrat.
Ce contrat a fait l'objet d'un avenant, qui a encore repoussé les limites fixées par
le contrat initial aux droits de l'entreprise sur les travaux de l'unité INSERM et qui était,
de surcroît, largement antidaté : le domaine de la collaboration a en effet été étendu
rétrospectivement au-delà du domaine initial, l'entreprise X... se voyant octroyer un
droit exclusif et mondial d'exploitation de deux brevets dont les demandes avaient été
déposées, avant la signature de l'avenant, au nom de l'INSERM seul, et qui
correspondaient à des recherches que l'entreprise n'avait pas cofinancées. L'entreprise
X... a donc obtenu que, de fait, le "domaine du contrat" initial soit modifié
a posteriori
.
e)
L'absence de définition des projets de recherche faisant l'objet de la
collaboration
Bien que les contrats de collaboration doivent en principe cerner avec précision
le domaine de la collaboration envisagée, certains contrats dérogent, de façon plus ou
moins importante, à ce principe. Témoigne de ce genre d'exception un contrat, signé en
1989 avec une entreprise Y... par le CNRS, l'INSERM et une université française. Dans
ce contrat de collaboration, le domaine scientifique du contrat est certes défini, mais son
intitulé couvre l'intégralité du champ de compétence de l'unité de recherche impliquée
dans la collaboration avec l'entreprise Y... Ce contrat prévoit que l'entreprise Y... a le
droit d'effectuer à échéances régulières une sélection (sélection qui s'effectue a priori,
mais qui pourrait, en droit, s'effectuer
a posteriori
) parmi les activités de recherche de
l'unité, de celles qui l'intéressent et dont elle a le droit de déclarer
a posteriori
que ce
sont celles qui font l'objet de la collaboration. La seule limite aux choix souverains de
l'entreprise Y... réside dans le nombre des projets qu'elle peut sélectionner comme étant
"les siens" : ces projets ne peuvent pas représenter plus de la moitié de l'activité totale
de l'unité, mesurée en temps-chercheurs.
Une telle latitude de choix laissée à l'entreprise Y... par ses trois partenaires
publics peut n'être pas sans conséquences commerciales, car l'entreprise bénéficie (en
contrepartie du paiement de redevances) d'un droit exclusif et mondial d'exploitation de
tous les résultats issus des projets de recherche qu'elle sélectionne à sa guise.
f)
Les contreparties intellectuelles à la participation à des investissements
immobiliers
Il existe des contrats de collaboration dans lesquels la contrepartie financière
qu'apportent les partenaires industriels à la coopération intellectuelle qu'ils attendent
d'une unité de recherche publique se traduit par des investissements lourds. Il n'est pas
certain que les EPST, comme leurs autorités de tutelle, maîtrisent toujours les
conséquences de tels montages.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Le CNRS, l'INSERM et une université française ont ainsi signé en 1989, avec
une entreprise Z..., un contrat de collaboration aux termes duquel l'entreprise s'engageait
à participer à la construction d'un centre de recherche, d'une surface "d'environ
10 000 mètres carrés", dans les limites d'un budget global de 130 millions de francs HT.
Le contrat prévoyait que le CNRS, l'INSERM et l'université équiperaient, à leurs frais,
le centre - notamment en y installant les matériels déjà en usage dans l'unité de
recherche
concernée,
l'entreprise
Z...
ne
fournissant
le
matériel
scientifique
supplémentaire nécessaire que dans la limite de 9 millions de francs HT.
De telles dispositions étaient périlleuses pour les partenaires publics : l'entreprise
Z... limitait d'office sa participation financière pour la construction à 130 millions de
francs HT ; on faisait par ailleurs l'hypothèse implicite que les matériels du précédent
laboratoire seraient réutilisables après déménagement, et/ou que les trois organismes
publics financeraient les compléments nécessaires.
En réalité, on construisit 16 500 mètres carrés au lieu des 10 000 mètres carrés
initialement prévus, et le financement apporté par le partenaire industriel n'y suffit pas ;
un plan de financement complémentaire dut être élaboré par le CNRS, l'INSERM,
l'université, avec l'apport complémentaire d'une association faisant appel à la générosité
publique. L'équipement neuf à acquérir fut évalué à 55 millions de francs. En outre, les
trois organismes publics apportent à l'unité de recherche les moyens de fonctionnement
supplémentaires nécessaires à la marche d'une installation dans des locaux plus vastes
que prévu.
De plus, le contrat prévoit que l'entreprise Z... conserve pendant cinquante ans la
propriété du centre de recherche (sans exiger le paiement d'un loyer) : celui-ci ne sera
remis gratuitement au CNRS, à l'INSERM et à l'université qu'à l'expiration de la
cinquantième année suivant la date d'achèvement. Cette clause impose de fait aux
partenaires publics de collaborer pendant une durée égale avec l'entreprise Z... : en cas
de cessation de la collaboration au cours du demi-siècle à venir, les compensations
prévues par le contrat signé en 1989 consistent notamment soit en le rachat du centre de
recherche par les organismes publics soit en la cession de droits d'exploitation de
résultats de la recherche publique, ce qui illustre l'intérêt potentiel stratégique que
présentent ces droits pour l'entreprise.
La revendication par les EPST de leurs droits de propriété intellectuelle
en cas de collaboration avec des partenaires industriels
La question de la propriété des résultats, stratégique pour la valorisation
ultérieure de ces résultats, est souvent le point central des négociations entre les EPST et
leurs partenaires industriels.
Chacun des organismes de recherche examinés a cependant adopté une politique
différente, voire opposée, en ce domaine. Si l'on exclut de la comparaison l'INRIA, dont
l'essentiel des travaux ne peut être protégé par brevets, il est possible de situer l'INRA,
l'INSERM et le CNRS, dans cet ordre, sur une échelle allant des revendications les plus
fortes sur la propriété intellectuelle à un relatif désintérêt pour cet aspect de la
valorisation.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
64
a)
L'INRA
Jusqu'à une date récente, l'INRA appliquait systématiquement, aux résultats
obtenus au sein de ses unités de recherche en collaboration avec des partenaires
extérieurs, le principe de répartition suivant :
- propriété intellectuelle des résultats à l'INRA ;
- licence (souvent exclusive) au partenaire.
Ce principe présente un triple avantage :
- juridique : il est conforme aux textes sur la propriété intellectuelle, qui
attribuent la propriété d'une invention à celui qui invente et non à celui qui finance, cela
se conjuguant, au sein des EPST, avec un mécanisme de transfert de propriété de
l'inventeur à l'employeur pour les "inventions de mission", c'est-à-dire celles que
réalisent les personnels de recherche dans l'exercice de leurs fonctions ;
- stratégique : il permet que soit connu et reconnu le patrimoine intellectuel de
l'Institut, et il permet d'élargir la valorisation d'une innovation à d'autres secteurs
économiques que celui dans lequel se situe le partenaire ;
- pragmatique : il évite le gel de certaines innovations par des entreprises qui
n'auraient pas intérêt à les exploiter rapidement.
L'application des principes fixés par l'INRA n'est néanmoins pas toujours aisée -
elle l'est même devenue de moins en moins à mesure que les collaborations de
recherche se sont multipliées. Souvent, les partenaires industriels de l'INRA considèrent
que le fait de participer au financement de la recherche leur ouvre droit à la propriété
des résultats obtenus ; et cela même si leur financement ne représente qu'un pourcentage
limité du coût total ; et même, ce qui est plus discutable, si "leur" financement provient
en réalité de subventions publiques. Cette contestation est, évidemment, davantage le
fait des grands groupes industriels que des PME.
Face à l'opposition de certains de ses partenaires, notamment les grandes
entreprises, l'INRA a donc été amené à assouplir sa position, en acceptant dans certains
contrats de recherche avec des industriels - bien qu'avec réticence - de partager la
propriété des résultats avec son partenaire, voire de la lui abandonner : notamment, et en
principe, lorsque l'objet de la collaboration est assez finalisé et lorsque la contribution
financière et intellectuelle est significative.
La raison de ces abandons de propriété tient probablement, d'une part à
l'opposition absolue de certaines entreprises à tout partage, d'autre part à l'adhésion du
chercheur responsable du projet aux principes défendus par son partenaire industriel : la
complicité intellectuelle qui lie les partenaires scientifiques d'un programme de
recherche conduit souvent à l'instauration d'une sorte de front commun. L'INRA est
d'ailleurs loin d'être le seul EPST à avoir une capacité de résistance parfois limitée face
aux exigences de ses chercheurs les plus renommés.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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65
b)
L'INSERM
Un calcul concernant le portefeuille de l'INSERM (mais transposable au cas des
autres EPST) montre la difficulté qu'il y a, pour tout établissement public, à gérer ce
portefeuille du seul point de vue financier : l'INSERM a des droits de propriété sur près
de 300 brevets ; il en dépose 30 à 40 nouveaux chaque année. Le budget qui lui
permettrait d'assumer seul la charge du maintien et de l'extension de l'ensemble de ces
brevets devrait être de l'ordre de plusieurs dizaines de millions de francs par an, ce qui
est bien au-dessus de ses moyens.
De plus, détenir un portefeuille de brevets suppose de pouvoir, le cas échéant, en
assurer la protection. Car la principale motivation du dépôt de brevet est la dissuasion ;
mais encore faut-il, pour que l'effet de dissuasion soit réel, avoir la capacité de défendre
le brevet en cas de besoin. Or la défense d'un brevet sur le plan international est, elle
aussi, hors de portée d'un organisme public de recherche : on cite le chiffre de plusieurs
dizaines de millions de francs de frais de procédure pour le dossier du virus HIV ; le
coût minimum d'une procédure d'interférence aux Etats-Unis est de 1 million de francs.
Devant le constat de l'impossibilité d'assurer seul la protection de l'ensemble des
découvertes de ses unités, l'INSERM n'a pas pris le parti de réduire de façon
draconienne son portefeuille de brevets. Il a également refusé de laisser à ses partenaires
de recherche la totale propriété des découvertes communes, ce qu'il aurait pu faire en se
contentant d'encaisser, le cas échéant, des redevances. Il a plutôt fait le choix du partage
de la propriété industrielle, assorti d'un partage des droits et obligations liés à la
copropriété - à l'exception notable des frais de dépôt, d'extension et de maintien en
vigueur des brevets, qu'il laisse en général entièrement à la charge de ses partenaires
industriels (et dont il partage les coûts avec ses partenaires institutionnels).
Ce choix se traduit par la part croissante des brevets détenus en copropriété, au
sein de l'ensemble du portefeuille de brevets de l'INSERM, au profit principalement des
brevets détenus en copropriété avec un industriel. La proportion de ces brevets croît
même rapidement, puisqu'elle est passée de 37 pour cent à 44 pour cent du portefeuille
en l'espace de deux années seulement, de 1992 à 1994. Tous les brevets ne sont
cependant pas susceptibles d'être pris en copropriété avec des industriels : dans certains
cas, l'INSERM doit assurer seul le financement de ses frais de brevets, notamment pour
les inventions qu'il est nécessaire de conforter avant de chercher des partenaires
industriels, ou pour les résultats dont l'exploitation est concédée sans exclusivité.
Le refus de l'INSERM, comme de l'INRA, de se dessaisir de ses droits de
propriété intellectuelle, est justifié par le fait qu'être propriétaire, ou copropriétaire, d'un
brevet est la seule façon de pouvoir contrôler l'usage qui en est fait. Même s'ils savent
que le principe de copropriété des résultats communs est un principe fermement défendu
par l'INSERM, ses partenaires industriels tentent parfois néanmoins de le convaincre d'y
renoncer. Ainsi, en 1994, la direction des brevets d'une grande entreprise française
menant plusieurs collaborations importantes avec la recherche publique fit connaître à
l'INSERM son souhait d'éviter le régime de la copropriété, et proposa comme solution
de substitution que les brevets soient :
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
66
- déposés en France au nom de l'INSERM seul ;
- étendus à l'étranger au nom de l'entreprise seule.
Cette demande était motivée, selon l'entreprise, par le fait que "
les brevets
étrangers doivent être pris au nom de la personne qui exploite le brevet, ce qui rend
plus faciles les poursuites en contrefaçon et la récupération de dommages-intérêts
".
L'INSERM a refusé, en faisant valoir que les raisons invoquées par l'entreprise
ne tenaient guère sur le plan juridique - en particulier parce que, dans la plupart des
pays, dont les Etats-Unis, un copropriétaire peut parfaitement agir seul en contrefaçon.
L'Institut a en revanche fait remarquer que, sans que cela pût nuire aux possibilités
d'exploitation du brevet par ses partenaires industriels, l'INSERM avait doublement
intérêt à être copropriétaire de ses découvertes : d'une part pour des raisons de notoriété
internationale de l'Institut ; d'autre part, de façon à pouvoir agir dans l'hypothèse "
de
conflits d'intérêts entre certaines inventions de l'INSERM et des inventions très proches
émanant du partenaire
".
c)
Le CNRS
Le CNRS a pour politique d'abandonner à ses partenaires industriels la propriété
des résultats trouvés dans le cadre des recherches menées en collaboration, en
contrepartie d'un principe de perception d'une "juste redevance" en cas d'exploitation
commerciale. Seuls de rares contrats ou accords-cadres instaurent un régime de
copropriété des résultats.
Or ce dispositif n'est guère assorti des moyens de contrôle qu'il justifierait à
l'évidence : il n'existe aucun système de suivi permettant au Centre d'être assuré de
disposer d'informations exhaustives sur l'existence de brevets pris par ses partenaires
industriels, et sur les éventuelles retombées commerciales qui peuvent en découler.
Le service de valorisation de l'établissement estime ainsi que, chaque année,
200 brevets environ sont déposés par les industriels à partir de résultats obtenus dans
des laboratoires du CNRS. Cette évaluation conduit le Centre à supposer que l'ensemble
des entreprises partenaires ont accumulé un portefeuille supérieur au sien, lequel était
constitué de 514 brevets initiaux en 1994 : Ce portefeuille pourrait être de l'ordre de
1 500 à 2 000 brevets. Or, en 1995, le CNRS connaissait avec certitude l'existence de
147 brevets de ce type seulement : il est peu douteux que les brevets ainsi répertoriés ne
représentent qu'une très petite fraction du portefeuille détenu par l'ensemble des
industriels ayant collaboré avec des équipes du CNRS, et ayant pu ainsi déposer des
demandes de brevets à partir de résultats obtenus en collaboration.
Ceci met en évidence le danger que présente la politique d'abandon de ses droits
de propriété industrielle - dans le cadre des contrats de collaboration - menée avec une
grande constance par le CNRS.
La raison invoquée par le Centre pour justifier auprès de la Cour cette politique
réside principalement dans le coût et la charge que représente la gestion d'un
portefeuille de brevets : "
Compte tenu de la très faible probabilité d'une exploitation
économique significative des brevets CNRS, du fait de la position très amont de la
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
67
recherche fondamentale dans un processus d'innovation technologique, il ne semble pas
judicieux de systématiser la revendication par l'organisme de la propriété industrielle.
De telles conditions obligeraient le CNRS à gérer un portefeuille volumineux et coûteux
pendant plusieurs années avant d'envisager un retour financier ne couvrant pas de
manière certaine les frais initiaux. (...) Un changement global de la politique de
collaboration du CNRS, en matière de dépôts de brevets, devrait impliquer des moyens
financiers très supérieurs à ceux d'aujourd'hui, pour des espérances aléatoires et
toujours lointaines
". La comparaison avec les choix faits en ce domaine par les autres
EPST montre pourtant que d'autres solutions sont imaginables.
Les contrats-cadres avec les grandes entreprises
Certains EPST ont pris l'habitude de fixer à l'avance, avec leurs interlocuteurs
les plus puissants et les plus réguliers - les grandes entreprises - les conditions
juridiques générales de leurs collaborations éventuelles, sous la forme d'accords-cadres.
Même si certains rares accords-cadres sont antérieurs au début des années
quatre-vingt, notamment au CNRS, la volonté de signer des accords-cadres a constitué
l'une des nouveautés des politiques mises en oeuvre par les EPST à partir de 1982, tout
particulièrement au CNRS et à l'INRA.
Ces contrats-cadres ont une triple finalité : médiatique, politique (ils sont censés
témoigner d'une véritable volonté de partenariat et de coopération scientifique), et
opérationnelle (ils permettent en principe de fixer les modalités des futures
collaborations). Ils sont supposés simplifier ainsi la conclusion ultérieure des contrats
particuliers de recherche .
Ceci n'exclut pas de lire aussi cette volonté de mise en place d'accords-cadres
comme un moyen, pour la direction des EPST, de retrouver une certaine maîtrise des
actions contractuelles de valorisation des laboratoires de base, alors même que les
contrats de recherche résultent, dans leur grande majorité, de contacts directs entre les
entreprises et les équipes de recherche .
Au CNRS comme à l'INRA, plusieurs dizaines de contrats-cadres ont été signés
depuis le début des années quatre-vingt, et plus d'une vingtaine d'entre eux sont en
vigueur à l'heure actuelle dans chacun des ces deux organismes. Les partenaires en sont
exclusivement de grandes entreprises ou des groupements français ou d'origine
française. Certains d'entre eux ont d'ailleurs signé des accords-cadres avec plusieurs
EPST ; c'est le cas par exemple de grandes entreprises du secteur pharmaceutique et
agro-chimique. Ceci explique peut-être a contrario pourquoi un établissement tel que
l'INSERM n'est signataire que d'un accord-cadre : les grands groupes pharmaceutiques
mondiaux, qui sont ses interlocuteurs, sont pour la plupart étrangers, et ne recourent pas
aux mêmes pratiques de rapprochement institutionnel avec les organismes publics
français.
Le contenu de ces contrats-cadres, conclus pour une durée de trois à cinq ans
renouvelable, définit en général le domaine scientifique de la collaboration - avec plus
de précision, semble-t-il, dans les accords-cadres de l'INRA que dans ceux du CNRS -
et répertorie les types de contrats particuliers susceptibles d'être ultérieurement signés
en référence à l'accord-cadre ; les conventions-cadres de l'INRA prévoient de plus la
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
68
mise en place d'un comité de liaison paritaire, se réunissant en principe une fois par an
et chargé en particulier de suivre le déroulement des programmes ainsi que de dresser
un état annuel des collaborations ; les contrats-cadres organisent par ailleurs
l'articulation entre secret et confidentialité des recherches d'une part, droit à publication
des chercheurs d'autre part. Si sur tous ces points, les accords-cadres du CNRS et de
l'INRA sont assez semblables, ils diffèrent en revanche fortement pour ce qui est des
clauses traitant de la propriété des résultats et des modalités de leur exploitation.
L'existence de contrats-cadres n'évite naturellement pas que les entreprises
signataires mènent des stratégies qui divergent parfois du principe de collaboration ainsi
établi avec des EPST. L'INRA a par exemple signé en 1991 une convention-cadre avec
un grand groupe agro- alimentaire français. Mais lorsque l'Institut a proposé à
l'ensemble des industriels fabriquant des laitages - dont ce cocontractant fait partie - de
procéder à une recherche d'intérêt commun, de type "pré- compétitif", ce groupe a
décliné la proposition de l'INRA : la raison en était qu'il avait déjà entamé des
recherches sur ce thème... mais avec un organisme australien, pour être plus sûr de
maintenir le secret en France sur cette piste de recherche , et tenter ainsi de distancer ses
concurrents du marché français sur ce sujet.
L'existence de contrats-cadres n'exclut pas non plus que les entreprises qui les
ont signés ne veuillent pas les respecter. Un contrat-cadre signé par l'INRA avec un
partenaire des industries agro- alimentaires prévoyait ainsi que la propriété des résultats
trouvés dans le cadre des contrats de collaboration ultérieurs appartiendrait à celui des
deux partenaires qui aurait apporté le financement majoritaire au projet ; le partenaire de
l'INRA a contesté ce point, dès lors que l'INRA a pu lui démontrer, sur un programme
de recherche dont les résultats pouvaient avoir des retombées commerciales
importantes, que le financement majoritaire de ce programme était d'origine publique.
Il n'est pas aisé de dresser un bilan des accords-cadres, ne serait-ce que parce que
le critère à privilégier pour établir ce bilan n'est pas facile à définir : on ne saurait se
fonder, par exemple, sur le montant des redevances collectées par les EPST à partir des
contrats de licence signés par référence à un accord-cadre, car cet indicateur
privilégierait les retombées économiques des résultats éventuels des collaborations, ce
qui peut être sans commune mesure avec l'intensité des collaborations elles-mêmes. Une
meilleure indication peut être fournie par un double critère : le nombre de contrats
particuliers signés en application d'un accord-cadre et le montant des contributions
financières correspondantes apportées à l'organisme de recherche.
Sur ce double critère, il est clair, aussi bien au CNRS qu'à l'INRA, que la
signature d'un accord-cadre n'est pas forcément synonyme de nombreux contrats
particuliers ultérieurs, et que de surcroît les plus gros contributeurs de ces deux
établissements ne sont pas les signataires d'accords-cadres.
Ce constat met en évidence que les signatures d'accords-cadres, si elles sont
constructives, relèvent surtout, de la part des partenaires industriels, d'une volonté
d'affichage. Toutefois, dans le cas où des contrats de recherche succèdent effectivement
à des accords-cadres, la signature des contrats particuliers est incontestablement plus
rapide, ce critère de rapidité étant particulièrement décisif pour les industriels.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
69
TROISIEME PARTIE : LE CADRE
REGLEMENTAIRE DE LA VALORISATION
La mission de valorisation assignée aux établissements publics de recherche par
la loi du 15 juillet 1982 impliquait que les contacts entre personnels de recherche et
monde économique devinssent plus fréquents et plus étroits.
A la méfiance qui prévalait jusqu'au début des années quatre-vingt, entre les
personnels de la recherche publique et les entreprises, a donc succédé une ouverture
progressive, qui s'est traduite par des interactions croissantes entre les uns et les autres.
Pourtant, bien qu'un des objectifs du dispositif législatif et réglementaire du
début des années quatre-vingt eût été de rapprocher la recherche publique et les
entreprises, les modifications effectivement introduites portèrent bien davantage sur les
liens institutionnels entre ces deux mondes que sur les liens pouvant s'établir entre les
personnels de recherche et les entreprises.
I. - LES RELATIONS ENTRE PERSONNELS DE RECHERCHE ET
ENTREPRISES
.
A.
-
LES
REGLES
STATUTAIRES
Les personnels de recherche des EPST sont devenus fonctionnaires à partir de
1984 : ils bénéficient depuis lors de dispositions statutaires communes fixées par le
décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983. En conséquence, ils sont, comme l'ensemble
des fonctionnaires, soumis à des règles strictes en ce qui concerne leurs relations avec
les organismes privés, bien que le statut particulier qui leur est applicable envisage
quelques aménagements pouvant favoriser leurs contacts avec le monde des entreprises.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
70
Règles communes à l'ensemble des fonctionnaires
Le statut général des fonctionnaires ainsi que le code pénal comportent des
dispositions très restrictives quant aux liens pouvant s'établir entre un fonctionnaire et
une entreprise.
L'article 25 du code de la fonction publique dispose en effet : "
Les
fonctionnaires (...) ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative
de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être
exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d'Etat
".
Aucun décret n'ayant été pris en application de cet article de loi, c'est encore le
décret-loi du 29 octobre 1936 modifié qui s'applique aux fonctionnaires des EPST,
comme le prévoit l'article 6 du décret du 30 décembre 1983 fixant leurs dispositions
statutaires communes. Ce décret-loi formule les dérogations à la règle d'interdiction de
cumul d'emplois et de rémunérations. L'interdiction d'un tel cumul ne s'applique pas
dans les seuls cas suivants :
- production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques ;
- enseignements, expertises ou consultations sur autorisations ;
- exercice de professions libérales découlant de la nature de l'activité de certains
fonctionnaires.
L'article 25 du code de la fonction publique dispose également que "
les
fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans
une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou
en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre leur
indépendance
".
Au code de la fonction publique s'ajoutent deux articles du code pénal, l'article
432-12 du nouveau code pénal (ancien article 175), qui punit "
le fait, par une personne
(...) chargée d'une mission de service public (...), de prendre, recevoir ou conserver (...)
un intérêt quelconque dans une entreprise (...) dont elle a, au moment de l'acte, en tout
ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration (...)
", et l'article 432-13
qui punit tout fonctionnaire ayant été chargé, à raison même de sa fonction, "
soit
d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des
contrats de toute nature avec une entreprise privée, soit d'exprimer son avis sur les
opérations effectuées par une entreprise privée" lorsqu'il s'est rendu coupable "de
prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de
ces entreprises avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la cessation de cette
fonction
".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
71
Enfin, le décret n° 95-168 du 17 février 1995 relatif à l'exercice d'activités
privées par des fonctionnaires placés en disponibilité (
....
) leur interdit notamment
l'exercice d'activités "
professionnelles dans une entreprise privée lorsque l'intéressé a
été, au cours des cinq dernières années précédant (...) sa mise en disponibilité, chargé,
à raison même de sa fonction, (...) de passer des marchés ou contrats avec cette
entreprise ou d'exprimer un avis sur de tels marchés ou contrats
".
Le Conseil d'Etat a d'autre part précisé le régime des incompatibilités entre la
fonction publique et les fonctions exercées dans les organismes directeurs des sociétés
commerciales :
- un fonctionnaire ne peut être membre du conseil d'administration d'une société
anonyme, sauf si la société a un but désintéressé ou s'il s'agit d'une société de famille
(avis du Conseil d'Etat du 9 février 1949) ;
- de même est interdite la fonction de membre du conseil de surveillance d'une
société à responsabilité limitée, sauf si la société n'y attache aucune rémunération ou
avantage matériel (avis du Conseil d'Etat du 24 septembre 1952) ;
- enfin, un agent public ne peut exercer les fonctions de président d'une société
anonyme, sauf si celle-ci est à but non lucratif et si ces fonctions ne sont pas rémunérées
(avis du Conseil d'Etat du 20 juillet 1955).
Règles spécifiques aux personnels de recherche des EPST
La loi du 15 juillet 1982 comprend un chapitre consacré aux personnels de
recherche, dans lequel il est précisé (article 24) que "
les métiers de la recherche
concourent à une mission d'intérêt national" et que cette mission comprend
notamment :
- "le développement des connaissances" ;
- "leur transfert et leur application dans les entreprises, et dans tous les
domaines contribuant au progrès de la société (...)
".
L'article 25 de la loi, qui annonce la mise en place de statuts spécifiques aux
personnels de recherche, précise en sus que ces statuts "
doivent favoriser la libre
circulation des idées et (...) la mobilité des personnels (...) entre les services publics de
toute nature, les différents établissements publics de recherche et les établissements
d'enseignement supérieur, et entre ces services et établissements et les entreprises
".
L'article 26 précise en outre que les statuts des personnels des EPST pourront en
particulier permettre "
des adaptations au régime des positions prévues par le statut
général des fonctionnaires et des dérogations relatives aux mutations afin de favoriser
la libre circulation des hommes et des équipes entre les métiers de la recherche et les
institutions qui y concourent
".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
72
Le rapport annexé à la loi du 15 juillet 1982 ajoutait : "
La mobilité volontaire
sera encouragée. Des procédures très souples de mise à disposition et de détachement
permettant des garanties de retour dans l'organisme seront généralisées et
développées
."
La loi du 15 juillet 1982 avait donc surtout visé, au registre des relations entre
personnels de recherche et entreprises, à encourager la mobilité entre organismes
publics et privés. On retrouve la traduction de ce même objectif de mobilité dans le
décret du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de
fonctionnaires des EPST : les articles 243 à 245 du décret prévoient, pour les
fonctionnaires des EPST, trois catégories de positions dérogeant aux règles applicables
à l'ensemble des fonctionnaires :
1. Le détachement : l'article 243 prévoit que les personnels des EPST "
peuvent
être détachés dans des entreprises, des organismes privés ou des groupements d'intérêt
public lorsque ce détachement est effectué pour exercer des fonctions de recherche, de
mise en valeur des résultats de la recherche, de formation ou de diffusion de
l'information scientifique et technique". Une restriction est cependant apportée à cette
possibilité de détachement : "Le détachement ne peut être prononcé que si l'intéressé
n'a pas eu, au cours des cinq dernières années, soit à exercer un contrôle sur
l'entreprise, ou l'organisme privé, soit à participer à l'élaboration ou à la passation de
marchés avec lui
."
2. La mise à disposition : l'article 244 prévoit que les fonctionnaires des EPST
"
peuvent, à leur demande ou avec leur accord, être mis à disposition d'administrations,
d'entreprises ou de tout organisme extérieur public ou privé, français ou étranger, pour
y exercer une ou plusieurs des missions définies à l'article 24 de la loi du 15 juillet 1982
(...) pour une durée maximale de trois ans renouvelable.(...) La mise à disposition
auprès d'une entreprise est subordonnée, après une période de six mois au plus, à la
prise en charge par l'entreprise de la rémunération de l'intéressé et des charges
sociales y afférentes. Toutefois le conseil d'administration de l'établissement peut
décider de dispenser totalement ou partiellement l'entreprise du remboursement après
l'expiration de cette période de six mois
".
3. La mise en disponibilité pour création d'entreprise à des fins de valorisation :
l'article 245 prévoit que "
La mise en disponibilité pour la création d'entreprise à des
fins de valorisation de la recherche peut être accordée sur leur demande aux
fonctionnaires régis par le présent décret. La durée de cette disponibilité est de trois
ans maximum renouvelable
."
.
B.
-
LA
CREATION
D'ENTREPRISES
La création d'entreprises ayant pour objet le développement, l'industrialisation et
la commercialisation d'un produit ou d'un procédé issu d'un résultat de recherche
constitue l'une des facettes de la valorisation. Dès lors que les bases scientifiques sur
lesquelles reposent ces entreprises en création sont issues de leurs laboratoires et que
leurs créateurs sont, à l'origine, des personnels sous statut public, les EPST ne peuvent
rester indifférents à ces projets et encore moins inactifs vis-à-vis d'eux.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
73
L'attitude des EPST est pourtant très diversifiée face à ce phénomène : la palette
des réactions en ce domaine va de l'INRA - qui n'a pas une connaissance exhaustive des
entreprises créées par ses personnels, notamment ceux qui sont en disponibilité - à
l'INRIA, qui mène une politique très volontariste et a mis en place un "club" des
entreprises créées par des personnels INRIA. Entre les deux extrêmes se situent
l'INSERM et le CNRS qui, sans être aussi volontaristes que l'INRIA, ont cherché à
encourager ces créations d'entreprises, pour lesquelles les moyens juridiques dont ils
disposent sont pourtant presque inexistants.
L'aide à la création d'entreprises
Rien en effet, ni dans la loi du 15 juillet 1982, ni dans les décrets fixant les
modalités d'organisation des EPST ou les dispositions statutaires relatives à leurs
personnels, ne traite explicitement de la création d'entreprises par des personnels de
recherche . Tout au plus peut-on lire, dans le rapport annexé à la loi du 15 juillet 1982 :
"
Il sera notamment possible aux personnels visant à valoriser les résultats de leurs
travaux de créer une entreprise sans perdre leurs droits à une réintégration éventuelle
".
Et le décret du 30 décembre 1983 a détaillé les positions statutaires possibles à ce titre :
détachement, mise à disposition, disponibilité (
cf supra
). Or le droit à réintégration, s'il
constitue un dispositif de sécurité important pour un fonctionnaire désireux de se lancer
dans l'aventure de la création d'une entreprise, est insuffisant pour régler la totalité des
problèmes qui se posent. Car la création d'une entreprise par des chercheurs nécessite
une phase de transition relativement longue, et coûteuse, au cours de laquelle doit être
opérée
la
transformation
de
résultats
de
recherche
en
biens
ou
services
commercialisables.
Aussi les organismes auxquels les chercheurs appartiennent peuvent- ils être
sollicités, ou tentés, d'apporter une aide. C'est ce qu'on appelle le "maternage", lequel
prend généralement la forme d'une mise à la disposition de personnels, de locaux et de
matériels. La mise à disposition de locaux et/ou de matériels peut être formalisée par
convention ; mais la mise à disposition de personnels n'a, souvent, pu se réaliser que de
manière empirique, puisque, notamment, le cadre juridique existant ne permet pas de
décharger partiellement un chercheur ou un ingénieur de ses obligations de service pour
lui permettre de consacrer une partie substantielle de son temps à son projet.
Le ministère de la recherche admet qu'il manque une position statutaire
intermédiaire entre la mise à disposition, qui oblige le chercheur à quitter complètement
son laboratoire, et la consultance, qui limite son apport à l'entreprise en création à une
journée par semaine au maximum, et considère qu'une solution à ce problème serait de
"
permettre aux chercheurs d'être mis à disposition à temps partiel auprès des
entreprises
" : cette solution suppose toutefois une modification des statuts des
personnels de recherche et, même si le ministère chargé de la recherche a indiqué qu'une
telle modification est actuellement à l'étude, il est permis de s'interroger sur les délais
qu'elle peut impliquer.
Dans certains cas, les créations d'entreprises par des personnels de recherche se
sont accompagnées de ce que l'on nomme "essaimage" (les chercheurs quittent leur
laboratoire public pour l'entreprise en création) ; dans d'autres cas ces créations se sont
faites sans essaimage. Ces deux éventualités correspondent à des démarches différentes
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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de la part des personnels concernés : certains sont tentés par le pari du changement,
d'autres souhaitent au contraire rester dans leur laboratoire public, sans pour autant
renoncer à jouer un rôle actif dans l'entreprise créée pour exploiter les découvertes qu'ils
ont faites au sein de l'EPST auquel ils appartiennent. Mais ces deux modes de relations
avec l'entreprise peuvent aussi répondre, d'après les observations de la Cour, à des
conceptions déontologiques différentes de la part des chercheurs concernés.
L'essaimage
Il ressort des textes rappelés plus haut qu'un fonctionnaire en général, un
chercheur en particulier, ne peut en principe créer une entreprise et partir y travailler,
dès lors que des collaborations se seraient établies auparavant entre son laboratoire ou
son établissement et cette entreprise.
Il faut donc considérer que la négociation de contrats de collaboration ou de
licence, qui accompagnent généralement le démarrage d'une entreprise créée à partir des
résultats de la recherche publique, ne devrait en principe pas intervenir tant que le
fonctionnaire à l'origine de la création de cette entreprise n'est pas officiellement en
disponibilité.
Ce cadre juridique rigoureux accrédite chez les chercheurs l'idée selon laquelle
la création d'une entreprise, vers laquelle ils seraient désireux d'essaimer, avoisine
constamment le saut dans l'illégalité. Si l'on s'en tient au strict respect des textes
existants, la création d'entreprise par des chercheurs n'est en effet possible qu'à la
condition que ces chercheurs fassent d'emblée "le grand saut" et rompent alors toutes
relations avec leur laboratoire d'origine : il y a là une contradiction évidente avec l'idée
même de création d'entreprises par des personnels de recherche à partir de résultats de la
recherche publique.
Malgré ces obstacles - ou peut-être parce qu'ils ne les avaient pas perçus -
plusieurs chercheurs issus des EPST ont créé des entreprises en quittant leur
établissement, après avoir, en général, été mis à disposition de celles-ci au cours de leur
première année d'existence : une vingtaine d'entreprises de ce type sont répertoriées par
le CNRS, une vingtaine également par l'INRIA, une demi-douzaine à l'INRA et à
l'INSERM.
La création d'entreprises par des chercheurs sans essaimage
Il est difficile d'avoir une vision exhaustive de ces créations d'entreprises,
puisqu'il n'est pas exclu que de telles sociétés aient pu être créées sans que leur
existence ait été portée à la connaissance des EPST.
En principe, ce mode de création d'entreprise peut s'accompagner de trois types
d'intervention des chercheurs concernés, qui ont choisi de rester sous statut public : soit
ils sont consultants de l'entreprise - ce qui est licite ; soit ils sont actionnaires de
l'entreprise - ce qui est ambigu ; soit ils en sont gérants ou dirigeants de fait - ce qui est
prohibé.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Aucun texte n'interdit à un fonctionnaire d'être actionnaire d'une société, tout du
moins tant qu'il n'existe pas de marché ni de contrat entre cette société et l'organisme -
notamment de recherche - auquel il appartient. Mais, lorsqu'il s'agit d'une société créée à
partir des résultats de la recherche publique, une telle indépendance ne se rencontre pas
spontanément : on voit mal comment un chercheur pourrait avoir l'idée de participer au
capital d'une société en création, dont les activités seraient en rapport avec des résultats
de recherche ... qui ne seraient ni les siens, ni même ceux de certains de ses collègues.
De toute évidence, la création d'entreprises par des personnels de recherche , lorsqu'elle
ne s'accompagne pas d'essaimage, introduit inévitablement un risque de relations
problématiques entre l'EPST, le chercheur dont les résultats sont à l'origine de la
création de l'entreprise, et cette dernière.
L'interdiction formelle, pour un chercheur, de participer au capital d'une société
qu'il aurait contribué à fonder par ses découvertes a été dans la réalité "aménagée",
comme le montrent des exemples concrets.
Ainsi, a été créée en 1987, dans l'orbite de l'INSERM, une société destinée à
assurer des prestations de recherche auparavant mises au point et assurées dans une
unité INSERM, mais pour lesquelles les demandes des industriels devenaient trop
nombreuses. Les sociétés de capital-risque ne s'intéressant pas au projet, dont l'utilité
pour la santé était cependant certaine, une société à responsabilité limitée au capital de
50 000 francs fut créée à l'initiative du directeur de l'unité INSERM ; en l'absence
d'investisseurs, celui-ci apporta 51 % du capital de départ. Dès 1990, cependant, à la
demande de l'établissement, le fondateur réduisit le nombre des parts qu'il détenait, de
façon à se situer en dessous de la minorité de blocage, cependant que la part des
produits sous licence INSERM dans le chiffre d'affaires de l'entreprise devenait presque
inexistante.
De même, un contrôle effectué par la Cour à l'INRIA avait mis en évidence
qu'un chercheur de cet organisme détenait 20 % du capital d'une des sociétés de
technologie créée par l'INRIA. L'établissement avait alors demandé au fonctionnaire
concerné de céder ses actions. L'interdiction pour un fonctionnaire de l'INRIA (en
fonctions dans l'institut) de prendre des participations dans des sociétés de technologie
fut érigée en règle non écrite. Cette règle semble désormais respectée, un
assouplissement étant toutefois toléré : il peut arriver en effet que des personnels INRIA
détiennent des parts dans le capital d'une société qu'ils ont l'intention de rejoindre,
pendant la période suivant immédiatement la création de celle-ci. Sous réserve d'être
déclarée à l'établissement, une telle situation peut être admise.
Deux exemples relevés par la Cour témoignent en revanche des dérives
auxquelles peuvent conduire les "aménagements" apportés à l'interdiction, pour un
fonctionnaire de recherche, de participer au capital d'une entreprise liée par contrat avec
son établissement :
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Valorisation de la recherche dans les EPST
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La société A...
La société A... est une société civile de recherche créée en 1980 par deux
directeurs d'unité - l'une de ces unités relevant de l'INSERM et l'autre de ce dernier et du
CNRS - et par un chercheur en pharmacie d'un laboratoire privé, lorsque leurs
recherches communes, menées largement sur fonds publics (provenant notamment de
l'INSERM, du CNRS et de la Délégation générale à la recherche scientifique et
technique) aboutirent au dépôt d'un brevet, relatif à un candidat-médicament. Le
laboratoire privé ayant cofinancé les recherches renonça à ses droits de propriété sur
cette découverte et le chercheur en pharmacie fit usage du droit que lui donnait la loi de
reprendre ces droits à son nom. En revanche, les deux fonctionnaires inventeurs, tenant
leurs organismes respectifs à l'écart de cette invention, déposèrent la demande de brevet
en leur seul nom. Les trois chercheurs se nommèrent tous trois gérants de la société A...
qu'ils créèrent alors pour développer leur découverte. En 1984, l'INSERM, ayant
découvert cette illégalité, demanda aux deux chercheurs sous statut public de céder la
totalité des parts sociales qu'ils détenaient dans la société A..., de démissionner de leurs
fonctions de gérant, et de reconnaître les droits de propriété de l'INSERM et du CNRS
sur le brevet déposé en 1980.
Tous deux le firent ; mais l'un d'entre eux - qui est de statut hospitalo-
universitaire - reprit, quelques années plus tard, des parts de la société, pour en devenir
le deuxième actionnaire par ordre d'importance. Simultanément furent signés, entre
l'unité de recherche INSERM qu'il dirige et la société dans laquelle il a pris des intérêts,
un certain nombre de contrats de collaboration : en 1995, une demi- douzaine de ces
contrats étaient en cours. La société A... n'a aucun contrat avec aucune autre unité de
l'INSERM. Par ailleurs, un certain nombre de personnels de la société exercent leur
activité dans l'unité INSERM du chercheur actionnaire.
Cette situation est de toute évidence porteuse de conflits d'intérêts, malgré les
arguments avancés à l'intention de la Cour par ce chercheur en position si particulière. Il
a en effet écrit : "
Etant de statut hospitalo-universitaire, il n'y a stricto sensu aucun
contrôle, ni même relation entre l'administration à laquelle j'appartiens, l'Education
nationale, et [la société]. Par ailleurs, le fait d'être chargé de la direction scientifique
d'une unité INSERM ne me met nullement en position d'établir pour cette dernière des
relations contractuelles avec une société privée : celles-ci sont régies par des contrats
rédigés par [le service de valorisation de l'INSERM] et signés par le directeur général
".
Un tel raisonnement est irrecevable, car ce chercheur est, comme tout directeur d'unité,
cosignataire des contrats de collaboration qui engagent son unité - et notamment de tous
ceux qu'il a signés avec sa propre société.
La société B...
Cette société, créée en 1986 sous forme de société anonyme à responsabilité
limitée au capital de 50 000 francs, présente des caractéristiques qui en font
véritablement un cas d'école :
- elle n'a que deux actionnaires, un chercheur de l'INSERM qui l'a créée (il
possède 99,6 % des parts de la SARL) et son gérant ;
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Valorisation de la recherche dans les EPST
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- elle a comme unique activité la commercialisation de produits issus de la
recherche de son actionnaire majoritaire au sein de son unité INSERM : elle fait 100 %
de son chiffre d'affaires avec des produits sous licence INSERM ;
- elle ne fabrique aucun produit, puisque les contrats de licence qui la lient à
l'INSERM lui concèdent une licence exclusive et mondiale de commercialisation, et
prévoient que l'élaboration des produits est réalisée à la demande de la société par l'unité
INSERM ;
- elle n'a pas de locaux propres ;
- elle n'a pas de personnel : ainsi, pour la totalité des quatre exercices 1990 à
1993, ses charges de salaires ne s'élèvent qu'à 122 000 francs.
L'étude des comptes de la société permet d'estimer sa valeur, à la fin de l'année
1994, à un montant de l'ordre de 3 millions de francs. Sur les années pour lesquelles les
comptes ont pu être obtenus (1990 à 1993), la comparaison entre le chiffre d'affaires
cumulé, l'accroissement des disponibilités et valeurs mobilières figurant au bilan de
l'entreprise et le cumul des redevances versées à l'INSERM, démontre que cette société
fonctionne aux seules fins de privatisation des profits réalisés grâce aux produits
inventés et fabriqués par une unité INSERM :
Société A..
: données cumulées 1991 - 1993
Chiffre d'affaires
1 891 000 F
Redevances versées à l'INSERM
365 000 F
Charges de personnel de l'entreprise
122 000 F
Accroissement des disponibilités et valeurs
mobilières de la SARL entre fin 1990 et fin 1993
1 121 000 F
.
C.
-
LES
CONSULTANCES
ET
EXPERTISES
Le rapport annexé à la loi du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au
développement technologique indiquait : "
Il ne faut pas (...) négliger cette forme
particulièrement enrichissante de collaboration entre la recherche publique et les
entreprises que constitue la consultance
".
Cette source notable de transfert peut ne pas être formalisée. Elle est cependant
encouragée, dans l'ensemble des EPST, comme permettant une certaine osmose entre
les organismes publics de recherche et les entreprises : certains responsables
d'établissement considèrent en effet que si les chercheurs, tout en restant dans leur
milieu d'origine, consacrent quelques heures à conseiller les entreprises, ils assument
ainsi une responsabilité sociale et économique sans toutefois s'isoler de leur domaine de
compétence. Il s'agit là d'une sorte de mobilité intellectuelle ponctuelle, plus efficace
que la mobilité totale qui coupe le chercheur de sa base de "ressourcement".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
78
L'intérêt des activités d'expertise ou de consultance poursuivies par les
personnels de recherche est donc certain : la consultance est un moyen simple et
efficace de faire bénéficier les entreprises des compétences existant dans la recherche
publique ; outre son intérêt pour l'activité économique et sociale, la consultance permet
aussi aux personnels publics d'avoir une ouverture sur le contexte de leurs activités de
recherche et d'acquérir une connaissance concrète de milieux professionnels différents
du leur.
La modestie des consultances individuelles déclarées
Le décret du 30 décembre 1983 relatif au statut des personnels des EPST
précise, en son article 6, que les fonctionnaires des EPST "
sont soumis, en matière de
cumuls d'emplois et de cumuls de rémunérations publics ou privés, aux dispositions
législatives et réglementaires applicables à l'ensemble des agents de la fonction
publique", mais ajoute : "Tout cumul d'emplois ou de rémunérations publics ou privés
doit être autorisé par le ou les ministres chargés de la tutelle de l'établissement
."
La règle selon laquelle tous les cumuls, non seulement d'emplois mais aussi avec
des rémunérations privées, devraient être autorisés par le ministre chargé de la
recherche, et non par le président ou le directeur général de chaque EPST, est si lourde
et contraignante que personne ne demande au ministère son autorisation.
Les EPST ont cependant tous instauré une procédure de demande d'autorisation
de consultance, les autorisations étant délivrées par le directeur général ou par un
service de la direction de l'établissement, selon les cas. Rien, néanmoins, ne contraint
véritablement les personnels à solliciter une autorisation lorsqu'il s'agit de consultances
effectuées au profit du secteur privé, puisqu'en ce cas il n'est pas tenu de compte de
cumul.
La conséquence en est que le nombre de demandes d'autorisations de
consultances est, dans tous les établissements, très faible : le nombre annuel moyen des
demandes varie, en pourcentage des effectifs des établissements, de 0,25 % - à l'INRA,
à moins de 2 % - au CNRS. Dans ce dernier établissement, la répartition, par
départements scientifiques, des demandes de consultance recensées fait de plus
apparaître que le département des sciences de l'homme et de la société, bien qu'étant en
nombre de personnels le deuxième département du Centre après celui des sciences de la
vie, est le dernier en nombre de demandes d'autorisations de consultance : alors qu'il
rassemble 16 % des personnels du CNRS, il ne collecte que 6 % des demandes
recensées. Il est difficile de croire que de tels chiffres sont représentatifs de la réalité, ce
que la direction générale du CNRS reconnaît volontiers.
On ne dispose que d'informations très limitées sur les rémunérations de
consultance perçues par les personnels des EPST : en premier lieu, parce que les
consultances ne font manifestement pas toutes l'objet d'une demande d'autorisation ; en
second lieu, parce que les établissements ne demandent pas tous que le montant de la
rémunération proposée figure à l'appui de la demande d'autorisation (c'est notamment le
cas de l'INRA) ; enfin parce que, même lorsque les établissements le demandent, les
personnels sollicitant une autorisation ne l'indiquent pas tous.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
79
Les données très partielles dont a pu disposer la Cour semblent indiquer que le
montant moyen des consultances déclarées est, pour les consultances régulières, de
l'ordre de 3 000 à 6 000 francs par mois et par consultant. Certains consultants déclarent
néanmoins des rémunérations dépassant 18 000 francs par mois ; et rien n'interdit de
supposer que les rémunérations les plus élevées sont les moins déclarées.
Les autorisations de consultance, lorsqu'elles sont sollicitées, sont en général
délivrées pour un an renouvelable. Les conditions imposées par l'ensemble des EPST
sont similaires : l'activité de consultance ne doit en principe pas dépasser 20 % du temps
de l'agent, et doit se faire dans le respect d'une "certaine déontologie" : le but est d'une
part d'éviter les conflits d'intérêt entre la situation de consultant et la situation de
personnel de recherche d'un établissement public, d'autre part de vérifier qu'il s'agit bien
d'une prestation purement intellectuelle, qui n'engage ni les moyens ni la responsabilité
du laboratoire public auquel appartient le consultant.
En effet, la consultation ou l'expertise doit être une prestation purement
intellectuelle. Elle ne doit, ni correspondre à un travail de recherche nouveau, ni
interférer avec les recherches ou les activités du consultant dans son laboratoire public,
ni être en conflit d'intérêt avec les collaborations de recherche que son laboratoire
pourrait avoir avec l'entreprise.
Les administrations des EPST ne disposent cependant pas des moyens qui leur
permettraient de s'assurer que ces conditions sont réunies.
La séparation entre activités privées de consultance et activités publiques
de recherche
Dans certains cas, notamment à l'INSERM et au CNRS, la Cour a relevé des cas
de chercheurs qui sont simultanément responsables scientifiques d'un contrat avec une
entreprise et consultants à titre personnel de la même entreprise, voire responsables
scientifiques de haut niveau en son sein : dans une telle situation, il est difficilement
concevable que le chercheur puisse ne donner que des avis "purement intellectuels", et
surtout parvienne à séparer totalement ses activités de conseil des recherches qu'il mène
dans son laboratoire public.
Certains chercheurs sont manifestement en situation de procéder à un arbitrage
personnel entre contrats pour leur laboratoire et consultances privées pour eux-mêmes.
Il est évident qu'on est alors à la limite - et parfois au-delà - du risque de privatisation de
résultats publics au profit de ceux qui ont contribué à les obtenir.
Certains établissements, conscients de ce risque de dérive, ont mis en place des
possibilités de consultance, soit individuelle, soit collective, au profit partiel ou total des
laboratoires auxquels appartiennent les consultants.
Ainsi, l'INRA a suggéré dans une note de service à ses personnels que, si la
consultance devait être encouragée, la plupart de ces actions pouvaient être conduites
dans le cadre de l'INRA et que la somme versée par le partenaire serait alors affectée au
laboratoire du consultant. De même, l'INSERM a mis en place - même si ce système est
très rarement utilisé - des "contrats d'équipe-conseil", par lesquels une entreprise peut
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
80
bénéficier des conseils d'une équipe INSERM : ce mécanisme revient à faire bénéficier
financièrement une unité de l'Institut du produit des consultances que réalise, en
pratique, son directeur, ou un ou deux de ses chercheurs. De même, dans le cadre de la
procédure d'expertise collective mise en oeuvre par l'INSERM (cf. infra), les experts ne
sont pas rémunérés à titre personnel : c'est le laboratoire auquel ils sont rattachés qui est
crédité d'une somme équivalente au coût de la participation de l'expert à l'expertise.
L'Institut Pasteur a mis en oeuvre en 1991 un mécanisme que l'on pourrait
qualifier d'intermédiaire entre la consultance purement privée et la consultance au profit
exclusif du laboratoire du consultant : les "contrats de conseil" des personnels de
l'Institut sont co-signés par celui-ci, qui se considère comme partie au contrat, et c'est à
l'Institut qu'est versée la rémunération de la consultance. L'Institut Pasteur reverse au
consultant, sous forme de complément de rémunération, les sommes perçues, déduction
faite des charges sociales et dans la limite d'un plafond de 100 % du salaire principal du
consultant (hors toute prime et indemnité) ; le consultant a même la possibilité de
renoncer à tout ou partie de ces sommes au profit de son laboratoire.
On pourrait éventuellement regretter que cette règle simple ne soit pas
susceptible d'inspirer celle qui pourrait s'appliquer aux personnels des EPST ; mais on
conçoit mal comment on pourrait imposer ainsi une déontologie plus stricte à ces seuls
fonctionnaires.
L'exercice collectif de l'expertise
La situation qui prévaut actuellement en matière d'expertise est celle de
l'expertise individuelle : les pouvoirs publics aussi bien que les entreprises privilégient,
lorsqu'ils formulent une demande d'expertise, le choix d'un expert déterminé, dont la
responsabilité est alors engagée à titre personnel, même s'il a été choisi en fonction des
qualités qu'on lui connaît et reconnaît en tant que personnel de recherche d'un
établissement public.
On ne peut donc que constater que, dans ce domaine, la volonté exprimée par les
pouvoirs publics au début des années quatre-vingt de confier à tous les EPST une
"mission d'expertise scientifique" ne s'est pas traduite sur le plan collectif.
Toutefois l'émergence, depuis les années quatre-vingt, de risques nouveaux,
d'ordre sanitaire, mal mesurés par les pouvoirs publics, a conduit notamment l'INSERM
à s'engager dans cette voie : l'Institut a instauré, au début des années quatre-vingt-dix,
une procédure dite "d'expertise collective", dont l'objectif est de rendre la masse
croissante des connaissances scientifiques plus accessible aux partenaires de l'Institut,
notamment ses partenaires institutionnels, et les organismes de prévention et de gestion
de la santé. L'ambition affichée est de "reconstruire une réalité que des partenaires non
spécialistes peuvent appréhender", en faisant le point des connaissances disponibles à
un moment donné, de façon exhaustive et critique, pour apporter aux décideurs et
acteurs de santé l'éclairage indispensable sur les composantes scientifiques de leurs
décisions et de leurs stratégies.
Récemment, le département des sciences de la vie du CNRS a mis en place, à
titre expérimental, une procédure d'expertise collective analogue à celle en vigueur à
l'INSERM.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
81
A la différence de la consultance individuelle, cette expertise repose sur une
procédure collective - et contradictoire - d'analyse et de synthèse critiques des
connaissances scientifiques du moment. Elle peut présenter deux avantages par
comparaison avec l'expertise individuelle :
- elle permet d'intégrer des disciplines et des points de vue divers et
complémentaires ;
- elle permet, le cas échéant, de mettre à plat les éventuelles controverses
scientifiques ou phénomènes d'école sur le thème faisant l'objet de l'expertise.
L'expertise collective s'est heurtée à des réserves fondées sur deux types de
risques potentiels :
- le risque de mise en cause de l'indépendance de l'organisme : l'INSERM est en
partie dépendant de ressources financières d'origine industrielle et pourrait donc voir
son indépendance scientifique dans l'expertise mise en cause à ce titre. Au moment de la
mise en place de l'expertise collective, l'Institut a toutefois considéré que tant la
transparence de la procédure instituée dans le déroulement des expertises collectives
que la pluralité des experts (choisis sans l'intervention du partenaire demandeur de
l'expertise) constituaient une réelle garantie face à ce risque ;
- le risque de mise en cause de la responsabilité de l'organisme : ce risque existe
dès lors que l'on considère que la responsabilité de l'expertise est assumée par
l'institution publique, et non par le collège d'experts ayant réalisé l'expertise. Lors de
l'instauration de l'expertise collective, l'INSERM avait estimé qu'il n'était astreint qu'à
une obligation de moyens (qualité des procédures de travail et de réflexion mises en
oeuvre), et non à une obligation de résultats, comme dans le cas des autres modalités de
diffusion des connaissances scientifiques. Le CNRS juge pour sa part que la
responsabilité de l'établissement ne saurait être engagée, dès lors que sa mission se
limite à l'organisation en son sein d'une expertise contradictoire qui n'engage pas
l'organisme en tant que tel.
II. - L'INTERESSEMENT DES PERSONNELS DE RECHERCHE
Dans le domaine de l'intéressement des personnels de recherche aux retombées
économiques des résultats de leurs travaux, l'attitude des pouvoirs publics est marquée,
depuis des années, par de longues hésitations et par une hétérogénéité certaine du
maigre dispositif existant.
Il existe principalement trois secteurs de l'activité des personnels de recherche
dans lesquels peut ou pourrait se poser la question de l'intéressement. Ces trois secteurs
sont : les ouvrages dont les personnels de recherche sont les auteurs, les contrats de
recherche à la réalisation desquels ils participent, les redevances résultant de
concessions de licences sur des résultats qu'ils ont contribué à obtenir.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
82
.
A.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
AUTEURS
Les personnels des EPST qui sont auteurs d'ouvrages (livres, films, etc.) publiés
par leur établissement ne perçoivent pas à ce titre de droits d'auteur.
Le principe même de l'intéressement de ces auteurs se heurte en effet à une
position exprimée en novembre 1972 par le Conseil d'Etat, avis rendu à la suite d'une
demande des collaborateurs de l'OFRATEME (Office français des techniques modernes
d'éducation, placé sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale) : "
Les droits que
les fonctionnaires tirent de leur statut sont toujours limités par les nécessités du service
(...). Les nécessités du service exigent que l'administration soit investie des droits de
l'auteur sur les oeuvres de l'esprit (...), pour celles de ces oeuvres dont la création fait
l'objet même du service. (...) Par l'acceptation de leurs fonctions, les fonctionnaires et
les agents de droit public (...) ont mis leur activité créatrice, avec les droits qui peuvent
en découler, à la disposition du service dans toute la mesure nécessaire à l'exercice
desdites fonctions
".
Il est possible d'avoir une interprétation stricte de cet avis pour ce qui concerne
la recherche publique, dont un des objectifs est assurément la diffusion des
connaissances, surtout si l'éditeur est l'organisme de recherche employeur. Toutefois,
une telle interprétation pourrait conduire à une "fuite" des ouvrages des auteurs ayant le
statut de personnels de recherche vers des éditeurs privés (hormis pour les ouvrages "de
commande"), puisqu'en ce cas les dispositions du décret-loi du 29 octobre 1936 modifié
relatif aux cumuls d'emplois publics, de rémunérations et de retraites, s'appliquent, et
que ces auteurs peuvent alors percevoir des droits au titre de la propriété littéraire.
Sur ce point, on peut opposer les pratiques des EPST : certains comme le CNRS,
laissent largement leurs personnels publier l'ensemble de leurs ouvrages à titre
personnel (et les personnels de certains départements du Centre ont manifestement la
possibilité de le faire plus abondamment que d'autres), sans s'inspirer par exemple du
système en vigueur dans les universités américaines - c'est à dire sans demander à
bénéficier d'une partie des droits d'auteur, dès lors que les dits auteurs ont largement
utilisé les ressources publiques (notamment les fonds documentaires) pour créer leurs
oeuvres de l'esprit. A l'inverse, d'autres établissements, comme l'INRA, procèdent à une
distinction, au moins parmi les ouvrages édités par l'établissement, entre les ouvrages de
"diffusion des résultats de la recherche ", qui ne donnent pas droit au versement de
droits d'auteur, et les autres ouvrages dont leurs personnels sont les auteurs (livres
n'entrant pas dans la "mission normale de diffusion de l'Institut", films et oeuvres
multimédias - oeuvres correspondant à "des modes de divulgation qui ne sont pas liés à
l'exercice même du service"), pour lesquels la rémunération des auteurs est possible.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
83
.
B.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
DANS
LE
CADRE
DES
CONTRATS
OU
CONVENTIONS
CONCLUS
AVEC
DES
TIERS
En vertu du décret n° 85-618 du 13 juin 1985, il est possible de rétribuer les
personnels des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche
dépendant du ministère de l'éducation nationale, pour "services rendus lors de leur
participation à des opérations de recherche scientifique prévues dans des contrats ou
conventions". Mais, à l'inverse de ce qui prévaut donc pour les personnels des
universités, aucun texte ne permet de rémunérer les personnels des EPST sur contrats de
recherche .
Cette disparité a incité certains EPST, tel l'INED, à formuler une demande de
modification de la réglementation sur ce point, en exprimant le souhait qu'il soit
désormais possible aux personnels des EPST de bénéficier de compléments de
rémunération prélevés sur les contrats de recherche à l'exécution desquels ils
participent.
La situation dans laquelle se trouvent ainsi les EPST, dont on pourrait
éventuellement imaginer qu'elle résulte d'un choix déontologique appréciable (l'absence
d'intéressement des chercheurs aux contrats conclus avec des tiers présenterait une
garantie de l'intérêt scientifique du contrat conclu, et préserverait la neutralité des
personnels de recherche dans leur négociation avec leurs partenaires), n'entraîne pas
moins une disparité de traitement entre personnels sous statut EPST et personnels sous
statut universitaire (coexistant souvent dans les mêmes équipes), qui n'est pas de nature
à rendre la position de l'Etat aisément compréhensible par ses personnels.
.
C.
-
L'INTERESSEMENT
DES
PERSONNELS
DE
RECHERCHE
AUX
RETOMBEES
FINANCIERES
DE
LEURS
INVENTIONS
Le fondement juridique des droits de propriété industrielle est la loi n° 68-1 du
2 janvier 1968, modifiée par la loi n° 78-742 du 13 juillet 1978, dite "loi Foyer", qui
précise les règles applicables aux "inventions de service", c'est-à-dire aux inventions
faites par des salariés : ces inventions "
appartiennent à l'employeur (...). Les conditions
dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, peut bénéficier d'une
rémunération supplémentaire, sont déterminées par les conventions collectives, les
accords d'entreprise et les contrats individuels de travail". Cette loi est applicable "aux
agents de l'Etat, des collectivités publiques, des établissements publics ainsi que de
toutes personnes morales de droit public selon des modalités (...) fixées par décret en
Conseil d'Etat
". Ainsi était prévue, légalement, une possibilité - et non une obligation -
de rémunération supplémentaire pour les inventeurs salariés.
Le principe de l'intéressement des inventeurs
Dès les années soixante, le CNRS avait mis en place un système d'intéressement
de ses inventeurs, selon lequel ceux-ci avaient droit à 75 % des redevances perçues par
l'établissement sur l'exploitation de leurs inventions. Plusieurs dispositifs vinrent
ultérieurement se substituer à ce premier mécanisme d'intéressement et la part de
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
84
redevances versée aux inventeurs baissa progressivement, pour se fixer à 25 %, à partir
de 1977. Cette part fut alors plafonnée, par inventeur, à 30 000 francs par an et à
300 000 francs au total par invention. Un tel mécanisme de plafonnement fut supprimé
en 1981, la part des inventeurs restant fixée à 25 % des redevances.
Le principe de l'intéressement des fonctionnaires inventeurs, notamment des
personnels des EPST, est posé par voie réglementaire, puisque le décret n° 80-645 du
4 août 1980 relatif aux inventions des fonctionnaires et agents publics rend applicables à
ces derniers les principes posés à l'article 1er ter de la loi du 2 janvier 1968 sur les
brevets d'invention, codifié à l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle.
Aux termes des dispositions législatives précitées, "
les inventions faites par le
salarié dans l'exécution, soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive
qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont
explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le
salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont
déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats
individuels de travail (...). Les dispositions du présent article sont également
applicables aux agents de l'Etat, des collectivités publiques et de toutes autres
personnes morales de droit public, selon des modalités qui sont fixées par décret en
Conseil d'Etat
".
Au moment de la transformation du statut des personnels de recherche , le décret
n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps
de fonctionnaires des EPST a réaffirmé ce principe d'intéressement des personnels de
recherche , de même que les décrets relatifs aux statuts particuliers des corps de
fonctionnaires de chaque EPST, qui précisent tous que l'établissement intéresse, "
dans
des limites fixées par décret
", les inventeurs aux résultats de l'exploitation commerciale
de leurs inventions.
Le pouvoir législatif et réglementaire a donc, à plusieurs reprises au début des
années quatre-vingt, manifesté sa volonté d'intéresser les fonctionnaires inventeurs, et
en particulier les personnels de recherche, aux retombées financières de leurs
inventions. Pourtant, les deux décrets destinés à compléter le dispositif, en fixant les
limites de l'intéressement de ces personnels, n'ont été publiés que le 3 octobre 1996, à
l'occasion de l'enquête de la Cour sur la valorisation.
Si la Cour se félicite que son enquête ait permis que soit comblé un vide
juridique, elle ne peut que s'étonner qu'un délai de plus de douze années, après la
parution du décret du 30 décembre 1983, ait été nécessaire pour élaborer et publier les
décrets requis.
Les modalités d'intéressement des personnels de recherche
Durant ces longues années marquées par l'absence de dispositif réglementaire
fixant les limites de l'intéressement des personnels de recherche , les EPST ont, ou non,
rémunéré leurs inventeurs, au gré de l'interprétation des textes existants qu'ont faite les
responsables d'établissement et de la pression qu'ont exercée les personnels de recherche
: certains EPST, comme l'INRA et l'INRIA, se sont abstenus de tout reversement de
redevances, alors que d'autres ont pratiqué l'intéressement de leurs inventeurs - soit sur
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
85
simple décision de l'ordonnateur, comme à l'INSERM, soit sur réquisition du comptable
par l'ordonnateur, comme au CNRS.
Les établissements qui, tels l'INRA et l'INRIA, ont considéré qu'ils ne
disposaient
pas
d'un
fondement
juridique
suffisant
pour
verser
des
primes
d'intéressement à leurs inventeurs ont été placés, de par l'inertie des autorités
ministérielles à réglementer ce domaine, dans une situation inconfortable, que ce soit
face à la demande d'un certain nombre de chercheurs, ou face à l'inégalité ainsi
introduite en cas de collaborations avec d'autres organismes de recherche qui, bien
qu'ayant le même statut d'EPST, pratiquaient l'intéressement.
Les principales dispositions des deux décrets n°s 96-857 et 96-858 du 2 octobre
1996 relatifs à l'intéressement de certains fonctionnaires et agents de l'Etat sont les
suivantes :
- la rémunération versée aux inventeurs est fixée à 25 % du produit hors taxes
des redevances perçues par l'établissement du fait de l'exploitation de l'invention, sans
plafonnement
7
;
- l'intéressement, qui constitue un complément de rémunération d'activité lié au
service accompli par l'agent, est versé sans être assujetti aux règles relatives au cumul
des rémunérations ;
- le dispositif s'applique à l'ensemble des activité inventives des personnels de
recherche : brevets, logiciels, obtentions végétales, travaux donnant lieu à une
exploitation commerciale ;
- l'intéressement continue d'être versé à l'inventeur pendant toute la durée
d'exploitation de l'invention, même après son départ ou son admission à la retraite.
Ce dispositif, qui a le mérite de combler une lacune juridique, appelle trois séries
de commentaires :
a)
La pertinence du système de rémunération
Les quelques résultats de la recherche publique menée dans les EPST, et
engendrant à l'heure actuelle (ou susceptibles d'engendrer dans un avenir proche) des
redevances élevées se situent dans le domaine des sciences de la vie : hormis le cas de
certaines obtentions végétales, il s'agit notamment des brevets concernant les vaccins
contre l'hépatite B, le virus HIV (virus du sida), et deux anticancéreux majeurs.
L'ordre de grandeur des redevances susceptibles d'être versées à ce titre aux
organismes dans lesquels ont été menées les recherches ayant permis d'obtenir ces
résultats peut être estimé à plusieurs centaines de millions de francs.
Les deux derniers produits résultent de découvertes faites dans un laboratoire du
CNRS dirigé par le chercheur qui a été directeur général de la recherche et de la
technologie, au ministère chargé de la recherche , entre 1994 et 1996. Par ailleurs, les
recherches ayant permis la mise au point de vaccins contre l'hépatite B et la découverte
du virus HIV ont quant à elles été menées dans des laboratoires relevant de l'Institut
Pasteur, du CNRS, de l'INSERM et de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
7
)
Déduction faite de la totalité des frais directs supportés par la personne publique.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
86
Dans un contexte marqué par l'insuffisance des financements et notamment des
crédits affectés à des opérations de pré-développement, on peut s'interroger sur la
pertinence d'un système qui assure à l'inventeur une rémunération proportionnelle, sans
limitation de montant.
Le cadre réglementaire fixé par les décrets du 2 octobre 1996 peut donc être
utilement comparé aux dispositions en vigueur à l'Institut Pasteur dont les personnels de
recherche sont rétribués selon une grille comparable à celle qui fixe les rémunérations
des fonctionnaires des EPST. Dans cet organisme, qui pratique l'intéressement, celui-ci
était jusqu'en 1991 versé aux inventeurs sans plafonnement en masse, et variait de 30 %
à 15 % (selon le niveau annuel des redevances). Le montant très élevé des redevances
perçues, ou susceptibles de l'être, par l'Institut, a conduit ce dernier à renégocier avec
son personnel l'accord d'entreprise en vigueur : depuis 1993, et pour les redevances
perçues à partir de l'année 1993, l'intéressement varie de 30 % (pour les redevances
inférieures à 1 million de francs, montant apprécié cumulativement au fil des années
d'exploitation) à 5 % (pour les redevances supérieures à 10 millions) ; il a de surcroît été
plafonné à 300 000 F bruts par an (actualisés à 318 000 F en 1996) - ce plafonnement
s'appliquant, non pas par invention, mais pour l'ensemble des inventions au titre
desquelles un inventeur perçoit un intéressement. Le plafond annuel ainsi instauré l'a été
par référence au montant annuel moyen de la rémunération d'un chercheur : il a paru
pertinent à l'Institut Pasteur de permettre à un chercheur dont les découvertes ont
d'importantes retombées commerciales de doubler sa rémunération - mais pas
davantage.
b)
Le dispositif retenu est inapplicable à certaines inventions
Lors de la très lente gestation, au sein du ministère chargé de la recherche, du
dispositif réglementaire concernant l'intéressement, l'INRA avait attiré l'attention de sa
tutelle sur les difficultés d'application qui pouvaient surgir lors de l'identification des
ayants droit sur les obtentions végétales, soulignant qu'elle ne pouvait être effectuée a
posteriori : en effet, la liste des ayants droit ne figure pas sur les certificats d'obtention.
L'INRA avait donc expressément demandé que le mécanisme d'intéressement ne
concernât, au moins pour les obtentions végétales, que les découvertes postérieures à la
parution des décrets relatifs à l'intéressement.
Tel n'est pas le mécanisme mis en place par le décret n° 96-858, dont la
rédaction, imprécise sur ce point, a été verbalement interprétée, devant la Cour, par le
directeur général de la recherche et de la technologie, de la façon suivante : le dispositif
s'applique, non aux inventions faites à partir de la parution du décret, mais aux
redevances collectées à partir de cette parution. On peut donc s'interroger sur la façon
dont l'INRA va pouvoir rémunérer des inventeurs dont la liste n'existe pas.
c)
Le dispositif entré en vigueur en octobre 1996 ne règle pas la situation des
responsables des établissements qui n'ont cessé de pratiquer l'intéressement de leurs
inventeurs
Au CNRS et à l'INSERM, on n'a cessé de pratiquer l'intéressement des
personnels de recherche hérité des dispositions en vigueur avant 1982, c'est-à-dire
paradoxalement avant le moment où, par voie législative, l'activité de valorisation est
devenue partie intégrante du travail des personnels de recherche.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
87
Au CNRS, cependant, l'agent comptable a toujours considéré qu'il ne disposait
pas d'une base juridique suffisante pour effectuer le paiement aux inventeurs des
sommes qui lui étaient annoncées comme leur revenant. En réponse à ce refus, les
directeurs généraux successifs du CNRS avaient pris l'habitude de requérir le comptable
de payer les redevances en application de l'article 155 du décret du 29 décembre 1962,
le comptable déférant à ces réquisitions après avoir constaté qu'aucun des motifs prévus
à l'article 160 du même décret (disponibilité des crédits, justification du service fait et
caractère libératoire du règlement) ne lui permettait de s'y opposer.
Au contraire, à l'INSERM, c'était une simple décision du directeur général qui,
appliquée sans réticence particulière par les agents comptables principaux successifs de
l'établissement, permettait la rémunération des inventeurs.
Or les deux décrets du 2 octobre 1996 ne prévoient aucune rétroactivité ; ainsi la
responsabilité des agents qui ont versé des primes d'intéressement pendant les longues
années d'inertie ministérielle, sans fondement juridique incontestable, est susceptible
d'être engagée par la Cour.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
88
CONCLUSION
Le bilan de la valorisation de la recherche dans les EPST pourrait
schématiquement s'ordonner en fonction du degré de satisfaction qu'il offre en regard
des objectifs qui lui avaient été assignés.
1. Le principal motif de satisfaction tient à l'indiscutable prise en considération
de l'objectif de valorisation par des organismes qui n'y étaient pas spontanément portés
par leur "culture" traditionnelle. La diversité des formes de cette prise en considération
ne doit pas occulter le fait dominant que désormais la préoccupation de la valorisation et
l'ouverture sur le monde des entreprises ont été "intégrées" par les EPST.
Cette "intégration" s'est faite sans pour autant que les finalités "désintéressées"
de la recherche aient été affectées et a été vécue plus comme un enrichissement que
comme la renonciation à la mission de base de participation au progrès général des
connaissances. Cette évolution marque la péremption des vieilles distinctions qui
opposaient une recherche dite "d'amont", qui n'aurait qu'une vocation académique, et
une recherche dite "d'aval", qui pourrait seule se préoccuper de valorisation socio-
économique, coupant ainsi arbitrairement un processus de recherche supposé séquentiel.
Encore modeste, la part des ressources provenant de la valorisation est
néanmoins devenue significative dans les EPST. Mais elles continuent souvent
d'emprunter la voie de structures parallèles, notamment associatives, dont la
justification est de moins en moins évidente au fur et à mesure que se développent les
structures de valorisation des EPST eux-mêmes. Si les responsables des EPST veulent
désormais définir une politique ordonnée en matière de valorisation de la recherche, ils
vont devoir conduire un double travail, d'abord d'identification exacte des ressources de
valorisation dont bénéficient les laboratoires de leurs organismes, ensuite d'intégration
progressive de ces ressources dans le budget de l'organisme lui-même.
2. Il n'est pas en soi critiquable que les divers EPST choisissent, pour mettre en
oeuvre leur politique de valorisation, des structures et des méthodes différentes, dans la
mesure où ces différences témoignent des spécificités de leurs situations respectives.
Mais cette hétérogénéité peut devenir critiquable si elle est source d'incohérence et
diminue l'efficacité globale de leur action. Dans ces cas, l'élaboration de références
communes, de règles harmonisées, ainsi que l'échange d'informations sur les
expériences poursuivies dans des domaines voisins, seraient de nature à améliorer
l'ensemble du dispositif.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
89
Il est difficile de comprendre qu'en matière de propriété intellectuelle, les
positions des EPST puissent être antagonistes, les uns exigeant, dans les actions menées
en partenariat, que la propriété intellectuelle reste systématiquement à l'organisme
public,
les
autres
l'abandonnant
systématiquement
au
partenaire
privé.
Plus
généralement, il est difficile d'admettre que certains EPST accordent des clauses très
favorables aux partenaires industriels, alors que d'autres défendent fermement l'intérêt
financier de l'organisme public.
Sur un point plus particulier, les différences dans les taux de prélèvement pour
frais de gestion des contrats de recherche par les EPST, qui peuvent aller du simple au
double, mériteraient d'être examinées et éventuellement réduites, afin de ne pas laisser
se pérenniser des distorsions non justifiées. Et ce, d'autant plus que cet argument des
frais de gestion avantageux est souvent invoqué en faveur des structures associatives qui
les minorent artificiellement, puisqu'elles ne supportent pas les coûts des recherches
dont elles gèrent la valorisation.
3. Les services du ministère chargé de la recherche gèrent eux- mêmes un fonds
d'intervention, le Fonds de la recherche et de la technologie (FRT), dont l'objet est
notamment de faciliter la valorisation de la recherche. Au minimum conviendrait-il que
les règles techniques sur lesquelles se fonde l'attribution des subventions du FRT ne
contredisent pas celles qui sont en vigueur dans les EPST ou n'en compliquent pas
l'application.
Or, tandis que les EPST, dans leurs négociations avec leurs partenaires
industriels, et afin de faire payer au juste coût leurs prestations, tendent à utiliser la
technique du "coût complet" qui permet de facturer les dépenses de personnel entraînées
par l'exécution des programmes, le FRT, pour ses subventions aux EPST, et afin d'en
exclure les dépenses de personnel subventionnées par ailleurs, reste fidèle à la technique
du "coût marginal" seul, alors que rien n'empêcherait que le coût complet soit aussi
mentionné à titre indicatif dans les demandes des organismes.
Qui plus est, lorsque le FRT a subventionné une entreprise pour la réalisation
d'un programme de recherche , il accepte que cette subvention soit présentée comme des
fonds propres de l'entreprise lorsque celle-ci négocie avec un EPST pour la réalisation
en coopération du programme. L'EPST est alors placé en position défavorable dans sa
négociation avec l'entreprise pour la propriété intellectuelle ou la répartition des
résultats, et la rémunération des fonds publics est artificiellement minorée.
4. Le cadre réglementaire qui existait en 1982, au moment où la loi a ouvert de
nouveaux champs à l'intéressement des chercheurs, à la consultance, à l'expertise et à la
création d'entreprises à forte densité d'investissements intellectuels, était manifestement
insuffisant et devait être adapté aux nouvelles responsabilités assignées tant aux
personnels de recherche qu'aux dirigeants des EPST. Or ce cadre réglementaire n'a pas
été adapté, ou l'a été tardivement et incomplètement.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
90
Ce n'est qu'à la fin de l'année 1996 que les textes donnant un fondement
juridique incontestable à la distribution aux personnels de recherche de primes
d'intéressement aux résultats de leurs recherches sont intervenus, laissant dans une
situation irrégulière les organismes qui avaient procédé à cette distribution dans les
années antérieures.
Les possibilités d'expertises ou de consultances individuelles ouvertes aux
personnels de recherche dans les entreprises, qui sont en principe contrôlées par les
responsables des EPST, ne donnent pas l'assurance de fait qu'un choix optimal est
toujours effectué entre l'appropriation de rémunérations personnelles par les personnels
de recherche experts ou consultants auprès d'une entreprise et l'obtention de recettes
collectives revenant à l'EPST grâce à un contrat de collaboration avec ladite entreprise.
Quant à la création d'entreprise par des personnels de recherche issus des EPST,
l'état actuel de la réglementation place souvent ces derniers devant la difficile
alternative, soit de ne pas répondre aux invitations de la loi, soit de risquer de se mettre
en infraction avec le droit existant.
La conjoncture actuelle met doublement la valorisation de la recherche à l'ordre
du jour. D'abord, il est maintenant acquis que la compétitivité des entreprises, et donc
leur profitabilité, est en grande partie fonction de l'efficacité du transfert des
investissements intellectuels dont elles auront bénéficié. Ensuite, la nécessité de
maîtriser la progression des dépenses publiques plaide pour un rééquilibrage de la
répartition du financement de la recherche entre le financement public et le financement
par les entreprises, dès lors que ces dernières auront tiré bénéfice de transferts en
provenance de la recherche publique (une augmentation de la part du financement
provenant des entreprises amènerait d'ailleurs la France dans une situation plus proche
de celle que connaissent les principaux pays industriels). Tout plaide donc pour un
redémarrage efficace de la politique de valorisation de la recherche.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
91
GLOSSAIRE DES SIGLES UTILISES
ANRT : Agence nationale de la recherche technique
ANVAR : Agence nationale de valorisation de la recherche
CEMAGREF : Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des
forêts
CIFRE : Conventions industrielles de formation par la recherche
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
EPA : Etablissement public à caractère administratif
EPIC : Etablissement public à caractère industriel et commercial
EPST : Etablissement public national à caractère scientifique et technologique
FIST : Société anonyme France innovation scientifique et transfert
GEVES : Groupe d'étude et de contrôle des variétés et semences
GIE : Groupement d'intérêt économique
GIP : Groupement d'intérêt public
INED : Institut national d'études démographiques
INRA : Institut national de la recherche agronomique
INRETS : Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité
INRIA : Institut national de la recherche en informatique et en automatique
INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
ORSTOM : Institut français de recherche scientifique pour le développement en
coopération
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
92
ANNEXE
Entre 1982 et 1985, les quatre établissements retenus pour l'enquête de la Cour
ont été érigés en établissements publics à caractère scientifique et technologique
(EPST). Les décrets ainsi pris en application de la loi du 15 juillet 1982, en introduisant
la mission de valorisation au sein des missions fixées aux établissements, ont amorcé
une transformation des relations entre ces établissements de recherche et la sphère
économique, transformation plus ou moins marquée selon le degré d'implication qui
prévalait antérieurement en ce domaine dans chacun des organismes. Le tableau ci-
dessous indique quelles sont les missions fondamentales et les missions de valorisation
assignées à chacun des quatre EPST retenus par la Cour par les décrets qui les ont
transformés en EPST :
CNRS
Décret érigeant l'établissement en
EPST
n° 82-993 du 24 novembre 1982
Missions principales de
l'établissement
"Evaluer, effectuer ou faire effectuer toutes recherches
présentant un intérêt pour l'avancement de la science
ainsi que pour le progrès économique, social et culturel
du pays"
Missions assignées à
l'établissement dans le domaine
de la valorisation
"Contribuer à l'application et à la valorisation du résultat
des recherches"
INRA
Décret érigeant l'établissement en
EPST
n° 84-1120 du 14 décembre 1984
Missions principales de
l'établissement
"Organiser et exécuter toute recherche scientifique
intéressant l'agriculture et les industries qui lui sont
liées"
Missions assignées à l'établissement
dans le domaine de la valorisation
"Participer à la valorisation des ses recherches et de
son
savoir-faire,
effectuer
des
expertises
scientifiques dans son champ de compétences"
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
93
INRIA
Décret érigeant l'établissement en
EPST
n° 85-831 du 2 août 1985
Missions principales de
l'établissement
"Entreprendre des recherches fondamentales et
appliquées"
et
"réaliser
des
systèmes
expérimentaux", "dans le domaine de l'informatique
et de l'automatique",
Missions assignées à l'établissement
dans le domaine de la valorisation
"Assurer
le
transfert
et
la
diffusion
des
connaissances et du savoir-faire, contribuer à la
valorisation
des
résultats
des
recherches
(...),
effectuer des expertises scientifiques"
INSERM
Décret érigeant l'établissement en
EPST
n° 83-975 du 10 novembre 1983
Missions principales de
l'établissement
"Encourager, entreprendre, développer (...) tous
travaux de recherche ayant pour objectifs la
connaissance
de
la
santé
de
l'homme
(...),
l'acquisition et le développement des connaissances
dans les disciplines de la biologie et de la médecine
(...)"
Missions assignées à l'établissement
dans le domaine de la valorisation
"Contribuer à la valorisation des résultats de ses
recherches"
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
94
REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ETABLISSEMENTS
PUBLICS
(1)
(1)
Parvenues à la Cour le 29 mai 1997.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
95
REPONSE DU MINISTRE DELEGUE
AU BUDGET, PORTE-PAROLE
DU GOUVERNEMENT
C'est avec un intérêt marqué que j'ai pris connaissance du rapport de la Cour
des comptes sur la valorisation de la recherche. Globalement, les observations
d'ensemble qu'il présente rejoignent les analyses conduites depuis plusieurs années par
mes services et ceux du secrétariat d'Etat à la recherche à partir desquelles ont d'ores
et déjà été adoptées plusieurs mesures destinées à favoriser les activités de valorisation
des établissements publics à caractère scientifique et technologique. Le bilan que ce
document dresse des actions menées par ces organismes depuis l'adoption de la loi
d'orientation de la recherche du 15 juillet 1982 doit permettre d'améliorer encore la
gestion de ces activités. Je suis persuadé en effet qu'un certain nombre de dispositions
s'inspirant des propositions de la haute juridiction et complétant les réformes de 1996
peuvent contribuer efficacement à assurer le dynamisme des procédures de valorisation
des travaux effectués dans les laboratoires publics tout en préservant les intérêts
patrimoniaux et moraux des organismes de recherche publique.
1. La gestion des ressources de valorisation
Je ne peux que regretter avec la Cour le relatif insuccès des activités de
valorisation entreprises par les EPST depuis 1982. Les ressources de valorisation
restent en effet de faible ampleur même si, comme le souligne la Cour, les budgets des
établissements ne comptabilisent pas l'intégralité des flux financiers qui en découlent.
A. Selon la Cour, les unités de recherche peuvent en effet être tentées de
soustraire une partie de leurs ressources contractuelles à la connaissance des
organismes dont elles dépendent, en raison des prélèvements pour frais de gestion que
ces derniers leur imposent et des facilités qu'offrent les associations pour recruter à
leur convenance des personnels supplémentaires.
Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, il convient
d'éviter effectivement le recours aux structures para-administratives en s'assurant que
les organismes reprennent directement la gestion des contrats impliquant leurs unités
de recherche.
Dans ce cadre, mes services ont engagé une réflexion avec le secrétariat d'Etat
à la recherche visant à définir les moyens à mettre en oeuvre pour identifier et inscrire
aux budgets des établissements concernés les ressources contractuelles transitant par
des structures externes.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
96
Dans cet esprit, il conviendra de mieux étayer et d'harmoniser les modes de
calcul des prélèvements pour frais de gestion perçus par les établissements sur les
ressources contractuelles des laboratoires.
S'agissant du recrutement de personnels contractuels par les laboratoires, je
rappelle, comme le note d'ailleurs la Cour, que les EPST sont aujourd'hui autorisés à
rémunérer sur ressources propres jusqu'à 2 % de leurs effectifs en contrat à durée
déterminée. Il me paraît difficile d'envisager d'aller au-delà sans risquer de
déséquilibrer la gestion des ressources humaines dans les établissements.
B. En ce qui concerne la gestion des ressources contractuelles, la Cour observe
notamment que les règles de calcul des coûts des travaux visés par les contrats de
recherche ont parfois pour effet de léser les intérêts des établissements publics.
Je ne peux que partager les analyses de la Cour à cet égard. Les établissements
doivent mettre en place des systèmes de comptabilité analytique permettant de
déterminer précisément, et selon des modalités communes à l'ensemble des EPST, les
coûts complets des travaux de recherche en incluant les dépenses de personnel. Un tel
dispositif assurerait une connaissance exacte des apports des organismes de recherche,
même si la facturation n'était que partielle, et une attribution mieux justifiée des droits
de propriété sur les résultats obtenus par les laboratoires.
Comme le suggère la Cour, une réflexion me semble à cet égard devoir
s'engager à bref délai sur les modalités d'attribution des aides du fonds de la recherche
et de la technologie (FRT) et sur leur prise en compte dans l'évaluation des apports
publics au financement des recherches menées au sein des EPST, afin de veiller à ce
que tous les concours publics, même indirects, soient intégrés dans la détermination de
la propriété des résultats.
C. Par ailleurs, les techniques comptables retenues par les organismes ne
permettent pas, selon la Cour, de garantir le respect du principe d'affectation des
ressources contractuelles dont l'emploi est prédéterminé (décrets du 10 décembre 1953
et du 29 décembre 1962).
La technique des ressources affectées dont il est observé une faible application
n'apparaît pas en effet toujours adaptée à des établissements qui ont à gérer une
multiplicité de contrats. Par lettre de décembre 1993, la direction de la comptabilité
publique a ainsi autorisé les EPST à assurer un suivi budgétaire "banalisé" de
l'ensemble de leurs ressources ayant une affectation prédéterminée par dérogation à
l'instruction de mes services n° 93-59-M9 du 18 mai 1993. Cette instruction préconise
en effet une procédure comptable et budgétaire visant à assurer avec certitude le
respect du principe d'affectation. Les établissements restent néanmoins tenus de
satisfaire à l'obligation de rendre compte des dépenses par le moyen de procédures
extracomptables ouvrant pour chaque contrat un centre de dépense ou de coût. La Cour
notant cependant qu'un tel suivi individualisé des dépenses n'est pas toujours opéré, une
lettre sera adressée aux responsables des établissements publics concernés pour qu'ils
s'y conforment avec toute la rigueur nécessaire.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
97
Je rappelle à cet égard que l'évaluation des dotations de crédits de paiement-
services votés destinées à couvrir les autorisations de programme déléguées par l'Etat
aux établissements publics est faite indépendamment des reports de crédits résultant de
leurs ressources contractuelles.
D. La Cour estime enfin que le rattachement des ressources de valorisation au
budget des EPST par les décisions budgétaires modificatives reste soumis à
délibération des conseils d'administration alors que l'instruction codificatrice n° 96-
011-M91 du 1er février 1996 en confierait la responsabilité à l'ordonnateur.
Il me semble sur ce point utile de rappeler que les textes institutifs des
établissements donnent au seul conseil d'administration pouvoir d'adopter, et de
modifier le cas échéant, les budgets primitifs des établissements publics de recherche ,
sous réserve toutefois de l'approbation expresse ou tacite des ministres de tutelle. Afin
néanmoins de faciliter la gestion de ces organismes, l'ordonnateur a, en vertu du décret
n° 53-1227 du 10 décembre 1953 et des circulaires de la direction du budget des 1er
octobre 1993 et 3 octobre 1994, la possibilité de prendre des décisions modificatives
provisoires (DMP) entre deux conseils d'administration pour des mesures d'ordre
technique (reports de crédits notamment) avec l'accord du contrôleur financier
compétent. Ces DMP sont ratifiées par le conseil d'administration suivant la décision.
2. En ce qui concerne les remarques de la Cour sur les structures de
recherche, je souhaite apporter les commentaires suivants
A. La diversité des structures de coopération de recherche adoptées par les
EPST, que constate la Cour, me semble résulter d'un examen détaillé des spécificités de
la coopération proposée afin de retenir la formule juridique la mieux adaptée aux
besoins. Il va de soi néanmoins que mes services s'attachent à ce que les modalités de
gestion de ces structures se conforment à leurs objectifs. C'est pourquoi notamment, les
conventions constitutives des groupements d'intérêt public (GIP), approuvées par arrêté
interministériel, ne prévoient pas, en règle générale, le recrutement de personnels
propres par ces organismes créés par définition pour une durée limitée.
Plus généralement, les dispositifs de valorisation doivent être considérés au cas
par cas afin d'opter pour la solution juridique répondant au mieux aux enjeux
économiques (contrats de licence, créations de filiales, participations à des sociétés de
droit privé, contrats de collaboration, essaimage des chercheurs). Au-delà des
questions de déontologie, qui doivent faire l'objet d'un examen particulièrement attentif,
les critères à prendre en compte sont donc, à mon sens, l'adaptation de la structure aux
objectifs recherchés , et la préservation des intérêts de la puissance publique en cas de
défaillance de l'entreprise. Il convient bien entendu que les membres des conseils
d'administration des établissements puissent exercer pleinement leur rôle et se
prononcent sur les orientations essentielles des structures de coopération sur la base
d'une information détaillée.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
98
B. Conscient de l'enjeu que représente pour la vitalité de l'économie française
l'exploitation des découvertes des laboratoires publics, le Gouvernement s'est ainsi
récemment attaché à lever les obstacles réglementaires à la valorisation de la
recherche.
Le statut des personnels de recherche qui comprenait, ainsi que le rappelle la
Cour, des dispositions particulières autorisant notamment le détachement ou la mise à
disposition des chercheurs vers les entreprises privées, a été modifié. En vertu de deux
décrets du 3 octobre 1996, les chercheurs peuvent désormais percevoir un
intéressement à l'utilisation commerciale de leurs travaux.
De même, la loi de finances pour 1997 a créé des dispositifs particuliers pour
favoriser le dépôt et l'exploitation des brevets en incitant par l'octroi d'un avantage
fiscal les chercheurs à protéger leurs découvertes et en instituant des fonds communs de
placement dans l'innovation qui devraient drainer vers les entreprises innovantes une
épargne plus abondante.
Il me semble prématuré de dresser le bilan de ces mesures qui sont en cours de
mise en oeuvre.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
99
REPONSE DU MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE,
DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ET
DU SECRETAIRE D'ETAT A LA RECHERCHE
Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche et le secrétaire d'Etat à la recherche ont pris connaissance avec le plus grand
intérêt du rapport sur "la valorisation de la recherche dans les établissements publics à
caractère scientifique et technologique" (EPST) établi par la Cour des comptes. Ils
partagent dans l'ensemble l'analyse de la Cour.
Ce document revêt une importance particulière du fait de la priorité que le
ministère attache à la valorisation de la recherche. Dans la politique de tutelle exercée
par le ministère sur les organismes de recherche , la valorisation constitue en
l'occurrence un axe prioritaire, qui figure au coeur des schémas stratégiques et les
contrats d'objectifs conclus avec les organismes de recherche .
La valorisation de la recherche a constitué un volet important du comité
interministériel de la recherche scientifique et technique du 3 octobre 1996 avec des
mesures qui sont déjà entrées en application telles que l'incitation fiscale au dépôt de
brevets par le chercheur (art. 103 de la loi de finances pour 1997), la création de fonds
communs de placement dans l'innovation dotés d'avantages fiscaux permettant de
mobiliser des capitaux privés (art. 102 de la loi de finances pour 1997 et décret n° 97-
237 du 14 mars 1997) et l'intéressement des chercheurs (décrets n° 96-857 et 96-858 du
2 octobre 1996).
1. Le ministère se félicite que la part des ressources provenant de la valorisation
soit devenue significative dans les EPST, mais il est anormal que ceux-ci n'aient pas
une connaissance exhaustive des ressources de valorisation dont leurs laboratoires
peuvent bénéficier, notamment en raison du recours à des associations. Le ministère
veillera, comme le souhaite la Cour, à inciter les responsables des EPST d'une part à
identifier les ressources de valorisation dont bénéficient les laboratoires de leurs
organismes, et d'autre part à intégrer progressivement ces ressources dans le budget de
l'organisme lui-même.
La politique largement engagée de contractualisation quadriennale entre l'Etat,
les universités et les organismes permettra d'améliorer la connaissance et la gestion des
ressources contractuelles. Par ailleurs, le ministère sensibilisera les organismes de
recherche à prêter vigilance sur l'utilisation par leurs laboratoires de structures para-
administratives. Conformément aux observations exprimées régulièrement par la Cour
des comptes, il indiquera aux organismes de recherche les règles qui devront fonder
désormais le recours exceptionnel à des associations pour la gestion des contrats :
signature d'un contrat de recherche à la fois par le demandeur de la recherche ,
l'établissement et l'association, clauses obligatoires figurant au contrat, notamment le
partage des produits et des charges entre l'association et l'établissement, fourniture par
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
100
l'association de tous les documents comptables relatifs à ces contrats, réelle autonomie
de l'association.
En ce qui concerne la gestion des ressources provenant de la valorisation,
conformément aux recommandations de la Cour, le ministère incitera les EPST qui n'en
disposent pas encore, à mettre en place un véritable système de suivi analytique de
l'activité des unités de recherche, permettant de disposer d'un coût complet incluant les
dépenses de personnel. En revanche, le ministère considère que les EPST doivent
pouvoir continuer à être dispensés du recours à la technique comptable des ressources
affectées dans le suivi des financements contractuels, à condition qu'un suivi extra-
comptable soit mis en place grâce à la comptabilité analytique. Les reports de crédits
qu'entraîne la gestion banalisée des ressources contractuelles ne lui paraissent pas
critiquables.
Il paraît également opportun, comme le suggère la Cour, de mener une réflexion
avec les établissements sur les modalités de calcul des "frais de gestion" des ressources
contractuelles tout en prenant en compte le fait que le terme de "frais de gestion"
recouvre une réalité différente : il s'agit plutôt de prélèvements pour participation au
fonctionnement général de l'unité ou à celui de l'organisme de recherche.
2. S'agissant des instruments de la valorisation, le ministère partage l'analyse de
la Cour sur l'équilibre à respecter entre une certaine diversité des structures et des
méthodes de valorisation et la nécessité d'une cohérence de l'action des organismes de
recherche. Le ministère recherchera une mise en cohérence des pratiques des
organismes et un développement des échanges d'informations sur les expériences
poursuivies. Il a déjà engagé des réunions de concertation avec les organismes de
recherche pour examiner les différentes questions qui se posent dans le cadre d'une
politique de valorisation. Par ailleurs, le consortium de recherche et d'innovation pour
l'entreprise, qui vient d'être créé entre le CNRS, l'INRA, l'INRIA, le CEMAGREF, le
CEA, l'ONERA, le réseau des centres techniques industriels et la société Bertin, a pour
objectif essentiel de coordonner l'action de ses membres dans le domaine des relations
industrielles.
2.1. Les remarques de la Cour relatives aux structures de valorisation appellent
certains commentaires. Le ministère partage le souhait exprimé par la Cour d'un
meilleur suivi des actions de valorisation au niveau des instances délibérantes.
En revanche le ministère souhaiterait apporter quelques compléments à
l'analyse de la Cour sur les structures de coopération. La diversité des structures de
coopération choisies par les établissements - GIP, GIE, société civile, groupement
d'intérêt économique - se justifie par un environnement et des objectifs différents selon
les secteurs. A cet égard, aucune structure juridique ne peut être utilisée comme
panacée, et le ministère, dans son rôle de tutelle, veille à l'adaptation de la structure à
la finalité du projet, à la composition du partenariat, ainsi qu'à la nature des
financements. Cette diversité des structures n'est pas le signe d'un insuccès relatif de la
formule des GIP de valorisation, dont on peut citer certaines créations récentes. Le GIP
"management interdisciplinaire du transfert et de l'innovation" créé en décembre 1996
à Lille associe des PME. Le centre national de séquençage créé en janvier 1997 à Evry
a pour objet le séquençage des génomes, la recherche, l'exploitation et la valorisation
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
101
des résultats dans ces domaines. Le groupement d'étude et de recherche pour les
applications industrielles de puissance, créé en février 1997 à l'Ecole polytechnique,
associe des industriels dans le domaine des lasers de puissance. Enfin, un projet de GIP
est à l'étude associant le CNRS, l'INSERM, le CEA et le groupe pharmaceutique
Hoechst-Marion-Roussel. Il n'apparaît pas non plus que les règles de création et de
fonctionnement des GIP soient plus lourdes que celles des GIE : la participation d'un
EPST à un GIE obéit en effet à une procédure analogue puisqu'elle nécessite un accord
préalable des instances délibérantes de l'établissement public suivi d'un arrêté
interministériel. Certains GIE, associant des partenaires publics, peuvent en outre être
soumis, comme le sont les GIP, à des contrôles de fonctionnement, en application du
décret du 21 mai 1973, ainsi qu'à l'interdiction de recruter du personnel. Ces règles ont
été appliquées notamment aux GIE GANIL, GC2VR et CERMEP.
En ce qui concerne les prises de participation des EPST dans des sociétés
industrielles, le ministère considère que les EPST n'ont pas vocation à financer le
développement de sociétés industrielles bien établies et doivent au contraire concentrer
leurs efforts pour accompagner la création d'entreprises à partir des travaux de
recherche effectués en leur sein. L'expérience montre en effet que les entreprises créées
à l'initiative de chercheurs pour valoriser leurs recherches ont un taux d'échec
remarquablement faible et sont en moyenne trois fois plus créatrices d'emplois que les
autres avec un effectif moyen de onze salariés quelques années après leur création. A
l'heure actuelle, il n'y a qu'une quarantaine d'entreprises créées annuellement par des
chercheurs en France. Le secrétariat d'Etat à la recherche souhaite avoir à cet égard
une action volontariste.
2.2. En ce qui concerne les méthodes de valorisation, la Cour distingue les
méthodes de prise en compte de la valorisation dans la carrière des personnels de
recherche et le développement d'outils juridiques aptes à favoriser la protection et le
développement industriel des découvertes des laboratoires.
S'agissant en premier lieu des méthodes de prise en compte de la valorisation, le
ministère est convaincu de la nécessité de mieux identifier la part d'activité des
personnels de recherche consacrée à la valorisation et de lui faire jouer un rôle précis
dans le déroulement de leur carrière. L'évaluation de la valorisation doit être replacée
au coeur de l'évaluation des chercheurs, faite par les instances d'évaluation de chaque
discipline, puisqu'elle est déjà au coeur de l'activité du chercheur. Le secrétaire d'Etat à
la recherche a adressé en ce sens au directeur général du CNRS une lettre de mission
lui demandant de concevoir un mécanisme qui inciterait les sections du Comité national
de la recherche scientifique à favoriser la promotion des chercheurs ayant une vraie
dimension de valorisateurs.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
102
Une meilleure prise en compte de la valorisation dans les carrières devrait
inciter certains chercheurs à tenter des expériences de mobilité vers les entreprises ou
de création d'entreprises avec essaimage, et d'autres à mieux se mobiliser sur leurs
missions de valorisation et de coopération avec les entreprises tout en restant dans leur
laboratoire d'origine. Le ministère poursuit ses efforts dans cette double direction.
Afin de développer la mobilité vers les entreprises, le ministère a l'intention de
mettre comme condition au financement des groupes industriels dans le cadre des
grands programmes technologiques un engagement de leur part en matière d'accueil de
chercheurs. Par ailleurs, les conditions de rémunération des chercheurs détachés dans
les entreprises seront assouplies : les gains de rémunération, actuellement limités à
30 % pourront être portés à 50 %.
En ce qui concerne les outils juridiques de transfert et en premier lieu les
collaborations de recherche entre EPST et entreprises, la recherche publique doit
également contribuer à répondre aux besoins des PME. Celles-ci ont des besoins
spécifiques et il ne suffit pas de faciliter leur accès à des procédures ou à des centres
traditionnels de valorisation, qui répondent avant tout aux besoins et aux
caractéristiques des grandes entreprises et des PME de forte intensité technologique.
C'est pour pallier ces difficultés que le ministère a préconisé la mise en place de
centres de ressources technologiques (CRT) qui doivent consacrer une part significative
de leur activité au transfert de technologie vers les PME. Afin de garantir la
compétence et le professionnalisme de ces centres, le ministère a mis en place une
procédure spécifique de reconnaissance. Une dizaine de centres ont été sélectionnés.
En matière de partage de la propriété intellectuelle entre l'organisme et ses
partenaires industriels, le ministère partage l'analyse de la Cour selon laquelle il est
souhaitable que l'organisme public ait la propriété ou la copropriété des droits. Il faut
toutefois tenir compte du fait que les organismes de recherche multidisciplinaires se
trouvent confrontés à une grande diversité de partenaires économiques et d'objets
susceptibles de donner lieu à une propriété intellectuelle.
Plus généralement le ministère incite les EPST à mieux défendre l'intérêt public
dans la négociation des contrats. A cet égard, les EPST et notamment le CNRS
renégocient certains accords-cadres dont les clauses sont apparues trop favorables aux
partenaires industriels. Pour tenir compte des remarques de la Cour, le CNRS met en
place un conseil du partenariat avec les entreprises et un comité exécutif pour la
valorisation de la recherche. Il sera ainsi mieux à même d'assurer un suivi des actions
de valorisation menées en partenariat avec les industriels.
3. Les règles techniques sur lesquelles se fonde l'attribution des subventions du
FRT ne contredisent pas celles qui sont en vigueur dans les EPST et qui tendent à
utiliser la technique du "coût complet".
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
103
Un établissement de recherche participant, en relation avec une entreprise
industrielle, à la réalisation d'un programme financé par le FRT peut intervenir, soit en
qualité d'opérateur à part entière, soit en qualité de simple prestataire de service.
Quand il s'agit d'une collaboration dans laquelle l'établissement de recherche
est attributaire d'une subvention pour son compte propre, les dépenses dont celui-ci
peut demander la prise en charge par le FRT sont effectivement limitées aux coûts
marginaux, hors dépenses de personnel. Ceci ne prive pas l'établissement de la
possibilité de faire valoir l'intégralité de ses coûts dans les accords qu'il passe avec ses
partenaires industriels pour régler les questions de propriété intellectuelle et
industrielle. C'est au contraire de cette façon que l'établissement peut afficher un
niveau de participation reflétant la réalité de l'effort consenti et mieux faire valoir ses
droits dans la négociation relative au partage des résultats.
Quand le partenariat se résume à une prestation de service effectuée par un
EPST pour le compte d'une entreprise, seule l'entreprise est attributaire de l'aide de
l'Etat. La demande de subvention déposée par l'entreprise mentionne la dépense prévue
au titre de la prestation pour la valeur globale de celle-ci. Dans son devis comme dans
sa facturation à l'entreprise, l'établissement incorpore des éléments de coût liés à la
rémunération des personnels, comme il en va pour toute activité de recherche sous
contrat. Ni l'instruction du 1er octobre 1973 relative aux modalités d'attribution des
aides à la recherche, ni aucune autre instruction n'impose d'exclure ces éléments.
4. En ce qui concerne le cadre réglementaire de la valorisation, les conclusions
de la Cour portent sur l'intéressement des personnels de recherche, sur la création
d'entreprises par des personnels de recherche issus des EPST et sur les consultances et
expertises.
S'agissant de l'intéressement des personnels de recherche aux retombées
financières de leurs inventions, les deux décrets n° 96-857 et 96-858 du 20 octobre
1996 relatifs à l'intéressement de certains fonctionnaires et agents de l'Etat donnent,
comme le constate la Cour, un fondement juridique incontestable à la distribution aux
personnels de recherche de primes d'intéressement aux résultats de leurs recherches. Le
secrétariat d'Etat à la recherche se réjouit d'avoir en six mois fait paraître un décret qui
n'avait pu aboutir depuis douze ans. Toutefois, le ministère ne partage pas totalement
certains commentaires de la Cour sur ces textes.
L'absence de plafonnement en masse ne paraît aucunement critiquable. Cette
absence de plafond peut récompenser les mérites à leur juste hauteur et constitue un
encouragement puissant. Le montant des redevances perçues par les EPST est d'environ
80 millions de francs en 1995. Ces chiffres sont plutôt le signe d'une insuffisante
valorisation des recherches menées qui doit donc être vivement encouragée, comme
créatrice de richesses aussi bien pour l'Etat, que pour les organismes de recherche, la
collectivité nationale et les inventeurs.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
104
En outre, l'intéressement, à la différence d'une indemnité traditionnelle, a un
caractère irrégulier. Ce sont souvent les mêmes équipes, qui réalisent à la suite
plusieurs inventions valorisées, et qui seraient touchées, par le plafonnement. De même,
la valorisation de certaines inventions se trouve très concentrée dans le temps. Un
plafonnement de l'intéressement aurait un effet démobilisateur sur de telles équipes.
C'est sur la base d'un tel constat que le CNRS, après avoir pendant une courte
période (de 1977 à 1981) plafonné l'intéressement, est revenu à une pratique d'absence
de plafonnement, jugeant que le plafonnement était peu incitatif et qu'il pouvait
favoriser certaines opérations occultes.
Un dispositif réglementaire d'intéressement existait en effet déjà dans certains
EPST (CNRS, INSERM, INRIA) pour l'intéressement aux résultats de l'exploitation des
inventions et des logiciels, et ces dispositifs ne prévoyaient pas de plafonnement.
L'adoption d'un plafonnement aurait donc conduit à instituer un dispositif
réglementaire plus restrictif que les dispositifs existant préalablement dans ces EPST.
Le dispositif retenu peut être appliqué aux obtentions végétales.
Les décrets du 2 octobre 1996 sont entrés en vigueur, conformément au droit
commun, dès le lendemain du jour de leur publication et sont immédiatement
opposables à toutes les situations en cours, étant précisé que c'est le fait générateur du
versement de la prime, à savoir la perception du produit de la valorisation et non, dans
ce cas d'espèce, la création ou la découverte de l'obtention végétale, qui détermine leur
application.
L'intéressement est ainsi perçu sur les redevances versées à l'établissement
depuis la publication des décrets, même si les créations ou découvertes d'obtentions
végétales sont intervenues antérieurement à la parution des textes. Il est vrai, comme le
souligne la Cour, que la liste des ayants droit ne figure pas sur les certificats
d'obtention. L'INRA n'a donc pas les moyens de recenser les créateurs d'obtentions
végétales intervenues antérieurement à la parution des textes. Il ne pourra cependant
pas refuser de verser l'intéressement au titre d'une obtention végétale passée si la
demande lui en est faite. Il devra alors procéder à une enquête administrative
permettant d'établir la liste des créateurs d'obtentions végétales.
Au-delà du point particulier évoqué par la Cour, relatif à la prise en compte des
obtentions végétales passées, il faut reconnaître qu'à la différence des brevets, logiciels
et travaux valorisés qui avaient déjà fait l'objet d'une pratique d'intéressement, le cas
des obtentions végétales a suscité des questions d'interprétation nouvelles, qui ont
trouvé des solutions adaptées.
En ce qui concerne les responsables des établissements qui n'ont cessé de
pratiquer l'intéressement de leurs inventeurs, le ministère reconnaît, comme la Cour,
que le dispositif entré en vigueur en octobre 1996 ne règle pas leur situation.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
105
Il convient cependant de souligner que les mesures d'intéressement mises en
oeuvre par certains EPTS antérieurement aux décrets d'octobre 1996 ne sont pas
dépourvues de base juridique.
Avant 1984, les décrets fixant les statuts des chercheurs contractuels du CNRS,
de l'INSERM et de l'INRIA prévoyaient en effet qu'en cas d'exploitation commerciale du
brevet, l'établissement pouvait intéresser les inventeurs. Des décisions du conseil
d'administration avaient arrêté la limite de 25 % du montant des redevances.
En 1984, les statuts particuliers des fonctionnaires de recherche de chaque
EPST ont généralisé aux fonctionnaires des EPST l'intéressement aux résultats de
l'exploitation commerciale de leurs inventions tout en renvoyant à un décret le soin de
fixer les "limites" de cet intéressement. Ce décret n'est pas intervenu, mais, pour autant,
il ne semble pas illégitime que les établissements aient cherché à donner effet à ces
dispositions consacrant incontestablement un droit des agents, en se fondant sur le
pourcentage de 25 % arrêté par le conseil d'administration en application des statuts
précédents.
REPONSE DU MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES
SOCIALES
Mon appréciation globale du bilan de la valorisation de la recherche dans les
EPST, tel qu'il ressort des conclusions de la Cour, doit être envisagée en tenant compte
du fait que les questions évoquées dans le rapport sont essentiellement en lien avec le
partenariat économique des EPST.
Mes remarques particulières sont les suivantes :
a) S'agissant du point 2, je souhaite appuyer les remarques de la Cour sur le
bénéfice que représenterait une harmonisation des règles et des méthodes employées.
Dans cet esprit, recommandation devrait être faite à l'INSERM d'adopter une seule
grille de "coût annuel moyen du chercheur environné".
Je partage également la préoccupation de l'examen des différences entre les
taux de gestion et de leur éventuelle réduction.
b) S'agissant des formes de rapprochement entre les structures de recherche des
EPST et les entreprises, la question peut être posée de savoir si la constitution d'entités
mixtes de recherche entre un EPST et un industriel, telle qu'elle est pratiquée par le
CNRS, a fait perdre à ses équipes l'indépendance de leurs choix scientifiques.
Si tel n'est pas le cas, l'argument n'est pas opposable par l'INSERM pour la
constitution de telles entités mixtes.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
106
c) S'agissant du rôle de la valorisation dans la carrière des personnels de
recherche , je note en le regrettant l'observation de la Cour selon laquelle "les
commissions scientifiques où se pratique le "jugement par les pairs" ont encore peu
intégré d'autres critères que l'unique instrument de mesure "objectif" de l'efficacité d'un
chercheur que sont les publications dans des revues "à comité de lecture"".
Des recommandations spécifiques mériteraient d'être faites à ces instances pour
une meilleure prise en compte de la valorisation dans l'évaluation des chercheurs.
Concernant en particulier l'INSERM, ce message, effectivement diffusé, peut
cependant être réactualisé par la direction générale de l'Institut, notamment par le
vecteur de la "lettre aux rapporteurs", adressée à tous les membres des instances
d'évaluation.
REPONSE DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE,
DE LA PECHE ET DE L'ALIMENTATION
Le rapport public que la Cour se propose de publier prochainement et ayant
pour sujet la valorisation de la recherche dans les établissements publics à caractère
scientifique et technologique (EPST) appelle de la part du ministère de l'agriculture, de
la pêche et de l'alimentation les observations suivantes.
Il convient de rappeler que ce rapport, qui concerne quatre établissements
(CNRS, INSERM, INRIA, INRA), a été adressé au ministère de l'agriculture, de la pêche
et de l'alimentation au titre de la tutelle qu'il exerce conjointement avec le ministère de
la recherche sur l'Institut national de la recherche agronomique (INRA).
L'examen de ce document confirme le bon niveau de valorisation de la
recherche atteint par l'INRA.
Il a été pris note des remarques formulées par la Cour concernant les structures
et les méthodes utilisées pour la valorisation de la recherche, et notamment de la
nécessité d'atteindre en ce domaine un niveau suffisant d'homogénéité, grâce à
l'élaboration et à l'utilisation de références communes et à une harmonisation des
règles applicables.
Le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ne manquera pas
de tenir compte de ces recommandations, en liaison avec le ministère de la recherche,
dans l'exercice de la tutelle sur les établissements publics relevant de son domaine de
compétence.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
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Réponse du directeur général du CNRS
1. La redéfinition d'ensemble de notre dispositif de valorisation
La réflexion portant sur la valorisation de nos recherches, engagée il y a
quelques mois, se concrétise par une réforme d'envergure de notre dispositif.
Le CNRS a officiellement mis en place en avril 1997 une nouvelle organisation
interne fondée sur un conseil du partenariat avec les entreprises (CPE) et un comité
exécutif pour la valorisation de la recherche (CEVAR).
Présidé par une personnalité du monde industriel, le CPE intervient en tant
qu'instance consultative placée auprès du directeur général pour l'assister dans la
définition de la politique à mener.
Celle-ci sera mise en oeuvre par l'instance opérationnelle que constitue le
CEVAR, véritable cheville ouvrière du nouveau système, à qui revient notamment le
soin d'élaborer le cadre général des activités de valorisation, de gestion de la propriété
industrielle, d'essaimage des chercheurs.
Ce comité est placé sous la présidence du délégué aux affaires industrielles.
Choisi parmi les directeurs siégant au comité de direction, ce délégué est également
membre à part entière du CPE.
Collaborent ainsi au sein du CEVAR les différentes composantes tant
scientifiques qu'administratives ayant un rôle à jouer dans le domaine de la
valorisation.
Parallèlement dans chacune de nos délégations un service des contrats créé en
septembre 1996 constitue désormais le relais local d'application de notre politique.
Par ailleurs, les liens que le CNRS entretient avec la société FIST évoluent de
façon significative.
En effet, la procédure de rachat d'actions détenues par nos partenaires arrive à
son terme. Dans un très proche avenir, le CNRS aura donc la maîtrise de la société en
détenant 70 % de son capital. La mission de valorisation, que FIST exerce d'ores et
déjà pour notre compte, en sortira confirmée et renforcée. La société se verra
également confier un rôle actif en matière de capital risque et d'aide à la création
d'entreprises dont la Cour a souligné les actuelles insuffisances.
Enfin, j'ai l'intention qu'une prochaine réunion du conseil d'administration soit
consacrée à la politique de valorisation menée par le CNRS.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
108
2. L'évaluation de l'activité "valorisation" par les sections du comité national
Dans le prolongement de l'action entreprise par son ministère de tutelle, le
CNRS considère que la valorisation qui accompagne la production scientifique de
qualité, mérite d'être placée au coeur de l'activité des chercheurs.
Cette mission, qui repose notamment sur la commission interdisciplinaire de
valorisation chargée de l'évaluation des chercheurs consacrant la majeure partie de
leur temps à la valorisation, fait actuellement l'objet, à la demande du secrétaire d'Etat
à la recherche , d'une attention particulière.
En effet, évaluer l'activité de valorisation de nos chercheurs incombe en priorité
à la totalité des sections du comité national lesquelles doivent veiller à intégrer dans
leur appréciation cet aspect comme un critère à part entière. Je leur ai adressé un
message en ce sens.
Une réflexion d'ensemble associant les acteurs concernés a officiellement
débuté. J'ai ainsi demandé, qu'à l'issue de la session de printemps que tient le comité
national, chaque président de section organise sur ce thème un débat interne et
m'adresse les propositions qui en résulteront.
3. La gestion par le CNRS des ressources contractuelles
Depuis le 1er janvier 1997, une nouvelle procédure de gestion des ressources
contractuelles initiée dans le cadre des contrats quadriennaux tripartites avec le
ministère et les universités et élargie à l'ensemble des unités a été mise en place par le
CNRS.
Le prélèvement de 4 % pour frais de gestion effectué sur les ressources
contractuelles a été supprimé. Parallèlement, une contribution aux charges de
fonctionnement général de l'unité a été instituée.
En effet, le surcroît d'activité généré par le contrat entraîne toujours un coût
marginal supplémentaire de fonctionnement alors qu'il est possible de considérer,
comme le font observer certains partenaires industriels, que les charges de gestion,
assurées par les personnels administratifs du CNRS, sont d'ores et déjà financées par la
subvention d'Etat.
Ce nouveau dispositif représente un avantage significatif pour les unités de
recherche, qui bénéficient dorénavant de l'intégralité des ressources contractuelles,
celles-ci finançant de surcroît pour partie leurs dépenses de fonctionnement général. Le
CNRS entend de cette manière mettre en place un outil compétitif de gestion des
contrats, qui conduise à terme les directeurs d'unités à abandonner les éventuels
recours à des structures de gestion dénoncées par la Cour telles que les associations.
De même, une réflexion concernant l'assouplissement de certaines procédures de
financement mises en oeuvre par le CNRS, telles que celles relatives aux frais de
déplacement, est engagée.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
109
Parallèlement, le taux du prélèvement destiné à la constitution de la provision
pour perte d'emploi autrefois établi à 1 % du montant HT des contrats a été modifié
pour tenir compte des contraintes liées à l'emploi.
Désormais, pour les contrats de recherche gérés par le CNRS et comportant des
dépenses de personnel, un prélèvement de 8 % au titre de la constitution d'une
provision pour perte d'emploi est opéré sur le montant hors taxes des rémunérations,
charges sociales et patronales incluses et ce, depuis le 1er juillet 1996 pour les
nouveaux contrats et depuis le 1er janvier 1997 pour les contrats en cours.
Réponse du directeur général de l'INSERM
1. La mesure des ressources)
Sans remettre en cause l'observation de la Cour selon laquelle l'INSERM n'a
qu'une connaissance partielle des ressources extérieures des unités de recherche,
parfois gérées par des associations pour des raisons tenant notamment aux conditions
de recrutement de personnels, l'institut souhaite faire deux remarques complémentaires
;
- le recrutement d'agents sur contrats à durée déterminée rémunérés par les
EPST sur ressources extérieures permet non seulement de limiter le recours à une
gestion associative mais aussi de clarifier la situation de ces personnels à statut
précaire par des contrats de travail à durée limitée, dans des conditions de plus grande
transparence ;
- afin que l'autorisation qui leur est donnée de recruter des personnels, dans des
limites contrôlées, ait son plein effet, les EPST doivent être autorisés, après examen du
bilan de leur action en ce domaine, à relever au-delà de 2 % de l'effectif statutaire cet
effectif sur contrat ; tel n'est pas le cas actuellement à l'INSERM malgré les demandes
présentées à ses tutelles.
2. L'INSERM et les clauses de collaboration avec l'industrie (page 60)
2.1. Si la Cour mentionne que l'INSERM "veille avec soin à la précision des
contrats" (page 84), il est par contre fait état de deux contrats pour lesquels le domaine
de collaboration serait mal défini. Il est important de souligner que pour ces deux
contrats, les collaborations concernées s'inscrivent dans le moyen voire le long terme et
permettent donc le soutien de programmes de recherche très en amont d'un
développement industriel. Si le domaine scientifique de la collaboration peut être
d'emblée défini, le domaine des applications industrielles potentielles est souvent à ce
stade difficile à prédire et se dégage au fur et à mesure que le programme, lui-même
réajusté périodiquement, aboutit à des résultats validés.
Il en est ainsi de la collaboration signée en 1989 avec l'entreprise Y par le
CNRS, l'INSERM et une université française. Cette entreprise, lorsqu'elle identifie un
thème de recherche d'intérêt commun avec une équipe du laboratoire concerné,
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
– juin 1997
110
s'engage à financer ce thème pendant une période initiale minimum de sept années. Ce
financement s'étend aujourd'hui jusqu'en 2002, permettant aux équipes concernées
d'entreprendre des recherches fondamentales et risquées notamment en termes de
retombées industrielles. Le programme correspondant à chaque thème est réajusté
périodiquement sur proposition d'un comité scientifique, en tenant compte des résultats
obtenus, du contexte international extrêmement compétitif, des recherches concernées
et des potentialités de développement par l'industriel des résultats.
En ce qui concerne le contrat liant l'INSERM à une entreprise Y, il s'agit là
encore d'un programme de recherche de biologie fondamentale qui a permis à l'équipe
INSERM, grâce au soutien de cette entreprise, de conforter sa position dans le domaine
de recherche considéré. Le renouvellement de ce contrat a effectivement conduit à une
extension du programme de recherche , mais pour tenir compte des avancées de la
connaissance et notamment des résultats obtenus par l'équipe concernée dans le
domaine du contrat, le contrat a été renouvelé d'un commun accord en tenant compte
des objectifs scientifiques de l'équipe INSERM et a préservé les intérêts de l'INSERM en
matière de développement potentiel des résultats avec l'entreprise X.
2.2. En ce qui concerne le financement de ces collaborations par l'industrie,
avant 1994, l'INSERM n'avait pas la possibilité de recruter sur CDD et ne recevait pas
les fonds affectés à la rémunération de ces personnels.
3. L'INSERM et la création d'entreprises à partir de la recherche (pages 76 et
77)
Parmi les différentes voies de valorisation, l'INSERM a encouragé, dans
certains cas, l'aide à la création d'entreprises de haute technologie (dites "start-up")
prenant en charge les opérations de prédéveloppement et de développement des
résultats issus de ses laboratoires. C'est en particulier la seule voie possible en cas de
résultats trop amont pour intéresser une entreprise existante ou s'il n'y a aucune
entreprise sur le marché (c'est souvent le cas des biotechnologies).
Les exemples étrangers confirment que ces jeunes entreprises sont utiles à
l'économie d'un pays, créant des emplois et de la valeur ajoutée et contribuant à son
expansion internationale. Sur les douze nouvelles entreprises créées pour valoriser des
recherches soutenues par l'INSERM, deux cas de figure se sont présentés. Dans certains
cas, le chercheur à l'origine de l'idée a quitté le secteur public pour créer lui-même
l'entreprise (5 cas sur 12, essaimage). Dans d'autres cas (7), le chercheur est resté dans
son laboratoire et l'entreprise s'est créée à côté, sans essaimage. Globalement, le bilan
est positif en termes de richesses et d'emplois créés directement et par sous-traitance. Il
est aussi positif pour l'INSERM en termes de contrats nouveaux et de redevances
générés par ces entreprises.
Dans tous les cas, le résultat transféré étant toujours très en amont du produit, il
a été nécessaire d'associer étroitement l'équipe à l'origine du résultat au développement
du
projet,
et
les
relations
entre
l'Institut
et
l'entreprise
ont
toujours
été
systématiquement organisées par contrat.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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111
Mais si la loi de 1982 comprend des dispositions favorables à cette modalité de
valorisation, il n'en reste pas moins, comme la Cour l'a constaté, que les textes en
vigueur dans les années 80 ne définissent pas le cadre précis dans lequel ces créations
pouvaient s'effectuer.
Aux grandes incertitudes économiques liées à la prise de risque d'une création
(surtout dans le champ de la santé), aux cycles longs, s'ajoutent donc les incertitudes
juridiques pour les chercheurs qui s'y sont investis sous l'effet stimulant de la loi de
1982, de l'environnement mondial et des percées fantastiques de la biologie et de la
médecine.
Dans ce contexte incertain, il faut donc se féliciter qu'il y ait eu quand même des
entreprises issues de la recherche publique, créatrices d'emplois, de richesses pour le
pays et de ressources externes pour l'Institut (significatives quoique encore modérées).
Les deux dossiers identifiés par la Cour concernent des créations d'entreprise
sans essaimage. Ils posent la question de la participation (et de son niveau) des
chercheurs et hospitalo-universitaires au capital d'entreprises exploitant des projets
issus de leurs travaux. Les modifications des réglementations ne relèvent pas de
l'INSERM mais du pouvoir réglementaire et législatif. En l'état actuel du dispositif, il
n'appartient pas à l'INSERM de commenter cet aspect.
Dans l'un des cas (société A) la Cour a relevé que le scientifique impliqué
détenait 99,8 % du capital, ce qui le rend en fait propriétaire de l'entreprise. Cette
infraction caractérisée ne s'est pas faite au détriment de l'INSERM. En effet, le taux de
redevances obtenu de l'entreprise par l'INSERM est plus de deux fois le taux habituel
obtenu sur ce type de produit exploité et les redevances ont été régulièrement versées.
Par ailleurs, sans l'existence de cette entreprise A, l'INSERM n'aurait perçu aucune
redevance, puisqu'aucune autre société n'avait voulu exploiter le produit.
En ce qui concerne la société B, l'INSERM souhaite faire les remarques
suivantes :
1. Son origine est une découverte majeure dans un champ très concurrentiel,
datant de 1980, donc avant la loi de 1982, qui a reconnu et stimulé la valorisation et
créé dans les organismes des services chargés d'aider les chercheurs à valoriser. On
peut donc admettre que le dépôt d'un brevet par les chercheurs plutôt que par leurs
institutions relevait plus de leur sentiment de l'urgence que d'une intention de léser
leurs institutions de rattachement.
2. Une fois créé le service chargé de la valorisation à l'INSERM, fin 1982, les
chercheurs sont venus d'eux-mêmes signaler le fait à l'INSERM qui a, en plein accord
avec eux, régularisé la situation des brevets et leur a donné des orientations sur la
régularisation de leur situation personnelle.
3. Ensuite des contrats ont été négociés avec l'entreprise exploitant leurs
inventions. Si de façon logique, les chercheurs ont participé à la définition des
composantes scientifiques des projets de développement, c'est l'institution qui a négocié
les financements et les taux de redevances. Cette négociation a eu lieu avec le directeur
général de l'entreprise qui en est l'actionnaire principal et non avec le chercheur qui
possède 20 % des actions.
4. Les taux de redevances obtenus par contrats se situent dans la fourchette de
ceux habituellement négociés sur les marchés impliqués, et même, pour certains, dans
la fourchette haute de ces taux.
Cour des comptes - Rapport public particulier
Valorisation de la recherche dans les EPST
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112
5. Les moyens octroyés par l'entreprise aux équipes de recherche pour les
programmes de développement après négociation avec l'INSERM comprenaient des
financements et des mises à disposition de personnels payés par l'entreprise, sur des
contrats à durée déterminée, ce qui est fréquent jusqu'à ce que l'INSERM obtienne
l'autorisation de faire des CDD sur ressources externes (encore aujourd'hui une
quinzaine de chercheurs ou ingénieurs sont mis à disposition de nos laboratoires par
des industriels sur des collaborations de recherche ).
6. La société B n'est pas la seule à valoriser les résultats de cette équipe. Au
cours de ces cinq dernières années, 35 contrats ont été signés avec 18 partenaires
industriels, français et étrangers, dont 9 contrats avec l'entreprise B. Il faut aussi
signaler que sans elle, beaucoup de résultats de cette équipe seraient restés sans
développement, les prospections de l'INSERM ayant reçu des réponses négatives des
autres industriels contactés.
7. Cette entreprise est la troisième en importance parmi celles qui versent des
redevances à l'INSERM (5 % du total des redevances perçues). Lorsque l'entreprise B
s'engage dans un projet de R & D avec l'équipe, elle associe à ce projet d'autres
institutions publiques (hôpitaux, centres hospitaliers universitaires, universités
françaises et étrangères).
Réponse du président de l'Institut national de recherche en
informatique et en automatique
Au-delà des éléments techniques complémentaires fournis lors de la phase
précédente d'élaboration du rapport (voeu de l'institut de ne pas revenir à la technique
des ressources affectées), la seule observation est que l'INRIA ne souhaite pas qu'une
règle uniforme soit appliquée aux différents EPST sur le prélèvement, ou non, de frais
de fonctionnement général ou de frais de gestion sur les ressources contractuelles
(pages 30 à 32 et 132).
En effet, l'institut attribue aux différents projets de recherche une enveloppe
annuelle globale, incluant les ressources d'origine budgétaire et les prévisions de
ressources propres, calculée en fonction de l'ensemble des besoins prévisibles du projet.
Il a adopté en complément une méthode de facturation des contrats de recherche par les
"coûts complets" intégrant les frais de gestion.
NOTE DE LA COUR
Le ministre de l'industrie et le président de l'INRA n'ont pas souhaité présenter
de réponse aux observations de la Cour.