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COUR
DES
COMPTES
LA
SÉCURITÉ
SOCIALE
SEPTEMBRE
2000
LA SECURITE SOCIALE
INTRODUCTION
"Chaque année, la Cour des comptes établit un rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce
rapport présente, en outre, une analyse de l’ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son
contrôle et fait une synthèse des rapports et avis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance. Ce
rapport est remis au Parlement sitôt son arrêt par la Cour des comptes. Les réponses faites aux observations de la Cour
des comptes sont jointes au rapport " (article LO 132-3 du code des juridictions financières).
Le présent rapport répond à cette obligation législative : c’est le troisième à s’inscrire dans ce cadre, même si la Cour
avait diffusé, auparavant, suite à la loi du 25 juillet 1994, trois rapports sur la sécurité sociale qui avaient déjà des
objectifs voisins. Le rapport a pour ambition, comme ses prédécesseurs, d’ "apporter au Parlement des informations et
analyses propres à éclairer les débats sur la sécurité sociale et de formuler des recommandations destinées à
l’administration et aux organismes de sécurité sociale".
Il comprend quatre parties :
- la première partie examine, de façon approfondie, l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999 et les comptes de la sécurité sociale pour cette même année ; les ressources, les dépenses, les soldes et leur
financement en forment la matière ;
- la deuxième partie étudie un thème majeur, qui cette année, a trait, en raison de l'article 1 de la loi de financement et de
son rapport annexé sur les "orientations de la politique de santé et de sécurité sociale", à l'articulation entre la politique
de santé et l'assurance maladie ; les conditions d'expression des besoins de santé et de leur prise en compte, tant au
niveau national que régional, les conséquences de la création des agences de veille et sécurité sanitaire sur la politique de
santé, l'analyse de celle-ci au travers d'une pathologie particulière, le cancer, enfin le bilan de la politique
conventionnelle conduite par l'assurance maladie avec les professionnels de santé, en sont les sujets principaux.
- la troisième partie est, comme l'an dernier, consacrée à la gestion des organismes et à celle des régimes ; mais, cette
année, un premier chapitre est consacré à un sujet déjà important et qui le sera encore davantage dans l'avenir : le droit
européen de la sécurité sociale ; puis, sous la rubrique gestion des organismes, la Cour fait le bilan de nouvelles
modalités de gestion (les conventions d'objectifs et de gestion, la gestion des agents de direction) et étudie la relation des
branches famille et vieillesse du régime général avec les usagers et les systèmes d'information qui la permettent ;
illustrant la gestion des risques, un chapitre traite des avantages familiaux et conjugaux en matière de retraite ;
- enfin, la quatrième partie fait la synthèse de l’activité des comités départementaux d’examen des comptes des
organismes de sécurité sociale (CODEC), et des enseignements de leurs contrôles.
Au seuil du rapport, en préambule, figurent deux développements :
- d'abord, un bref rappel des principales caractéristiques de l'organisation de la sécurité sociale, particulièrement
complexe, où l'on explicite en particulier les différences de champ entre la sécurité sociale et la loi de financement,
puisque cette dernière ne couvre pas toute la sécurité sociale ;
- puis, un examen des suites qui ont été données à cinq recommandations que la Cour a émises ces dernières années. Les
cinq sujets - sur la gestion du risque par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la
distribution des médicaments, la nomenclature des actes professionnels, les dispositifs médicaux remboursés au tarif
interministériel des prestations sanitaires, la carte du système électronique de l'assurance maladie (carte SESAM Vitale)
- ont été choisis en raison de leur relation avec le thème majeur du rapport.
Comme la loi organique le demande, et comme les procédures de la Cour le commandent, les administrations et les
organismes de sécurité sociale, qui ont été associés à la préparation du rapport, ont reçu communication des observations
et propositions les concernant. Leurs réponses sont publiées en fin de rapport. Les autorités et organismes qui ne relèvent
pas du contrôle de la Cour, parmi lesquels des entreprises privées et des syndicats professionnels, ont également pu faire
valoir leur point de vue sur les remarques et commentaires les concernant.
RAPPEL DES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE L’ORGANISATION DE LA SECURITE SOCIALE
Le terme de sécurité sociale recouvre, dans son acception la plus large, un ensemble de prestations servies aux
personnes, et financées majoritairement par des cotisations. Ces prestations sont destinées à faire face aux aléas ou aux
charges de la vie : famille, maladie, accidents du travail, vieillesse.
En France, trois "étages" peuvent être distingués :
- les prestations/cotisations de "base", qui sont obligatoires ;
- des prestations/cotisations "complémentaires obligatoires" qui interviennent en particulier dans le domaine de la
vieillesse (ce sont par exemple les retraites complémentaires qui viennent en complément des retraites de base) ;
- des prestations/cotisations "complémentaires facultatives" ou "supplémentaires" ; chaque personne est libre de choisir
de bénéficier de ces prestations et donc de cotiser pour, ou non : ce sont en majeure partie les remboursements des
mutuelles ou des assurances qui, dans le cas de la maladie, complètent ceux de base de la sécurité sociale, ou encore les
contrats d'assurance que l'on peut souscrire, et qui pourront compléter la retraite.
La loi de financement de la sécurité sociale ne couvre que les prestations/cotisations de base, et cette brève présentation
ne portera donc que sur les deux premiers étages : l'étage de base et, pour le situer, l'étage "complémentaire obligatoire".
Les
prestations
de base et complémentaires obligatoires sont servies par des régimes. Les régimes diffèrent non
seulement en raison de la nature de la prestation servie, mais aussi en raison de la nature de l’activité professionnelle du
bénéficiaire. Le plus important des régimes de sécurité sociale, par le nombre de bénéficiaires, est de très loin le
régime
général
. Il a été mis en place par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. Il concerne aujourd'hui (plus précisément en
1998) environ 22 602 000 actifs cotisants.
Le système de sécurité sociale couvre aujourd'hui presque toute la population. Mais cette généralisation de la couverture
sociale s'est faite en juxtaposant des régimes multiples, distincts et non par la mise en place d'un régime unique pourtant
souhaité, en 1945, par les fondateurs du régime général.). Les différentes catégories de salariés (du privé, des fonctions
publiques, de telle ou telle entreprise publique, etc…) et les indépendants (artisans, commerçants, exploitants agricoles,
membres d'une profession libérale) ont, en effet, leur propre régime. La plupart des régimes sont constitués sous forme
de caisses nationales et locales autonomes au sein desquelles siègent des représentants des cotisants (salariés et
employeurs, ou indépendants).
La réforme opérée par la loi constitutionnelle du 22 février 1996 a eu pour objectif de donner au Parlement les moyens
d’exercer un contrôle. Désormais, chaque année le Parlement détermine les conditions générales de l’équilibre financier
de la sécurité sociale en votant des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes. Ni ces objectifs de dépenses ni ces
prévisions de recettes ne portent, cependant, sur la totalité de la sécurité sociale.
Le schéma ci-joint, accompagné du présent texte est destiné, tout en montrant la complexité, à éclairer les concepts, les
différences de champ et l’organisation de la sécurité sociale
[1]
.
Les prestations
Le code de la sécurité sociale distingue les assurances ou la
branche
(même si ce mot n’est pas parfaitement défini)
« maladie, maternité, invalidité, décès », l’assurance ou la
branche
« accidents du travail et maladies professionnelles»,
l’assurance ou la
branche
« vieillesse » et les prestations familiales ou la
branche
famille. Ce sont les quatre
risques
que couvrent la plupart des régimes : la maladie (coûts des soins et perte de revenu), les coûts liés à l’entretien des
enfants, la retraite (perte définitive du revenu), les accidents du travail et les maladies professionnelles. Plus
précisément :
- Les prestations familiales constituent un revenu de complément versé en compensation des charges supportées pour
élever des enfants.
- L’assurance « maladie, maternité, invalidité, décès » comporte des
prestations en « nature »
[2]
qui représentent le
remboursement de tout ou partie des dépenses de soins (consultation chez un médecin, achat de médicaments, frais
d'analyses, séjour à l'hôpital…), et parfois des
prestations en « espèces »
, qui compensent une partie de la perte de
salaire en cas d'arrêt d'activité (indemnités journalières versées pendant une maternité, une maladie, attribution d’une
pension en cas d’invalidité).
- L’assurance « accidents du travail et maladies professionnelles » comporte le remboursement des soins et souvent
l’attribution d’indemnités journalières et de rentes d’accident du travail.
- L’assurance vieillesse comporte l’attribution d’une retraite aux personnes (pension de droit direct) ou conjoints de
personnes décédées (pension de réversion), lorsque ces personnes ont exercé une activité professionnelle pendant une
durée déterminée.
L’organisation du versement des prestations
Les régimes de sécurité sociale peuvent être classés en quatre grands groupes :
- le régime général des travailleurs salariés non agricoles : travailleurs de l’industrie, du commerce et du secteur des
services ;
- les régimes spéciaux : fonctionnaires de l’Etat, fonctionnaires des collectivités locales et des hôpitaux, militaires de
carrière, salariés des mines, agents des industries électriques et gazières, agents de la SNCF, marins…
- les régimes des travailleurs non salariés, non agricoles : industriels et commerçants, artisans, membres des professions
libérales, avocats…
- le régime des exploitants agricoles, qui gère également les prestations des salariés agricoles.
A. Le régime général
: L’organisation administrative du
régime général
de la sécurité sociale repose, s’agissant des
prestations, sur trois réseaux, chacun constitué d’une caisse nationale – respectivement la
caisse nationale d’assurance
maladie des travailleurs salariés
(CNAMTS), la
caisse nationale d’allocations familiales
(CNAF), la
caisse
nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés
(CNAV) - et de caisses régionales ou locales. Le premier
réseau gère les deux branches maladie et accidents du travail, le second gère la famille, le troisième la retraite.
Sur le plan local, les
caisses régionales d’assurance maladie
(CRAM) sont chargées de la prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles, de l’application des règles de tarification et de la fixation des taux de cotisation
d’accidents du travail. Ce sont également elles qui, en dépit de leur nom, versent les prestations de vieillesse. Les
caisses
primaires d’assurance maladie
(CPAM
)
, elles, immatriculent les assurés, assurent les prestations des assurances
maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail, gèrent le risque avec le service médical et exercent une
action sanitaire et sociale. Les
caisses d’allocations familiales
(CAF) sont chargées de servir les prestations familiales
et certaines prestations sociales (y compris des prestations ne faisant pas partie des prestations de sécurité sociale : par
exemple le RMI). Toutes ces caisses sont pourvues d’un conseil d’administration.
B. Les régimes spéciaux
: Les organismes chargés d’assurer la gestion des régimes spéciaux sont tantôt, et pour une
partie des risques, les caisses du régime général, tantôt des caisses de caractère mutualiste, des établissements publics ou
des services dotés ou non de l’autonomie administrative et financière.
Pour illustrer la diversité et la complexité des régimes spéciaux, sont présentés ci-après deux exemples, le régime des
fonctionnaires de l’Etat et celui de la SNCF.
Le régime de sécurité sociale des fonctionnaires de l’Etat.
Pour les agents titulaires de l’Etat, c’est l’administration qui,
en sa qualité d’employeur, assure une grande partie des risques
[3]
. Ainsi, c’est l’Etat qui assure directement le service des
prestations en espèce (mais dans le cas des prestations familiales, elles apparaissent au compte financier de la branche
famille du régime général). Il en est de même pour les pensions de vieillesse qui sont payées directement par l’Etat (le
régime est d’ailleurs sans personnalité juridique et financière ; aussi la Cour a-t-elle demandé qu’il y ait au moins une
individualisation comptable des cotisations et des prestations). Quant aux remboursements des frais de maladie, ce sont
les mutuelles (mutuelle de la fonction publique, MGEN, MGPTT,…) qui l’assurent par délégation du régime général (ce
dernier les remboursant forfaitairement des frais de fonctionnement occasionnés par cette gestion).
Le régime de sécurité sociale à la SNCF. A la SNCF, il existe une caisse de prévoyance autonome pour les prestations en
nature des assurances maladie et maternité, un service des retraites et une organisation médicale comprenant des
médecins rémunérés par la SNCF pour dispenser les soins aux assurés. Les risques accidents du travail sont, eux,
directement pris en charge par la SNCF.
Sur le schéma joint, la prestation versée par l’employeur n’apparaît pas dans les comptes de la sécurité sociale, ni dans
les éléments couverts par la loi de financement lorsqu’elle est couverte par des hachures, elle y figure dans le cas
contraire.
C. Les régimes des travailleurs non salariés, non agricoles :
Le régime d’assurance maladie des artisans,
commerçants et membres des professions libérales comporte trois niveaux : la
caisse nationale d’assurance maladie et
de maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles
(CANAM), des caisses mutuelles régionales
(CMR) et des
organismes conventionnés
(OC). Les caisses mutuelles régionales procèdent à l’immatriculation des
assurés, déterminent le montant de leurs cotisations, assurent une action sanitaire et sociale et contrôlent les organismes
conventionnés. Les organismes conventionnés (sociétés d’assurance ou mutuelles) assurent l’encaissement des
cotisations, et le service des prestations.
Dans le régime d’assurance vieillesse des artisans et des commerçants il existe une caisse nationale - la
caisse nationale
de compensation de l’assurance vieillesse artisanale
(CANCAVA) pour les artisans, et la
caisse de compensation de
l’organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce
(ORGANIC) pour les commerçants - et des caisses
de base. Dans le régime des professions libérales, chaque profession a tenu à conserver une caisse autonome dite
« section professionnelle », dont la coordination est assurée par la
caisse nationale d’assurance vieillesse des
professions libérales
(CNAVPL). Pour les avocats, une caisse nationale des barreaux français assure les risques
vieillesse et accidents du travail.
D. Le régime des exploitants agricoles :
Les
caisses départementales ou pluri-départementales de mutualité
sociale agricole
gèrent les assurances sociales et l’assurance accidents du travail des salariés agricoles, l’assurance
vieillesse des exploitants agricoles, ainsi que les prestations familiales des exploitants et des salariés agricoles. La
caisse
centrale de la mutualité sociale agricole
(CCMSA) constitue l’échelon central de ce régime. Elle a pour missions, en
plus de sa fonction de gestion du risque, de coordonner, de conseiller et d’assister les caisses départementales ou pluri-
départementales.
Si la couverture des salariés agricoles est intégrée financièrement au régime général, l’ensemble des dépenses et des
recettes du régime des non-salariés agricoles, à l’exception de l’assurance contre les accidents du travail, est retracé dans
le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA). Ce budget annexe figure à la fois dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances de l’Etat.
Le financement
Les ressources de la sécurité sociale sont constituées des cotisations sociales, d’impôts et de contributions, et de
transferts en provenance de l’Etat. Le
recouvrement
de ces ressources est effectué soit directement par certaines caisses
évoquées à l’instant (par exemple les caisses locales de la CANAM pour les cotisations sociales d’assurance maladie des
non salariés, non agricoles) soit, surtout, par la cinquième branche du régime général, constituée des unions pour le
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et de l’agence centrale des
organismes de sécurité sociale (ACOSS). Les URSSAF sont chargées du recouvrement des cotisations, y compris
certaines cotisations venant des non salariés, et de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement et la CRDS. Les
autres ressources de la sécurité sociale sont soit des impôts et des contributions, soit des transferts en provenance de
l’Etat.
L’ACOSS gère la trésorerie du régime général en centralisant dans un compte unique ouvert à la caisse des dépôts et
consignations les cotisations et contributions sociales recouvrées, et met à la disposition des caisses locales les fonds
nécessaires pour payer les prestations. Par ailleurs, ont été mis en place des organismes spécifiques chargés de concourir
au financement de la sécurité sociale. Deux d’entre eux participent au financement des régimes de base. Il s’agit du
fonds solidarité vieillesse (FSV), qui prend en charge le remboursement des avantages non contributifs en matière
d’assurance vieillesse de base et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales (FOREC), dont les
versements compenseront le coût des allégements de cotisations sociales employeurs liés, notamment, à la réduction du
temps de travail. Cette organisation du financement ne figure pas dans le schéma ci-joint.
Couverture de « base » et couverture « complémentaire obligatoire »
du risque vieillesse
En matière de vieillesse, les retraités du régime général et parfois les anciens indépendants reçoivent deux pensions :
celle versée par le régime de base et celle
complémentaire
(qui résulte de cotisations
obligatoires
durant leur vie
professionnelle passée) versée pour les salariés par l’Association des régimes de retraites complémentaires (ARCCO),
pour les cadres par l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et pour les indépendants par
leurs régimes (CANCAVA notamment). ARCCO et AGIRC ne font pas partie de la sécurité sociale, tout en étant
juridiquement obligatoires. Dans les autres régimes de salariés (fonctionnaires, entreprises publiques…) l’ensemble de la
pension relève du seul régime de base.
En dépit de leur caractère obligatoire, les retraites complémentaires de l’ARCCO et de l’AGIRC, comme les retraites
complémentaires obligatoires des non salariés ne font pas partie du champ de la loi de financement de la sécurité
sociale
[4]
: elles ne font donc partie ni des recettes prévues, ni des objectifs de dépenses votés par le Parlement (cela
représente à peu près 267 MdF, à rapprocher des 1 800 MdF environ que vote le Parlement). Cette différence crée une
profonde hétérogénéité entre le régime général et les régimes d'indépendants d'une part, et les autres régimes de salariés
d'autre part.
Champ de la sécurité sociale et champ de la loi de financement
Le schéma ci-joint montre que la loi de financement votée par le Parlement ne couvre pas toute la sécurité sociale, et
cela de façon assez disparate. Du côté des recettes, seules les prévisions de recettes concernant les risques de base sont
retracées : elles ne recouvrent pas, outre le financement des retraites complémentaires obligatoires évoqué à l’instant, les
indemnités journalières des employeurs publics. Du côté des dépenses, seuls les objectifs de dépenses des régimes d’au
moins
20 000 cotisants ou ayants droit sont énoncés
[5]
.
Les petits régimes (moins de 20 000 personnes) dont les dépenses ne sont pas prévues sont aussi divers que celui de la
Comédie française, des assemblées parlementaires, de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, de la SEITA, des
nombreux régimes de retraite propres aux collectivités locales d’Alsace-Moselle, etc. Leurs dépenses représentent de
l’ordre de 3 MdF (2,4 MdF de retraites et 0,5 MdF de maladie).
COUVERTURE OBLIGATOIRE DE BASE
Couvert
ure
complé
m.
obligat
oire
Famil
le
Maladie/Maternité
Invalidité
Accidents du travail
Vieilless
e
Vieilles
se
Ac
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isa
nts
en
19
98
Indemnit
és
journalièr
es
Prestati
ons
Décès
Prestati
ons
Indemnit
és
journaliè
res
(en
mi
llie
rs)
Salariés du privé
Salariés du
privés
Régime général
ARRCO/
AGIRC
22
602
CNA
F
CNAMTS
CNAV
Fonctionnaires civils et militaires
Fonctionna
ires de
l’Etat
Régime général
2
372
CNMSS
Régim
e
général
325
Militaires
Employe
ur
Ouvriers
de l’Etat
CNA
F
Employ
eur
Employe
ur
FSPOEI
E
73
Fonctionna
ires des
collectivité
s locales et
des
hôpitaux
CNA
F
Employe
ur
Régime général
Employeur/ATIA
CL
CNRAC
L
157
3
Salariés relevant d’autres régimes spéciaux
Mines
CNA
F
CA NSSM
UNIRS/
AGIRC
24
EGF
Régime général
EGF
148
SNCF
C. Prév. SNCF
Employ
eur
C.
retraite
SNCF
175
RATP
CNA
F
Employe
ur
Régime RATP
Régime
RATP
Employe
ur
Régime
RATP
40
Marins
ENIM
34
Clercs et
employés
de notaires
CNA
F
CRPCEN
Régime général
CRPCE
N
37
Banque de
France
Employe
ur
CPM-BDF
CCE-BDF
CRE-
BDF
16
Régimes de salariés comprenant moins de 20 000 cotisants ou ayants droit
CNA
F
Régimes spécifiques
Non salariés – Non agricoles
Industriels
et
commerça
nts
CANAM
ORGAN
IC
ORGA-
NIC
[1]
607
[2]
Artisans
CANAM
[3]
CANCAV
A
CANA
M
CANCA
VA
CANCA
VA
481
2
Professions
libérales
CANAM
CNAVP
L
CNAVP
L
[4]
405
2
Avocats
CNA
F
CANA
M
CNBF
CNBF
CNBF
32
Agricoles : salariés et exploitants agricoles
Exploitants
agricoles
MSA/ BAPSA
MSA/
BAPSA
720
Salariés
agricoles
CNA
F
MSA
656
Prestations versées par le régime général
Prestations versées par d’autres régimes
Prestations familiales versées par le régime général au régime spécifique, qui les verse à l’assuré
Prestations versées, par délégation du régime général, par les mutuelles de la fonction publique
Prestations versées par l’employeur
Retraites complémentaires obligatoires
Non compris dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale
L’absence de couleur signifie l’absence de prestation ou de couverture du risque
[1]
Facultative à l’exception du bâtiment et des travaux publics
[2]
Ces actifs cotisants sont tous ceux qui cotisent à leur régime de retraite. Pour la maladie, ils cotisent tous à la
CANAM (y compris les retraités), et cela représente
1 675 000 cotisants
[3]
Les artisans bénéficient d’indemnités journalières depuis le 1
er
juillet 1995 (décret n°95-556 du 6 mai 1995)
[4]
Retraite complémentaire obligatoire sauf pour les sages-femmes
[1]
Depuis le premier de ses rapports sur la sécurité sociale (septembre 1996) et chaque année, la Cour s’efforce de
contribuer à préciser ces différents points. Dans le présent rapport, des éclaircissements sont en particulier apportés dans
le chapitre IV, infra, p. 143.
[2]
Cette expression prestations en « nature », pour usuelle qu’elle soit et figurant dans le code de la sécurité sociale, est
inappropriée. Il conviendrait de parler de « remboursement par l’assurance maladie de prestations en nature »
[3]
Les agents titulaires des collectivités locales et des hôpitaux publics relèvent pour leur retraite de la caisse nationale
de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Les non titulaires des fonctions publiques relèvent du régime
général et, pour leur retraite complémentaire obligatoire, de l'institution de retraite complémentaire des agents non
titulaires de l'Etat et des collectivités locales (IRCANTEC).
[4]
En revanche, elles font partie des comptes de la sécurité sociale présentés lors de la commission des comptes de la
sécurité sociale (cf. à ce sujet le chapitre IV, infra, p. 143).
[5]
Dans le cas particulier de l’assurance maladie, la loi contient, en plus de l’objectif de dépenses d’assurance maladie
des régimes de plus de 20 000 cotisants ou ayants droit, un objectif d’ensemble,
l’ « ONDAM » c’est-à-dire l’objectif
national de dépenses d’assurance maladie.
LA SECURITE SOCIALE
Première partie
Le financement et les comptes de la sécurité sociale en 1999
L’article LO 132-3 du code des juridictions financières, issu de la loi organique du 22 juillet 1996, donne
mission à la Cour des comptes d’établir chaque année "un rapport sur l’application des lois de financement de
la sécurité sociale".
La loi de financement pour 1999, votée par le Parlement, porte sur trois aspects : les ressources prévues pour
1999, les objectifs de dépenses retenus, enfin la gestion financière et les résultats (dette, plafonds d’avances de
trésorerie). Cependant, la Constitution spécifie que "les lois de financement de la sécurité sociale déterminent
les conditions générales de son équilibre (…)" et non son équilibre lui-même ; d’ailleurs les prévisions de
recettes d’une part, les objectifs de dépenses de l’autre ne sont pas relatifs au même "champ". C'est pourquoi il
est plus expédient d'examiner l’application de la loi en trois étapes successives : les articles traitant des
ressources, ceux traitant des dépenses, enfin ceux traitant de la dette et de la trésorerie. Pour chaque article
étudié, la Cour a analysé les conditions de mise en oeuvre des dispositions figurant dans l'article (délais, textes
d’application, difficultés éventuelles), et leur incidence financière.
Comme la loi organique a également demandé
que le rapport de la Cour "présente, en outre, une analyse de
l’ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle (…)", la Cour a choisi à
nouveau, comme l'an dernier, de présenter de manière intégrée l'application de la loi et les comptes de la
sécurité sociale. Chacun des trois premiers chapitres de cette partie mêle alors examen des comptes et
application des articles de la loi, d’abord sur les ressources (chapitre I), puis sur les dépenses (chapitre II),
enfin sur les soldes et leur financement (chapitre III).
Après l'examen des recettes et celui des articles de loi s'y rapportant, le chapitre sur les ressources contient une
étude, classique, des relations financières toujours complexes entre l'Etat et la sécurité sociale, puis des
analyses sur la qualité du recouvrement des cotisations sociales, analyses issues des contrôles des comités
régionaux et départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (COREC/CODEC) : le
recouvrement des cotisations des non salariés non agricoles d'une part, celui des cotisations recouvrées par la
mutualité sociale agricole de l'autre.
Le chapitre sur les dépenses présente d'abord les évolutions de ces dernières par risque. Suivent deux examens
particuliers : celui des indemnités journalières maladie, et celui, fondamental, de la dotation aux
établissements (hôpitaux publics, cliniques privées, établissements médico-sociaux) et de sa répartition par
région. L'analyse déborde ici sur 2000 en raison de l'importance de certaines décisions prises cette année.
Le troisième chapitre met l'accent sur les soldes -1999 est la première année depuis dix ans où les comptes du
régime général sont équilibrés-, puis étudie les transferts entre régimes, incluant une description synthétique
des comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV), et notamment de sa seconde section -c'est-à-dire du fonds
de réserve- créée par la loi de financement pour 1999.
A l'issue de ces trois chapitres, il convient de s'interroger sur la qualité des informations qui fondent les
descriptions et les analyses qu'ils contiennent. C'est l'objet du chapitre IV. Tout le processus qui va des
comptes des organismes de sécurité sociale aux agrégats finaux votés, dans la loi, par le Parlement, est d'abord
étudié : comment la réforme de la comptabilité en droits constatés est appliquée depuis sa naissance (1996) ;
comment, à partir de ces comptes des organismes, la direction de la sécurité sociale élabore les informations
comptables nécessaires à la commission des comptes de la sécurité sociale, au Parlement (pour le projet de loi
de financement), à la Cour des comptes (pour l'examen de l'application de la loi), au citoyen ; enfin, et en
complétant l'analyse que la Cour avait conduite l'an dernier à ce propos, comment un des agrégats les plus
importants -l'ONDAM- est élaboré et suivi. Le chapitre s'achève par un diagnostic d'ensemble sur les études
dans le domaine de la sécurité sociale : études pour accroître la connaissance et pour aider à la prise de
décision. Le dispositif institutionnel, l'état des connaissances et des ignorances, les principales priorités à
développer sont analysés et énoncés.
Tant sur le plan des outils comptables que sur celui des études, les progrès des dernières années ont été
notables, mais il est de la plus haute importance de les poursuivre. C’est à ce prix (disposer de comptes,
d’estimations, d’informations et d'études plus fiables et plus rapidement qu’aujourd’hui) que le Parlement sera
mieux informé et que l’examen des lois et comptes des prochaines années sera plus pertinent.
CHAPITRE I
Les ressources de la sécurité sociale en 1999
La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 1998 avait décidé le remplacement quasi intégral de
la part salariale des cotisations d'assurance maladie par la CSG. En matière de ressources, la loi de
financement pour 1999 ne contient pas de disposition ayant une aussi grande incidence. Après une
présentation rapide des recettes de l’ensemble de la sécurité sociale - elles ont augmenté de 4,1 % par rapport
à 1998 -, ce chapitre évoque les différents aspects de la loi ayant un impact sur ces recettes.
Le second grand sujet du chapitre concerne les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale, du moins
en considérant l’Etat sous l’angle de sa fonction "puissance publique" et non comme employeur.
Sont ensuite abordés dans les deux sections finales les problèmes relatifs au recouvrement des cotisations
sociales, d'une part des régimes de non salariés non agricoles -la contestation se réduit-, d'autre part de la
mutualité sociale agricole.
Section I :
Evolutions d’ensemble
Les recettes de la sécurité sociale ont bénéficié de la conjoncture économique favorable de 1999. En effet,
après quelques incertitudes en début d’année, l’année a été, comme 1998, marquée par la croissance. Le PIB a
augmenté en volume de 2,9 % après 3,1 % en 1998. Cette croissance soutenue s’est accompagnée d’une forte
progression de l’emploi salarié (+360 000 dans le secteur marchand, près de 460 000 au total). En
conséquence, la masse des salaires et traitements bruts a progressé de
3,9 % pour l’ensemble de l’économie et de 4,1 % dans les entreprises.
I - Les recettes des régimes de base
Les prévisions de recettes des régimes de base font l’objet de l’article 17 de la loi de financement (LFSS). Les
recettes constatées en 1999 s’élèvent à 1807,9 MdF. Elles dépassent de 8,6 MdF les prévisions de la loi de
financement.
Si l’on examine les différents types de ressources, les écarts entre prévisions de la loi de financement et
réalisations effectives apparaissent extrêmement limités sauf pour les contributions publiques et les impôts et
taxes affectés. Pour les contributions publiques, l’écart entre prévisions et réalisations s’explique
essentiellement, comme c’était déjà le cas les années antérieures, par la non-inscription en loi de financement
de la majoration d’allocation de rentrée scolaire prise en charge par l’Etat pour un montant de 6,4 MdF (sur ce
sujet, cf.
infra
). Quant aux impôts et taxes affectés, le surcroît de recettes est dû à un rendement supérieur à la
prévision de la CSG sur les revenus du capital. Pour ce qui est des cotisations effectives, si leur montant est
tout à fait conforme aux prévisions de la loi de financement initiale, par contre, ce montant est inférieur aux
prévisions réalisées en septembre 1999 (à l’occasion de la présentation du PLFSS pour l’année 2000) : près de
4 MdF de rentrées supplémentaires avaient alors été prévus (par rapport à la LFSS pour 1999) alors que les
cotisations effectives ont en fait été légèrement inférieures à la prévision initiale. Deux facteurs ont pu limiter
l’impact sur la croissance des cotisations de la progression de la masse salariale du secteur privé :
l’ achèvement en 1999 de la montée en charge de la substitution de la CSG aux cotisations salariales maladie
et divers aléas (en particulier la gestion du passage à l’an 2000) qui ont affecté à la baisse les cotisations
perçues par l’ACOSS en fin d’année 1999 (voir
infra
).
Les ressources des régimes obligatoires de base. Prévisions et réalisations
(en MdF)
Catégories de
recettes
Réalisations
LFSS
pour 1998
(sept. 1999)
(1)
Prévisions
LFSS
pour 1999
(2)
Prévisions
d’exécution
(Sept.1999)
Réalisations
connues en
Juillet
2000
(3)
Réalisations
1999/
réalisations
1998
(3)/(1) (%)
Ecart entre
réalisations
et loi de
financement
initiale
(3)-(2)
Cotisations
effectives
Cotisations
fictives
Contributions
publiques
Impôts et
taxes affectés
Transferts
reçus
Revenus des
capitaux
Autres
ressources
1 042,8
187,1
66,6
401,2
4,8
1,4
32,5
1 062,9
194,8
63,8
438,7
5,2
1,4
32,6
1 066,8
195,0
69,4
439,7
4,9
1,6
33,4
1061,8
195,9
68,5
442,7
4,3
1,5
33,3
+1,8
+4,7
+2,1
+10,3
-10,4
+7,1
+2,5
-1,1
1,1
4,7
4,0
-0,9
0,1
0,7
Total des
recettes
1736,4
1 799,5
1 810,9
1 807,9
+4,1
8,6
D’un point de vue économique, il apparaît intéressant de comparer les ressources effectives des régimes
obligatoires de base en 1999 à celles perçues durant l’année précédente. La croissance des recettes totales s’est
établie à 4,1 % ce qui est supérieur à l’évolution du PIB en valeur (+3,3 %) mais est en ligne avec l’évolution
des revenus sur lesquels sont assis les prélèvement opérés au profit de la sécurité sociale (+3,9 % pour les
salaires et traitements bruts dans l’ensemble de l’économie et +5,6% pour les intérêts et dividendes nets reçus
par les ménages). Il faut par ailleurs noter que les recettes des régimes de sécurité sociale ont progressé moins
fortement que les recettes de l’Etat (+7,8 % pour les recettes fiscales nettes et +6,8 % pour les recettes non-
fiscales nettes).
Comme cela a été signalé précédemment, les cotisations effectives ont connu une évolution ralentie par
rapport à la masse salariale. Par contre, les recettes au titre des impôts et taxes affectées ont crû de plus de 10
% : ces recettes ont donc représenté en 1999 24,5 % des recettes des régimes de sécurité de base contre 23,1 %
en 1998 (graphique ci-après). Cette part est croissante depuis le début de la décennie.
II - Les encaissements de l’ACOSS et des URSSAF en 1999
Les recettes du champ de la loi de financement, retracées dans le tableau précédent, sont celles des régimes de
base. Elles sont encaissées principalement par l’ACOSS et les URSSAF, mais aussi par les régimes eux-
mêmes (non salariés, régimes spéciaux) et par l’Etat. La part prépondérante du réseau du recouvrement
(ACOSS et URSSAF) tient au poids du régime général mais aussi au fait que le réseau recouvre pour compte
de tiers, notamment au profit du FSV. Parmi ces tiers figurent toutefois des organismes qui ne sont pas des
régimes de base (comme la CADES, ou les entreprises bénéficiaires du versement transport), si bien que les
encaissements du réseau ne sont pas rigoureusement inclus dans les recettes précédentes : d’une part ils ne
comprennent pas toutes les recettes des régimes de base, d’autre part ils comprennent des encaissements qui
ne relèvent pas de ces recettes.
Encaissements ACOSS – URSSAF
1 521 MdF
1 365 MdF au profit
du régime général
156 MdF au profit
d’organismes tiers :
– FSV
– CADES
– Versement
transport
Globalement, les encaissements du réseau du recouvrement se sont élevés à 1521,1 MdF en 1999 (montant
constaté en trésorerie). Par rapport à l’année précédente, ils augmentent de 5,9 %.
Les encaissements des URSSAF progressent de 4,3 % en 1999, soit à un rythme voisin de celui de la masse
salariale des entreprises (estimée à 4,1 %).
Les encaissements directs de l’ACOSS (c’est-à-dire ceux qui ne transitent pas par les URSSAF) augmentent,
quant à eux, de 10,8 % en 1999. Cette vive progression reflète le dynamisme de certains impôts et taxes
(notamment les impôts recouvrés par les services fiscaux pour la sécurité sociale sur les revenus du capital :
CSG et prélèvement de 2 %), une augmentation exceptionnelle des transferts du FSV, mais davantage encore
la forte croissance des contributions de l'Etat au régime général, du fait de la prise en charge par le budget de
l'allocation de parent isolé (API) et de la forte augmentation du RMI (sur ces prises en charge, cf.
infra
).
Encaissements du réseau du recouvrement
(en MdF et %)
Montants en 1998
Montants en 1999
Variation
(%)
URSSAF et CGSS
ACOSS (recouvr. direct)
dont
:
Remboursement de prestations par l'Etat
Transferts du FSV
Impôts et taxes
1 081,5
354,7
59,8
60,2
75,8
1 128,1
393,0
78,0
65,8
84,8
4,3
10,8
30,4
9,4
11,9
TOTAL
1 436,2
1 521,1
5,9
Source : ACOSS
Enfin, le montant des recettes bénéficie aussi d’une amélioration du taux de recouvrement du réseau en 1999.
Celui-ci atteint 98,90 % contre 98,76 % en 1998. C’est le meilleur niveau des vingt-cinq dernières années. La
baisse du taux des restes à recouvrer peut être mise en relation avec la conjoncture économique favorable et la
diminution du nombre de défaillances d’entreprises. Il convient de noter l’amélioration du taux des restes à
recouvrer de l’URSSAF de Paris qui demeure cependant sensiblement plus élevé que la moyenne nationale
(1,58 % contre 1,1 %)
[22]
.
Lecture : Les cotisations fictives constituent notamment la contrepartie des prestations versées par certains
employeurs, en particulier l’Etat et les entreprises publiques, à leurs agents. Les impôts et taxes affectés
comprennent en particulier la CSG.
Les contributions publiques recouvrent en particulier des remboursements
de certaines prestations (exemple : l’AAH et l’API). Enfin, les cotisations effectives sont celles des
employeurs et des salariés.
III - Les ressources des régimes
Après consolidation, les recettes du régime général se sont élevées à
1 293,6 MdF en 1999, en progression de 4,6 % par rapport à l'année précédente.
Les ressources du régime général
(en MdF et en %)
Montants
Variations (%)
1998
1999 (p)
1998
1999 (p)
Recettes métropole
Cotisations
dont
:
. Cotisations des assurés et
employeurs
. Cotisations prises en
charge
1 218,9
858,0
791,1
66,9
1 275,6
873,4
806,5
66,9
4,4
-10,2
-
8,6
3,8
1,8
1,9
0,1
Impôts et taxes affectés
dont
: CSG
253,2
226,7
284,0
254,5
146,6
169,7
12,1
12,3
Contributions de l'Etat
30,8
36,6
-7,4
18,7
Concours du FSV
58,2
63,6
2,3
9,3
Autres transferts reçus
9,8
8,5
-12,8
Autres ressources
8,8
9,4
7,3
Recettes dans les DOM
17,3
18,0
2,4
4,4
TOTAL des ressources
consolidées
1 236,2
1 293,6
4,4
4,6
Trois postes de recettes enregistrent des augmentations importantes en 1999 :
- les impôts et taxes affectés (+12,1 %) du fait de la fin de la montée en charge de la substitution de la CSG
aux cotisations salariales maladie au début de 1999 ;
- les contributions de l'Etat (+18,7 %), du fait de la prise en charge par l'Etat de l'allocation de parent isolé
(API), pour un montant de 4,5 MdF, en contrepartie du retour à l'universalité des allocations familiales ;
- les concours du FSV, qui incluent en 1999 une régularisation au titre de la validation de périodes de
chômage dans les DOM pour la période 1994-1996, ainsi qu'une amélioration de la prise en charge du
chômage non indemnisé.
En revanche, les cotisations connaissent une évolution très modérée (voir
infra
). La part des cotisations
effectives dans les ressources du régime général est de 62,3 % en 1999 ; elle a sensiblement diminué au cours
des dernières années, puisqu’en 1992 cette part était de 86,3 %. La substitution s'est faite au profit de la CSG
dont la part atteint 19,7 % en 1999 (contre 4 % en 1992).
A- Les cotisations du régime général
Les cotisations reçues par le régime général (y compris cotisations prises en charge par l'Etat ou des régimes
sociaux) se sont élevées à
873,4 MdF en 1999, contre 858,0 MdF en 1998, soit une augmentation de
1,8 %. Les cotisations sur salaires du secteur privé, qui en sont la composante principale, ont quant à elles
augmenté de 2,1 % en 1999. Cette progression est nettement inférieure à celle de la masse salariale des
entreprises. Plusieurs phénomènes contribuent à cet écart de l'ordre de deux points :
- La faiblesse de la croissance des cotisations traduit d'abord la fin de la montée en charge de la substitution de
CSG aux cotisations salariales maladie ; du fait du décalage d'un mois du paiement des cotisations par rapport
au versement des salaires, le mois de janvier 1998 enregistrait encore des rentrées de cotisations à un taux plus
élevé que l'actuel (celui de la première substitution) ; cet effet de base représente environ 11 MdF, ce qui
réduit de 1,5 points le taux d'augmentation des cotisations de 1998 à 1999.
- Des encaissements qui auraient dû normalement intervenir en 1999 ont été reportés sur l'an 2000, en raison
de la fermeture de la journée comptable du 31 décembre 1999 (préparation du passage à l'an 2000) ; le
montant de ces reports est difficile à évaluer avec précision ; une estimation de l'ACOSS, sans doute
minimale, chiffre leur ordre de grandeur à 0,3 % du montant annuel des cotisations.
- D'autres éléments ont eu un impact sur le taux de croissance des cotisations en 1999 : une légère
augmentation de la dette de l'Etat vis-à-vis du régime général au titre des remboursements d'exonérations
(incidence négative), et en sens inverse l'amélioration du taux de recouvrement des cotisations.
En 1999, les remboursements d'exonérations de cotisations sociales au titre de la politique de l'emploi se sont
établis à 59,1 MdF contre 59,9 en 1998. Cette légère baisse porte sur les allégements portant sur les bas
salaires (la ristourne dégressive). Ces remboursements connaîtront une forte augmentation en 2000 avec la
montée en régime des aides liées à la réduction du temps de travail.
Les cotisations du régime général
(en MdF et en %)
Montants
Variations (%)
1997
1998
1999
1998
1999
Cotisations sur salaires du
secteur privé
730,2
682,3
696,5
-6,6
2,1
Cotisations sur autres revenus
d'activité
129,5
102,3
103,6
-21,0
1,2
Cotisations sur revenus de
remplacement
19,3
3,1
2,5
-83,8
-19,1
Autres cotisations
3,3
3,5
3,9
6,1
11,7
TOTAL hors cotisations prises
en charge
882,4
791,1
806,5
-10,3
1,9
Cotisations prises en charge
par l'Etat ou les régimes
sociaux
dont
cotisations prises en charge par
l'Etat au titre des mesures
emploi
73,1
65,0
66,9
59,9
66,9
59,1
-8,5
0,1
B- Les impôts et taxes affectés à la sécurité sociale
Les impôts et taxes affectés aux régimes de base de la sécurité sociale et au FSV ont très vivement progressé
depuis 1996 passant de 170 MdF en 1996 à 221 MdF en 1997, 401 MdF en 1998 et 443 MdF en 1999. Cette
évolution s’explique essentiellement par la montée des impôts affectés à la sécurité sociale, le produit des
diverses taxes progressant à un rythme plus modéré : ainsi, en 1999, les impôts affectés (364 MdF) ont
augmenté de 12,1% par rapport à l’année précédente contre 2,1% pour les taxes affectées (78 MdF). Ces
divergences renvoient soit au dynamisme des différentes assiettes, soit à des modifications dans le champ ou
les taux (tabacs, alcools) des différentes taxes ou dans leurs règles d’affectation (pour la cotisation de
solidarité sociale des sociétés : C3S).
Les impôts et taxes affectés au régime général sont, pour leur part, passés de 59 MdF en 1996 à 284 MdF en
1999. Ce quasi quintuplement est dû presque intégralement à la CSG dont le montant, pour la partie affectée
au régime général, est passé de 44 à 254 MdF sur la même période. Cette évolution s'explique bien entendu
par la substitution de CSG aux cotisations salariales maladie en deux étapes en 1997 et 1998.
Impôts et taxes affectés aux régimes de base de la sécurité sociale et au FSV (métropole)
(en MdF)
1997
1998
1999
1999/1998 (%)
Ensemble
dont
: régime général
221,0
102,7
401,2
253,2
442,7
284,0
+10,3
+12,2
Impôts affectés
152,0
325,0
364,3
+12,1
-CSG
148,0
316,0
353,5
+11,9
-2% sur les revenus des capitaux
4,0
9,0
10,7
+18,9
Taxes affectées
69,0
76,8
78,4
+2,1
- taxe sur les alcools
18,7
19,1
18,8
-1,6
- taxe sur les tabacs
2,3
3,9
4,2
+7,7
- taxe auto
5,8
5,7
5,7
-
- C3S-
13,4
16,1
15,6
-3,1
- autres taxes
28,9
32,0
34,1
+6,6
Source : direction de la sécurité sociale.
1. La CSG
En 1999, les recettes de CSG tous régimes s'élèvent, pour la France entière, à 356,5 MdF dont 239,1 MdF
pour les régimes d'assurance maladie, 53,8 MdF pour la CNAF et 63,6 MdF pour le FSV.
Rendement de la CSG
(en MdF)
1997
1998
1999
CSG maladie*
dont
: affectée à la CNAMTS
40,8
(34,8)
207,3
(179,0)
239,1
(203,7)
CSG affectée à la CNAF (1,1 points)
50,2
50,3
53,8
CSG affectée au FSV (1,3 points)
58,0
60,8
63,6
TOTAL CSG (DOM et métropole)
149,0
318,5
356,5
* Depuis 1998 : 5,1 points sur les revenus du travail et du capital, 3,8 points sur les revenus de remplacement
Un point de CSG famille représente 48,9 MdF, dont 34,3 sur les revenus d'activité, 8,2 sur les revenus de
remplacement et 5,4 MdF sur les revenus du capital. Du fait d’une assiette légèrement différente sur les
revenus de remplacement, un point de CSG maladie représente 49,1 MdF
La répartition de la CSG maladie au titre de 1999 donnera lieu à une régularisation en 2000 au bénéfice
principal de la CNAMTS et au détriment de la CANAM, pour un montant estimé à 3,4 MdF
[23]
. Cette
régularisation sera comptabilisée dans les comptes de l'an 2000 en encaissement/ décaissement. Elle figure
déjà dans ceux de 1999 en droits constatés.
Les modalités de répartition de la CSG maladie, qui ont été critiquées par la Cour dans ses précédents rapports
sur la sécurité sociale, ont été réformées par la loi de financement pour 2000. Elles sont à présent beaucoup
plus simples
[24]
.
2. Les autres impôts et taxes affectés
Impôts et taxes (autres que la CSG) affectés au régime général, C3S affectée aux régimes de non salariés et
TVA affectée au BAPSA
1997
1998
1999
Régime général
CNAMTS
. Taxe auto
. Taxe sur le tabac
. Taxe sur les alcools
. Taxe sur la publicité pharmaceutique et
grossistes
. Contribution de l'industrie pharmaceutique
CNAV
2 % sur les revenus des capitaux
CNAF
2 % sur les revenus des capitaux
18,6
15,6
4,7
2,3
5,9
1,7
3,1
0,9
26,5
17,5
4,6
3,9
6,5
2,3
0,2
4,6
4,4
29,4
18,7
4,7
4,2
6,4
2,2
1,2
5,2
5,5
C3S
affectée aux régimes de non-salariés
13,4
16,1
15,6
CANAM
CANCAVA
ORGANIC
BAPSA
3,6
3,9
5,9
0
5,2
4,7
6,2
0
1,8
4,1
6,7
1
TVA
affectée au BAPSA
22,9
24,4
25,8
Source : direction de la sécurité sociale
Hors CSG, la plupart des impôts et taxes affectés au régime général connaissent peu de variations de 1998 à
1999, à l'exception :
- du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, affecté pour moitié à la CNAV et à la CNAF, dont la
montée en charge se poursuit en 1999 ; son rendement total est de 10,7 MdF en 1999 contre 9 MdF en 1998 et
4 MdF en 1997 ;
- de la contribution de l'industrie pharmaceutique, qui s'élève à 1,2 MdF en 1999.
Toutes les recettes encaissées au titre de la C3S (17,1 MdF en 1999) ne sont pas affectées : 13,6 MdF l’ont été
aux régimes de non-salariés, 2 MdF l’ont été au fonds de réserve (2
ème
section du FSV) suite à une
modification des modalités d’affectation de la C3S en 1999 (cf.
infra
), laissant 1,3 MdF en report à nouveau
qui s’ajoutent aux excédents des années précédentes.
La TVA affectée au BAPSA a progressé de 5,7 % contre 6,6 % en 1998.
Cette section n' a pas appelé de réponse
[22]
Le taux de recouvrement est le rapport entre recettes encaissées et recettes constatées comptablement. Il
ne dit rien sur le fait de savoir si ces dernières correspondent aux cotisations dues aux termes de la
réglementation.
[23]
Cette régularisation s'explique ainsi : selon les règles appliquées jusqu'en 1999, la répartition de la CSG
maladie se faisait en deux temps, la seconde étape faisant intervenir les déficits comptables des régimes. Les
prévisions initiales du solde de la CNAMTS pour 1999, établies à l'automne 1998, supposaient le retour à
l'équilibre, ce qui avait exclu la CNAMTS du second niveau de la répartition provisoire de la CSG maladie
pour 1999, au bénéfice principal de la CANAM. La CNAMTS ayant finalement conservé un déficit important
en 1999, une régularisation interviendra à son profit en 2000, dans la répartition définitive dès que les résultats
de tous les régimes seront connus pour l'année 1999.
[24]
Les montants annuels de CSG attribués aux régimes d'assurance maladie autres que la CNAMTS sont
désormais établis de manière définitive au début de chaque année. La base de ces montants a été calculée à
partir des pertes de cotisations au titre de l'année 1998. Elle sera réévaluée chaque année en fonction de
l'évolution de l'assiette de la CSG maladie sur les revenus d'activité et de remplacement. La CNAMTS reçoit
quant à elle le solde de la CSG encaissée ainsi que la totalité des
40 % de droits sur les alcools antérieurement affectés à l'ensemble des régimes d'assurance maladie.
Section II :
Les dispositions de la loi de financement ayant une incidence sur les
ressources de la sécurité sociale
L’année 1998 avait été marquée par la seconde étape, la plus importante, de substitution de la CSG aux
cotisations d’assurance maladie, La loi de financement pour 1999 ne contient pas de réforme de cette ampleur.
Néanmoins, plusieurs dispositions de la loi de financement ont une incidence sur les ressources de la sécurité
sociale. Les principales sont reprises ci-dessous.
L’article 2
comporte en premier lieu des dispositions modifiant les règles d’affectation de la contribution
sociale de solidarité des sociétés (C3S). Il s’agit :
- Du report sur l’exercice 1999 du solde de C3S constaté fin 1998 après versements à la CANAM, à
l’ORGANIC et à la CANCAVA.
- De l’affectation en 1999 au budget annexe des prestations agricoles (BAPSA) d’une fraction (1 MdF) des
recettes de la C3S.
- Du changement des règles d’affectation de la C3S : désormais, le
FSV recevra les excédents de la C3S
restant après comblement des déficits des régimes de non salariés non agricoles. Ces montants seront répartis
entre les deux sections du FSV : "opérations de solidarité" et "fonds de réserve" (sur le FSV, cf. chapitre III,
infra
, p. 121).
L’article 5
modifie les conditions d’exonération des cotisations patronales pour les aides à domicile, que les
personnes concernées soient employées par des personnes physiques ou des associations prestataires.
D ans le premier cas, la liste des bénéficiaires de l’exonération et
les conditions à son application sont
refondues tandis que le niveau de l’exonération pour les particuliers exonérés du fait de leur âge est désormais
limité (à partir du 1er avril 1999) par la création d’un plafond de rémunération (65 fois la valeur du SMIC
horaire).
Lorsque l’aide à domicile est employée par une association prestataire, l’exonération de cotisations patronales
devient totale pour les interventions chez les personnes y ayant droit en tant que particuliers employeurs.
Par dérogation aux dispositions de l’article L131-7du code de la sécurité sociale, cette exonération n’est pas
compensée par le budget de l’Etat.
Le coût de cette mesure était évalué par la direction de la sécurité sociale à 360 MF en 1999 et à 255 MF en
année pleine. Ces montants résultent du jeu combiné de l’augmentation de l’exonération, lorsque l’employeur
est une association prestataire, et de son plafonnement lorsque l’employeur est une personne physique
exonérée du seul fait de son âge. Comme le plafond de rémunération n’est entré en vigueur qu’au 1er avril
1999, le coût de la mesure est plus élevé en 1999 que pour les années à venir.
L’article 6
concerne une mesure d’aide à l’emploi : l’exonération pour l’embauche d’un premier salarié
(mesure non compensée). Ce dispositif est prorogé pour trois ans (jusqu’au 31 décembre 2001). Pour les
embauches intervenues à compter du 1er janvier 1999, l’exonération des cotisations sociales patronales est
plafonnée à la partie du salaire égale au montant du SMIC mensuel. L’économie attendue de ce plafonnement
était estimée à 170 MF en 1999. Les données disponibles semblent confirmer cette évaluation : pour un
nombre d’entrées dans le dispositif à peu près égal à celui de 1998, le coût de la mesure est passé de 2,91 MdF
en 1998 à 2,74 MdF en 1999.
L’article 8
de la loi de financement supprimait la déduction pour frais d’assiette
et de perception portant sur la CSG assise sur les revenus du patrimoine. Cet article, issu d’un amendement
présenté par un parlementaire, a été abrogé par l’article 39 de la loi de finances rectificative pour 1998
[25]
.
Au-delà du problème du prélèvement par les services fiscaux pour frais d'assiette et de recouvrement pour la
perception de ce volet de la CSG, il convient de noter l’hétérogénéité des règles et des pratiques relatives à la
prise en charge des coûts, soit de perception par les services fiscaux de recettes destinées à la sécurité sociale,
soit de gestion par des caisses de sécurité sociale de prestations pour le compte de l’Etat.
On relève en particulier des différences de traitement entre les contributions (CSG, prélèvement de 2 % et
CRDS) selon qu’elles sont assises sur les revenus du patrimoine ou de placement financier ou bien sur les
jeux. En matière de prise en charge des frais de gestion des prestations gérées par la CNAF pour le compte de
l’Etat, les situations sont également diversifiées. L’Etat prend en charge les frais de gestion des divers
dispositifs d’aide au logement : aide personnalisée au logement –APL- (4 % des prestations versées),
allocation de logement à caractère social –ALS- (2 % des prestations versées) et aide aux associations logeant
des personnes défavorisées en attente d’un logement –ALT- (2 % des dépenses financées). Par contre, il n’y a
pas de compensation des frais de gestion pour l’allocation adultes handicapés –AAH- et pour le revenu
minimum d’insertion –RMI-.
La Cour engage une étude d'ensemble de ce sujet dans la perspective du rapport sur l'application de la loi de
financement pour 2000.
L’article 9
prévoit que les employeurs redevables au titre d’une année de plus de 6 MF de cotisations,
contributions et taxes, ou bénéficiant d’une autorisation de versement en un lieu unique, sont tenus de
s’acquitter par virement à partir de l’année suivante. La mesure est entrée en vigueur au 1er avril 1999. Un
premier bilan a été élaboré par l’ACOSS en juillet 1999 d’où il ressortait que l’obligation de recourir au
virement concernait environ 29 000 entreprises. Au 31 décembre 1999, la part des paiements dématérialisés
s’est élevée à 41,5 % des encaissements du secteur privé (ce qui représente 388 MdF).
Le paiement par virement allège les tâches de gestion du recouvrement. Il a également une incidence positive
sur la trésorerie de l’ACOSS. En effet, l’obligation d’utiliser un moyen de paiement dématérialisé se traduit
par une accélération des encaissements. Antérieurement encaissés à J+1 de l’échéance, les fonds remontent
désormais à J-1 et J. Le rendement avait été évalué à 90 MF en 1999.
Le seuil à partir duquel le paiement par virement est obligatoire peut paraître élevé au regard de celui en
vigueur en matière de TVA : 5 MF depuis le 1er janvier 2000 (article 1695 ter du code général des impôts).
Un rapprochement du seuil de paiement par virement des cotisations sociales de celui en vigueur pour la TVA
devrait être envisagé. Il ne concernerait en effet que des entreprises déjà habituées à ce mode de paiement.
L’article 11
supprime le droit de fabrication sur les alcools à usage industriel (antérieurement affecté au
FSV). Cette suppression d’un droit, dont le produit était de l’ordre de 320 MF, résulte de son absence de
conformité au droit européen.
L’article 13
concerne la cotisation sur les contrats d’assurance automobile (au profit de la CNAMTS). Pour
tenir compte de la substitution de la CSG aux cotisations d’assurance maladie intervenue dans la LFSS pour
1998, le critère d’assujettissement à ce prélèvement, jusqu’alors constitué par l’affiliation à un régime
d’assurance maladie et le versement de cotisations, a été complété par celui de l’acquittement de la CSG.
L’article 16
prévoit que le besoin de financement du fonds de l’allocation temporaire d’invalidité des
collectivités locales (FATIACL) (du fait de la prise en charge du congé de fin d’activité, CFA) sera couvert
par une contribution de deux autres fonds : le fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) et le fonds de
compensation progressive des cessations temporaires d’activité (FCCPA) (spécifique aux agents territoriaux).
Les contributions des deux fonds se sont finalement établies à 29,1 MF pour le FEH (pour 52 MF annoncés
dans l’annexe b du PLFSS 2000) et à 88,5 MF pour le FATIACL (pour 163 MF annoncés). Les données
contenues dans l’annexe b du PLFSS 2000 reposaient sur des prévisions de la caisse des dépôts et
consignations qui se sont révélées inexactes tant pour les charges du fonds du fait du CFA que pour le montant
des produits financiers (16,2 MF annoncés pour 57,2 MF réalisés). L’écart à combler par les contributions des
deux fonds précités entre le résultat du FATIACL et les réserves s’est donc établi à 117,6 MF au lieu de 215,4.
Comptes du FATIACL
(en MF)
1999 Prévisions
(août 1999)
1999 Réalisations
(mars 2000)
Emplois
Prestations
634,1
622,6
Frais de gestion
31,6
32,9
Frais financiers
0,0
1,6
CFA
771,0
731,0 (a)
Autres charges
0,0
42,3
(b)
Total emplois
1436,7
1430,4
Ressources
Produits financiers
16,2
57,2
Autres ressources
13,2
56,8 (c)
Total ressources hors contributions
du FEH et du FCCPA
934,0
1027,4
Résultat (hors contributions FEH et
FCCPA)
-502,7
-403,0
a) dont 728,6 MF de prestations
(b) régularisations au titre de 1998
(c) dont 42 MF de reprise de provisions
(d) Montant figurant dans le bilan 1999.
Le
montant de 287,3 est porté dans les prévisions
de la CDC transmises à la DSS.
Sources
: DSS et CDC
RECOMMANDATION
Rapprocher le seuil de paiement par virement des cotisations sociales de celui en vigueur pour la TVA.
Cette section n' a pas appelé de réponse
[25]
Un article de la loi de financement pour 2000 ayant le même objet a été également abrogé par la loi de
finances rectificative pour 1999.
Section III :
Les relations financières entre l'Etat "Puissance publique" et la
sécurité sociale
L’Etat participe de manière significative au financement de la protection sociale. Comme dans les deux précédents
rapports, cette section présente les résultats d’un examen de la Cour portant sur l’articulation des comptes entre
- les organismes sociaux, qui ont procédé au versement des prestations ou au décompte des cotisations exonérées
dans le cadre de la politique de l’emploi ;
- l’ACOSS
[26]
chargée des recouvrements et des encaissements des sommes dues par l’Etat au titre du régime
général ;
- et l’Etat lui-même, dont les charges à ce titre sont imputées au budget.
I – Les transferts de l'Etat aux régimes
En 1999, les transferts de l’Etat vers les régimes de sécurité sociale se sont élevés à 199 MdF
[27]
. Par rapport à
1998, ces transferts ont augmenté de 6 MdF en raison principalement de l’accroissement des dépenses au titre du
RMI et de la prise en charge par l’Etat de l’allocation de parent isolé (API) (voir
infra
).
Ces 199 MdF se décomposent, selon la nomenclature budgétaire, en plusieurs catégories de dépense :
- la compensation des exonérations de cotisations sociales décidées au titre de la politique de l’emploi pour 62,5
MdF ;
- la prise en charge de certaines prestations pour 68,0 MdF, notamment le RMI (31,9 MdF) et l’allocation aux
adultes handicapés (24,8 MdF) ;
- la prise en charge de certaines cotisations et prestations pour 1,8 MdF, notamment les prestations des pensionnés
de guerre (1,3 MdF) ;
- la subvention d'un certain nombre de régimes pour 31,3 MdF, notamment la SNCF (13,8 MdF), le fonds spécial
de pensions des ouvriers de l’Etat (5,4 MdF), et le budget des prestations sociales agricoles (BAPSA) (4,9 MdF) ;
- la contribution au fonds spécial d’invalidité (1,6 MdF), au fonds national de l’habitat (15,6 MdF) et au fonds
national de l’aide au logement (18,1 MdF).
II – L’application de la convention Etat-ACOSS du 2 mai 1994
Une convention a été conclue le 2 mai 1994 entre l’Etat et l’ACOSS visant à neutraliser les effets, sur la trésorerie
de la sécurité sociale, des délais entre les dépenses de prestations réalisées par les régimes ou le constat
d’exonérations de versements de cotisations par les employeurs, et les remboursements pris en charge par l’Etat. A
cette fin, un "échéancier" annuel de remboursement a été élaboré sur la base duquel les mesures d’un coût annuel
supérieur à 1 MdF ont été réparties.
La Cour avait regretté les années précédentes que l’avenant annuel formalisant cet échéancier soit signé trop
tardivement, ou ne le soit pas
[28]
. Un progrès notable a été réalisé en cette matière puisque les avenants pour 1999
et 2000 ont été signés le 23 août 1999 et le 24 mars 2000.
III – Les sommes reçues par les régimes
Les sommes retracées dans les tableaux suivants le sont en encaissements-décaissements sur l'année civile (1er
janvier-31 décembre). Elles n'incluent donc pas les versements faits en janvier 2000 au titre de la période
complémentaire du budget 1999. Mais elles incluent des versements de l’Etat faits en janvier 1999 au titre de la
période complémentaire 1998.
Ces tableaux rapprochent les flux financiers émanant des différents intervenants (Etat, ACOSS, autres organismes)
au cours de l’année 1999. Dans la première colonne figurent les versements de l’Etat, vus dans la comptabilité de
l’Etat. Dans les cinq colonnes suivantes figurent les sommes reçues par les régimes, vues dans leur comptabilité.
L’addition de ces cinq colonnes doit, bien entendu, correspondre à la première. C’est le cas, sauf pour un nombre
très limité de mesures (les explications des écarts sont données dans le tableau).
A - Contributions de l’État, directes ou via des fonds et remboursements
(en MF)
Total des
versements
de l’État
sur
l'exercice
1999
(c)
ACOSS
(Régime
général)
CCMSA CANSSM
CNMSS
Autres
régimes
(CANAM,
SNCF,
RATP,
CFE,
Banque de
France, ...)
MINISTERES
LIBELLES
Encaissements reçus en 1999
I – Contributions et remboursements de l’État
Santé et
solidarité
Allocation de
parent isolé
4 233,00
4 233,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Santé et
solidarité
Allocation de
revenu minimum
d’insertion
30
248,00
30
248,00
0
0
0
0
Santé et
solidarité
Allocation de
revenu minimum
d’insertion au
BAPSA
552,00
0,00
552
0
0
0
Santé et
solidarité
Contribution de
l’État au
financement de
l’allocation aux
adultes
handicapés
24
769,00
24
769,00
0
0
0
0
Agriculture
Contribution de
l’État au
financement de
l’allocation aux
adultes
handicapés au
BAPSA
456,00
0,00
456,00
0
0
0
Charges
communes
Majoration
d’allocation de
rentrée scolaire
exceptionnelle
6 059,00
6 059,00
0
0
0
0
Santé et
solidarité
Remboursement
aux organismes
de sécurité
sociale des
dépenses
afférentes à
l’interruption
volontaire de
grossesse
132,46
221,00
(b)
1,21
0,18
1,63
6,27
Charges
communes
Fonds spécial
d’invalidité
1 592,00
1 445,13
(a)
0
0
0
0
Total des contributions
68
041,46
66
975,13
1 009,21
0,18
1,63
6,27
Contributions de l’État via des fonds
Logement
Contribution de
l’État au Fonds
National de
l’habitat
15
553,92
19
092,62
(a)
0
0
0
0
"
Contribution de
l’État au Fonds
National de
l’aide au
logement
17
925,00
21
903,07
(a)
0
0
0
0
"
Contribution de
l’État au FNAL
pour l’aide aux
associations
logeant à titre
temporaire des
personnes
défavorisées
130,00
183,59
(a)
0
0
0
0
Total des contributions via
des fonds
33
608,92
41
179,28
0,00
0,00
0,00
0,00
(a) Pour le FSI, le FNH et le FNAL et l’allocation temporaire de logement, les colonnes
concernant
les
régimes
autres
que
le
régime
général ne sont pas renseignées dans ce tableau.
(b) La différence correspond à un versement effectué en 1998 par le ministère de l’emploi et de
la solidarité directement à l’Agence comptable de la CNAMTS et encaissé par l’ACOSS
seulement en 1999.
(c) Période complémentaire 1998 + versements hors période complémentaire 1999.
B – Exonération de charges sociales compensées par le budget de l’État
(en MF)
MINISTERES
LIBELLES
Versements
de l’État sur
l'exercice
1999 (1)
ACOSS
(régime
général)
(3)
CCMSA
(3)
UNEDIC
(3)
ARRCO
(3)
Autres
régimes
(2) (3)
Charges
communes
Versement en
application de
l’article 52 de la
loi du
31/12/1991
relative à la
formation
professionnelle
et l’emploi
(«exo-jeunes»)
43,47
0,17
2,10
0,00
41,20
0,00
Emploi et
Solidarité
Contrats
d’apprentissage
4 467,00 3 278,68
212,19
441,85
499,76
34,52
"
Contrats de
qualification
2 463,13 2 364,69
98,44
0,00
0,00
0,00
"
Contrats
initiative-emploi
5 849,74 5 519,00
330,74
0,00
0,00
0,00
"
Insertion par
l’économique
338,00
338,00
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Emploi de
bénéficiaires de
RMI
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Contrats de
retour à l’emploi
(Métropole)
382,52
355,64
26,88
0,00
0,00
0,00
"
Incitation à la
réduction du
temps de travail,
loi AUBRY du
13 juin 1998
884,47
884,45
0,02
0,00
0,00
0,00
"
Incitation à
l'aménagement et
à la réduction du
temps de travail
(loi du 11 juin
1996)
4 056,78 3 639,00
417,78
0,00
0,00
0,00
"
Réduction
dégressive des
cotisations
sociales
patronales sur les
bas salaires
43 280,53
39
583,79
3 636,80
59,94
"
Réduction des
charges sociales
plan textile-
habillement
879,61
879,61
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Embauche du
deuxième au
cinquantième
salarié dans les
entreprises
situées en zones
de revitalisation
rurale ou de
redynamisation
urbaine
311,38
282,70
28,68
0,00
0,00
0,00
"
Dispositif en
faveur des
cinquante
premiers salariés
des entreprises
situées en zone
franche
880,00
846,00
9,53
0,00
0,00
24,47
"
Versements en
application de la
loi n° 96-1143 du
26 décembre
1996 relative à la
zone franche de
Corse
237,53
233,39
4,14
0,00
0,00
0,00
"
Correspondants
locaux de la
presse régionale
ou
départementale
0,89
0,00
0,00
0,00
0,00
0,89
"
Exonérations
DOM (art. 4 de
la loi n°94-638
du 25 juillet
1994) (b)
1 053,79
1 053,79
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Contrats d’accès
à l'emploi,
champ Exo-
DOM (art. 5 de
la loi n° 94-638
du 25 juillet
1994) - Loi
PERBEN
7,97
7,97
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Dispositif en
faveur des hôtels,
cafés et
restaurants ( au
300,00
300,00
0,00
0,00
0,00
0,00
titre de l'article
L,241-14 du
Code de la
sécurité sociale)
"
Exonérations de
cotisations
d'allocations
familiales
721,85
721,85
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Exonération des
cotisations de
sécurité sociale
des travailleurs
non salariés non
agricoles
92,55
0,00
0,00
0,00
0,00
92,55
Outre-Mer
Contrats d’accès
à l’emploi
(DOM)
182,00
182,00
0,00
0,00
0,00
0,00
"
Contrats de
retour à l’emploi
(DOM)
6,00
6,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Total des exonérations de
cotisations
66 439,22
60
476,73
4 767,30
441,85
540,96
212,37
1) Période complémentaire 1998 + versements hors période complémentaire 1999.
(2) CANAM, CNAVPL,
CRPCEN, IRCANTEC. (3) Encaissements reçus en 1999.
C - Cotisations et prestations prises en charge
(en MF)
Total des
versements
de l’État
sur
l'exercice
1999
(b)
ACOSS
(régime
général)
ORGANIC
CAVICORG
CANCAVA
CNAVPL
Autres
régimes
(CNBF)
MINISTERES
LIBELLES
Encaissements reçus en 1999
Anciens
Combattants
Prestations
assurées
par l’État
au titre du
régime de
sécurité
sociale des
pensionnés
de guerre
1 333,62
1
333,62
0
0
0
0
Charges
communes
Aide au
rachat des
cotisations
à la
CNAVTS
des
rapatriés
171,38
161,19
8,87
1,04
0,23
0,05
Justice
Cotisations
303,08
324,17
0
0
0
0
maladie
maternité
des
détenus
(a)
Total des cotisations
prises en charge par
l’État
1 808,09
1
818,98
8,87
1,04
0,23
0,05
(a) Le versement de l’État d’un montant de 54 663 064 F, en date d’écriture du 30 décembre 1999 à l’ACCT, a été
encaissé par l’ACOSS seulement au mois de janvier 2000 et donc figure au titre des encaissements 2000 à rattacher
à l’exercice 1999. De plus, les versements correspondant aux cotisations maladie et maternité des détenus, versés
par les services déconcentrés de l’État et remontés par les URSSAF non pas été pris en compte par l’ACOSS.
(b) Période complémentaire 1998 + versements hors pério
e complémentaire 1999.
d
IV - Les restes à recouvrer sur l'Etat au titre de la politique de l'emploi pour le régime
général
Le tableau ci-dessous présente les restes à recouvrer sur l’Etat au 31 décembre 1999, au titre de la politique de
l’emploi, tels que les a déterminés l’ACOSS. Ils s’élèvent à 6,707 MdF. Cependant, il convient de noter, comme
cela avait été signalé l’année dernière, que les "encaissements répartis dans les caisses nationales" par l’ACOSS
(colonne 3 du tableau) ne correspondent pas exactement aux versements effectués par l’Etat dans l’année, en raison
de l’absence de prise en compte de certains montants versés par l’Etat et non encore répartis. Au total, les restes à
recouvrer sur l’Etat s’élèvent à 6 ,651 MdF, soit –1,4 % par rapport au solde comparable de 1998
(6,744 MdF, cf. rapport sur l’application de la loi de financement de septembre 1999).
Pour l’ensemble de ces mesures, l’Etat a versé 2,362 MdF en janvier 2000 au titre de la période complémentaire
1999. Les restes à recouvrer sur l’Etat, à l’issue de l’année budgétaire, s’élèvent donc à 6,651 – 2,362 =
4,289 MdF (contre 2,991 MdF en 1999, augmentation sensible qui s’explique principalement par les exonérations
liées aux contrats d’apprentissage et à la loi AUBRY I, exonérations décrites ci-dessous).
Restes à recouvrer sur l’État au 31 décembre 1999 pour le régime général
(en F)
Catégories
d'exonérations
Solde au
31/12/1998
(droits constatés)
(1)
Total des
produits (droits
constatés) en
1999
(2)
Encaissements
répartis par l'ACOSS
dans les caisses
nationales
en 1999
(3)
Solde au
31/12/1999
(droits constatés)
(4)=(1)+(2)-(3)
I. Budget des
charges communes
Versement en
application de l'article
52 de la loi du
31/12/1991 relative à la
formation
professionnelle et
l'emploi ("exo-jeunes")
167 342
0
167 342
0
Sous-total
167 342
0
167 342
0
II. Budget du ministère de l'emploi
Contrats d'apprentissage
772 355 581
3 668 730 515
3 253 868 117
1 187 217 979
Contrats de
qualification
545 089 635
2 313 923 126
2 364 693 328
494 319 433
Contrats initiative-
58 790 991
5 069 073 882
5 592 000 000
-464 135 127
emploi
Insertion par
l'économique
0
275 368 953
338 000 000
-62 631 047
Emploi de bénéficiaires
de RMI (soldes de
paiement)
-278 379
0
-278 379
0
Contrats de retour à
l'emploi (Métropole)
148 418 868
425 428 314
368 000 000
205 847 182
Incitation à la réduction
du temps de travail (loi
du 13 juin 1998)
306 448 459
3 678 645 941
884 448 094
3 100 646 306
Incitation à
l'aménagement et à la
réduction du temps de
travail (loi du 11 juin
1996)
221 029 562
3 614 766 615
3 639 000 000
196 796 177
Réduction dégressive de
cotisations sociales
patronales sur les bas
salaires
1 661 978 147
37 456 028
749
39 583 790 540
-465 783 644
Exonérations de
cotisations au profit du
secteur textile-
habillement
2 761 692 961
-66 502 156
879 607 077
1 815 583 728
Embauche du deuxième
au cinquantième salarié
dans les entreprises
situées en zones de
revitalisation rurale ou
de redynamisation
urbaine
38 411 244
348 468 746
348 000 000
38 879 990
Dispositif en faveur des
cinquante premiers
salariés des entreprises
situées en zone franche
211 731 467
1 243 853 420
846 002 055
609 582 832
Versements en
application de la loi n°
96-1143 du 26
décembre 1996 relative
à la zone franche Corse
13 880 118
284 201 740
279 018 402
19 063 456
Exonérations DOM (art.
4 de la loi n° 94-638 du
25 juillet 1994) - loi
PERBEN -
57 547 369
1 092 019 507
1 053 790 315
95 776 561
Contrats d’accès à
l'emploi, champ exo-
DOM (art. de la loi n°
94-638 du 25 juillet
1994) - Loi PERBEN -
10 293 205
-21 328 681
7 966 678
-19 002 154
Dispositif en faveur des
hôtels, cafés et
restaurants (au titre de
l'article L.241-14 du
85 992 241
157 478 785
300 000 000
-56 528 974
Code de la sécurité
sociale)
Exonérations de
cotisations d'allocations
familiales
78 486 673
645 275 430
721 853 000
1 909 103
Sous-total
6 971 868 142
60 185 432
886
60 459 759 227
6 697 541 801
III. Budget de
l'Outre-mer
Contrats d’accès à
l'emploi
-1 379 212
193 734 267
182 000 000
10 355 055
Contrats de retour à
l'emploi
-834 486
5 494 744
6 000 000
-1 339 742
Sous-total
-2 213 698
199 229 011
188 000 000
9 015 313
Total
6 969 821 786
60 384 661
897
60 647 926 569
6 706 557 114
S
ource ACOSS
Les trois mesures au titre desquelles les restes à recouvrer au 31 décembre 1999 sont les plus élevés sont :
-
les contrats d’apprentissage
pour lesquels les restes à recouvrer sur l’Etat sont passés de 772 MF, en 1998, à 1
187 MF fin 1999 (il n’y a pas eu de versements en période complémentaire) ;
-
l’incitation à la réduction du temps de travail (loi AUBRY I)
: même si un versement de 1,2 MdF est
intervenu en période complémentaire (janvier 2000), les versements de l’Etat au titre de 1999 n’ont été que de 1,9
MdF (y compris le versement effectué en période complémentaire), soit significativement moins que ce qui avait
été inscrit en loi de finances initiale (3,5 MdF) et que la facturation présentée par l’ACOSS en fin d’année
(2,8 MdF + 0,9 MdF de produits à recevoir). Ces écarts s’expliquent principalement par la nouveauté de la mesure
et le fait qu'elle ne soit montée en charge qu'en fin d’année 1999. L’Etat devra veiller en 2000 à réduire sa dette à
ce propos auprès des organismes de sécurité sociale.
-
les exonérations de cotisations au profit du secteur textile-habillement-cuir-chaussure
: mises en place par
une loi du 12 avril 1996, ces exonérations étaient plus généreuses que celles de droit commun car affectant les
salaires jusqu’à 1,5 fois le SMIC au lieu de 1,3 fois. Les ayant jugées illégales
[29]
, la Commission européenne a
exigé leur remboursement par les entreprises ayant perçu plus de 100 000 euros d’allégements à ce titre
[30]
. Une
circulaire du 31 mars 2000, conjointe du ministère de l’emploi et de la solidarité et du ministère de l’économie, des
finances et de l’industrie, a chargé l’ACOSS du suivi financier de ces remboursements en vue du reversement à
l’Etat du montant des cotisations faisant l’objet d’une compensation par le budget de l’Etat.
En toute logique, l’Etat aurait dû continuer à verser à l’ACOSS en 1999 la compensation du coût de l’exonération
pour le régime général, puis percevoir les remboursements de la fraction illégale de l’aide (qui s’élève, selon une
estimation du secrétariat d’Etat à l’industrie, à environ 500 MF). Or l’Etat n’a effectué aucun versement sur le
budget 1999. Le reste à recouvrer en fin d’exercice s’est élevé à 1,8 MdF, faisant supporter au régime général une
charge en trésorerie à la fois sur la fraction légale de l’aide qui n’a pas été prise en charge par l’Etat en 1999 (1,3
MdF), et sur la fraction jugée illégale par la Cour de justice européenne (0,5 MdF)
[31]
. Un apurement de cette
dette paraît donc devoir être réalisé dans les meilleurs délais.
V - Cinq exemples de prise en charge par l'Etat de mesures de solidarité nationale
Ces exemples ont été choisis pour leur montant, mais aussi pour montrer le caractère changeant, et donc
conventionnel, des relations entre l'Etat et la sécurité sociale, puisque les prises en charge sont fluctuantes. Ainsi,
par exemple, l'allocation de parent isolé (API) n'était pas prise en charge, et l'est désormais, alors que la majoration
de l'allocation scolaire l'est encore, mais ne va plus l'être, sans que leur nature ait en réalité changé.
A – L’allocation de parent isolé
Créée par la loi du 9 juillet 1976, l’API a pour but d’apporter une aide temporaire à toute personne isolée résidant
en France et qui se retrouve seule pour assumer la charge d’au moins un enfant (pendant un an ou jusqu'à ce qu'il
ait trois ans). Jusqu’en 1998, son coût était supporté par les caisses d’allocations familiales du régime général et les
caisses de mutualité sociale agricole.
La loi de finances pour 1999 a prévu la prise en charge de cette mesure par l’Etat (le surcoût budgétaire étant
compensé pour l’Etat par les recettes fiscales supplémentaires générées par la diminution du plafond du quotient
familial). La dotation initiale était de 4,233 MdF et a été intégralement consommée.
Depuis leur passage en comptabilité d’engagements en 1996, les caisses de sécurité sociale enregistrent dans leurs
comptes de l’année en cours les prestations dont les droits ont été ouverts en fin d’année mais qui ne seront versées
qu’en début d’année suivante. L’Etat n’effectuant ses transferts qu’au regard des versements réels, il est inévitable
qu’un reste dû apparaisse dans les comptes des organismes en fin d’exercice. Ce reste dû de l’Etat n’est donc pas
anormal lorsqu’il est proche du montant des prestations versées en n+1 au titre de l’année n, ce qui est le cas pour
l’API (392 MF à fin 1999).
B - Le revenu minimum d'insertion
Institué par la loi du 1
er
décembre 1988 modifiée, le RMI est une prestation gérée et servie par les CAF et par les
caisses de mutualité sociale agricole, garantissant un montant de ressources plafonné pour les bénéficiaires. Son
coût est pris en charge par l’Etat.
La dotation en loi de finances initiale pour 1999 s’est élevée à 26,4 MdF. Comme l’année précédente, cette
dotation s’est révélée significativement insuffisante. Deux versements complémentaires ont dû être effectués :
3,5 MdF en septembre 1999 (décret d’avance) et 2,0 MdF en janvier 2000, pendant la période complémentaire (loi
de finances rectificative). Les versements de l’Etat se sont donc élevés à 31,9 MdF, contre 26,2 MdF en 1998.
Même s’il est difficile d’estimer avec précision le coût prévisionnel du RMI, il serait souhaitable d’éviter une sous-
estimation aussi importante qui nuit à la crédibilité des niveaux de dépenses inscrits en loi de finances initiale et
qui fait supporter à la sécurité sociale un coût de trésorerie peu justifié.
En revanche, il convient de noter que les versements de l’Etat ont été supérieurs aux décaissements des caisses, ce
qui a permis de réduire significativement le reste dû en fin d’exercice, reste dû dont le niveau excessif avait été
dénoncé par la Cour l’an passé
[32]
.
C – L’allocation aux adultes handicapés
Créée par la loi du 30 juin 1975, à la charge de l’Etat depuis 1983, l’AAH est une prestation servie aux personnes
handicapées adultes (suite à une maladie ou à un accident sans lien avec la profession) ayant un taux d’incapacité
permanente au moins égal à 80 % ou se trouvant dans l’impossibilité de se procurer un emploi à cause de leur
handicap. Depuis juillet 1994, un complément a été ajouté à cette allocation afin de favoriser le maintien à
domicile des allocataires.
La dotation en loi de finances initiale pour 1999 s’est élevée à 24,8 MdF. Elle a été intégralement consommée,
mais elle s’est révélée être légèrement insuffisante pour couvrir les dépenses des caisses, ce qui a entraîné une
nouvelle augmentation du reste dû par l’Etat en fin d’exercice (2,5 MdF contre 2,3 MdF fin 1998). En tenant
compte d’un versement de l’Etat de 2,1 MdF le 6 janvier 2000 au titre de la loi de finances initiale pour 2000, la
charge de trésorerie de ce reste à recouvrer pour la CNAF n’était que de 0,4 MdF au 31 janvier 2000, en
augmentation toutefois sensible par rapport au solde comparable de l’année précédente (0,2 MdF). Il serait
souhaitable qu’une diminution de ce solde soit réalisée en 2000.
D – La majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire
Instituée, à titre exceptionnel, par un décret du 25 août 1993, la majoration de l’ARS était destinée à abonder le
montant de l’ARS financée par les CAF et servie sous condition de ressources. Reconduite dans son principe
d’année en année, cette majoration est prise en charge par l’Etat depuis 1994.
Lors de la conférence de la famille réunie en juillet 1999, le gouvernement a décidé de pérenniser cette mesure qui
aurait ainsi vocation à devenir une véritable prestation à caractère familial et donc à être progressivement prise en
charge par la branche famille
[33]
.
La reconnaissance de la pérennité de cette mesure, que la Cour avait déjà appelée de ses voeux dans son rapport de
1998, n’a malheureusement pas été suivie d’effet : aucune dotation n’a été prévue dans la loi de finances initiale
pour 2000 et aucun transfert de charge n’est prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Le
coût de la majoration étant d’environ 7 MdF (6,977 MdF en loi de finances rectificative pour 1999), l’absence de
prise en compte en loi de finances initiale revient à minorer de façon significative les dépenses prévisionnelles
inscrites dans cette loi de finances initiale et à créer une charge de trésorerie peu justifiée pour les CAF qui versent
la majeure partie de la prestation à l’automne et ne sont remboursées par l’Etat qu’en janvier.
E – Les prestations de sécurité sociale remboursées par l'Etat au profit des pensionnaires de
guerre
L’Etat assure la prise en charge financière des soins de santé des ressortissants du code des pensions militaires
d’invalidité, non imputables à une affection pensionnée, lorsque l’assuré ne dispose pas personnellement de la
qualité d’assuré social. Le financement est assuré par des crédits ouverts au chapitre 46-24 du budget du secrétariat
d’Etat aux anciens combattants (sous forme de délégations trimestrielles de crédits à la CNAMTS via l’ACOSS).
Les versements de l’Etat sur l’exercice 1999 ont été de 1,33 MdF, en très légère baisse par rapport à 1998 (1,36
MdF),
Comme il est mentionné au rapport public particulier de la Cour sur l’effort de solidarité nationale à l’égard des
anciens combattants (juin 2000), "un litige subsiste pour les arriérés de l’Etat de 1991 et 1992, qui n’avaient pu être
soldés l’année suivante faute de crédits disponibles. La régularisation a été partielle pour l’exercice 1991, mais
inexistante pour 1992. La CNAMTS estime que l’Etat est resté redevable de 275,33 MF. Le ministère des anciens
combattants a exposé en juin 1993 au ministère des affaires sociales que ces sommes n’étaient plus dues à la
CNAMTS du fait de l’opération de reprise de la dette de l’ACOSS, qu’allait organiser la loi de finances pour 1994.
La direction du budget a exposé à la Cour que l’Etat s’est acquitté définitivement de ses propres dettes envers les
régimes concernés à l’occasion de l’opération de reprise, qui s’est accompagnée d’un reliquat entre les différentes
caisses. L’Etat ayant désormais pris position sur ce différend, il doit en tirer les conséquences en ce qui concerne
les comptes de la CNAMTS à l’occasion de leur approbation".
RECOMMANDATIONS
1. Diminuer les restes à recouvrer sur l’Etat en fin d’exercice (en particulier dans le cadre des mesures suivantes :
contrats d’apprentissage, incitation à l’aménagement et la réduction du temps de travail, allocation aux adultes
handicapés).
2. Apurer la dette de l’Etat auprès de l’ACOSS sur le dispositif de réduction dégressive des charges sociales sur
bas salaires pour les entreprises secteur textile-habillement-cuir-chaussure.
3. Tirer les conséquences de la pérennisation de la majoration exceptionnelle de rentrée scolaire en prévoyant son
financement en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale.
Réponse
[26]
Comme l’année dernière, la CCMSA n’a pas été en mesure de fournir des informations dans les délais
impartis. L’analyse de la Cour n’a donc pas pu être approfondie sur la partie des transferts de l’Etat la concernant.
[27]
Il s’agit de versements faits, au titre du budget de 1999, soit en 1999, soit pendant la période complémentaire à
1999, c’est-à-dire jusqu’au 28 janvier 2000 (ces versements diffèrent donc de ceux retracés dans le tableau ci-
dessous). A noter également que sont prises en compte dans ce montant les dépenses budgétaires qui transitent par
des fonds (en particulier pour l’aide au logement).
[28]
Ce qui n’avait pas empêché la poursuite, par l’Etat, de versements échelonnés à dates régulières.
[29]
Décision du 9 avril 1997 confirmée par un arrêt du 5 octobre 1999 de la Cour de justice européenne.
[30]
Règle dite "de minimis".
[31]
Même si elle est chargée de son recouvrement, il n’est pas normal que l’ACOSS assume le coût de trésorerie
d’une aide décidée par l’Etat et jugée illégale par l’Union européenne.
[32]
Ce reste dû était passé de 2,3 MdF, fin 1997, à 4,0 MdF fin 1998. Il est revenu à
2,7 MdF fin 1999. La majeure partie de ce montant est expliquée par le décalage provoqué par la comptabilité en
droits constatés des caisses qui conduit à prendre en compte les dépenses d’allocations versées en janvier n+1 au
titre de droits ouverts en décembre n, sans tenir compte des versements effectués par l’Etat à la même date (1er>
versement au titre des crédits de la loi de finances initiale pour n+1). L’Etat ayant versé, le 6 janvier 2000, 2,3 MdF
au titre de la loi de finances initiale pour 2000, la charge de trésorerie de ce reste à recouvrer pour la CNAF n’était
que de 0,4 MdF au 31 janvier 2000, en diminution très nette par rapport au solde comparable de l’année précédente
(1,8 MdF, montant élevé qui s’expliquait pour une large part par le versement d’une prime exceptionnelle dont le
principe n’avait été décidé qu’à la fin du mois de décembre 1998).
[33]
En contrepartie de cette augmentation de charge pour la branche famille, l’Etat prendrait à son compte le
financement du fonds d’action social pour les travailleurs immigrés et leurs familles.
Section IV :
Le recouvrement des cotisations dans le régime des non salariés non
agricoles
Comme les années antérieures, la Cour a souhaité faire le point sur le recouvrement des cotisations dans le
régime des non salariés des professions non agricoles en examinant, sur la base des vérifications effectuées par
les COREC et les CODEC, les suites apportées aux observations des rapports précédents, s’agissant des
actions de contestation menées par les émanations de l’ancienne confédération de défense des commerçants et
artisans (CDCA).
Soixante-treize organismes de ce régime ont fait l’objet de vérifications : 9 caisses mutuelles régionales et 47
organismes conventionnés (régime maladie CANAM) ; 8 caisses régionales d’assurance vieillesse des artisans
(régime vieillesse CANCAVA) ; 9 caisses vieillesse des industriels et commerçants (régime vieillesse :
ORGANIC).
Sur une période de cinq ans, la Cour constate que la tendance est clairement à la réduction du mouvement de
contestation et donc à l’amélioration sensible du recouvrement des cotisations. Cette situation tient plus à une
moindre mobilisation des sympathisants de l’ex-CDCA vis-à-vis des méthodes employées par des dirigeants
condamnés pour cela en justice qu’aux mesures prises, sur le terrain, par des caisses ou organismes
conventionnés du régime ou mises en oeuvre par les services déconcentrés de l’Etat, mesures qui sont encore
trop peu nombreuses.
I - Le mouvement de contestation tend à se réduire
A - L’évolution du recouvrement des cotisations
La contestation qui affecte depuis plusieurs années les résultats du recouvrement des cotisations du régime a
persisté au cours de l’exercice 1998 : les montants de restes à recouvrer sur les cotisants ayant manifesté de
manière concertée leur refus de cotiser représentent, pour le régime maladie 580,4 MF, pour l'assurance
vieillesse des artisans 597,5 MF, et pour l'assurance vieillesse des industriels et commerçants 1041,8 MF, ces
montants reposant pour l'essentiel sur des procédures de taxation d'office. Mais la contestation semble en repli
sensible. L’amélioration déjà observée en 1997 s’est renforcée en 1998.
Les taux de recouvrement progressent sensiblement qu’il s’agisse de la CANAM (de 87,2 % à 89,5 %), de la
CANCAVA (de 94,0 % à 95,5 %) et de l’ORGANIC (de 87,4 % à 88,1 %) pour des raisons qui tiennent certes
à la baisse du taux des cotisations maladie en raison de la substitution de la CSG et à l’amélioration de la
conjoncture économique, mais également à la réduction du nombre de cotisants retardataires se réclamant des
mouvements contestataires.
La quasi totalité des caisses contrôlées est concernée par cette amélioration même s’il demeure quelques
exceptions régionales.
Ainsi pour les organismes dépendant de la CANAM, le montant des restes à recouvrer diminue de près de 10
%, à l’exception des régions Midi-Pyrénées et Pays de la Loire, ainsi que dans une caisse de professions
libérales. S’agissant de l’ORGANIC, le montant des restes à recouvrer diminue dans la majorité des régions,
la baisse moyenne sur le plan national étant de 2,5 %. Enfin, pour les caisses vieillesse des artisans (caisses
AVA), la diminution du montant des restes à recouvrer est de 39 %.
La baisse de la contestation s’est amplifiée en 1998. Mais le phénomène doit continuer à être surveillé de
manière à ce que les caisses adoptent les mesures indispensables pour obtenir une réduction plus sensible
notamment dans les régions où il demeure le plus actif.
B - Les actions menées à l’encontre des caisses de sécurité sociale
Bien que réduite, la contestation demeure virulente car elle réunit les adhérents les plus déterminés.
Les menaces à l’encontre des caisses et des huissiers se manifestent encore en réaction le plus souvent à des
actions de recouvrement forcé mises en oeuvre de manière plus énergique qu’antérieurement. La Cour
renouvelle ses regrets devant l’absence d’intervention des forces de l’ordre malgré les sollicitations des
organismes que la Cour a déjà soulignés.
Dans ces domaines délicats, l’intervention des juges ne peut certes être monolithique, mais elle est parfois
déroutante.
Ainsi, la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) des Yvelines du 20 novembre 1997, bien
que ne concernant pas le régime des non salariés non agricoles, a pu paraître constituer un encouragement
puissant à la contestation. En effet, le tribunal a refusé de valider une contrainte de l’URSSAF de Paris à
charge pour elle de justifier de sa réalité juridique par la production de ses statuts. Or, c’est en se fondant sur
cet argumentaire que les émanations de la CDCA s’appuyaient pour s’opposer aux contraintes exercées par les
caisses. La Cour d’appel de Paris a infirmé cette décision qui n’avait pas été suivie par d’autres TASS.
En particulier, le TASS de Tours a estimé dans une décision rendue le 16 novembre 1998 que :
- l’émanation de la CDCA (le CNDCA), qui contestait le bien fondé d’une contrainte, n’avait pas la qualité de
syndicat professionnel au titre de l’article L. 411-1 du code du travail ;
- une caisse ORGANIC, instituée en application des dispositions de l’article L. 621-2 du code de la sécurité
sociale et dont les statuts-types sont soumis à l’agrément du ministre chargé de la sécurité sociale, n’a pas
l’obligation de communiquer ses statuts à ses ressortissants en application des articles L. 111-1 et L. 111-2
dudit code
;
- la Cour de Justice des Communautés européennes et la Cour de Cassation ont jugé que les articles 85 et
suivants du traité de Rome ne s’appliquent pas aux organismes chargés de gérer un régime obligatoire de
sécurité sociale et qu’un tel régime est donc exclu du champ d’application de la directive n° 92-49 du 18 juin
1992 relative à l’assurance.
Le TASS de Tours a donc validé la contrainte adressée par la caisse ORGANIC. Son argumentaire confirme
que l’imagination juridique des contestataires rencontre de moins en moins d’écho dans les tribunaux.
Il en a été de même des invitations faites aux professions indépendantes de délocaliser leur siège social dans
les pays où les charges sociales sont plus faibles qu’en France. Ces opérations ont été jugées fictives et
frauduleuses par les TASS (TASS du Lot notamment).
Le nombre de délocalisations fictives est au demeurant resté limité (167 entreprises en 1998 pour la
CANAM), les caisses nationales ayant été attentives à suivre le développement éventuel de ce type d’actions
et à fournir des argumentaires juridiques à opposer dès qu’une attitude nouvelle est signalée.
A cet égard, la Cour observe que malgré ses recommandations réitérées, tous les préfets n’ont pas mis en
oeuvre les prescriptions des circulaires interministérielles des 30 novembre 1993 et 31 octobre 1995 tendant à
coordonner les actions des caisses vieillesse et maladie dans les régions où la CDCA manifeste sa présence.
S’il est vrai que le mouvement de contestation s’est affaibli dans un certain nombre de départements, la
carence de l’Etat est d’autant plus critiquable lorsqu’elle s’accompagne du refus de faire intervenir la force
publique en cas de manifestations violentes ou de déprédations.
II - Le dispositif d’aide aux cotisants en grande difficulté
La Cour avait tenté de tirer un premier bilan du dispositif mis en place par le ministère de l’emploi et de la
solidarité par lettre du 21 mai 1997 afin d’inciter les cotisants qui ne peuvent faire face au règlement de leurs
cotisations à réintégrer le régime obligatoire jusqu’au 31 mars 1998 grâce à des mesures spécifiques. Celles-ci
consistaient en un étalement des cotisations arriérées antérieures au 1
er
avril 1997 par la mise en place d’un
échéancier de paiement de 36 mois maximum, la suspension des procédures de recouvrement forcé, la remise
des majorations de retard, la réouverture du droit à prestations et la possibilité exceptionnelle, en fonction de
la situation de chaque assuré dont les revenus ne dépassent pas 100 000 F par an sur trois ans, d’une possibilité
de prise en charge d’une partie des cotisations arriérées à condition que les cotisations courantes soient payées.
En matière d’assurance maladie, le coût budgétaire de l’opération s’est élevé à 193,5 MF, dont 33 % pour la
seule région Languedoc-Roussillon et 38 % pour les trois autres régions du Midi (Aquitaine, Midi-Pyrénées,
Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il n’était pas exigé de lettre de désistement des actions devant les TASS.
Certaines caisses mutuelles régionales ont élargi les possibilités offertes nationalement, s’agissant notamment
de la limite supérieure des revenus (120 000 F en Bretagne, 150 000 F en Limousin et dans le Centre, 200 000
F en Bourgogne). Au total, 65 377 cotisants ont été contactés, 16 236 ont répondu (25 % seulement) et 12 739
ont conclu un accord avec les organismes (soit 80 % des cotisants ayant répondu mais 20 % de ceux ayant été
contactés). Des délais de paiement excessifs ont parfois été constatés même si le délai de 36 mois a été
généralement respecté (103 mois pour un dossier dans le Centre, 98 mois pour un dossier en Bretagne, 132
mois pour un dossier dans le Limousin). Enfin, 90 % des accords conclus ont fait l’objet d’une prise en charge
des cotisations par le FNASS pour un coût de 99,5 MF, alors que celle-ci devait être exceptionnelle et ne pas
dépasser 50 % des cotisations dues (en Bretagne, la moyenne de l’aide exceptionnelle a été de 60 % des
cotisations dues). Dans d’autres régions, la prise en charge a été maintenue alors que les échéanciers de
paiement n’étaient pas respectés par les cotisants.
Ainsi dans le domaine de la maladie, le dispositif n’a certes pas rencontré le succès escompté mais il a permis
d’assainir la situation d’un certain nombre de cotisants parmi lesquels les contestataires sont restés peu
nombreux même si un dialogue a pu être entamé.
S’agissant de l’assurance vieillesse des artisans, 17 145 cotisants ont été contactés, 5626 ont répondu (32 %) et
3687 accords ont été conclu (2/3 des cotisants ayant répondu et 20 % de ceux qui avaient été contactés). La
moyenne des échéanciers (40 mois) dépasse le plafond de 36 mois, un délai de 90 mois ayant été observé en
région Rhône-Alpes. La CANCAVA avait cependant chargé son service contentieux national d’encadrer le
dispositif. Par ailleurs, l’obtention du plan était conditionnée par l’engagement de l’assuré de retirer toute
action en justice.
S’agissant des caisses vieillesse des industriels et commerçants, 36 126 assurés ont été contactés, 6236 ont
répondu (17 %) et 3441 accords ont été conclu (la moitié des assurés ayant répondu et 10 % des assurés
contactés). La sous-utilisation des dotations destinées à la prise en charge des cotisations pourrait contribuer à
expliquer la faiblesse des résultats obtenus.
L’ORGANIC avait en outre souhaité qu’une coordination locale soit assurée entre les organismes sociaux
(ORGANIC, URSSAF, AVA, professions libérales) : cette initiative judicieuse, car certains dossiers étaient
communs et justifiaient une harmonisation des règles à retenir, n’a guère été relayée au plan local.
III - Des politiques de recouvrement plus efficaces
A - Une politique de recouvrement plus rigoureuse dans la phase pré-contentieuse
Les caisses s’efforcent dans la phase précontentieuse d’approfondir leurs relations avec les cotisants qui
éprouvent des difficultés, notamment par l’octroi de délais de paiement. La Cour a, à plusieurs reprises, appelé
l’attention des organismes sur la nécessité de maîtriser la politique d’octroi de délai sous peine de conduire à
la remise en cause même de toute politique de recouvrement efficace.
C’est ce qu’ont compris nombre d’organismes. Ainsi certains organismes conventionnés concluent-ils avec les
débiteurs des échéanciers plus courts, renégocient-ils les étalements trop importants et reprennent-ils les
procédures contentieuses en cas de non respect des échéanciers.
Dans le même sens, la CANCAVA a institué le prélèvement automatique des échéances en cas de délais
accordés, ceux-ci étant de l'ordre de quelques mois.
Les caisses ORGANIC axent leur politique sur le contact direct avec le débiteur. L’une d’elle, en Champagne-
Ardenne, a constitué avec l’URSSAF, l’AVA et la CMR une commission de recouvrement amiable afin
d’harmoniser les procédures précontentieuses et de vérifier la concordance des échéanciers de paiement entre
organismes.
Mais restent encore trop nombreux les organismes accordant des délais de paiement systématiques et d’une
durée excessive. Ces politiques laxistes, dangereuses et, en fin de compte, inéquitables, doivent être proscrites.
B - Le renforcement du suivi des procédures d’exécution
La Cour avait souligné, suite aux observations formulées par les COREC et les CODEC, un recours
insuffisant aux procédures de recouvrement les plus efficaces. Or, les dossiers contentieux sont relativement
bien suivis dès lors que les assurés en cause ne se réclament pas de la contestation. Cette situation explicable
certes mais, eu égard aux objectifs poursuivis, parfaitement paradoxale semble évoluer et les
recommandations des comités et de la Cour mieux suivies d’effet. En effet, les rapporteurs ont relevé que de
nombreuses caisses avaient renforcé leur fermeté vis-à-vis des cotisants récalcitrants.
Le recouvrement contentieux débute par l’émission d’une contrainte qui, à défaut d’opposition dans les délais,
comporte tous les effets d’un jugement. Cette contrainte peut être notifiée soit par lettre recommandée avec
accusé de réception, soit par acte d’huissier en fonction de la qualité du débiteur et du montant de la créance.
La possibilité de choix peut être entravée par des décisions de justice comme en Auvergne où les organismes
conventionnés hésiteraient à notifier directement les contraintes par lettre recommandée car certains juges
considèrent alors la contrainte comme non valablement signifiée. Certains OC ont même pris la décision de
faire signifier toutes les contraintes par les huissiers.
L’analyse des procédures de recouvrement forcé auxquelles les caisses ou les organismes ont recours montre
que la saisie attribution sur compte bancaire est très privilégiée car efficace, peu coûteuse et sans risque pour
les huissiers. En revanche, la saisie sur les véhicules à moteur, très efficace pour les caisses qui la pratiquent,
reste néanmoins peu utilisée. Certaines caisses commencent à mettre en cause la solidarité entre époux avec
succès (art. 220 du code civil). Enfin, les caisses développent la procédure d’assignation en redressement
judiciaire qui se révèle être un bon moyen de règlement des dossiers difficiles.
La procédure d’opposition à tiers détenteur demeure peu pratiquée. La Cour espère que le renforcement de
cette procédure par l’article 14 de la loi du 27 juillet 1999 instituant la couverture maladie universelle qui
donne le caractère d’attribution immédiate aux sommes saisies, puisse vaincre les réticences
incompréhensibles des caisses vis-à-vis d’une procédure dont l’efficacité a été démontrée (dès lors qu’elle
emporte les mêmes effets désormais qu’un avis à tiers détenteur dans le cas du paiement d’impôts privilégiés).
Les instruments existent pour mener une politique de recouvrement contentieux dynamique même dans les cas
très difficiles des dossiers de contestataires. Certaines caisses en font un usage judicieux et obtiennent les
résultats correspondant à leurs efforts. Il est clair que ces exemples doivent être mieux connus et valorisés :
c’est le rôle des caisses nationales. Elles doivent le jouer plus encore qu’elles ne le font à l’heure actuelle.
Elles doivent par ailleurs ne pas hésiter à tirer les conséquences du comportement pour le moins anormal des
dirigeants des caisses dont le laxisme est avéré. Ainsi, certaines caisses ne disposent pas de statistiques
permettant d’apprécier l’efficacité du recouvrement ou du travail des huissiers. Une autre procède à la remise
automatique des majorations de retard sans les notifier aux cotisants dans le souci "d’améliorer la
communication avec les cotisants, de diminuer considérablement les réactions à l’envoi de mises en demeure
et de permettre une économie substantielle du coût de l’affranchissement". D’autres encore prohibent toute
procédure contentieuse après la mise en demeure.
De telles attitudes sont de nature à mettre en cause la responsabilité des dirigeants.
C - Le suivi de l’action des huissiers
La Cour a souhaité, à de nombreuses reprises, que le suivi de l’action des huissiers soit plus actif en raison des
carences malheureusement constatées chez certains de ces officiers ministériels.
La CANAM avait demandé aux OC qu’une convention soit signée avec les huissiers au 1
er
janvier 1998 afin
de formaliser l’ensemble de leurs interventions dans les procédures d’exécution. Cette disposition a été
respectée par un grand nombre de caisses. Néanmoins, quelques organismes n’ont fait qu’adresser des lettres
circulaires aux huissiers avec qui ils travaillent, sans exiger de leur part des engagements formels. Par ailleurs,
en Auvergne, certains huissiers n’ont pas signé le projet de convention proposé.
De plus certaines prescriptions ne sont pas respectées : les visites semestrielles préconisées chez les huissiers
sont réduites à une visite annuelle. En revanche, les délais de restitution des fonds encaissés par les huissiers
sont en général respectés : il est à souligner cependant qu’ils sont extrêmement généreux (3 semaines pour les
paiements en espèces, 6 semaines pour les autres cas selon le décret du 12 décembre 1996).
La Cour avait en outre signalé que les articles 10, 11 et 12 du décret du 12 décembre 1996 précité ayant été
annulés par le conseil d’Etat le 5 mai 1999, les conflits nés de l’application de ce texte aux organismes de
sécurité sociale, bien qu’ils exercent une mission de service public, devraient trouver leur solution dans un
nouveau texte plus clair à cet égard
[34]
; ce texte n'a pas encore vu le jour. Quoi qu’il en soit, certains
huissiers du département du Cher continuent à prélever les frais liés à leur intervention sur les créanciers en
méconnaissance de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 qui les met bien à la charge du débiteur.
Les comités ont également noté une reprise des procédures de recouvrement forcé à l’encontre des assurés
contestataires, malgré les menaces que les huissiers avaient auparavant reçues. Cependant, dans de
nombreuses régions et notamment en zone rurale, les huissiers sont peu diligents pour transmettre des
informations sur le suivi des dossiers dont ils ont la charge. Dans certaines autres régions, ils multiplient les
actes afin d’augmenter artificiellement leurs rémunérations sans contrepartie réelle pour les caisses.
Les comités suggèrent donc de réduire le nombre des huissiers en ne faisant appel qu’aux plus performants.
Certaines caisses suivent ces conseils en se séparant des huissiers inefficaces, l’une d’entre elle ayant saisi le
Procureur de la République afin qu’une sanction disciplinaire soit prise à l’encontre d’un huissier peu diligent.
Dans sa réponse au présent rapport, ORGANIC suggère une réforme de la compétence territoriale des
huissiers, qui consisterait à prévoir que leurs actes de justice soient réalisés dans le ressort du tribunal de
grande instance de leur résidence et non plus dans celui du tribunal d’instance (les organismes voyant ainsi
leurs possibilités de choisir les huissiers les plus performants élargies).
Enfin les caisses veillent au montant des frais de contentieux facturés par les huissiers allant jusqu’au refus de
paiement des honoraires en cas de procédures inutiles.
Quels que soient les régimes en cause, les rapporteurs soulignent l’absence assez générale de tableaux de bord
permettant de suivre avec précision l’ensemble des compartiments de l’activité des huissiers. Une méthode
simple pourrait consister à exiger des huissiers qu’ils informent spontanément les organismes des différentes
procédures diligentées en adressant copie de leurs actes à l’organisme.
La Cour constate à nouveau que ses observations semblent encore ignorées de trop nombreux organismes
même si les signes d’une plus grande rigueur dans le recouvrement apparaissent patents. Les résultats obtenus
démontrent qu’il est nécessaire de dépasser le fatalisme.
La Cour enfin déplore que dans un domaine qui met en cause l’exercice de la solidarité nationale, l’Etat, et
notamment ses autorités déconcentrées, répugnent à coordonner ses actions et celles des caisses et à accorder
le concours de son autorité alors que l’ordre public est gravement menacé.
RECOMMANDATIONS
1. Les préfets des départements concernés par la coordination doivent mettre en place les cellules de
coordination départementale prévues par les textes et le ministre de l’intérieur le leur rappeler.
2. Les organismes nationaux doivent s’assurer que les caisses locales mettent tous les moyens de
recouvrement disponibles en oeuvre.
3. Le ministère de la Justice devrait rappeler aux tribunaux des affaires de sécurité sociale les évolutions de
jurisprudence de la Cour de Justice européenne et de la Cour de Cassation afin d’éviter la prolongation
inutile de contentieux désormais non fondés juridiquement.
4. Les organismes du régime des non salariés non agricoles devraient améliorer le suivi de l'activité des
huissiers et demander la mise en cause de la responsabilité disciplinaire de ceux qui sont particulièrement
négligents.
Réponse
[34]
Cf. le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre
1999.
Section V :
Le recouvrement des cotisations dans le régime agricole
Les cotisations affectées au régime de protection sociale agricole comprennent les cotisations assises sur les
salaires, qui financent la protection sociale des salariés agricoles et assimilés (656 147 cotisants actifs en 1998,
dont un tiers de salariés assimilés), et les cotisations assises sur les revenus professionnels des exploitants
agricoles, qui financent la protection sociale des personnes non salariées agricoles. Ces cotisations sont émises
et recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA) ; s’agissant de l’assurance maladie des non
salariés agricoles (l’AMEXA), pour laquelle prévaut le principe du libre choix de l'assureur, les cotisations
sont recouvrées principalement par les caisses de MSA, mais aussi par des organismes assureurs habilités par
arrêté ministériel fédérés au sein du groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles (GAMEX)
[35]
.
Au 31 décembre 1998, le taux de restes à recouvrer (CSG inclus) sur les cotisations émises par les caisses de
MSA s’établissait globalement à 7,1 %, soit 3,7 % pour les cotisations sur salaires, et 12 % pour les cotisations
des non salariés.
A la demande de la Cour, les comités régionaux et départementaux d’examen des comptes de la sécurité
sociale (COREC/CODEC) ont procédé au contrôle des modalités de recouvrement des cotisations sociales
agricoles sur un échantillon de 25 caisses de MSA et de 14 bureaux GAMEX, représentant un peu moins du
tiers du total des comptes exploitants agricoles et employeurs de main d'oeuvre gérés par les organismes de
MSA. Parmi ces organismes figuraient certaines des caisses les plus performantes pour le recouvrement des
cotisations (celle de l’Aisne, 2 en 1998, ou celle du Pas-de-Calais, 4), et certaines des moins bien classées,
dont celles du Lot et Garonne (76ème) et du Gers (80), confrontées à un climat contestataire de la part de leurs
adhérents, et celle de Corse, qui enregistrait en 1998 un taux de restes à recouvrer global de 70,2 %, soit 61,9
% sur les salariés et 81,9 % sur les non salariés.
Jusqu’à une date récente, le suivi et l’animation des politiques de recouvrement mises en oeuvre par les caisses
de MSA ne constituaient pas un objectif prioritaire pour la caisse centrale de mutualité sociale agricole
(CCMSA). Ce n’est que dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue avec l’Etat
que la caisse centrale a souscrit des engagements d’amélioration du taux d’encaissement des cotisations et
d’approfondissement des contrôles d’assiette (sur les conventions d’objectifs et de gestion, cf. chapitre X,
infra
, p. 387). Figurant déjà dans la COG de juillet 1997, ces objectifs ont été déclinés de manière
opérationnelle dans les contrats pluriannuels de gestion (CPG) négociés en 1999 entre la caisse centrale et les
organismes de base pour la période 1999/2001. Pour la plupart, ces documents n’étaient pas encore finalisés
au moment des vérifications menées par les COREC/CODEC, qui n’ont pu dès lors procéder à leur évaluation.
I – Le contrôle de l’assujettissement et de l’assiette
Le contrôle constitue la contrepartie indispensable d’un système de recouvrement fondé sur le mode déclaratif.
C’est la raison pour laquelle, aux termes de l’article 1246 du code rural, les caisses de mutualité sociale
agricole doivent disposer d’un ou plusieurs agents assermentés chargés de contrôler l’application des
dispositions relatives au recouvrement des cotisations, et notamment à l’assujettissement et à l’établissement
de l’assiette, ainsi qu’au versement des prestations de mutualité sociale agricole. Les vérifications opérées par
les COREC/CODEC ont cherché à évaluer l’organisation des services de contrôle, à apprécier la pertinence
des objectifs qui leur sont assignés en matière de contrôle d’assiette, et à mesurer l’efficacité de leurs actions.
Examinée durant l’exercice 1998 à l’occasion d’un point particulier dont la Cour a rendu compte dans son
rapport au Parlement de septembre 1999 sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale, la
lutte contre le travail dissimulé n’a pas été à nouveau évoquée lors de ces vérifications.
A - L’organisation des services de contrôle
Les comités ont observé une grande diversité d’organisation des services de contrôle. Certaines caisses isolent
cette mission au sein d’un service spécifique, tandis que d’autres la rattachent à une entité plus large assurant
des missions de relations extérieures d’accueil, d’animation et de conseil. Ces activités annexes de conseil et
d’animation pouvant dans certains cas représenter une charge de travail importante, le temps que les agents
assermentés consacrent aux contrôles d’assiette apparaît dès lors très disparate d’une caisse à l’autre..
L’assignation aux agents assermentés de tâches multiples et aussi difficilement conciliables que les missions
de vérification d’assiette et les activités de conseil voire d’animation de comités cantonaux d’élus (caisse de
l’Eure) paraît pourtant préjudiciable à un exercice crédible et efficace du contrôle
[36]
. C’est la raison pour
laquelle la caisse centrale, conformément aux engagements figurant dans la COG, a mis à la disposition des
caisses de base une méthodologie de renforcement des services de contrôle spécialisés, à l’exclusion des
missions d’animation et de conseil. La mise en oeuvre effective de ces orientations par les caisses de MSA
devra être évaluée.
Enfin, s’agissant du nombre des contrôleurs assermentés présents dans les caisses, les différences constatées
ne semblent pas procéder d’une logique apparente, puisque ce nombre n’apparaît pas toujours corrélé aux
montants des assiettes globales et des cotisations émises : ainsi les caisses de l’Aisne (713 MF de cotisations –
hors CSG – émises en 1998) et de la Creuse (172 MF de cotisations en 1998) disposent du même nombre de
contrôleurs. Il conviendrait sans doute de réfléchir à une définition homogène des missions des contrôleurs, et
à une meilleure adéquation de leur nombre aux besoins.
B - La programmation des actions de contrôle
Les COREC/CODEC ont en général relevé l’absence de définition d’une politique de contrôle dans les caisses
vérifiées. Seules quatre caisses avaient ainsi dégagé des axes de contrôle, au demeurant partiels et imprécis.
Quant à l’assignation d’objectifs quantifiés aux agents de contrôle, elle n’était effectuée que dans cinq caisses
– d’ailleurs différentes, à une exception près, de celles évoquées à la ligne précédente. Dans les autres cas, les
vérifications étaient opérées en l’absence de toute stratégie formalisée, en fonction de demandes d’enquête
ponctuelles du service recouvrement, sans aucune analyse des secteurs et entreprises à risque.
Afin de combler ces lacunes, la négociation des CPG en 1999 s’est accompagnée de l’élaboration, pour
chacune des caisses, d’un plan de contrôle approuvé par le conseil d’administration, la caisse centrale
diffusant à cette occasion un programme type proposant la détermination d’un certain nombre d’axes et de
cibles de contrôle
[37]
. Pour devenir réellement opérationnels et mobilisateurs, ces plans devront cependant se
traduire par des objectifs chiffrés associés à des indicateurs de suivi : or ceux-ci ne seront disponibles qu’au
second semestre 2000, de sorte que la réalisation des objectifs ne pourra être évaluée qu’ultérieurement.
C - L’efficacité des contrôles réalisés par les caisses de mutualité sociale agricole
Conséquence de l’absence de programmation des actions, l’insuffisance de suivi des résultats des contrôles
empêche de procéder à des comparaisons valides entre les pratiques des organismes. Un certain nombre de
constats se dégagent néanmoins des rapports des comités.
Le nombre de contrôles des déclarations de main d'oeuvre
, qui servent de base aux cotisations prélevées
sur les salaires, reste peu important et très variable d’une caisse à l’autre. Si l’ensemble des caisses procèdent
à un contrôle informatisé de la cohérence entre les informations fournies par l’employeur et les minimums
salariaux applicables, sans assurer d’ailleurs, à deux exceptions près, le suivi de la fréquence et du montant
des redressements ainsi opérés, ces contrôles administratifs ne sont que faiblement complétés par des contrôles
sur place. Calculé sur un échantillon de quatorze caisses ayant communiqué des données exploitables, le taux
moyen de contrôle sur place des employeurs était en 1998 de 5,8 %, ce qui recouvrait des résultats très
dispersés, allant de moins de 1 % (caisse du Gers
[38]
) à près de 20 % (caisse de Corse, où ce niveau élevé fait
suite à une période de faible intensité des contrôles). Une dispersion plus grande encore s’observait dans les
taux de redressements consécutifs aux contrôles, traduisant des différences de ciblage et sans doute
d’efficacité des vérifications. Cette disparité, au-delà du contraste des performances, fait apparaître une
situation d’inégalité des cotisants devant le contrôle.
Le contrôle des déclarations de revenus professionnels
, qui constitue l’assiette des cotisations des non
salariés, reste lui aussi limité, en dépit de la norme minimale de 10 % imposée par la circulaire du ministre de
l’agriculture du 12 février 1991. Ce contrôle est d’ailleurs de difficulté inégale, selon qu’il s’exerce sur des
déclarations formulées par des exploitants soumis au régime du forfait, qui peuvent faire l’objet d’une
vérification administrative de cohérence entre le montant déclaré et l’avis d’imposition, ou sur celles
formulées par des exploitants soumis au régime d’imposition réel, dont la vérification nécessite au minimum
la consultation des liasses fiscales et le rapprochement avec l’administration des impôts. Calculé sur un
échantillon de treize caisses, l’ensemble des contrôles par rapprochement des services fiscaux et déplacement
sur place représentait 7,6 % des comptes en 1998, moyenne qui recouvrait des situations diverses, dues
notamment aux différentes structures d’imposition (c'est-à-dire aux différentes parts respectives du forfait et
réel), allant de 3 % dans le Doubs à 11 % dans le Haut-Rhin. La moyenne du taux de redressements
consécutifs aux contrôles était quant à elle de 27,5 %.
II - Le suivi insuffisant des procédures de recouvrement
D’une façon générale, les CODEC/COREC ont constaté dans les organismes vérifiés l’inexistence d’une
véritable stratégie de recouvrement. Les différentes procédures de recouvrement amiable et forcé examinées
ci-après sont en effet mises en oeuvre en l’absence de toute analyse de leur efficacité respective à partir de la
mesure de leurs résultats.
A - l’importance de la phase amiable
1. La lettre de rappel amiable
En cas de défaut de versement des cotisations à la date limite de paiement, l’ensemble des caisses et des
organismes GAMEX vérifiés par les COREC/CODEC procèdent à l’envoi d’une lettre de rappel amiable
(LRA). Certains organismes font suivre ou précéder l’envoi de cette lettre d’un appel téléphonique, soit
systématiquement, soit uniquement pour les primo-débiteurs. Les caisses de MSA sont également nombreuses
à faire suivre l’envoi de cette lettre d’une visite sur place par les agents de contrôle.
Calculée sur un échantillon de dix-sept caisses ayant fourni des données exploitables, la proportion des
comptes gérés par les MSA ayant fait l’objet en 1998 d’une LRA se montait à 37 % ; pour les organismes
GAMEX, ce taux était de 29 % (échantillon de neuf organismes). Ces moyennes recouvraient des pratiques
sensiblement différentes ; en particulier, dix caisses (sur les dix-sept) n’envoient pas de rappel amiable pour
les retards de paiement des cotisations sur salaires, mais ont directement recours à la mise en demeure. Calculé
sur les mêmes échantillon, le délai moyen d’envoi des LRA était de 34 jours pour les caisses de MSA et de 26
jours pour les bureaux GAMEX.
La plupart des caisses ignorent l’efficacité réelle des actions amiables qu’elles entreprennent, puisqu’elles ne
suivent pas le montant des créances soldées après envoi d’une LRA. Seules cinq des vingt-cinq caisses
vérifiées par les COREC/CODEC ont en effet été en mesure de fournir ces montants, dont le rapport au total
des créances ayant fait l’objet d’une LRA fait ressortir des taux d’efficacité variables, oscillant entre 10 et 40
%. L’efficacité des procédures paraît mieux suivie par les assureurs du GAMEX, puisque dix des quatorze
organismes vérifiés ont été en mesure de fournir le montant des créances soldées, dont il ressort un taux
d’efficacité moyen de 39 % (les extrêmes se situant à 28 % et 50 %).
2. Les échéanciers de paiement
Le rééchelonnement du versement des cotisations constitue une pratique courante des organismes vérifiés.
Ceux-ci peuvent octroyer des échéanciers de paiement soit de leur propre initiative, soit dans le cadre du
dispositif national "agriculteurs en difficulté" (échéanciers "AGRIDIF", qui ont représenté environ le tiers du
total des accords d’étalement intervenus en 1998 dans les organismes vérifiés). Calculée sur un échantillon de
dix-neuf caisses ayant fourni des données exploitables, la part des comptes exploitants agricoles à avoir fait
l’objet d’un échéancier en 1998 était de
2,6 %.
Justifié s’il permet un paiement plus rapide et plus sûr que l’engagement d’une procédure contentieuse,
l’octroi d’un échéancier ne doit cependant pas déboucher sur le soutien abusif de débiteurs chroniques ou
d’exploitants cherchant à bénéficier d’une meilleure souplesse de trésorerie, d’autant plus grande que la
remise des majorations de retard est alors systématiquement accordée. Même si les COREC/CODEC, dans le
cadre restreint de leurs vérifications, n’ont pas relevé de tels abus, il reste que les procédures d’octroi
d’échéanciers qu’ils ont recensées s’avèrent pour la plupart insuffisamment sélectives pour écarter totalement
la réalisation de ces risques. A quelques rares exceptions près, aucune caisse ne se donne en effet
véritablement les moyens d’effectuer une analyse financière au cas par cas de la solvabilité des cotisants.
B - Les procédures de recouvrement forcé
1. La mise en demeure
La mise en demeure (MED) constitue le préalable obligatoire à la mise en oeuvre des prérogatives de
puissance publique ; son envoi marque ainsi le départ de la computation des délais de prescription de l’action
en recouvrement forcé. La part des mises en demeure dans les comptes gérés par dix-huit caisses de
l’échantillon se montait à 29 %, ce qui est significatif du degré de résistance au paiement des cotisations ; pour
les bureaux GAMEX, ce taux était de 11 % (échantillon de onze organismes).
Le délai moyen séparant la date limite de paiement et l’envoi de la MED était en 1998 de 70 jours dans les
caisses (échantillon de vingt organismes), et de 56 jours dans les bureaux GAMEX (échantillon de onze
organismes). Seules six caisses ont été en mesure d’indiquer le ratio des créances faisant l’objet d’une MED
sur le montant des restes à recouvrer à l’exigibilité ; il en ressort un taux de 35 %. Il faut cependant faire état
d’une forte dispersion des résultats, puisque cette proportion se montait par exemple aux deux tiers dans le Lot
et Garonne.
Enfin, il faut relever que seules trois caisses ont été en mesure de fournir le montant des créances soldées
après envoi d’une MED, contre neuf organismes GAMEX, ce qui démontre une nouvelle fois l’absence de
suivi des procédures de recouvrement par les caisses de MSA.
2. la mise en oeuvre des prérogatives de puissance publique
En cas de retard de paiement ou de défaut de transmission des déclarations réglementaires, des
majorations et
pénalités de retard
sont signifiées. Le pouvoir d’infliger de telles sanctions financières constitue une
importante prérogative dévolue aux organismes de MSA pour accélérer et améliorer le recouvrement des
cotisations émises. Une pratique trop tolérante en matière de remise des majorations et pénalités pourrait
cependant nuire à la crédibilité de la politique de recouvrement forcé des organismes. A cet égard, si l’on
pouvait relever un risque de remise trop systématique en 1996, où, calculé sur un échantillon de dix caisses, le
taux de remise s’établissait à 41 % des majorations et pénalités émises, ce risque paraît s’être réduit en 1998,
le taux de remise étant passé sur le même échantillon à 16 %, et les COREC/CODEC notant un mouvement
général de durcissement des critères de remise. Il reste que, comme déjà mentionné ci-dessus, la plupart des
caisses remettent automatiquement les majorations de retard en cas d’échéanciers de paiement, ce qui
s’assimile à l’octroi d’un crédit gratuit dont le coût est supporté par la caisse seule, et fait disparaître l’effet
dissuasif attaché aux majorations et pénalités.
Les
contraintes
émises par les organismes de MSA et signifiées par voie d’huissier comportent, à défaut
d’opposition du débiteur, tous les effets d’un jugement. Pour un échantillon de seize caisses, elles
représentaient en 1998 environ 10 % des comptes, contre 1 % pour les assureurs du GAMEX (échantillon de
neuf organismes). Seules huit caisses ont été en mesure d’indiquer le délai s’écoulant entre la date limite de
paiement et la signification de la contrainte, et entre celle-ci et l’envoi de la MED ; il en ressort un délai
moyen de 291 jours après la date limite de paiement, et de 166 jours après la MED. Comme pour les autres
procédures de recouvrement, le suivi de l’efficacité de la contrainte n’est pas assuré de façon satisfaisante par
les caisses, ce qui est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’une importante prérogative de puissance publique
nécessitant l’intervention des huissiers. Or les relations avec ces derniers font rarement l’objet d’une politique
active de la part des caisses : seules trois caisses parmi celles vérifiées disposaient ainsi de convention ou de
cahier des charges avec les huissiers dont elles utilisent les services, et très peu ont été en mesure d’indiquer le
délai de paiement des cotisations aux huissiers après signification de la contrainte, non plus que les délais qui
s’écoulent entre la récupération des créances par l’huissier et l’inscription des sommes au crédit de la caisse,
ni
a fortiori
le coût de trésorerie qui en résulte.
Les organismes de MSA peuvent également utiliser la
procédure d’opposition à tiers détenteur (OTD
)
, qui
permet de faire opposition, à concurrence des cotisations dues, sur les fonds détenus pour le compte des
débiteurs par tous les tiers détenteurs
[39]
. A l’exception de trois organismes, toutes les caisses vérifiées par les
CODEC ont eu recours à cette procédure en 1998, alors que les bureaux GAMEX n’étaient que trois à
l’utiliser. Calculée sur un échantillon de quatorze caisses, la part des comptes exploitants agricoles ayant fait
l’objet d’une OTD se montait en 1998 à 1,6 %. Les OTD sont majoritairement adressées aux banques et aux
offices interprofessionnels, la procédure se révélant efficace dans les deux tiers des cas selon les onze caisses à
avoir communiqué des données chiffrées.
3. les procédures juridictionnelles
Les caisses de MSA et les organismes du GAMEX peuvent déférer le cotisant qui s’est mis en situation
irrégulière
devant les juridictions pénales ou civiles
. En pratique, très peu forment des recours devant les
juridictions répressives, les quelques cas recensés concernant uniquement le délit de rétention de précompte.
En matière civile, les recours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale sont très majoritairement
introduits par les cotisants eux-mêmes, principalement pour des cas d’opposition à contrainte.
Autre procédure juridictionnelle ouverte aux caisses de MSA, le
règlement amiable agricole
(art. L. 351-1 du
code rural) permet l’établissement d’un plan de règlement conclu entre l’exploitant en difficulté et ses
principaux créanciers sous l’égide d’un conciliateur désigné par le président du tribunal de grande instance.
Cette procédure, qui constitue souvent l’ultime étape avant l’assignation en redressement judiciaire, reste peu
utilisée, les CODEC ayant recensé dix caisses faisant état de 74 procédures en 1998. Là encore, le montant des
créances récupérées grâce au règlement amiable n’est qu’exceptionnellement suivi par les caisses. Enfin, dès
lors qu’il y a constatation de l’état de cessation de paiement, les organismes de MSA peuvent déclencher des
procédures de
redressement et de liquidation judiciaires
. Au niveau national, les créances dues par des
adhérents faisant l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires se montaient à 3 MdF.
SYNTHESE ET RECOMMANDATION
Les vérifications opérées par les COREC/CODEC en 1999 sur le recouvrement des cotisations sociales
agricoles font ressortir deux points principaux. D’une part, les contrôles d’assiette sont presque toujours
effectués en l’absence de toute programmation d’actions et d’objectifs quantifiés qui seraient assignés aux
contrôleurs et évalués sur la base d’indicateurs de suivi systématiquement établis. De surcroît, l’organisation
et l’exercice de ces contrôles apparaissent très disparates entre les caisses, ce qui risque d’engendrer une
inégalité de traitement entre cotisants.
D’autre part, les différentes procédures de recouvrement amiable et forcé qui sont à la disposition des
organismes de MSA sont le plus souvent mises en oeuvre indépendamment de toute analyse permettant de
déterminer et de comparer leur efficacité. Trop peu de caisses ont pu indiquer le montant des créances
soldées après utilisation de chaque procédure, le suivi paraissant mieux assuré dans les bureaux GAMEX, qui
gèrent il est vrai un nombre de comptes cotisants beaucoup plus restreint. Les organismes de MSA ne sont
donc pas en mesure d’adapter leurs actions de recouvrement amiable ou forcé – et notamment les plus
coûteuses, comme l’étalement des paiements ou l’émission d’une contrainte – en fonction du montant des
créances et de nature des débiteurs, dès lors que l’efficacité des procédures ne fait pas l’objet d’une
évaluation systématique.
Les engagements figurant dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre le régime agricole
et l’Etat pour la période 1999-2001 paraissent de nature à remédier à ces constats. Les contrats pluriannuels
de gestion des caisses de base marquent également un progrès puisqu’ils comportent des engagements
d’amélioration du recouvrement ainsi que l’adoption de plans de contrôle. Il convient désormais que le
régime se dote rapidement, sous l’impulsion de la caisse centrale, des outils de pilotage et de suivi
nécessaires, en développant notamment le suivi systématique d’indicateurs de coûts et de résultats.
RECOMMANDATION
Asssurer la mise en oeuvre et le suivi des dispositions de la COG, notamment le contrôle de l'assiette.
Réponse
[35]
Au nombre de 31, les organismes assureurs habilités (art. 1106-9 du code rural), comprennent des caisses
d’assurances mutuelles agricoles (mutualité 1900), des sociétés mutualistes ou tout autre organisme
d’assurance habilité.
[36]
La caisse de l’Eure vient de remédier à cette situation. Cf. sa réponse dans le présent rapport
[37]
Parmi lesquelles, par exemple, "les exploitants dont les déclarations de revenus présentent d’importantes
variations d’une année à l’autre, ou ceux ayant déclaré des déficits au cours des trois dernières années".
[38]
Le CPG de la caisse de MSA du Gers fixe un "objectif de contrôle trimestriel exhaustif des déclarations
de 10 % des employeurs avec pour conséquence un contrôle de l’ensemble des employeurs sur une durée de
30 mois" (réponse de la caisse au rapport du CODEC).
[39]
Malgré l’incertitude qui pouvait initialement résulter des prises de position de la Commission
européenne, les aides compensatoires versées au titre de la politique agricole commune peuvent faire l’objet
d’une opposition à tiers détenteur (CJCE, 18/05/1998,
Jensen
).
CHAPITRE X
La gestion des branches et des organismes
Les ordonnances de 1996 ont introduit de profonds changements dans la gestion des organismes de sécurité
sociale, soit tout à fait nouveaux, soit dans le prolongement d'évolutions antérieures. Ce chapitre étudie, quatre
ans après leur instauration, l'application et les conséquences effectives de deux de ces changements : la gestion
par conventions, la gestion des agents de direction.
Les relations entre l'Etat et les branches (caisses nationales) d'une part, et, au sein des branches, entre les
caisses nationales et les organismes de base d'autre part, sont désormais régies par des contrats : des
"conventions d'objectifs et de gestion" (COG), pour le premier niveau, articulées avec des "contrats
pluriannuels de gestion" (CPG) pour le second, ont été signés, pour trois ans. Ils définissent des objectifs, des
modalités d'action, des indicateurs, etc.
La Cour a examiné toutes ces conventions. Elle présente dans ce chapitre une synthèse de ses constatations, en
l'illustrant d'exemples tirés de ces conventions
Maîtrise des coûts de gestion et réduction de leurs disparités entre organismes de base, amélioration de la
qualité du service rendu aux usagers sont les deux principaux volets de ces conventions et contrats. Sur le
premier, les résultats sont assez décevants, les objectifs ayant été définis sur des bases trop élevées et étant de
ce fait trop peu contraignants et mobilisateurs. Sur le second, le jugement est plus positif, même s'il est divers :
le service (accueil, exactitude et rapidité du versement de la prestation, …) est amélioré dans certains cas, dans
certaines branches. Mais l'essentiel n'est sans doute pas dans ces conséquences directes, qu'elles soient
sensibles ou non. Il réside dans le fait que ce mode de relation entre les structures -Etat, caisse nationale,
organismes locaux- introduit des modalités de travail, des réactions, des habitudes nouvelles : celles du
diagnostic, du dialogue, de l'engagement, de l'évaluation des résultats. Les campagnes à venir des COG et
CPG devraient alors être mieux conduites, illustrant l'émergence de cette nouvelle culture.
Un peu moins de 1 % des effectifs des organismes de la sécurité sociale -soit environ 1700 personnes- sont
agents de direction : directeur de caisse, adjoint, agent comptable, sous-directeur. Ici comme dans les autres
organisations, la gestion de ce groupe d'hommes et de femmes est capitale. De leurs compétences, de leurs
qualités professionnelles dépend la réalisation des objectifs fixés dans la loi de financement de la sécurité
sociale et déclinés dans les conventions d'objectifs et de gestion. C'est pourquoi la Cour a examiné si les
conditions de recrutement et de gestion des agents de direction de la sécurité sociale garantissent les qualités
professionnelles attendues d'eux dans un contexte de plus en plus exigeant. Des réformes importantes ayant en
outre été introduites dans ce domaine par le "plan Juppé", il convenait d'étudier leur effet.
Les progrès, en particulier en matière de nomination, sont sensibles depuis les ordonnances de 1996 : une liste
d'aptitude, un comité des carrières, une responsabilité accrue des directeurs des caisses nationales dans le
choix de ces agents de direction sont de bonnes orientations, qui ont été appliquées. Reste que l'évaluation de
ces personnes est encore trop embryonnaire, et, encore plus, les conséquences qu'on en tire. L'ouverture sur
l'extérieur est également insuffisante : les agents de direction sont trop exclusivement recrutés parmi les cadres
de la sécurité sociale. Enfin, nombre d'entre eux dirigent ou sont les agents comptables de plusieurs caisses,
par exemple une CPAM et une URSSAF, ce qui pose le problème de ces petites structures. Il est nécessaire de
profiter du grand renouvellement des agents de direction, à partir de 2003-2005 pour, en les préparant avant
avec soin et détermination, apporter des évolutions sensibles sur ces différents points.
Section I :
Bilan des conventions d’objectifs et de gestion
L’ordonnance du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l’organisation de la sécurité sociale a prévu la
conclusion de conventions d’objectifs et de gestion (COG) entre l’Etat et les caisses nationales de sécurité
sociale
[190]
. L'objectif recherché, à travers une telle contractualisation, était de clarifier le partage des
responsabilités et les relations entre l’Etat et les branches ou régimes, et de progresser vers une meilleure
organisation de branche en renouvelant les rapports entre les caisses nationales et leurs organismes de base,
par la mise en oeuvre d’une démarche contractuelle du type objectifs/résultats.
Dans son rapport au Parlement de septembre 1998 sur l'application de la loi de financement de la sécurité
sociale, la Cour a déjà analysé, peu de temps après leur signature, la nature et la portée des COG conclues
avec les caisses du régime général ; elle tente cette année de dresser un bilan de l’application de l’ensemble
des COG négociées avec les caisses nationales de sécurité sociale, sur un plan méthodologique, en ce
concentrant sur le versant « caisse » (et non « Etat ») de ces conventions, ainsi qu’à travers l’analyse de deux
objectifs majeurs inscrits dans l’ensemble des COG : la maîtrise des coûts de gestion et l’amélioration de la
qualité de service.
Cette synthèse transversale est prolongée par un examen spécifique pour les deux branches famille et retraite :
prolongement direct lorsqu'est approfondie leur relation avec l'usager (chapitre suivant,
infra
, p. 439), indirect
lorsque sont étudiés les systèmes informatiques et d'information grâce auxquels elles versent leurs prestations
(chapitre XII,
infra
, p. 457).
I – Un nouvel instrument de gestion
L’introduction des conventions d’objectifs et de gestion avait pour ambition de rénover à la fois les relations
entre l’Etat et les caisses de sécurité sociale dans le cadre de l’exercice de la tutelle, et celles qui s’établissent
entre les organismes de base et les caisses nationales responsables de l’animation du réseau. Le dispositif
contractuel national devait en effet être relayé au plan local, l’ordonnance du 24 avril 1996 prévoyant que la
mise en oeuvre des conventions d’objectifs et de gestion ferait l’objet de contrat pluriannuels de gestion (CPG)
conclus entre les caisses nationales et leurs caisses locales
A - Les relations entre l’Etat et les branches
La négociation des conventions d’objectifs et de gestion entre l’Etat et les caisses nationales de sécurité
sociale a permis, dans la majorité des cas, une clarification des responsabilités entre les partenaires, exercice
jusqu’alors peu pratiqué et jamais formalisé. Cet effort n’a cependant pas toujours permis de tracer une ligne
de partage claire et incontestée, principalement dans le cas de l’assurance maladie, où l’exercice était
particulièrement délicat, ce qui a laissé subsister des champs de responsabilité conjointe nombreux et étendus.
Dès la première année d’exécution de la convention, le conseil de surveillance chargé d’examiner les
conditions de mise en oeuvre de la COG dressait le constat d’une persistante confusion des responsabilités et
appelait de ses voeux une "nécessaire clarification". Les débats suscités par le plan stratégique présenté par la
CNAMTS à l’été 1999 ont à nouveau illustré la nécessité d’une répartition plus précise des compétences, que
la loi de financement pour 2000 a tenté d’opérer dans des conditions qui devront être évaluées.
Les relations entre l’Etat et les caisses de sécurité sociale devaient également être renouvelées par l’évolution
vers un "exercice plus stratégique de la tutelle", comme le stipule la COG de la MSA. Les modalités
traditionnelles d’exercice
a priori
de la tutelle, dont le principe a été maintenu, ont fait l’objet
d’assouplissements. Publiée tardivement au regard des engagements souscrits par l’Etat dans les COG, la
circulaire du 17 décembre 1998
[191]
a ainsi allégé la tutelle budgétaire et financière qui s’exerce sur les caisses
nationales du régime général, établissements publics à caractère administratif, en facilitant notamment les
virements de crédits et en fixant les états limitatifs des effectifs en équivalents temps plein et non plus en
postes budgétaires.
A l’échelon territorial, la circulaire du 28 mai 1997 relative aux missions des DRASS dans le domaine de la
protection sociale a organisé le recentrage des différents contrôles effectués par ces dernières sur les
organismes de sécurité sociale autour du "pôle fédérateur" de l’évaluation des COG. Cette réorientation, qui a
laissé subsister le contrôle de légalité
a priori
, s’est traduite par l’introduction d’une plus grande sélectivité
dans certains types de contrôle, comme celui des décisions de recours amiable, ou par un allégement de
certaines procédures (agrément, consultations électorales…). En revanche, l’accent a été mis sur l’évaluation
a
posteriori
de l’efficacité et des résultats des organismes de sécurité sociale, notamment à travers le bilan
d’exécution des COG de la CNAF et de la CNAMTS à l’échelon local. Cette évaluation, qui n’a pour l’instant
été conduite de manière exhaustive que pour les branches famille et maladie du régime général, doit donner
lieu à une synthèse nationale dont il conviendra de tenir compte pour l’élaboration de la prochaine COG.
B - Les relations entre caisse nationale et organismes locaux
Symétriquement, les relations entre les caisses nationales et leurs organismes de base ont été formalisées dans
des contrats pluriannuels de gestion déclinant en objectifs opérationnels les orientations de la COG. Si la
dynamique insufflée par ce processus de contractualisation paraît indéniablement positive, dans la mesure où
elle a permis aux caisses nationales d’asseoir plus fermement leur position de tête de réseau et d’approfondir
leur connaissance de ce dernier, elle reste encore modeste, au moins pour deux raisons.
D’une part, dans la plupart des branches, les CPG entre les organismes de base et la caisse nationale ont été
conclus sur la base d’une convention-type
[192]
ne ménageant que peu d’espace aux négociateurs pour tenir
compte des spécificités locales : l’évaluation des CPG des CPAM menée à l’été 1999 par les DRASS fait ainsi
ressortir la déception des caisses primaires devant une démarche dont le principe reste jugé favorablement
mais dont la pratique s’est réduite à un contrat d’adhésion imposé et uniforme. De même, dans la branche
famille, le socle de service institutionnel qui a servi de base à l’élaboration des CPG n’a que rarement été
modulé en fonction des spécificités locales, et toujours afin d’en atténuer le degré d’exigence à cause d’un
environnement jugé délicat. D’une façon générale, à l’exception de l’ACOSS, il faut relever d’ailleurs relever
l’insuffisance des diagnostics préalables sur la situation des caisses, qui auraient sans doute permis une
meilleure adaptation des contrats aux spécificités locales et une plus grande personnalisation des engagements
souscrits par les caisses. Pour les branches et régimes dont le réseau est important, il est cependant illusoire de
prétendre conclure des contrats personnalisés avec l’ensemble des organismes. Deux instruments contractuels
pourraient dès lors être distingués : l’un fixant les objectifs découlant de la COG et donc homogènes pour
l’ensemble des organismes de la branche, assortis d’indicateurs de résultats ; et l’autre plus personnalisé, qui
serait fondé sur un diagnostic approfondi et chercherait à remédier aux principales difficultés des organismes,
distinguant en particulier plusieurs catégories : caisses les plus chères ou les plus grandes, caisses confrontées
à une importante modification de situation ou à un changement de direction,…
D’autre part, indépendamment de la pertinence, du volontarisme ou de la timidité des objectifs fixés et de la
qualité des indicateurs de suivi mis en place, questions qui seront évoquées aux points suivants à propos de la
qualité de service et de la maîtrise des coûts de gestion, il faut constater que les mécanismes d’incitation à
l’atteinte des objectifs figurant dans les COG n’ont pas été mis en oeuvre. Deux éléments devaient concourir à
cette incitation : l’intéressement des personnels et la réattribution des excédents de gestion aux organismes de
base. Les COG des quatre caisses du régime général comportaient ainsi des stipulations similaires où elles
s’engageaient, en association avec l’Etat et l’UCANSS, à étudier la possibilité d’un intéressement des
personnels à l’atteinte des objectifs ; dans les faits, cette réflexion n’a pas véritablement débouché. En
revanche, les régimes des non salariés, CANAM et ORGANIC, ont davantage progressé sur le sujet. La
CANAM a par exemple négocié un contrat d’intéressement entré en vigueur au 1
er
janvier 1999 pour la
période 1999-2001. L’enveloppe nationale d’intéressement, calculée par application d’un coefficient de
performance nationale dans la limite de 2 % de la masse salariale, est répartie entre les caisses en fonction de
leurs résultats
[193]
, une prime d’un même montant étant distribuée à chaque agent. Les primes moyennes se
sont ainsi montées à 3 923,27 F en 1998 et à 2 762 F en 1999, année pour laquelle une diminution du taux de
réalisation des objectifs a été constatée. Il est encore difficile d’évaluer à ce stade les effets incitatifs de ce
dispositif ; on peut cependant relever que si, sur les deux dernières années, l’écart entre la prime la plus basse
et la plus haute est de 1 à 5, le système permet l’attribution de primes à l’ensemble des caisses, quels que
soient les résultats affichés.
Quant aux dispositifs de rétrocession des excédents de gestion en fonction des performances des caisses, ceux
qui ont été mis en place ne sauraient constituer de levier réellement incitateur, dans la mesure où le principe
qui continue à prévaloir est, sauf exception, celui de l’automaticité. Outre la mutualisation au niveau de la
branche de la fraction des excédents supérieure à 5 % du crédit de référence, utilisée pour financer diverses
dépenses d’intérêt commun, la COG de la CNAF a ainsi prévu de conditionner le reversement de 50 % du
montant restant à l’atteinte des objectifs. Or au titre de 1997, l’objectif de référence était le paiement au 5 du
mois, engagement en pratique tenu par l’ensemble des caisses qui ont donc toutes obtenu le report intégral de
leurs excédents. Au titre de 1998, deux engagements supplémentaires –traitement des dossiers dans un délai
de trois semaines et envoi quadrimestriel d’une revue d’information générale aux allocataires– ont été pris en
compte ; leur combinaison aboutissant à écarter du bénéfice du report 46 caisses, c’est sur la base des
engagements pris par les caisses pour atteindre ces objectifs –et en pratique sur la seule présentation des
mesures correspondantes par les caisses elles-mêmes– et non pas sur le degré effectif d’atteinte des objectifs,
que la CNAF a procédé à la restitution intégrale des excédents. Une telle pratique vide naturellement le
dispositif de toute valeur incitative.
Dans la branche maladie, le droit au report est automatique à hauteur de 70 % des crédits non consommés,
sauf pour les excédents dégagés sur les frais de personnel dont seul le tiers est reporté. Les fractions non
reportées sont mutualisées au niveau de la branche où elles constituent une enveloppe affectée, aux termes de
l’annexe financière de la COG, "à renforcer les moyens des caisses et à mettre en oeuvre une politique
d’intéressement". Les principes de redistribution n’ayant pas été définis, cette enveloppe a jusqu’à présent été
utilisée uniquement pour financer des embauches à durée déterminée liées à la montée en charge de SESAM
VITALE.
II – L'encadrement des coûts de gestion
Pour assurer la rigueur de la gestion administrative, les COG des différentes caisses nationales encadrent
l’évolution pluriannuelle des budgets des fonds de gestion administrative et comportent des engagements de
réduction des écarts de coût entre organismes de base.
a - L’enveloppe globale des fonds de gestion administrative
Dans son rapport au Parlement de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la sécurité
sociale, la Cour avait déjà relevé le surdimensionnement du budget de la branche maladie du régime général
manifesté par l’important cumul des excédents de gestion reportés d’un exercice à l’autre. Ce phénomène
n’est pas propre à la CNAMTS. La pluriannualisation des moyens, antérieure aux COG puisqu’elle remonte
selon les organismes considérés à la fin des années 80 ou au début des années 90
[194]
, ne s’est pas
accompagnée de la mise en place d’une procédure budgétaire contradictoire avec les tutelles suffisamment
efficace pour garantir l’adéquation des dotations aux besoins des branches. Aucune analyse approfondie des
évolutions de charge et des gains de productivité attendus dans les différents régimes ou branches n’a
d’ailleurs été effectuée préalablement à la négociation des COG.
Dans ces conditions, c’est à partir d’un cadrage global de stabilisation voire de légère décrue des effectifs que
la détermination des budgets pluriannuels des fonds nationaux de gestion administrative s’est opérée, par
reconduction des enveloppes antérieures, affectées d’abattements plus ou moins importants mais toujours
insuffisants pour procéder à un réel "rebasage". Ainsi, pour la branche maladie du régime général, la base de
référence du budget pluriannuel 1997-1999 a-t-elle été constituée par le budget ouvert pour 1996, et non par
l’exécution budgétaire de l’exercice : déjà critiquable dans le principe, ce choix restait acceptable dans la
mesure où le budget 1996 avait fait l’objet d’importants abattements dans le cadre des économies incluses
dans le "plan Juppé". Le report au budget 1997 de la quasi intégralité du montant cumulé des crédits non
consommés des exercices antérieurs
[195]
a toutefois invalidé cette relative rigueur. La modération des taux de
progression appliqués aux différentes catégories de dépenses
[196]
a dès lors été impuissante à compenser la
surestimation de la base et à enrayer le mécanisme cumulatif des reports d’excédents. L’effet "boule de neige"
du cumul s’est même amplifié sur la période, puisque dès 1997, le total des crédits non consommés au titre de
l’exercice et reportés au budget 1998 s’établissait à 2 MdF, notamment du fait des décalages dans la montée
en charge de SESAM Vitale, et atteignaient 2,9 MdF en 1998, reportés au budget 1999, soit 8,7 % du budget
initial pour 1999.
Dans la branche famille, la base de référence du budget pluriannuel du fonds national de gestion
administrative déterminé par la COG a correspondu aux dépenses exécutées de l’exercice 1996 majorées de 1
% et auxquelles s’est ajouté, comme dans le cas de la branche maladie, le report des crédits non consommés
de 1996. Au total, l’écart entre le budget rectifié de 1997 et le budget exécuté de 1996 s’est ainsi établi à 7,7
%. Là encore, malgré l’application de taux d’évolution décroissants –2,2 % de 1997 à 1998, 1,6 % de 1998 à
1999 et 1,1 % de 1999 à 2000–, la marge budgétaire laissée à la branche est restée importante, ce que
manifestent la faiblesse des taux d’exécution des dépenses et l’élévation du montant des excédents cumulés
(440,2 MF en 1997, soit 6,0 % du budget initial ; 706,1 MF en 1998 soit 9,3 % du budget ; et 857 MF en 1999,
soit 11,1 % du budget).
La situation est similaire pour la CANAM. S’agissant des frais de personnel, la base de référence retenue pour
le plan budgétaire pluriannuel 1998-2001 annexé à la COG est supérieure de 6,1 % à l’exécution budgétaire
pour 1997, cette enveloppe étant ensuite actualisée annuellement par application d’un taux de 1,76 %. Quant
aux autres dépenses de fonctionnement, leur base de référence, maintenue en francs courants chaque année
d’application de la convention, a été fixée à un niveau supérieur de 2,5 % à l’exécution budgétaire 1997.
b - l’attribution des dotations aux organismes
L’insuffisante rigueur observée dans la détermination de l’enveloppe globale se retrouve, malgré les
engagements des COG en matière de maîtrise des coûts, dans la détermination des budgets des caisses
nationales et des organismes de base que financent les fonds nationaux de gestion administrative.
1. Les budgets des caisses nationales
Les budgets des caisses nationales sont le plus souvent surestimés par rapport à leurs besoins. Manifesté
depuis plusieurs années par la faiblesse récurrente des taux d’exécution de dépenses enregistrés par la plupart
des établissements publics, ce phénomène n’a que partiellement été corrigé lors de la négociation des COG. Si
les taux d’évolution retenus dans les annexes financières aux COG déterminant de manière pluriannuelle le
budget des caisses nationales paraissent modérés, il faut là encore déplorer l’insuffisance du "rebasage"
préalable, laissant subsister une importante surestimation des dotations. Le taux d’exécution budgétaire de la
CNAMTS par exemple, qui était de 80,8 % en 1996, est resté à un niveau de 76,1 % en 1998 et de 84,5 % en
1999. Celui de la CNAF a été de 82,4 % en 1997 et de 80,2 % en 1998.
Le protocole budgétaire associé à la COG de l’ACOSS a également laissé à l’Agence une marge financière
importante et peu justifiée. Alors que la base de référence pour les exercices 1998 à 2001 devait être
constituée par les dépenses exécutées en 1997, la négociation budgétaire entre les tutelles et l’ACOSS a en fait
été menée sur la base d’une projection de celles-ci, à hauteur de 285,6 MF, soit plus de 13 % par rapport aux
dépenses effectivement réalisées en 1997. Déjà majorés du coût en année pleine des mesures nouvelles
acquises en 1997 (+4,8 MF), les frais de personnel ont en effet été surestimés de 11 MF, le taux d’exécution
prévisionnel retenu étant de 97 %, contre un taux effectif de 92,8 %, et ce alors que la moyenne des deux
années précédentes était de 91,4 %. Quant aux autres dépenses de fonctionnement, elles ont été augmentées
d’un virement de crédits de 13,6 MF en provenance du fonds national de gestion administrative qui est venu
abonder un poste "études" déjà excédentaire budgétairement. Au total, le budget 1998 de l’ACOSS a
enregistré en dépenses de fonctionnement une hausse de 15,5 % par rapport aux dépenses exécutées en 1997,
niveau de croissance très supérieur aux besoins, puisque seulement 88 % des crédits ouverts en 1998 ont été
consommés.
2. les budgets des caisses locales
La maîtrise des dépenses de gestion administrative impose également de réduire les écarts de coûts parfois
importants constatés entre les organismes de base. Cet exercice reste difficile à cause de la rigidité des
dépenses de personnel – qui constituent plus de 75 % des frais de fonctionnement des caisses – et de
l’inexistence de mécanismes de préretraite sélectifs permettant une gestion plus active du turn over
spontané
[197]
. Dans son rapport de septembre 1999, la Cour avait déjà relevé les résultats décevants enregistrés
par la CNAMTS dans la mise en oeuvre pourtant ancienne de sa politique de réduction des écarts de coût
constatés entre les CPAM. Avec des nuances, le même constat peut être porté pour les autres branches et
régimes.
La COG de la branche famille ne comporte pas d’engagement de réduction des écarts de coût entre les CAF,
dans la mesure où il a été considéré que l’objectif avait déjà été atteint au moment de la signature de la
convention. La CNAF a en effet mis en place depuis 1988 un système de paramétrage des dotations attribuées
aux CAF destiné à réduire les disparités de moyens existant entre elles en tenant compte de leur charge de
travail
[198]
, qui a permis de ramener le coefficient d’écart entre la première et la 118
ème
caisse de 2,34 en 1988
à 1,53 en 1998, l’écart entre le coût moyen des dix premières caisses et celui des dix dernières étant ramené de
1,49 à 1,35. Il faut cependant observer que si cette réduction des écarts s’est opérée par abaissement du coût
des caisses les moins bien positionnées, les CAF de la région parisienne voyant leur coût moyen baisser de 16
% entre 1987 et 1994, elle a aussi été obtenue par accroissement des dotations des caisses les plus
performantes, puisque sur la même période le coût des dix CAF les moins onéreuses s’est élevé de 9,4 % ; le
coût moyen des caisses de petite dimension (moins de 3000 allocataires) s’est par ailleurs aggravé de 11,6 %.
Les efforts de gestion globaux consentis au niveau de la branche ont été néanmoins été sensibles, le coût
moyen des 125 CAF décroissant de 1,7 % en francs courants entre 1987 et 1994.
La COG de la MSA reprend également le dispositif de réduction des écarts mis en place dans le régime
agricole à partir de 1994. Les dotations allouées aux caisses sont paramétrées en fonction d’"unités de charges
de gestion" mesurant les activités des organismes et le coût moyen national de ces activités, qui sont au
nombre de cinq : prestations maladie, vieillesse, familiales et recouvrement des cotisations sur salaires et des
cotisations non salariés. A ces activités correspondent cinq enveloppes au sein du fonds national de gestion
administrative, qui sont ventilées entre les caisses au prorata de leurs indicateurs
[199]
. Il en résulte que seules
les caisses dont le coût de gestion se situe dans la moyenne nationale parviennent à équilibrer leur budget de
gestion administrative, tandis que celles dont le coût de gestion est supérieur se trouvent en déséquilibre. Ces
dernières bénéficient alors d’une dotation complémentaire dégressive accordée sous réserve de la mise en
place, après diagnostic économique et comptable établi par les services de la CCMSA, d’un plan de
redressement. Rendu notamment possible par le contexte de décrue de la population couverte ainsi que par la
souplesse due à l’existence de réserves financières dans de nombreuses caisses
[200]
, qui leur permettent de faire
face à des situations "déficitaires", ce système, qui apparaît contraignant pour les caisses les plus coûteuses,
n’a toutefois pas donné pour l’instant de résultats significatifs. Sur les 42 caisses présentant en 1994 un coût
de gestion supérieur à la moyenne nationale, seules 9 étaient parvenues à égaliser ce coût avec la moyenne en
1998, alors que douze caisses accusant déjà un surcoût en 1994 ont vu leur écart à la moyenne se creuser sur la
période.
Le dispositif mis en place par la CANAM, qui se fixe le même objectif d’harmonisation et de maîtrise des
coûts de fonctionnement, n’est pas non plus exempt de critiques. Les contrats conclus en application de la
COG avec chacune des 31 caisses régionales comportent une annexe déterminant l’évolution cible du coût
moyen par assuré de la caisse, qui doit tendre vers le coût médian de la catégorie à laquelle elle appartient.
Quatre catégories ont ainsi été distinguées parmi les caisses : une catégorie exceptionnelle qui comprend les
six caisses mutuelles régionales (CMR) les plus importantes, une 1
ère
catégorie (sept CMR), une 2
ème
catégorie
(quatre CMR) et une 3
ème
catégorie (neuf CMR) auxquelles s’ajoutent les caisses de La Batellerie et de Paris-
Commerçants ainsi que celles de Corse, Antilles-Guyane et Réunion. Ce système appelle plusieurs
observations. Le coût de référence utilisé ne revêt en effet guère de signification. D’une part son mode de
calcul exclut les dépenses de personnel, les amortissements, les loyers et les actions innovantes. D’autre part,
la précision d’un coût médian calculé sur un échantillon ne comprenant qu’un petit nombre de caisses paraît
faible, de sorte que la pertinence de son utilisation comme référence, même théorique, dans une démarche
d’harmonisation des coûts est discutable. Enfin, il faut relever une certaine perversion dans la logique de
réduction des écarts mise en oeuvre par la CANAM, dans la mesure où, si de réels efforts paraissent attendus
des CMR ayant les coûts de fonctionnement les plus élevés (à l’exception de la Corse et des Antilles-Guyane),
l’harmonisation peut également être recherchée par l’augmentation des coûts des caisses les moins chères
(caisses professions libérales des Pays de la Loire, d’Ile-de- France ou du Centre par exemple).
III - Les engagements d’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers
L’ensemble des COG comportaient, de façon novatrice, des engagements souscrits par les caisses nationales
en matière d’amélioration de la qualité du service rendu aux assurés sociaux – prestataires ou cotisants. La
mise en oeuvre de cette "démarche qualité" restait tributaire de son appropriation par les organismes de base,
elle-même dépendante de la pertinence et de l’ambition des objectifs assignés ainsi que de la qualité des
indicateurs de suivi associés.
a - Le service rendu aux allocataires
1. Le versement des prestations
Les domaines sur lesquels les caisses qui servent des prestations à leurs assurés se sont engagées à garantir un
meilleur niveau de service correspondent à deux grands objectifs, la qualité de la liquidation et du paiement, et
celle de l’accueil de l’usager. Les engagements souscrits à ce titre figurent en général dans la COG, comme
pour la CNAV, la MSA et la CANCAVA ou encore la CNAF, dont le "socle de service institutionnel" est
inclus à la COG, mais ont également pu faire l’objet d’avenants, comme pour la branche maladie qui a défini
et regroupé ses objectifs dans une "charte de la qualité de service" adoptée en janvier 1998 par le conseil
d’administration de la CNAMTS, et dont les indicateurs de suivi ont été annexés à la COG par l’avenant n° 1
du 2 juin 1998, avec un léger retard par rapport au calendrier initialement prévu par la COG. Dans le cas de
l’ORGANIC, la "charte commune d’engagements sur la qualité des relations avec l’adhérent" qui devait être
adoptée aux termes de la COG en 1998, n’a été mise en oeuvre qu’au 1
er
février 2000.
La liquidation et le paiement des prestations
Les engagements relatifs à la qualité de la liquidation et du paiement portent, en plus de l’engagement général
d’amélioration du contrôle interne, sur les délais de traitement des dossiers et de virement des paiements. A
cet égard, la pertinence des objectifs, leur niveau d’exigence ainsi que la fiabilité des indicateurs associés sont
variables dans les différents régimes. Certains des objectifs que s’est fixé la CNAV restent par exemple
modestes. Afin de garantir la continuité des ressources de l’assuré au moment de son passage à la retraite, elle
s’est ainsi engagée à réduire à 20 % le taux de retraites en "droits propres" attribuées dans un délai supérieur à
un mois après la date d’effet. Alors que la situation de départ s’établissait à 25 % en 1996, la réalisation de
l’objectif était dépassée dès 1999, avec un taux de 18,9 %. Pour les attributions "droits dérivés", l’engagement
consistait seulement à maintenir le délai de traitement en-dessous de 40 jours, situation acquise dès 1996 – où
le délai moyen national était de 38 jours –, de sorte qu’en 1999 l’objectif était amplement dépassé – 33 jours
de moyenne nationale –, les caisses les moins performantes se situant en fait au niveau de départ de 38 jours.
La timidité de ces objectifs fait ainsi douter de leur caractère réellement mobilisateur pour le réseau. De plus,
il faut noter que la qualité de la liquidation est conditionnée, aussi bien pour la date de versement que pour
l’exactitude du montant de la pension, par la qualité des étapes de "préliquidation"
[201]
. A cet égard, la CNAV
s’est fixé une ambition plus grande en matière de régularisations du compte des assurés âgés de 55 à 59 ans,
qui reste loin d’être satisfaite : alors que l’objectif était de porter en 2000 le volume des régularisations
complètes à 80 % de la moyenne annuelle des attributions droits propres, ce taux n’était que de 69,8 % en
1999, pour un objectif intermédiaire de 75 %.
L’objectif d’amélioration des délais de liquidation des pensions retenu par la CANCAVA paraît à la fois plus
ambitieux et plus pertinent. Il consiste en effet à liquider sans délai les dossiers de droits directs et à réduire à
12 jours le paiement des pensions de réversion, la mesure étant effectuée entre la date d’exigibilité du droit et
celle du paiement, et non comme pour la CNAV entre la date d’exigibilité et celle du traitement du dossier, ce
qui permet d’éviter les différences d’approche entre les caisses de base pour déterminer le moment où le
traitement du dossier est achevé. Les premiers résultats sont encourageants puisque les objectifs intermédiaires
pour 1998 ont été atteints : le taux de dossiers liquidés sans délai a atteint 93,6 %, pour un objectif fixé à 93,5
%, et le délai moyen de règlement des pensions de réversion est passé à 18 jours, en diminution de quatre
jours par rapport à 1997, l’objectif intermédiaire étant de 19 jours.
Dans la branche famille, le socle institutionnel prévoyait en matière de versement des prestations douze
objectifs. Leur pertinence et leur suivi s’avèrent contestables pour au moins trois d’entre eux. L’objectif
central de prise en compte des demandes dans un délai de trois semaines présente ainsi le double inconvénient
de mêler des prestations de nature différente, entre lesquelles les CAF sont souvent légitimement amenées à
établir une hiérarchie
[202]
, et de ne pas mesurer le délai de règlement de l’allocataire à partir du moment où son
dossier est complet. Au demeurant, la mesure des délais de traitement est effectuée de façon hétérogène entre
les CAF, et parfois dans des conditions peu fiables, de sorte que le suivi de cet objectif ne peut être réellement
assuré. De même, l’objectif de prévention des ruptures de paiement en cas de mutation ne fait pas l’objet d’un
suivi rigoureux de la part des CAF, empêchant de porter un jugement sur cet aspect décisif de la qualité de
service. Quant au virement des prestations dues au titre du mois, le cinq du mois suivant, objectif atteint
depuis longtemps par la majorité des CAF au moment de la signature de la COG, et correspondant par surcroît
à une obligation réglementaire, les raisons de son inscription dans le socle de service n’apparaissent pas. Une
même date de virement peut en effet recouvrir des dates de bouclage différentes, alors que ce sont bien ces
dates de bouclage qui conditionnent la prise en compte, dans le paiement du mois, des derniers changements
intervenus dans la situation des assurés. Les indicateurs les plus opératoires pour juger de la qualité du service
rendu à l’usager et de la performance de la caisse sont d’une part le suivi de la date de bouclage mensuel de la
gestion, ainsi que le "taux d’événements" qui y sont incorporés, d’autre part le respect par la caisse de la
planification de ces traitements (engagement désormais suivi au titre du code institutionnel).
Dans la branche maladie du régime général, les principaux objectifs portaient sur les soldes de fin de mois et
le délai de virement à l’établissement bancaire. La situation à la signature des CPG était un solde moyen de
4,1 jours
[203]
, et l’objectif était d’abaisser ce volume à trois jours en 1999. En fait, après une amélioration en
1998 où le solde est passé à 3,6 jours, c’est une aggravation des résultats qui s’est produite en 1999, le solde se
creusant à 4,3 jours, notamment du fait de la montée en charge du logiciel de liquidation PPNA. Les résultats
intermédiaires au 30 juin 2000 indiquent cependant un redressement, nonobstant la mise en place de la CMU,
le solde
s’établissant à 3,7 jours. Quant au délai de virement à l’établissement bancaire, l’objectif minimum
figurant dans la charte qualité de service était de 9 jours, et celui résultant de la moyenne des engagements
souscrits par les CPAM était de 8,4 jours, 44 % des CPAM s’engageant sur un objectif inférieur à 9 jours. En
1999, l’objectif de référence était dépassé, puisque la moyenne des indicateurs locaux s’établissait à 8,7 jours ;
ce dépassement de l’objectif, acquis pour 68 % des caisses, recouvrait cependant des écarts importants puisque
les soldes extrêmes se situaient entre 0,5 et 17 jours. Il faut préciser par ailleurs que ce mode de mesure, qui
repose sur un système déclaratif, ne rend pas compte des variations infra-annuelles.
L’accueil des usagers
L’amélioration de la qualité de l’accueil est un objectif figurant principalement dans les COG des branches
famille et maladie, dont les organismes accueillent un public important. Ainsi le socle institutionnel de service
de la branche famille définit-il des normes minimales, à la fois qualitatives et quantitatives, en matière
d’accueil physique ou téléphonique, en prévoyant que tout allocataire puisse bénéficier après un délai d’attente
inférieur à 30 minutes, d’un accueil personnalisé débouchant sur une réponse complète à sa demande. Le seul
indicateur suivi concerne cependant le délai d’attente, qui peut rapidement entrer en contradiction avec
l’objectif qualitatif de traitement personnalisé et intégral. En 1998, ce temps d’attente inférieur à 30 minutes
n’était garanti pour 90 % des visites que dans 43 % des CAF. Il faut par ailleurs relever que les motifs de
déplacements et de demande de contacts sont rarement analysés par les caisses afin de définir des plans
d’action adaptés, et alors même que le nombre de personnes reçues dans l’ensemble des lieux d’accueil des
CAF a sensiblement progressé. Quant à l’accueil téléphonique, alors même que la convention ne paraissait pas
fixer des objectifs très ambitieux – amplitude minimale d’ouverture de 25 heures hebdomadaires avec un taux
d’efficacité, c'est-à-dire la proportions d'appels ne sonnant pas dans le vide ou ne tombant pas sur un standard
occupé, de 70 % –, la situation est mauvaise et s'est même plutôt dégradée : en 1997, l’amplitude moyenne
d’ouverture s’établissait à 24,1 heures, 54 caisses satisfaisant aux critères et 71 se situant en deçà du seuil ; en
1998, les caisses atteignant l’objectif n’étaient plus que 51, 74 se situant en deçà du seuil. Même si cette
dégradation peut être en partie attribuée aux difficultés liées à la mise en place du logiciel de liquidation
CRISTAL, elle accentue une situation déjà insatisfaisante à laquelle la branche devra porter remède
[204]
.
Dans la branche maladie, des engagements similaires ont été pris, portant sur l’amplitude des horaires
d’ouverture au public et d’accueil téléphonique et sur le temps d’attente à l’accueil. Afin de rendre homogène
le suivi des indicateurs établis par l’avenant n° 1 à la COG, la CNAMTS a diffusé une méthodologie de
mesure (tableaux de bord comportant une batterie d’indicateurs et préconisant une enquête de satisfaction
auprès des assurés), notable progrès par rapport à la situation antérieure marquée par l’absence de remontée de
données au niveau national, mais qui repose toutefois sur un système déclaratif et parfois ancien
[205]
.
L’objectif d’amplitude d’ouverture au public résultant de la moyenne des engagements des CPAM était ainsi
de 42 heures hebdomadaires pour 1999, ; à partir d’une situation de référence moyenne de 40 heures en 1997 :
c’est une légère dégradation des performances des CPAM qui a été enregistrée en 1999, la moyenne des
indicateurs internes des CPAM s’établissant à 39h23 mn. L’amplitude de l’accueil téléphonique, pour laquelle
situation de départ et objectif étaient les mêmes que pour l’ouverture au public, s’est en revanche élargie à
41h25 mn en moyenne, soit un peu moins que l’objectif de 42 heures. Enfin, s’agissant du temps d’attente à
l’accueil, la charte qualité de service prévoyait qu’il ne devait pas excéder 30 minutes ; les CPAM se sont
engagées dans leur CPG à améliorer leur temps d’attente décliné en deux objectifs : réduction du délai moyen
du dernier décile, et diminution du délai médian – la moyenne des engagements sur ce point aboutissant à
l’objectif de le faire passer de 30 minutes à 20 minutes. Selon la moyenne des indicateurs locaux pour 1999,
cet objectif est très largement atteint, puisque le temps médian s’établit à 6 minutes, l’attente maximum étant
en moyenne de 21,3 minutes.
2. L’accès aux droits
Les orientations des COG et leur déclinaison en objectifs opérationnels dans les CPG contiennent peu
d’engagements relatifs à l’accès aux droits, qui constitue pourtant une dimension déterminante de la qualité de
service. Cet aspect n’est en général abordé que sous l’angle de l’amélioration de l’information dispensée aux
allocataires, mais jamais sous celui, pourtant plus décisif encore, de la prospection des personnes qui
satisferaient aux conditions d’octroi des prestations sans faire valoir leurs droits.
Ainsi la branche famille, qui est la plus spécifiquement concernée par la problématique de l’accès aux droits,
s’est-elle fixé dans son socle de service institutionnel l’ambition de distribuer trois fois par an à chaque
allocataire un support d’information générale portant sur les droits et services des CAF. Pour atteindre cet
objectif, la plupart des caisses ont élargi à l’ensemble des allocataires la diffusion de revues adressées jusqu’à
présent aux seules familles, sans d’ailleurs toujours se poser la question de l’adaptation de ce type de
communication, conçue d'abord pour les familles
[206]
, aux allocataires en difficulté et aux célibataires.
Au-delà de ces mesures de communication à l’égard de la population déjà bénéficiaire, la COG ne comporte
pas d’orientation en matière de prospection des titulaires de droits non honorés. Aucune analyse de l’ampleur
et des causes de la non perception des prestations et des demandes tardives n’est d’ailleurs prévue, alors que
les CAF disposent des moyens de procéder à des enquêtes périodiques et par échantillon sur ce type de
phénomènes. En 1982, une étude sur l’allocation de logement avait par exemple été menée dans l’ensemble
des caisses et avait révélé une situation étendue de non perception, 10 % des ménages ne percevant pas
l’AL/APL à laquelle ils avaient droit. Fin 1999, à la demande de la Cour, la caisse du Havre a conduit la
même enquête, dont les premiers résultats montrent que la part de non perception dans la circonscription de la
caisse est comprise entre 2,8 % et 4,6 %, même s’il faut émettre la réserve que l’étude a porté sur les
allocataires présents au fichier de la caisse, et qu’il est possible que le taux de non perception soit plus élevé
chez les ménages ne percevant aucune autre prestation de la CAF
[207]
. Quoi qu’il en soit, alors que cette
amélioration paraît résider en partie dans la généralisation du versement de l’APL en tiers payant, la part
exacte de la contribution de ce facteur à la réduction de la non perception ne peut être cernée en l’absence
d’études similaires menées dans un nombre suffisant de caisses, dont les pratiques en matière de tiers payant
pour l’APL sont très diverses. Une telle incertitude empêche dès lors de préconiser les mesures adaptées.
Il conviendrait donc que les CAF entreprennent périodiquement des opérations permettant sur échantillon
d’évaluer les phénomènes de non perception ou de demandes tardives, et mènent, à partir des contrôles
aléatoires de situation des allocataires, une analyse des rappels. L’élaboration d’une typologie des allocataires
pour lesquels une demande tardive ou des renseignements provenant de tiers entraînent des rappels
significatifs permettrait sans doute d’étudier des procédures propres à en prévenir l’apparition. Même s’il est
trop tôt pour en tirer un bilan, il faut mentionner que la MSA a pour sa part installé en juin 1998 un groupe de
travail chargé de réfléchir sur les modalités de détection des populations fragilisées ou en situation de
précarité, qui a débouché fin 1999 sur l’établissement de catégories-cibles et la proposition d’un renforcement
des actions de prospection, chaque caisse devant dresser annuellement un bilan de sa politique de détection et
de ses résultats.
De même, pour les retraites, le développement d’études sur les demandes tardives de pensions de réversion
paraît souhaitable, notamment dans deux directions. Dans la mesure où les critères d’âge et de ressources
retenus par les régimes de base sont plus restrictifs que ceux de l’ARRCO et de l’AGIRC, il faudrait en
particulier s’assurer que ce décalage n’amène pas les veufs, par méconnaissance de la réglementation, à
différer la demande de pension de réversion qu’ils adressent aux régimes complémentaires. Par ailleurs,
l’arrivée à l’âge du décès de générations qui ont un taux de divorce élevé va multiplier le nombre de partages
de la pension de réversion entre veufs et ex-conjoints divorcés, puis, le moment venu, d’abondement des
pensions des attributaires au décès de l’un d’eux : des études devraient être menées pour vérifier que les
intéressés font correctement valoir leurs droits.
B. Les relations avec les usagers redevables de cotisations et contributions
L’ensemble des COG des organismes chargés de prélever les cotisations des assurés sociaux comportent des
engagements d’amélioration de l’information des cotisants et d’accroissement des performances de
recouvrement.
1. Le recouvrement des cotisations
Le thème du recouvrement a été étudié en détail pour les cotisations des non salariés non agricoles et des
exploitants et salariés agricoles au chapitre I consacré aux recettes de la sécurité sociale. Indépendamment des
problèmes posés par la pertinence et la fiabilité des indicateurs de recouvrement mis en place, seule sera
mentionnée ici la disparité des niveaux d’exigence dans les engagements souscrits à ce titre par les différentes
caisses. L’ACOSS et la MSA, dont le réseau est vaste et enregistre des écarts importants de taux de
recouvrement, ont ainsi modulé les objectifs en fonction des situations de départ de chacune des caisses. Ainsi,
si le taux de restes à recouvrer national de la branche recouvrement du régime général s’établissait à 1,24 %
fin 1998 et à 1,10 % fin 1999 (estimations provisoires), les taux extrêmes se situaient en 1999 (estimations
provisoires) à 0,38 et à 2,40. Chaque URSSAF s’est donc engagée sur un objectif spécifique de réduction de
ses restes à recouvrer dans le CPG conclu avec l’Agence centrale, qui n’a cependant pas procédé au calcul de
l’amélioration moyenne qu’il en résultait au niveau de la branche.
Quant à la MSA, l’objectif d’améliorer de deux points sur la période couverte par la COG le taux
d’encaissement des cotisations légales (desquelles ont été distinguées les créances irrecouvrables qui font
l’objet d’un suivi spécifique) a été modulé afin de répartir l’effort d’amélioration proportionnellement entre
les différentes caisses en le faisant principalement porter sur le recouvrement des cotisations des non salariés.
Le taux de restes à recouvrer constaté en 1997 pour l’ensemble des cotisations s’établissait ainsi à 7,4 %, soit
12,3 % pour les cotisations des non salariés et 4,1 % pour les cotisations sur salaires. La réduction de deux
points pour l’ensemble de la branche se décomposait en un effort moyen de 0,88 point pour les cotisations sur
salaires, modulé de – 0,03 pour la caisse la plus performante à – 10,81 pour la moins performante, et un effort
moyen de 3,97 points pour les cotisations des non salariés, réparti sur un éventail allant de – 0,08 à – 21,33.
Des objectifs intermédiaires ont par ailleurs été assignés aux caisses, mais la CCMSA n’ayant pas calculé la
moyenne de ces objectifs intermédiaires pour 1999, il n’est pas possible de dresser un bilan d’étape pour 1998
et 1999.
Les engagements des autres régimes paraissent plus modestes. L’ORGANIC, dont la convention a été signée
le 8 septembre 1998, s’est ainsi fixé un objectif de taux de restes à recouvrer pour 2001 de 11 %, alors que ce
taux était atteint au moment de la conclusion de la COG, et qu’il était déjà dépassé en 1999 avec un résultat de
9,73 %. Quant à l’objectif retenu par la CANAM, il visait à porter en 2001 le taux moyen pondéré
d’encaissement des derniers appels émis à l’intérieur d’une fourchette de 94,0 % – 94,5 %, qui
correspondaient en pratique aux résultats atteints par le régime entre 1993 et 1995 ; c’est le fléchissement
constaté en 1996 qui a conduit à fixer des objectifs modérés, mais dont la prudence s’assimile à de la timidité,
dans la mesure où le taux objectif est atteint dans la plupart des caisses. De même, la CANCAVA avait retenu
comme objectif de recouvrement sur exercice en cours des taux de 94,25 % pour 1998, 94,49 % en 1999,
94,72 % en 2000 et 95 % en 2001, rythme de progression là encore très modéré et dépassé dès la première
année d’application de la convention, puisque le taux de recouvrement pour 1998 s’établissait d’ores et déjà à
95,45 %.
Au-delà des engagements d’amélioration des taux de recouvrement, il faut critiquer le peu de place réservée
dans les COG à l’objectif de renforcement des contrôles d’assiette, alors même que les cotisations sociales ne
sont assises que sur des bases déclaratives. Ainsi le thème du contrôle des déclarations de revenus des non
salariés non agricoles, qui s’exerce d’une part par rapprochement des déclarations fiscales et sociales, et
d’autre part par contrôle comptable sur pièces et sur place, est-il absent des COG de l’ORGANIC et de la
CANCAVA, et seulement mentionné à titre de déclaration d’intention dans celle de la CANAM ; encore faut-
il préciser que les engagements réciproques de l’Etat et des caisses nationales compétentes de "faciliter les
échanges d’information entre l’administration fiscale et les organismes de protection sociale" est resté lettre
morte. La COG de l’ACOSS comporte quant à elle un paragraphe relatif au développement des contrôles sur
pièces et sur place, qui prévoit des efforts de perfectionnement des méthodes et de suivi systématique des
résultats du contrôle, qui doivent faire l’objet d’un rapport annuel à compter de l’exercice 1999. Enfin,
l’engagement de "renforcer la fiabilité de l’assujettissement et du calcul des cotisations" figurant dans la COG
de la MSA comble les lacunes qui prévalaient jusqu’alors en matière de contrôle spécialisé dans le régime
agricole. La CCMSA précise ainsi qu’une enquête réalisée en 1998 avait fait apparaître une grande
hétérogénéité dans l’organisation, les missions et les moyens des services de contrôle. Après diffusion d’une
méthodologie de redéfinition des missions des contrôleurs spécialisés (à l’exclusion de toute activités
d’animation ou de conseil jusqu’alors exercées en parallèle) et d’établissement d’un plan de contrôle
formalisé, ce n’est toutefois qu’au second semestre 2000 que les indicateurs de suivi des contrôles effectués
seront mis en place et exploités.
2. L’information des cotisants
La plupart des COG des organismes chargés du recouvrement de cotisations sociales comprennent des
dispositions sur l’amélioration de l’information mise à disposition des cotisants. Outre l’édition d’une
plaquette institutionnelle, de supports pour les salons et de notices adaptées à chaque catégorie de cotisants,
l’ACOSS s’est ainsi engagée à mettre à disposition des cotisants en 2000 la base documentaire juridique
"Textacoss".
La CANAM s’était quant à elle engagée dans sa COG à distribuer un livret d’accueil à chaque nouvel
adhérent au 31/12/1999, échéance qui n’a été tenue que dans 22 CMR sur 31, qui ont par ailleurs conçu leur
propre livret à partir d’un modèle diffusé par la caisse nationale.
La MSA, afin de mettre en oeuvre l’objectif figurant à la COG de mise à disposition d’une "information claire
et actualisée" aux cotisants, a confié au groupe de travail déjà évoqué sur la qualité de service la mission de
vérifier l’adéquation des supports d’information aux besoins des différents types d’entreprises agricoles et
d’améliorer la lisibilité des documents diffusés. L’élaboration d’un guide employeur institutionnel à partir de
la comparaison des guides existants, l’inventaire et la sélection des dépliants disponibles, la remise en forme
des courriers sur la base d’une charte institutionnelle constituent les premières actions de ce groupe.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Négociées par application de l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à l’organisation de la sécurité sociale,
les conventions d’objectifs et de gestion avaient une double ambition : renouveler les relations entre l’Etat et
les caisses de sécurité sociale en les intégrant dans une démarche "objectifs/résultats" ; progresser vers une
meilleure organisation de la branche en modifiant les relations entre caisse nationale et organismes de base.
Si les faiblesses relevées par la Cour et les difficultés rencontrées à propos de la mise en oeuvre de ce nouvel
instrument sont résolues pour la seconde génération des COG
[208]
, la dynamique insufflée pourra se révéler
porteuse de progrès.
A l’occasion de ce premier exercice, l’investissement dans la démarche a été réel bien qu’inégal selon les
organismes, et a donné l’occasion aux branches et aux régimes de définir leurs priorités et de les faire
partager par l’ensemble du réseau grâce à la déclinaison locale des COG dans des contrats conclus entre les
caisses nationales et leurs organismes de base (dénommés "contrats pluriannuels de gestion" ou CPG). Quant
à la tutelle de l’Etat, dont les modalités traditionnelles ont cependant été maintenues, elle s’est recentrée, à
l’échelon national comme à l’échelon territorial, vers l’évaluation a posteriori des résultats ; pour l’instant,
seules les COG des branches famille et maladie du régime général ont fait l’objet d’une telle évaluation, qui
devra être généralisée et dont il faudra tenir compte pour la négociation des futures COG. L’effort de
clarification des compétences et de responsabilisation n’a cependant pas toujours été mené à son terme : en
particulier les mécanismes d’intéressement à l’atteinte des objectifs prévus par les COG n’ont pas été mis en
oeuvre.
Bien que chaque COG définisse des objectifs propres au régime ou à la branche concernés, deux catégories
d’engagements similaires se retrouvent dans toutes. Il s’agit d’abord de la maîtrise des dépenses de gestion,
qui faisait déjà l’objet d’une démarche antérieure de pluriannualisation des moyens budgétaires. En dépit de
la volonté affichée, les COG n'ont pas été l'occasion, pour les branches, de véritablement rationaliser les
moyens de gestion administrative. Le défaut d’analyse approfondie et contradictoire des besoins des branches
sur la période couverte par les COG a entraîné une reconduction des enveloppes budgétaires sans réel
"rebasage", ce qui a laissé subsister dans la plupart des branches de substantielles marges financières,
comme en témoignent les cumuls d’excédents. Dans ces conditions, la maîtrise des coûts des caisses
nationales comme des organismes de base n’est pas toujours assurée.
De façon plus novatrice, l’ensemble des caisses de sécurité sociale se sont engagées sur des objectifs
d’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers. La pertinence et l’ambition des objectifs diffèrent
selon les branches et régimes, ainsi que la signification et la fiabilité des indicateurs associés. Certaines
caisses ont eu tendance à souscrire des engagements de peu de portée pratique pour les usagers ou dont la
réalisation était quasiment déjà acquise au moment de la signature de la COG, et d’autres à afficher des
objectifs dont le suivi opérationnel n’était guère possible. Il faut en particulier déplorer la faiblesse des
objectifs, et plus généralement de la réflexion, sur les problèmes d’accès aux droits et de prospection des
bénéficiaires potentiels.
RECOMMANDATIONS
1. D’une façon générale, approfondir les diagnostics préalables à la négociation des CPG, ce qui impose de
renforcer les fonctions d’audit des caisses nationales. Dans les branches ou régimes dont le réseau est
important, envisager la possibilité d’un dispositif de contractualisation plus personnalisé, les caisses faisant
alors l’objet d’un audit général et d’engagements spécifiques.
2. Estimer, à chaque début de période couverte par la COG, la base du budget des branches à partir des
dépendes effectives, établir sur cette base un taux pluriannuel d'évolution fondé sur une estimation
contradictoire des besoins, et abandonner la pratique de report automatique des crédits non consommés
d’une COG à l’autre.
3. Veiller à mettre en place dans la prochaine génération des COG, et surtout à appliquer effectivement, des
mécanismes d’incitation à l’atteinte des résultats : intéressement, traitement réservé aux excédents de gestion
et évaluation des responsables locaux.
4. Mener une analyse critique des engagements souscrits au titre de la qualité de service, pour ne retenir que
ceux qui concourent à une amélioration effective de cette qualité. Fiabiliser les modes de collecte et de
traitement des indicateurs associés.
5. Approfondir les études sur l’amélioration des modalités d’accès aux droits et de prospection des personnes
titulaires de droits non honorés, et inclure plus nettement cette catégorie d’objectifs parmi les engagements
d’amélioration de la qualité de service.
6. Dans les branches ou régimes assurant une mission de recouvrement, adopter des objectifs de contrôle
d’assiette et définir des indicateurs de résultats.
Réponse
[190]
Caisse centrale s’agissant de la MSA. Ces dispositions ont été codifiées à l’article L.227-1 du code de la
sécurité sociale pour la CNAMTS, la CNAV, la CNAF et l’ACOSS ; aux articles L.611-6-1 et L. 633-12 pour
la CANAM, la CANCAVA et l’ORGANIC ; et enfin à l’article L. 1002-4 du code rural pour la CCMSA.
[191]
Circulaire DSS/5C/n° 735 du 10/12/98 fixant les procédures budgétaires relatives aux dépenses de gestion
administrative des établissements publics dans le cadre des COG conclues entre l’Etat et les caisses nationales
du régime général.
[192]
Les COG de la CNAMTS et de la CNAF, toutes deux signées au printemps 1997, prévoyaient la
conclusion des CPG avant le 31 décembre de l’année. Les négociations avec les CPAM n’ont commencé qu’à
l’automne 1998, les derniers contrats étant signés début 1999. Pour la branche famille, la date prévue par la
COG a été repoussée au 1
er
avril 1998. S’agissant de l’ACOSS, l’ensemble des CPG des URSSAF, à une
exception près, ont été conclus dans les délais impartis par la COG. Les régimes dont le réseau est moins
étendu ont également respecté les délais prévus : la CANCAVA par exemple, qui s’était engagée dans sa COG
à conclure des CPG avec ses organismes de base avant le 30 novembre 1998 a signé le dernier contrat le 16
décembre 1998.
[193]
Ces résultats sont mesurés par rapport à des objectifs quantifiés associés à une batterie d’indicateurs : taux
d’encaissement des cotisations du régime obligatoire pour les cinq derniers exercices, taux de taxations
d’office, montant moyen de recours contre tiers par bénéficiaire, montant des indus récupérés par bénéficiaire,
part de l’activité du service médical consacrée à la gestion du risque, délai de traitement des dossiers, qualité
de la liquidation des prestations, application du contrôle interne.
[194]
Sauf pour la MSA, pour laquelle la pluriannualisation budgétaire n’a été introduite qu’en 1997.
[195]
Sur un total de 1403,7 MF d’excédents cumulés à l’issue du plan pluriannuel 1995-1996, seuls 337,4 MF,
soit 24 %, ont été annulés.
[196]
Pour les dépenses de personnel, les taux retenus étaient pour 1997 de 1,7 %, pour 1998 de 1,6 %, et pour
1999 de 1,5 %, ces taux devant faire l’objet d’une actualisation annuelle afin de tenir compte de l’évolution de
la valeur du point et des charges salariales. Pour les autres dépenses de fonctionnement, le plan prévoyait la
stabilité en francs constants, avec une actualisation par application du taux d’inflation sur 2/3 du poste. Quant
aux dépenses d’investissement, elles étaient fixées en volume.
[197]
Même si la mutualisation des réembauches liées aux départs ARPE à l’intérieur des branches du régime
général (à l’exception de la vieillesse) a joué dans un sens favorable, elle n’a constitué qu’un modeste levier
de gestion de la pyramide des âges.
[198]
D’abord effectuée à partir du nombre d’allocataires, la mesure de l’activité utilise désormais comme unité
de charge l’allocataire pondéré en fonction de la complexité de la prestation versée : 2,6 pour les bénéficiaires
d’une allocation de parent isolé, d’invalidité ou de précarité ; 1,4 pour les bénéficiaires d’allocations de
logement ; 1 pour les prestations familiales. La part affectée à l’unité de charge pondérée se limite à 70 % afin
de tenir compte de l’existence de charges fixes.
[199]
Le total des allocations provenant des enveloppes inscrites au FNGA de la branche ne représente toutefois
que 80 % des ressources des caisses, qui bénéficient d’autres sources de recettes : produits financiers,
ristournes de gestion (conventions passées avec l’UNEDIC, les régimes complémentaires vieillesse, les
organismes de protection complémentaire agricole) et de revenus d’activité complémentaires.
[200]
Les cotisations complémentaires finançant la gestion du régime agricole sont perçues par les caisses de
MSA qui supportent le risque de différentiel entre le montant des cotisations émises, qui sert de base à la
détermination des enveloppes nationales, et le montant des cotisations effectivement encaissées. En contre-
partie de ce risque, les caisses peuvent constituer des réserves financières.
[201]
Sur les relations de la branche vieillesse du régime général avec ses usagers, cf.
infra
, chapitre suivant, p.
439.
[202]
Ainsi la priorité est-elle mise dans la majorité des CAF sur le traitement des demandes de minima sociaux,
et majoritairement du RMI, de l’AAH et de l’API.
[203]
Cette situation recouvrait des cas extrêmes de 0,4 à 30 jours, la moyenne du premier décile s’établissant à
1,5 jours, et celle du dernier décile à 8 jours. La charte "qualité de service" prévoyait de faire évoluer les
situations extrêmes vers des positions de 1 à 10 jours, de stabiliser la moyenne du premier décile et de faire
passer celle du dernier décile à 5 jours. Curieusement, le point de situation sur l’exécution des CPG des
CPAM présenté au conseil d’administration de la CNAMTS en janvier 2000 ne fournit pas les moyennes par
décile.
[204]
Sur la relation de la branche famille avec les usagers, cf.
infra
, chapitre suivant,
p. 439, et sur le système d'information, et notamment CRISTAL, cf.
infra
, chapitre XII,
p. 457.
[205]
Comme le précise l’évaluation de la mise en oeuvre de la COG par les CPAM effectuée par les DRASS à
l’été 1999, l’accompagnement méthodologique et logistique de la CNAMTS reste parfois insuffisant,
l’absence d’outil automatisé de la mesure du temps d’attente à l’accueil dans certaines CPAM étant par
exemple "un frein dans la construction et le suivi de l’indicateur correspondant, car elle oblige à effectuer cette
mesure manuellement, ce qui prend beaucoup de temps".
[206]
C’est la revue
Vies de famille
qui est la plus largement diffusée, puisque 96 caisses la distribuaient au
moins trois fois par an en 1999. Certaines caisses, jugeant cette revue inadaptée pour une partie des
allocataires, notamment les bénéficiaires du RMI, préfèrent élaborer leur propre support.
[207]
Ménages avec un seul enfant et célibataires et couples sans enfant qui ont bénéficié du "bouclage" de
l’ALS en 1991/1993, par extension de son champ à des catégories de ménage qui auparavant n’en faisaient
pas partie.
[208]
Les COG des branches famille et maladie du régime général sont arrivées à échéance au printemps 2000,
celles de l’ACOSS, de la MSA et des régimes des non salariés arriveront à échéance en 2001.
Section II :
La gestion des agents de direction dans les principaux régimes de sécurité
sociale
[20]
Les caisses de sécurité sociale sont, sauf exception, des organismes de droit privé chargés par délégation de la
loi de gérer le service public de la sécurité sociale. Leurs missions de recouvrement des cotisations et de
paiement des prestations se sont progressivement diversifiées et complexifiées et s’exercent dans un cadre de
plus en plus contraint par des objectifs nationaux, des normes budgétaires et des règles de gestion communes
aux organismes d’une branche ou d’un régime. Or, les caisses sont des personnes morales autonomes dotées
de conseils d’administration. Les agents de direction, responsables du fonctionnement de ces organismes,
doivent donc gérer une relation de plus en plus hiérarchique avec l’organisme national tout en étant soumis au
contrôle d’un conseil d’administration.
Situation juridique des agents de direction
Ce sont des agents de droit privé qui dirigent des organismes chargés de gérer un service public. Ceci explique
que leur recrutement et leur carrière
sont régis par des textes
législatifs et réglementaires et par des
conventions collectives agréées par l’Etat. Dans tous les régimes examinés, les agents de direction ont une
convention collective spécifique mais la nomenclature des emplois est fixée par voie réglementaire : il s’agit
des directeurs, agents comptables, directeurs adjoints, sous directeurs. Leur situation est donc quasi statutaire,
ce qui génère des rigidités dans la gestion de leur recrutement et de leur carrière.
I - Les caractéristiques des agents de direction
a - Leur nombre et leur répartition reflètent la structure éclatée des régimes
1. Le régime général
Au 31 décembre 1998, il avait 1 676
[21]
agents de direction âgés de 27 à 65 ans, dont l’âge moyen était de 48,6
ans et la proportion d’hommes de
72,8 %
[22]
. Ils représentent environ 1,1 % des effectifs du régime.
Répartition par fonction
Répartition par branche
Directeurs
415
Maladie
786
Directeurs adjoints
394
Famille
484
Agents comptables
313
Recouvrement
306
Sous-directeurs
514
Vieillesse
88
Autres organismes
12
Total
1 676
Total
1 676
Source : UCANSS.
La lecture directe de ces tableaux montre qu’il y a une centaine d’agents comptables de moins que de
directeurs, ce qui révèle un fort taux de cumul de postes comptables. Par ailleurs, il y a quatre agents de
direction en moyenne par organisme, soit, outre le directeur, l'agent comptable et le directeur adjoint, un sous-
directeur. Ceci traduit la faible taille moyenne des organismes.
Le ratio d’employés et cadres par agent de direction révèle des disparités entre les branches :
Maladie
Famille
Recou-
vreme
nt
Retraite
Autres
Total
Répartition des
employés
et cadres du régime
général
63 ,8
19,5
8,3
8,4
-
100
Répartition des agents de
direction du régime
général
46,9
28,9
18,3
5,2
0,7
100
Nombre d’employés et
cadres par agent de
direction
136
67
45
161
-
117*
* dans l'ensemble des quatre branches.
Même si des facteurs organisationnels propres aux caisses et les caractéristiques des missions des différentes
branches
[23]
peuvent expliquer en partie les distorsions, celles-ci résultent également, pour une large part, de la
proportion d'organismes de petite taille au sein des branches. Les branches dont les caisses sont plus grandes
(les CRAM pour la retraite et les CPAM pour la maladie) ont proportionnellement beaucoup moins d’agents
de direction que les branches dont les caisses sont en moyenne de taille plus réduite (les CAF et les URSSAF).
Le nombre d’agents de direction d’une caisse résulte de l’organigramme arrêté par le directeur et soumis au
conseil d’administration. En pratique, les services de l’Etat et les caisses nationales interviennent peu,
l’organisation des caisses relevant de l’autonomie de chaque organisme, ce qui n’est pas critiquable, sous
réserve que des abus ne soient pas constatés. Entre 1996 et 1998, la population globale des agents de direction
a augmenté de 2 %
(+ 36 personnes). Cette augmentation est localisée dans la branche maladie
et dans la branche recouvrement.
Sous réserve des différences entre les méthodes de comptabilisation des agents utilisées par l’UCANSS et par
les caisses nationales, cette augmentation s’explique dans la branche maladie essentiellement par la création
des URCAM
[24]
, mais aussi par la création de postes d’agents de direction à la CNAMTS. Dans la branche du
recouvrement, les écarts constatés entre 1996 et 1998 s’expliquent, d‘une part par la suppression de cas de
cumuls de fonctions dans plusieurs organismes par un même agent de direction ; d’autre part par des
transformations de cadres en agents de direction.
La modification du nombre de caisses est une question manifestement difficile à traiter au sein du régime
général alors que dans les régimes des non salariés et dans le régime agricole des fusions de caisses
interviennent depuis plusieurs années. Le "plan Juppé" prévoyait de limiter à une caisse par département la
présence des branches maladie, famille et recouvrement du régime général. Cette disposition n’a pas été
reprise dans l’ordonnance du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l’organisation de la sécurité sociale
dont l’article 24 se borne à prévoir que dans chaque département où existent plusieurs CPAM, plusieurs CAF
ou plusieurs URSSAF, le conseil d’administration de l’organisme national compétent peut désigner parmi
elles une caisse ou une union habilitée à assumer des missions communes. Le décret prévu n’est jamais
intervenu et les caisses nationales n’ont pas cherché à appliquer cette disposition.
Pourtant, même dans le régime général, certains organismes sont petits : ainsi, les quatre plus petites URSSAF
(exception faite de celle de la Batellerie) ont entre 9 000 et 11 500 comptes cotisants et entre 17 et 34 agents
(contre 306 à 3 018 agents pour les cinq plus grosses). Certaines URSSAF ont ainsi plus d’administrateurs que
de salariés.
La difficulté de pourvoir en directeurs et surtout en agents comptables des très petites caisses explique les
situations de cumuls de fonctions dans deux, voire trois organismes, sur une même personne. Le cumul se fait,
le plus souvent, entre caisses de branches différentes situées dans un même département, et le plus souvent
dans la même ville
[25]
, car les conseils d’administration et les syndicats s’opposent aux cumuls de fonctions
portant sur des organismes d’une même branche, de peur que cela prépare la suppression d’une caisse. Les
cumuls de fonctions sont assez fréquents : à la fin de 1999, il y avait 61 cas de cumuls dont 10 directeurs et 30
directeurs adjoints ou agents comptables de caisses de catégorie D
[26]
. Mais il ne s’agit pas toujours de
situations définitives : ainsi, en 1997 et 1998, quatre postes de direction partagés entre branches, dont le
recouvrement, ont été transformés en postes dédiés à chaque branche. S’agissant des comptables, le cumul de
fonctions existe dans d’autres secteurs (par exemple, les agents du Trésor qui exercent la fonction d’agent
comptable auprès de plusieurs établissements publics). Mais dans les caisses de sécurité sociale, ils exercent
des missions plus larges qui les font participer étroitement au fonctionnement quotidien de l’organisme. La
mise en commun des comptables entre plusieurs organismes est donc moins adaptée aux caisses de sécurité
sociale.
La fréquence des cas dans lesquels des directeurs et surtout des agents comptables cumulent des
responsabilités dans plusieurs organismes conduit à s’interroger sur la justification du maintien de structures
trop petites.
2 - Les autres régimes
Dans chacun des régimes de non salariés non agricoles, il y a 31 ou 32 caisses avec 77 agents de direction
dans le régime de retraite des artisans (AVA), 93 dans le régime d’assurance maladie des professions
indépendantes (AMPI) et 100 dans le régime de retraite des commerçants (ORGANIC). L’encadrement est
donc plus important dans les deux derniers, ce qui peut s’expliquer par un nombre plus élevé d’affiliés. Dans
le régime agricole, pour 75 caisses et ensembles de caisses, il y a 282 agents de direction, leur nombre ayant
diminué de 8,7 % en cinq ans du fait des fusions et regroupements de caisses. Les comparaisons entre ces
différents régimes (sauf entre AVA et ORGANIC) n’ont guère de sens en raison de la nature différente des
missions. Il faut cependant relever que, malgré les efforts de regroupement poursuivis depuis plusieurs années,
la taille des caisses reste souvent très réduite, ce qui explique que l’équipe de direction soit parfois limitée au
directeur et à l’agent comptable.
B - l’évolution de la démographie des agents de direction
Dans tous les régimes, des départs massifs d’agents de direction vont se produire après 2003. La prise de
conscience des conséquences de ce phénomène est inégale selon les régimes et les branches.
Dans le régime général, une étude réalisée par l’UCANSS montre que de 2003 à 2013, les départs sont
réguliers et massifs (de 3 à 7 % par an).
75, 5 % des agents de direction étant situés dans les tranches d’âges 40-55 ans, les effectifs aujourd’hui situés
dans les tranches d’âges inférieures à 40 ans seront très largement insuffisants pour compenser un nombre de
départs aussi massif. Toutes les branches présentent les mêmes tendances. Les différences tiennent davantage
au décalage dans le temps de l’apparition des mêmes événements.
Dans les autres régimes, les perspectives sont
globalement identiques. Elles sont sans doute plus graves que
dans le régime général car l’âge moyen y est déjà plus élevé (50 ans, voire plus) et la taille réduite des caisses
peut conduire au départ concomitant des deux seuls agents de direction, le directeur et l’agent comptable. Par
ailleurs, il y a peu d’écart entre les moyennes d’âge des agents de direction placés aux différents grades et ce
constat laisse présager, à structure identique de la population, des difficultés de remplacement à moyen terme
des directeurs par les agents de direction de grade inférieur.
Il y aura donc, dans tous les régimes, un besoin important de renouvellement des cadres et des agents de
direction. Il devrait en résulter un rajeunissement notable de l’encadrement de la sécurité sociale.
Cette situation constitue à la fois une contrainte et une chance pour les régimes. Ils doivent, en effet,
développer une capacité d’anticipation et de gestion des départs en retraite et mieux organiser la mobilité et
l’évolution de la carrière des agents situés dans les tranches d’âges intermédiaires. Par ailleurs, il faut porter
une attention particulière aux conditions de renouvellement de ces agents (sélection, formation à la fonction,
accompagnement des plus jeunes), d’actualisation des compétences et d’adéquation des profils à certaines
fonctions. Les progrès réalisés en matière de formation et d’évaluation des agents de direction et de mobilité
entre les régimes (voir
infra
) devraient y contribuer. Mais cela ne suffit pas.
En effet, tout le secteur public étant confronté à la même situation démographique au même moment, il y aura
un risque de pénurie de candidats, surtout si, la croissance économique se poursuivant, un nombre croissant de
jeunes choisissait de se diriger vers le secteur privé. Il est donc souhaitable que le recrutement puisse être
ouvert en dehors des concours traditionnels (voir
infra
) et que l’évolution des structures des régimes, dans le
sens d’un regroupement des caisses
[27]
, rende les postes plus attractifs. Il est urgent que des réflexions
s’engagent sur les conséquences des perspectives démographiques et les moyens d’y répondre.
II - Origine et formation des agents de direction
A - La voie d’accès normale aux fonctions de direction : le concours du CNESSS
Le centre national d’études supérieures de sécurité sociale (CNESSS)
Le CNESSS a été créé par le décret du 12 mai 1960 pour contribuer au recrutement des cadres supérieurs des
régimes de sécurité sociale et assurer
à ces agents une formation leur permettant d’exercer ultérieurement les
fonctions d’agent de direction et d’agent comptable des organismes. Font appel au CNESSS le régime général,
les trois régimes de non salariés non agricoles, le régime agricole et le régime des mines.
1. Les deux concours
Des efforts ont été faits pour améliorer le recrutement et la préparation des candidats aux concours par
une
meilleure communication, la rationalisation de l’activité des centres de préparation et la réforme des épreuves
écrites et orales des concours. Il en est résulté une augmentation importante du nombre de candidats au
concours externe (645 en 1989, 2408 en 1994 et 2290 en 1998). Par contre, les élèves issus de ce concours
sont toujours très majoritairement titulaires de diplômes d’IEP ou de disciplines juridiques. S’agissant du
concours interne, il faut constater la stagnation du nombre de candidats (193, 158 et 180 pour les mêmes
années) alors qu’on pourrait s’attendre à une augmentation. En effet, le niveau élevé de formation initiale
auquel les caisses recrutent depuis quelques années les cadres et même les employés devrait constituer un
facteur favorable au développement des candidatures au concours interne. Depuis 1997, le nombre d’admis au
concours interne est très proche de celui du nombre de places offertes, alors qu’auparavant, il y avait chaque
année un report de 8 à 10 places sur le concours externe. La sélection reste cependant beaucoup moins sévère
que pour le concours externe, le taux de réussite étant de 20 % contre 1,6 % en 1998.
Le besoin de diversification du recrutement du centre impose des actions prévues dans les axes stratégiques du
CNESSS pour 1999/2001 (voir
infra
) : détection des potentiels dans les organismes, dynamisation de l’action
des centres de préparation vers des publics diversifiés, recrutement par filière de compétences, diversification
de la composition des jurys du concours d’entrée et de l’examen de sortie.
2. La scolarité
Le contenu pédagogique a, depuis dix ans, favorisé l’approche professionnelle et la mise en situation concrète
à partir de méthodes participatives et actives d’enseignement, accordé plus d’importance
aux travaux de
recherche et favorisé l’individualisation des parcours de formation.
L’évaluation de la formation dispensée
par le CNESSS, et notamment de son adéquation aux attentes et aux besoins des organismes, a fait l’objet de
deux rapports : le rapport sur "les compétences des agents de direction des organismes de sécurité sociale.
Horizon 2000-2005"
[28]
et l’audit stratégique du CNESSS réalisé par l’IGAS en 1998 qui a fait un constat dans
l’ensemble satisfaisant du fonctionnement de l’école et souligné son efficacité, tout en formulant certaines
recommandations. Par ailleurs, le CNESSS organise une évaluation interne et continue des enseignements qui
a contribué à l’évolution du contenu pédagogique de la scolarité. Les objectifs des stages de direction
devraient être mieux définis et leur encadrement mieux assuré.
Les axes stratégiques 1999-2001 adoptés par le conseil d’administration le 25 mars 1999 s’efforcent de
répondre à cette attente. Ils s’inscrivent dans la continuité des actions entreprises et reprennent certaines des
propositions des rapports précités. Ainsi, l’accent est mis sur la nécessité d’axer la formation initiale sur les
besoins des cadres supérieurs tels que ressentis par les organismes et d’adapter davantage encore la formation
initiale à la diversité des métiers, aux nouvelles exigences et à la diversité des parcours des élèves. Cela
suppose le développement des modules optionnels et la création d’une diversité de cursus de formation.
3. Détermination des besoins et affectation des élèves
Une commission de détermination des effectifs est chargée, au sein du CNESSS, d’évaluer le nombre de
postes offerts aux deux concours d’entrée
[29]
qui est publié par arrêté interministériel. Les directeurs des
caisses des différents régimes sont ensuite invités par le ministère à adresser au CNESSS des offres de postes
de cadre de niveau 6 minimum qui seront réservés pour la sortie de l’école. A l’issue de la scolarité, les
anciens élèves sont affectés par un arrêté du ministre compétent sur les emplois qui leur ont été réservés.
Chaque ancien élève ainsi affecté est ensuite nommé par le directeur de l’organisme d’affectation. En pratique,
il y a deux fois plus de postes offerts que d’élèves sortants et ceux-ci sont généralement affectés dans
l’organisme où ils ont fait leur stage de direction, lequel mériterait d’être mieux défini dans ses objectifs et
mieux encadré dans son déroulement.
L’imbrication des procédures de droit public et de droit du travail est ici encore patente. On peut s’interroger
sur la pertinence d’une double procédure : l’affectation, procédure de droit public, alors qu’il s’agit d’agents
de droit privé, et la nomination par la caisse où l’intéressé est affecté.
B - Les autres voies d’accès sont trop limitées
L'accès à la fonction d'agent de direction se fait selon trois voies correspondant à trois sections de la liste
d'aptitude.
La première section est réservée aux anciens élèves du CNESS ou assimilés
[30]
(985 en 2000).
La deuxième section est ouverte aux agents des caisses qui ont au moins 43 ans et qui ne sont pas des anciens
élèves du CNESS. Le nombre d'inscrits est au plus égal au cinquième de la première section. Il y en avait donc
195 au 1
er
janvier 2000. Elle ne donne accès qu'à des postes de premier niveau d'agent de direction. Ensuite,
pour progresser et être inscrit dans une classe supérieure de la liste d’aptitude, ces agents doivent suivre un
cycle de perfectionnement organisé par le CNESSS à l’issue duquel est organisée une épreuve orale (et, depuis
peu, une épreuve écrite) sanctionnée par une attestation. Afin de permettre à des informaticiens de haut niveau
(niveaux VIII à X de la classification de 1992) de devenir agents de direction, l’arrêté du 25 septembre 1998 a
créé deux nouvelles classes d’emplois réservées à l’accès aux postes de directeurs des centres
informatiques
[31]
.
La troisième section (15 personnes en 2000) est ouverte, dans la proportion du cinquantième du nombre
d'inscrits en première section, à des fonctionnaires de l'Etat justifiant de certaines conditions
[32]
. Comme la
première, la troisième section donne accès à toutes les classes d'emplois.
On peut regretter que l’accès aux postes de direction ne soit pas davantage ouvert, sur titres, à des personnes
ayant acquis une expérience professionnelle au sein de l’institution (par exemple, les médecins conseils) et à
l’extérieur. Les perspectives démographiques rendront cette ouverture plus nécessaire. Mais cela supposerait
qu’en contrepartie des débouchés soient offerts aux agents de direction, tant dans le secteur public que dans
des emplois privés. Actuellement, s’agissant d’agents de droit privé, ils ne peuvent pas être accueillis en
détachement dans les administrations. Des modifications de textes devraient être mises à l’étude pour le
permettre. D’autre part, leur départ pour des fonctions dans le secteur privé devrait être encouragé par des
dispositions conventionnelles adaptées (telles que la mise en disponibilité), même si l’amélioration du marché
de l’emploi des cadres y contribuera spontanément.
C -Les actions de perfectionnement
Compte tenu de la nécessaire adaptation des agents de direction aux évolutions de leur carrière, de la
complexité et de la diversité croissantes des missions des caisses, le perfectionnement qui fait partie des
missions réglementaires du CNESSS est une composante essentielle de la formation des personnels supérieurs
de la sécurité sociale. Les axes stratégiques adoptés par le CNESSS ont ainsi conforté l’accent mis sur les
formations d’accompagnement à la prise de fonctions.
L’offre de formation continue du CNESSS comporte deux grands axes : les formations réglementaires qui
constituent le plus souvent une étape pour accéder à de nouvelles fonctions
[33]
; et l’offre de formation en libre
accès organisée en quatre rubriques : renforcer les bases du métier, maîtriser le management des hommes,
développer l’entrepreneuriat social et s’ouvrir aux partenariats. Le CNESSS ne peut déterminer la proportion
d’agents de direction ayant suivi une formation au cours d’une année car son fichier n’est pas exhaustif. Un
des "axes stratégiques" est de créer un fichier des cadres supérieurs des caisses et de l’actualiser pour suivre
leur cursus professionnel et mieux identifier la clientèle cible du perfectionnement.
La disposition de l’article 7 du protocole d’accord de 1995, relative au suivi d’une action de perfectionnement
au moins une fois tous les deux ans, ne fait l’objet d’aucun contrôle. Conçu à l’origine comme un droit pour
l’agent de direction, le perfectionnement est aujourd'hui ressenti par les intéressés comme une obligation à
respecter tous les deux ans et on constate une forte augmentation des participations à un cycle de formation (+
64 % entre 1992 et 1998).
La collaboration du CNESSS et de l’UCANSS, prévue par le protocole, pour l’élaboration des actions de
formation et qui se traduit par des efforts pour coordonner la formation continue des cadres (dont l’UCANSS
est responsable) et celle des agents de direction doit encore se développer. De même, l’objectif de faire
exprimer par les caisses nationales les besoins de formation des agents de direction de leur branche n’est que
partiellement atteint, soit à partir de demandes ponctuelles des caisses nationales (ainsi, une demande de
l’ACOSS sur la formation au contrôle interne), soit à l’initiative du CNESSS (ainsi, en 2000, le thème du
pilotage de la performance en relation avec les conventions d’objectifs et de gestion). Par ailleurs, en réponse
à l’offre d’accompagnement à la prise de fonctions de directeur, les caisses nationales ont signalé au CNESSS
les agents de direction concernés.
Les autres régimes font appel au CNESSS pour le perfectionnement de leurs dirigeants
[34]
. Mais ils organisent
également des formations sur des questions correspondant à leurs spécificités.
III - Les procédures de nomination et de retrait des fonctions des agents de direction
C’est dans les procédures de nomination que s’exprime le plus la spécificité de ces agents de droit privé
gestionnaires d’un service public. En effet, les caisses, bien que juridiquement autonomes, ne sont pas libres
dans la nomination de leurs agents de direction. L’intervention des pouvoirs publics est multiple : inscription,
pour pouvoir postuler, sur une liste d’aptitude établie par une commission présidée par un haut fonctionnaire,
agrément et retrait d’agrément par l’Etat. Tous les régimes étudiés ici sont soumis à la liste d’aptitude et à la
procédure d’agrément. Par contre, seul le régime général est visé par la réforme de 1996 qui retire aux
conseils, en droit et largement en fait, le pouvoir de choisir et de nommer le directeur et l’agent comptable.
A - La liste d’aptitude unifiée : un progrès important
Les agents de direction et les agents comptables des caisses sont obligatoirement nommés parmi les personnes
inscrites sur la liste d’aptitude présentée plus haut, établie annuellement par catégorie d’organismes et
d’emplois dans les conditions prévues par arrêté.
La liste d’aptitude
La liste d’aptitude distingue trois niveaux d’organismes (ainsi, les organismes des catégories A et B
du régime général sont dans le même niveau 1) et huit classes d’emplois (six non informatiques et
deux informatiques) réparties dans trois filières : emplois de directeur (classes D1, D2, D3) ; autres
emplois de direction, y compris ceux d’agents comptables (classes AD1, AD2, AD3) ; emplois de
direction de centre ou service informatique (classes IF1 et IF2).
Par ailleurs, la liste d’aptitude est divisée en trois sections (voir
supra
) : la 1
ère
ouverte aux anciens élèves du
CNESSS et assimilés, la 2
ème
, aux cadres non issus du CNESSS et la 3
ème
, aux fonctionnaires de l’Etat.
Un arrêté du 25 septembre 1998 a fusionné les listes de différents régimes : régime général, AVA, ORGANIC,
AMPI et mines. Cette liste unique s’applique aussi aux URCAM. Seul des régimes qui recrutent au CNESSS,
le régime agricole conserve une liste spécifique établie sous l’autorité du ministère de l’agriculture
[35]
.
Un certain nombre de conditions sont exigées pour l’inscription sur la liste d’aptitude. Elles ont pour objet
d’organiser un déroulement de carrière régulier propice à l’acquisition de l’expérience professionnelle
(limitation des possibilités d’accès aux fonctions de direction de plein exercice à partir d’un emploi de cadre,
fixation d’une durée minimale d’exercice dans les fonctions de direction avant de postuler dans une autre
classe). Des conditions relatives aux connaissances professionnelles sont également exigées des candidats non
issus du CNESSS. La commission se prononce sur l’aptitude du candidat à accéder aux postes de direction
selon l’importance des organismes et les catégories d’emplois en distinguant les postes de pleine
responsabilité et les autres postes d'agents de direction.
La gestion de la liste d’aptitude par l’administration (DSS, DRASS) et la vérification des conditions
d’inscription des candidats par l’UCANSS ont nécessité la constitution de bases de données : ITOSS
[36]
(base
de données ministérielle) et ARIAD
[37]
(base de données de l’UCANSS) qu’il est envisagé de connecter pour
les seules données administratives, à l’exclusion des appréciations qui pourraient, par contre, être accessibles
aux caisses nationales par une liaison Internet protégée.
La réforme de la liste d’aptitude en 1998 et surtout, pour le seul régime général, la mise en place d’une
nouvelle procédure de choix des directeurs et agents comptables ont beaucoup réduit la portée des critiques
qui étaient adressées au mode de sélection des agents de direction.
B - La procédure de choix et de nomination : une rénovation inachevée
Les procédures de choix et de nomination ne sont pas communes aux différents régimes.
1. Un bilan positif de la réforme de 1996 dans le régime général
Dans les caisses de base, organismes de droit privé, les directeurs proposent à leur conseil d’administration la
nomination des agents de direction autres que l’agent comptable
[38]
parmi les personnes inscrites sur la liste
d’aptitude et qui ont adressé leur candidature au président du conseil de l’organisme. L’UCANSS vérifie la
conformité des candidatures aux conditions administratives posées pour l’exercice des fonctions et transmet la
liste des candidats remplissant les conditions, pour information, aux président et vice-président du conseil
concerné, ce qui assure une égale information de la caisse sur les candidats.
Avant l’ordonnance du 24 avril 1996, les conseils d’administration choisissaient librement leurs directeur et
agent comptable parmi les candidats inscrits sur la liste d’aptitude. Ce système avait parfois conduit à
privilégier des agents déjà en poste dans l’organisme ou liés à une organisation syndicale. Depuis 1997, ce
pouvoir de choix et de nomination a été largement transféré au directeur de la caisse nationale concernée.
Celui-ci intervient dans le descriptif du poste rédigé et signé par lui et par le président du conseil de
l’organisme recruteur, dans l’évaluation des candidats originaires de sa branche (fiche d’évaluation
communiquée au comité des carrières) ; il participe au comité des carrières qui sélectionne les candidats jugés
adéquats au profil du poste à pourvoir ; il établit la liste des trois candidats
[39]
qu’il propose au choix du
conseil d’administration de l’organisme ; et enfin, il nomme le candidat retenu par cette instance.
Alors qu’au départ, les représentants des agents de direction étaient plutôt hostiles à la nouvelle procédure de
nomination des directeurs et agents comptables, le comité des carrières et l’intervention des caisses nationales
sont désormais bien acceptés, même des organisations qui n’y sont pas représentées (les associations
professionnelles et les syndicats). Les agents de direction apprécient les progrès réalisés dans la transparence
et l’objectivité de la procédure de sélection des candidats. Les candidats non retenus sont informés des motifs
du rejet de leur candidature.
Le comité des carrières
L’ordonnance du 24 avril 1996 a institué auprès de l’UCANSS un comité des carrières des agents
de direction. Il est présidé par un inspecteur général des affaires sociales et il comprend les
directeurs des quatre caisses nationales, de l’UCANSS, du CNESSS, un DRASS et deux anciens
directeurs ou agents comptables du régime général en retraite depuis moins de trois ans. Le comité
des carrières a deux missions. Il émet en séance un avis motivé sur l’adéquation de chaque
candidature au poste à pourvoir et il veille à la régularité et à la transparence du processus de
nomination des directeurs et agents comptables. D’autre part, dans le respect des dispositions
réglementaires et conventionnelles en vigueur, il veille à l’évolution des carrières des directeurs et
des autres agents de direction et notamment à la mobilité des directeurs entre les caisses et entre les
différentes branches et organismes du régime général.
Sur chaque candidat, le comité dispose d’un dossier comportant notamment une fiche d’évaluation établie par
l’organisme national de la branche où il est connu et qui note les compétences de 1 (possession de la
compétence faible) à 5 (possession de la compétence forte). Le comité envisage de réduire à 4 l’échelle de
notation des compétences afin d’éviter que les directeurs des caisses nationales retiennent trop souvent le
niveau 3. Au vu de ce dossier, le comité émet sur chaque candidature un avis : en adéquation, en adéquation
partielle et en inadéquation avec le poste.
Dans les caisses nationales, établissements publics administratifs de l’Etat, le directeur est nommé par décret
en conseil des ministres après avis du président du conseil de l’organisme concerné. Depuis un décret du 29
décembre 1998, le directeur nomme ses directeurs délégués, directeurs adjoints et sous directeurs
[40]
, alors
qu’avant, ils étaient nommés par arrêté. En contrepartie, ils sont soumis à l’agrément du ministre, procédure
dont la justification n’apparaît guère au cas particulier. D’autre part, à la différence des caisses de base, les
caisses nationales ne sont pas obligées de choisir leurs agents de direction sur la liste d’aptitude. Elles peuvent
les recruter directement, en fonction du profil recherché, sur le marché de l’emploi privé ou dans
l’administration (par voie de détachement sur contrat), ce qui est très positif. Sur l’ensemble des organismes
nationaux, cela ne concerne cependant que quelques dizaines de personnes.
2. Les autres régimes : une évolution nécessaire
Pour les quatre autres régimes examinés, il n’y a pas lieu de distinguer entre les catégories d’agents de
direction et entre les caisses de base et les organismes nationaux, lesquels sont des organismes privés
également : tous les agents de direction de toutes les caisses sont nommés par les conseils d’administration dès
lors qu’ils sont inscrits sur la liste d’aptitude.
L'extension aux régimes de non salariés non agricoles de la nouvelle procédure de nomination des directeurs
et agents comptables mise en place dans le régime général a été repoussée par leurs caisses nationales au motif
que cette procédure, jugée trop lourde au regard du nombre de nominations concernées, serait, en outre, mal
ressentie par les conseils locaux qui, sauf dans de rares cas, s’accordent avec la caisse nationale sur le choix du
candidat
[41]
.
Les directeurs des caisses nationales des régimes de non salariés non agricoles souhaiteraient cependant
participer au comité des carrières pour améliorer les conditions d’évaluation de leurs agents de direction et de
gestion de leur carrière. Par contre, ils ne souhaitent pas que la nomination des directeurs des caisses locales
leur revienne. Cela traduit une appréciation différente, dans ces régimes, de la répartition des compétences
entre la caisse nationale et les caisses locales, d’une part, et entre les conseils et les directeurs, d’autre part.
L’uniformisation des procédures de tous les régimes n’est certes pas une fin en soi. Mais, s’agissant des agents
de direction, il apparaît que seule une intervention des caisses nationales permet d’assurer une gestion
optimale de leurs carrières.
C - le retrait des fonctions
Plusieurs procédures coexistent : le licenciement disciplinaire d'un agent de direction à l'initiative du conseil
d'administration de la caisse, le retrait d'agrément par le ministre et la décision de fin de fonctions à la
disposition des caisses nationales du seul régime général.
1. Des procédures disciplinaires règlementaires et conventionnelles étroitement imbriquées, mais a
l’initiative du conseil d'administration de la caisse
Les mesures disciplinaires prévues à la fois par des dispositions réglementaires applicables à tous les régimes,
y compris le régime agricole, et le plus souvent également par les conventions collectives sont la
rétrogradation, la révocation
[42]
et le licenciement. Elles ne peuvent être prononcées par le conseil
d’administration qu’après avis d’une commission de discipline instituée par arrêté ministériel pour chaque
régime et présidée par le représentant du ministre compétent. Dans le régime général, la convention collective
précise qu’il peut y avoir suppression partielle ou totale des indemnités. Elle prévoit également qu’en cas de
faute dans l’exercice de leurs fonctions, les membres du personnel de direction peuvent faire l’objet d’une
lettre d’observation. En cas d’urgence, l’agent de direction peut être suspendu avec ou sans traitement par le
ministre ou son représentant territorial. La suspension cesse d’avoir effet si, dans un délai de 15 jours, la
commission n’a pas été saisie. S’il s’agit d’un agent comptable, le ministre du budget a les mêmes pouvoirs.
En moyenne, pour l’ensemble des régimes, mêmes si les statistiques sont incertaines, les sanctions
disciplinaires graves sont rares. Dans le régime général en 1999, deux directeurs et deux directeurs adjoints
ont été licenciés.
2. Le retrait d’agrément : une sanction à la disposition du ministre
Les agents de direction nommés par le conseil d'administration
[43]
doivent faire l'objet d'un agrément par les
autorités compétentes de l'Etat. Cet agrément est implicite à l'expiration d'un délai de six mois suivant la prise
effective de fonctions de l'agent (décret du 2 juin 1999).
On peut se demander si l’agrément a encore une portée quand il s’applique aux directeurs et agents
comptables du régime général qui sont désormais nommés par les directeurs des caisses nationales à l’issue
d’une procédure très encadrée. Il semble qu’il doive cependant être conservé essentiellement pour permettre le
maintien du retrait d’agrément (voir
infra
). Il y aurait un ou deux refus d’agrément par an.
La compétence pour retirer l’agrément des agents de direction appartient exclusivement au ministre (chargé de
la sécurité sociale ou de l’agriculture selon le cas). Elle est exercée conjointement avec le ministre chargé du
budget pour les agents comptables. Le retrait d’agrément, qui est généralement motivé par l’intérêt du service,
peut être prononcé après que l’intéressé et l’organisme qui l’emploie ont été, par la communication des motifs
de la mesure envisagée, mis à même de présenter leurs observations. Les caisses nationales ne sont pas
formellement consultées, à l’exception du régime agricole où le conseil central d’administration de la MSA est
appelé à formuler un avis. Il serait justifié que les directeurs, et non les conseils, des caisses nationales du
régime général soient officiellement consultés en cas de projet de retrait d’agrément visant un directeur ou un
agent comptable.
Le retrait d’agrément entraîne de plein droit cessation des fonctions pour lesquelles l’agrément avait été
accordé. Il en résulte, bien que cela ne figure pas dans les textes, l’obligation pour le conseil d’administration
de procéder au licenciement de l’intéressé. Le contentieux du retrait d’agrément étant administratif et celui
concernant le licenciement, judiciaire, des difficultés pourraient surgir. Une jurisprudence ancienne et rare
considère que, suite à un retrait d’agrément, le licenciement ne constitue pas une rupture abusive du contrat de
travail, la caisse n’ayant dès lors pas d’indemnité à payer. Il serait cependant préférable de clarifier les textes.
3. la fin de fonctions dans l’intérêt du service : une mesure à la disposition des caisses nationales du seul
Régime général
La fin de fonctions dans l’intérêt du service
L’ordonnance du 24 avril 1996 a introduit une procédure permettant au directeur de la caisse nationale
concernée de mettre fin aux fonctions des directeurs et des agents comptables, pour un motif tiré de l’intérêt
du service, après avoir recueilli l’avis du conseil de la caisse locale employeur et sous les garanties,
notamment de reclassement, prévues par la convention collective. La décision du directeur national devient
exécutoire à l’expiration d’un délai d’un mois pendant lequel le conseil de la caisse locale concernée peut s’y
opposer par un vote à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.
Il n’y a eu aucun cas d’application de cette disposition, faute de textes d’application et d’intérêt des
partenaires conventionnels. Un projet de décret en cours de préparation apporte certaines précisions utiles :
ainsi, la décision de fin de fonctions retirerait tout effet à l’agrément du directeur ou de l’agent comptable,
mais elle n’a pas un caractère disciplinaire et ne vaut pas licenciement. Jusqu’au reclassement dans un autre
organisme, le traitement de l’agent est maintenu par son organisme d’origine. Pendant cette période, il peut
être mis à disposition d’un autre organisme du régime général. Enfin, il conserve le niveau acquis
d’inscription sur la liste d’aptitude.
Cependant, plusieurs questions restent sans réponse : l’"intérêt du service" n’est pas défini, ce qui est sans
doute préférable pour laisser à cette procédure la souplesse voulue, et le champ d’application temporel n’est
pas précisé : le texte législatif ne fait aucune distinction entre les agents nommés avant et après son entrée en
vigueur, le projet de décret pas davantage. Il faut en conclure que tous les directeurs et agents comptables en
poste, quelle que soit leur date de nomination, peuvent faire l’objet de cette procédure, ce qui correspond au
souhait des caisses nationales. Par ailleurs, la convention collective n’a toujours pas étendu la procédure de
reclassement au cas de cessation de fonctions dans l’intérêt du service, son article 29 ne prévoyant de
garanties qu’en cas de suppression de poste. Enfin, il y aura lieu de concilier la nécessité de reclasser l’agent
de direction placé en fin de fonctions avec la nouvelle procédure de nomination.
4. La mise en cohérence des procédures de retrait de fonctions
Pour les directeurs et agents comptables du régime général, il y a donc trois procédures appartenant à trois
autorités différentes, ce qui crée des risques de conflits entre, d’un côté, le directeur de la caisse nationale qui
nomme et peut mettre fin aux fonctions et l’Etat qui accorde et peut retirer l’agrément et, de l’autre, entre le
conseil d'administration local et le directeur de la caisse nationale à propos d’une décision de fin de fonctions.
Il y avait déjà une difficulté de coordination entre les procédures de retrait d’agrément (initiative Etat) et de
licenciement (initiative du conseil). Il pourrait y en avoir une autre dans la mesure où il sera parfois difficile
de distinguer clairement entre la mesure disciplinaire et celle prise dans l’intérêt du service.
5. Synthèse
A la réflexion, chacune de ces procédures conserve sa justification et peut donc être maintenue, sous réserve
de bien clarifier leur finalité et leurs effets dans des textes appropriés :
- L’Etat doit conserver le pouvoir dans une situation extrême de retirer l’agrément d’un agent de direction dès
lors que le conseil d’administration ne se décide pas à engager une procédure disciplinaire et que la caisse
nationale reste passive. Ce retrait d’agrément devrait signifier clairement obligation pour le conseil de la
caisse de licencier l’agent concerné.
- La caisse nationale doit pouvoir mettre fin aux fonctions pour des motifs tirés de l’intérêt du service. Cette
procédure, prévue par l’ordonnance de 1996, qui permettrait de résoudre des situations difficiles tout en
maintenant les chances de reclassement de l’intéressé, doit être mise en place le plus rapidement possible.
- Le pouvoir disciplinaire appartient logiquement à l’employeur juridique de l’agent de direction, c’est-à-dire
au conseil d’administration de l’organisme. Cependant, la question se pose de la cohérence entre les pouvoirs
de nomination, d’évaluation et de sanction. En effet, désormais, le directeur de l’organisme national est
compétent pour nommer et évaluer les directeurs et les agents comptables et pour apprécier la gestion des
caisses locales. Il y a donc un conflit entre la logique juridique et la cohérence des pouvoirs, conflit dont il est
impossible de sortir sans retirer tout pouvoir au conseil d’administration sur son directeur et son agent
comptable.
III – La carrière des agents de direction
A - Des niveaux de rémunérations non corrélés à l’importance des organismes
La classification des agents de direction et le classement des organismes sont fixés par la convention
collective propre à chaque régime. Au croisement de la position de l’agent dans la classification et du niveau
de l’organisme correspond un coefficient de base auquel peuvent s’ajouter des échelons et diverses
rémunérations accessoires.
1. Le régime général
Les rémunérations sont régies par le protocole d’accord du 27 mars 1995 qui s’est efforcé d’apporter des
réponses aux difficultés d’application de l’avenant du 22 juin 1990.
Le protocole de 1995 a apporté des réponses satisfaisantes
Le classement des fonctions et des caisses
Le protocole a classé les agents de direction en quatre niveaux : directeur : niveau 4 ; agent
comptable : niveau 3 ; directeur adjoint : niveaux 2 ou 3 ; sous- directeur : niveaux 1 à 3.
L’évolution dans les fonctions entre les niveaux 1 à 3 dépend de l’organigramme de l’organisme,
des moyens budgétaires prévus, de l’expérience professionnelle acquise, de l’inscription dans la
classe correspondante de la liste d’aptitude. Elle est décidée par le conseil de l’organisme sur
proposition du directeur pour chaque agent concerné.
Par ailleurs, les organismes du régime général sont classés en quatre catégories : A,B,C et D sur la base de
critères quantitatifs propres à chaque branche et permettant de positionner dans une série continue chaque
organisme par rapport à l’autre. Le nombre d’organismes classés en A, B, C ou D est fixé pour chaque
branche par l’accord conventionnel
[44]
. Dès lors, toute évolution du classement des caisses doit se faire à
somme nulle pour chaque catégorie. Cette série continue est actualisée chaque année par les organismes
nationaux et transmise à l’UCANSS. Par contre, le changement des critères de classement souhaité par une
branche doit être discuté à l’UCANSS avec les autres caisses nationales.
La rémunération des fonctions de direction se compose du coefficient exprimé en points et de points
d’échelons. Le coefficient multiplié par la valeur du point fixée conventionnellement donne le montant de la
rémunération de base. Les coefficients sont fonction, d’une part, du niveau hiérarchique et, d’autre part, du
classement de l’organisme où sont exercées les activités. Par ailleurs, à chacun des quatre niveaux
hiérarchiques (1 à 4) est institué un système d’échelons : il s’agit, pour les directeurs, d’échelons de carrière de
20 points chacun et, pour les autres agents de direction, d’échelons de qualité, respectivement de 10, 15 et 20
points. Aux termes du protocole, ces échelons sont normalement attribués en fonction des résultats atteints,
l’un après l’autre, tous les deux ans au mieux. En cas de changement de niveau ou d’organisme occasionnant
l’attribution d’un coefficient supérieur, les échelons acquis antérieurement disparaissent (la rémunération est
maintenue dans tous les cas).
Les échelons font l’objet d’une enveloppe budgétaire spécifique et limitative dans le budget de l’organisme
approuvé par la caisse nationale concernée. Ils sont accordés par le président du conseil au directeur et par le
directeur aux autres agents de direction. La circulaire ministérielle du 14 février 1996 précise que cet avis
après avis du DRASS doit être notamment fondé sur les résultats du contrôle des comités départementaux
d’examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC), sur l’évaluation des performances de la
caisse telles que retracées dans les indicateurs de gestion de la branche, ainsi que sur l’appréciation des
initiatives prises au plan local en matière de gestion du risque et d’amélioration des relations avec les usagers.
L’avis peut être favorable sans délai, défavorable, ou exprimer le caractère prématuré de l’attribution d’un
échelon. L’attribution des échelons devant être sélective, selon l’esprit et la lettre de l’accord, ainsi que
rappelé dans l’agrément ministériel, il était recommandé aux organismes nationaux de doter la ligne d’un
montant autorisant au maximum un tiers des agents de direction à bénéficier d’un échelon la première année
de mise en oeuvre du protocole
A s'en tenir à la lettre, le dispositif paraît garantir une adéquation entre l’octroi d’avantages au choix, les
efforts réalisés et les résultats obtenus.
Une mise en oeuvre partielle des objectifs
[45]
Le bénéfice procuré par l’avenant de 1990, très variable selon les fonctions exercées, avait été rapidement
relativisé par la mise en oeuvre de la nouvelle classification des cadres et employés de 1992
[46]
, comme l’a
démontré un rapport de l’IGAS de 1994. Cette classification avait beaucoup amplifié le recouvrement (dit
"tuilage") des rémunérations des cadres et des agents de direction. Or, il était prévu qu’un agent de direction
ne pouvait pas être rémunéré à un niveau inférieur à celui du cadre du plus haut niveau dans l’organisme. Ceci
explique le repyramidage de la grille des agents de direction et la revalorisation des coefficients étalée sur
quatre ans opérés par le protocole de 1995. Depuis le 1
er
juillet 1998, la grille est définitive et ne semble plus
susciter de revendications.
Une autre ambition était d’avantager relativement les fonctions de direction de plein exercice, par rapport aux
autres. Dans la nouvelle classification, un directeur d’organisme de catégorie A a vu son coefficient progresser
entre 1995 et 1998 de 44 points, soit + 1 890 F par mois. De fait, la progression maximum a profité aux
fonctions de directeur de plein exercice et d’agent comptable ainsi que de directeur adjoint des caisses les plus
importantes. Cependant, les écarts ne sont pas tels qu’ils puissent répondre à l’objectif qui avait été énoncé.
Le protocole du 27 mars 1995 visait aussi, ainsi que l’indiquait le ministre dans sa lettre d’agrément du 18
avril 1995, à mieux gérer le déroulement de carrière des agents de direction en distinguant les mesures
générales liées à la fonction exercée et les mesures individuelles reposant sur le mérite des agents. Or, la
personnalisation de la rémunération des agents de direction introduite par l’avenant de 1990 avait été très
critiquée : limitée à 10 % de la rémunération de l’intéressé et décidée par la caisse nationale pour les directeurs
et par le directeur de l’organisme pour les autres agents, elle bénéficiait à 7,7 % des agents de direction à la fin
de 1993. Les reproches essentiels que lui adressaient les intéressés visaient le pouvoir nouveau ainsi accordé
aux caisses nationales (c’était avant le "plan Juppé"), l’avis des conseils et des DRASS apparaissant très
formel ; et aussi le fait que cette forme d’intéressement était réservée aux agents de direction, alors que la
réussite d’une caisse est le fruit d’un travail collectif.
Le protocole de 1995 n’a pas repris cet élément, ce qui le situe sur ce point en recul par rapport à celui de
1990. Par contre, il a mis en place des points pour fonctions multiples ainsi qu’un avancement au choix. Le
problème de l’intéressement est par ailleurs posé par les COG au niveau de l’ensemble des branches et pour
tout le personnel. L’avancement au mérite se traduit désormais par les échelons de carrière (directeurs) et les
échelons de qualité (autres agents). Même si la progression d’une année à l’autre est assez rapide, il reste
encore des marges importantes d’attribution d’échelons
[47]
. De toute façon, la progression de carrière ne se
pose pas de la même façon pour les agents de direction que pour les employés et cadres. Les perspectives de
promotion sont plus importantes que les avancements à l’intérieur d’un même niveau.
Le niveau des rémunérations correspondant au produit du coefficient par la valeur du point (42,9694 F en
1999) va de 22 129,24 F par mois pour le premier niveau 1D à 44 430,36 F pour le niveau le plus élevé de
directeur de grande caisse (4A) (il y en a 25 y compris les organismes nationaux), soit du simple au double.
Mais il faut ajouter les 13
ème
et 14
ème
mois et les échelons. Ainsi, un directeur de caisse A peut gagner en brut
51 835 F, sachant que 60 points d’échelons (le maximum) ajouteraient 2578 F par mois, auxquels peuvent
s’ajouter pour certains les points correspondant aux cumuls de fonctions dans des organismes de base ou dans
d’autres organismes
[48]
.
Ces échelons au mérite ne permettent pas une individualisation significative des rémunérations des agents de
direction, ce qui est une lacune regrettable du protocole de 1995. Ils sont, en effet, jugés trop peu importants
en francs pour justifier la mise en oeuvre d’une procédure d’attribution reposant sur le constat des mérites
particuliers de l’agent. En pratique, ces points sont attribués sans véritable intervention supérieure, ni de la
caisse nationale, ni du DRASS. Il est vrai que lors de leur création, en 1995, la procédure d’évaluation
n’existait pas. Mais encore actuellement, l’entretien prévu avec l’agent de direction préalablement à l’octroi
éventuel des points n’est, le plus souvent, pas pratiqué. Le bilan prévu pour la fin de 1996 n’a pas été fait.
Au-delà de l’intéressement dont le principe est prévu par les COG, se pose la question de la mise en place, à la
disposition des caisses nationales, d’une sanction financière positive et réversible de la gestion des directeurs
et agents comptables qu’elles doivent désormais évaluer.
2 - Les autres régimes
La méthode de rémunération des agents de direction est la même dans ces régimes que dans le régime général.
Le classement des caisses d’un régime à l’autre manque de cohérence
Le seul critère de classement des caisses dans les régimes de non salariés non agricoles est le nombre
d’assurés (cotisants et bénéficiaires), tous les organismes d’un régime ayant les mêmes fonctions. Dans ces
trois régimes, qui ont chacun le même nombre de caisses (à une unité près), on trouve un classement en quatre
catégories même si le régime des commerçants a dédoublé la catégorie exceptionnelle. Par contre, il n’y a que
trois catégories dans le régime agricole qui a pourtant un nombre de caisses très supérieur.
La comparaison entre les caisses de retraite et les caisses mutuelles régionales (CMR) du régime AMPI
montre que, bien que plus importantes, les CMR sont majoritairement classées dans les deux classes
inférieures (16 sur 30), alors que pour ORGANIC, on y trouve seulement 5 caisses sur 32 et à la CANCAVA,
12 sur 32. Or, les deux classes inférieures de la CANAM correspondent à des nombres d’assurés qui vont
jusqu’à 70 000 assurés, soit des effectifs atteints seulement dans les plus importantes des caisses
exceptionnelles des régimes de retraite. Le constat objectif des différences entre les missions des caisses de
retraite et celles des CMR ne suffit sans doute pas à expliquer ces écarts. Or, ces classements ont pour effet de
mieux rémunérer, à effectifs équivalents d’assurés, les agents de direction des régimes AVA et ORGANIC par
rapport à ceux du régime AMPI.
Le classement des caisses de MSA et la diversité de leurs missions (elles gèrent toutes les branches pour deux
catégories de populations dont les régimes sont différents : les salariés et les exploitants agricoles) rendent
difficile une comparaison avec les caisses non agricoles. Les critères de classement retiennent une pondération
entre trois indicateurs : les prestations servies, les cotisations encaissées et la population relevant de la
caisse
[49]
.
Les rémunérations intègrent une part excessive d’avancement à l'ancienneté
Les composantes de la rémunération
Dans les quatre régimes, on retrouve : un avancement au choix à l’intérieur d’une fourchette indiciaire ou par
attribution de points et d’échelons ; un avancement à l’ancienneté, le maximum allant de 20 à 40 % du
coefficient selon les régimes, dont une proportion importante des agents de direction a atteint le plafond. La
rémunération est calculée sur 13,75 à 14,166 mois selon les régimes et des zones de salaires ont été
maintenues dans les trois régimes ORGANIC, AVA et AMPI. Par ailleurs, une majoration de 13 % de l’indice
est prévue en cas de cumul de fonctions (ORGANIC, CANCAVA et AMPI). Mais, paradoxalement, il y a peu
de cumuls alors que les caisses sont de petite taille. Dans le régime agricole, des majorations plus importantes
ont été prévues afin de favoriser les rapprochements entre les organismes.
L’importance de l’avancement à l’ancienneté, s’agissant d’agents de direction, est excessive. Par ailleurs,
comme dans le régime général, les caisses nationales n’ont pas la possibilité de sanctionner positivement la
gestion des directeurs de leur réseau
[50]
. L’avancement au choix reste exclusivement ou presque dans les mains
des conseils d’administration locaux. Il serait souhaitable que les caisses nationales puissent attribuer des
avantages non permanents tenant compte des résultats obtenus en fonction des objectifs définis dans les
contrats pluriannuels de gestion (CPG).
3 - Appréciation des rémunérations offertes par les cinq régimes
L’examen des rémunérations offertes par les différents régimes aux agents de direction pour des catégories
correspondantes d’organismes et des grades identiques montre que le régime général offre des rémunérations
plus importantes mais qu’il y a plus de différence entre un directeur en fin de carrière et un sous directeur de
caisse importante dans les régimes autres que le régime général. Cela confirme que le régime général ne
récompense pas assez, relativement, les fonctions de pleine responsabilité par rapport aux autres fonctions de
direction.
Il faut toutefois relativiser ces appréciations en fonction de l’importance des caisses : en effet, comparer la
situation des directeurs des différents régimes responsables de caisses de catégorie supérieure ou moyenne
revient à comparer des caisses aux effectifs très différents, notamment, entre le régime général d’une part et
les autres régimes. Les 20 caisses (sur 375) classées en catégorie supérieure (A) dans le régime général sont
celles de la région parisienne ou des grandes régions, fortes de milliers d’agents. Les plus importantes des
caisses des autres régimes ne peuvent leur être comparées
[51]
. Dès lors, on peut considérer que la faible
différence de rémunération entre les directeurs des différents régimes avantage de façon sensible ceux des
régimes de non salariés et du régime agricole.
b - La mobilité des Agents de direction reste insuffisante
1. Le régime général
L’insuffisante mobilité reprochée aux agents de direction était due en partie aux pratiques de première
nomination à un niveau de classement élevé : en 1980, plus de 40 % des premières nominations se faisaient à
un niveau de directeur de caisse. En 1990, sur 86 premières affectations, en tant qu’agents de direction, il y
avait encore 11 nominations de directeurs, soit
13 %. Une mobilité plus grande est constatée depuis quelques années.
Des dispositions réglementaires récentes ont encouragé la mobilité
Les modifications intervenues récemment dans les conditions d’inscription sur la liste d’aptitude ont imposé
un déroulement de carrière plus progressif. Ainsi, en application de l’arrêté du 25 septembre 1998, il faut, pour
pouvoir être inscrit sur la liste d’aptitude, justifier d’une durée minimale de fonctions dans un niveau
inférieur. Par ailleurs, la circulaire ministérielle du 26 octobre 1998 précise que si l’exigence de mobilité
(accomplie ou potentielle) ne constitue plus un critère dirimant à l’inscription, elle demeure un élément
essentiel de l’évaluation et continuera d’influer de manière déterminante sur l’appréciation des demandes de
renouvellement d’inscription sur la liste d’aptitude.
La reconduction automatique d’inscription est limitée dans le temps. A l’issue d’une période de trois ou cinq
ans selon les cas, les agents devront établir chaque année une demande à l’effet d’obtenir une nouvelle
inscription dans la même classe aussi longtemps qu’ils souhaiteront y être inscrits. Il s’agit, à l’issue d’une
période raisonnable, d’apprécier la volonté réelle des candidats d’occuper les emplois correspondant à
l’inscription obtenue, d’apurer la liste d’aptitude des inscriptions de pure forme et surtout de favoriser la
mobilité.
Par ailleurs, un décret du 29 décembre 1998 dispose que seul peut être nommé directeur d’un organisme de
sécurité sociale un agent déjà agréé dans des fonctions d’agent de direction. Ainsi ne peuvent plus être
nommés directeurs des candidats n'ayant aucune expérience d’agent de direction. En outre, si le candidat
exerce à la date de la publication de la vacance du poste de directeur des fonctions d’agent de direction depuis
plus de sept ans consécutifs dans l’organisme considéré, il doit avoir exercé précédemment au moins une
fonction d’agent de direction dans un organisme différent
[52]
. Ces dispositions ne s’appliquent qu’au régime
général et au régime agricole.
Les dispositions conventionnelles favorisant la mobilité
L’accord de 1995 prévoit des mesures pour favoriser la mobilité géographique des agents de direction :
l’obligation faite aux organismes de déclarer toute vacance de poste de direction à l‘UCANSS, qui en assure la
publication, ainsi que des aides financières. En outre, la rémunération est maintenue même si les échelons déjà
acquis sont supprimés. Par ailleurs, la convention collective prévoit la position de détachement, pendant au
plus cinq ans, des agents de direction dans une administration publique
[53]
, une collectivité territoriale, un
organisme de sécurité sociale d’un autre régime, un organisme chargé d’une mission de service public ou
relevant du code de la mutualité ou dans une organisation internationale, un organisme social d’un pays
étranger.
Le rôle positif du comité des carrières
La procédure de nomination mise en place par l’ordonnance de 1996 avait pour objet de permettre un choix
plus éclairé, plus professionnel des directeurs et des agents comptables. Elle a eu, en outre, pour effet
d’accroître la mobilité des intéressés.
Une étude a été effectuée par le comité des carrières
en décembre 1998 pour déterminer si les pratiques en
matière de nomination des directeurs ont évolué depuis sa création. Si l’accession à la fonction de directeur
s’opère toujours en moyenne en 21 ans au total, par contre, le temps pour accéder à une première fonction
d’agent de direction s’est réduit (12,5 ans à compter de l’entrée dans l’institution) alors qu’il s’est accru pour
devenir directeur (8 ans ½ ). La grande majorité des directeurs ont leur premier poste de directeur dans un
organisme de catégorie D et l’âge moyen pour occuper un premier poste de directeur est de 45 ans (40 ans
pour les anciens élèves du CNESSS et 50 ans pour les autres). Les agents comptables mettent en moyenne
17ans ½ pour parvenir à une première fonction et 42 % d’entre eux n’ont pas occupé précédemment une
fonction d’agent de direction.
C’est sur la mobilité que l'étude montre le plus d’évolution. S’agissant de la mobilité géographique, avant la
création du comité, pour accéder à un premier poste de directeur, 54 % des directeurs nommés entre le 1
er
janvier 1994 et le 30 septembre 1996 ont pris la direction de l’organisme dans lequel ils occupaient auparavant
une fonction de direction, 27 % ont changé de région, 15 % de département au sein de la même région et 4 %
ont changé d’organisme au sein du même département. Par contre, pour les directeurs nommés entre 1996 et
1998, 75 % ont
changé de département et 56 % de région. Pendant cette même période, la mobilité
géographique des agents comptables est moins forte, sans doute parce que le nombre de postes vacants est
plus important que celui des directeurs.
Si les progrès sont réels, ils restent encore insuffisants. En effet, les directeurs font preuve d’une mobilité
géographique trop limitée. Une fois arrivés au sommet de l’échelle des catégories d’organismes, ils ne bougent
plus, sauf pour se rapprocher d’une région préférée.
Le comité des carrières favorise aussi la mobilité inter branches. Ainsi, entre novembre 1998 et octobre 1999,
les candidats nommés par la caisse nationale sur proposition du président de l’organisme concerné étaient
issus d’une autre branche à raison de 27% pour la branche famille, 44 % pour la branche maladie et 45 % pour
la branche du recouvrement. Limités aux seuls directeurs, ces pourcentages deviennent respectivement 21, 38
et 37. Les CAF accueillent donc moins volontiers des directeurs issus d’une autre branche que les URSSAF et
les CPAM. Même si les proportions varient d’une année à l’autre, la tendance reste la même.
En revanche, la mobilité inter régimes est encore limitée : elle a concerné seulement 7 % des candidats pour
les postes de directeurs et 8 % pour les postes d’agents comptables au cours de la période novembre 1997-
octobre 1998.
Le corps de mission : une forme de mobilité interne transitoire
L’UCANSS dresse chaque année un bilan du corps de mission. Depuis 1996, 10 missions ont été effectuées
sur des thèmes très divers
[54]
par des agents de direction des différentes branches. Dans la pratique, les
candidatures reçues correspondent le plus souvent à des agents de direction que les caisses nationales
souhaitent éloigner de leur organisme. Les agents du corps de mission sont suivis administrativement par
l’UCANSS, le suivi technique des travaux devant être assuré par la caisse nationale qui a choisi le thème et
défini le cahier des charges, ce qui n’est pas toujours le cas.
La crainte émise en 1995 de voir le corps de mission devenir le lieu d’accueil d’agents durablement mis à
l’écart ne s’est pas réalisée. Les règles fixées ont été rigoureusement respectées et les caisses nationales,
l’UCANSS et le ministère jugent positif le bilan de cette formule qui donne le temps, mais aussi crée
l’obligation, de rechercher un débouché à l’agent
[55]
. En outre, les rapports réalisés sont considérés comme
sérieux et intéressants. Après validation par le comité, ils sont mis à la disposition de toutes les caisses.
Cette solution doit donc être encouragée dans le respect des règles prévues.
Le corps de mission
L’accord de 1995 (art. 8) a créé un corps de mission pour répondre à des besoins d’intérêt commun
d’études transversales, de soutien logistique, ou de coopération technique, dans le domaine de la
protection sociale au sens large. La gestion de ce corps de mission est confiée à l’UCANSS et son
fonctionnement est assuré par un comité présidé par le président de l’UCANSS et composé du
président ou directeur de chaque organisme national, du directeur de l’UCANSS, du directeur du
CNESSS et d’un représentant de chaque syndicat national d’agents de direction.
Le corps de mission comprend 5 postes annuels, à pourvoir selon le principe d’appel à candidatures parmi les
seuls personnels de direction en activité. Le comité sélectionne les candidats en fonction des propositions de
missions qui lui sont faites tant par les caisses nationales, l’ACOSS et le CNESSS que par des demandes
externes à l’institution. Les agents de direction dont la candidature a été retenue par le comité sont rattachés
administrativement à leur dernier organisme employeur qui continue de les rémunérer, le comité opérant le
remboursement de ces sommes pendant la durée des missions. Le financement du corps de mission est assuré
par un fonds mutualisé intégré dans le budget de l’UCANSS, alimenté par chaque caisse nationale et par les
recettes des institutions, associations ou sociétés, pour le compte desquelles les missions sont exercées.
La durée de la mission ne peut excéder un an mais peut être prolongée à titre exceptionnel pendant six mois.
Avant son achèvement, le comité examine avec le directeur de la caisse nationale concernée les conditions et
modalités de réintégration dans la branche de l’agent en cause.
2 - Les autres régimes
Quatre régimes (régime général, AVA, ORGANIC et AMPI) ont adopté des dispositions convergentes pour
favoriser la mobilité des agents (le régime agricole restant à part) :
- tirant les conséquences de la création de la liste d’aptitude unique, les régimes de non salariés se sont
associés, afin de faciliter la mobilité inter régimes, à la base de données ARIAD gérée par l’UCANSS. Chaque
vacance de poste dans un régime est transmise à la caisse nationale des autres régimes (ou à l’UCANSS) qui la
diffuse à ses caisses par circulaire ;
- les mutations inter régimes sont traitées comme les mutations internes à chaque institution (s’applique à tout
le personnel) : les périodes d’activité accomplies dans ces régimes sont prises en compte pour le calcul de
l’ancienneté et le bénéfice des avantages conventionnels existants dans l’organisme preneur.
Le décret du 29 décembre 1998 imposant pour être nommé directeur d’avoir déjà occupé une fonction d’agent
de direction et d’avoir fait preuve d’une mobilité minimale (voir
supra
) n’a pas été étendu aux trois régimes
de non salariés non agricoles, à leur demande, en raison de la faible taille des organismes et donc du nombre
limité d’agents de direction. En outre, la répartition des caisses entre les catégories ne permet pas de faire
fonctionner valablement un tel système par le recrutement interne au régime. Enfin, l’appel aux autres régimes
ne permettrait pas de répondre aux besoins de recrutement dans les plus petites caisses.
Pour favoriser la mobilité, les conventions collectives des régimes de non salariés et du régime agricole
prévoient des aides et des incitations financières, ainsi que des jours de congé. Enfin, dans le régime AVA,
diverses dispositions encouragent la mobilité externe au régime. Mais le fait que, dans ce régime notamment,
les caisses ne comprennent le plus souvent qu’un directeur et un agent comptable et qu’elles se concentrent sur
deux catégories (1
ère
et 2
ème
) a pour conséquence de limiter fortement les possibilités de mobilité interne au
régime, la mobilité à grade égal n’étant pas encouragée.
c - L’évaluation
Avant 1996, les agents de direction faisaient l’objet d’une notation par l’administration
[56]
dans le cadre d’une
demande d’inscription dans une classe supérieure de la liste d’aptitude. Mais la culture d’évaluation est
jusqu’à présent peu développée au sein des institutions de sécurité sociale, comme dans l’ensemble du secteur
public. La détermination d’objectifs au sein des COG et dans les CPG rend indispensables les processus
d’évaluation des résultats mais aussi des personnes et, en premier lieu, des agents de direction. En outre, le
double mécanisme de sélection des directeurs et des agents comptables, par la liste d’aptitude et par le comité
des carrières, imposait la mise en cohérence des processus d’évaluation.
1. La rénovation des procédures d’évaluation
L’évaluation des candidats à une inscription sur la liste d’aptitude ou à un poste
Les réformes intervenues depuis 1996 ont rendu nécessaire l'élaboration d'une méthodologie d’évaluation des
agents de direction dans les différents régimes. La mise en place d’une liste d’aptitude commune couvrant les
principaux régimes obligatoires, à l’exception du régime agricole, a été l’occasion d’une réflexion sur
l’évaluation des agents de direction et des cadres des organismes de sécurité sociale, en cohérence avec les
procédures d’évaluation des organismes mises en oeuvre dans le cadre des COG.
Une circulaire ministérielle du 26 mai 1999 a défini les méthodes d’évaluation sur la base d’un rapport élaboré
par le président du comité des carrières. La démarche s’est fondée sur les expériences développées autour de
la gestion de la liste et par le comité des carrières ainsi que sur les référentiels de compétences et d’activités
propres aux branches. Elle a débouché sur une approche unifiée des candidatures, assurée par l’harmonisation
des critères, des procédures et des dossiers.
L’évaluation est d’abord réalisée au niveau local par le président de l’organisme (pour les directeurs) ou par le
directeur (pour les autres agents), par le DRASS pour tous les candidats en fonction dans les organismes de sa
circonscription et par le membre régionalisé de l’IGAS (dans certains cas seulement). Le principe d’une
évaluation par les caisses nationales sous la forme d’un avis écrit a été retenu, au moins pour les candidats
exerçant une fonction de directeur. Il faut qu'il soit mis en oeuvre rapidement. Les caisses nationales devraient
également être destinataires des évaluations faites par les DRASS et par l'IGAS.
La méthodologie, fondée essentiellement sur les entretiens individuels d’évaluation, et les outils (guide
d’entretien, grille d’évaluation et fiche récapitulative d’évaluation annexés à la circulaire) doivent être
communs à tous les évaluateurs. L’évaluation des personnes et l’évaluation des résultats des structures, à
travers les CPG, doivent s’enrichir mutuellement sans se confondre. Le système de la notation chiffrée est
supprimé et remplacé par un classement des candidats par niveau (A, B et C selon que les aptitudes et
potentialités sont fortes, moyennes ou faibles). Pour les agents n’exerçant pas dans un régime compris dans le
champ de la liste d’aptitude (agents de la MSA et fonctionnaires), la commission de la liste d’aptitude doit
définir les règles d’assimilation.
Au niveau national, l’appréciation des demandes d’inscription par la commission de la liste d’aptitude est
effectuée "au vu des divers éléments contenus dans les dossiers et en fonction des avis qu’elle juge opportun
de recueillir". Afin de mieux assurer l’égalité de traitement des candidats, le contenu du dossier type est défini
et la forme des avis recueillis par la commission est normalisée.
L’évaluation en continu est en projet
La réflexion se poursuit sur la mise en oeuvre, au sein d’une ou de deux branches du régime général, d’une
expérimentation d’un processus d’évaluation globale et en continu de l’ensemble des agents de direction.
L’évaluation des personnes est très liée à l’évaluation des actions ou des organismes. Elle doit nécessairement
faire partie du suivi de l’application des COG. Dès lors, elle devrait avoir lieu tous les trois ans,
indépendamment d’une demande d’inscription sur la liste d’aptitude ou d’une candidature adressée au comité
des carrières. Les travaux sur la base ITOSS ont montré que 14 % des agents de direction et 27 % des seuls
directeurs ne font l’objet d’aucune évaluation.
2 - La mise en oeuvre de l’évaluation
Un travail important de conception a été réalisé par le ministère, même s’il n’est pas encore achevé. Il faut
maintenant passer à la phase d’application concrète. S’agissant des agents demandant une inscription sur la
liste d’aptitude, la nouvelle procédure devait s’appliquer pour l’établissement de la liste 2000. Les nouveaux
outils annexés à la circulaire (grille d’évaluation décalquée de celle du comité des carrières, guide d’entretien
et fiche récapitulative établie par l’employeur) ne sont peut-être pas encore bien utilisés. Mais ils ont le mérite
d’exister et d’être homogènes pour tous les évaluateurs. Une formation à l’évaluation doit être organisée par
l’école nationale de la santé publique (ENSP) au profit des agents de l’Etat.
Il est important de souligner que cette démarche d’évaluation et les outils mis en place sont communs au
régime général et aux trois régimes de non salariés. En revanche, le régime agricole reste à l’écart de cet
effort. Il est souhaitable que le ministère de l’agriculture s’associe à cette démarche.
Les suites à tirer de l’évaluation doivent être déterminées. En cas d’évaluation négative, elles sont délicates à
mettre en oeuvre. Si un changement de fonction, voire d’organisme n’est pas accepté par l’agent, il s’agit
d’une mesure disciplinaire devant suivre la procédure prévue et susceptible de faire l’objet d’un recours
devant les prud’hommes. Par ailleurs, beaucoup d’acteurs interviennent (directeurs, conseils, caisse nationale),
ce qui peut bloquer des voies de solution. La procédure de fin de fonctions dans l’intérêt du service pourrait
être mise en oeuvre par la caisse nationale, mais elle implique un reclassement. Il s’agit là de mesures
extrêmes et rares : le plus souvent, l’évaluation débouchera sur le constat de certaines insuffisances justifiant
l’édiction de recommandations par l'évaluateur pour y remédier. En cas d’évaluation positive, la sanction peut
prendre la forme d’échelons de carrière ou de qualité (voir
supra
), d’évolution des niveaux de qualification,
d’inscription dans une classe supérieure de la liste d’aptitude ou de saut de classe.
La sanction de l’évaluation, positive ou négative, pose le problème du pilotage intégral par les caisses
nationales de la mobilité et de la carrière des agents de direction et de la mise à disposition de celles-ci
d’éléments réversibles de personnalisation de la rémunération. Mais cela supposerait que les caisses nationales
soient partie prenante aux négociations collectives voire même que leurs directeurs y constituent la parité
patronale
[57]
.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Les conditions de formation, de recrutement et de gestion des carrières des agents de direction se sont
incontestablement adaptées à l’évolution des missions des caisses et aux exigences de qualité et de
performance qui leur sont imposées, notamment dans les CPG. Ainsi, en matière de formation initiale et de
perfectionnement, le CNESSS s’efforce de plus en plus de s’adapter aux besoins des caisses grâce à une
coopération croissante avec l’UCANSS et les caisses nationales. De même, les procédures de recrutement ont
été notablement améliorées par la mise en place d’une liste d’aptitude unifiée entre cinq régimes et surtout
par la création du comité des carrières et les nouvelles responsabilités confiées aux caisses nationales du
régime général. La mobilité des agents de direction s’est accrue et de nouvelles méthodes d’évaluation ont été
mises au point.
Mais ces progrès ne valent pas pour tous les régimes. Notamment, le régime agricole reste à l’écart des
évolutions à l’oeuvre dans les autres régimes. Par ailleurs, les nouvelles procédures mises en place ont accru
l’imbrication des règles de droit privé et des règles de droit public qui caractérisait déjà fortement la gestion
des agents de direction. Ainsi, qu’il s’agisse des procédures de nomination ou des sanctions applicables, trois
autorités différentes interviennent : l’Etat, les caisses nationales et les caisses locales.
L’échelle des rémunérations au sein d’un régime et entre les régimes n’est pas suffisamment corrélée avec
l’importance des responsabilités confiées aux agents de direction. L’avancement à l’ancienneté, s’agissant
d’agents de direction, est encore plus contestable que pour les employés et cadres surtout quand il est
important, comme dans les régimes autres que le régime général. A l’inverse, les éléments de personnalisation
des rémunérations sont trop limités dans tous les régimes et les caisses nationales ne peuvent pas sanctionner
l’évaluation qu’elles font des agents de direction de leur réseau.
L’importance des situations de cumuls de fonctions concernant des caisses de petite taille témoigne de la
faible attractivité de certains postes. C’est la conséquence de l'existence de trop petites unités dans les
régimes et de la difficulté, notamment dans le régime général, à procéder à des réformes organisationnelles.
Les perspectives démographiques du groupe des agents de direction à partir de 2003 devraient pourtant
constituer l’occasion d’une réflexion sur l’organisation future des régimes.
RECOMMANDATIONS
1. Assurer plus de cohérence entre les règles de droit privé et de droit public qui régissent les agents de
direction, qu’il s’agisse des procédures d’affectation, de nomination ou de sanction.
2. Etendre les réformes entreprises dans certains régimes en matière de gestion des carrières des agents de
direction (liste d’aptitude unique, comité des carrières, procédures de choix et de nomination, évaluation) en
tout ou partie aux autres régimes, notamment au régime agricole qui reste largement à l’écart de ces
évolutions.
3. Tirer les conséquences des pouvoirs d’évaluation des structures et des hommes désormais confiés aux
caisses nationales en permettant aux directeurs nationaux d’accorder, en fonction des résultats, des éléments
de rémunération personnalisés et réversibles et en mettant en place la procédure de fin de fonctions dans
l’intérêt du service.
4. Profiter des perspectives démographiques du groupe des agents de direction pour réfléchir à l’organisation
future des branches et des régimes, dans le sens d’un regroupement des petites caisses.
5. Ouvrir le recrutement des agents de direction sur titres à d’autres catégories d’agents de l’institution (les
médecins-conseils) et à des candidats venant du secteur privé, en adaptant les dispositions réglementaires et
conventionnelles.
Réponse
[20]
Il s’agit du régime général, du régime agricole, du régime d’assurance maladie des travailleurs
indépendants et des régimes de retraite des commerçants et des artisans.
[21]
Ce nombre résulte de l’exploitation par l’UCANSS des bandes de paie qui lui sont adressées par les
organismes. Il ne correspond pas exactement aux effectifs budgétaires des branches. En outre, il concerne, non
seulement les organismes de base, mais aussi leurs unions et fédérations. Ainsi, il inclut 415 directeurs alors
qu’il n’y a que 370 organismes de base.
[22]
Mais pour les moins de 40 ans, la répartition entre hommes et femmes est presque équilibrée : 52,8 %
d'hommes, 47,2 % de femmes.
[23]
Les écarts entre le nombre de caisses dans chaque branche ne peuvent expliquer les différences d’effectifs
d’agents de direction : il y a
129 CPAM, 115 CAF, 105 URSSAF et 17 CRAM (dont 2 compétentes
exclusivement pour les assurances maladie et accidents du travail).
[24]
La création de 24 postes d’agents de direction pour les 13 UGECAM n’intervient qu’en 1999.
[25]
Ainsi, jusqu’en 1997-1998, les URSSAF de Belfort et de Montbéliard partageaient une équipe de direction
respectivement avec la CPAM pour Belfort et la CAF pour Montbéliard. Depuis lors, les deux URSSAF se
partagent la même équipe de direction, ce qui constitue une exception intéressante.
[26]
Le cumul peut porter sur trois organismes : ainsi, à Gap, un même directeur et un même agent comptable
gèrent la CPAM, la CAF et l’URSSAF.
[27]
Le regroupement des caisses trop petites et peu attractives vise les structures juridiques et non les centres
d’accueil des assurés et de traitement des dossiers qui, au contraire, doivent être proches de la population.
[28]
Rapport de
M. Bauer, directeur de recherches au CNRS, avec la collaboration de M. Bruno Gentil,
directeur général d’Entreprise et Personnel.
[29]
Elle appuie sa réflexion sur le nombre estimé de départs en retraite d’agents de direction dans les années à
venir et elle
retient le principe de deux recrutements d’élèves du CNESSS pour trois départs en retraite, le
tiers restant étant pourvu par la promotion interne des cadres. Le nombre de départs en retraite retenu est celui
dont l’échéance a lieu quatre ans après la sortie de la promotion concernée
[30]
Les "assimilés" sont les personnes régulièrement nommées à un emploi d'agent de direction d'un organisme
de sécurité sociale.
[31]
Mais cette catégorie de poste reste très difficile à pourvoir en raison des conditions fixées pour l’inscription
sur la liste d’aptitude.
[32]
Un projet de décret à l'étude prévoit d'étendre cette possibilité d'accès à tous les fonctionnaires.
[33]
Il s’agit du cycle de perfectionnement des agents de direction de la deuxième section (récemment rendu
plus difficile), du cycle de préparation au certificat d’études spécialisées de comptabilité et d’analyse
financière (CESCAF) que les agents non titulaires de l’option comptable incluse dans la scolarité du CNESSS
doivent réussir pour postuler sur un poste comptable. Enfin,
du cycle de perfectionnement des personnels
informaticiens créé en 1997.
[34]
Le régime agricole ne fait pas appel de manière systématique au CNESSS, mais certains de ses agents de
direction peuvent néanmoins s’inscrire aux formations qu’il propose.
[35]
Cela n’empêche pas des agents du régime agricole de postuler sur la liste unique des autres régimes. Mais
c’est très rare.
[36]
ITOSS est l’instrument de gestion de la liste d’aptitude par le ministère (DSS et DRASS) : elle comporte
les renseignements administratifs et l’évaluation des personnes. Au 1
er
janvier 2000, 3 870 agents sont
répertoriés dans ITOSS. Ce chiffre inclut les cadres candidats à la 1
ère
et à la 2
ème
section. 1195 personnes, soit
64,2 % des 1 861 candidats ont été inscrites sur la liste unique 2000 : respectivement 80,7 %, 31,2 % et 93,7 %
pour les 1
ère
, 2
ème
et 3
ème
sections. La sélection est donc très forte pour la 2
ème
section. Dans la liste unique, le
régime général représente 86,2 % des candidats et 87,1 % des inscrits. Sur les 1195 inscrits, les 1
ère
, 2
ème
et
3
ème
sections représentent respectivement 985, 195 et 15 inscrits.
[37]
ARIAD, prévue par le protocole de 1995 est composée de fiches par agent comprenant l’état- civil, les
diplômes généraux, les diplômes professionnels, le cursus professionnel, l’inscription sur la liste d’aptitude,
les actes de candidature à des fonctions d’agents de direction, les actions de formation suivies ainsi que les
bilans de compétences réalisés. Ces fiches sont constituées sur une base déclarative
,
ce qui ne garantit pas
leur
actualisation.
[38]
Avant 1997, le directeur pouvait se voir imposer ses proches collaborateurs par le conseil d’administration.
[39]
En droit, rien ne contraint le directeur de la caisse nationale à choisir les trois candidats parmi ceux ayant
été déclarés adéquats par le comité. En pratique, c’est le cas.
[40]
Les agents comptables continuent d’être nommés par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité
sociale et du ministre chargé du budget.
[41]
Dans tous les régimes, y compris agricole, les caisses nationales interviennent pour diffuser les postes
vacants au sein de leur régime et en direction des autres régimes et pour centraliser les candidatures et les
diffuser aux caisses concernées. Enfin, elles interviennent, plus ou moins formellement, dans les choix.
[42]
La révocation est un vocable issu du droit de la fonction publique : il n’a guère de sens ici.
[43]
Cela ne couvre pas les directeurs ni les agents comptables nommés par décret ou par arrêté.
[44]
Dans chacune des branches maladie, famille et recouvrement, la moitié ou plus des caisses sont classées en
catégorie D et une minorité en catégorie A.
[45]
Un bilan détaillé du protocole d’accord devrait être fait en 2000 en application de l’article L. 132-12 du
code du travail qui prévoit une négociation au moins une fois tous les cinq ans pour examiner les nécessités de
réviser la classification.
[46]
Cf. le rapport de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale
d’octobre 1998.
[47]
Au 31-12-98, s’agissant des directeurs, 34,9 % avaient un échelon, 24,3 %, 2 échelons et 0,2 %, 3
échelons. Pour les autres agents de direction, 42,7 % avaient le 1
er
échelon et 13,6 % le deuxième.
[48]
Les points pour cumuls de fonctions dans des organismes de base concernent
3,5 % des agents de direction et ceux pour cumuls de fonctions dans des organismes autres que des
organismes de base (centres régionaux de formation professionnelle, centres informatiques, fédérations
d’établissements sanitaires et sociaux)
sont attribués à 24,5 % des agents de direction (dont 44,1 % des
directeurs et 52,4 % des agents comptables).
[49]
Un nouveau dispositif de classement des caisses sera fixé par la future convention collective des agents de
direction prévue pour le 1
er
juillet 2000.
[50]
Cependant, la CANCAVA attribue dans le cadre de la fourchette indiciaire des points d’avancement aux
directeurs des caisses de base qui ont consenti des efforts de gestion importants et la CANAM peut accorder
un 5
ème
échelon à 25 % au plus des agents de direction.
[51]
Ainsi, les plus grosses CMR, caisses AVA et ORGANIC ont respectivement 80 , 83 et 165 agents.
[52]
C’est la reprise au niveau réglementaire de l’article 6 du protocole d’accord du 27 mars 1995.
[53]
Mais l’administration ne prend pas en détachement des agents de droit privé.
[54]
Par exemple : la gestion des imprimés (1996), la sécurité sociale et la télématique : une intégration de
service ? (1996-1997), la politique immobilière (1997), l’ échange de données informatisées (1997), le
présentéisme dans les organismes du régime général (1998), les procédures d’achat dans les organismes du
régime général (1998), le présentéisme : approfondissement (1999), la qualité de service (1999).
[55]
Tous les missionnaires ont été réintégrés dans une caisse sauf un. Par ailleurs, la nature de la mission
confiée et ses résultats sont inscrits dans le cursus de carrière de l’agent de direction concerné.
[56]
Pour les agents de la 1
ère
section, il y avait une double notation : DRASS et IGAS et pour les agents
relevant de la 2
ème
section, la notation était faite par les DRASS.
[57]
Cf. le rapport de la Cour des comptes de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la
sécurité sociale.
CHAPITRE XI
Les relations des branches famille et vieillesse du régime général avec
les usagers
La branche famille est celle qui est le plus en contact direct avec la population, qu'il s'agisse des familles
percevant des prestations ou, depuis une dizaine d'années, des personnes recevant les minima sociaux : RMI,
AAH (allocation pour adultes handicapés), API (allocation pour parent isolé). Aussi est-il capital d'assurer un
excellent service : accueil, expertise, résolution des problèmes, souci de l'accès des personnes à leurs droits,
etc. La retraite relève d'une problématique voisine (information et accueil du futur retraité, versement à temps
et sans erreur une fois à la retraite, …) ; aussi la relation entre la branche vieillesse du régime général et ses
usagers est-elle également importante. Ce chapitre se situe donc dans le prolongement du précédent en
approfondissant la qualité du service rendu dans ces deux domaines particuliers.
Elle est nettement perfectible. L'accueil téléphonique en particulier est très défectueux dans les CAF,
provoquant, par son insuffisance même, un surcroît de déplacements des personnes, donc d'accueil physique.
Cette lacune n'est sans doute pas spécifique à la branche famille, mais elle devrait faire en sorte, comme dans
d'autres services publics, de répondre correctement au téléphone. L'information écrite donnée aux usagers
dans les deux branches paraît également inadaptée, soit trop standard, soit insuffisamment précise et fréquente,
notamment sur leurs droits. Enfin, et c'est un autre aspect mais qui est préoccupant, le service est très
inégalement rendu sur le territoire, d'une CAF à l'autre.
Les caisses doivent mieux s'organiser pour, au-delà d'une simple culture de la liquidation, du versement des
prestations et des retraites, davantage se tourner vers leur usager, leur "client", l'informer, l'écouter, l'aider,
bref lui rendre un meilleur service.
Section I :
Les relations avec les usagers et la qualité de service dans la branche famille
La convention d’objectifs et de gestion signée le 14 mai 1997 entre l’État et la CNAF a, pour la première fois
dans la branche famille, intégré dans une stratégie d’évolution institutionnelle la notion de qualité du service
rendu aux usagers, en prévoyant dans un socle de service des critères définissant cette notion.
Cette volonté de mettre l’usager au centre de la réflexion stratégique intervient à un moment où la branche fait
face à une évolution forte de son public : l’augmentation des bénéficiaires de minima sociaux a plus que
compensé la diminution du nombre des allocataires de prestations familiales. En moins de 30 ans les
prestations familiales hors logement sont passées de 86,2 % à 57,4 % des sommes versées par les caisses
d’allocations familiales (CAF), tandis que les titulaires de minima sociaux (RMI, AAH, API) représentent
désormais 15 % de l’effectif des allocataires, dont 10 % pour le seul RMI.
Cette évolution de la population entraîne un changement dans les relations que les CAF entretiennent avec
leurs usagers : la demande devient plus pressante. Depuis 1988, les visites aux guichets ont doublé alors que le
nombre d’allocataires n’a augmenté que de 20 %. De plus, une partie du public agit selon une logique de
besoins financiers liée à la précarité de sa situation, alors que l’institution demeure dans une logique de droits,
les prestations étant versées en application de la réglementation. La dichotomie entre les besoins des
allocataires et la logique des caisses est d’autant plus importante que viennent à l’accueil essentiellement les
bénéficiaires de minima sociaux et d’allocations logement.
Face à l’évolution de son public, l’institution est restée trop longtemps centrée sur une logique de production
et de gestion des flux, malgré de réels efforts d’adaptation depuis 1997, notamment en termes
d’investissements : aménagement des locaux d’accueil et surtout mise en place d’un outil informatique de
production plus performant, CRISTAL (sur ce point, cf.
infra
, chapitre suivant, p. 457).
Par rapport aux objectifs annoncés dans la COG, la qualité du service rendu aux usagers demeure très inégale
selon les caisses et est en grande partie fonction de leur organisation interne, ainsi que l’a montrée l’enquête
réalisée par la Cour dans onze CAF
[247]
.
I - une qualité de service trés inégale selon les caisses d’allocations familiales
La qualité des relations entre les usagers et le service prestation, comme celle de la gestion du "produit" fourni
aux allocataires, varie en fonction de la caisse de rattachement : la situation, telle qu’elle est retracée par les
indicateurs définis par la COG, apparaît très hétérogène et globalement perfectible.
A - La qualité des relations avec les usagers
Les contacts avec les caisses d’allocations familiales ne cessent de croître. Entre 1996 et 1998, par exemple, le
nombre d’allocataires s’est stabilisé alors que les contacts aux guichets ont progressé de 12,2 % et les contacts
téléphoniques de 8,7 %. Cela représente 2 millions de personnes supplémentaires accueillies par an.
Même si certaines études ont été conduites à ce sujet (cf. la réponse de la CNAF), l’analyse des causes de la
progression du nombre de contacts n’est pas une priorité pour la branche. Pourtant une part non négligeable de
cette progression est le résultat de l’action même des caisses. En effet, une étude réalisée aux accueils de la
CAF de Paris montre que 35 % des personnes interrogées se déplacent parce qu’elles n’ont pas réussi à joindre
la caisse par téléphone. De même, 35 % des visites sont en fait objectivement inutiles, même si certaines ont
une fonction évidente de confirmation : l’allocataire se fait confirmer une information, ou bien il aurait pu
obtenir le même service par téléphone ou par courrier. Par ailleurs, la branche n’analyse pas davantage les
motifs des appels téléphoniques. Face à l’augmentation des contacts elle reste en retrait, mettant en cause
l’indéniable complexité de la législation et les exigences du public, sans se pencher plus avant sur les
améliorations qui sont à sa portée pour mieux contrôler les flux de relations qu’un public inquiet sur sa
situation
[248]
entretient avec les CAF.
1. L’Accueil physique et téléphonique
Si la qualité de l’accueil sur place est très variable selon les caisses, les contacts téléphoniques constituent
partout le point faible de la relation avec les usagers.
L’accueil physique : une réalité très contrastée
En 1998, 18,4 millions de personnes se sont présentées dans les accueils des caisses d’allocations familiales,
soit sur des sites accessibles toute l’année, soit dans des permanences ouvertes quelques heures par semaine
dans les localités éloignées du siège. Les caisses font des efforts significatifs pour maintenir un service de
proximité, même partiel, dès lors que la caisse est d’accès difficile à partir d’une zone donnée.
La qualité des conditions d’accueil varie beaucoup d’un site à l’autre : parfois les usagers patientent dans des
locaux récents, bien agencés, et disposant de quelques services (espaces de jeux pour enfants à Perpignan ou
Bar-le-Duc, halte-garderie sur le site principal de la CAF des Bouches-du-Rhône) ; dans de rares cas, au
contraire, les conditions d’attente sont à la limite de l’acceptable : ainsi sur le lieu d’accueil de la rue des
convalescents, à Marseille (prochainement abandonné), environ 200 personnes, habitant les quartiers
défavorisés du centre ville, attendent encore chaque jour dans un local trop étroit, vétuste et mal aéré, qui leur
renvoie une image très négative de la caisse et de l’importance qu’elle semble leur accorder
[249]
. En général,
les conditions d’accueil sont moins bonnes dans les caisses de grande taille, même si celles-ci effectuent
depuis quatre ans des travaux importants pour améliorer la situation de leurs visiteurs : Marseille a ainsi
consacré 11,5 MF à des investissements immobiliers (ouverture et rénovation d’antennes délocalisées) depuis
la mise en oeuvre de la COG.
La présence de vigiles sur les sites d’accueil (à Marseille et Rosny) ou le fait que les usagers soient reçus
derrière des hygiaphones (Marseille) contribuent à créer une atmosphère peu accueillante. De telles mesures,
installées à la demande du personnel pour des raisons d’hygiène et de sécurité dans des sites qui ne se
distinguent pas des autres par une fréquence ou une violence des incidents particulières
[250]
, apparaissent
excessives et contribuent à maintenir une tension entre les usagers et l’institution. D’autres solutions semblent
plus pertinentes pour pacifier et enrichir les relations entre les agents chargés de recevoir le public et les
usagers : ainsi, les grandes caisses, y compris à Marseille et en région parisienne, ont recours à des emplois-
jeunes ou des CDD pour orienter les personnes, réguler les files d’attente, réceptionner le dépôt de pièces ; à
Perpignan, un logiciel permet à l’agent chargé de l’accueil de recenser les divers contacts que l’usager a déjà
eus avec la caisse et une fiche de suivi retrace brièvement la cause de la visite et les éventuelles pièces
manquantes, créant de la sorte une relation moins anonyme et plus suivie.
Les conditions d’accueil sont d’autant plus importantes que l’attente est parfois longue : comme on l'a déjà
souligné, 40 % seulement des 125 CAF accueillent 90 % de leurs usagers en moins de 30 minutes en 1998,
norme fixée dans le socle institutionnel de la COG. Au total, environ un visiteur sur cinq patiente plus d’une
demi-heure. Mais cette moyenne recouvre de grandes disparités : ainsi, dans certains centres de l’Ile-de-
France le temps d’attente dépasse en moyenne une, voire deux heures, dans un environnement très dégradé.
Les horaires d’ouverture sont également hétérogènes : seules les caisses de taille significative (plus de 80 000
allocataires), et parmi celles-ci essentiellement les plus grandes, ouvrent entre midi et deux heures. Certaines
caisses sont ouvertes le samedi matin, d'autres non. Enfin, parmi les grandes caisses, celle de Marseille est
fermée le mercredi, offrant donc une accessibilité moindre à ses allocataires. Il n'y a pas d'éléments qui
montrent que ces décisions sont prises en fonction des besoins des usagers.
Le service fourni à l’accueil est en revanche souvent similaire quelle que soit la taille des organismes : au
siège des caisses et dans les annexes permanentes, le public peut déposer des documents, se renseigner sur des
points précis ou obtenir un examen de son dossier ; dans les permanences temporaires, par contre, cela n’est
pas toujours possible, certaines caisses comme celle de Rosny n’équipant pas systématiquement ses agents du
matériel informatique leur permettant de consulter les dossiers à distance, ce qui amène de nombreux
allocataires à se rendre ensuite au siège. De manière plus grave, les services sociaux de la caisse ne sont pas
toujours présents sur les sites d’accueil, notamment hors siège, traduisant en cela un cloisonnement des
services particulièrement dommageable pour les usagers : ceux-ci ne peuvent trouver sur le même lieu
l’ensemble de leurs interlocuteurs, alors qu’ils appartiennent au même organisme.
L’accueil téléphonique : le point faible des caisses
Le téléphone constitue traditionnellement le point faible de la relation entre les caisses et leurs usagers, alors
même que plus de 47 millions d’appels ont été enregistrés en 1998.
En effet, les directeurs des caisses sacrifient systématiquement l’accueil téléphonique au profit de la
production (c'est-à-dire de la liquidation des dossiers) et de l’accueil sur place. Ce choix entraîne
automatiquement des déplacements d’allocataires à l’accueil. Cela a été notamment le cas lors de la mise en
place de CRISTAL, puisque entre 1997 et 1998 l’amplitude d’ouverture de l’accueil téléphonique a diminué
de 24,1 heures par semaine à 23,1 heures. En 1998, 74 caisses étaient en deçà de l'objectif, déjà peu ambitieux,
que prévoyait la COG (25 heures d'ouverture par semaine), dont 58 en deçà de 20 heures d’ouverture par
semaine, ce qui représente moins de trois heures et demi sur six jours, ou moins de quatre heures sur cinq, ce
qui est trop peu. Ces données illustrent les difficultés rencontrées par de nombreux allocataires pour contacter
leur caisse.
Une fois que l’allocataire est parvenu à obtenir un technicien, de plus en plus
via
une plate forme téléphonique
au sein de laquelle les agents de la caisse viennent quelques heures par semaine, il peut obtenir des
renseignements. Dans certaines
caisses, il peut également faire prendre en compte immédiatement des
informations, uniquement si elles lui sont défavorables en terme de droits.
Les caisses tentent de pallier le grave dysfonctionnement de l’accueil téléphonique en mettant en place des
serveurs téléphoniques, télématiques et bientôt électroniques, permettant de consulter l’état d’avancement
d’un dossier en utilisant un code confidentiel, ce qui a constitué pour de nombreux usagers un progrès
important. Mais les serveurs ne donnent par définition aucune information sur les causes de l’octroi ou du
refus d’une prestation et ne peuvent répondre à la demande financière qui est souvent à l’origine d’un appel ou
d’une visite. De plus, les personnes les plus fragilisées socialement ne sont pas celles qui se servent le plus
spontanément des technologies modernes : elles ont davantage besoin d’informations personnalisées et
précises pour surmonter les difficultés liées à la complexité de la réglementation. Le problème de
l’accessibilité téléphonique des caisses est donc très loin d’être résolu. Il est nécessaire et urgent de le
résoudre, ce qui suppose d'étudier et de mettre en place les organisations du travail adaptées.
2. la qualité très perfectible des Relations écrites
Les caisses d’allocations familiales communiquent par écrit soit de manière collective, soit de manière
individuelle par des notifications informatiques ou de courriers. Dans les deux cas, des progrès devraient être
faits.
En matière de communication collective, la branche s’appuie essentiellement sur la revue "Vies de famille",
que 96 caisses diffusent au moins trois fois par an à leurs allocataires. Ce magazine, conçu pour un public
familial, correspond peu aux besoins des personnes les plus en difficulté. C’est d’ailleurs pourquoi la branche
a réalisé en 1999 un guide des prestations diffusé à 9,5 millions d’exemplaires. L’enquête de la Cour a permis
de constater en matière de communication externe le peu de réflexion et d’initiatives de la grande majorité des
caisses, ce qui est très dommageable alors même que la branche a du mal à faire face à la demande de contacts
de ses allocataires.
En ce qui concerne la communication individuelle, la situation n’est pas plus satisfaisante. Les notifications
éditées automatiquement apparaissent soit trop lacunaires, soit incompréhensibles du fait de l’enchaînement de
faits juridiques différents amenant à la décision de la caisse. Leur réception entraîne régulièrement, même si la
proportion exacte n’est malheureusement pas mesurée par les caisses, la venue des allocataires à l’accueil, afin
d’obtenir des explications. Les notifications, sauf exception, ne comportent pas de formule de politesse, ce qui
pourrait pourtant contribuer à donner une image moins bureaucratique et plus conviviale de l’institution. Les
caisses les plus petites effectuent une vérification des notifications avant leur départ, ce qui est de fait
impossible dans les plus grandes d’où partent entre 3 et 5 000 notes par jour. Il s’agit d’un domaine dans
lequel les possibilités d’amélioration offertes par le système informatique pourraient pourtant être davantage
exploitées. Cependant, il semble nécessaire, pour les communications les plus complexes, notifiant par
exemple des indus, de prendre directement l’attache des allocataires plutôt que de susciter par des courriers
abscons un afflux supplémentaire à l’accueil.
3. la Levée de l’anonymat inégalement mise en oeuvre
En 1998, la levée de l’anonymat a concerné 92 % des caisses pour les relations écrites (hors notifications), 86
% pour l’accueil physique et 67 % pour le téléphone. Cependant ces proportions recouvrent une réalité très
diverse selon les organismes : certaines CAF admettent l’utilisation de prénoms seuls ou de pseudonymes
(Rosny, Paris ou Marseille, par exemple), possibilité alors largement utilisée par les techniciens. Ce recours
traduit une crainte vis-à-vis des usagers, que la pratique des caisses qui ont mis en place une personnalisation
totale révèle largement irrationnelle. Il illustre le fait qu’un changement de culture doit être porté par l’équipe
de direction en place pour devenir effectif.
La levée de l’anonymat est prévue dans la COG d’une manière plus large encore que dans les dispositions de
la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration puisqu'elle ne
concerne pas seulement la personne qui traite le dossier mais tous les interlocuteurs de l’allocataire, quel que
soit le mode de contact. Il s’agit de personnaliser la relation, et non pas uniquement de responsabiliser le
gestionnaire. Or, la personnalisation suppose une organisation des caisses en petites unités, voire en
portefeuilles individuels d’allocataires, placées sous la responsabilité d’un seul agent, ce qui n’est pas encore
partout le cas, notamment dans les organismes les plus importants. La mise en place réelle de cette
personnalisation, en matière d’accueil physique et de relations écrites, apparaît particulièrement importante.
Le fait d’obtenir toujours la même personne au téléphone n’est sans doute pas aussi important que l’assurance
d’avoir une réponse exacte, claire et rapide à sa demande.
B - La qualité de la gestion
Les usagers sont en droit d’attendre un examen rapide de leur situation, une réponse correcte au regard de la
réglementation ainsi qu’un versement régulier de leurs prestations, ce que mesure en partie le socle de service
inclus dans la COG.
1. La rapidité et la fiabilité du service peuvent être améliorées
La qualité du produit fourni par les caisses en matière de prestations peut être appréhendée à partir de deux
indicateurs : le délai moyen de traitement des informations fournies, et le nombre de dossiers incorrectement
traités par le service liquidation et donc rejetés par les vérificateurs
[251]
.
Le mode de calcul de l’indicateur de délai
[252]
est trop fruste pour permettre de porter un jugement fiable sur la
rapidité de traitement des dossiers. Il n’en demeure pas moins que si les caisses traitent toujours en priorité les
demandes relatives aux minima sociaux, la gestion des dossiers est très variable selon les endroits. Certaines
caisses ont mis en place un suivi informatique des pièces qui permet de vérifier l’état d’avancement des
dossiers, d’autres atteignent le même résultat par une gestion régulière des portefeuilles d’instance, d’autres
enfin, ne gèrent pas les instances et renvoient les dossiers sans se préoccuper du délai de traitement global
d’un dossier, essentiel pour l’usager. Le degré de suivi dépend du mode d'organisation, de l’implication de
l’encadrement supérieur et intermédiaire, qui est très variable et irrégulier, l’état du stock faisant souvent seul
l’objet d’une veille quotidienne. Cela traduit bien la culture dominante des caisses, fondée sur une logique de
production, dans laquelle la qualité du service est limitée à l’écoulement du stock et au paiement régulier des
prestations, sans s'intéresser assez à la relation avec l'usager.
Par ailleurs le taux de rejet des dossiers par les services vérificateurs n'a pas diminué au cours des dernières
années. Il s’établit entre 5 et 11 % en moyenne selon les caisses visitées, ce qui est excessif. La mise en place
de CRISTAL a dans un premier temps accru ce taux pendant la phase d’adaptation, puis celui-ci a retrouvé
son niveau traditionnel. Les rejets portent à hauteur de 40 % sur des motifs de droit, et concernent les
prestations relatives à la précarité et au handicap, ce qui est compréhensible puisqu’elles sont les plus
complexes. La persistance de ce phénomène a cependant une conséquence négative en terme de qualité, les
dossiers rejetés étant nécessairement traités dans des délais plus longs. Or, les équipes dirigeantes ne
s’impliquent pas pour réduire ce taux, sauf exception comme à Perpignan ou au Mans, caisse dans laquelle des
fiches de liaison entre les services liquidation et vérification facilitent le décloisonnement. Ailleurs, les actions
correctrices restent au mieux ponctuelles et ne portent pas sur l’ensemble des agents potentiellement
concernés.
Les indicateurs de qualité fournis par les CAF (délais d'attente du public à l'accueil, délais de prise en compte
des demandes, taux d'efficacité de la réponse téléphonique, …) sans être totalement négatifs, traduisent leur
difficulté à adapter leur mode de fonctionnement traditionnel, alors même que l’intégration de nouveaux
outils, tels que le suivi des pièces ou la gestion électronique des documents, associés à l’introduction de
nouvelles méthodes de travail, leur permettrait d’améliorer le service rendu aux usagers.
2. une culture de gestion peu ouverte sur l’accès aux droits des usagers
Les caisses sont moins sensibles en général aux risques de non-accès aux droits qu’à la possibilité de fraudes.
L’action des services de contrôle externe, souvent actionnés à la demande des liquidateurs qui soupçonnent
une dissimulation, en est la preuve.
Or, les contrôles conduisent à des rappels dont l'ampleur est parfois égale (1996), parfois inférieure mais d'un
ordre de grandeur voisin (1997) de celle des indus : par exemple, il y a eu en 1997 300 000 rappels et
394 000 indus, les premiers représentant 553 MF et les seconds 655 MF. Cet élément indique que la question
du non-accès aux droits concerne aussi le public des allocataires, pourtant déjà familier des caisses. L’absence
d’accès aux droits des personnes inconnues des CAF ne fait
quant à elle pas l’objet d’une réelle implication
de la branche. Les expériences menées au niveau local concernent en effet essentiellement l’information et le
suivi des nouveaux allocataires, ou des bénéficiaires de minima sociaux. Un effort de maintien des droits est
effectué par les 61 caisses qui en 1997 ont appliqué la "procédure OHEIX"
[253]
, et par celles qui font des
efforts systématiques pour avoir un bon taux de retour sur les déclarations annuelles de ressources, afin
d’éviter les ruptures de paiement. Mais cela ne concerne pas les personnes non-allocataires, sauf dans de très
rares cas.
Les caisses restent marquées par une tradition de suspicion et de lutte contre la fraude. Elles demeurent trop
centrées sur le contrôle des populations bénéficiant des minima sociaux (RMI et API), alors que la vérification
de la situation d’isolement pose problème et demeure de ce fait largement inefficace. Par ailleurs, la mise en
place des plans de contrôle des allocataires désormais obligatoire, ce qui est positif, manque d’efficacité, les
cibles choisies étant rarement le résultat d’analyses et de priorités. Ce problème a été aggravé par la mise en
place de CRISTAL qui a bloqué pendant de longs mois en 1999 les contrôles réalisés par échange de fichier
avec certaines administrations (impôts, CNASEA). Enfin, la charte de
contrôle de la CNAF fixant un certain
nombre de règles déontologiques (dont l’obligation d’informer au préalable les allocataires de leur visite), est
certes un outil indispensable afin de clarifier les conditions des contrôles mais elle doit être rendue obligatoire
pour avoir un effet durable sur les comportements des techniciens et des contrôleurs. Or, certaines caisses ne
l’ont pas encore diffusée aux agents.
II - Les facteurs d'évolution de la qualité, maîtrisables par les caisses
A - Les composantes du personnel de la branche famille
La branche regroupe en 1998 un effectif de 30 465 agents recrutés sur la base d'un contrat à durée indéterminé
; les femmes en représentent plus des trois quarts. L'âge s'élève en moyenne à 42 ans et l'ancienneté à 19
ans
[254]
; le quart du personnel est âgé de plus de 45 ans avec une ancienneté supérieure à 26 ans.
Cette moyenne recouvre des situations variables selon les caisses, une partie d'entre elles ayant été autorisée à
recruter du personnel lors de la mise en place du RMI. C'est le cas de la caisse de Perpignan où l'âge moyen du
personnel est de 40,6 ans alors qu'il s'élève à 44,2 ans dans celle de Marseille, qui, bien que gérant aussi un
nombre élevé de prestations de RMI, n'a pu recruter en raison de coûts de gestion importants.
Si l'ancienneté du personnel peut constituer un atout pour les caisses en matière de maîtrise des compétences
techniques, il peut aussi se révéler un frein à l'adaptation à de nouveaux outils et modalités d'organisation du
travail s'il ne s'accompagne pas d'une mobilité, au moins fonctionnelle. On ne peut que regretter l'absence de
données statistiques en la matière mais les observations sur le terrain montrent qu'en dehors de l'encadrement
supérieur des caisses, la mobilité géographique reste exceptionnelle et
la mobilité fonctionnelle peu
développée, à l'exception toutefois des caisses qui développent la polyvalence des techniciens. Cette absence
de mobilité n'est pas de nature à favoriser le décloisonnement entre les services d'une caisse, préparer au
changement de méthodes et d'outils de travail et développer les motivations.
De plus, cette structure de la pyramide des âges impose de développer une gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences. Entre 2000 et 2005, 2040 personnes, soit 7 % de l'effectif, doivent partir en retraite, et les
départs seront plus nombreux après 2005. Or, les réflexions de la CNAF et des caisses, à quelques exceptions
près, restent embryonnaires, les incertitudes liées aux modalités de passage aux 35 heures ne les rendant pas
aisées.
Le niveau de formation initiale du personnel est peu élevé : la moitié des agents possède un niveau de
formation inférieur au baccalauréat, ce qui est dû à l'importance des recrutements antérieurs aux années 1980,
autre composante ne facilitant pas l'adaptation à un nouvel environnement de travail, notamment l'application
d'une réglementation évolutive et toujours plus complexe et l'utilisation de nouveaux outils de gestion comme
CRISTAL.
Une partie des caisses recrute désormais
à un niveau bac+2 des jeunes en contrats de qualification ou
d'insertion, avant de les préparer à l'examen professionnel national de technicien. Une étude réalisée par la
CNAF en 1994 et 1995
[255]
montrait que les caisses les plus performantes recrutaient plutôt leurs agents à ce
niveau de qualification.
B - La gestion du personnel
La COG consacre son article 24 à des ressources humaines bien gérées et se fixe des objectifs "en matière de
développement des compétences des agents à travers notamment la formation et le développement de la
mobilité et le soin apporté à réduire l'absentéisme injustifié" mais les initiatives prises en ce sens sont peu
nombreuses, du moins à un niveau national, et le suivi statistique de leur mise en oeuvre très limité.
Si l'absentéisme figure bien dans les tableaux de bord des caisses, les indicateurs retenus recouvrent des
réalités diverses, répondant à des objectifs qui diffèrent selon les caisses : appréhender l'importance de
l'absentéisme ou évaluer les effectifs présents sur qui reposera la charge de travail. Les seules données existant
à un niveau national sont celles de l'enquête conduite par l'UCANSS et font apparaître une situation plus
défavorable dans la branche famille que dans la moyenne des branches, puisqu'en 1998, 11,2 % des jours
ouvrés y ont été perdus, contre 10,5 % en moyenne. Cependant, cette mauvaise situation est due à l'effort de
formation lié à CRISTAL. Si on se limite à l'absentéisme maladie, la branche famille est, au contraire, en
situation favorable par rapport à l'ensemble des branches de la sécurité sociale
[256]
. Par ailleurs, la durée du
travail n'est pas uniforme dans toutes les caisses et son contrôle n'est ni systématique ni automatique.
L'absence de mobilité, en particulier géographique, du personnel constitue un point faible de la branche, mais
l'effort consenti en matière de formation (6,3% de la masse salariale en 1998) y est significatif, les caisses
s'appuyant sur des plans de formation parfois couplés à des entretiens annuels pour optimiser cet effort.
C - L'organisation des services
Si la polyvalence technique
[257]
est désormais presque généralisée, il n'en est pas de même pour la polyvalence
fonctionnelle conduisant un technicien à assurer successivement des fonctions d'accueil (physique ou
téléphonique), de liquidation des prestations, voire de vérification. Ce type d'organisation (qui n’est
obligatoire que dans 64 caisses ; cf., jointe à ce rapport, la réponse de la CNAF à ce sujet) assure pourtant une
meilleure réactivité des caisses pour s'adapter notamment aux périodes d'afflux d'allocataires à l'accueil ; elle
permet aux techniciens d'être davantage sensibilisés aux attentes et difficultés des allocataires et évite aux
agents spécialisés dans l'accueil une certaine usure dans ces fonctions, constatée par la plupart des directeurs.
Pour des agents vérificateurs, elle constitue l'occasion de rester au fait des changements de la réglementation
et de connaître l'ensemble des fonctionnalités des nouveaux outils informatiques.
Le développement de la polyvalence fonctionnelle se heurte néanmoins à un certain nombre de difficultés,
tenant à l'histoire de la caisse et à la place reconnue à chacun de ces métiers mais aussi aux différences de
rémunération. Les agents chargés de l'accueil bénéficient en effet d'une rémunération supplémentaire non
négligeable avec une prime de guichet correspondant à 4 % du coefficient de carrière sans avancement
conventionnel et pour les agents assurant l'accueil dans les permanences décentralisées de leur organisme, une
prime d'accueil itinérant de 15 %. Les agents vérificateurs bénéficient quant à eux d'une prime de 5 % du
coefficient de carrière
Le mode de répartition des dossiers des allocataires peut aussi influer sur la qualité de leur gestion. Or, d'une
caisse à une autre, le nombre d'agents qui gèrent un ensemble d'allocataires peut varier de 1 à 20. Il serait
préférable de réduire à trois ou quatre au maximum le nombre d'agents gérant un même groupe d'allocataires.
Cela permettrait un meilleur suivi des dossiers et personnaliserait les relations avec les allocataires. Cela
suppose bien entendu une organisation adéquate, une gestion fine des absences, un travail de mise à niveau
constant des compétences et donc une forte implication de l'encadrement intermédiaire.
D - Le suivi de la qualité de service
Dans la convention d'objectifs et de gestion, la priorité donnée à la qualité se vérifie dans le nombre d'objectifs
s'y rapportant et le soin apporté à leur formulation pour les rendre opérationnels et en permettre le suivi. Les
indicateurs associés aux objectifs ont cependant été définis le plus souvent postérieurement à la mise en oeuvre
de la convention et leur fiabilité reste médiocre.
Les données mesurées sont en effet hétérogènes, s'effectuant sur la base de définitions différentes. Par
exemple, les dossiers en instance peuvent ne pas être intégrés à la mesure du stock. De la même façon, pour
les délais d'attente, certaines caisses n'intègrent pas le pré-accueil, destiné à permettre le dépôt de dossiers ou
les réponses à des questions simples. D'autres au contraire ne comptabilisent le temps d'accueil que jusqu'à
l'accueil général, ne prenant pas en compte le temps d'accueil de l'allocataire orienté vers un accueil
approfondi. Pour mesurer l'efficacité de la réponse téléphonique, les caisses utilisent des données incomplètes,
ne mesurant que les appels ayant donné lieu à taxation, ignorant les appels répétés et les abandons. De plus,
elles recourent de manière très inégale à des outils de mesure automatisés, dont les fonctionnalités ne sont pas
toujours identiques
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
L’analyse de la qualité de service a été conduite dans un contexte fortement perturbé par le développement du
nouvel applicatif CRISTAL, qui s'est traduite par un recul des performances de la plupart des caisses dans ce
domaine. Mais au delà de ces problèmes conjoncturels, la qualité du service rendu aux usagers demeure
globalement insuffisante, même si la très forte hétérogénéité des performances des caisses appelle à nuancer
ce constat. Trop souvent sacrifiée à une logique de production de masse ou à des pesanteurs internes aux
caisses, elle ne fait pas l'objet d'une attention suffisante .
La période récente est cependant marquée par l'engagement de la branche dans de nouvelles politiques,
susceptible d’améliorer ses résultats. L'implication dans une démarche stratégique, bien qu'inégale selon les
caisses, a été réelle. Il reste à l'ancrer dans le quotidien en développant une culture de management par
objectif dans l'ensemble des caisses et en l'associant à des dispositifs d'intéressement et de sanctions.
Par ailleurs, d'importants investissements ont été réalisés par la branche depuis trois ans, permettant tout
autant de repenser l'accueil des allocataires que d'améliorer la liquidation des prestations avec CRISTAL ou
la gestion électronique des documents. Ils ne pourront cependant améliorer la qualité de la gestion que s'ils
sont associés à des réflexions sur l'organisation du travail, actuellement encore trop parcellaires.
RECOMMANDATIONS
1. Conforter les premiers acquis de la démarche stratégique, d'une part en développant plus largement une
culture managériale par objectifs et en l'associant à des dispositifs d'intéressement et de sanctions, d'autre
part en homogénéisant la définition et la mesure des résultats.
2. Favoriser une adaptation rapide du personnel de la branche à de nouveaux outils de travail et à une
réglementation complexe et évolutive par l'augmentation du niveau de recrutement et par l’optimisation des
moyens importants consacrés à la formation.
3. Reconnaître à la branche une responsabilité dans l'adaptation de la convention collective à l'évolution de
ses missions et de ses métiers, pour accroître le développement de la polyvalence.
4. Développer les organisations du travail les plus à mêmes d'améliorer et de garantir la qualité d'accueil
(physique et téléphonique) et de service.
5. Renforcer la fonction de pilotage de la CNAF dans le domaine de la gestion des ressources humaines et de
la valorisation des pratiques et organisations les plus favorables à la qualité du service rendu.
Réponse
[247]
Enquête conduite dans les caisses d’allocations familiales de Paris, Marseille, Rosny-sous-Bois, Metz,
Roubaix, Le Mans, Perpignan, Beauvais, Bar-le-Duc, Cambrai et Cahors.
[248]
A Paris, dans l'étude citée, 43 % des allocataires étaient venus à l’accueil "pour s’assurer que tout allait
dans leur dossier".
[249]
De même, à Rosny-sous-Bois, les allocataires restaient souvent plus d’une demi heure à l’extérieur, avant
d’accéder à une salle trop petite, qui ne pouvait les accueillir correctement, et notamment ne permettait pas à
tous de s’asseoir. Dans sa réponse jointe au présent rapport, la caisse de Seine-Saint-Denis indique que ces
conditions d’attente se sont beaucoup améliorées.
[250]
La caisse des Bouches-du-Rhône effectuait jusqu’en 1999 quatre dépôts de plainte par an, essentiellement
pour agression verbale, pour un total de plus d’un million de visiteurs.
[251]
Les vérificateurs travaillent dans les caisses sous la responsabilité de l’agent comptable.
[252]
La COG prévoit qu’une information est traitée dans un délai de trois semaines.
[253]
En application de cette procédure, les prestations afférentes aux minima sociaux sont versées pendant trois
mois, même si l’allocataire n’a pas fait parvenir sa déclaration annuelle de ressources. Cette procédure n'est
pas obligatoire. Les caisses qui l'utilisent sont d'ailleurs de moins en moins nombreuses. Celles qui ne
l'utilisent pas préfèrent éviter les indus que cette procédure génère, ou développer une politique active de
relance pour que les allocataires retournent leur déclaration à temps.
[254]
Le rapport de la Cour de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale a
traité de la gestion prévisionnelle des effectifs des branches recouvrement, maladie et vieillesse du régime
général. Dans le régime général, l'âge moyen des agents permanents s'élève à 42,9 ans en 1997 et l'ancienneté
moyenne y est de 19,9 années.
[255]
Étude reprise dans le rapport de la commission d'organisation et de gestion de janvier 1997.
[256]
L'absentéisme pour cause de maladie représente dans la branche 5,9 % du nombre de jours ouvrés en
1998, contre 6,2 % dans l'ensemble du régime général, mais 5,3 % dans la branche recouvrement.
[257]
La polyvalence technique permet à un technicien de traiter
l'ensemble des prestations.
Section II :
Les relations de la branche vieillesse du régime général avec les usagers
La branche retraite du régime général verse aux retraités dépendant de ce régime leur retraite de base, laquelle
dépend des droits qu'ils ont acquis au cours de leur vie professionnelle. Les relations de la branche avec ses
usagers -futurs retraités et retraités du régime général- se situent à trois moments : avant la liquidation des
droits, c'est-à-dire la prise de retraite ; au moment de cet événement ; après que la retraite est prise.
Les questions qu'appellent ces relations sont alors les suivantes : comment sont organisées les opérations
préalables à l'ouverture des droits ? Comment l'assuré a-t-il accès aux informations le concernant et quelle est
leur qualité ? Comment les droits sont-ils réglés ?
Ce sont ces trois questions qui font l'objet des pages suivantes. Un service de qualité, c'est-à-dire un traitement
sûr et satisfaisant pour l'usager de ces trois questions, requiert des conditions d'ordre très différent. Il faut en
particulier un système d'information très performant (pour identifier les personnes, leurs carrières,…), ce qui
explique qu'on analyse ce dernier dans le chapitre suivant de ce rapport ; il faut aussi une organisation et une
politique de proximité et de communication vers l'usager qui sache répondre à ces besoins.
I - Les opérations préalables à l'ouverture des droits
Les caisses d'assurance vieillesse c'est-à-dire la caisse nationale elle-même (CNAV) pour l'Ile-de-France, la
caisse régionale d'assurance vieillesse de Strasbourg pour l'Alsace, et les caisses régionales d'assurance
maladie (CRAM) pour les autres régions- sont tenues par le code de la sécurité sociale d'adresser à l'ensemble
de leurs assurés, au plus tard avant l'âge de 59 ans, un relevé de leur compte mentionnant, notamment, les
durées d'assurance ou d'activité prises en compte pour la détermination de leurs droits à pension.
Cette disposition, qui ne prévoit la production que d'un seul relevé de compte, était destinée, en suscitant la
réaction des assurés un an au moins avant l'ouverture des droits, à réduire les retards de liquidation éventuels
résultant de cas litigieux.
La branche ne s'acquitte pas de cette obligation. Généralement, les reconstitutions de carrière sont faites sur
seule demande des assurés. Certes, une campagne de communication externe est conduite par la branche,
invitant les assurés âgés de 58 ans à demander leur relevé de carrière. Mais, en dépit du fait que cette
information a été largement diffusée par voie d'affiche, on peut considérer qu'une partie importante de la
population n’en aura pas pris connaissance.
La CNAV invoque la charge de travail qui l'amène à privilégier le respect et l'amélioration des délais de
liquidation des retraites. Cette priorité, pour évidente qu'elle soit, est avancée ici de manière paradoxale, car
elle serait plus aisément atteinte avec des échanges réguliers en amont permettant d'éviter les difficultés de
reconstitution de carrière qui retardent les opérations de liquidation.
Les caisses font en outre valoir qu'elles se heurtent aux difficultés liées aux changements d'adresse des
assurés, dont elles n'ont pas connaissance. De fait, la recherche des assurés ayant atteint l'âge de 58 ans
nécessite, parce que les caisses vieillesse n’ont pas accès aux adresses du répertoire national inter-régimes des
bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM), un passage par les caisses primaires d'assurance maladie
(CPAM).
La mise en oeuvre d’une politique de proximité, engagée fin 1995, doit favoriser le respect de cette obligation
de produire un relevé de compte et, au-delà, améliorer la relation avec l’usager. Des agences locales se mettent
en place, ayant pour tâches l’accueil et le conseil, et devant être capables à terme d’accomplir l’ensemble des
opérations relatives à la régularisation des comptes et à l’instruction des dossiers de retraite. Dans ce cadre,
elles doivent contacter, par l’intermédiaire d’un technicien conseil, les assurés de leur ressort dès leurs 58 ans,
de façon à régulariser leur carrière et leur donner toutes informations nécessaires à la liquidation de leur
retraite. Cependant, la mise en oeuvre de cette réforme est inégale car elle dépend des décisions de chaque
CRAM : actuellement, les agences recouvrent moins de la moitié de la population.
L'amélioration de la relation avec l'usager ne dépend pas que de l’évolution de l’organisation. Elle repose
aussi sur des outils, qui, aujourd'hui, ne sont pas encore satisfaisants. L’identification des personnes est fondée
sur le numéro d’inscription au répertoire (NIR) dont la certification n’est pas achevée. Le fichier national de
gestion des carrières retraçant l’activité ou la non-activité de l’assuré, centralisé au centre informatique de
Tours, est mis à jour régulièrement (cf.
infra
, chapitre suivant, p. 457). Ces mises à jour ne se font pas sans des
anomalies (de l’ordre de 9 % des mouvements en 1997, et jusqu’à 12 % en Ile-de-France avant traitement ;
après traitement, ces taux sont ramenés à 2,1 % et 2,5 % respectivement). La qualité des informations sur les
carrières devrait s’accroître grâce à un meilleur suivi des reports au compte, notamment en développant les
échanges entre régimes et en obtenant des CPAM et des ASSEDIC des transmissions plus rapides.
A la charnière entre système d’information et politique de proximité, les outils de réponse ne sont pas non plus
optimaux. La plénitude des missions des agences ne sera effective qu’à l’issue du déploiement du schéma
informatique 2000, lequel est en retard (cf. chapitre suivant,
infra
, p.457).
II - Informer plus régulièrement l'assuré
Il n’est d’ailleurs peut-être pas adéquat d’attendre que l’assuré ait 58 ans pour faire le bilan de sa carrière avec
lui. Ne serait-il pas souhaitable en effet d’établir, de façon régulière entre la caisse gestionnaire et l’affilié, un
"relevé de compte" permettant d’informer l’assuré sur sa situation vis-à-vis du régime général, telle qu’elle est
connue et appréhendée par la caisse, et, par là, de lui permettre d'être informé ? L’article 161-17 du code de la
sécurité sociale, dans son premier alinéa, dispose d’ailleurs que "les caisses et services gestionnaires de
l’assurance vieillesse sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, à leurs ressortissants, les
informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent. La
périodicité de cette information devra être, en tout état de cause, de durée inférieure au délai de prescription
des créances afférentes aux cotisations sociales".
La jurisprudence a interprété ce texte comme imposant une obligation d’information non individualisée,
pouvant avoir lieu par voie de presse interne. Cela paraît insuffisant au regard des risques d’anomalies dans les
reports au compte, surtout si les carrières sont heurtées et diverses. Dans le cas d'entreprises ayant disparu en
particulier, une reconstitution tardive des droits résultant de quelques années de carrière est très difficile.
Un relevé de compte adressé régulièrement, tous les cinq ans par exemple, par les caisses aux assurés de leur
ressort pourrait être envisagé. Ce faisant, la branche retraite du régime général adopterait une pratique déjà
développée par les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC). Cela suppose que ces informations soient
présentées de façon plus claire et compréhensible que dans l’unique relevé actuel, exigence d’autant plus
nécessaire qu’elle est difficile à satisfaire en cette matière où la réglementation est très complexe. Même si
l'on n'adoptait pas une fréquence régulière, il serait nécessaire, au moins, qu'un salarié quittant une entreprise
sache à ce moment que ses droits ont été correctement inscrits.
III - Le règlement de la retraite
En application de l’article R.351-37 du code de la sécurité sociale, la date d’entrée en jouissance de la pension
est fixée le premier jour du mois qui suit la date de dépôt de la demande. Pratiquement le quart des demandes
de retraite sont transmises, pour instruction, après la date d'entrée en jouissance de la pension (ces retards
portent essentiellement sur les demandes émises par l’intermédiaire d’autres régimes, ou d’un pays étranger).
Tardive ou non, la demande fait l’objet d’une instruction qui dure une dizaine de jours en moyenne. Au total,
dans un cinquième des cas, les attributions de droits sont postérieures de plus d’un mois à leur date d’entrée en
jouissance, ce qui n’est pas satisfaisant.
La déclaration unique de retraite, qui permet à l’assuré de ne faire qu’une demande, est une bonne disposition,
effective depuis 1998. Cependant, elle ne concerne actuellement que les régimes dits alignés (outre le régime
général, la MSA, la CANCAVA et l’ORGANIC) ; ni les régimes complémentaires, ni les régimes spéciaux ne
sont concernés. D’autre part, cette disposition oblige les régimes concernés à des transmissions de demande.
Elles se font actuellement sous forme papier et il serait souhaitable que l’on progresse dans la
dématérialisation de ces échanges.
Les paiements de retraite sont évidemment nombreux : ils concernent beaucoup de personnes (le nombre de
comptes prestataires à la branche retraite du régime général était en 1997 de 9,4 millions) et ils sont mensuels.
D’où l’émission d’environ 110 millions de titres sur l’année. Les échéances de paiement sont bien respectées.
Avant l’engagement et la liquidation de cette dépense, des contrôles sont effectués : sur l’existence de la
personne, et sur les ressources des bénéficiaires (en cas de prestations soumises à plafond). Ces contrôles
paraissent insuffisants, et d’ailleurs ne constituent pas une priorité de la branche, qui retient au contraire celle
de la rapidité du paiement.
Les indus peuvent résulter d’erreurs imputables soit à la branche, c'est-à-dire au liquidateur disposant de toute
l’information mais en en faisant un mauvais usage (mauvaise connaissance de la législation, erreur de
saisie,…), soit parfois à l’assuré (déclarations erronées ou insuffisantes, mal contrôlées). Certaines pensions
sont plus vulnérables au risque d’indu que d’autres, du fait de la complexité des règles d’attribution (pensions
de réversion soumises à condition de ressources, prestations de veuvage soumises aux conditions de résidence
en France et de non-remariage, majoration de pension pour conjoint à charge,…). Il semble que la très grande
majorité des indus soient imputables directement à la branche : 50 % des erreurs sont dues à une mauvaise
connaissance ou application de la réglementation par les liquidateurs, 33 % à des erreurs de saisie. Il
conviendrait que la branche prenne toutes dispositions (formation des agents, outils mis à leur disposition,
contrôles internes,…) pour réduire ses propres erreurs.
Les indus, tant sur prestations que sur allocations, ne sont bien entendu pas toujours détectés. Ceux qui le sont
se sont élevés en 1997 à 500 MF, soit à 0,1 % des retraites, ce qui est très peu mais en augmentation (11 %
depuis 1990)
[258]
. La quasi totalité d’entre eux est recouvrée. En cas d’erreur de l’organisme et de bonne foi du
retraité, des annulations d’indus ou des remises de dettes ont lieu. Ces dernières ont représenté 17 MF en
1997, et sont en diminution.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Deux des relations que la branche retraite du régime général entretient avec ses usagers -au moment de la
retraite pour liquider leurs droits, et durant la retraite pour les recevoir- apparaissent satisfaisantes. En
particulier, les versements de la retraite sont faits en temps. Cependant, l’attention sur les causes internes des
indus devrait s’accroître, pour les réduire.
En revanche, la troisième relation de la branche avec l’usager -avant la retraite de ce dernier, tout au long de
sa vie professionnelle- devrait s’améliorer : il faudrait la rendre plus régulière pour faire connaître à l’assuré
ses droits, au lieu d’attendre qu’il approche de l’âge de la retraite Et, à cette occasion, un effort de
communication et de pédagogie s’imposerait pour que le plus grand nombre d’assurés possible comprennent
leurs droits et décident en conséquence.
RECOMMANDATIONS
1. Généraliser l'information des assurés de 58 ans sur leurs droits à la retraite, de manière à leur permettre
de réagir et à réduire les retards de liquidation résultant de cas litigieux. Au-delà, étudier les modalités d’une
information personnelle, régulière et susceptible d’être bien comprise par les assurés sur leurs droits, tout au
long de leur vie professionnelle.
2. Développer le plus vite et le plus largement possible la politique permettant d’informer et d’accueillir les
assurés, y compris pour les aider dans leurs choix, ce qui suppose de disposer des outils informatiques
nécessaires.
Cette section n'a pas appelé de réponse
[258]
Si on se limite aux indus sur prestations, ils ont diminué.
CHAPITRE XII
Les systèmes d'information à la base des prestations
des branches retraite et famille du régime général
Les branches famille et vieillesse du régime général ont ceci de commun que l'essentiel de leur activité
consiste à verser des prestations légales, fixées par des règles (lois, décrets,…) : des prestations familiales et
des retraites. Dans les deux cas, et c'est un autre point commun, les règles selon lesquelles ces prestations sont
versées, et qui dépendent respectivement de la situation familiale ou personnelle des assurés, et de leur
carrière passée, sont très complexes, parfois inextricables (et en plus, elles changent très souvent, du moins
dans la branche famille). Aussi, dans les deux cas, la qualité des prestations (leur exactitude, le délai de
versement,…) dépend-elle de façon cruciale du système d'information. Son examen découle donc logiquement
des deux chapitres précédents
Il faut enregistrer à temps et conserver le temps nécessaire les bonnes informations sur les personnes, puis les
utiliser à bon escient, c'est-à-dire déduire de ces information les prestations auxquelles les assurés ont droit,
selon les règles prévues. Toute erreur soit lèse l'assuré (droits non respectés, ou même que l'assuré ne fait pas
valoir), soit est coûteux (versements d'indus, gestion et récupération de ces derniers,…).
Ne serait-ce que pour cette dernière raison, la Cour a donc examiné les systèmes informatiques et, plus
généralement, les systèmes d'information orientés sur les prestations des deux branches. Des progrès notables
ont été faits ces dernières années et sont encore en cours. Ainsi de l'application du schéma directeur
informatique à la CNAV, même s'il a pris beaucoup de retard. Ainsi du système CRISTAL, utilisé désormais
pour le versement des prestations familiales, même s'il a été introduit au prix de lourds dépassements du
calendrier et du coût. Ces progrès doivent être prolongés et élargis ; en particulier les potentialités
technologiques des nouveaux outils doivent être développées et utilisées à plein. Comme dans les autres
chapitres, la Cour tire de ses observations quelques propositions.
Section I :
les systèmes d'information pour la gestion des retraites du régime général
L'essentiel de la retraite est constitué d'avantages principaux de droit direct perçus en contrepartie des
cotisations versées durant la vie active. Des avantages additionnels s'ajoutent éventuellement à ces avantages
principaux selon la situation personnelle et familiale du retraité (sur les avantages familiaux et conjugaux des
retraites, cf. chapitre suivant,
infra
, p. 483) : ce sont les avantages accessoires (bonification pour enfants,
majoration pour conjoint à charge ou majoration pour tierce personne
[259]
), les pensions de réversion
[260]
ou
les allocations du Fonds de solidarité vieillesse
[261]
(FSV).
L'avantage de droit direct est la résultante de la vie professionnelle passée du retraité : durée de carrière,
niveau de qualification et de rémunération. Ces droits à la retraite peuvent être acquis au titre de régimes
d'assurance vieillesse différents.
Deux tiers des retraités sont unipensionnés : n'ayant pas changé de statut au cours de leur vie active, ils
dépendent d'un seul régime de base, même s'ils peuvent par ailleurs, percevoir en plus un ou plusieurs
avantages principaux de droit direct émanant de régimes complémentaires obligatoires.
Plus d'un tiers de retraités ont cotisé auprès de plusieurs régimes de base durant leur vie active. Lorsqu'une
personne change de branche ou de statut durant sa carrière, le passage engendre automatiquement une
affiliation à un nouveau régime d'assurance vieillesse de base.
La caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) gère le régime général des retraites
(la plus importante des caisses de retraite avec 63 % des cotisants) et assure directement le calcul et le
paiement des retraités pour la région Ile-de-France (soit 25 % de la charge de l'ensemble de l'organisme).
Quatorze caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), une caisse régionale d'assurance vieillesse à
Strasbourg et quatre caisses générales de sécurité sociale dans les DOM, assurent ces activités dans leur
circonscription d'intervention respective par délégation. Les étapes chronologiques dans la gestion de la
retraite d'un assuré sont les suivantes, la plupart d’entre elles étant inconnues de l’assuré (sur les relations
entre la branche retraite et l’assuré, cf.
supra
chapitre précédent,
p. 437) :
Son affiliation
: étape souvent totalement inconnue de l'assuré est un élément clé de la gestion sur une longue
période. Elle donne lieu à une vérification précise de l'Etat civil de l'assuré, dont la qualité doit être maintenue
tout au long de sa vie. Cette affiliation a lieu dès que l'individu entre dans la vie active. La procédure
d'immatriculation est engagée par la démarche déclarative obligatoire de l'employeur, la déclaration unique
d'embauche (DUE) transmise à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour sa partie demande
d'immatriculation du salarié au régime général de sécurité sociale, la CPAM se retournant ensuite vers la
CRAM si nécessaire, pour lui confier l'identification de l'assuré.
L'alimentation de la carrière des assurés
: la carrière de l'assuré est l'élément déterminant du calcul et de
l'attribution des droits. Les employeurs communiquent leurs déclarations annuelles obligatoires -déclarations
annuelles de données sociales (DADS) ou données nominatives trimestrielles (DNT)- à la CRAM. Sont ainsi
mémorisées les informations relatives à l'assuré positionnement du compte individuel, activités rémunérées
(salaires) ou non rémunérées (maladie, chômage) tout au long de sa carrière. 1,8 million d'établissements
adressent chaque année leur DADS, ce qui représente plus de 30 millions d'informations nominatives reçues
chaque année et exploitées par les CRAM de la région d'implantation des établissements ou de façon
centralisée quand elles concernent plusieurs régions.
La régularisation de la carrière des assurés
: l'alimentation régulière n'exclut pas la nécessité d'une
opération de vérification de la carrière, d'étude des avantages additionnels et de contact avec l'assuré. Ces
opérations de régularisation du compte sont effectuées au moment de préparer le passage à la retraite (cf. à ce
sujet le chapitre précédent,
supra
, p. 439).
L'instruction de la retraite
: cette étape permet à l'assuré de faire valoir ses droits. Si l'essentiel des tâches
administratives est réalisé dès 58 ans, le passage à la retraite doit dans la plupart des cas être une simple
formalité. Les quatre plus grands régimes (régime général, MSA, CANCAVA et ORGANIC), qui n'ont pas
des systèmes d'information cohérents, ont engagé une coopération pour permettre à l'assuré de ne procéder
qu'à une seule démarche et de remplir un seul document pour demander sa retraite, la demande unique de
retraite, auprès de ces régimes.
Le paiement des retraites
: cette opération est spécifique à chaque régime. Pour le régime général, chaque
CRAM verse les prestations d'assurance vieillesse aux assurés bénéficiaires de droits dont la demande a été
déposée dans la région correspondante. L'enjeu principal de cette étape consiste d'une part à assurer la
continuité des ressources ce qui suppose d'avoir régularisé le compte en amont et d'autre part d'apporter une
réponse personnalisée à une demande d'information individuelle en matière d'action sociale ce qui suppose
une bonne connaissance du niveau de ressources des retraités.
La gestion de l'assurance vieillesse par le régime général, représente aujourd'hui près de 9,5 millions de
prestataires au titre de l'assurance retraite et l'assurance veuvage, près de 65 millions de comptes individuels.
Ces informations sont regroupées sur support magnétique pour toutes les annuités validées depuis 1930. Ces
comptes individuels mémorisent les cotisations ou salaires perçus par les assurés ainsi que les périodes
assimilées à des périodes d'assurance (maladie, chômage ou invalidité : sur les périodes assimilées, cf. le
rapport de la Cour sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre 1999). Près de
30 millions des comptes gérés sont des comptes communs à d'autres régimes (français ou de l’Union
européenne).
L'informatique et les systèmes d'information jouent un rôle essentiel dans le suivi chronologique de tels
volumes de données. C'est pourquoi, lors du contrôle de la CNAV effectué par la Cour en 1999, ce thème a été
isolé.
La CNAV a établi, en 1992, un schéma directeur pour définir une architecture informatique adaptée à une plus
grande qualité de service rendu aux assurés, aux employeurs et aux partenaires. Les projets correspondants à
la mise en oeuvre de cette nouvelle architecture doivent être menés à bien avant l'an 2003 pour répondre à la
surcharge attendue à l'horizon 2005. En effet les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur le régime de retraite,
sont, à législation constante (cotisations, prestations), multiples, et affectent fortement les perspectives
d'évolution du système informatique dès 2005.
Les régimes de retraite rémunèrent désormais des carrières plus complètes qu'autrefois avec un suivi plus
dense des périodes de validité à analyser ; le vieillissement de la population et, à partir de 2005, l'arrivée à
soixante ans des générations de l'après-guerre plus nombreuses, multiplient le nombre de prestations à servir à
l'horizon 2005 ; enfin les perspectives d'un déséquilibre du rapport prestations sur cotisations dès 2005 incitent
à rechercher une plus grande maîtrise des dépenses. Dans ce contexte, l'enquête de la Cour a cherché à
apprécier dans quelle mesure la CNAV s'est adaptée à moindre coût pour restructurer son système
informatique, assurer rapidité et qualité des prestations et respecter l'échéance de 2005.
Le schéma directeur a été organisé sur la base de principes forts. Abandonner la structure régionale des
systèmes d'information établis en CRAM, construire des traitements nationaux distribués dans les sites
régionaux et mettre en place au centre national de Tours des fichiers nationaux de référence pour les données
d'identifiant, de carrière et de suivi des dossiers. Les fichiers régionaux des identités et des comptes
individuels devraient donc disparaître et le fonctionnement des applications devrait être revu pour s'appuyer
sur des accès aux fichiers centralisés.
Le schéma directeur a introduit une nouvelle organisation des activités de la branche retraite distinguées en
cinq processus : "retraite", "données sociales" (exploitation des DADS), "action sanitaire et sociale", "gestion
des ressources humaines" et "logistique, budget, comptabilité".
L'infrastructure régionale retenue repose sur sept serveurs UNIX dédiés : un serveur de développement pour
permettre la participation de l'ensemble des caisses à la construction des applications "client/serveur" ; un
serveur de production ; des serveurs techniques affectés aux transferts et à la sauvegarde des données, à
l'administration de la production et de la politique de sécurité.
Mais la réalisation de ces objectifs est délicate, le développement et la mise en oeuvre des nouvelles
applications ont pris un retard important. Aussi les anciennes applications régionales sont-elles encore
indispensables à la gestion des retraites en CRAM, bien qu’elles soient obsolètes et coûteuses.
I - l’Identification des assurés
A - Le système national de gestion des identités (SNGI)
L'identification des assurés du régime général est le NIR, numéro d'inscription au répertoire national
d'identification des personnes physiques (RNIPP).
Au moment de l'analyse du schéma directeur, la CNAV disposait de deux niveaux de fichiers d'identifiants, un
national (FNI) à Tours, un régional (FRI) dans chaque CRAM.
Au départ, le fichier national des identifiants (FNI) de Tours, simple relais entre les CRAM et l'INSEE pour la
demande et le retour d'attribution du NIR n'était pas une base de référence pour les CRAM. Les applications
régionales des CRAM (liquidation, rachat, rétablissement de droits, annulation de versement ou régulation),
n'ont jamais été développées avec le souci de garantir leur cohérence avec le FNI.
Le système central de gestion des identités (SNGI) a été mis en place en 1995 ; base d'identification de la
branche, retenu comme la référence, il est aujourd'hui accessible en CRAM. Dès l'ouverture du SNGI, la
procédure d'identification régionale a été abandonnée au profit d'un enregistrement dans le système national.
Un historique de l'identification des personnes qui se traduit par la gestion de "NIR daté" permet de garder la
trace des modifications intervenues au cours de la carrière d'un individu.
Le SNGI rassemble plus de 87 millions d'identités. Mais il reste un socle de situations à corriger. Ces litiges
sont généralement archivés pour être régularisés lors de la liquidation des droits. La carrière des assurés est
actualisée tous les ans, le report à une date ultérieure des litiges d'identification ne peut donc qu'accroître la
complexité des traitements. La mise en place d'un contrôle anticipé ou d’un contact avec l'assuré dès la
première alimentation du compte doit être effective (cf.
supra
, chapitre précédent, p. 439), ce qu'elle n'est pas
aujourd'hui en raison des insuffisances du système actuel.
B - Le répertoire national inter régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie
(RNIAM)
Dès 1981, la CNAV a revu son dispositif de coopération avec l'INSEE pour fiabiliser l'attribution du NIR d'un
assuré lors de son affiliation : le NIR est géré par l'INSEE pour les personnes nées en métropole ou dans les
départements d'outre mer (DOM) et par le service administratif national des assurés de la CNAV pour les
assurés nés dans les territoires d'outre-mer ou à l'étranger.
Par ailleurs, dès 1995 les entreprises ont été sollicitées afin de transférer leurs déclarations annuelles de salaire
(DADS et DNT) sur support magnétique. La mission de collecte et de traitement des données sociales a été
prise en charge par la branche retraite qui effectue cette collecte pour le compte de plusieurs partenaires.
Chacun d'eux est ensuite rendu destinataire des informations
[262]
contrôlées qui le concernent.
Compte tenu de cette double expérience dans l'attribution du NIR à un assuré et dans les échanges
d'information entre les partenaires de la gestion des prestations sociales, la gestion du répertoire national inter-
régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM) a été confiée à la CNAV en 1996. Ce répertoire de
référence est constitué pour chaque bénéficiaire, de son état-civil, de son NIR et des informations de
rattachement à l'organisme lui servant les prestations d'assurance maladie. Le RNIAM est mis en oeuvre par la
CNAV pour le compte et sous le contrôle des organismes d'assurance maladie. Ces organismes doivent
l'entretenir en l'informant des événements intervenus sur leurs assurés et peuvent l'interroger pour obtenir des
informations concernant l'identité d'un ou plusieurs assurés. Pour sa part, le RNIAM diffuse des avis aux
organismes concernés par un événement enregistré au répertoire. Fin 1999, 62 millions de bénéficiaires
avaient été "chargés" dans le RNIAM. Mais les échanges inter-régimes développés pour cette montée en
charge ont créé des demandes d'immatriculation en grand nombre.
L'arrêté du 22 octobre 1996 qui encadre les échanges entre le RNIAM et les organismes utilisateurs ne permet
aucune consultation en temps réel à partir d'un poste de l'assurance maladie. D'où les difficultés d'interrogation
du RNIAM à partir des systèmes d'informations des CPAM.
Il importe de revoir ce dispositif d'interrogation, qu'il s'agisse de ses aspects techniques ou des implications
réglementaires : s'appuyer au plus tôt sur des mécanismes de sécurisation du transport d'informations
nominatives adaptés aux technologies aujourd'hui disponibles ; étudier les protections qui permettent d'offrir
un accès direct en consultation aux organismes quand cela est nécessaire ; et développer une offre de format
EDIFACT/ONU des flux d'interrogation du RNIAM ; cette norme, plus ouverte et plus riche que la norme
actuelle, facilitera la prise en compte du répertoire dans les systèmes d'informations des organismes.
II - Le suivi des carrières des assurés
A - Le traitement des données sociales (TDS)
Chaque année la branche retraite rassemble, traite et répartit les informations communiquées par les
employeurs. Ce "traitement des données sociales (TDS)" est le point d'entrée des informations retraite.
L'efficacité du dispositif influence donc directement la fiabilité du report au compte pour alimenter le suivi des
carrières.
Une forte mobilisation de la CNAV pour informer les PME-PMI a permis de développer la transmission des
DADS sur support numérique : aujourd'hui seulement 25 % du volume des lignes de salaire provient d'une
contribution papier. Cette transmission papier représente cependant encore le poste le plus important des
charges d'exploitation : en 1997 les 60 MF de charges de TDS se répartissent en 35,5 MF de charges de
structure, 1,5 MF d'exploitation des DADS numériques et 23 MF de charges d'exploitation des DADS papier.
La CNAV a introduit les techniques de lecture automatique des documents (LAD) pour résorber les coûts
d'exploitation des DADS papier. Les premiers essais ont permis de constater que plus de 70 % des feuillets
peuvent ainsi être automatiquement pris en charge. Il importe de conforter cette orientation qui apporte de
réelles réductions des moyens en personnels nécessaires mais également une réduction des délais et
l'automatisation des transmissions aux organismes concernés.
Suite à l'expérimentation d'une collecte sécurisée des DADS sur INTERNET, qui s’est révélée positive, cette
voie est en cours de généralisation. Il faut l’intégrer dans un contexte plus vaste tel que la mise en oeuvre de
DADS unifiées et le projet Net-Entreprise de télé-déclarations dans des formats standards. Ce serait l'occasion
de développer le contrôle de l'identification de chaque salarié dès la réception de cette information en
provenance de l'entreprise. Les différents partenaires à qui, ensuite, sont adressées ces informations n'auraient
alors plus, chacun séparément, à effectuer ces contrôles.
B - Le système national de gestion des carrières (SNGC)
Le système national de gestion des carrières (SNGC) capitalise les lignes de salaires et les informations des
périodes assimilées. Il reçoit pour une année environ 38 millions de lignes de salaire, 500 000 informations de
périodes (maladie, chômage…) et plus de 8 millions de reports des autres régimes (en 1997 ces 8 millions de
reports ont été reçus principalement de la MSA pour 5,2 millions, de la CNRACL pour 0,8 millions, de la
CANCAVA pour 0,5 millions, de l'ORGANIC pour 1,3 million et de SNCF et GDF pour
0,2 millions).
La base du système national de gestion des carrières disponible à Tours permet
de suivre toutes les périodes
de validité donnant lieu à cotisation y compris les périodes d'affiliation à d'autres régimes et les données issues
des opérations de régularisation du compte (l'enregistrement des dates de début et de fin de périodes a
remplacé le repérage par trimestre). Il serait intéressant de valoriser ces données de gestion en développant les
travaux d'analyse sur des échantillons pour l'évaluation de la situation des personnes d'âge actif au regard de
leurs droits à pension. Un tel instrument permettrait d'apprécier en continu l'acquis résultant des carrières en
termes de retraites futures des assurés du régime.
III - la Liquidation et le paiement des retraites
La liquidation et le paiement des retraites ont donné lieu au développement d'applications informatiques pour
chaque tâche élémentaire : l'enregistrement de la demande de retraite ; l'étude et le calcul des droits ; la
régularisation ou l'annulation de versements ; le rachat ou le rétablissement des droits ; le paiement des
prestations et le traitement des contentieux.
Aujourd'hui les fichiers nationaux de référence, la gestion des données de contact en région et l'enregistrement
d'une demande sont opérationnels. En revanche, les applications de calcul de droits et de paiement ne sont pas
terminées. Les applications de production : paiements, entretien des informations de contact, RIB, adresse,
droits, sont maintenues dans les anciennes architectures régionales (serveurs GCOS7 et MVS en CRAM), leur
mise en oeuvre sur les serveurs UNIX est reportée à fin 2002. Un tel constat est inquiétant à plusieurs titres .
Ce retard se traduit par l'obligation d'entretenir plus longtemps qu'il n'était prévu les anciennes applications (il
a d'ailleurs fallu les adapter pour supporter l'an 2000 et l'euro), mais surtout il met en évidence la difficulté des
équipes informatiques à maîtriser la transcription de la législation. Si cet obstacle n’est pas entièrement levé,
ce sera un échec pour le schéma directeur. En effet l'objectif était non seulement d’intégrer la législation dans
les procédures de traitement mais aussi de tirer parti des nouvelles technologies informatiques pour maîtriser
la réactivité des chaînes de traitement vis-à-vis des modifications proposées par le législateur.
IV - Le répertoire national des retraités (RNR)
La nécessité de disposer d'informations inter-régimes sur les retraités a été identifiée dans plusieurs domaines
(cf. à ce sujet l’annexe du chapitre IV,
supra
, p. 193) : le contrôle de l'application de la législation existante
(par exemple, limites de cumul entre une pension de réversion et un droit propre) ; la simplification des
relations avec la direction générale des impôts pour le contrôle des ressources ; l'attribution du minimum
contributif ; la connaissance des ressources pour le service du minimum vieillesse ; un dispositif plus
performant pour estimer l'impact des réformes ; un outil pour appréhender la situation réelle des
pluripensionnés (sur les pluripensionnés, cf. le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de
la sécurité sociale de septembre 1999) ; un outil commun à tous les régimes pour faciliter les conditions de
prélèvement des contributions sociales assises sur les retraites par les organismes d'assurance vieillesse
(conditions d'exonération, taux différenciés de CSG).
Les informations contenues dans le RNR doivent permettent l'identification du retraité, l'identification des
régimes d'affiliation, le repérage de la nature et du montant des avantages servis. Le modèle de données du
RNR est donc un cadre dans lequel les régimes de retraite français doivent pouvoir s'inscrire, qu'ils soient
régimes de base ou régimes complémentaires.
La direction de la sécurité sociale a réuni un groupe de travail pour définir et suivre l'expérimentation
préalable à la constitution du répertoire national des retraités. Les représentants des régimes ont reconnu
l'intérêt d'un tel répertoire. L'étude du projet mené par la CNAV appelle quelques remarques :
- la qualité et la fiabilité des données rassemblées dans le RNR conditionne le succès de ce projet, il est donc
indispensable que chaque partenaire fiabilise les données qu'il fournit au RNR ;
- un accès
direct de chaque partenaire à la base statistique anonyme associée au répertoire est envisagé avec
une solution de serveur web équipé d'un contrôle d'accès ; cette solution, simple à mettre en oeuvre pour les
partenaires, répond à leurs besoins ;
- le volume du RNR est très important (environ 60 giga octets pour
la base des 15 millions de retraités) ; pour
garder la possibilité de répondre simplement à des demandes d'organismes statistiques ou d'études, il est
nécessaire de prévoir, dès l'étude préalable, le dispositif adapté à la construction d'échantillons de données du
RNR.
Il importe que la valorisation du RNR sous forme d'extraction à des fins d'études et d'analyses ait lieu
rapidement pour ne pas limiter cette base au seul rôle d'outil de contrôle des prestations servies et faciliter le
retour d'informations pertinentes vers les partenaires, seul moyen de les motiver pour satisfaire à l'exigence de
qualité et d'exhaustivité requise pour les flux adressés à la CNAV.
V - Les personnels et l'organisation
1050 agents travaillent dans le secteur informatique de la branche. Leur répartition fait apparaître un effectif
d'informaticiens important dans chaque CRAM, 45 agents en moyenne si on exclut le centre de Paris dont la
structure spécifique correspond à la prise en charge de services nationaux. Cette situation est une conséquence
directe de la stratégie du schéma directeur pour "réussir le passage d'une informatique centralisée en région à
une informatique distribuée s'appuyant sur des bases de référence nationales uniques". La CNAV a choisi de
mobiliser en priorité ses propres moyens pour conduire et réaliser son schéma directeur et d'impliquer
fortement les CRAM : d'où dans les CRAM une structure de prise en charge opérationnelle ou "centre" , à la
CNAV des cellules responsables de la cohérence globale tant aux plans fonctionnel que technique. Cette
orientation stratégique s'est accompagnée d'investissements importants en formation pour permettre aux
personnels de maîtriser les nouvelles technologies et de piloter de façon coordonnée des projets pris en charge
dans les caisses régionales. Ce mode d'organisation a conduit à fractionner les développements et à multiplier
les instances de coordination. Du fait de la dimension du schéma directeur (nombre important de projets, de
personnes et de centres impliqués) le point sensible du projet reste la cohérence fonctionnelle et technique des
développements.
Le bilan des opérations d'assistance technique du schéma directeur est positif. Il y a cinq ans les
développements informatiques de la CNAV avaient pour objectif la programmation d'ordinateurs centraux,
l'utilisation du langage cobol et le traitement des travaux en différé. Les actions d'assistance extérieure menées
dans le cadre du schéma directeur ont changé les habitudes culturelles des techniciens informatiques : le
concept de grands fichiers de référence communs à l'organisme est acquis ; le cadre de la programmation en
cobol a été remplacé par le développement d'applications en client serveur. Cette évolution a été difficile et
longue mais elle est maintenant irréversible. Le recours systématique aux progiciels du marché n'est pas
acquis mais la production de progiciel CNAV a remplacé les programmes jetables réalisés à la demande.
Dès le départ les utilisateurs ont été largement impliqués dans la conduite du schéma directeur. Le contrôle de
qualité est assuré par le directeur de la CRAM et l'agent comptable ; cet engagement se retrouve dans le
contrat pluriannuel de gestion. Ainsi l'informatique s'inscrit dans une problématique de production,
l'informaticien rend compte à son directeur, aussi bien pour les développements que pour l'exploitation des
travaux.
VI - L’nfrastructure informatique
A - Le serveur national
Pivot du système d'information, le centre de Tours regroupe données et traitements partageables par
l'ensemble de la branche. Grâce à lui les techniciens retraite des caisses doivent pouvoir disposer en temps réel
des données d'identification (SNGI), de carrière (SNGC) ou d'archivage de dossier (SNGD) nécessaires à
l'instruction des demandes de retraites.
Le système d'information est réparti en trois niveaux géographiques : le niveau national à Tours tient les
informations de base à disposition des CRAM, le niveau régional mémorise les informations liées au
traitement des dossiers relevant de sa compétence ainsi que les informations de paiement de prestations qui
leur sont associées, enfin le niveau local assure le traitement des informations. La cohérence de cette
répartition géographique repose sur des flux de données acheminées soit en temps réel (réponse à une
demande d'identification au SNGI), soit en différé (transfert du dossier la nuit suivante) suivant les cas.
Le centre de Tours est équipé d'un serveur AMDAHL 7670. Depuis septembre 1996, il a pris en charge la
gestion du RNIAM.
B - Les serveurs régionaux
Le schéma directeur prévoit de standardiser les infrastructures régionales avec des serveurs UNIX. L'objectif
consiste à transférer progressivement l'ensemble du système d'information régional sur des serveurs ouverts
qui, comme on l'a dit plus haut, sont dédiés. Mais la CNAV se trouve aujourd'hui dans une phase de
redondance des systèmes : les serveurs ouverts
ont été "introduits" (coût faible, prise en main aisée) et
commencent à jouer un rôle dans le système d'information, mais les applications "liquidation" et "paiement"
restent disponibles uniquement sur les anciens systèmes propriétaires. La CNAV doit donc gérer la
coexistence de matériels et logiciels appartenant à des générations techniques différentes ainsi que la
"migration" de solutions anciennes vers des matériels et logiciels nouveaux. Les retards dans la réalisation du
schéma directeur, dont l'échéance prévue était 2000, accentuent le coût de cette redondance des systèmes,
provoquant un surcoût pour l'organisme dans son ensemble.
C - les développements
La CNAV mène depuis 1992 une politique de développement et de diffusion d'applications standards au sein
de la branche. Cette politique doit conduire à plus grande fiabilité des traitements et à de réelles réductions des
coûts informatiques. Pour réussir cette standardisation des traitements à l'échelle de la branche, la CNAV s'est
appuyée sur une fonction de participation efficace mais cette organisation se traduit par un retard dans
l'exécution des projets qui conduit à prolonger les coûts des équipements en double.
RECOMMANDATIONS
1. Poursuivre l'expérimentation TDSNET (de collecte des DADS via INTERNET) conduite dans un cadre
validé par le SCSII et la CNIL, expérimentation qui offre de réelles perspectives de simplification
administrative pour les petites entreprises. Elle doit être prolongée par une extension des services offerts
(retour de contrôle d'anomalies…) et consolidée pour être proposée dans l'offre des dispositifs standards
TDS.
2. Etudier au plus tôt les possibilités d'utiliser des mécanismes de sécurité adaptés au transport d'informations
nominatives avec l'objectif de revoir le dispositif réglementaire pour mettre à disposition des CPAM une
option de consultation du RNIAM interactive et sécurisée et autoriser, au moins lors de la liquidation des
retraites, les caisses régionales vieillesse à accéder à ce répertoire.
3. Donner une forte priorité au projet RNR pour l'achever dans les meilleurs délais, tout en redéfinissant les
conditions techniques de réalisation : choisir un standard d'échange reconnu par tous, consolider les
nomenclatures de descriptions des différents avantages servis et offrir aux partenaires un accès à la base
statistique associée.
4. Réussir impérativement, dans l'échéance prévue, c'est-à-dire avant la fin 2002, la reprise de l'ensemble du
processus "retraite" sur les serveurs UNIX, notamment les fonctions de liquidation et de paiement.
Réponse
[259]
La "bonification pour enfants" est réservée, aux hommes et aux femmes ayant élevé au moins trois
enfants ; la "majoration pour conjoint à charge" est attribuée aux personnes dont le conjoint ne dispose
pas de retraite personnelle et la "majoration pour tierce personne" est attribuée si le retraité, pensionné
pour inaptitude, a besoin d'une aide pour effectuer les gestes courants de la vie quotidienne.
[260]
La pension de réversion est conçue pour pallier une éventuelle précarité financière, son montant est
proportionnel au montant du droit direct que percevait le conjoint décédé, son versement est soumis à
condition de ressources.
[261]
L'allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est une allocation différentielle
destinée à garantir aux personnes âgées les plus démunies un niveau de ressources égal au minimum
vieillesse.
[262]
La DADS contient des informations destinées : aux URSSAF pour le calcul des cotisations de
sécurité sociale; aux CPAM pour l'ouverture des droits des salariés à l'assurance maladie; aux CRAM
pour la tarification et la prévention des accidents du travail et pour le positionnement du compte
individuel des salariés; aux service fiscaux (DGI) pour l'établissement des impôts dus tant par les
employeurs que par les salariés ainsi que pour la gestion de la taxe sur les salaires; à l'IRCANTEC,
régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat, des collectivités locales et des
hôpitaux publics; à l'UNEDIC pour le contrôle des contributions d'assurance chômage; à l'INSEE pour
l'établissement de statistiques économiques sur les salaires et sur l'emploi.
CHAPITRE XII
Les systèmes d'information à la base des prestations
des branches retraite et famille du régime général
Section II :
"CRISTAL", le nouvel outil informatique de gestion des prestations familiales
Comme la branche vieillesse, la branche famille doit faire face à une réglementation complexe dans
l’attribution des droits. La CNAF et les CAF sont d’autant plus sensibles à cette contrainte que la complexité
va croissante, du fait de la part de plus en plus importante de prestations délivrées sous condition de
ressources. Le système informatique de la branche a été conçu pour répondre à cette préoccupation principale :
verser rapidement le juste niveau de prestation. Mais ce versement, dans le respect de la réglementation, est
contrôlé par les caisses, et non pas par des tiers : de ce point de vue, l’environnement, centré sur la production,
est simplifié par rapport à celui de la branche maladie, confrontée à la nécessité d’une connaissance fine des
prescriptions médicales, et de ce fait plus directement préoccupée par la qualité des informations produites par
le système informatique.
Les investigations présentes de la Cour se concentrent sur le système de production de la branche famille, et
n’abordent pas ses systèmes administratifs ou décisionnels. Durant les dix dernières années, le problème
principal de la branche était en effet de concevoir un système de production performant, capable de faciliter le
travail des caisses et d’améliorer le service des usagers tout en unifiant l’informatique des caisses jusque là
dispersée.
Cette préoccupation s’est traduite par le développement et la mise en place d’un nouveau modèle de gestion
des prestations familiales, CRISTAL, “Conception Relationnelle Intégrée du Système de Traitement des
Allocations“, qui a signifié un double changement majeur pour les caisses, à la fois une unification du système
et le passage d’une technologie en temps différé à un système en temps réel.
I - CRISTAL : une gestation difficile, un déploiement contrasté
A - Un projet retardé et financièrement sous-évalué
A partir des années quatre-vingts, les CAF ont été chargés de gérer des aides de plus en plus diversifiées pour
des populations en difficulté sociale et financière. Un premier modèle national, MONA, reposant sur un
traitement différé des informations saisies par les techniciens, a été développé mais ne s’est pas imposé dans la
totalité des caisses. En 1994, en effet, seulement 73 % des allocataires étaient gérés par MONA et trois autres
modèles subsistaient : TEMPS REEL (région parisienne), AMICAM (Ouest et Centre) et celui de la caisse de
Mâcon.
A la fin des années quatre-vingts, il est apparu nécessaire d’unifier l’ensemble du dispositif en créant un outil
de traitement en temps réel. Cet outil, garantissant une capacité d’évolution de l’architecture technique, devait
faciliter la prise en compte des évolutions de la réglementation, donc être paramétrable et documenté, et
surtout lier les systèmes d’information et de gestion administrative à un système de production cohérent.
L’élaboration de CRISTAL aura finalement mobilisé plus de 200 informaticiens pendant huit ans, ce qui est
trop long, même pour un projet de cette taille. Le calendrier a en effet été fortement perturbé. De 1991 à 1995,
les débuts du développement ont été difficiles, les premiers résultats s’avérant décevants et coûteux par
rapport aux objectifs initiaux, notamment du fait de la défaillance de la maîtrise d'ouvrage, insuffisamment
directive.
Devant l’impossibilité de respecter le calendrier prévisionnel, des contrôles externes ont été pratiqués.
L’organisation du projet a été modifiée en 1996 et le recours à la sous-traitance fortement réduit. Le
déploiement du nouvel outil s’est finalement effectué à partir de juin 1997, pour s’achever fin février 2000.
La prévision initiale, datant de 1990, était donc particulièrement
irréaliste : la phase de généralisation était alors prévue pour 1993. Le nouveau délai fixé en 1993 n’a été
dépassé que d’une année, mais la phase de réalisation se sera échelonnée sur sept ans au lieu des deux ans
initialement annoncés par la caisse nationale.
A ce décalage s’ajoute une dérive des coûts. Les premières estimations de 1990 et 1993 se sont révélées
rapidement dépassées. Ce n’est qu’en 1996 qu’une définition plus précise a été faite, sous l’impulsion de
l’enquête de l’IGAS alors entreprise.
L’IGAS distinguait en effet la fabrication et l’exploitation pour un montant de 958 MF d’une part, la conduite
du changement (généralisation, formation) pour 245 MF d’autre part. Les coûts externes en 1996
représentaient
66,3 % de ces coûts prévisionnels, pour un quadruplement du coût annoncé en 1990 et un dépassement de 65
% du coût prévisionnel de 1993.
L'évaluation globale ultérieure est légèrement inférieure, notamment du fait de la baisse rapide des prix des
équipements. Ainsi, la dernière évaluation disponible (1999) fait état d’un coût total de 1 139,5 MF (contre 1
203 MF prévu par l'IGAS), qui se décompose en 590,1 MF pour la réalisation, 244,9 MF pour l’exploitation et
304,5 MF pour la conduite du changement (généralisation et formation). Le total est donc quasiment identique
à ce qui était prévu en 1996, mais les coûts externes ne représentent plus que 57,1 % du total. Les aides au
démarrage des caisses ont en revanche augmenté, du fait notamment des besoins apparus en termes de
résorption du stock. Si l’on ne considère que les coûts liés à la réalisation, la dérive est donc manifeste : 590,1
MF contre 529,4 MF prévu par l'IGAS, et 130,4 MF en 1990 au début de l'opération (tableau).
Coûts de réalisation de CRISTAL
(en MF et %)
Coûts de
réalisation
1990*
1993**
IGAS***
1996
Coût effectif
1999
Surcoût (%) par rapport à la
prévision de
1990
1993
1996
externes
102,4
260,3
322,5
324,5
+ 217
+ 25
+ 0,6
internes
28,0
60,7
206,9
265,6
+ 849
+ 338
+ 28,4
Ensemble
130,4
321,0
529,4
590,1
+ 353
+ 84
+ 11,5
Source : CNAF. Les coûts externes sont constitués par la sous-traitance requise pour la réalisation de
l'application, les achats d'équipements, l'assistance à la généralisation, et en particulier les aides consenties aux
caisses ; les coûts internes reflètent l'activité des équipes informatiques pour le développement de
l'application. Les autres éléments du coût (exploitation et conduite du changement) ne figurent pas dans ce
tableau (cf. à ce propos le texte ci-dessus).
* prévision initiale
** prévision établie dans le schéma directeur informatique 94-96
*** prévision établie lors de l'enquête de l'IGAS
Les premiers chiffrages budgétaires étaient totalement fantaisistes. Il est vrai que le périmètre fonctionnel
initial partait du principe d’une reprise de fonctions déjà existantes dans MONA : ce principe, irréaliste, n’a pu
être tenu et les conséquences financières des bouleversements introduits par CRISTAL n’ont été tirées qu’en
1992.
Par rapport aux conclusions du rapport de l’IGAS, la dérive est moins sensible ; elle s'explique par
l’augmentation de la durée du projet et du coût croissant de l’activité de support et d’intervention, dès lors que
le nombre d’utilisateurs a augmenté au fur et à mesure de la généralisation, et que les versions ont présenté des
défauts.
B - Les difficultés du développement
Les difficultés rencontrées par CRISTAL tiennent d’abord aux
défauts d’organisation
de l’informatique de la
branche. L’absence de clarté des rapports entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre a concentré les critiques
des audits réalisés par le cabinet Ernst & Young et par l’IGAS en 1995 et 1996. Elle a conduit à une maîtrise
défaillante des rapports avec les sous-traitants et à un suivi insuffisant du projet.
Pour répondre à ces critiques, la maîtrise d'ouvrage a clairement été confiée en 1996 à la CNAF, et plus
exactement à sa commission d’administration générale, qui l’a déléguée au directeur. Les différents
utilisateurs ont été associés dans un comité directeur qui a travaillé avec une cellule d’assistance à la maîtrise
d’ouvrage. Les pôles régionaux de compétence CRISTAL ont constitué des structures-relais régionales
proposant aux CAF une assistance pour le déploiement. La maîtrise d’oeuvre a ensuite été confiée aux CNEDI,
centres de développement de la caisse nationale. Ce système a progressivement été généralisé à l’ensemble
des projets informatiques de la CNAF.
Parallèlement, le recours à la sous-traitance a été diminué. Il avait représenté 222,5 MF des 590,1 MF de
réalisation de CRISTAL, soit 38 %, en particulier de 1991 à 1994. Sur l’année 1998, ce recours à la sous-
traitance n’est plus que de 13,5 MF, à comparer avec les 186,5 MF de coût de fonctionnement des équipes
informatiques nationales. La CNAF ne fait donc appel aujourd’hui à la sous-traitance que par exception, et
donne la priorité aux recours temporaires et encadrés.
Mais les causes du retard de CRISTAL dépassent les seuls problèmes d’organisation. De nombreuses
anomalies fonctionnelles
se sont révélées, notamment du fait de la défaillance de jeux de test incomplets, ce
qui constitue un problème grave pour les travaux en temps différé. Le portage du logiciel entre les filières des
deux constructions qui structurent la branche a été plus délicat que prévu, faute notamment d’un respect
suffisant des normes de programmation.
La
conversion
entre les systèmes anciens et CRISTAL a par ailleurs été très difficile, du fait de l’existence de
quatre systèmes différents à convertir et du désir des caisses de garder leurs particularités. Cette conversion a
été achevée en février 1999 pour le modèle AMICAM et en juin 1999 pour MONA et le système de Mâcon.
Le problème n’est pas entièrement réglé pour l'Ile-de-France, et il a été au coeur des difficultés rencontrés par
cette région en 1999.
Aux difficultés du développement se sont ajoutées des
problèmes matériels
. La filière d’un des constructeurs
a connu une mise au point plus lente de ses systèmes d’exploitation, alors que l’application consommait plus
de ressources processeur que prévu. Les centres régionaux de production (CERTI) de la branche qui sont
équipés d'ordinateurs de ce constructeur ont souffert de temps de réponse très longs.
A l’occasion de ces problèmes, un observatoire a été mis en oeuvre pour comparer les coûts existant dans les
deux filières. Cet observatoire concluait en 1998 qu’il existait un surcoût de 15 % pour l’un des deux
constructeurs sur 1997-2000, mais une parité de coût pour l’année 2001, grâce à un rabais de 25 % consenti
par ce dernier sur ses matériels. Par ailleurs, il a progressivement rattrapé l’autre constructeur en termes de
performance. Cet observatoire a ainsi permis de faire pression sur un des constructeurs pour qu’il réduise ses
coûts. Il n’a pu cependant éviter l’apparition de surcoûts par rapport aux prévisions d’utilisation des machines
dans la période récente.
C - Un déploiement globalement plus harmonieux
La mise en service de CRISTAL dans les caisses s’est d’abord effectuée dans des sites pilotes, Orléans et
Vannes, de décembre 1994 à mars 1997 puis dans des sites expérimentateurs, Toulon et Annecy, à partir de
1996. A partir de 1997, les caisses de province ont progressivement basculé sur CRISTAL. La région
parisienne a commencé le déploiement de CRISTAL en mai 1998 pour l’achever en février 2000.
La mutation s’est accomplie, mais non sans difficultés, en particulier pour les premières versions du logiciel,
entachées de nombreuses erreurs. Les problèmes ont pu apparaître avec un certain décalage, après le départ
des moyens exceptionnels mobilisés pour la montée en charge. A cela se sont ajoutées pour les régions dotées
d’un système informatique différent de MONA, c’est-à-dire les Pays de la Loire et surtout la région
parisienne, des difficultés spécifiques, qu'illustre un stock retard important.
Les conditions de cette mutation importante pour les caisses ont étroitement dépendu de la qualité de la
préparation. Dans la plupart des caisses, un délai de quatre semaines a été nécessaire pour trouver un retour de
productivité raisonnable : ce retour a été d’autant plus rapide que la mutualisation régionale des moyens a été
forte.
A Marseille, où le déploiement s’est déroulé de décembre 1997 à mars 1999, la productivité antérieure a
progressivement été rejointe après un temps d’adaptation nécessaire, grâce notamment aux efforts menés
avant le déploiement en matière de préparation des fichiers et de formation, mais aussi de productivité, pour
que le stock soit nul au moment du démarrage.
Au niveau national, l’impact global du passage à CRISTAL dans le gonflement du stock-retard moyen des
services prestations, a été limité en 1997 et 1998, puis très fort à l’été 1999, avant de revenir à la normale
début 2000. Mais ce constat global ne doit pas faire oublier que le passage à CRISTAL ne s’est accompagné
d’une maîtrise du stock que dans la mesure où les caisses ont effectué des arbitrages défavorables à l’accueil
téléphonique voire physique des allocataires, ainsi qu’aux politiques de contrôle interne et externe. La mise en
place de CRISTAL s’est déroulée dans des conditions particulièrement difficiles en région parisienne.
La région parisienne, animée sur le plan informatique par le CREATIF, a développé à partir de 1990 son
propre système de gestion des allocations, TEMps REEL. Contrairement à MONA, le principe de traitement
des données était conversationnel, donc en avance sur le projet national.
Lorsque la CNAF a décidé de construire un modèle national conversationnel, elle n’a cependant pas choisi de
reprendre l’applicatif parisien, développé dans l’environnement IBM, sans prévoir le portage dans un
environnement différent, conçu avec des particularités locales, peu documenté, apportant peu de transfert
technologique, et ne passant pas l’an 2000.
Dès lors, le choix de CRISTAL a fait apparaître plusieurs points d’achoppement, rendant la transition en Ile-
de-France plus délicate : alors que CRISTAL s'adapte ponctuellement en fonction des pièces reçues, TEMPS
REEL requérait l'ouverture de l'ensemble du dossier de l'allocataire, et le technicien y apportait alors la
modification nécessaire.
Malgré la décision nationale, et en dépit de ces problèmes, le CREATIF a dans un premier temps poursuivi le
développement de son système, ce qui est anormal. Ce n’est que début 1995 qu’une équipe CRISTAL y a été
constituée. Il a fallu dans le même temps avoir recours à des CDD pour maintenir TEMPS REEL.
Ce délai a aggravé les problèmes de conversion. Le CREATIF s’était en effet retiré du groupe de travail créé
sur ce thème en 1992. L’outil de passage de TEMPS REEL à CRISTAL a donc été développé dans la douleur
au CREATIF, et la conversion n'a débuté qu'en mai 1998.
Il existe sur ce point deux différences notables avec les autres caisses : les conversions ont été échelonnées
dans le temps par périmètre et aucun historique n’a été repris. Or, cette dernière décision a une incidence sur le
travail des techniciens, contraints d’utiliser simultanément deux systèmes. En termes de coûts, l’impact est
aussi important puisque la coexistence de deux systèmes nécessite une infrastructure technique plus puissante.
A tous ces handicaps accumulés se sont ajoutées les difficultés particulières de certaines caisses parisiennes à
gérer le déploiement, ainsi que des dysfonctionnements techniques non imputables à CRISTAL : défauts de
paramétrage du système de base, architecture technique des réseaux locaux et défaillances dans
l’ordonnancement des activités de production.
Afin de contenir l’explosion des stocks de l’été 1999 dans la majorité des caisses de la région parisienne, des
renforts ont été appelés dans les CAF de province pour la liquidation. Avec cette aide nationale, l’Ile-de-
France retrouve progressivement en 2000 un niveau de production satisfaisant.
II - Un projet en évolution permanente
A - Des apports incontestables
CRISTAL est un logiciel qui, à partir de données (dossier de l'allocataire) saisies par le technicien ou
enregistrées dans une base, fournit des résultats (prestations servies à l'allocataire). Ces résultats apparaissent
soit sous la forme de notifications écrites à l'allocataire, soit simplement sur l'écran du technicien pour que ce
dernier mette à jour la base de données.
Une idée particulièrement novatrice introduite par CRISTAL est qu’un dossier constitue une entité
indépendante des personnes pouvant s’y rattacher, suite à un changement de la situation de l'allocataire.
D’autre part, les modifications de rattachement à un dossier se font sans nouvelle saisie des données.
L’ensemble confère une souplesse d’utilisation qui facilite notablement le travail du technicien. La saisie des
données se fait par l’intermédiaire d’un langage spécialisé : l’utilisation de codes obscurs qui alourdissaient les
précédents systèmes n’est plus nécessaire. La cohérence des données est contrôlée en temps réel et les erreurs
sont corrigées avant le lancement de la détermination des droits.
Dans l’état actuel de CRISTAL, les temps de réponse du système et l’ergonomie du produit apparaissent
globalement satisfaisants. La convivialité reste néanmoins perfectible, dans la mesure où le déroulement des
différents écrans peut encore apparaître lourd.
Mais au-delà des questions de convivialité, c’est l’appréhension par les techniciens eux-mêmes des
potentialités ouvertes par le système qui doit progresser, pour profiter pleinement du gain de productivité
potentiel dû à CRISTAL.
En attendant ces progrès qui ne relèvent pas seulement de l’informatique, mais touchent à toute l'organisation
du travail dans les caisses, CRISTAL constitue la base de l’ensemble du système d’information de la branche.
Celle-ci dispose en effet d’un outil nouveau, producteur de données fiables, autour duquel les autres outils,
notamment informationnels, administratifs et comptables, peuvent se développer.
B - Un système qui reste inachevé
Si CRISTAL présente donc un progrès incontestable pour la branche, il convient cependant de compléter le
diagnostic en précisant que des risques demeurent aujourd’hui dans son utilisation.
Le premier de ces risques concerne les
fonctions
insuffisamment couvertes par CRISTAL. De manière
naturelle, son développement a été centré dans un premier temps sur la production, et de ce point de vue, les
fonctions de CRISTAL apparaissent aujourd’hui satisfaisantes. Tel n’a pas été le cas d’autres domaines
essentiels, comme les échanges avec les tiers, le contrôle externe et le contrôle interne, pour lesquels les
versions adaptées ne sont que partiellement disponibles. Cela a engendré des problèmes graves, notamment
pour les échanges relatifs au RMI, mais aussi pour les contrôles automatisés, particulièrement faibles en 1999.
CRISTAL demeure il est vrai un
produit en adaptation permanente
, et là réside le second risque sur la
qualité. En principe, trois versions sont diffusées annuellement, mais le calendrier des versions est rarement
respecté (quatre versions en 1999 et 2000), tant du fait des demandes internes que des modifications
réglementaires
[263]
.
La durée de fabrication d’une version est de huit mois. Le contenu de la version doit être définitivement figé
au plus tard sept mois avant la mise en production de la version. Or, la réglementation ne peut généralement
être figée dans ces délais. Cette durée s’explique notamment par les faiblesses relevées dans la réalisation des
versions, qui nécessitent pour être corrigées de trop longues phases de vérification.
L’élément crucial de cette chaîne de fabrication réside en effet en amont, dans le traitement des demandes de
modifications réglementaires. Après avoir pris connaissance de ces modifications, des études fonctionnelles
sont faites. Cette étape, qui dure théoriquement 2,5 mois, est déterminante, car il est très coûteux de remédier
ensuite aux défauts des spécifications fonctionnelles.
On passe ensuite, dans les CNEDI, à la phase de réalisation proprement dite, à l’intégration de toutes les
composantes, puis à la validation sur 2000 à 3000 comptes fictifs, chargée de garantir la qualité des
développements, sous la responsabilité de la maîtrise d’oeuvre. Enfin, la recette, sur 13 à 15 000 comptes
"réels", sous la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, vise à vérifier la conformité des développements aux
spécificités fonctionnelles prescrites.
Avant d’entrer au sein des CERTI dans la phase de production, la version est testée quinze jours à l’avance
dans un certain nombre de régions, dans une des caisses couvertes par le CERTI. Cette méthode, seule
susceptible de prévenir les erreurs non pas purement techniques, mais d’interface entre la machine et une
utilisation de masse, n’est pas généralisée ; elle devrait l’être.
Concernant l’application elle-même, des éléments demeurent perfectibles. Ils tiennent d’abord au
noyau
fonctionnel
lui-même, pour lequel le risque d’anomalies n’est pas encore suffisamment réduit.
Quantitativement, la fréquence des signalements a nettement baissé depuis juin 1999. Mais des erreurs
demeurent, portant sur des cas particuliers oubliés dans l’analyse et les tests, ou de manière plus grave,
correspondant à la traduction erronée sous forme logique d’une règle simple (non plafonnement dans un calcul
dans le cas de l‘allocation adulte handicapé lors d’une hospitalisation). Certes, ces erreurs peuvent être
corrigées dans la phase de test mais une plus grande rigueur d’analyse et de programmation permettrait de
gagner un temps précieux.
Une plus grande attention doit également être portée aux
paramètres
locaux : CRISTAL permet la
paramétrisation de certaines données pour garantir l’autonomie de gestion des CAF. La fréquence des erreurs
de paramètre nécessite une attention plus forte des CAF, qui gagneraient sur ce point à une coopération
technique plus poussée avec les CERTI.
Enfin,
l’infrastructure technique
peut être la cause de graves interruptions du système. Même si l'existence
de deux filières entraîne des coûts supplémentaires, l’effort porté par les constructeurs pour améliorer les
performances de leur matériel a porté ses fruits et la puissance des machines est désormais calibrée pour un
fonctionnement correct en régime courant, mais les problèmes n’ont pour autant pas disparu, comme
l’illustrent de récents dysfonctionnements en janvier 2000 dans la filière BULL, la mise à niveau technique
requise par la nouvelle version CRISTAL n’ayant pas été faite à temps. De même, les taux de disponibilité
moyens sont certainement perfectibles. On constate régulièrement le prolongement des travaux en temps
différé sur le début de matinée, réduisent ainsi la plage ouverte aux CAF pour les traitements en temps réel.
La dernière source de progrès à court terme dépasse le strict cadre de l’informatique : il s’agit de
l’adaptation
des caisses
elles-mêmes. A l’issue d’une année d’exploitation, la progression de la production liée à
CRISTAL reste limitée et mal évaluée : le nombre de pièces traitées par jour et par agent semble non pas avoir
augmenté, mais être resté stable, autour de 45 environ. En effet, autour du traitement informatique du dossier,
il subsiste de nombreuses manipulations de documents papier qui ne peuvent s'expliquer que par des réflexes
de sécurité superflus de la part des agents, alimentés par le manque d’évolution du règlement intérieur des
caisses. Les services informatiques eux-mêmes n’utilisent d’ailleurs pas toutes les possibilités offertes par la
transmission électronique de documents.
C - Accroître la capacité d’adaptation des caisses
Le gros investissement consenti pendant dix ans par l’équipe CRISTAL de la CNAF pour appréhender un tel
système et acquérir une expertise doit être exploité pour faire évoluer CRISTAL.
L’architecture modulaire de CRISTAL, qui implique une indépendance entre les trois grandes fonctions que
sont l’accès aux données, la gestion des règles de droit et l’interface homme-machine doit permettre une
évolution du système avec les technologies nouvelles. Ainsi, l’apport de la technologie "Objet" pour la gestion
des bases de données ou la programmation pourrait être évaluée. L’ergonomie du système peut être plus
facilement améliorée, grâce à des outils modernes comme "Visual Basic" et "Java".
L’usage d’Internet, expérimental pour l’allocation logement étudiant, doit être développé, surtout dans le
contexte d’un affermissement juridique de la signature électronique. On peut envisager à court terme que les
allocataires aient la possibilité d’envoyer des formulaires électroniques de déclaration de ressources, ou même
de demandes d’octroi d’une prestation, comme c’est déjà le cas dans l’administration fiscale. Il conviendrait
également d’utiliser l’expérience du transfert électronique des mutations entre CAF pour redéfinir les
échanges électroniques de données avec les partenaires extérieurs.
Il conviendrait plus généralement de combler le décalage entre la technologie et l'organisation des caisses. Ces
dernières, marquées par la liquidation de masse, ne se sont pas encore mises en position de tirer les
conséquences des progrès techniques actuels. CRISTAL, mais aussi des outils annexes comme le suivi des
pièces ou la gestion électronique des documents, offrent pourtant des possibilités de personnalisation accrue
de la relation avec l'allocataire.
Pour avancer sur ces pistes nouvelles, l’informatique de la branche doit progresser, non pas tant sur les
structures elles-mêmes que sur la qualification de son personnel.
D - Adapter les moyens de l’informatique
L’organisation
de l’informatique de la branche est relativement classique : on peut distinguer, outre
l’informatique nationale (CNEDI), une informatique régionale chargée de la production (les centres régionaux
de traitement informatique ou CERTI) et une informatique locale, moins développée, située dans les CAF.
La complexité de la situation juridique des CNEDI, dont le financement est abondé par la CNAF, mais qui
sont en fait gérés pas les organismes d’accueil, CAF ou CERTI, peut être mis en cause ; de même,
l’intervention des administrateurs des caisses locales dans le conseil d’administration des CERTI n’apparaît
pas décisive, tant les décisions importantes paraissent prises, et c’est heureux, au niveau de la direction
nationale. Mais ces caractéristiques, insatisfaisantes sur le plan intellectuel et juridique, n’emportent pas de
conséquences trop graves pour la branche. Cette organisation est en effet relativement stable et bénéficie
d’une habitude de coopération qui, au-delà de l’informatique, caractérise les rapports entre la caisse nationale
et les caisses locales. Cette coopération a notamment permis de réduire le nombre des CNEDI, passés de 12 à
6 depuis la fin des années quatre-vingts, alors que le nombre de CERTI (huit) reste stable.
Il conviendrait de poursuivre cette rationalisation pas à pas, notamment en réduisant le nombre d’applications
locales et en concentrant le contrôle des moyens techniques complexes, serveurs en particulier, au niveau des
CERTI plutôt qu'à celui des CAF dont les compétences informatiques sont trop inégales. En contrepartie, la
CNAF doit compléter son offre de service logicielle autour de CRISTAL, et les conventions de service entre
CAF et CERTI devraient préciser plus qu’elles ne le font actuellement les engagements des CERTI, et mieux
mesurer les conséquences néfastes pour les caisses des éventuels problèmes rencontrés dans ces centres de
production. Enfin, les procédures de secours en cas d’interruption de fonctionnement d’un CERTI doivent être
améliorées sans délai.
Sur le plan des
moyens
, la branche famille dispose d’un budget important, si l’on ajoute au budget national
(fonctionnement et investissement) les financements locaux effectués par les caisses :
(en MF)
1995
1996
1997
1998
Evolution
Budget informatique
(hors amortissement)
1 068,1
1 192,8
1 125,9
1 211,9
+ 13,5 %
Source : Cour des comptes, à partir de documents de la CNAF.
Il faut ajouter à ce total le coût des informaticiens des caisses locales, qu’on peut estimer au minimum à 90
MF annuels. Le total des dépenses informatiques de la branche ne serait ainsi pas inférieur à 1,3 MdF en 1998,
soit une dépense annuelle de 39 900 F par agent de la branche. A titre de comparaison, les dépenses
informatiques de la branche maladie s’élevaient à environ 2,7 MdF en 1997, soit de l'ordre de 41 400 F par
agent.
L’amélioration doit donc plus être qualitative que quantitative : elle doit être recherchée davantage dans le
personnel informatique
que dans les structures. De 1990 à 1998, le nombre d’agents informaticiens recensés
à la caisse nationale et dans les CERTI a progressé de 17 %, passant de 634 à 741. L’augmentation a été plus
forte pour l’informatique nationale (+ 38 % de 1989 à 1998) que pour les CERTI (+ 7 %). S’y ajoutent les
informaticiens des CAF, au nombre de 360 si l’on s’en tient au seul critère de la convention collective gérée
par l’UCANSS, plus proche de 500, si l’on extrapole l'effectif de 69 informaticiens rencontrés dans les dix
caisses visitées lors de l’enquête de la Cour. L’estimation globale du nombre d’informaticiens dans la branche
est ainsi au minimum de 1 100, et sans doute plus proche de 1 300.
Le personnel informatique de la branche famille apparaît vieillissant et peu mobile au regard des défis exposés
plus haut. L’âge moyen des informaticiens a progressé, passant de 39 à 43 ans au cours de la décennie, alors
que l’ancienneté atteint des sommets : 55,1 % des informaticiens sont dans la branche depuis plus de 15 ans.
Le niveau global de formation est faible pour des systèmes d’une telle complexité. C’est le cas dans les
CERTI, dont 51 % des informaticiens ont un niveau de formation inférieur au bac ou inconnu. Mais la
situation de l’informatique de développement est à peine meilleure : moins du quart des informaticiens ont un
niveau de formation supérieur à bac + 2. Ce constat n’est que partiellement nuancé par l’afflux récent de
jeunes au niveau de formation plus élevé dans les CNEDI. Car 29 % des personnes recrutées depuis moins de
cinq ans y ont un niveau inférieur ou égal au bac ou inconnu, alors que seulement 18 % ont un niveau
supérieur à bac + 4.
Au CNEDI de Caen, responsable de la maîtrise d'oeuvre sur CRISTAL, sur les 22 agents recrutés en 1998 et
1999, 9 ont le seul niveau du bac. Or, on peut considérer que, pour des fonctions de développement, le
recrutement d’un informaticien au niveau bac ne puisse se justifier à notre époque. Ce faible niveau de
formation, encore aujourd’hui, peut compromettre l’adaptabilité des équipes informatiques de la CNAF aux
enjeux informatiques futurs. Une formation complémentaire de haut niveau, mais surtout un recrutement à un
niveau plus élevé permettraient à l’équipe de conception d’éviter les erreurs relevées plus haut.
Quant au niveau des rémunérations, il apparaît sensiblement supérieur à celui des autres agents, mais sa
gestion manque de souplesse, restant avant tout liée à l’ancienneté et étant totalement déconnectée des
compétences (initiales ou acquises) et de l'activité des informaticiens.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
La mise en place de CRISTAL a permis de structurer l’informatique de la branche famille. Cela s’est fait au
prix de plusieurs années de retard, dues aux errances des premières années du projet (1990-1995), mais avec
des problèmes sans doute moins aigus que dans la branche maladie (cf. à ce propos le rapport de la Cour sur
l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre 1999). CRISTAL constitue
aujourd’hui un outil de qualité, à l’ergonomie acceptable, même si elle est perfectible, et permettant de
travailler avec des temps de réponse relativement performants.
La structure, juridiquement complexe, apparaît relativement performante, et l’infrastructure technique est
globalement solide.
Mais CRISTAL n’est pas un outil figé. Comme la réglementation, il doit évoluer en permanence, et la branche
sera confrontée dans un proche avenir à des défis sensiblement différents de ceux des années quatre-vingt-dix.
Le contexte du prochain schéma directeur de la branche, qui doit débuter en 2001, diffère ainsi fortement des
deux schémas précédents. Plutôt que de concentrer ses efforts sur une nouvelle application structurante, ce
schéma doit réfléchir à l’environnement de CRISTAL. Les principales orientations déjà envisagées sont
positives : faciliter aux caisses l’accès à des outils augmentant la qualité de service et la productivité,
renforcer l’informatique décisionnelle, relancer la démarche de sécurité et de contrôle interne, et repenser
l’organisation des structures informatiques, en particulier les relations entre les CERTI et les CAF.
Mais la branche doit aller au-delà. Il faut notamment adapter l'organisation
du travail des caisses aux
potentialités ouvertes par CRISTAL, tout en développant les réseaux et la télétransmission via Internet, la
gestion électronique de documents et l’exploitation de systèmes décisionnels performants. Ces points
requièrent des compétences techniques très poussées, mais représentent aussi des bouleversements importants
pour la gestion des caisses et les relations avec les usagers.
La CNAF doit profiter du savoir-faire accumulé en dix ans de développement de CRISTAL pour anticiper ces
mutations. Elle devra cependant aller au-delà, et améliorer, plutôt que la quantité, la spécialisation de ses
équipes informatiques de développement pour répondre aux défis exposés plus hauts. Cela amène la Cour à
formuler trois recommandations.
RECOMMANDATIONS
1. Faire évoluer les techniques de développement des applications de la branche.
2. Embaucher moins mais mieux, en élevant le niveau du recrutement.
3. Exploiter toutes les possibilités offertes par CRISTAL en matière d’échanges informatisés et d’adaptation
de l’organisation du travail.
Réponse
[263]
S’ajoutent par ailleurs des sous-versions correctives - six à sept par an, ainsi qu’environ 500 corrections
"au fil de l’eau".
CHAPITRE XIII
Les avantages familiaux et conjugaux dans les systèmes de retraite
"Avantages" familiaux et conjugaux, le mot pourrait être discuté. Car ils ont été créés soit pour compenser,
après des délais qui peuvent être très longs, les charges de famille et leurs conséquences notamment pour les
mères, soit pour des raisons démographiques, soit pour assurer aux retraités, aux veuves en particulier, un
niveau de vie décent.
Ayant des fondements multiples, ils existent dans tous les régimes, et ils sont importants : plus de 80 MdF
d'avantages familiaux et 135 MdF de pensions de réversion.
L'examen détaillé de tous les dispositifs familiaux et conjugaux dans les systèmes de retraite met en lumière,
tout autant que leur généralité et leur importance, leur caractère disparate, hérité de l'histoire, et, aujourd'hui
générateur d'inégalités entre retraités relevant de régimes différents. Certaines dispositions n'existent que dans
les régimes spéciaux (par exemple que les femmes ayant eu au moins trois enfants puissent liquider leur
pension après quinze ans de service à tout âge). D'autres sont, dans leur principe, présentes partout, mais
appliquées très différemment ici et là : la majoration de durée d'assurance est d'un an par enfant dans les
régimes spéciaux, de deux dans le régime général. Les pensions de réversion sont également prévues par tous
les régimes, mais à des conditions tellement différentes que le principe général pèse peu devant la diversité de
ses mises en oeuvre. Enfin, ce sont les financements de ces avantages qui sont, eux aussi, très disparates :
parfois à la charge des régimes eux-mêmes, parfois à celle de la branche famille, parfois à celle du fonds de
solidarité vieillesse.
A l'issue de cet examen, une remise en ordre apparaît souhaitable. Certaines dispositions ne paraissent pas
devoir être modifiées, par exemple le taux des pensions de réversion (mais les modalités de leur attribution,
elles, pourraient l'être). D'autres devraient l'être, parce qu'elles ont une très faible justification (liquidation sans
condition d'âge), ou parce qu'elles sont source de grandes inégalités. Ces changements pourraient constituer
une des dimensions des réformes à venir des systèmes de retraite.
Section I :
La prise en compte du fait familial par les systèmes de retraite
Les systèmes de retraite tiennent compte des caractéristiques familiales des personnes. Les motifs de cette
prise en compte sont multiples. Il s’agit :
- De tirer les conséquences de la faible activité professionnelle des mères de famille qui était un fait très
majoritaire à l’époque où se sont créés puis affirmés nos systèmes de retraite. Or, dans ces systèmes fondés sur
des cotisations professionnelles, les personnes qui n'occupent pas un emploi n’acquièrent pas de droits directs
à la retraite.
- De corriger les risques que la surmortalité masculine fait courir aux femmes qui, plus directement en charge
de l’éducation des enfants, n’auront au veuvage que des droits personnels faibles.
- De prendre acte que les familles, surtout quand elles ont de nombreux enfants et que la mère est inactive ou
faiblement active, ne peuvent se constituer un capital comparable à celui de ménages de plus petite
taille (célibataires, couples sans enfant,…) : la faiblesse de leurs revenus primaires et la charge financière de
l’éducation de leurs enfants (malgré un système assez développé de prestations familiales) leur interdisent de
dégager une épargne suffisante.
- De faciliter le départ à la retraite de mères de famille actives dont la charge de travail aura été forte
puisqu’elles auront eu une "double journée de travail".
Au-delà de ces considérations économiques et sociales objectives, il s’est agi, pour certains responsables et à
certaines périodes, de marquer la reconnaissance de la Nation à l’égard des mères des familles nombreuses.
Enfin, il y avait chez certains l’espoir qu’en mettant en oeuvre des dispositifs améliorant les conditions de vie
des familles pendant leur retraite, les ménages hésiteraient moins à assumer les charges d’une naissance
supplémentaire. L’affirmation du "statut social de la mère de famille" faisait, à leurs yeux, partie de la
politique nataliste.
La prise en compte, par les systèmes de retraite, du fait familial se traduit par un ensemble de dispositifs,
étroitement imbriqués, qu’on peut classer selon leur objet, ou leurs conséquences. Plus précisément, on peut
identifier six dispositifs.
Le premier consiste à moduler l’âge de départ à la retraite pour les mères de famille, et cela dans les deux sens
:
- Soit en permettant un départ plus précoce avec un niveau honorable de retraite (par exemple en bénéficiant
du taux plein dans le régime général). Ce fut le cas avant la généralisation de la "retraite à 60 ans" en 1983 :
les femmes avaient le bénéfice du taux plein à 60 ans. Depuis cette réforme, il ne reste plus dans le régime
général que des dispositifs marginaux facilitant les départs précoces. En revanche, les systèmes de retraite de
la "sphère publique" - régimes spéciaux des fonctions publiques et des entreprises publiques - conservent des
mesures significatives favorisant un départ précoce possible pour les mères de familles nombreuses.
- Soit en permettant, dans les régimes où l’âge de la retraite est contraignant, un départ plus tardif que la
norme, le tem que les parents (et ici pas seulement les mères), dont la carrière professionnelle est incomplète à
l’âge normal, acquièrent des années supplémentaires.
Ces deux modulations de l'âge de la retraite sont étudiées dans la section II.
Le deuxième dispositif consiste à compléter la retraite éventuellement acquise par les femmes suite à leur
activité professionnelle, par des droits directement liés à l’éducation de leurs enfants. On y parvient pour
l’essentiel par deux mécanismes cumulatifs :
- les majorations de durée d’assurance : on attribue une ou deux années par enfant par exemple, années qui
permettent de compléter une carrière professionnelle incomplète ;
- l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : les parents -et pas seulement les mères, ici- qui n’ont pas
d’activité professionnelle parce que leur enfant est jeune ou parce que la famille est nombreuse sont affiliés à
la CNAV et y acquièrent des droits comme s’ils travaillaient dans la sphère professionnelle.
Ces deux dispositifs sont étudiés dans la section III.
Le troisième dispositif consiste à bonifier la retraite des hommes. On améliore ainsi le niveau de vie des
couples de retraités et, après le décès éventuel, l’assiette de calcul des pensions de réversion. Il y a deux types
de bonification de la retraite des hommes : la bonification pour conjoint à charge et la bonification pour avoir
élevé au moins trois enfants, disposition qui fut largement motivée par le fort taux d’inactivité des mères de
famille nombreuse.
Le quatrième dispositif est une variante du troisième : il consiste à bonifier les retraites des deux parents pour
les "indemniser" des charges liées à l’éducation de nombreux enfants. On retrouve bien la même motivation
que celle de la bonification précédente.
Ces dispositifs sont étudiés dans la section IV.
Le cinquième dispositif consiste à garantir aux veufs un niveau de vie correct, plus ou moins en ligne avec
celui
qu’ils avaient avant le décès de leur conjoint. C’est l’objet des pensions de réversion qui, à l’origine,
étaient très centrées - en tout cas dans le régime général- sur les veuves sans droit personnel de retraite.
Enfin, le sixième dispositif consiste à "boucler" les précédents par un système de minima sociaux qui joue
comme une garantie de revenu. En effet, malgré tous ces dispositifs -et en tout état de cause tant qu’ils ne sont
pas montés en charge- une fraction des retraités, et notamment de femmes, n’ont que des retraites faibles. On
corrige cette situation de trois manières :
- par des mécanismes internes au calcul des pensions (pension minimale de réversion par exemple) ;
- par des mécanismes spécifiques à des situations très typées (c’est le cas de l’assurance veuvage qui vient
corriger partiellement la rigueur de la règle existant dans le régime général qui n’accorde de pension de
réversion qu’à 55 ans) ;
- enfin par le minimum vieillesse qui protège un nombre important de veuves dont les pensions de retraite sont
faibles.
Les pensions de réversion et ce "bouclage" sont étudiés dans la section V.
Tous ces dispositifs reposent donc, à un degré ou à un autre, sur des situations conjugales et familiales
antérieures ou actuelles bien précises. Mais la définition même des situations qui ouvrent ces droits peut varier
selon le dispositif.
S'agissant des enfants, dans la plupart des cas, c’est la présence d’enfants nés ou élevés qui fonde le droit et, le
plus souvent, les enfants sont traités de façon identique quelle que soit leur filiation, que leurs parents soient
mariés ou en concubinage. En revanche, dans l’ensemble, les pensions de réversion sont réservées aux
personnes mariées. L’évolution récente des statuts familiaux -et notamment la diffusion du concubinage et
l’apparition du pacte civil de solidarité- posera à terme le problème du maintien ou de la modification de ce
principe.
I – Similitudes et Disparités entre régimes
Les motivations rappelées ci dessus renvoyant à un statut des familles assez homogène, il n’est pas surprenant
que de profondes similitudes d’approche et de technique existent entre les régimes de base.
Ainsi, tous ou presque mettent en oeuvre une bonification des pensions lorsque la famille a eu au moins trois
enfants et valident des annuités supplémentaires par enfant.
Par ailleurs, l’AVPF -et bien évidemment le minimum vieillesse- sont des régimes universels ( même si la
validation des annuités au titre de l'AVPF se fait au régime général).
Cela étant, en dépit de ces similitudes, des disparités très importantes existent entre régimes, qui constituent
autant d'inégalités de traitement entre familles. Ces inégalités n'allant pas toujours dans le même sens,
l'appréciation de leurs effets cumulés n'est pas aisée. Elles seront étudiées de façon approfondie
infra
, mais on
peut présenter les principales. Ainsi, seuls les fonctions publiques et les régimes spéciaux permettent le départ
précoce (après 15 ans de service des mères de familles nombreuses). Ou encore, les régimes complémentaires
-ARRCO et AGIRC- sont dépourvus de mécanismes de validation d’annuités au titre des enfants
[264]
. D'une
façon générale, les systèmes de bonification par enfant sont très différents (ils sont beaucoup plus favorables
dans le régime général que dans les fonctions publiques). Enfin, les systèmes de réversion s’inspirent de
philosophies très différentes :
- dans le régime général, les pensions de réversion sont assujetties à de sévères conditions d’accès. La
conception d’origine est de les réserver aux veuves et veufs qui n’ont pas vocation à travailler ou dont les
revenus sont faibles. Les veufs jeunes sont exclus. Des règles de cumul limitent les pensions de réversion des
veuves et veufs actifs ou de ceux des retraités dont les pensions sont élevées.
- dans tous les autres régimes, y compris les régimes complémentaires ARRCO et AGRIC, on ne prend en
compte ni les revenus d’activité ni les retraites du survivant : les pensions de réversion en sont indépendantes.
Certes, l’autonomie des régimes et le droit de leurs gestionnaires à mettre en place les mesures qu’ils jugent
adaptées au contexte de leur profession justifient la diversité des systèmes. Mais cette diversité est parfois telle
qu’on peut s’interroger sur l’opportunité pour le législateur d’assurer une certaine convergence entre les
régimes (il l’a fait par exemple en imposant à tous les régimes le partage des pensions de réversion entre veufs
et ex-conjoints divorcés).
Par ailleurs, même lorsque les règles de base sont communes ou voisines entre régimes, de multiples
différences existent dans la mise en oeuvre concrète. Mais ces différences n’ont pas sur les retraites un effet
majeur et n’appellent pas d’intervention du législateur. Au demeurant, une analyse plus poussée des systèmes
et une information adéquate sur ses résultats pousseraient, à elles seules, les gestionnaires à adopter
progressivement des règles communes, ce qui serait sans doute une direction souhaitable.
II - Les dispositifs évoluent
Les dispositifs présentés précédemment ne sont pas seulement, en partie, variables selon les régimes. Ils sont
aussi variables dans le tem. Trois facteurs majeurs l'expliquent.
D'abord, la montée de l’activité professionnelle des femmes. Elle rend moins onéreux beaucoup des dispositifs
mis en place pour corriger la faiblesse de leurs droits propres : des annuités validées comme avantages
familiaux, par majoration de la durée d'assurance ou au titre de l'AVPF, ne sont plus "utiles" si la mère de
famille a déjà une carrière complète ; le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse régresse… On peut
penser que l’enrichissement relatif des personnes âgées, y compris les familles nombreuses, puisque le niveau
de vie des retraités est aujourd'hui voisin de celui des actifs, rend moins nécessaire de compléter des pensions
qui se sont beaucoup valorisées.
Le second facteur d'évolution des dispositifs tient au contexte économique et démographique lui-même. Il
explique largement l’extension des dispositifs : la définition de la "famille nombreuse" bénéficiaire de l’AVPF
passe de quatre à trois enfants et on élève les plafonds d’exclusion ; les conditions de la pension de réversion
dans le régime général sont largement assouplies même si elles restent rigoureuses au regard des autres
régimes ; la valeur du minimum vieillesse a considérablement augmenté dans les années soixante-dix,…
Enfin, dernière cause d'évolution, le principe d’égalité entre hommes et femmes a conduit à éliminer la plupart
des discriminations positives dont bénéficiaient les femmes compte tenu de leur faible taux d’activité. Ainsi,
par exemple, les pensions de réversion sont ouvertes aux veufs dans les régimes qui les excluaient. Il subsiste
cependant des dispositifs réservés aux femmes (départ à 15 ans de service dans la "sphère publique" pour les
mères de famille d'au moins trois enfants et surtout bonification d'une ou deux annuités par enfant). La
compatibilité de ces "avantages sexués" au regard de l’évolution du droit européen a été examinée
supra
au
chapitre IX, p. 359.
III – Une forte concentration des avantages familiaux sur les familles nombreuses
La protection sociale a toujours pris en compte les familles nombreuses. C’est le cas des prestations familiales
stricto sensu avec la forte progressivité des prestations générales (allocations familiales ; majorations pour âge
et complément familial) et la modulation des aides au logement.
C’est le cas aussi des systèmes de retraite. L’inspiration des mesures adoptées dans ce champ est complexe,
comme on l'a vu plus haut. Et il est de fait que la famille nombreuse présente à ces différents titres des
caractéristiques spécifiques dont on comprend qu’elles aient marqué notre législation. Il convient d’en évaluer
le poids avant d’en apprécier la pertinence.
Parmi les avantages conjugaux et familiaux de retraite décrits dans ce chapitre, on peut distinguer ceux qui
sont dédiés de façon directe et explicite aux familles nombreuses (entendues ici comme celles ayant eu au
moins trois enfants) et ceux qui, sans être exclusivement réservés aux familles nombreuses, les concernent de
façon massive.
La modulation de l’âge de départ à la retraite relève de la première catégorie. Depuis la réforme de 1983 qui a
généralisé le droit de prendre sa retraite à taux plein à 60 ans, il n’existe plus guère d’avantages spécifiques à
ce titre pour les familles nombreuses. Toutefois, la possibilité pour les mères de famille ayant trois enfants (ou
plus) de partir après 15 ans de service en ayant la jouissance immédiate de leur pension - disposition
applicable uniquement dans la fonction publique et les régimes spéciaux - représente un avantage substantiel
qu'on peut chiffrer, à partir du rapport de l'IGAS de 1997, à 10 MdF.
De même, la bonification de 10 % (voire plus) de la pension des deux parents ayant eu au moins trois enfants
est une mesure explicitement dédiée aux familles nombreuses. Elle représente environ 40 MdF. Mais on
devrait ajouter à cette charge les conséquences du statut fiscal de cette majoration qui est en effet exonérée de
l’impôt sur le revenu. Il en résulte une "dépense fiscale" directe évaluée à 2,3 MdF. Par ailleurs, cette
exonération, en conduisant à un moindre revenu imposable, rétroagit sur d’autres impôts (la taxe d’habitation
par exemple), sur les aides au logement (la majoration de la pension pour famille nombreuse ne rentre pas
dans la base ressources, avantage significatif compte tenu de la forte élasticité de l'aide avec le revenu), ou sur
la CSG et la CRDS acquittées par les retraités (ceux qui seraient imposables si la majoration était elle-même
imposable acquitteraient la CSG et la CRDS au taux de 6,7 % sur la totalité de leurs retraites). Au total, les
coûts indirects de la bonification s'élèvent à plusieurs milliards de francs.
La majoration de durée d’assurance n'est pas exclusivement réservée aux familles nombreuses. Elle concerne
toutes les familles (deux annuités validées par enfant dans le régime général par exemple). Mais comme elle
est proportionnelle au nombre d’enfants, l’avantage qu’en retirent les familles nombreuses est majoritaire.
Pour l'ensemble des familles, son ampleur est estimée en 1996 à 30 MdF.
L’assurance vieillesse des parents au foyer n’est pas non plus exclusivement réservée aux familles
nombreuses. Elle est en effet ouverte aussi aux familles ayant un ou deux enfants pendant les trois premières
années de ces derniers. Mais dès que la famille atteint trois enfants, la durée de l’AVPF s’accroît
considérablement et les plafonds de ressources au-dessous desquels elle est versée sont plus élevés. Si par
ailleurs on impute aux familles nombreuses l’AVPF qu’elles ont perçue au titre de leurs deux premiers
enfants, c’est environ 80 % des dépenses totales d’AVPF qui leur reviennent. S’agissant d’une dépense qui
pourrait atteindre voire dépasser à terme 40 MdF, on voit l’importance que revêt ce régime pour ces familles.
Enfin, et à l'inverse, le minimum vieillesse -qui a constitué un élément capital dans la lutte contre la pauvreté
des personnes âgées- a largement profité aux familles nombreuses dont les retraites étaient basses (ne serait-ce
que parce que la montée en charge des autres dispositifs n’était pas encore terminée).
Au total, on mesure la
concentration très forte (de l’ordre de 80%) des avantages familiaux de retraite sur les
familles nombreuses. C’est en partie grâce à ces avantages que les retraites des parents de famille nombreuse
ont atteint un niveau assez cohérent avec celui
de l’ensemble des retraités.
Cela étant, la question de pose de savoir si ce haut degré de concentration est pertinent dans les conditions
sociales et démographiques actuelles. Outre le "mobile nataliste" - on a dit plus haut qu’on manquait
d’éléments pour apprécier l'efficacité de ces dispositifs en matière de fécondité -, les critères à retenir touchent
au niveau relatif des revenus lors de la retraite et à la constitution du capital des familles de tailles différentes.
Il serait à ce titre opportun que les analyses de revenu et de capital prennent en compte la taille des ménages
pour apprécier si l’accent ainsi mis sur les familles nombreuses est correct, excessif ou insuffisant.
IV - le financement de ces dispositifs
Une partie des dispositifs est à la charge des régimes. C’est le cas par exemple des pensions de réversion. La
cotisation des actifs couvre la protection du groupe familial (comme c’est le cas en assurance maladie) et les
avantages familiaux sont à classer dans les avantages contributifs.
Une partie des dispositifs est financée
pour tous les régimes par des organismes tiers au titre de la solidarité
nationale ou de la politique familiale. C’est le cas par exemple de l’assurance vieillesse des parents au foyer,
dont les cotisations sont à la charge de la branche famille, et du minimum vieillesse.
Certains dispositifs, communs ou voisins entre les régimes, sont selon les cas financés par les régimes ou
financés par un tiers (c’est par exemple le cas des bonifications pour enfants qui ne sont prises en charge par le
fonds de solidarité vieillesse que pour le régime général et les régimes alignés).
Lorsque la charge des avantages familiaux fait l'objet d'un financement spécifique, il est constitué soit d’un
remboursement aux régimes pour le coût réel de l’année (même si les sommes en cause font l’objet d’une
estimation forfaitaire à partir d’échantillons), soit d’une cotisation déconnectée des dépenses du moment (c’est
le cas de l’AVPF où depuis 1972 la CNAF cotise pour des montants sans commune mesure avec les
versements de l'année aux retraités au titre de l'AVPF, cf.
infra
).
L'ensemble de ces mécanismes de financement laisse une impression d'arbitraire : loin d'avoir été conçus
rationnellement et d'être organisés de façon homogène, les financements des avantages familiaux semblent
avoir été décidés au coup par coup sans vue d'ensemble, au fur et à mesure de la naissance des dispositifs et de
leur évolution dans le tem.
* *
*
Au terme de cette présentation générale, on peut souligner trois points :
- les avantages conjugaux et familiaux sont importants en volume : plus d’un quart du coût total des retraites si
on y inclut les pensions de réversion ;
- les pensions "propres", c'est-à-dire de droit direct ou encore issues de leur activité professionnelle antérieure,
des mères de famille ont été -et continuent à être- substantiellement augmentées par ces mécanismes ;
- enfin, les veuves -qui constituent 85 % des conjoints survivants- ont, notamment grâce à la pension de
réversion, un niveau de vie qui n’est pas globalement sans rapport avec celui qu’elles avaient avec leur époux
avant leur veuvage.
RECOMMANDATIONS
1. Développer les études concernant les avantages conjugaux et familiaux en matière de
retraite.
2. Evaluer l’incidence de ces dispositifs sur la formation du revenu et du patrimoine de la
famille, en tenant compte de sa taille.
3. Procéder à une analyse raisonnée des techniques, justifications et incidences des modes
actuellement disparates des financements de ces avantages familiaux.
Réponse
[264]
De façon très indirecte cependant, les dispositions de ces régimes conditionnant la possibilité de liquider
les droits d’un participant sans abattement avant soixante-cinq ans pour autant qu’il bénéficie du taux plein au
régime de base, la bonification de durée d’assurance dans ce régime se répercute sur les régimes
complémentaires.
Dernière mise à jour :
CHAPITRE XIII
Les avantages familliaux et conjugaux dans les systemes de retraite
Section II :
l’âge de départ en retraite
Cette section est consacrée aux deux dispositions qui, dans les fonctions publiques et les
régimes spéciaux, prennent en compte l’âge des actifs pour les conditions de leur départ à la
retraite
[265]
. Auparavant, on cite pour mémoire une disposition devenue marginale du régime
général.
I – Dans le régime général, une disposition en extinction
Les mères de famille ouvrières de trois enfants et plus, ayant une durée d’assurance de trente ans au moins et
ayant exercé un travail manuel ouvrier pendant au moins cinq ans au cours des quinze dernières années,
bénéficient dès 60 ans du taux plein, sans condition autre de durée d’assurance. Cette mesure a désormais une
portée limitée : en 1997, elle a concerné 344 liquidations sur 211 874 attributions de droits directs à des
femmes.
II – Le départ possible, après 15 ans de service, dans les régimes spéciaux
Dans les trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales, hôpitaux) et les grandes entreprises
publiques ayant un régime de retraite spécial (EDF-GDF, SNCF, RATP, Banque de France,…), les mères de
famille ayant au moins trois enfants peuvent prendre leur retraite à tout âge après 15 ans de service. La
jouissance de leur pension, dont le montant est bien entendu fonction de la durée de service, est immédiate.
A - La spécificité de la mesure
L’anticipation de la retraite offerte aux mères de trois enfants se différencie des autres mesures concernant
l’âge de la retraite, par sa justification et le rôle qu’elle joue.
En effet, la possibilité d’anticiper le départ, d’un an par enfant (EDF-GDF, RATP), ou l’obtention de la
pension complète dès 60 ans sont des avantages "marginaux" par rapport aux règles normales, et qui peuvent
d’ailleurs être accordés à d’autres titres. On trouve par exemple des possibilités d’anticipation pour les
personnes qui ont exercé des travaux pénibles (services actifs), ou pour les personnes invalides. S’agissant des
mères de famille, cet avantage semble accordé en contrepartie du cumul d’une activité professionnelle et de
l’éducation des enfants.
En revanche, la possibilité d'anticiper, sans condition d’âge, pour les mères d'au moins trois enfants, est une
disposition particulière des régimes spéciaux qui n’a pas d’équivalent pour d’autres catégories d’assurés
ni
dans les autres régimes de retraite. Elle présente plusieurs caractéristiques spécifiques :
- elle établit un seuil entre le deuxième et le troisième enfant, ce qui n’est pas le cas de tous les avantages
familiaux de retraite (cf.
supra
) ; pour cette raison, elle représente une incitation forte, au moins
théoriquement, à avoir un troisième enfant ;
- certes, c'est bien une pension de retraite que l'on reçoit, mais du fait de l’absence de condition d’âge, elle
peut être perçue bien avant ce que l’on considère usuellement comme la période de retraite. En particulier, à la
différence des autres avantages familiaux accordés par les régimes de retraite, cette mesure peut bénéficier aux
assurées à un moment où elles ont encore la charge, totale ou partielle, de leurs enfants. Contrairement à la
majoration de durée d’assurance, elle n’apparaît pas comme une compensation d’une moindre activité, mais
au contraire permet de percevoir un revenu pendant une période d’inactivité théoriquement consacrée à
l’éducation des enfants (inactivité au regard du régime : cela n'exclut pas que la personne ait un emploi dans le
secteur privé).
B -Les effectifs et le coût global
D’après le rapport de l’IGAS de 1997, il y avait, en 1996, 75 343 bénéficiaires de cette mesure dans le régime
de la fonction publique, soit environ 6 % de l’ensemble des retraités (hommes et femmes). L’âge moyen des
mères de trois enfants retraitées était de 49 ans, et le pourcentage moyen de liquidation (c'est-à-dire la retraite
rapportée au dernier traitement brut) était de 58,98
[P1]
%.
Les travaux préparatoires au "rapport Charpin" donnent des informations sur les liquidations anticipées par des
mères d'au moins trois enfants au cours d’exercices récents. Ces éléments montrent que la mesure a une réelle
portée, puisqu’elle a concerné environ 20 % des liquidations de pensions faites par les femmes dans la
fonction publique en 1997, (environ 5 000 sur 26 000) et 30 % à la CNRACL en 1996 (environ 5 000 sur 17
000). Par rapport à l’ensemble des femmes, l’anticipation se traduit par une moindre durée cotisée (graphique
ci-après). Néanmoins cette dernière est supérieure aux quinze années exigées pour la liquidation de la retraite.
De même, l’âge moyen de liquidation (52 ans pour la fonction publique d'Etat, 49 ans pour la CNRACL) n’est
inférieur que d’une dizaine d’années à l’âge normal de liquidation. Ces deux observations semblent montrer
que les femmes ne profitent pas systématiquement de la mesure dès qu’elles en ont la possibilité, mais souvent
plus tard alors que la charge d’enfants remonte sans doute déjà à plusieurs années. On peut penser que la
croissance de la pension avec le nombre d’annuités et la progression du traitement incitent à retarder la
liquidation.
Le rapport précité de l'IGAS évalue le coût de ces retraites anticipées dans les régimes spéciaux à 10,5 MdF en
1996 soit 4,3 % de l’ensemble des retraites (dont 6,5 MdF pour le seul régime des fonctionnaires de l’Etat).
Le coût des retraites anticipées dans l’ensemble des dépenses de retraite est particulièrement élevé à la
CNRACL (11,4 % du total des pensions). On peut penser que cette proportion tient à la féminisation de la
population affiliée à ce régime, puisqu'il s'agit de celle des collectivités locales et des hôpitaux publics. A
l’inverse, dans les régimes dont les assurés sont essentiellement des hommes (la SNCF par exemple), le poids
des pensions anticipées est faible, voire négligeable.
La disposition permettant aux mères d'au moins trois enfants de percevoir une pension après quinze ans de
services entraîne naturellement un surcoût par rapport à une retraite à 55 ou 60 ans, puisque la période de
perception de la pension est plus longue. Cependant, les départs les plus précoces (dès que la condition
d'ancienneté est remplie) ne sont pas nécessairement les plus coûteux : une cessation d'activité plus tardive
diminue la durée de l'anticipation par rapport à l'âge normal de la retraite, mais s'accompagne d'une
augmentation de la pension. Les départs vers 45-50 ans peuvent donc être aussi coûteux pour le régime que les
départs avant 40 ans.
C – Questions soulevées par cette disposition
Les estimations de coût global citées plus haut concernent des générations où les mères de famille étaient
nombreuses à avoir au moins trois enfants (les plus récentes dans le stock étudié en 1996 étaient nées dans les
années 1946). La diminution des familles nombreuses devrait, à comportement de retrait d’activité inchangé,
entraîner une baisse des charges liées au départ anticipé.
Lecture : Les femmes fonctionnaires d'Etat qui ont pris leur retraite en 1997 avaient cotisé en moyenne 29,6 ans ;
suite à la majoration des années d'assurance due aux enfants, la durée validée pour la pension a été en moyenne
de 31,7 ans. Ces durées sont plus courtes pour les mères de famille nombreuse parties en retraite de façon
anticipée.
Par ailleurs, deux questions peuvent être soulevées à propos de cette mesure. D'abord, son rôle dans la
politique sociale et familiale justifie-t-il son coût ? Le calcul d’une pension sans référence à l’âge de
liquidation entraîne un surcoût par rapport à une liquidation à l’âge normal, d’autant plus élevé que la
liquidation est précoce. En pratique, l’âge moyen de liquidation est, comme on l'a vu, voisin de 50 ans dans la
fonction publique, ce qui est assez éloigné de l’âge normal de 60 ans, et correspond à l’âge d’ouverture des
droits pour certaines catégories actives dans les régimes spéciaux. Le surcoût est donc comparable à ceux
d’autres avantages de retraite. D'autre part, cet avantage est limité aux femmes, ce qui le rend contraire à la
directive 96/97/CEE du 20 décembre 1996, que la France n'a pas encore transposée dans son droit national (cf.
sur ce point
supra
, chapitre IX,
p. 359).
III – Pouvoir différer la retraite
Dans les fonctions publiques et la plupart des régimes spéciaux, avoir, avoir eu ou avoir élevé des enfants peut
permettre aux parents de différer leur retraite au delà de l’âge limite d’activité.
Ainsi, pour les fonctionnaires, l’âge limite peut faire l’objet d’un recul selon diverses modalités :
- un an par enfant à charge au moment de la limite d’âge avec un maximum de trois ans ;
- un an si le fonctionnaire était parent d’au moins trois enfants vivants lors de ses 50 ans ;
- un an par enfant handicapé avec un maximum de trois ans.
Ces dispositions n’ont pas d’incidence significative.
RECOMMANDATION
Réexaminer la règle permettant au titre des avantages familiaux de partir à la retraite, avec jouissance
immédiate de la pension, après 15 ans de service dans les fonctions publiques et les régimes spéciaux.
Réponses
[265]
Le problème particulier de la condition d’âge pour l’admission à la pension de réversion dans le régime
général est abordé
infra
section VI.
[P1]
Le rapport Chadelat semble considérer l’ensemble de la fonction publique (civils et militaires), d’après le
montant des pensions page 25, conforme au comptes de la sécurité sociale.
Section III :
L'augmentation des durées d’assurance
Le principe de l'augmentation des durées d'assurance consiste à retenir, pour le calcul des droits de pension, un
nombre d'années supérieur à celui durant lesquelles on a travaillé. Deux dispositifs y contribuent
puissamment : la majoration de la durée d’assurance apportée par les enfants (MDA) et l’assurance vieillesse
des parents au foyer (AVPF).
I - La majoration de durée d’assurance apportée par
les enfants
A – Les dispositions en vigueur
La plupart des régimes de retraite accordent une majoration de durée d’assurance aux assurées mères de
famille.
Cette majoration est, dans le régime général et dans les régimes alignés, de deux ans par enfant élevé pendant
neuf ans avant son seizième anniversaire. Mais comme cette disposition n’existe ni à l’ARRCO ni à l’AGIRC,
la majoration ne joue que pour une partie de la retraite, la retraite de base et non la retraite complémentaire.
Dans les régimes spéciaux, à l’exception de la SNCF où cette majoration n’existe pas, elle est d’un an par
enfant ; dans le régime de l’EDF, la majoration pour deux enfants est de trois ans, et augmente d’un an par
enfant à partir du troisième. Puisque ces régimes ignorent la séparation entre retraite de base et retraite
complémentaire, la majoration de durée d’assurance porte sur la totalité de la retraite.
La majoration de durée d’assurance est cumulable avec d’autres avantages familiaux de retraite, en particulier
avec l'assurance vieillesse des parents au foyer (cf.
infra
).
Enfin, la majoration est réservée aux mères de famille, ce qui semble contraire au droit européen, et a
d'ailleurs fait l'objet d'une procédure, l'affaire Griesman (cf.
supra
, chapitre IX, p. 359).
La majoration de durée d’assurance est à la charge des régimes. Il n’existe actuellement aucun financement
extérieur, contrairement à la bonification de 10 % financée, pour le régime général, les régimes alignés et le
régime des exploitants agricoles, par le fonds de solidarité vieillesse (cf.
infra
).
B - Le rôle de la majoration
Attribuer une majoration de durée d’assurance aux mères de famille répond au souci de compenser une durée
d’activité plus courte du fait des interruptions d’activité dues aux maternités, afin que le montant de la retraite
ne soit pas trop minoré par ces événements.
Il est impossible de compenser parfaitement ces interruptions : il faudrait savoir ce que la femme aurait fait en
l’absence de maternité, et comment cela se serait répercuté sur la suite de sa carrière. Pour la majoration de
durée d’assurance, les régimes ont fait le choix d’une compensation "forfaitaire", identique pour toutes les
assurées et, dans la plupart des régimes, identique quel que soit le rang de l’enfant.
Dans les régimes où les femmes peuvent bénéficier d’une anticipation du départ à la retraite par rapport à
l’âge normal, la majoration permet de profiter de cette anticipation tout en limitant la baisse de la durée
d’assurance liée à l’anticipation. Ceci s’applique au cas des mères de trois enfants, qui dans les régimes
spéciaux peuvent prendre leur retraite dès qu’elles remplissent la condition de quinze ans de service. L'effet
est important. Par exemple, pour l'ensemble des femmes fonctionnaires d'Etat ayant pris leur retraite, la
majoration a représenté 2,1 ans, ce qui a majoré de 7,1 % les années cotisées. A la RATP ou à EDF, la
majoration permet également aux mères d'un ou deux enfants de profiter de l’anticipation de la retraite en
conservant le nombre d’annuités qu’elles auraient eu à l’âge normal d’ouverture des droits.
Dans le régime général, la majoration représente un apport significatif dans le nombre des annuités validées.
Son rôle devrait se renforcer avec l’allongement de la durée d’assurance exigée pour le taux plein, jusqu’à 160
trimestres à partir de 2003.
C – Des impacts trés différents selon les régimes
La majoration de durée d’assurance s’ajoute aux périodes validées à d’autres titres. Elle contribue donc à
augmenter la pension, mais son effet peut être réduit par le plafonnement de la durée d’assurance. Cette
dernière n’est en effet retenue pour le calcul que dans certaines limites : au régime général, le nombre
d’annuités ne peut dépasser 37,5 ; dans la fonction publique le nombre d’annuités incluant les majorations est
au maximum de 40. Les années de majoration ne peuvent être prises en compte que dans la limite des années
manquantes pour atteindre ces plafonds. Dans le cas où les autres périodes validées dépassent déjà les
plafonds, les majorations n’ont aucun effet.
Lorsque les limites ne jouent pas, l’effet de la majoration n’est pas tout à fait identique dans tous les régimes.
Il est plus élevé dans le régime général puisque la durée de la majoration est de deux ans, au lieu d’un an dans
la fonction publique. En outre, dans le régime général, la majoration peut avoir un second effet, plus important
que le premier, lié à une règle spécifique au régime. Lors de la liquidation, la pension est calculée au taux
plein si l’assuré a 65 ans ou si sa durée d’assurance tous régimes est suffisante (40 ans à partir de 2003). Si
aucune de ces conditions n’est remplie, la pension est calculée avec un taux réduit. L’abattement appliqué
dans ce cas est très élevé, de telle sorte que les assurés, dans leur très grande majorité, attendent de remplir
l’une des conditions du taux plein pour liquider. En augmentant la durée d’assurance, la majoration peut
permettre de remplir plus tôt la condition sur la durée d’assurance tous régimes, et donc d’anticiper la
liquidation. Cette anticipation est, dans le cas le plus favorable, de la durée de la majoration, soit deux ans par
enfant, avec comme contrainte l’âge minimum de liquidation à 60 ans.
Il faut noter que, lorsque la majoration de la durée d'assurance permet aux intéressées de prendre leur retraite
avec le taux plein à 60 ans dans le régime général, par voie de conséquence les mères de famille ne subissent
pas dans les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC les coefficients d’abattement prévus lorsque les
salariées veulent partir à 60 ans sans avoir le total des annuités requises.
On peut illustrer cette différence d’impact avec l’exemple théorique d’une mère de famille qui peut obtenir
une pension complète à 60 ans. Dans la fonction publique, la pension complète, pour un traitement brut
mensuel de 10 000 F, est de 7 500 F. Au régime général, la pension, pour un "salaire annuel moyen" ("SAM",
c'est-à-dire la base sur laquelle est calculée la retraite) de 10 000 F, est de 5 000 F, et la pension
complémentaire versée par l'ARRCO est d’environ 2 500 F, ce qui porte la pension totale au même montant
que dans la fonction publique, 7 500 F. On suppose que cette femme ne remplit les conditions pour une
pension complète que grâce à une majoration de durée d’assurance pour un enfant. En l’absence de cette
majoration, la pension serait plus faible dans les deux régimes, mais l’écart serait très différent. Dans la
fonction publique, il manquerait une annuité ; le taux serait de 73 % et la pension vaudrait donc 7 300 F. Dans
le privé, il manquerait deux ans pour atteindre la durée d’assurance requise. Dans ce cas, la pension serait
réduite de 20 % dans le régime général et de 8 % à l’ARRCO. Elle serait donc au total de 6 300F, avec une
pension de base de
4 000F et une pension complémentaire de 2 300F.
On mesure ici l’importance de l’abattement lorsque les conditions pour le taux plein ne sont pas remplies. En
l’absence de majoration, il est probable que cette mère de famille ne ferait pas liquider sa pension à 60 ans, et
attendrait de pouvoir bénéficier du taux plein à 62 ans (si elle est encore en activité). Dans la fonction
publique, la moindre réduction de la pension a sans doute peu d’effet sur l’âge de liquidation, du moins
lorsque, comme ici, la majoration ne représente qu’une faible proportion des annuités validées.
D - Le coût de la majoration
Dans son rapport de 1997, l’IGAS propose des évaluations du coût de la majoration de la durée d'assurance
pour les différents régimes.
Le total des majorations de la durée d'assurance apportées par les enfants représenterait en 1996 24,6 MdF (4,1
% du total des pensions de cette année). Dans le seul régime général, la dépense était de 19 MdF et concernait
3 millions de retraitées pour un avantage moyen de 528 F par mois (soit 20% de la pension de base de droit
direct des femmes).
Le poids des majorations varie de 0,5 % à la RATP, à 5,9 % dans le régime général, avec un taux de 1,8 %
dans la fonction publique d’Etat. Ces écarts de poids relatif s’expliquent pour l’essentiel par les différences de
"générosité" de la majoration (durée, valeur unitaire comme indiqué ci- dessus…) et de féminisation des
populations couvertes.
E - Evolution à moyen terme
Pour l'avenir, les charges résultant de la majoration de la durée d'assurance dépendront de plusieurs facteurs :
- De l’allongement, avec l’augmentation de l’espérance de vie des femmes, de la durée de service de la
pension, d'abord aux retraitées actuelles puis à celles, nombreuses, des générations du baby-boom qui
arriveront à la retraite dans quelques années.
- De l’évolution démographique : la baisse du nombre des familles nombreuses va entraîner une forte
diminution des charges nouvelles.
- Du nombre des annuités effectivement "utilisées" lors de la liquidation de la retraite. La croissance
tendancielle des annuités à base professionnelle tend à diminuer le nombre des majorations de durée
d'assurance "utiles". En revanche, la réforme intervenue dans le régime général allongeant à 160 trimestres la
durée requise pour le taux plein à 60 ans joue en sens inverse.
- De la valeur unitaire "utile" qui dépend de la base sur laquelle est calculée la retraite des mères de famille
concernées. L’amélioration des carrières féminines l’augmenterait plutôt ; le passage aux 25 meilleures années
et les pratiques actuelles de report au compte jouent en sens inverse.
Au total, les facteurs se compensent dans une certaine mesure, et rien ne permet de prévoir un changement
d’ordre de grandeur des charges de cette disposition.
II - L’assurance vieillesse des parents au foyer
A – Origine et objet de l'AVPF
L'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui valide les années d’inactivité, permet aux parents de
compléter d'éventuelles années validées sur base professionnelle. Elle a été créée en 1972 pour les mères de
famille inactives remplissant certaines conditions en ce qui concerne l’âge et le nombre d’enfants qu’elles
avaient à charge d’une part, le revenu de leur conjoint ou concubin d’autre part. Elle a été étendue aux pères
de famille en 1979. Comme on le verra ci-après, l’AVPF bénéficie dans certaines situations à des parents
actifs. Elle concerne 1,4 millions de familles (quel que soit le régime de retraite des personnes concernées),
qui se répartissent comme suit : 24 % sont des familles ayant un enfant de moins de trois ans, 14 % sont des
familles de deux enfants dont un de moins de trois ans, 62 % sont des familles ayant au moins trois enfants.
Tout se passe comme si, pour ces années d'inactivité, on considérait que la CNAF était "l’employeur fictif" de
ces parents. Comme tout employeur, la CNAF cotise alors à la CNAV au taux de droit commun,16,35 %
actuellement. L’assiette de sa cotisation est, dans la grande majorité des cas, égale au SMIC et c’est au SMIC
que sera valorisée l’annuité AVPF pour le calcul de la base sur laquelle seront calculées les retraites, c'est-à-
dire le salaire annuel moyen dans la limite du plafond de la sécurité sociale (le "SAM").
L’AVPF a donc un double effet :
- elle permet d'abord d’accroître le nombre d’annuités validées ; bien entendu, une partie de ces annuités
seront "inutiles" dès lors que le retraité dispose déjà du nombre des annuités requis pour avoir sa pension au
taux plein ;
- elle peut ensuite influer sur la valeur du SAM.
Les annuités en cause seront en effet prises en compte dans deux situations. D'abord, si le nombre d’annuités
est faible et si celles liées à l’AVPF font partie des "meilleures années" (10 avant la réforme de la retraite dans
le régime général ; 25 à terme). Ensuite, même si le nombre des annuités professionnelles dépasse 10 -à terme
25- années, les annuités liées à l'AVPF peuvent être intéressantes dans une seconde situation : dans le cas où
les années professionnelles sont valorisées au-dessous du SMIC, car alors les années AVPF, qui sont
valorisées au SMIC, rentrent dans les "meilleures années".
La probabilité que tout ou partie des annuités AVPF rentre dans le SAM est faible pour les pères et mères qui
ont eu un ou deux enfants, car ils ont une carrière professionnelle plus longue et plus riche que la moyenne et
leurs annuités AVPF sont peu nombreuses. La probabilité est forte pour les parents de familles nombreuses,
surtout avec le passage aux 25 meilleures années, car dans ce cas, les pères et, surtout, les mères de famille ont
une carrière professionnelle moins longue et moins valorisée compte tenu de la fréquence du travail à temps
partiel, et leurs annuités validables au titre de l'AVPF sont nombreuses.
B – Les conditions d’accès
L'AVPF n'est pas accessible à tous les parents. Ils doivent, pour y prétendre, respecter certaines conditions. Il
y a deux types de conditions d'accès : celles qui portent sur l'âge et le nombre des enfants, et celles qui portent
sur l'activité et le revenu du parent.
1. Les conditions sur l’âge et le nombre des enfants
Dès 1972, deux cibles étaient visées : les familles qui ont un enfant jeune (moins de trois ans) et les familles
nombreuses (au moins 4 enfants en 1972 ; au moins 3 à partir de 1978).
On retrouve là les traits majeurs du système des prestations familiales qui accorde une forte priorité à ces
familles. Ce n’est donc que dans ces configurations familiales qu’on juge "légitime" l’inactivité féminine et
qu’on en reconnaît la valeur par l’AVPF, à côté des prestations d’entretien que constituent aujourd’hui
l’allocation pour jeune enfant (APJE) et le complément familial (CF).
Les annuités validées sont donc de trois ans maximum pour les enfants de rang 1 et 2 ; elles peuvent être
beaucoup plus importantes pour les familles nombreuses. Elles sont cumulables avec la majoration de durée
d’assurance décrite ci-dessus conduisant, pour des familles dont l’espacement des naissances est de 2,5 ans, à
5 ans pour la famille d'un enfant (2 ans de majoration, avec l'hypothèse d'une application au régime général, et
3 ans d’AVPF) , 9,5 ans pour la famille de deux enfants (4 ans de majoration et 5,5 ans d’AVPF), 27 ans pour
la famille de trois enfants (6 ans de majoration et 21 ans d’AVPF), enfin 31,5 ans pour la famille de quatre
enfants (8 ans de majoration et 23,5 ans d’AVPF).
On retrouve bien ici l'effet de seuil à trois enfants, caractéristique du système français des prestations
familiales.
2. Les conditions d’activité et de revenu
Sauf dans deux cas précis présentés ci-dessous, le parent bénéficiaire de l ‘AVPF doit être inactif, c'est-à-dire
sans emploi, ou occupé mais touchant un revenu professionnel annuel inférieur à 12 fois la base mensuelle des
allocations familiales (25 884 F actuellement) ; en outre, le revenu du ménage -donc dans le cas le plus
fréquent le revenu du mari ou du concubin- ne doit pas dépasser un plafond variant avec le nombre d’enfants.
La variation du plafond avec la taille est assez sensible et correspond à la philosophie du système des
prestations familiales.
A l’origine, le plafond retenu était assez bas (plafond du salaire unique majoré) ; mais on avait prévu une règle
d’actualisation "dynamique" en l’indexant sur le SMIC. Ce plafond a été augmenté, notamment avec la
création de l’APJE et du complément familial, et fixé au plafond de l’allocation de rentrée scolaire (ARS)
pour les familles d'un enfant, à celui de l’ARS (ou de l’APJE pour les familles percevant l’allocation parentale
d’éducation, APE) pour les familles de deux enfants, et à celui du complément familial pour les familles
nombreuses.
Pour des familles dont tous les revenus bénéficient des abattements fiscaux de 10 et 20 %, les plafonds actuels
sont de 11 811 F avec un enfant, 14 536 ou 15 208 F avec deux enfants et 18 250 F avec trois enfants. Il s’agit
donc de plafonds élevés et on estime qu’ils n’excluent qu’environ 10 % des ménages. Ces plafonds étaient
indexés jusqu’en 1996 sur l’évolution des salaires. Depuis cette date, ils sont indexés sur les prix.
Le revenu pris en compte pour l’attribution de l’AVPF en année n est celui de l’année n-2 puis celui de
l’année n-1 : le revenu de la mère est donc décompté dans la base ressources en début de période ce qui rend
le plafond plus sélectif. Ainsi un ménage dont les deux parents ont un salaire modeste ou moyen ne
bénéficieront de la validation au titre de l’AVPF qu’au bout de 18 mois après la naissance de leur enfant alors
qu’un couple où un seul parent travaille, même avec un salaire consistant, en bénéficiera tout de suite.
Dans deux cas bien précis, le parent peut prétendre bénéficier de l'AVPF, même s'il n'est pas inactif au sens
défini ci-dessus.
Premier cas, le parent est isolé (environ 25 % des effectifs). L’AVPF est ouverte pour autant que le salaire de
ce parent (de la mère, en fait) soit inférieur au plafond de l’ARS. Dans ce cas, l’AVPF ne sert pas à augmenter
le nombre d’annuités puisque le salaire perçu suffit à valider, dans la plupart des cas, les trimestres d’activité.
Mais le salaire porté au compte est accru (le compte enregistrera le salaire d’activité
et
le SMIC) ; il est alors
fort possible que les annuités AVPF fassent partie des meilleures années retenues pour la détermination du
SAM. Ce n’est que si la mère de famille a un salaire élevé, supérieur au plafond de la sécurité sociale, que
l’AVPF perd toute utilité (le salaire porté au compte ne pouvant dépasser le plafond).
Le deuxième cas est celui où le parent travaille à temps partiel et perçoit l’APE à taux partiel pour ses enfants
de rangs 2 et plus. L’AVPF est ouverte si son salaire net est inférieur à 63 % du plafond de
la sécurité sociale
(9 261 F actuellement). L’AVPF ne sert, là encore, que de façon marginale à augmenter le nombre d’annuités
mais peut améliorer le niveau du SAM.
L’existence et les caractéristiques de tous ces plafonds de ressources appellent trois commentaires.
D'abord, l’effet de seuil est sensible. Dès que les revenus du mari ou du concubin dépassent le plafond, la
famille perd le bénéfice de l’AVPF. Or, on l’a vu ci-dessus dans l’évaluation de l’apport d’une annuité de
majoration de durée d'assurance, ce bénéfice n’est pas négligeable. Sans doute doit-on souligner que là où
l’AVPF est d’incidence majeure par sa durée -familles nombreuses- le plafond est élevé et le moment venu
l’écart de retraite lié à l’exclusion de l’AVPF pour dépassement du plafond ne sera pas très sensible par
rapport aux revenus totaux de la famille. Il n’en demeure pas moins que l’effet de seuil est réel et que son
incidence va augmenter sensiblement du fait des modalités d’indexation du plafond : l’intensité de l’effet de
seuil -mesurée par le rapport entre l’avantage "perdu" et le niveau du plafond va croître et ce sont peu à peu
les classes moyennes qui vont être concernées. Il conviendra donc d’analyser à bonne date les conséquences
de cette évolution.
Au sein des familles de deux enfants, le plafond varie selon que les familles sont titulaires de l’APE (le parent
inactif a les références d’activité antérieure le rendant éligible à l’APE) ou non. La différence ne trouve guère
de justification. Elle est au demeurant très faible (672 F par mois de revenu net, soit 4,4 % du plafond APE).
On pourrait réunifier ces deux plafonds sans conséquences financières majeures.
Le troisième commentaire porte sur la gestion en exercice décalé qui exclut de nombreuses familles de
l’AVPF tant que le revenu de la mère est pris en compte dans la base ressources. Il conviendrait d’évaluer
l’intérêt de l’AVPF pour ces mères de famille avant de statuer sur une réforme de la gestion de la condition de
ressources. Il serait en effet inopportun d’augmenter les charges de cotisations de la CNAF si l’écart de
retraites le moment venu est négligeable.
C - Recettes, charges et soldes du compte de l'AVPF àla cnav
1. Les recettes
Le financement de l'AVPF est assuré par des cotisations payées par la CNAF à la CNAV. Elles ont fortement
progressé depuis la création de l’AVPF (multiplication par plus de cinq en francs constants) en raison
- de l’augmentation des effectifs qui résulte elle-même de plusieurs facteurs :
. du passage de 4 à 3 enfants comme condition d’accès à l’AVPF au-delà du troisième anniversaire du dernier
enfant (au 30 juin 1999, les familles de rang 3 percevant le complément familial et dont un membre est inactif
représentaient 70 % des familles de trois enfants et plus) ;
. de l’augmentation des plafonds d’exclusion ;
. de l’admission à l’AVPF -il est vrai sur un taux réduit- d’une partie des 110 000 parents "actifs" percevant
l’APE à taux partiel ;
. du passage de 18/20 à 21 ans de l’âge limite de bénéfice du complément familial (ce qui a entraîné une
augmentation de l’AVPF d’environ
1
MdF) ;
- de l’augmentation du taux de cotisation à la CNAV (8,75 % en 1972, 16,35 % actuellement) ;
- enfin de l’augmentation du SMIC qui sert d’assiette à la cotisation
(+ 124 % en francs constants).
Le versement de la CNAF à la CNAV au titre de l'AVPF s'élève à
21,6 MdF en 1999. A l’avenir, son montant dépendra, à législation constante,
- d’éléments démographiques (le compte est très sensible au poids relatif des familles nombreuses - en baisse
notable- et au nombre de parents isolés ayant de jeunes enfants) ;
- d’éléments économiques (si le taux d’activité des parents ayant de jeunes enfants ou une famille nombreuse
progresse encore, le nombre de parents concernés par l'AVPF diminuera) ;
- de l’évolution respective des salaires des familles concernées et de l’indice des prix retenu pour les plafonds
; un écart salaire/prix de 1,5 % par an sur vingt ans équivaut à une baisse du plafond de 35 %, ce qui entraîne,
toutes choses égales par ailleurs, une forte réduction des effectifs de parents bénéficiant de l’AVPF.
- de l’évolution propre du SMIC qui sert d’assiette à la cotisation.
- enfin, de l’évolution du taux de cotisation vieillesse dans le régime général.
Dans les hypothèses les plus probables et les différents facteurs évoluant en sens contraires, on peut penser
qu'à législation constante le niveau des recettes de cotisations baissera mais pas de façon radicale.
2. Les charges
Les charges sont constituées des suppléments de retraite versés par la CNAV au titre de l’AVPF.
Dans la phase initiale de montée en charge, très peu de retraitées (et retraités) actuelles voient leur retraite
améliorée du fait de l’AVPF parce que l’essentiel des années où ils avaient un jeune enfant, ou au moins trois,
ont pris place avant l’institution puis l’élargissement de ce régime. Il faudra attendre les années 2015/2020
pour que les retraitées (et retraités) du moment aient profité à plein du régime. Et ce n’est que dans les années
2040 que la totalité des retraitées (et retraités) auront vécu leur "carrière maternelle" sous le régime.
Les dépenses actuelles sont donc faibles : elles ont été évaluées à
3 MdF en 1996.
Avec les années, les dépenses vont croître très fortement, une proportion croissante de retraitées bénéficiant
d’une plus-value de retraite de ce fait et pour une durée de service croissante avec l’augmentation de
l’espérance de vie. Le rapport de l’IGAS de 1997 avançait une estimation d'environ 30 MdF (francs de 1996) à
l’horizon 2016 et 50/57 MdF en 2040. Il convient de retenir ces références avec beaucoup de précautions, le
rapport soulignant les très fortes incertitudes des estimations réalisées d’une part et n’ayant pas pris en compte
la totalité des éléments qui influent sur la dépense d’autre part (par exemple l’effet de champ négatif lié à
l’indexation du plafond d’exclusion sur les prix ou la croissance relative du nombre de parents isolés pour qui
la valeur de l’AVPF est sensiblement différente de celle des couples). Au demeurant la croissance des droits
directs que procurera l’AVPF sera partiellement compensée par un tassement des dépenses de réversion
(compte tenu des règles de cumul entre droits propres et droits dérivés dans le régime général) ou du minimum
vieillesse. L'estimation de l'ampleur des charges de l’AVPF, à terme, est donc difficile.
Mais, au-delà de ces incertitudes majeures (qui interdisent à ce stade d’avaliser les estimations de 30 puis 57
MdF), la tendance lourde de la croissance des charges est incontestable.
3. Les soldes
Pendant de longues années, les recettes (cotisations versées par la CNAF) auront été massivement, puis
sensiblement, supérieures aux charges (suppléments de retraite versés par la CNAV aux retraité(e)s). Au-delà
de ces années, le solde s’inverse, devenant négatif et, à terme, très sensiblement négatif.
RECOMMANDATIONS
1. Suivre de façon systématique l’apport des majorations de durée d’assurance aux retraites des femmes.
2. Approfondir l’analyse du système de l’AVPF dans ses conséquences directes ; apprécier ses effets compte
tenu des autres dispositifs qui prennent en compte le fait familial dans les retraites.
3. Réexaminer la pertinence de la gestion de la base ressources en exercice décalé qui diminue
considérablement le bénéfice de l’AVPF dans certaines situations.
4. Apprécier la pertinence de la structure (effet de seuil, progression avec la taille de la famille…) et de
l’indexation du plafond d’exclusion.
Réponse
Section IV :
Les bonifications de pension
I – La bonification de la pension des parents qui ont élevé des enfants
A - Tous les régimes accordent une bonification mais ses modalités sont très diverses
Instaurée peu après la seconde guerre mondiale, la bonification pour enfants dans le régime général est égale à
10 % du montant de la pension. Pour en bénéficier, il faut avoir eu au moins trois enfants ou les avoir élevés
pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire. La bonification peut être accordée aux deux parents.
A l’ARRCO, jusqu’au 1
er
janvier1999, le montant de la bonification variait selon les institutions membres et
certains régimes n’en accordaient pas (c’est le cas de l’UNIRS qui compte un tiers des ressortissants de
l’ARRCO). A partir de 1999, le montant de la retraite sera majoré de 5 % lorsque les parents ont élevé au
moins trois enfants (majoration non cumulable avec celle accordée aux parents qui ont encore des enfants à
charge à la date de la liquidation de la retraite) pour les périodes de carrière postérieures à cette date, les
périodes antérieures restant régies par les règles des régimes. On ira donc à terme vers une bonification unique
de 5 %.
A l’AGIRC, la bonification est de 10 % pour trois enfants, 15 % pour quatre, 20 % pour cinq, 25 % pour six,
30 % pour sept. Elle n’est plus servie qu’à 80 % de ces montant pour les personnes qui ont pris leur retraite à
partir du 1
er
janvier 1994.
Le taux consolidé de bonification pour les salariés des entreprises privées est donc légèrement progressif avec
le revenu compte tenu des taux différents de l’ARRCO, du régime général et de l’AGIRC, et progressif pour
les cadres avec la taille de la famille.
Pour les fonctionnaires et les salariés des régimes spéciaux, la situation est différente.
Dans les fonctions publiques, la bonification est de 10 % de la pension pour trois enfants plus 5 %
supplémentaire par enfant (dans la limite des émoluments de base). Et pour la plupart des régimes spéciaux,
les règles de la bonification sont celles du régime général ; le régime des mines applique celles du régime
général ; le régime des marins accorde une majoration de
5 % pour deux enfants, 10 % pour trois et 15 % à partir du quatrième.
Contrairement à la plupart des domaines de la retraite, où c'est entre les salariés du privé et de ceux des
fonctions publiques et des régimes spéciaux que les différences résident, ici la ligne de partage distingue donc
les salariés du privé et des grandes entreprises publiques d'une part, et ceux de l'Etat, des collectivités locales
et des hôpitaux publics d'autre part.
Les bonifications concernent actuellement 45 % des pensionnés, pour un montant moyen de 800 F pour les
hommes et 400 F pour les femmes. Elles ne sont pas imposables.
Le coût global est de près de 40 MdF, avec un poids différent selon les régimes, les écarts résultant des
différences de montant de la bonification et de la proportion de familles nombreuses dans les régimes. Le
financement est différent selon les régimes : il est à la charge du FSV pour le régime général et les régimes
alignés (18 MdF) ; il est à la charge des régimes eux-mêmes dans les autres cas.
La baisse du nombre des familles nombreuses va entraîner une baisse de ces charges. Par contre, l’élévation
tendancielle de la retraite des femmes va "tirer" la bonification pour celles d’entre elles qui ont eu au moins
trois enfants (on mesure l’effet indirect sur la bonification des systèmes de majoration de durée d’assurance
dont on a dit plus haut combien il contribuerait à la retraite des mères de famille de trois enfants et plus).
B - L’existence de cette bonification soulève deux questions
Ces deux questions sont
- le fait que la bonification est proportionnelle à la pension ;
- le fait qu'elle n'est pas imposable.
On peut d'abord s’interroger sur la réforme qui consisterait à fixer la bonification, non pas en pourcentage de
la pension, mais de façon forfaitaire. Un tel système serait en rupture avec la conception des régimes français
de retraite et avec celle des autres avantages familiaux de retraite qui sont, en droit comme la majoration de
durée d'assurance, ou en fait comme l’AVPF, en relation directe avec le revenu que les retraités ont reçu au
cours de leur vie professionnelle. A vrai dire, la proportionnalité de la bonification à la pension, et donc
indirectement aux revenus antérieurs du retraité, ne peut être analysée comme une mesure antiredistributive
que si l'on oublie le fondement de cette bonification : elle n'a pas été établie pour réduire ou augmenter les
inégalités entre retraités, mais pour compenser les charges de famille entre personnes qui ont eu des enfants et
personnes qui n'en ont pas eu, de même niveau de vie
Cette interrogation est amplifiée par le statut fiscal de la bonification, son caractère non imposable renforçant
selon certains commentateurs le côté "antiredistributif" lié à sa proportionnalité à la pension. La non
imposition de la bonification est en effet contestable, car il s'agit bien d'un revenu. La dépense fiscale
correspondante est de 2,3 MdF, majorant la bonification de 6 % en moyenne par rapport à ce qu'elle serait si
elle était imposable, cette majoration augmentant avec le taux marginal de l'impôt sur le revenu, donc avec les
revenus.
Cela étant, le fait que la bonification n'est pas imposable "profite" de manière complexe aux différents
ménages selon leurs revenus. L'avantage n'est pas d'autant plus grand que les retraités sont aisés, mais suit une
"courbe en U" : l'avantage est le plus élevé aux deux extrémités de l'échelle des retraites.
En effet, si la bonification était imposable, de nombreux ménages deviendraient imposables, devraient
acquitter la CSG et la CRDS et supporteraient une charge de 6,7 % sur la totalité de leurs retraites, ramenant le
rendement de la bonification à 3,3 % contre le taux nominal de 10 %. Les ménages concernés sont nombreux :
ce sont ceux dont le revenu imposable se situe, pour ceux dont la bonification est de 10 %, entre 70 313 et 77
344 F pour un couple et entre 57 198 et 62 918 F pour une personne isolée.
Certains ménages dont le revenu imposable est moins élevé du fait de la non imposition de la bonification
supporteraient une taxe d’habitation plus élevée
Enfin, les ménages locataires ou encore accédants à la propriété bénéficient d’une aide au logement majorée
puisque la bonification n’est pas intégrée dans la base ressources. Environ la moitié de ces allocataires seraient
concernés par la réintégration de la bonification dans l’assiette de calcul des aides ; compte tenu de l’élasticité
de l’ALS au revenu, la baisse d'allocation logement serait sensible (ainsi un couple de retraités ayant
8 800 F de pension, dont 10 % sous forme de bonification et payant un loyer au plafond de la zone II verrait
son allocation logement passer de 337 F à
0 F, soit une diminution de son revenu de 3,8 %).
Au total, la non imposition de la bonification procure des avantages élevés pour les ménages les plus modestes
et les plus aisés selon une courbe en U, comme on le voit dans le tableau suivant qui compare, pour un couple
de retraités ayant élevé trois enfants, la valeur nominale de la bonification (10 %) et la valeur réelle qu'elle a,
c'est-à-dire sa valeur additionnée des avantages que procure le fait qu'elle n'est pas imposable.
Retraite
7700
8800
9900
11000
16500
33000
50000
Bon. nominale
700
800
900
1000
1500
3000
5000
"Valeur réelle"
1
1238
1137
1642
1076
1759
3713
6548
Rapport (%)
177 %
142 %
182 %
108 %
117 %
124 %
131 %
1
C'est-à-dire tenant compte de la non imposition et des conséquences de celle-ci.
II - La bonification pour conjoint à charge
La bonification pour conjoint à charge servie aux titulaires de pension dans un nombre limité de régimes (régime
général et régimes alignés, mines et professions libérales) est accordée sous condition que le conjoint à
charge :
- soit âgé de plus de 65 ans, ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail ;
- ne bénéficie pas d'une pension, allocation ou rente acquise au titre de l'assurance vieillesse ou de l'assurance
invalidité, en vertu d'un droit propre ou d'un précédent conjoint, sauf si cet avantage est d'un montant inférieur
à celui de la majoration ;
- ne dispose pas de ressources personnelles (y compris le montant intégral de la majoration) supérieures au
plafond de l'AVTS.
La bonification n’est pas subordonnée à l’existence d’enfants. Son montant, fixé à 4 000 F par an au
maximum, est gelé à ce niveau depuis 1977.
L'intégralité de la bonification est acquise si le titulaire de la pension peut faire valoir une durée d'assurance
dans le régime d'au moins 150 trimestres, ou s'il bénéficie d'une pension de vieillesse substituée à une pension
d'invalidité. Lorsque la durée d'assurance est inférieure à 150 trimestres, la bonification est réduite au prorata
du nombre de trimestres acquis.
Les bénéficiaires de la bonification dans le régime général sont de
177 408 au 31 décembre 1999 (- 7 % par rapport au 31 décembre 1996). La bonification est perçue pour près
de 98 % par des hommes au titre de leur conjoint. Le nombre des bonifications attribuées en 1999 est de 843.
Sur la base d'un tel flux, le nombre des retraités qui percevraient, à l'échéance d'une vingtaine d'années, cette
bonification ne serait plus que de 17 000, soit environ 10 % de l'effectif actuel.
Deux régimes connaissent une situation particulière : celui des industriels et commerçants (ORGANIC) et
celui des mineurs. ORGANIC sert en effet, parallèlement à la bonification "commune" attribuée dans les
conditions du régime général, une bonification spéciale, contributive, prévue par le régime obligatoire dit "des
conjoints". En outre, il s'agit du seul régime pour lequel la dépense correspondant à la bonification commune
s'accroît, alors que les effectifs de bénéficiaires continuent à diminuer. L'explication tient au fait que
l'alignement du régime sur le régime général datant de 1973, le niveau de la proratisation ne peut que
continuer à s'élever d'ici à 2010, et le coût qui en résulte reste supérieur, plus pour longtemps sans doute, à
celui induit par la diminution constante du nombre de bénéficiaires.
Le régime des mines sert la bonification sur une base nettement plus généreuse (au niveau de l'AVTS, soit 17
545 F en 1999, pour son montant intégral, à condition d'avoir accompli 60 trimestres dans le régime, au
prorata des trimestres pour une durée inférieure). Ainsi, pour 44 025 bénéficiaires en 1999, la dépense est de
653,7 MF, le montant moyen versé étant de
14 850 F contre 2 220 F dans le régime général.
La bonification versée par le régime général et les régimes alignés est remboursée par le fonds de solidarité
vieillesse. Ce dernier a consacré à ce titre 576 MF en 1996, 557 MF en 1997 et 547 MF en 1998. La dépense
pour le seul régime des mines - non remboursée par le FSV- est supérieure à celle affectant le régime général
et les régimes alignés pour un effectif pourtant quelque six fois et demi moins élevé (287 000 au 31 décembre
1998 dans le régime général et les régimes alignés).
Compte tenu de l'accroissement du nombre de femmes arrivant à l'âge de la retraite qui bénéficient de droits
propres, excluant par là-même leur conjoint de l'octroi de la bonification, la diminution de ce poste de dépense
dans les régimes concernés devrait s'accélérer.
RECOMMANDATION
Réintégrer la bonification proportionnelle de la pension dans l’assiette de l’impôt sur le revenu.
Section IV :
Les bonifications de pension
I – La bonification de la pension des parents qui ont élevé des enfants
A - Tous les régimes accordent une bonification mais ses modalités sont très diverses
Instaurée peu après la seconde guerre mondiale, la bonification pour enfants dans le régime général est égale à
10 % du montant de la pension. Pour en bénéficier, il faut avoir eu au moins trois enfants ou les avoir élevés
pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire. La bonification peut être accordée aux deux parents.
A l’ARRCO, jusqu’au 1
er
janvier1999, le montant de la bonification variait selon les institutions membres et
certains régimes n’en accordaient pas (c’est le cas de l’UNIRS qui compte un tiers des ressortissants de
l’ARRCO). A partir de 1999, le montant de la retraite sera majoré de 5 % lorsque les parents ont élevé au
moins trois enfants (majoration non cumulable avec celle accordée aux parents qui ont encore des enfants à
charge à la date de la liquidation de la retraite) pour les périodes de carrière postérieures à cette date, les
périodes antérieures restant régies par les règles des régimes. On ira donc à terme vers une bonification unique
de 5 %.
A l’AGIRC, la bonification est de 10 % pour trois enfants, 15 % pour quatre, 20 % pour cinq, 25 % pour six,
30 % pour sept. Elle n’est plus servie qu’à 80 % de ces montant pour les personnes qui ont pris leur retraite à
partir du 1
er
janvier 1994.
Le taux consolidé de bonification pour les salariés des entreprises privées est donc légèrement progressif avec
le revenu compte tenu des taux différents de l’ARRCO, du régime général et de l’AGIRC, et progressif pour
les cadres avec la taille de la famille.
Pour les fonctionnaires et les salariés des régimes spéciaux, la situation est différente.
Dans les fonctions publiques, la bonification est de 10 % de la pension pour trois enfants plus 5 %
supplémentaire par enfant (dans la limite des émoluments de base). Et pour la plupart des régimes spéciaux,
les règles de la bonification sont celles du régime général ; le régime des mines applique celles du régime
général ; le régime des marins accorde une majoration de
5 % pour deux enfants, 10 % pour trois et 15 % à partir du quatrième.
Contrairement à la plupart des domaines de la retraite, où c'est entre les salariés du privé et de ceux des
fonctions publiques et des régimes spéciaux que les différences résident, ici la ligne de partage distingue donc
les salariés du privé et des grandes entreprises publiques d'une part, et ceux de l'Etat, des collectivités locales
et des hôpitaux publics d'autre part.
Les bonifications concernent actuellement 45 % des pensionnés, pour un montant moyen de 800 F pour les
hommes et 400 F pour les femmes. Elles ne sont pas imposables.
Le coût global est de près de 40 MdF, avec un poids différent selon les régimes, les écarts résultant des
différences de montant de la bonification et de la proportion de familles nombreuses dans les régimes. Le
financement est différent selon les régimes : il est à la charge du FSV pour le régime général et les régimes
alignés (18 MdF) ; il est à la charge des régimes eux-mêmes dans les autres cas.
La baisse du nombre des familles nombreuses va entraîner une baisse de ces charges. Par contre, l’élévation
tendancielle de la retraite des femmes va "tirer" la bonification pour celles d’entre elles qui ont eu au moins
trois enfants (on mesure l’effet indirect sur la bonification des systèmes de majoration de durée d’assurance
dont on a dit plus haut combien il contribuerait à la retraite des mères de famille de trois enfants et plus).
B - L’existence de cette bonification soulève deux questions
Ces deux questions sont
- le fait que la bonification est proportionnelle à la pension ;
- le fait qu'elle n'est pas imposable.
On peut d'abord s’interroger sur la réforme qui consisterait à fixer la bonification, non pas en pourcentage de
la pension, mais de façon forfaitaire. Un tel système serait en rupture avec la conception des régimes français
de retraite et avec celle des autres avantages familiaux de retraite qui sont, en droit comme la majoration de
durée d'assurance, ou en fait comme l’AVPF, en relation directe avec le revenu que les retraités ont reçu au
cours de leur vie professionnelle. A vrai dire, la proportionnalité de la bonification à la pension, et donc
indirectement aux revenus antérieurs du retraité, ne peut être analysée comme une mesure antiredistributive
que si l'on oublie le fondement de cette bonification : elle n'a pas été établie pour réduire ou augmenter les
inégalités entre retraités, mais pour compenser les charges de famille entre personnes qui ont eu des enfants et
personnes qui n'en ont pas eu, de même niveau de vie
Cette interrogation est amplifiée par le statut fiscal de la bonification, son caractère non imposable renforçant
selon certains commentateurs le côté "antiredistributif" lié à sa proportionnalité à la pension. La non
imposition de la bonification est en effet contestable, car il s'agit bien d'un revenu. La dépense fiscale
correspondante est de 2,3 MdF, majorant la bonification de 6 % en moyenne par rapport à ce qu'elle serait si
elle était imposable, cette majoration augmentant avec le taux marginal de l'impôt sur le revenu, donc avec les
revenus.
Cela étant, le fait que la bonification n'est pas imposable "profite" de manière complexe aux différents
ménages selon leurs revenus. L'avantage n'est pas d'autant plus grand que les retraités sont aisés, mais suit une
"courbe en U" : l'avantage est le plus élevé aux deux extrémités de l'échelle des retraites.
En effet, si la bonification était imposable, de nombreux ménages deviendraient imposables, devraient
acquitter la CSG et la CRDS et supporteraient une charge de 6,7 % sur la totalité de leurs retraites, ramenant le
rendement de la bonification à 3,3 % contre le taux nominal de 10 %. Les ménages concernés sont nombreux :
ce sont ceux dont le revenu imposable se situe, pour ceux dont la bonification est de 10 %, entre 70 313 et 77
344 F pour un couple et entre 57 198 et 62 918 F pour une personne isolée.
Certains ménages dont le revenu imposable est moins élevé du fait de la non imposition de la bonification
supporteraient une taxe d’habitation plus élevée
Enfin, les ménages locataires ou encore accédants à la propriété bénéficient d’une aide au logement majorée
puisque la bonification n’est pas intégrée dans la base ressources. Environ la moitié de ces allocataires seraient
concernés par la réintégration de la bonification dans l’assiette de calcul des aides ; compte tenu de l’élasticité
de l’ALS au revenu, la baisse d'allocation logement serait sensible (ainsi un couple de retraités ayant
8 800 F de pension, dont 10 % sous forme de bonification et payant un loyer au plafond de la zone II verrait
son allocation logement passer de 337 F à
0 F, soit une diminution de son revenu de 3,8 %).
Au total, la non imposition de la bonification procure des avantages élevés pour les ménages les plus modestes
et les plus aisés selon une courbe en U, comme on le voit dans le tableau suivant qui compare, pour un couple
de retraités ayant élevé trois enfants, la valeur nominale de la bonification (10 %) et la valeur réelle qu'elle a,
c'est-à-dire sa valeur additionnée des avantages que procure le fait qu'elle n'est pas imposable.
Retraite
7700
8800
9900
11000
16500
33000
50000
Bon. nominale
700
800
900
1000
1500
3000
5000
"Valeur réelle"
1
1238
1137
1642
1076
1759
3713
6548
Rapport (%)
177 %
142 %
182 %
108 %
117 %
124 %
131 %
1
C'est-à-dire tenant compte de la non imposition et des conséquences de celle-ci.
II - La bonification pour conjoint à charge
La bonification pour conjoint à charge servie aux titulaires de pension dans un nombre limité de régimes (régime
général et régimes alignés, mines et professions libérales) est accordée sous condition que le conjoint à
charge :
- soit âgé de plus de 65 ans, ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail ;
- ne bénéficie pas d'une pension, allocation ou rente acquise au titre de l'assurance vieillesse ou de l'assurance
invalidité, en vertu d'un droit propre ou d'un précédent conjoint, sauf si cet avantage est d'un montant inférieur
à celui de la majoration ;
- ne dispose pas de ressources personnelles (y compris le montant intégral de la majoration) supérieures au
plafond de l'AVTS.
La bonification n’est pas subordonnée à l’existence d’enfants. Son montant, fixé à 4 000 F par an au
maximum, est gelé à ce niveau depuis 1977.
L'intégralité de la bonification est acquise si le titulaire de la pension peut faire valoir une durée d'assurance
dans le régime d'au moins 150 trimestres, ou s'il bénéficie d'une pension de vieillesse substituée à une pension
d'invalidité. Lorsque la durée d'assurance est inférieure à 150 trimestres, la bonification est réduite au prorata
du nombre de trimestres acquis.
Les bénéficiaires de la bonification dans le régime général sont de
177 408 au 31 décembre 1999 (- 7 % par rapport au 31 décembre 1996). La bonification est perçue pour près
de 98 % par des hommes au titre de leur conjoint. Le nombre des bonifications attribuées en 1999 est de 843.
Sur la base d'un tel flux, le nombre des retraités qui percevraient, à l'échéance d'une vingtaine d'années, cette
bonification ne serait plus que de 17 000, soit environ 10 % de l'effectif actuel.
Deux régimes connaissent une situation particulière : celui des industriels et commerçants (ORGANIC) et
celui des mineurs. ORGANIC sert en effet, parallèlement à la bonification "commune" attribuée dans les
conditions du régime général, une bonification spéciale, contributive, prévue par le régime obligatoire dit "des
conjoints". En outre, il s'agit du seul régime pour lequel la dépense correspondant à la bonification commune
s'accroît, alors que les effectifs de bénéficiaires continuent à diminuer. L'explication tient au fait que
l'alignement du régime sur le régime général datant de 1973, le niveau de la proratisation ne peut que
continuer à s'élever d'ici à 2010, et le coût qui en résulte reste supérieur, plus pour longtemps sans doute, à
celui induit par la diminution constante du nombre de bénéficiaires.
Le régime des mines sert la bonification sur une base nettement plus généreuse (au niveau de l'AVTS, soit 17
545 F en 1999, pour son montant intégral, à condition d'avoir accompli 60 trimestres dans le régime, au
prorata des trimestres pour une durée inférieure). Ainsi, pour 44 025 bénéficiaires en 1999, la dépense est de
653,7 MF, le montant moyen versé étant de
14 850 F contre 2 220 F dans le régime général.
La bonification versée par le régime général et les régimes alignés est remboursée par le fonds de solidarité
vieillesse. Ce dernier a consacré à ce titre 576 MF en 1996, 557 MF en 1997 et 547 MF en 1998. La dépense
pour le seul régime des mines - non remboursée par le FSV- est supérieure à celle affectant le régime général
et les régimes alignés pour un effectif pourtant quelque six fois et demi moins élevé (287 000 au 31 décembre
1998 dans le régime général et les régimes alignés).
Compte tenu de l'accroissement du nombre de femmes arrivant à l'âge de la retraite qui bénéficient de droits
propres, excluant par là-même leur conjoint de l'octroi de la bonification, la diminution de ce poste de dépense
dans les régimes concernés devrait s'accélérer.
RECOMMANDATION
Réintégrer la bonification proportionnelle de la pension dans l’assiette de l’impôt sur le revenu.
Section V :
Les pensions de reversion
Les pensions de réversion occupent une place particulière parmi les dispositifs étudiés dans ce chapitre. Elles
ne dépendent pas du nombre d'enfants que le couple a eus et ne constituent donc pas un avantage "familial"
stricto sensu
. Il s'agit plutôt d'un avantage "conjugal" destiné à garantir au dernier survivant du couple (le
veuf, qui en réalité est souvent une veuve) un niveau de vie correct en lui versant une fraction de la pension de
son conjoint.
Les effectifs et dépenses en cause sont élevés : 4 millions de veufs ; 135 MdF de prestations annuelles, pour
une pension moyenne de près de
3 000 F par mois.
I – Des systèmes de reversion trés divers selon le régime
Tous les régimes de retraite mettent en oeuvre des systèmes de réversion, mais ils présentent de profondes
disparités. On peut opposer ainsi deux types de régime :
- ceux qui font de la pension de réversion un "droit de suite" de la pension du décédé : le droit à réversion est
acquis sans condition au veuvage (ces régimes ne connaissent pas de condition d’âge ou de ressources). C’est
le cas des régimes de fonctionnaires, des régimes spéciaux et, pour certains de leurs aspects, de l’ARRCO et
de l’AGIRC.
- et ceux qui réservent la pension de réversion aux survivants les plus modestes ou la concentrent sur eux.
C’est le cas du régime général qui subordonne la pension de réversion à des conditions d’âge et de revenu. Ces
conditions, à l'origine très sévères, ont été assouplies, qu’il s’agisse de la condition d’âge (passée de 65 à 55
ans), de la possibilité de cumul d’une part entre la réversion et une activité (admise en 1972 sous plafond),
d’autre part entre réversion et pension de retraite personnelle du survivant (les plafonds de cumul ayant été
substantiellement améliorés depuis 1972).
Dans la plupart des cas, les pensions de réversion sont des dispositifs simples : le veuf perçoit une fraction (50
à 60 %) de la pension de son conjoint décédé, ou de celle dont il aurait pu bénéficier au moment de son décès.
Toutefois, le régime général subordonne la pension de réversion à des conditions complexes qui en font un
système atypique.
Tous les régimes fondent la pension de réversion sur le mariage (à l’exception des fonctions publiques qui
l’ouvrent au profit des enfants à charge lorsque la mère n’est pas "habile" à la percevoir, par exemple en cas
de concubinage avec le fonctionnaire défunt). Ce mariage doit avoir eu, sauf pour l’ARRCO et l’AGIRC, une
durée minimale, condition souvent supprimée lorsque des enfants en sont issus.
Depuis 1978, tous les régimes partagent la pension de réversion entre les veufs et ex-conjoints divorcés (pour
autant qu’ils ne se soient pas remariés). La fréquence des partages est déjà significative (par exemple près de 9
% des pensions versés par la fonction publique d’Etat). L’arrivée à l’âge du veuvage de générations dont le
taux de divorce est élevé multipliera les cas de partage, source de difficultés de gestion et d’incompréhension
entre les ex-conjoints. Cette perspective devrait conduire les gestionnaires à étudier des formules alternatives,
du type de celle mise en oeuvre en Allemagne où on statue sur l’attribution des droits à retraite au moment du
divorce.
A l’origine, les pensions de réversion étaient réservées aux veuves, en droit (fonctions publiques) ou en fait
(régime général où la pension de réversion n’était cumulable ni avec une activité professionnelle ni avec une
retraite personnelle, situations usuelles pour les hommes). L’évolution des moeurs, la diffusion du travail
féminin et la pression des réglementations européennes expliquent que les règles d’origine aient été
assouplies.
Dans le régime général, il n’existe plus de règle discriminatoire au détriment des veufs ; le desserrement des
conditions de cumul explique la croissance du nombre des pensions de réversion attribuées à des veufs.
Dans les fonctions publiques et les régimes spéciaux, les pensions de réversion des veufs sont certes assorties
de conditions restrictives, mais ces restrictions ne sont pas très rigoureuses (si la pension n’est accordée qu’à
60 ans, la sévérité de cette règle est partiellement compensée par l’attribution de la réversion aux enfants à
charge ; si la pension est souvent écrêtée, c’est à un niveau plutôt élevé). La résorption de ces disparités ne
poserait donc pas de problème financier majeur.
II – Le taux et l'assiette des pensions de reversion
Le taux de réversion, c'est-à-dire le rapport entre la pension de réversion et la pension du décédé, diffère peu
selon les régimes. Il est de
54 % dans le régime général (taux calculé avant application éventuelle des règles de cumul entre retraite
personnelle et pension de réversion). La loi du 25 juillet 1994 avait prévu qu’il passe de 52 % (taux de
l’époque) à 60 %, ce qui aurait unifié les taux entre le régime de base et les régimes complémentaires et
satisfait à la revendication majeure des associations de veuves civiles (le taux de 60 % est celui qui est censé
égaliser les niveaux de vie entre le survivant et le couple initial si l’on admet que l’équivalence en termes
d’unités de consommation est de 1/1,7
[
266
]
.
Le taux a été porté à 54 % le 1
er
janvier 1995 et n’a pas été augmenté depuis. Il est de 60 % dans les régimes
ARRCO et AGIRC. Il est de 50 % dans les fonctions publiques et la plupart des régimes spéciaux.
De nombreux régimes mettent en place des mécanismes de pension minimale de réversion pour augmenter les
retraites les plus basses (sans préjudice de l’application, le moment venu, du minimum vieillesse).
C’est le cas du régime général. La pension minimale de réversion est de 1474 F par mois pour autant que le
défunt ait validé au moins 60 trimestres au régime général (la pension minimale étant proratisée pour des
durées inférieures). Cette référence appelle trois commentaires.
Elle est appliquée dans chacun des régimes (régime général et régimes alignés) auxquels le défunt a appartenu,
ce qui peut amener le total des pensions de réversions à une somme nettement supérieure à celle que perçoit le
survivant en cas de régime unique du défunt. Il y a là une anomalie à corriger.
Le niveau garanti est modeste.
Enfin, cette pension de réversion minimale est éventuellement complétée par le minimum vieillesse. Il
conviendrait d’analyser la fréquence des cas de superposition et d'apprécier l’opportunité d’augmenter le
niveau de vie des veufs par une augmentation, soit de la pension minimale, soit du minimum vieillesse lui-
même.
Dans les fonctions publiques, les mécanismes garantissant un minimum de la pension de réversion sont très
divers et dans l'ensemble plus généreux que dans le régime général.
Enfin, dans le régime des exploitants agricoles, on a mis en place depuis quelques années une série de
mesures, souvent de type forfaitaire pour augmenter les pensions de réversion les plus basses.
III – L'inégalité créée par la présence ou l'absence d'une condition d'âge
Le régime général subordonne le bénéfice de la pension de réversion à une condition d’âge. Le survivant doit
avoir 55 ans. Les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC ont retenu cette référence, mais l’ont assortie
d’une dérogation (pas de condition d’âge si le veuf a deux enfants à charge au moment du décès, ce qui est
relativement fréquent s’agissant de personnes jeunes et compte tenu de la définition de l’enfant à charge,
moins de 25 ans si l’enfant poursuit ses études par exemple).
Or, de nombreuses veuves -16% -ont moins de 55 ans au moment de leur veuvage. Leur situation est souvent
difficile : leur insertion sur le marché du travail -lorsqu’elles étaient inactives- est malaisée et peu valorisée ;
lorsque l’enfant n’a perdu qu’un de ses parents, il n’existe pas de pensions d’orphelin pour cet enfant à charge,
ni au régime général, ni à l’AGIRC ni à l’ARRCO.
La situation de ces veuves du secteur privé contraste avec la situation de celles des fonctions publiques et
régimes spéciaux, car, dans ces régimes, il n'y a pas d'âge minimum pour les pensions de réversion et les
enfants à charge reçoivent des pensions d’orphelin - le plus souvent de 10 % de la pension "potentielle" du
défunt. Sans doute, le cumul de ces pensions et des prestations familiales dues au titre de ces enfants est-il
parfois limité (dans des conditions qui appellent au demeurant une clarification juridique et technique). Mais
elles représentent un apport substantiel.
L'âge minimum de 55 ans et l’absence de pensions d’orphelin ont conduit à instituer un dispositif, très partiel,
atténuant la rigueur de ces règles du régime général. L’assurance veuvage créée en 1980 assure pendant deux
ans un revenu minimum (prolongé jusqu’à 55 ans si l’allocataire a accédé à l’assurance veuvage après 50 ans).
Mais la protection assurée, réformée en 1999 (suppression du caractère dégressif de la prestation, durée de
bénéfice ramenée de trois à deux ans, mesures d’intéressement permettant un cumul partiel du salaire et de la
prestation…), reste limitée. Le relais est certes pris par le RMI, le moment venu ; mais il se traduit alors par
une baisse sensible de prestation.
La faible fréquence des veuvages précoces affectant des allocataires du régime général et la modestie de la
protection sociale actuellement garantie justifieraient qu’on étudie deux scénarios (alternatifs ou cumulatifs)
améliorant la situation des "jeunes veuves".
Soit la suppression de la condition d’âge de 55 ans qui prendrait tout son sens si l’ARRCO et l’AGIRC
adoptaient la même position. Cette réforme ne serait pas très coûteuse. Pour le régime général, le plafond de
ressources étudié ci-après, écarterait de la prestation de nombreuses veuves actives. La suppression de
l’assurance veuvage qui semble le corollaire logique de la réforme et les économies en RMI gageraient
largement le coût de la suppression de la condition d’âge. Pour les régimes complémentaires, le coût resterait
modéré puisque la règle actuelle qui supprime la condition d’âge lorsque le veuf a deux enfants à charge
atténue déjà fortement l’incidence de la condition d’âge à 55 ans.
Soit l’institution d’un régime de pensions d’orphelins qui corrigerait pour celles des veuves de moins de 55
ans ayant des enfants à charge la rigueur de la condition d’âge elle même.
IV – L'inégalité créee par la diversité de la prise en compte des ressources
A la différence des autres régimes, le régime général tient compte des revenus du survivant dans l’accès à la
pension de réversion.
Il le fait d’abord en prévoyant un plafond de ressources à la liquidation. Pour bénéficier de la pension de
réversion, le survivant ne doit pas disposer de ressources annuelles dépassant 2080 fois le SMIC horaire. Une
fois la pension liquidée, on ne réexamine plus les ressources du titulaire qui peuvent dépasser alors le plafond.
Sont, du fait de ce plafond, exclues de la pension de réversion de très nombreuses veuves actives et, parmi les
retraitées, celles dont les pensions complémentaires propres et leurs autres revenus (à l’exclusion de ceux
provenant de la communauté ou du défunt) les situent au-dessus du plafond.
Cette disposition appelle trois remarques.
D'abord, on apprécie les ressources sur la période de référence la plus favorable au demandeur : trois mois ou
un an avant la demande, ou encore avant le décès. Cette règle aboutit à traiter inégalement des veufs de même
revenu en fonction de leur calendrier de travail. Ainsi une veuve active peut avoir droit à
pension à 55 ans si
elle était inactive avant le décès -déjà lointain- de son mari, même si depuis lors elle exerce une activité
professionnelle au-dessus du plafond. Une femme inactive qui s’est portée sur le marché du travail quelques
mois avant l’année qui a précédé le décès
-notamment parce que la maladie ou le chômage de son conjoint faisait peser sur leur revenu une menace
réelle- sera exclue de la pension de réversion alors qu’à quelques mois près elle y aurait droit. Une veuve
titulaire de sa pension de réversion peut prendre un travail ou voir sa rémunération substantiellement
augmentée sans qu’on revienne sur son droit à pension, même si ses revenus excèdent largement le plafond.
En deuxième lieu, l’effet de seuil est brutal : on perd le droit à pension de réversion pour quelques francs, sauf,
cas d'école, si on a organisé son "appauvrissement" momentané pour passer au-dessous du plafond le temps
d’introduire avec succès une demande de pension.
Enfin, l’assiette ressources n’assure aucune neutralité en fonction de la nature des ressources du survivant. Les
revenus, même importants, provenant de la succession du défunt ou de la communauté ne rentrent pas dans la
base ressources alors que les salaires du survivant sont pris en compte au premier franc. Les pensions des
régimes de base du veuf sont exclues de la base : mais ses retraites complémentaires font partie de l’assiette.
Il conviendrait de revoir cet ensemble de règles peu cohérentes, sévères et souvent inéquitables.
L’augmentation du plafond, le lissage de l’effet de seuil et le réexamen annuel de la condition de ressources
devraient être étudiées et constitueraient une alternative raisonnable à la suppression de la règle du
plafonnement qui pourrait - après chiffrement- paraître trop coûteuse.
Les ressources propres des veufs interviennent dans la pension de réversion d'une seconde façon, par le biais
de règles limitant le cumul entre la pension de réversion et leur pension de retraite. Bien que les plafonds de
cumul aient été augmentés depuis 1972 - date à partir de laquelle le cumul a été autorisé- ils entraînent à un
écrêtement sensible des pensions de réversion.
Parmi les 2,1 millions de veufs titulaires d’une pension de réversion du régime général, on peut distinguer
trois catégories.
38 % ont un droit dérivé "pur" ( ils n’ont pas de retraite personnelle), et 19 % cumulent sans écrêtement leur
pension personnelle et la pension de réversion parce que le cumul de ces avantages est au-dessous du plafond.
Pour ces deux premières catégories d’attributaires, le taux de réversion est donc bien de 54 %.
43 % subissent un écrêtement de leur pension de réversion qui varie avec le niveau des avantages en cause et
le poids relatif des pensions du défunt et du veuf. Pour cette troisième catégorie de veufs, le taux d’écrêtement
moyen est de 41 % (situant le taux réel de réversion à 59 % x 54 % = 32 % contre le taux de 54 % "affiché") et
la perte qui en résulte est de 917 F par mois.
L’économie qui résulte de cette limitation du cumul est estimée à près de 10 MdF, à comparer aux 35 MdF,
dépense totale de réversion dans le régime général. La supprimer augmenterait donc les dépenses d’un tiers.
L’existence de cette limitation appelle quatre remarques.
La technique de calcul comporte certaines incohérences. Elle n’est pas neutre en fonction du régime de retraite
du survivant (elle se révèle plus sévère pour les survivants fonctionnaires et ressortissants des régimes
spéciaux que pour les ressortissants du régime général). Elle ne traite pas de façon identique, à revenus de
retraite donnés, les veufs d’un assuré qui a cotisé dans plusieurs régimes par rapport à celui qui a fait toute sa
carrière au régime général…. Ces incohérences peuvent être corrigées mais au prix de fortes lourdeurs de
gestion.
On ne peut porter de jugement sur la pertinence des règles de cumul en se limitant à en examiner l’incidence
pour le seul régime général . Comme les veufs en cause perçoivent des pensions de réversion dans les régimes
complémentaires sans considération de leurs ressources, c’est le taux "consolidé" de réversion qui permet seul
d’apprécier leur niveau de vie. On constate alors que ce taux consolidé de réversion varie sensiblement, mais
avec moins d’intensité que pour le seul régime général où il va de 0 à 54 %.
La limitation de cumul pour les salariés des entreprises privées contraste avec la situation des veufs dans les
fonctions publiques et les régimes spéciaux où le taux de réversion réel est de 50 %, taux uniforme en fonction
du revenu, alors qu’il varie entre 35/40 et 56 % pour la plupart des salariés du secteur privé. Cette disparité
n’est pas, on l’a vu, la seule qui existe entre régimes (la limite d’âge à 55 ans et l’absence de pensions
d’orphelin, le plafond de ressources personnelles à la liquidation…). Mais c’est celle qui pèse le plus.
L’écart créé entre les régimes par ces règles différentes de cumuls devrait croître dans les années à venir.
Dans les fonctions publiques, régimes spéciaux et les régimes ARRCO et AGIRC, la croissance des droits
propres des femmes les amènera de plus en plus à disposer de pensions propres significatives cumulables le
moment venu avec leur pension de réversion. D’où une augmentation de leur niveau de vie, en couple comme
après le veuvage.
Dans le régime général, la montée des pensions de droit direct
-résultant tant de la progression du travail féminin que des avantages familiaux liés à l’éducation des enfants,
majoration de deux annuités par enfant ou AVPF- profitera à plein aux femmes mais cet enrichissement se
traduira de plus en plus fréquemment par un écrêtement des pensions de réversion. D’où un écart croissant de
niveau de vie entre le couple initial qui cumulera ses pensions personnelles et le survivant dont les retraites
propres ne seront abondées par une pension de réversion que dans des conditions limitées. L’extension des cas
de cumul limité explique ainsi les perspectives de baisse du poids relatif des pensions de réversion dans les
retraites des femmes du régime général (qui passeraient, selon l’INSEE, de 18,7 % actuellement à 13,2 % à
l’horizon 2020).
V - Perspectives
L’ampleur des disparités entre les retraites de réversion des régimes posera ainsi un problème d'équité, surtout
compte tenu des arbitrages financiers difficiles que suscite la croissance des retraites de droit direct. Il n’est
donc pas anormal de s’interroger sur l’opportunité de procéder à des reformes qui assurent une certaine
convergence entre les régimes.
La définition du niveau de vie relatif souhaité pour les veufs -à différents niveaux de revenu le cas échéant- est
au coeur de cette problématique.
Le bilan des situations actuelles apporte déjà des informations intéressantes dans ce débat.
Dans l’ensemble, les veufs du secteur privé ont un niveau de vie relatif qui ne s’éloigne pas de façon radicale
de celui qu’ils avaient en couple. En retenant, à partir des travaux de l’INSEE sur les échelles d’équivalence
entre ménages en fonction de leur taille, le postulat que le niveau de vie d’une personne isolée est identique à
celui d’un couple si le rapport de leurs ressources est de 1 (personne isolée) pour 1,5 (couple), on constate que
le niveau de vie des veufs est souvent proche de la parité et que les écarts les plus fréquents sont de plus ou
moins 15 à 20 % par rapport à la parité. Encore convient-il de remarquer que ces ratios s’améliorent de
quelques points lorsqu’on prend en compte des avantages connexes attachés au veuvage (une demi part
supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu, un régime préférentiel en matière de taxe d’habitation,
un moindre prélèvement de CSG, de meilleures allocations de logement…).
Quant au niveau de vie absolu des veufs les plus modestes (le plus souvent des veuves qui ont été durablement
inactives), il reste faible et le minimum vieillesse et les avantages qui lui sont attachés sont bas.
Ces constats ne conduisent pas à envisager une amélioration substantielle et générale des paramètres des
pensions de réversion dans le régime général. Ils conduiraient à affecter d’éventuelles marges de financement
à l’augmentation du taux de réversion plutôt qu’à l’augmentation des plafonds de cumul.
Les veufs des fonctions publiques et des régime spéciaux ont dans l’ensemble un niveau de vie relatif meilleur
(le taux de 50 % -inférieur aux taux de 54 ou 60 % affichés pour les salariés du secteur privé- est un "vrai"
taux, puisque la pension de réversion est acquise sans écrêtement et que, pour les plus petites pensions, les
systèmes de minima de réversion sont assez protecteurs). Cet écart devrait faire l’objet d’une réflexion dans le
cadre du réexamen d’ensemble des retraites du secteur public.
RECOMMANDATIONS
1. Supprimer le cumul des pensions minimales en cas de pluriréversion.
2. Chiffrer l’incidence de la suppression de la condition d’âge dans le régime général ; étudier l’hypothèse
alternative de pensions d’orphelin ; clarifier, en tout état de cause, le régime de cumul entre ces pensions et
les prestations familiales.
3. Revoir la condition de ressources à l’accès à la pension de réversion dans le régime général (lissage de
l’effet de seuil ; révision des périodes de référence ou institution d’un contrôle annuel de la condition de
ressources ; meilleure neutralité en fonction de la nature et de l’origine des ressources).
4. Analyser les termes d’une politique progressive de convergence des systèmes de réversion sur un scénario
de référence qui pourrait reprendre, en les assouplissant, les critères du régime général.
5. Revoir le statut fiscal du veuvage pour l’intégrer, sur des bases plus cohérentes, dans le scénario de
convergence évoqué ci-dessus.
Réponse
[
266
]
Cette équivalence était établie lors de la préparation de la loi de 1994 à partir de l'ancienne échelle de
consommation, dite d'Oxford, où le premier adulte du ménage comptait pour 1 et le second 0,7 en raison des
frais et consommations fixes. Dans ces conditions, avant le décès, le nombre d'unités de consommation du
ménage est de 1,7, après le décès il est de 1 et l'équivalence des niveaux de vie pour le ou la survivant(e)
conduit à lui verser 1/1,7 = 59 % de la pension de son conjoint. Il vaudrait mieux retenir l'échelle récente de
l'INSEE et de l'OCDE où le premier adulte compte pour 1 et le second 0,5, ce qui conduirait, avec le même
raisonnement, à viser un taux de réversion de 1/1,5 = 67 %. Cela étant, ce résultat n'est valable qu'en l'absence
de pension propre du (de la) survivant(e), et en l'absence d'enfants. S'il y a des enfants, le taux de réversion
assurant l'égalité de niveau de vie est plus élevé ; si le survivant a une pension propre, il est moins élevé.
QUATRIEME PARTIE
L'activite des comités régionaux et départementaux d'examen
des comptes des organismes de sécurité sociale
L'activité des comités régionaux et départementaux d'examen
des comptes des organismes de sécurité sociale (COREC et CODEC)
Les comités régionaux et départementaux d’examen des comptes des organismes de sécurité sociale (COREC
et CODEC) présidés par le trésorier-payeur général de la région ou du département et auxquels coopèrent des
vérificateurs des administrations déconcentrées de l’État (SRITEPSA pour l’agriculture, Trésor Public pour
les finances, DRASS pour les affaires sociales) ont contrôlé en 1999 les comptes 1998 d'environ 700
organismes de sécurité sociale (soit les deux tiers des organismes existants). Un tiers de ces contrôles sont des
contrôles approfondis. Les observations et les avis émis confirment l’amélioration constante de la qualité des
contrôles accomplis.
Sous l’égide du comité de pilotage des comités qui associe la Cour des comptes et les trois administrations
concernées, l’animation du réseau se poursuit. Elle a consisté en 1999 d'une part à réaliser des manuels de
vérification, d'autre part à achever la mise à niveau législative et réglementaire des textes qui régissent
l'activité des comités.
Les comités ont profité des contrôles approfondis pour étudier trois thèmes de vérification spécifiques : le
recouvrement des cotisations dans les régimes vieillesse et maladie des non salariés non agricoles ; la
médecine du travail en agriculture ; la façon dont la comptabilité en droits constatés est effectivement
appliquée dans les organismes.
Ils ont procédé, par ailleurs, à la demande de la Cour, à des enquêtes sur deux points particuliers, le
recouvrement des cotisations dans le régime agricole, et la gestion des accidents du travail et des maladies
professionnelles dans le régime général.Les résultats de trois de ces investigations figurent précédemment
dans le rapport : aux chapitres I (recouvrement des cotisations) et IV (application des droits constatés). Quant
aux observations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, elles feront l'objet d'autres suites
de la Cour.
Aussi, cette partie, après avoir présenté de façon synthétique l'activité et l'animation des comités (section I),
présente-t-elle les conclusions d'un seul des thèmes de vérification, la médecine du travail en agriculture
(section II).
Section I :
L’activité des comités régionaux et départementaux en 1999
En 1998, le nombre d’organismes de sécurité sociale relevant de la compétence des COREC et CODEC est de
1077 (tableau ci-après). La tendance régulière à la diminution du nombre des organismes liée à des fusions de
caisses, constatée au cours des dernières années (40 organismes ont disparu entre 1993 et 1997), s’est donc
clairement inversée. L’augmentation par rapport à l’année 1997 est essentiellement imputable à la mise en
place des unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) et à la constitution des associations
régionales des caisses de mutualité sociale agricole, en application de l’ordonnance du 24 avril 1996.
Cette progression se poursuivra à court terme en raison de l’installation des unions pour la gestion des
établissements des caisses d’assurance maladie (UGECAM). Le champ de contrôle des comités s'élargit car ils
sont désormais chargés de se prononcer, d’une part sur les comptes des unions d’économie sociale, des
groupements d’intérêts économiques, sociétés civiles immobilières auxquelles participent les caisses de
mutualité agricoles à hauteur de 50 % des parts en capital ; et d’autre part des associations lorsque la
participation des caisses de MSA atteint la moitié des moyens de fonctionnement. Ces évolutions incitent à
une certaine vigilance quant au maintien de moyens suffisants affectés aux comités d’examen.
I – Les contrôles réalisés par les COREC et les CODEC
La progression du nombre des organismes ne s’est pas accompagnée d’une augmentation des contrôles
réalisés par les COREC et les CODEC
[267]
. Au contraire, leur nombre diminue légèrement par rapport à 1998
(de 714 à 697). Le taux de contrôle est ainsi passé de 70 % en 1998 (sur les comptes de 1997) à 65 % en 1999
(sur les comptes de 1998). En revanche, le taux de contrôle approfondi est resté à peu près stable, autour de 20
%.
Comme chaque année, les comités d’examen ont, par ailleurs, effectué, à la demande de la Cour, des contrôles
sur des sujets particuliers. En 1999, ces contrôles, qui ont porté sur la gestion des accidents du travail et des
maladies professionnelles et sur le recouvrement des cotisations dans le régime agricole, ont concerné au total
45 organismes, caisses régionales et primaires d’assurance maladie et caisses de mutualité sociale agricole
Liste des organismes relevant de la compétence des COREC et des CODEC
1997
1998
REGIME GENERAL
497
498
Union des caisses nationales de sécurité sociale
1
1
Caisses régionales d'assurance maladie
17
17
Caisses primaires d'assurance maladie
129
129
Caisses d'allocations familiales
125
125
Unions pour le recouvrement des cotisations
105
105
Unions et fédérations d'organismes
114
115
Caisses générales de sécurité sociale et caisse de prévoyance
sociale de St-Pierre et Miquelon
6
6
REGIME AGRICOLE
110
140
REGIME MINIER
23
23
REGIME DES NON SALARIES NON AGRICOLES
265
264
REGIMES SPECIAUX ET PARTICULIERS
19
19
UNIONS REGIONALES DES CAISSES D’ASSURANCE MALADIE
(URCAM)
0
22
REGIME DU PERSONNEL DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET
GAZIERES
111
111
TOTAL
1025
1077
Comme les années précédentes, les trois quarts des contrôles ont porté sur des caisses du régime général (47
%) et des régimes des travailleurs non salariés des professions non agricoles (25 %). Un effort particulier a été
accompli s’agissant des caisses des régimes spéciaux et particuliers dont le pourcentage d’organismes
contrôlés passe de 58 à 63 %. Plus de la moitié des URCAM ont également fait l'objet d’un contrôle.
Le nombre des organismes soumis à un contrôle approfondi a nettement augmenté, se rétablissant à un niveau
élevé (240 contrôles en 1999 contre 217 en 1998, soit + 9,6 %) après le fléchissement constaté l’an dernier
(- 13,5 %).
Répartition par type de contrôle*
1996
1997
1998
1999
Contrôles approfondis des comptes et de la gestion
253
33
%
251
33
%
217
30
%
240
34
%
Contrôles de conformité comptable
211
27
%
210
27
%
196
28
%
163
24
%
Contrôles de suivi des observations portées lors du dernier
contrôle approfondi
306
40
%
303
40
%
301
42
%
294
42
%
Total des organismes contrôlés
770
764
714
697
* L'année est l'année des contrôles ; ces contrôles portent sur les comptes de l'année n-1.
On observe, par ailleurs, que la pratique des comités consiste, de plus en plus fréquemment, à réaliser les
contrôles de conformité comptable parallèlement aux contrôles de suivi des observations portées lors du
dernier contrôle approfondi. Dès lors, la baisse constatée du nombre de contrôles de conformité ne manifeste
pas une désaffection des comités pour ce type de vérifications mais correspond à un report d’une partie des
vérifications comptables de l’exercice 1998 qui seront effectuées dans le cadre des contrôles de suivi sur
l'exercice 1999 (donc en 2000). Cette pratique qui améliore sans aucun doute l’efficience des contrôles a
anticipé les modifications réglementaires portant sur les modalités de contrôle qui ne seront plus que de deux
types, les contrôles approfondis et les contrôles intermédiaires.
La répartition des contrôles entre les trois corps d’inspection montre une stabilité de l’activité des inspecteurs
des DRASS et des SRITEPSA alors que la proportion des contrôles assurés par les services du Trésor baisse
légèrement sur cette dernière campagne. L’investissement plus important de ces services dans les contrôles
des caisses de mutualité sociale agricole ne compense qu’en partie la baisse globale du nombre de contrôles
réalisés notamment dans celles du régime général.
La croissance régulière des contrôles réalisés conjointement par des vérificateurs de deux ou trois corps de
contrôle, observée ces dernières années, s’est nettement accélérée (graphique ci-après). Ils représentent
19 % des contrôles effectués en 1999 (contre 13 % en 1998,
11 % en 1997 et seulement 4 % en 1994). L'essentiel des contrôles conjoints sont le fait des services du Trésor
et des DRASS : ils ont conduit ensemble 108 contrôles, contre 77 en 1998, dans l’ensemble des régimes de
sécurité sociale hormis le régime agricole. Quelques contrôles ont été réalisés par les trois corps de contrôle.
Les vérificateurs des SRITEPSA ne contribuent quant à eux que peu à des contrôles hors régime agricole.
Sur ces deux graphiques, les années sont celles des contrôles.
Ils portent sur les comptes de l'année n-1.
Lecture : Le taux global de contrôle s'établit à 65 % en 1999.
En tenant compte de tous les contrôles (y compris les contrôles conjoints), les DRASS en ont réalisé 49,6 %,
le Trésor 38,2 % et le SRITEPSA 12,1 %.
Répartition des contrôles faits en 1999 par corps de contrôle
Régime
général
Régimeagricole
Régimedes
Mines
Régime
des non
salariés
non
agricoles
Autres
régimes
spéciaux
URCAM
Régime
EDF-
GDF
Total
TRESOR
84
4
7
65
6
2
35
203
29%
DRASS
168
0
3
74
5
7
32
289
41%
SRITEPSA
3
69
0
1
0
0
0
73
11%
TRESOR+
70
0
2
29
1
3
3
108
DRASS
16%
AUTRES
CONTRÔLES
CONJOINTS
2
16
1
5
0
0
0
24
3%
TOTAL
327
89
13
174
12
12
70
697
Cette évolution profonde dans le mode d’organisation et la conduite des contrôles, qui favorise la
complémentarité des compétences, constitue un facteur important d’enrichissement des méthodes et
d’amélioration de la qualité et de la portée des vérifications.
Sur la période 1994–1999, on constate une baisse du taux global de contrôle, mais une quasi stabilité du taux
de contrôles approfondis. Les parts de contrôle de chaque service n'ont pas notablement évolué.
II - Les avis émis par les CODEC
Au cours de la campagne de contrôles de 1999, les COREC et les CODEC ont formulé 359 avis favorables,
229 avis favorables assortis de recommandations, 33 avis favorables avec réserves et 74 avis défavorables
(tableau ci-après).
Le caractère critique des appréciations portées par les comités est allé croissant au cours des cinq derniers
exercices. Cette tendance se confirme : près de la moitié des avis émis (48 %) ont comporté des
recommandations ou des réserves ou bien étaient défavorables à l’approbation des comptes. Ce taux
n'atteignait que 36 % en 1994.
Si cette tendance est réelle, l’appréciation du nombre d’avis défavorables et de son évolution doit être
relativisée en raison de la situation particulière des caisses mutuelles complémentaires et d’action sociale
(CAS) du régime social du personnel des industries électriques et gazières qui conduit, depuis plusieurs
années, les COREC et CODEC à émettre des avis défavorables à la suite des contrôles qu’ils effectuent dans
ces caisses. Sur les 74 avis défavorables formulés, 60 ont en effet été adressés à des CAS. Il leur est reproché
de porter indûment à la charge du régime complémentaire obligatoire le remboursement des forfaits
hospitaliers et des suppléments pour chambre individuelle.
1996
1997
1998
1999
Contrôles approfondis
253
251
217
240
Avis favorables
98
38,7%
84
33,5%
68
31,3%
84
35,0%
Avis favorables avec
recommandations
107
42,3%
116
46,2%
103
47,5%
117
48,8%
Avis favorables avec réserves
26
10,3%
21
8,3%
17
7,8%
15
6,2%
Avis défavorables
22
8,7%
29
11,6%
29
13,4%
24
10,0%
Sursis à statuer
0
1
0,4%
0
0
Contrôles de conformité
comptable
211
210
196
163
Avis favorables
153
72,5%
143
68,1%
128
65,3%
116
71,2%
Avis favorables avec
recommandations
35
16,6%
46
21,9%
47
24,0%
24
14,7%
Avis favorables avec réserves
5
2,4%
7
3,3%
3
1,5%
4
2,5%
Avis défavorables
17
8,0%
14
6,7%
18
9,2%
17
10,4%
Sursis à statuer et sans avis
1
0,5%
0
0
2
1,2%
Contrôles de suivi
306
303
301
294
Avis favorables
201
65,7%
187
61,7%
184
61,1%
159
54,1%
Avis favorables avec
recommandations
72
23,5%
78
25,8%
62
20,6%
88
29,9%
Avis favorables avec réserves
5
1,7%
7
2,3%
25
8,3%
14
4,8%
Avis défavorables
27
8,8%
30
9,9%
30
10,0%
33
11,2%
Sursis à statuer et sans avis
1
0,3%
1
0,3%
0
0
Non contrôlés
283
283
311
380
TOTAL
1053
1047
1025
1077
L'année est l'année des contrôles ; ces contrôles portent sur les comptes de l'année n-1.
Le décret du 11 avril 1997 n’ayant pas été complété par les textes d’application nécessaires, aucune solution
concrète n’a pu être mise en oeuvre. Dès lors, afin d’éviter que les contrôles des comités ne soient peu à peu
vidés de leur sens, des instructions viennent d’être données pour que la formulation des avis distingue
clairement les motifs fondés sur l’irrégularité mentionnée ci-dessus des observations portant sur la gestion
administrative et comptable des organismes.
La Cour ne peut que souligner à nouveau la nécessité de trouver une solution définitive à ce problème.
Quatorze caisses de différents régimes ont fait, par ailleurs, l’objet d’avis défavorables ; 11 à la suite de
contrôles approfondis, un dans le cadre d’un contrôle de conformité comptable et deux à la suite de contrôles
relatifs au suivi des observations. Huit de ces caisses relèvent du régime général, deux de la mutualité sociale
agricole et quatre des régimes des non-salariés des professions non-agricoles.
Il faut distinguer deux types de caisse, celles à l’égard desquelles les comités d’examen des comptes ont
renouvelé sans succès des critiques récurrentes ; celles à l’égard desquelles les comités ont formulé un premier
avis défavorable.
A- Certains organismes n’ont pas tenu compte des avis
défavorables renouvelés à leur encontre par les Comités
-
Pour le deuxième exercice consécutif, le fonctionnement globalement défectueux de la caisse primaire
d’assurance maladie de Roanne a justifié un avis défavorable à l’approbation de ses comptes. La caisse a
élaboré, à la demande des autorités de tutelle et avec l’aide de la mission d’audit de la CNAMTS, un plan de
redressement. Dans le cadre de ce plan, des mesures ont été prises pour revoir l’organisation des services,
mettre en place des outils de pilotage et développer le contrôle interne. Un effort particulier a porté sur la mise
en oeuvre d’un plan de formation adapté aux besoins de l’organisme et aux enjeux de la branche. Ces mesures
sont de nature à permettre une amélioration de la situation de la caisse à moyen terme. Toutefois, l’avis du
CODEC souligne la persistance d’irrégularités comptables, l’application de procédures d’apurement des
créances non conformes à la réglementation, des carences dans le suivi de la gestion de la clinique dentaire et
l’absence de cohérence de la politique de contrôle interne. Un suivi sérieux de l’évolution de cette caisse doit
être entrepris afin de s’assurer de la poursuite des efforts de redressement comme de leurs résultats concrets.
Interrogée tant sur le suivi du plan de redressement que sur l’opportunité qu’il y aurait à mettre en cause la
responsabilité du directeur et de l’agent comptable, la tutelle locale a informé la Cour qu’un nouvel audit de
suivi avait été diligenté par la CNAMTS en janvier 2000. Il en ressortait que la situation générale de la CPAM
s’améliorait progressivement, que, pour l’essentiel, le plan de redressement était appliqué, même si la situation
demeurait fragile. Sur la suggestion de la DRASS, le remplacement de l’agent comptable est en cours. Le
directeur bénéficie, quant à lui, du soutien du président du conseil d’administration de la caisse. Cette dernière
fera l’objet d’un suivi tout particulier de la part du comité d’examen des comptes.
- Pour la caisse de MSA du Gers, les anomalies constatées au cours des deux exercices précédents persistent :
la quasi absence de recouvrement contentieux, le montant élevé des cotisations prescrites ainsi que le non-
respect des instructions comptables ont motivé l’avis défavorable du CODEC. Le départ fin 1998 du directeur
et de l’agent comptable ainsi que la nomination de deux nouveaux responsables devraient permettre un
redressement de la caisse pour l’exercice 2000.
La tutelle a informé la Juridiction que le conseil d’administration en sa séance du 22 juin 1999 avait donné son
accord pour la prise en compte, sur les fonds propres de la caisse, des sommes prescrites pour un montant de
7 946 663,98 F. Le directeur exerce désormais des fonctions dans le secteur privé. En conséquence, les
sanctions possibles n’auraient pas été efficaces. La responsabilité propre de l’agent comptable, lui aussi en
poste dans le secteur privé, n’est pas apparue manifeste au conseil d’administration de l’organisme. Toutefois,
la demande d’exercice de nouvelles responsabilités au sein du service public de sécurité sociale par ces deux
agents serait subordonnée à une nouvelle inscription sur les listes d’aptitudes et à l’obtention d’un agrément,
procédures qui ressortent de la compétence des autorités de tutelle.
- L’avis défavorable à l’approbation des comptes de la CAF de Corse du sud est motivé par le constat de
multiples anomalies dans sa gestion qui perdurent malgré les réserves antérieures formulées par le CODEC.
Des lacunes importantes dans la tenue et le suivi de la comptabilité et dans l’application du plan de contrôle
interne ont été constatées. Un manque de rigueur est à déplorer tant dans la gestion des avances sur frais de
déplacement, et dans la tenue et le suivi des dossiers en matière d’action sanitaire et sociale qu’en matière de
détection et de gestion des indus et de suivi des aides individuelles.
En réponse, le directeur de la solidarité et de la santé de Corse et de la Corse-du-Sud a informé la Cour de
l’ensemble des mesures prises pour rétablir la situation comptable de la CAF. Au nombre de celles-ci
s’inscrivent la nomination en juin 1999 d’un nouvel agent comptable, un suivi régulier par les services de
tutelle de la gestion du RMI et de l’organisation du contrôle de cette prestation.
- La CAF de Guyane connaît une situation préoccupante puisque l’examen des comptes des exercices 1994 et
1995 avait été assorti de deux avis défavorables, et que celui concernant les comptes de l’exercice 1998 est
motivé par vingt-cinq observations, dont quatre importantes. Ces dernières concernent l’utilisation de reliquats
de crédits “prestation accueil, restauration scolaire” (PARS) qui ont fait l’objet de subventions
d’investissement en contradiction avec les règles de gestion de ce fonds, la gestion du contentieux et le
recouvrement des indus jugés inefficaces, des défaillances dans la comptabilité des engagements,
l’insuffisance du contrôle
a posteriori
, le suivi incorrect des comptes d’immobilisation
[268]
.
Le directeur interrégional de la sécurité sociale des Antilles-Guyane, autorité de tutelle, précise que, depuis
1995, la CAF ne disposait pas d’une équipe de direction complète et stable. Le nouveau directeur a été agréé
en octobre 1999, son adjoint en avril 2000 et l’agent comptable, recruté en dehors de l’institution de sécurité
sociale, sera véritablement opérationnel courant 2000. La restructuration des services, notamment
celle du
service contentieux, se poursuit et les premiers résultats pourront être appréciés courant 2001.
- Les défaillances relevées dans la gestion de deux organismes conventionnés, l'un situé en Martinique, la
mutuelle des travailleurs indépendants de la Martinique (MUTIM), l'autre en Guadeloupe, l'union des
mutuelles de Guadeloupe (UDMG) ont motivé le maintien, depuis plusieurs années, d’avis défavorables
fondés, pour le premier, sur les difficultés persistantes dans le recouvrement des cotisations, la dégradation des
délais de paiement des prestations et la détérioration de la situation comptable ; pour le second, sur un suivi
budgétaire peu rigoureux, les insuffisances du recouvrement contentieux et de la gestion comptable.
S’appuyant sur les observations du CODEC, la caisse mutuelle régionale a enjoint aux organismes de mettre
en oeuvre les mesures nécessaires à l’amélioration de leur gestion et du service rendu aux assurés. Le
redressement de ces organismes n’était toutefois pas patent, à la date des contrôles effectués par le CODEC.
La Cour ayant appelé l’attention de la caisse nationale sur les défaillances graves et persistantes de ces deux
organismes, une mission d’audit a été diligentée en 1999 sur la caisse mutuelle régionale.
Un plan de redressement arrêté le 30 mars 1999 a été imposé à la caisse mutuelle régionale par la CANAM
qui lui a fixé des objectifs précis dans le cadre d’un contrat pluriannuel de gestion et afin de remédier aux
lacunes persistantes. Dans ce cadre, pour l’UDMG, le délai moyen de liquidation s’est amélioré (3,3 jours
contre 33,5) et les émissions de cotisations suivent des procédures plus proches de la normale. Pour la
MUTIM, le délai moyen de liquidation s’est stabilisé à 5 jours, le taux de recouvrement a augmenté de deux
points à 63,46 % même si des progrès restent à faire pour respecter le délai de reversement des cotisations. La
DIRSS entend assurer un accompagnement de la caisse mutuelle régionale et des deux organismes
conventionnés concernés en vue d’un redressement progressif.
B - D’autres organismes sont appelés à prendre les mesures appropriées à la suite d’un
premier avis défavorable
L’avis défavorable à l’approbation des comptes d’une caisse primaire d’assurance maladie a mis en évidence
de graves carences en matière de gestion comptable, en partie imputables aux absences prolongées, pour
maladie, de l’agent comptable et du fondé de pouvoir. Ont été également relevés les dysfonctionnements
récurrents du service du contentieux, l’absence de contrôle interne et la progression des coûts de gestion
administrative. L’intervention de la mission d’audit de la CNAMTS devrait aider la caisse à mettre en oeuvre
des mesures de redressement. Toutefois l’amélioration durable de sa gestion repose sur une remise à niveau de
l’agence comptable difficile à engager dans une situation d’intérim de l’agent comptable.
Un suivi insuffisant du recouvrement des indus, un manque de rigueur dans la gestion comptable et des
irrégularités relevées dans la gestion budgétaire ont motivé l’avis défavorable émis sur les comptes d’une
troisième caisse primaire d’assurance maladie.
Pour une caisse d’allocations familiales, l’avis défavorable est motivé par différents dysfonctionnements au
nombre desquels la non-application du plan de contrôle interne, le manque de rigueur dans le suivi des
comptes de tiers, l’absence de séparation entre le recouvrement amiable et le recouvrement contentieux, enfin
le défaut de mise en place d’une politique de lutte contre l’absentéisme.
Un centre informatique régional s'est vu notifier un avis défavorable en raison des graves irrégularités de
gestion, tant financières que comptables relevées par le COREC, confirmant les conclusions d'une enquête
diligentée à la demande du conseil d'administration. Cette situation a eu en outre pour conséquence la
révocation du directeur de l'organisme ainsi que l'ouverture d'une procédure pénale.
Malgré certains efforts entrepris pour pallier les insuffisances déjà constatées lors des précédents contrôles, un
avis défavorable à l'approbation des comptes d'une caisse générale de sécurité sociale a été émis. L'avis
souligne à nouveau de nombreuses défaillances dans le suivi des comptes de tiers, ainsi que des carences
préoccupantes dans le recouvrement contentieux des cotisations. Le CODEC recommande une réforme des
structures et des méthodes de travail de l'organisme, et une gestion plus active de l'action sanitaire et sociale. Il
estime par ailleurs nécessaire qu'une plus grande vigilance soit accordée à la gestion de trésorerie, afin que les
fonds recouvrés soient mis, dans les délais les plus brefs, à la disposition de l'ACOSS. Dans sa réponse, le
président du conseil d'administration mentionne, pour chacun des points relevés, les mesures prises ou
envisagées à court terme. La Cour a alerté à plusieurs reprises les autorités de tutelle sur la nécessité d’audits
spécifiques sur les CGSS et la nécessité de prévoir soit l’apport temporaire de renforts soit la prise en charge
provisoire de certaines applications sous forme de travail à façon par des caisses métropolitaines volontaires.
Un avis défavorable sur une caisse de MSA est reconduit en raison des résultats non probants pour l’exercice
1998 de la restructuration initiée par la nouvelle direction notamment en matière de recouvrement des
cotisations impayées. Le redressement de la situation devrait cependant être effectif pour l’exercice 1999.
Le contrôle d’un organisme conventionné mutualiste a donné lieu à un avis défavorable faisant état
d’insuffisances dans la gestion financière et comptable et de la sécurité déficiente du dispositif d’encaissement
des cotisations en numéraire. L’organisme a rapidement pris des mesures pour remédier aux
dysfonctionnements constatés. La fusion de cet organisme avec les organismes conventionnés de deux autres
mutuelles devrait conduire à la mise en place d’une nouvelle organisation et de procédures plus efficaces.
Des dysfonctionnements en matière de gestion administrative et de recouvrement des cotisations, caractérisés
par l’absence de cohérence dans les pratiques de services émanant d’organismes récemment fusionnés et par
un suivi peu rigoureux des créances, ont donné lieu à un avis défavorable à l’approbation des comptes d’une
caisse du régime ORGANIC.
La Cour tient à souligner que la qualité croissante des contrôles des CODEC et des COREC doit aider les
administrations de tutelle à mettre fin, le plus rapidement possible, aux situations les plus anormales. Dans ces
cas, les directeurs devraient être plus systématiquement ou à tout le moins plus énergiquement sanctionnés et
la responsabilité des agents comptables mise en cause. Pour sa part, la Cour veillera encore plus attentivement
à ce que la qualité du travail accompli par les organismes de sécurité sociale ne soit pas atteinte par le
comportement négligent de quelques-uns.
III - L’animation du réseau
Poursuivant la politique d’animation du réseau des COREC/CODEC impulsée depuis cinq ans, le comité de
pilotage, qui réunit le président de la chambre chargée de la sécurité sociale, le directeur général de la
comptabilité publique, le directeur de la sécurité sociale, le directeur de l'exploitation, de la politique sociale et
de l'emploi au ministère de l'agriculture, a, cette année, mis l’accent
- sur la promotion d’une ambitieuse politique d’aide au contrôle par la réalisation de manuels de vérification
s’ajoutant aux fiches techniques et aux guides de contrôle communiqués avant chaque campagne ;
- sur la mise à niveau législative et réglementaire des textes régissant le contrôle de la sécurité sociale par la
Cour en général et les comités d’examen des comptes en particulier.
Après le manuel général de vérification et celui relatif au contrôle des caisses du régime agricole, deux
manuels supplémentaires ont été réalisés en commun par la Cour et des vérificateurs des comités.
Le manuel de vérification relatif aux caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) devrait permettre de
mieux appréhender la gestion de ces caisses, d’apprécier la qualité du service rendu aux assurés en matière de
retraite et d’action sociale et d’analyser l’implication de ces caisses dans un contexte régional modifié par la
mise en place des ARH, des URCAM et plus récemment des UGECAM.
Le manuel de vérification des caisses du régime maladie-maternité des non salariés non agricoles vise à
clarifier les conséquences, pour le contrôle, de la nature conventionnelle du régime, et des missions
respectives des caisses mutuelles régionales (CMR) et des organismes conventionnés (OC).
Pour moderniser les procédures et se donner les moyens de poursuivre l'amélioration de la qualité des
contrôles, il fallait que soient pris les décrets d’application de l’article L. 134-2 introduit au sein du code des
juridictions financières par la loi du 2 juillet 1998. Le décret n° 99-956 du 17 novembre 1999 portant
modification du décret n° 85-199 du 11 février 1985 relatif à la Cour des comptes en ce qui concerne le
contrôle des organismes de sécurité sociale, le décret n° 99-1155 du 29 décembre 1999 relatif à la vérification
des comptes des organismes de sécurité sociale ont complété le dispositif juridique.
Ces dispositions sont d’ores et déjà intégrées au sein de la partie réglementaire du code des juridictions
financières, aux articles R. 134-1 à
D. 134-26 du chapitre 4 relatif au contrôle de la sécurité sociale, adoptée par deux décrets du 14 avril 2000.
Par ailleurs, l’article 8 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations modifie l’article L.140-9 du code des juridictions financières de manière à couvrir les rapports
de vérification des comités d’examen des comptes du secret de l’instruction qui s’attache aux travaux de la
Cour.
Enfin, depuis le 1er janvier 2000, il ne reste, comme prévu, que trois comités régionaux à créer (Ile-de-France,
Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nord-Pas-de-Calais)
[269]
. Les comités régionaux d'examen des comptes qui se
substituent aux comités départementaux en assurent les fonctions ainsi que celles inhérentes à la
programmation auparavant dévolue à la conférence régionale. En organisant la politique de contrôle au niveau
régional (programmation, formation, mise en perspective de résultats des vérifications), les moyens désormais
répartis sur cette base sont mieux utilisés et la qualité des contrôles renforcée.
Réponse
[267]
PS L’analyse présentée s’appuie sur des statistiques en nombre de contrôles. De ce fait, elle ne retrace
qu’imparfaitement la charge effective de contrôle, notamment sur le court terme, dans la mesure où la durée
de chaque contrôle diffère suivant le type de contrôle et la nature de l’organisme vérifié.
[268]
PS S’agissant des crédits « PARS », le ministère de l’emploi et de la solidarité a admis que « dans un
contexte particulier tel que celui qui se présente en Guyane caractérisé par une forte croissance de sa
population scolaire, l’éloignement géographique du domicile des enfants des établissements scolaires, l’état du
parc scolaire et des besoins restant à couvrir, la carence des financements des partenaires que des reliquats
soient affectés à titre exceptionnel à l’acquisition de matériel ayant une incidence directe sur l’amélioration du
service de la restauration scolaire ».
[269]
PS Resteront organisés sur une base différente de celle qui prévaut pour les COREC métropolitains, le ou
les comité(s) compétent(s) pour les régions ou départements de Martinique, Guadeloupe et Guyane d'une part,
les comités d'examen des comptes des collectivités territoriales de St-Pierre et Miquelon et de Mayotte d'autre
part.
Section II :
Les observations des COREC/CODEC sur la médecine du travail en
agriculture
Les comités d’examen des comptes ont fait porter leurs contrôles sur le fonctionnement des services de
médecine du travail en agriculture (exercice 1998) sur un échantillon de 12 sections de caisse et une
association
[270]
.
I - Le service public de medecine du travail en agriculture
A - Un dispositif récent
Avec vingt ans de retard sur le commerce et l’industrie, la médecine du travail a été mise en place dans le
secteur agricole par la loi du 26 décembre 1966, complétée par une loi du 6 décembre 1976
[271]
. Les caisses
de mutualité sociale agricole peuvent créer, soit une section de médecine du travail en leur sein, soit, de moins
en moins fréquemment, une association spécialisée qui peut être commune à plusieurs caisses de MSA (8 sur
les 81 unités de médecine du travail).
Les missions de la médecine du travail agricole concernent 795 679 salariés, plus les 695 661 saisonniers et
occasionnels ayant travaillé moins de 40 jours, auxquels s’ajoutent les populations non agricoles couvertes
(non dénombrées) par des conventions.
Les services médicaux employaient, en 1998, 298 médecins (269 équivalent temps plein -ETP-) formés par
l’internat de spécialité ou par un organisme propre au régime, 18 vacataires et 4 médecins de clientèle (en voie
de disparition). Les emplois administratifs se chiffraient à 369 salariés (317 ETP).
B - Une organisation des caisses de base à valoriser
La commission nationale paritaire de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles des
salariés agricoles définit la politique en la matière. Dans ce cadre, la caisse centrale de la MSA (CCMSA)
propose notamment le plan annuel de prévention approuvé par le ministère de tutelle, au sein duquel figurent,
sans obligation réglementaire, des actions concernant la médecine du travail en agriculture. L’échelon central
de la médecine du travail en agriculture qui relève de l’autorité du conseil d’administration de la caisse
centrale assure la coordination technique des services médicaux du travail en agriculture.
Les caisses de mutualité sociale agricole organisent localement la médecine du travail, fixent le taux des
cotisations, recrutent des médecins du travail et décident des collaborations avec d’autres organismes
(conventions avec des tiers, actions de prévention…).
Au niveau local, la gestion de ce secteur s’appuie sur un comité de la protection sociale des salariés qui émane
du conseil d’administration auquel il rend un avis conforme sur certaines questions relatives à la médecine du
travail en agriculture (dépenses, nomination, licenciement). L'équivalent de ces comités locaux de la
protection sociale se trouve au niveau central.
Lorsqu’elle est organisée en section de caisse, la structure de la médecine du travail en agriculture constitue,
en théorie, une application de l’article 7 de la directive européenne du 12 juin 1989 qui fait obligation de
réunir au sein de services communs l’ensemble des compétences techniques et médicales nécessaires à
l’appréhension du risque professionnel.
En pratique, à l’exception de deux des caisses de l’échantillon, la coordination entre les différents services des
caisses est apparue satisfaisante aux COREC/CODEC. Les services de médecine du travail et ceux chargés de
la prévention étaient même parfois communs.
Pour parfaire encore cette coordination, la CCMSA devrait prendre sans attendre des mesures d’incitation et
formuler les conseils d’organisation
qui s’imposent à l’égard des caisses encore hésitantes à valoriser une
organisation pourtant de nature à permettre la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité, mesures qui pourraient
être ultérieurement complétées à l’issue des études en cours.
II – Des situations hétérogènes entre services
A - Les écarts entre les taux de cotisation
Le fonctionnement de la médecine du travail est financé par les seules cotisations assises sur les salaires, à la
charge des employeurs, en application de l’article 5-1 du décret du 11 mai 1982, l’échelon central étant
alimenté par une cotisation de 0,014 % de l’ensemble du montant de l’assiette des cotisations. Chaque section
de médecine du travail détermine son propre taux de cotisation applicable à l’ensemble des exploitations
agricoles de son ressort territorial en fonction du temps de travail et du montant des salaires. Le taux moyen de
cotisation appelée auprès des employeurs agricoles s’établit à 0,45 % des salaires, avec des écarts au niveau
national allant de 0,29 % à 0,85 %. Sur l’échantillon contrôlé, le coût de l’examen médical se situait entre
385,38 F et 1 222,85 F avec une moyenne de 604 F. Au total, en 1998, pour des dépenses se montant à
426 MF, les charges de personnel représentaient à elles seules 290 MF et les cotisations rapportaient 321 MF.
En vue d’harmoniser une tarification très disparate, il pourrait être mis en place une cotisation forfaitaire de
base et instauré un mécanisme de compensation entre caisses qui permette notamment de tenir compte des
difficultés rencontrées par les organismes confrontés à des sujétions particulières (saisonniers, risques
spécifiques) évaluées au niveau central.
B - Un taux de couverture médicale insuffisant
En 1997, 38 services de médecine du travail sur 81 ne respectaient pas le ratio légal d’un médecin pour 3 000
salariés imposé par l’article 15 (2°) du décret du 11 mai 1982, les COREC/CODEC relevant quant à eux des
écarts allant d’un médecin pour 2849 salariés à un pour 5164 salariés. Pourtant, la majorité des caisses ne
respectant pas le ratio pourraient, au prix d’une répercussion tolérable sur le taux de cotisation, procéder aux
embauches nécessaires.
S’il est difficilement admissible que les caisses renoncent à leurs obligations, on pourrait peut-être en faciliter
le respect par une modulation de ce ratio en fonction de la nature des populations assujetties, en le diminuant
pour les populations à risques comme les saisonniers ou pour les salariés de certains secteurs (filière bois,
abattoirs, élevage intensif…) et en l’augmentant dans le tertiaire agricole.
C - Un tiers temps non réalisé
Le décret du 11 mai 1982 prévoit que le médecin consacre un tiers de son temps de travail aux actions de
prévention en milieu professionnel. En 1998, ce ratio était en moyenne de 15 % avec, sur l’échantillon
contrôlé, des écarts allant de 10 % à 20 %. Alors que ce tiers-temps est quasiment respecté pour la surveillance
des grandes unités agricoles, il ne l'est pas pour celle des petites exploitations.
Sauf exception due à un contenu très particulier (leptospirose), les rapports produits par les médecins sur leurs
interventions en milieu de travail ne sont pas exploités au niveau national.
Il conviendrait de formaliser davantage les interventions en milieu de travail, d’en effectuer un suivi et une
évaluation, en privilégiant les interventions à l’égard des petites unités agricoles et en assurant l’exploitation
des rapports réalisés, éventuellement rédigés autour d’un plan et de données standardisées.
D - Une participation réduite aux études nationales
Depuis 1993, la CCMSA a déterminé une dizaine de programmes d’actions prioritaires dont des études
épidémiologiques (maladies transmises par les tiques, affections respiratoires) afin de constituer un réseau de
veille sanitaire, d’observation de certaines pathologies et de toxico-vigilance. A ce titre, en 1999-2003, deux
enquêtes sont conduites l’une relative à la pluridisciplinarité -notamment la prévention des risques
professionnels des travailleurs saisonniers-, l’autre à la surveillance des zoonoses.
Faute pour la caisse centrale d’y associer des moyens budgétaires spécifiques (à l’exception du programme de
toxico-vigilance auquel est affecté un budget de 5 MF sur cinq ans) pour financer la charge de travail
supplémentaire, cette volonté de coordination et d’orientation trouve ses limites dans la libre participation des
caisses locales aux programmes proposés et parfois dans leur compétence à développer seules les études
épidémiologiques demandées.
Les rapports des COREC/CODEC montrent une faible adhésion des caisses locales, qu’il s’agisse d’actions de
médecine du travail ou de prévention (cinq des caisses contrôlées avaient établi des programmes liés à la
prévention ; les actions prévues en matière de médecine du travail ne reprenaient, au mieux, que certaines des
dix actions prioritaires nationales)
.
En 1998, seules 9 études départementales épidémiologiques (sur les 81
services) avaient été réalisées.
Ces disparités entre les sections de médecine du travail agricole militent pour que les pouvoirs de la caisse
centrale soient renforcés en vue d’imposer aux caisses le respect des textes et de développer les synergies du
réseau.
IV - Des activités mal contrôlées
A - Des populations à mieux prendre en charge
Faute d’accepter de cotiser à cet effet, les quelque 600 000 non-salariés agricoles ne peuvent bénéficier depuis
1966 du service de la médecine du travail (article 1000-1 du code rural) dont les prestations ne peuvent être
prises en charge par le BAPSA.
Par ailleurs, sur une base juridique particulièrement fragile
[272]
les travailleurs saisonniers travaillant moins
de 40 jours par an sont exclus de la surveillance médicale obligatoire alors qu’ils constituent une population
importante très exposée aux risques professionnels
[273]
.
La circulaire précitée en note considère que la visite médicale effectuée par l’office des migrations
internationales à l’égard des saisonniers d’origine étrangère peut tenir lieu de visite d’embauche. Outre qu’elle
a fait l’objet de vives critiques
[274]
, cette visite n’a à l’évidence pas cette vocation.
L’article 30 du décret du 11 mai 1982 prévoit facultativement la mise en place d’actions collectives à caractère
éducatif consistant à informer, par des réunions sur le lieu de travail, les salariés nouvellement embauchés des
risques encourus et des moyens de prévention à mettre en oeuvre, qui constituent aujourd’hui le seul moyen
réglementé d’approcher ces populations.
L’interprétation contestable de la circulaire précitée pourrait être revue et les textes aménagés de manière à
envisager les mesures en vue de mieux prendre en charge ces populations à risques et, par exemple, à inciter
ces salariés à se soumettre à une visite facultative gratuite entre deux activités saisonnières.
B - Des populations non assujetties mais prises en charge
On comprend que certains services de médecine du travail en agriculture, pour conserver une taille de nature à
garantir leur maintien ou leur qualité, concluent des conventions nationales ou locales couvrant des
populations non assujetties. En revanche, il faut que les modalités d’élargissement de l’activité des services
concernés respectent un minimum de règles et que cette activité parallèle ne porte pas préjudice aux
populations de la compétence initiale de la médecine du travail en agriculture.
Au-delà de la prise en charge, par les services de la médecine du travail, d’autres populations relevant du
secteur agricole comme les élèves de l’enseignement agricole privé et ceux des maisons familiales (7 571
élèves), ou les adhérents volontaires (250 exploitants agricoles), la tendance, depuis 1994, est au
développement des conventions passées avec les employeurs de salariés non assujettis au régime agricole.
Trois conventions ont été passées au niveau national, déclinées au niveau local, pour lesquelles un tarif
national a été fixé : les services déconcentrés du ministère de l’agriculture et de la pêche (350 F en 1998 par
agent), l’association de formation et d’action sociale des écuries de courses (300 F en 1998 par élève), et,
conclue en 1999, les agents de l’office nationale de la chasse (379,68 F par visite).
En ce qui concerne les conventions locales, il apparaît clairement à la lecture des rapports des
COREC/CODEC que les services de médecine du travail ont tendance à privilégier ces publics sélectionnés.
Par ailleurs, à prestations équivalentes, les tarifs pratiqués localement non seulement sont très différents selon
les partenaires, mais surtout ne couvrent jamais, à une exception près, le coût de revient de l’examen.
Une caisse facture une prestation identique à un prix allant de 300 F pour les employés des services extérieurs
du ministère de la justice (soit moins que pour ceux du ministère de l’agriculture) à 585,71 F pour les salariés
de La Poste ; alors que le coût standard de l’examen s’établit à 391,75 F. Pour l’ensemble des autres sections
contrôlées par les comités d’examen des comptes, les prix facturés dans le cadre des conventions locales se
sont révélés être en deçà du coût réel de la prestation.
Les pratiques de trois des services de médecine du travail contrôlés pénalisent particulièrement les salariés
agricoles puisque les conventionnés y représentent respectivement 25,29 %, 35,87 % et 38,72 % de la
population surveillée alors que cette dernière ne bénéficie pas, loin s’en faut, de l’obligation de visite annuelle,
que le nombre important de conventionnés n’a pas permis de donner la priorité à la surveillance des salariés
agricoles ni de respecter, en l’absence de moyens supplémentaires, le ratio d’un médecin pour 3 000 salariés
imposé par les textes.
En 1998, 14 % des examens pratiqués l’ont été à destination de populations conventionnées, dont certaines
n’ont, parfois, aucun lien avec le monde agricole.
De surcroît, ces pratiques ne sont pas toujours légales. L’augmentation du nombre des conventions passées
avec les caisses ou les associations a pu, dans certains cas, amener ces dernières à effectuer une prestation de
médecine du travail alors même que les organismes contractants étaient, par ailleurs, couverts par le régime
général de sécurité sociale.
Plusieurs cas ont été relevés lors de l’examen des conventions par les inspecteurs des COREC/CODEC : une
caisse de MSA commune à trois départements a conclu vingt-cinq conventions avec des structures,
associations ou sociétés, qui ne relèvent pas du régime agricole et qui sont, par ailleurs, couvertes par une
autre réglementation. Parmi celles-ci, on relève des entreprises de main-d’oeuvre temporaire qui se sont ainsi
mises en infraction avec certaines dispositions du décret du 11 mai 1982 aux termes desquelles "l’examen
médical d’embauche prescrit à l’article 30 est effectué par le médecin du travail de l’entreprise de travail
temporaire". De la même façon, une caisse de mutualité sociale agricole a conclu une convention avec une
structure associative alors que cette entreprise relève du régime général et se trouve donc exclue du champ
d’application de la médecine du travail en agriculture.
Il serait urgent de procéder à une renégociation de ces conventions, locales comme nationales, et de respecter
les textes en vigueur.
Enfin, la pratique en matière d’examens médicaux fait apparaître des incohérences. Les salariés agricoles ont
bénéficié en 1998 de 491 670 examens dont 78,5 % au titre des examens systématiques, 15 % pour les
examens d’embauche dont 53 % d’entre eux effectués dans le mois suivant cette dernière alors que les
examens de préreprise (1 %) ou de reprise du travail (2,2 %) restaient marginaux, en partie à cause de la sous-
information du médecin du travail par les services de la caisse lors de la reprise en cas d’arrêt de plus de 21
jours (50 % des caisses de l’échantillon).
Les examens complémentaires réalisés par le médecin du travail en vue d’assurer le suivi des situations
individuelles (aptitude médicale à l’emploi, dépistage des maladies professionnelles…) progressent puisqu’ils
totalisent 312 870 examens en 1998 contre 242 897 en 1997
Cependant, ces nombres recoupent des réalités locales très contrastées et la mise en oeuvre des examens prévus
pour des populations sensibles est fréquemment très partielle : trois des douze sections vérifiées par les
COREC/CODEC présentaient un nombre insuffisant d’examens obligatoires pour des risques particuliers (119
pour une caisse, 1465 pour une autre, 3000 pour une troisième) ; trois caisses ne pratiquaient pas les
prélèvements et analyses prévus en milieu de travail. Les surveillances médicales à destination des salariés
soumis à un risque particulier qui ont représenté, en 1998, 1,2 % du total des examens (contre 2,1 % en 1997)
étaient peu mises en oeuvre dans cinq sections de l’échantillon.
RECOMMANDATIONS
1. Etudier la possibilité de mettre en place une cotisation forfaitaire de base et une compensation au profit de
ceux des services qui doivent respecter des sujétions différentes.
2. Redéfinir les interventions en milieu de travail en organisant le cadre, le suivi, l’évaluation et en renforçant
la surveillance des petites unités agricoles.
3. Pour qu'elles respectent les textes, modifier les conventions passées au niveau national en vue de permettre
à la médecine du travail en agriculture de prendre en charge des populations non assujetties sans pour autant
porter préjudice aux populations assujetties.
4. Revoir les modalités selon lesquelles les examens complémentaires sont prescrits, de manière à garantir
que les situations particulières sont bien prises en compte.
5. Étudier les modalités d’une meilleure prise en charge des saisonniers accomplissant moins de 40 jours de
travail dans une année.
6. Rendre effective la couverture des exploitants agricoles par la médecine du travail en agriculture.
Réponse
[270]
Sections des caisses de la mutualité sociale agricole du Cantal, de Charente-Maritime, du Doubs,
d’Indre-et-Loire, de Lorraine, de la Manche, de la Mayenne, de la Moselle, des Hautes-Pyrénées, du Rhône,
du Tarn-Aveyron et association de la Marne, des Ardennes et de la Meuse.
[271]
Articles 1000-1 à 1000-5 du code rural ; L. 241-1 à L. 241-11 du code du travail ; décret n° 82-397 du
11 mai 1982.
[272]
Circulaire du ministère de l’agriculture du 19 décembre 1988 DEPSE/SDTE/SDPS/C88/N° 7033 dont le
point 5.9 précise qu’ " …il convient de tenir compte du fait qu’une fraction non négligeable des salariés
agricoles travaillant moins de 40 jours dans l’année civile peut échapper à toute possibilité d’examen [l’article
30 du décret de 1982 prévoit 3 mois pour réaliser la visite d’embauche] et que les saisonniers étrangers
titulaires d’un contrat d’introduction [de l’OMI] ne sont pas soumis à la visite médicale prescrite par l’article
30 (du décret du 11 mai 1982) …".
[273]
Selon une enquête portant sur "la connaissance des activités saisonnières" de la CCMSA publiée en
1997, 50 % des employés saisonniers (quelle que soit la durée de l’embauche) étaient soumis dans leurs
travaux à au moins trois risques majeurs.
[274]
Rapport public de la Cour des comptes de 1997.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE II
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
Les dépenses des régimes de base de la sécurité sociale, au sens de la loi de financement, se sont élevées, en
1999, à 1 797 MdF, en progression de 3,0 % par rapport à 1998. L'évolution est de 3,1 % pour la famille, 3,2
% pour la vieillesse, 3,1 % pour les accidents du travail, et 2,7 % pour la maladie.
Les dépenses liées à la famille justifient encore cette année un examen particulier. En effet, la loi de
financement pour 1999 contenait des dispositions importantes, annoncées lors de la conférence de la famille
de juin 1998 : suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales instaurée dans la
précédente loi de financement et modification des conditions d’attribution de l’allocation de rentrée scolaire.
Par ailleurs, s'agissant de la branche vieillesse, la loi de financement pour 1999 a institué un fonds de réserve
pour les retraites (cf. chapitre III,
infra
, p. 121) et a réformé l’assurance veuvage.
Elle comporte également des dispositions concernant la branche maladies professionnelles-accidents du travail
relatives en particulier aux salariés souffrant de maladies liées à l’amiante.
Quant à la branche maladie, ce chapitre l'examine sous trois rapports : les dépenses de 1999 -l'ONDAM a été
dépassé d'environ
11,3 MdF-, les indemnités journalières, enfin la dotation globale aux établissements (hôpitaux publics,
cliniques privées, établissements médico-sociaux) et la répartition régionale de cette dernière. Dans le cas des
hôpitaux publics, le montant global de cette dotation, comme sa répartition régionale, ont été modifiées par
l'accord de mars 2000.
section I :
Les objectifs de dépenses
La loi de financement (article 42) fixe les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base de plus de 20
000 cotisants actifs ou retraités de droits propres. L’objectif d’ensemble (1789,1 MdF) est dépassé de
8,1 MdF. Cet écart résulte principalement du surcroît de dépenses de la branche maladie et du coût de la
majoration de l’allocation de rentrée scolaire, non prise en compte, comme les années précédentes, dans la loi
de financement initiale.
Les dépenses des régimes obligatoires de base. Objectifs et réalisations
(en MdF)
Branche
Maladie-
maternité-
invalidité-décès
Vieillesse-
veuvage
Accidents du
travail
Famille
Total
des
dépenses
Réalisations LFSS pour
1998 (sept. 1999) (1)
687,0
753,5
51,1
253,3
1 744,8
Objectifs LFSS pour 1999
(2)
697,8
781,4
53,0
256,9
1 789,1
Prévisions d’exécution
(sept. 1999)
709,8
779,1
53,5
264,3
1 806,6
Réalisations connues en
(juillet 2000) (3)
705,8
777,8
52,7
260,9
1 797,2
Réalisations
1999/réalisations 1998
(3)/(1) (en %)
2,7
3,2
3,1
3,1
3,0
Ecart entre les réalisations
et les objectifs (3)-(2)
8,0
-3,6
-0,3
+4,0
8,1
Si l’on compare les dépenses, non plus par rapport à l’objectif de la loi de financement, mais par rapport à leur
montant en 1998, on constate une augmentation globale de 3,0 % des dépenses de sécurité sociale comprises
dans le champ de la loi de financement. Les dépenses des branches famille, accidents du travail et vieillesse
ont enregistré une progression légèrement supérieure tandis que celles de la branche maladie ont progressé de
2,7 %. Pour apprécier son importance, cette dernière évolution peut être comparée à la progression des
dépenses de consommation des ménages : 2,9 % en valeur en 1999.
Cette section n'a pas appelé de réponse
Section II :
Les dépenses de la branche famille
Comme pour les années antérieures, la majoration de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) n’avait pas été
intégrée à l’objectif de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 1999. Le montant
de cette majoration s’est élevé à 6,4 MdF. Hors majoration de l’ARS, les dépenses totales de la branche
famille se sont établies, en 1999, à 254,5 MdF.
Seule l’évolution des prestations familiales de métropole est examinée ici. Les prestations familiales versées
en métropole (hors allocation handicapés adultes) ont progressé en 1999 de 2,9 %. Cette augmentation est la
résultante de trois facteurs : des facteurs sociodémographiques, l’indexation des prestations et surtout, en
1999, les modifications de la législation.
I - Les facteurs sociodémographiques
Le nombre et la structure par taille des familles évoluent lentement, mais la sensibilité du compte aux
variables démographiques n’est pas négligeable.
L’augmentation des naissances depuis 1993 (+3,3 %) se répercute rapidement sur les dépenses compte tenu du
poids des prestations affectées aux premières années de l’enfance. A l’autre extrême, la prolongation
spontanée de la scolarité au-delà de 18 ans explique l’allongement de la durée moyenne de perception des
prestations familiales.
A ces deux titres, l’évolution démographique des dernières années a été un facteur de croissance des dépenses.
En revanche, le flux des sortants du champ des prestations familiales, correspondant aux naissances des
années 1979/1980, est plus élevé que le flux des entrants : 800 000 naissances en 1980, 740 000 actuellement.
Surtout, la structure des familles sortantes et entrantes est profondément différente, avec une forte diminution
des familles nombreuses. Comme le système de prestations est très progressif avec la taille de la famille, ces
deux mouvements freinent, toutes choses égales d'ailleurs, la hausse des prestations.
II - L’indexation des éléments des barèmes des prestations
La base mensuelle des allocations familiales (BMAF), sur laquelle sont indexées plus de 75 % des prestations,
a été augmentée conformément aux dispositions de la loi du 25 juillet 1994, article 36, qui prévoit son
indexation sur les prix hors tabac, avec régularisation au titre d’un éventuel écart entre la hausse des prix
constatée de n-1 et le taux prévisionnel retenu lors de la loi de financement de la sécurité sociale pour la même
année.
En 1999, la BMAF a été ainsi revalorisée de 0,71 %, taux résultant de l’évolution prévisionnelle des prix en
moyenne annuelle en 1999 (1,2 %) et de la régularisation négative (-0,5 %) correspondant à la différence entre
l’évolution réelle des prix en 1998 (0,8 %) et celle ayant servi de base à la revalorisation de la BMAF au 1
er
janvier 1998 (1,3 %).
Les plafonds retenus pour les prestations sous conditions de ressources (en dehors des aides au logement) ont
été revalorisés au 1
er
juillet 1999 de 0,8 %, ce qui correspond à l’évolution en moyenne annuelle des prix hors
tabac en 1998. Comme les revenus retenus dans l’assiette de calcul de ces prestations ont progressé
légèrement plus vite, on constate une très légère diminution du nombre de bénéficiaires, un certain nombre de
ménages passant au-dessus des plafonds d’exclusion.
Les éléments des barèmes des aides au logement ont été revalorisés au 1
er
juillet 1999 : les paramètres
homogènes aux ressources l’ont été de 0,6 %, comme les prix ; les loyers plafond (qui sont un élément
déterminant de l’évolution des aides au logement, puisque près de 70 % des allocataires ont un loyer ou des
charges d’accession à la propriété supérieurs aux plafonds) ont été pour la plupart revalorisés sur la base de
l’indice de la construction, soit +0,1 % (à comparer aux 2,1 % de l’indice des loyers) ; cependant, les plafonds
de l’allocation de logement familial ont été augmentés de façon spécifique conformément au plan triennal qui
prévoit leur alignement sur ceux de l’aide personnalisée au logement (cette revalorisation a coûté 300 MF).
Quant au forfait de charges, il a été revalorisé de 1,3 %, taux de croissance des charges suivies dans le panel
usuellement utilisé pour les revalorisations annuelles.
III - Les modifications de la législation des prestations familiales
Les modifications de la législation des prestations familiales, troisième facteur explicatif, ont été importantes
en 1999 et expliquent largement la hausse de la dépense.
A – Le retour à l’universalite des allocations familiales
Le gouvernement avait
proposé à la conférence sur la famille de juin 1998 que les allocations familiales
soient rétablies pour l’ensemble des familles, que l’avantage fiscal lié au quotient familial soit réduit par un
abaissement du plafond, enfin que l’Etat prenne à sa charge l’allocation de parent isolé (API) pour limiter la
dégradation du compte de la CNAF qui résultait du rétablissement de l’universalité des allocations familiales.
Conformément à l’article 18 de la loi de financement, l’universalité du versement des allocations familiales a
été restaurée. La mesure est intervenue au 1
er
janvier 1999 (pour la mensualité payée le 5 février, donc pour 11
mensualités dans le compte 1999). La charge correspondante a été évaluée par la direction de la sécurité
sociale (DSS) à 4,7 MdF (5,1 MdF en année pleine).
On remarquera que les dépenses d’allocations familiales ont progressé de 3,2 MdF en 1999. Les éléments
disponibles ne permettent pas de rendre complètement compte de l’évolution constatée qui est la résultante de
plusieurs facteurs, d’ordre réglementaire ou démographique, dont les effets sont de sens opposés. Il serait
souhaitable que cette question soit approfondie. Plus généralement, on peut regretter que le système de suivi
ne permette pas d’apprécier l’incidence réelle des réformes de la réglementation.
L’article 2 de la loi de finances pour 1999 a plafonné le quotient familial à 11 000 F par demi-part (contre 16
389 F en 1998). Par ailleurs, l’Etat a pris en charge l’allocation de parent isolé dont le montant a été de l’ordre
de
4,5 MdF en 1999 (cf. chapitre précédent).
Au total, si on agrège les résultats cumulés des réformes intervenues entre 1997 et 1999, le compte de la
CNAF a été allégé du montant de l’API (4,5 MdF) et celui de l’Etat a été légèrement alourdi du solde entre les
charges d’API et les plus-values de recettes fiscales résultant du plafonnement du quotient familial (1,3 MdF).
Les ménages aisés ont supporté la majoration du rendement de l’impôt sur le revenu, estimée à environ
3,2 MdF.
B - Le recul à 20 ans de l’âge limite de bénéfice des
prestations familiales
L’âge limite pour bénéficier des prestations familiales était fixé à 18 ans (sauf pour les enfants poursuivant
leurs études qui bénéficiaient des prestations jusqu’à 20 ans) pour autant que les gains professionnels des
jeunes concernés dans l’année de référence soient inférieurs à 55 % du SMIC brut. Il avait été porté à 19 ans
au 1
er
janvier 1998 dans les mêmes conditions de revenu. Il est désormais fixé à 20 ans (décret n° 98-1213 du
29 décembre 1998).
Ces mesures ont bénéficié le plus souvent à des familles modestes dont l’enfant est inactif et n’est pas pris en
charge par les dispositifs d’insertion professionnelle.
Le coût de la mesure est estimé par la DSS à 530 MF pour le passage à 19 ans et à 1,06 MdF pour le passage à
20 ans, en prestations légales. La charge de cette dernière étape est plus élevée dans la mesure où, avec la
prolongation spontanée de la scolarisation, la proportion de jeunes maintenus dans le champ des prestations
familiales est plus élevée entre 18 et 19 ans qu’entre 19 et 20 ans. Il convient d’ajouter à ce coût en prestations
la charge correspondante en assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), estimé à environ 0,9 MdF pour
67 000 bénéficiaires. Il s’agit en l’espèce d’un transfert de la CNAF à la CNAV, donc sans conséquence sur le
solde du régime général (sur l'AVPF, cf. chapitre XIII,
infra
, p. 483). Le coût pour la CNAF des mesures
successives de recul de l’âge limite de bénéfice des prestations familiales peut donc être évalué à 2,5 MdF.
Simultanément, l’âge d’attribution des majorations pour âge des allocations a été reculé d’une année, de 10 à
11 ans et de 15 à 16 ans. L’économie a été évaluée par la DSS à 1,9 MdF en année pleine (0,87 en 1999 du fait
que la
mise en oeuvre effective des majorations dépend de l’arrivée des enfants des familles concernées à
l’âge pertinent).
C – L’extension de l’allocation de rentrée scolaire
L’article 19 de la loi de financement prévoit l’extension de l’allocation de rentrée scolaire et de sa majoration
aux familles ayant un enfant à charge sous réserve de la condition de ressources. Jusqu’à présent, le bénéfice
de la mesure supposait de percevoir une autre prestation familiale, l’APL ou le RMI.
Au-delà de la période d’obligation scolaire, l’allocation est également versée pour chaque enfant âgé de moins
de dix-huit ans, dont la rémunération est inférieure à 55 % du SMIC et qui poursuit des études ou est placé en
apprentissage.
L’impact financier de la mesure était évalué par la DSS à 560 MF
(150 MF pour la CNAF et 410 MF pour l’Etat au titre de la majoration) alors que le montant total de l’ARS
s’est élevé à 8,75 MdF en 1998. Le nombre de familles potentiellement bénéficiaires
était estimé par la
CNAF à 350 000.
La mesure d’extension n’aurait en fait concerné qu’environ 170 000 familles, tandis que les dépenses au titre
de l’ARS en 1999 diminuaient de
0,6 % par rapport à 1998. Pourtant sur la base du nombre de familles qui ont effectivement bénéficié de
l’ARS, la dépense à ce titre aurait dû progresser de 310 MF environ. Il serait sans doute souhaitable que soient
approfondies les raisons (amélioration des revenus, démographie, demandes non formulées,…) de cette
évolution
a priori
inattendue.
D - Les effets de la réforme de l’AGED
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a modifié les conditions d’octroi de l’allocation pour la
garde d’enfants à domicile (AGED) ; parallèlement, la loi de finances pour 1998 a diminué de moitié la
réduction fiscale pour emplois familiaux.
Ces réformes ont continué à produire leurs effets en 1999. L’impact de la restriction du dispositif ne s’est fait
sentir de façon substantielle qu’à partir de septembre 1998. Les effectifs sont passés de 82 000 fin 1997 à 65
000 fin 1999.
Les dépenses diminuent fortement (moins 689 MF en 1999 par rapport à 1998, soit une baisse de 42,2 %)
après le recul déjà significatif constaté en 1998 (-13,6 %). En deux ans, les dépenses d’AGED ont été réduites
de moitié.
Cette réforme appelle deux remarques.
D’abord, l’impact sur la situation financière des ménages est très difficile à apprécier. Il dépend de leurs
comportements. Ont-ils réduit le recours à une employée de maison ? Ont-ils maintenu le taux d’emploi mais
en le sous-déclarant pour ajuster l’emploi déclaré aux nouvelles conditions de l’AGED ?
D’autre part, la baisse des dépenses correspond à l’économie brute pour la CNAF. Mais le gain net dépend,
lui, de l’impact de la réforme sur l’emploi déclaré et il n’y a économie pour l’ensemble des comptes sociaux
que si le volume de l’emploi est resté stable ; dans le cas contraire (réduction objective ou sous-déclaration),
les cotisations encaissées par les régimes sociaux (régime général, ASSEDIC et IRCEM
[40]
) diminuent
.
OBSERVATION : La Cour enregistre que, pour ce qui est des allocations familiales et surtout pour
l’allocation de rentrée scolaire, des écarts significatifs peuvent être notés entre les prévisions
ex
ante
des effets des modifications réglementaires intervenues et les évolutions qui apparaissent dans
les comptes de la CNAF. Par ailleurs, les évolutions constatées ne
peuvent être totalement
expliquées par les éléments à la connaissance de l
Cour.
a
RECOMMANDATION
La CNAF et la DSS doivent conduire des études permettant de mieux comprendre les évolutions survenues.
Cette section n'a pas appelé de réponse
[40]
IRCEM : institut de retraite complément
aire des employés de maison.
Section III :
Les dépenses de la branche vieillesse
Les dépenses pour la vieillesse dans le champ de la loi de financement (qui exclut les régimes
complémentaires obligatoires et les régimes obligatoires de base comptant moins de 20 000 cotisants actifs ou
retraités titulaires de droits propres) se sont élevées à 777,8 MdF. Une comparaison avec les objectifs de
dépenses fixés à l’article 42 de la loi de financement pour 1999, soit, pour la vieillesse et le veuvage, 781,4
MdF, montre que l’objectif a été respecté.
I – L’évolution des prestations vieillesse du régime général
Les prestations du régime général se sont établies en 1999 à 349,1 MdF en métropole. Leur progression est,
comme en 1998, de 3,8 %. En volume
[41]
, les pensions de droits directs financées par le régime général
progressent de 2,7 % en 1999 (contre 2,9 % en 1998). Ces évolutions sont à peu de choses près conformes à la
prévision, et confirment la tendance au tassement de ces prestations.
Au sein de ces prestations, les pensions directes normales (74 % du total) augmentent en volume de 3,6 % en
1999, après 3,9 % en 1998.
L’article 37
de la loi de financement 1999 a mis en place, pour une période d'un an, un mécanisme de
revalorisation basé sur le taux prévisionnel d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation (hors
tabacs). Cela a conduit à une revalorisation des prestations vieillesse de 1,2 % au 1
er
janvier 1999. Si on avait
continué d'appliquer le dispositif précédent (qui n'était applicable que pour une durée de cinq ans aux termes
de la loi 93-936 du 22 juillet 1993), la revalorisation aurait été, compte tenu des évolutions prévisionnelle (1,3
%) et effective (0,8 %) des prix en 1998, de 0,7 % seulement.
Le ralentissement de l’évolution en francs constants des pensions financées par le régime général tient à
l’évolution naturelle de la démographie des bénéficiaires, ainsi qu’aux effets de la réforme du 22 juillet 1993
(allongements progressifs de la durée d’assurance de 150 à 160 trimestres, et de la période de référence
servant au calcul du salaire moyen de 10 à 25 ans). Ces économies sont modestes dans les premières années
puisque la mesure d’allongement de la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein, dont l'impact
actuel est faible, n’atteindra son régime de croisière qu’en 2003, et celle portant sur la période de référence du
salaire moyen qu’en 2008.
Les autres types de pensions ont évolué de la façon suivante.
Les pensions d’inaptitude (47,3 MdF en 1999) sont servies, à partir de 60 ans au taux plein sans condition de
durée d’assurance, aux assurés que leur état de santé a rendu inaptes au travail. Depuis l’abaissement de l’âge
de la retraite à 60 ans en 1983, de nombreuses personnes, qui auraient pu partir avec une pension d’inaptitude,
partent à la retraite avec une pension directe normale. Ainsi, la progression du volume de ces prestations a
d’abord eu tendance à ralentir, puis a fait place à une baisse depuis 1996.
Les pensions "directes ex-invalides" ( 28,9 MdF en 1999) sont servies aux assurés qui bénéficiaient, avant
l’âge de 60 ans, d’une pension d’invalidité. La progression du volume de ces prestations a poursuivi son
fléchissement : +0,8 % en 1999 après +1 % en 1998.
Les pensions de réversion dites normales, c'est-à-dire qui ne sont pas cumulées avec une pension de droit
direct (15,6 MdF en 1999) ont continué de diminuer en 1999 (-0,9 % après -1,2 % en 1998). Sous l’effet
conjugué de l’augmentation de l’activité féminine, de l’abaissement de l’âge de la retraite et du recul de la
mortalité, cette diminution se fait au profit de la situation où il existe à la fois des pensions de réversion et de
droit direct.
En ce qui concerne le minimum vieillesse, l’"allocation supplémentaire" de l’article L. 815-2 du code de la
sécurité sociale (ex-FNS) (5,7 MdF en métropole) connaît une baisse en francs constants de 0,9 %, moins forte
que celle de 1998 (-2,8 %) et que celle de la période 1994-1997 (-5 à 6 %). Selon la commission des comptes
de la sécurité sociale, ce ralentissement résulte des dispositions de la loi du 11 mai 1998, dite "loi
Chevènement", qui suppriment les conditions de nationalité sur le territoire français pour bénéficier du
minimum vieillesse.
La majoration de l’ "allocation spéciale", prévue à l’article
L. 814.2 du code de la sécurité sociale (2,5 MdF en 1999) progresse toujours vivement : elle a crû en francs
constants de 11,8 % en 1999 (après 13,9% en 1998) en raison d’une augmentation des effectifs, du fait
probablement qu’aucune condition de résidence ou de nationalité ne conditionne le service de cette allocation.
L'article 38
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 introduit une réforme de l'assurance
veuvage (qui représente 590 MF en 1999), et précise la règle de calcul du plafond de cumul d'une pension de
réversion avec des avantages personnels de vieillesse.
La réforme de l'assurance veuvage comporte deux éléments. En premier lieu, il est désormais exigé une durée
minimum d'affiliation à l'assurance vieillesse de l'assuré décédé. Le décret en Conseil d'Etat du 14 mai 1999 a
précisé cette condition : l'assuré décédé doit avoir été affilié à l'assurance vieillesse pendant trois mois au
cours des douze derniers mois précédant le mois de son décès.
Le second élément de réforme inscrit dans la loi concerne la durée et le montant de l'allocation. L'allocation
veuvage, qui était versée pendant trois ans et dont le montant était dégressif au cours de ces trois années, est
désormais versée pendant deux ans avec un montant fixe (décret en Conseil d'Etat du 14 mai 1999). Le
deuxième alinéa de l'article de la loi précise que les bénéficiaires qui ont atteint l'âge de cinquante ans au
moment du décès de leur conjoint perçoivent l'allocation jusqu'à cinquante-cinq ans.
Enfin, des dispositions spécifiques ont été prévues pour les personnes en cours d'indemnisation au 1
er
mars
1999, date du changement de règles. Les personnes qui sont en deuxième année sont maintenues dans l'ancien
système, sauf si elles demandent à bénéficier des nouvelles dispositions. Les personnes qui sont en troisième
année conservent leur allocation jusqu'à la fin de cette troisième année. Ce mécanisme ne concerne pas les
personnes qui bénéficient de l'allocation jusqu'à 55 ans, et auxquelles s'applique le nouveau système (montant
unique).
Le changement de règles s'est traduit par une nette inflexion de la croissance du volume des prestations : +6,4
% en 1999, après 15,4 % en 1998 et 11 % en 1997.
Enfin,
l'article 39
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 vise les conditions de cessation
d'activité exigées pour le service d'une pension de retraite par le régime général, le régime des salariés
agricoles, les régimes spéciaux, le régime des non-salariés agricoles, les régimes des artisans et des
commerçants. En principe, le service d'une pension de retraite est subordonné à la cessation de l'activité
professionnelle. Néanmoins, certaines activités sont compatibles avec le service de la pension. Par ailleurs, la
cessation d'activité n'est naturellement pas exigée pour le service d'une pension versée dans le cadre de la
retraite progressive, qui permet simultanément l'exercice d'une activité à temps partiel et le service d'un
fraction de la pension de retraite. L'article 39 prévoit la prolongation des dispositions en vigueur jusqu'au 31
décembre 1999.
Cette section n'a pas appelé une réponse
[41]
L’effet volume combine l’évolution du nombre de bénéficiaires des différentes allocations avec celle de
la prestation moyenne en francs constants.
Section IV :
Les dépenses de la branche
accidents du travail et maladies
professionnelles
Les dépenses "accidents du travail et maladies professionnelles" ont été évaluées par la direction de la sécurité
sociale à 52,7 MdF (contre 51,1 MdF en 1998). Cette dépense est très légèrement inférieure à l’objectif
figurant dans la loi (53 MdF).
Dans cette branche, le régime général représente environ 80 % de l’ensemble, soit 45,5 MdF en 1999 selon
l’évaluation de la commission de la sécurité sociale du printemps 2000. Cette dernière somme recouvre en
particulier les rentes d’incapacité permanente (20,9 MdF) qui ont cru modérément en valeur en 1999 (+0,7 %)
sous l’effet de la revalorisation intervenue au 1
er
janvier 1999 et de plusieurs mesures réglementaires. La
progression aurait été plus forte si les dispositions concernant les maladies liées à l’amiante (voir ci-dessous)
avaient effectivement exercé leur effet en 1999. En volume, la tendance à la baisse des rentes d’incapacité
permanente s’est poursuivie.
Par ailleurs, la loi de financement 1999 contient deux articles relatifs aux maladies professionnelles,
notamment à celles liées à l’amiante.
L’article 40
modifie les règles de prescription des demandes de
reconnaissance de maladies professionnelles et lève la prescription pour les dossiers de maladies liées à
l’amiante.
L’article 41
crée une allocation de cessation anticipée d’activité pour les salariés et anciens salariés des
établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante. Un fonds de cessation anticipée d’activité
des travailleurs de l’amiante destiné à financer l’allocation de cessation d’activité est mis en place. Ses
ressources seront constituées d’une contribution de l’Etat et d’un versement de la branche AT-MP. En 1999, la
totalité des dépenses du fond a été prise en charge par l’Etat. Le montant des allocations brutes comptabilisées
par les CRAM s'est élevé en 1999 à près de 40 MF et les frais de gestion à 0,7 MF. Par ailleurs, les charges
relatives aux cotisations de retraite complémentaire et d'assurance volontaire vieillesse se sont élevées
respectivement à 4,9 MF et 7,4 MF.
Cette section n'a pas appelé de réponse
Section V :
Les dépenses d'assurance maladie
Les dépenses incluses dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) se
sont établies en 1999 à 641,2 MdF, soit un dépassement de 11,9 MdF par rapport à l'ONDAM fixé par la loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999 (sur l'ONDAM, cf. le rapport de la Cour des comptes sur
l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre 1999, et le chapitre IV,
infra
p. 143).
Le surcroît de dépenses est, comme en 1998, principalement imputable aux soins de ville (de l’ordre de 44,5
% des dépenses comprises dans le champ de l’ONDAM), alors que l'augmentation des dépenses des
établissements est restée limitée.
Par rapport au niveau effectif des dépenses dans le champ de l’ONDAM qui avait été atteint en 1998,
l'évolution est de 2,8 %. Cela confirme que le niveau de l'objectif 1999 pour les soins de ville était en fait
irréaliste car, compte tenu de ce niveau atteint à fin 1998, la réalisation de l'objectif 1999 aurait supposé que
les soins de ville diminuent d’environ un demi point.
Plusieurs facteurs perturbent l'appréciation exacte des dépenses : la mise en place d'une nouvelle chaîne de
traitement pour la liquidation des dossiers (PROGRES) a entraîné dans l'été 1999 un allongement des délais de
liquidation et ces retards n'ont été qu'en partie résorbés par la suite. En outre, pour éviter des risques lors du
passage à l'an 2000, un arrêt technique a eu lieu le 31 décembre
[42]
. Du fait de ces événements, l’évolution de
la consommation réelle de soins en 1999 a été sous-évaluée (et, par contrecoup, celle de 2000 sera
surévaluée)
[43]
.
Si au lieu des données comptables on retient les dépenses en date de soins telles que la CNAMTS les établit
désormais, le ralentissement de la consommation de soins ne se voit plus globalement : elle a augmenté à peu
près au même rythme en 1998 et 1999 (cf. la réponse de la CNAMTS jointe à ce rapport). Toutefois, un
constat demeure, quelle que soit la série : la progression des honoraires des médecins généralistes et de ceux
des dentistes a ralenti, ce qui n’a pas été le cas pour celle des prescriptions.
Si l'on revient aux données comptables et qu’on considère celles du régime général seul, ses dépenses dans le
champ de l'ONDAM ont augmenté de 3,1 %, soit un ralentissement après la forte croissance de 1998 (+ 4,2
%). Même s’il s’explique en partie par les circonstances de la fin 1998, qui viennent d’être évoquées, ce
ralentissement est quasiment parallèle à celui de la consommation des ménages, dont le taux de croissance est
revenu de 4,1 % en 1998 à 2,9 % en 1999. Les prestations maladie du régime général ont donc continué à
évoluer légèrement plus vite que la consommation globale des ménages. En revanche, elles ont légèrement
moins augmenté que la valeur du PIB (3,1 % contre 3,3 %), contrairement à 1998 (4,2 % contre 4 %) : sur
deux ans, les deux séries ont ainsi évolué globalement de manière quasi identique.
Après une forte hausse en début d'année, puis un ralentissement dans l'été, une nouvelle accélération des
dépenses, amplifiée par le rattrapage partiel des retards de liquidation, est intervenue à partir d'octobre.
Sur les 3,1 points de croissance globale des dépenses remboursées par le régime général, près des deux tiers
(2,1 points) sont imputables aux soins de ville, qui ont augmenté de 4,5 %, soit près de deux fois plus vite que
le poste hôpitaux (2,3 %).
Ce résultat traduit cependant une décélération du poste soins de ville (+6,2 % en 1998), résultant d'un
ralentissement conjoint de ses principales composantes : 1,9 % contre 4,6 % en 1998 pour les professions de
santé et le transport des malades, 6,3 % contre 8,1 % pour le médicament, 6 % au lieu de 7 % pour les
indemnités journalières.
La croissance du poste soins de ville résulte principalement des prescriptions (+6,5 %), la croissance des
dépenses d'honoraires, y compris dentaires, étant restée faible (+0,7 %) : en particulier, déduction faite des
effets prix
[44]
, le volume des actes remboursables a baissé de 0,1 % pour les généralistes et augmenté de 1,3 %
pour les spécialistes.
En revenant aux données comptables, on peut noter que, parmi les prescriptions, les taux de hausse les plus
forts sont ceux des médicaments (+6,3 %), des produits du TIPS (+9,3 %), des transports sanitaires (+6,9 %)
et des indemnités journalières (+6,0 %), qui font l'objet d'un développement particulier dans la section
suivante.
En ce qui concerne les produits du TIPS, comme l'a montré le chapitre préliminaire de ce rapport, le nouveau
dispositif institué par la loi de financement pour 2000, afin d'améliorer les conditions dans lesquelles
s'effectuent l'admission au remboursement et la fixation des prix, n'était pas encore en place au début de juin
2000.
Le poste médicaments a crû deux fois et demi plus vite que l'objectif fixé (2,5 %). Cette croissance incorpore
certes l'effet en année pleine de la distribution en pharmacie de ville, à partir de 1998, de médicaments
jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, et l'effet d'une décision de même type pour d'autres
médicaments en 1999 (cf. chapitre IV,
infra
, p. 143), effets qui ne sont pas exactement connus mais qui
semblent compris entre 500 MF et 1 MdF. D'autre part, elle est nettement plus faible que celle constatée sur
les autres grands marchés mondiaux
[45]
. Enfin, elle est imputable pour l'essentiel à un nombre limité de classes
thérapeutiques.
Cependant, cette évolution doit être rapprochée de l'accord signé en juillet 1999 entre le comité économique
du médicament et le syndicat national de l'industrie pharmaceutique, et du début d'un développement
significatif des médicaments génériques. Elle n'est pas inférieure à la moyenne des années précédentes (+ 4,5
% en 1996, +5,5 % en 1997, +8,1 % en 1998 mais y compris la sortie évoquée ci-dessus de certains
médicaments de la "réserve hospitalière"). Les baisses de prix obtenues en 1999 par le comité économique du
médicament ne représentent que 185 MF d'économie en année pleine sur les remboursements.
Le système actuel prévoit que le respect de l’objectif de dépenses de médicaments (2,5 % en 1999) est assuré
par le versement d’une contribution à la charge de l’industrie pharmaceutique, qui se déclenche lorsque
l’objectif est dépassé. Toutefois, les fabricants qui passent une convention avec le comité économique du
médicament versent une ristourne et sont exonérés du paiement de cette contribution. L’évolution des
dépenses de médicaments décrite plus haut montre que ce dispositif de régulation contractuelle, s’il assure des
ressources aux régimes, ne constitue pas à proprement parler un mécanisme d'encadrement des dépenses. La
somme des contributions versées par les laboratoires qui n'ont pas conclu de conventions (75 MF) et des
ristournes acquittées par ceux qui en ont signé une (838 MF) ne représente que 913 MF
[46]
au titre de 1999
(1,2 MdF au titre de 1998), ce qui est très inférieur au dépassement de l'objectif, qui est sans doute compris
entre 2,5 et 3 MdF selon l'estimation de l'effet de l'autorisation de vente en officine de certains médicaments.
Le seuil de déclenchement ne joue donc pas comme un plafond et n'est pas, en conséquence, un véritable
objectif : tout se passe comme si une progression beaucoup plus forte que 2,5 % avait été admise dès le départ.
Au surplus, la contribution et les ristournes versées au titre de 1999 ayant été inférieures à celles acquittées au
titre de 1998, le mécanisme a été sans effet sur la croissance nette des dépenses. La clarté de l'information
fournie au Parlement et des mécanismes mis en oeuvre voudrait que, soit un objectif plus réaliste soit fixé, soit
le mécanisme de la contribution soit revu.
Des progrès apparaissent ainsi indispensables dans les méthodes d'encadrement ou de contrôle de ces trois
postes -indemnités journalières, TIPS et médicaments- qui ont représenté pour le régime général 119 MdF de
dépenses en 1999 et dont l'évolution est particulièrement rapide.
Par contraste avec les soins de ville, le poste hôpitaux publics a augmenté modérément (2,3 %) et s'est situé,
comme en 1998, en deçà de l'objectif (-840 MF), essentiellement en raison d'une croissance plus rapide que
prévu des dépenses restant à la charge des assurés sociaux. Il est vrai que, comme l'a montré la Cour dans son
rapport de septembre 1999, c'est presque par construction que l'enveloppe globale des hôpitaux est respectée.
Le poste des cliniques privées a diminué (-0,6 %), à la suite des mesures prises en 1999 après le dépassement
de leur objectif en 1998 ; alors que leur dépassement avait représenté 511 MF en 1998, elles se situent à 350
MF en deçà de l'objectif en 1999.
Réponse
[42]
La fin de 1998 avait pour sa part été perturbée par des grèves de services postaux.
[43]
La mise en oeuvre dans de bonnes conditions d’une comptabilité en droits constatés (cf.
infra
les
développements consacrés à ce sujet, chapitre IV, p. 143) devrait permettre de mieux apprécier l’effet sur la
trésorerie de ces événements, tout en limitant leur impact sur les évaluations chiffrées des résultats.
[44]
l'effet supplémentaire en année pleine en 1999 de la hausse de la lettre clé C en avril 1998 est estimé à
313 MF.
[45]
Selon IMS, +10 % à fin mars 2000 pour les douze plus grands marchés mondiaux ; +12 % aux USA-
Canada, +10 % en RFA, +8 % au Royaume-Uni à fin 1999.
[46]
La somme de la contribution, des ristournes et de l'effet des baisses de prix est de 1,090 MdF, soit un peu
plus que ce qu'aurait donné la seule application de la contribution à tous les laboratoires.
Section VI :
Les indemnités journalières versées par l'assurance maladie
Parmi les dépenses d'assurance maladie, la Cour a choisi cette année d'étudier les indemnités journalières
(IJ)
[47]
. Le montant de ce poste, qui représente 26,2 MdF pour le régime général, soit de l'ordre de 5,5 % de
l'ensemble de ses dépenses, a en effet fortement augmenté en 1998 et 1999 (de l'ordre de 3 MdF en deux ans).
Cette évolution a d'ailleurs conduit, en 1999, le gouvernement, d'une part à demander à la CNAMTS de
resserrer ses contrôles, et d'autre part à faire voter par le Parlement, dans la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000, une disposition prévoyant que les médecins devront justifier auprès des caisses leurs
prescriptions d'arrêts de travail.
Au-delà de l'analyse de l'évolution récente des indemnités (I), cet examen amène la Cour à constater
l'insuffisance des études et du suivi tant par la CNAMTS que par les autres caisses nationales (II), la
complexité et le caractère parfois inéquitable de la réglementation (III), enfin la faiblesse des contrôles et des
méthodologies diffusées pour les contrôles (IV).
I – L'évolution des dépenses et ses facteurs
Le taux d'évolution des indemnités journalières du régime général était négatif ou très faible jusqu'à 1997. Il
est passé à 6,6 % en 1998 et 5,2 % en 1999 :
1994
1995
1996
1997
1998
1999
Evolution des indemnités journalières
- 0,7
+ 2
- 0,4
+ 0,9
+ 6,6
+ 5,2
Eléments pour décomposer l'évolution des IJ
:
1. Actifs cotisants
+ 0,5
+ 1,7
- 0,5
+ 0,9
+ 1,9
2. Montant moyen des IJ *
+ 1,7
+ 1,7
+ 2,3
+ 1,9
+ 2
+ 1,7
3. Evolution des IJ après
déductions de 1 et 2
- 2,9
- 1,4
- 2,2
- 1,9
+ 2,7
Evolution du nombre de journées indemnisées *
- 2,4
+ 0,3
- 2,7
- 1
+ 4,5
+ 3,5
* L'addition du taux mesurant l'évolution du nombre de journées indemnisées et du taux mesurant celle de leur
montant moyen est bien entendu égale au taux d'évolution des IJ (donc de la dépense totale).
L'évolution des indemnités journalières dans les deux dernières années s'inscrit dans le contexte d'une
augmentation rapide de l'ensemble des prescriptions. Toutefois, l'exacte appréciation de cette inflexion
nécessite de prendre en compte l'augmentation du nombre de salariés susceptibles de bénéficier d'indemnités
journalières, augmentation qui a été nettement plus forte que les années précédentes en raison de
l'amélioration de la situation de l'emploi. De même, il doit être tenu compte de la hausse du montant moyen
des indemnités journalières. Déduction faite de ces deux éléments, 1998 marque certes une accélération, mais
d'une part elle apparaît deux fois et demi plus faible que la hausse brute, d'autre part elle succède à quatre
années de baisse.
La durée moyenne des arrêts de longue durée a augmenté : de 241 jours en moyenne pour les arrêts de six
mois à un an (d'avril 96 à mars 97), elle est passée à 254 d'avril 98 à mars 99. Pour les arrêts de un à trois ans,
elle est passée dans le même temps de 687 à 692 jours.
Pour comprendre ces évolutions, il faut peut-être évoquer l'amélioration de la situation de l'emploi, qui aurait
conduit certains salariés à modifier le comportement qui avait été le leur pendant les années de plus fort
chômage.
Le fait que les hausses en matière d'indemnités journalières soient voisines de celles constatées pour le régime
général dans les deux autres régimes d'assurance maladie où existe une indemnisation des arrêts de travail
(salariés agricoles + 6,3 % en dépenses et + 7 % en nombre en 1998 ; artisans +5,5 % en dépenses) peut
conforter l'idée qu'elles résultent principalement de facteurs économiques et sociologiques généraux.
Pour examiner ces hypothèses et pouvoir agir à bon escient, il serait souhaitable que les responsables de
l'assurance maladie et les autorités de tutelle mènent sur l'évolution de ces dépenses une étude précise et
détaillée qui n'existe pas aujourd'hui.
II – La connaissance et le suivi
Les outils de connaissance et d'analyse sont en effet insuffisants. Le nombre total d'assurés ayant bénéficié
d'un arrêt maladie n'est pas mesuré en continu et n'est pas connu au niveau national : seul est connu le nombre
des arrêts. A ce niveau, local et régional, les nombres d'arrêts et d'assurés ayant eu au moins un arrêt ne
donnent pas lieu à production systématique de statistique.
Si les CPAM ont les moyens informatiques de repérer quand elles le souhaitent les arrêts répétitifs, aucun
suivi systématique n'est organisé pour un repérage plus permanent. De même, aucun repérage systématique
n'est fait des cas où les arrêts répétitifs résultent de prescriptions par plusieurs praticiens
[48]
. L'échantillon
permanent des assurés sociaux (EPAS), utilisé par la CNAMTS pour des études statistiques sur l'assurance
maladie, n'est pas décliné, et ne semble pas déclinable, au niveau régional ; il ne permet donc pas d'analyser
les différences, sans doute significatives, entre régions.
L'insuffisance des outils permanents de suivi n'est pas compensée par des études. Aucune enquête spécifique
n'a été engagée depuis 1993. L'échantillon EPAS n'a été utilisé qu'en 1999 pour deux études, une rétrospective
sur les cinq années précédentes et la seconde sur les caractéristiques des bénéficiaires d’IJ une année donnée.
Les fortes disparités entre régions
[49]
n'ont fait l'objet d'aucune évaluation ni d'une recherche de leurs causes.
Ces lacunes dans la connaissance et le suivi, qui se retrouvent dans les régimes autres que le régime général,
contribuent à expliquer les délais de réaction des caisses nationales à l'inflexion des dépenses constatable au
début de 1998 : ce n'est qu'en février 2000 que la CNAMTS a réagi, de manière d'ailleurs limitée, en signalant
le problème dans sa lettre d'information. De même, la caisse centrale de MSA a peu réagi et ne fait qu'étudier
actuellement les dispositions qui pourraient permettre la mise en place d'un système d'alerte fiable.
III – Une réglementation complexe et parfois inéquitable
La réglementation est très complexe, difficile à appliquer, parfois inéquitable, ce qui conduit à estimer
souhaitable de la revoir.
Pendant les trois premiers jours de l'arrêt de travail, l'assuré social ne perçoit pas d'indemnités journalières. Ce
délai de carence a été institué pour freiner la tentation de demandes abusives de congés maladie. Mais
aujourd'hui, dans de nombreuses branches d'entreprises, les conventions collectives prévoient que l'employeur
prend en charge la rémunération pendant cette période. Le système joue donc en défaveur des salariés
travaillant dans les entreprises, notamment des PME, où il n'existe pas de convention collective prévoyant cet
avantage.
L'aggravation des conditions d'ouverture des droits pour les arrêts supérieurs à six mois est source de
difficultés à la fois pour les assurés et pour la gestion des caisses. Pour les arrêts de moins de six mois, la prise
en charge est subordonnée à l'une des deux conditions suivantes : soit avoir cotisé au cours des six mois
précédents sur un salaire égal à au moins 1019 fois le SMIC horaire, soit avoir effectué au moins 200 h de
travail salarié au cours des trois mois précédents. Au-delà de six mois, l'alternative est plus exigeante : soit
avoir cotisé au cours des douze mois sur un salaire égal à 2030 fois le SMIC horaire, dont la moitié au cours
des six premiers mois, soit avoir effectué au moins 800 h au cours des douze mois précédents, dont 200 au
moins pendant les trois premiers.
A l'expiration des six premiers mois, l'assuré doit donc produire des pièces justificatives complémentaires,
alors que la durée de son arrêt est un indice de la gravité de son état. En outre, compte tenu de la précarité
croissante de l'emploi, l'assuré a souvent travaillé chez plusieurs employeurs, ce qui multiplie le nombre de
pièces justificatives à retrouver pour une période déjà ancienne. La réglementation défavorise ainsi les salariés
qui se trouvent dans la situation la plus précaire.
Pour les salariés les plus favorisés par leur convention collective, la complexité est supprimée par le fait que
l'entreprise continue à verser le salaire et se trouve subrogée au salarié vis-à-vis de la caisse, prenant ainsi en
charge les formalités. Pour compenser ces différences de traitement, certaines caisses ne suspendent pas le
versement de la prestation quand certaines conditions d'ouverture ne sont pas remplies.
Un autre exemple de l'inadaptation de la réglementation est fourni par l'assuré qui est placé en détention
provisoire : même si celle-ci est de courte durée, il perd le bénéfice des prestations en espèces. Là non plus,
certaines CPAM n'observent pas cette règle.
D'autre part, le montant des indemnités journalières est plus faible que l'indemnisation résultant d'autres
régimes de protection sociale : il est au minimum de 3 398 F par mois pour un salarié au SMIC et au
maximum de
7 235 F
[50]
. Dans le régime de l'assurance chômage, le minimum est de
4 498,20 F, et le maximum de 33 288,90 F. Ce décalage pose problème lorsqu'un assuré chômeur tombe
malade ; il devrait alors en effet le déclarer et passer dans le régime des indemnités journalières ; souvent ce
passage n'est pas effectué. Cet état de chose tient d'une part aux difficultés que les institutions éprouvent à
respecter cette règle, d'autre part à la différence d'indemnisation. Un allocataire du RMI perçoit 3 753 F s'il est
marié sans enfant et 5 615 F si le couple a deux enfants, alors que l'indemnité journalière n'augmente qu'à
partir du troisième enfant (elle est majorée d'un tiers). En réalité, pour les salariés les plus favorisés au moins,
l'extension de la protection complémentaire et de la prévoyance diminue fortement la place du système des
indemnités journalières : les "régimes employeurs" et les mutuelles et institutions de prévoyance versaient 14
MdF en 1994 et
16,5 MdF en 1997
[51]
. Leurs prestations ont ainsi augmenté plus vite que les indemnités journalières (+ 17,8 %
contre +2,5 %)
[52]
. D'autre part, l'une des bases du système, qui était une indemnité plus faible que le salaire
pour dissuader les abus, s'est nettement affaiblie.
Pour les CPAM, la gestion est compliquée, d'autant que le nouveau système de traitement informatique
PROGRES, généralisé pour les autres prestations en 1999, n'a pas été étendu aux indemnités journalières.
IV – Les contrôles
La mauvaise connaissance des comportements des assurés et des médecins en matière d'indemnités
journalières contribue, avec la complexité de la réglementation et le manque d'outils de base, à expliquer la
difficulté et la faible intensité des contrôles.
Le délai de 48 h dont bénéficie l'assuré pour envoyer l'arrêt de travail à sa caisse primaire fait que celle-ci n'est
informée que le troisième jour au mieux, ce qui lui rend difficile de réaliser un contrôle au domicile pour les
congés de durée très brève, alors même que les arrêts de moins de 8 jours représentent le quart du nombre des
arrêts. La difficulté est d'autant plus forte que le médecin traitant a pu accorder des autorisations de sortie, ce
qui complique l'organisation du contrôle.
Cette organisation comporte elle-même de nombreuses lacunes.
Comme on l'a vu, il n'existe pas de système permettant un repérage systématique des arrêts répétitifs. Aucune
statistique n'existe au plan national ou régional sur les contrôles, ni sur les suites qui y ont été données, qu'il
s'agisse des entretiens confraternels entre les médecins conseils et les prescripteurs d'arrêts maladie
contestables, ou des contentieux engagés. La caisse nationale recense le nombre de projets de contrôle, mais
sans qu'existent des définitions normalisées des types de projets et de la manière de les décompter : un projet
peut ainsi être aussi bien une action très large concernant un grand nombre de professionnels de santé qu'une
action limitée à quelques prescripteurs ; cette statistique ne constitue donc pas un instrument de pilotage ; la
même remarque vaut au plan régional.
La CNAMTS n'a pas élaboré de méthodologie de contrôle propre aux indemnités journalières. Seules
quelques CPAM en ont mises une en place, notamment pour favoriser un travail en commun entre l'échelon
local du service médical et les services administratifs.
Le délai entre la prescription par le médecin traitant et l'examen du patient est trop long pour des arrêts même
de durée moyenne. Aucune statistique n'a au demeurant été établie depuis 1993 sur le délai moyen, année où il
était de 9,4 jours.
Le nombre de contrôles effectués et des suites qui y sont données est lui-même très faible.
En 1999, l'objectif national était de contrôler 680 médecins, soit moins de 1 % du total (au 1
er
semestre 1999,
350 médecins ont été contrôlés). Le nombre de contrôles n'a pas augmenté depuis 1996, malgré l'augmentation
du nombre d'arrêts de travail constatée depuis le début de 1998.
Les contrôles ne débouchent que sur un faible nombre de contentieux et de sanctions : de la mise en place des
comités médicaux régionaux, qui s'est échelonnée de fin 1996 au début de 1997, jusqu'à la fin de 1998, ces
comités n'ont été saisis que dix fois et n'ont préconisé de sanctions qu'à deux reprises ; les chiffres
correspondants sont respectivement de 1 et 3 au 1
er
semestre 1999.
Les contrôles sont faibles aussi dans les régimes autres que le régime général. Dans celui des non salariés non
agricoles, si la CANAM est, sur le principe, favorable à la mise en place de procédures rigoureuses, avec
convocation de l'assuré, il n'existe par exemple aucune procédure spécifique aux arrêts à répétition.
SYNTHESE
Les caisses nationales n'ont jusqu'ici porté qu'une faible attention aux indemnités journalières.
Dans sa lettre du 6 septembre 1999 au président de la CNAMTS, la ministre de l'emploi et de la solidarité
rappelait que ces prestations ont un rapport étroit avec le contrat de travail, exprimait son souhait que ce
sujet soit évoqué entre les partenaires sociaux gestionnaires de la CNAMTS, et affirmait être prête à examiner
les propositions que le conseil d'administration de cet organisme pourrait formuler. Début juin 2000, le
conseil n'avait pas encore débattu de ce problème, qui n'a figuré à aucun de ses ordres du jour.
Réponse
[47]
Dans son rapport d'octobre 1998 sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour a
examiné certains aspects des dépenses de médicaments, les transports sanitaires, les soins infirmiers, les cures
thermales ; dans celui de septembre 1999, les soins dentaires et le coût de la distribution du médicament.
[48]
Selon l'EPAS, les arrêts de 8,4 % des assurés arrêtés résultent des prescriptions de quatre prescripteurs ou
plus.
[49]
Par exemple, la part des IJ dans le montant des honoraires et prescriptions varie de 9 à 15 %.
[50]
Ce sont respectivement la moitié du SMIC et la moitié du plafond de la sécurité sociale.
[51]
Estimation de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
[52]
+20,9 % pour les régimes employeurs et +11,1 % pour les régimes de prévoyance.
Section VII :
La répartition régionale des enveloppes des établissements de santé et
médicosociaux indemnités journalières versées par l'assurance maladie
I - La campagne budgétaire hospitalière 1999
Au sein de l’objectif prévisionnel des dépenses d’assurance maladie, celui relatif aux établissements
hospitaliers est fixé par arrêté ministériel. Et, chaque année, la direction des hôpitaux dresse un bilan de la
campagne budgétaire relative aux établissements de santé financés par dotation globale. La dotation pour 1999
s'est établie pour la France entière à
266,4 MdF (tableau), soit une progression, hors effets de champ, de 2,6 %. Les mesures salariales (4,4 MdF)
et les mesures particulières pour le personnel médical et non médical (1,4 MdF) représentent l'essentiel de
l'accroissement total (6,8 MdF).
Au-delà de la dotation nationale, le bilan établi par la direction des hôpitaux permet d’appréhender la façon
dont les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) utilisent les crédits qui leur sont alloués. Pour l’année
1999, les ARH avaient, en début d’année, réparti plus de 99,5 % des crédits qui leur avaient été attribués, soit
près de 3 points de plus que l’année précédente. Dès l’approbation de leur budget primitif, les établissement
avaient connaissance des moyens dont ils disposeraient sur l’année de façon à pouvoir prendre l’ensemble des
mesures nécessaires à la bonne exécution des budgets. Compte tenu des engagements pris à l’égard des
établissements, le solde conservé par les ARH n’a guère excédé
400 MF, soit 0,17 % des dotations régionalisées, ce qui est relativement peu pour faire face aux tensions
apparues en cours d’année (seule la Bretagne avait constitué une réserve plus importante représentant 0,8 % de
sa dotation).
Bilan synthétique de la campagne budgétaire hospitalière pour 1999
(en MF)
Métropole
DOM
France entière
Base de référence pour 1999*
253 534,4
6 490,6
260 025
Effets de champ
Accord salarial et GVT
- 459, 7
-
4 222,2
205, 9
- 459,7
4 428,1
Priorités de santé publique et soins
Aide à l’investissement et autres
Mesures personnel non médical
Mesures personnel médical
Total augmentation des moyens
415,0
9,4
448,9
66,7
1 110,4
26,7
299,9
12,6
6 496,0
321,4
424,4
515,5
1 137,1
312,2
6 817,4
Dotation 1999
259 570,7
6 812,0
266 382,8
* Ceci correspond à la dotation, modifiée par effets de champ, de 1998. A cette dotation de base sont d'abord
retranchés des effets de champ en 1999 (1
ère
ligne), puis ajoutés les éléments figurant dans les lignes suivantes
du tableau. Le total de ces augmentations (avant-dernière ligne) diminué des effets de champ s'ajoute à la base
de référence pour obtenir la dotation 1999, qui figure dans la dernière ligne.
Les ARH, en s’appuyant sur le PMSI, sont supposées prolonger au niveau des établissements la politique de
réduction des inégalités menée entre les régions. Les sommes qui y sont consacrées sont faibles, 662 MF en
métropole et 7,5 MF pour les DOM, et en un léger recul par rapport à 1998 : elles ne représentent plus que
0,26 % des dotations réparties au lieu de
0,29 %. Des écarts importants apparaissent, en outre, entre les régions : parmi les mieux dotées, l’Ile-de-
France y consacre 0,84 % de sa dotation, Midi-Pyrénées seulement 0,12 % et le Languedoc-Roussillon
pratiquement rien ; parmi celles qui bénéficient le plus de la péréquation nationale, le Nord Pas-de-Calais
redistribue 0,27 % de sa dotation et la Picardie n’a pas fait de redistribution. Ces différences s’expliquent en
partie par le fait que les écarts entre établissements sont très différents d’une région à l’autre, indépendamment
de la valeur moyenne du point ISA. Enfin, beaucoup d’ARH ont adopté une démarche prudente dans l’attente
de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens qu’elles doivent conclure avec les établissements.
Les limites de cette politique apparaissent encore plus clairement dans le fait que les ARH estiment que plus
de 99 % des dotations sont affectées à la reconduction des budgets. Toutefois, le fait que cette proportion
intègre les mesures nouvelles et les dotations affectées aux priorités définies localement fausse en partie son
appréciation. Le montant affecté aux priorités régionales est estimé à 0,5 % des dotations réparties, mais les
remontées des ARH n’en permettent pas une analyse précise. Les actions de santé publique, avec
240 MF sur un total de 1,2 MdF sont en forte progression - leur montant est 2,5 fois plus important qu’en 1998
- et celles consacrées au renforcement des moyens lié à des politiques d’organisation des soins sont stables, le
renforcement des urgences représentant à lui seul 60 MF. La part consacrée aux surcoûts d’investissement
continue de décroître et n’absorbe plus que 186 MF contre 343 MF deux ans auparavant. Par ailleurs, avec
147 MF, les crédits consacrés à des transferts du sanitaire vers le médico-social ont pratiquement doublé, bien
qu’ils ne concernent que 14 des 21 régions. Midi-Pyrénées y a consacré 46 MF pour financer les maisons
d’accueil spécialisées créées à la suite de la restructuration d’établissements psychiatriques.
II – La dotation hospitalière pour 2000
Pour 2000, l'objectif relatif aux établissements hospitaliers a été fixé par un arrêté ministériel du 13 janvier
2000, pour la France métropolitaine, à
255 651 MF. Corrélativement, l'évolution des dépenses hospitalières encadrées prises en compte pour le calcul
de la dotation globale reste fixée, comme l'an dernier, à 2,5 %, correspondant à un montant de 266 868 MF.
Ce maintien du taux d'évolution permet de faire bénéficier les établissements des effets favorables de la
déformation de la structure des recettes constatées ces deux dernières années. De son côté, par application
d'une augmentation du tarif plafond des soins de longue durée de 2,9 % (à 270,30 F), le montant des dépenses
de soins longue durée a été fixé à 7 852 MF.
Comme les années précédentes, ces dotations ont été arrêtées au vu des résultats de l’enquête annuelle portant
sur les recettes hospitalières destinée à connaître l’évolution des recettes propres des établissements. Alors que
l’augmentation de la part de la dotation globale dans les recettes hospitalières a entraîné des recalages
importants au cours des années passées, les moindres recettes de produits hospitaliers en 1999 devraient être
très faibles (296 MF) et l’équilibre entre les écarts constatés dans les comptes 1998 des établissements ne
devrait pas autoriser de recalage de la dotation globale au budget primitif 2000, sauf cas particulier dûment
justifié. Quant à la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), le ministère estime qu'elle ne
produira pas pleinement ses effets sur la structure des recettes avant 2001 et 2002. Au total, la part de la
dotation globale dans les recettes des budgets primitifs a été considérée comme stable pour 2000.
L’augmentation des dépenses hospitalières encadrées atteint près de 6,5 MdF, soit une somme à peine
supérieure à celle de l’an dernier. Cet accroissement permet globalement de financer l’évolution de la masse
salariale (GVT, extension en année pleine de la hausse des traitements intervenus en 1999, coût de la
réduction du temps de travail dans les établissements privés non lucratifs) et la prise en compte de certaines
priorités de santé publique, notamment la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, la lutte contre les
exclusions, la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme.
La majeure partie des crédits affectés à des financements spécifiques ont été délégués dès l’ouverture de la
campagne 2000 et intégrés aux dotations régionalisées
[53]
. Comme les années précédentes, une part du montant
de l’ONDAM affecté à l’hôpital, représentant 0,26 points de croissance, a été réservée et sera répartie en cours
d’année, soit parce que l’élaboration des actions n’est pas achevée pour des raisons de calendrier législatif et
réglementaire, soit parce que ces actions sont gérées au niveau national sur la base d’un cahier des charges
particulier (circulaire du 26 janvier 2000).
L’évolution moyenne des dotations régionalisées en début d’année en France métropolitaine est ainsi de 2,24
% (2,5 - 0,26), sensiblement plus que l’an dernier (2,04 %). Alors qu’en 1999, l’évolution de la masse
salariale (incluant les effets d’extension en année pleine) et des coûts des mesures statutaires et transversales
(type CNRACL, CSG,…) était supérieure à l’augmentation des dotations régionalisées (2,23 % contre 2,04
%), elle demeure inférieure cette année (2,10 % contre 2,24 %), autorisant par conséquent globalement la
reconduction des moyens existants. Toutefois, du fait de l’effort de péréquation, certaines régions continuent
de recevoir une dotation qui évolue moins vite que le coût des personnels en place.
La répartition de la dotation entre les régions s’est effectuée à partir des mêmes critères que ceux utilisés en
1999 : indice comparatif de mortalité, indicateur de besoins de soins hospitaliers, indicateur d’efficience
économique mesuré à travers la valeur moyenne du point ISA, enfin, prise en compte des flux inter-régionaux.
Cette méthode appelle les mêmes observations que celles formulées dans le rapport au Parlement de l'an
dernier.
L’effort de correction des inégalités reste concentré sur les trois régions les moins dotées, que sont le Poitou-
Charentes, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais. Pour six régions, la dotation évolue moins vite que la
moyenne : l’Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi que la Corse, le Languedoc-
Roussillon et la région Rhône-Alpes. Cette dernière connaît pour la première fois une croissance inférieure à
la moyenne nationale.
Comme les années précédentes, les départements d’outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte
bénéficient globalement d’un objectif de dépenses d’assurance maladie plus soutenu qu’en métropole (+5 %),
destiné à la poursuite du rattrapage des retards sanitaires de ces territoires et à la prise en charge de leurs
surcoûts spécifiques. Les dotations de dépenses hospitalières s’élèvent à 7 061 MF (en MCO) et à 50 MF pour
les soins de longue durée.
A - Premier bilan de la réduction des inégalités entre régions
L’évolution des dotations hospitalières régionalisées a accompagné la légère accélération de la croissance de
l’ONDAM depuis 1997. Hors effets de champ, le taux d’évolution des dotations régionales finales de
dépenses hospitalières (pour la métropole) est passé de 1,06 % en 1997 à 2,56 % en 1999. Sur la même
période, l’évolution de la masse salariale est passée de 0,96 % à 2,23 %. En cumulé sur ces trois ans, la
croissance finale des dépenses hospitalières a été de 5,77 % et celle de la masse salariale de
4,92 %. L’essentiel de la croissance de la dotation hospitalière a donc été absorbé par la progression
tendancielle de la masse salariale.
Toutefois, cette évolution globale a diversement affecté les régions du fait de l’effort de péréquation.
Les trois régions considérées comme prioritaires connaissent une croissance de leur dotation supérieure de 9
% pour Poitou-Charentes et Picardie, de près de 8,5 % pour le Nord-Pas-de Calais. L’écart de croissance entre
la région Ile-de-France, qui connaît l’effort de péréquation le plus important (avec une baisse de 0,13 % sur
trois ans) et celle qui présente le taux de croissance le plus élevé (Poitou-Charentes avec 9,55 %) représente
près de 10 points. Cet écart est porté avec la répartition initiale pour 2000 à 12,5 points. Toutefois, comparée
aux écarts de dépenses par personne hospitalisable dans le secteur public entre les deux mêmes régions qui est
de près de 75 %
[54]
, la réduction des inégalités, bien que significative, demeure modeste.
L’effort de redistribution qui affecte négativement les trois régions les mieux dotées, Ile-de-France, Midi-
Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur, prolongé dans les mêmes conditions en 2000, ne leur permet pas de
couvrir l’accroissement tendanciel de leur masse salariale, l’écart étant toutefois très faible pour ces deux
dernières.
Deux régions, la Corse et Languedoc-Roussillon, connaissent une évolution légèrement inférieure à celle de la
moyenne nationale mais supérieure au rythme de la masse salariale.
Huit régions enregistrent une évolution de leur dotation supérieure de moins d’1,5 points à la moyenne et de
moins de 2 points par rapport à la masse salariale : Alsace, Aquitaine, Bretagne, Champagne-Ardenne,
Limousin, Lorraine, Pays de la Loire et Rhône-Alpes.
Enfin, six régions, Auvergne, Bourgogne, Centre, Franche-Comté, Basse-Normandie, Haute-Normandie, ont
bénéficié d’une croissance de leur dotation supérieure de 1,5 à 2,5 points par rapport à la moyenne, et de 2 à
3,5 points par rapport à celle de la masse salariale.
Compte tenu du fait que les deux derniers groupes de régions présentent des points ISA inférieurs à la
moyenne nationale – cf. le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de
septembre 1999 – souvent même de façon assez sensible, les établissements ne peuvent guère, sauf exception,
dégager de moyens supplémentaires par compression des coûts pour financer les priorités de santé publique.
Sur les trois années sous revue, les crédits accordés au titre de la réduction des inégalités restent pour ces
régions relativement modestes. Ceux-ci sont fléchés et doivent impérativement être intégralement employés à
l’amélioration de la prise en charge de la population de la région, sur la base des priorités de santé publique.
Bien qu'on ait demandé aux ARH de rendre compte de l’utilisation de ces crédits, le ministère n’a pas réalisé,
à ce jour, un bilan des actions conduites dans les régions. Le recul étant aujourd’hui suffisant, il serait
souhaitable qu’à l’avenir un tel bilan soit établi.
B – Les conséquences de l’accord de mars 2000 sur la réduction des inégalités
Le protocole signé avec les organisations syndicales représentatives des personnels de la fonction publique
hospitalière a acté un ensemble de mesures dont l’impact financier sur l’ONDAM est évalué à 489 MF en
2000, auxquelles s’ajoute une enveloppe de 2 MdF hors ONDAM destinée à assurer le financement des
remplacements. Cette enveloppe porte les dépenses autorisées à 267,69 MF. Elle est destinée "à résoudre les
difficultés de fonctionnement qui tiennent à l’insuffisance des possibilités de remplacement des agents
absents, qu’il s’agisse de remplacement des congés de maternité, de maladie, de formation, ou des congés
bonifiés ou pour activité syndicale, ainsi que ceux résultant de la mise en oeuvre des temps partiels". Cette
mesure concerne l'ensemble des établissements de santé (court séjour, soins de suite et de réadaptation,
psychiatrie, long séjour).
Le financement de cette enveloppe est assuré par le budget de l’Etat. L’ONDAM reste par conséquent
inchangé. Cette mesure est pérenne et sera reconduite dans les années à venir.
La progression des dépenses hospitalières des établissements sous dotation globale passe ainsi de 2,5 % à 3,23
%. Elle porte l’augmentation en masse d’une année sur l’autre à près de 8,3 MdF, soit une majoration de
30 % par rapport à la progression initiale. Ce supplément de crédits représente donc un effort très substantiel.
Les crédits correspondants alloués aux établissements sont considérés comme une recette du groupe 3
(recettes subsidiaires). Concernant les crédits pérennes affectés à des dépenses de fonctionnement, la Cour
considère que cette solution tend à minimiser l’évolution des dépenses encadrées par l’ONDAM et fausse la
sincérité de l’objectif fixé par le législateur. Elle demande par conséquent que ces crédits soient réintégrés
dans les recettes du groupe 1 et les dépenses encadrées incluses dans l’ONDAM.
En affectant ce supplément de crédits au financement des remplacements des agents absents, les pouvoirs
publics reconnaissent implicitement la limite de la procédure de régulation budgétaire mise en place depuis
1997 dans le secteur hospitalier. Les tensions apparues dans un certain nombre de régions et d’établissements,
du fait d’une dotation insuffisante pour assurer la reconduction des moyens à effectif constant, résultent en
effet très largement d’économies obtenues sur les crédits affectés habituellement aux remplacements, les plus
faciles à comprimer à court terme. Le caractère pérenne de cette enveloppe, acté dans le protocole d’accord
signé avec les organisations syndicales représentatives du personnel non médical hospitalier, devrait
logiquement entraîner une révision du mécanisme de péréquation. Comme la Cour l’a souligné dans son
dernier rapport, la réduction des différences de coûts entre régions et établissements doit être recherchée dans
le cadre des contrats d’objectifs et de moyens et non par une procédure budgétaire indifférenciée qui s’impose,
certes avec une intensité différente, aux établissements bien gérés comme aux plus coûteux.
La répartition de ce supplément a fait l’objet d’une première répartition entre les régions à hauteur de 1,8
MdF. Elle a été notifiée par une lettre de la ministre de l’emploi et de la solidarité aux directeurs des agences
régionales de l’hospitalisation en date du 8 mars 2000. Le solde de 200 MF sera réparti ultérieurement.
Cette répartition a été effectuée sur la base des effectifs exprimés en équivalent temps plein des établissements
concernés, pondérés dans les DOM des coefficients de majoration des traitements. Par conséquent, elle ne
respecte pas le critère de péréquation qui préside à la répartition des dotations régionales. Le taux de
croissance des dotations hospitalières régionales est ainsi majoré de façon presque uniforme pour toutes les
régions de 0,68 points en moyenne. L’Ile-de-France bénéficie d’une majoration de 0,62 points, et les trois
régions prioritaires, Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Poitou-Charentes respectivement de 0,67, 0,70 et 0,69
points. Si l’effort de péréquation n’est pas remis en cause, cette répartition en atténue la portée (graphique ci-
après).
III - La tarification des prestations des cliniques privées
Avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, les ARH ont désormais la pleine maîtrise de la
fixation des tarifs des établissements privés de santé. L'enveloppe déduite de l'ONDAM pour 2000 a été fixée
à 43,7 MdF. Sur cette base, un accord national a été signé entre l’Etat et les organisations représentatives de
ces établissements le 1er mars 2000, qui fixe à 1,25 % le taux d’évolution moyen des tarifs des cliniques
privées pour la France métropolitaine
[55]
(l’outre-mer fait l’objet d’un traitement particulier qui porte le taux
d’évolution France entière à 1,33 %). Il définit également les taux moyens applicables dans chaque région.
Ces derniers ont été calculés à partir d’une décomposition des prestations entre les disciplines MCO et les
autres prestations (réadaptation, soins de suite, psychiatrie). Le taux applicable aux prestations MCO a été
modulé de façon à réduire progressivement les inégalités de coûts entre régions. Cette modulation, appliquée à
la part MCO dans le total de la base des établissements privés pour 1998, est inversement proportionnelle à
l’écart entre la valeur du point ISA de la région et la valeur nationale métropolitaine. Par contre, faute de
données fiables sur le coût des autres prestations, leur taux d’évolution a été fixé uniformément à 1,25 %.
Seuls les taux d’évolution d'ensemble, c'est-à-dire toutes disciplines confondues, sont strictement opposables
aux régions. Ils se rangent, à l'issue du calcul décrit à l'instant, entre 0,98 % pour l’Ile-de-France et 1,53 %
pour le Poitou-Charentes. Des majorations ciblées sont prévues en faveur de l’obstétrique et de la chirurgie
cardiaque, correspondant respectivement à une enveloppe nationale de 80 MF et de 20 MF. Enfin, l’accord
définit les limites d’évolution des taux que les ARH peuvent appliquer aux établissements de leur ressort.
Ceux-ci ne peuvent être ni diminués de plus de 0,7 points, ni majorés de plus de 40 points par rapport au taux
moyen de la région : par exemple, les taux d'évolution des tarifs des cliniques du Poitou-Charentes doivent
tous être compris entre 1,53 – 0,7 = 0,83 % et 1,53 + 40 = 41,53 %.
IV – L'enveloppe des établissements médico-sociaux
L’objectif prévisionnel des dépenses d’assurance maladie pour les établissements et les services sociaux et
médicosociaux publics et privés a été fixé à 47,2 MdF, selon l’arrêté du 13 janvier 2000. Corrélativement, le
montant total des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales, prix de journée et tarifs
afférents aux prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés est fixé à
50,2 MdF.
Les mesures nouvelles correspondent à des autorisations de création de places.
Pour les personnes handicapées
, la répartition entre les régions des places nouvelles se fait en fonction de la
population potentiellement concernée, à partir des données régionales sur la population par classes d’âge
établies par l'INSEE. Un taux d’équipement est calculé comme le rapport entre le nombre de places existantes
et la population concernée pour affecter ensuite les places supplémentaires au prorata de l'inverse de ce taux
d’équipement. Cette répartition s’effectue dans le cadre du plan pluriannuel de prise en charge des handicaps.
Ce système devrait permettre de résorber les inégalités régionales de dotations en places. Cependant les
calculs sur les besoins ne prennent en compte qu'un
ratio national entre le nombre de personnes handicapées
et la population sans tenir compte des variations régionales des handicaps. Cela suppose implicitement que la
population handicapée se répartit de façon homogène sur le territoire, ce qui n'est pas le cas. Pour affiner le
critère, il faudrait disposer d'indicateurs sur les taux de handicap par région en distinguant plusieurs types de
handicaps. Depuis 1999, la DAS dispose d’indicateurs plus fins sur le nombre de personnes prises en charge
en institutions, notamment sur les flux interrégionaux ou inter départementaux.
Lecture : En Poitou-Charentes, le taux de croissance annuel de la dotation hospitalière a été de 3,18 % par an
de 1997 à 1999. Il était prévu qu'il soit de 3,79% en 2000, et l'accord de mars 2000 l'a porté à 4,48%.
Néanmoins ces informations traduisent des différences d'offre et ne fournissent pas d'indicateurs sur la
prévalence par région.
Par ailleurs, la procédure d’affectation des nouvelles places que ce soit pour les autistes ou pour les personnes
atteintes de traumatisme crânien, se fait par appel d’offre dans chaque département. Il faut, pour être éligible,
que les projets soumis soient passés devant le CROSS et validés par la DDASS, ce qui fait que la mise en
place effective des places ne peut intervenir qu’avec retard. Les crédits sont donc soit partiellement employés
si les places sont créées en cours d’année, soit reportés d’une année sur l’autre. La variation apparente des
crédits ne correspond donc pas à une variation effective des places.
Pour les personnes âgées,
la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 comprend notamment des
mesures nouvelles d'accompagnement de la mise en oeuvre de la réforme de la tarification des établissements
hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ces mesures nouvelles sont destinées à assurer le
financement de places dans les sections de cure médicale (SCM) autorisées avant le 1er janvier 1997, mais qui
n'existaient pas jusqu'à présent faute d'avoir été financées, et à amorcer le financement des "effets
mécaniques" de la réforme de la tarification des EHPAD.
La règle de répartition des nouvelles places pour les personnes âgées dans les établissements médico-sociaux a
changé en 1999. L'ancienne méthode de répartition des mesures nouvelles conduisait au maintien dans certains
départements depuis 1997 de ces places autorisées mais qui n'existaient ouvertes faute de crédits budgétaires.
Désormais, les modalités de répartition des places de SCM sont les suivantes.
Est intégralement réglée la situation des départements dont le taux d'équipement médicalisé (SCM + services
de soins longue durée SSLD) est inférieur à 230 places installées pour 1000 personnes de 85 ans et plus (l'âge
moyen d'entrée en institution des personnes âgées s'établissant à 83 ans, pour les personnes accueillies en 1998
dans un EHPAD). Par contre, la situation des départements dont le taux d'équipement est égal ou supérieur à
230 places installées pour 1000 personnes âgées de 85 ans et plus, et à qui avaient été accordées des
autorisations de création de places de SCM, n'est réglée que pour un tiers de ces places autorisées avant le 1er
janvier 1997 et non financées au 31 décembre 1999
[56]
.
Au total, pour 2000, la répartition des nouvelles places, tant pour les personnes handicapées que pour les
personnes âgées, entraîne une augmentation du taux effectif d’équipement national, mais l’augmentation des
taux d’équipement dans les régions les moins bien dotées est très lente puisqu'elle repose uniquement sur les
dépenses nouvelles. Or, la dotation en reconduction atteint plus de 99 % du total pour chacune des deux sous-
enveloppes.
Seul un très faible pourcentage des dotations régionalisées est donc consacré à la réduction des inégalités.
C'est la conséquence du choix fait au niveau national de donner la priorité dans l’utilisation des dotations à la
reconduction des moyens. D'autre part, toutes les régions sous-dotées bénéficient du rattrapage ; il n’y a pas de
concentration massive des places sur les régions les plus déficitaires.
La réduction des inégalités dans le secteur médico-social ne peut certes être comparée à celle du secteur
hospitalier sous dotation globale. En effet, le problème n'est pas, dans ce cas, de restructurer ou de répartir une
enveloppe constante, mais de répartir la croissance des équipements dans un contexte d'offre insuffisante.
Cependant, les modalités retenues ne réduisent que très lentement l'inégalité sensible entre les régions.
RECOMMANDATIONS
1. S'efforcer de réduire sur quelques années les coûts des établissements hospitaliers dont la valeur du point
ISA est élevée, notamment pour l'Ile-de-France et les établissements de l'AP-HP. Cela suppose la négociation
et la mise en oeuvre de contrats avec les établissements concernés complétant une affectation régionale fondée
sur des règles générales comme actuellement.
2. Intégrer dans l’ONDAM l’enveloppe affectée aux dépenses de personnel de remplacement.
3. Mettre au point des indicateurs régionaux sur la fréquence des handicaps, en distinguant différents types de
handicap.
4. Améliorer les modalités de répartition des deux sous-enveloppes médico-sociales (handicapés ; personnes
âgées) afin de réduire plus rapidement les inégalités entre régions.
Réponse
[53]
Il s’agit des effets d’extension en année pleine d’actions spécifiques engagées en 1999 et des nouvelles
tranches d’actions déjà engagées, des mesures nouvelles relatives à la revalorisation de la carrière des
directeurs d’hôpital, à la rémunération des étudiants en odontologie, à la reprise d’ancienneté des praticiens
hospitaliers, à l’augmentation du taux de cotisation à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL) et au fonds pour l’emploi hospitalier, ainsi que les crédits d’aide à l’investissement pour la
sécurité sanitaire, la dotation incitative à la maîtrise des prescriptions hospitalières exécutées en ville (égale à
0,10 % de la dotation régionale), enfin, les financements nouvellement mis à la charge de l’assurance maladie
(dépenses des centres de dépistage anonyme et gratuit gérés par des établissements de santé, cures de
désintoxication des toxicomanes réalisées en milieu hospitalier)
[54]
Cf. le rapport au Parlement de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la sécurité
sociale.
[55]
Les prestations qui entrent dans l’objectif quantifié national des établissements de santé privés ont été
définies par un décret du 6 janvier 2 000.
[56]
La résorption des places autorisées non financées suivant cette procédure doit être achevée en 2000.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE III
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
Les soldes et leur financement en 1999
Après l’examen des ressources (chapitre I) et celui des dépenses (chapitre II), ce chapitre III est consacré aux
soldes et aux transferts entre régimes.
L’élément marquant de l’année 1999 est le retour à l’équilibre du régime général. La variation du fonds de
roulement, concept traditionnellement retenu par la commission des comptes de la sécurité sociale pour ce
régime, s’établit à 0,2 MdF contre -16,4 MdF en 1998. Le solde courant, autre concept utilisé, est évalué à 1,2
MdF en encaissements-décaissements (contre -18,2 MdF en 1998) et à 3,8 MdF en droits constatés (contre -
9,7 MdF en 1998). L'amélioration est notable dans les trois branches, famille, vieillesse, maladie, même si
cette dernière est encore déficitaire.
L'analyse de ces évolutions est suivie de l'examen de l'application des dispositions de la loi de financement sur
les plafonds de trésorerie, puis des transferts entre régimes de sécurité sociale. A cette occasion sont retracés
les comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV), et notamment de sa seconde section, c'est-à-dire du fonds
de réserve pour les retraites, qui a été créé par la loi de financement pour 1999.
Section I :
Les soldes du régime général
I –Le régime général
Le contexte macro-économique de l’année 1999 a été favorable au rééquilibrage des régimes sociaux : les
recettes bénéficient du dynamisme des revenus ; la progression des dépenses est limitée par la désinflation.
Le déficit du régime général a diminué d’environ 17 MdF en 1999 comme en 1998, passant de 34 MdF en
1997 à un peu plus de 16 MdF l’année suivante et s’annulant en 1999. C'est la première fois depuis dix ans
que le régime général est en équilibre (graphique ci-après). Comptablement, l’amélioration constatée en 1999
est due à un écart de 1,3 points entre l’augmentation des recettes (4,6 %) et celle des dépenses (3,3 %). Le
solde du régime général revient ainsi à un niveau analogue à ceux enregistrés durant la précédente période de
croissance de l’économie française, c'est-à-dire la seconde moitié des années quatre-vingt.
L'amélioration de 1999 a concerné toutes les branches (sauf celle des accidents du travail), mais la branche
maladie est restée déficitaire).
Solde de l’exercice en encaissements/décaissements
(variation du fonds de roulement)*
(en MdF)
1995
1996
1997
1998
1999
Maladie
Accidents du travail et
maladies
professionnelles
Famille
Vieillesse
-39,7
1,1
-38,9
10,2
-35,9
0,2
-9,6
-7,9
-14,4
0,3
-14,5
-5,2
-15,9
1,6
-1,9
-0,2
-9,3
1,0
4,8
3,7
Total régime général
-67,3
- 3,2
5
-33,8
-16,4
0,2
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2000)
* au sens de la commission des comptes de la sécurité sociale. Cette variation du fonds de roulement est une
notion légèrement différente du solde naturel entre encaissements et décaissements calculé à partir des
organismes (cf. tableau suivant) : d’une part elle inclut les opérations en capital ; d’autre part elle intègre
certains retraitements effectués par la direction sociale.
II – Les comptes du régime général et des régimes non salariés en
encaissements/déclassements et en droits constatés
A - Régime général
Les tableaux ci-après sont établis sur la base d’informations comptables définitives pour l’année 1998 et
quasi-définitives pour 1999.
Ces tableaux permettent de mesurer, pour chacune des deux années, l’impact de la méthode de
comptabilisation en droits constatés sur les comptes du régime général. Mais, la plus grande prudence
s’impose si l’on veut analyser les évolutions des soldes entre 1998 et 1999.
Le résultat en droits constatés correspond aux opérations de l’année ou rattachées à l’année dès lors que leur
fait générateur est intervenu au cours de l’exercice. Le résultat en encaissements/décaissements retrace les
opérations payées ou encaissées au cours de l’année.
Les résultats en encaissements/décaissements présentés dans cette partie du chapitre diffèrent de la variation
du fonds de roulement commentée
précédemment pour deux raisons : d’abord, une différence de champ, la
variation du fonds de roulement incluant les opérations en capital, alors
Lecture : La hausse des recettes du régime général a été, en 1999 par rapport à 1998, de 4,6 % ; celles des
dépenses a été de 3,3 %.
qu’elles sont exclues du solde présenté ici ; en second lieu, ce solde découle directement des comptes des
organismes, alors que le fonds de roulement intègre certains retraitements de la direction de la sécurité sociale
(sur ces retraitements
cf. chapitre suivant,
infra
, p. 143).
Solde des opérations courantes du régime général
(en MdF)
Branche
Encaissements / décaissements
Droits constatés
Décaisse-
Encais-
Résultat courant
Charges Produits
Résultat courant
ments
sements
1998
Maladie
596,4
579,3
- 17,1
599,3
584,6
- 14,7
AT / MP *
44,3
45,9
+ 1,6
44,4
47,7
+ 3,3
Famille
255,2
252,2
- 3,0
259,6
258,5
- 1,1
Vieillesse
385,6
385,9
+ 0,3
391,4
394,2
+ 2,8
Total régime général
1 281,5
1 263,3
- 18,2
1 294,7
1 285
- 9,7
1999
Maladie
612,0
603,7
- 8,3
613,1
608,3
- 4,8
AT / MP *
45,5
46,7
+ 1,2
45,6
47,0
+ 1,4
Famille
263,4
267,3
+ 3,9
267,5
269,2
+ 1,7
Vieillesse
399,8
404,2
+ 4,4
406,6
411,6
+ 5,0
Total régime général**
1320,7
1321,9
+ 1,2
1332,9
1336,2
+ 3,3
Source : Comptes des organismes de sécurité sociale
AT/MP : accidents du travail et maladies professionnelles
** Ce total résulte de l’addition des soldes des caisses. Il diffère du total qui figure dans le rapport de la
commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000, pour des raisons qui sont expliquées dans
ce rapport.
Malgré la prudence qui s’impose quant à la comparaison de certaines des données de ce tableau, il apparaît
clairement que les résultats du régime général s’améliorent entre 1998 et 1999 quelle que soit la méthode de
comptabilisation. En droits constatés, le solde passe de –9,7 MdF à
+3,3 MdF, soit une amélioration de 13 MdF ; en termes de caisse, le solde est passé de – 18,2 MdF à +1,2
MdF : l’amélioration excède ici 19 MdF. En 1999 comme pour les années précédentes, le résultat en droits
constatés est meilleur que le résultat en encaissements/décaissements, mais l’écart entre les deux résultats est
bien moindre en 1999 (2,1 MdF) qu’en 1998 (8,5 MdF).
Les différents concepts conduisent à trois estimations du solde du régime général en 1999 :
- solde égal à la variation comptable du fonds de roulement (encaissements/décaissements), estimation de mai
2000 : + 0,2 MdF ;
- solde établi en encaissements/décaissements (y compris opérations en capital et avant retraitement par la
direction de la sécurité sociale) :
+ 1,2 MdF ;
- solde établi en droits constatés : +3,3 MdF.
Ces différents soldes sont établis dans le "champ" de la sécurité sociale retenu par la commission des comptes
de la sécurité sociale. La comptabilité nationale, qui retrace l'ensemble des opérations de l'économie, retient
des concepts et des champs différents. Ces différences et les estimations des recettes, des dépenses et des
soldes auxquelles on parvient dans ce cadre sont présentées en annexe de ce chapitre.
Au-delà de ce constat global, les rapprochements entre les soldes des différentes branches présentés dans le
système encaissement/décaissement et dans le système droits constatés apparaissent difficiles car les critères
de rattachement de certains produits ou charges ont été modifiés en conséquence des travaux de la mission
interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS). Cela explique
que les écarts de solde entre les deux systèmes comptables sont assez dispersés en 1999.
Cela étant, on peut, en se limitant à 1999, commenter les écarts entre les deux types de comptabilisation qui
résultent de la comptabilisation en droits constatés de produits à recevoir, de charges à payer ainsi que de
dotations et de reprises de provision.
S’agissant de la branche maladie, l’écart de + 3,5 MdF entre résultats en droits constatés et en
encaissement/décaissement provient de différences sur les produits (+ 4,6 MdF) et sur les charges (+1,1
MdF).
Pour les produits, les écarts proviennent notamment :
- de l’augmentation des produits à recevoir et des créances au titre des cotisations entre 1998 et 1999 (+2,7
MdF) ;
- d’admission en non valeur, d’annulations de créances et de remises sur créances en matière de cotisations (-
4,2 MdF) ;
- de reprises nettes de provisions pour dépréciation de créances sur cotisations (+3,9 MdF) ;
- de produits à recevoir sur la CSG (+4,1 MdF) dont 3,1 MdF comptabilisé au titre de la régularisation de la
répartition entre les régimes de la CSG 1999 ;
- d’admission en non valeur, d’annulations de créances et de remises sur créances en matière de CSG (-2,2
MdF) ;
- de la diminution des produits à recevoir entre 1998 et 1999, au titre des cotisations prises en charge dans le
cadre des mesures pour l’emploi
(-0,4 MdF), et au titre des cotisations prises en charges dans le cadre de l’aide sociale, notamment mise en
place de la CMU (-1,3 MdF) ;
- d’annulation de provisions sur prestations (+ 1,8 MdF).
Pour les charges, les écarts proviennent notamment :
- d’augmentation des charges à payer sur prestations entre 1998 et 1999 (+0,8 MdF) ;
- des transferts de compensations (+ 0,3 MdF).
S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, l’écart entre les deux méthodes
(+0,2 MdF) provient pour l’essentiel d’une augmentation des produits : augmentation des produits à recevoir
sur cotisations (+0,6 MdF) et reprises nettes de provision pour dépréciation des créances et sur prestations
(+0,2 MdF)
partiellement compensée par des admissions en non valeur, remises et annulations sur créances (-
0,5 MdF). Pour les charges, il faut noter une augmentation des dotations
aux provisions pour prestations (+0,1
MdF).
La Cour observe que les écarts entre les deux méthodes de comptabilisation ont évolué de manière différente
d’un exercice à l’autre. Ils se sont accrus pour la branche maladie (+1,1 MdF), alors qu’ils ont sensiblement
diminué pour la branche accidents du travail (-1,6 MdF). Pour les deux branches, les reprises de provisions sur
créances de cotisations se sont accrues, confirmant un provisionement trop important (cf.
infra
, chapitre
suivant, p. 143), alors que les admissions en non valeur, remises et annulations en matière de cotisations se
maintiennent. Dans la branche maladie, ces mêmes charges concernant la CSG marquent une nette
augmentation en 1999. Les provisions sur prestations ont encore été surévaluées en 1998, et il en a été tenu
compte dans le calcul des provisions 1999 qui ont été minorées par rapport à 1998.
S’agissant de la branche famille, l’écart entre résultat en encaissements/ décaissements et résultat en droits
constatés est de –2,2 MdF.
Les produits sont supérieurs aux encaissements de 1,9 MdF. Les causes principales en sont le calcul de
produits à recevoir au titre des cotisations et des cotisations prises en charge par l’Etat (+ 1,8 MdF).
Les charges, quant à elles, sont supérieures aux décaissements de
4,1 MdF, principalement en raison de la comptabilisation de charges à payer pour 0,8 MdF pour les
prestations, et de provisions pour dépréciation de créances, admission en non valeur et remises sur créances
pour 3,3 MdF.
La branche famille est la seule dont le résultat en droits constatés est dégradé par rapport à celui en
encaissement-décaissement : les charges
1999 sont à un niveau équivalent à celles de 1998, la diminution des
charges à payer sur prestations étant compensée par une augmentation des provisions sur créances et des
admissions en non valeur; par contre, les produits 1999 sont nettement plus faibles en 1998, dus à une révision
à la baisse des produits à recevoir calculés par l’ACOSS.
S’agissant de la branche vieillesse, l’écart entre les deux approches est de + 0,6 MdF qui est la résultante d’un
écart entre encaissements et produits de +7,3 MdF d’une part, et d’un écart entre décaissements et charges de
+6,7 MdF d’autre part.
Pour les recettes, les écarts tiennent à une variation des produits à recevoir sur cotisations de +1,5 MdF, à une
variation des créances sur cotisations de +2,7 MdF, à des reprises de provisions sur rappel de prestations (+1
MdF) et sur restes à recouvrer (+1,8 MdF).
Pour les dépenses, les écarts proviennent surtout des admissions en non valeur, remises et abandon de
créances pour 3,4 MdF, de provisions correspondant aux rappels de prestations rattachées à l’exercice pour 1
MdF, des charges à payer concernant la mensualité des prestations de décembre 1999 payées en janvier 2000
pour 1 MdF, et des ajustements de transferts pour 1,1 MdF.
Dans cette branche, les variations les plus significatives par rapport à 1998 proviennent d’un ajustement à la
baisse des produits à recevoir.
B - Régimes de non salaries
Solde des opérations courantes des régimes non salariés
(en MdF)
Caisses
Encaissements / décaissements
Droits constatés
Décaisse-
ments
Encais-
sements
Résultat courant
Charges
Produits
Résultat courant
CANAM
1998
30,8
30,5
-0,3
32,2
31,4
-0,8
1999
31,8
33
+1,2
34
29,8
-4,2
CANCAVA
1998
14,5
15,0
+0,5
14,3
14,7
+0,4
1999
13,1
19,5
+2
14,4
15,1
+0,8
ORGANIC
1998
14,5
19,5
-0,1
20,5
20,3
-0,2
1999
19,2
21,0
+1,8
19,9
21,8
+1,9
CNAVPL
1998
6,1
6,1
+0,0
6,1
6,1
0,0
1999
6,4
6,5
+0,1
6,4
6,6
+0,1
MSA*
1998
1999
142,1
144,9
141,5
144,4
-0,6
-0,5
148,1
150,3
148,1
150,3
0,0
0,0
Source : comptes des organismes de sécurité sociale
* Les soldes recouvrent les deux régimes : celui des salariés agricoles et celui des exploitants agricoles
Les résultats en encaissements/décaissements et droits constatés pour les régimes de non salariés figurent dans
le tableau précédent :
Malgré la prudence qui s’impose quant à la comparaison de certaines des données du tableau, il apparaît que
les résultats des régimes de non salariés s’améliorent entre 1998 et 1999 dans la méthode encaissements/
décaissements. Par contre, l’évolution du résultat en droits constatés est plus contrastée : amélioration pour la
CANCAVA, l’ORGANIC et la CNAVPL et dégradation pour la CANAM et la MSA.
Le passage de la méthode encaissements/décaissements à la méthode droits constatés conduit à une
amélioration des résultats pour trois caisses (ORGANIC, CNAVPL et MSA) et à une dégradation pour les
deux autres (CANAM et CANCAVA).
S’agissant de la CANAM, l’écart de -5,4 MdF entre résultats en droits constatés et résultats en
encaissements/décaissements provient de mouvements sur les produits (-3,2 MdF) et de mouvements sur les
dépenses (+ 2,1 MdF).
Pour les produits, les écarts proviennent notamment :
- de la différence entre la CSG attribuée selon les arrêtés et la CSG effectivement perçue (-4,3 MdF) ;
- des créances sur cotisations (-0,4 MdF) et des admissions en non valeur sur cotisations (-0,7MdF) ;
- des reprises de provisions sur créances (+1,1 MdF) et des reprises de provisions sur prestations (+1,1 MdF)
Pour les charges, les écarts proviennent notamment :
- de provisions relatives aux prestations (+1,1 MdF) ;
- de provisions pour dépréciations des créances (+0,9 MdF) ;
- d’écarts sur compensation (+ 0,1 MdF).
S’agissant de la CANCAVA, l’écart entre résultat en encaissements/ décaissements et résultat en droits
constatés est de –1,2 MdF.
Le résultat en encaissements/décaissements s’améliore (+1,5 MdF) de 1998 à 1999 pour deux motifs : la
modification de la date de paiement des avantages de vieillesse qui a conduit à ne décaisser que onze mois de
prestations en 1999, l’augmentation conjointe de l’émission des cotisations et du taux de recouvrement qui est
passé de 95,45 % à 96,53 %.
L’aggravation du résultat entre la méthode encaissements/ décaissements et la méthode droits constatés tient
au rattachement à l’exercice 1999 des pensions de décembre qui ne seront payées qu’en janvier 2000, ainsi
qu’à la constatation de provisions pour créances douteuses.
S’agissant de l’ORGANIC, l’écart entre les deux approches est de
+0,1 MdF, résultante d’un écart entre encaissements et produits de +0,7 MdF d’une part, et d’un écart entre
décaissements et charges de +0,8 MdF d’autre part.
Pour les recettes, les écarts tiennent
à une variation des créances sur cotisations de +0,4 MdF et à des reprises
sur provisions de +0,4 MdF.
Pour les dépenses, les écarts proviennent de dotations aux provisions pour prestations et sur créances (+0,3
MdF) et des admissions en non valeur et remises de majorations et pénalités de retard sur cotisations.
S’agissant de la CNAVPL (caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales), l’écart entre
résultat de caisse et résultat en droits constatés est quasi nul.
Le résultat en encaissements/décaissements s’améliore de 0,1 MdF entre 1998 et 1999, d’une part en raison de
l’augmentation des encaissements de cotisations et de l’encaissement de l’apurement de la compensation
nationale 1997 (+0,4 MdF) et d’autre part en raison de l’augmentation des prestations versées et du versement
des acomptes de la compensation nationale (+0,3 MdF).
S’agissant enfin de la MSA, l’écart entre les deux approches est de
+0,5 MdF pour les deux régimes (exploitants et salariés) qui est la résultante d’un écart entre encaissements et
produits de +5,9 MdF d’une part, et d’un écart entre décaissements et charges de +5,4 MdF d’autre part.
RECOMMANDATION
Comme la Cour l'a déjà recommandé dans son rapport de septembre 1999 sur l'application de la loi de
financement de la sécurité sociale, il serait souhaitable de disposer de façon précise des éléments permettant
un passage entre les comptes de la sécurité sociale présentés à la commission des comptes de la sécurité
sociale d’une part et les comptes nationaux et le compte de la protection sociale d’autre part.
Réponse
Section II :
Les mesures relatives à la dette et aux plafonds d’avances de trésorerie
dans la loi de financement
I – La trésorerie de l’ACOSS en 1999
La variation de trésorerie de l’ACOSS a été de +2,8 MdF entre le début et la fin de 1999 (après –22,7 MdF en
1998) : on est passé d’un déficit de
5,0 MdF au 1
er
janvier à un déficit de 2,2 MdF au 31 décembre.
Le compte de l’ACOSS a été déficitaire pendant 83 jours en 1999. Le montant du plafond des avances
autorisées par la convention Etat-ACOSS
(-20 MdF) n’a jamais été dépassé en 1999 ; le point le plus bas, atteint le 11 octobre, s’est établi à –18,8 MdF.
En 1998, le régime général avait été déficitaire pendant 110 jours, dont 7 jours au-delà des 20 MdF.
Compte tenu des incertitudes sur le solde du régime général, un contrat de prêt d’un montant de 9 MdF a été
passé avec la caisse des dépôts et consignations le 7 octobre 1999 en complément des financements déjà
négociés avec elle au titre des avances normales et exceptionnelles, plafonnées à 20 MdF. Cette facilité
supplémentaire n’a finalement pas été utilisée. Au total, au titre de l’exercice 1999, 28 MF d’intérêts débiteurs
ont été retranchés au compte ACOSS.
Le profil saisonnier de la trésorerie de l’ACOSS est modifié par la substitution de la CSG aux cotisations
maladie. Par rapport au passé, il se caractérise désormais par un creux plus prononcé au début de l’automne
(jusqu’à la mi-novembre), suivi d’une amélioration en fin d’année. Ce mouvement est lié pour l’essentiel au
calendrier de reversement à l’ACOSS de la CSG sur les revenus de placement et du capital par les services
fiscaux.
II - la mise en oeuvre des plafonds d’avances de trésorerie
Conformément à la loi organique du 22 juillet 1996, la loi de financement pour 1999 (
article 44)
ratifie le
relèvement du plafond d’avances du régime général intervenu par décret le 26 août 1998. Ce plafond,
initialement fixé à 20 MdF dans la loi de financement pour 1997, avait été porté à 31 MdF pour faire face à la
détérioration de la trésorerie du régime général résultant de l’évolution des dépenses d’assurance maladie et de
la mise en paiement de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire.
A - Les plafonds fixés pour 1999
Pour l’année 1999, la loi de financement
(article 47)
autorise cinq régimes obligatoires de base à "couvrir
leurs besoins de trésorerie par des ressources non permanentes" et fixe les limites des avances auxquelles ils
peuvent recourir : régime général (24 MdF), régime des exploitants agricoles (10,5 MdF), caisse nationale de
retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) (2,5 MdF), caisse autonome nationale de sécurité
sociale dans les mines (CANSSM) (2,3 MdF), fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements
industriels de l’Etat (FSPOEIE) (0,5 MdF).
B - Le relèvement du plafond des avances du régime général
Comme cela avait déjà été le cas en 1998, le gouvernement a recouru à la possibilité, prévue par la loi
organique, de relever le plafond du régime général en cours d’année. La loi organique dispose en effet qu’en
cas d’urgence, les limites fixées par la loi aux avances de trésorerie peuvent être relevées par décret pris en
conseil des ministres après avis du conseil d’Etat. La ratification de ce décret est demandée au Parlement dans
la plus prochaine loi de financement.
Il est apparu au cours de l’été 1999 que le besoin de trésorerie du régime général pourrait dépasser les 24 MdF
dès le début du mois d’octobre.
Un décret a donc été pris le 7 octobre 1999, qui relevait le plafond d’avances du régime général de 24 MF à 29
MdF.
Comme il y était tenu, le gouvernement a déposé au Parlement, le 22 octobre, un rapport présentant les raisons
du dépassement et justifiant l’urgence. Outre une situation du régime général moins favorable que celle prévue
au moment du vote de la loi de financement, le rapport met en avant la majoration de l’allocation de rentrée
scolaire, décidée et annoncée par le gouvernement lors de la conférence famille, qui pèse sur la trésorerie du
régime général dans la mesure où elle est versée par les caisses d’allocations familiales en août pour n’être
remboursée par l’Etat qu’en fin d’année ou au début de l’année suivante, après le vote de la loi de finances
rectificative (cf. à ce sujet, chapitre II,
supra
, p. 89).
La mise en oeuvre du nouveau plafond s’est traduite par un protocole d’accord passé entre l’ACOSS et la
caisse des dépôts et consignations le 7 octobre 1999 (voir ci-dessus). En réalité, la bonne tenue de la trésorerie
de l’ACOSS a, comme cela a été exposé précédemment, rendu sans objet cette extension des possibilités de
recours à des avances de trésorerie.
C - Les autres régimes
En 1999, contrairement à 1998, la CNRACL a utilisé la possibilité qui lui avait été donnée de recourir à des
ressources non permanentes. Ce recours s’est situé en début et en fin d’année, durant au total 21 jours pour un
encours moyen de 813 MF.
Comme les années précédentes, le régime des exploitants agricoles a recouru à des avances temporaires de
trésorerie. Une convention a été passée entre la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et un
syndicat de trois banques, dont le chef de file est le Crédit agricole Indosuez, choisies à l’issue d’une
procédure de mise en concurrence, afin de permettre au régime de bénéficier d’une facilité de crédit pouvant
atteindre 10,5 MdF. L’encours mensuel moyen d’emprunt du BAPSA a en fait atteint son maximum en mai
1999 avec 8,4 MdF. Il s’agit de strictes avances de trésorerie, remboursées avant le 31 décembre et qui ne
peuvent financer un déficit durable.
La caisse des mines (CANSSM) a recouru dans le courant du mois de février 1999 à des avances de trésorerie
pour un montant total de 100 MF.
Le FSPOEIE n’a, en 1999 comme l’année précédente, pas recouru à des avances de trésorerie.
Cette section n'a pas appelé une réponse
Section III :
Les transferts entre régimes de sécurité sociale
Cette section ne fournit pas une présentation exhaustive des nombreux transferts entre régimes de sécurité
sociale. Il donne un coup de projecteur sur trois types de transferts importants : les transferts reçus par le
régime général, les concours du FSV aux régimes d'assurance vieillesse, les transferts de compensation entre
régimes.
I - Les transferts reçus d'autres régimes (autres que le FSV) par le régime général
La CNAMTS reçoit des transferts au titre de l’assurance personnelle et de la couverture des étudiants.
(en MdF)
1997
1998
1999
Transferts reçus* par :
la CNAMTS
la CNAV
la CNAF
6,1
0,6
1,1
6,1
1,0
1,1
6,4
1,0
1,2
Transferts reçus par le régime général
7,8
8,2
8,6
* hors transferts internes au régime général (par exemple le transfert versé par la CNAF à la CNAV au titre de
l'AVPF ne figure pas dans ce tableau).
II - Les comptes du FSV et ses transferts aux régimes d’assurance vieillesse
Le fonds de solidarité vieillesse, institué par la loi du 22 juillet 1993 et régi par un décret du 30 décembre
1993, est un établissement public de l'Etat à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de
la sécurité sociale et du ministre chargé du budget. Il assure le financement d'avantages vieillesse non
contributifs relevant de la solidarité nationale.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé, au sein du FSV, un fonds de réserve pour les
régimes d'assurance vieillesse, afin de consolider les régimes par répartition. Dorénavant, deux missions sont
confiées au FSV. La première concerne les "opérations de solidarité" que le fonds gère depuis sa création ;
depuis 1999, elle est retracée dans la première section du FSV. La seconde mission, retracée dans la seconde
section du FSV, concerne le "fonds de réserve".
Le fonds, comme tous les établissements publics à caractère administratif, établit sa comptabilité selon le
principe des droits constatés. Toutefois, il est nécessaire d'assurer la cohérence entre son compte, ici présenté,
et ceux des régimes vieillesse bénéficiaires de ses versements. Les comptes du régime général et des autres
régimes vieillesse étant retracés, dans ce présent rapport, en encaissements-décaissements, le compte du FSV
l'est également ici
[57]
.
A – La première section
Les transferts du FSV vers l'ensemble des régimes de retraite, et pas uniquement vers le régime général,
s'élèvent à 78,1 MdF en 1999 contre
73,7 MdF en 1998, soit une progression de 6 % (contre 1,7 % seulement en 1998).
L'accélération tient aux dépenses relatives aux cotisations prises en charge au titre des périodes de validation
du chômage et du service national, qui atteignent 42 MdF en 1999, soit une progression de 12,1 % par rapport
à l'année précédente. En réalité, les validations de période de chômage prises en charge par le FSV
interviennent presque seules puisqu'elles s'élèvent à 41,7 MdF. Ce montant inclut 2,9 MdF de prise en charge,
par le fonds, des périodes de chômage dans les DOM pour les années 1994, 1995 et 1996, ainsi que 0,9 MdF
d'amélioration de la prise en charge par le fonds des périodes de chômage non indemnisées, conformément
aux dispositions de
l'article 4
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Un arrêté du 24
décembre 1999 a précisé les modalités d'application de cette dernière mesure : la proportion d'effectifs des
chômeurs non indemnisés à retenir pour la détermination des montants pris en charge par le FSV passe de 25,5
% à 29 % en 1999. L'impact financier de cette mesure est estimé à 900 MF en 1999. En neutralisant l'effet de
ces deux mesures, l'augmentation des dépenses pour validation du chômage aurait été de 3,3 % en 1999.
Le montant des prestations prises en charge par le FSV (minimum vieillesse, majorations de pensions pour
enfants à charge, SASV), s'élève à 35,8 MdF en 1999, soit une diminution de 0,3 % par rapport à l'année
précédente, alors qu'une augmentation de 1,2 % avait été prévue en septembre dernier. Cette moindre dépense
concerne notamment les majorations pour enfant à charge de la CNAV.
L'ensemble des recettes du FSV s'élève, en 1999, à 78,3 MdF, soit une progression de 3,6 % par rapport à
1998, contre 5,3 % l'année précédente. Ces recettes sont constituées :
- De 1,3 points de CSG (63,6 MdF, soit une progression de 4,6 % par rapport à 1998).
- De la taxe sur les boissons, 11,7 MdF, soit une baisse de 2 % par rapport à 1998. Cette baisse résulte de la
suppression, par la loi de finances pour 1999, des droits 406 A du code général : impôts de fabrication
applicable aux produits de parfumerie et de toilette, aux alcools à usage médicamenteux et aux alcools
incorporés dans les produits alimentaires. La perte évaluée pour le FSV est d'environ 330 MF. En l'absence de
cet effet, la taxe sur les boissons aurait augmenté de 0,7 % en 1999.
- De la taxe dite de prévoyance, 2,8 MdF, soit une progression de 5,1 % par rapport à 1998.
Le résultat de l'exercice 1999, encore provisoire, serait quasiment à l'équilibre avec 150 MF d'excédent.
L'excédent cumulé serait de 4,4 MdF à la fin de cette même année.
B – La deuxième section : le fonds de réserve pour les retraites
L'article 2
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un fonds de réserve pour les
retraites, géré par le fonds de solidarité vieillesse, au profit du régime général et des régimes alignés sur celui-
ci (ORGANIC, CANCAVA). Le FSV s'est ainsi vu confier une nouvelle mission qu'il retrace dans sa seconde
section comptable. La loi précisait que les recettes du fonds de réserve étaient constituées par :
- une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de
la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) ;
- tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans les conditions fixées par arrêté des
ministres chargés de la sécurité et du
budget ;
- toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu des dispositions législatives.
Le décret du 22 octobre 1999, d'une part complète la composition du comité de surveillance du FSV par des
représentants des partenaires sociaux, d'autre part comprend des dispositions comptables et budgétaires
nécessaires au fonctionnement de la deuxième section spécifique au fonds de réserve. Le fonds de réserve est
géré dans le cadre d'un budget annexe du FSV et dispose donc d'un compte de résultat et d'un bilan. Les
opérations de trésorerie correspondantes sont retracées dans un compte de disponibilités distinct, ouvert dans
les écritures de l'agence comptable centrale du Trésor
[58]
.
Conformément aux engagements du gouvernement, le fonds de réserve a perçu de l'ORGANIC 2MdF au titre
de la contribution sociale de solidarité en 1999, en application d'un arrêté du 22 octobre 1999. Les produits
financiers du fonds au titre de 1999 se sont élevés à 7 MF.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (
article 16
) fait bénéficier le fonds de réserve de
plusieurs ressources nouvelles.
Il est attribué au fonds de réserve 49 % du produit des prélèvements visés aux articles L. 245-14 et L. 245-16
(il s'agit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital) ; le montant correspondant est estimé en 2000 à
5,6 MdF.
Ce même article précise que la CNAV affecte au fonds de réserve pour les retraites le résultat excédentaire
(dans la comptabilité de droits constatés) de l'exercice clos de chacun des fonds dont elle a la gestion
[59]
.
L'excédent de 1999 en droits constatés communiqué par la CNAV pour la commission des comptes de la
sécurité sociale de mai 2000 s’élève à 5 MdF.
De plus, cet article indique que, le cas échéant, en cours d'exercice, la CNAV pourra affecter au fonds de
réserve un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice, tel que présenté par la
commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du second semestre de ce même exercice. Un
arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget détermine les montants à verser, ainsi
que les dates de versement. Un montant de 2,9 MdF est inscrit à ce titre dans les comptes du fonds de réserve
et du régime général pour 2000.
A partir de 2000, les recettes tirées de la souscription des parts sociales des sociétés locales d'épargne sont
destinées au fonds de réserve ; elles devraient lui apporter un montant de 4,7 MdF en 2000.
Par ailleurs, le point V de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 précise que la
caisse des dépôts et consignations verse, en 2000, sur le résultat net de son activité pour compte propre dégagé
au titre de l'exercice 1999, la somme de 3 MdF au fonds de réserve pour les retraites. Enfin, on prévoit que les
produits financiers du fonds de réserve s'élèveront à 146 MF en 2000.
A ce stade, le montant à reverser de la première section du FSV vers le fonds de réserve des retraites n'est pas
encore déterminé, ce qui explique qu'aucun montant ne soit inscrit à ce titre dans les comptes de la seconde
section du FSV en 2000.
Au total, le fonds de réserve devrait percevoir, en 2000, 21,4 MdF et depuis sa création, ses recettes cumulées
seraient de 23,4 MdF.
III – Les transferts de compensation entre régimes
S’agissant des transferts de compensation entre régimes, l’année 1999 n'est marquée par aucune évolution
d'ampleur. La contribution du régime général s'accroît d'environ 450 MF. Celle de l'Etat reste stable. Le
transfert au profit du BAPSA s'accroît de 700 MF. Les transferts de compensation entre régimes ont été
effectués sur la base des mêmes conventions qu'en 1998.
Transferts globaux de compensation au titre de l’année considérée*
(en MF)
1997
1998
1999
RÉGIMES DE SALARIÉS
Régimes contributeurs
. Régime général
21 333,4
22 782,7
23 254,8
. État
19 924,6
18 954,7
19 006,3
. EGF
1 370,1
1 335,0
1 226,6
. Banque de France
133,6
165,5
152,6
.
RATP
115,1
123,3
219,6
Régimes bénéficiaires
. Mines
-16 803,8
-16 870,6
-17 245,6
. SNCF
-8 320,7
-8 282,9
-8 264,6
. Marins
-2 723,2
-2 873,4
-2 984,9
. SEITA
-228,2
-229,1
-233,7
. Clercs de notaires
-234,4
-93,0
-91,3
SOLDE SALARIÉS
33 746,1
34 591,4
34 845,3
RÉGIMES DE NON SALARIÉS
Régimes contributeurs
. CANAM
3 078,4
3 450,0
3 972,2
. CNAVPL
2 441,6
2 510,2
2 626,9
. CNBF
254,9
273,9
294,4
Régimes bénéficiaires
. BAPSA
-32 214,0
-33 229,9
-33 953,2
. ORGANIC
-4 495,5
-4 647,0
-4 761,1
. CANCAVA
-1 699,5
-1 825,6
-1 917,1
. CAMAVIC
-1 112,0
-1 123,0
-1 107,4
SOLDE NON SALARIÉS
-33 746,1
-34 591,4
-34 845,3
TOTAL DES TRANSFERTS
67 831,3
69 174,5
70 558,9
Source : secrétariat de la commission de compensation
*Ce tableau retrace les évolutions de l’ensemble des transferts versés (absence de signe) ou reçus (signe -) par
les régimes au titre des différentes compensations (vieillesse généralisée et spécifique, maladie bilatérale et
généralisée).
Réponse
[57]
Les montants retracés ici sont issus du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Comme cette dernière procède à quelques corrections (précisément pour rapprocher les montants figurant dans
les comptes du FSV et ceux figurant dans les comptes des régimes bénéficiaires), ces estimations ne
correspondent pas exactement aux comptes publics du FSV, ni en encaissements/décaissements ni en droits
constatés (cf. la réponse du FSV dans le présent rapport).
[58]
Les sommes en question sont placées en pension livrée sur le marché monétaire et en achats de titres
obligataires de maturité résiduelle inférieure à deux ans. Les modalités d'une gestion des réserves plus adaptée
à l'horizon du passif sous forme de gestion déléguée sont en cours de préparation.
[59]
Il est à noter que le régime de retraite des agents de chemins de fer secondaire mentionné à l'article L.
715-1, bien que géré par la CNAV, est un régime spécial. Il n'entre donc pas à ce stade dans le champ du fonds
de réserve ; il est ainsi exclu du dispositif.
Annexe : Les administrations de sécurité sociale dans la
comptabilité nationale
Dans la comptabilité nationale, les "administrations publiques" (APU) sont constituées en trois secteurs :
- les administrations publiques centrales (APUC), c’est-à-dire l’État et les "organismes divers d’administration
centrale" (ODAC) qui sont des organismes financés principalement par l’État ou des impôts nationaux ;
- les administrations publiques locales (APUL), c’est-à-dire les collectivités locales et les "organismes divers
d’administration locale" (ODAL) financés principalement par les collectivités locales ;
- enfin, les "administrations de sécurité sociale" (ASSO) qui comprennent deux sous-secteurs :
.
les régimes d’assurance sociale incluant les régimes obligatoires de sécurité sociale (de base et
complémentaires) et l’assurance chômage, cette dernière n’étant pas dans le champ des comptes de la
commission des comptes de la sécurité sociale ;
.
les "organismes dépendant des assurances sociales" (ODASS) qui couvrent les hôpitaux publics ou
participant au service public, ainsi que les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale mais
dotées d’une comptabilité séparée.
Les comptes nationaux, établis par l’INSEE, ont changé de base : ils sont passés de la base 80 à la base 95
depuis les publications de mai 1999. Les principales modifications touchant les administrations de sécurité
sociale ont, à cette occasion, porté sur les points suivants :
- La comptabilisation des opérations en droits constatés des cotisations et des prestations : dans la base 80,
elles étaient comptabilisées selon le système d’encaissements/décaissements (ce qui est encore le cas pour les
comptes de la sécurité sociale présentés à la commission des comptes de la sécurité sociale).
- L’extension du champ géographique aux départements d’outre-mer (DOM) : dans la base 80, les opérations
des DOM ne figuraient que par le solde des opérations de caisse (c’est encore le cas pour les comptes
présentés à la commission des comptes de la sécurité sociale).
- La révision du contour des cotisations sociales : dans la base 80, on incluait les cotisations prises en charge
par l’État dans les cotisations sociales effectives ; elles figuraient dans les rémunérations versées par les
employeurs. Dans la base 95, ces cotisations prises en charge par l’État sont comptabilisées comme transferts
entre administrations publiques (entre l’État et les administrations de sécurité sociale).
- La révision du contour des régimes de sécurité sociale : le régime de retraite de la SNCF rejoint les autres
régimes particuliers de sécurité sociale, et à l’inverse le régime maladie de la RATP est reclassé en régime
direct d’employeur. Les institutions de retraite complémentaire non obligatoires et les institutions de
prévoyance sortent du champ des régimes d’assurance sociale et rejoignent les mutuelles, dans le secteur des
assurances. Enfin, la gestion de la C3S par l’ORGANIC est isolée du régime proprement dit et a été classée en
ODAC, c’est-à-dire hors du champ du secteur des administrations de sécurité sociale. En comptabilité
nationale, la C3S est donc comptabilisée en ressource des ASSO comme transfert externe et non plus comme
impôt.
Le solde financier des administrations de sécurité sociale et les prélèvements sociaux
Le solde financier présenté en comptabilité nationale est un besoin de financement (après réalisation des
investissements). C’est une différence avec les comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale,
dont le solde est une variation de fonds de roulement. Il y a donc entre les comptes présentés à la commission
des comptes de la sécurité sociale et la comptabilité nationale des différences de champ, mais aussi des
différences conceptuelles (date d’élaboration des comptes, admissions en non-valeur, etc.), qui expliquent
notamment les écarts de chiffres sur le régime général. Ainsi, en 1999, le besoin de financement du régime
général s’élève à 5,2 MdF, alors que les comptes présentés lors de la commission des comptes de la sécurité
sociale de mai 2000 sont excédentaires de 0,2 MdF (c'est la variation du fonds de roulement présentée
supra
dans le chapitre).
Pour la première fois depuis 1991, les administrations de sécurité sociale présentent une capacité de
financement. Elle se monte à 14,6 MdF, alors que l'an dernier elles présentaient un besoin de financement de
9,5 MdF.
Le solde des administrations de sécurité sociale en comptabilité nationale
(Besoin (-) ou capacité (+) de financement en MdF)
1995
1996
1997
1998
1999
(provisoire)
-
Régime général
-65,3
-46,1
-29,9
-18,8
-5,2
-
Assurance chômage
22,2
17,0
-3,6
0,4
9,1
-
Fonds spéciaux
1
1,1
-0,6
0,5
2,4
0,0
-
Régimes complémentaires
-6,5
-9,0
-1,8
6,3
13,3
-
Autres régimes
2
-3,7
-1,0
-3,7
-0,7
0,5
-
Total des régimes
d’assurance sociale
-52,1
-39,8
-38,4
-10,4
17,8
-
Organismes dépendant des assurances sociales (ODASS)
-0,2
-1,0
2,8
0,9
-3,2
-
ADMINISTRATIONS DE
SECURITE SOCIALE
-52,4
-40,7
-35,7
-9,5
14,6
-
En % du PIB
-0,7
-0,5
-0,4
-0,1
0,2
(1) Incluent le fonds de solidarité vieillesse (FSV) depuis 1996. En revanche, la CADES ne fait pas partie des
administrations de sécurité sociale. Elle est classée parmi les "organismes divers d’administration centrale"
(ODAC)
(2) Régimes particuliers de salariés, régimes de non salariés non agricoles et régimes agricoles
Source : Comptes de la nation – base 1995
Le redressement du solde financier des administrations de sécurité sociale est en partie dû à un transfert de
l’État vers l’UNEDIC de 10 MdF, correspondant à la prise en charge par l’État d’un remboursement d’une
tranche d’emprunt. La situation de la plupart des régimes s’est néanmoins améliorée.
La réduction du déficit provient d’une forte hausse des ressources de la sécurité sociale, conjuguée à une
augmentation plus lente des dépenses : les recettes des ASSO ont progressé de 4,3 % en 1999, alors que leurs
dépenses n’ont augmenté que de 3,1 %.
La réduction de la part des dépenses des ASSO dans le PIB est limitée entre 1998 et 1999, mais elle se
poursuit depuis 1996 : 24,5 % (1996), 24,4 % (1997),
24,1 % (1998) et 24,0 % (1999).
La hausse des recettes est essentiellement due à l’augmentation de la masse salariale (c’est sur elle que sont
principalement assises les contributions sociales) et au dynamisme des revenus du patrimoine qui entraîne une
augmentation du produit de la CSG (+5,4 %) et du produit des prélèvements sur les revenus du patrimoine
affectés à la CNAF et la CNAV (+18 %).
Les prélèvements sociaux progressent de 4,8 %, et leur part dans le PIB augmente de 0,3 points.
Prélèvements sociaux (1)
(en % du PIB)
1995
1996
1997
1998
1999
-Cotisations sociales perçues
par les administrations de
sécurité sociale
18,3
18,4
17,8
15,8
16,0
-Impôts et taxes affectés aux
régimes sociaux
2,0
2,0
2,7
4,8
4,9
TOTAL
20,3
20,4
20,5
20,6
20,9
1) Cotisations sociales + impôts et taxes affectés aux administrations de sécurité sociale. Ces prélèvements
incluent les impôts allant au FSV, mais pas à la CADES, laquelle ne fait pas partie des administrations de
sécurité sociale (elle est classée parmi les "organismes divers d’administration centrale"). La CRDS n’est
donc pas prise en compte dans les prélèvements sociaux (mais elle l’est dans l’ensemble des prélèvements
obligatoires).
Comme il l’a déjà été recommandé dans le rapport sur la sécurité sociale de 1999, il serait souhaitable de
- disposer des éléments permettant un passage entre d’une part les comptes nationaux et le compte de la
protection sociale et d’autre part les comptes de la sécurité sociale ;
- présenter chaque année à la commission des comptes de la sécurité sociale de printemps les comptes
nationaux semi-définitifs (et ceux de la protection sociale, lesquels sont des comptes satellites de la
comptabilité nationale), ainsi que ces éléments de passage avec les comptes de la sécurité sociale.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE IV
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
L'Etat des comptes et des études
Les comptes et l'analyse de l'application de la loi de financement, présentés dans les chapitres précédents,
nécessitent pour être bien compris d'être accompagnés d'éléments précisant leur pertinence, leur élaboration,
leur précision. D'autre part, une bonne maîtrise du domaine requiert de disposer d'études descriptives,
explicatives et prescriptives solides. Aussi ce chapitre est-il consacré à analyser quelques points relevant de
ces questions.
Les trois premières sections ont trait au processus d'élaboration des informations comptables. Elles
s'ordonnent chronologiquement. La première étape, l'établissement des comptes des organismes, est
fondamentale. La première section examine la façon dont les organismes ont appliqué depuis 1996 la réforme
consistant à les établir en droits constatés. La deuxième section décrit la deuxième étape du processus, c'est-à-
dire la manière dont, à partir des comptes des organismes, la direction de la sécurité sociale du ministère de
l'emploi et de la solidarité élabore les informations comptables utiles à la commission des comptes de la
sécurité sociale, au Parlement, au citoyen. Enfin, en aval, la troisième section met l'accent sur l'information
précise dont on dispose sur l'encadrement –l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et
les objectifs nationaux quantitatifs (OQN), c'est-à-dire les enveloppes par profession– et le suivi conjoncturel
des dépenses.
Se trouvent ainsi soulignées à nouveau, en dépit des progrès notables que constituent les innovations et
réformes des dernières années, certaines imprécisions des données comptables. En particulier, la réforme des
droits constatés n'a pas été appliquée partout avec rigueur, la qualité des informations fournies par les
organismes est variable, les retraitements faits pour obtenir et présenter les informations comptables en
général, et l'ONDAM en particulier, sont source d'incertitudes.
En annexe du chapitre figure une analyse de l’état des études dans le domaine la sécurité sociale : comment
s’est-on organisé pour les produire, quel est leur apport dans cinq grands domaines, état de santé, famille,
pauvreté, vieillesse, dépendance ? En dépit des progrès indéniables depuis deux ou trois ans, nombre
d’insuffisances demeurent, tant pour préparer les décisions que pour informer nos concitoyens.
Section I :
La mise en oeuvre dans le régime général de la réforme de la
comptabilité selon la méthode des droits constatés
La réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale selon la méthode des droits constatés a été
mise en oeuvre à compter du 1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Le décret du 23 mai
1996 définit l’ensemble des règles applicables afin d’établir des comptes qui donnent une image fidèle des
opérations des organismes de sécurité sociale (en application des règles de prudence, régularité et sincérité des
écritures), et qui permette des consolidations.
La comptabilisation en droits constatés consiste à procéder au rattachement à un exercice des droits et
obligations qui y sont nés, quelle que soit la date de dénouement en trésorerie de l’opération. Ce principe
suppose donc que les faits générateurs soient définis afin d’identifier avec précision la date de naissance de
l’opération. Cela signifie notamment que :
- pour les produits, les cotisations sociales doivent être rattachées à l’exercice au titre duquel elles sont dues et
comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas été encaissées (ainsi pour les régimes de
salariés c’est le versement du salaire qui donne naissance à la créance des URSSAF et à la dette de
l’entreprise) ;
- pour les charges, les prestations maladie, vieillesse, invalidité ou familiales doivent également être rattachées
à l’exercice au titre duquel elles sont dues et comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas
été décaissées.
La Cour a inscrit au programme de travail des COREC et des CODEC, au titre des thèmes de vérification
portant sur l’exercice 1998, les conditions de mise en oeuvre dans les caisses locales, du principe de
comptabilisation en droits constatés prévu par ce décret. Il lui a paru indispensable de compléter les
informations recueillies au plan local par une analyse portant sur les mêmes conditions de mise en oeuvre dans
les organismes nationaux du régime général.
I - Une mise en oeuvre délicate et contrastée dans les caisses de base
A - Une mise en oeuvre progressive liée aux conditions de démarrage
Ainsi que la Cour l’a déjà observé dans ses rapports au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1996 et
de septembre 1997, c’est par une lettre du 20 octobre 1994 que le ministre des affaires sociales, de la santé et
de la ville a invité les organismes de sécurité sociale à adopter le principe des droits constatés pour la
comptabilisation des opérations des gestions techniques. L’entrée en vigueur de cette réforme était fixée au
1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Or, ce n’est qu’après avoir pris cette décision, le 20
octobre 1994, que le ministère des affaires sociales a créé, au sein de la commission des comptes de la sécurité
sociale, un groupe de travail réunissant les administrations de tutelle et les représentants des caisses nationales
du régime général, chargé d’étudier les conditions de mise en oeuvre de la réforme. Même s’il est vrai que des
études avaient été demandées par l’administration aux caisses nationales, elles ne s’étaient pas révélées
conclusives. Le processus habituel de mise en place d’une réforme, à savoir l’étude préalable de la question, la
réflexion sur les modalités techniques en concertation avec l’ensemble des partenaires et la prise de décision
en fonction d’un échéancier raisonnable, n’a donc pas été retenu. On estimait en effet nécessaire de lancer le
mouvement sans courir le risque de rester embourbé dans un dossier très technique, concernant un grand
nombre de partenaires aux objectifs divers, voire parfois contradictoires.
Provisions, charges à payer et produits à recevoir
Les créances certaines acquises par un organisme, imputables à un exercice et pour lesquelles les
pièces justificatives n'ont pas encore établies, sont comptabilisées à la clôture de cet exercice en
produits à recevoir.
Les produits à recevoir concernent essentiellement les cotisations afférentes à
un exercice, mais dont les pièces justificatives ne sont reçues et exploitées qu’au début de l’exercice
suivant. L’évaluation de ces produits peut être réalisée par l’application d’une méthode statistique
suffisamment fiable.
Dès lors qu’il est constaté des dettes nettement précisées quant à leur objet mais dont l’incertitude
porte soit sur le montant, soit sur l’échéance, des
charges à payer
doivent être comptabilisées. Ceci
concerne des situations où l’identification des bénéficiaires de prestation est possible à réaliser et le
montant de la dette envers chacun d’eux peut être évalué avec une précision suffisante. L’écart entre
l’estimation effectuée et les sommes réellement versées doit être le plus réduit possible. A défaut,
une provision pour risques et charges doit être constituée.
Les risques ou charges nettement précisés quant à leur objet et que des événements survenus ou en
cours rendent probables entraînent la constitution de
provisions pour risques et charges
techniques
. Cela permet aux organismes d’intégrer dans le résultat de l’exercice des prestations
dues au titre de cet exercice, et qui seront selon toute probabilité à payer aux assurés mais dont le
montant ne peut être évalué avec exactitude. Le montant de ces provisions s’apprécie généralement
à l’aide d’une méthode statistique faisant référence à des données historiques précises.
Une
provision pour dépréciation des créances douteuses
doit être constituée par les organismes
dès lors que le recouvrement de la créance s’avère incertain. Le montant de cette provision peut être
calculé soit à partir de l’examen de chaque créance, soit à partir d’une estimation statistique, sous
réserve que la méthode arrêtée permette une approximation suffisante retenant comme référence des
créances et des situations de même nature dont les risques de non recouvrement sont identiques.
De ce point de vue, c'est un pari réussi. La réforme a été mise en oeuvre à compter du 1
er
janvier 1996 même si
le décret n’a été pris que le 23 mai 1996. La circulaire interministérielle précisant notamment les conditions de
comptabilisation en fin de gestion des opérations de régularisation (charges à payer, produits à recevoir,
provisions) et invitant les organismes nationaux du régime général à fixer, dans des instructions propres, les
modalités de mise en oeuvre de ces opérations, a été signée le 3 juillet 1996, soit très rapidement après la
publication du décret.
Mais la méthode utilisée a entraîné plusieurs inconvénients que les contrôles des COREC et des CODEC ont
bien mis en lumière, à savoir une compréhension insuffisante des objectifs de la réforme, une formation trop
limitée des personnels et surtout des délais très importants pour la modification des logiciels de comptabilité.
Certes, les caisses nationales du régime général auraient pu mettre à profit les délais écoulés entre le rendu des
conclusions du groupe de travail de la commission des comptes (mi 1995) et la publication du décret du 23
mai 1996 pour préparer les nécessaires adaptations de leur organisation, de leurs méthodes et de leurs
systèmes. Tel n’a pas été le cas. Dès lors, les caisses ne pouvaient que se trouver dans l’impossibilité
matérielle de modifier très rapidement leurs chaînes informatiques afin de les mettre en conformité avec les
nouveaux principes. Aussi la réforme n’a-t-elle pu être mise en place que de manière partielle et progressive.
B - Une information abondante mais une formation insuffisante
Les caisses nationales ont chacune diffusé en 1996 (juillet, août, septembre et décembre pour la CNAMTS,
septembre pour la CNAV, septembre pour la CNAF, septembre et décembre pour l’ACOSS) une ou plusieurs
circulaires précisant à l’attention des caisses de base les règles pratiques de mise en oeuvre des nouvelles
procédures comptables
[60]
.
Les COREC/CODEC ont observé que certaines caisses locales avaient pris l’initiative de compléter la
diffusion de l’information, et ceci sous différentes formes. En revanche, cette information abondante n’a pas
été suffisamment relayée par une formation spécifique des agents de direction comme des personnels des
agences comptables, explicitant les objectifs poursuivis, les enjeux de la réforme et l’intérêt qu’elle représente
en terme d’organisation, d’amélioration des procédures, de réflexion sur les chaînes informatiques et d’outil
d’aide à la gestion. Dans 85 % des caisses contrôlées par les COREC/CODEC, les personnels n’ont pas
bénéficié de la part des caisses nationales d'une formation spécifique expliquant les nouvelles règles
comptables.
La diffusion d’une documentation abondante ne peut suppléer la mise en oeuvre d’une formation qui se doit
d’être adaptée aux personnels et à leur rôle dans le processus comptable. L’enjeu de la réforme n’ayant pas été
expliqué à la plupart des cadres, ceux-ci l’ont ressentie comme une règle supplémentaire imposée, et l’objectif
d’une meilleure restitution des données pour une information plus fiable n’est pas encore pleinement compris.
C - Redéfinir les rôles respectifs du directeur et de
l’agent comptable
Le code de la sécurité sociale (articles D. 253-3 à D. 253-11) définit de manière précise les responsabilités
respectives du directeur et de l’agent comptable des organismes. Elles n’ont pas été modifiées par la nouvelle
réglementation. Mais celle-ci implique inévitablement des formes nouvelles de collaboration.
S’agissant de la branche recouvrement, le provisionnement des créances ne peut être qu’une compétence du
directeur dès lors qu’il assume la responsabilité du recouvrement des cotisations. Les instructions de l’ACOSS
prévoyaient que dans une première étape le directeur procède à un classement des créances afin d’utiliser son
expertise sur la situation des dossiers. Or les COREC/CODEC ont constaté que, dans certaines URSSAF, le
directeur n’intervient ni dans la procédure de provisionnement des créances, ni dans le calcul des produits à
recevoir. L’agent comptable assure la totalité des opérations liées au provisionnement, et seul l’état des
provisions est visé par l’ordonnateur. Une collaboration entre l’ordonnateur et le comptable s’avère
absolument indispensable dans ce domaine, ainsi que le montre l’exemple de certaines URSSAF où les calculs
sont effectués par un statisticien qui dépend du directeur, et les résultats sont validés conjointement par le
directeur et l’agent comptable. Néanmoins, l’automatisation des calculs de provision a pour effet de
"déresponsabiliser" le directeur et l’agent comptable, en contradiction avec l’esprit de la réforme.
Dans l’assurance maladie, les règles sont appliquées de manière plus claire : les provisions relatives aux
prestations sont pour l’essentiel arrêtées et contrôlées par l’agent comptable, les charges à payer et les autres
provisions étant déterminées par le directeur.
D'une façon générale, une coopération entre le directeur et l’agent comptable dans les procédures d’évaluation
des provisions s’impose afin que toutes les informations disponibles soient utilisées et que les évaluations
gagnent en précision sans pour autant retarder les dates de production des comptes.
D - Des outils informatiques encore mal adaptés
L’adaptation des outils informatiques a été diversement mise en oeuvre selon les branches, et au sein d’une
même branche, elle se situe à des stades d’avancement différents.
Au sein des URSSAF, l’application SNV2 n’a pas encore pu être fondamentalement modifiée par l’ACOSS.
Des applications bureautiques légères ont donc été conçues notamment pour le calcul des provisions et des
produits à recevoir. Mais la modification essentielle consistant à permettre la ventilation des produits selon
l’exercice d’origine n’a pas été effectuée, alors même que les informations utiles sont disponibles dans le
système.
Les CAF ont progressivement adopté le logiciel CRISTAL (sur ce sujet, cf. chapitre XII,
infra
, p. 457). Mais
il ne permet pas encore la prise en compte de toutes les informations nécessaires à la comptabilisation des
droits constatés. Il nécessite encore des améliorations puisque le calcul de certaines provisions et le suivi de
leur consommation ne sont pas pris en compte par le système.
Dans les CPAM, un logiciel de calcul des provisions a été élaboré par la CNAMTS. C’est un outil souple
puisqu’il autorise la prise en compte d'éléments issus de particularités locales.
E - Une information dont l’exactitude et la sincérité varient selon les organismes
Avant le 1er janvier 1996, la constatation des produits et des charges dans la comptabilité des organismes
intervenait au moment de leur encaissement ou de leur paiement. Les caisses nationales, dans les instructions
d’application de la réforme, n’ont pas modifié cette comptabilisation mais simplement préconisé des écritures
d’inventaire à la clôture de l’exercice. En effet, compte tenu de la date de sortie des décrets, elles ont dû
prendre rapidement des dispositions pour permettre la mise en oeuvre de la réforme lors de la détermination
des comptes 1996. Dès lors, les écritures de charges et de produits ne sont pas passées en cours d’exercice,
contrairement aux règles du plan comptable général. Il ne sera définitivement remédié à cette situation
provisoire que lorsque le projet de plan comptable élaboré par la mission interministérielle de réforme de la
comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS) et conforme au plan comptable général de 1999,
sera mis en oeuvre.
En pratique, le principe des droits constatés se traduit par le rattachement des charges à l’exercice de naissance
du fait générateur, soit sous forme de charges à payer soit sous forme de provisions, et le rattachement des
produits sous forme de produits à recevoir (encadré ci-après). Le contrôle des organismes exercé par les
COREC/CODEC a permis de constater des situations disparates dans l’application de ces principes de base.
1. Des opérations rattachées à l’exercice de réalisation du fait générateur, mais dont on ne peut
mesurer l’exactitude
S’agissant des caisses d’allocations familiales, l’allocation pour la garde d’enfant à domicile (AGED) et l’aide
à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) ont pour la première fois en 1998
fait l’objet de calcul de charges à payer sur des bases statistiques. Si le recours à une évaluation statistique est
conforme aux principes comptables, la pertinence de cette évaluation n’a pu être mesurée par les vérificateurs
des COREC/CODEC faute de pouvoir identifier avec précision l’origine du fait générateur des versements du
premier trimestre 1999. Cette remarque vaut également pour le calcul des charges à payer inhérentes aux
prestations familiales. En l’absence d’un système informatique fiable ventilant les prestations payées en
fonction de leur fait générateur, il est absolument impossible de confronter cette évaluation avec la réalité de
la charge, et par conséquent, d’apprécier le niveau des charges à payer et de donner un avis sur la justesse des
méthodes adoptées et de leur mise en oeuvre.
2. Des provisions diversement évaluées par les URSSAF, les CPAM
et les CAF
Les URSSAF ont dû procéder, à compter de 1996, au rattachement de l’ensemble des créances acquises à cette
même date et, par suite, constater des provisions pour dépréciation des créances douteuses ou litigieuses. Les
COREC/CODEC ont observé que le calcul de ces provisions est fondé sur une méthode statistique élaborée
par l’ACOSS, dont le principe n’est pas contestable. En revanche sa mise en oeuvre pose problème. Car les
taux de provisionnement calculés sont appliqués de manière indifférenciée à l’ensemble des créances
existantes au 31 décembre, sans distinguer celles qui sont réellement douteuses. Les difficultés réelles de
recouvrement liées à l’ancienneté de la créance, à la situation du débiteur, à la situation économique locale ou
selon les délais accordés, ne sont pas prises en compte. Cette méthode, et par conséquent l’instruction de
l’ACOSS qui l’a instituée, ne sont donc pas conformes aux dispositions de l’article D 253-17-4 du code de la
sécurité sociale
[61]
, ce qui explique que les COREC/CODEC n’aient pas pu se faire produire l’état annexe au
compte financier retraçant le calcul des provisions afin de vérifier les modalités de calcul et leur permanence
au fil des exercices. Les comités ont constaté en outre que cette méthode aboutit à des situations surprenantes
où les provisions sont nettement surévaluées et notamment très supérieures au taux de restes à recouvrer. En
effet, le fait qu’une créance fasse l’objet d’une mise en demeure, d’un simple rappel ou de délais ne signifie
pas que son recouvrement soit impossible ou gravement compromis.
De plus, ces provisions ne font pas l’objet de reprise, sauf dans le cas où la provision évaluée au 31 décembre
d’une année est inférieure à l’évaluation faite au 31 décembre de l’année précédente. Aucun rapprochement
n’est donc effectué entre les charges réellement supportées et l’évaluation de la provision correspondante. Il
conviendrait que les créances douteuses ou litigieuses soient isolées dans le compte spécifique qui leur est
réservé, que la provision soit calculée à partir de celui-ci, tout en affinant la méthode et qu’elle soit rapprochée
des charges effectivement supportées à ce titre au cours de l'exercice ou des exercices postérieurs, afin que les
dispositions du code de la sécurité sociale soient appliquées.
Pour ce qui concerne les gestions techniques, les créances douteuses des CPAM sont composées de prestations
et frais de contentieux à récupérer. Chaque caisse apprécie le seuil de provisionnement en fonction de la
moyenne des créances. Les COREC/CODEC ont observé que l’examen et le provisionnement de ces créances
sont très variables selon les caisses. Seules certaines caisses procèdent correctement : le service contentieux
réalise alors un examen méthodique des créances pour déterminer celles qui doivent faire l’objet d’une
provision. Dans les autres, ou bien le service contentieux ne détermine pas avec exactitude faute d’un suivi
suffisant les créances dont le recouvrement est manifestement compromis ou bien les provisions sont sous-
évaluées voire inexistantes. L’examen précis des créances afin de déterminer celles qui sont susceptibles
d’être inscrites en créances irrecouvrables ou en créances douteuses, comme l’évaluation d’une provision dans
les cas de créances douteuses, sont indispensables afin de donner une image fidèle du bilan des CPAM.
Les seules provisions pour dépréciations constatées dans les CAF concernent les créances prescrites, c'est-à-
dire en droit irrécouvrables (et qui devraient faire l'objet d'une comptabilisation en pertes). En revanche,
l’instruction diffusée par la CNAF n’a pas prévu la comptabilisation de provision pour dépréciation des
créances non prescrites. Or, il apparaît que de nombreux dossiers gérés par les services contentieux devraient
faire l’objet de provision car le recouvrement en est gravement compromis. Les créances douteuses des CAF
devraient donc être isolées dans un compte spécifique et faire l’objet d‘un examen approfondi afin de
déterminer le montant des provisions à constituer.
Le calcul des provisions pour prestations à payer des CPAM a été précisé par circulaire de la CNAMTS
chaque année afin de conduire à un calcul de plus en plus précis et reposant sur une analyse rétrospective des
provisions et de leur utilisation. La tendance du provisionnement dans les CPAM a évolué de la manière
suivante au cours des trois années : la première année (1996) les provisions constituées ont été largement
surévaluées, et ont été très largement supérieures aux dépenses réelles
(+15 % soit près de 4 MdF), la seconde année (1997) les provisions ont été revues à la baisse et cela a eu pour
conséquence une insuffisance de provision (-2 %, soit 0,4 MdF), même s’il a été constaté quelques cas de
surévaluation, enfin la troisième année (1998) les provisions ont été dans le cas général assez proches de la
réalité, même si les COREC/CODEC ont pu observer dans certaines caisses une surestimation supérieure à
celle de 1997 (en moyenne, dans l’ensemble de la branche, la surestimation a été de 4 %, soit 0,8 MdF). Le
recours au tiers payant ou l’utilisation généralisée de SESAM Vitale diminuant le montant des charges à
provisionner devrait conduire à une précision plus grande dans la détermination du résultat.
Bien que le mode de calcul ne soit pas transposable pour d’autres types de provision, la démarche suivie par la
CNAMTS est l’illustration positive de ce qui peut être fait dans ce domaine. En effet, la méthode élaborée
ainsi que le système d’information employé permettent de faire un rapprochement entre le montant de la
provision et les charges réelles qui surviennent au cours de l’exercice suivant. Cette corrélation est
indispensable, et les autres caisses nationales pourraient s’en inspirer dans l’évaluation de leurs provisions et
modifier leurs systèmes informatiques en conséquence.
Dans certains cas, la prise en charge comptable est faite dans plusieurs
branches, ce qui impose une certaine
cohérence. Ainsi, l’AGED et l’AFEAMA versées par les CAF sont calculées à partir des informations
contenues dans les bordereaux trimestriels remis par les employeurs aux URSSAF à l’issue de chaque période.
Le traitement avec retard de bordereaux par certaines URSSAF a conduit des CAF à comptabiliser en 1998
des charges minorées, et par suite des charges à payer également minorées. En 1999, des mises au point entre
les CAF et URSSAF concernées ont permis d’améliorer les transmissions d’information afin d’aboutir à des
évaluations plus pertinentes.
Au-delà de ces différents constats effectués par les CODEC/COREC, il reste à souligner des incohérences
d’ensemble importantes au regard du but ultime qu’est la production de "comptes combinés" (les comptes
combinés sont en réalité des comptes consolidés, mais entre organismes d'un même secteur d'activité qui ne
sont pas détenus par une société mère). S’agissant par exemple de l’AGED et de l’AFEAMA, deux
évaluations sont faites : d’une part, au niveau des URSSAF, sont évalués au 31 décembre des produits à
recevoir concernant les cotisations afférentes aux salaires versés pendant le dernier trimestre de l’année par les
employeurs de nourrice agréée ou de garde à domicile, d’autre part au niveau des CAF, sont évaluées des
charges à payer concernant la prise en charge de tout ou partie de ces mêmes cotisations par ces organismes.
Ces deux évaluations devraient
être fondées sur des bases identiques car se rapportant au même fait
générateur, le versement d’un salaire à une nourrice agréée ou une garde à domicile. Or, dans la pratique, il
n’y a aucune corrélation entre les deux évaluations. L’évaluation des URSSAF est totalement forfaitaire, celle
des CAF à un degré moindre, mais en tout état de cause, à aucun moment elles ne sont rapprochées pour tenter
d’en vérifier la pertinence et la cohérence. Il conviendrait donc que chacun des deux organismes ajuste ses
évaluations en prenant en considération le cas échéant les informations détenues par l’autre afin d’atteindre
une plus grande fiabilité.
3. Une surestimation des produits à recevoir des URSSAF
La nécessité de réduire les délais de production des comptes a conduit l’ACOSS à élaborer une méthode
forfaitaire d’évaluation des produits à recevoir pour l’exercice 1998, déterminée sur la base de 10,44 % des
encaissements 1998 en l’absence de référence initiale. L’adoption de cette méthode permet de déterminer les
produits en cause dès la clôture de l‘exercice. Dans la pratique, l’évaluation s’est révélée très éloignée de la
réalité et a conduit la quasi-totalité des URSSAF à une surestimation des produits à recevoir. Compte tenu des
masses concernées, une incertitude globalement faible, 0,60 %, a conduit à une majoration du résultat de 6
MdF. Pour 1999, l'ACOSS, bien qu'ayant affiné sa méthode, a encore majoré les produits à recevoir de 1,7
MdF. Il lui revient de continuer à améliorer ses méthodes d'évaluation.
II - Une mise en place incomplète dans les caisses nationales du régime général
A - les contrôles des opérations des caisses de base par les caisses nationales sont parfois
insuffisants
Afin de garantir l’homogénéité de la comptabilisation et de la présentation des comptes, les caisses nationales
diffusent pour chaque arrêté des comptes des instructions précises. Les balances contenant les écritures
d’inventaire des caisses remontent vers les caisses nationales qui les agrègent après avoir effectué des
contrôles de cohérence. Ces opérations n’appellent pas de commentaires particuliers.
En revanche, le contrôle des écritures d’inventaire peut soulever quelques difficultés. En effet, la CNAF ne
procède à aucun contrôle des opérations réalisées par les CAF afin de vérifier la mise en oeuvre de la circulaire
sur les droits constatés. Elle n’est donc pas en mesure d’attester de l’exhaustivité des opérations effectuées.
L’ACOSS a procédé, en 1998, à un contrôle exhaustif des produits à recevoir et, par échantillon, des
provisions. En 1999, ce contrôle a porté sur l’ensemble des opérations. Cependant, ce contrôle est purement
formel, car il permet uniquement de détecter des valeurs aberrantes résultant la plupart du temps d’erreurs de
saisie, les formules de calcul étant réalisées nationalement par l’ACOSS elle-même. En revanche, l’ACOSS
n’exerce aucun contrôle sur les autres opérations remontant des URSSAF.
S’agissant de la branche maladie, les CPAM adressent à la caisse nationale un état récapitulatif des provisions,
à l’appui duquel elles doivent fournir les justificatifs du calcul, son analyse et son évolution. La CNAMTS
exerce un contrôle de cohérence afin de juger du réalisme des facteurs retenus, et demande le cas échéant des
précisions, voire des modifications. Ainsi en 1999, une cinquantaine de caisses locales ont modifié leurs
provisions. Enfin, la CNAV procédant elle-même au calcul des provisions pour rappel de prestations a
seulement besoin de vérifier que les CRAM ont bien comptabilisé les montants communiqués.
Ainsi, les contrôles mis en oeuvre sont parfois purement formels, voire inexistants. Il est pourtant
indispensable que les caisses nationales contrôlent les opérations des caisses de base.
B - Des aménagement à apporter à court terme aux circulaires et aux applications
informatiques
Ainsi que cela a été dit plus haut, les circulaires des caisses nationales n’ont pas traité certains sujets qui ont
une influence sur le résultat des caisses de base. D’autres sujets sont à réexaminer. Une réécriture des
différentes instructions est donc indispensable. Tel est le cas de l’ACOSS en ce qui concerne la détermination
des créances douteuses et les modalités de calcul des provisions qui doivent être mises en conformité avec le
code de la sécurité sociale.
Dans la branche famille, en dehors des quelques opérations de rattachement passées par les CAF, auxquelles
est laissée une grande marge d’appréciation pour le calcul des charges à payer, aucune provision pour rappels
n’a été prévue. Les prêts, dont les modalités de traitement ne sont pas évoquées dans la circulaire de la CNAF,
ne font pas l’objet d’une provision pour dépréciation au sens strict. C’est la raison pour laquelle la CNAF
envisage de réécrire une circulaire dont la diffusion est prévue avant la fin de l’année 2000.
De façon analogue, l’instruction de la CNAMTS sur les provisions pour créances douteuses doit être réécrite
avec précision afin d’harmoniser les méthodes mises en oeuvre par les CPAM.
La mise en oeuvre de la réforme doit également se traduire par une nécessaire adaptation des applications
informatiques. Pour la branche famille, la modification du logiciel CRISTAL, afin d’obtenir la ventilation des
rappels entre exercice courant et exercice antérieur, est actuellement en expérimentation et la caisse nationale
espère pouvoir la généraliser pour la fin de l’année 2000. La branche recouvrement a prévu d’améliorer
l’application du recouvrement SNV2 en utilisant des informations figurant dans le système RACINE ou ayant
leur source dans les bordereaux de l’employeur ou la mise en demeure. Les mentions de l’exercice comptable
et de la période de référence permettront ainsi de ventiler les produits par exercice d’origine. Toutefois, le
cahier des charges de cette application n’a pas encore été rédigé et l’ACOSS entend traiter d’abord le passage
à l’euro puis l’harmonisation du plan de comptes. En tout état de cause, la branche recouvrement ne pense pas
mettre en oeuvre ces principes avant le 1
er
janvier 2003 ; si cette date devait être respectée, la Cour observe
néanmoins qu’il aura fallu sept ans à l’ACOSS pour appliquer le décret du 23 mai 1996. Enfin, le nouveau
schéma directeur de la branche vieillesse envisage de dater chaque événement afin de permettre une exacte
ventilation des opérations mais aucun cahier des charges ni calendrier n’ont encore été adoptés.
C - Des principes comptables à respecter
. Des produits et des charges comptabilisés avec retard et parfois en fin d’année
S’agissant des
produits,
les caisses nationales des branches maladie, vieillesse et famille comptabilisent en
cours d’année les encaissements reçus en compte de tiers (classe 4), Mais la comptabilisation du produit
correspondant (classe 7) est reportée aux écritures d’arrêté des comptes après la transmission par l’ACOSS de
la notification des produits, et des produits à recevoir. Plus précisément, les encaissements issus des
répartitions RACINE entre branches sont comptabilisés en produits sur la base de l’état mensuel de répartition
définitive établi par l’agent comptable de l’ACOSS, avec un décalage dans le temps. Les encaissements
directs de l’ACOSS sont comptabilisés en produits dans les écritures de fin d’année. Dans ces conditions, les
caisses nationales, bénéficiaires définitives des produits comptabilisés par l’ACOSS, en raison des très
nombreux ajustements
a posteriori
auxquels elle procède, attendent la fin de l’année pour ne pas prendre le
risque d’avoir à passer des écritures de régularisation. De la sorte, les prescriptions du plan comptable général
de 1999 (comptabilisation au moins mensuelle des produits) ne sont pas respectées.
Pour ce qui concerne les
charges
, la CNAF, notamment pour l’assurance vieillesse des parents au foyer
(AVPF) et l'allocation de parent isolé, procède à une inscription des paiements en compte de tiers en cours
d’année. Ce n’est qu’en fin d’exercice qu’elle comptabilise ces montants en charges. De même, les dotations
versées par la CNAMTS aux caisses de base pour leur permettre d’assurer leurs obligations légales ou
extralégales vis-à-vis de leurs affiliés ne sont pas comptabilisées en charge en cours d’année. Cette opération
est reportée à la clôture de l’exercice.
2. Des incertitudes dans la fiabilité comptable
L’ACOSS établit lors de la clôture des comptes une notification retraçant pour chaque branche les produits et
charges de l’exercice, les encaissements afférents à ces produits et les produits à recevoir. En ce qui concerne
les produits relevant du recouvrement direct de l’ACOSS et selon la nature des encaissements qu’elle a
réalisés, celle-ci n’est pas toujours en possession des éléments lui permettant d’émettre le titre de recettes
autorisant sa comptabilisation en produit. A défaut, les encaissements correspondants sont donc comptabilisés
en produits à recevoir. Il en résulte, dans certains cas, une situation étrange où le montant des produits à
recevoir, évalué au 31 décembre et notifié aux caisses nationales, est supérieur au solde du compte de créance
correspondant, c’est-à-dire le solde à l’ouverture augmenté des produits de l’exercice et des produits à
recevoir et diminué des charges de l’exercice et des encaissements. Pour les transferts entre organismes
(notamment la CSG prélevée sur les revenus de remplacement) pour lesquels les caisses nationales ont conclu
entre elles des conventions, les mêmes décalages existent entre la comptabilisation de l’ACOSS et celle des
caisses nationales.
La CNAMTS, considérant que les notifications de l’ACOSS ne traduisent pas la réalité de certaines opérations
( la taxe automobile, la contribution des laboratoires et les droits de consommation sur les alcools) procède à
une comptabilisation différente. Sont considérés comme étant de réels produits à recevoir les montants inscrits
dans le solde du compte de créances. La différence entre les produits à recevoir notifiés par l’ACOSS et ceux
retenus par la CNAMTS est comptabilisée en produits de l’exercice.
Cette situation n’est pas satisfaisante et pourrait être améliorée. Elle souligne la nécessité d’un véritable
dialogue entre les caisses portant sur le rapprochement des méthodes de comptabilisation. Il revient à cet égard
à l’ACOSS d’établir un guide d’utilisation des écritures et des tableaux qu’elle notifierait aux caisses
dépensières de manière à ce qu’elles sachent comment les exploiter, conformément aux demandes qui lui ont
été faites. Ceci démontre par ailleurs la nécessité de la création d’une instance chargée d’arbitrer et de trancher
des problèmes comptables de cette nature.
3. Les écritures de fin d’exercice
Les produits du recouvrement
Les imperfections de l’application informatique du recouvrement SNV2 ne permettent pas de traiter les
opérations de l’exercice suivant tant que l’arrêté des comptes de l’exercice en cours n’a pas été effectué (le
système ne peut en effet traiter deux exercices en même temps), ni distinguer les produits sur exercice courant
et ceux relatifs aux exercices antérieurs. Malheureusement, la mise en oeuvre de l’application RACINE a
absorbé, selon l’ACOSS, tous les moyens en personnel disponibles, et le système informatique SNV2 n’a pas
évolué. Les caisses attributaires sont particulièrement insatisfaites de ce système, qui ne leur permet pas de
distinguer parmi les créances notifiées au titre de l’exercice celles qui se rattachent à cet exercice et celles qui
se rattachent aux exercices antérieurs.
Les produits à recevoir
En 1996 et 1997, l’ACOSS a notifié aux caisses nationales attributaires les produits pour leur montant réel, la
durée de sa période complémentaire de deux mois permettant la comptabilisation en produits courants des
échéances de cotisations survenues en janvier et février n+1 et se rapportant à n. En 1998, le raccourcissement
des délais d’établissement des comptes l’a conduite à notifier un montant beaucoup plus important de produits
à recevoir, établi sur des bases statistiques. Mais comme on l’a mentionné précédemment, les caisses
nationales ont comptabilisé des montants différents de cette notification. Il existe donc une asymétrie entre les
opérations à laquelle il est nécessaire de remédier.
Les exonérations de cotisations sociales au titre de la politique de l’emploi (et que l’Etat rembourse), qui se
rattachent à 1998 mais qui n’étaient pas encore liquidées au 31 décembre, ont fait l’objet d’une évaluation
pour la première fois à la clôture de cet exercice. Depuis le 1er janvier 1998 et la mise en place du système
RACINE, ces cotisations prises en charge par l’Etat sont traitées, sauf quelques exceptions, par les URSSAF
et non plus par l’ACOSS. Dans cette nouvelle répartition des compétences, les produits à recevoir des mesures
emploi devraient être logiquement évalués et comptabilisés dans les URSSAF. S’agissant d’une évaluation
statistique, le calcul et la comptabilisation ont été faits par l’ACOSS en fonction des prévisions
d’encaissement de janvier 1999. Ce choix a été justifié par la difficulté de procéder dans les URSSAF à une
évaluation la plus précise possible compte tenu de la variété des mesures emploi et de leur complexité. La
centralisation de cette évaluation a paru plus judicieuse à l’ACOSS. La réalité est tout autre : le plan
comptable du recouvrement ne comptabilise pas les exonérations comme un produit. Il est donc impossible de
procéder différemment à l’heure actuelle. Il en sera tout autrement lorsque le plan comptable sera aménagé sur
ce point comme le propose la MIRCOSS.
Le rapprochement effectué à la demande de la Cour entre l’évaluation et les produits effectivement encaissés a
fait apparaître une minoration globale de produit de 6,81 % soit 490 MF, mais dont la part respective varie en
fonction des mesures emploi, les plus délicates à évaluer étant celles qui sont en fin d’application et celles qui
sont en période de montée en charge.
Les charges constatées d’avance
Les CAF versent les allocations aides personnelles au logement (APL accession) mensuellement selon trois
échéances les 5, 10 et 25 du mois. Les aides versées le 25 du mois concernent des faits générateurs qui
peuvent intervenir du 27 du mois au 6 du mois suivant. L’échéance du 25 décembre a donc trait en partie à des
charges à rattacher à l’année suivante. Il convient alors de comptabiliser des charges constatées d’avance afin
de déterminer un résultat comptable en conformité avec les principes des droits constatés. Or, la CNAF n’a
pas prévu cette évaluation. La nouvelle instruction de branche pourrait le cas échéant prendre en considération
cette opération d’inventaire.
Les provisions
La direction de la sécurité sociale et la direction générale de la comptabilité publique ont autorisé à titre
provisoire la diffusion des circulaires de 1996 de l’ACOSS avec toutefois des réserves sur deux points :
évaluation de la provision en retenant le seul critère d’ancienneté et transfert de l’ensemble des créances
existantes à la clôture de l’exercice au compte créances douteuses. Ces réserves ont été renouvelées en 1998.
Néanmoins, l’ACOSS a reconduit les modalités de calcul statistique de ces provisions pour les exercices
comptables 1997, 1998 et 1999, alors même qu’il avait été prévu d’affiner la méthode dès 1997. En 1999
également, des améliorations ont été envisagées afin que le système de calcul prenne en compte le caractère
très récent de la créance (moins de trois mois, plus de trois mois), la présence d’une procédure collective ou
d’une mise en instance d’admission en non valeur, la catégorie de cotisant, la distinction entre restes à
recouvrer sur cotisations et restes à recouvrer sur majorations et pénalités et l’ancienneté de la créance, mais
ces améliorations sont restées à l’état de projet. Il est donc nécessaire que l’ACOSS respecte le décret du 23
mai 1996 et aménage sa circulaire pour ce qui concerne la détermination des créances douteuses et les
modalités de calcul de la provision.
En 1998, la CNAMTS a provisionné, après accord de la DSS un litige de 1,2 MdF concernant la contribution
exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques. En effet, plusieurs laboratoires avaient formé un recours en
annulation devant le Conseil d’Etat en évoquant son illégalité, et les éléments disponibles permettaient de
penser qu’il avait beaucoup de chance d’aboutir. Les laboratoires ont obtenu gain de cause, et en début
d’année 2000, l’ACOSS pour le compte de la CNAMTS a dû procéder au remboursement de cette
contribution.
Il est rappelé compte tenu des observations des CODEC/COREC , que la CNAMTS devrait préciser les
conditions de provisionnement des créances douteuses des CPAM ainsi que l’avait demandé la direction de la
sécurité sociale en 1998, que la CNAF devrait adapter son logiciel CRISTAL de liquidation des prestations
légales pour distinguer les rappels de l’année courante et les rappels concernant des droits ouverts au cours
d’années antérieures et adapter l’instruction de branche pour calculer des provisions pour rappels à payer,
enfin que la CNAV devrait faire évoluer son système d’information afin de rapprocher les rappels
effectivement supportés des montants provisionnés dès lors que les reprises de provision calculées de manière
statistique peuvent ne pas correspondre aux charges réelles.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
La réforme de la comptabilisation en droits constatés des opérations des gestions techniques des organismes
de sécurité sociale constitue une étape indispensable sur la voie d’une comptabilité harmonisée de l’ensemble
des organismes, nécessaire pour permettre au Parlement de contrôler l’exécution comptable des lois de
financement de la sécurité sociale, et au Gouvernement de préparer dans les meilleures conditions ces mêmes
lois de financement tout en bénéficiant des remontées d’informations plus rapides et plus fiables.
Les contrôles effectués par les COREC/CODEC sur les comptes des caisses locales du régime général pour
l’exercice 1998 attestent que celles-ci ont, pour la plupart, appliqué de manière correcte les instructions mises
en place par les caisses nationales. Lorsqu’elles ont été relevées, des défaillances tenaient pour l’essentiel à
l’insuffisance des contrôles exercés par les caisses nationales, à des imprécisions des circulaires nationales et
au défaut de mise à jour des applications informatiques nationales.
Les contrôles ont également permis de constater que les objectifs de la réforme avaient été peu ou pas du tout
explicités par les caisses nationales, que la formation des personnels quels qu’ils soient (les agents de
direction comme les agents des caisses) avait été très insuffisante. Dès lors les organismes n’ont que peu
modifié leur organisation, leurs méthodes de travail et leurs procédures, ne tirant pas parti de l’apport de la
réforme en matière d’aide à la gestion. Il serait à cet égard souhaitable que les conventions d’objectifs et de
gestion (COG) puissent faire référence aux possibilités qu’offre la comptabilisation en droits constatés pour
fixer des objectifs comptablement mesurables (indus, rappels, restes à recouvrer…).
Enfin, les principes généraux de la comptabilité ne sont pas tous respectés, qu’il s’agisse en cours d’exercice
de la comptabilisation des produits et des charges concomitamment aux écritures de dettes et de créances ou,
en fin d’exercice, des écritures de régularisation (produits à recevoir, charges à payer, provisions).
Il est donc tout à fait essentiel, notamment dans la perspective d’une harmonisation de la comptabilité des
organismes de sécurité sociale sur la base des travaux de la MIRCOSS, dont la Cour a rappelé les
objectifs
[62]
, que les applications informatiques soient ou mises à jour ou rénovées pour la date de mise en
oeuvre de cette réforme qui devrait être fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Il apparaît enfin indispensable qu’une instance nationale suive la réglementation du domaine comptable de la
sécurité sociale et formule les propositions d’aménagement nécessaires. La DSS devrait bien entendu être
étroitement impliquée dans cette instance, mais aussi les caisses et d'autres partenaires (direction générale de
la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…). Les moyens dévolus à cette instance devraient être
conséquents
.
On rappelle en effet que la mise en oeuvre dans de bonnes conditions de la comptabilité en droits
constatés, qui ne fera pas disparaître l’intérêt du suivi régulier des opérations d’encaissements et de
décaissements, est essentielle pour rendre les résultats indépendants d’événements conjoncturels et pour
apprécier la manière dont les organismes gèrent leurs droits et leurs créances.
RECOMMANDATIONS
1. L’ACOSS doit se fixer comme tâche prioritaire la rénovation de son application informatique SNV2 afin de
procéder au rattachement correct des produits à l’exercice et au suivi comptable par exercice. Elle doit
rédiger un guide d’utilisation de ses notifications de fin d’année. Elle doit adopter un mode de
provisionnement des créances douteuses conforme au code de la sécurité sociale.
2. A l'appui de chaque encaissement effectué par l'ACOSS, les différents organismes versants doivent fournir
un document précis permettant à la caisse d'effectuer la comptabilisation concomitante en produit.
3. Les caisses nationales doivent améliorer leurs procédures sur les points suivants :
- rappeler aux ordonnateurs et aux comptables leurs responsabilités respectives en matière de définition des
provisions et leur permettre de les exercer ;
- coordonner et harmoniser leurs écritures comptables en cas de divergence sur opérations réciproques ;
- intensifier leurs opérations de contrôle des centralisations comptables.
4. Les caisses "dépensières" doivent procéder à des aménagements sur les points suivants:
la CNAMTS doit préciser ses instructions aux CPAM sur le provisionnement des créances douteuses ;
la CNAF doit aménager son logiciel CRISTAL pour mieux prendre en compte les indus et les rappels et
préciser ses instructions en matière de reprise de charges à payer, de rattachement des produits et de calcul
des provisions sur créances douteuses ;
la CNAV doit aménager ses applications informatiques pour mieux traiter comptablement les rappels.
5. Les tutelles et les caisses nationales doivent s’assurer que :
- les améliorations à apporter à la comptabilité en droits constatés dans les organismes fassent partie des
conventions d'objectifs et de gestion ;
- le suivi des objectifs figurant dans les COG s’appuie sur des données issues de la comptabilité des
organismes dès lors qu’elle est tenue en droits constatés.
6. Le suivi de la réglementation comptable des organismes de sécurité sociale doit être confié à une instance
nationale regroupant la direction de la sécurité sociale, les caisses et les autres administrations et institutions
concernées (direction générale de la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…).
Réponse
[60]
Elles diffusent par ailleurs en fin d’année une circulaire destinée à l’arrêté des comptes. C’est l’occasion
de réaffirmer les principes et le cas échéant de modifier ou affiner les règles précédemment adoptées et qui
s'appliquaient aux exercices antérieurs.
[61]
Cet article prévoit l'évolution de la provision en fonction de la situation particulière des débiteurs de
cotisations, éventuellement au moyen d'une estimation forfaitaire retenant comme référence des créances et
situations de même nature, dont les risques de non-recouvrement sont identiques.
[62]
Cf. le rapport au Parlement sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre
1999.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE IV
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
L'Etat des comptes et des études
Les comptes et l'analyse de l'application de la loi de financement, présentés dans les chapitres précédents,
nécessitent pour être bien compris d'être accompagnés d'éléments précisant leur pertinence, leur élaboration,
leur précision. D'autre part, une bonne maîtrise du domaine requiert de disposer d'études descriptives,
explicatives et prescriptives solides. Aussi ce chapitre est-il consacré à analyser quelques points relevant de
ces questions.
Les trois premières sections ont trait au processus d'élaboration des informations comptables. Elles
s'ordonnent chronologiquement. La première étape, l'établissement des comptes des organismes, est
fondamentale. La première section examine la façon dont les organismes ont appliqué depuis 1996 la réforme
consistant à les établir en droits constatés. La deuxième section décrit la deuxième étape du processus, c'est-à-
dire la manière dont, à partir des comptes des organismes, la direction de la sécurité sociale du ministère de
l'emploi et de la solidarité élabore les informations comptables utiles à la commission des comptes de la
sécurité sociale, au Parlement, au citoyen. Enfin, en aval, la troisième section met l'accent sur l'information
précise dont on dispose sur l'encadrement –l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et
les objectifs nationaux quantitatifs (OQN), c'est-à-dire les enveloppes par profession– et le suivi conjoncturel
des dépenses.
Se trouvent ainsi soulignées à nouveau, en dépit des progrès notables que constituent les innovations et
réformes des dernières années, certaines imprécisions des données comptables. En particulier, la réforme des
droits constatés n'a pas été appliquée partout avec rigueur, la qualité des informations fournies par les
organismes est variable, les retraitements faits pour obtenir et présenter les informations comptables en
général, et l'ONDAM en particulier, sont source d'incertitudes.
En annexe du chapitre figure une analyse de l’état des études dans le domaine la sécurité sociale : comment
s’est-on organisé pour les produire, quel est leur apport dans cinq grands domaines, état de santé, famille,
pauvreté, vieillesse, dépendance ? En dépit des progrès indéniables depuis deux ou trois ans, nombre
d’insuffisances demeurent, tant pour préparer les décisions que pour informer nos concitoyens.
Section I :
La mise en oeuvre dans le régime général de la réforme de la
comptabilité selon la méthode des droits constatés
La réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale selon la méthode des droits constatés a été
mise en oeuvre à compter du 1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Le décret du 23 mai
1996 définit l’ensemble des règles applicables afin d’établir des comptes qui donnent une image fidèle des
opérations des organismes de sécurité sociale (en application des règles de prudence, régularité et sincérité des
écritures), et qui permette des consolidations.
La comptabilisation en droits constatés consiste à procéder au rattachement à un exercice des droits et
obligations qui y sont nés, quelle que soit la date de dénouement en trésorerie de l’opération. Ce principe
suppose donc que les faits générateurs soient définis afin d’identifier avec précision la date de naissance de
l’opération. Cela signifie notamment que :
- pour les produits, les cotisations sociales doivent être rattachées à l’exercice au titre duquel elles sont dues et
comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas été encaissées (ainsi pour les régimes de
salariés c’est le versement du salaire qui donne naissance à la créance des URSSAF et à la dette de
l’entreprise) ;
- pour les charges, les prestations maladie, vieillesse, invalidité ou familiales doivent également être rattachées
à l’exercice au titre duquel elles sont dues et comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas
été décaissées.
La Cour a inscrit au programme de travail des COREC et des CODEC, au titre des thèmes de vérification
portant sur l’exercice 1998, les conditions de mise en oeuvre dans les caisses locales, du principe de
comptabilisation en droits constatés prévu par ce décret. Il lui a paru indispensable de compléter les
informations recueillies au plan local par une analyse portant sur les mêmes conditions de mise en oeuvre dans
les organismes nationaux du régime général.
I - Une mise en oeuvre délicate et contrastée dans les caisses de base
A - Une mise en oeuvre progressive liée aux conditions de démarrage
Ainsi que la Cour l’a déjà observé dans ses rapports au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1996 et
de septembre 1997, c’est par une lettre du 20 octobre 1994 que le ministre des affaires sociales, de la santé et
de la ville a invité les organismes de sécurité sociale à adopter le principe des droits constatés pour la
comptabilisation des opérations des gestions techniques. L’entrée en vigueur de cette réforme était fixée au
1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Or, ce n’est qu’après avoir pris cette décision, le 20
octobre 1994, que le ministère des affaires sociales a créé, au sein de la commission des comptes de la sécurité
sociale, un groupe de travail réunissant les administrations de tutelle et les représentants des caisses nationales
du régime général, chargé d’étudier les conditions de mise en oeuvre de la réforme. Même s’il est vrai que des
études avaient été demandées par l’administration aux caisses nationales, elles ne s’étaient pas révélées
conclusives. Le processus habituel de mise en place d’une réforme, à savoir l’étude préalable de la question, la
réflexion sur les modalités techniques en concertation avec l’ensemble des partenaires et la prise de décision
en fonction d’un échéancier raisonnable, n’a donc pas été retenu. On estimait en effet nécessaire de lancer le
mouvement sans courir le risque de rester embourbé dans un dossier très technique, concernant un grand
nombre de partenaires aux objectifs divers, voire parfois contradictoires.
Provisions, charges à payer et produits à recevoir
Les créances certaines acquises par un organisme, imputables à un exercice et pour lesquelles les
pièces justificatives n'ont pas encore établies, sont comptabilisées à la clôture de cet exercice en
produits à recevoir.
Les produits à recevoir concernent essentiellement les cotisations afférentes à
un exercice, mais dont les pièces justificatives ne sont reçues et exploitées qu’au début de l’exercice
suivant. L’évaluation de ces produits peut être réalisée par l’application d’une méthode statistique
suffisamment fiable.
Dès lors qu’il est constaté des dettes nettement précisées quant à leur objet mais dont l’incertitude
porte soit sur le montant, soit sur l’échéance, des
charges à payer
doivent être comptabilisées. Ceci
concerne des situations où l’identification des bénéficiaires de prestation est possible à réaliser et le
montant de la dette envers chacun d’eux peut être évalué avec une précision suffisante. L’écart entre
l’estimation effectuée et les sommes réellement versées doit être le plus réduit possible. A défaut,
une provision pour risques et charges doit être constituée.
Les risques ou charges nettement précisés quant à leur objet et que des événements survenus ou en
cours rendent probables entraînent la constitution de
provisions pour risques et charges
techniques
. Cela permet aux organismes d’intégrer dans le résultat de l’exercice des prestations
dues au titre de cet exercice, et qui seront selon toute probabilité à payer aux assurés mais dont le
montant ne peut être évalué avec exactitude. Le montant de ces provisions s’apprécie généralement
à l’aide d’une méthode statistique faisant référence à des données historiques précises.
Une
provision pour dépréciation des créances douteuses
doit être constituée par les organismes
dès lors que le recouvrement de la créance s’avère incertain. Le montant de cette provision peut être
calculé soit à partir de l’examen de chaque créance, soit à partir d’une estimation statistique, sous
réserve que la méthode arrêtée permette une approximation suffisante retenant comme référence des
créances et des situations de même nature dont les risques de non recouvrement sont identiques.
De ce point de vue, c'est un pari réussi. La réforme a été mise en oeuvre à compter du 1
er
janvier 1996 même si
le décret n’a été pris que le 23 mai 1996. La circulaire interministérielle précisant notamment les conditions de
comptabilisation en fin de gestion des opérations de régularisation (charges à payer, produits à recevoir,
provisions) et invitant les organismes nationaux du régime général à fixer, dans des instructions propres, les
modalités de mise en oeuvre de ces opérations, a été signée le 3 juillet 1996, soit très rapidement après la
publication du décret.
Mais la méthode utilisée a entraîné plusieurs inconvénients que les contrôles des COREC et des CODEC ont
bien mis en lumière, à savoir une compréhension insuffisante des objectifs de la réforme, une formation trop
limitée des personnels et surtout des délais très importants pour la modification des logiciels de comptabilité.
Certes, les caisses nationales du régime général auraient pu mettre à profit les délais écoulés entre le rendu des
conclusions du groupe de travail de la commission des comptes (mi 1995) et la publication du décret du 23
mai 1996 pour préparer les nécessaires adaptations de leur organisation, de leurs méthodes et de leurs
systèmes. Tel n’a pas été le cas. Dès lors, les caisses ne pouvaient que se trouver dans l’impossibilité
matérielle de modifier très rapidement leurs chaînes informatiques afin de les mettre en conformité avec les
nouveaux principes. Aussi la réforme n’a-t-elle pu être mise en place que de manière partielle et progressive.
B - Une information abondante mais une formation insuffisante
Les caisses nationales ont chacune diffusé en 1996 (juillet, août, septembre et décembre pour la CNAMTS,
septembre pour la CNAV, septembre pour la CNAF, septembre et décembre pour l’ACOSS) une ou plusieurs
circulaires précisant à l’attention des caisses de base les règles pratiques de mise en oeuvre des nouvelles
procédures comptables
[60]
.
Les COREC/CODEC ont observé que certaines caisses locales avaient pris l’initiative de compléter la
diffusion de l’information, et ceci sous différentes formes. En revanche, cette information abondante n’a pas
été suffisamment relayée par une formation spécifique des agents de direction comme des personnels des
agences comptables, explicitant les objectifs poursuivis, les enjeux de la réforme et l’intérêt qu’elle représente
en terme d’organisation, d’amélioration des procédures, de réflexion sur les chaînes informatiques et d’outil
d’aide à la gestion. Dans 85 % des caisses contrôlées par les COREC/CODEC, les personnels n’ont pas
bénéficié de la part des caisses nationales d'une formation spécifique expliquant les nouvelles règles
comptables.
La diffusion d’une documentation abondante ne peut suppléer la mise en oeuvre d’une formation qui se doit
d’être adaptée aux personnels et à leur rôle dans le processus comptable. L’enjeu de la réforme n’ayant pas été
expliqué à la plupart des cadres, ceux-ci l’ont ressentie comme une règle supplémentaire imposée, et l’objectif
d’une meilleure restitution des données pour une information plus fiable n’est pas encore pleinement compris.
C - Redéfinir les rôles respectifs du directeur et de
l’agent comptable
Le code de la sécurité sociale (articles D. 253-3 à D. 253-11) définit de manière précise les responsabilités
respectives du directeur et de l’agent comptable des organismes. Elles n’ont pas été modifiées par la nouvelle
réglementation. Mais celle-ci implique inévitablement des formes nouvelles de collaboration.
S’agissant de la branche recouvrement, le provisionnement des créances ne peut être qu’une compétence du
directeur dès lors qu’il assume la responsabilité du recouvrement des cotisations. Les instructions de l’ACOSS
prévoyaient que dans une première étape le directeur procède à un classement des créances afin d’utiliser son
expertise sur la situation des dossiers. Or les COREC/CODEC ont constaté que, dans certaines URSSAF, le
directeur n’intervient ni dans la procédure de provisionnement des créances, ni dans le calcul des produits à
recevoir. L’agent comptable assure la totalité des opérations liées au provisionnement, et seul l’état des
provisions est visé par l’ordonnateur. Une collaboration entre l’ordonnateur et le comptable s’avère
absolument indispensable dans ce domaine, ainsi que le montre l’exemple de certaines URSSAF où les calculs
sont effectués par un statisticien qui dépend du directeur, et les résultats sont validés conjointement par le
directeur et l’agent comptable. Néanmoins, l’automatisation des calculs de provision a pour effet de
"déresponsabiliser" le directeur et l’agent comptable, en contradiction avec l’esprit de la réforme.
Dans l’assurance maladie, les règles sont appliquées de manière plus claire : les provisions relatives aux
prestations sont pour l’essentiel arrêtées et contrôlées par l’agent comptable, les charges à payer et les autres
provisions étant déterminées par le directeur.
D'une façon générale, une coopération entre le directeur et l’agent comptable dans les procédures d’évaluation
des provisions s’impose afin que toutes les informations disponibles soient utilisées et que les évaluations
gagnent en précision sans pour autant retarder les dates de production des comptes.
D - Des outils informatiques encore mal adaptés
L’adaptation des outils informatiques a été diversement mise en oeuvre selon les branches, et au sein d’une
même branche, elle se situe à des stades d’avancement différents.
Au sein des URSSAF, l’application SNV2 n’a pas encore pu être fondamentalement modifiée par l’ACOSS.
Des applications bureautiques légères ont donc été conçues notamment pour le calcul des provisions et des
produits à recevoir. Mais la modification essentielle consistant à permettre la ventilation des produits selon
l’exercice d’origine n’a pas été effectuée, alors même que les informations utiles sont disponibles dans le
système.
Les CAF ont progressivement adopté le logiciel CRISTAL (sur ce sujet, cf. chapitre XII,
infra
, p. 457). Mais
il ne permet pas encore la prise en compte de toutes les informations nécessaires à la comptabilisation des
droits constatés. Il nécessite encore des améliorations puisque le calcul de certaines provisions et le suivi de
leur consommation ne sont pas pris en compte par le système.
Dans les CPAM, un logiciel de calcul des provisions a été élaboré par la CNAMTS. C’est un outil souple
puisqu’il autorise la prise en compte d'éléments issus de particularités locales.
E - Une information dont l’exactitude et la sincérité varient selon les organismes
Avant le 1er janvier 1996, la constatation des produits et des charges dans la comptabilité des organismes
intervenait au moment de leur encaissement ou de leur paiement. Les caisses nationales, dans les instructions
d’application de la réforme, n’ont pas modifié cette comptabilisation mais simplement préconisé des écritures
d’inventaire à la clôture de l’exercice. En effet, compte tenu de la date de sortie des décrets, elles ont dû
prendre rapidement des dispositions pour permettre la mise en oeuvre de la réforme lors de la détermination
des comptes 1996. Dès lors, les écritures de charges et de produits ne sont pas passées en cours d’exercice,
contrairement aux règles du plan comptable général. Il ne sera définitivement remédié à cette situation
provisoire que lorsque le projet de plan comptable élaboré par la mission interministérielle de réforme de la
comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS) et conforme au plan comptable général de 1999,
sera mis en oeuvre.
En pratique, le principe des droits constatés se traduit par le rattachement des charges à l’exercice de naissance
du fait générateur, soit sous forme de charges à payer soit sous forme de provisions, et le rattachement des
produits sous forme de produits à recevoir (encadré ci-après). Le contrôle des organismes exercé par les
COREC/CODEC a permis de constater des situations disparates dans l’application de ces principes de base.
1. Des opérations rattachées à l’exercice de réalisation du fait générateur, mais dont on ne peut
mesurer l’exactitude
S’agissant des caisses d’allocations familiales, l’allocation pour la garde d’enfant à domicile (AGED) et l’aide
à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) ont pour la première fois en 1998
fait l’objet de calcul de charges à payer sur des bases statistiques. Si le recours à une évaluation statistique est
conforme aux principes comptables, la pertinence de cette évaluation n’a pu être mesurée par les vérificateurs
des COREC/CODEC faute de pouvoir identifier avec précision l’origine du fait générateur des versements du
premier trimestre 1999. Cette remarque vaut également pour le calcul des charges à payer inhérentes aux
prestations familiales. En l’absence d’un système informatique fiable ventilant les prestations payées en
fonction de leur fait générateur, il est absolument impossible de confronter cette évaluation avec la réalité de
la charge, et par conséquent, d’apprécier le niveau des charges à payer et de donner un avis sur la justesse des
méthodes adoptées et de leur mise en oeuvre.
2. Des provisions diversement évaluées par les URSSAF, les CPAM
et les CAF
Les URSSAF ont dû procéder, à compter de 1996, au rattachement de l’ensemble des créances acquises à cette
même date et, par suite, constater des provisions pour dépréciation des créances douteuses ou litigieuses. Les
COREC/CODEC ont observé que le calcul de ces provisions est fondé sur une méthode statistique élaborée
par l’ACOSS, dont le principe n’est pas contestable. En revanche sa mise en oeuvre pose problème. Car les
taux de provisionnement calculés sont appliqués de manière indifférenciée à l’ensemble des créances
existantes au 31 décembre, sans distinguer celles qui sont réellement douteuses. Les difficultés réelles de
recouvrement liées à l’ancienneté de la créance, à la situation du débiteur, à la situation économique locale ou
selon les délais accordés, ne sont pas prises en compte. Cette méthode, et par conséquent l’instruction de
l’ACOSS qui l’a instituée, ne sont donc pas conformes aux dispositions de l’article D 253-17-4 du code de la
sécurité sociale
[61]
, ce qui explique que les COREC/CODEC n’aient pas pu se faire produire l’état annexe au
compte financier retraçant le calcul des provisions afin de vérifier les modalités de calcul et leur permanence
au fil des exercices. Les comités ont constaté en outre que cette méthode aboutit à des situations surprenantes
où les provisions sont nettement surévaluées et notamment très supérieures au taux de restes à recouvrer. En
effet, le fait qu’une créance fasse l’objet d’une mise en demeure, d’un simple rappel ou de délais ne signifie
pas que son recouvrement soit impossible ou gravement compromis.
De plus, ces provisions ne font pas l’objet de reprise, sauf dans le cas où la provision évaluée au 31 décembre
d’une année est inférieure à l’évaluation faite au 31 décembre de l’année précédente. Aucun rapprochement
n’est donc effectué entre les charges réellement supportées et l’évaluation de la provision correspondante. Il
conviendrait que les créances douteuses ou litigieuses soient isolées dans le compte spécifique qui leur est
réservé, que la provision soit calculée à partir de celui-ci, tout en affinant la méthode et qu’elle soit rapprochée
des charges effectivement supportées à ce titre au cours de l'exercice ou des exercices postérieurs, afin que les
dispositions du code de la sécurité sociale soient appliquées.
Pour ce qui concerne les gestions techniques, les créances douteuses des CPAM sont composées de prestations
et frais de contentieux à récupérer. Chaque caisse apprécie le seuil de provisionnement en fonction de la
moyenne des créances. Les COREC/CODEC ont observé que l’examen et le provisionnement de ces créances
sont très variables selon les caisses. Seules certaines caisses procèdent correctement : le service contentieux
réalise alors un examen méthodique des créances pour déterminer celles qui doivent faire l’objet d’une
provision. Dans les autres, ou bien le service contentieux ne détermine pas avec exactitude faute d’un suivi
suffisant les créances dont le recouvrement est manifestement compromis ou bien les provisions sont sous-
évaluées voire inexistantes. L’examen précis des créances afin de déterminer celles qui sont susceptibles
d’être inscrites en créances irrecouvrables ou en créances douteuses, comme l’évaluation d’une provision dans
les cas de créances douteuses, sont indispensables afin de donner une image fidèle du bilan des CPAM.
Les seules provisions pour dépréciations constatées dans les CAF concernent les créances prescrites, c'est-à-
dire en droit irrécouvrables (et qui devraient faire l'objet d'une comptabilisation en pertes). En revanche,
l’instruction diffusée par la CNAF n’a pas prévu la comptabilisation de provision pour dépréciation des
créances non prescrites. Or, il apparaît que de nombreux dossiers gérés par les services contentieux devraient
faire l’objet de provision car le recouvrement en est gravement compromis. Les créances douteuses des CAF
devraient donc être isolées dans un compte spécifique et faire l’objet d‘un examen approfondi afin de
déterminer le montant des provisions à constituer.
Le calcul des provisions pour prestations à payer des CPAM a été précisé par circulaire de la CNAMTS
chaque année afin de conduire à un calcul de plus en plus précis et reposant sur une analyse rétrospective des
provisions et de leur utilisation. La tendance du provisionnement dans les CPAM a évolué de la manière
suivante au cours des trois années : la première année (1996) les provisions constituées ont été largement
surévaluées, et ont été très largement supérieures aux dépenses réelles
(+15 % soit près de 4 MdF), la seconde année (1997) les provisions ont été revues à la baisse et cela a eu pour
conséquence une insuffisance de provision (-2 %, soit 0,4 MdF), même s’il a été constaté quelques cas de
surévaluation, enfin la troisième année (1998) les provisions ont été dans le cas général assez proches de la
réalité, même si les COREC/CODEC ont pu observer dans certaines caisses une surestimation supérieure à
celle de 1997 (en moyenne, dans l’ensemble de la branche, la surestimation a été de 4 %, soit 0,8 MdF). Le
recours au tiers payant ou l’utilisation généralisée de SESAM Vitale diminuant le montant des charges à
provisionner devrait conduire à une précision plus grande dans la détermination du résultat.
Bien que le mode de calcul ne soit pas transposable pour d’autres types de provision, la démarche suivie par la
CNAMTS est l’illustration positive de ce qui peut être fait dans ce domaine. En effet, la méthode élaborée
ainsi que le système d’information employé permettent de faire un rapprochement entre le montant de la
provision et les charges réelles qui surviennent au cours de l’exercice suivant. Cette corrélation est
indispensable, et les autres caisses nationales pourraient s’en inspirer dans l’évaluation de leurs provisions et
modifier leurs systèmes informatiques en conséquence.
Dans certains cas, la prise en charge comptable est faite dans plusieurs
branches, ce qui impose une certaine
cohérence. Ainsi, l’AGED et l’AFEAMA versées par les CAF sont calculées à partir des informations
contenues dans les bordereaux trimestriels remis par les employeurs aux URSSAF à l’issue de chaque période.
Le traitement avec retard de bordereaux par certaines URSSAF a conduit des CAF à comptabiliser en 1998
des charges minorées, et par suite des charges à payer également minorées. En 1999, des mises au point entre
les CAF et URSSAF concernées ont permis d’améliorer les transmissions d’information afin d’aboutir à des
évaluations plus pertinentes.
Au-delà de ces différents constats effectués par les CODEC/COREC, il reste à souligner des incohérences
d’ensemble importantes au regard du but ultime qu’est la production de "comptes combinés" (les comptes
combinés sont en réalité des comptes consolidés, mais entre organismes d'un même secteur d'activité qui ne
sont pas détenus par une société mère). S’agissant par exemple de l’AGED et de l’AFEAMA, deux
évaluations sont faites : d’une part, au niveau des URSSAF, sont évalués au 31 décembre des produits à
recevoir concernant les cotisations afférentes aux salaires versés pendant le dernier trimestre de l’année par les
employeurs de nourrice agréée ou de garde à domicile, d’autre part au niveau des CAF, sont évaluées des
charges à payer concernant la prise en charge de tout ou partie de ces mêmes cotisations par ces organismes.
Ces deux évaluations devraient
être fondées sur des bases identiques car se rapportant au même fait
générateur, le versement d’un salaire à une nourrice agréée ou une garde à domicile. Or, dans la pratique, il
n’y a aucune corrélation entre les deux évaluations. L’évaluation des URSSAF est totalement forfaitaire, celle
des CAF à un degré moindre, mais en tout état de cause, à aucun moment elles ne sont rapprochées pour tenter
d’en vérifier la pertinence et la cohérence. Il conviendrait donc que chacun des deux organismes ajuste ses
évaluations en prenant en considération le cas échéant les informations détenues par l’autre afin d’atteindre
une plus grande fiabilité.
3. Une surestimation des produits à recevoir des URSSAF
La nécessité de réduire les délais de production des comptes a conduit l’ACOSS à élaborer une méthode
forfaitaire d’évaluation des produits à recevoir pour l’exercice 1998, déterminée sur la base de 10,44 % des
encaissements 1998 en l’absence de référence initiale. L’adoption de cette méthode permet de déterminer les
produits en cause dès la clôture de l‘exercice. Dans la pratique, l’évaluation s’est révélée très éloignée de la
réalité et a conduit la quasi-totalité des URSSAF à une surestimation des produits à recevoir. Compte tenu des
masses concernées, une incertitude globalement faible, 0,60 %, a conduit à une majoration du résultat de 6
MdF. Pour 1999, l'ACOSS, bien qu'ayant affiné sa méthode, a encore majoré les produits à recevoir de 1,7
MdF. Il lui revient de continuer à améliorer ses méthodes d'évaluation.
II - Une mise en place incomplète dans les caisses nationales du régime général
A - les contrôles des opérations des caisses de base par les caisses nationales sont parfois
insuffisants
Afin de garantir l’homogénéité de la comptabilisation et de la présentation des comptes, les caisses nationales
diffusent pour chaque arrêté des comptes des instructions précises. Les balances contenant les écritures
d’inventaire des caisses remontent vers les caisses nationales qui les agrègent après avoir effectué des
contrôles de cohérence. Ces opérations n’appellent pas de commentaires particuliers.
En revanche, le contrôle des écritures d’inventaire peut soulever quelques difficultés. En effet, la CNAF ne
procède à aucun contrôle des opérations réalisées par les CAF afin de vérifier la mise en oeuvre de la circulaire
sur les droits constatés. Elle n’est donc pas en mesure d’attester de l’exhaustivité des opérations effectuées.
L’ACOSS a procédé, en 1998, à un contrôle exhaustif des produits à recevoir et, par échantillon, des
provisions. En 1999, ce contrôle a porté sur l’ensemble des opérations. Cependant, ce contrôle est purement
formel, car il permet uniquement de détecter des valeurs aberrantes résultant la plupart du temps d’erreurs de
saisie, les formules de calcul étant réalisées nationalement par l’ACOSS elle-même. En revanche, l’ACOSS
n’exerce aucun contrôle sur les autres opérations remontant des URSSAF.
S’agissant de la branche maladie, les CPAM adressent à la caisse nationale un état récapitulatif des provisions,
à l’appui duquel elles doivent fournir les justificatifs du calcul, son analyse et son évolution. La CNAMTS
exerce un contrôle de cohérence afin de juger du réalisme des facteurs retenus, et demande le cas échéant des
précisions, voire des modifications. Ainsi en 1999, une cinquantaine de caisses locales ont modifié leurs
provisions. Enfin, la CNAV procédant elle-même au calcul des provisions pour rappel de prestations a
seulement besoin de vérifier que les CRAM ont bien comptabilisé les montants communiqués.
Ainsi, les contrôles mis en oeuvre sont parfois purement formels, voire inexistants. Il est pourtant
indispensable que les caisses nationales contrôlent les opérations des caisses de base.
B - Des aménagement à apporter à court terme aux circulaires et aux applications
informatiques
Ainsi que cela a été dit plus haut, les circulaires des caisses nationales n’ont pas traité certains sujets qui ont
une influence sur le résultat des caisses de base. D’autres sujets sont à réexaminer. Une réécriture des
différentes instructions est donc indispensable. Tel est le cas de l’ACOSS en ce qui concerne la détermination
des créances douteuses et les modalités de calcul des provisions qui doivent être mises en conformité avec le
code de la sécurité sociale.
Dans la branche famille, en dehors des quelques opérations de rattachement passées par les CAF, auxquelles
est laissée une grande marge d’appréciation pour le calcul des charges à payer, aucune provision pour rappels
n’a été prévue. Les prêts, dont les modalités de traitement ne sont pas évoquées dans la circulaire de la CNAF,
ne font pas l’objet d’une provision pour dépréciation au sens strict. C’est la raison pour laquelle la CNAF
envisage de réécrire une circulaire dont la diffusion est prévue avant la fin de l’année 2000.
De façon analogue, l’instruction de la CNAMTS sur les provisions pour créances douteuses doit être réécrite
avec précision afin d’harmoniser les méthodes mises en oeuvre par les CPAM.
La mise en oeuvre de la réforme doit également se traduire par une nécessaire adaptation des applications
informatiques. Pour la branche famille, la modification du logiciel CRISTAL, afin d’obtenir la ventilation des
rappels entre exercice courant et exercice antérieur, est actuellement en expérimentation et la caisse nationale
espère pouvoir la généraliser pour la fin de l’année 2000. La branche recouvrement a prévu d’améliorer
l’application du recouvrement SNV2 en utilisant des informations figurant dans le système RACINE ou ayant
leur source dans les bordereaux de l’employeur ou la mise en demeure. Les mentions de l’exercice comptable
et de la période de référence permettront ainsi de ventiler les produits par exercice d’origine. Toutefois, le
cahier des charges de cette application n’a pas encore été rédigé et l’ACOSS entend traiter d’abord le passage
à l’euro puis l’harmonisation du plan de comptes. En tout état de cause, la branche recouvrement ne pense pas
mettre en oeuvre ces principes avant le 1
er
janvier 2003 ; si cette date devait être respectée, la Cour observe
néanmoins qu’il aura fallu sept ans à l’ACOSS pour appliquer le décret du 23 mai 1996. Enfin, le nouveau
schéma directeur de la branche vieillesse envisage de dater chaque événement afin de permettre une exacte
ventilation des opérations mais aucun cahier des charges ni calendrier n’ont encore été adoptés.
C - Des principes comptables à respecter
. Des produits et des charges comptabilisés avec retard et parfois en fin d’année
S’agissant des
produits,
les caisses nationales des branches maladie, vieillesse et famille comptabilisent en
cours d’année les encaissements reçus en compte de tiers (classe 4), Mais la comptabilisation du produit
correspondant (classe 7) est reportée aux écritures d’arrêté des comptes après la transmission par l’ACOSS de
la notification des produits, et des produits à recevoir. Plus précisément, les encaissements issus des
répartitions RACINE entre branches sont comptabilisés en produits sur la base de l’état mensuel de répartition
définitive établi par l’agent comptable de l’ACOSS, avec un décalage dans le temps. Les encaissements
directs de l’ACOSS sont comptabilisés en produits dans les écritures de fin d’année. Dans ces conditions, les
caisses nationales, bénéficiaires définitives des produits comptabilisés par l’ACOSS, en raison des très
nombreux ajustements
a posteriori
auxquels elle procède, attendent la fin de l’année pour ne pas prendre le
risque d’avoir à passer des écritures de régularisation. De la sorte, les prescriptions du plan comptable général
de 1999 (comptabilisation au moins mensuelle des produits) ne sont pas respectées.
Pour ce qui concerne les
charges
, la CNAF, notamment pour l’assurance vieillesse des parents au foyer
(AVPF) et l'allocation de parent isolé, procède à une inscription des paiements en compte de tiers en cours
d’année. Ce n’est qu’en fin d’exercice qu’elle comptabilise ces montants en charges. De même, les dotations
versées par la CNAMTS aux caisses de base pour leur permettre d’assurer leurs obligations légales ou
extralégales vis-à-vis de leurs affiliés ne sont pas comptabilisées en charge en cours d’année. Cette opération
est reportée à la clôture de l’exercice.
2. Des incertitudes dans la fiabilité comptable
L’ACOSS établit lors de la clôture des comptes une notification retraçant pour chaque branche les produits et
charges de l’exercice, les encaissements afférents à ces produits et les produits à recevoir. En ce qui concerne
les produits relevant du recouvrement direct de l’ACOSS et selon la nature des encaissements qu’elle a
réalisés, celle-ci n’est pas toujours en possession des éléments lui permettant d’émettre le titre de recettes
autorisant sa comptabilisation en produit. A défaut, les encaissements correspondants sont donc comptabilisés
en produits à recevoir. Il en résulte, dans certains cas, une situation étrange où le montant des produits à
recevoir, évalué au 31 décembre et notifié aux caisses nationales, est supérieur au solde du compte de créance
correspondant, c’est-à-dire le solde à l’ouverture augmenté des produits de l’exercice et des produits à
recevoir et diminué des charges de l’exercice et des encaissements. Pour les transferts entre organismes
(notamment la CSG prélevée sur les revenus de remplacement) pour lesquels les caisses nationales ont conclu
entre elles des conventions, les mêmes décalages existent entre la comptabilisation de l’ACOSS et celle des
caisses nationales.
La CNAMTS, considérant que les notifications de l’ACOSS ne traduisent pas la réalité de certaines opérations
( la taxe automobile, la contribution des laboratoires et les droits de consommation sur les alcools) procède à
une comptabilisation différente. Sont considérés comme étant de réels produits à recevoir les montants inscrits
dans le solde du compte de créances. La différence entre les produits à recevoir notifiés par l’ACOSS et ceux
retenus par la CNAMTS est comptabilisée en produits de l’exercice.
Cette situation n’est pas satisfaisante et pourrait être améliorée. Elle souligne la nécessité d’un véritable
dialogue entre les caisses portant sur le rapprochement des méthodes de comptabilisation. Il revient à cet égard
à l’ACOSS d’établir un guide d’utilisation des écritures et des tableaux qu’elle notifierait aux caisses
dépensières de manière à ce qu’elles sachent comment les exploiter, conformément aux demandes qui lui ont
été faites. Ceci démontre par ailleurs la nécessité de la création d’une instance chargée d’arbitrer et de trancher
des problèmes comptables de cette nature.
3. Les écritures de fin d’exercice
Les produits du recouvrement
Les imperfections de l’application informatique du recouvrement SNV2 ne permettent pas de traiter les
opérations de l’exercice suivant tant que l’arrêté des comptes de l’exercice en cours n’a pas été effectué (le
système ne peut en effet traiter deux exercices en même temps), ni distinguer les produits sur exercice courant
et ceux relatifs aux exercices antérieurs. Malheureusement, la mise en oeuvre de l’application RACINE a
absorbé, selon l’ACOSS, tous les moyens en personnel disponibles, et le système informatique SNV2 n’a pas
évolué. Les caisses attributaires sont particulièrement insatisfaites de ce système, qui ne leur permet pas de
distinguer parmi les créances notifiées au titre de l’exercice celles qui se rattachent à cet exercice et celles qui
se rattachent aux exercices antérieurs.
Les produits à recevoir
En 1996 et 1997, l’ACOSS a notifié aux caisses nationales attributaires les produits pour leur montant réel, la
durée de sa période complémentaire de deux mois permettant la comptabilisation en produits courants des
échéances de cotisations survenues en janvier et février n+1 et se rapportant à n. En 1998, le raccourcissement
des délais d’établissement des comptes l’a conduite à notifier un montant beaucoup plus important de produits
à recevoir, établi sur des bases statistiques. Mais comme on l’a mentionné précédemment, les caisses
nationales ont comptabilisé des montants différents de cette notification. Il existe donc une asymétrie entre les
opérations à laquelle il est nécessaire de remédier.
Les exonérations de cotisations sociales au titre de la politique de l’emploi (et que l’Etat rembourse), qui se
rattachent à 1998 mais qui n’étaient pas encore liquidées au 31 décembre, ont fait l’objet d’une évaluation
pour la première fois à la clôture de cet exercice. Depuis le 1er janvier 1998 et la mise en place du système
RACINE, ces cotisations prises en charge par l’Etat sont traitées, sauf quelques exceptions, par les URSSAF
et non plus par l’ACOSS. Dans cette nouvelle répartition des compétences, les produits à recevoir des mesures
emploi devraient être logiquement évalués et comptabilisés dans les URSSAF. S’agissant d’une évaluation
statistique, le calcul et la comptabilisation ont été faits par l’ACOSS en fonction des prévisions
d’encaissement de janvier 1999. Ce choix a été justifié par la difficulté de procéder dans les URSSAF à une
évaluation la plus précise possible compte tenu de la variété des mesures emploi et de leur complexité. La
centralisation de cette évaluation a paru plus judicieuse à l’ACOSS. La réalité est tout autre : le plan
comptable du recouvrement ne comptabilise pas les exonérations comme un produit. Il est donc impossible de
procéder différemment à l’heure actuelle. Il en sera tout autrement lorsque le plan comptable sera aménagé sur
ce point comme le propose la MIRCOSS.
Le rapprochement effectué à la demande de la Cour entre l’évaluation et les produits effectivement encaissés a
fait apparaître une minoration globale de produit de 6,81 % soit 490 MF, mais dont la part respective varie en
fonction des mesures emploi, les plus délicates à évaluer étant celles qui sont en fin d’application et celles qui
sont en période de montée en charge.
Les charges constatées d’avance
Les CAF versent les allocations aides personnelles au logement (APL accession) mensuellement selon trois
échéances les 5, 10 et 25 du mois. Les aides versées le 25 du mois concernent des faits générateurs qui
peuvent intervenir du 27 du mois au 6 du mois suivant. L’échéance du 25 décembre a donc trait en partie à des
charges à rattacher à l’année suivante. Il convient alors de comptabiliser des charges constatées d’avance afin
de déterminer un résultat comptable en conformité avec les principes des droits constatés. Or, la CNAF n’a
pas prévu cette évaluation. La nouvelle instruction de branche pourrait le cas échéant prendre en considération
cette opération d’inventaire.
Les provisions
La direction de la sécurité sociale et la direction générale de la comptabilité publique ont autorisé à titre
provisoire la diffusion des circulaires de 1996 de l’ACOSS avec toutefois des réserves sur deux points :
évaluation de la provision en retenant le seul critère d’ancienneté et transfert de l’ensemble des créances
existantes à la clôture de l’exercice au compte créances douteuses. Ces réserves ont été renouvelées en 1998.
Néanmoins, l’ACOSS a reconduit les modalités de calcul statistique de ces provisions pour les exercices
comptables 1997, 1998 et 1999, alors même qu’il avait été prévu d’affiner la méthode dès 1997. En 1999
également, des améliorations ont été envisagées afin que le système de calcul prenne en compte le caractère
très récent de la créance (moins de trois mois, plus de trois mois), la présence d’une procédure collective ou
d’une mise en instance d’admission en non valeur, la catégorie de cotisant, la distinction entre restes à
recouvrer sur cotisations et restes à recouvrer sur majorations et pénalités et l’ancienneté de la créance, mais
ces améliorations sont restées à l’état de projet. Il est donc nécessaire que l’ACOSS respecte le décret du 23
mai 1996 et aménage sa circulaire pour ce qui concerne la détermination des créances douteuses et les
modalités de calcul de la provision.
En 1998, la CNAMTS a provisionné, après accord de la DSS un litige de 1,2 MdF concernant la contribution
exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques. En effet, plusieurs laboratoires avaient formé un recours en
annulation devant le Conseil d’Etat en évoquant son illégalité, et les éléments disponibles permettaient de
penser qu’il avait beaucoup de chance d’aboutir. Les laboratoires ont obtenu gain de cause, et en début
d’année 2000, l’ACOSS pour le compte de la CNAMTS a dû procéder au remboursement de cette
contribution.
Il est rappelé compte tenu des observations des CODEC/COREC , que la CNAMTS devrait préciser les
conditions de provisionnement des créances douteuses des CPAM ainsi que l’avait demandé la direction de la
sécurité sociale en 1998, que la CNAF devrait adapter son logiciel CRISTAL de liquidation des prestations
légales pour distinguer les rappels de l’année courante et les rappels concernant des droits ouverts au cours
d’années antérieures et adapter l’instruction de branche pour calculer des provisions pour rappels à payer,
enfin que la CNAV devrait faire évoluer son système d’information afin de rapprocher les rappels
effectivement supportés des montants provisionnés dès lors que les reprises de provision calculées de manière
statistique peuvent ne pas correspondre aux charges réelles.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
La réforme de la comptabilisation en droits constatés des opérations des gestions techniques des organismes
de sécurité sociale constitue une étape indispensable sur la voie d’une comptabilité harmonisée de l’ensemble
des organismes, nécessaire pour permettre au Parlement de contrôler l’exécution comptable des lois de
financement de la sécurité sociale, et au Gouvernement de préparer dans les meilleures conditions ces mêmes
lois de financement tout en bénéficiant des remontées d’informations plus rapides et plus fiables.
Les contrôles effectués par les COREC/CODEC sur les comptes des caisses locales du régime général pour
l’exercice 1998 attestent que celles-ci ont, pour la plupart, appliqué de manière correcte les instructions mises
en place par les caisses nationales. Lorsqu’elles ont été relevées, des défaillances tenaient pour l’essentiel à
l’insuffisance des contrôles exercés par les caisses nationales, à des imprécisions des circulaires nationales et
au défaut de mise à jour des applications informatiques nationales.
Les contrôles ont également permis de constater que les objectifs de la réforme avaient été peu ou pas du tout
explicités par les caisses nationales, que la formation des personnels quels qu’ils soient (les agents de
direction comme les agents des caisses) avait été très insuffisante. Dès lors les organismes n’ont que peu
modifié leur organisation, leurs méthodes de travail et leurs procédures, ne tirant pas parti de l’apport de la
réforme en matière d’aide à la gestion. Il serait à cet égard souhaitable que les conventions d’objectifs et de
gestion (COG) puissent faire référence aux possibilités qu’offre la comptabilisation en droits constatés pour
fixer des objectifs comptablement mesurables (indus, rappels, restes à recouvrer…).
Enfin, les principes généraux de la comptabilité ne sont pas tous respectés, qu’il s’agisse en cours d’exercice
de la comptabilisation des produits et des charges concomitamment aux écritures de dettes et de créances ou,
en fin d’exercice, des écritures de régularisation (produits à recevoir, charges à payer, provisions).
Il est donc tout à fait essentiel, notamment dans la perspective d’une harmonisation de la comptabilité des
organismes de sécurité sociale sur la base des travaux de la MIRCOSS, dont la Cour a rappelé les
objectifs
[62]
, que les applications informatiques soient ou mises à jour ou rénovées pour la date de mise en
oeuvre de cette réforme qui devrait être fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Il apparaît enfin indispensable qu’une instance nationale suive la réglementation du domaine comptable de la
sécurité sociale et formule les propositions d’aménagement nécessaires. La DSS devrait bien entendu être
étroitement impliquée dans cette instance, mais aussi les caisses et d'autres partenaires (direction générale de
la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…). Les moyens dévolus à cette instance devraient être
conséquents
.
On rappelle en effet que la mise en oeuvre dans de bonnes conditions de la comptabilité en droits
constatés, qui ne fera pas disparaître l’intérêt du suivi régulier des opérations d’encaissements et de
décaissements, est essentielle pour rendre les résultats indépendants d’événements conjoncturels et pour
apprécier la manière dont les organismes gèrent leurs droits et leurs créances.
RECOMMANDATIONS
1. L’ACOSS doit se fixer comme tâche prioritaire la rénovation de son application informatique SNV2 afin de
procéder au rattachement correct des produits à l’exercice et au suivi comptable par exercice. Elle doit
rédiger un guide d’utilisation de ses notifications de fin d’année. Elle doit adopter un mode de
provisionnement des créances douteuses conforme au code de la sécurité sociale.
2. A l'appui de chaque encaissement effectué par l'ACOSS, les différents organismes versants doivent fournir
un document précis permettant à la caisse d'effectuer la comptabilisation concomitante en produit.
3. Les caisses nationales doivent améliorer leurs procédures sur les points suivants :
- rappeler aux ordonnateurs et aux comptables leurs responsabilités respectives en matière de définition des
provisions et leur permettre de les exercer ;
- coordonner et harmoniser leurs écritures comptables en cas de divergence sur opérations réciproques ;
- intensifier leurs opérations de contrôle des centralisations comptables.
4. Les caisses "dépensières" doivent procéder à des aménagements sur les points suivants:
la CNAMTS doit préciser ses instructions aux CPAM sur le provisionnement des créances douteuses ;
la CNAF doit aménager son logiciel CRISTAL pour mieux prendre en compte les indus et les rappels et
préciser ses instructions en matière de reprise de charges à payer, de rattachement des produits et de calcul
des provisions sur créances douteuses ;
la CNAV doit aménager ses applications informatiques pour mieux traiter comptablement les rappels.
5. Les tutelles et les caisses nationales doivent s’assurer que :
- les améliorations à apporter à la comptabilité en droits constatés dans les organismes fassent partie des
conventions d'objectifs et de gestion ;
- le suivi des objectifs figurant dans les COG s’appuie sur des données issues de la comptabilité des
organismes dès lors qu’elle est tenue en droits constatés.
6. Le suivi de la réglementation comptable des organismes de sécurité sociale doit être confié à une instance
nationale regroupant la direction de la sécurité sociale, les caisses et les autres administrations et institutions
concernées (direction générale de la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…).
Réponse
[60]
Elles diffusent par ailleurs en fin d’année une circulaire destinée à l’arrêté des comptes. C’est l’occasion
de réaffirmer les principes et le cas échéant de modifier ou affiner les règles précédemment adoptées et qui
s'appliquaient aux exercices antérieurs.
[61]
Cet article prévoit l'évolution de la provision en fonction de la situation particulière des débiteurs de
cotisations, éventuellement au moyen d'une estimation forfaitaire retenant comme référence des créances et
situations de même nature, dont les risques de non-recouvrement sont identiques.
[62]
Cf. le rapport au Parlement sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre
1999.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE IV
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
L'Etat des comptes et des études
Les comptes et l'analyse de l'application de la loi de financement, présentés dans les chapitres précédents,
nécessitent pour être bien compris d'être accompagnés d'éléments précisant leur pertinence, leur élaboration,
leur précision. D'autre part, une bonne maîtrise du domaine requiert de disposer d'études descriptives,
explicatives et prescriptives solides. Aussi ce chapitre est-il consacré à analyser quelques points relevant de
ces questions.
Les trois premières sections ont trait au processus d'élaboration des informations comptables. Elles
s'ordonnent chronologiquement. La première étape, l'établissement des comptes des organismes, est
fondamentale. La première section examine la façon dont les organismes ont appliqué depuis 1996 la réforme
consistant à les établir en droits constatés. La deuxième section décrit la deuxième étape du processus, c'est-à-
dire la manière dont, à partir des comptes des organismes, la direction de la sécurité sociale du ministère de
l'emploi et de la solidarité élabore les informations comptables utiles à la commission des comptes de la
sécurité sociale, au Parlement, au citoyen. Enfin, en aval, la troisième section met l'accent sur l'information
précise dont on dispose sur l'encadrement –l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et
les objectifs nationaux quantitatifs (OQN), c'est-à-dire les enveloppes par profession– et le suivi conjoncturel
des dépenses.
Se trouvent ainsi soulignées à nouveau, en dépit des progrès notables que constituent les innovations et
réformes des dernières années, certaines imprécisions des données comptables. En particulier, la réforme des
droits constatés n'a pas été appliquée partout avec rigueur, la qualité des informations fournies par les
organismes est variable, les retraitements faits pour obtenir et présenter les informations comptables en
général, et l'ONDAM en particulier, sont source d'incertitudes.
En annexe du chapitre figure une analyse de l’état des études dans le domaine la sécurité sociale : comment
s’est-on organisé pour les produire, quel est leur apport dans cinq grands domaines, état de santé, famille,
pauvreté, vieillesse, dépendance ? En dépit des progrès indéniables depuis deux ou trois ans, nombre
d’insuffisances demeurent, tant pour préparer les décisions que pour informer nos concitoyens.
Section I :
La mise en oeuvre dans le régime général de la réforme de la
comptabilité selon la méthode des droits constatés
La réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale selon la méthode des droits constatés a été
mise en oeuvre à compter du 1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Le décret du 23 mai
1996 définit l’ensemble des règles applicables afin d’établir des comptes qui donnent une image fidèle des
opérations des organismes de sécurité sociale (en application des règles de prudence, régularité et sincérité des
écritures), et qui permette des consolidations.
La comptabilisation en droits constatés consiste à procéder au rattachement à un exercice des droits et
obligations qui y sont nés, quelle que soit la date de dénouement en trésorerie de l’opération. Ce principe
suppose donc que les faits générateurs soient définis afin d’identifier avec précision la date de naissance de
l’opération. Cela signifie notamment que :
- pour les produits, les cotisations sociales doivent être rattachées à l’exercice au titre duquel elles sont dues et
comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas été encaissées (ainsi pour les régimes de
salariés c’est le versement du salaire qui donne naissance à la créance des URSSAF et à la dette de
l’entreprise) ;
- pour les charges, les prestations maladie, vieillesse, invalidité ou familiales doivent également être rattachées
à l’exercice au titre duquel elles sont dues et comptabilisées pour ce même montant, même si elles n’ont pas
été décaissées.
La Cour a inscrit au programme de travail des COREC et des CODEC, au titre des thèmes de vérification
portant sur l’exercice 1998, les conditions de mise en oeuvre dans les caisses locales, du principe de
comptabilisation en droits constatés prévu par ce décret. Il lui a paru indispensable de compléter les
informations recueillies au plan local par une analyse portant sur les mêmes conditions de mise en oeuvre dans
les organismes nationaux du régime général.
I - Une mise en oeuvre délicate et contrastée dans les caisses de base
A - Une mise en oeuvre progressive liée aux conditions de démarrage
Ainsi que la Cour l’a déjà observé dans ses rapports au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1996 et
de septembre 1997, c’est par une lettre du 20 octobre 1994 que le ministre des affaires sociales, de la santé et
de la ville a invité les organismes de sécurité sociale à adopter le principe des droits constatés pour la
comptabilisation des opérations des gestions techniques. L’entrée en vigueur de cette réforme était fixée au
1er janvier 1996 pour les organismes du régime général. Or, ce n’est qu’après avoir pris cette décision, le 20
octobre 1994, que le ministère des affaires sociales a créé, au sein de la commission des comptes de la sécurité
sociale, un groupe de travail réunissant les administrations de tutelle et les représentants des caisses nationales
du régime général, chargé d’étudier les conditions de mise en oeuvre de la réforme. Même s’il est vrai que des
études avaient été demandées par l’administration aux caisses nationales, elles ne s’étaient pas révélées
conclusives. Le processus habituel de mise en place d’une réforme, à savoir l’étude préalable de la question, la
réflexion sur les modalités techniques en concertation avec l’ensemble des partenaires et la prise de décision
en fonction d’un échéancier raisonnable, n’a donc pas été retenu. On estimait en effet nécessaire de lancer le
mouvement sans courir le risque de rester embourbé dans un dossier très technique, concernant un grand
nombre de partenaires aux objectifs divers, voire parfois contradictoires.
Provisions, charges à payer et produits à recevoir
Les créances certaines acquises par un organisme, imputables à un exercice et pour lesquelles les
pièces justificatives n'ont pas encore établies, sont comptabilisées à la clôture de cet exercice en
produits à recevoir.
Les produits à recevoir concernent essentiellement les cotisations afférentes à
un exercice, mais dont les pièces justificatives ne sont reçues et exploitées qu’au début de l’exercice
suivant. L’évaluation de ces produits peut être réalisée par l’application d’une méthode statistique
suffisamment fiable.
Dès lors qu’il est constaté des dettes nettement précisées quant à leur objet mais dont l’incertitude
porte soit sur le montant, soit sur l’échéance, des
charges à payer
doivent être comptabilisées. Ceci
concerne des situations où l’identification des bénéficiaires de prestation est possible à réaliser et le
montant de la dette envers chacun d’eux peut être évalué avec une précision suffisante. L’écart entre
l’estimation effectuée et les sommes réellement versées doit être le plus réduit possible. A défaut,
une provision pour risques et charges doit être constituée.
Les risques ou charges nettement précisés quant à leur objet et que des événements survenus ou en
cours rendent probables entraînent la constitution de
provisions pour risques et charges
techniques
. Cela permet aux organismes d’intégrer dans le résultat de l’exercice des prestations
dues au titre de cet exercice, et qui seront selon toute probabilité à payer aux assurés mais dont le
montant ne peut être évalué avec exactitude. Le montant de ces provisions s’apprécie généralement
à l’aide d’une méthode statistique faisant référence à des données historiques précises.
Une
provision pour dépréciation des créances douteuses
doit être constituée par les organismes
dès lors que le recouvrement de la créance s’avère incertain. Le montant de cette provision peut être
calculé soit à partir de l’examen de chaque créance, soit à partir d’une estimation statistique, sous
réserve que la méthode arrêtée permette une approximation suffisante retenant comme référence des
créances et des situations de même nature dont les risques de non recouvrement sont identiques.
De ce point de vue, c'est un pari réussi. La réforme a été mise en oeuvre à compter du 1
er
janvier 1996 même si
le décret n’a été pris que le 23 mai 1996. La circulaire interministérielle précisant notamment les conditions de
comptabilisation en fin de gestion des opérations de régularisation (charges à payer, produits à recevoir,
provisions) et invitant les organismes nationaux du régime général à fixer, dans des instructions propres, les
modalités de mise en oeuvre de ces opérations, a été signée le 3 juillet 1996, soit très rapidement après la
publication du décret.
Mais la méthode utilisée a entraîné plusieurs inconvénients que les contrôles des COREC et des CODEC ont
bien mis en lumière, à savoir une compréhension insuffisante des objectifs de la réforme, une formation trop
limitée des personnels et surtout des délais très importants pour la modification des logiciels de comptabilité.
Certes, les caisses nationales du régime général auraient pu mettre à profit les délais écoulés entre le rendu des
conclusions du groupe de travail de la commission des comptes (mi 1995) et la publication du décret du 23
mai 1996 pour préparer les nécessaires adaptations de leur organisation, de leurs méthodes et de leurs
systèmes. Tel n’a pas été le cas. Dès lors, les caisses ne pouvaient que se trouver dans l’impossibilité
matérielle de modifier très rapidement leurs chaînes informatiques afin de les mettre en conformité avec les
nouveaux principes. Aussi la réforme n’a-t-elle pu être mise en place que de manière partielle et progressive.
B - Une information abondante mais une formation insuffisante
Les caisses nationales ont chacune diffusé en 1996 (juillet, août, septembre et décembre pour la CNAMTS,
septembre pour la CNAV, septembre pour la CNAF, septembre et décembre pour l’ACOSS) une ou plusieurs
circulaires précisant à l’attention des caisses de base les règles pratiques de mise en oeuvre des nouvelles
procédures comptables
[60]
.
Les COREC/CODEC ont observé que certaines caisses locales avaient pris l’initiative de compléter la
diffusion de l’information, et ceci sous différentes formes. En revanche, cette information abondante n’a pas
été suffisamment relayée par une formation spécifique des agents de direction comme des personnels des
agences comptables, explicitant les objectifs poursuivis, les enjeux de la réforme et l’intérêt qu’elle représente
en terme d’organisation, d’amélioration des procédures, de réflexion sur les chaînes informatiques et d’outil
d’aide à la gestion. Dans 85 % des caisses contrôlées par les COREC/CODEC, les personnels n’ont pas
bénéficié de la part des caisses nationales d'une formation spécifique expliquant les nouvelles règles
comptables.
La diffusion d’une documentation abondante ne peut suppléer la mise en oeuvre d’une formation qui se doit
d’être adaptée aux personnels et à leur rôle dans le processus comptable. L’enjeu de la réforme n’ayant pas été
expliqué à la plupart des cadres, ceux-ci l’ont ressentie comme une règle supplémentaire imposée, et l’objectif
d’une meilleure restitution des données pour une information plus fiable n’est pas encore pleinement compris.
C - Redéfinir les rôles respectifs du directeur et de
l’agent comptable
Le code de la sécurité sociale (articles D. 253-3 à D. 253-11) définit de manière précise les responsabilités
respectives du directeur et de l’agent comptable des organismes. Elles n’ont pas été modifiées par la nouvelle
réglementation. Mais celle-ci implique inévitablement des formes nouvelles de collaboration.
S’agissant de la branche recouvrement, le provisionnement des créances ne peut être qu’une compétence du
directeur dès lors qu’il assume la responsabilité du recouvrement des cotisations. Les instructions de l’ACOSS
prévoyaient que dans une première étape le directeur procède à un classement des créances afin d’utiliser son
expertise sur la situation des dossiers. Or les COREC/CODEC ont constaté que, dans certaines URSSAF, le
directeur n’intervient ni dans la procédure de provisionnement des créances, ni dans le calcul des produits à
recevoir. L’agent comptable assure la totalité des opérations liées au provisionnement, et seul l’état des
provisions est visé par l’ordonnateur. Une collaboration entre l’ordonnateur et le comptable s’avère
absolument indispensable dans ce domaine, ainsi que le montre l’exemple de certaines URSSAF où les calculs
sont effectués par un statisticien qui dépend du directeur, et les résultats sont validés conjointement par le
directeur et l’agent comptable. Néanmoins, l’automatisation des calculs de provision a pour effet de
"déresponsabiliser" le directeur et l’agent comptable, en contradiction avec l’esprit de la réforme.
Dans l’assurance maladie, les règles sont appliquées de manière plus claire : les provisions relatives aux
prestations sont pour l’essentiel arrêtées et contrôlées par l’agent comptable, les charges à payer et les autres
provisions étant déterminées par le directeur.
D'une façon générale, une coopération entre le directeur et l’agent comptable dans les procédures d’évaluation
des provisions s’impose afin que toutes les informations disponibles soient utilisées et que les évaluations
gagnent en précision sans pour autant retarder les dates de production des comptes.
D - Des outils informatiques encore mal adaptés
L’adaptation des outils informatiques a été diversement mise en oeuvre selon les branches, et au sein d’une
même branche, elle se situe à des stades d’avancement différents.
Au sein des URSSAF, l’application SNV2 n’a pas encore pu être fondamentalement modifiée par l’ACOSS.
Des applications bureautiques légères ont donc été conçues notamment pour le calcul des provisions et des
produits à recevoir. Mais la modification essentielle consistant à permettre la ventilation des produits selon
l’exercice d’origine n’a pas été effectuée, alors même que les informations utiles sont disponibles dans le
système.
Les CAF ont progressivement adopté le logiciel CRISTAL (sur ce sujet, cf. chapitre XII,
infra
, p. 457). Mais
il ne permet pas encore la prise en compte de toutes les informations nécessaires à la comptabilisation des
droits constatés. Il nécessite encore des améliorations puisque le calcul de certaines provisions et le suivi de
leur consommation ne sont pas pris en compte par le système.
Dans les CPAM, un logiciel de calcul des provisions a été élaboré par la CNAMTS. C’est un outil souple
puisqu’il autorise la prise en compte d'éléments issus de particularités locales.
E - Une information dont l’exactitude et la sincérité varient selon les organismes
Avant le 1er janvier 1996, la constatation des produits et des charges dans la comptabilité des organismes
intervenait au moment de leur encaissement ou de leur paiement. Les caisses nationales, dans les instructions
d’application de la réforme, n’ont pas modifié cette comptabilisation mais simplement préconisé des écritures
d’inventaire à la clôture de l’exercice. En effet, compte tenu de la date de sortie des décrets, elles ont dû
prendre rapidement des dispositions pour permettre la mise en oeuvre de la réforme lors de la détermination
des comptes 1996. Dès lors, les écritures de charges et de produits ne sont pas passées en cours d’exercice,
contrairement aux règles du plan comptable général. Il ne sera définitivement remédié à cette situation
provisoire que lorsque le projet de plan comptable élaboré par la mission interministérielle de réforme de la
comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS) et conforme au plan comptable général de 1999,
sera mis en oeuvre.
En pratique, le principe des droits constatés se traduit par le rattachement des charges à l’exercice de naissance
du fait générateur, soit sous forme de charges à payer soit sous forme de provisions, et le rattachement des
produits sous forme de produits à recevoir (encadré ci-après). Le contrôle des organismes exercé par les
COREC/CODEC a permis de constater des situations disparates dans l’application de ces principes de base.
1. Des opérations rattachées à l’exercice de réalisation du fait générateur, mais dont on ne peut
mesurer l’exactitude
S’agissant des caisses d’allocations familiales, l’allocation pour la garde d’enfant à domicile (AGED) et l’aide
à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) ont pour la première fois en 1998
fait l’objet de calcul de charges à payer sur des bases statistiques. Si le recours à une évaluation statistique est
conforme aux principes comptables, la pertinence de cette évaluation n’a pu être mesurée par les vérificateurs
des COREC/CODEC faute de pouvoir identifier avec précision l’origine du fait générateur des versements du
premier trimestre 1999. Cette remarque vaut également pour le calcul des charges à payer inhérentes aux
prestations familiales. En l’absence d’un système informatique fiable ventilant les prestations payées en
fonction de leur fait générateur, il est absolument impossible de confronter cette évaluation avec la réalité de
la charge, et par conséquent, d’apprécier le niveau des charges à payer et de donner un avis sur la justesse des
méthodes adoptées et de leur mise en oeuvre.
2. Des provisions diversement évaluées par les URSSAF, les CPAM
et les CAF
Les URSSAF ont dû procéder, à compter de 1996, au rattachement de l’ensemble des créances acquises à cette
même date et, par suite, constater des provisions pour dépréciation des créances douteuses ou litigieuses. Les
COREC/CODEC ont observé que le calcul de ces provisions est fondé sur une méthode statistique élaborée
par l’ACOSS, dont le principe n’est pas contestable. En revanche sa mise en oeuvre pose problème. Car les
taux de provisionnement calculés sont appliqués de manière indifférenciée à l’ensemble des créances
existantes au 31 décembre, sans distinguer celles qui sont réellement douteuses. Les difficultés réelles de
recouvrement liées à l’ancienneté de la créance, à la situation du débiteur, à la situation économique locale ou
selon les délais accordés, ne sont pas prises en compte. Cette méthode, et par conséquent l’instruction de
l’ACOSS qui l’a instituée, ne sont donc pas conformes aux dispositions de l’article D 253-17-4 du code de la
sécurité sociale
[61]
, ce qui explique que les COREC/CODEC n’aient pas pu se faire produire l’état annexe au
compte financier retraçant le calcul des provisions afin de vérifier les modalités de calcul et leur permanence
au fil des exercices. Les comités ont constaté en outre que cette méthode aboutit à des situations surprenantes
où les provisions sont nettement surévaluées et notamment très supérieures au taux de restes à recouvrer. En
effet, le fait qu’une créance fasse l’objet d’une mise en demeure, d’un simple rappel ou de délais ne signifie
pas que son recouvrement soit impossible ou gravement compromis.
De plus, ces provisions ne font pas l’objet de reprise, sauf dans le cas où la provision évaluée au 31 décembre
d’une année est inférieure à l’évaluation faite au 31 décembre de l’année précédente. Aucun rapprochement
n’est donc effectué entre les charges réellement supportées et l’évaluation de la provision correspondante. Il
conviendrait que les créances douteuses ou litigieuses soient isolées dans le compte spécifique qui leur est
réservé, que la provision soit calculée à partir de celui-ci, tout en affinant la méthode et qu’elle soit rapprochée
des charges effectivement supportées à ce titre au cours de l'exercice ou des exercices postérieurs, afin que les
dispositions du code de la sécurité sociale soient appliquées.
Pour ce qui concerne les gestions techniques, les créances douteuses des CPAM sont composées de prestations
et frais de contentieux à récupérer. Chaque caisse apprécie le seuil de provisionnement en fonction de la
moyenne des créances. Les COREC/CODEC ont observé que l’examen et le provisionnement de ces créances
sont très variables selon les caisses. Seules certaines caisses procèdent correctement : le service contentieux
réalise alors un examen méthodique des créances pour déterminer celles qui doivent faire l’objet d’une
provision. Dans les autres, ou bien le service contentieux ne détermine pas avec exactitude faute d’un suivi
suffisant les créances dont le recouvrement est manifestement compromis ou bien les provisions sont sous-
évaluées voire inexistantes. L’examen précis des créances afin de déterminer celles qui sont susceptibles
d’être inscrites en créances irrecouvrables ou en créances douteuses, comme l’évaluation d’une provision dans
les cas de créances douteuses, sont indispensables afin de donner une image fidèle du bilan des CPAM.
Les seules provisions pour dépréciations constatées dans les CAF concernent les créances prescrites, c'est-à-
dire en droit irrécouvrables (et qui devraient faire l'objet d'une comptabilisation en pertes). En revanche,
l’instruction diffusée par la CNAF n’a pas prévu la comptabilisation de provision pour dépréciation des
créances non prescrites. Or, il apparaît que de nombreux dossiers gérés par les services contentieux devraient
faire l’objet de provision car le recouvrement en est gravement compromis. Les créances douteuses des CAF
devraient donc être isolées dans un compte spécifique et faire l’objet d‘un examen approfondi afin de
déterminer le montant des provisions à constituer.
Le calcul des provisions pour prestations à payer des CPAM a été précisé par circulaire de la CNAMTS
chaque année afin de conduire à un calcul de plus en plus précis et reposant sur une analyse rétrospective des
provisions et de leur utilisation. La tendance du provisionnement dans les CPAM a évolué de la manière
suivante au cours des trois années : la première année (1996) les provisions constituées ont été largement
surévaluées, et ont été très largement supérieures aux dépenses réelles
(+15 % soit près de 4 MdF), la seconde année (1997) les provisions ont été revues à la baisse et cela a eu pour
conséquence une insuffisance de provision (-2 %, soit 0,4 MdF), même s’il a été constaté quelques cas de
surévaluation, enfin la troisième année (1998) les provisions ont été dans le cas général assez proches de la
réalité, même si les COREC/CODEC ont pu observer dans certaines caisses une surestimation supérieure à
celle de 1997 (en moyenne, dans l’ensemble de la branche, la surestimation a été de 4 %, soit 0,8 MdF). Le
recours au tiers payant ou l’utilisation généralisée de SESAM Vitale diminuant le montant des charges à
provisionner devrait conduire à une précision plus grande dans la détermination du résultat.
Bien que le mode de calcul ne soit pas transposable pour d’autres types de provision, la démarche suivie par la
CNAMTS est l’illustration positive de ce qui peut être fait dans ce domaine. En effet, la méthode élaborée
ainsi que le système d’information employé permettent de faire un rapprochement entre le montant de la
provision et les charges réelles qui surviennent au cours de l’exercice suivant. Cette corrélation est
indispensable, et les autres caisses nationales pourraient s’en inspirer dans l’évaluation de leurs provisions et
modifier leurs systèmes informatiques en conséquence.
Dans certains cas, la prise en charge comptable est faite dans plusieurs
branches, ce qui impose une certaine
cohérence. Ainsi, l’AGED et l’AFEAMA versées par les CAF sont calculées à partir des informations
contenues dans les bordereaux trimestriels remis par les employeurs aux URSSAF à l’issue de chaque période.
Le traitement avec retard de bordereaux par certaines URSSAF a conduit des CAF à comptabiliser en 1998
des charges minorées, et par suite des charges à payer également minorées. En 1999, des mises au point entre
les CAF et URSSAF concernées ont permis d’améliorer les transmissions d’information afin d’aboutir à des
évaluations plus pertinentes.
Au-delà de ces différents constats effectués par les CODEC/COREC, il reste à souligner des incohérences
d’ensemble importantes au regard du but ultime qu’est la production de "comptes combinés" (les comptes
combinés sont en réalité des comptes consolidés, mais entre organismes d'un même secteur d'activité qui ne
sont pas détenus par une société mère). S’agissant par exemple de l’AGED et de l’AFEAMA, deux
évaluations sont faites : d’une part, au niveau des URSSAF, sont évalués au 31 décembre des produits à
recevoir concernant les cotisations afférentes aux salaires versés pendant le dernier trimestre de l’année par les
employeurs de nourrice agréée ou de garde à domicile, d’autre part au niveau des CAF, sont évaluées des
charges à payer concernant la prise en charge de tout ou partie de ces mêmes cotisations par ces organismes.
Ces deux évaluations devraient
être fondées sur des bases identiques car se rapportant au même fait
générateur, le versement d’un salaire à une nourrice agréée ou une garde à domicile. Or, dans la pratique, il
n’y a aucune corrélation entre les deux évaluations. L’évaluation des URSSAF est totalement forfaitaire, celle
des CAF à un degré moindre, mais en tout état de cause, à aucun moment elles ne sont rapprochées pour tenter
d’en vérifier la pertinence et la cohérence. Il conviendrait donc que chacun des deux organismes ajuste ses
évaluations en prenant en considération le cas échéant les informations détenues par l’autre afin d’atteindre
une plus grande fiabilité.
3. Une surestimation des produits à recevoir des URSSAF
La nécessité de réduire les délais de production des comptes a conduit l’ACOSS à élaborer une méthode
forfaitaire d’évaluation des produits à recevoir pour l’exercice 1998, déterminée sur la base de 10,44 % des
encaissements 1998 en l’absence de référence initiale. L’adoption de cette méthode permet de déterminer les
produits en cause dès la clôture de l‘exercice. Dans la pratique, l’évaluation s’est révélée très éloignée de la
réalité et a conduit la quasi-totalité des URSSAF à une surestimation des produits à recevoir. Compte tenu des
masses concernées, une incertitude globalement faible, 0,60 %, a conduit à une majoration du résultat de 6
MdF. Pour 1999, l'ACOSS, bien qu'ayant affiné sa méthode, a encore majoré les produits à recevoir de 1,7
MdF. Il lui revient de continuer à améliorer ses méthodes d'évaluation.
II - Une mise en place incomplète dans les caisses nationales du régime général
A - les contrôles des opérations des caisses de base par les caisses nationales sont parfois
insuffisants
Afin de garantir l’homogénéité de la comptabilisation et de la présentation des comptes, les caisses nationales
diffusent pour chaque arrêté des comptes des instructions précises. Les balances contenant les écritures
d’inventaire des caisses remontent vers les caisses nationales qui les agrègent après avoir effectué des
contrôles de cohérence. Ces opérations n’appellent pas de commentaires particuliers.
En revanche, le contrôle des écritures d’inventaire peut soulever quelques difficultés. En effet, la CNAF ne
procède à aucun contrôle des opérations réalisées par les CAF afin de vérifier la mise en oeuvre de la circulaire
sur les droits constatés. Elle n’est donc pas en mesure d’attester de l’exhaustivité des opérations effectuées.
L’ACOSS a procédé, en 1998, à un contrôle exhaustif des produits à recevoir et, par échantillon, des
provisions. En 1999, ce contrôle a porté sur l’ensemble des opérations. Cependant, ce contrôle est purement
formel, car il permet uniquement de détecter des valeurs aberrantes résultant la plupart du temps d’erreurs de
saisie, les formules de calcul étant réalisées nationalement par l’ACOSS elle-même. En revanche, l’ACOSS
n’exerce aucun contrôle sur les autres opérations remontant des URSSAF.
S’agissant de la branche maladie, les CPAM adressent à la caisse nationale un état récapitulatif des provisions,
à l’appui duquel elles doivent fournir les justificatifs du calcul, son analyse et son évolution. La CNAMTS
exerce un contrôle de cohérence afin de juger du réalisme des facteurs retenus, et demande le cas échéant des
précisions, voire des modifications. Ainsi en 1999, une cinquantaine de caisses locales ont modifié leurs
provisions. Enfin, la CNAV procédant elle-même au calcul des provisions pour rappel de prestations a
seulement besoin de vérifier que les CRAM ont bien comptabilisé les montants communiqués.
Ainsi, les contrôles mis en oeuvre sont parfois purement formels, voire inexistants. Il est pourtant
indispensable que les caisses nationales contrôlent les opérations des caisses de base.
B - Des aménagement à apporter à court terme aux circulaires et aux applications
informatiques
Ainsi que cela a été dit plus haut, les circulaires des caisses nationales n’ont pas traité certains sujets qui ont
une influence sur le résultat des caisses de base. D’autres sujets sont à réexaminer. Une réécriture des
différentes instructions est donc indispensable. Tel est le cas de l’ACOSS en ce qui concerne la détermination
des créances douteuses et les modalités de calcul des provisions qui doivent être mises en conformité avec le
code de la sécurité sociale.
Dans la branche famille, en dehors des quelques opérations de rattachement passées par les CAF, auxquelles
est laissée une grande marge d’appréciation pour le calcul des charges à payer, aucune provision pour rappels
n’a été prévue. Les prêts, dont les modalités de traitement ne sont pas évoquées dans la circulaire de la CNAF,
ne font pas l’objet d’une provision pour dépréciation au sens strict. C’est la raison pour laquelle la CNAF
envisage de réécrire une circulaire dont la diffusion est prévue avant la fin de l’année 2000.
De façon analogue, l’instruction de la CNAMTS sur les provisions pour créances douteuses doit être réécrite
avec précision afin d’harmoniser les méthodes mises en oeuvre par les CPAM.
La mise en oeuvre de la réforme doit également se traduire par une nécessaire adaptation des applications
informatiques. Pour la branche famille, la modification du logiciel CRISTAL, afin d’obtenir la ventilation des
rappels entre exercice courant et exercice antérieur, est actuellement en expérimentation et la caisse nationale
espère pouvoir la généraliser pour la fin de l’année 2000. La branche recouvrement a prévu d’améliorer
l’application du recouvrement SNV2 en utilisant des informations figurant dans le système RACINE ou ayant
leur source dans les bordereaux de l’employeur ou la mise en demeure. Les mentions de l’exercice comptable
et de la période de référence permettront ainsi de ventiler les produits par exercice d’origine. Toutefois, le
cahier des charges de cette application n’a pas encore été rédigé et l’ACOSS entend traiter d’abord le passage
à l’euro puis l’harmonisation du plan de comptes. En tout état de cause, la branche recouvrement ne pense pas
mettre en oeuvre ces principes avant le 1
er
janvier 2003 ; si cette date devait être respectée, la Cour observe
néanmoins qu’il aura fallu sept ans à l’ACOSS pour appliquer le décret du 23 mai 1996. Enfin, le nouveau
schéma directeur de la branche vieillesse envisage de dater chaque événement afin de permettre une exacte
ventilation des opérations mais aucun cahier des charges ni calendrier n’ont encore été adoptés.
C - Des principes comptables à respecter
. Des produits et des charges comptabilisés avec retard et parfois en fin d’année
S’agissant des
produits,
les caisses nationales des branches maladie, vieillesse et famille comptabilisent en
cours d’année les encaissements reçus en compte de tiers (classe 4), Mais la comptabilisation du produit
correspondant (classe 7) est reportée aux écritures d’arrêté des comptes après la transmission par l’ACOSS de
la notification des produits, et des produits à recevoir. Plus précisément, les encaissements issus des
répartitions RACINE entre branches sont comptabilisés en produits sur la base de l’état mensuel de répartition
définitive établi par l’agent comptable de l’ACOSS, avec un décalage dans le temps. Les encaissements
directs de l’ACOSS sont comptabilisés en produits dans les écritures de fin d’année. Dans ces conditions, les
caisses nationales, bénéficiaires définitives des produits comptabilisés par l’ACOSS, en raison des très
nombreux ajustements
a posteriori
auxquels elle procède, attendent la fin de l’année pour ne pas prendre le
risque d’avoir à passer des écritures de régularisation. De la sorte, les prescriptions du plan comptable général
de 1999 (comptabilisation au moins mensuelle des produits) ne sont pas respectées.
Pour ce qui concerne les
charges
, la CNAF, notamment pour l’assurance vieillesse des parents au foyer
(AVPF) et l'allocation de parent isolé, procède à une inscription des paiements en compte de tiers en cours
d’année. Ce n’est qu’en fin d’exercice qu’elle comptabilise ces montants en charges. De même, les dotations
versées par la CNAMTS aux caisses de base pour leur permettre d’assurer leurs obligations légales ou
extralégales vis-à-vis de leurs affiliés ne sont pas comptabilisées en charge en cours d’année. Cette opération
est reportée à la clôture de l’exercice.
2. Des incertitudes dans la fiabilité comptable
L’ACOSS établit lors de la clôture des comptes une notification retraçant pour chaque branche les produits et
charges de l’exercice, les encaissements afférents à ces produits et les produits à recevoir. En ce qui concerne
les produits relevant du recouvrement direct de l’ACOSS et selon la nature des encaissements qu’elle a
réalisés, celle-ci n’est pas toujours en possession des éléments lui permettant d’émettre le titre de recettes
autorisant sa comptabilisation en produit. A défaut, les encaissements correspondants sont donc comptabilisés
en produits à recevoir. Il en résulte, dans certains cas, une situation étrange où le montant des produits à
recevoir, évalué au 31 décembre et notifié aux caisses nationales, est supérieur au solde du compte de créance
correspondant, c’est-à-dire le solde à l’ouverture augmenté des produits de l’exercice et des produits à
recevoir et diminué des charges de l’exercice et des encaissements. Pour les transferts entre organismes
(notamment la CSG prélevée sur les revenus de remplacement) pour lesquels les caisses nationales ont conclu
entre elles des conventions, les mêmes décalages existent entre la comptabilisation de l’ACOSS et celle des
caisses nationales.
La CNAMTS, considérant que les notifications de l’ACOSS ne traduisent pas la réalité de certaines opérations
( la taxe automobile, la contribution des laboratoires et les droits de consommation sur les alcools) procède à
une comptabilisation différente. Sont considérés comme étant de réels produits à recevoir les montants inscrits
dans le solde du compte de créances. La différence entre les produits à recevoir notifiés par l’ACOSS et ceux
retenus par la CNAMTS est comptabilisée en produits de l’exercice.
Cette situation n’est pas satisfaisante et pourrait être améliorée. Elle souligne la nécessité d’un véritable
dialogue entre les caisses portant sur le rapprochement des méthodes de comptabilisation. Il revient à cet égard
à l’ACOSS d’établir un guide d’utilisation des écritures et des tableaux qu’elle notifierait aux caisses
dépensières de manière à ce qu’elles sachent comment les exploiter, conformément aux demandes qui lui ont
été faites. Ceci démontre par ailleurs la nécessité de la création d’une instance chargée d’arbitrer et de trancher
des problèmes comptables de cette nature.
3. Les écritures de fin d’exercice
Les produits du recouvrement
Les imperfections de l’application informatique du recouvrement SNV2 ne permettent pas de traiter les
opérations de l’exercice suivant tant que l’arrêté des comptes de l’exercice en cours n’a pas été effectué (le
système ne peut en effet traiter deux exercices en même temps), ni distinguer les produits sur exercice courant
et ceux relatifs aux exercices antérieurs. Malheureusement, la mise en oeuvre de l’application RACINE a
absorbé, selon l’ACOSS, tous les moyens en personnel disponibles, et le système informatique SNV2 n’a pas
évolué. Les caisses attributaires sont particulièrement insatisfaites de ce système, qui ne leur permet pas de
distinguer parmi les créances notifiées au titre de l’exercice celles qui se rattachent à cet exercice et celles qui
se rattachent aux exercices antérieurs.
Les produits à recevoir
En 1996 et 1997, l’ACOSS a notifié aux caisses nationales attributaires les produits pour leur montant réel, la
durée de sa période complémentaire de deux mois permettant la comptabilisation en produits courants des
échéances de cotisations survenues en janvier et février n+1 et se rapportant à n. En 1998, le raccourcissement
des délais d’établissement des comptes l’a conduite à notifier un montant beaucoup plus important de produits
à recevoir, établi sur des bases statistiques. Mais comme on l’a mentionné précédemment, les caisses
nationales ont comptabilisé des montants différents de cette notification. Il existe donc une asymétrie entre les
opérations à laquelle il est nécessaire de remédier.
Les exonérations de cotisations sociales au titre de la politique de l’emploi (et que l’Etat rembourse), qui se
rattachent à 1998 mais qui n’étaient pas encore liquidées au 31 décembre, ont fait l’objet d’une évaluation
pour la première fois à la clôture de cet exercice. Depuis le 1er janvier 1998 et la mise en place du système
RACINE, ces cotisations prises en charge par l’Etat sont traitées, sauf quelques exceptions, par les URSSAF
et non plus par l’ACOSS. Dans cette nouvelle répartition des compétences, les produits à recevoir des mesures
emploi devraient être logiquement évalués et comptabilisés dans les URSSAF. S’agissant d’une évaluation
statistique, le calcul et la comptabilisation ont été faits par l’ACOSS en fonction des prévisions
d’encaissement de janvier 1999. Ce choix a été justifié par la difficulté de procéder dans les URSSAF à une
évaluation la plus précise possible compte tenu de la variété des mesures emploi et de leur complexité. La
centralisation de cette évaluation a paru plus judicieuse à l’ACOSS. La réalité est tout autre : le plan
comptable du recouvrement ne comptabilise pas les exonérations comme un produit. Il est donc impossible de
procéder différemment à l’heure actuelle. Il en sera tout autrement lorsque le plan comptable sera aménagé sur
ce point comme le propose la MIRCOSS.
Le rapprochement effectué à la demande de la Cour entre l’évaluation et les produits effectivement encaissés a
fait apparaître une minoration globale de produit de 6,81 % soit 490 MF, mais dont la part respective varie en
fonction des mesures emploi, les plus délicates à évaluer étant celles qui sont en fin d’application et celles qui
sont en période de montée en charge.
Les charges constatées d’avance
Les CAF versent les allocations aides personnelles au logement (APL accession) mensuellement selon trois
échéances les 5, 10 et 25 du mois. Les aides versées le 25 du mois concernent des faits générateurs qui
peuvent intervenir du 27 du mois au 6 du mois suivant. L’échéance du 25 décembre a donc trait en partie à des
charges à rattacher à l’année suivante. Il convient alors de comptabiliser des charges constatées d’avance afin
de déterminer un résultat comptable en conformité avec les principes des droits constatés. Or, la CNAF n’a
pas prévu cette évaluation. La nouvelle instruction de branche pourrait le cas échéant prendre en considération
cette opération d’inventaire.
Les provisions
La direction de la sécurité sociale et la direction générale de la comptabilité publique ont autorisé à titre
provisoire la diffusion des circulaires de 1996 de l’ACOSS avec toutefois des réserves sur deux points :
évaluation de la provision en retenant le seul critère d’ancienneté et transfert de l’ensemble des créances
existantes à la clôture de l’exercice au compte créances douteuses. Ces réserves ont été renouvelées en 1998.
Néanmoins, l’ACOSS a reconduit les modalités de calcul statistique de ces provisions pour les exercices
comptables 1997, 1998 et 1999, alors même qu’il avait été prévu d’affiner la méthode dès 1997. En 1999
également, des améliorations ont été envisagées afin que le système de calcul prenne en compte le caractère
très récent de la créance (moins de trois mois, plus de trois mois), la présence d’une procédure collective ou
d’une mise en instance d’admission en non valeur, la catégorie de cotisant, la distinction entre restes à
recouvrer sur cotisations et restes à recouvrer sur majorations et pénalités et l’ancienneté de la créance, mais
ces améliorations sont restées à l’état de projet. Il est donc nécessaire que l’ACOSS respecte le décret du 23
mai 1996 et aménage sa circulaire pour ce qui concerne la détermination des créances douteuses et les
modalités de calcul de la provision.
En 1998, la CNAMTS a provisionné, après accord de la DSS un litige de 1,2 MdF concernant la contribution
exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques. En effet, plusieurs laboratoires avaient formé un recours en
annulation devant le Conseil d’Etat en évoquant son illégalité, et les éléments disponibles permettaient de
penser qu’il avait beaucoup de chance d’aboutir. Les laboratoires ont obtenu gain de cause, et en début
d’année 2000, l’ACOSS pour le compte de la CNAMTS a dû procéder au remboursement de cette
contribution.
Il est rappelé compte tenu des observations des CODEC/COREC , que la CNAMTS devrait préciser les
conditions de provisionnement des créances douteuses des CPAM ainsi que l’avait demandé la direction de la
sécurité sociale en 1998, que la CNAF devrait adapter son logiciel CRISTAL de liquidation des prestations
légales pour distinguer les rappels de l’année courante et les rappels concernant des droits ouverts au cours
d’années antérieures et adapter l’instruction de branche pour calculer des provisions pour rappels à payer,
enfin que la CNAV devrait faire évoluer son système d’information afin de rapprocher les rappels
effectivement supportés des montants provisionnés dès lors que les reprises de provision calculées de manière
statistique peuvent ne pas correspondre aux charges réelles.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
La réforme de la comptabilisation en droits constatés des opérations des gestions techniques des organismes
de sécurité sociale constitue une étape indispensable sur la voie d’une comptabilité harmonisée de l’ensemble
des organismes, nécessaire pour permettre au Parlement de contrôler l’exécution comptable des lois de
financement de la sécurité sociale, et au Gouvernement de préparer dans les meilleures conditions ces mêmes
lois de financement tout en bénéficiant des remontées d’informations plus rapides et plus fiables.
Les contrôles effectués par les COREC/CODEC sur les comptes des caisses locales du régime général pour
l’exercice 1998 attestent que celles-ci ont, pour la plupart, appliqué de manière correcte les instructions mises
en place par les caisses nationales. Lorsqu’elles ont été relevées, des défaillances tenaient pour l’essentiel à
l’insuffisance des contrôles exercés par les caisses nationales, à des imprécisions des circulaires nationales et
au défaut de mise à jour des applications informatiques nationales.
Les contrôles ont également permis de constater que les objectifs de la réforme avaient été peu ou pas du tout
explicités par les caisses nationales, que la formation des personnels quels qu’ils soient (les agents de
direction comme les agents des caisses) avait été très insuffisante. Dès lors les organismes n’ont que peu
modifié leur organisation, leurs méthodes de travail et leurs procédures, ne tirant pas parti de l’apport de la
réforme en matière d’aide à la gestion. Il serait à cet égard souhaitable que les conventions d’objectifs et de
gestion (COG) puissent faire référence aux possibilités qu’offre la comptabilisation en droits constatés pour
fixer des objectifs comptablement mesurables (indus, rappels, restes à recouvrer…).
Enfin, les principes généraux de la comptabilité ne sont pas tous respectés, qu’il s’agisse en cours d’exercice
de la comptabilisation des produits et des charges concomitamment aux écritures de dettes et de créances ou,
en fin d’exercice, des écritures de régularisation (produits à recevoir, charges à payer, provisions).
Il est donc tout à fait essentiel, notamment dans la perspective d’une harmonisation de la comptabilité des
organismes de sécurité sociale sur la base des travaux de la MIRCOSS, dont la Cour a rappelé les
objectifs
[62]
, que les applications informatiques soient ou mises à jour ou rénovées pour la date de mise en
oeuvre de cette réforme qui devrait être fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Il apparaît enfin indispensable qu’une instance nationale suive la réglementation du domaine comptable de la
sécurité sociale et formule les propositions d’aménagement nécessaires. La DSS devrait bien entendu être
étroitement impliquée dans cette instance, mais aussi les caisses et d'autres partenaires (direction générale de
la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…). Les moyens dévolus à cette instance devraient être
conséquents
.
On rappelle en effet que la mise en oeuvre dans de bonnes conditions de la comptabilité en droits
constatés, qui ne fera pas disparaître l’intérêt du suivi régulier des opérations d’encaissements et de
décaissements, est essentielle pour rendre les résultats indépendants d’événements conjoncturels et pour
apprécier la manière dont les organismes gèrent leurs droits et leurs créances.
RECOMMANDATIONS
1. L’ACOSS doit se fixer comme tâche prioritaire la rénovation de son application informatique SNV2 afin de
procéder au rattachement correct des produits à l’exercice et au suivi comptable par exercice. Elle doit
rédiger un guide d’utilisation de ses notifications de fin d’année. Elle doit adopter un mode de
provisionnement des créances douteuses conforme au code de la sécurité sociale.
2. A l'appui de chaque encaissement effectué par l'ACOSS, les différents organismes versants doivent fournir
un document précis permettant à la caisse d'effectuer la comptabilisation concomitante en produit.
3. Les caisses nationales doivent améliorer leurs procédures sur les points suivants :
- rappeler aux ordonnateurs et aux comptables leurs responsabilités respectives en matière de définition des
provisions et leur permettre de les exercer ;
- coordonner et harmoniser leurs écritures comptables en cas de divergence sur opérations réciproques ;
- intensifier leurs opérations de contrôle des centralisations comptables.
4. Les caisses "dépensières" doivent procéder à des aménagements sur les points suivants:
la CNAMTS doit préciser ses instructions aux CPAM sur le provisionnement des créances douteuses ;
la CNAF doit aménager son logiciel CRISTAL pour mieux prendre en compte les indus et les rappels et
préciser ses instructions en matière de reprise de charges à payer, de rattachement des produits et de calcul
des provisions sur créances douteuses ;
la CNAV doit aménager ses applications informatiques pour mieux traiter comptablement les rappels.
5. Les tutelles et les caisses nationales doivent s’assurer que :
- les améliorations à apporter à la comptabilité en droits constatés dans les organismes fassent partie des
conventions d'objectifs et de gestion ;
- le suivi des objectifs figurant dans les COG s’appuie sur des données issues de la comptabilité des
organismes dès lors qu’elle est tenue en droits constatés.
6. Le suivi de la réglementation comptable des organismes de sécurité sociale doit être confié à une instance
nationale regroupant la direction de la sécurité sociale, les caisses et les autres administrations et institutions
concernées (direction générale de la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes,…).
Réponse
[60]
Elles diffusent par ailleurs en fin d’année une circulaire destinée à l’arrêté des comptes. C’est l’occasion
de réaffirmer les principes et le cas échéant de modifier ou affiner les règles précédemment adoptées et qui
s'appliquaient aux exercices antérieurs.
[61]
Cet article prévoit l'évolution de la provision en fonction de la situation particulière des débiteurs de
cotisations, éventuellement au moyen d'une estimation forfaitaire retenant comme référence des créances et
situations de même nature, dont les risques de non-recouvrement sont identiques.
[62]
Cf. le rapport au Parlement sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre
1999.
Section II :
L'élaboration des informations comptables par la direction de la
sécurité sociale
A partir des comptes des différents régimes de sécurité sociale, la direction de la sécurité sociale (DSS) établit
chaque année trois types
d'
"informations comptables"
, la première destinée à la commission des comptes de la sécurité sociale
(CCSS), la deuxième aux annexes au projet de loi sur le financement de la sécurité sociale (LFSS), et la
troisième transmise notamment à la Cour des comptes pour la rédaction de son rapport annuel sur l'application
de la loi de financement de la sécurité sociale.
Ces travaux ont deux échéances
[63]
: le printemps pour la première réunion de la commission des comptes et
l’automne pour sa seconde réunion et pour le PLFSS. Jusqu’en 1999, les agrégats de la loi de financement de
l’année écoulée étaient fournis à la Cour des comptes en septembre.
La présentation qui suit vaut pour l’élaboration des comptes de l’exercice passé, c’est-à-dire qu’elle ne traite
pas ou peu de l’activité de prévision de la direction de la sécurité sociale. C’est le processus 2000 sur les
comptes 1999 qui est décrit.
I - Les trois types d’informations comptables élaborées par la direction de la sécurité
sociale
A - Quelles sont ces informations comptables ?
Les trois informations comptables produites par la DSS entretiennent des liens étroits, certaines d’entre elles
se déduisant des autres.
Les comptes pour le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale :
La commission des comptes de la sécurité sociale, créée par le décret du 22 mars 1979 et présidée par le
ministre chargé de la sécurité sociale, " …analyse les comptes des régimes de sécurité sociale. Elle prend, en
outre, connaissance des comptes des régimes complémentaires de retraite rendus obligatoires par la loi (…)"
(art. L. 114-1 du code de la sécurité sociale). Elle se réunit deux fois dans l’année : au printemps de l'année n,
où sont examinés les "comptes"
[64]
du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, en réalisation, c’est-
à-dire les comptes définitifs des années n-3 et n-2 et quasi-définitifs de l’année n-1, et en prévision, c’est-à-
dire les comptes prévisionnels pour l’année en cours n ; et en septembre, où sont présentés les comptes réalisés
(années n-2 et n-1) et prévisionnels (années n et n+1) de tous les régimes.
Les comptes pour les annexes de la loi sur le financement de la sécurité sociale :
Le PLFSS est accompagné d'un rapport présentant les orientations en matière de politique de santé et de
sécurité sociale, ainsi que les objectifs permettant l’équilibre financier de la sécurité sociale (sur ce rapport, cf.
chapitre suivant,
infra
, p. 227). Sept documents sont annexés au PLFSS, plus un dont la fréquence est
triennale et qui présente la liste des régimes obligatoires de base ainsi que leur nombre de cotisants. En
particulier, les annexes présentant les comptes, élaborés par la DSS sont les annexes c et d. Le PLFSS pour
l'année n+1 contient dans ces annexes les comptes réalisés pour n-1 et les comptes prévisionnels pour n et
n+1.
La réalisation des agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale :
Dans la loi, les recettes prévues figurent en sept catégories : cotisations effectives, cotisations fictives,
contributions publiques, impôts et taxes affectés, transferts reçus, revenus des capitaux, autres ressources. Les
objectifs de dépenses des régimes de plus de 20 000 cotisants sont au nombre de quatre : dépenses de la
branche maladie-maternité-invalidité, dépenses de la branche accidents du travail, dépenses de la branche
vieillesse-veuvage, dépenses de la branche famille. Au total, si l’on ajoute l’ONDAM, il y a donc douze
agrégats dans la loi. La loi pour l'année n+1 contient les prévisions de ces catégories de recettes et les objectifs
de ces dépenses pour n+1. L'année n, la DSS établit ces agrégats à la fois en réalisation pour l'année n-1 et les
fournit à la Cour des comptes, et en prévision pour les années n et n+1, destinés au PLFSS pour n+1.
B - Des finalités différentes
Les informations comptables élaborées par la DSS n’ont donc pas toutes la même finalité.
Celles mises au point pour la commission des comptes permettent, sur l’année précédente et en prévision sur
l’année en cours et l’année suivante, d’éclairer les membres de cette commission sur l’état des comptes de la
sécurité sociale. Ils sont par ailleurs une des sources pour l’élaboration des annexes c et d du PLFSS.
Les informations comptables qui apparaissent dans ces annexes visent à éclairer le vote des parlementaires
dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale sont d’une part présentés et votés par le
Parlement dans le cadre de la LFSS pour l’année à venir, sous la forme de prévisions et d'objectifs. D’autre
part, les résultats de ces mêmes agrégats pour l'exercice précédent sont transmis à la Cour des comptes pour
que dans son rapport annuel elle apprécie l'application de la loi.
En résumé :
Finalités des informations comptables produites par la DSS
Comptes CCSS
Comptes des annexes du
PLFSS
Réalisation des agrégats de la LFSS
Ils permettent d’éclairer les
membres de la CCSS sur
l’état des comptes de la
sécurité sociale.
Ils sont par ailleurs une des
sources pour l’élaboration des
annexes c et d du PLFSS.
Ils visent à éclairer le vote
des parlementaires dans le
cadre du PLFSS.
Ils sont fournis à la Cour des comptes
pour qu'elle apprécie l'application de la
loi où ces grandeurs figuraient en
objectifs et en prévisions.
C - Des différences de champ
Les informations comptables élaborées par la DSS ne concernent pas toutes les mêmes régimes et traitent les
données des DOM de manières différentes :
Comparaison des champs des trois types d’informations comptables produites par la DSS
CCSS
Annexes au PLFSS
Agrégats de la LFSS
Champ
Tous les régimes
obligatoires de base et
complémentaires de
retraite, ainsi que les
fonds (organismes
concourant au
financement des régimes
de base de la sécurité
sociale)
Annexe c : recettes de tous les
régimes obligatoires de base ;
dépenses de tous les régimes
obligatoires de base de plus
de 20 000 cotisants.
Annexe d : recettes de tous les
régimes obligatoires de base.
Les opérations des fonds ne
sont pas retenues.
Agrégats de recettes : tous
les régimes obligatoires de
base.
Agrégats de dépenses :
(sauf l'ONDAM)
tous les régimes
obligatoires de base de plus
de 20 000 cotisants.
ONDAM :
tous les régimes
obligatoires de base.
Les opérations des fonds
sont intégrées.
DOM
Présentés à part
Présentés à part
Intégrés
Les comptes pour la commission des comptes de la sécurité sociale concernent les régimes obligatoires de
base, les régimes complémentaires de retraite et les fonds concourant au financement des régimes de base de
la sécurité sociale.
Les comptes pour les annexes au PLFSS ne couvrent pas le même champ selon qu'il s’agit des recettes ou des
dépenses : les recettes sont celles de tous les régimes obligatoires de base, alors que les dépenses sont celles
des régimes obligatoires de base de plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. Pour
les recettes comme pour les dépenses, les opérations des fonds concourant au financement de la sécurité
sociale ne sont pas, ici, intégrées aux comptes.
Enfin, les agrégats de la LFSS couvrent le même champ que les comptes figurant dans les annexes du PLFSS,
c’est-à-dire tous les régimes obligatoires de base pour les agrégats de recettes d’une part, et tous les régimes
obligatoires de base de plus de 20 000 cotisants pour les agrégats de dépense d’autre part (seul l'ONDAM ne
respecte pas cette dernière condition d'exclusion et porte donc sur tous les régimes). Les agrégats de la LFSS
intègrent les opérations des fonds concourant au financement de la sécurité sociale.
Les informations comptables concernant les DOM sont présentées à part pour les comptes établis pour la
CCSS et les annexes au PLFSS, mais elles sont intégrées aux agrégats de la LFSS.
D - Des différences de contenu
Le contenu des informations comptables élaborées par la DSS est différent d'une information à l'autre.
Par exemple, elles concernent en principe les opérations courantes, mais dans le cadre du rapport de la CCSS
et des annexes au PLFSS, et pour le régime général seul, c'est la variation de fonds de roulement qui est
présentée
[65]
.
Les comptes pour la CCSS optent pour une présentation différente entre le régime général et les autres
régimes. Pour le régime général, le rapport de cette commission donne trois types de documents : un compte
résumé pour chaque branche, qui comporte trois postes (recettes, dépenses et variation de fonds de
roulement) ; un compte résumé et consolidé pour l’ensemble du régime général (mêmes rubriques) ; enfin,
pour chaque branche, un compte emplois-ressources de nomenclature très détaillée, différente selon la branche
concernée. Pour les autres régimes que le régime général, le rapport de la CCSS présente un compte emplois-
ressources standard pour tous les régimes et moins détaillé que ceux des branches du régime général.
Les comptes pour les annexes au PLFSS se présentent de la même façon pour le régime général et les autres
régimes. Leur présentation est semblable à celle du rapport de la CCSS pour les autres régimes que le régime
général pour le niveau regroupé de nomenclature retenue. Toutefois, au niveau plus détaillé, des différences
apparaissent entre les comptes pour la CCSS et les annexes c et d.
Enfin, les agrégats de la LFSS sont, on l'a dit, au nombre de douze : sept agrégats de ressources par catégorie,
quatre agrégats de dépenses par branche, et l’ONDAM.
Ces trois informations comptables étaient, jusqu’en 1999, présentées selon le système d’encaissements-
décaissements. Les agrégats prévisionnels de la LFSS pour 2001 seront encore présentés et votés fin 2000
dans ce système mais ils seront présentés également, pour information, en droits constatés. C’est dans le cadre
du PLFSS pour 2002 qu’ils seront enfin présentés et votés en droits constatés. C'est également lors du PLFSS
pour 2002 que les annexes c et d seront établies dans les deux systèmes de tenue de compte. Enfin, il est prévu
que les comptes pour le rapport de la CCSS passent aux droits constatés en 2001 ou en 2002.
En résumé :
Comparaison des contenus des trois types d’informations comptables produites par la DSS
CCSS
Annexes au PLFSS
Agrégats
Nomenclature
Différence de présentation
entre le régime général et les
autres régimes :
Régime général
Trois types de documents :
pour chaque branche, un
compte résumé d’une part et
un compte emplois-ressources
de nomenclature très détaillée,
différente selon la branche
concernée, d’autre part. Enfin
Pas de différence entre
régime général et autres
régimes.
Pour le niveau regroupé de
nomenclature, la présentation
est analogue à celle de la
CCSS pour les autres régimes
que le régime général. Au
niveau plus détaillé, des
différences apparaissent avec
les comptes pour la CCSS, et
7 agrégats de
ressources par
catégorie,
4 agrégats de
dépenses par
branche,
l’ONDAM.
un compte résumé et con-
solidé pour l’ensemble du
régime général.
Les autres régimes
: compte
emplois-ressources standard
pour tous, de nomenclature
plus simplifiée que pour les
branches du régime général.
entre les annexes c et d.
Système de
tenue de
compte
DC à partir de 2001 ou 2002.
PLFSS pour 2001
: les
annexes seront présentées en
ED.
PLFSS pour 2002
: les
annexes seront présentées en
ED et en DC.
PLFSS pour
2001
: les agrégats
seront présentés et
votés en ED, mais
également
présentés pour
information en
DC.
PLFSS pour
2002
: les agrégats
seront présentés et
votés en DC.
Opérations
concernées
Opérations courantes, avec
toutefois indication de la
variation de fonds de
roulement pour le régime
général seul.
Opérations courantes, avec
toutefois indication de la
variation de fonds de
roulement pour le régime
énéral seul.
g
Opérations
courantes.
NB : ED = encaissements-décaissements ; DC = droits constatés.
II – Le processus d’élaboration des informations comptables
II - Le processus d'élaboration des informations comptables
Le schéma ci-après synthétise les flux d’information et les traitements menant aux trois types d’informations
comptables élaborées par la DSS pour les exercices réalisés, et qui vont être détaillés ci-après.
Le calendrier de production de toutes ces informations comptables s’articule en 2000 de la façon suivante (une
partie des informations est à ce jour prévisionnelle) :
- 17 mars : réunion entre la DSS et tous les régimes ; remise aux régimes des questionnaires "loi de
financement" (anciennement questionnaire "effort social de la Nation") en droits constatés et encaissements-
décaissements.
- 31 mars au plus tard : réception des comptes 99 quasi-définitifs des caisses nationales du régime général et
du FSV, en encaissements-décaissements et droits constatés.
- 30 avril au plus tard : retour des questionnaires "loi de financement" en encaissements-décaissements pour
tous les régimes. En pratique, ce retour s’est étalé jusqu’à la fin du mois de mai.
- 22 mai : commission des comptes de printemps
.
- 31 mai au plus tard : retour des questionnaires "loi de financement" en droits constatés pour tous les régimes.
Cette échéance n’a pas été respectée : au moment de la rédaction de ce rapport, la DSS n’avait pas reçu tous
les questionnaires.
- 24 juillet : transmission à la Cour des comptes des agrégats de comptes de la LFSS pour 1999 en
encaissements-décaissements.
- 19 septembre : remise du rapport de la Cour des comptes au Parlement
- 21 septembre : commission des comptes de septembre.
- 18-29 septembre : établissement des agrégats et des annexes du PLFSS pour 2001 en encaissements-
décaissements.
- 4 octobre : examen du PLFSS en conseil des ministres.
A - Les sources
Les comptes du passé produits par la DSS sont fondés sur deux sources d’information principales :
- le remplissage par les régimes du questionnaire "loi de financement" ;
- l’envoi par les régimes de leur compte emplois-ressources.
Quatre autres informations interviennent, produites entièrement ou en partie par la DSS :
- la dotation globale hospitalière, calculée en partenariat avec la direction des hôpitaux et répartie entre les
régimes par une commission
ad
hoc
;
- la répartition de la CSG maladie et des droits alcools ;
- la répartition de la C3S ;
- les transferts de compensation entre régimes.
1. Le questionnaire "loi de financement"
Le questionnaire "loi de financement" (anciennement questionnaire "Effort social de la Nation") élaboré par la
DSS, est envoyé aux régimes au cours des premiers mois de l'année depuis plus d’une dizaine d’années. Il
permet de recueillir, pour les trois années précédentes, non seulement des informations sur les comptes des
organismes, mais aussi les données sur les effectifs des régimes. Il est le même pour l’ensemble des régimes,
certaines rubriques n’étant pas renseignées par tous (par exemple les rubriques portant sur la famille ne sont
renseignées que par la CNAF). Il comporte neuf "sous-questionnaires" concernant les prestations sociales
légales, les prestations sociales extra-légales, les cotisations sociales effectives, les effectifs de cotisants et de
bénéficiaires, les emplois et ressources des opérations courantes, les opérations en capital et opérations
exceptionnelles, les transferts versés par le FSV aux régimes vieillesse, les transferts entre régimes, et enfin les
prestations entrant dans le champ de l’ONDAM.
La nomenclature du questionnaire "loi de financement" est beaucoup plus détaillée que celles des comptes
publiés pour la CCSS et pour le PLFSS, car un grand détail est, selon la DSS, nécessaire pour permettre de
ventiler les comptes des régimes en agrégats du PLFSS et d’analyser les résultats.
Les modifications de ce questionnaire au cours des ans ont été marginales. En 2000, il est adapté à un
remplissage en droits constatés.
2. Les comptes des organismes de sécurité sociale
Les organismes de sécurité sociale rentrant dans le champ des comptes pour la CCSS (et donc dans celui des
comptes pour les annexes au PLFSS et des agrégats de la LFSS qui est moins large) font parvenir à la DSS un
compte emplois-ressources, le plus souvent extrait de leur rapport financier. Pour la commission des comptes
de printemps, les caisses du régime général ne sont pas encore en mesure d’envoyer des comptes définitifs, les
réunions des conseils d’administration des caisses pour l’approbation des comptes ne se tenant qu’au cours de
l’été. Toutefois elles transmettent des comptes provisoires (cf.
infra
sur les délais).
3. Les autres sources
Comme il est dit plus haut, quatre autres sources d’information interviennent dans la confection des comptes
par la DSS. Trois d’entre elles sont produites par la DSS elle-même, en partenariat avec les régimes : la
répartition de la CSG maladie et des droits sur les alcools, la répartition de la C3S, et les transferts de
compensation entre régimes. La dotation globale hospitalière est calculée en partenariat avec la direction des
hôpitaux et répartie entre les régimes par la commission de répartition de la dotation globale, dont le
secrétariat est assuré par la CNAMTS.
B - Les comptes pour le rapport de la CCSS
1. Le déroulement des opérations
Le questionnaire et les documents comptables sont retournés à la DSS par chaque régime. La DSS analyse
alors la cohérence du remplissage du questionnaire pour les données financières, grâce à des contrôles
informatiques et à une expertise humaine. L'hétérogénéité des règles et des pratiques concernant les cadres
comptables et les modes de traitement d'opérations similaires entraîne de nombreuses mises au point avec les
régimes. Lorsque l’information transmise par le régime semble fiable, la DSS ventile les montants dans la
nomenclature des comptes de la CCSS
.
Parallèlement au traitement des comptes des régimes, la DSS établit les montants de transferts inter-régimes
et, en partenariat avec l’ACOSS, les montants de CSG-droits alcools à répartir. Les montants définitifs sont
fixés par arrêté.
2. Les retraitements amenant à modifier les données inscrites dans les comptes des régimes
Trois types de retraitements effectués par la DSS amènent à retenir pour les comptes de la sécurité sociale
qu’elle produit des données différentes de celles inscrites dans les comptes des organismes. Il s’agit de
retraitements concernant les opérations de fin d’exercice, de retraitements liés aux transferts entre régimes,
enfin de retraitements divers liés à des mises à jour d'estimations provisoires, notamment pour le compte de la
branche famille.
Les retraitements de fin d’exercice
Les retraitements de fin d'année concernent les versements de l'État à la sécurité sociale effectués au cours de
la période complémentaire, c’est-à-dire les versements effectués au mois de janvier au titre de l'exercice
précédent. Il s’agit des transferts de l'État au profit de la sécurité sociale : remboursement d’exonération de
cotisations et de prestations (notamment à la CNAF (cf. sur ce point, chapitre II,
supra
, p. 89). La DSS
rattache ces opérations à l'année n-1, de façon à assurer la cohérence entre les comptes de la CCSS et
l’exécution de la loi de finances.
Les retraitements relatifs aux transferts
Quand une différence apparaît entre les comptes du régime verseur et ceux du régime receveur, un arbitrage
est effectué en adoptant un régime pilote propre à chaque transfert.
Dans le cas du FSV, et s’agissant des prestations prises en charge, ce sont les montants inscrits dans les
comptes des régimes receveurs qui sont pris pour référence. Des écarts sont parfois observés. Ils sont
principalement dus à trois facteurs : aux opérations de régularisation d’un exercice sur l’autre ; à la différence
de système de tenue de comptes entre le FSV (droits constatés) et les autres régimes (encaissements-
décaissements) jusqu’en 1997 ; enfin à des difficultés d’identification des montants, ceux-ci étant parfois
répartis dans plusieurs postes comptables par les régimes receveurs, et les montants ainsi répartis n’étant pas
distingués des autres recettes dans ces postes. Les décisions d’arbitrage par la DSS se font également de sorte
à garantir la cohérence du compte du FSV. En ce qui concerne les cotisations prises en charge, ce sont les
décaissements du FSV qui sont retenus.
Si les écarts sont trop importants, ce qui est toutefois assez rare, la DSS procède à un examen plus approfondi
auprès du régime concerné et à une régularisation sur l’exercice suivant.
Un exemple de retraitements divers : les retraitements effectués sur les comptes de la branche famille
L’encadré ci-après présente les opérations effectuées par la DSS pour passer du compte fourni par la CNAF au
compte pour la CCSS pour la branche famille du régime général.
Comptes 1998 de la branche famille
Les retraitements opérés par la DSS pour établir les informations comptables figurant dans
le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999
Les retraitements opérés par la DSS sur les informations comptables que lui a transmises la caisse
nationale d’allocations familiales ont été de trois types :
1. Régularisations sur les prestations et cotisations
prises en charge par l'État.
Elles concernent les prestations directement versées aux fonctionnaires de l’État et relevant du
budget général, ainsi que le montant des cotisations théoriques d'allocations familiales afférentes.
Jusqu’en 1999, la direction du budget transmettait ses informations comptables à la CNAF et à la
DSS avec un certain retard. Au moment où la CNAF a transmis ses propres informations
comptables à la DSS, elle n’était donc pas en mesure de fournir des données définitives
concernant les opérations de l’État. Pour la commission des comptes de septembre 1999, la
direction du budget de l’État a pu transmettre à la DSS les informations définitives sur l’exercice
1998 et les régularisations de l'exercice 1997, d'où les deux régularisations suivantes :
- Régularisations sur les opérations de l’exercice 1998 : la mise à jour par la DSS des montants
de prestations transmis par la CNAF représente +467 MF sur les prestations 1998 et +694 MF sur
les cotisations.
- Régularisations sur les opérations de l’exercice 1997 : la DSS comptabilise ces régularisations
de l’État au titre des exercices précédents dans le chapitre "dépenses diverses" (ou "recettes
diverses" s’il s’agit de régularisations sur des recettes), alors que la CNAF les rattache aux
différents chapitres concernés. Par exemple, la régularisation de l’État au titre des allocations
familiales pour l’exercice 1997 est comptabilisée par la CNAF dans le chapitre "allocations
familiales" du compte de l’exercice 1998, alors qu’elle est isolée en dépenses diverses pour la
commission des comptes de la sécurité sociale. Cette nouvelle ventilation n’aurait pas modifié le
total des recettes et des dépenses si les montants concernant l’État avaient été de caractère
définitif. La mise à jour des montants provisoires transmis par la CNAF fut de -564 MF sur les
dépenses et de -55 MF sur les recettes.
2. Calage des recettes et des dépenses
.
La DSS fait en sorte que les recettes concernant les subventions de l’État soient égales aux
dépenses associées : sur le compte 1998, elle a retranché 39 MF au montant déclaré par la CNAF
au titre des recettes de majoration d’allocation de rentrée scolaire (ARS), subvention prise en
charge par l’État, pour que ce montant soit concordant avec le montant de dépenses de
majoration d’ARS (incluse dans le compte CCSS dans le chapitre "ARS").
3. Une différence de champ concernant le poste "gestion administrative"
.
La DSS déduit de ce poste les recettes propres en capitaux pour la présentation des informations
comptables concernant la CNAF à la commission des comptes de la sécurité sociale. Il s’agit
notamment des remboursements d’avances faits par la CNAF (par son fonds national de gestion
administrative) aux caisses locales, par exemple pour la construction d’immeubles.
Après retraitements par la DSS des comptes transmis par la CNAF, les dépenses présentées en
commission des comptes de la sécurité sociale sont inférieures de 537 MF aux dépenses des
comptes de la CNAF (252 543 MF), et les recettes sont augmentées de 600 MF par rapport aux
recettes des comptes de la CNAF (254 446 MF). Le solde présenté en commission des comptes
est ainsi supérieur de 1,1 MdF au solde du compte transmis par la CNAF.
Incidence pour 1998 des retraitements effectués par la DSS sur le compte de la CNAF
(CCSS - CNAF en MF)
Dépenses
Recettes
Solde
. Régularisations des opérations 1998 de l’État
467
694
228
. Régularisations des opérations 1997 de l’État
-564
-55
509
. Homogénéisation dépenses/recettes
-.
-39
-39
. Différence de champ de gestion administrative
-440
.-
440
TOTAL
-537
600
1 138
C – les annexes de la loi de financement de la sécurité sociale
A partir des comptes réalisés de la CCSS et des données du questionnaire "loi de financement", la DSS ventile
les montants selon la nomenclature des comptes pour les annexes c et d du PLFSS. Pour établir en particulier
les comptes de l’annexe c, elle applique le filtre portant sur le nombre de cotisants des régimes pour rentrer
dans le champ des comptes du PLFSS (régimes obligatoires de base de plus de 20 000 cotisants), puis répartit
les données comptables par risque. Ensuite, elle effectue des traitements particuliers pour le calcul des
dépenses par branche. Ainsi, à titre d’exemple, les prestations invalidité sont ventilées selon le critère suivant :
si le bénéficiaire a moins de 60 ans, le montant des prestations est comptabilisé dans la branche maladie, s’il a
plus de 60 ans, il l’est dans la branche vieillesse. Cette distinction n’est pas requise pour les comptes de la
CCSS, mais elle l’est pour l’annexe c du PLFSS. Les recettes correspondantes sont réparties au prorata des
dépenses du risque ainsi ventilées.
D – Les agrégats de comptes
Pour obtenir les agrégats de comptes, la DSS s’appuie sur les informations comptables des annexes c et d du
PLFSS et consolide les recettes et les dépenses. Les montants des DOM sont pris en compte.
1. La consolidation des recettes et des dépenses
Afin d’éviter les doubles comptes dans le calcul des agrégats de recettes et de dépenses, la DSS consolide les
versements internes opérés par certains régimes de base au profit d’autres régimes de base. Il s’agit de
cotisations prises en charge par certains régimes (cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux prises en
charge par les régimes maladie par exemple ; sur ce point cf.
infra
chapitre VIII, p. 327) et de transferts entre
régimes de base ou effectués par des fonds concourant au financement de ces régimes, tel le FSV.
En pratique, on élimine les montants reçus et versés
[66]
à l’intérieur du champ retenu pour le calcul des
agrégats de la LFSS (régimes de base de plus de 20 000 cotisants pour les dépenses, tous régimes de base pour
les recettes, et les fonds concourant à leur financement). Par exemple, les
montants des transferts de
compensation reçus par les régimes de base sont déduits, pour les agrégats de recettes, de la catégorie
"transferts reçus" ; pour les agrégats de dépenses d’autre part, ils sont déduits du total des dépenses de chaque
branche concernée.
En ce qui concerne les opérations des fonds concourant au financement des régimes de base, la méthode de
consolidation consiste à ne comptabiliser que leurs recettes nettes, c’est-à-dire les recettes moins les
versements aux régimes de base. Par exemple, les recettes du FSV sont ajoutées aux recettes "impôts et taxes"
des régimes de base, et les versements du FSV à ces régimes sont déduits de la rubrique "transferts reçus" dans
leurs recettes.
2. Les objectifs de dépenses par branches
Passage des dépenses réalisées par branche des régimes de base aux agrégats de dépense par branche pour
l’exercice 1999
(en MdF)
Branche
maladie
Branche
accidents
du travail
Branche
vieillesse
Branche
famille
Total
Dépenses des régimes de
base
732,5
57,5
872,3
259,7
1 921,2
Transferts internes à
consolider
-28,0
-5,3
-98,1
-1,3
-132,7
Cotisations prises en charge
par la sécurité sociale à
consolider
-6,5
0,0
0,0
-1,3
-7,9
Dépenses des régimes de
base de moins de 20 000
cotisants
-0,5
0,0
-2,1
0,0
-2,6
Dépenses des DOM
consolidées
8,5
0,4
5,6
3,9
18,4
Dépenses réalisées par
branche
705,8
52,7
777,8
260,9
1 796,4
Les objectifs de dépenses par branche sont estimés en réalisation à partir des dépenses de l’ensemble des
régimes de base obligatoires. On leur soustrait d’une part les dépenses des régimes de moins de 20 000
cotisants ou bénéficiaires, les transferts internes aux régimes de base considérés, et les dépenses qui sont la
contrepartie des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux prises en charge par la sécurité sociale
(maladie et famille pour les premiers, maladie pour les seconds). D’autre part, on leur ajoute les dépenses dans
les DOM (qui, dans les comptes de la CCSS, sont consolidées avec les recettes dans les DOM).
Le tableau précédent résume les opérations effectuées pour passer des dépenses des régimes obligatoires de
base aux agrégats de dépenses par branche de la LFSS.
3. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie
L’ONDAM est la somme des dépenses des régimes obligatoires de base, dont sont exclus les prestations
invalidité-décès, les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières maternité, les dépenses d'action
sanitaire et sociale, les prestations extralégales, les dépenses de gestion administrative et au titre des divers
fonds, les transferts et les frais financiers, et auxquelles sont ajoutées les dépenses des DOM (sur l'ONDAM et
ses relations avec les OQN, cf.
infra
).
Le tableau suivant résume les opérations effectuées pour passer des agrégats de dépenses de l’ensemble des
régimes de base pour les branches maladie et accidents du travail à l’ONDAM.
Passage des dépenses réalisées par branche de l’ensemble des régimes de base à l’ONDAM réalisé pour
l'exercice 1999
Branche
maladie
Branche AT
Total
Dépenses des régimes de base
706,3
56,7
763,0
Prestations légales hors champ
Prestations invalidité-décès
-
-
-
Prestations incapacité permanente (AT)
-
- 30,1
- 30,1
Indemnités journalières maternité
- 12,2
-
- 12,2
Prestations à déduire
Prestations de services sociaux
- 10,7
-
- 10,7
Prestations extra-légales
- 3,5
-
- 3,5
Dépenses à déduire
Frais de gestion
- 34,2
- 5,3
- 39,5
Transferts versés
- 25,5
- 6,4
- 31,9
Frais financiers
- 0,3
0,0
- 0,3
Autres dépenses
- 1,4
- 0,1
- 1,5
Solde des opérations DOM
- 6,3
0,1
- 6,2
A ajouter
:
Dépenses DOM consolidées
13,4
0,1
13,5
ONDAM réalisé
625,6
15,0
640,6
4. Les catégories de recettes
Les catégories de recettes sont les mêmes que dans les comptes des régimes autres que le régime général pour
la CCSS : cotisations sociales effectives, cotisations fictives, contributions publiques, impôts et taxes affectés,
transferts entre régimes et autres ressources. On y ajoute les ressources du FSV et les recettes des DOM, et on
déduit les cotisations prises en charge par la sécurité sociale et les transferts reçus des régimes de base.
Le tableau suivant résume les opérations effectuées pour passer des catégories de recettes des régimes
obligatoires de base aux agrégats de recettes par catégorie.
Passage des ressources réalisées dans l’annexe d du PLFSS aux agrégats de recettes perçues par catégorie
pour l'exercice 1999
(en MdF)
Agrégats de
Ressources
Régimes de
base
FSV
Ressources à
consolider
recettes
perçues par
catégorie
Cotisations effectives
1 069,9
-
-7,9
1 062,0
Cotisations fictives
195,9
-
-
195,9
Impôts et taxes affectés
326,6
80,2
-
442,7
Transferts reçus
215,1
-
-210,7
4,4
Contributions publiques
68,5
-
-
68,5
Revenus des capitaux
1,4
0,1
-
1,5
Autres ressources
33,3
-
-
33,3
Total des ressources
réalisées
1 946,5
80,3
-218,5
1 809,3
III – Etat des lieux sur les délais et la qualité
A – Les délais de production
Les progrès sont notables puisque les agrégats de la loi ont été fournis à la Cour des comptes fin juillet 2000,
au lieu de mi-septembre comme c'était le cas précédemment. Cependant, il conviendrait de réduire encore ces
délais de production (à titre d'exemple, l'Etat fournit ses comptes avant la fin mars). Ils dépendent de deux
facteurs : les délais de transmission des informations (comptes et réponse au questionnaire "loi de
financement") par les régimes et les moyens mis en oeuvre par la DSS.
Les dates d’envoi des documents comptables définitifs à la DSS dépendent des dates d’approbation des
comptes par les conseils d’administration des régimes. Ceux-ci font néanmoins parvenir à la DSS des
documents provisoires pour que celle-ci puisse engager ses travaux. En particulier, pour la commission des
comptes de printemps, les comptes provisoires du régime général pour l'année écoulée sont transmis en mai à
la DSS. Toutefois, l’attente des documents comptables définitifs nécessite à la DSS des traitements successifs
de mise à jour des données.
Concernant les quatre caisses nationales du régime général, les dates d’approbation des comptes ont pu être
avancées dans l’année depuis six ans : en 1995, elles s’étalaient entre le 12 septembre et le 30 octobre, alors
qu’en 2000, elles s’échelonnent entre le 23 mai et le 13 juillet.
La DSS n’a pas besoin pour ses travaux de comptes approuvés "au centime près". Il serait préférable d’obtenir
les informations plus tôt dans l'année, quitte à accepter que certaines rubriques soient de nature estimative.
Les régimes doivent donc plutôt fournir leurs comptes à la DSS avant une date butoir fixée, ce qui suppose
une déconnexion entre la date de transmission des comptes et la date de leur approbation.
Par ailleurs, les délais de retour des questionnaires "loi de financement" ont été largement dépassés par une
partie des régimes les années précédentes (en 1999, deux mois après l’envoi des questionnaires vierges, au
moins cinq d’entre eux n’avaient pas été retournés à la DSS), ce qui suffit à bloquer tout le processus
d’élaboration des comptes. Les régimes doivent remplir leurs obligations envers la tutelle dans les temps
impartis.
En 2000, la remise par les régimes de ce questionnaire renseigné en encaissements-décaissements était
attendue pour la fin avril. Elle s’est en pratique étalée jusqu’à la fin mai. En droits constatés, elle était prévue
pour la fin mai. A la date de rédaction de ce rapport, tous les régimes n’avaient pas renvoyé leur réponse.
Enfin, les moyens mis en oeuvre par la DSS pour traiter les réponses des organismes présentent à ce jour
certaines faiblesses.
L’environnement informatique est à rénover, et c’est le chemin qu’a emprunté la DSS en faisant réaliser un
audit début 2000, en vue de faire évoluer son système informatique pour l’élaboration des comptes. Elle a
également fait appel à une prestation de service pour le calcul des agrégats du PLFSS en droits constatés, dont
elle tirera des enseignements. Il est essentiel qu’elle poursuive ses efforts dans cette voie car un système
informatique insuffisant pèse sur les délais et présente des risques pour la qualité.
Par ailleurs, le renforcement et le renouvellement des cadres chargés, à la DSS, d’élaborer les informations
comptables, et qui sont très spécialisés, est très difficile. A cela s'ajoute un manque de documentation de leurs
pratiques qui compromet non seulement la polyvalence des compétences mais aussi la transparence des
opérations. Au total, la disproportion est très grande entre les moyens que la DSS peut consacrer à
l'élaboration de ces informations comptables et l'ampleur de cette fonction (y compris si l'on songe aux
montants en cause).
B – La qualité et la lisibilité des trois types d’informations comptables entre elles
1. Les travaux de la MIRCOSS
Des progrès sont à venir concernant les plans de comptes grâce aux travaux d’harmonisation de la MIRCOSS
(mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale
[67]
). Ces travaux
vont également améliorer la tenue par les organismes des comptes en droits constatés (sur l’application
effective actuelle des droits constatés, cf.
supra
). Cela va favoriser une plus grande homogénéité des
traitements opérés par la DSS pour l’établissement de ses informations comptables.
Le nouveau plan de compte devrait être rendu obligatoire à partir du 1
er
janvier 2002 par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2001, selon les propositions de la mission. C’est à cette échéance qu’on pourra
disposer de « vrais » comptes pour l’ensemble de la sécurité sociale après consolidation des comptes des
régimes. Mais cette échéance sera, selon la MIRCOSS, difficile à respecter pour tous les régimes. Il est donc
essentiel que ceux-ci puissent trouver un appui méthodologique auprès de la DSS.
Enfin, l’un des objectifs de la MIRCOSS est de créer une nomenclature unique pour les comptes de la CCSS
et pour les annexes du PLFSS et de "démarginaliser" les informations portant sur les DOM en les intégrant
dans tous les postes.
2. La qualité des informations source
Les informations transmises par les caisses nationales du régime général sont estimées de bonne qualité par la
DSS. En revanche, les informations transmises par certains autres régimes posent des problèmes de qualité.
Les régimes des assemblées parlementaires, au nom de l’indépendance du pouvoir législatif par rapport au
pouvoir exécutif, ne relèvent pas de la tutelle de la DSS et ne lui transmettent donc aucune information
comptable ou relative à ses effectifs. La Cour pense que dans un souci de transparence, de telles informations
devraient être disponibles. D’ailleurs les assemblées ont choisi de respecter le plan de comptes retenu par la
mission interministérielle de la réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, qui sera rendu
obligatoire en 2002, et de publier, dans cette forme, à compter de cet exercice, les comptes annuels
d’exécution de leurs régimes, qui seront dès lors à la disposition de la commission des comptes et de la
direction de la sécurité sociale.
Quelques régimes, parmi lesquels le régime des marins (ENIM) et le régime minier (CANSSM), éprouvent
des difficultés techniques à respecter les délais et à donner des informations de qualité suffisante (ces deux
organismes indiquent, dans leur réponse au présent rapport, les améliorations intervenues en 2000 ou en
cours).
Les régimes des exploitants et salariés agricoles posent également des problèmes de délais à la DSS. Les
données de ces régimes sont actuellement transmises à la DSS par la MSA, mais également par le ministère de
l’agriculture et de la pêche, qui se charge, si besoin est, des retraitements nécessaires. Ces retraitements
perdront leur raison d’être lorsque la MSA sera en mesure de fournir ses informations conformément aux
modalités souhaitées par la DSS, permettant de revenir à un circuit de transmission plus classique.
RECOMMANDATIONS
1. Harmoniser le contenu et les nomenclatures des informations comptables élaborées pour la CCSS et pour
les annexes c et d du PLFSS.
2. Accroître et améliorer les moyens que la DSS consacre à l’élaboration des informations comptables :
- en poursuivant la rénovation du système informatique ;
- en développant les équipes et leur polyvalence ;
- en rendant plus documentée et transparente cette élaboration
;
3. Continuer à raccourcir les délais de production et de transmission des comptes arrêtés par les comptables
des organismes et des informations complémentaires par les régimes, en visant le 31 mars ; cela suppose en
particulier que les comptes soient arrêtés avant la fin mars et immédiatement envoyés à la direction de la
sécurité sociale ;
4. Accroître la qualité des informations transmises par certains régimes.
Réponse
[63]
On ne s'intéressera ici qu'aux travaux ayant trait aux comptes, lesquels occupent une sous-direction parmi
les six que compte la DSS.
[64]
Le mot comptes est mis entre guillemets pour bien marquer qu'il ne s'agit pas de comptes au sens de
comptes d'une institution, mais l'aboutissement d'un processus, dans un cadre comptable, d'agrégation et de
retraitements de comptes des organismes de sécurité sociale, processus qui est justement décrit dans les pages
suivantes.
[65]
La différence entre variation de fonds de roulement et solde des opérations courantes tient à l'inclusion
dans la première des opérations en capital.
[66]
Montants égaux entre eux grâce aux retraitements décrits
supra
.
[67]
Sur cette mission, cf. le rapport de la Cour de septembre 1999 sur l’application de la loi de financement
de la sécurité sociale.
Section III :
Les méthodes de préparation et de suivi de l'ONDAM et des OQN
Les lois de financement de la sécurité sociale fournissent un cadre à la régulation globale des dépenses
d’assurance maladie. Elles fixent notamment l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM),
seul montant voté pour l’exercice suivant par le Parlement en ce qui concerne l’ensemble des régimes
obligatoires. Cet objectif est ensuite réparti par le gouvernement entre quatre enveloppes : celle des
établissements hospitaliers, celle des cliniques privées, celle des établissements médico-sociaux, enfin celle
des dépenses de soins de ville. Depuis la loi de financement pour 2000, seule cette dernière est retranscrite par
les partenaires conventionnels.
La Cour, dans son précédent rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, avait
souligné le caractère parfois arbitraire du champ de l’ONDAM, le degré différent d’encadrement des postes de
dépenses qui le compose, les faiblesses dans les méthodes de préparation et enfin les insuffisances rencontrées
dans les modalités de suivi des objectifs.
L’existence de l’ONDAM constitue, comme c'était l'une de ses finalités, un indéniable progrès dans
l'amélioration de la connaissance par la représentation nationale des choix effectués en la matière. Il n'en
demeure pas moins que les insuffisances relevées dans les méthodes de préparation et le fait que la traduction
chiffrée des objectifs de santé publique soit très grossière font que l’information présentée n’est pas encore
totalement pertinente. Cette année, la Cour a poursuivi son analyse sur trois points :
- la pertinence de l’information communiquée au Parlement ;
- les méthodes de préparation ;
- le suivi des objectifs quantifiés nationaux, c'est-à-dire les objectifs par profession découlant de l'ONDAM et
négociés avec les partenaires conventionnels.
I - La pertinence des données présentées au Parlement
Les données présentées au Parlement à l’occasion du vote de la loi de financement de la sécurité sociale ne
permettent pas de comprendre avec précision l’évolution de l’ONDAM, des enveloppes qui le composent et
des objectifs quantifiés nationaux qui en découlent. Les limites dans l’information sont de deux ordres :
- le contenu de l’ONDAM diffère de celui des OQN ;
- des changements de méthodes réduisent la compréhension de certaines évolutions.
A - La décomposition de l’ONDAM en enveloppes et le lien
avec les OQN
1. Les différences de champ entre l’ONDAM et les oqn ne permettent pas une information précise du
parlement
L’ONDAM voté par le Parlement et les enveloppes qui en sont déduites sont des objectifs de dépenses de
l’ensemble des régimes d’assurance maladie. Il ne revêt pas lui-même un caractère impératif, mais les
décisions qui succèdent à son adoption fixent des financements limitatifs (pour les établissements) ou
comportent des mécanismes de régulation a posteriori qui visent à lui donner une portée impérative.
Il constitue une estimation des dépenses de l’assurance maladie et non une estimation des dépenses totales de
chaque secteur. Ainsi, pour les hôpitaux, l'objectif voté par le Parlement comprend uniquement les dépenses
prises en charge par l'assurance maladie, dites
dépenses encadrées
et versées aux établissements sous forme
de dotation globale. Mais, dans les quinze jours qui suivent la promulgation de la loi de financement de la
sécurité sociale, plusieurs arrêtés sont publiés qui fixent le montant des
dépenses autorisées
des
établissements sous dotation globale. Or les deux notions ne coïncident pas. Les dépenses autorisées incluent,
outre les dépenses encadrées financées par la dotation globale, les dépenses financées par les recettes propres
et subsidiaires des hôpitaux, par exemple le forfait journalier acquitté par les patients, ou encore la part des
soins restant à la charge des mutuelles. Pour l’année 1999, l’objectif prévisionnel des dépenses encadrées pour
les établissements de santé sous dotation globale avait été fixé à 249 MdF, et le montant des dépenses
autorisées à 259 MdF. Pour l'année 2000, les montants correspondants sont respectivement de 255,7 et 266,9
MdF.
L’exacte information du Parlement supposerait qu’il ait connaissance non seulement, comme aujourd’hui, des
dépenses encadrées, mais aussi des dépenses autorisées. Comme il ne vote pas le montant des dépenses
encadrées, mais qu’elles sont seulement fournies dans les annexes du projet de loi de financement de la
sécurité sociale comme composante de l’ONDAM, lui fournir en complément les dépenses autorisées ne paraît
pas poser de problème de principe.
Par ailleurs, à la suite des négociations avec les partenaires sociaux et les syndicats de personnels hospitaliers,
la croissance des dépenses hospitalières autorisées pour 2000 a été portée de 2,5 à 3,23 %. Le financement de
cette enveloppe est assuré par l’Etat, sans que l’ONDAM ait été revalorisé. Cette méthode faussera la
comparaison entre exercices. Il serait souhaitable que, dans la loi de financement pour 2001, ces dépenses
soient intégrées dans l’ONDAM, avec la rétropolation correspondante des montants de 2000.
De même, l’enveloppe médico-sociale des dépenses d’assurance maladie indiquée au Parlement ne représente
pas l’ensemble des dépenses de ce secteur, puisqu’une partie du financement provient d’autres financeurs
(conseils généraux, mutuelles, ménages). L’objectif prévisionnel des dépenses d’assurance maladie pour les
établissements et les services sociaux et médico-sociaux publics et privés a été fixé à 43,9 MF pour 1999 (47,2
MdF pour 2000). Corrélativement, le montant total des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations
globales, prix de journée et tarifs afférents aux prestations des établissements et services sociaux et médico-
sociaux publics et privés était fixé à 47,6 MdF pour 1999 (50,2 MdF pour 2000) (sur la répartition régionale
des deux enveloppes, hospitalière et médico-sociale, cf. chapitre II, supra, p. 89).
Pour les professionnels de santé également, l’ONDAM ne comprend que les dépenses
remboursées
, alors que
l'objectif des dépenses médicales est exprimé, lui, en dépenses
remboursables
. La différence porte d'une part
sur les dépenses non présentées au remboursement, et d'autre part à la part laissée à l'assuré (ou à sa protection
complémentaire). Elle provient du fait que les buts de ces deux instruments ne sont pas identiques. Les
objectifs quantifiés négociés par la CNAMTS dans le cadre de l'enveloppe soins de ville définissent le revenu
des professionnels concernés (hors dépassements autorisés) : la négociation de la CNAMTS avec les
professionnels de santé porte sur des tarifs opposables et non sur des tarifs remboursés, c’est à dire la dépense
de l’assurance maladie, et celle qui incombe aux autres financeurs, que ce soit les mutuelles ou les ménages
eux-mêmes.
Là aussi l’enveloppe répartie par la CNAMTS ne correspond pas aux montants présentés au Parlement. Ainsi,
il serait souhaitable que le Parlement dispose, à côté des données sur les enveloppes et entrant dans
l'estimation de l'ONDAM soumis à son vote, d'estimations des dépenses totales de chaque secteur, ce qui lui
donnerait une vue plus complète et lui permettrait de connaître et de suivre la proportion, dans ces dépenses
totales, de ce qui est couvert par l’assurance maladie.
2. L’ONDAM est encore exprimé en encaissements-décaissements
La Cour souligne avec constance l’importance de l’utilisation d’une comptabilité en droits constatés pour la
présentation des comptes des organismes sociaux. Or, l’ONDAM, comme les onze autres agrégats de la loi de
financement (objectifs de dépenses et prévisions de recettes), est encore exprimé en encaissement
décaissement (cf. sur ce point supra). Cette présentation permet un suivi des données sur une longue période,
une production rapide de données, mais les résultats sont liés notamment au rythme de la liquidation qui peut
varier d’un mois sur l’autre.
B - Des changements de contenu et de méthode
Ce que l’on nomme "opérations de rebasage" fausse la signification de certaines informations fournies au
Parlement. Sous ce vocable, il faut distinguer plusieurs choses : des changements de contenu de l’ONDAM et
des transferts entre enveloppes, des modifications de calculs des taux d’évolution (pour tenir compte des
écarts entre estimations et objectifs), et enfin la prise en compte de la remise versée par l’industrie
pharmaceutique.
1. Les modifications dans le contenu de l’ONDAM et des transferts entre enveloppes
Chaque année, le contenu de l’ONDAM est modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. Ces
modifications sont liées soit :
- à l’inclusion dans l’ONDAM de dépenses de l’Etat : pour 2000, inclusion des centres de diagnostics
anonymes et gratuits (CDAG), de la prise en charge des toxicomanes, et des centres de planification et
d’éducation familiale (soit un total de 102MF) ;
- à des transferts de dépenses de certains fonds de l’assurance maladie qui n'étaient pas auparavant inclus dans
l’ONDAM vers celui-ci : transfert de certaines dépenses du fonds national de prévention, d'éducation et
d'information sanitaires (FNPEIS) et transfert du coût des affectations de longue durée (ALD) du fonds
national d'action sanitaire et sociale (FNASS) (soit une estimation de 900 MF) ; ces transferts avaient été
recommandés par la Cour ;
- à des transferts entre enveloppes : onze médicaments, jusque là distribués uniquement en pharmacie
hospitalière, le sont désormais aussi en officine, et sont de ce fait transférés de l'enveloppe hospitalière vers
l'enveloppe soins de ville (environ 600 MF) et des crédits du secteur sanitaire public sont transférés vers le
secteur médico-social (entre 150 et 200 MF).
Certains de ces transferts sont justifiés et améliorent la cohérence de l’ONDAM. En revanche, d’autres
accroissent son hétérogénéité. Ainsi, l’inclusion des CDAG dans l’ONDAM, correspond à des dépenses de
prévention proches de celles du FNPEIS qui ne figurent pas toutes dans l’ONDAM. Ces transferts faussent la
comparaison sur longue période, car il n’est fourni de rétropolation que d’une année sur l’autre.
Si l’on intègre les transferts, les taux d’évolution d’une année sur l’autre peuvent être modifiés. Par exemple,
l’évolution prévue entre l'objectif de 1998 et celui de 1999 était de 2,73 % et, si l’on tient compte du rebasage,
de
2,66 %. Surtout, pour les soins de ville, l’évolution d’objectif à objectif était de 2,67 % contre 1,90 %
seulement, si l’on tient compte du "rebasage" lié au transfert.
2. La modification du calcul du taux d’évolution
Les premières années, le taux d'évolution de l'ONDAM était fixé par référence au montant de l'ONDAM voté
pour l'année précédente et non aux dépenses effectives pendant cette année. Ce système était censé permettre
la récupération des éventuels dépassements des années précédentes. Cependant, l'objectif ayant été dépassé
chaque année, et compte tenu de l’effet mécanique de l’accumulation des dépassements, le gouvernement a
décidé de modifier la procédure de fixation de l’ONDAM pour 2000.
Il faut distinguer nettement deux choses :
- le niveau de l'ONDAM, c'est-à-dire de l'objectif que l'on se fixe, exprimé en MdF ;
- l'évolution de cet objectif par rapport, soit à l'objectif qui avait été fixé pour l'année précédente (ONDAM
objectif), soit par rapport aux dépenses effectives qui ont eu lieu cette année précédente (ONDAM réalisé), et,
dans les deux cas, cette évolution est exprimée en pour cent (%).
Seul le montant de l'objectif figure dans la loi de financement, et c'est donc ce que vote le Parlement, et non un
taux de croissance. Après coup, on constate les dépenses, et souvent un dépassement en les rapprochant de
l'objectif voté : ainsi, en 1999, le dépassement a été de 11,3 MdF.
Objectif et réalisation de l’ONDAM 1997-2000
(en MdF et %)
1997
1998
1999
2000
Objectif (MF)
600 200
613 800
629 900
658 300
Réalisé (MF)
599 479
623 600
641 200
Taux de croissance
Objectif n/objectif (n-1)
2,27 %
2,62 %
4,51 %
Réalisé n/objectif (n-1)
3,90 %
4,46 %
Objectif n/réalisé (n-1)
1,7 %
2,39 %
1,01 %
2,67 %
Réalisé n/réalisé (n-1)
4,02 %
2,82 %
Source : commission des comptes de la sécurité sociale, estimations de la direction de la sécurité sociale, projet
de loi de financement 2000.
Le taux de croissance ne figure pas dans le PLFSS, mais cette grandeur est présentée par le gouvernement, et
davantage médiatisée que le montant. Ce taux dépend bien entendu de la base : pour un même montant, le taux
sera plus faible si la base (de l'année précédente) est plus élevée. C'est ici qu'intervient le "rebasage" : il a été
décidé de prendre, pour calculer l'évolution de 1999 à 2000, la base égale non plus à l'ONDAM objectif 1999
voté par le Parlement dans la loi de financement pour 1999, mais le montant réalisé prévisionnel pour 1999
établi par la CSSS en septembre 1999. Au-delà de la rupture statistique opérée, ce changement permet de
réintroduire la possibilité de faire une prévision réaliste de l'ONDAM et de ses différentes sous-enveloppes.
En effet, les taux proposés par le gouvernement pour 2000 sont calculés sur la base de l'objectif initial 1999
pour les établissements publics de santé, les établissements médico-sociaux et les cliniques privées, et sur la
base de la prévision d'exécution 1999, connue en septembre 99, pour les soins de ville, secteur où l'effet report
des dépassements successifs était le plus important.
3. La prise en compte de la remise versée par l’industrie pharmaceutique
A partir de celui voté pour 1999, l'ONDAM est défini en retranchant des dépenses les remises
conventionnelles versées par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités
pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires, dans
le cadre des accords signés avec le comité économique du médicament.
Cette diminution de dépenses est enregistrée sur l'enveloppe soins de ville, qui comprend le poste
médicaments
[68]
. Mais le montant de la remise n’est fixé qu’après la fin de l'année, le comité économique du
médicament devant constater s’il y a eu ou non dépassement. Le montant de la remise au titre de 1998 a été
fixé en avril 1999 à 1,2 MdF. Son versement a été constaté dans les comptes de l'ACOSS en 1999. Ainsi, le
Parlement votant en décembre 1998, l'ONDAM pour 1999 l'a fixé à 629,9 MdF, alors qu'un dépassement de la
prévision lié à la progression des dépenses de médicaments était prévisible. En fait l’objectif réel, déduction
faite de la remise, était de 628,7 MdF et ne pouvait être connu par la représentation nationale.
Enfin, retrancher la remise de l’objectif de dépenses conduit à imputer sur 1999 des événements ayant eu lieu
en 1998 et à comptabiliser une recette comme une moindre dépense, ce qui réduit d’autant la clarté de
l’information et fausse les possibilités de suivi sur le long terme.
II - Les méthodes de préparation
Dans son rapport précédent, la Cour a montré que l’élaboration de l’ONDAM se faisait selon une procédure
proche de celle du budget. Dans le cadre de l’équilibre des finances publiques, la variable déterminante de
l'évolution de l’ONDAM était le taux d’évolution prévisionnel des dépenses de rémunération des personnels
hospitaliers. Enfin, le dossier de préparation de l’ONDAM présentait certaines faiblesses. Pour la préparation
de la loi de financement pour 2000, la fixation de l’enveloppe médico-sociale et la prise en compte de la CMU
permettent de fournir de nouveaux exemples des difficultés rencontrées lors de la préparation de l’ONDAM.
A - La détermination de l'enveloppe médico-sociale
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 précise dans l’article 27-5 que le financement des
prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés qui sont à la charge des
organismes de sécurité sociale est soumis à un objectif de dépense opposable comme celui des établissements
hospitaliers. De ce fait, la préparation de l’enveloppe doit se faire avec plus de précision qu’auparavant.
L'organisation du secteur médico-social ne peut être cependant totalement comparée au secteur hospitalier.
Tout d’abord, contrairement au secteur hospitalier, le secteur médico-social souffre d’une insuffisance de
l’offre, tant pour les soins aux personnes handicapées que pour la prise en charge des personnes âgées. D'autre
part, les modes de tarifications sont différents : la plupart des établissements sont encore tarifés aux prix de
journée et ne relèvent pas d'un système de budget global. Enfin, il n’existe pas de caisses pivots qui permettent
de centraliser les versements des différentes caisses d'assurance maladie et faciliter la réunion puis la diffusion
d’information.
La préparation de l’enveloppe des établissements médico-sociaux de l’ONDAM est effectuée au sein de la
direction de l’action sociale du ministère de l'emploi et de la solidarité, avec des moyens insuffisants.
L'effectif du bureau chargé de ce travail est de 15 personnes, soit 11,5 équivalent temps plein (ETP) , mais en
fait, la gestion des crédits de fonctionnement et de la réglementation occupe seulement 4,5 ETP. La
préparation de l’enveloppe 2000 s’est effectuée dans un contexte rendu particulièrement difficile, comme pour
les établissements hospitaliers, par l'absence de tout outil : le logiciel précédemment utilisé (PAGE), qui ne
permettait pas de disposer d’information complète sur la gestion des établissements médico-sociaux, ne
fonctionnait plus et que le nouveau logiciel GEODE, adapté spécifiquement à la gestion des établissements,
n'était pas encore opérationnel. La préparation des enveloppes s’est effectuée alors sur des feuilles de calcul
EXCEL à l’aide des nomenclatures définies pour GEODE.
La détermination de l’enveloppe médico-sociale se déroule en deux étapes qui sont proches de celles relatives
à la préparation des budgets de l'Etat : calcul de la base de l’année n pour les enveloppes en reconduction et
application d’un taux d’évolution ; puis intégration des mesures nouvelles.
Le calcul de la base de l'année n se fait en intégrant les dépenses inéluctables puis en appliquant aux dépenses
en personnel un taux d'évolution en fonction des accords sur les rémunérations de la fonction publique. Une
évolution identique à celle de la fonction publique est accordée aux établissements privés. Les augmentations
des dépenses de fonctionnement sont évaluées par application d'un taux d'inflation, puis compensées par des
économies sur le fonctionnement non spécifiées ; de ce fait, les évolutions des dépenses en reconduction ne
dépendent que des variations des rémunérations.
Ces calculs sont effectués pour chacune des sous-enveloppes (personnes handicapées et personnes âgées) dont
l'addition donne l’enveloppe médico-sociale. Compte tenu du fait que les financements accordés par
l’assurance maladie ne couvrent pas toutes les dépenses (que ce soit des prix de journées ou des forfaits), la
direction de l’action sociale réalise tout d’abord une estimation totale des dépenses (en reconduction ou en
mesures nouvelles), puis calcule la part de l’assurance maladie dans ces dépenses par l’application d’une clé
de répartition spécifique à chaque composante. Cette clé est reconduite d'année en année, sans tenir compte
d'une éventuelle déformation de la structure des recettes.
B - L’impact de la CMU sur l’ONDAM
La mise en place de la couverture médicale universelle au 1er janvier 2000 devrait avoir un impact sur
l'évolution de l'ONDAM et notamment sur les dépenses de ville. L'impact de la CMU sur les dépenses
d'assurance maladie figurant dans le champ de l'ONDAM résulte de trois facteurs :
- l'extension de la couverture maladie de base aux personnes qui ne sont affiliées ni à un régime obligatoire de
base ni à une assurance personnelle ;
- l'effet induit par la fourniture d'une protection complémentaire gratuite ;
- la déconnexion des droits et des versements de cotisations.
1. L'extension de la couverture de base
La mise en place de la CMU permet à certaines catégories de la population de bénéficier d'une couverture de
base gratuite. L'estimation de l’impact de la CMU sur l’ONDAM ne doit pas tenir compte du basculement
vers la CMU de populations qui étaient couvertes par d'autres mécanismes (aide médicale gratuite, RMI..), car
les dépenses afférentes à ces populations faisaient l'objet d'un reversement de l'Etat à l'assurance maladie qui
était déjà compris dans l'ONDAM, mais uniquement des personnes qui ne disposaient d’aucune couverture.
Selon la DSS, à partir des enquêtes du CREDES, partant d'une dépense moyenne en assurance maladie de
7000 F, ce surcroît de dépense pour les régimes d'assurance maladie a été estimé à 600 MF, (le CREDES, qui
se fonde sur des hypothèses de montée en charge plus rapide, l'estime à 700 MF).
2. L'effet induit sur la consommation de soins par la fourniture d'une couverture complémentaire gratuite
Il existe une différence de consommation entre ceux qui bénéficient de la couverture complémentaire et ceux
qui n'en bénéficient pas. Pour mesurer l'impact sur l'ONDAM, il faut prendre la part assurance maladie de
cette différence, soit, d'après la DSS, selon les enquêtes du CREDES, une somme de 320 F
[69]
. Si l'on
considère que 40 % des personnes concernées ne sont pas couvertes par une assurance complémentaire, soit,
selon la DSS,
2,4 millions de personnes, la charge supplémentaire pour l'assurance maladie serait de 770 MF en année
pleine.
3. La déconnexion des droits et du versement des cotisations
Les deux précédentes composantes -extension du nombre des personnes couvertes et élargissement de la
couverture- sont des effets directs de la mise en place de la CMU. Un troisième élément résulte du choix fait
par l'Etat de ne compenser en recettes les dépenses induites que pour le régime général. Or, si le régime
général est le seul à pouvoir légalement assurer la couverture de base, la CANAM et la MSA peuvent, comme
le régime général ou les assureurs privés, prendre en charge la protection complémentaire. Cette déconnexion
entre dépenses et recettes a été estimée par la CANAM entre 270 et 1 310 MF et par la MSA à 150 MF. La
CANAM a en effet jugé la prévision difficile en raison de l'incertitude sur le nombre de personnes qui
s'adresseront à elle plutôt qu'au régime général. L'estimation fournie par la MSA est apparemment plus précise
mais ne reposait pas sur un scénario élaboré. Pour préparer la loi de financement pour 2000, la DSS a choisi
de retenir la valeur la plus basse de la fourchette (en supposant que les nouveaux ayant droits s'adresseront en
premier lieu et principalement aux CPAM pour leur couverture complémentaire et peu au régime des non
salariés non agricoles), soit, en arrondissant, 400 MF.
Au total, l'impact en année pleine serait donc 1,4 MdF sur l'ONDAM et 400 MF en moindre recette, qui
n'affectent pas l'objectif en lui-même. En supposant que la mise en place de la CMU ne touche pas tout de
suite l'ensemble de la population cible mais 65 %, la DSS a estimé dans le cadre de la préparation de
l'ONDAM 2000, à 1,3 MdF l'effet sur l'ONDAM, soit
0,5 % de l'objectif des soins de ville ; c'est ce résultat qui a été pris en compte dans l’augmentation de
l’ONDAM.
III - Le suivi des OQN et la présentation des statistiques
Le suivi statistique des dépenses de ville à la CNAMTS se fait toujours principalement à partir des données
issues de l’application TANDEM que la Cour a décrite dans son rapport de
l’année précédente. Les
statistiques présentées sont donc toujours en encaissement décaissement alors que les comptes des caisses sont
en droits constatés et sont basés sur l'actuelle nomenclature des actes, encore imparfaite. Dans son rapport
précédent, la Cour soulignait que la qualité des données issues de TANDEM était tributaire à fois de la qualité
de la liquidation dans les CPAM et de la fiabilité des règles d’imputation d'un acte à un type de praticien
lorsque ce dernier n'est pas connu avec précision. Si la codification des praticiens est maintenant
opérationnelle et si l’imputation d’une dépense à un professionnel s'est considérablement améliorée, par contre
peu d'améliorations ont été enregistrées sur le premier point.
La CNAMTS continue à privilégier dans le communiqué et la présentation synthétique des statistiques
l’indicateur d’activité dont la Cour avait montré qu'il présentait l'inconvénient de mélanger des montants
constatés pour les mois antérieurs et une prévision pour les mois suivants. En revanche, des progrès ont été
faits qui permettent de disposer de résultats avancés, ce qui correspond à une demande de la Cour, et de suivre
les dépenses par profession et donc l’objectif des dépenses déléguées tel qu’il est défini par la loi de
financement pour 2000.
Pour permettre une diffusion plus rapide et un suivi du nouvel objectif des dépenses déléguées, la division des
statistiques et des études de la CNAMTS a mis au point deux nouvelles séries : une estimation provisoire par
composante de l’enveloppe de soins de ville et une statistique de suivi des dépenses par professionnel.
A - La statistique provisoire
La CNAMTS publie les statistiques sur les dépenses de santé un mois et quinze jours après la fin du mois n.
Ce délai était nécessaire pour effectuer les vérifications et les corrections des données issues de la liquidation
des caisses d’assurance maladie ou des sections mutualistes. Depuis le début de 1999, la direction des études
statistiques de la CNAMTS est à même de produire, par extraction de TANDEM, des résultats provisoires à
quinze jours après la fin du mois n, à partir des premières données issues de la liquidation des CPAM .
La comparaison des résultats définitifs et provisoires sur plusieurs mois montre que l’erreur sur le volume est
faible (de l’ordre de 0,5 %) et que les estimations des évolutions sont quasiment identiques. Les différences
d’estimations portent sur les dépenses des cliniques privées, où les flux de dépenses présentés à la CNAMTS
ne sont pas aussi réguliers que pour les autres postes, des rectifications importantes étant faites par exemple en
décembre. Les résultats provisoires, s'ils ne sont pas assez exacts pour pouvoir être utilisés dans une optique
d'opposabilité des dépenses aux professionnels de santé, le sont suffisamment pour être révélateurs des
tendances.
La disponibilité rapide d’un indicateur provisoire suffisamment précis permet désormais de prendre des
décisions dans un délai plus court et de faciliter les discussions contractuelles qui doivent avoir lieu pour le
suivi de certains objectifs quantifiés, que ce soit l’objectif des dépenses déléguées ou l’objectif quantifié des
cliniques privés.
La qualité de ces données semble suffisante pour une diffusion plus large des résultats provisoires qui pourrait
contribuer à la transparence.
B - La statistique par catégorie de professionnels
de santé
La présentation par type de dépenses (par exemple actes en C, CV, B, Z) ne permet pas de suivre les dépenses
correspondant aux champs des différents objectifs compris dans l’objectif de soins de ville. Ces objectifs
correspondent en effet pour l’essentiel aux dépenses générées par les professions qui prescrivent (médecins
libéraux, dentistes libéraux, sages-femmes libérales) ou des professions "prescrites" (auxiliaires médicaux,
laboratoires d’analyses, transports sanitaires). Un même type d'actes peut dans certains cas être effectué par
plusieurs professions et d'autre part un professionnel peut être à la fois prescripteur et prescrit. Il était donc
nécessaire de procéder à des ventilations différentes des données issues de TANDEM d'autant plus que la loi
de financement pour 2000 distingue, au sein de l'objectif des soins de ville, l'objectif des dépenses déléguées à
la CNAMTS. Le suivi des différents objectifs nécessite de distinguer, d’une part la nature de l’exercice du
professionnel de santé (exercice libéral ou salarié), et d’autre part la nature de l’activité (activité d’exécutant
ou activité de prescripteur).
La CNAMTS publie à cet effet, depuis fin 1999, des nouvelles ventilations des soins de villes. Dans cette
ventilation, les risques (assurance maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles) sont
agrégés. Deux types de présentations sont ainsi disponibles :
Les dépenses de villes ventilées selon le prescripteur. L’activité des différentes catégories de prescripteurs est
répartie par nature de prestation, en distinguant les
actes de prescripteurs
(les actes constitutifs des
honoraires médicaux et dentaires, consultations, visites,…) et les
actes
prescrits
(l’ensemble des
prescriptions, actes d’auxiliaires médicaux, actes de biologie médicale, médicaments, produits du TIPS, frais
de transports, y compris les indemnités journalières maladie). Cette présentation permet de suivre les montants
correspondant au champ de trois objectifs, ceux de la médecine générale, de la médecine spécialisée et des
dépenses dentaires.
Les mêmes dépenses de ville, mais cette fois-ci ventilées par exécutant. Cette deuxième présentation répartit
les mêmes dépenses de soins selon les catégories de professionnels ayant exécuté les prestations qui ont fait
l’objet d’un remboursement. L’activité d’exécution est décomposée par nature de prestation en distinguant les
actes de prescripteurs et les actes prescrits.
Cette présentation permet de retracer, d’un côté l’activité d’exécution des prescripteurs et l'activité prescrite de
certains prescripteurs (sages-femmes, centres de santé) et de l'autre côté l’activité d’exécution de chacune des
professions prescrites ce qui permet de vérifier le respect de l'objectif par profession prescrite.
Dans ces présentations, les montants correspondants au champ de l’objectif des dépenses déléguées et aux
champs des objectifs des différentes professions prescrites sont directement identifiables. La CNAMTS publie
ces nouvelles statistiques en montants cumulés à la fin du mois de l’année n et du mois correspondant de
l’année n-1, pour les dépenses présentées au remboursement et pour les dépenses remboursables, puis calcule
pour ces deux séries les évolutions par rapport à la période comparable de l'année précédente.
Ces statistiques répondent donc bien à un progrès dans la fourniture d'information pour les partenaires sociaux
et pour le public, mais elles restent toujours dépendantes de la qualité de l'information en amont. Par ailleurs,
en étant en encaissement-décaissement, les résultats publiés sont fortement dépendants des variations dans le
rythme de liquidation qui peuvent être importantes, comme le montrent les retards dans la liquidation
intervenus à partir de décembre 1999
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Pour son quatrième exercice, des progrès ont été faits tant dans la définition du champ de l'ONDAM que dans
certaines méthodes de préparation et dans la mise à disposition d'instruments de suivi. Ainsi, ont été intégrées
dans le champ de l'ONDAM des dépenses gérées par l'assurance maladie qui portaient sur des
actions qui
relevaient par nature de l'ONDAM, mais qui n'y étaient pas intégrées jusqu'ici.
Mais des transferts de dépenses de l'Etat vers l'ONDAM ont été effectués, modifiant l'équilibre à terme entre
les dépenses et les recettes, seule une partie de ces dernières étant liée à des versements de l'Etat aux
organismes d'assurance maladie. Ainsi, si le contour de l'ONDAM est plus stable, son équilibre n'est pas
encore pérenne. De plus, les transferts de dépenses entre enveloppes et l'absence de procédure de rétropolation
ne permettent pas de disposer d'un suivi des objectifs et de leur réalisation sur plusieurs années, ce qui réduit
la capacité à dépasser une logique de préparation annuelle pour mesurer les évolutions passées aussi bien que
pour établir des prévisions sur le plus long terme en relation avec des objectifs de santé publique.
La préparation des enveloppes souffre encore de difficultés institutionnelles liées au manque d'expérience en
ce domaine mais aussi à l'absence de disponibilité d'instruments de gestion qui devraient permettre une
prévision de meilleure qualité. La préparation de l'enveloppe médico-sociale en est un exemple. Les dépenses
de ce secteur sont opposables depuis la loi de financement pour 1999. Or, en l'absence d'un mécanisme de
caisse pivot identique à celui employé pour le secteur hospitalier, l'opposabilité ne peut encore être appliquée,
ce qui conduit à imputer les dépassements constatés sur les mesures nouvelles.
La préparation de la CMU illustre, quant à elle, le manque d'instruments dont disposent les pouvoirs publics
en matière d'analyse des comportements tant des offreurs de soins que des ménages vis-à-vis de la mise en
place d'une réforme importante.
Enfin, des progrès ont été réalisés dans la qualité de l'imputation des dépenses par la CNAMTS, et
dans la
présentation des statistiques qui permettent de disposer d'une information rapide pour le suivi des objectifs des
soins de ville. L'amélioration de la qualité de la liquidation en amont demeure nécessaire pour disposer de
données d'une plus grande fiabilité. Cette amélioration de la qualité des données de base doit conduire
également à prendre en compte les variations spécifiques des délais de la liquidation afin de réaliser des
redressements plus pertinents, et aboutir ainsi à des statistiques selon la date de soins.
Au-delà du régime général, des statistiques globales de dépenses d'assurance maladie -tous régimes ou, au
moins, des trois principaux : CNAMTS, MSA, CANAM- devraient être développées, améliorées et diffusées
régulièrement.
Réponse
[68]
L’enveloppe des soins de ville comprend les dépenses déléguées, les médicaments et les produits du
TIPS.
[69]
Cette somme représente la moitié de 640 F (différence entre la consommation de soins des personnes
avec couverture complémentaire et celle de ceux qui n'en ont pas), le taux de prise en charge moyen par la
couverture de base étant de 50 %.
Les dépenses de la sécurité sociale en 1999
Annexe : Les études sur la sécurité sociale
Dans ses rapports annuels au Parlement sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour
a consacré à plusieurs reprises des développements aux méthodes de préparation et de suivi de cette loi. Le
rapport de septembre 1998, en particulier, après avoir marqué les insuffisances des instruments d'observation
et d'analyse, des recettes et des dépenses de la loi de financement, appuyait, sur un plan plus général, le projet
de création d'une direction des études, de l'évaluation et des statistiques.
La Cour note avec satisfaction la mise en place effective de la DREES. qui doit être maintenant replacée dans
la réorganisation, en cours d'adoption, de l'ensemble de l'administration centrale de la santé, de l'action sociale
et de la sécurité sociale. Même si toutes les modalités de cette réorganisation ne sont pas encore connues, la
Cour a jugé utile d'examiner ses implications sur l'organisation et le financement des activités de statistiques et
d'études dans le ministère tel qu'il est organisé actuellement, et dans les caisses de sécurité sociale et les autres
organismes concourant à ces activités.
Cet examen, centré sur les institutions et leurs rôles respectifs, est inscrit dans une préoccupation plus
générale. celle de la préparation de la décision en matière de sécurité sociale. A cet effet, et sans viser à
couvrir l'ensemble du champ, l'analyse porte, après une présentation générale, sur quatre domaines
particulièrement stratégiques : l'état de santé et ses facteurs explicatifs, les prestations familiales en liaison
avec les minima sociaux et la politique de lutte contre la pauvreté, les prévisions en matière de retraite et
l’insuffisance de l’état de la connaissance en matière de
dépendance des personnes âgées.
I – Les instruments et l’organisation
Avant de décrire et d'analyser le fonctionnement du système d'information utilisé pour la décision, on rappelle
les différents instruments et méthodes susceptibles d'être utilisés pour cette préparation.
A – Les instruments et les méthodes
Classiquement, trois niveaux sont distingués : l'information et les études de base, les analyses explicatives et
prévisionnelles, les instruments de préparation de la décision.
1. L'information et les études de base
L'information de base est d'abord constituée des sources administratives : répertoires ou fichiers de personnes,
de personnels, d'actes ; enregistrements de la liquidation des prestations ou de la perception des recettes ;
enfin, systèmes budgétaires et comptables.
L'utilisation de ces sources administratives peut s'effectuer soit directement, soit en liaison avec des enquêtes à
caractère statistique pour lesquelles elles peuvent fournir des bases de sondage et, par appariement, des
moyens d’une confrontation globale et anonyme des déclarations des enquêtés avec leur situation objective au
regard des prestations.
Les enquêtes à caractère statistique complètent les fichiers et répertoires. Ce sont des enquêtes sur échantillon,
représentatives de l'ensemble de la population ou d'une population cible particulière. Elles peuvent porter sur
des situations objectives ou sur des opinions, attitudes et comportements.
Dans le domaine de la protection sociale, les sources administratives et les enquêtes souffrent de limitations
spécifiques : les premières ne retiennent pour l'essentiel que ce qui est utile à la liquidation des droits, les
secondes ont du mal à cerner les situations extrêmes, domaine privilégié des interventions publiques.
2. Les analyses explicatives et prévisionnelles
Analyses économiques et analyses sociologiques permettent d'expliquer et de prévoir le comportement
ex ante
des acteurs face aux mesures envisagées ou mises en oeuvre (effets incitatifs, effets d'aubaine ou de
substitution) ou les effets
ex post
des dispositifs étudiés sur les comportements (par exemple, en matière de
politique familiale, sur l'offre de travail ou la fécondité).
3. Les instruments de préparation de la décision
Ils sont principalement au nombre de trois :
- l'étude de cas-types, c'est-à-dire le chiffrement de l'effet des dispositifs existants ou projetés sur les
différentes catégories de ressources et de charges de différentes configurations de ménages ou de familles.
- des modèles de micro-simulation statiques, permettant de simuler toutes modifications du système de
prestations (ainsi que du dispositif de l'impôt sur le revenu) sur un échantillon représentatif, soit de l'ensemble
de la population, soit des seuls bénéficiaires de la prestation étudiée, et d'évaluer les effets globaux et
redistributifs des variantes étudiées.
- des modèles de micro-simulation dynamiques (cf.
infra
le modèle DESTINIE), particulièrement adéquats
pour apprécier l'effet de mesures dont l'impact ne se fait sentir que progressivement et n'est complet qu'à
moyen, long ou très long terme (cas des retraites).
B - L'organisation
On étudiera successivement la DREES, les orientations de la DREES, puis les autres producteurs de
statistiques et d'études, et les directions opérationnelles du ministère de l'emploi et de la solidarité
[70]
.
1. La DREES
Le décret portant création de directions, services et délégations à l'administration centrale du ministère de
l'emploi et de la solidarité confirme et précise les missions de la DREES.
Les missions de la DREES
Dans les domaines de la santé, de l'action sociale et de la protection sociale, en liaison avec les
autres services du ministère et les organismes placés sous sa tutelle, la DREES
- est chargée de la conception de l'appareil statistique et assure la collecte, l'exploitation et la
diffusion des statistiques ;
- est associée à la conception des systèmes d'information -dont la Direction de l'administration
générale, du personnel et du budget est responsable- et veille à en assurer la cohérence ;
- effectue des travaux de synthèse, notamment les comptes de la santé et les comptes de la
protection sociale ;
- assure la réalisation et la diffusion d'études et de projections ; elle coordonne les études menées
par les services du ministère ou par les organismes placés sous sa tutelle ;
- élabore et conduit elle-même des programmes de recherche sur la santé et la protection sociale et,
au-delà, contribue à orienter la politique de la recherche sur ces secteurs et est l'interlocuteur du
ministère chargé de la recherche pour les crédits relevant du budget civil de la recherche et du
développement ;
- contribue à promouvoir les travaux d'évaluation, notamment en ce qui concerne leurs méthodes ;
- est chargée de la diffusion et de la publication des travaux dont elle a assuré la réalisation ou la
coordination.
Structurée en trois sous-directions et une mission de recherche, elle dispose, selon des modalités diverses, de
104 cadres A en équivalent temps plein, 18 agents de catégorie B et 27 C, soit environ 150 personnes
[71]
. Ses
crédits d'études propres se montent à 16,5 MF.
Pour permettre à la DREES d’assurer sa mission de coordination au sein du champ « solidarité » du ministère,
la responsabilité d’un comité des programmes de statistiques, d’études, de recherche et d’évaluation, composé
des directeurs du ministère, lui a été confiée. Plus particulièrement, en matière d'études, la DREES propose au
cabinet du ministre, sur la base d'enveloppes individualisées par direction, la liste des thèmes à lancer définie
au sein de ce comité. En matière de recherche, la MIRE (mission recherche), auparavant autonome, lui a été
rattachée. Par ailleurs, la direction, conjointement avec la direction de la population et des migrations, exerce
la tutelle de l'INED, dont elle est plus particulièrement chargée du volet scientifique. Elle participe à la tutelle
des établissements consacrés à la recherche, dont l'INSERM, en liaison avec la direction générale de la santé
qui assure cette tutelle au nom du ministre. Dans le cadre de l'exercice général de la tutelle ministérielle, des
coopérations scientifiques sont en cours de définition avec les observatoires régionaux de la santé (ORS) et
l'institut de veille sanitaire (InVS).
Les relations avec les caisses nationales de sécurité sociale doivent faire l'objet de conventions (cf.
infra
).
Deux sont signées, avec la CNAMTS et la CNAV. Celle avec la CNAF est encore en cours de discussion.
Les grandes orientations de la DREES portent sur :
- des objectifs : investir fortement, en matière de couverture statistique, d'analyse et de recherche, sur des
domaines jugés "stratégiques", y compris en organisant des coopérations avec des partenaires ; évaluer les
principales politiques publiques ; développer la dimension géographique des analyses ;
- des actions à entreprendre : rénover les grandes enquêtes, développer en coopération les études mobilisant
des données et des indicateurs multiples, rechercher des synergies entre programmes de recherche et
opérations statistiques ; développer les comparaisons internationales ;
- des "règles du jeu"
plus propices à la coopération et plus efficaces entre les différents producteurs
d'information : transparence et lisibilité des méthodologies et des résultats ; confrontation des concepts et des
méthodes, établissement d'un "patrimoine statistique commun" par la mise en commun ou l'ouverture de
fichiers et d'enquêtes et la promotion d'instruments fédérateurs.
2. L'apport des principaux partenaires et leurs relations avec la DREES
Le
CNIS
(conseil national de l’information statistique), instance consultative constituée auprès du ministre de
l'économie et des finances par la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 et le décret n° 84-628 du 17 juillet 1984, a une
vocation générale de coordination en matière de production de l'information statistique. Composé de
représentants des ministres, des organismes publics producteurs de statistiques
et des partenaires sociaux, il
formule des avis sur les programmes statistiques pluriannuels et annuels et sur leur exécution. Il est divisé en
formations spécialisées présidées par une personnalité indépendante, qui rapportent à son assemblée plénière.
En matière de protection sociale, la formation compétente est dénommée "santé et protection sociale"
[72]
. Elle
a créé en son sein des groupes de travail chargés de l'approfondissement du constat et de propositions dans des
domaines spécifiques. Tel est le cas des groupes de travail consacrés à la pauvreté, la précarité et l'exclusion,
et au handicap et à la dépendance, qui ont donné jour à des rapports d'orientations statistiques, et de celui
consacré depuis peu à l'état de santé. Le directeur-adjoint de la DREES joue le rôle de rapporteur général de la
formation santé et protection sociale. Le rôle du CNIS est appréciable en tant que lieu d'échanges
d'informations, de réflexions communes et d'instance de coordination des programmes. Ses rapports
spécialisés servent de cadre de référence aux progrès à accomplir dans les domaines concernés. Mais la
coordination ainsi exercée garde un caractèreconsultatif, sans force exécutoire.
S'agissant des opérations statistiques proprement dites,
l'INSEE
intervient dans le domaine de la protection
sociale selon cinq modalités : responsabilité d'enquêtes représentatives à vocation structurante (l'enquête
décennale santé en cours de préparation, l'enquête HID en cours d'exécution et une enquête spécifique sur les
sans-abri), adjonction à ses enquêtes à vocation générale auprès des ménages de questionnaires ponctuels
concernant tel aspect de la politique sociale, constitution de bases de données représentatives multicritères ou
multi-activités par fusion de fichiers d'enquêtes préalables, études économétriques de comportement. S'il
exerce effectivement une compétence d'orientation générale et de mise en oeuvre dans le domaine économique
et financier, cette compétence est de fait partagée, dans le domaine social, avec les directions statistiques des
ministères concernés : la DARES et la DREES s'agissant du ministère de l'emploi et de la solidarité. Enfin
l'INSEE joue le rôle d'un centre de ressources, moyennant rémunération de tout ou partie des frais variables
pour la mise à disposition de son réseau d'enquêteurs, ainsi que, le cas échéant, pour la préparation puis le
codage et l'exploitation informatique d'une enquête.
Les autres directions du ministère
Quatre directions fonctionnelles du ministère de l'emploi et de la solidarité occupent une certaine place dans le
dispositif d'études sur la protection sociale.
La
direction de la sécurité sociale
, qui, pour assurer les missions de préparation des réunions de la
commission des comptes de la sécurité sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
dispose, au moyen d’une sous-direction des études et des prévisions, d'un dispositif d'études propre lié à la
préparation des mesures de la loi. Malgré le caractère "horizontal" de ses compétences, la DSS ne considère
pas qu'elle ait à jouer un rôle d'impulsion dans la définition des orientations de l'information statistique, cette
compétence revenant à la DREES.
La mission de définition et de suivi de la politique de santé publique implique, pour les responsables de la
direction générale de la santé
(DGS), que la direction rassemble et synthétise les informations disponibles en
matière d'état de santé, d'offre de soins et de préventions, et en tire une hiérarchisation des objectifs et des
moyens des actions à mener. Ce rôle doit la mettre à même d'apprécier les lacunes du système d'information et
les orientations souhaitables. La réorganisation de la DGS comporte la création d'une sous-directiondes
politiques de santé et des stratégies, qui a vocation à servir d'interface avec la DREES. La DGS a de fait
externalisé sa tâche vers le haut comité de la santé publique et des agences (cf. chapitres V et VI,
infra
, p. 00).
La
direction
de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DH) est responsable de plusieurs systèmes
d'information, soit en gestion directe (système PAGE de suivi des dotations hospitalières, PMSI, programme
médicalisé des systèmes d'information), soit en participant avec la DREES à leur définition (notamment
enquête de conjoncture SAE, statistique annuelle des établissements, FINESS, répertoire national des
équipements sanitaires et sociaux, ADELI, répertoire des professions réglementées), la DREES étant le maître
d'oeuvre. Dans la nouvelle organisation de la DH, chaque sous-direction est responsable des systèmes
d'information relevant de son domaine, et une coordination en la matière est assurée par la sous-direction des
affaires générales.
Au sein d'une compétence ministérielle s'étendant aux politiques d'interventions sociales, médico-sociales et
de solidarité en faveur des personnes en situation d'exclusion, des personnes handicapées et des personnes
âgées, ainsi qu'à la protection de la famille et de l'enfance, la
direction générale de l'action sociale
est
compétente, pour les prestations allocations pour adultes handicapés (AAH), allocations de parent isolé (API),
le RMI et plus généralement pour les minima sociaux. Elle n'intervient que comme utilisateur de l'information.
Dans la nouvelle organisation, chaque sous-direction fonctionnelle prend l’initiative, en liaison avec la
DREES, d’études sur les populations concernées et d’évaluations des actions menées. Etudes et statistiques de
la direction sont coordonnées par une mission spéciale. Il est à noter que la fonction d'impulsion statistique et
d'étude générale est partiellement remplie, en ce qui concerne son domaine de compétence, par l'Observatoire
national de la pauvreté et de l'exclusion. L'Observatoire, créé par la loi d'orientation relative à la lutte contre
les exclusions (loi n° 98-657 du 29 juillet 1998), et installé en juillet 1999, et dont le secrétariat général est
assuré par la DREES, a pour mission le rassemblement, l'analyse et la diffusion des informations et données
relatives aux situations de pauvreté, de précarité et d'exclusion sociale ainsi qu'aux politiques menées dans ce
domaine, de faire réaliser des travaux d'études, de recherche et d'évaluation quantitatives et qualitatives, et de
contribuer au développement de la connaissance et des systèmes d'information dans les domaines mal couverts
(son budget d'études est de 5 MF par an pendant trois ans). L'Observatoire n'exerce pas à proprement parler un
rôle d'orientation générale, mais, prenant connaissance des programmes statistiques et de prévisions, il
intervient pour les infléchir et les compléter, si besoin par des moyens de financements complémentaires.
Les caisses de sécurité sociale
A la
CNAMTS,
trois instances, dont une externe, le CREDES, sont concernées :
- La direction des statistiques et des études (DES) a, de fait, des activités essentiellement statistiques ; elle
emploie 40 personnes, dont 33 statisticiens, -le réseau des statisticiens locaux comprenant dans les CPAM plus
de 250 personnes ; elle dispose de crédits d'études limités (500 000 à 600 000 F).
- L'échelon national du service médical effectue des travaux statistiques qui portent sur l'exploitation, en
termes de morbidité, des déclarations, en vue de prise en charge, des affections de longue durée (ALD), de
l'invalidité et des accidents du travail et maladies professionnelles. Il effectue également des enquêtes par
sondage,
via
les médecins conseils et les médecins traitants, sur diverses pathologies.
- Pour la réalisation d'études et de quelques enquêtes statistiques ponctuelles, la CNAMTS recourt enfin au
CREDES (centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé), dont elle est le principal
financeur
[73]
. Le CREDES effectue des enquêtes, dont en particulier une enquête périodique sur la santé et la
protection sociale. Outre l’exploitation de ces enquêtes, ses travaux d'études s’appuient également sur des
analyses secondaires d'enquêtes ou de bases de données produites par d'autres organismes ; le CREDES
recourt aussi à des universitaires. Divers projets sont menés en collaboration avec la DREES ou à sa demande.
- Les relations entre la CNAMTS et la DREES ont fait l'objet d'une convention, signée le 17 décembre 1999,
qui vise à établir, pour la période 1999-2000, un programme de travail commun.
Deux entités sont compétentes à la
CNAV
en matière de statistiques et d'études : la direction de l'actuariat
statistique, dont l'activité d'études est limitée, mais qui a en revanche une quadruple activité de recueil et de
publication de données, de prévisions à court terme pour la commission des comptes de la sécurité sociale, de
projection à long terme et d'évaluation de mesures nouvelles, et la direction de la recherche sur le
vieillissement, à vocation sociologique, qui recourt pour une part de son activité à des contractants
universitaires. Les relations de la CNAV et de la DREES sont étroites sur le plan statistique pour le régime
général, et se développent en matière sociologique. Un programme d'opérations communes en 1999 et 2000 a
fait l'objet, le 4 juin 1999, d'une convention.
Les activités de la
CNAF
en matière de statistiques et d'études offrent, sous réserve de limitations inhérentes à
celles même de la compétence de la CNAF, un tableau dans l'ensemble satisfaisant.
Le programme de recherches de la CNAF est le plus approfondi des trois caisses nationales. Il est organisé
autour de trois axes : l'évolution du contexte familial, l'impact et l'évaluation des politiques et prestations
familiales, enfin l'étude des métiers, de l'activité et de l'efficacité des CAF. A ceci s'ajoutent des études
thématiques, portant en particulier sur la conciliation entre vie familiale et activité professionnelle, la petite
enfance et plus récemment le droit de la protection sociale de la famille. A cet effet sont mobilisés, sous forme
contractuelle, des universitaires et chercheurs extérieurs.
En 1998, la CNAF a voulu de se doter d'un modèle de micro-simulation dynamique, élaboré en collaboration
avec l'INED, et visant à prendre en compte les évolutions démographiques, les comportements d'activité et des
revenus. Après l'échec de ce premier projet, la CNAF se propose de le relancer par contrat avec un
universitaire. On peut s'interroger sur cette reprise, vue la capacité de travail limitée que la direction peut lui
consacrer, et, malgré des différences méthodologiques, le risque de double emploi avec le modèle INES de
l'INSEE, qui fait déjà l’objet d’une collaboration avec la DREES et pour l'amélioration duquel un travail en
commun apparaîtrait souhaitable et mériter la priorité.
Si, en ce qui concerne la recherche, une collaboration a été établie de longue date ente la CNAF et la MIRE,
maintenant intégrée à la DREES, en matière de statistiques et d'études les relations entre la CNAF et le SESI,
maintenant la DREES, sont restées plus limitées ; leur développement souffre un certain retard. Un projet de
convention, analogue à celles liant DREES, CNAV et CNAMTS, n'a pas encore été signé. La transmission de
données de gestion de la CNAF à la DREES, notamment pour la modélisation et le suivi des minima sociaux,
ou l'accès aux fichiers de données statistiques et aux fichiers d'allocataires, n'ont pas encore été formalisés, les
modes de coopération souhaités par la CNAF ayant un caractère trop restrictif.
c - Appréciations d'ensemble
Le dispositif qui vient d'être décrit appelle quelques appréciations d'ensemble. Les missions de la DREES,
ambitieuses mais nécessaires, font une large place à l’animation d’un réseau de partenaires, conception
adaptée à la répartition des taches en matière de sécurité sociale et d’action sociale.
Bien que cette direction soit encore dans sa phase sinon d'installation, du moins de premiers développements,
le remplacement du SESI par une direction à la compétence et aux moyens élargis s'est déjà traduit par une
meilleure organisation d'ensemble et un fonctionnement mieux adapté aux besoins de la politique de la
protection sociale.
Dans l'ensemble, le rôle de la DREES, dans la constitution de l'information et la préparation d'informations
nouvelles, s'est bien affirmé. Cinq aspects de la nouvelle organisation peuvent néanmoins être améliorées :
- Jusqu’à la réforme récente intervenue par le décret du 21 juillet 2000, les directions du ministère de l'emploi
et de la solidarité ne se sont pas dans l'ensemble dotées ni de la capacité d'études minimale pour la préparation
immédiate des décisions ministérielles, ni des moyens d'avoir une vue d'ensemble des besoins d'information
dans leur domaine, ni d’une organisation interne suffisamment structurée pour leur propre recours à la
recherche et aux études. Des incertitudes, héritées du passé, subsistent par ailleurs dans la répartition des
tâches de maîtrise d’ouvrage et d’oeuvre pour l’exploitation statistique et les améliorations possibles des
données administratives correspondant à l’activité de gestion des directions.
- Les relations de la DREES avec les caisses de sécurité sociale sont en voie d’amélioration et de
formalisation, par la signature de conventions, celle avec la CNAF connaissant quelque retard. Les COG des
caisses devraient systématiquement reprendre des dispositions encadrant ou faisant référence à ces
coopérations contractuelles.
- La clarification du partage des tâches entre la DREES et l’INSEE se fait progressivement et de façon
pragmatique pour tenir compte de l’héritage du passé . Le rôle de l’INSEE en tant que prestataire de services
est dans l’ensemble bien précisé et conforme à une répartition logique et économe des tâches. En revanche, en
ce qui concerne sinon les grandes enquêtes représentatives nationales à vocation générale, du moins les
enquêtes représentatives particulières correspondant aux grandes fonctions du ministère (santé, HID), la
répartition des tâches pourrait être revue après l’achèvement des opérations en cours ou en préparation.
- L’organisation et l’activité de certaines caisses en la matière laisse encore à désirer : concentration sur
l’amélioration évidemment prioritaire de l’information statistique de base à la CNAMTS, séparation entre la
branche administrative et le service médical, insuffisance des moyens d’études à la CNAV et séparation entre
les études à caractère économique et sociologiques.
- L’ensemble des acteurs dispose de moyens humains insuffisants. Il convient à cet égard de tenir compte de la
concurrence du marché. Celle-ci s’exerce moins pour l’embauche de jeunes chargés de missions, pour laquelle
la contrainte est essentiellement budgétaire, que pour les agents plus expérimentés, nécessaires pour les
fonctions d’encadrement, et pour lesquels, en ce qui concerne les contractuels, des solutions plus adéquates
que les règles du jeu actuelles en matière de rémunération et de carrières devraient être recherchées.
Les circuits en matière de préparation de la décision restent encore mal définis. Si les principes en la matière
semblent clairs : la DREES pour les études d’amont, les directions pour la préparation immédiate des
estimations budgétaires et des mesures nouvelles, la réalité est plus foisonnante et témoigne parfois d’une
concurrence source d’inefficacité (notamment entre la DSS et la DREES, par exemple dans l’utilisation de
cas-types), parfois de courts-circuits voire de rétention d’information (CNAF), ou encore du risque de mise en
place d’instruments redondants (modèle de micro-simulation à la CNAF).
En matière de recherche et d’études confiées à l’extérieur, si la situation à l’intérieur du ministère est dans
l’ensemble satisfaisante, en raison du rôle de coordination dévolu à la DREES, il n’en va pas de même, en
dépit de certains progrès, en ce qui concerne l’animation de la recherche par les caisses et son articulation avec
le rôle de la DREES (sauf dans la branche famille).
Trois observations de caractère plus général peuvent, pour finir, être émises :
- L'articulation des administrations sociales avec les milieux de la recherche
[74]
pose des problèmes de fond
dont la solution est encore mal assurée : motivations spécifiques -universitaires et académiques- des
organismes de recherche et des chercheurs ; temps de la recherche mal adapté à la préparation immédiate de la
décision. Dans l'ensemble, malgré certains progrès, il faut souligner le caractère encore insuffisant des
programmes de recherche dans ce domaine.
- En matière d’études, il faut de plus souligner le caractère très insuffisant de l'information réciproque des
différentes instances évoquées, voire de leur information sur les différents producteurs de recherche et d'études
dans leur domaine de compétence. Il est souhaitable à cet effet d'étudier et de mettre en oeuvre des moyens
d'échange d'information, et de diffusion, à tous publics intéressés, qui pourraient s'inspirer de pratiques
utilisant Internet. Plus généralement, s'il apparaît difficilement envisageable, et sans doute peu souhaitable, en
raison de la diversité des préoccupations et positions des administrations commanditaires, de mettre en place
une coordination générale, interministérielle ou entre organismes,
[75]
, des coordinations plus ciblées sont
souhaitables et possibles, comme le montre l'exemple de l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion et les
projets de collaboration entre la DREES et les caisses de sécurité sociale.
- Enfin, la définition politique des orientations stratégiques, en amont de la définition et de la mise en oeuvre
des programmes, de l’information statistique, des études et de la recherche n’est pas réellement assurée. Le
CNIS joue, en matière de production statistique seulement, par l’élaboration de programmes annuels et à
moyen terme, un rôle indispensable d’échange d’informations et de coordination , mais il n’a pas cette
vocation. Non plus que les administrations statistiques, un partage sur le seul plan technique s’étant opéré
entre l’INSEE, pour la statistique économique et financière, la DARES, pour l’emploi et le travail, et la
DREES pour la protection sociale, alors que l’interpénétration entre ces deux domaines va croissant. Même en
ce qui concerne les inflexions à donner aux programmes existants, cette fonction d’orientation stratégique, qui
ne relève pas actuellement des organes de conseil du gouvernement (CGP, CAE), n’est exercée que dans des
domaines très spécifiques : dans une optique de moyen terme par l’observatoire de la pauvreté et de
l’exclusion et le haut comité de la santé publique, l’un et l’autre à caractère consultatif, et pour la préparation
de décisions par la délégation à la famille. Une réflexion sur le développement des structures et procédures
d’orientation
[76]
et de coopération doit être
approfondie.
II – L’état de santé
La connaissance de l’état de santé des Français de ses facteurs explicatifs, et de ceux des dépenses de
l’assurance maladie devrait constituer un élément central de la politique de l’assurance maladie et de la santé
publique. Bien que multiforme et multisources, la situation actuelle reste lacunaire, sans que les
responsabilités de son orientation et de sa synthèse soient clairement définies. Des améliorations sont en cours
ou projetées, mais elles restent insuffisantes.
A - Connaissance de l’état de santé et politiques publiques
La politique de la santé publique vise à déterminer les grandes priorités de l’action des pouvoirs publics en ce
qui concerne l’état de santé, en termes de résultats à atteindre comme de moyens à mettre en oeuvre, le
dispositif des soins ne constituant qu’un élément de ces moyens. La prise en charge par la collectivité de tout
ou partie des dépenses afférentes à ce dispositif, ainsi que la recherche de leur plus grande efficacité, de leur
qualité et de l’égalité des citoyens face à l’accès aux soins, est un élément central de la politique de santé
publique.
La détermination des objectifs et des moyens de l’assurance maladie devrait, quant à elle, reposer sur la
conjugaison d’une approche globale et d’une approche par pathologies. Au prix d’une schématisation
excessive, ceci amène à distinguer différentes étapes de la démarche, en fait étroitement inter reliées :
- D'abord, la demande de soins, dans ses relations avec l’offre. Globalement, les dépenses de santé sont
analogues aux autres dépenses de service aux personnes et connaissent, comme celles-ci, des élasticités revenu
supérieures à 1. Les travaux économétriques ou qualitatifs, outre la croissance des revenus, font intervenir la
structure démographique de la population, et en particulier le vieillissement, et, du côté de l’offre, le progrès
technique, dont il est nécessaire de séparer les composantes qui renforcent l’efficacité du système de soins de
celles qui, par des méthodes plus coûteuses ou permettant de soigner ce qui ne l’était pas, conduisent à des
dépenses supplémentaires. La quantification de l’effet de ces facteurs ne permet d'expliquer qu'une partie de la
croissance des dépenses. Au niveau détaillé des pathologies, une démarche analogue serait souhaitable,
compliquée par les problèmes spécifiques de l’accès aux soins. Enfin, il y a lieu de prendre en compte, dans
l’ajustement de la demande à l’offre, les effets des politiques de régulation : financement et modes de
rémunération des acteurs
[77]
.
- Ensuite, le partage des dépenses, qui ont pour contrepartie les revenus des professionnels de santé, entre les
acteurs : ménages, sécurité sociale, Etat, et producteurs eux-mêmes, soit au niveau de la formation de leur
revenu (prix et quantité de soins), soit par des reversements. Là encore, l’articulation d’une approche globale
qui doit être replacée dans les équilibres macro-économiques induits (modalités de financement et leurs
conséquences sur les finances publiques, la croissance et l’emploi) et d’une approche détaillée liant pathologie
et actes médicaux est souhaitable.
- Enfin, les résultats obtenus, en termes de mortalité, de morbidité, de handicap et de dépendance.
La politique de la santé publique s’appuie sur les analyses ci-dessus, mais dépasse le seul rôle du système de
soins, auquel doivent s’articuler, en tout état de cause, les différentes modalités de la prévention. L’analyse
des déterminants de l’état de santé, selon le haut comité de la santé publique (rapports sur la santé en France
1994 et 1998) peut être effectuée, en mettant à part les facteurs proprement biologiques, selon les distinctions
suivantes :
- déterminants liés aux comportements individuels et à l’environnement social : consommation d’alcool et de
tabac, toxicomanie, comportements sexuels à risque, accidents de la circulation et de la vie courante ;
- déterminants liés à l’environnement physique et au travail. Sous le terme environnement physique sont
essentiellement visés les phénomènes de pollution et les produits de consommation. L’environnement
professionnel comprend les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La prise en compte de tous ces facteurs relève d’informations et d’analyses domaine par domaine, qui
conditionnent la mise en oeuvre efficace d’actions spécifiques.
B - Le dispositif d’observation actuel
Seul le dispositif national sera décrit ici. De la description des sources et des résultats obtenus et de celle des
acteurs se dégagent les appréciations suivantes :
- L'information est exhaustive en ce qui concerne les dépenses remboursées par l’assurance maladie, mais elle
ne contribue pas, en tant que telle, à la connaissance de l’état de santé, sauf dans le cas d’exploitations
secondaires de domaines particuliers de remboursement.
- L'espérance de vie, qui peut être vue comme un résultat global de la politique de santé publique, est connue
annuellement mais d'autres indices, plus précis : espérance de vie sans incapacité, mortalité évitable, ne font
l’objet que d'estimations ponctuelles séparées par des délais importants. Le deuxième indicateur, la mortalité
évitable, procède de considérations de politique de santé publique. Son établissement suppose en effet de
sélectionner une liste de maladies causes de décès, elle-même fondée d’une part sur la connaissance objective
de ces causes, mais d’autre part sur une appréciation subjective de leur caractère évitable.
- La perception par la population de son état de santé a fait l’objet, dans les rapports 1994 et 1998 du haut
comité à la santé publique, de diverses enquêtes. Au-delà de l’appréciation directe du bien(mal)-être, qui
montre que la notion de santé dépasse celle d’absence de maladie, ces enquêtes comportent des éclairages sur
les appréciations des répondants sur les déterminants de l’état de santé : pollution, consommation d’alcool et
de tabac, conditions sociales et de vie, ainsi que sur leurs conceptions de la prévention. Malgré leur caractère
subjectif, ces réponses constituent des indications précieuses pour les orientations de la politique de santé
publique.
- L'observation de la morbidité se fait à travers des enquêtes générales (enquête décennale sur la santé, enquête
santé-protection sociale du CREDES), et des études sectorielles nombreuses portant, soit sur des groupes
spécifiques, soit sur diverses pathologies.
- La connaissance des causes de mortalité a un caractère exhaustif, en raison de leur enregistrement
systématique. En revanche, la connaissance de la morbidité incidente reste lacunaire ;
a fortiori
, la
connaissance des causes de la morbidité prévalente est limitée : le Haut comité de la santé, dans son rapport
1994-1998, souligne qu’ "il n’existe pas en France de source permettant d’avoir une vue d’ensemble de la
morbidité réelle".
- La connaissance des modalités et du recours aux soins et de leurs facteurs est lacunaire. Il faut ici distinguer
l'hôpital et la ville. A
l'hôpital
, la source administrative que constitue le PMSI fournit un relevé des
pathologies principales traitées au cours du séjour du patient. Depuis 1997, le PMSI couvre l'hospitalisation
publique et privée. Il faut néanmoins noter qu'en l'absence de chaînage des actes, le PMSI a pour unité de
compte le séjour et non le patient, qu'en l'état actuel des choses, les urgences et les soins délivrés en
consultation externe en sont exclus, et que son extension à la psychiatrie reste problématique, enfin que, plus
généralement, enquêtes et PMSI sont limités aux établissements de court séjour. En
ville
, il faut rappeler que
les données de remboursement de la CNAMTS et des autres régimes, faute de codage des pathologies, ne sont
pas, sauf cas particuliers, utilisables pour l'appréciation de la morbidité
[78]
.
- La connaissance des principaux facteurs de risque est en progrès, en particulier en ce qui concerne les risques
liés au milieu professionnel, mais comporte encore des lacunes importantes en ce qui concerne les relations
entre l’environnement social et physique et la morbidité.
Deux difficultés générales doivent par ailleurs être soulignées, l’une pratique d’origine organisationnelle,
l'autre méthodologique :
- la distinction, dans l’organisation du système de tutelle et de remboursements, de la médecine de ville et de
l’hôpital a pour conséquence l’existence de deux systèmes de collecte d’informations séparés, une analyse
complète de la morbidité nécessitant des opérations spécifiques encore exceptionnelles ;
- la description de la morbidité, incidente comme prévalente, est complexe car elle peut se faire selon plusieurs
dimensions "diagnostiquées", "ressenties", ou même "infra-clinique" (c'est-à-dire dont on ne décèle pas
d'existence).
C - Les voies d'amélioration
La présentation à laquelle il vient d'être procédé a fait ressortir un certain nombre d'insuffisances et de lacunes,
certes en voie de comblement, mais où l'amélioration de l'information devrait porter en priorité. Elles visent
principalement, dans l'ensemble des approches constitutives de l'état de santé, la morbidité, et, à l'intérieur de
celle-ci, plus la morbidité prévalente que la morbidité incidente."
- Une approche fine, nécessaire pour la politique de santé publique, des inégalités en matière d'état de santé et
de leurs causes médicales et non médicales, tout particulièrement en ce qui concerne les inégalités territoriales,
n'est actuellement possible qu'en ce qui concerne la mortalité et les maladies à déclaration obligatoire ou
facultative font l'objet de relevés en principe exhaustifs. Des améliorations ponctuelles peuvent être obtenues
par l'enrichissement de certains relevés de données administratives.
- Le suivi longitudinal de l'état de santé laisse particulièrement à désirer alors qu'il pourrait apporter un
éclairage important à l'efficacité du système de soins et, plus généralement, de la politique de santé publique.
Ce besoin, valable généralement pour la morbidité prévalente, se fait particulièrement sentir en ce qui
concerne les incapacités et la dépendance. L'articulation entre l'EPAS, fichier administratif longitudinal des
assurés sociaux, et des enquêtes menées auprès des bénéficiaires, en est la méthode la plus immédiatement
opérationnelle.
- La recherche des causalités reste très insuffisante, qu'il s'agisse des facteurs explicatifs de l'état et des
dépenses de santé et de l'efficacité des actions possibles.
Les insuffisances et les lacunes qui viennent d'être rappelées doivent trouver des remèdes progressifs dans
l'amélioration des instruments existants et la mise en place de nouveaux dispositifs, eux-mêmes conditionnés
par le développement de modes de travail inter-organismes assurant mieux les exigences de la diversité des
appareils de leur articulation. Plus généralement, la coordination et l'impulsion d'ensemble du système
d'information de la politique de santé publique restent à assurer de façon satisfaisante. Elles font l'objet d'un
partage des tâches dont les principes s'affirment progressivement, mais dont la mise en oeuvre n'est qu'à ses
débuts.
Entre les administrations publiques, direction générale de la santé, DREES, Institut de veille sanitaire (InVS)
et INSERM, les principes suivants peuvent être dégagés de leurs missions respectives :
- C'est la DGS qui doit hiérarchiser les informations disponibles en vue de la préparation de la politique de
santé publique, ceci impliquant qu'elle participe progressivement à la définition du dispositif général
d'observation de l’état de santé.
- La maîtrise d'oeuvre est partagée entre la DREES, responsable de l'articulation d'ensemble des observations
socio-économiques en la matière, et la DGS, responsable de la coordination et de l'orientation des
informations épidémiologiques sectorielles.
- Dans son domaine, la DREES, soit a un rôle direct dans diverses opérations, soit coordonne par voie
contractuelle des initiatives de l'INSEE, des caisses de sécurité sociale et des diverses administrations de
gestion compétentes.
- Dans son domaine, la DGS doit mieux définir ses relations, en matière de maîtrise d'oeuvre avec l'institut de
la veille sanitaire, et en matière de maîtrise d'ouvrage, avec le haut comité de la santé publique.
- Le contenu et les moyens de la mission de l'InVS doivent être précisés. Au-delà de la surveillance et de
l'alerte, la loi étend le champ des missions de l'InVS à l'ensemble de l'observation de la santé et à la détection
de toute menace pour la santé publique, mais "les orientations adoptées par l'InVS dans le cadre de son plan de
développement 2000/2002, ainsi que les objectifs opérationnels assignés aux cinq départements qui composent
l'institut, ne mentionnent pas pour l'instant comme objectif prioritaire le développement de l'observation
permanente de la morbidité générale"
[79]
. Les modalités d'échanges et de travail de l'InVS avec la DREES et
les autres directions du ministère (DGS, DH, DRT) doivent être formalisées.
- Il faut que l'utilisation de l'information sur l'état de santé produite dans les travaux épidémiologiques de
l'INSERM soit mieux organisée dans l'institut et articulée avec la DGS et la DREES.
- Il y a lieu enfin de rationaliser et d'améliorer l'exploitation des informations de gestion dans les attributions
respectives de la DGS et de la DREES, et, à l'avenir, d'établir de nouvelles modalités de partage des tâches ou
de coopération entre la DREES et l'INSEE en ce qui concerne les enquêtes et les instruments de simulation. Il
va sans dire que ce partage ne saurait être exclusif d'interrelations diverses, c'est-à-dire d'un fonctionnement en
réseau, et doit être progressivement précisé en fonction de l'expérience.
III – FAMILLE, MINIMA SOCIAUX
A - Les besoins de connaissance
Les besoins de connaissance en matière de politique familiale, de minima sociaux, et, plus généralement, de
pauvreté, ont pu paraître à l'origine, comme relevant de domaines d'action publique séparés. Les progrès d'une
appréhension globale des faibles revenus, et la mise en oeuvre d'interventions publiques en faveur de publics
particuliers, conduisent à rapprocher l'analyse, en ce qui concerne la statistique et les études préparatoires à la
décision, de ces domaines.
L'extension progressive de la politique familiale, et la gestion par la CNAF de dispositifs n'en relevant pas, ont
à la fois accru le champ couvert par l'information de gestion dont celle-ci dispose, et le besoin de
connaissances pour les différents aspects actuels et potentiels de la politique familiale : connaissance des
ménages de moins de deux enfants, diversité de la prise en compte des prestations familiales pour apprécier
les ressources des bénéficiaires d'autres prestations (RMI, API, AAH, ASS, aides au logement), liaison entre
prestations familiales et fiscalité.
Le système français de minima sociaux compte huit minima prenant en compte des situations diverses. Ils
relèvent de deux catégories :
- minima sociaux créés en vue de fournir un complément de ressources aux personnes exclues du système de
sécurité sociale pour des risques identifiés, conduisant à une perte de revenus permanente (invalidité,
handicap, vieillesse, allocation veuvage) ou temporaire (ASS, API, allocation d'insertion) ;
- RMI, créé dans une perspective de lutte globale contre la pauvreté et de réinsertion des personnes en
difficulté.
Ils doivent être replacés dans le cadre global de la politique de lutte contre la pauvreté, elle-même appréciée en
termes d'unité de consommation et de seuil de pauvreté. Les considérations de la précarité et de l'exclusion,
encore mal définies, relèvent de préoccupations analogues, mais nécessitant des informations dans la durée
(variabilité des ressources) ou plus fines (selon les types d'exclusion).
Au total, extension du domaine et de la gestion des prestations familiales d'une part, développement, via les
minima sociaux, d'une approche globale de la pauvreté d'autre part, font ressortir, pour informer la politique
sociale, deux exigences : celle d'une approche longitudinale, celle d'une approche multi-critères, non limitée
aux revenus, mais s'étendant en particulier au niveau de formation, aux conditions d'emploi et aux éléments de
niveau de vie.
Il existe un sujet d'étude commun à la politique familiale et à celle des minima sociaux : l'appréciation de leur
influence sur les comportements d'activité. Une préoccupation spécifique de la politique familiale est son
influence sur la natalité.
B - Le dispositif d'observation actuel
1. Progrès en matière de méthodologie
Des progrès importants, mais à poursuivre, ont été réalisés en matière de méthodologie. Ces progrès
concernent aussi bien la politique familiale que la pauvreté.
Par exemple, la politique familiale comme celle des bas revenus doivent, pour apprécier le niveau de vie des
familles, prendre en compte leur taille, le nombre et l'âge des enfants, ce en raison principalement des
économies d'échelle liées à la gestion en commun des ressources du ménage, et au partage de biens à usage
collectif. A cet effet, le statisticien recourt à une échelle d'équivalence, de façon à obtenir un revenu par
équivalent-adulte. Les méthodes utilisées conduisent à préconiser une échelle où le premier adulte compte
pour une unité de consommation, chaque adulte supplémentaire pour 0,5 et chaque enfant pour 0,3. Une telle
échelle rend des services, même si elle peut être partiellement inadaptée à des situations familiales
particulières.
Les revenus des familles les plus modestes, et plus généralement les bas revenus, doivent être appréciés au
regard d'une définition et d'une mesure de la pauvreté. A cet effet, il est fait appel à la notion de seuil de
pauvreté. Celui-ci relève d'abord, pour des raisons de comparabilité internationale, d'une définition
conventionnelle : la moitié du niveau de vie médian
[80]
, avec prise en compte du nombre d'unités de
consommation du foyer. Au-delà de cette approche monétaire, la pauvreté "d'existence", caractérisée par
l'absence de biens d'usage ordinaire ou de consommation de base, et même une pauvreté "subjective", reposant
sur la propre perception qu'ont les ménages de l'aisance dans laquelle ils vivent ou de l'écart entre leur revenu
et le minimum nécessaire, ont été mesurées.
Des progrès ont également été effectués vers une meilleure appréciation des configurations familiales et des
populations marginales. Le premier point concerne les différentes approches de la famille dans les définitions
utilisées dans les différents types d'enquête. De fait, deux concepts doivent être à la fois liés et séparés, le
partage du logement et celui des revenus, auquel s'ajoutent les services rendus à l'intérieur des familles entre
les différentes générations. Deux difficultés de fond demeurent, dont l'importance va croissant : la succession
dans le temps des états familiaux et les modes non-familiaux de cohabitation, voire de coexistence, qui retirent
une partie de son "opérationnalité" à la définition juridique de la famille.
Au total, les progrès sont notables, même s'ils souffrent encore de nombreuses incertitudes, les unes
conceptuelles, les autres pratiques.
2. L'exploitation des données administratives fournit des informations nécessaires, mais insuffisantes
Les fichiers de la CNAF sont utilisés pour le chiffrage de modifications aux prestations existantes ou de
mesures nouvelles. Un autre fichier à vocation générale, celui que la DGI établit chaque année pour l'impôt sur
le revenu et de la taxe d'habitation, transmis à l'INSEE, est précieux, même s'il souffre de l'absence de
déclaration pour environ la moitié des ménages, c'est-à-dire de ceux qui sont exemptés de l'impôt sur le
revenu. Dans les deux cas, l'exploitation de ces fichiers à fin de connaissance et d'étude nécessite leur fusion
avec d'autres fichiers statistiques représentatifs de l'ensemble de la population.
Les fichiers de gestion de dispositifs particuliers apportent des informations pertinentes sur ces dispositifs.
Mais on retrouve ici, amplifiées par la segmentation de la réglementation, les difficultés classiques :
- non couverture de l'ensemble de la population et même couverture partielle, en raison du phénomène de non-
recours, des bénéficiaires potentiels ;
- difficulté de reconstituer les trajectoires des bénéficiaires, sinon à l'intérieur du dispositif, du moins à l'entrée
et à la sortie, que ce soit de ou vers l'emploi, le chômage, l'inactivité ou d'autres minima sociaux.
Enfin, la connaissance de l'aide sociale aux familles reste lacunaire et non coordonnée.
Les enquêtes sur population générale sont complémentaires de l'exploitation des données administratives de
gestion, mais connaissent encore des insuffisances au regard des besoins de la politique sociale. Leurs trois
apports essentiels : représentativité, multidimensionnalité, approche longitudinale ne sont aujourd'hui
qu'imparfaitement satisfaits.
L'appariement de ces enquêtes entre elles et avec des données d'origine administrative est une méthode
efficace d'enrichissement réciproque pour une approche multidimensionnelle (on peut citer ici le modèle de
microsimulation "INES" de l'INSEE), mais ne permet que de façon limitée des analyses longitudinales. Enfin,
l'information donnée par une enquête ne permet pas une mise à jour régulière et rapide.
Le dispositif d'études et de recherche connaît un développement satisfaisant. Dans certains cas cependant, il
est mal coordonné et les études et recherches sur les comportements des prestataires en réponse aux dispositifs
de la protection sociale restent insuffisantes.
D'abord, elles sont trop peu nombreuses. Ensuite, elles ont souvent du mal à faire le partage entre ce qui relève
de facteurs explicatifs généraux et les effets propres des dispositifs sociaux, en particulier en ce qui concerne
le phénomène souvent évoqué, mais mal connu, de la "trappe à pauvreté", c'est-à-dire de la contre-incitation à
la reprise du travail, des règles d'obtention des minima sociaux, en particulier les effets de seuil, combinées
avec celles des prestations sociales et de la fiscalité.
Les travaux américains sont très nombreux sur les déterminants généraux de la fécondité et sur les effets de la
politique familiale. Cela contraste avec la situation française, caractérisée par des recherches anciennes sur le
premier point et un nombre très limité d'investigations sur le second. On ne peut qu'être surpris de la quasi-
absence d'analyses objectives dans un domaine qui a été un élément central de la politique des prestations
familiales.
Enfin, les recherches sur les causes économiques et socio-démographiques de la pauvreté restent encore peu
développées.
C - Les voies d'amélioration
Les voies d'amélioration se situent dans quatre domaines :
- La coordination des intervenants
: elle devrait s'accroître, car elle ne reflète pas encore l'imbrication
croissante de la politique familiale et de la politique de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, évoquée plus
haut. Cette coordination concerne aussi bien les unités du ministère entre elles, que leurs relations avec la
CNAF. Si ces dernières sont en cours d'établissement, les liens entre définition des politiques et système
d'information ne sont pas formalisés.
- Les enquêtes sur des populations spécifiques
: enquêter auprès d'elles nécessite parfois une inflexion des
modes de collecte statistique (exemple : enquête sur les sans-abri).
- Le domaine où des progrès apparaissent le plus nécessaire est celui de la
constitution d'une information
longitudinale
. Tout d'abord en ce qui concerne les minima sociaux, afin de mieux connaître les entrées et les
sorties -notamment en ce qui concerne la réinsertion sur le marché du travail- des différents minima et les
passages éventuels de l'un à l'autre, ainsi que par l'indemnisation du chômage. Mais, plus généralement, pour
les caractéristiques des populations pauvres, en particulier leurs cheminements dans le cycle de vie entre
formation, inactivité, emploi, chômage, préretraite, bénéfice d'un minimum social, et l'appréciation de leur
situation du point de vue de leur revenu, de leur endettement, de leur formation, de leur logement, de leur
santé et d'éventuelles autres dimensions. L'outil en principe le plus adapté à cet effet est la construction de
panels, qui commencent à voir le jour, notamment sous l’impulsion de la DREES.
L'action sociale
. Ainsi que déjà indiqué, l'action sociale, dans ses différentes acceptions juridiques et ses
différents acteurs (départements, communes, branches de la sécurité sociale,…) ne fait aujourd'hui l'objet que
d'informations partielles et, en conséquence, d'aucune synthèse d'ensemble. Il faudrait créer les moyens de
l'établir, pour mieux connaître les différents dispositifs, leurs bénéficiaires et leur articulation avec les
prestations sociales.
IV - Retraite
Les progrès tout à fait significatifs accomplis depuis une dizaine d’années en France ne permettent pas encore
aux pouvoirs publics de disposer des études suffisantes pour les éclairer sur l’avenir des régimes publics de
retraite.
A - Les enjeux
Les informations statistiques et les études portant sur le risque vieillesse soulèvent des questions de trois
ordres, en large partie interdépendants : celles qui concernent le diagnostic sur la situation actuelle des
retraités, celles qui portent sur l’impact des réformes réalisées ou des propositions de réformes et, enfin, celles
qui ont trait à l’anticipation du vieillissement des populations au regard de ses conséquences économiques et
sociales.
Les divers travaux entrepris au cours de ces dernières années ont fait sensiblement progresser la qualité du
diagnostic global sur la situation actuelle des retraités, à la fois en termes absolus et en termes relatifs. C'est le
cas de la comparaison entre les situations des retraités du secteur privé et de ceux de la fonction ou du secteur
publics. De même, l’étude des conditions de cessation d’activité et des trajectoires de fin de carrière a connu
des progrès substantiels, même si demeurent un certain nombre d’interrogations (
cf. infra
). Il reste que, faute
de sources statistiques ou d’outils adaptés, trois questions demeurent mal explorées : les facteurs à l’origine de
la dispersion des retraites et du rôle d’un certain nombre de dispositifs "non contributifs" (périodes assimilées,
avantages familiaux et divers) ; la saisie statistique précise et des modalités de constitution des ressources des
retraités hors régimes publics ; les éclairages comparatifs sur la situation des retraités en Europe et sur les
processus qui génèrent les différences.
La prospective sur l’avenir des régimes publics de pension a elle aussi connu des progrès substantiels ces
dernières années. Les travaux du "rapport Charpin" ont conduit à préciser le diagnostic régime par régime. Les
travaux de la CNAV ou de l’OFCE, réalisés à partir de la méthode des "cas types", ou ceux conduits à
l'INSEE à l’aide du modèle de microsimulation
DESTINIE (cf.
infra
) ont, pour leur part, permis une première
exploration
ex post
de l’impact des réformes des régimes de base de 1993 et des régimes complémentaires de
1994 et 1996. Ils conduisent à souligner la forte sensibilité des résultats, du point de vue tant intra- et
qu’intergénérationnel, à la nature des profils de carrière, aux hypothèses quant à la croissance future des
salaires réels, et aux scénarios retenus en matière de politique d'indexation des retraites et des salaires de
référence à l'avenir. Mais dans l’optique visant à éclairer les pouvoirs publics pour les réformes à venir, ces
premières recherches souffrent surtout, faute de données statistiques ou d’outils méthodologiques pertinents,
d’au moins trois faiblesses.
La première est imputable à l’absence de prise en compte de la croissance des inégalités entre cohortes au
cours des vingt cinq dernières années en France. Corrélativement, en l’absence d’un dispositif de suivi
longitudinal des carrières salariales, les évaluations faites peinent à prendre en compte l’impact des
transformations structurelles du marché du travail sur le montant et, surtout, sur la dispersion des retraites à
long terme. En troisième lieu, il faut souligner que le concept d’équité intergénérationnelle, si souvent évoqué
dans les débats et les réflexions sur les réformes, demeure à la fois insuffisamment conceptualisé et trop peu
"opérationnalisé", malgré quelques tentatives en ce sens (
cf. infra
).
Enfin, les conséquences du vieillissement des populations sur la dynamique macroéconomique de long terme
(consommation et épargne, structure de la consommation, croissance, allocation du capital à l’échelle
internationale), le progrès technique et la productivité, ou encore le marché du travail et la gestion de la main
d’oeuvre, restent largement inexplorées en France.
B - Le dispositif d’observation actuel
1. Les fichiers des régimes
Il existe aujourd’hui 26 régimes de base d’assurance vieillesse, dont 8 de moins de 20 000 cotisants ou
retraités titulaires de droits propres. Comme l’ont montré les travaux préparatoires au "rapport Charpin", ces
différents régimes sont dotés d’une inégale capacité d’expertise. Ils disposent de fichiers dotés souvent de
données abondantes mais sous exploitées, principalement en raison de l’optique de gestion qui préside à leur
constitution et qui contraint l’exploitation qui peut en être faite.
Alors que les fichiers statistiques de retraités de la CNAV sont limités à ses ressortissants, le projet de
répertoire national des retraites (RNR) (DREES-CNAV) a pour finalité, à terme, de produire des données sur
les retraités alimentées par l’ensemble des régimes : identification des retraité, des régimes d’affiliation et de
la nature et du montant des avantages servis (cf. chapitre XII,
infra
, p. 457).
La principale limite posée par les fichiers des régimes est que, jusqu’à présent, ces derniers n'enregistrent que
l’information dont ils ont besoin pour liquider les pensions. A titre d’exemple, la CNAV ne récupère que les
salaires sous plafond et l’enregistrement des carrières salariales ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à
l’obtention éventuelle du taux plein.
On peut regretter l'absence d’impulsion des pouvoirs publics pour qu'on procède à une normalisation, et
encore moins à une exploitation, de ces fichiers. Il serait pourtant souhaitable que les régimes soient autorisés
et incités à se constituer des bases de données sur leurs cotisants.
2. L’appariement de fichiers
L’échantillon interrégimes des retraités (EIR) se présente comme l’outil de rapprochement, individu par
individu, des informations provenant des différents régimes de retraite. Par rapport aux fichiers des régimes, il
est donc surtout utile pour apprécier la situation des retraités pluripensionnés. La phase préparatoire au
lancement d’un nouvel EIR en 2001 a été entamée cette année.
L’appariement des fichiers EIR, DADS et Unedic permet d'étudier les trajectoires de fin de carrière. Les
conditions de passage en retraite, soit le moment de la liquidation et le taux de remplacement ont pu ainsi être
distinguées selon le type de trajectoire vécue, en conférant une attention particulière aux passages par le
chômage et la pré-retraite.
3. L’exploitation de volets complémentaires d’enquêtes déjà existantes
L’une des principales lacunes pour apprécier la situation des retraités, mais aussi évaluer l’impact d’une
réforme des conditions de liquidation des pensions, a longtemps été imputable à l’absence de données
permettant d’étudier de manière précise l’évolution des profils de carrière à travers le temps, en particulier
dans leur dernière phase. Pour pallier cette difficulté, divers volets d’enquêtes déjà existantes ont été exploités,
de manière rétrospective ou pour mieux cerner les tendances marquantes.
4. Projections de l’équilibre des différents régimes
Les projections de l’équilibre des régimes de retraite à long terme reposent sur les scénarios socio-
démographiques élaborés par l’INSEE avec l’appui de la DARES et sur un cadrage macroéconomique fourni
par la direction de la prévision. Dans le cadre des travaux préparatoires au dernier rapport du CGP, "L’avenir
de nos retraites", les hypothèses retenues en matière de croissance de la population active occupée reposent
sur la prolongation des tendances passées en matière de comportements d’activité. Elles ont été cependant
adaptées à la situation des différents régimes : si certains régimes ont établi leurs projections d’effectifs
cotisants en cohérence avec l’évolution de l’emploi total, d’autres ont été conduits à s’écarter des évolutions
macroéconomiques en raison de leurs situation particulière. Sur cette base, chaque régime de retraite a réalisé
un exercice de projection de ses charges et de ses ressources, en intégrant les transferts de compensation.
Indépendamment des problèmes inhérents aux prévisions à long terme, cet exercice de projection souffre de
deux types de problèmes principaux :
- de l'absence de modélisation démo-macroéconomique "bouclée", prenant en compte les rétroactions du
vieillissement démographique sur la dynamique d'accumulation du capital et sur l'évolution du produit
national, ainsi que qu'une modélisation du marché du travail ;
- de ce fait, du caractère excessivement linéaire des évolutions retenues.
5. La méthode des cas-types
La DSS, la CNAV, la DRESS, la DP, mais aussi certains organismes indépendants, tel l’OFCE, et de
nombreux travaux de recherche et d’évaluation, ont recours à la méthode des cas-types. La DREES, par
exemple, a récemment finalisé un outil permettant de simuler une multitude de cas-types en fonction de
différentes variables pertinentes (âge d’entrée dans l’activité, profil de carrière, etc.), afin d’étudier dans
chaque cas l’impact des modifications de la réglementation en matière de retraite dans le secteur privé.
6. Les microsimulations : le modèle Destinie
Le modèle DESTINIE (modèle Démographique, Economique et Social de Trajectoire Individuelles simulEes)
établi par l'INSEE a pour principal objectif la projection à long terme des retraites et de la situation des
retraités, afin de fournir une évaluation des différentes réformes des régimes de retraite, compte tenu d’un
certain nombre d’évolutions structurelles. Le modèle engendre un certain nombre d’événements
démographiques (naissances, décès, mariages, divorces) et donne ainsi une image de la structure de la
population française par âge, par sexe, par type de famille sur l’horizon de la projection. Il simule dans un
second temps les carrières des individus, selon les différents statuts d’occupation et le niveau de salaire.
Le modèle présente certains avantages majeurs : très grande variété de scénarios possibles à partir de variantes
sur les règles déterministes ; outil le plus opérationnel pour tenir compte de la diversité des situations
individuelles, et non pas seulement des moyennes.
Pour autant, ces microsimulations posent un problème d’interprétation des résultats lié au biais qui conduit à
faire comme si l’ensemble de la population -dont on relève les caractéristiques et les comportements dans
l’échantillon initial- relevait, pour la retraite, du seul régime général et des régimes complémentaires. Elles
soulèvent surtout un certain nombre d’objections en matière d’hypothèses de comportement ou d’hypothèses
exogènes à long terme. On notera en particulier l’absence de bouclage macroéconomique.
C - Les voies a explorer
1. L’étude des carrières salariales
On a déjà souligné qu’il ne saurait y avoir d’analyses approfondies de l’avenir des régimes publics de retraite
sans un dispositif de suivi longitudinal des carrières salariales. Ce constat est au demeurant partagé par les
principales parties
intéressées : la DREES et la CNAV ont annoncé leur intention de mener à bien des études exploratoires sur un
panel de cotisants, dont les contours restent pour l’heure encore flous.
En revanche, il convient de souligner que des données longitudinales de qualité sur les carrières salariales
permettraient de traiter, outre certains problèmes évoqués plus haut, un ensemble de questions peu ou mal
explorées : les conséquences, du point de vue longitudinal, des transformations du marché du travail -en
particulier des accidents de carrière, du chômage- sur le niveau futur des pensions ; les effets des transitions
entre les divers statuts ; les inégalités en termes de salaires, de revenus et de carrières entre les différentes
cohortes ; mais aussi l’impact précis des divers modes envisageables de valorisation des salaires de référence
suivant les profils des carrières salariales.
Dans la même perspective, l’évaluation du rôle et de l’impact des actuelles périodes assimilées devrait être
nettement approfondie. On notera enfin que la question de la projection à terme des patrimoines et des
ressources des retraités hors régimes publics demeure largement ouverte.
2. Cessation d’activité et conditions de liquidation
des pensions
Si les avancées sur ce thème ont été importantes ces dernières années, trois questions mériteraient d’être
mieux explorées : le poids respectif des différents facteurs explicatifs de la baisse des taux d’activité des plus
de 55 ans ; l’analyse coût-bénéfices, mais aussi qualitative, des licenciements (ou des mises en préretraites)
des quinquagénaires suivant les secteurs d'activité et les entreprises ; la pertinence des explications
concurrentes en termes de taux de remplacement et d’arbitrage sur le cycle de vie quant au choix de l’âge de la
liquidation des droits à pensions.
3. Les avantages familiaux
Les avantages familiaux consentis par les divers régimes de retraite ont déjà fait l’objet de recensions
détaillées du point de vue de l’ouverture des droits. Et la Cour relève des incohérences dans la compensation
des charges familiales et diverses iniquités entre les bénéficiaires (cf. chapitre XIII,
infra
, p. 483). Avant
d’émettre des propositions de réformes, il conviendrait d’explorer plus avant qualitativement et, dans la
mesure du possible, quantitativement la nature et l’importance de ces incohérences, et l’analyse de l’impact de
ces avantages sur les comportements de fécondité, d’activité, sur l’âge de liquidation, et sur le montant des
retraites versées.
4. Vieillissement, dynamique macroéconomique et
marché du travail
On a eu l’occasion plus haut de mentionner les carences de la prospective en ce domaine à la fois du point de
vue de la dynamique macroéconomique et du point de vue du marché du travail. Un certain nombre de
programmes de recherche, dont certains déjà amorcés, d’autres en voie de constitution
[81]
, devraient pallier
certains de ces manques.
5. Trois priorités
Au terme de ce panorama, trois axes prioritaires peuvent être dégagés, dans lesquels le récent conseil
d'orientation des retraites, créé par le Premier ministre, aura bien entendu à intervenir :
- l’actualisation régulière des projections à long terme de l’équilibre des régimes publics ;
- la mise sur pied, dans les meilleurs délais, d'un dispositif de suivi longitudinal des carrières ;
- enfin, l'engagement dans une politique volontariste en matière de recherche économique et sociologique sur
les multiples aspects de l’impact du vieillissement des populations.
V – Dépendance
La société française n’a toujours pas apporté une réponse satisfaisante à la prise en charge collective de la
dépendance des personnes âgées. Il est vrai que la définition d’une politique publique de la dépendance pose
une série de questions de fond : celle de l’articulation entre trois types de protection : la famille, le marché,
l’Etat, celle des frontières entre le social et le sanitaire, et entre les politiques familiales et les politiques de la
vieillesse, sans oublier les politiques d’emploi. Le décideur politique est ainsi confronté à une série de choix
importants sur la nature du dispositif à élaborer. D’où l’importance des statistiques et des évaluations
destinées à éclairer la décision publique, alors même que le Premier ministre a annoncé en mars 2000 une
réforme de la prestation spécifique dépendance (PSD), instaurée à titre provisoire en 1997 par la loi n° 97-60
du 24 janvier 1997. Si des progrès significatifs ont été réalisés depuis quelques années en matière de mesure
de la dépendance, de connaissance des institutions d’accueil et des caractéristiques des populations
concernées, du volume et de la nature des aides apportées, ou encore quant aux déterminants du recours aux
services d’aide à domicile et aux institutions, il reste néanmoins, en ce domaine, encore beaucoup à faire.
A - Les enjeux
L’espérance de vie à soixante ans ne cesse de progresser : elle était de 21 ans pour les femmes en 1970 (16 ans
pour les hommes), elle est de plus de 25 ans en 1997 (20 ans pour les hommes). Cette progression
s’accompagne d’un allongement de l’espérance de vie sans incapacité à la naissance, qui a progressé de trois
ans pour les hommes entre 1981 et 1991 et de 2,6 ans pour les femmes, contre 2,5 ans pour l’espérance de vie
totale. La situation apparaît cependant plus contrastée en ce qui concerne les personnes de plus de 65 ans :
l'espérance de vie avec incapacité a diminué de 8,5 à 8 ans pour les femmes entre 1981 et 1991, mais elle a
augmenté de 5,3 à 5,6 ans pour les hommes.
Selon les estimations et les définitions les plus restrictives mais aussi les plus souvent retenues, le nombre de
personnes âgées dites dépendantes varie entre 700 000 et plus d’un million. La borne inférieure de la
fourchette correspondrait au nombre de personnes atteintes d’une dépendance sévère au sens de la
classification Colvez (confinement au lit et au fauteuil, ou besoin d’aide pour la toilette ou l’habillage), dont
environ 500 000 vivant à leur domicile et plus de 250 000 en institution.
Les taux de prévalence de la dépendance lourde croissent très fortement avec l’âge : 1,7 % des personnes
âgées entre 65 et 69 ans sont confinées au lit ou au fauteuil ou ont besoin d’aide pour la toilette ou l’habillage,
contre 9 % des personnes de plus de 80 ans, 20 % de celles de plus de 85 ans et 35 % des plus de 90 ans. Les
difficultés apparaissent ainsi surtout à partir de 80-85 ans.
Un dispositif d'aides publiques complexe et insuffisamment efficace, appelé à être réformé, et des enjeux
financiers, encore modestes, qui vont croître
Si l’identification du problème de la dépendance n’est pas nouvelle, sa prise en charge s’est faite dans un
contexte institutionnel éclaté -malgré l’intervention récente du législateur créant la PSD-, qui conduit à des
résultats toujours peu satisfaisants, alors que les enjeux financiers vont être de moins en moins négligeables.
La prise en charge de la dépendance vient s’inscrire dans un contexte marqué par les sédimentations des
dispositifs successifs, qui ont nui à la recherche de cohérence et d’efficacité économique :
- la PSD, qui est une prestation en nature d’aide sociale attribuée en établissement et à domicile, destinée à
remplacer progressivement, sous certaines conditions, l’allocation compensatrice pour tierce personne
(ACTP), désormais réservée aux handicapés de moins de 60 ans ;
- des prestations de la sécurité sociale, c'est-à-dire d'une part les services de soins à domicile pour personnes
âgées (SSAD), accordés sur prescription médicale, d'autre part la majoration des pensions d’invalidité pour
aide d’une tierce personne (non cumulable avec la PSD), que les personnes à l’âge de la retraite peuvent
continuer à percevoir de la part des caisses de retraites ;
- les exonérations de cotisations patronales à 100 % dans le cas d’emplois à domicile pour les personnes de
plus de 70 ans, les personnes se trouvant dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne,
et titulaires d’un avantage vieillesse, d’une pension d’invalidité, ou celles bénéficiant de la PSD ou de
l’ACTP ;
- l’aide sociale des conseils généraux, soit, pour l’essentiel, des prestations en services ménagers et des
allocations représentatives des services ménagers, ainsi que l’aide médicale à domicile, accordée sous
conditions de ressources ;
- l’action sociale des caisses, sous formes d’aide ménagère à domicile pour les personnes n'ayant pas droit à la
PSD et de prestations de garde à domicile en cas de d’absence momentanée des personnes aidantes, ainsi que
d’une gamme d’autres services de proximité (téléalarme, portage de repas, foyers-restaurants) ;
- les aides générales que constituent les exonérations d’impôts découlant de l’emploi de personnes à domicile.
Au total, la complexité du dispositif entraîne une certaine méconnaissance de son ampleur : d'abord la dernière
estimation globale disponible date de 1996 ; ensuite, on parvient difficilement à distinguer les charges des
différentes branches de la sécurité sociale et des départements.
Le dispositif actuel en général, la PSD en particulier, censée améliorer l’existant, a fait l’objet de critiques
fortes et nombreuses :
- Quant à la définition même de dépendance retenue dans la loi sur la PSD, qui mélange deux notions,
l’incapacité physique ou mentale et le besoin d’aide qui en résulte, et quant à la population visée.
- Quant au caractère limité et inégal de la couverture. Si l’on rapporte le nombre de bénéficiaires au nombre de
personnes (lourdement) dépendantes, le taux de couverture de la population est en effet, pour l’heure, de
l’ordre de 17 %, soit en retrait par rapport à l’objectif pourtant modeste affiché par le législateur (30 %). Ce
faible taux de couverture a deux causes essentielles : d’une part, les critères d’évaluation retenus à partir de la
grille AGGIR des incapacités, qui conduisent à rejeter des personnes qui relèvent d’une dépendance modérée,
mais néanmoins réelle ; d’autre part, la mise sous condition de ressources de la prestation. Le champ des
bénéficiaires potentiels de la PSD est plus restreint que celui de l’ACTP : le cas le plus fréquemment cité est
celui des personnes atteintes de cécité. Surtout, le caractère d’aide sociale de la prestation continue à être
critiqué : nombreux sont ceux qui préféreraient une prestation légale d’assurance à caractère universel, ce qui
supposerait de confier la gestion de cette prestation à la sécurité sociale. Le dispositif actuel est par ailleurs
très inégal : selon le département de domiciliation et la caisse de retraite d’affiliation, la PSD et les
suppléments d’aides accordés par les caisses sont variables pour des personnes dans une situation de
dépendance identique et disposant des mêmes ressources. De surcroît, il est anti-redistributif par le biais des
exonérations d’impôt pour les emplois à domicile ;
- Quant au caractère économiquement inefficace du dispositif, qui tend à favoriser des intervenants sans
formation adéquate et sans exigence d’encadrement conventionnel ou bien conduire à la précarisation des
intervenants professionnels qui étaient auparavant salariés d’une association ou d’un service prestataire.
- Quant aux structures, complexes et insuffisamment adaptées. C’est l’insuffisante coordination des structures
d’offre qui est principalement mise en avant. Celle-ci tient à la mise en oeuvre partielle et au caractère
incomplet des conventions signées entre les départements et les caisses de sécurité sociale quant aux
dispositifs d’évaluation, conventions dont la loi prévoit qu’elle doivent créer une instance départementale de
coordination. Mais cela tient aussi à une parcellisation des prestations et des services délivrés, et à la
séparation entre les secteurs sanitaire et social. Malgré certains progrès réalisés, une meilleure coordination de
l’ensemble des interventions (sanitaires, sociales, familiales), une amélioration des conditions d’hébergement,
et la diversification de l’offre de soins demeurent toujours d’actualité.
B - Le dispositif d’observation et les principales questions
1. Une information parcellaire et émiettée
En raison même de ses spécificités, le risque dépendance requiert une multitude d'informations portant sur les
caractéristiques des populations étudiées, des structures d'accueil, et des aides apportées. Au regard des
dispositifs d'observation actuellement existants, on distinguera ici les données sur l'accueil en établissements,
celles portant sur les soins et services à domicile et celles visant à appréhender les aides rendues par la famille
et le voisinage.
L'accueil en établissement se fait dans deux grands types de structures traditionnelles : les hospices, les
maisons de retraite, les résidences d’hébergement temporaire et les établissements expérimentaux pour
personnes âgées, les logements-foyers, que l’on regroupe sous l’appellation d’établissements sociaux et
médico-sociaux ; et les services hospitaliers de soins de longue durée (anciennement appelé services de long
séjour). Les établissements sociaux et médico-sociaux relèvent de la loi de 1975. Depuis 1985, le SESI,
maintenant la DREES, effectue une enquête biennale exhaustive auprès des établissements d’hébergement
pour personnes âgées (EHPA). Les établissements sanitaires pour les soins de longue durée relèvent de la loi
de 1970 (modifiée par la loi de juillet 1991), qui concerne toutes les structures hospitalières. Ces structures
font l’objet de l’enquête SAE déjà mentionnée.
Les services de soins infirmiers à domicile (SSAD) et les services d’aide à domicile ont fait l'objet d'enquêtes
en 1996.
Enfin, des données sur "les solidarités familiales", c’est-à-dire sur les aides familiales -suivant le degré de
parenté, l’âge et le sexe, le niveau de vie du ménage, statut matrimonial, etc.- et leur nature sont apportées par
l’enquête -réseaux de parenté et entraide- réalisée en octobre 1997.
2. Les principales questions
La prise en charge de la dépendance repose à nouveaux frais l’ensemble des problèmes de prise en charge
d’un risque social, qui au surplus présente des traits spécifiques. Les questions suscitées sont donc classiques
et importantes.
Qu’est-ce que la dépendance ? Comment l’évalue-t-on ? Que prendre
en charge ?
La dépendance, au sens strict, peut être définie comme le recours nécessaire à un tiers pour les actes de la vie
courante.
Cette définition comprend non seulement un élément de causalité -la dépendance doit être due à une
déficience ou à un handicap d’ordre physique, psychique ou mental-, mais également un élément de finalité,
recouvrant à la fois les actes sur lesquels porte le besoin d’assistance d’une tierce personne, les actes de la vie
considérés comme essentiels (hygiène corporelle, nutrition, mobilité) ou ceux de la vie sociale
(communication, transport, activités), et les formes que doit prendre cette assistance, enfin un élément de
seuil, marqué par un besoin important et régulier d’assistance d’une tierce personne pour les actes essentiels
de la vie.
Le principal problème que la définition de la dépendance relève alors de l’élément de finalité et du seuil : c'est
là que se différencient les très nombreuses grilles de mesure de la dépendance, d’ailleurs souvent conçues pour
des usages spécifiques. On ne mentionnera que la grille de dépendance de l'INSERM qui s’appuie sur les
travaux de Colvez, dont la combinaison avec un indicateur de dépendance psychique est utilisée dans les
enquêtes de la DREES sur les EHPA, et dans l’enquête HID de l'INSEE.
Une fois la grille d’évaluation arrêtée se pose le problème de la mesure des
aides : s’il est relativement facile d’évaluer les services dont une personne dépendante a besoin, il est en
revanche beaucoup plus délicat d’estimer le volume total d’aide que la collectivité devrait apporter aux
personnes. A cet égard, plusieurs problèmes se posent :
- celui du partage entre ce qui constitue un risque et doit être assuré, et ce qui peut être considéré comme un
choix de vie que la personnes dépendante doit assumer ;
- celui de la nature de la compensation : faut-il compenser les dépenses liées à la dépendance ou des revenus
trop faibles pour subvenir à ces besoins ?
- celui de l’articulation entre le niveau de dépendance et le barème lui associant un volume d’aide, sachant
qu’à incapacité comparable les aides dont bénéficient les personnes dépendantes sont très inégales;
- celui de l’impact du dispositif institutionnel choisi.
Les projections
D'autres questions importantes ont trait à l'ampleur prévisible du phénomène. Des projections peuvent être
établies en appliquant aux projections démographiques des projections des taux de dépendance. Différentes
études ont été menées en France en supposant que les taux de prévalence de la dépendance par âge
demeureront constants à l’avenir. Quelle que soit la définition de la dépendance retenue, ces études concluent
à un doublement des effectifs de personnes âgées dépendantes entre 1990 et 2020. Mais il y a lieu de souligner
les difficultés que soulèvent la projection des taux de mortalité et surtout de prévalence de l’incapacité.
A cet égard, plusieurs modèles épidémiologiques s’affrontent quant à l’évolution des taux de prévalence, à
partir de deux pôles : un scénario de "compression" (absolue ou relative) de l’incapacité, correspondant à la
situation où l’espérance de vie en incapacité, exprimée en années, diminue ; et un scénario "d’expansion"
(absolue ou relative) correspondant à la situation où l’espérance de vie sans incapacité, exprimée en année
diminue. Entre ces deux pôles, le scénario "d’équilibre dynamique", proposé par Manton, qui associe une
stagnation de l’espérance de vie sans maladie chronique (mais dont les états prévalents sont en moyenne
moins sévères) et une hausse de l’espérance de vie sans incapacité, serait
grosso modo
vérifié dans le cas
français au cours de la décennie quatre-vingt. Mais c’est ici que l’absence de données de panel concernant les
personnes âgées, comme il en existe aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, se fait cruellement sentir.
A l’horizon 2020, le nombre de personnes dépendantes varierait ainsi entre
762 000 et 1,2 millions, contre 667 000 aujourd’hui
[82]
. La fourchette est très large et l'on ne peut donc
qu’être frappé par la sensibilité des résultats aux hypothèses.
L’impact de l’évolution du nombre de personnes âgées dépendantes sur les dépenses dépendra de manière
cruciale des arrangements institutionnels quant à la prise en charge de la dépendance. Ce facteur est si
important que l'OCDE estime que le coût de la dépendance à long terme sera plus fortement déterminé par les
modes de prises en charge -en particulier par le mouvement de "désinstitutionnalisation" à l’oeuvre dans
plusieurs pays de l'OCDE- que par les tendances en matière d’évolution de l’incapacité à long terme
[83]
.
Enfin, d'autres difficultés sont liées à l’anticipation des modifications des structures sociales et des modes de
vie. On peut distinguer à cet égard, trois problèmes clés : la retraite sera-t-elle vécue plus souvent à deux ?
Sera-t-elle vécue dans une lignée familiale plus large ? Assistera-t-on à un isolement résidentiel accru ?
Qui sont les dépendants ?
On ne dispose pas de données significatives et longitudinales sur les personnes dépendantes, notamment pour
les personnes en établissements, comprenant des informations détaillées sur les ressources, les trajectoires de
vie antérieures à l'entrée en dépendance, l’entourage familial, les conditions de vie. Par ailleurs, il n’existe pas
de panorama comparatif sur les sommes allouées, le nombre et les caractéristiques des bénéficiaires en
fonction du recours aux divers dispositifs.
Hébergement collectif, soins à domicile, aide informelle
Pour des raisons de coût -qui demanderaient au demeurant à être mieux explorées relativement au degré de
dépendance des personnes- mais surtout de bien-être, la priorité de la politique en ce domaine est celle du
maintien à domicile. Mais il conviendrait d'étudier les différents déterminants des modes de prise en charge et
de leur coordination locale : entre les institutions et les aides à domicile, entre les différents types d’aides à
domicile, entre l’aide profane et l’aide professionnelle.
Parallèlement, le choix entre les divers modes de prise en charge ne saurait être arrêté sans une réflexion
économique plus approfondie en matière d’efficience des modes de production des soins et services, tant en
institution qu’à domicile. Si des premiers travaux ont bien été menés sur le coût de la dépendance selon le
mode d’hébergement, on est aujourd’hui pour l’essentiel dans l’incapacité de mesurer les résultats des soins
dispensés et de comparer les rapports coût-qualité des soins dans les différents établissements.
Comment financer ?
Dans le domaine du financement, la première difficulté est celle de l’absence de comptes régulièrement
actualisés sur le financement spécifique de la dépendance. Une estimation globale du coût de la dépendance
suppose que soient connus, non seulement les financements institutionnels, mais encore les contributions des
bénéficiaires, et que soit éclairci le problème des doubles comptes entre ces deux sources de financement. On
ne retiendra ici que quatre interrogations :
- quel équilibre réaliser entre les financement publics, les financements privés et le rôle direct de la famille ?
- faut-il une prestation d’assurance sociale ou une prestation d’aide sociale ? Avec une gestion centralisée ou
décentralisée ?
- faut-il retenir des prestations en nature ou des prestations en espèces ou bien une solution mixte ?
- quel rôle pour des prestations complémentaires des assurances privées ?
C - Les améliorations en cours
Sans répondre à l’ensemble des problèmes précédemment évoqués, différents travaux en cours devraient
permettre des progrès sensibles. On citera d’abord le contenu de l’enquête Handicaps-Incapacités-Dépendance
(HID), pilotée par l'INSEE, avant de présenter les programme d’opérations statistiques et d’études
actuellement mis en oeuvre par la DREES.
L’enquête HID qui vise, d’une part, les personnes en institution, d’autre part les ménages ordinaires.
s’intéresse aux conséquences des problèmes de santé sur l’intégrité physique, la vie quotidienne et la vie
sociale des personnes. A la différence de l’enquête décennale sur la santé, il s’agit donc d’une approche plus
sociale que médicale, touchant aux besoins d’assistance technique ou humaine, et aux aides effectivement
dispensées. L’exploitation de cette enquête permettra de répondre à une bonne part des interrogations suscitées
à la fois par l’état des dispositifs existants et par les enjeux de fond évoqués
supra
. Il n’en reste pas moins
qu’elle n’a pas été conçue spécifiquement pour fournir des données longitudinales, qui continueront donc à
faire défaut.
La DREES a engagé un large programme d’évaluation des différents aspects de la prise en charge de la
dépendance, qui, en complément de l’enquête HID, devrait utilement éclairer les enjeux des réformes, sans
bien sûr les épuiser tous. Quatre axes s’en dégagent : une réflexion sur les grilles d’évaluation de la
dépendance, une évaluation quantitative et qualitative de la mise en oeuvre de la PSD, une meilleure
connaissance des services d’aide aux personnes à domicile et de ces personnes, enfin une meilleure
connaissance de la clientèle et des équipes de direction des établissements d’hébergement des personnes
âgées.
La Cour ne peut que prendre acte de l'important effort en cours visant à améliorer très significativement
l'information relative à la dépendance. Il est néanmoins permis de regretter le caractère tardif de cet effort au
regard du long cheminement des réflexions et des initiatives publiques relatives au traitement de la
dépendance.
Réponse
[70]
On ne rappellera que pour mémoire l'existence d'organismes à vocation générale, tels le commissariat
général du plan, le centre d'études des revenus et de la cohésion sociale, ou la direction de la prévision du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui effectuent ou font faire des études ou des recherches
dans le domaine.
[71]
Il est à noter que le SESI, service statistique prédécesseur de la DREES, disposait d'un effectif de 110
personnes environ. La MIRE comprenait 20 personnes.
[72]
La formation "emplois-revenus" intervient également dans le domaine pour une partie de ses activités.
[73]
Dans le projet de budget 2000 du CREDES, la subvention d'exploitation de la CNAMTS s'élève à 20,6
MF sur un total de recettes de 31,5 MF. La FNMF, la CANAM et la MSA apportent des financements
complémentaires pour, au total, environ 1 MF.
[74]
Peu nombreux dans le domaine de la protection sociale, à l'exception de la santé, et sauf dans la discipline
sociologique. Le collège des économistes de la santé fédère les chercheurs dans cette discipline. Il faut
également citer, sur un plan général, l'association d'économie sociale, qui organise un congrès annuel.
[75]
Le commissariat général du plan a favorisé exercé, dans une certaine mesure, cette fonction.
[76]
Qui, au sein du CNIS, pourrait conduire à la création dans le domaine social d’une formation horizontale.
[77]
Voir en particulier le rapport de Michel Mougeot pour le conseil d'analyse économique : Régulation du
système de santé, La documentation française, 1999.
[78]
Il y a lieu de noter que le codage des actes de pharmacie et de biologie, maintenant disponible, pourra
dans certains cas se prêter s’est prêté, pour certaines études récentes de l’échelon national du service médical,
à une exploitation en termes de pathologie.
[79]
Lettre du directeur général de la santé au directeur général de l'InVS en date du 29 novembre1999. Un
protocole avec la DREES est en cours d'élaboration.
[80]
Avec une telle définition, le seuil de pauvreté était de l'ordre de 3 800 F par mois pour une personne
isolée en 1995, et n'a pas beaucoup évolué depuis cette date.
[81]
Aspects financiers du vieillissement au conseil national du crédit et du titre, programme sur le thème
"évolutions technologiques, dynamique des âges et vieillissement de la population", co-piloté par la MIRE et
la CNAV et lancement d’une recherche sur « changements démographiques, marché du travail et protection
sociale » conjointement par la DARES et la DREES. réflexion de la DARES en association avec la DREES
sur l'effet du vieillissement sur l'activité économique.
[82]
"Les personnes âgées dépendantes : situation actuelle et perspectives d’avenir", Données sociales,
INSEE, 1993.
[83]
Tendances internationales de l'incapacité chez les personnes âgées, OCDE, 1999.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE V
L’expression de la politique de santé
L'expression des besoins de santé, et la capacité à en dégager des priorités, ont beaucoup progressé ces
dernières années, à partir de l'action novatrice du Haut comité de la santé publique. Les ordonnances de 1996
ont amplifié le mouvement en créant deux structures d'expression des besoins : la conférence nationale et les
conférences régionales de santé chargées d'élaborer respectivement des priorités nationales et régionales. Le
gouvernement émet ses propres priorités, notamment à partir de celles qui sont exprimées par les instances
précédentes : c'est l'objet du rapport annexé au projet de loi de financement chaque année.
L'examen de ce dispositif débouche sur un bilan positif. Ce foisonnement initial devrait cependant désormais
faire place à une certaine rationalisation. Le repositionnement de la conférence nationale de santé, la
clarification des rôles, l'articulation entre priorités régionales et programme régional, une meilleure
organisation du rapport annexé à la loi de financement en sont les principaux axes.
Section I :
La détermination des priorités de santé
La détermination des priorités de santé publique conjugue deux étapes. Elle repose tout d’abord sur un
préalable – l’observation de l’état de santé, effectuée à partir de la centralisation et de la synthèse des
multiples données sanitaires disponibles ; cet aspect a déjà été évoqué dans l’annexe du chapitre précédent,
supra,
p. 193. L’exploitation de ces données, dont les lacunes n’empêchent pas la connaissance globale de
l’état sanitaire de la population, fait ensuite appel d’une part à l’expertise, par le biais du Haut comité à la
santé publique (HCSP), et d’autre part au débat public, par le moyen des conférences de santé instituées par
l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, et qui associent les
spécialistes de santé publique et l’ensemble des acteurs des systèmes de santé et de soins, et par les états
généraux qui associent les usagers. Ainsi sont précisés les besoins et identifiées les priorités qui orienteront la
politique de santé publique. L’objet de cette section est d’examiner ce processus de détermination des priorités
de santé publique, qui fait intervenir aussi bien l’échelon national que l’échelon régional, ce qui renvoie par
ailleurs aux considérations développées ci-après sur le pilotage régional des politiques de santé et d’assurance
maladie (cf.
infra
, chapitre suivant, p 245).
I – la détermination des priorités nationales
a - Le rôle pionnier du Haut comité de la santé publique
Créé par un décret du 3 décembre 1991, le Haut comité de la santé publique (HCSP) est une instance
d’expertise composée de 26 membres, dont 6 membres de droit -directeur général de la santé, directeur de
l’hospitalisation et de l’organisation des soins, directeur de la sécurité sociale, directeur de la CNAMTS,
directeur de l’INSERM, et directeur de l’Ecole nationale de santé publique- et 20 membres nommés "en raison
de leur compétence ou de leur intérêt pour la santé publique".
[84]
Présidé par le ministre chargé de la santé, le Haut comité a pour mission de "contribuer à la définition des
objectifs de santé publique, (…) de faire des propositions pour le renforcement des actions de prévention et de
développer l’observation de la santé de la population ; à cette fin, il établit un rapport annuel, rendu public,
comportant des indicateurs comparatifs et régulièrement suivis, de même que des analyses globales et
prospectives sur des problèmes de santé publique". A ces attributions initiales fixées par le décret de 1991,
l’ordonnance du 24 avril 1996 a ajouté la mission d’élaborer un rapport à l’attention de la conférence nationale
de santé, transmis ensuite au Parlement, conjointement au rapport de la conférence nationale.
La faiblesse des analyses déjà disponibles sur l’état de santé général de la population a en pratique conduit le
Haut comité à réaliser un travail pionnier et au retentissement important. Publié en novembre 1994, son
premier rapport
La santé en France
apparaît en effet comme initiateur de la démarche de détermination des
priorités de santé publique, dans la mesure où il a donné lieu à l’établissement d’une liste de problèmes et de
déterminants de santé jugés prioritaires
[85]
, qui ont ensuite été déclinés à l’échelle régionale dans les
conditions analysées au point II ci-après.
Par la suite, s’écartant pour des raisons méthodologiques et matérielles de la périodicité annuelle pourtant
prévue par le décret de 1991, le Haut comité a publié deux autres rapports sur l’état de santé, en 1996 et en
1998. Comme il a déjà été noté au chapitre IV, une meilleure articulation reste à trouver entre la DGS, l’InVS,
la DREES et le Haut comité afin de mieux départager ce qui relève de l’analyse descriptive, qui pourrait être
confiée à l’InVS et à la DREES, et ce qui relève de la tâche de proposition et d’évaluation qui incombe en
propre au Haut comité. Celui-ci procède par ailleurs à des études ponctuelles qui répondent à des saisines
émanant du ministre ; depuis 1992, 15 rapports ont été élaborés à ce titre.
B - La conférence nationale de santé
Réunie chaque année par le ministre
[86]
, la conférence nationale de santé occupe une place charnière dans le
dispositif de détermination des priorités de santé publique conçu par l’ordonnance du 24 avril 1996 précitée.
Destinataire des rapports des conférences régionales de santé ainsi que d’une contribution annuelle du Haut
comité de la santé publique, la conférence est chargée "d’analyser les données relatives à la situation sanitaire
de la population ainsi que l’évolution des besoins de santé de celle-ci et de proposer les priorités de la
politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge des soins. (…) Ses analyses et
propositions font l’objet d’un rapport au gouvernement dont il est tenu compte pour l’élaboration du projet de
loi de financement de la sécurité sociale [et qui est] transmis au Parlement" (art. L.766 du code de la santé
publique). La conférence nationale comprend 78 membres répartis en trois collèges, l’un représentant les
professionnels, institutions et établissements de santé (38 membres), l’autre les conférences régionales de
santé (26 membres) et le dernier regroupant 14 personnalités qualifiées.
Après avoir dégagé lors de sa première édition dix priorités qualifiées "d’égale importance"
[87]
, la conférence
nationale de santé a consacré ses travaux ultérieurs à l’approfondissement de ces thèmes. Or, en quatre années
d’existence, la conférence n’a pas réussi à affirmer clairement son positionnement. Négligeant
de facto
la
dimension financière de ses attributions –alors qu'elle a explicitement pour mission de "proposer les priorités
de la politique de santé publique et des
orientations pour la prise en charge des soins
"
(souligné par nous)–,
la conférence nationale s’est cantonnée à une mission d’expertise, terrain sur lequel sa contribution n’apporte
qu’une faible valeur ajoutée par rapport aux travaux du Haut comité. En témoigne en général la grande
proximité des rapports de la conférence nationale et de celui élaboré par le comité sur les thèmes choisis en
concertation avec le bureau de la conférence. Elle n’est par ailleurs pas davantage parvenue à nouer de réelles
relations avec des conférences régionales qui lui ont préexisté dans la pratique et qu’elle n’est venue coiffer
qu’
a posteriori.
En dépit de la présence à la conférence nationale de représentants des conférences régionales,
il n’existe entre les deux niveaux aucune liaison autre que formelle – synthèse des travaux des conférences
régionales par la conférence nationale, et présentation des réflexions et des thèmes d’étude retenus par la
conférence nationale lors des conférences régionales suivantes, qui en tiennent compte de façon variable.
La difficile insertion de la conférence nationale dans le paysage institutionnel rend délicat l’établissement du
bilan d’impact de ses propositions, leur caractère d’ailleurs très général et incontestable autorisant le plus
souvent à rattacher de multiples actions à leur mise en oeuvre. C'est ainsi que le plan de relance pour la santé
scolaire adopté en mars 1998 intègre ainsi plusieurs des propositions formulées l’année précédente par la
conférence nationale. Pour autant, malgré l’ambition affichée initialement par l’ordonnance de 1996, il est
difficile d'apprécier dans quelle mesure, en l'absence des travaux de la conférence nationale, les dispositions
des projets de loi de financement de la sécurité sociale auraient été différentes. Leur prise en compte dans le
rapport du gouvernement annexé au projet de loi de financement "sur les orientations de la politique de santé
et de sécurité sociale", rapport dont la nature et le contenu sont examinés à la section suivante, a certes été
effective dans les rapports pour 1997 et 1998, mais toute référence explicite aux travaux de la conférence a
disparu depuis.
C - les états généraux de la santé
L’objectif des états généraux de la santé était d’organiser une "consultation directe des Français sur
l’organisation du système de soins, leurs relations avec les professionnels de santé et leur attentes"
(communication du conseil des ministres du 13 mai 1998). Conçus comme un dispositif ponctuel et non
périodique, ils se sont déroulés à l’automne 1998 et au printemps 1999 autour de thèmes transversaux soumis
au débat dans le cadre de "forum citoyen", les régions devant également organiser des réunions sur des sujets
d’intérêt régional, dont l’une obligatoire sur le schéma régional d’organisation sanitaire (SROS). Après
plusieurs journées de restitution interrégionale dans sept villes de province en mars 1999, une réunion de
synthèse s’est tenue le 30 juin 1999, qui a fait ressortir deux principaux types d’attentes : pérenniser et
approfondir l’association des représentants des usagers dans les instances existantes ; améliorer la protection
des droits des malades et plus largement des usagers du système de santé. Ces deux axes devraient être repris
dans le projet de loi sur la modernisation du système de santé que le gouvernement envisage de déposer en
2000.
Comme indiqué ci-après, la complémentarité de cette démarche avec celles des conférences régionales n’a pas
toujours été comprise au niveau local. Sur le plan pratique, l’organisation matérielle de nombreuses réunions
pour le compte des états généraux a d’ailleurs perturbé le calendrier des conférences régionales de 1999, qui
ont dû être repoussées du printemps à l’hiver 1999-2000.
II - Les priorités dégagées par les conférences régionales
A - L’identification des priorités régionales de santé
Les conférences régionales de santé (CRS) ont été institutionnalisées par l’ordonnance du 24 avril 1996
relative à la maîtrise des dépenses de santé dans le but d’établir "les priorités de santé publique de la région
(…) et de faire des propositions pour améliorer l’état de santé de la population au regard de l’ensemble des
moyens de la région tant dans le domaine sanitaire que dans les domaines médico-social et social" (art. L 767
du code de la santé publique). Elles sont composées de quatre collèges : le groupe des représentants des
services de l’Etat, des collectivités territoriales, des organismes de protection sociale, de l’ARH et de
l‘URCAM ; le groupe des représentants des professionnels de santé ; le groupe des représentants des
établissements de santé, médico-sociaux et sociaux ; et le groupe des représentants d’associations de familles,
d’usagers et de patients. Le préfet de région désigne deux membres de chaque collège pour constituer le jury
de la conférence, chargé de conduire les débats et d’en rédiger les conclusions.
Avant leur consécration par l’ordonnance, des conférences de santé avaient en fait déjà eu lieu dans la
majorité des régions en 1995/1996, et les priorités de santé publique dégagées par les jurys des conférences
découlent en pratique de cette première génération des conférences. Comme indiqué plus haut, la publication
en novembre 1994 du rapport du Haut comité sur la santé en France fut en effet suivie de l’élaboration d’une
liste de problèmes et de déterminants de santé publique qu’il avait été décidé de décliner à l’échelle régionale,
et qui comprenait les thèmes suivants : accidents domestiques, du travail et sur la voie publique ; cancers ;
sida ; les maladies cardio-vasculaires ; les maladies mentales (suicides, troubles mentaux chroniques,
dépression) ; sénilité et dépendance ; toxicomanie ; problèmes périnataux mère-enfant ; maladies iatrogènes et
infections nosocomiales ; sévices sur les enfants ; douleur ; problèmes de dos ; consommation d’alcool ; usage
du tabac ; pauvreté/précarité des conditions de vie ; difficultés d’accès aux soins/prévention. Les régions
furent donc invitées à organiser des conférences régionales afin de sélectionner, parmi les thèmes figurant sur
cette liste, ceux qu’elles estimaient affecter particulièrement leur population, la possibilité leur étant laissée de
dégager d’autres priorités que celles identifiées nationalement.
Si l’autonomie des régions dans la détermination de leurs premières priorités de santé fit donc l’objet d’un
certain encadrement, aucune instruction précise n’était cependant donnée sur le nombre souhaitable de
priorités à retenir ni sur le terme temporel à leur assigner. En pratique, toutes les régions considérèrent que les
priorités devaient s’inscrire dans un moyen terme de quatre à cinq ans, de sorte que leurs travaux ultérieurs ont
essentiellement été consacrés au suivi de leur mise en oeuvre, et que le risque d’empilement de priorités
successives a été évité. La nature et le nombre de priorités retenues par les régions apparaissent en revanche
plus variables. Plusieurs situations sont à distinguer, entre les thèmes massivement repris comme une priorité
par les régions (alcoolisme –retenu par 21 régions– suicide et dépression, toxicomanie…) ; les thèmes
identifiés au niveau national mais non repris par les régions (mal de dos, infections nosocomiales et maladies
mentales chroniques) ; les priorités correspondant à des spécificités locales (diabète dans les DOM, problèmes
d’environnement en Bretagne…). On peut noter enfin l’accumulation de priorités, seulement onze régions
seulement s'étant limitées à un nombre de priorités inférieur ou égal à cinq.
La définition de ces priorités régionales n'a été que partiellement le fruit des débats des conférences, dans la
mesure où les conclusions des enquêtes préalables, similaires à l’enquête menée au niveau national, ont été le
plus souvent reprises sans grande modification. Le rôle des jurys, qui estiment travailler en toute indépendance
tout en bénéficiant du support logistique de la DRASS, apparaît d’ailleurs essentiel dans l’orientation des
débats et des travaux des conférences régionales. Certains jurys ont tenté d’adopter le point de vue de l’usager,
mais cette position est restée minoritaire. S’agissant des états généraux à l’occasion desquels des citoyens
étaient appelés à s’exprimer directement, les jurys consultés se partagent à peu près également entre ceux qui
les considèrent comme complémentaires des conférences et ceux qui y voient une redondance. Les présidents
de jurys sont assez unanimes à considérer que les conférences de santé incitent à accorder une attention plus
grande à la prise en charge de la dimension sociale de la santé et à certaines populations particulières.
b - La mise en oeuvre des priorités régionales
Lieu de débat et de proposition, les conférences régionales favorisent le rapprochement entre des acteurs trop
souvent cloisonnés par des logiques institutionnelles, au premier rang desquelles s’inscrit la dualité entre la
gestion publique hospitalière et l’assurance maladie. Elles permettent aussi de faire progresser une culture de
santé publique non exclusivement sanitaire et curative et de dépasser une approche polarisée sur l’allocation
des ressources. Toutefois cet apport indéniable, qui confirme la région comme espace pertinent de débat et
d’actions –sans que cela implique l’unicité des acteurs–, ne s’accompagne pas toujours d’une traduction
opérationnelle significative.
L’audience et l’impact des travaux des conférences régionales pâtissent tout d’abord de défections ou de
réticences préjudiciables. En particulier, l’absence systématique des élus locaux, et l’implication variable des
professionnels de santé sont souvent déplorés par les jurys des conférences. Ces derniers ne sont pas non plus
toujours en mesure de suivre la mise en oeuvre de leurs recommandations : prévus par une circulaire de la
DGS du 20 novembre 1997, les comités permanents des conférences de santé ne sont jamais véritablement
montés en puissance ; ils sont désormais remplacés par les comités régionaux des politiques de santé (CORPS)
mis en place par application de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion et chargés de
coordonner les politiques de santé de la région. Il faudra toutefois veiller à ce que la vocation originelle des
corps n’entraîne pas l’absorption des politiques de santé par la seule dimension de lutte contre la précarité.
La mise en oeuvre des recommandations formulées par les conférences régionales de santé emprunte
essentiellement deux voies : leur prise en compte par les ARH et les URCAM d’une part, l’adoption de
programmes régionaux de santé d’autre part. Systématiquement transmises aux ARH et aux URCAM en
application de l’article L. 766 du code de la santé publique, les conclusions des conférences régionales sont la
plupart du temps intégrées dans les programmes de travail de ces institutions, sans pour autant que cela se
traduise toujours par la mise en oeuvre de mesures qui s’y rapportent directement. Au demeurant, les priorités
dégagées par les jurys des conférences de santé diffèrent profondément de celles des ARH et des URCAM :
aucune ne concerne en effet l’offre de soins ni la régulation des dépenses, et peu de pathologies entrent dans
les priorités, à l’exception, dans quelques régions, du cancer, des maladies cardio-vasculaires ou du diabète.
Quelques particularités apparaissent toutefois : accidents en Alsace, handicap en Auvergne, conduites
addictives en Nord-Pas-de-Calais, sida en PACA et souffrance psychique et santé au travail en Rhône-Alpes.
En sens inverse, il faut cependant préciser, comme pour la conférence nationale, que les recommandations des
conférences régionales sont le plus souvent suffisamment larges pour que les actions engagées par les
différentes institutions s’y rattachent toujours peu ou prou.
Les programmes régionaux de santé (PRS) constituent quant à eux l’instrument privilégié de mise en oeuvre
des priorités de santé publique identifiées par les conférences régionales. C’est au préfet qu’il appartient de
déterminer, parmi ces priorités, celles qui feront l’objet d’un PRS. Elaborés après une phase préalable de
programmation et de définition d’objectifs, les PRS consistent plus en l’adoption de protocole de coordination
et de redéploiement de moyens existants qu’en un engagement d’actions nouvelles. Ils bénéficient dès lors
d’un financement additionnel, supporté majoritairement par le fonds national de prévention et d’éducation et
d’information pour la santé (FNPEIS) géré par la CNAMTS, et de façon plus limitée par les crédits
déconcentrés du ministère de la santé. Malgré ce double circuit budgétaire, la procédure d’attribution des
financements a été unifiée par la mise en place, en décembre 1998, d’un comité bipartite Etat/CNAMTS en
application de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNAMTS. Cette procédure laisse
cependant subsister un mode de décision centralisé (après instruction régionale des demandes), alors que la
COG de la CNAMTS prévoyait le transfert de la gestion du FNPEIS aux URCAM, le versement des crédits
étant actuellement opéré par les caisses régionales d’assurance maladie sur la base des orientations arrêtées par
le conseil d’administration de la CNAMTS et par le comité bipartite.
Bien que rarement assortis d’indicateurs de performance qui permettraient de mesurer leur contribution
effective à l’amélioration d’une situation sanitaire, les programmes régionaux de santé paraissent constituer
des outils efficaces, comme on peut le voir lorsqu'existent des indicateurs comme en Bourgogne en matière de
mortalité périnatale, de mortalité néonatale et de mortinatalité
[88]
depuis l’engagement d’un programme
périnatalité à partir de 1996. Il serait cependant utile qu’une évaluation systématique de ces actions soit
menée, notamment afin de voir dans quelle mesure elles dépassent le cadre traditionnel des campagnes de
prévention, souvent limitées à des actions d’information.
Il faut également préciser que toutes les priorités régionales ne sont pas assorties de programmes régionaux de
santé. En particulier, les situations d’accumulation évoquées plus haut empêchent que chaque priorité soit
couverte par un PRS ; l’adoption d’un tel programme par le préfet revient donc à opérer une hiérarchie de fait
à laquelle s’était refusée la conférence. Au surplus, tous les PRS ne correspondent pas à des priorités dégagées
par les conférences régionales, mais déclinent pour certains des priorités nationales, dont l’application est soit
laissée à la libre initiative des régions – comme les programmes régionaux sur le sida par exemple, mis en
oeuvre dans sept régions –soit imposée à toutes– comme les "programmes régionaux d’accès à la prévention et
aux soins" (PRAPS) institués par la loi précitée du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion. La
double utilisation de l’instrument du PRS, à la fois pour mettre en oeuvre les priorités régionales et pour
décliner les priorités nationales, ne paraît pas en soi critiquable. Pour autant, il conviendrait de distinguer entre
trois types de priorités : des priorités nationales que l’ensemble des régions doivent décliner, et qui ne peuvent
que se limiter à un petit nombre ; des priorités nationales dont la déclinaison fait seulement l’objet d’un appel
d’offres auprès des régions ; et enfin d'autres domaines que les régions peuvent sélectionner de manière
autonome, et pour lesquels elles sont libres de définir leurs programmes d’actions.
Par ailleurs, beaucoup de priorités régionales correspondent à des problèmes faisant l’objet de programmes
d’actions nationales, comme la lutte contre l’alcoolisme, le tabagisme, la toxicomanie ou le sida. L'apport
respectif des priorités régionales et des priorités nationales déjà existantes est difficile à apprécier aujourd'hui.
Il ne pourra être répondu que lorsque les PRS feront l’objet d’une réelle évaluation.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Initiée par la création du Haut comité de la santé publique en 1991, la démarche de détermination des
priorités de santé publique a été consacrée par l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise
médicalisée des dépenses de soins qui a institué des conférences de santé au double échelon national et
régional. Cette création d’espaces de rencontre et de débats a indéniablement permis aux préoccupations de
santé publique de progresser en dépassant les clivages institutionnels, voire de toucher la population par le
biais des états généraux de la santé organisés en 1998/1999. Après cette phase de mise en place, il
conviendrait cependant de stabiliser les instances et de clarifier leurs rôles respectifs. En particulier, la
mission de la conférence nationale de santé et son positionnement vis-à-vis du Haut comité de la santé
publique et des conférences régionales devraient être reprécisés. Si l’échelon régional des conférences paraît
avoir en revanche trouvé sa place, l’articulation des priorités nationales et régionales, et le degré
d’autonomie de celles-ci par rapport à celles-là, mériteraient là encore d’être clarifiés afin de permettre une
meilleure mise en oeuvre des recommandations formulées.
RECOMMANDATIONS
1.
Repositionner la conférence nationale de santé
afin d’enrichir sa contribution à la détermination des
priorités de santé publique.
2. Conforter la position des conférences régionales de santé et la mise en oeuvre de leurs propositions, ce qui
suppose de poursuivre un double objectif : d’une part, tout en maintenant leur périodicité annuelle, améliorer
la continuité des travaux des conférences régionales ; d’autre part, mettre en oeuvre chaque priorité régionale
par le biais d'un programme régional de santé, assorti d'une réelle évaluation.
3. Clarifier davantage l'articulation entre l'application régionale des priorités nationales et les priorités
régionales.
Réponse
[84]
La composition du Haut comité telle qu’elle résulte du dernier arrêté de renouvellement en date du 31
décembre 1998 est la suivante : 5 professeurs de santé publique, deux économistes, un directeur d’hôpital, un
sociologue, un médecin inspecteur de santé publique, deux médecins épidémiologistes, 6 médecins et deux
parlementaires.
[85]
Cette liste a été élaborée selon la méthode "delphi" auprès d’un groupe d’une centaine d’experts, les
problèmes de santé étant sélectionnés par application des critères de gravité, de prévalence, de faisabilité,
d’impact socio-économique et de perception sociale.
[86]
La première conférence nationale de santé a eu lieu en septembre 1996, la date se décalant par la suite
vers le printemps afin de se situer suffisamment en amont des travaux parlementaires : mois de juillet pour la
conférence de 1997, de juin pour celle de 1998, de mai pour celle de 1999, puis de mars pour celle de 2000.
[87]
Ces priorités étaient les suivantes : donner les moyens à la promotion de la santé et à son évaluation ;
réduire les inégalités de santé intra et interrégionales ; coordonner les actions en faveur de l’enfance pour
mieux assurer la continuité de la maternité à l’adolescence ; prévenir les suicides ; renforcer les actions et les
programmes de prévention/éducation visant à éviter les dépendances chez l’adolescent ; garantir pour tous
l'accès à des soins de qualité ; maintenir en milieu de vie ordinaire les personnes âgées dépendantes qui en font
le libre choix ; obtenir plus d'informations sur les morts accidentelles (hors accidents de la route et du travail) ;
décloisonner le système de lutte contre le cancer ; réduire l’incidence des accidents iatrogènes évitables.
[88]
La mortinatalité correspond à la mortalité foetale, la mortalité périnatale aux enfants morts-nés et décédés
avant 7 jours, et la mortalité néonatale aux enfants qui meurent entre la naissance et 27 jours.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE V
L’expression de la politique de santé
Section II :
l'article premier de la loi de financement et la mise en oeuvre des
priorités de santé publique
Avant 1996, aucune obligation n’était faite au gouvernement de formaliser sa politique en matière de santé. La
loi organique du 22 juillet 1996, relative aux lois de financement de la sécurité sociale, a introduit un
changement majeur puisqu’il est prévu que, dans le cadre de l’article 1er de chacune de ces lois de
financement, est approuvé un rapport annexé relatif, en particulier, aux orientations de la politique de santé.
I – Le dispositif de l’article 1
er
de la loi de financement (volet santé)
A – Les objectifs du dispositif
L’exposé des motifs de la loi organique du 22 juillet 1996 précisait que les lois de financement auraient "en
premier lieu pour objet d’approuver un rapport présentant les orientations et les objectifs qui déterminent les
conditions générales de l’équilibre de la sécurité sociale. C’est par ce vote que la représentation nationale se
prononcera sur l’ensemble de notre système de sécurité sociale et sur la politique du gouvernement en la
matière".
L’objectif était donc de montrer que les mesures financières prises dans le corps de la loi de financement
découlaient d’orientations et objectifs beaucoup plus généraux sur lesquels le Parlement serait appelé à
s’exprimer.
Le Parlement a approuvé cette proposition, en la précisant par l’ajout dans l’article 1
er
de la notion
d’approbation "des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale", voulant insister, comme l’a
déclaré un député lors des débats, sur le fait que la santé était au coeur du dispositif.
B – Les rapports annexés aux quatre premières lois
de financement
Dans chacune des quatre premières lois de financement (1997 à 2000) a été voté un article 1
er
ainsi rédigé :
"Est approuvé le rapport annexé à la présente loi relatif aux orientations de la politique de santé et de sécurité
sociale et aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale
pour l’année…".
Les rapports annexés ont été de longueur et structure variables, mais ont toujours concerné les trois thèmes
suivants : la santé (y compris, depuis la LFSS pour 1998, les questions relatives à l’organisation des soins), la
sécurité sociale (famille, vieillesse et, depuis 1998, personnes handicapées) et les conditions générales de
l’équilibre financier (mode de financement, équilibre du régime général).
La forme et le contenu de la partie santé du rapport annexé ont beaucoup varié en quatre ans : la première
année, la partie santé, d’une longueur d’une page, était présentée sous le titre "Les priorités définies par la
CNS seront mises en oeuvre", ce qui pouvait donner l’impression que la politique gouvernementale se limitait
à la mise en oeuvre de mesures définies par un organisme consultatif ; dans le second rapport annexé, la partie
santé couvrait 4,5 pages (dont 1,5 pages sur l’organisation des soins) et présentait des mesures plus
nombreuses et moins liées à la CNS à laquelle il était néanmoins fait référence ; dans les deux LFSS les plus
récentes, la partie santé est plus courte (3 pages), plus structurée et davantage présentée comme l’expression
d’une politique gouvernementale (son titre en 1999 est explicite : "La politique de santé du gouvernement
s’organise autour de sept objectifs majeurs").
C – Le choix des thèmes abordés et la précision des
engagements pris
Origine et traitement des thèmes de santé publique dans les rapports annexés aux lois de financement
LFSS pour
1997
LFSS pour
1998
LFSS pour
1999
LFSS pour
2000
Nombre total de thèmes traités
9
16
17
15
Nombre de thèmes traités issus
directement des dix priorités de la
CNS
5
56 %*
8
50 %
7
41 %
7
47 %
Nombre de thèmes faisant l’objet
d’engagements précis
7
78 %
6
38 %
3
18 %
4
27 %
Nombre de thèmes faisant l’objet de
rappel de mesures déjà prises
2
22 %
2
13 %
6
35 %
8
53 %
* Les pourcentages du tableau représentent de nombre de thèmes de la ligne en question par rapport au
nombre total de thèmes traités par la LFSS de l’année.
Les éléments présentés dans le tableau ci-dessus n’ont qu’une valeur indicative car la comptabilisation du
nombre de thèmes relève de choix forcément discutables
[89]
. Néanmoins, ils donnent une bonne image des
caractéristiques des quatre premiers rapports annexés :
- Le gouvernement est relativement fidèle aux dix priorités fixées par la CNS en 1996, puisque sept d’entre
elles sont régulièrement reprises depuis la LFSS pour 1998. Cette fidélité s’explique à la fois par l’importance
donnée à la CNS dans les deux premiers rapports annexés et par le fait qu'en réalité la plupart de ces priorités
sont suffisamment générales et importantes pour figurer dans toute politique gouvernementale.
- Le nombre de thèmes traités a beaucoup augmenté dans la LFSS pour 1998, sur proposition du
gouvernement ou amendement du Parlement. Les thèmes traités en 1999 et 2000 sont aussi nombreux qu’en
1998, mais parfois différents, le gouvernement (cf. la politique nutritionnelle en 2000) et le Parlement (cf. la
prise en charge du handicap auditif en 1999) continuant à introduire de nouveaux sujets, alors que certains
autres thèmes disparaissent (cf. le dopage).
- Le nombre et le pourcentage d’engagements précis ont beaucoup baissé les trois premières années, semblant
montrer que le rapport annexé est davantage devenu un recueil des priorités générales, l’annonce de mesures
précises étant le plus souvent réservée à d’autres cadres (projets de loi, rapports, plans, conférences de
presse…).
- Le rapport annexé présente de plus en plus souvent un court bilan de la mise en oeuvre des mesures, mais ce
bilan est encore loin d’être systématique pour les thèmes des années précédentes.
D – La mise en oeuvre des engagements pris
Les engagements pris dans les rapports annexés trouvent rarement leur traduction dans les articles des lois de
financement, car ces articles ne comportent, par définition, que des mesures ayant un impact financier.
Néanmoins, l'analyse montre que dans la majorité des cas des décisions ont été prises suite aux engagements
figurant dans les LFSS : en effet, en excluant celle pour 2000, trop récente, les engagements de la LFSS pour
1997 ont presque tous été respectés, et ceux des lois pour 1998 et 1999 l'ont été en majorité, comme le
montrent les tableaux annexés.
Ce respect est certainement un point positif, mais il convient de l'apprécier avec réalisme. En effet, d’une part
le gouvernement a inévitablement tendance à ne présenter, ou n’accepter du Parlement, que des engagements
qu’il a de fortes chances de pouvoir mettre en oeuvre dans l’année. D’autre part, le non-respect d’un
engagement ne provoque pas toujours de débats lors de la discussion du projet de loi de financement de
l’année suivante.
II – L’intérêt et les faiblesses du dispositif
A – L’intérêt du dispositif
Un des intérêts majeurs du dispositif de l’article 1
er
est l'obligation faite au gouvernement de présenter
régulièrement un document synthétique sur sa politique de santé. Cela le contraint à définir des priorités à
partir de ses objectifs politiques, de l’expertise de l’administration et des avis et recommandations des
conférences de santé et des différentes structures travaillant en matière de santé publique, offrant ainsi à ces
organismes un écho plus important.
Ces priorités sont ensuite débattues par le Parlement qui peut les amender. Ce débat public, qui est une
nouveauté, pourrait permettre une sensibilisation accrue de l’opinion aux questions relatives à la santé
publique, questions qui, par le passé, étaient rarement débattues en dehors du cercle des professionnels de
santé.
B – Les faiblesses du dispositif
1. Les difficultés de fond
La principale limite du dispositif est le fait que le contenu du rapport annexé n'a pas de valeur normative En
effet, même s’il est débattu, amendé et voté en même temps que la loi de financement, le rapport annexé ne
présente que des "orientations et des objectifs". Le Conseil d’Etat, par une décision du 5 mars 1999
[90]
, a
considéré que ces orientations et objectifs n’étaient pas revêtus de la portée normative qui s’attache aux
dispositions de la loi. Le non-respect de ses engagements par le gouvernement ne peut donc être juridiquement
sanctionné, ce qui diminue la contrainte pesant sur lui ainsi que l’intérêt du dispositif pour les parlementaires.
Par ailleurs, trois autres limites de fond peuvent également être signalées :
- la difficulté théorique et pratique de définir une politique de santé, d’en faire débattre le Parlement et d’en
faire le point de départ des mesures prises ultérieurement dans le cadre de la loi de financement ou dans
d’autres cadres ; d'ailleurs, le volet santé du rapport annexé explicite peu les priorités implicites qui fondent
l'ONDAM ;
- la difficulté de présenter chaque année une politique de santé et de renouveler chaque année le débat ;
- la difficulté, enfin, de discuter ces questions dans le cadre de la loi de financement dont l’objectif principal
n’est pas d’arrêter une politique de santé mais de fixer des objectifs de dépenses et de prendre des mesures à
caractère financier.
Ces limites expliquent en partie le fait que la discussion de l’article 1
er
est relativement brève dans le cadre des
débats parlementaires et trouve peu d’écho dans l’opinion publique.
2. Les difficultés dues à la forme et au contenu actuels du
rapport annexé
A ces difficultés de fond, viennent s’ajouter des faiblesses de forme qui obscurcissent le texte des rapports
annexés, et donc les débats s’y rapportant.
Malgré une amélioration de sa structure générale ces deux dernières années, la partie santé se présente encore
sous la forme d'une liste de thèmes non hiérarchisés et probablement non exhaustifs, liste qui n'exprime guère
une politique de santé globale et cohérente.
Cette impression est renforcée par le constant mélange, dans le corps du texte, d’annonces très générales, de
rappels de mesures prises et d’engagements précis ; par le nombre limité de ces engagements précis ; et enfin
par l’absence d’un bilan synthétique de la mise en oeuvre des priorités du rapport annexé de l’année
précédente.
RECOMMANDATIONS
1. Améliorer la forme et le contenu des rapports annexés en distinguant plus explicitement les objectifs
généraux et les engagements précis, en augmentant le nombre de ces engagements précis et en établissant
chaque année un tableau de la mise en oeuvre des mesures annoncées les années précédentes.
2. Réfléchir à l’intérêt et à la possibilité de susciter un débat parlementaire sur la politique de santé en dehors
du cadre de la loi de financement et sans périodicité annuelle.
3. Renforcer le lien entre le rapport annexé et la loi elle-même.
Réponse
[89]
Pour le calcul du nombre de thèmes, la logique retenue a été celle de la présentation formelle des annexes,
ce qui revient à comptabiliser de la même manière certains thèmes de champ limité (cf. la prévention bucco-
dentaire) et certains thèmes beaucoup plus vastes (cf. les maladies professionnelles ou la lutte contre le
tabagisme et l’alcoolisme). Par ailleurs, n’ont pas été considérés comme engagement "précis" les engagements
d’impact trop limité ou ne présentant que des objectifs formels comme la présentation d’études sans obligation
de contenu.
[90]
CE - 5 mars 1999 - M. Rouquette et autres
.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE V
L’expression de la politique de santé
Annexe :
Mise en oeuvre des principaux engagements inscrits dans les rapports
annexés aux lois de financement pour 1998 et 1999
[91]
Principaux engagements inscrits dans
l’annexe de loi de financement pour
1998, en matière d’actions de santé
publique
Principales mesures prises en 1998
(ou, éventuellement, début 1999)
1° Action à l’égard de l’alcool :
amélioration, en 1998, de la reconnaissance
juridique et de la prise en charge financière
des soins.
1° Loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les
exclusions et décret du 29 décembre 1998 relatif aux
centres de cure ambulatoire en alcoolémie.
2° Effort en matière de périnatalité.
2° Lancement de la seconde enquête nationale
périnatale.
Deux décrets du 9 octobre 1998 relatifs aux
établissements pratiquant l'obstétrique, la néonatologie
et la réanimation néonatale.
Arrêté du 8 janvier 1999 redéfinissant missions et
composition des commissions régionales de la
naissance.
3° Renforcement des actions auprès de la
jeunesse, dans le cadre scolaire et extra
scolaire.
3° Plan de relance de la santé scolaire annoncé en
mars 1998.
Production de documents pédagogiques par le comité
français d’éducation pour la santé.
Circulaire du 24 novembre 1998 du ministère de
l’éducation nationale sur le développement de
l’éducation pour la santé à l’école ou au collège.
4° Renforcement de la prévention du
saturnisme infantile.
4° Chapitre de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation
pour la lutte contre les exclusions (quatre décrets
d’application pris en 1999)
Crédit de 2 MdF mis en place pour la surveillance et
les mesures d’urgence.
5° Lutte contre le cancer : création en 1998
d’un comité national de pilotage du
dépistage.
5° Installation en décembre 1998 d’un comité national
de prévention qui, malgré l’existence d’un groupe
"dépistage", ne joue pas le rôle d’un comité national
de dépistage des cancers (un tel comité national
n’existe que pour le cancer du sein, depuis 1994)
6° Lutte contre les infections nosocomiales
et les affections iatrogènes :
. accélération de la mise en place des
6° Plusieurs circulaires ministérielles et guides
(recommandations, bonnes pratiques) publiés en 1998.
Mise en place de crédits supplémentaires
de 80 MF
équipes opérationnelles d’hygiène (ce qui
implique des engagements supplémentaires
de 182 MF sur trois ans), y compris dans
les établissements privés ;
. expertise collective entamée par
l’INSERM.
pour les deux premières années).
L’extension aux établissements privés n’a été rendue
obligatoire que par un arrêté du 6 décembre 1999.
L’étude INSERM a été commencée, mais le rapport
final pas encore établi.
7° Renforcement de la lutte contre les
maladies transmissibles (sida, hépatite C) :
. sida : information, accès au dépistage,
réseau de soins ;
. hépatite C : élargissement des missions en
1998 des centres de dépistage anonymes et
gratuits (CDAG)…
7° Sida : 1137 projets nationaux et locaux financés
pour des actions de prévention.
Circulaire du 9 juillet 1998 étendant les missions des
CDAG en matière de dépistage de l’hépatite C.
8° Lutte contre la toxicomanie, avec en
particulier la création de nouveaux lieux de
prévention et d’orientation et
l'augmentation des crédits.
8° Création de 5 points écoute jeunes.
Crédits supplémentaires de 47 MF pour la formation et
la prévention.
9° Lutte contre le dopage en matière
sportive.
9°Loi du 23 mars 1999 (textes d'application en cours
d'élaboration)
10° Politique de soins palliatifs et lutte
contre la douleur :
. plan d’action en 1998 ;
. bilan, fin 1998, de l’application des
dispositions de la loi hospitalière du 31
juillet 1991 (moyens à mettre en oeuvre par
les établissements de santé).
10° Plan d’action triennal lancé en 1998 ;
recensement effectué fin 1998 des services existants.
11° Maladies professionnelles et accidents
du travail : présentation d’un rapport au
Parlement à l’appui de la LFSS pour 1999.
11° Rapport présenté dans les documents annexés au
projet de LFSS pour 1999.
12° Veille et sécurité sanitaires : création
de trois institutions nouvelles (institut de
veille épidémiologique, agence chargée de
la sécurité sanitaire, agence chargée de la
sécurité alimentaire.
12° Les trois institutions ont été créées par la loi du 1
er
juillet 1998 (décrets d’application du 4 mars et 26
mars) (sur
ces agences, cf. chapitre VI,
infra
, p.00)
13° Présentation en 1998 d’un projet de loi
permettant la mise en place d’une
assurance maladie universelle.
13° Projet de loi non déposé en 1998.
Réponse
[91]
Cette annexe a été établie par la Cour. Les engagements ne figurant pas dans la partie santé (cf. le
maintien à domicile des personnes âgées) ou ne faisant l’objet que d’engagements très imprécis et de rappels
de mesures déjà prises ne sont pas repris dans ce tableau. Le nombre de thèmes traités est donc différent de
celui indiqué
supra
dans le tableau du texte.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE VI
Le pilotage de la politique de santé
Ce chapitre analyse certains des instruments majeurs mis en place pour piloter la politique de la santé, dès lors
que les besoins et les priorités sont exprimés et connus.
Au plan national, l'organisation retenue consiste à assurer ce pilotage, et en particulier la veille et la sécurité
sanitaires, par des établissements publics plutôt que par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Sept
agences ont été créées ces dernières années, dotées de moyens importants. C'est leur positionnement respectif
et la coordination – entre elles, et entre le ministère et elles – qui constituent, aujourd'hui et pour les
prochaines années, le problème principal.
Au plan régional, l'organisation est très touffue entre les divers organismes -ARH, DRASS, CRAM, URCAM,
URML-, et entre les différents documents programmatiques établis par les uns et les autres - PRAM, PRH,
SROS,… -. Cette complexité reflète celle d'un système où coexistent l'Etat, qui a la tutelle de l'hôpital, et
l'assurance maladie qui a en charge la médecine de ville. Mais la promotion du niveau régional pour concevoir
et piloter la politique de la santé favorise, à travers la multiplicité même des instruments, un dialogue entre les
différents acteurs et institutions, une culture commune propice à une meilleure compréhension réciproque et à
l'élaboration de priorités partagées.
Les agences régionales d'hospitalisation (ARH) ont été chargées, par les ordonnances de 1996, d'assurer la
régulation et l'organisation de l'offre hospitalière. Pour la répartition annuelle des moyens entre hôpitaux, elles
doivent connaître les établissements, et donc mobiliser l'information disponible. La coordination nationale
entre leurs expérimentations et initiatives reste insuffisante. Pour la programmation à moyen terme, les ARH
ont élaboré la deuxième génération des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). Les opérations
qu'ils retracent sont moins précises, dès lors qu'à la différence des premiers SROS les annexes qui décrivent
ces opérations sont devenues juridiquement opposables. D'autre part, il y a maintenant, par rapport au début
des années quatre-vingt-dix, d'autres cadres de programmation régionale en matière de santé dont il convient
de clarifier les rôles respectifs et l'articulation.
Section I : l’organisation administrative
nationale : les relations entre la DGS et les
agences sanitaires
Le renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires constitue une priorité récente de santé publique. Cette
politique s’est traduite par la mise en place d’établissements publics nationaux sous tutelle du ministère de la
santé
[92]
et tout particulièrement de la DGS. C’est ainsi qu’ont été créées en 1993, l’agence du médicament et
l’agence française du sang, en 1994, l’office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) et
l’établissement français des greffes (EFG), en 1996, l’agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la
santé (ANAES) et par la loi du 1
er
juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle
sanitaire des produits destinés à l’homme, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS) qui se substitue à l'agence du médicament avec des compétences élargies, l’agence française de
sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), l’institut de veille sanitaire (InVS) et l’établissement français du sang
(EFS) en remplacement de l’AFS. Ces organismes sont souvent dénommés sous le terme générique d’agences
sanitaires.
Les premières agences créées répondaient à une attente précise tel le renforcement de la capacité d’expertise
de l’Etat pour l’agence du médicament ou la réorganisation de la transfusion sanguine par l’AFS. Le choix
d’une pluralité de structures spécialisées sur des domaines déterminés plutôt que la création d’une agence
unique a été fait lors de l’adoption de la loi du 1
er
juillet 1998. Cette orientation est maintenue avec la
proposition de loi créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale.
La mise en place des agences sanitaires visait à créer une capacité d’expertise plus forte et plus transparente.
Elle favorise également la répartition des responsabilités en distinguant les structures en charge de la gestion
de celles responsables du contrôle et en séparant l’expertise du pouvoir de décision
[93]
.
Alors que la DGS se réorganise pour se positionner au coeur du dispositif de santé publique, la Cour a analysé
les enjeux que présente pour elle ce renforcement externe des moyens de veille et sécurité sanitaires ainsi que
les conséquences de cette organisation multi-centrique sur la définition et la mise en oeuvre de la politique de
santé.
Les agences sanitaires actuelles
L’office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) exerce des missions d’expertise, de
surveillance et de contrôle destinées à protéger la population contre les rayonnements ionisants.
L’établissement français des greffes (EFG) est chargé de la gestion de la liste nationale des patients
pouvant bénéficier d’une greffe et de l’attribution des greffons.
L’agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (ANAES)
a pour mission de favoriser
le développement de l’évaluation des soins et des pratiques professionnelles, et de mettre en oeuvre
la procédure d’accréditation des établissements de santé.
L’institut de veille sanitaire (InVS) effectue la surveillance et l’observation permanente de l’état de
santé de la population pour l’ensemble des risques susceptibles de l’affecter.
L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) élargit le champ de
compétence antérieurement dévolu à l’agence du médicament à tous les produits à finalité sanitaire
destinés à l’homme ainsi qu’aux produits à finalité cosmétique ou d’hygiène corporelle.
L’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) est chargée d’évaluer les risques
sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l’homme ou aux animaux, y
compris ceux pouvant provenir des médicaments vétérinaires.
L’établissement français du sang (EFS) gère sur l'ensemble du territoire les activités de collecte du
sang, de préparation et de qualification des produits sanguins labiles ainsi que leur distribution aux
établissements de santé et d'hémovigilance.
Ces différents établissements publics administratifs
[94]
sont désormais dénommés sous le terme
rique d’ "agences sanitaires".
géné
I - Un renforcement des moyens de veille et sécurité sanitaires
Les compétences dévolues aux agences ont étendu le champ de la santé publique. Les moyens humains et
financiers qui leur sont accordés accroissent la capacité de l’Etat à intervenir dans le domaine de la veille et de
la sécurité sanitaires .
Certaines des missions confiées aux agences sanitaires étaient antérieurement assurées par le ministère. Ce
transfert de compétence a concerné les produits de santé puis tous les produits à finalité sanitaire destinés à
l’homme, les produits cosmétique et d’hygiène corporelle, ainsi que la transfusion sanguine et
l’épidémiologie. D’autres compétences étaient antérieurement dévolues à des associations comme le domaine
du prélèvement d’organes et de la greffe ou celui de l’évaluation des soins et pratiques professionnelles.
Les agences sanitaires ont également investi de nouveaux champs de la santé publique. C'est ainsi que
l'ANAES met en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé. De même, l’InVS a fait
entrer les risques professionnels dans la sphère de la santé publique alors qu’ils relevaient traditionnellement
de la seule compétence du ministère du travail. Enfin, la création de l’AFSSA a intégré la sécurité des
aliments dans la problématique de la santé publique ; ce domaine, à l’exception de l’eau, était auparavant
essentiellement du ressort des ministères en charge de l’agriculture et de la consommation.
Pour assurer ces missions, les agences sanitaires disposent de moyens humains et financiers importants. Les
effectifs budgétaires de ces sept établissements publics ont été multipliés par 6,8 en quatre ans, passant de
1 553 en 1997 à 10 638
[95]
en 2000 ; ils représentent 4,5 fois les effectifs de l’administration centrale du
ministère (santé et solidarité). Par comparaison également, les effectifs de la DGS sont d'environ 300
personnes.
Les ressources financières dont bénéficient les agences proviennent de plusieurs origines dont les plus
importantes sont les subventions de l’Etat, celles de l’assurance maladie, les financements de conventions et
ceux des bénéficiaires (ventes de produits
[96]
, redevances et taxes). Cette addition de financements leur donne
des moyens qui ont été multipliés par cinq depuis 1997 pour atteindre 5 478 MF en 2000
[97]
. Par référence, les
moyens budgétaires de l’Etat en matière de santé publique s’élèvent à 3 994,8 MF à la même date.
[98]
Après une montée en puissance progressive, les agences sanitaires disposent d'un poids humain et financier
croissant par rapport aux moyens du ministère. Cette évolution majeure des formes d’intervention de l’Etat en
matière de veille et de sécurité sanitaires justifiait de repenser l’organisation des relations entre la tutelle et les
agences sanitaires.
II - Les conséquences sur la DGS
Alors que les réflexions conduites depuis 1996 proposaient des mesures destinées à adapter le ministère et
notamment la DGS à son nouvel environnement, la réorganisation de cette direction n’est intervenue qu’en
juillet 2000.
Jusqu’à l’actuelle réforme de l’administration centrale, ni la définition des missions de la DGS, ni son
organisation interne ne reflétaient son rôle de tutelle et de coordination sur les agences sanitaires ; elles ne
permettaient pas une identification claire de sa mission de pilotage. Le décret fixant ses attributions n’avait pas
été modifié depuis 1981 et les circonscrivait à un nombre de missions limitativement énumérées comme la
prévention et l’environnement sanitaire, la maternité, l’enfance et les actions spécifiques de santé,
l’organisation des soins et le suivi des formations médicales et paramédicales. La dernière modification de la
composition interne de la direction et des attributions de chacun des bureaux
datait de 1994. Ces textes ne
faisaient que très marginalement référence aux premières agences sanitaires créées.
Pourtant, plusieurs groupes de travail avaient été chargés d’analyser les conséquences de la création des
agences sur les missions du ministère et la conduite de la politique de la santé. Leurs conclusions étaient
pertinentes. Constatant que le ministère était "en voie d’émiettement " un rapport rédigé en 1996 à la demande
des ministres soulignait la nécessité de définir une stratégie adaptée à cette situation en développant des
capacités d’analyse et d’anticipation. Des orientations sur les conditions d’exercice de la tutelle étaient
également proposées. Les recommandations, qui ne concernaient pas les seules agences sanitaires, exigeaient
selon les auteurs du rapport une transformation culturelle .
Dès le début de l’année 1997, les orientations que formulait le groupe de travail en charge de la politique de la
santé concernant l’organisation de la DGS soulignaient l’impact de la création de l’AFSSAPS, de l’AFSSA et
de l’InVS sur les tâches de certains bureaux de la DGS et invitaient cette direction à rechercher un
organigramme mieux adapté à l’évolution de ses missions et de son environnement. Des formations devaient
être définies "pour accompagner le passage d’une culture de gestion à une culture d’animation et d’orientation
stratégique des agences et des services déconcentrés".
Les travaux engagés en application de la circulaire du premier ministre du 3 juin 1998 relative à la préparation
des programmes pluriannuels de modernisation s’appuient sur les conclusions antérieures et les confirment.
La réorganisation de l’administration centrale définie par décret du
21 juillet 2000 confie à la DGS
l’élaboration de la politique de santé. Dans ce cadre, elle assure, en liaison essentiellement avec la direction de
l'administration générale, des personnels et du budget (DAGPB), la tutelle sur les établissements publics dans
le domaine de la veille et de la sécurité sanitaires. La Cour ne peut qu’approuver cette orientation, en espérant
que sa mise en oeuvre sera de nature à remédier aux insuffisances antérieurement constatées dans les relations
entre la DGS et les agences sanitaires.
III - L’organisation des relations avec les agences sanitaires
La DGS joue un rôle central dans l’exercice de la tutelle sur les établissements publics de veille et de sécurité
sanitaires. Elle n’a pu jusqu’à présent concrétiser ses ambitions.
A - l’exercice de la tutelle
La DGS s’est progressivement désengagée de l’exercice d’une tutelle classique pour privilégier une tutelle
dite stratégique.
1. La tutelle classique
La tutelle prévue par les différents décrets relatifs à l’organisation et au fonctionnement des agences concerne
pour l’essentiel les délibérations de leur conseil d’administration. En organisant préalablement des pré-
conseils informels, la DGS évite des interventions conflictuelles en séance. Cette pratique n’est pas critiquable
en soi, mais l’absence de compte rendu de ces réunions ne donne pas de lisibilité externe du rôle de la DGS
dans le pilotage des agences. Il s’ensuit également une perte d’information préjudiciable au suivi de l’activité
de ces organismes.
Cette tutelle se partage en outre dans des conditions pour partie mal définies. Un protocole signé le 27
septembre 1999 définit les relations entre l'AFSSA et ses trois tutelles (direction générale de l'alimentation,
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et DGS) dans le
domaine de l'expertise alimentaire
[99]
, en prolongement d'un protocole signé entre les trois ministères le 24
septembre précédent. Une telle formalisation est opportune compte tenu de la complexité d'organisation de
cette tutelle conjointe. La répartition des rôles entre la direction de l'administration générale, du personnel et
du budget et la DGS, en revanche, est plus floue. Le protocole répartissant les compétences respectives des
deux directions dans l'exercice de la tutelle classique n'est pas encore formalisé.
Il traduit toutefois la volonté de la DGS de réduire ses interventions dans les domaine du budget, du personnel
et du fonctionnement administratif des agences pour se consacrer prioritairement à un pilotage dit
"stratégique". Celui-ci n'est défini par aucun texte. Contrairement à la tutelle classique, cette tutelle
scientifique et stratégique est donc dépourvue de base légale, et la DGS n'a plus le pouvoir d’imposer son
point de vue. L’efficacité de son action devient subordonnée à sa capacité de convaincre et à la légitimité que
les agences sanitaires trouvent à son intervention.
2. La tutelle scientifique et technique
La tutelle scientifique et technique que souhaite exercer la DGS nécessite une bonne connaissance de l’activité
des agences, un dialogue bilatéral régulier et une coordination sur des sujets communs. Les outils actuellement
disponibles pour soutenir cette démarche sont récents et insuffisants.
La circulation de l’information devrait être améliorée. Ni la DGS ni les agences n’élaborent systématiquement
de documents de programmation pourtant nécessaires à leur connaissance réciproque. Lorsque ces documents
sont réalisés, ils ne sont pas normalisés dans leur contenu et privilégient tantôt l’activité, tantôt les moyens.
Seuls les programmes de l’ANAES commencent à être structurés, mais il s’agit d'une obligation légale. La
DGS n’a jusqu’à présent pas davantage établi de rapport d’activité alors que les agences, à l’exception des
structures les plus récemment créées, respectent l’obligation qui leur est faite par la loi d’en établir
annuellement un. Les systèmes d’information de la DGS sont centrés sur la gestion et la remontée
d’informations en provenance des services déconcentrés ; ils ne permettent pas de suivre l’activité des agences
ni de fournir des résultats en vue de l’élaboration de la politique de santé.
Les relations les plus nourries entre la DGS et les agences résultent de l’organisation des comités de liaison,
instances de coordination entre chaque agence et le bureau de la DGS en charge de la tutelle sur le secteur.
Leur périodicité varie d’un organisme à l’autre ainsi qu’en fonction des circonstances mais elles sont le plus
souvent mensuelles. La préparation de textes réglementaires y tient une grande place. Ces réunions techniques
sont indispensables à la relation DGS-agences mais elles ne peuvent pallier les faiblesses de la coordination à
d’autres niveaux hiérarchiques.
En complément des méthodes et structures de coordination retenues par les agences elles-mêmes pour faire
face à l’importance des sujets qui nécessitent des travaux en communs, la DGS dispose de trois modes de
coordination : celle assurée par le coordinateur des agences, celle organisée à l’initiative du directeur général
de la santé et le comité national de la sécurité sanitaire (CNSS).
La création, en 1998, d’une fonction de coordonnateur des agences a permis de faire réfléchir les agences sur
des préoccupations qui leur étaient communes, qu’il s’agisse de communication, de relations internationales et
notamment européennes ou de l’utilisation du réseau Internet. L’organisation de cette coordination permet une
harmonisation des points de vue entre la DGS et les agences ; elle ne concerne cependant que des sujets un
peu périphériques par rapport aux orientations stratégiques de ces dernières.
Depuis l’arrivée de l’actuel directeur général, la fréquence des larges réunions de coordination sur des sujets
transversaux auxquelles participaient également le CFES et éventuellement d’autres structures a été réduite au
profit de réunions bi-latérales et de la mise en place du CNSS. Ce comité, créé par la loi du 1
er
juillet 1998,
réunit sous la présidence du ministre chargé de la santé, les directeurs généraux et présidents des conseils
scientifiques de l’AFSSAPS, de l’AFSSA et de l’InVS pour analyser les événements susceptibles d’affecter la
santé de la population. Il associe à ses travaux les autres ministres intéressés ainsi que toute autre personnalité
ou organisme compétents. La loi ne le définit pas comme l’instance de coordination de toutes les agences mais
lui permet de le devenir. Certains établissements publics qui n’en sont pas membres de droit n’ont toutefois
accepté leur participation à cette instance que pour les sujets de l’ordre du jour relevant de leur secteur ou en
cas de crise.
Le rythme des réunions de l’ensemble des responsables d’agences sous l’autorité du directeur général de la
santé se ralentit donc par rapport à la période de mise en place des nouvelles agences. Pourtant, le besoin de
coordination demeure fort ; il est toujours ressenti comme tel par la ministre en charge de la santé puisque les
directeurs d’agences sont réunis tous les quinze jours sur le thème de la sécurité sanitaire.
B - La nécéssité d’une stratégie
Au-delà des outils de tutelle et de coordination, la DGS reconnaît que c'est la définition de politiques de santé
publique aux objectifs clairs et stratégiques, respectant les compétences propres des agences et utilisant leur
expertise, qui peut donner toute sa légitimité à son intervention. Pourtant, l’expression du message stratégique
de la DGS est encore embryonnaire et fait courir à la direction le risque d’une marginalisation vis-à-vis des
agences.
1. La définition d'une stratégie
La DGS n’a pas proposé la restructuration des organismes de droit public participant à la veille sanitaire,
comme le prévoyait la loi du 1
er
juillet 1998. Le rapport sur ce sujet aurait dû être remis au Parlement un an
après la promulgation de la loi. La DGS justifie cette carence par les délais de mise en place de l’InVS, la
modification du paysage institutionnel avec la création annoncée de l’agence de sécurité sanitaire
environnementale et les procédures déjà engagées pour instaurer le réseau de veille souhaité par le législateur.
Ces raisons ne peuvent être ignorées ; néanmoins, la préparation d’un rapport aurait permis, outre le respect
des dispositions de la loi, une réflexion plus globale et prospective sur la situation des organismes de veille
sanitaire.
L’insuffisance de vision stratégique se traduit également par un moindre recours aux lettres de mission comme
par la lenteur du rythme d’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens. Les lettres de mission
ministérielles précisent les objectifs attendus à moyen terme de la structure. L’AFS, l’OPRI et l’EFG en ont
reçu une lors de leur création. En revanche, les agences plus récemment mises en place n’en ont pas été
destinataires, ou seulement tardivement (par exemple, l'InVS l'a reçue le 28 avril 2000). La présence du
ministre lors du premier conseil d’administration, comme à l’AFSSA, témoigne, certes, de l’importance que la
tutelle accorde à ces organismes ; elle ne saurait pallier le caractère écrit, structuré, prévisionnel et, si
nécessaire, coordonné entre les tutelles, d’une lettre de mission.
Les contrats d’objectifs et de moyens fixent pour une période pluriannuelle, les objectifs détaillés d’un
établissement et les moyens dont il disposera à partir d’un constat partagé entre lui-même et la tutelle de ses
forces et faiblesses. Ils précisent également les modalités de suivi des résultats. Cette procédure de type
contractuelle est essentielle pour la DGS ; elle lui permet de définir en commun des objectifs conformes à la
politique de santé publique définie par le ministère et de pallier le défaut de base légale du choix d’une tutelle
stratégique. Pourtant, l’EFG est la seule agence sanitaire pour laquelle un contrat d’objectifs et de moyens ait
été signé jusqu’à présent. Celui-ci a été approuvé par le conseil d’administration du 9 décembre 1999 ; il est
donc trop tôt pour apprécier le bien fondé des espoirs mis dans cette procédure pour améliorer les relations
avec la tutelle. En revanche, cette démarche apparaît d’ores et déjà comme un outil utile de réflexion à moyen
terme pour hiérarchiser des priorités dans les missions et renforcer la cohérences des organismes tant en
interne qu’à l’égard des partenaires extérieurs.
Sans vision d’ensemble du rôle et de la place à donner aux agences dans la politique qu’elle conduit, la DGS
risque de voir sa sphère de compétence se restreindre.
2. Les risques d'une absence de stratégie
L’exemple des relations avec l’INSERM est significatif à cet égard. La tutelle que la DGS exerce sur cet
établissement public s’est très largement affaiblie au profit de celle du ministère en charge de la recherche.
Bien que le DGS, ainsi que le directeur de l’AFSSAPS, soient membres de droit du conseil d’administration,
les relations avec l’INSERM ne s’inscrivent plus dans une stratégie globale mais sont circonscrites à des
demandes d’études ponctuelles ou à la participation à des travaux engagés par l’institut. Cet éloignement de
l’INSERM de la sphère de la santé publique prend un relief particulier au moment où la mise en place des
agences sanitaires et notamment de l’InVS aurait dû conduire la DGS à resserrer ses liens avec lui.
Par ailleurs, les conseils scientifiques dont chaque agence sanitaire est dotée, viennent, dans une certaine
mesure, en concurrence avec la DGS pour l’exercice de sa tutelle stratégique. Ces structures ont pour mission
de veiller à la cohérence de la politique scientifique de l’établissement public. Elles ont, certes, un rôle
consultatif, toutefois la compétence de leurs membres peut leur donner un rôle décisif dans la conduite des
activités des agences. La présence croisées des présidents de conseils scientifiques aux conseils des autres
agences prévues par la loi du 1
er
juillet 1998 renforce la capacité de ces instances à procéder à la coordination
des travaux.
La DGS participe aux réunions de certains conseils scientifiques où elle est membre de droit ou invitée. Cette
présence lui donne la possibilité de réagir aux positions prises. Mais, plus généralement, la mission
d’expertise, de conseil et de proposition des conseils scientifiques justifie que la DGS maintienne et développe
ses propres réseaux d’experts.
Ce renforcement des compétences autour de la DGS comme la mise en oeuvre de son nouvel organigramme
sont les premières mesures indispensables à la création d’un contexte favorable à l’exercice d’une tutelle
stratégique sur les agences. Elles doivent être complétés par l’utilisation de systèmes d’information, d’outils et
de méthodes qui donneront à cette direction les moyens de veiller à la cohérence de l’action des agences avec
la politique de santé publique conformément au décret relatif à l’organisation du ministère.
La multiplication de structures dotées d'une grande autonomie, de moyens humains et financiers conséquents,
et développant des activités complémentaires à celles du ministère, présente en germe le risque d'une
évolution centrifuge et mal maîtrisée. L'analyse théorique des problèmes et des solutions a été faite depuis
plusieurs années par le ministère. La Cour sera particulièrement attentive à leurs conditions de mise en oeuvre.
RECOMMANDATIONS
1. Préciser la répartition des rôles entre la DGS et la DAGPB pour exercer la tutelle prévue par les textes.
2. Elaborer des protocoles entre la tutelle (DGS et DAGPB) et les agences pour préciser la nature des
informations et les procédures de transmission qui sont nécessaires aux directions du ministère pour leur
permettre d’assurer leur mission.
3. Demander à la DGS d'établir des documents de programmation et de bilan sur son activité afin d’améliorer
la lisibilité externe de son action.
4. Accélérer le rythme d’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens afin que les différentes agences
sanitaires en soient dotées.
5. Faire en sorte que toutes les agences soient membres permanents du comité national de la sécurité
sanitaire.
Réponse
[92]
Ou sous tutelle conjointe pour l’OPRI et l’AFSSA.
[93]
A l'exception toutefois de l'AFSSAPS qui dispose de pouvoirs d'expertise et de décision qu'elle exerce au
nom du ministre.
[94]
Sauf l’établissement français du sang qui n’a pas été qualifié par le législateur.
[95]
L'augmentation la plus importante est intervenue en 2000 avec la création de l'EFS qui intègre les effectifs
des établissements de transfusion sanguine.
[96]
L’EFS tire l’essentiel de ses ressources de la vente de produits sanguins.
[97]
Budget primitif en fonctionnement et en investissement. Cette exceptionnelle augmentation intervenue
entre 1999 et 2000 s'explique par le remplacement de l’AFS par l’EFS qui intègre l’ensemble des centres de
transfusion sanguine.
[98]
Somme des moyens de l'Etat dévolus à l'agrégat "politique de santé publique" et à l'agrégat "offre de soins"
dans la loi de finances initiale de 2000.
[99]
Le domaine du médicament vétérinaire est exclu de son champ.
Section II :
L'organisation régionale
Les pouvoirs publics ont mis en place, au cours des années quatre-vingt dix, différentes institutions régionales:
URML en 1993, conférences régionales de santé, ARH et URCAM en 1996. Par la dynamique qu’elles
entraînent tant dans le secteur hospitalier que dans la gestion du risque en médecine de ville, elles modifient
progressivement le pilotage de la politique de santé et d’assurance maladie. Si le caractère national de cette
politique a été réaffirmé par les principaux acteurs, l’échelon régional joue désormais un rôle d’impulsion et
de coordination qui fait de ces institutions un véritable outil d’élaboration de priorités et d’actions régionales.
Trois ans après la mise en place des ARH et des URCAM, tous les acteurs régionaux reconnaissent
l’importance du niveau régional. Il apparaît comme un cadre pertinent, mais son organisation reste encore
largement à définir.
Au cours des années précédentes, et cette année encore, la Cour a procédé au contrôle approfondi de certaines
de ces institutions régionales. L’enquête sur laquelle est fondée cette section a porté sur les relations que ces
institutions nouent entre elles, soit du fait des textes, soit du fait des pratiques qui se développent. Elle
s’attache également à appréhender la place que peut occuper l’échelon régional par rapport aux autres
niveaux, tant national que local. A partir d’entretiens effectués auprès des responsables régionaux dans deux
régions, des questionnaires spécifiques à chaque institution régionale ont été élaborés et adressés à chacune
d’elles dans 10 régions métropolitaines. Enfin, des contacts ont eu lieu avec les responsables nationaux.
L’enquête a porté sur trois aspects : l’organisation et les champs de compétence, les priorités de santé
publique, les études.
I - L’organisation et les champs de compétence
Les ordonnances de 1996 ont créé au niveau régional deux nouvelles institutions, les ARH, pour l'hôpital, les
URCAM, pour les soins de ville. Leur mise en place s’est effectuée dans de bonnes conditions, à l’exception,
pour les URCAM, de deux régions, Languedoc-Roussillon et surtout Pays de la Loire où les CPAM auraient
été lentes à s’intégrer au nouveau dispositif. Bien que les ordonnances n’aient pas prévu que les CRAM soient
membres des URCAM, alors qu’elles le sont des ARH, elles sont partout associées à leurs travaux dans le
cadre du comité technique qui réunit les directeurs. Les problèmes que rencontrent ces deux organismes sont
toutefois de nature très différente.
A - Les ARH
Autour du directeur nommé en conseil des ministres, les ARH réunissent, à parité, les représentants des
services déconcentrés de l’Etat, d’un côté, et le directeur de la CRAM, le médecin chef de l’échelon régional
du service médical du régime général et les directeurs de l’URCAM et des différentes caisses d’assurance
maladie, de l’autre. L’équipe propre est extrêmement réduite, de 8 à 13 ou 14 personnes avec le directeur.
Cependant, conformément aux conventions constitutives des GIE, l’ARH dispose d’un effectif très important
d’agents mis à disposition, dans des proportions voisines, par les services de l’Etat ( DRASS et DDASS) et
par les caisses d’assurance maladie, principalement CRAM et services médicaux. Dans l’échantillon de
l’enquête, l’effectif temps plein total théorique varie d’une cinquantaine de personnes dans les plus petites
ARH (Haute- Normandie) à plus de 130 personnes en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La moitié des ARH
interrogées juge cet effectif insuffisant, les autres portent un jugement plus circonstancié, et estiment que le
problème réside moins dans le nombre que dans la disponibilité effective des agents.
Dans l’attente des contrôles des ARH et des services déconcentrés des affaires sanitaires et sociales que la
Cour doit effectuer, il ne lui est pas possible actuellement de porter un jugement sur l’appréciation des
directeurs d’ARH quant aux effectifs mis à leur disposition.
Il conviendrait que le ministère mette en place un dispositif de suivi et d’évaluation des conventions
permettant de juger des effectifs dont disposent réellement les ARH.
B - Les DRASS et les DDASS
Certaines DRASS, comme en Aquitaine et en Bretagne, ont regroupé les agents mis à disposition des ARH au
sein d’un service clairement identifié. Mais, trois sur quatre disent ne pas avoir modifié leur organisation à la
suite de la création des ARH ni jugé utile un tel regroupement. En outre, les contraintes de personnel font que
les inspecteurs et les médecins inspecteurs assurent parfois des tâches à la fois pour l’ARH et pour la DRASS,
par exemple le suivi d’établissements hospitaliers et d’établissement médico-sociaux pour personnes âgées.
Les directeurs régionaux sont unanimes à refuser tout transfert des personnes mises à disposition de l’ARH à
celle-ci. Les raisons évoquées sont la synergie qui existe entre l’hôpital et le médico-social. Mais les réserves
émises lors de la création des ARH restent parfois vives, comme en Rhône-Alpes, et peuvent expliquer la non
réorganisation des DRASS.
Les DRASS assurent pour les ARH les missions qu’elles effectuaient auparavant dans le cadre de leurs
compétences : suivi de la dotation régionale limitative, préparation des décisions d’autorisation, suivi du
PMSI, suivi des effectifs de médecins hospitaliers, secrétariat du CROSS sanitaire, participation à
l’élaboration et à la mise en oeuvre du SROS et du plan de contrôle de l’ARH. Si, dans l’ensemble, les ARH
jugent le personnel des services de l’Etat plutôt efficace, elles ont aussi tendance à ne pas le trouver
"suffisamment disponible". Le fait que ces personnels soient partagés entre les directives qu’ils reçoivent de
l’ARH et leur subordination directe au directeur régional ou départemental des affaires sanitaires et sociales
n’est pas de nature à leur faciliter la tâche. Lorsque les relations entre les responsables sont médiocres,
l’organisation du travail et l’efficacité des personnels en subissent inévitablement les conséquences. Enfin, le
nombre important de postes non pourvus dans les services déconcentrés et la montée en puissance des
missions liées à la loi sur l’exclusion ne peuvent que creuser l’écart entre le nombre théorique d’équivalents
temps plein mis à disposition des ARH et la réalité des effectifs disponibles.
Alors que jusqu’ici, il n’avait donné aucune orientation aux directions régionales et départementales quant aux
conséquences à tirer, dans leur organisation, des conventions passées avec les ARH, le ministère s’apprête à
restructurer en profondeur ses services déconcentrés en liaison avec la réorganisation de l’administration
centrale
[100]
. D’une part, les établissements médico-sociaux pour personnes âgées seraient transférées aux
ARH -en même temps qu’ils relèveraient de la direction de l’organisation des soins qui remplacera la direction
des hôpitaux-, d’autre part, les services déconcentrés seraient organisés à l’avenir autour de deux piliers, un
pilier médical et un pilier social, dont il faudra bien entendu assurer la coordination Par ailleurs, des
expériences sont en cours pour fusionner les DRASS avec les DDASS du chef lieu de région afin de disposer
au niveau de la région d’un effectif plus important permettant une meilleure répartition des tâches. Ces
évolutions vont dans le bon sens. Un redéploiement des moyens humains n’en demeure pas moins
indispensable.
Compte tenu de l’importance prise par les tâches d’animation des réseaux partenaires et des groupes de travail
mis en place avec l’URCAM, tâches que seuls les médecins et les inspecteurs peuvent effectuer, tout en
maintenant distinct le contrôle de légalité, les agents des services du Trésor public, qui disposent d’une bonne
pratique et d’une bonne connaissance des comptabilités hospitalières, pourraient être sollicités de façon plus
permanente pour assurer le suivi budgétaire et financier des établissements, soit dans le cadre juridique actuel
soit par détachement auprès de l’ARH.
C – Les CRAM
Le concours des caisses d’assurance maladie aux travaux des ARH semble poser moins de problème A la
différence des DRASS, les CRAM comme l’échelon régional du service médical ont vu paradoxalement leur
rôle valorisé avec la création des ARH. Partenaires de plein droit de celles-ci, les CRAM participent aux
décisions relatives aussi bien à l’hospitalisation publique qu’aux établissements privés. S’appuyant sur une
expertise reconnue dans le domaine des budgets hospitaliers et de la tarification des cliniques, elles peuvent
faire valoir leur point de vue dans les décisions à égalité avec les services de l’Etat. Une collaboration plus
étroite a pu ainsi s’installer. Leur jugement sur la création de l’ARH est donc dans l’ensemble positif.
Toutefois, une certaine perplexité apparaît dans les réponses adressées aux questions de la Cour :
l’organisation mise en place est jugée lourde et sa légitimité incertaine -les présidents des caisses n’y siègent
pas. Les CRAM participent aux ARH et juridiquement ne participent pas aux URCAM, même si de fait elles y
participent parfois. On peut s’interroger aujourd’hui sur cette situation.
D - L’URCAM
La création des URCAM organise une collaboration entre les différents régimes d’assurance maladie qui était
presque partout engagée. Dans neuf des douze régions de l’enquête, une coordination entre les régimes l’avait
précédée. Les URCAM sont des structures légères. Les effectifs varient de 6 à 14 agents (y compris le
directeur) en fonction du nombre d’organismes adhérents. En outre, l’URCAM dispose du concours de
l’échelon régional du service médical du régime général et coordonne l’action des autres services médicaux.
Les modalités en sont fixées par convention. Les différences entre le contour des circonscriptions des caisses
et celui des régions administratives constituent un facteur de lourdeur pour les caisses concernées, mais ne nuit
pas au bon fonctionnement du système. Les rectifications de frontières entre caisses demeurent néanmoins
souhaitables.
A la différence de l’ARH qui, à travers l’allocation des moyens budgétaires, peut infléchir l’organisation des
soins hospitaliers, l’URCAM n’a pas de véritables moyens d’action pour exercer une pleine responsabilité en
matière de gestion du risque et agir sur l’offre de soins ambulatoires. La loi de financement 2000, qui donne
aux caisses d’assurance maladie des moyens nouveaux, notamment de contractualisation, amorce une
évolution possible. Mais il est encore trop tôt pour en juger.
Les trois principaux régimes ont réagi différemment à la création des URCAM. L’URCAM a été vue à
l’origine comme une institution inter-régimes en même temps qu’une forme de coordination interne au régime
général. Cette ambiguïté a conduit à confondre deux types de préoccupations de nature différente, les unes
relatives à l’intérêt d’un échelon régional chargé de la gestion du risque, les autres à l’opportunité, pour le
régime général, de disposer d’un échelon régional unique.
Les régimes indépendants et agricoles n’ont pas eu de difficultés à se positionner. Le service médical y est
intégré à la caisse et sous l’autorité hiérarchique du directeur. De plus, le premier est, avec les CMR, organisé
depuis longtemps à l’échelon régional, et le second, après avoir créé une association régionale de MSA pour
fédérer les caisses de base, a entrepris de se réorganiser, voire, dans les régions à faible population agricole, de
regrouper les caisses locales en une caisse unique, sur une base régionale.
Par rapport aux différents groupes de travail, études et programmes mis en place dans le cadre du plan
régional d’assurance maladie, la MSA et la CANAM ont développé une approche différente tenant compte de
l’importance de la population couverte et de leur savoir faire: la MSA cherche à faire valoir sa spécificité
rurale et son expertise en matière d’établissement de proximité, mais en même temps, la majorité des
associations régionales interrogées disent vouloir être présentes sur l’ensemble des dossiers pour ne pas être
identifiées au seul domaine rural. La CANAM entend préserver sa spécificité en matière de contrôle des actes
inscrits à la nomenclature, notamment de spécialités, et concentrer ses faibles moyens sur les priorités
nationales inter-régimes en évitant les redondances et en réduisant sa participation aux réunions
institutionnelles "au minimum strictement indispensable à la réalisation d’un objectif concret" (circulaire
CANAM du 28 juin 1999).
Le régime général éprouve des difficultés à positionner correctement les trois types d’organismes
indépendants les uns des autres qui existent dans une circonscription régionale: le service médical, le seul à
être doté d’un échelon hiérarchique régional, les CPAM organisées au niveau départemental, et la CRAM,
organisme régional notamment compétent pour l’hôpital et les cliniques privées mais qui n’est pas membre à
part entière de l’URCAM. Faute d’avoir levé l’ambiguïté initiale, et ayant même réaffirmé dans la circulaire
inter-régime du 24 mars 1999 le rôle traditionnel des CRAM, il n’a pas saisi l’occasion de la création des
URCAM pour restructurer son réseau. Plusieurs directeurs d’URCAM disent ne pas bénéficier de tout le
soutien politique et technique qu’ils sont en droit d’attendre de la CNAMTS pour s’imposer comme un organe
régional de coordination de l’assurance maladie.
Lorsque des difficultés ont surgi dans la mise en place des URCAM, elles se sont produites avec les CPAM et
non avec les caisses de non-salariés, alors même que le régime général occupe la quasi totalité des postes de
présidents et de directeurs des URCAM (respectivement 20 sur 22 et 19 sur 22). La Cour regrette que les
orientations retenues dans le projet 2000–2003 de la CNAMTS, qui propose de contractualiser avec les unions
régionales dans les mêmes conditions qu’avec les CPAM et les CRAM, prolongent cette ambiguïté au lieu de
la réduire. Ces orientations ne peuvent que conforter l’impression parfois ressentie par les interlocuteurs des
autres régimes que le régime général traite les URCAM comme une de ses composantes tout en ne leur
donnant pas suffisamment d’instruments réels d’action.
La Cour prend acte de la réponse de la CNAMTS jointe à ce rapport selon laquelle les contrats passés avec les
URCAM sont négociés et signés par les trois caisses nationales (CNAMTS, CANAM, CCMSA).
En tout état de cause, le problème de la représentation du régime général au sein des URCAM se pose : car, en
ce qui concerne la gestion du risque, trois organismes sont concernés, les CRAM, les 129 CPAM –ce qui offre
le risque d’un émiettement
[101]
-, et les échelons régionaux du service médical.
La Cour considère qu'il serait de l’intérêt du régime général de disposer d’un niveau régional unique,
responsable, pour ce qui le concerne, de l’ensemble de la gestion du risque, à la fois ambulatoire et hospitalier.
E - Les URML
Face aux ARH et aux URCAM, les unions régionales de médecins libéraux (URML) occupent une place
encore mal définie. Elles souffrent incontestablement de n’appartenir ni aux unes ni aux autres. Les
responsables qui ont répondu à l’enquête de la Cour portent néanmoins un jugement plutôt positif sur ces
institutions, assez éloignées des débats suscités au niveau national lors de leur mise en place. La création des
ARH et des URCAM a permis de nouer des relations, ou de les renforcer dans les quelques régions où elles
existaient, comme en Alsace, en Bourgogne ou en Rhône-Alpes. Toutefois, les relations avec l’ARH sont
qualifiées de "distantes" mais "courtoises", et l’ARH est jugée encore trop exclusivement centrée sur l’hôpital
public ; mais une évolution devrait se faire jour avec l’intégration des cliniques privées dans le champ de
l’ARH. Si elles sont plus naturelles avec les URCAM, elles sont jugées "trop assurance maladie" et pas assez
médicales. Le fait d’avoir été consulté ou même seulement informé par les URCAM sur le PRAM est plutôt
bien apprécié. Les groupes de travail mis en place avec les URCAM et les ARH, notamment sur le thème
ville-hôpital, devraient permettre d’aller plus loin et contribuer à créer des habitudes de travail en commun.
II - Les priorités régionales de santé publique et d’assurance maladie
L’obligation faite aux ARH et aux URCAM de définir des priorités de santé constitue l’une des innovations
majeures du cadre mis en place par les ordonnances de 1996. Elles complètent celles élaborées par la
conférence régionale de santé (sur ces conférences, cf. chapitre précédent,
supra
,
p. 227). Toutes ces institutions se sont attachées à élaborer et à faire approuver par les organes de décision des
objectifs prioritaires dans des délais relativement courts. Mais chaque institution s’est inscrite dans sa logique
propre.
A – Les priorités définies par les ARH
Les priorités définies par les ARH sont étroitement conditionnées par leur champ -l’hôpital-, leur mission -
répartir entre les établissements la dotation régionale allouée par le ministère- et par le cadre de planification
que constituent les SROS. Elles prennent la forme d’actions particulières mises en oeuvre par les hôpitaux et
pour lesquelles l’ARH réserve une enveloppe spécifique. Celle-ci constitue la marge régionale. Toutefois,
outre la faiblesse de son montant, qui excède rarement 0,5 à 0,6 % de la dotation hospitalière régionale, elle
sert à financer à la fois des priorités proprement régionales -prise en compte des priorités des conférences
régionales, telles que les soins palliatifs, la douleur…- et la déclinaison régionale d’objectifs nationaux -
urgences, cancer, maladies nosocomiales…-. Ces priorités donnent lieu à une contractualisation avec les
établissements, mais la mise en oeuvre de cette dernière a été ralentie par l’élaboration des SROS.
Les ARH n’ont pas systématiquement cherché à se rapprocher des autres institutions avant d’arrêter leurs
priorités. Ce rapprochement se trouve réalisé de fait par la participation à la commission exécutive de l’ARH,
des DRASS, qui gèrent la conférence régionale de santé, d’un côté et de l’URCAM, de la CRAM et des autres
régimes pour l’assurance maladie de l’autre et par la transmission à l’ARH, prévue par les textes, des priorités
dégagées par les conférences régionales de santé et de celles arrêtées par les URCAM dans le cadre du plan
régional de l’assurance maladie (PRAM). La moitié des ARH interrogées ne vont pas au delà et déclarent "ne
pas tenir compte" des priorités des conférences et des URCAM. Cette position peut s’entendre comme la
revendication d’un partage clair des compétences sur l'hôpital et les soins ambulatoires. C’est celle que défend
le directeur de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA), qui considère que le fait que la CRAM élabore ses
propres priorités hospitalières -dans le cadre du PRH évoqué ci dessous- est une source d’ambiguïté qu’il
souhaite voir disparaître : "il ne doit y avoir qu’un seul programme hospitalier, celui de l’ARH", ce qui
n'exclut pas une collaboration étroite avec l'URCAM.
Toutefois, le débat autour du statut du programme régional hospitalier (PRH) traduit moins une divergence de
fond quant aux priorités, que la volonté des régimes d'assurance maladie de formaliser les objectifs et les
actions que l'assurance maladie souhaite faire prendre en compte par les ARH, voire à pousser celles-ci à
préciser davantage leur programme de travail. Le bilan des priorités inscrites dans les SROS de deuxième
génération, dressé par la CNAMTS n’apparaît pas différent de celui qui ressort de la lecture des PRH. La
CNAMTS "regrette que l’aspect relativement général et qualitatif des recommandations contenues dans les
SROS ne soit pas à même d’orienter de manière précise l’évolution de l’offre de soins dans les cinq années à
venir"
[102]
, mais, le même reproche peut être fait aux PRH. Cinq priorités dominent : urgence, périnatalité
(imposées par la circulaire nationale sur les SROS), cancer, maladies cardiaques et soins de suite et de
réadaptation.
B - Les Priorités définies par les URCAM
Les URCAM ont, après leur mise en place, élaboré un "programme régional d’actions de gestion du risque"
devenu depuis "plan régional de l’assurance maladie" (PRAM). Une circulaire inter-régimes, en date du 24
mars 1999, précisant celle du 28 avril de l’année précédente, en fixe le cadre. Ce plan, conçu en triannuel
glissant, est voté chaque année par le conseil d’administration de l’URCAM après avis de la conférence des
présidents des caisses membres de l’union. Il "fixe les orientations de l’assurance maladie au niveau régional,
qu’il conviendra ensuite de décliner dans un programme régional de travail (PRT). Il intègre les priorités inter-
régimes définies par les trois caisses nationales. Il comporte l’ensemble des thèmes d’intervention proposés
par le comité technique de l’URCAM". Ce plan intègre un volet hospitalier, le PRH élaboré par le directeur de
la CRAM qui en informe l’ARH avant de le faire adopter par le conseil d’administration de la CRAM. Toutes
les URCAM interrogées indiquent avoir arrêté leur PRAM après concertation, mais non avis, avec les ARH et
les CRAM.
Ces modalités répondent à l’ambition affichée par les trois caisses nationales pour qui "l’URCAM est la seule
institution régionale ayant vocation à appréhender globalement l’offre de soins de ville et l’offre hospitalière
(..) et à garantir l’unité de vue de l’assurance maladie sur les questions relatives à la coordination ville-
hôpital", ce qui lui confère "une compétence propre en matière de filières et de réseaux de soins" (circulaire
précitée). Cette formulation est ambiguë et justifie la réaction des ARH. Ni les ARH ni les URCAM ne
peuvent prétendre à elles seules appréhender globalement l’ensemble de l’offre de soins, comme le montrent,
dans la pratique, les groupes de travail communs mis en place sur le thème ville–hôpital.
Les PRAM, dont la présentation est très hétérogène, comportent des actions qui répondent aux priorités
nationales et d’autres purement régionales. Les URCAM ont été informées des priorités nationales pour l’an
2000 par une circulaire inter-régimes, en date du 30 septembre 1999. Celle-ci retient deux programmes de
santé publique -prise en charge des lombalgies chroniques et du cancer du sein-, deux enquêtes, sur la
chirurgie ambulatoire et sur le médicament (à choisir sur une liste de thèmes), des projets optionnels, maintien
à domicile des malades ou deuxième enquête médicament, enfin, deux thèmes à étudier pour une
programmation ultérieure, urgences et maladie de Parkinson
[103]
. Ces priorités sont reprises dans les PRAM
examinés à l’exception des lombalgies et de la chirurgie ambulatoire en Languedoc-Roussillon et de cette
dernière en région PACA. Parmi les priorités régionales, certaines se retrouvent souvent -santé des jeunes,
accès aux soins, gérontologie- d’autres sont propres à certaines régions -accidents iatrogènes en Alsace,
psychiatrie en Auvergne, éducation du patient en Bourgogne, asthme en région Centre, périnatalité en
Languedoc-Roussillon, environnement des soins en Pays de la Loire, …- Les PRAM ayant été très souvent
préparés à partir des programmes élaborés par les caisses de base, les divergences ont été limitées à quelques
cas pour lesquels les directeurs d’URCAM ont demandé des rectifications finalement acceptées par les
intéressés.
Les PRH, outre la reprise des priorités nationales, notamment celles relatives à la chirurgie ambulatoire,
comportent souvent une dimension institutionnelle avec la mise en place d’outils d’analyse et de gestion des
établissements et de suivi des recettes.
Cette politique de gestion du risque marque une évolution importante du rôle des services médicaux de
l’assurance maladie, plus habitués jusqu’ici au contrôle de la conformité des actes médicaux aux
nomenclatures et aux référentiels opposables qu’à l’évaluation et à l’analyse des pratiques collectives des
professionnels. Si l’ensemble des régimes ont admis cette évolution, la CANAM entend maintenir l’activité de
contrôle -que les médecins conseils du régime pratiquent traditionnellement de façon plus sévère que dans les
autres régimes-. Elle a ainsi demandé aux CMR de réserver d’abord les moyens du service médical au contrôle
de la mise en oeuvre des priorités inter-régimes (circulaire du 28 juin 1999). Cependant, cette divergence
traduit moins une différence d’approche que d’horizon temporel en matière de maîtrise des dépenses de santé.
L’action sur les pratiques collectives et les comportements ne donnera tous ses fruits qu’à moyen terme.
La relation ville-hôpital constitue un aspect important des PRAM. Elle constitue le point de contact entre
l’assurance maladie et les ARH. Toutefois, le peu de travaux méthodologiques développés sur ce sujet et
l'absence de système d'information expliquent, pour la CNAMTS, le fait qu'elle apparaisse plus comme un
thème d’étude que comme un ensemble d’actions bien définies. Le fait que les SROS de deuxième génération
aient été élaborés avant même que ces travaux aient abouti était inévitable dès lors que les pouvoirs publics
souhaitaient disposer d’un document d’orientation opposable pour relancer les restructurations hospitalières.
Le programme de travail des ARH devra tenir compte des résultats de ces travaux et la CNAMTS considère
qu'une coordination nationale pourrait être nécessaire.
C - Les priorités dégagées par les jurys des conférences régionales de santé
Les priorités dégagées par les jurys des conférences régionales de santé diffèrent profondément de celles des
ARH et des URCAM. Aucune ne concerne l’offre de soins ni la régulation des dépenses, et peu de pathologies
entrent dans les priorités, à l’exception du cancer et, dans quelques régions, des maladies cardio-vasculaires.
Les jurys mettent tous en avant les comportements qui agissent sur la santé. Dans toutes les régions, on
retrouve les mêmes thèmes : santé des jeunes, suicide, alcoolisme, précarité et accès aux soins des démunis.
Pour définir ces priorités, un certain nombre de jurys se sont placés du point de vue de l’usager. Mais cette
position reste minoritaire. D’ailleurs, ce n’est que dans un cas sur deux qu’elles découlent des débats des
conférences régionales. Le rôle des jurys apparaît donc essentiel. Ceux-ci estiment avoir pu travailler en toute
indépendance, tout en bénéficiant du support logistique de la DRASS. S’agissant des états généraux de la
santé, à l’occasion desquels des citoyens étaient appelés à s’exprimer directement, les jurys consultés se
partagent à peu près également entre ceux qui les considèrent complémentaires des conférences et ceux qui y
voient une redondance. Les présidents de jurys sont assez unanimes à considérer que les conférences
régionales de santé conduisent à accorder une attention plus grande à "la prise en charge de la dimension
sociale de la santé" et à "certaines populations particulières".
Les réponses à la question de savoir "si les travaux de la conférence régionale de santé ont ou non modifié
l’approche des problèmes de santé" des différents responsables et des praticiens sont d’ailleurs nuancées. La
réponse des jurys est majoritairement positive pour les DRASS et les caisses d’assurance maladie. Elle est
plus réservée en ce qui concerne les médecins et les professionnels de santé. Il faut noter que quelques ARH
ont traduit la lutte contre l’alcoolisme en mesures spécifiques dans le cadre de l’allocation des moyens -en
crédits et personnels- aux hôpitaux, mais le cas est loin d’être aussi fréquent que dans les priorités retenues par
les jurys.
La mise en place effective des comités régionaux de politique de santé (CRPS), créés par la loi du 29 juillet
1998, devrait permettre de renforcer la concertation entre les conférences régionales de santé et les services de
l'Etat, et d'assurer le suivi et l'évaluation des programmes régionaux de santé qui en découlent.
Les institutions régionales constituent un ensemble complexe qui reflète l’organisation du système national de
santé et d’assurance maladie autour de deux logiques, une logique de gestion publique hospitalière d’un côté,
une logique d’assurance maladie, de l’autre. Les ordonnances ont eu pour objectif d’amorcer des
rapprochements sans remettre en cause cette dualité. De fait, l’originalité de la démarche régionale réside dans
la "création d’un espace commun de débat" pour reprendre ici le jugement du président du jury de la
conférence régionale de santé de Rhône-Alpes. Les procédures qui obligent ARH, URCAM et conférences
régionales de santé à débattre conduisent les uns et les autres à sortir d’une approche par trop centrée sur
l’allocation des ressources de leur secteur et à réinsérer la prévention dans une démarche globale
d’appréhension de la santé. De ce point de vue, la région est bien un espace pertinent de débat mais aussi
d’actions sans que cela implique l’unicité des acteurs.
III – La Coordination régionale des études
La coordination des études, si elle est ressentie de façon assez générale comme une nécessité, soulève de
nombreuses difficultés. D’abord parce qu’il n’existe pas de lieu ni de responsable clairement identifié en
charge d’une telle coordination, ensuite parce que la définition même des thèmes d’étude pose problème. Les
observatoires régionaux de la santé (ORS) sont désormais des interlocuteurs reconnus et appréciés mais leur
rôle est limité et ne dépasse guère le constat de la situation sanitaire de la région, de l’offre de soins et de la
démographie médicale. Ils ont tous apporté leur contribution, à tout le moins par la mise à disposition de leurs
travaux habituels et, dans certains cas, par la conduite d’études
ad hoc
, pour les conférences régionales de
santé comme pour l’établissement des SROS.
Toutefois, la place des ORS reste mal définie. Bien que l’ensemble des partenaires s’y retrouvent, nul ne les
reconnaît comme un lieu possible de coordination des études ni même de définition d’un programme d’études.
En dehors des DRASS qui considèrent très majoritairement que ce rôle revient au préfet, les ARH et les
URCAM, tout en reconnaissant la nécessité d’une coordination, sont hésitantes quant à savoir qui doit en être
le maître d’oeuvre. En fait, les études restent étroitement liées à ces institutions qui ont en charge le
financement, la régulation et l'organisation de l'offre de soins. Eventuellement, elles peuvent en sous-traiter la
réalisation à l’ORS.
Dans l’immédiat, il faudrait encourager davantage les échanges sur les systèmes d’information et les études et
leur donner une large publicité de façon à éviter les redondances et à pouvoir pallier les lacunes les plus
importantes.
Les études régionales attachent une grande attention aux inégalités de santé. Mais peu vont au-delà du simple
constat. Alors que la maîtrise des dépenses de santé constitue un objectif majeur des politiques de santé et
d’assurance maladie, les études causales sur les déterminants des dépenses de santé sont l’exception. Une
seule URCAM, celle de la région Languedoc-Roussillon, dit avoir fait étudier les déterminants de l’accès aux
soins notamment entre milieu urbain et milieu rural et mis en évidence le lieu et le rôle de l’implantation des
spécialistes dans les différences de dépenses de soins.
L’approfondissement de ces domaines suppose des travaux méthodologiques qui relèvent sans doute du
niveau central et notamment, pour ce qui concerne l’Etat, des services d’études et de recherche du ministère.
Toutefois, les équipes de recherche en santé publique et en économie de la santé qui existent dans certaines
régions, pourraient également être mises à contribution. Elles sont indispensables si on veut éviter des discours
par trop abstraits sur la nécessaire réduction des inégalités dans l’accès aux soins en transformant la moyenne
de dépenses constatée en objectif désiré.
IV - Un cadre reconnu qu’il faut consolider et aménager
Les ARH et les URCAM ont en quelques années d’existence pris leur place au sein des régions et affirmé
l’existence d’un cadre régional qui n’avait guère de réalité jusqu’alors. La pertinence de celui-ci est reconnue
par tous, même s’il n’est pas exclusif d’autres niveaux de coordination et de décision, national d’un coté, local
de l’autre. Les responsables régionaux interrogés au cours de l’enquête sont unanimes à souhaiter une pose des
réformes et une consolidation des acquis. L’effort doit porter sur les aménagements qu’appelle le
renforcement de l’organisation de chacun des piliers, déjà évoqué.
Par ailleurs, la Cour juge qu'une réaffirmation de la mission de coordination inter-régimes de la gestion du
risque des URCAM pourrait s’accompagner de la possibilité offerte à des médecins conseils d’accéder aux
fonctions de directeur des unions.
A l’issue des groupes de travail ville-hôpital, des expérimentations, sur une base contractuelle, devraient être
envisagées entre les ARH et les URCAM pouvant donner lieu éventuellement à des financements
conjoints afin notamment d’expérimenter, au plan régional, une fongibilité entre les enveloppes sur la base de
projets précis.
Enfin, le pilotage régional ne peut dispenser les acteurs nationaux, Etat et assurance maladie, de la définition
d’une politique nationale. La politique de gestion du risque n’est qu’une composante de la politique de santé
publique. Elle devrait se concevoir dans le cadre d’une définition claire et stable des priorités de santé et
comporter trois volets : l’inclusion, en cours, dans le champ de l’ARH de l’ensemble des établissements ;
l’articulation entre médecine de ville et hôpital avec la création d’un espace d’expérimentation ; enfin, le
traitement intégré, ou pour le moins harmonisé, de l’hôpital et de la médecine de ville dans la gestion du
risque.
RECOMMANDATIONS
1. Dans le cadre de la mise en oeuvre des SROS, tenir compte des conclusions des travaux sur ville–hôpital.
Plus généralement, prendre toutes mesures d'organisation, d'études et de programmation au niveau régional
susceptibles d'atténuer la coupure entre soins de ville et hôpital.
2. Renforcer le recours aux agents du Trésor public pour les tâches de contrôle comptable des hôpitaux, sans
exclure la possibilité de détachement auprès des ARH.
3. Réaffirmer la mission de coordination régionale inter-régimes de la gestion du risque des URCAM et
mettre en place un niveau régional unique responsable de la gestion du risque dans le régime général.
4. Ouvrir aux médecins conseils la possibilité d’accéder aux fonctions de directeur d’URCAM.
Réponse
[100]
Ministère de l’emploi et de la solidarité, DAGPB, Vers une politique régionale intégrée de santé publique,
décembre 1998, et propositions du groupe de travail sur les organisations de référence des DRASS-DDASS,
janvier 2000.
[101]
Cf. sur ce sujet le rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre
1999.
[102]
CNAMTS, Analyse des SROS de seconde génération, janvier 2 000, document interne.
[103]
CNAMTS, Plan national inter-régimes de gestion du risque pour l’année 2000, circulaire du 30 septembre
1999.
Section III :
La connaissance des établissements de santé par les ARH
Depuis leur mise en place au début de l’année 1997, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) ont été
amenées à approfondir progressivement leur connaissance des établissements de santé pour mener à bien les
trois missions principales qui leur ont été confiées par l’ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de
l’hospitalisation publique et privée : l’allocation des ressources, la planification et la contractualisation avec
les établissements.
I – Le recueil de l’information sur les établissements de santé
A l’exception de quelques-unes, qui ont mis en place un suivi infra-annuel de l’activité, des effectifs ou des
dépenses engagées, les agences n’ont pas cherché à ajouter un système supplémentaire de recueil de
l’information à une production de données déjà abondante. En effet, le recueil en routine des données médico-
économiques issues du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), des données
administratives déclaratives contenues dans la statistique annuelle des établissements (SAE), en cours de
refonte, les remontées ponctuelles d’information effectuées à la demande du ministère (sur les tensions
budgétaires par exemple) et les documents obligatoirement produits par les établissements (comptes
administratifs et retraitements comptables entrant dans le calcul du point ISA, budgets et rapports
d’orientation budgétaire, bilans sociaux…) sont suffisants pour permettre aux ARH d’apprécier la situation
des établissements de manière relativement précise dans la plupart des domaines : spécialisation de l’activité,
lourdeur des cas pris en charge, aire de recrutement des patients, absentéisme et productivité du personnel,
situation financière… L’élaboration d’indicateurs à partir de ces sources soit en routine, soit en vue d’un audit
approfondi, est naturellement complétée par des visites dans les établissements, indispensables en ce qui
concerne la sécurité et la qualité des soins.
En outre, l’analyse de gestion hospitalière nationale (AGHN) issue du rapprochement des données produites
par la SAE et le PMSI, diffusée en ligne, permet aux agences comme aux établissements d’établir des
comparaisons sur le plan national, ce qui est nécessaire s’agissant des établissements peu nombreux (CHU et
centres de lutte contre le cancer), mais aussi lorsque le nombre régional d’établissements est trop restreint.
Malgré une certaine amélioration, des progrès restent à accomplir pour assurer la mise à disposition rapide des
ARH d’une information fiable, c’est-à-dire mise à jour dans des délais utiles s'agissant des fichiers
d'établissement (FINESS et FNE) et, d'une façon générale, effectivement contrôlée par les DRASS, les
DDASS et les CRAM. En effet, pour les données tant de la SAE que du PMSI, le contrôle de la qualité des
données semble hétérogène d’une région à une autre et les délais de production de la SAE sont encore trop
longs pour permettre une utilisation optimale de cet outil lors de la campagne budgétaire. Le rapprochement
des différents structures et services chargés de la maîtrise d’oeuvre des principales sources d’information
utilisées par les ARH, qu’envisage actuellement le ministère, contribuerait sans doute à l’amélioration de la
cohérence, de la qualité et de la rapidité de production des données.
II – L’exploitation de l’information par les ARH
Petit à petit, les ARH ont développé l’exploitation des sources d’information en fonction de leurs besoins et en
l’absence de méthodologie nationale. D’abord centrés sur l’élaboration d’une méthode de répartition de la
dotation régionale entre les établissements publics et privés participant au service public (établissements dits
"sous dotation globale"), les travaux menés au sein des ARH se sont orientés à partir de 1998 vers la révision
des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) et la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs
et de moyens, d’abord avec les cliniques privées, puis avec les établissements publics. A cette occasion, les
agences ont beaucoup développé l’analyse de l’activité des établissements et de leur productivité mesurée à
travers la valeur du point ISA ; l’analyse financière et le suivi des effectifs, en revanche, ont été plus
inégalement approfondis.
La préparation de la réduction du temps de travail dans les établissements de santé et le suivi de l’application
du protocole du 14 mars 2000 sur la modernisation du service public hospitalier devraient cependant conduire
les agences à accentuer l’attention portée aux questions de personnel. De même, l’attribution récente aux ARH
d’une compétence en matière de modulation des tarifs remboursés aux cliniques privées par l’assurance
maladie devrait les amener à examiner plus précisément le fonctionnement de celles-ci (sur cette attribution,
cf. chapitre II,
supra
, p. 89).
A - Une analyse de l’activité bien développée
La mise en place des agences régionales de l’hospitalisation (ARH) au début de 1997 a suivi de quelques mois
celle du recueil en routine des informations à caractère médico-économique produites par les services de court
séjour des établissements de santé à travers le PMSI : les agences ont dès lors été dotées d’un outil capable,
pour la première fois, de constituer une véritable aide à la décision en matière d’allocation budgétaire. La
valeur du point ISA, calculée pour chaque établissement et publiée désormais chaque année dans l’annexe b
au projet de loi de financement de la sécurité sociale, est en effet un indice de son coût unitaire ou, inversé, de
sa productivité globale. En effet, cette valeur est obtenue en divisant les dépenses réalisées pour prendre en
charge les patients admis en médecine, chirurgie ou obstétrique dans l'établissement par la production de
l’établissement en court séjour (obtenue en valorisant, par l'échelle nationale de coûts relatifs, les séjours de
l'établissement par groupes homogènes de malades).
Mais le PMSI ne se réduit pas à cette fonction. Rapidement, il est devenu un outil de dialogue entre les
établissements et les agences, dans la procédure d’allocation des ressources bien sûr, mais également en
matière de planification : analyse de l’activité des établissements en fonction des pathologies et de la lourdeur
des cas à rapprocher des besoins de la population et des équipements autorisés, mesure des taux de fuite et
d’attractivité par établissement et par spécialité à partir des données géocodées du PMSI… Plusieurs régions
(Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur) ont développé des outils d’analyse propres à partir des données
du PMSI, mais aucune méthodologie n’a fait l’objet d’une procédure de validation au niveau national.
De nombreuses enquêtes spécifiques préparatoires à l’élaboration des SROS de deuxième génération ont ainsi
intégré une analyse des données du PMSI (sur les SROS, cf.
infra
).
Le chaînage des séjours déjà mis en
oeuvre dans le secteur privé et dont le principe vient d’être accepté par la CNIL dans le secteur public
permettra lorsqu’il sera généralisé de suivre le parcours des patients dans le système hospitalier et donc le
développement des réseaux, ce qui présentera un intérêt tout particulier pour les activités pour lesquelles le
schéma régional d’organisation sanitaire prévoit une organisation graduée selon la spécialisation des plateaux
techniques (cancérologie, périnatalité). Associé à la SAE, le PMSI est devenu un outil apprécié en matière de
planification.
B - Une analyse de la gestion a approfondir
Si l’analyse de l’activité des établissements a été bien développée dans toutes les agences, l’analyse de la
gestion des établissements n’a pas fait l’objet de travaux aussi approfondis dans l’ensemble des ARH.
Les données examinées à l’occasion de la campagne budgétaire varient beaucoup d’une agence à l’autre,
essentiellement en fonction de deux critères : la part de l’enveloppe régionale attribuée en fonction de la
productivité des établissements et la vision de l’autonomie de gestion des établissements développée par
l’ARH. Alors que certaines établissent un dossier par établissement assez complet au moment de la campagne
budgétaire, incluant de nombreux indicateurs d’activité, des ratios d’analyse financière et une analyse de la
structure des coûts de l’établissement, d’autres se contentent d’une connaissance plus générale de la situation
des établissements pour moduler les dotations attribuées chaque année, portant seulement une attention
particulière aux établissements en difficulté.
La négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens est l’occasion pour les agences de
programmer la réalisation d’audits financiers et médicaux. Mais un petit nombre d’entre elles seulement ont
standardisé l’analyse conduisant à l’élaboration d’un diagnostic partagé par l’agence et l’établissement et
précisé le niveau des engagements à moyen terme devant figurer dans les contrats.
Les ARH n’ont pas toutes développé de collaboration étroite avec les trésoreries-paieries générales de région
pour effectuer une analyse financière des établissements publics, l’expertise des projets d’investissement ou le
suivi des dépenses engagées des établissements en télégestion. Les agences auraient sans doute intérêt à
développer ces partenariats, de même qu’avec les fédérations professionnelles représentant les cliniques
privées, de manière à renforcer leur expertise dans l’analyse financière des établissements publics et privés.
L’analyse des bilans sociaux gagnerait également à être standardisée par les agences, de manière à pouvoir
suivre efficacement la mise en oeuvre des restructurations, des politiques concernant certaines catégories de
personnel et de la réduction du temps de travail, la plupart des agences ne suivant pas l’évolution du GVT
dans les établissements.
En matière de gestion, l’investissement très inégal des agences s’explique par la variété des contextes locaux –
le suivi est plus précis pour les établissements dont les difficultés sont connues–, mais aussi en grande partie
par les compétences des membres de l’agence, c'est-à-dire de l'assurance maladie (CRAM) et des services
déconcentrés de l’Etat (DRASS et DDASS). Le retour d’information des ARH vers les établissements sur les
questions de gestion est également moins développé, alors que l’ensemble des ARH se sont attachées à
diffuser largement auprès des établissements les comparaisons et les analyses produites à l’occasion des
campagnes budgétaires, de la révision des SROS et de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens. En
effet, l’exploitation de l’information par les agences est davantage centrée sur la préparation des décisions que
sur le suivi de leur exécution.
III – La coordination des travaux
Les agences doivent faire face à deux difficultés : l’information est fragmentée entre de multiples sources et
systèmes dont la cohérence n’est pas assurée et les moyens techniques et humains mis à leur disposition ne
leur permettent pas toujours de développer une expertise suffisante en matière de gestion.
Pour y répondre et à la demande des agences, le ministère a lancé à l’automne 1997 le projet
PARHTAGE
,
concrétisation d’une partie du système commun d’information Etat-assurance maladie dont la création était
déjà prévue par la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. Engagée depuis trois ans maintenant, la
conduite du projet ne s’est pas limitée à l’établissement d’un cahier des charges en vue du déploiement d’une
application informatique, mais a inclus des réflexions de fond sur le traitement de l’information. De fait,
l’essentiel de la coordination des travaux menés par les agences est conçu dans le cadre du projet
PARHTAGE
,
ce qui pose problème, d'abord parce que c'est un peu réducteur, ensuite parce que le projet progresse trop
lentement.
A - Le projet PARTHAGE
Jugé très ambitieux par les agences, le projet
PARHTAGE
associe non seulement les agences et leurs membres
(DRASS, DDASS, CRAM, ERSM
[104]
) d’une part, et l’administration centrale d’autre part, mais également les
établissements publics et privés dans des groupes de travail qui comptent aujourd’hui quelque 90 personnes.
Recentré à la fin de 1998, le projet ne peut être mis en oeuvre rapidement en raison de la diversité du profil des
futurs utilisateurs de
PARHTAGE
et de l’absence de réflexion méthodologique préalable au niveau national
sur les conditions d'exercice par les ARH de leurs missions.
En effet,
PARHTAGE
n’est pas seulement destiné à répondre à des requêtes croisées sur des bases de données
directement accessibles, mais également à la production d’indicateurs en routine (dossier standard d’un
établissement, tableaux de comparaison) et à la diffusion de l’information auprès des établissements de santé
et du public. Outre les divergences de besoins exprimées par les agences et les établissements, les faiblesses
techniques du ministère ont entravé la progression de ce projet informatique, auquel n'ont été affectés que des
moyens restreints, tant sur le plan humain que financier.
En attendant la mise en oeuvre de
PARHTAGE
, les agences se sont organisées de manière indépendante en
fonction des compétences techniques et de la bonne volonté de leurs membres. Certaines agences ont
rapidement ressenti un besoin de communication fort en direction des établissements de santé et du public et
ont choisi de mettre en place un site Internet sans attendre la réalisation du projet national.
B - La mutualisation des expériences
Dans l’attente du déploiement de
PARHTAGE
, dont un premier module devrait être disponible en 2001, le
ministère s’est efforcé d’améliorer l’information des ARH par un enrichissement du site Internet du PMSI
(
www.le-pmsi.fr
) et par la transmission de données par CD-Rom. Mais la coordination des réflexions
méthodologiques et l’organisation de la mutualisation des expériences sont restées peu développées et les
agences ont, jusqu’à présent, peu tiré parti des discussions menées dans le cadre des groupes de travail
PARHTAGE.
En l’absence d'une procédure d’évaluation des agences, le ministère n’a pas réalisé de bilans portant sur les
méthodologies utilisées par les agences dans l’exercice de leurs missions. A titre d’exemple, les bilans de
campagne budgétaire adressés par les agences au ministère ne permettent pas d’établir dans quelle mesure il
est tenu compte du PMSI pour le calcul de la dotation accordée à chaque établissement. Tant en matière
d’allocation des ressources que de planification ou de contractualisation, les recommandations élaborées par le
ministère en collaboration avec les ARH restent très générales et portent principalement sur la nécessité de
concertation entre les agences et les établissements de santé.
Travaillant également dans l’urgence, l’administration centrale du ministère n’exerce pas suffisamment la
fonction de coordination des réflexions, de validation et de diffusion des initiatives, qui devrait être la sienne
afin de faciliter la tâche des agences.
De son côté, la CNAMTS semble souhaiter s’impliquer davantage sur le plan méthodologique dans
l’animation du réseau des CRAM et des ERSM, qui réalisent un travail important pour le compte des agences
concernant les établissements publics comme privés.
Si les agences ont, dans l’ensemble et petit à petit, plutôt réussi à faire travailler ensemble régionalement les
services de l’Etat et l’assurance maladie sur les questions hospitalières, la synergie reste limitée au niveau
national et les divergences entre ARH fortes, comme en témoignent les débats sur l’utilisation des grilles
d’évaluation comparative des structures et services hospitaliers élaborées par la CNAMTS. L’exercice de la
tutelle gagnerait beaucoup à une meilleure coordination entre l’Etat et l’assurance maladie au niveau national,
par exemple en matière de suivi des SROS et des contrats d’objectifs et de moyens.
RECOMMANDATIONS
1. Accélérer la mise à jour des fichiers d’établissements et la mise à disposition en région des informations
soumises à une validation nationale (SAE, PMSI, AGHN) et développer au niveau régional le contrôle de
qualité des données produites par les établissements, et mettre en place dès que possible le chaînage des
séjours décrits par le PMSI.
2. Améliorer la coordination et l’animation des travaux menés par les agences, et valider au niveau national
les méthodes expérimentées avec succès en région.
3. Respecter le calendrier prévu pour le déploiement de PARHTAGE, si nécessaire en accroissant les moyens
qui sont consacrés à ce projet et en privilégiant les besoins des ARH par rapport à ceux exprimés par les
établissements de santé et l’administration centrale.
Réponse
[104]
Echelon régional du service médical (médecins conseils de l’assurance maladie)
Section IV :
L’évolution des schémas régionaux d’organisation sanitaire
La première génération de SROS, élaborés par les préfets (en fait les DRASS), a couvert la période 1994-
1998. La révision des schémas, engagée en mars 1998, a débouché sur les SROS dits de deuxième génération
couvrant la période 1999-2004. Elle a été préparée par un comité national de pilotage placé auprès du
directeur des hôpitaux en application d’un arrêté du 26 mars 1998 relatif au contenu des SROS et une
circulaire du même jour.
Afin de préparer les SROS 2, les ARH ont d’abord établi un "document de cadrage" qui comportait
notamment le bilan des SROS 1 et l’état des problèmes d’organisation et de fonctionnement des soins
hospitaliers propres à la région. Ensuite, elles ont élaboré un "rapport d’orientations stratégiques" définissant
les priorités retenues par le futur schéma. La troisième étape a consisté à élaborer les schémas qui ont tous été
publiés au cours du deuxième semestre 1999.
La comparaison entre les SROS 1 et 2 révèle des évolutions dans l’approche des problèmes et dans le contenu
même des schémas. Par ailleurs, la question se pose de la portée des SROS et de leur articulation avec les
autres documents de programmation régionale en matière de santé.
I – Entre les deux générations de SROS : une approche renouvelée pour des objectifs
identiques
Les deux générations de SROS ont été élaborées en application des textes issus de la loi de 1991. Dès lors,
leur objectif essentiel est toujours de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins
hospitaliers. Plus précisément, aux termes de l’article L. 712-3 du code de la santé publique, le SROS
"détermine la répartition géographique des installations et activités de soins définies à l’article L. 712-2 qui
permettrait d’assurer une satisfaction optimale des besoins de la population".
Les premiers SROS sont donc partis de l’offre hospitalière existante pour tenter d’en améliorer l’organisation
à partir de quelques principes : le renforcement des équipes médicales et des moyens médico-techniques des
hôpitaux de moyenne proximité, la structuration des établissements en réseaux avec plusieurs niveaux
hiérarchisés de complexité. La graduation des moyens en trois niveaux (régional, pôle de référence au niveau
du secteur sanitaire et établissement de proximité) a inspiré la plupart des décisions prises depuis 1994. Il
s’agissait ainsi à la fois d’améliorer l’accès aux soins hospitaliers par le maintien et la diffusion de soins
hospitaliers courants sur des sites de proximité immédiate et de favoriser la sécurité et la qualité des soins.
Enfin, la régulation des coûts était un objectif présent dans neuf SROS sur dix.
Par contre, la relation entre les besoins de santé et l’offre de soins n'y a trouvé qu'une place modeste en raison
des difficultés méthodologiques et de l’absence de définition de ces besoins. Toutefois, certains SROS
comportaient une analyse des données épidémiologiques de la région et la définition d’objectifs de santé.
Pour les SROS 2, la circulaire du 26 mars 1998 assignait aux schémas trois objectifs : l’amélioration de la
prise en compte par l’offre hospitalière des besoins de santé, le développement de la complémentarité entre les
différents segments de l’offre (médecine hospitalière, médecine de ville, prise en charge médico-sociale) et
l’accélération de la recomposition du tissu hospitalier. Les principes d’action qui devaient guider la révision
des schémas étaient notamment l’approche globale de la santé, le choix de quelques priorités, la recherche
d’efficacité ainsi que le respect de l’autonomie des acteurs.
Les SROS 2 s’inscrivent, en effet, à la différence des premiers, dans un contexte caractérisé par l’émergence
d’une politique de santé publique, prenant appui sur les travaux du haut comité de la santé publique et des
conférences régionales et nationale de santé. Désormais, des priorités nationales de santé sont fixées par le
rapport annexé à l’article 1
er
de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), tandis que l’expression
régionale de certains des besoins de santé identifiés par les conférences régionales trouve sa place dans les
programmes régionaux de santé (PRS)
[105]
.
D’autre part, les SROS 2 ont été élaborés dans un contexte de régulation financière renforcé par la LFSS
annuelle. Au-delà des instruments traditionnels de planification que sont les autorisations accordées sur la base
de la carte sanitaire
[106]
, l’allocation de ressources aux établissements, l’approbation des projets
d’établissement et la négociation entre les établissements hospitaliers et les ARH des contrats pluriannuels
d’objectifs et de moyens constituent autant d'instruments importants pour conduire le redéploiement
hospitalier.
II - contenu plus qualitatif pour la deuxième génération
Les SROS 1 avaient un contenu plutôt quantitatif se traduisant essentiellement par la répartition géographique
des installations et équipements matériels lourds. Pour aborder le sujet, ils avaient, dans tous les cas, privilégié
la description de l’offre de soins (23 sur 25), puis l’analyse des flux de malades (21), la réduction des
excédents de la carte sanitaire (14), les problèmes de santé (15). Parmi ceux-ci, ont émergé le cancer, les
pathologies cardio-vasculaires et l’insuffisance rénale chronique, l’alcoolisme et le suicide, l’accidentologie.
L’examen des SROS 1 montre que la plus grande liberté avait été laissée aux DRASS pour concevoir et
organiser le document, sous réserve de la présence de volets obligatoires et d’une annexe. Les volets prévus
par l’arrêté du 31 mars 1992 devaient porter sur des disciplines ou des modes d’intervention (par exemple les
urgences). Par ailleurs, l’annexe au schéma prévue par l’article L. 712-3-1 du code de la santé publique
"élaborée selon la même procédure indique, compte tenu de la nature et de l’importance de l’ensemble de
l’offre de soins existants au moment où il entre en vigueur, et des objectifs retenus par le schéma, les
créations, les regroupements, les transformations ou suppressions des installations, des unités qui seraient
nécessaires à sa réalisation. L’annexe est un document à caractère indicatif". Ainsi, alors que le schéma
donnait les grandes orientations de la recomposition par discipline, par secteur sanitaire, l’annexe précisait, à
titre indicatif, la localisation par établissement des opérations à conduire.
Par ailleurs, les DRASS avaient élaboré des référentiels régionaux d’organisation des soins, par exemple sur
l’accessibilité, la gradation des niveaux de technicité des établissements, la qualité du service rendu. Il en était
résulté une grande diversité selon les régions.
Dans le cadre des objectifs généraux ci-dessus rappelés, les SROS avaient privilégié au titre de la
recomposition du tissu hospitalier : les urgences (22 régions), les équipements lourds et la réanimation (21),
mais aussi l’obstétrique (19) et la chirurgie (17). S’agissant de la diffusion des soins hospitaliers courants sur
des sites de proximité, les domaines privilégiés avaient concerné les soins généraux et les consultations
avancées de spécialités dans presque toutes les régions, l’hébergement médicalisé des personnes âgées dans
deux régions sur trois, le moyen séjour dans la moitié des régions, l’alcoologie dans trois régions sur dix et la
réadaptation dans une région sur cinq.
Outre ces objectifs généraux, les SROS avaient retenu des priorités particulières qui peuvent être regroupées
en trois catégories :
Les priorités particulières des SROS 1994-1998
Liées à la répartition
géographique
1. Accessibilité : 5
En termes de distance/temps, en région montagneuse, rééquilibrage
centre/périphérie, variation saisonnière d'activité.
2. Equité : 2
Réduire les inégalités inter-régionales et infra régionales et répondre
aux besoins des populations démunies
Liées à l'offre
3. Réduire les excédents
: 2
4.
Adapter le dispositif de soins
- fonctionnement des urgences :1
- réseau de soins : 7
- approche quantitative par spécialités : 1
- diversification des modes de prise en charge
*alternatives à l’hospitalisation : 3
*lien ville-hôpital : 1
*articulation sanitaire /médico-social/social : 3
- développement des complémentarités entre
établissements : 4
- requalifier les lits : 1
Liées à des
problématiques de santé
5.
Insuffisance rénale chronique
: 1
6
.
Accidentologie
: 1
7
.
Cancérologie
: 2
8
.
Pathologies cardio-vasculaires
: 2
9
.
Prévention et éducation pour la santé
: 2
10
.
Personnes âgées
:
2
Source : données issues du document "Résultats de l’analyse des SROS" de la direction des hôpitaux (mai 1996).
Les nombres indiquent le nombre de régions ayant retenu la priorité.
Les SROS 2 ou schémas de seconde génération adoptent une approche plus orientée sur les besoins de santé
de la population et se présentent davantage comme des documents d’orientations médicales que comme un
catalogue de mesures à prendre. Dès lors, la planification prévue dans les SROS 2 a été un exercice de choix
de priorités sous contrainte financière.
L’abrogation de l’arrêté de 1992 qui définissait un contenu obligatoire pour les SROS a permis aux ARH
d’intégrer dans les schémas des priorités en relation avec les besoins locaux. Les SROS comportent ainsi
différents volets intégrés ou autonomes correspondant, soit aux priorités régionales, soit aux priorités
nationales, telles que les urgences et la périnatalité. Mais les SROS ne sont pas encore tous complets, des
volets étant en cours d’élaboration dans certaines régions
: ainsi, pour la chirurgie en Ile-de-France.
Par ailleurs, les annexes ont été rendues opposables par l’ordonnance hospitalière de 1996. Dans le cadre des
réflexions préalables à la révision des SROS, la question s’était posée de la nécessité de prévoir dans des
annexes l’organisation spatiale des activités hospitalières, en plus de la définition des grands problèmes de
santé régionaux. On avait conclu que la répartition spatiale des activités et équipements dans le SROS était
nécessaire pour en décliner les objectifs et aussi pour donner aux ARH un cadre à leurs décisions en matière
d’autorisations. Mais les annexes devaient désormais se limiter aux opérations pour lesquelles la modalité
envisagée (fusion, reconversion, etc) était incontestable et notamment quand les solutions contractuelles
n’avaient pas abouti. L’idée d’opposabilité était comprise comme une forte incitation à entrer dans une
démarche de négociation.
L'analyse des SROS 2 montre que les annexes opposables ont perdu leur caractère prospectif dans la mesure
où, précisément, l’inscription d’une opération la rendrait opposable à l’établissement et risquerait de faire
échouer des négociations en cours. Dès lors, les annexes, à l’exception de quatre SROS, ne présentent plus
d’opérations portant sur des établissements explicitement nommés, mais mentionnent par secteur sanitaire et
par discipline les moyens à regrouper, à supprimer ou à reconvertir dans les bassins de santé ou les villes.
Si cette évolution du contenu des SROS s’explique sans doute par le caractère opposable des annexes, elle
résulte aussi du fait que les objectifs du SROS ne nécessitent pas forcément, pour leur mise en oeuvre, des
opérations de recomposition : la mise en place de nouvelles pratiques, des mutations internes aux
établissements et la mise en réseau des acteurs de soins peuvent y concourir. Ainsi, l’organisation des soins en
trois niveaux, par exemple pour la cancérologie (cf. sur ce point le chapitre suivant,
infra
,
p. 283), avec un pôle régional de référence, des centres orientés cancérologie et des centres de proximité, ne
nécessite pas toujours des opérations lourdes de restructuration.
La révision des SROS a pu s’appuyer sur des référentiels fixés au niveau national : ainsi, les décrets du 9 mai
1995 et du 30 mai 1997 sur les urgences ont tracé les grandes lignes d’organisation et défini les normes de
fonctionnement d’un dispositif dont les premières autorisations interviennent en 1999 ou 2000. Les schémas
d’organisation des urgences hospitalières devaient d’ailleurs intervenir avant le 30 novembre 1998, date qui
n’a été que rarement respectée. Par ailleurs, le décret du 9 octobre 1998 sur la sécurité périnatale a prévu la
fermeture des établissements ne pouvant répondre aux nouvelles normes. Les autorisations relatives aux
activités d’obstétrique, de néonatologie et de réanimation néonatale devront intervenir au plus tard le 10
octobre 2000. En revanche, le décret relatif aux normes applicables à la réanimation n’est pas encore paru. Les
ARH ont pu également, s’agissant des pratiques médicales, s’inspirer des référentiels produits par l’ANAES.
A l’avenir, elles disposeront des référentiels d’organisation ou de processus qui résulteront de la démarche
d’accréditation. Les ARH ont également pu concevoir des référentiels régionaux adaptés aux spécificités
locales. Mais ils ne peuvent être opposés aux établissements dans le cadre de décisions d’autorisations.
Les priorités des SROS 1999-2004
Disciplines
MCO : 13
psychiatrie : 4
Soins de suite : 16
Chirurgie ambulatoire : 6
Alternatives à l’hospitalisation complète : 5
Thèmes
Urgences : 25
Périnatalité : 21
Réanimation : 4
Insuffisance rénale
chronique : 11
Cardiologie : 17
Cancérologie : 24
Médecine interne : 1
Diabétologie : 2
Prévention/éducation santé : 4
Suicide : 3
Douleur : 9
Soins palliatifs : 9
Alcool/tabac : 5
Organisation
Accessibilité géographique :
9
Personnes âgées : 13
Jeunes : 1
Coordination des soins : 19
Gestion des risques : 4
Qualité des soins : 4
Technologies/communication : 4
Source : "La révision des SROS", direction des hôpitaux, novembre 1999.
Les nombres indiquent le nombre de SROS ayant retenu la priorité.
Les SROS 2 ont donc été recentrés sur des priorités régionales, ainsi que sur la prise en compte des priorités
définies au niveau national, telles que la réorganisation de la périnatalité, des urgences et de la cancérologie.
Par ailleurs, ils ont mis l’accent sur l’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins, en s’efforçant de
concilier ces principes avec le maintien d’une offre de proximité pour les soins courants. Enfin, ils ont défini
une offre adaptée à la prise en charge de besoins spécifiques, tels que les soins palliatifs, le traitement de la
douleur, l’insuffisance rénale chronique et l’urgence. Sur ce dernier point, la majorité des SROS prévoient
d’améliorer la prise en charge pré hospitalière et l’implication des médecins libéraux dans le dispositif de
permanence des soins.
L’examen des priorités retenues par les SROS montre l’accent mis sur les malades et les pathologies :
III - La portée des SROS et Leur articulation avec les autres programmations régionales
de santé
L’examen des SROS 1 et 2 révèle une continuité naturelle dans les objectifs. Mais ceux-ci sont désormais
mieux reliés aux priorités régionales de santé, ce qui peut expliquer l’hétérogénéité des documents d’une
région à l’autre.
Les différences de tonalité s’expliquent aussi par le stade d’avancement différent, selon les régions, de la
recomposition du tissu hospitalier. Ainsi, dans celles où les structures de médecine, chirurgie, obstétrique ont
déjà été largement recomposées en application du SROS 1994-1998, les SROS révisés portent davantage sur
la rationalisation d’activités plus spécialisées, telles que la cardiologie, la chirurgie orthopédique,
l’insuffisance rénale chronique, etc.
La portée des SROS est difficile à qualifier. Ce sont avant tout des documents stratégiques dont les
orientations guident l’action des ARH et influent sur le contenu des projets des établissements. Sur le plan
juridique, ils ne sont opposables que pour autant qu’ils mettent en oeuvre des normes et références prévues par
des textes réglementaires. Comme indiqué, les annexes sont opposables mais, sauf exception, elles ne
désignent pas explicitement les établissements concernés par les opérations. Lorsque les regroupements ou
rapprochements sont prévus dans une aire géographique définie précisément, les établissements visés
sont,
certes, aisément identifiables. Même si le texte de l’annexe ne peut pas leur être juridiquement opposé, les
établissements doivent cependant en tenir compte dans leurs projets.
Le SROS apparaît donc comme un cadre pour des actions dont la mise en oeuvre passera par les allocations
budgétaires, l’approbation des projets d’établissement et la négociation des contrats d’objectifs et de moyens.
Il a le mérite de poser les problèmes clairement et de déterminer des orientations assez précises qui ont été
arrêtées à l’issue d’un large débat associant les principaux acteurs concernés par la santé dans la région. Il
s’est agi soit d’instances existantes, telles que les CROSS et les conférences sanitaires de secteur, soit
d’instances spécifiques mises en place pour préparer le SROS. Toutefois, il reste à trouver, pour l’avenir, le
moyen d’y associer plus étroitement les usagers des hôpitaux.
C'est essentiellement à travers les résultats de l’action des ARH en termes d’évolution de l’organisation des
soins et des pratiques médicales que l'on pourra
a posteriori
apprécier la portée des SROS2. Il reste que les
ARH n’ont aucun moyen d’action sur la médecine de ville. Leur capacité à mettre en présence les acteurs et à
faire déboucher des projets de coopération et de complémentarité ville-hôpital dépendra donc du contexte
local et de leur savoir-faire.
Le bilan de l’application des SROS 1 n’a pas été effectué au niveau national, alors qu’il a été réalisé dans
chaque région. Par contre, le bilan de la recomposition du tissu hospitalier est donné chaque année dans une
annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un
bilan d’application des SROS, mais d’une analyse quantitative et qualitative des opérations achevées, en cours
ou programmées, cette étude retrace bien l’activité que les ARH déploient à partir des objectifs des SROS et
des priorités de santé.
Pour les SROS 2, des critères d’évaluation ont été prévus sous la forme d’indicateurs physiques de réalisation.
Un comité de suivi des SROS placé au niveau ministériel examinera périodiquement un bilan d’exécution des
schémas.
Poser la question de la portée des SROS revient également à s’interroger sur leur place au sein de l’ensemble
des programmations régionales sur la santé (cf. chapitre précédent,
supra
, p. 227 et précédemment dans ce
chapitre). En se limitant aux plans et programmes édictés par les services de l’Etat (l’assurance maladie
concevant également ses programmes régionaux), peuvent être cités : les programmes régionaux de santé
(PRS) qui reprennent tout ou partie des
priorités fixées par les conférences régionales de santé en associant
aux actions prévues des moyens de financement, les programmes régionaux pour l’accès à la prévention et aux
soins des personnes les plus démunies (PRAPS) et enfin les schémas de services collectifs sanitaires.
L’articulation de ces instruments mériterait d’être clarifiée.
Les SROS ont été créés par une loi de 1991. Les autres instruments sont plus récents : les PRS ont été prévus
par une circulaire de novembre 1997, les PRAPS par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte
contre les exclusions et un schéma des services collectifs sanitaires par la loi d’orientation pour
l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999. Dans la pratique, les autorités
régionales ont institué les relations nécessaires entre les démarches SROS, PRS et PRAPS. Les SROS révisés
partent désormais des besoins de santé et des priorités définies par les conférences régionales de santé. Ils
reprennent donc, pour leur mise en oeuvre hospitalière, ceux des objectifs ayant fait l’objet d’un PRS. De
même, ils intègrent le plus souvent l’accès aux soins des personnes démunies et donc la création dans les
hôpitaux des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) conformément aux instructions de la circulaire
du 17 décembre 1998. Par contre, la place du schéma des services collectifs sanitaires,
à l’élaboration duquel
les préfets de région ont contribué, est pour le moins incertaine. Ainsi, la DRASS de Franche-Comté a produit
un document à l’automne 1999 en précisant qu’il traitera essentiellement d’aspects non hospitaliers et qu’il
s’agit de compléter le SROS, tout en prenant en compte le PRAPS, pour favoriser la prise en charge globale
des problèmes de santé de la population. Ce projet prend la forme d’un catalogue d’objectifs ciblés sur des
catégories de populations et des problèmes spécifiques. Un rappel est fait des moyens financiers existants
susceptibles d’être mobilisés. La valeur ajoutée d’un tel document reste à démontrer, dès lors qu’il ne peut pas
traiter de la mise à disposition de la population des moyens de soins ambulatoires et de leur articulation avec
l’hôpital et que des ressources particulières ne sont pas affectées à sa réalisation.
Si l’articulation des SROS avec les PRS et PRAPS ne devrait pas être trop difficile, il faut déplorer en
revanche qu’ils ne traitent que marginalement des soins de ville, secteur sur lequel les ARH ne sont pas
compétentes, et que les schémas de services collectifs sanitaires ne peuvent utilement aborder.
SYNTHESE ET RECOMMANDATION
La seconde génération de SROS adoptés pour les années 1999 à 2004 témoigne d’une démarche plus
qualitative intégrant les priorités de santé publique désormais définies tant au niveau national qu’au plan
régional. L’accent est mis moins directement sur la recomposition du tissu hospitalier et davantage sur la
définition d’orientations centrées sur les besoins de la population et les pathologies. La mise en oeuvre de ces
orientations n’exige pas toujours des opérations de restructuration et les ARH disposent désormais pour
conduire celles-ci d’autres outils de programmation, tels que les allocations budgétaires, les projets
d’établissement et les contrats d’objectifs et de moyens. Le SROS est donc un document d’orientations
stratégiques destiné à guider l’action des ARH pendant cinq ans. En pratique, les autorités régionales ont
institué les relations nécessaires entre les différentes démarches de programmation régionale en matière de
santé. Cependant, l’articulation des instruments mériterait d’être clarifiée. Par ailleurs, si les SROS prévoient
le développement des complémentarités et des coopérations entre l’hôpital et la médecine ambulatoire, les
ARH ne disposent d’aucun pouvoir ni moyen d’action à l’égard de celle-ci.
RECOMMANDATION
Clarifier les rôles respectifs et l’articulation des divers cadres de programmation régionale en matière de
santé, et notamment la place des schémas de services collectifs sanitaires.
Cette section n'a pas appelé de réponse
[105]
Sur tous ces aspects, cf. chapitre précédent,
supra
, p. 227, et la deuxième section de ce chapitre.
[106]
Selon la loi du 31 décembre 1970, la carte sanitaire fixe par secteur sanitaire les capacités d'offre de soins
hospitaliers opposables à partir de la prévision de lits et places par personne.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE VII
La mise en oeuvre de la politique de santé :
l’exemple de la lutte contre le cancer
Les communications du Haut comité de santé publique, la tenue annuelle des conférences nationale et
régionales de santé et la remise au Parlement, chaque année, d’un rapport du gouvernement sur les
orientations de santé annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale rendent compte d’une
extension du champ de la santé publique qui va bien au-delà de la lutte contre les maladies transmissibles ou
de la sécurité sanitaire. Il recouvre désormais une grande partie des actions collectives sur les déterminants de
l’état de santé et englobe l’organisation et le financement du système de soins.
L’Etat et l’assurance maladie commencent à se doter des moyens d’élaborer et de mettre en oeuvre une
politique de santé définissant des priorités et des objectifs fondés sur des critères médico-économiques et une
réflexion sur l’évolution des comportements des individus et des professionnels de santé.
La Cour a cherché à apprécier l’état d’avancement de cette amorce de politique globale de santé en France.
Elle a choisi pour conduire son analyse d’examiner la politique mise en oeuvre pour une pathologie
particulière, en l’espèce le cancer. L’approche de la santé par pathologie est récente. Elle figure dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 au titre de la lutte contre les maladies aux conséquences
mortelles évitables (article 20). Elle n’est pas familière à la direction générale de la santé (DGS) qui raisonnait
jusqu’à sa récente réorganisation essentiellement en terme de populations.
Les observations formulées par la Cour s’appuient sur les résultats d’enquêtes conduites tant au niveau
national que local. Les interlocuteurs nationaux de la Cour ont été principalement les directions concernées du
ministère en charge de la santé, l’assurance maladie, la fédération des centres de lutte contre le cancer
(FNCLCC) et la Ligue nationale contre le cancer
[107]
; des investigations ont également été menées au plan
local, soit par des discussions sur le terrain (quelques ARH, URCAM, gestionnaires des registres,
établissements de soins publics et privés) soit par questionnaires, notamment auprès des CHU et des CLCC.
Les conclusions qui suivent peuvent faire l’objet d’une double lecture : une appréciation de la politique
française de lutte contre le cancer et des moyens qui lui sont consacrés d’une part
[108]
, un examen critique des
outils disponibles pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de santé ainsi que des rôles respectifs des
différents intervenants : Etat, assurance maladie, professionnels de santé et secteur associatif, d’autre part.
La lutte contre le cancer : une priorité nationale
La lutte contre le cancer est présentée en France par les pouvoirs publics comme une priorité. En 1996, trois
des dix priorités identifiées par la CNS concernaient directement ou indirectement le cancer ; en 1997, la CNS
a pris le cancer comme exemple de maladie pour laquelle une organisation optimale des soins est
indispensable. Dans son rapport "La santé en France - 1994-1998", le Haut comité de santé publique avance
des conclusions semblables et met l’accent sur le cloisonnement du système de santé, en particulier en ce qui
concerne le dépistage, la formation des professionnels et l’information des usagers
.
Les rapports annexés aux
lois de financement de la sécurité sociale des années 1998, 1999 et 2000 reprennent les conclusions des
conférences de santé et expriment la volonté du gouvernement et du Parlement d’améliorer les performances
du système de lutte contre le cancer (cf. sur tous ces points chapitre V,
supra
, p. 227).
Les cancers représentent en effet un problème majeur de santé publique. Ils constituent la deuxième cause de
mortalité en France et la première de décès prématuré (avant 65 ans). L’incidence estimée des cancers en
France a augmenté de 40 % en vingt ans ; le nombre de nouveaux cas diagnostiqués dans l’année est passé de
171 232 en 1975 à 239 787 en 1995. La probabilité d’avoir un cancer au cours de la vie s’élève aujourd’hui à
près de 47 % pour les
hommes et à près de 37 % pour les femmes : la probabilité la plus forte pour les
hommes concerne le cancer de la prostate et celui du poumon et pour les femmes, le cancer du sein et le
cancer colorectal
[109]
. La prévalence des cancers devrait mécaniquement s’accroître au cours des années à
venir du fait du vieillissement de la population. Les disparités régionales sont très marquées, tant en ce qui
concerne la mortalité que les données d’incidence (cartes ci-après). Dans les deux cas, la situation est plus
critique dans la moitié nord du pays, la zone la plus touchée allant de la Bretagne à l’Alsace en passant par le
Nord-Pas de Calais où la surmortalité masculine atteint 26 %.
Le plan gouvernemental de lutte contre le cancer annoncé le 1
er
février 2000, intégrant recherche, prévention,
dépistage, soins et aide aux malades, donne une présentation cohérente des politiques mises en oeuvre.
Auparavant, les politiques les plus structurées n'ont concerné que la prévention, et tout particulièrement la
lutte contre le tabac avec la loi du 10 janvier 1991.
Les politiques mises en oeuvre
Les dispositions prises pour organiser la lutte contre le cancer se sont additionnées en se superposant. Trois
exemples illustrent cette appréciation.
L’organisation de la politique de dépistage en est le premier. L’ordonnance de 1945 créant les centres de lutte
contre le cancer
[110]
(CLCC) leur confie une mission de dépistage des malades. Un article de la loi de finances
pour 1964, toujours en vigueur, précise pour sa part que le dépistage précoce des affections cancéreuses est
organisé dans chaque département dans le cadre du service départemental d’hygiène sociale et que le
financement de cette action s’impute sur le budget du département. La décentralisation n’a pas modifié cette
organisation. Enfin, en 1999, les programmes de dépistage organisés financés par l’assurance maladie et les
départements sont confiés à des organismes d’ailleurs non précisés sans que soient remis en cause le dispositif
antérieur. Au total, cette addition de compétences sur un même sujet conduit à s’interroger sur la politique
réellement souhaitée en matière de dépistage.
L’organisation des soins est un deuxième exemple de superposition d’approches. Le code de la santé publique
n’évoque que les centres de lutte contre le cancer dont les missions et les moyens sont entièrement consacrés à
cette pathologie. Pourtant, depuis 1959, s’est développée une autre approche, par "spécialité d’organes" qui est
celle des CHU. Les deux types de structures ayant également vocation à l’excellence, s’est ainsi installée une
compétition entre les CLCC et les CHU qui constitue une spécificité française. Au-delà de ceux-ci, c’est
l’ensemble des établissements de santé, publics et privés qui assure des soins aux malades en application des
articles L.711-1 et L.711-2 du code de la santé publique.
Enfin, si la politique esquissée en 1997-1998 à travers diverses circulaires dont celle du 24 mars 1998 relative
à l’organisation des soins en cancérologie, tend à rationaliser et améliorer la prise en charge des patients, elle
ne précise pas l’articulation entre une organisation des soins graduée qui classe les établissements dispensant
les soins en fonction de leur degré de concentration technique et de moyens de réponse aux besoins, et une
approche par les réseaux qui tend à introduire des relations horizontales et contractualisées entre les
établissements.
Section I :
les fondements de la politique de lutte contre le cancer
L’information nécessaire à l’élaboration d’une politique cohérente de lutte contre le cancer n’est pas encore
disponible en France. Même lorsque les données existent, leur exploitation est insuffisante pour autoriser une
réflexion sur la corrélation entre les besoins de santé et l’offre de soins. Les moyens financiers engagés tant
pour la prévention que le dépistage, sont mal connus ; ceux consacrés aux soins sont encore plus difficiles à
évaluer.
I – Les besoins de santé et l’offre de soins
A – Les données épidemiologiques et les filières de soins
En France, plusieurs sources sont susceptibles de fournir des informations sur l’ampleur du fléau que
représentent les cancers et sur leur prise en charge. Mais ces sources d’information sont non coordonnées,
rarement recoupées entre elles et elles restent incomplètes, notamment en ce qui concerne les modalités de
prise en charge des personnes atteintes de cancer.
1. Mortalité et incidence
Les informations sur la mortalité par cancer sont les seules informations enregistrées de manière exhaustive
sur l’ensemble du territoire. Elles sont collectées par l’INSERM à partir de l’analyse des informations -parfois
imprécises- des certificats de décès. En ce qui concerne l’incidence
[111]
, les données ne sont recueillies de
manière exhaustive par des registres
[112]
que sur une partie du territoire, sans que l'échantillon couvert soit
représentatif de la population générale (carte ci-après). Il existe une dizaine de registres généraux des cancers
en métropole qualifiés par le comité national des registres, et huit registres spécialisés dans l'étude de certains
cancers (carte ci-après). La qualification récente des registres aquitains (mésothéliome) et de Loire-atlantique-
Vendée (registre général), vise à mieux couvrir l'ouest du pays. Jusqu'en 1996, le développement des registres
a, en effet, été laissé à l'initiative individuelle, les pouvoirs publics exploitant insuffisamment leurs travaux
jusqu'à présent. Pour disposer d'un échantillon représentatif, ce qui est essentiel, il conviendrait d'avoir une
politique plus incitative, comme on le voit dans certains pays (cf. encadré).
La situation à l’étranger en matière d’épidémiologie et d'information du public
Dans certains pays, la politique de lutte contre les cancers est fondée sur une culture de
santé publique qui fait davantage de place à l’épidémiologie et à l’information du public.
Certains pays ont créé des registres des cancers de manière à couvrir 100 % de leur
population ; mais celle-ci ne dépasse guère cinq millions d'habitants (Danemark,
Finlande, Slovaquie par exemple). Dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, où le
programme fédéral de soutien aux registres est doté de 150 MF, les registres étudient un
échantillon constitué de manière à être représentatif de la population nationale. En
Grande-Bretagne, le National Health Service finance un registre par région.
Contrairement à la France où le développement des registres ne s’est pas fait à
l’initiative des pouvoirs publics, les pays anglo-saxons et scandinaves ont organisé la
couverture du territoire par les registres de morbidité de manière à pouvoir utiliser les
travaux de ceux-ci pour planifier l’évolution de l’offre de soins et évaluer les pratiques
de soins.
Aux Etats-Unis et au Canada par exemple, l’information mise à la disposition des
décideurs, des professionnels de santé, des media et du public est beaucoup plus
abondante qu’en France. L’institut national du cancer du Canada publie chaque année
une monographie portant soit sur un cancer en particulier, soit sur des thèmes peu traités
en France comme l’incidence du cancer selon le revenu, les répercussions économiques
du cancer ou les conséquences de la croissance démographique et du vieillissement sur
l’incidence du cancer. Aux Etats-Unis, un rapport est publié chaque année sur la
vention des cancers.
pré
A partir des données recueillies, notamment auprès des établissements et des professionnels de santé, les
registres peuvent réaliser des études de survie par type de cancer, effectuer des projections d’incidence à 15 ou
20 ans en fonction du vieillissement de la population, permettant ainsi de planifier à long terme l’évolution des
besoins de soins en matière de cancer, ou encore d’identifier les facteurs de risque à l’origine de la maladie,
notamment les risques environnementaux locaux.
Malgré l’intérêt que présentent les travaux des registres pour la décision en santé publique, le financement
public de ces structures associatives abritées par des hôpitaux ou des universités est sans doute insuffisant
pour assurer la qualité des données et la pérennité des structures : les subventions versées par la direction
générale de la santé (aujourd'hui par l'InVS) et l’INSERM ne représenteraient, selon un responsable de
registre, que le tiers des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.
2. La prise en charge des patients
Compte tenu de la technicité des soins en oncologie, ceux-ci sont dispensés essentiellement dans ou à
l’initiative d’établissements de santé. Les outils statistiques actuellement disponibles ne permettent qu’une
évaluation assez fruste de la part respective des différentes structures dans l’organisation des soins.
L’analyse des diagnostics principaux et associés portés sur les relevés de séjours du PMSI permet d’estimer le
nombre de séjours réalisés par des patients atteints de cancer dans les établissements publics et privés de santé,
mais en raison de l’absence de chaînage des séjours dans le secteur public, il n’est possible de connaître ni le
nombre de patients accueillis, ni leur parcours à l’intérieur du système hospitalier. En outre, l'absence de prise
en compte dans le tableau ci-dessous de l’activité ambulatoire réalisée par les établissements en radiothérapie
ou en chimiothérapie et la non-discrimination des séjours en fonction de la lourdeur des cas traités tendent à
minorer le poids des établissements de référence (CHR et CLCC) dans la prise en charge des malades atteints
d’un cancer. Les nombres ci-dessous doivent donc être appréciés en tenant compte de ces réserves.
Répartition des séjours hospitaliers associés à un diagnostic de cancer
CHR
CLCC
Autres
publics et
PSPH
Ensemble des
établissements
sous dotation
globale
Privés
non
PSPH
Ensemble
Nombre
d'établissements
29
20
919 (M)
562 (C)
446 (M)
728 (C)
2 704
Nombre de
séjours liés au
cancer
512 900
153 700
579 400
1 246 000
609 800
1 855 000
Répartition des
27,6
8,3
31,2
67,1
32,9
100
séjours liés au
cancer (%)
Poids du cancer
dans l'activité
(%)
16,3
92,9
10,9
14,4
11,0
13,1
Séjours hors séances de moins de 24 heures ; M : médecine ; C : chirurgie
Source : bases PMSI 1997 et SAE 1997
La statistique annuelle des établissements (SAE), qui décrit l’équipement des établissements publics et privés,
ne permet pas de connaître le nombre de lits et de places consacrés par chaque établissement au traitement des
cancers. La part des dépenses ou des personnels affectée à la lutte contre le cancer n’est pas davantage
identifiée. Hormis pour les centres de lutte contre le cancer, spécialisés dans le traitement de ces pathologies,
et les équipements spécifiques de radiothérapie, il est impossible d’identifier les moyens consacrés par les
établissements de santé à la lutte contre les cancers.
En l’absence de codage des actes et des pathologies, il n’est pas davantage possible de connaître la part de
l’activité de médecine de ville consacrée à la cancérologie, qu’il s’agisse de prévention, de dépistage, ou de
prise en charge diagnostique ou de thérapeutique. Les statistiques concernant les effectifs de médecins
spécialistes exerçant en médecine de ville sont incertaines, la classification des spécialités relatives au cancer
ne permettant pas d’identifier la totalité des médecins ayant une activité en cancérologie et certains médecins
exercent souvent dans plusieurs cadres (libéral et établissement).
B – L’exploitation des données
Un des objectifs de l’Institut de veille sanitaire, qui a reçu pour mission l’observation permanente des cancers
et le suivi des programmes de dépistage, est la constitution d’une base nationale de données de mortalité et
d’incidence, alimentée par l’ensemble des producteurs de données sur le cancer. Il s’agit en effet d’améliorer
l’exhaustivité et la fiabilité des données par recoupement entre ces sources multiples et de pallier certains des
inconvénients liés à l’absence de registres dans toutes les régions. Mais ceci supposerait par exemple une
organisation du recueil des résultats d’analyses effectuées par les anatomo-cytopathologistes qui n’a pas
encore été mise en place.
Malgré l’augmentation de l’incidence des cancers en France et l’accent mis depuis plusieurs années sur la
qualité des soins, peu d’études ont été faites sur la qualité de la prise en charge des malades atteints de cancer.
Les régimes d’assurance maladie, par le biais des demandes d’exonération de ticket modérateur pour affection
de longue durée et d’enquêtes spécifiques menées par les médecins conseils, disposent d’informations, mais,
hors le suivi d’une cohorte de femmes touchées par le cancer du sein réalisé par la CANAM sur une dizaine
d’années, les données ne font actuellement pas l’objet d’une exploitation au niveau national pour apprécier la
qualité de la prise en charge diagnostique et thérapeutique.
A côté des médecins conseils de l’assurance maladie, ce sont les registres qui semblent les mieux placés pour
effectuer des travaux sur les filières de soins suivies par les patients. Quelques études ont été lancées au sein
du réseau des registres français ou à la demande des DRASS et ARH pour l’élaboration des schémas
régionaux d’organisation sanitaire (SROS), mais l’évaluation des pratiques médicales par filières de soin est
encore peu développée en France. De manière générale, la planification de l’évolution de l’offre de soins est
encore peu appuyée sur une projection régionale des besoins à long terme.
II – Les moyens financiers
A – la prévention et le dépistage
En raison du rôle joué par les comportements en matière de consommation de tabac et d'alcool, de nutrition et
d'exposition au soleil, la prévention, l’éducation pour la santé et le dépistage sont des domaines à privilégier
pour lutter contre les cancers, mais les pouvoirs publics n’y ont jusqu’à présent consacré que peu de moyens.
1. Des financements mal identifiés
Le montant des dépenses de prévention des cancers est difficile à estimer. Les raisons en sont multiples. D’une
part, la lutte contre le tabagisme et la consommation excessive d’alcool comme la promotion d’une
alimentation saine visent à prévenir aussi bien les maladies cardio-vasculaires que les maladies respiratoires
ou les cancers ; d’autre part, les financements sont parfois globalisés en fonction des publics visés (santé des
jeunes ou des publics en situation de précarité par exemple) ou des zones géographiques : ni les financements
thématiques, ni les financements relatifs aux programmes régionaux de santé, n’isolent des actions de
prévention propres aux cancers. Enfin, les seuls financements clairement identifiés au niveau national sont
ceux assurés par l’Etat, les fonds de prévention des régimes d’assurance maladie et les grandes associations
faisant appel à la générosité publique ou subventionnées par les pouvoirs publics. Ni les dépenses d’action
sanitaire et sociale des caisses d’assurance maladie, ni les dépenses de prévention des collectivités locales, ni
les financements européens ne font l’objet de la moindre estimation de la part du ministère en charge de la
santé.
En matière de dépistage, seules les dépenses relatives aux programmes de dépistage organisé financées par le
fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) peuvent être identifiées. En
effet, en l’absence de codage des actes et des pathologies, le coût pour l’assurance maladie du dépistage
individuel ou spontané ne peut être évalué que par extrapolation d’enquêtes réalisées au niveau local par les
médecins conseils, ou sur l'échantillon permanent des assurés sociaux (EPAS) de la CNAMTS (sur les
dépistages organisé et spontané, cf.
infra
).
2. Des moyens encore modestes
Malgré toutes ces réserves, l’ordre de grandeur des moyens consacrés à la prévention et au dépistage des
cancers peut être approché par le biais des budgets "alcool", "tabac" et "dépistage" de l’Etat, de l’assurance
maladie et de la Ligue contre le cancer, auxquels il faut ajouter les crédits affectés par les conseils généraux au
fonctionnement des structures de dépistage (25 MF environ en 1998 pour le cancer du sein).
Crédits affectés en 1998 par les trois principaux financeurs à la prévention et au dépistage organisé des
cancers
(en MF)
Crédits
consommés
en 1998
Direction
générale de
la santé
(2)
CNAMTS
Ligue contre le
cancer
Ensemble
Prévention
(1)
1,1
76,9
29,1
107,1
Dépistage
3,6
102,4
3,6
109,6
Ensemble
4,7
17
3
9,
32,7
216,7
(1) Il s'agit de crédits consacrés à la lutte contre la consommation d'alcool et de tabac.
(2) dont 485 000 F de subventions à la ligue contre le cancer.
L’essentiel des moyens provient du FNPEIS géré par le régime général, qui abonde notamment le budget du
comité français d’éducation pour la santé consacré à la lutte contre le tabagisme (50 MF en 1998) et
l’alcoolisme (18 MF) et finance l’essentiel des programmes de dépistage organisé
[113]
(remboursement des
actes et contribution au financement de la structure gérant le programme).
Les moyens consacrés à la prévention et au dépistage devraient être augmentés dans les années à venir avec la
généralisation du dépistage de certains cancers et l’augmentation de la part des droits de consommation sur le
tabac affectée à l’assurance maladie. La CNAMTS, qui perçoit aujourd’hui 9,1 % des droits d’accise sur le
tabac, soit 4,2 MdF en 1999, propose de doubler en 2001 les moyens que le FNPEIS peut consacrer à la
prévention et au dépistage des cancers. Mais dans ces domaines, les crédits consommés sont toujours
largement inférieurs aux crédits votés en raison notamment des délais de mise en oeuvre au niveau local des
actions programmées. Hors programmes régionaux de santé, les crédits délégués au niveau régional et local
pour la réalisation des actions de terrain sont d’ailleurs restés très limités : ils ne représentaient que 9,1 % du
montant des crédits "tabac" et "alcool" du FNPEIS en 1998, soit 7 MF.
A ces financements nationaux s’ajoutent des financements communautaires de plus en plus restreints en raison
de la réorientation des fonds vers les projets impliquant plusieurs Etats membres. Doté de 92 MF en 1999, le
troisième plan d’action communautaire inscrit dans le programme "l’Europe contre le cancer" a contribué au
financement de 35 projets, dont un seul d’initiative française, dans les domaines de la collecte de données, de
l’éducation pour la santé, de la prévention et de l’assurance qualité du dépistage et des soins. La France
participe en effet à de nombreux projets pilotés par d’autres pays, mais n’est que rarement à l’origine de
projets impliquant plusieurs membres de l’Union européenne. Cette situation s’explique en partie par le rôle
très limité que joue la direction générale de la santé en matière d’impulsion, de coordination et de suivi des
projets.
B – Le coût des soins
Les outils de connaissance du système de soins actuellement disponibles ne permettent pas d’évaluer avec
précision les moyens financiers consacrés au traitement des cancers.
1. La mesure directe du coût du traitement du cancer
Pour avoir une idée précise du coût total des traitements, il conviendrait de mesurer chacun des postes de
dépenses et d’en faire la somme. Toutefois, en raison des caractéristiques suivantes de notre système de santé,
un tel calcul est difficile :
- en l’absence de codage par pathologie des soins effectués en ville il n’est pas possible d’identifier, parmi les
actes des médecins, infirmiers et laboratoires d’analyse, ceux qui sont relatifs au traitement de cancers ;
- l’absence de relevé des pathologies ne permet pas non plus de mesurer la part des transports sanitaires
relevant de patients souffrant du cancer ;
- enfin, au sein de l’hôpital, les services sont en général organisés par spécialité d’organe et non par
pathologie, ce qui n’offre pas la possibilité de distinguer les soins donnés aux patients souffrant de cancer des
soins donnés aux autres patients
[114]
.
Seules deux catégories d’actes peuvent être aujourd’hui mesurées avec une certaine précision :
- la radiothérapie qui fait l’objet d’un recensement annuel dans le cadre de la statistique annuelle des
établissements de santé
[115]
;
- la prescription de médicaments anticancéreux dans le cadre de chimiothérapie : deux enquêtes du ministère
de l’emploi et de la solidarité en 1998 et 1999 ont montré que le coût de ces médicaments a atteint environ 3,4
MdF en 1998
[116]
, soit un quasi triplement en quatre ans puisque ces dépenses s’élevaient à 1,2 MdF en 1994.
Au total, la mesure directe des coûts totaux relatifs au traitement du cancer n’est pas possible. Pour disposer,
néanmoins, d’un ordre de grandeur, l’administration a parfois considéré que les CLCC traitant environ un
quart des patients atteints de cancer, le coût total des cancers à l’hôpital devait s'élever à environ quatre fois le
budget total de ces centres. L'estimation de 20 à 30 MdF a donc été à plusieurs reprises exprimée
[117]
. La
récente mise en place du PMSI permet dorénavant une estimation plus précise et plus fiable qui montre que le
coût du cancer à l'hôpital est nettement supérieur.
2. La mesure par le PMSI
Le PMSI recense les séjours hospitaliers en les classant par GHM (Groupes homogènes de malades) selon les
diagnostics médicaux. Un échantillon d’hôpitaux pilotes, censé être représentatif de l’activité hospitalière
nationale, a été constitué et a permis de réaliser une étude nationale des coûts des traitements effectués pour
chaque GHM. A partir de cette étude réactualisée chaque année, le PMSI donne donc une estimation plus fine
du coût des différentes pathologies à l’hôpital (voir à ce sujet chapitre V,
supra
, p. 227).
Avec le soutien de la mission PMSI du ministère de l’emploi et de la solidarité, cinq économistes et médecins
de la fédération nationale des CLCC ont exploité la base nationale 1996, la première base disponible
suffisamment complète et fiable
[118]
. En regroupant tous les séjours "cancers" au sein des différents GHM, ils
parviennent à un coût total de 29 MdF en hospitalisation publique.
La base PMSI 1996 ne couvrant que les courts séjours des établissements soumis au budget global, l’activité
des cliniques privées n’est pas comprise dans ce montant. Les auteurs de l’étude, à partir des relevés de
dépenses pharmaceutiques et des statistiques annuelles des établissements, l’estiment à environ 33 % de
l’activité hospitalière totale en matière de cancer, ce qui porte le coût total du traitement du cancer à l’hôpital à
environ 43 MdF en 1996, soit 15 % environ de la dépense hospitalière (ce qui est significativement supérieur à
l’estimation faite jusqu’alors à partir du budget global des CLCC
[119]
).
Malgré les problèmes méthodologiques éventuels
[120]
, cette étude illustre les progrès considérables réalisés
grâce au PMSI en matière de connaissance de l’activité et des coûts hospitaliers par pathologie. Pour la
première fois, pour une maladie importante ne faisant pas l’objet d’une déclaration obligatoire (comme le
Sida) ou n’étant pas traitée exclusivement par des services spécialisés au sein des établissements de soins, il
est possible de donner une estimation relativement fiable et précise de son coût global à l’hôpital.
Toutefois, même si l’extension récente du champ du PMSI aux cliniques privées va améliorer la qualité de
l’estimation, il convient de noter que le PMSI ne permet pas de mesurer le coût total des traitements du cancer
en France, les traitements effectués hors de l’hôpital échappant au recensement, et donc à la mesure des
coûts (en particulier la médecine et les soins de ville, et l’hospitalisation à domicile), de même que certains
postes de dépenses (transports sanitaires, soins palliatifs en établissements de long séjour…).
Au total, le coût du traitement du cancer, pour l’assurance maladie, est certainement significativement
supérieur à 50 MdF, et va probablement croître dans les prochaines années avec le vieillissement de la
population et la très forte croissance des prix des molécules de chimiothérapie.
3. La mesure détaillée de certains des coûts réels
S’il donne une image acceptable du coût total du cancer à l’hôpital, le PMSI est par nature plus limité pour
décrire les coûts réels enregistrés par chacun des établissements. Il repose en effet sur le calcul d’une moyenne
établie à partir d'un échantillon d'établissements participant à l’étude nationale de coûts, moyenne qui peut être
éloignée du coût réel constaté dans un établissement donné car, d’une part, il n’est pas certain que cet
échantillon soit réellement représentatif, d’autre part, au sein d’un même GHM, les dépenses par patient
peuvent varier dans des proportions très importantes (particulièrement en matière de cancer où les traitements
sont très divers et les GHM proportionnellement peu nombreux
[121]
).
La seule manière, pour un établissement, de mesurer le coût détaillé des traitements par pathologie serait donc
de disposer d’une comptabilité analytique de qualité. Or, une comptabilité de ce type n’existe pas encore dans
tous les établissements et, lorsqu’elle existe, elle est en général organisée par service, permettant de mesurer
les coûts de chacun de ces services mais pas les coûts relatifs aux seuls patients souffrant du cancer.
Aussi, depuis plusieurs années, en raison de contraintes budgétaires de plus en plus fortes, les établissements
hospitaliers ont-ils commencé à développer les études de coût spécifiques à certaines pathologies. En matière
de cancer, ces études ont concerné majoritairement les deux sujets suivants :
- la comparaison à l’échelle nationale des coûts relatifs par GHM : il s’agit, sur des groupes de patients ou des
catégories d’actes, de mesurer les coûts réels constatés dans l’établissement et de les comparer à leur
valorisation théorique par le PMSI ; l’objectif est à la fois d’améliorer la qualité de la gestion interne et de
disposer d’arguments plus précis pour la négociation des dotations budgétaires ;
- la chimiothérapie : les dépenses de chimiothérapie ont augmenté de manière très importante depuis quelques
années et varient fortement suivant les traitements ; les hôpitaux sous dotation globale, craignant de ne
pouvoir continuer à financer cette activité dans de bonnes conditions, ont souvent éprouvé la nécessité de
disposer de mesures les plus précises et actualisées possibles de ce phénomène.
Ces études ponctuelles sont d’excellents compléments du PMSI pour la connaissance des coûts réels des
traitements du cancer. On peut toutefois regretter qu’aucune centralisation de leurs résultats ne soit effectuée,
ce qui en limite la connaissance et l’exploitation par les décideurs publics.
RECOMMANDATIONS
1. Développer une politique publique des registres pour aboutir à un échantillon de population représentatif
en suscitant la création d'autres registres, en accroissant les moyens et en contractualisant les axes de
recherche à moyen terme.
2. Développer les travaux sur l’évaluation du système de soins, notamment sur les facteurs explicatifs des
variations de taux de survie et de qualité de vie en fonction des filières suivies, des modes de prise en charge
et de stratégie thérapeutique.
3. Mieux mesurer le coût des traitements par pathologie : codage par pathologie de l’activité de ville,
développement des comptabilités analytiques à l’hôpital, amélioration du PMSI, centralisation et exploitation
des résultats des études détaillées des coûts menées par les établissements.
Réponses
[107]
La Cour a par ailleurs publié des rapports particuliers sur l’association pour la recherche contre le cancer
(ARC) et la ligue nationale de lutte contre le cancer.
[108]
Avec la double limite que l’étude ne couvre ni la politique de recherche (or la recherche est essentielle en
matière de cancer) ni les particularités des cancers d’origine professionnelle.
[109]
Source : Le cancer en France : lncidence et mortalité – situation en 1995 et évolution de 1975 à 1995 ;
Secrétariat d'Etat à la santé et réseau FRANCIM, Les Editions du Seuil, 1999.
[110]
Bien que créés par la loi, les CLCC sont des établissements privés classés dans la catégorie "privés
participant au service public hospitalier".
[111]
L’incidence est le nombre de nouveaux cas de cancers enregistré en une année.
[112]
Selon l’arrêté du 6 novembre 1995 relatif au comité national des registres, un registre est un recueil
continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une
population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant des
compétences appropriées.
[113]
Selon une étude récente de la société française de santé publique, le financement des structures de
dépistage du cancer du sein (45 MF environ) était assuré en 1998, hors remboursement des actes de
mammographie, à 58,8 % par les conseils généraux, à 23,9 % par l’assurance maladie et à 7,6 % par la Ligue
nationale contre le cancer.
[114]
Dans un service de pneumologie, par exemple, les systèmes comptables traditionnels ne permettent pas de
distinguer les patients atteints d'un cancer du poumon des patients souffrant de toute autre affection des
poumons.
[115]
Cette statistique recense le nombre de Z de radiothérapie et a fait ressortir un coût théorique de 1,4 MdF
en 1998, sans compter les frais de transport ni d’hospitalisation.
[116]
Dont plus de 40 % hors hôpital. Par ailleurs, à ce montant de 3,4 MdF, il convient d’ajouter environ 2
MdF de médicaments adjuvants.
[117]
En particulier dans les informations données au Sénateur Jacques Oudin qui a repris cette estimation dans
son rapport de 1998 sur le "Financement et l’organisation de la politique de lutte contre le cancer", ainsi que
dans une réponse à une question parlementaire posée à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999.
[118]
MM. Borella, Peuvrel, Maranchini, Philip et Mme Sauvage. Revue d’Epidémiologie et de Santé publique,
2000 ; 48 :53-70.
[119]
L’écart s’explique principalement par une surestimation de la "part de marché" des CLCC, surestimation
due au fait qu’avant la mise en place du PMSI, il n’y avait aucun moyen de déterminer avec précision
l’activité de cancérologie des hôpitaux et cliniques généralistes.
[120]
Il s’agit de la première étude nationale de ce type, reposant sur des saisies PMSI présentant encore un taux
d’erreurs significatif et sur une classification en GHM ne permettant pas toujours de distinguer les séjours
"cancers" avec une suffisante précision.
[121]
Les CLCC estiment qu’une vingtaine de GHM (soit 4 % du nombre total de GHM) recense environ 80 %
de leur activité. Si l’on considère que le cancer représente environ 15 % de l’activité hospitalière totale, 12 %
de cette dernière est donc décrite par 4 % des GHM, ce qui semble signifier que les principaux GHM cancer
comptent trois fois plus de séjours que la moyenne des GHM.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE VII
La mise en oeuvre de la politique de santé :
l’exemple de la lutte contre le cancer
Section II :
La prévention et le dépistage des cancers
On sait aujourd’hui que le cancer est dû à une défaillance des mécanismes régissant la prolifération, la
différenciation et la mort cellulaires en raison d’une altération de certains gènes. Certains individus sont plus
susceptibles que d’autres de développer un cancer pour des raisons génétiques. Mais les cancers à caractère
héréditaire sont très minoritaires (environ 5 %). Les altérations du génome sont provoquées par des facteurs
environnementaux tels que le tabac, l’alcool, le soleil, certains agents chimiques ou physiques, des virus, ou
résultent d’un processus spontané.
I – La prévention
La difficulté à connaître précisément l’exposition des malades aux différents facteurs et substances
susceptibles de provoquer un cancer ne permet pas toujours d’identifier l’agent responsable du déclenchement
de la maladie. Mais parmi les facteurs de risques les mieux établis figurent le tabac, l’alcool, l’alimentation et
le soleil. 40 % au moins des cas de cancers pourraient donc faire l’objet d’une prévention.
En France comme dans la plupart des pays, la prévention des cancers passe d’abord par la lutte contre le
tabagisme. Aux Etats-Unis, la mortalité par cancer a diminué pour la première fois entre 1990 et 1996 ; cette
évolution positive est essentiellement attribuée à la lutte contre le tabagisme, dont les effets ne sont sensibles
qu'à long terme. La Cour a donc examiné certains aspects de la lutte contre le tabagisme comme un exemple
de politique de prévention.
Le tabac tue chaque année 60 000 Français, dont environ 18 000 par cancer du poumon
et 13 700 par d'autres cancers. Le tabac expliquerait 22 % des décès par cancer. Si les
ventes de tabac ont diminué depuis 1993, en grande partie sous l'effet de la hausse de
son prix, un tiers des Français se déclarent fumeurs et la consommation de tabac
augmente chez les femmes, dont une sur cinq fume aujourd'hui. La consommation du
tabac chez les jeunes est d'ailleurs, désormais, sensiblement la même chez les garçons et
chez les filles.
A - la politique de lutte contre le tabagisme
La France fait partie des pays qui ont les premiers instauré une législation visant à lutter contre le tabagisme.
Cette préoccupation a ensuite été reprise par l’Union européenne à partir de 1989, qui a notamment
réglementé l’étiquetage des produits du tabac et leur teneur en goudron et interdit la publicité en leur faveur
dans une directive en cours de transposition.
Avec les lois du 9 juillet 1976 et du 10 janvier 1991, la France s’est attachée à diminuer la consommation de
tabac par une politique de restriction de l’offre (interdiction de la publicité en faveur du tabac) et de protection
des non-fumeurs (interdiction de fumer dans les lieux publics), qui s’est accompagnée par une politique de
renchérissement du coût du tabac pour les usagers (augmentation des droits de consommation) et de
modification des comportements (campagnes de prévention et d’incitation à l’arrêt). L’augmentation du prix
du tabac semble avoir été la principale cause de la baisse de la consommation de tabac constatée sur les
dernières années
[122]
, mais cette approche reste insuffisante.
Le programme de lutte contre le tabagisme, présenté par le secrétaire d’Etat à la santé le 31 mai 1999 et repris
dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre le cancer du 1
er
février 2000, a marqué une nouvelle
étape avec l’engagement d’actions visant à faciliter l’arrêt du tabac : mise en place d’un programme de
formation de médecins généralistes et de pharmaciens à la prise en charge des fumeurs, mise en vente libre des
substituts nicotiniques (non remboursés), création de centres de sevrage et de consultations tabagiques et
amélioration de l’information pratique du public par la ligne téléphonique "tabac info service"
[123]
.
A partir de 1997, la mise en place des programmes régionaux de santé sous l’égide des DRASS a contribué au
niveau local à la mise en cohérence des actions développées par des partenaires de terrain souvent nombreux
mais peu coordonnés. Sept régions ont adopté un programme régional sur le cancer, comportant des objectifs
aussi bien en matière de développement des études épidémiologiques, que de prévention, de dépistage ou de
prise en charge et d’amélioration de la qualité de vie des malades. Des programmes consacrés à la lutte contre
la consommation excessive d’alcool ou les conduites addictives ont également été retenus dans certaines
régions. L’examen par la Cour de deux programmes mis en oeuvre dans des régions fortement touchées par les
cancers a mis en évidence la difficulté à fixer des objectifs réalistes, à faire travailler ensemble des institutions
de culture différente (Etat, assurance maladie, associations, professionnels de santé), à mettre en place une
procédure d’évaluation efficace et à articuler les actions en matière de prévention avec la prise en charge
diagnostique et thérapeutique.
Malgré le renforcement récent de la politique de lutte contre le tabagisme, des progrès certains restent à
accomplir :
- La teneur maximale en goudron des produits du tabac a été progressivement réduite par arrêté du ministre
chargé de la santé, mais l’usage des substances provoquant les phénomènes de dépendance comme la nicotine
n’est pas réglementé, alors que le tabac, comme l’alcool, est aujourd’hui considéré comme une drogue.
- Le contrôle de l’application de la réglementation reste insuffisant, notamment en ce qui concerne la lisibilité
des messages de mise en garde sur l’emballage des produits du tabac, et la mise en cause de la responsabilité
des cigarettiers pour non-respect des textes est rare.
- Les médecins généralistes se sentent peu efficaces dans la prévention du tabagisme (comme de l’alcoolisme),
notamment en raison du défaut de formation initiale en matière de prévention et de santé publique. Le système
de rémunération à l’acte n’incite pas non plus les médecins à développer le dialogue avec le patient sur ces
questions. Enfin, les pratiques collectives en matière de prévention ne sont pas évaluées.
- La faiblesse des moyens de pilotage et d’évaluation des programmes régionaux de santé, ainsi que
l’inadaptation des procédures de délégation de crédits du niveau central au niveau régional, sont à l’origine de
résultats parfois décevants.
Il faut enfin souligner que le renforcement de la lutte contre le tabagisme n’a pas été accompagné d’une
évolution similaire s’agissant de la lutte contre la consommation excessive d’alcool, qui fait l’objet d’une plus
grande réticence en France, non justifiée au regard de la santé publique.
B - Le rôle des associations nationales
La prévention et l’éducation pour la santé sont des secteurs dans lesquels interviennent de nombreuses
associations locales. En matière de lutte contre le cancer, deux associations se distinguent au niveau national :
le comité français d’éducation pour la santé (CFES) et la Ligue nationale contre le cancer.
1. les actions de communication
Subventionné par l'Etat et surtout la CNAMTS, le comité français d’éducation pour la santé intervient peu sur
le thème spécifique du cancer, mais davantage sur la lutte contre la consommation d’alcool et de tabac, dont le
cancer est une conséquence possible parmi d'autres effets néfastes pour la santé. Hormis une participation
régulière à la "semaine européenne contre le cancer" coordonnée en France par la Ligue contre le cancer, le
CFES s’est surtout engagé, depuis une vingtaine d’années, dans la réalisation de campagnes médiatiques
visant à modifier les représentations associées à la consommation de tabac et d’alcool. Avec les campagnes
lancées à partir de 1997, le CFES met l’accent sur une meilleure appréciation des risques comportementaux et
sur l’appui pratique aux démarches d’arrêt des conduites à risque. En effet, si le caractère dangereux du tabac
et de l’alcool est globalement connu du public, la notion de dangerosité reste vague : les risques d’apparition
d’un cancer liés à la consommation d’alcool et les effets très nocifs de l’association tabac-alcool sont
largement sous-estimés. Une meilleure connaissance des risques par la population doit encore être recherchée.
Selon le "Baromètre santé adultes 95-96" réalisé par le CFES, le cancer arrive en deuxième position, derrière
les risques circulatoires, dans l’échelle des risques et maladies redoutés par les Français. Mais si les messages
diffusés par les campagnes nationales invitent à réfléchir sur les comportements, peu d’individus modifient
leurs habitudes sans autre incitation (problèmes de santé, actions de l’entourage et du médecin traitant).
L’information ne suffit pas à faire évoluer les comportements individuels, mais permet au moins d’identifier
les responsabilités. Les quelques contentieux engagés par l’assurance maladie et des malades atteints de
cancer à l’encontre de cigarettiers reposent ainsi sur le défaut de mise en garde des consommateurs contre la
dangerosité avérée des produits commercialisés.
2. les actions de terrain en faveur des jeunes
Le CFES et la Ligue ont choisi de développer leur action particulièrement en direction des jeunes. Outre les
campagnes médiatiques nationales, qui visent en priorité un public de 15 à 20 ans, ces deux associations ont
élaboré des supports de communication adaptés au milieu scolaire. Certains comités départementaux ou
régionaux d’éducation pour la santé, relais locaux du CFES, et comités départementaux de la Ligue ont ainsi
mis en place, avec les enseignants et les responsables d’établissements scolaires, des séances d’information
destinées aux élèves des écoles primaires et des collèges. Pour les enfants de 7 à 14 ans, la Ligue a créé dans
de nombreux départements des activités au sein de clubs "Pataclope", dont l’objectif est d’aider l’enfant à
résister à la première cigarette.
De plus en plus, le comité français d’éducation pour la santé et la Ligue nationale contre le cancer sont amenés
à travailler sur les mêmes thèmes et à viser prioritairement les mêmes publics en matière de prévention. Il
serait particulièrement souhaitable que la coopération institutionnelle qui a récemment été amorcée entre les
deux associations se développe au niveau national afin d’accentuer la complémentarité des campagnes
médiatiques et des publications réalisées, mais aussi au niveau de leurs relais locaux. Pour être efficaces, ces
partenariats devraient devenir plus systématiques et s’inscrire dans les programmes régionaux de santé avec le
concours des services de l’Etat, notamment de l’Education nationale.
Avec les programmes régionaux de santé et l’augmentation des moyens consacrés par l’assurance maladie à la
prévention et à l’éducation pour la santé, les actions nationales et locales se multiplient sans que leur efficacité
soit systématiquement évaluée. Des sondages sont réalisés après la diffusion des campagnes médiatiques afin
d’apprécier la compréhension du message par la population et une photographie de l’état de santé et des
comportements est régulièrement réalisée par le comité français d’éducation pour la santé avec les
"baromètres santé", mais aucune étude de l’impact à moyen terme des actions de prévention n’est menée.
II – le dépistage
Le dépistage à l'étranger
En ce qui concerne l’organisation d’un dépistage systématique des cancers, notamment du cancer du sein, la
France se distingue de nombre de pays européens par le choix de faire effectuer les examens par des centres de
radiologie non spécialisés. La Suède et le Royaume-Uni, qui ont les premiers mis en place un programme de
dépistage systématique, ont choisi d’équiper des camions en mammographes pour couvrir l’ensemble du
territoire, les clichés suspects étant adressés à des centres de référence qui poursuivent les examens jusqu’au
diagnostic et assurent le suivi des femmes jusqu’au traitement. C’est le système retenu par les Pays-Bas, le
Danemark, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. D’autres pays se sont inspirés du modèle américain, dans lequel les
mammographies de dépistage sont réalisées par des centres habilités, qui orientent ensuite les femmes dont
l’image est suspecte vers des centres de soins ; contrairement au système français, il n’existe pas de système
d’invitation des femmes à participer au dépistage, mais seulement des recommandations émises par le
National Institute of Health et des associations médicales et des contrôles de qualité des mammographes
effectués par le Center for Disease Control.
Le dépistage consiste à rechercher de manière systématique dans une population en bonne santé les porteurs
de symptômes latents nécessitant un suivi particulier. Le dépistage peut être réalisé à l’initiative des individus
ou des professionnels de santé - on parle alors de dépistage spontané - ou dans le cadre d’un programme mis
en place par les pouvoirs publics sur la base d’un cahier des charges – on parle alors de dépistage organisé ou
systématique.
Selon les critères médico-économiques de l’Organisation mondiale de la santé et les résultats obtenus lors des
essais menés dans différents pays, les cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon-rectum justifient la mise
en place d’un dépistage systématique en population générale. En France, le principe d’une généralisation des
programmes de dépistage organisé est affirmé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
mais les difficultés de mise en oeuvre restent nombreuses.
A – La généralisation du dépistage de certains cancers prévue par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999
La décision de généralisation du dépistage de certains cancers fait suite à une phase d’expérimentation qui a
débuté dans les années quatre-vingt et à l’évaluation des expérimentations du dépistage du cancer du sein
réalisée en 1997 par l’ANDEM
[124]
. A partir de 1989, l’assurance maladie a financé, essentiellement sur le
Fonds national de prévention, d’éducation et d’information pour la santé (FNPEIS) du régime général, des
programmes expérimentaux de dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon-rectum. De 1994 à
1998, les sites pilotes de dépistage du cancer du sein se sont multipliés avec la mise en place d’un programme
national sous l’égide du ministère chargé de la santé. Les initiatives locales soutenues par les caisses primaires
et les collectivités locales ont peu à peu adopté un cahier des charges national, qui leur laissait une marge de
liberté importante dans l’organisation du dispositif. Un programme de dépistage systématique du cancer du
sein pour les femmes de 50 à 69 ans existe aujourd’hui dans 32 départements (carte ci-après).
Le bilan des expérimentations effectué en 1997 a mis en lumière les difficultés sérieuses que soulève la
généralisation des programmes de dépistage, difficultés qui n’ont pas toutes été résolues et qui expliquent un
retard dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Dans le cadre de la lutte contre les maladies aux conséquences mortelles évitables, celle-ci a introduit dans le
code de la santé publique un article L.55, devenu 1411-2, qui prévoit pour certains cancers déterminés par
arrêté, une prise en charge intégrale par l’assurance maladie du coût des examens réalisés, sur la base d’un
cahier des charges national, par des professionnels de santé ayant passé une convention avec les organismes
d'assurance maladie. La direction générale de la santé souhaite ainsi généraliser le dépistage, dans un premier
temps du cancer du sein (2001), puis du cancer du col de l’utérus et du cancer colo-rectal, à l’ensemble de la
population selon des modalités garantissant la qualité des examens et un suivi des personnes satisfaisants.
B – Les difficultés de mise en oeuvre
1. un cahier des charges en cours d’élaboration
La DGS a élaboré en 1999 un projet de cahier des charges national relatif à l’organisation du dépistage des
cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon-rectum. Sur le plan technique, les modalités de dépistage
s’appuient sur les recommandations de l’ANAES et les règles de contrôle de qualité des appareils sur les
normes européennes. Sur le plan organisationnel, le choix a été fait de créer d'emblée des structures de
pilotage (comité national et comité régional) et de gestion (structure départementale) compétentes pour
l'ensemble des programmes de dépistage (sein, col de l'utérus, côlon-rectum).
Le projet de cahier des charges n’a pas encore été validé et la plupart des textes d’application prévus par la loi
de financement pour 1999 n’ont toujours pas été publiés, notamment l’arrêté déterminant la liste des
programmes nationaux de dépistage, l’arrêté fixant la convention-type liant les professionnels de santé aux
caisses d’assurance maladie, et les décrets déterminant la liste des examens et tests de dépistage qui ne
peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant passé une convention avec les
organismes d'assurance maladie.
Conformément aux propositions de l'ANDEM, formulées en 1997, l'objectif du législateur était de substituer à
terme le dépistage organisé au dépistage spontané. Selon la CNAMTS, 2,8 millions de mammographies ont
été réalisées en cabinet libéral en 1998, dont 84 % correspondraient à des actes de dépistage individuel ou
spontané. Ces actes réalisés, sans appel clinique et à l'initiative de la patiente ou du médecin, ne font l'objet
d'aucun contrôle (âge des consultantes, rythme des examens, nombre d'incidences, contrôle des appareils,
formation et qualification des médecins et des manipulateurs). La CNAMTS s'oppose au maintien du
dépistage spontané dès lors qu'est mis en place un dépistage organisé.
Le retard pris dans la mise en place du nouveau dispositif avait, par ailleurs, suscité des inquiétudes quant à
l'insuffisance des moyens consacrés, dans certains départements, aux programmes existants.
2. Une mobilisation insuffisante de la population et des professionnels de santé
La participation insuffisante des femmes et l’implication trop faible des professionnels de santé, notamment
des médecins généralistes, ont été les principales difficultés rencontrées lors de la phase d’expérimentation.
L’information et l’orientation des patients vers les structures de dépistage organisé par les médecins
généralistes est une condition de réussite des programmes qui n’a sans doute pas été suffisamment prise en
compte dans la phase d’expérimentation. Les enquêtes réalisées sur les motivations des femmes ne participant
pas au dépistage organisé du cancer du sein et la communication mise en oeuvre par les structures de dépistage
devraient sans doute aider les pouvoirs publics à sensibiliser plus efficacement les populations concernées par
le dépistage.
La motivation des professionnels effectuant les examens, notamment les radiologues s’agissant de la
mammographie, pour participer aux programmes organisés s’est également avérée très inégale. Les
contraintes étaient pourtant limitées : les radiologues bénéficiaient d’une formation adaptée mise en place hors
du dispositif de formation médicale continue du fait du blocage de celle-ci et les actes de dépistage étaient
intégrés au sein de l’activité courante des cabinets sous réserve de la conformité des appareils. La réserve des
professionnels tient largement à des raisons financières : alors que la mammographie de diagnostic ou de
dépistage spontané est rémunérée à 450 F environ, la mammographie de dépistage réalisée dans un cadre
organisé n’est rémunérée qu’à 250 F.
Afin d'inciter les professionnels de santé à s'inscrire davantage dans le cadre des programmes nationaux et
dans les recommandations par tranche d’âge, un nouvel acte de dépistage devrait prochainement être inscrit à
la nomenclature. Les efforts de formation des professionnels de santé et de mise aux normes des appareils de
radiologie doivent également être poursuivis de manière à garantir la qualité des examens et de la lecture des
résultats.
3. Des difficultés de coordination et des responsabilités mal identifiées
La modification de l’organisation de la concertation entre l’Etat, l’assurance maladie et les professionnels de
santé à partir de 1998 a posé le problème du rôle de la CNAMTS dans l’élaboration de la stratégie de
dépistage. Principal financeur du dispositif, signataire des conventions passées avec les professionnels de
santé, responsable de l’évolution des dépenses de soins ambulatoires, la CNAMTS souhaiterait faire valoir ses
préoccupations concernant la qualité des examens pratiqués et les problèmes posés par la coexistence du
dépistage spontané. Mais le comité national de prévention, institué par la convention d’objectifs et de gestion
liant l’Etat et la CNAMTS, situe le dialogue entre le ministère chargé de la santé et les régimes d’assurance
maladie au seul niveau technique des modalités organisationnelles.
Le rôle des collectivités locales devrait également être précisé. Responsables de l’organisation et du
financement des structures de dépistage en vertu de la loi du 22 juillet 1983 portant répartition des
compétences entre l’Etat et les collectivités locales, les conseils généraux ont très diversement participé à la
mise en place des programmes financés par le FNPEIS, dont les crédits servent à rembourser le coût des
examens et une petite partie du fonctionnement des structures de gestion des programmes. Le retour à l’Etat
de cette compétence favoriserait sans doute une mise en place plus rapide des programmes de dépistage dans
les départements qui en sont encore dépourvus et assurerait un accès homogène de la population au dépistage
organisé.
Enfin, l’étendue de la responsabilité des différents intervenants des programmes de dépistage gagnerait à être
précisée. En effet, malgré le respect du cahier des charges national pour les examens et celui de la
réglementation pour les appareils
[125]
, la survenue d’examens faussement positifs ou faussement négatifs ne
peut être exclue. Mais ni les responsabilités de l’Etat, ni celles des structures de gestion, ni celles des
professionnels de santé n’ont encore été précisées en cas de faux résultat, pas plus qu’en cas de suivi défaillant
des personnes.
4. Une articulation avec la prise en charge diagnostique et thérapeutique peu organisée
L’articulation entre les actes de prévention et de dépistage et les actes de prise en charge diagnostique et
thérapeutique reste peu développée, comme le montre l’examen de certains programmes régionaux de santé et
surtout des schémas régionaux d’organisation sanitaire de deuxième génération.
Le cahier des charges national prévoit certes qu’il appartient au comité régional de pilotage du dépistage
organisé, en liaison avec l’ARH, de faciliter la prise en charge des soins pour les personnes dont le dépistage
s’est avéré positif. Mais la réflexion sur le suivi des personnes dont le dépistage est positif reste très générale
et les études peu nombreuses, alors que la rapidité d’intervention est un facteur important de réussite des
traitements.
Peu de SROS comportent des indications précises concernant la prévention et le dépistage des cancers, alors
que les actions de santé publique et de prévention font partie intégrante des missions des établissements de
santé et que ceux-ci disposent des appareils et des compétences en personnel adéquats pour réaliser les
examens. La prévention et le dépistage sont traités de trois manières dans les SROS : soit comme relevant de
la compétence d’autres acteurs (renvoi au programme régional de santé), soit comme un champ d’application
des réseaux en cours de constitution, soit comme une mission à part entière des hôpitaux. Dans ce dernier cas
seulement, des recommandations précises sur la participation des établissements aux actions de santé publique
et de dépistage figurent dans les schémas.
RECOMMANDATIONS
1. Augmenter les moyens consacrés à la prévention sous réserve d’une évaluation stricte de la qualité et de
l’efficacité des actions menées, notamment en accroissant la part des recettes sur le tabac affectée à
l'assurance maladie.
2. Evaluer les pratiques de prévention et de dépistage des professionnels de santé et effectuer des études coût-
efficacité des programmes de dépistage.
3. Arrêter rapidement les modalités de mise en oeuvre des programmes de dépistage prévues par l'article L.
1411-2 du code de la santé publique issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Réponse
[122]
Cf. Rapport de l'instance d'évaluation de la loi Evin, octobre 1999.
[123]
0 803 309 310.
[124]
Structure associative qui a précédé la mise en place de l’ANAES.
[125]
Les structures de gestion des programmes de dépistage sont responsables de la conformité aux normes des
appareils utilisés par les professionnels réalisant les actes de dépistage.
Section III :
La prise en charge thérapeutique
En l’absence d’une définition fine des objectifs de la politique de lutte contre le cancer, les conditions de
l’organisation des soins peuvent être appréciées au regard d’un critère très général, celui de l’égalité d’accès à
des soins de qualité. Celui ci sera examiné au regard de trois dimensions : la répartition de l’offre, la qualité
des soins et le système actuel de tarification et de financement.
I – La répartition de l’offre
Chaque malade doit pouvoir se voir offrir des soins de même qualité quel que soit son lieu de résidence :
l’information du patient est un élément essentiel de l’égalité dans l’accès aux soins. Afin d’illustrer la
problématique de l’accès aux soins et en l’absence d’indice global des besoins de soins, seront successivement
examinés trois types de soins : la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Ils sont utilisés,
successivement ou concurremment, dans les traitements. Ils présentent du point de vue de l’offre de soins des
caractéristiques propres.
A - La chirurgie
A la question simple de savoir si les patients souffrant d’un cancer ont facilement accès à un établissement
effectuant un volume suffisant d’activité en chirurgie pour être de qualité, la réponse n’est pas aisée. La
chirurgie se prête mal à des analyses limitées au cas du cancer. Les chirurgiens ont une approche de leur art
par organe et non par pathologie. Par ailleurs, le système statistique existant ne fournit pas de réponse globale
à cette interrogation. Le PMSI est organisé selon une grille d’analyse qui évoque plutôt les motifs
d’hospitalisation que les actes pratiqués lors du séjour. Seuls certains GHM peuvent être clairement rattachés à
une intervention chirurgicale
[126]
. L'exploitation des données à partir du résumé de sortie anonyme (RSA)
pourrait fournir des informations plus précises. Quant aux données de la statistique annuelle des
établissements, elles ne sont pas cohérentes avec celles qui résultent de l’exploitation du PMSI.
Seules des études particulières comme celle réalisée par le ministère de l’emploi et de la solidarité (DREES)
sur les actes chirurgicaux liés au cancer du sein
[127]
permettent de présenter quelques constats. L’analyse de la
répartition géographique des soins montre, dans ce cas précis, une répartition peu homogène des principales
plates-formes chirurgicales publiques (CHU et CLCC) sur l’ensemble du territoire, Au sein de
l’hospitalisation publique, les CLCC jouent un rôle important pour ce type de soins ; ils effectuent 22 % de
l’activité totale. Toutefois, l’intervention des établissement privés à but lucratif est prédominante dans ce
secteur : ils assurent près de la moitié du total des mastectomies. Enfin, le niveau d’activité des établissements
est très variable : 10 % des établissements assurent 55 % de l’activité totale mais 50 % des établissements ont
effectué moins de 15 interventions chirurgicales par an et environ 50 établissements n’ont assuré qu’une seule
intervention. L’étude précise toutefois que dans certains cas, la faible activité n’est pas significative de
moindre qualité car, bien qu’à la charge de l’établissement concerné, celui-ci peut "sous-traiter" l’intervention
à un établissement plus gros.
Cette étude illustre notamment le besoin de mieux connaître le niveau d’activité des établissements où ne sont
effectués qu’un petit nombre d’actes afin de vérifier que cette situation ne nuit pas à la qualité des soins. Il est
également essentiel, dans le même but, de prendre en compte l’activité du chirurgien, celui-ci pouvant
intervenir dans plusieurs établissements.
B - La radiothérapie
La radiothérapie présente des particularités qui facilitent l’évaluation de la politique mise en oeuvre. Cette
technique curative repose en effet sur l’utilisation de gros appareils en nombre relativement faible et soumis à
autorisation ainsi que sur un corps de spécialistes médicaux bien identifiés et se consacrant quasi-
exclusivement au traitement du cancer.
La radiothérapie est soumise à un double régime d’autorisation au titre des équipements et au titre de l’activité
de soins. Ces autorisations sont encadrées par des indices de besoins fixés par la carte sanitaire et par des
priorités géographiques établies par les schémas nationaux ou régionaux d’organisation sanitaire. Cette
organisation permet une gestion relativement claire des autorisations d’implantation. L’équipement du pays
correspond globalement à l’indice défini en 1973 et précisé en 1986 et non modifié jusqu’au plan de lutte
contre le cancer du 1
er
février 2000, de 6 appareils supérieurs à 50 000 électrovolts par million d’habitants
[128]
.
Cependant, d’importantes disparités et donc des inégalités potentielles d’accès aux soins existent selon les
régions. La région la mieux dotée, le Limousin, a un taux d’équipement de près de 10 appareils pour un
million d’habitants alors que la moins bien dotée, le Centre, n’a qu’un taux de 5,1. La répartition apparaît
encore plus inégale en prenant en compte la nature, la puissance et l’âge des appareils implantés dans les
régions, paramètres indispensables pour apprécier la qualité des soins dispensés. Le taux d’équipement en
accélérateurs de particules, qui sont des appareils plus récents et plus précis que les appareils au cobalt, diffère
du simple au double selon les régions. Le Languedoc-Rousillon et le Limousin sont les mieux dotés, la
Picardie et la Haute-Normandie, les moins bien avec un taux d’équipement intérieur à trois pour un million
d’habitants. La concentration des équipements préconisée par une circulaire ministérielle de 1993 pour faire
disparaître, dans la mesure du possible les installations isolées, n’est que partiellement mise en oeuvre : 18 %
des appareils recensés par l’ACRIM
[129]
sont utilisés en tant que seul équipement de radiothérapie de
l'établissement, même si, souvent, des conventions de collaboration sont passées avec des centres voisins.
Indépendamment de l’indice officiel des besoins, il est difficile d’estimer si les besoins de la population en
radiothérapie sont correctement satisfaits. Le plan du 1
er
février 2000 augmente l’indice des besoins de
manière à permettre l’installation de 100 nouveaux appareils, mais l’analyse des besoins sur laquelle cette
augmentation est fondée demeure globale. L’enquête nationale actuellement conduite par la CNAMTS sur la
radiothérapie pourrait apporter un éclairage plus précis sur cette question.
Il n’existe pas, en revanche, de normes réglementaires concernant les personnels spécialisés en radiothérapie.
Le ministère se borne à identifier nominativement le médecin spécialiste à qui est donnée l’autorisation
d’exploiter un appareil. En 1998, 598 médecins spécialistes de radiothérapie étaient recensés sous des
appellations diverses liées aux nombreuses évolutions de la filière de formation et de la qualification ordinale
en cancérologie depuis le début des années 1970 : radiothérapeutes, oncologistes - radiothérapeutes,
radiothérapeutes - oncologistes médicaux, radiophysiciens… Le taux de spécialistes par million d’habitants est
de 11 en moyenne. Aucun des établissements interrogés par la Cour n’a fait état d’un manque de médecins
bien que certains spécialistes considèrent que le nombre de jeunes radiothérapeutes en formation est
insuffisant pour un simple renouvellement des générations. Dans ce contexte d’incertitude pour l’avenir, le
ministère en charge de la santé n’a pas conduit de réflexions sur le nombre souhaitable de radiothérapeutes, ni
par appareil ni par tranche de population.
C - La chimiothérapie
La chimiothérapie est globalement moins contrôlée par l’administration sanitaire que la radiothérapie. Les
places de chimiothérapie ambulatoire, publiques et privées, entrent dans le champ des alternatives à
l'hospitalisation ; elles sont autorisées dans le cadre de la carte sanitaire et des dispositions de transformation
de lits en places. Par ailleurs, diverses circulaires ont précisé les normes de sécurité à respecter, non seulement
dans l’intérêt des patients, mais également pour préserver les personnels soignants amenés à manipuler des
drogues dangereuses.
En l’absence, comme en chirurgie, de données globales permettant de mesurer simplement la répartition des
dépenses sur le territoire et de vérifier leur adéquation à un éventuel indice de besoins, seules des études
locales peuvent être mobilisées pour formuler quelques appréciations.
Les données en provenance des échelons locaux ou régionaux du service médical de l’assurance maladie, pour
ponctuelles qu’elles soient, soulignent un certain nombre d’anomalies. L’encadrement de l’activité
ambulatoire privée lucrative par un nombre de places autorisées et la procédure de prise en charge préalable ne
paraissent plus adaptés à la réalité de l’activité. L’enquête conduite en Bretagne montre qu’il existe une
certaine déconnexion entre l’activité réelle des établissements et leur capacité d’accueil théorique. En
Bretagne toujours, ainsi qu’à Saint–Etienne, sont mises en évidence la grande variété de protocoles utilisés en
matière de chimiothérapie pour des situations cliniques comparables ainsi que l’utilisation de protocoles plus
récents et plus onéreux dans le secteur privé à but lucratif que dans le secteur public.
En ajoutant à ces observations les conséquences des différences de modes de tarification qui sont analysées ci-
dessous, il convient de conclure à des indices concordants d'une différenciation injustifiée des traitements.
II - La qualité des soins
Diverses démarches partielles ont été récemment initiées soit par l’Etat soit par les acteurs du système de santé
en vue d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Les principaux axes de cette amélioration sont
définis dans l’introduction de la circulaire du 24 mars 1998 : encourager les schémas de prise en charge de
malades fondés sur des protocoles validés scientifiquement, adapter et graduer les soins, favoriser les
procédures d’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins, répartir de manière équilibrée les capacités de
soins sur l’ensemble du territoire.
Les observations faites précédemment qui soulignent les limites des systèmes d’information relatifs à l’offre
de soins, témoignent des difficultés de mise en oeuvre d’une approche quantitative. Sera développée ici
l’approche qualitative illustrée par la constitution de protocoles et de référentiels de soins ainsi que par la mise
en place d’une organisation des soins plus structurée.
A - La constitution de référentiels et de protocoles de soins
La démarche de normalisation des soins actuellement engagée correspond à l’idée qu’une pratique médicale
doit pouvoir être justifiée par la référence à des protocoles dont l’efficacité a été démontrée scientifiquement.
La constitution et la diffusion de référentiels en cancérologie s’imposent d’autant plus que les études
disponibles, notamment celles conduites par l’Union européenne dans le cadre du programme Eurocare,
montrent des variations sensibles et non expliquées dans la prise en charge globale d’un même type de cancer
selon les établissements ou les zones géographiques. L’ANAES, la FNCLCC, les sociétés savantes et les
établissements eux-mêmes participent à l’élaboration de ces référentiels.
1. Les recommandations de l’ANAES
En s’en tenant aux seules recommandations classées « cancérologie », le rôle de l’ANAES est tout à la fois
modeste en volume et peu clair dans la méthode. Selon son directeur, 5 à 10 % de l’activité de l’ANAES est
actuellement consacrée au cancer, celui-ci constituant une priorité moindre que par le passé. Une seule étude a
été publiée en 1999. Surtout, les référentiels de l’ANAES, par leurs statuts divers, conférences de consensus,
recommandations pour la pratique clinique ou encore recommandations et références médicales, sont
d’utilisation malaisée pour les praticiens de santé. Ils apparaissent également à certains déjà anciens, compte
tenu du rythme rapide d’évolution des connaissances. Toutefois, d’autres référentiels élaborés par l’ANAES
(technique d’imagerie, pratique de la chirurgie, soins palliatifs, traitement de la douleur) participent également
de la prise en charge globale des patients atteints d’un cancer.
2. Les Standards, Options, Recommandations de la FNLCC
La FNCLCC a souhaité valoriser son expérience pour jouer au profit des centres anti-cancéreux un rôle assez
voisin de celui de l’ANAES. Une coordination entre l'ANAES et la FNLCC est en train de s'instaurer,
notamment par des travaux communs sur le cancer du sein. Selon la fédération, l’élaboration des "standards,
options, recommandations" (SOR) a pour but "d’améliorer l’efficience et la qualité des soins apportés aux
patients atteints de cancer". En pratique, les SOR se présentent comme des manuels comportant des arbres de
décision et des bilans de connaissances sur chaque question, les méthodes préconisées étant classées dans
chacune des catégories, standards, options ou recommandations selon le degré d’unanimité qu’elles
recueillent. Ils ne couvrent pas l’ensemble du champ de la cancérologie.
L’enquête conduite par la Cour auprès des CLCC comme des CHU montre que les SOR sont mieux connus
que les référentiels de l’ANAES dans les deux catégories d’établissements de santé. Pour sa part, le ministère
en charge de la santé n’a pendant longtemps pas choisi entre la démarche de l’ANAES et celle de la FNCLCC
puisqu’il finançait les deux, les SOR étant en outre subventionnés notamment par la Ligue nationale contre le
cancer.
3. Les référentiels propres à une structure de soins.
Les recommandations de l’ANAES ou les SOR servent également de sources pour l’élaboration par les
établissements de soins eux-mêmes de leurs propres recueils de fiches à visée pratique, tantôt appelées
"thésaurus", tantôt "référentiels". Ces thésaurus peuvent être utilisés par un établissement ou par un réseau.
Les thésaurus des CHU sont plus ou moins normatifs : simplement mis à disposition à Lyon, Bordeaux ou
Marseille par exemple, leur usage est obligatoire dans d’autres établissements comme à Tours et Amiens. Des
thésaurus particuliers existent aussi dans certains CLCC.
La mise en oeuvre d’une standardisation des soins dans le cadre d’un réseau peut être de nature à poser de
délicats problèmes de responsabilité en cas d’accident thérapeutique. Pour s’en prémunir, le thésaurus du
réseau ONCORA (Rhône-Alpes) introduit ses préconisations de traitement par une mention précisant que le
réseau "décline toute forme de responsabilité en ce qui concerne les conséquences éventuelles de tous ordres -
notamment thérapeutiques- qui pourraient résulter de la mise en oeuvre des recommandations
contenues dans
ce thésaurus".
L’existence de ces référentiels de soins apparaît comme un critère significatif de la qualité des soins et leur
valeur pourrait être renforcée par une procédure d'évaluation conduite par l'ANAES. Pourtant, trop peu
d’établissements, y compris les grands CHU en sont encore dotés. Les variations possibles de référentiels
selon les structures de soins illustrent l’absence de politique organisée en matière de qualité des soins.
B - La structuration de l’organisation des soins
L’organisation de filières de soins constitue un autre moyen d’améliorer la qualité des soins. Les dispositifs les
plus récents évoquent tout à la fois la gradation de la prise en charge et la mise en oeuvre de réseaux.
1. La gradation de la prise en charge
La circulaire du 24 mars 1998 relative à l’organisation des soins en cancérologie crée trois niveaux de
structures de soins en cancérologie : les "sites de référence en cancérologie", les "sites orientés en
cancérologie" et les "moyens de proximité traitant les patients cancéreux" en fonction des missions qui leur
sont confiées et de l’importance des équipements dont ils disposent. Cette circulaire est contemporaine de
celle relative à la révision des SROS qui est du 26 mars de la même année. Si le texte relatif aux SROS
n’évoque que brièvement l’organisation de la cancérologie, la circulaire propre à cette pathologie se place
clairement dans le cadre des futurs SROS "de deuxième génération" qui doivent permettre la mise en oeuvre de
la nouvelle organisation préconisée. L’examen d’un échantillon de treize SROS de deuxième génération
montre que les orientations ministérielles ont été inégalement mises en oeuvre (sur le contenu général des
SROS de deuxième génération, cf. chapitre V,
supra
, p. 00).
Tous les SROS examinés font référence à la circulaire du 24 mars 1998 et comportent un volet "cancérologie"
plus ou moins développée selon les régions. Toutefois, les SROS ne précisent que rarement les conséquences
pratiques de ce texte sur la stratégie régionale. La structuration en trois niveaux de compétences des
établissements de soins n’est pas décrite dans tous les documents ou, lorsqu’elle l’est, la désignation des
établissements appartenant à chacune des catégories n’est pas faite. Les ARH auront donc la responsabilité de
susciter et de soutenir les projets d’établissements compatibles avec le SROS afin de leur donner
progressivement un contenu concret.
2. Les réseaux de soins
La notion de réseau est essentielle en cancérologie compte tenu de l’importance donnée à la pluridisciplinarité
dans la prise en charge thérapeutique. Le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999 évoque les réseaux de soins en cancérologie comme le moyen de garantir à chacun une orientation vers
une structure adaptée à son cas.
Compte tenu du manque de précision des textes instituant les réseaux, l’organisation de ceux-ci en
cancérologie peut s‘appuyer tant sur les dispositions de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale que
sur celles de l’article L. 712-3-2 du code de la santé publique qui concerne notamment des réseaux de soins
expérimentaux permettant la prise en charge globale des patients atteints de pathologies lourdes. Bien que ces
réseaux aient des caractéristiques différentes, les diverses circulaires du ministère en charge de la santé qui
abordent le sujet ne se prononcent pas sur l’utilisation de l’une ou l’autre des procédures.
La notion de réseau de soins en cancérologie est présente dans l’ensemble des SROS de deuxième génération
examinés mais leur organisation est très variable. Dans une première série de cas, l’ensemble des
établissements de soins compétents en cancérologie est intégré dans un réseau unique sans compétition
possible entre plusieurs structures ; dans d’autres cas, l’ARH a admis ou encouragé la constitution de plusieurs
réseaux différents à l’intérieur de la région, potentiellement en rivalité. Cette logique concurrentielle devrait
nécessiter un effort d’information particulier vis-à-vis des patients qui pourraient être amener à choisir leur
établissement de soins en fonction du réseau auquel il appartient.
Concrètement, beaucoup de réseaux annoncés sont encore à l’état de projet. L’analyse de quelques réseaux
existants permet de conclure que ceux-ci participent à l’amélioration de la prise en charge des patients. Ils
mettent en oeuvre des protocoles de soins qui leur sont propres et disposent de procédures d’évaluation interne,
mais il n’existe pas de procédures de sanctions internes au réseau propres à assurer son auto-régulation. Par
ailleurs, le dossier médical unique n’est encore qu’un projet pour beaucoup.
III – la tarification et le financement des soins
A – Le système actuel de tarification et de financement
Le système actuel de tarification et de financement pose un certain nombre de problèmes relatifs à l’allocation
des ressources financières, à la qualité des soins et aux conditions de prise en charge des malades.
1. La tarification de la radiothérapie
Lorsqu’elle est effectuée en clinique privée ou en secteur libéral, la radiothérapie est rémunérée selon une
tarification reposant sur la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Il est difficile de se
prononcer sur la pertinence du niveau de cette tarification
[130]
: les professionnels estiment qu’il est
anormalement bas ; le gouvernement semble partager ce constat puisque le plan cancer du 1
er
février 2000
prévoit
que certains actes seront revalorisés sans que d’autres soient dévalorisés, ce qui revient à une
revalorisation globale ; toutefois, aucune étude de fond ne démontre une sous-tarification manifeste et, à
l’inverse, 44 % des appareils sont déjà dans le secteur privé et les demandes d’agrément pour des appareils
supplémentaires sont nombreuses.
En revanche, il est certain que la NGAP, qui a très peu évolué depuis les années soixante-dix, n’est plus
adaptée aux techniques et connaissances actuelles et peut même avoir un impact négatif sur la qualité des
soins. Elle privilégie, en effet, l’emploi d’énergies importantes alors qu’il est admis aujourd’hui que des
énergies mieux dosées sont souvent aussi efficaces et moins nocives. De plus, elle rémunère mal les travaux
de préparation de l’irradiation (en particulier la réalisation de caches et de moyens de contention), ce qui
n’incite pas à rechercher les irradiations les plus précises et limitées possibles.
Lorsqu’elle est effectuée en établissement hospitalier sous dotation globale en hospitalisation complète, la
radiothérapie n’est pas identifiée par un GHM spécifique. Seule la radiothérapie effectuée en ambulatoire,
c’est-à-dire avec une hospitalisation inférieure à 24 heures, fait l’objet d’un GHM spécifique (GHM 682).
Jusqu’au début de cette année, ce GHM n’était pas satisfaisant car il regroupait des actes très divers à forte
variabilité de coûts. Depuis le 1
er
janvier 2000, il a été éclaté en cinq GHM différents (dont deux portant sur
les actes de préparation de l’irradiation), ce qui permet une prise en compte beaucoup plus précise et limite la
tentation de choisir l’acte le moins onéreux au détriment de la qualité de vie du patient.
2. La prise en charge de la chimiothérapie
La forte augmentation des prix des médicaments anticancéreux ces dernières années et les grandes variations
de coûts des traitements selon les molécules utilisées ont rendu les systèmes de prise en charge de la
chimiothérapie inadaptés aux réalités actuelles et susceptibles de créer d’importantes inégalités dans la qualité
des soins :
En établissement hospitalier sous dotation globale, la chimiothérapie est décrite, comme les autres activités,
par le PMSI. Toutefois, le PMSI prend mal en compte sa spécificité :
- d’une part, par construction, la valorisation des activités par GHM repose sur l’étude nationale de coûts
effectuée trois ans plus tôt
[131]
; or, sur ces trois dernières années, le coût moyen des médicaments utilisés en
cure de chimiothérapie a plus que doublé dans une majorité d’établissements ;
- d’autre part, un seul GHM (le GHM 681) couvre l’ensemble de la chimiothérapie ambulatoire et offre la
même valorisation à toutes les cures quelles que soient les molécules utilisées, ce qui entraîne des écarts
parfois considérables : ainsi, une étude réalisée par le centre hospitalier Lyon-Sud montre-t-elle que la
rémunération déduite du PMSI des médicaments anticancéreux utilisés dans le centre lors de traitements
ambulatoires était de 631 F en 1999, alors que les coûts réels des nouveaux cytostatiques variaient entre 2 076
F pour le Gemzar® et 21 237 F pour la Leustatine®.
L’activité de chimiothérapie des établissements sous dotation globale étant mal prise en compte par le PMSI,
ces établissements ressentent une contrainte financière de plus en plus forte qui peut les conduire à limiter
l’usage des nouvelles molécules, lesquelles réduisent les effets secondaires mais sont beaucoup plus chères, et
à privilégier les traitements en hospitalisation complète pour lesquels la valorisation PMSI est moins
pénalisante en raison de la bonne description des coûts hôteliers et des coûts médicaux hors médicaments.
Le système de tarification appliqué aux établissements privés à but lucratif est lui aussi, générateur
d’importantes distorsions. En effet, si le patient est traité en hospitalisation complète, la clinique est
remboursée d’un forfait journalier médicament variant en général entre 70 et 200 F, donc assez loin de
pouvoir couvrir le coût des nouveaux médicaments anticancéreux. A l’inverse, si le patient est traité en
ambulatoire, les médicaments sont remboursés aux cliniques par l’assurance maladie sur la base de leur coût
réel, majoré éventuellement d’une marge pouvant atteindre 30 %.
Ce système peut donc entraîner trois types de discriminations :
- une clinique privée pouvant être financièrement pénalisée lorsqu’elle réalise des chimiothérapies pour des
patients en hospitalisation complète, a intérêt à essayer de traiter ses patients en hospitalisation de jour ou à les
orienter vers un établissement sous dotation globale ;
- en revanche, un patient traité en ambulatoire dans un établissement privé à but lucratif bénéficiera plus
facilement des médicaments les plus chers et les plus récents qu’un patient traité dans un établissement sous
dotation globale ;
- avec la forte augmentation du coût des molécules, la marge qui devait au départ compenser en particulier des
frais de stockage et de manipulation, peut représenter des montants importants pour une clinique privée et
l'inciter, à effets égaux, à prescrire les médicaments les plus coûteux.
3. La détermination des dotations globales
La dotation des établissements publics et PSPH est arrêtée par les ARH, en prenant notamment en compte les
informations données par le PMSI. Cette approche constitue une avancée importante dans la rationalisation de
la répartition de l’enveloppe hospitalière globale entre régions et entre établissements car elle permet un suivi
beaucoup plus précis de l’évolution de l’activité réelle des établissements. Cependant, dans son utilisation
budgétaire, le PMSI présente des faiblesses dont certaines sont sérieuses en matière de cancer.
En premier lieu, il accentue le risque de tri ou "d’écrémage" des patients. Un établissement peut, en effet,
calculer le coût potentiel d’un patient et le comparer au coût théorique selon la valorisation issue du PMSI. Si
l’écart est trop grand en sa défaveur, ce qui n’est pas exceptionnel en cancérologie en raison de la dispersion
des coûts des traitements au sein d’un même GHM, il peut alors chercher à l’orienter vers d’autres
établissements.
En second lieu, le PMSI peut influer sur les pratiques thérapeutiques, par exemple en retardant, pour raisons
financières, l’utilisation de nouveaux traitements plus onéreux, ou en suscitant des hospitalisations répétées
pas nécessairement indispensables (ainsi, une cure de cinq séances de chimiothérapie sera-t-elle mieux
valorisée si chacune de ces séances fait l’objet d’une hospitalisation plutôt que d’être effectuée à domicile
comme c’est parfois possible
[132]
).
En troisième lieu, ne mesurant pas la qualité des soins et décrivant le coût moyen de l’échantillon national et
non un coût optimum des traitements, le PMSI ne peut constituer un instrument budgétaire unique et doit être
complété par des études plus détaillées.
4. Les relations entre l’hôpital et la médecine de ville
Le traitement d’un patient souffrant de cancer se partage souvent entre la médecine de ville et l’hôpital.
Comme il n’est fait aucune mesure de l’activité de ville, en raison de l’absence de codage par pathologie, ni
aucune mesure des coûts du transport sanitaire par pathologie, il est difficile d’estimer si, à qualité de soins et
de confort comparable, les patients ne devraient pas être plus souvent traités à domicile. Réciproquement, il
est difficile de vérifier qu’un établissement hospitalier n’ait pas parfois tendance, pour des questions
budgétaires internes, à écarter l’hospitalisation de
certains de ses patients alors que le traitement en ville n’est
pas le plus adapté pour ceux-ci et qu’il n’est pas forcément moins coûteux pour l’assurance maladie.
De telles pratiques ont des répercussions sur les enveloppes de dépenses et montrent les limites de la
distinction actuellement opérée entre enveloppe de ville et enveloppe hospitalière.
B – Les voies d’amélioration du système de tarification et de financement des
traitements du cancer
La réduction des discriminations que le système actuel de tarification et de financement est susceptible
d’engendrer, suppose au préalable une meilleure connaissance des coûts.
1. La nécessité d’une bonne mesure des coûts
Une connaissance précise des coûts est indispensable à la mise en place d’un bon système de tarification et de
financement. Trois améliorations sont prioritaires :
- un système de codage modernisé et étendu à la médecine de ville (un important travail est actuellement en
cours pour parvenir à une classification commune des actes médicaux et de santé qui permettrait de coder et
décrire l’activité de l’ensemble des professionnels de santé) (sur ce sujet, cf. chapitre préliminaire,
supra
, p.
15) ;
- le développement de comptabilités analytiques performantes et prenant en compte des informations classées
par pathologies ; ce travail, très lourd, devra être mené dans le contexte des moyens humains et financiers
disponibles et ne pourra qu’être lent et limité ; il est donc souhaitable que l’effort actuel des établissements
pour mener des études ponctuelles de coûts sur les traitements du cancer se poursuive et que les résultats de
ces études fassent l’objet d’une centralisation et d’une exploitation par le ministère de l’emploi et de la
solidarité ;
- l’amélioration continue de l’outil PMSI ; une avancée significative a été faite au 1er janvier 2000 avec la
mise en place du "diagnostic relié" qui explique pourquoi le séjour a été prescrit (cette avancée est importante
en matière de cancer car, jusqu’alors, lorsqu’un patient était par exemple hospitalisé pour une fracture osseuse,
le seul "diagnostic associé" permettait de savoir qu’il souffrait également d’un cancer, mais ne permettait pas
de savoir si la fracture elle-même était due au cancer) ; d’autres améliorations sont actuellement étudiées ou
devraient l’être, avec une incidence forte pour le cancer : le chaînage des séjours, la création de GHM
supplémentaires en cancérologie, la prise en compte du stade de la maladie, la prise en compte du coût de
l’interdisciplinarité…
2. L’adaptation ou la réforme de la tarification et du financement
A partir d’une bonne connaissance des coûts, plusieurs voies d’adaptation ou de réforme peuvent être
préconisées.
En matière de radiothérapie, si le niveau moyen de la tarification ne devrait être modifié qu’après une étude
détaillée de coûts, la structure de la NGAP doit elle-même être réformée dans les meilleurs délais afin de
prendre en compte les progrès récents des connaissances et des techniques.
En matière de chimiothérapie, plusieurs mesures sont de nature à réduire les distorsions causées par les
modalités de financement. Elles concernent :
- la réduction ou la suppression, de façon progressive mais rapide, de la marge des 30 % accordée aux
établissements privés à but lucratif, marge dont la justification est faible, qui représente un surcoût pour
l’assurance maladie et qui entraîne des différences de traitement importantes avec le secteur hospitalier sous
dotation globale ;
- la prise en compte de la spécificité actuelle de la chimiothérapie dans le PMSI ou au moment de la fixation
des dotations globales pour les établissements sous dotation comme dans l’établissement du forfait
médicament pour les établissements privés à but lucratif, afin de permettre à l’ensemble des établissements de
faire face à l’augmentation très rapide du prix des molécules ;
- la création de plusieurs GHM, comme cela a été fait en radiothérapie, afin de mieux prendre en compte la
variété des situations en chimiothérapie ambulatoire.
Enfin, de façon plus générale, la meilleure tarification étant en théorie celle qui se rapproche le plus des coûts
réels complétés par d’éventuelles marges, la réflexion se développe en France, comme dans beaucoup de pays
occidentaux, sur un système de tarification à la pathologie qui aurait l’avantage de fonder le financement de
chaque établissement sur une mesure plus juste de son activité, de rapprocher les modes de financement des
deux secteurs de l’hospitalisation et de permettre la mise en oeuvre de nouveaux modes de régulations plus
efficaces et plus équitables.
L’article 55 de la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle a permis au
gouvernement de lancer une expérimentation en la matière. Les groupes de pilotage et de travail sont
aujourd’hui constitués et une première expérimentation sur site devrait être conduite l’an prochain. Les
problèmes méthodologiques sont considérables, mais les résultats de ces travaux pourraient être fondamentaux
pour une pathologie aussi importante que celle du cancer (environ 15 % de l’activité hospitalière) et présentant
des problèmes de tarification et de financement aussi significatifs.
RECOMMANDATIONS
1. Développer la connaissance de l’offre de soins par pathologie, notamment par une exploitation au niveau
national des enquêtes conduites au plan local.
2. Progresser dans la mise en place de la gradation en trois niveaux des structures de soins prévue par la
circulaire du 24 mars 1998 relative à l’organisation des soins en cancérologie dans les établissements
d’hospitalisation publics et privés.
3. Encourager la mise en oeuvre de référentiels de soins.
4. Réduire les distorsions liées au système actuel de tarification et de financement : actualiser la
nomenclature de la radiothérapie, harmoniser le niveau de financement de la chimiothérapie dans les secteurs
public et privé, en veillant à supprimer les marges non justifiées et à mieux prendre en compte des coûts
fortement croissants.
SYNTHESE
Les observations formulées à propos de la lutte contre le cancer mettent en évidence certaines
caractéristiques de la santé publique en France ainsi que les freins à la définition d'une politique structurée et
cohérente.
Le contexte dans lequel s'inscrit cette politique est celui du libre choix du médecin par le malade et d’une
atomisation des centres de décision. Cette liberté ne doit pas empêcher, au cas particulier de la cancérologie,
que les politiques de prévention et de détection précoce soient relativement structurées pour être efficaces. En
outre, il est communément admis, pour cette pathologie, que la qualité de la prise en charge du patient est très
fortement influencée par le premier accès dans le système de soins. Alors que celui-ci est souvent laissée à
l'initiative du patient, aucune information organisée n’est mise à sa disposition.
Les politiques mises en oeuvre ne corrigent pas les inconvénients qui peuvent découler de ces choix de base.
Le ministère en charge de la santé n’a pas encore appliqué les dispositions de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 afférentes aux programmes de dépistage organisé, c'est-à-dire n’a pas publié les
textes, et notamment le décret fixant la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que
par des professionnels et des organismes ayant souscrit une convention avec l’assurance maladie. Les
mesures récemment prises pour rationaliser l'organisation des soins et tendre vers l'égalité d'accès à des
soins de qualité n'ont, pour leur part, pas de valeur normative. Les préconisations de la circulaire du 24 mars
1998 relatives à l'organisation des soins en cancérologie ne sont que des recommandations. Leur mise en
oeuvre à travers les SROS, pour autant qu'elle impliquait de faire des choix entre des établissements
hospitaliers, ne sera que progressive. La constitution de réseaux est prévue par la loi, mais elle n'est qu'une
faculté offerte aux professionnels de santé. La démarche de normalisation des soins à travers l'élaboration de
référentiels et de protocoles se développe en ordre dispersé. Les rôles respectifs de l’ANAES et de la
FNCLCC, qui a fait dans ce domaine un travail important, n’ont pas été explicités. Une coordination
commence cependant à s'instaurer. La variation de contenu des référentiels selon les établissements illustre
l'absence d'une politique organisée de qualité de soins.
Les systèmes d'information nécessaires à la mise en oeuvre d'une conception et d'une évaluation de la politique
de santé, appréhendée par le biais d'une pathologie, ne sont pas suffisamment exhaustifs. L'étude a souligné
les progrès considérables que la mise en place du PMSI a permis dans la connaissance de l'activité
hospitalière et de ses coûts. L'utilisation de cet outil est une avancée importante dans la qualité et la
rationalité de la répartition de l'enveloppe hospitalière globale entre régions et entre établissements. Le PMSI
comporte cependant encore des imperfections et des limites qui expliquent son utilisation non mécanique par
les ARH en tant qu'outil budgétaire.
Les moyens de connaissance de l'offre de soins ne sont pas adaptés, en revanche, à une exploitation par
pathologie. Hormis dans le cas des centres de lutte contre le cancer, il n'est pas possible d'identifier le
nombre de lits ou de places utilisés au titre des soins en cancérologie, alors qu'il s'agit de l'unité de compte de
la carte sanitaire. Les données épidémiologiques disponibles n'étant ni suffisamment exhaustives ni
suffisamment valorisées, aucune approche globale et quantitative de l'adéquation de l'offre de soins aux
besoins ne peut être mise en oeuvre. Cette situation explique le développement des analyses sectorielles et
locales, non exhaustives, mais prenant en compte la notion de qualité des soins. Toutefois, même si de telles
études sont souvent publiées, l'exploitation de leurs résultats au niveau national, et en particulier à la DGS,
est loin d'être systématique.
Du fait d'une connaissance encore limitée des coûts par pathologie, le ministère de la santé et les caisses
d'assurance maladie ne sont pas encore pourvus d'outils appropriés pour conduire des études de
coût/efficacité pour l'organisation du dépistage et des soins ; l'allocation des ressources s'effectue sur la base
de critères globaux qui ne garantissent pas leur répartition optimale.
Surtout, une véritable politique de santé ne sera mise en place que lorsque les différents acteurs, et notamment
l'Etat et l'assurance maladie, travailleront mieux ensemble et seront en mesure de combiner une approche par
pathologie, une approche par population et une approche par producteurs d'actes qu’il s’agisse de
prévention, de dépistage, de diagnostic ou de traitement, et donc d'évaluer la performance globale du système.
Cette démarche est plus qu'ambitieuse dans un contexte de difficile coordination.
Au sein du ministère en charge de la santé, la compétence de la DGS et celle de la direction des hôpitaux se
recouvraient en partie, notamment pour l'organisation des soins jusqu’à l’actuelle réorganisation. L'absence
de structure spécialisée sur les pathologies dans l'une et l'autre des directions ne facilite pas le
rapprochement des points de vue et ne prédispose pas ces structures à remplir les nombreuses missions dont
elles sont chargées.
Il convient, à cet égard, de souligner les faiblesses des moyens consacrés par la DGS
[133]
. Alors qu'elle
délègue certaines des missions qu'elle devrait assurer à d'autres intervenants (ligue nationale contre le cancer
par exemple au cas particulier du cancer), des interrogations persistent sur sa capacité à exploiter les
données épidémiologiques qui lui seront fournies par l'institut de veille sanitaire. Par ailleurs, le ministère ne
reconnaît à l'assurance maladie de rôle actif qu'en matière de prévention et de dépistage, mais non de soins.
Pourtant, la convention d'objectifs et de gestion 1997/1999 laisse penser que la CNAMTS pourrait avoir une
certaine action dans ce domaine, dans une optique de rationalisation de la dépense et d'amélioration des
filières de soins par l'intermédiaire du contrôle médical.
La CNAMTS s'est d'ailleurs engagée dans une réflexion dite "projets prérequis nationaux" dont la finalité
serait d'établir pour un nombre réduit de pathologies des indicateurs de besoins à partir du recensement de la
population, le plateau technique idéal avec les seuils d'activité, et des indicateurs de besoin d'offre. Ce projet
très ambitieux, puisqu'il vise à réfléchir à une organisation sanitaire découlant des besoins de la population,
ne semble en être qu'aux tout premiers stades de la réflexion. Il témoigne essentiellement de l'intérêt d'une
meilleure coordination des analyses et des projets de l'Etat et de l'assurance maladie en vue d'une
amélioration de la santé et du bien-être des Français.
Réponse
[126]
tel le GHM 369 : mastectomie totale pour tumeur maligne, âge inférieur à 70 ans sans complication ou
morbidité associée.
[127]
Etudes et résultats n°18 – juin 1999.
[128]
Le taux réel est de 6,1 appareils par million d’habitants.
[129]
Annuaire de la cancérologie / radiothérapie et des imageries médicales
[130]
En juillet 1998, le gouvernement a ramené la valeur de la lettre clé de radiologie, Z, de 10,95 à 10,60
francs. Par arrêté du 2 octobre 1998, il a ensuite créé une lettre-clé Z4, spécifique à la radiothérapie, pour
permettre un retour, pour les seuls radiothérapeutes, au niveau du Z d’avant juillet.
[131]
La dotation pour l’exercice n+1 d’un établissement est arrêtée en n par l’ARH, à partir des données de
l’année n-2 de l’étude de coûts, données recueillies et traitées en n-1 et n.
[132]
L’absence de chaînage des séjours, pour préserver l’anonymat des patients, ne permet pas de détecter ces
pratiques et, de façon plus générale, ne permet pas de suivre un patient tout au long de son traitement, ses
diverses hospitalisations ne pouvant être identifiées dans le cadre du PMSI.
[133]
Deux personnes suivaient jusqu’au début de l’année 2000 la politique de lutte contre le cancer à la DGS.
La plus ancienne dans ce secteur vient de quitter le ministère.
LA SECURITE SOCIALE
CHAPITRE VIII
Les politiques conventionnelles entre les
professionnels de santé et l’assurance
maladie
Depuis 1971, un dispositif conventionnel national organise la participation des caisses d’assurance maladie au
remboursement des soins et prescriptions délivrés par les professionnels de santé. Il vise ainsi à concilier les
deux caractéristiques dont la coexistence fait l’une des spécificités du système français de protection sociale :
l’exercice libéral de la médecine et des professions paramédicales, assorti du libre accès à leurs soins et
prescriptions d’une part, une assurance maladie obligatoire d’autre part. Il institue une forme de participation
des professionnels libéraux à l’exécution du service public de la sécurité sociale et les associe à sa définition.
Initialement limitées à la fixation d’un tarif unique à l’échelle nationale pour l’ensemble des professionnels,
les conventions ont vu leur champ et leur objet s’élargir pour englober une part croissante des composantes de
la relation entre le patient et les professionnels de santé. Elles comprennent principalement deux types de
dispositions : celles visant à la régulation collective des systèmes de soins et celles qui, dans une optique plus
qualitative, visent à modifier les pratiques individuelles.
Cette ambition croissante a rencontré des limites de plus en plus évidentes. Le bilan établi par la Cour montre
que les conventions n’ont réussi ni à assurer la régulation des dépenses, ni à modifier les pratiques
individuelles (section I). La formule du généraliste référent, mise en place par les partenaires conventionnels
pour tenter de trouver une voie nouvelle, n’a guère conduit pour l’instant à des résultats tangibles (section II.)
Plus fondamentalement, le cadre conventionnel lui-même, tel qu’il s’est développé, débouche sur des
difficultés juridiques de fond (section III). Une réflexion et une réforme d’ensemble apparaissent aujourd’hui
nécessaires. Les observations qui suivent visent à présenter non pas un bilan exhaustif mais des éléments qui
paraissent à la Cour devoir contribuer à éclairer certaines voies d’une telle réforme.
Section I :
Les limites des politiques conventionnelles
Les conventions
Depuis la loi du 3 juillet 1971, des conventions entre les syndicats représentatifs des
professionnels de santé et deux au moins des caisses nationales d'assurance maladie
règlent leurs rapports. Elles prévoient aussi des dispositions qui concernent directement
les patients, notamment l'évolution des tarifs. Les actes et prescriptions des
professionnels conventionnés sont partiellement remboursés par l'assurance maladie.
Il existe une convention par profession. Elle entre en vigueur après son approbation par
un arrêté interministériel, et ses dispositions sont alors obligatoires pour les
professionnels conventionnés. Les conventions sont nationales, alors qu'elles étaient
départementales jusqu'en 1971.
Dans le cas des médecins, à défaut d'accord, le gouvernement peut, depuis 1996, prendre
"règlement conventionnel minimum".
un
Les conventions ont eu le mérite de donner un cadre au dialogue entre l’assurance maladie et les professions
de santé. C’est aussi dans ce cadre qu’a pu intervenir un développement massif de l’offre de soins tout en
maintenant, pour la plupart des actes et prescriptions, un taux de remboursement important. Les limites n’en
sont pas moins manifestes.
I – Les limites dans la régulation collective de l’offre de soins
A – La régulation par les tarifs et la négociation d'avantages annexes
L’efficacité des mécanismes conventionnels suppose qu’un maximum de professionnels accepte de rentrer
dans la logique d'une tarification unique servant de base au remboursement, de manière que chaque assuré
puisse s’adresser à un professionnel conventionné. Lors de la négociation des premières conventions
notamment, le souci de l’assurance maladie et des pouvoirs publics a donc été de conclure des conventions
suffisamment attractives. De ce point de vue, le succès est manifeste puisque plus de 99% des professionnels
de santé sont conventionnés. Il tient à l’importance économique du conventionnement pour les professionnels
puisqu’il constitue le moyen de solvabiliser la demande.
Pour deux professions importantes, les médecins de ville et les dentistes, ce succès en termes de taux
d’adhésion n’a toutefois été acquis qu’au prix d’une différenciation des prix et des taux de remboursement,
contraire à la logique des conventions et qui réduit la qualité de la prise en charge : pour les dentistes, de
manière très généralisée, avec la possibilité de dépasser des tarifs conventionnels trop faibles
[134]
; pour les
médecins, avec l'acceptation du droit à dépassement et surtout, depuis 1980, du secteur 2
[135]
, consistant à
autoriser des médecins à dépasser les tarifs opposables tout en restant conventionnés. Le secteur 2, s’il ne
représente globalement que le quart des médecins, est majoritaire pour certaines spécialités et dans certains
départements, notamment à Paris.
L’adhésion des médecins n’a été acquise aussi qu’en consentant aux spécialistes des tarifs sensiblement
supérieurs à ceux des généralistes, ce qui a favorisé, sur le long terme, un déplacement de l’offre de soins vers
la fonction de spécialiste : le nombre de spécialistes exerçant en ville est beaucoup plus important par rapport
à celui des généralistes que ce n’est le cas dans la plupart des pays.
En outre, alors que le conventionnement est par nature un équilibre entre des tarifs plafonnés et la
solvabilisation de la demande permise par le remboursement, le second aspect a de plus en plus été considéré
comme allant de soi, et la négociation a de manière croissante porté sur les avantages annexes. Ceux-ci ont été
considérés comme des concessions permettant la signature de certains syndicats médicaux, et cela sans que
soient toujours demandées ou obtenues de réelles contreparties.
Les deux avantages les plus importants sont la prise en charge, par l'assurance maladie, d’une fraction des
cotisations sociales des professionnels et, pour les médecins, celle des deux tiers du régime particulier de
l'allocation supplémentaire vieillesse (ASV).
Le premier avantage, qui coûte 8,2 MdF à l’assurance maladie, représente un supplément de revenu net de
12,7 % pour les médecins,
10,2 % pour les dentistes et les sages-femmes et 8,9 % pour les auxiliaires médicaux. Il avait été accordé au
départ en échange de la signature des conventions et de l’adhésion des médecins. Même après que les
conventions ont été annulées par le Conseil d’Etat – ce qui a été fréquemment le cas – cet avantage a été
maintenu. Dans le cas des spécialistes qui n’ont pas accepté en 1997 de conclure une convention, il est
simplement réduit mais non remis en cause. Pour les autres professions, il a été maintenu intégralement, sauf
pour les dentistes lorsqu’ils avaient décidé en 1993 de s’affranchir des tarifs autorisés. Au surplus, l’assiette
utilisée pour le calcul des cotisations prises en charge est constituée des revenus nets ; elle favorise donc les
praticiens qui ont un volume d’activité élevé et, pour les dentistes, ceux qui procèdent à des dépassements
d’honoraires. Pour ces derniers, la cotisation prise en charge par l’assurance maladie sur cette partie de
l’assiette s’élève à 842 MF (60 % du total).
Cet avantage a été progressivement accru : pour les médecins, il a été étendu en 1990 à une fraction des
cotisations d'allocations familiales, et la prise en charge de la cotisation vieillesse est passée en 1999 de 104 à
120 fois la valeur de la lettre clé C.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a certes introduit la possibilité pour les caisses de
majorer la prise en charge pour faire évoluer le système de soins, mais les modalités d’application de ce
principe n’ont pas été définies et il est très difficile de mettre en cause un avantage considéré de longue date
comme partie intégrante du revenu réel. La prise en charge des cotisations, qui constitue en réalité l’équivalent
d’un supplément d’honoraires, obscurcit d’ailleurs le débat sur le niveau de la rémunération des
professionnels. On peut se demander s'il ne serait pas plus clair, et donc meilleur à long terme pour les
négociations, de supprimer cet avantage en revalorisant les honoraires à due concurrence.
Quant à l'ASV
[136]
, l'évolution de la démographie médicale et l'insuffisante adaptation des paramètres de cette
allocation risquent de conduire à une cessation de paiement dès 2005, et des calculs actuariels montrent que
les engagements nets se situaient en 1997 entre 80 et 90 MdF.
La section II ci-dessous examine l’avantage particulier consenti aux généralistes qui acceptent de se placer
dans “ l’option conventionnelle médecin référent ”.
B – La régulation portant sur les volumes
Avant que l’ordonnance du 24 avril 1996 tente de modifier le cadre de la régulation des dépenses de soins de
ville, les partenaires conventionnels avaient mis en place des mécanismes de régulation fondés sur la
définition d’objectifs quantitatifs.
Ces dispositifs avaient tendu à se généraliser à l’ensemble des conventions
[137]
mais ils étaient très variables en
ce qui concerne tant la définition de l’objectif que son caractère contraignant. Seule la convention des
laboratoires d’analyse, conclue en 1994, mentionnait des objectifs contraignants mais les mécanismes qu’elle
prévoyait pour les faire respecter n’ont jamais été mis en oeuvre : des ajustements ponctuels des nomenclatures
et des tarifs leur ont été préférés.
Pour les autres professions, les objectifs, variables selon leur champ, n’étaient qu’indicatifs. Dès lors, il n’est
pas étonnant que, lorsqu’ils ont été définis, ils n’aient pas été respectés.
Cette insuffisance de la voie conventionnelle à réguler les volumes a conduit l’ordonnance du 24 avril 1996 et
son décret d’application à tenter un nouveau système. Ils pariaient sur une responsabilisation accrue des
médecins dont la convention devait fixer un objectif opposable englobant les honoraires et les prescriptions.
Le rôle de la convention médicale se trouvait ainsi, en apparence, doublement valorisé : d’une part, c’est dans
son cadre que, chaque année, l’objectif opposable d’honoraires et de prescriptions devait être défini ; d’autre
part, c’est la convention qui devait déterminer les modalités de l’individualisation de la charge du reversement
entre les médecins. Mais les mécanismes de reversement se sont avérés impossibles à bâtir pour des raisons
juridiques et pratiques à la fois. En outre, l’enjeu devenait tel que les syndicats les plus représentatifs des
spécialistes ont refusé de signer une convention en 1997. Un seul syndicat, très minoritaire ayant accepté de
signer, le Conseil d’Etat a annulé en 1998 la convention avec les spécialistes ; depuis cette date, les
spécialistes sont en dehors du système conventionnel alors qu’ils représentent à eux seuls 52 MdF
d’honoraires sur les 169 MdF d’honoraires de l’ensemble des professions de santé. Ainsi, l’ambition d’étendre
le champ de la négociation conventionnelle à une stricte maîtrise des volumes a débouché à la fois sur un
échec sur ce point et sur une perturbation profonde des relations conventionnelles.
Pour les autres professions de santé, la logique de l’ordonnance rendait la négociation conventionnelle des
objectifs subordonnée, voire subalterne, puisqu'une régulation globale devait être assurée
via
l'objectif fixé
aux médecins, et aucun accord n’a pu être trouvé en 1998 et en 1999 sur la fixation des objectifs par
profession, sauf pour les laboratoires d’analyse en 1998 et pour les infirmières en 1999. Une consultation a été
menée pour renouer le dialogue avec les professions prescrites
[138]
mais, si elle a débouché sur des
propositions concrètes quant à leurs conditions d’intervention, elle n’a apporté aucune solution sur les
modalités d’une régulation des volumes, ni sur une rénovation des politiques conventionnelles.
L'impossibilité de mettre en place une régulation quantitative efficace a conduit à une nouvelle réforme, par la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Celle-ci consacre l’abandon d’une régulation fondée sur
une responsabilisation des médecins sur leurs prescriptions. Elle rend, pour chaque profession, l’objectif
quantitatif en principe opposable. La régulation n’est plus recherchée par des reversements mais par des
réajustements du tarif ou de la cotation des actes, à décider dans le cadre d’un calendrier contraignant de suivi
des dépenses imposé aux partenaires conventionnels. Si les partenaires conventionnels ne parviennent pas à
s’entendre, les caisses sont autorisées à prendre unilatéralement les mesures nécessaires.
L’échec dans la régulation des volumes n’est à l’évidence pas imputable aux seuls mécanismes
conventionnels. Il résulte aussi d’évolutions plus globales, notamment de la croissance de la demande de soins
et de l’organisation du système de soins. Force est cependant de constater que, pour aucune des professions,
les mécanismes de régulation successivement tentés dans le cadre des conventions n'ont été véritablement
efficaces, ce qui conduit à se demander si le conventionnement, tel qu'il a été pratiqué, peut contribuer
efficacement à la régulation des volumes.
Au demeurant des éléments déterminants sur le long terme, comme l’évolution de la démographie des
professions, leur échappent.
C – Le système de sanctions
Les conventions présentent la particularité de prévoir des dispositifs de sanctions, censés constituer un élément
de leur équilibre global, et l'un des éléments de la maîtrise des dépenses. Mais en fait les textes organisent un
enchevêtrement de dispositifs d’origine légale ou réglementaire et d’origine conventionnelle
[139]
: la loi peut
venir sanctionner des manquements conventionnels et des dispositifs de sanctions conventionnelles peuvent
viser des manquements aux obligations légales. De nombreux manquements relèvent aussi bien du dispositif
conventionnel, du contentieux technique des juridictions ordinales, du contentieux disciplinaire, sans exclure
l’action devant le juge pénal et/ou l’action en dommages intérêts devant la juridiction civile . Ce manque de
clarté apparaît aussi dans la détermination de la faute : l’obligation peut trouver sa source uniquement dans la
convention ou dans la loi et la convention. Les dispositifs prévus sont cumulatifs, ce qui affecte leur lisibilité.
La complexité de l’architecture générale des obligations et des sanctions est génératrice de contestations et de
difficultés pratiques d’application par les caisses.
La privation des avantages conventionnels en cas de non respect de la convention par le professionnel du
dispositif est considérée comme une sanction.
Or, les dispositifs de sanctions conventionnelles ne comportent pas de barème précis des pénalités. Des
différences existent entre professions de santé, alors qu'elles sont, quant à leurs relations avec l’assurance
maladie, dans une même situation (sauf les médecins spécialistes régis par un règlement conventionnel). Ces
dispositifs sont donc fragiles juridiquement.
Les mesures prévues par les conventions étant répressives, les contraintes des règles générales du droit
disciplinaire de la convention européenne des droits de l’homme s'appliquent : respect des droits de la défense,
impartialité du juge, principe de nécessité et de proportionnalité des peines . Or, s’agissant de la mise en
oeuvre des sanctions conventionnelles, la caisse qui peut être à l’origine de la plainte, participe à la procédure
de mise en garde et à l’élaboration de l’avis émis préalablement par les structures paritaires et elle est aussi
celle qui décide de la sanction : il n’y a pas séparation des fonctions d’instruction et de jugement. Le
comportement fautif n’est pas toujours défini avec précision, les pouvoirs d’investigation ne sont pas
organisés, le dispositif de recours donne au juge le seul pouvoir d’annuler la décision et non de la réformer et
les textes ne prévoient pas l’obligation de motiver le niveau de la peine infligée.
L’efficacité des dispositifs est limitée. Les invalidations contentieuses fréquentes privent de base légale toutes
les procédures de sanctions mises en oeuvre. Les validations rétroactives par la loi sont en ce domaine
impossibles. Le dispositif de sanctions s’appuie sur des organes paritaires souvent créés par les conventions ,
qu’il faut donc mettre en place et dont le fonctionnement est fréquemment perturbé par les aléas de la vie
conventionnelle.
A partir des données fournies par la CNAMTS, la Cour a constaté que les informations détenues par celle-ci
sur la mise en place et le fonctionnement des instances conventionnelles au plan local ont un caractère très
lacunaire qui rend difficile un bilan alors que celui-ci devrait constituer un aspect des négociations
conventionnelles.
Il serait opportun d’engager une réflexion conduisant à revoir tant l’architecture des dispositifs de sanctions
que les mécanismes procéduraux. Une réflexion serait ainsi utile sur la qualification retenue en cas de
privation des avantages conventionnels liée à l’inexécution de ses obligations par le professionnel de santé. En
pratique, en effet, la qualification de sanction ne facilite pas une gestion équitable des conventions, car lorsque
le professionnel de santé ne respecte pas les règles fixées par la convention, ce qu’il peut faire facilement, la
pénalisation financière est au contraire très difficile à mettre en oeuvre. A la notion de sanction devrait se
substituer celle de rupture du contrat, ce qui serait d'ailleurs plus conforme à la logique d'un véritable système
conventionnel.
II - Les limites des dispositions qualitatives visant à modifier les pratiques individuelles
Les partenaires conventionnels ont progressivement considéré que, outre les mécanismes de régulation, les
conventions devaient comporter des dispositions qualitatives. Celles-ci ont été très diverses selon les
professions, car elles ont tenu compte à la fois des spécificités de chaque profession et de son attitude plus ou
moins constructive à l’égard de telles dispositions. Jugées particulièrement stratégiques pour faire évoluer le
système de soins, les conventions avec les médecins en ont compris le plus grand nombre et les plus
complexes. La convention avec les infirmières a sans doute été la plus innovante.
A - Les dispositifs visant la qualité des pratiques individuelles et des soins
Les recommandations de bonne pratique et les références médicales opposables (RMO) ont été initialement
mises en place par les conventions médicales sur le fondement de la loi du 4 janvier 1993. Par la suite, ces
notions se sont étendues aux autres professions, sauf aux laboratoires d’analyse. L’ordonnance du 24 avril
1996 a inclus explicitement dans le champ des conventions les références professionnelles opposables, pour
chacune des professions, ces références étant définies dans les conventions à partir des travaux de l’ANAES.
En fait, contrairement à ce que la Cour avait préconisé
[140]
, les RMO n’ont pas été recentrées sur ce qui est
inutile et dangereux et qui est contrôlable, ce qui aurait notamment permis une diffusion plus forte et plus
rapide
[141]
.
En outre, le Conseil d’Etat a annulé en 1999 les sanctions prévues en cas de non respect des RMO tant par la
convention, pour ce qui concerne les généralistes, que par le règlement conventionnel minimum pour ce qui
concerne les spécialistes. Ces sanctions, qui, selon le code de la sécurité sociale, pouvaient représenter tout ou
partie de la prise en charge
des cotisations sociales par l’assurance maladie, auraient pu en effet, selon le
mécanisme prévu par la convention et le règlement conventionnel minimal, excéder ce montant.
Pour les autres professions, la définition des références prévues par les conventions n‘a pas été mise en oeuvre
et les travaux préparatoires n’ont en général pas même commencé. Les conventions ne prévoyaient d’ailleurs
aucun délai. Pour les professions prescrites, la pauvreté des données scientifiques d'évaluation des soins
paramédicaux constitue un obstacle méthodologique identifié depuis plusieurs années (1995 pour les masseurs
kinésithérapeutes) mais n’a toujours pas fait l’objet de tentatives pour le surmonter.
Un second mécanisme, les seuils d’activité, a été défini pour les infirmiers (1992), les masseurs
kinésithérapeutes (1994) et, récemment, les médecins référents. Mentionnés pour d’autres professions, ils
n’ont pas été définis. Pour les infirmières et les masseurs kinésithérapeutes, les seuils ont rempli leur objectif
d’éliminer les profils d’activité aberrants, mais ils restent fixés à un niveau élevé et peu contraignant
[142]
. Pour
les généralistes référents, le seuil d’activité, fixé à 7500 actes par an, ne repose pas sur une étude préalable de
son lien avec la qualité de la pratique médicale. Au demeurant, seuls 99 médecins n’ont pas pu adhérer à
l’option référents au motif que leur activité excédait ce seuil.
Enfin, la convention de 1992 avec les infirmières a prévu une condition d’expérience professionnelle, en
équipe de soins, préalable à l’installation. Initialement d'un an, elle a été portée à trois ans en 1994. Instrument
de régulation au départ, elle est désormais, depuis que le régime de croisière a été atteint, un outil de bonne
pratique. Le mécanisme est positif mais n’a pas été transposé à d’autres professions. Il est vrai qu’il ne pouvait
pas être repris à l’identique puisque la profession d’infirmière présente la particularité que
87 % d’entre elles exercent en établissements de soins, ce qui favorise l'accueil initial en équipe de soins de
celles qui se destinent à l'exercice libéral.
B – La formation continue
La Cour a montré, dans son rapport de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement, les critiques
qu’appelle la formation continue des médecins, organisée par la loi et les conventions. Un an après, ses
recommandations n’ont pas été mises en oeuvre et la situation ne s’est pas clarifiée. La loi du 27 juillet 1999 a
certes légalisé la possibilité pour les partenaires conventionnels d’organiser des actions de formation,
indépendamment de la formation médicale continue (FMC) mise en place sur la base de l’ordonnance de
1996. Mais la coexistence de deux systèmes risque d’être complexe et de poser des problèmes d’articulation si
le dispositif de FMC, toujours bloqué, venait à être relancé et si celui de formation professionnelle
conventionnelle, dont les textes d’application ne sont pas sortis, était effectivement mis en place.
Pour les autres professions, les acquis en matière de formation continue restent variables. Pour les infirmières
et les dentistes, aucune action concrète n’a encore été engagée dans le cadre conventionnel : le principal
syndicat infirmier a préféré conserver la maîtrise de sa formation en l’autofinançant. Pour les masseurs, en
dépit des sommes dépensées chaque année, l’efficacité des dispositifs n’est pas avérée, en raison notamment
du mode d’organisation retenu : le choix de passer par une association s’est révélé coûteux en frais de
structure et peu opérationnel, de sorte que l’assurance maladie a dû accroître ses subventions aux frais de
fonctionnement, alors même que l’intégralité des montants prévus pour les formations n’était pas dépensé ; un
protocole spécifique a dû être signé pour assurer la pérennité du financement de l’association à compter de
2000. En revanche, la formation ne semble pas rencontrer de difficulté pour les laboratoires d’analyses.
C – L’aide à l’informatisation et à la télétransmission
La Cour a montré, dans son rapport de l’an dernier, les limites à l’efficacité des aides consenties, dans le cadre
conventionnel, à l’équipement des médecins en informatique
[143]
. Parmi les autres professions, seuls les
laboratoires de biologie ont bénéficié d’une aide à l’équipement et, comme pour les médecins, elle a été
subordonnée à l’engagement de télé transmettre à l’assurance maladie 50%, puis 90% de leurs flux de
facturation. Cependant, et bien que des aides de 41 MF aient été versées en 1999, aucun laboratoire ne télé
transmettait encore par le système SESAM, faute qu'aient été mis au point les systèmes informatiques adaptés
à leur situation particulière et qu'aient été réglées certaines questions juridiques
[144]
.
III - Les insuffisances dans les méthodes de préparation, de négociation et de suivi
Quatre types d’insuffisances apparaissent dans ces méthodes :
1 – La fixation du tarif appliqué à chaque acte de la nomenclature appartient aux partenaires conventionnels.
En revanche, la détermination de la nomenclature elle-même et de la cotation des actes relève de l’Etat après
un ensemble de travaux dans lesquels interviennent les partenaires conventionnels. Ce système est peu propice
à la clarté de la négociation conventionnelle : en réalité, l’évolution de la nomenclature y est évoquée et les
conventions mentionnent fréquemment que l’accord s’est fait dans la perspective d’une révision de cette
grille ; la discussion sur la nomenclature est elle-même influencée par des considérations tenant à la
rémunération des professionnels, par exemple en créant de nouveaux types d’actes, plus rémunérateurs.
Comme la Cour l’a déjà relevé, une réforme de la procédure d’élaboration est nécessaire, mais elle n’a pas
encore été mise en oeuvre
[145]
.
2 – La CNAMTS ne dispose pas d’études sur les effets à long terme des décisions contenues dans les
conventions : en particulier, aucune n’existe sur le partage exact de l’augmentation des dépenses entre les
différents facteurs que sont la hausse des tarifs, la création de nouvelles lettres clés ou de majorations des
lettres clés en raison de circonstances particulières d’exécution de certains actes, l’évolution du nombre des
actes et de leur répartition entre les différents postes de la nomenclature. De tels instruments seraient
cependant nécessaires pour éclairer les négociations.
3 – Les caisses locales ne sont pas associées à la préparation des conventions, ce qui conduit à méconnaître les
difficultés d’application. Après la signature, les outils nécessaires au suivi local n’ont souvent pas été mis au
point par la CNAMTS. Par exemple, les outils informatiques ne permettent pas de suivre le respect des seuils
d'activité dans les délais impartis par les conventions.
4 – Alors que le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les conventions est particulièrement complexe,
comme le montre la section III, la préparation juridique des négociations conventionnelles est très insuffisante.
La CNAMTS qui ne dispose d’ailleurs pas d’un service juridique suffisant, ne prépare pas toujours un projet
rédigé qui permettrait de mieux faire apparaître les problèmes juridiques potentiels ; les projets ne sont pas
validés par le service juridique ; sauf exception, les services de l’Etat, dont les moyens d'analyse juridique
nécessiteraient d'ailleurs aussi d'être renforcés, ne sont pas consultés avant la signature ; lorsqu’ils l’ont été, en
1997, et avaient alerté la CNAMTS sur les risques d'annulation par la juridiction administrative, comme dans
le cas des dispositions sur le médecin référent, leur avis n’a pas été suivi ; une fois la convention signée, la
difficulté de refuser l’approbation réduit la portée des observations juridiques éventuelles du ministère.
Ces lacunes contribuent à expliquer que la plupart des conventions aient été annulées.
Si elle trouve en partie son origine dans des problèmes de fond que pose le cadre juridique des conventions, la
précarité de celles-ci ne peut qu’être accrue par l’insuffisance de leur préparation. Les conditions dans
lesquelles a été lancée la formule du médecin référent témoignent notamment de cette faiblesse des études
financières et juridiques préalables.
Réponse
[134]
En l’absence de tarifs d’opposabilité pour les prothèses, le taux moyen de remboursement est descendu à
31,8% en 1999. Sur les relations entre l'assurance maladie et les dentistes, cf. le rapport de la Cour de
septembre 1999 sur l'application de la loi de financement.
[135]
L’accès à ce secteur a été gelé en 1989. Il est désormais restreint à des médecins répondant à des critères
très limitatifs.
[136]
La prise en charge par l'assurance maladie est passée de 300 MF en 1988 à 1MdF en 1998.
[137]
1991 pour les sages-femmes, 1993 pour les laboratoires d’analyses médicales, 1994 pour les infirmiers et
1995 pour les masseurs kinésithérapeutes.
[138]
Rapport de Madame Brocas, 1998.
[139]
Cf. le rapport de la Cour de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la sécurité
sociale.
[140]
Cf. le rapport de la Cour de 1997 sur la sécurité sociale et 1998 sur l'application de la loi de financement.
[141]
Il existe 155 références pour les généralistes et 46 pour les spécialistes.
[142]
Pour les infirmières, 3800 h par an soit plus de 13 h par jour, 6 jours par semaine, 11 mois par an (voir le
rapport de la Cour d'octobre 1998 sur l'application de la loi de financement). L’activité moyenne, en
coefficients d’actes, est inférieure de 40% à ce seuil selon les données CNAMTS.
[143]
Par ailleurs, sur la diffusion des cartes de professionnels de santé et de la télétransmission, cf. chapitre
préliminaire,
supra
, p. 15.
[144]
Le patient n'est pas présent lors de la télétransmission et sa carte Vitale ne peut donc être utilisée. La
transmission se fait par le système IRIS.
[145]
Sur la réforme de la nomenclature des actes professionnels et de sa procédure d’élaboration, voir chapitre
préliminaire,
supra
, p. 15.
Section II :
Le médecin référent
La convention des médecins généralistes de mars 1997 passée entre les caisses nationales et le syndicat MG
France a donné la faculté aux médecins conventionnés de se placer dans un cadre particulier, l'option
conventionnelle, emportant des droits et des obligations spécifiques en sus de ceux définis par la convention.
Les médecins adhérant à l'option s'engagent, contre une rémunération spécifique, à remplir leur rôle de
médecin référent auprès de ceux de leurs patients qui auraient fait le choix de ne s'adresser qu'à eux pendant
un an. Les signataires de la convention affirmaient l'objectif d'assurer ainsi une véritable coordination des
soins, "
élément essentiel de l'amélioration de la qualité des soins, de la santé et de la maîtrise médicalisée de
l'évolution des dépenses médicales".
I - Un dispositif évolutif et ambigu
A - Un dispositif instable
En trois ans, trois conceptions de l'option se sont succédé.
La convention de mars 1997 a défini un cadre de l'option très volontariste, présenté comme l'amorce d'un
nouveau mode d'organisation de la médecine de ville, voulu par la nouvelle présidence de la CNAMTS et le
syndicat MG, représentatif des médecins généralistes. Les signataires, qui affirmaient l'importance de la
coordination des soins, voulaient ainsi redonner au généraliste un rôle central. Point d'entrée obligé dans le
système de soins, point de passage pour l'accès au spécialiste et de référence pour le patient, les généralistes,
"
premier étage du système de soins
",
devaient apporter "
une réponse globale et appropriée à la demande de
soins de première intention et (assurer) la synthèse des différents intervenants médicaux"
.
Les spécialistes,
qualifiés de "
second étage du système de soins
",
étaient, pour leur part, chargés d'apporter "une réponse
appropriée aux problèmes qui leur sont posés dans le cadre de leur spécialité". Ils interviennent alors "en
accord avec le généraliste référent ". L'option était présentée comme une première étape, ouvrant la voie à un
système de coordination des soins qui devait être progressivement élargi "
à l'ensemble des intervenants, des
secteurs ambulatoire et hospitalier".
En échange de ses obligations, le médecin référent reçoit une
rémunération, fonction du nombre de patients acceptant de ne recourir qu'à lui pendant un an, ces patients
bénéficiant eux-mêmes d'une dispense d'avance de frais.
Les modalités étaient renvoyées à un avenant. Signé en juillet 1997, il a retenu un dispositif nettement plus
modeste. Le généraliste ne se voyait plus conférer explicitement de rôle de "point d'entrée". Si plusieurs
obligations nouvelles lui incombaient : respect des recommandations de bonne pratique, acceptation de
disciplines en ce qui concerne les examens systématiques, engagement de recourir aux équivalents
thérapeutiques et génériques dans une certaine proportion des prescriptions de médicaments, d'autres
stipulations disparaissaient comme l'engagement de garantir la permanence des soins,
"notamment sous forme
d'un tour de garde local formalisé".
L'assurance maladie, tout en cherchant, sous cette réserve, à renforcer le contenu des engagements des
généralistes référents, a voulu limiter l'atteinte à l'un des principes actuels de l'organisation des soins - le libre
choix du médecin par l'assuré - et aux relations traditionnelles entre les généralistes et autres professionnels de
santé, ceux-ci craignant que l'accroissement du revenu des généralistes se fasse à leur détriment. Elle cherchait
aussi à limiter les coûts supplémentaires générés par le forfait et les actes supplémentaires des généralistes liés
à leur fonction de point de passage pour l'accès au spécialiste
[146]
. Ces coûts étaient en effet certains alors que
l'on n'était pas en mesure de savoir, même approximativement, comment s'établirait l'équilibre avec
l'éventuelle diminution des actes des spécialistes.
Les stipulations de l'option ont été à nouveau modifiées après l'annulation, en juillet 1998, de la convention de
mars 1997 par le Conseil d'Etat. La caisse nationale a obtenu un renforcement en apparence significatif des
obligations pesant sur les médecins - obligation de formation conventionnelle et d'évaluation - et les assurés -
formalisation du recours de première intention au référent. Pour sa part, le syndicat signataire, critique sur la
mise en oeuvre de la première option, marquée par de nombreuses difficultés pour les médecins référents en
raison du mauvais fonctionnement du dispositif d'avances de frais, a obtenu que soit inscrit dans l'option
l'engagement des caisses d'assurer la bonne marche administrative du dispositif.
Les avatars juridiques de l'option ont été nombreux et témoignent à la fois de l'inadaptation du cadre juridique
conventionnel aux changements proposés et de l'absence d'examen préalable suffisant par les partenaires
conventionnels. En juillet 1998, le Conseil d'Etat a annulé la convention médicale de mars 1997, les
stipulations relatives au médecin référent figurant parmi celles déclarées illégales. Il a jugé que les partenaires
conventionnels avaient organisé un type de filières de soins sans se conformer aux procédures prévues par le
code de la sécurité sociale. Le gouvernement a été contraint d'inclure dans la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 des dispositions étendant de manière rétroactive le champ des conventions.
Mais les stipulations relatives à la formation professionnelle conventionnelle ont été annulées à leur tour, et
donc l'obligation de formation et d'évaluation du médecin référent dans ce cadre - ainsi que celle prévoyant
que la dispense d'avance de frais bénéficiait également aux actes des spécialistes correspondants des médecins
référents : la convention des généralistes ne pouvait stipuler pour les spécialistes. Ces dispositions ont
ultérieurement reçu une base légale
[147]
. Mais l'articulation entre le dispositif de formation et d'évaluation
prévu par l'option et celui de la formation médicale continue reste incertaine.
Dans tous les cas, l'annulation était prévisible.
Certains des risques avaient été signalés par la direction de la
sécurité sociale, mais la CNAMTS n'a pas tenu compte de ces objections. En dépit des régularisations
intervenues, l'essor du dispositif a été singulièrement entravé.
Au total, ce sont trois conceptions de l'option qui, en trois ans, ont été présentées aux médecins et aux assurés
sociaux, ce qui n'était pas de nature à favoriser l'adhésion, d'autant que les raisons d'adhérer n'étaient pas
claires.
B - Des objectifs ambigus
S'ils ont affiché un objectif commun de dépasser les limites du système conventionnel, et d'aller au-delà de
l'exercice de la médecine ambulatoire tel qu'il est conçu en France, les partenaires conventionnels n'ont pas
assis les changements proposés sur un constat sans ambiguïté des dérives du système. Implicitement, l'accent
mis sur la coordination et la continuité des soins visait à lutter contre plusieurs mécanismes supposés pervers
du système de médecine libérale français, notamment la possibilité pour tout assuré de choisir librement son
médecin - qui peut avoir pour conséquence un nomadisme médical coûteux mais également un suivi médical
déficient - ou encore le paiement à l'acte - supposé générateur de comportements inflationnistes chez les
praticiens sans que la qualité de la prise en charge en soit nécessairement accrue. Mais aucune analyse
incontestable n'a été fournie. Les décisions ne reposaient pas sur une étude approfondie, qu'il s'agisse de
l'évaluation des coûts du dispositif ou de ses effets sur l'organisation des soins, la qualité de la prise en charge
médicale et les dépenses de santé. Aucune enquête n'a été réalisée sur l'intérêt du dispositif pour les assurés
sociaux et les médecins, ce qui aurait dû être déterminant puisque le système repose sur le volontariat, et qui
aurait sans doute permis de mieux définir et proportionner les avantages consentis ainsi que les conditions du
succès de l'option.
Dès lors le message était empreint d'ambiguïté et de fragilité - comme l'ont montré les péripéties des
campagnes de communication destinées à promouvoir l'option, notamment les contentieux engagés par des
non-adhérents - et ne pouvait que renforcer l'attentisme.
De surcroît, la pleine mesure n'a pas été prise des problèmes de faisabilité technique et juridique d'un
dispositif, pourtant innovant. Les modalités pratiques de mise en oeuvre des dispositions négociées -
notamment la dispense d'avance de frais - n'ont été évoquées à aucun moment.
II - La mise en oeuvre des principales stipulations de l'option reste largement inachevée
Trois ans après la création de l'option, le contenu concret du volet médical de l'option - qui justifie son
existence – n'a pas été précisé et les obligations des médecins référents ne diffèrent donc guère de celles
pesant sur l'ensemble des médecins. D'autre part, le suivi et le contrôle ne sont pas réellement assurés.
A - Des obligations pour l'essentiel déjà existantes
Certaines dispositions de l'option reprennent directement des dispositions des textes existants, telles celles
relatives à la continuité et la permanence des soins, ou à la transmission des informations médicales entre
médecins traitants d'un même assuré, prévues par le code de déontologie des médecins. La participation à des
actions de prévention peut également y être rattachée, comme le respect des recommandations de bonne
pratique et des référentiels de soins.
L'élaboration des plans de soins, notamment pour les patients en
Affection de Longue Durée (ALD) fait double emploi avec les protocoles PIRES passés entre les médecins
conseils des caisses et les médecins traitants des patients en ALD, protocoles pour lesquels ils sont rémunérés.
L'obligation de tenue du carnet de santé n'est pas non plus propre aux référents. Le respect des tarifs
opposables est déjà une obligation conventionnelle pour ceux des médecins qui sont inscrits dans le secteur I.
Cette obligation n'est nouvelle que pour les médecins en secteur II qui s'inscriraient comme médecin référent.
D'autres dispositions de l'option précisent les textes existants : ainsi la contrainte pour le médecin référent de
prescrire des équivalents thérapeutiques puisque le code de la sécurité sociale dispose que les médecins sont
tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d'observer "
la plus stricte économie compatible avec la qualité, la
sécurité et l'efficacité des soins".
C'est également, dans un moindre mesure, le cas pour le seuil maximal
d'activité puisque le code de déontologie interdit déjà de pratiquer un nombre excessif d'actes entraînant une
trop brève durée de ceux-ci.
Dans son avis sur la convention d'octobre 1998, le Conseil national de l'ordre rappelait que les exigences de
qualité - qui sous-tendent la logique de l'option - sont déjà inscrites dans le code de déontologie et que leur
non respect peut être sanctionné. Si les partenaires conventionnels ont jugé utile de les rappeler, c'est sans
doute qu'ils jugaient leur respect mal assuré et contrôlé par les institutions qui en ont la charge, au premier
chef les conseils départementaux de l'ordre des médecins.
De surcroît, dès lors que les engagements du cahier des charges de l'option correspondent pour l'essentiel à des
obligations que les médecins devraient mettre en pratique dans leur exercice quotidien, il est difficile de
comprendre qu'ils soient rémunérés spécifiquement à ce titre et que le respect de ces engagements ne s'impose
pas à l'ensemble des médecins adhérents à la convention.
Le syndicat signataire insiste sur la reconnaissance de fonctions exercées par les médecins qui n'étaient pas
justement rémunérées auparavant. En réaffirmant le rôle du généraliste comme pivot du système de soins, l'un
des objectifs clairs de l'option était de revaloriser le statut et les revenus des généralistes, alors que le nombre
de spécialistes et leur part dans les honoraires des médecins s'étaient considérablement accrus depuis le début
des années 1980
[148]
. La signature de conventions séparées pour les généralistes et les spécialistes - et la
création d'enveloppes séparées – visait à permettre,
via
le supplément forfaitaire, une revalorisation de la
rémunération relative des généralistes. Cependant, une rémunération réservée à une partie des généralistes ne
pouvait résoudre le problème global de la rémunération de l'ensemble d'entre eux.
Pour la CNAMTS, certaines obligations professionnelles ne correspondraient plus, pour diverses raisons, et
parfois depuis longtemps à la pratique de certains généralistes. L'objectif de l'option serait d'obtenir une prise
de conscience des médecins pour qu'ils mesurent les changements de pratique et les nouvelles fonctions qu'ils
doivent assumer. Mais si les objectifs des partenaires conventionnels sont à ce point pertinents, il est difficile
de comprendre pourquoi ils ne devraient s'appliquer qu'à une minorité de médecins volontaires.
B - Des obligations dont le contenu reste imprécis
Si l'objectif des partenaires conventionnels était de faire respecter des obligations perdues de vue, trois ans
après ils ne sont pas parvenus à leur donner un véritable contenu.
Les réflexions entreprises, à la suite de la convention de 1998, pour une mise en oeuvre vérifiable et opposable
des engagements portant sur la permanence, la continuité et la coordination des soins se poursuivaient toujours
en avril 2000 sans aucune proposition opérationnelle. Nulle part n'est évoquée la participation aux services de
gardes locaux. Les signataires, qui entendaient favoriser l'exercice en groupe des médecins référents, afin
qu'ils assument collectivement leurs responsabilités nouvelles, n'en ont pas précisé les modalités.
Les rubriques du "document médical de synthèse" que le médecin référent doit établir pour chaque patient,
qualifié pourtant de
"document essentiel de la qualité et de la coordination des soins",
n'ont toujours pas été
précisées. Une note d'information sur le
carnet de santé avait été rédigée en juin 1998 mais n'a pas été
diffusée suite à l'annulation de la convention ; depuis, aucune réflexion n'a
été engagée sur la portée de cette
disposition.
Alors que dans une lettre adressée le 1er septembre 1997 aux ministres concernés, les partenaires
conventionnels indiquaient leur souhait de "
donner aux actions de prévention une place plus importante
qu'elles n'avaient jamais eue jusqu'à présent",
aucune campagne de prévention n'a été depuis programmée
avec le concours des médecins référents. Une seule "
action de sensibilisation"
a été réalisée avec la diffusion
en 1999 d'un document sur le dépistage du cancer du col de l'utérus élaboré par l'ANAES mais réexaminé par
les instances conventionnelles. Au surplus, le projet de branche de l'assurance maladie, publié en mars 2000,
ne mentionne pas l'option référent dans les actions prioritaires qui visent à "f
aire de l'assurance maladie un
acteur primordial de la prévention."
La convention de décembre 1998 prévoyait que, avant le 1er juin 1999, un avenant fixerait le montant d'une
majoration de la rémunération forfaitaire, modulée selon des critères conformes aux objectifs qui figurent dans
la charte de qualité ainsi que le cas échéant selon la zone géographique d'exercice. L'objectif était d'inciter les
médecins référents à s'installer dans des zones où l'offre de soins était insuffisante. Mais l'avenant prévu n'a
pas vu le jour. De même, le seuil maximal d'activité des médecins référents n'a pas été mis en oeuvre, car un
avenant prévoyant des motifs de dérogations individuelles temporaires n'est pas encore entré en vigueur.
D'autres dispositions, comme la mise en place de plate-forme de services, sont en cours de mise au point mais
leur bénéfice sera à juste titre étendu à l'ensemble des médecins. Pour leur part, les obligations de formation et
d'évaluation ont été temporairement privées de base juridique ou leur mise en oeuvre a été différée.
Seul élément positif, des mesures ont été prises pour l'application des dispositions de l'option sur les
prescriptions pharmaceutiques avec la diffusion depuis janvier 1998 d'un "Guide des équivalents
thérapeutiques". Toutefois, ce guide peut être utilisé par tous les médecins et d'autre part il convient de
s'interroger sur la portée à moyen terme de l'engagement pris par les médecins référents. L'intérêt de l'option,
réel à cette époque, devait être d'amorcer un mouvement des prescripteurs vers les produits les moins chers et
de favoriser ainsi une concurrence sur les prix dans les classes de produits généricables. Mais une fois le
mouvement engagé puis éventuellement généralisé - sous l'effet des baisses de prix, de la généralisation des
logiciels de prescription, de l'extension des classes de généricables, et du droit de substitution reconnu depuis
1999 aux pharmaciens -, le paiement d'un forfait aux référents deviendra difficile à justifier si le
comportement de prescription des autres médecins s'aligne sur le leur.
Trois ans après le lancement de l'option, les engagements qu'elle comporte en matière d'amélioration de la
qualité des soins et de la prise en charge médicale, sont restés pratiquement lettre morte. Les partenaires
conventionnels ne se sont pas réellement engagés dans la mise en oeuvre d'un dispositif qui, selon la
convention de 1998, constituait "
un
ensemble
exigeant
, avec des
engagements forts
tant du médecin que de
l'assuré social"
qui devait
permettre
"de mettre en place une
véritable filière
d'excellence
, fondée à la fois
sur la qualité et l'attractivité".
C - Des obligations non contrôlées
Le respect des obligations librement consenties par les médecins et les assurés doit, en principe, être vérifié
d'autant que l'option emporte des avantages financiers non négligeables : un forfait de 150 F pour les premiers,
la dispense d'avance de frais pour les seconds.
Dans leur lettre précitée du 1er septembre 1997, les partenaires conventionnels s'étaient engagés à suivre et
faire respecter les stipulations de l'option. Pour contrôler et sanctionner les engagements souscrits, il aurait
fallu donner un contenu précis aux obligations souscrites, préciser les modalités de suivi des engagements,
fixer des critères ou des seuils à partir desquels la sanction est mise en oeuvre, moduler les sanctions en
fonction de la gravité des infractions constatées et adapter les chaînes de traitement de l'information. Aucun de
ces dispositifs n'a été mis en place. La CNAMTS ne dispose d'aucune information sur les contrôles mis en
oeuvre localement et leurs résultats. Aux difficultés intrinsèques du contrôle se sont ajoutées, pour en différer
l'application, des interrogations sur son opportunité et la réticence du syndicat signataire, soucieux que
l'existence du contrôle ne freine pas la campagne d'adhésion.
Un élément positif était que le manquement aux obligations spécifiques de l'option entraînait simplement la
rupture du contrat avec la caisse. C'est un mécanisme simple par rapport à ceux, lourds et inefficaces qui
sanctionnent, en théorie, les manquements à la convention elle-même. Mais cette possibilité n'a pas été
utilisée, ce qui a d'ailleurs pour conséquence que la solidité juridique des mécanismes n'a pas été testée.
D - Une mise en oeuvre administrative défectueuse
La mise en oeuvre de l'option, notamment de la dispense d'avance de frais, s'est révélée très complexe à gérer
pour les caisses et les médecins adhérents tandis que son extension à la part complémentaire, inévitablement
délicate, reste largement inachevée.
A l'origine, la CNAMTS a laissé une très grande latitude aux caisses pour définir les modalités de mise en
oeuvre du tiers payant. Dès lors, les caisses locales ont agi en ordre dispersé et le suivi par la CNAMTS des
difficultés rencontrées sur le terrain semble avoir été lointain. Un questionnaire, adressé aux caisses en avril
1998 afin d'évaluer la mise en place de la dispense d'avance de frais (DAF) a relevé de grandes disparités :
dans une forte majorité de cas, cependant, la dispense ne concernait que la part des frais d'actes remboursables
par la sécurité sociale. Les circuits mis en place pour récupérer les feuilles de soins adressées par les médecins
référents et faciliter leur traitement dans des délais rapides étaient également hétérogènes. Les délais de
règlement des médecins allaient de trois à trente jours, alors qu'un délai long n'était pas de nature à inciter les
praticiens à adhérer à l'option.
Les difficultés de gestion rencontrées par les médecins ont été nombreuses : complexité de la vérification des
droits des assurés vis-à-vis tant du régime obligatoire que des régimes complémentaires, lorsque la dispense
d'avance de frais s'appliquait également au ticket modérateur ; risque financier non négligeable en raison des
difficultés de réconciliation des flux provenant des caisses et des régimes complémentaires, entraînant parfois
des pertes de rémunération ou l'apparition d'indus.
C'est pourquoi la convention de décembre 1998 a prévu plusieurs simplifications, telles
l'adresse unique par
médecin pour l'envoi des feuilles de soins, la mise en place
d'un correspondant administratif dans chaque
organisme de base, chargé de l'assister dans ses démarches, une procédure de règlement
a priori
de la part
remboursable des honoraires sans nouvelle vérification des droits et la mise en place de flux de paiements
coordonnés.
L'option prévoyait que "
les caisses chercheront à favoriser par le biais d'accords conclus avec les régimes
complémentaires les conditions permettant aux patients d'être également dispensés du règlement du ticket
modérateur"
.
Mais la mise en oeuvre de la dispense de frais intégrale connaît toujours des difficultés autant
techniques que liées aux relations entre caisses et mutuelles. En avril 1998, la CNAMTS a conclu des
protocoles d'accord avec trois fédérations d'organismes complémentaires afin de mettre en oeuvre la dispense
d'avances de frais. Mais ces accords ne pouvaient entrer en pratique qu'après la signature de conventions au
plan local.
Alors que la dispense d'avance de frais est pour l'assuré le seul avantage à adhérer au système, sa mise en
oeuvre a marqué le pas pendant la préparation de la loi CMU qui instaure également une dispense d'avance de
soins pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Les modalités précises d'organisation étaient
renvoyées à un décret qui, paru le 21 décembre 1999, a mis en place deux procédures distinctes dans les cas
où les organismes servant les prestations du régime général et les prestations complémentaires sont différents.
La mise en oeuvre de ces dispositions a fait l'objet d'accords signés fin 1999 avec les fédérations d'assureurs et
de mutuelles. Mais elle bute sur des obstacles importants. Outre les difficultés techniques, notamment au plan
de l'informatique, les mutuelles sont réticentes à s'impliquer dans le tiers payant selon la première procédure,
seule opérationnelle début 2000, dans laquelle la caisse liquide à la fois la part prise en charge par le régime de
base et la part restant à payer au titre de l'organisme de protection complémentaire et effectue le paiement au
professionnel de la totalité
[149]
. En effet, dans cette procédure, elles perdent la gestion comptable de la part
complémentaire au profit des caisses primaires ; d'autre part, techniquement, les barèmes des prestations
complémentaires sont extrêmement divers et les caisses pourraient avoir des difficultés à les gérer. Début
2000, moins de la moitié des caisses pratiquaient le tiers payant généralisé avec les mutuelles. L'attentisme a
été également perceptible au niveau national, les discussions entre la CNAMTS et les assureurs
complémentaires ayant été ralenties dans l'attente des arrêtés d'application du décret du 21 décembre 1999.
Ces arrêtés ont été publiés en juin et juillet 2000 ; ils précisent les modalités des avances des mutuelles aux
caisses et de mise en oeuvre de la seconde procédure
[150]
. Ces nouveaux textes s’appliqueront sans qu’il soit
nécessaire de recourir à des conventions locales entre les CPAM et les organismes complémentaires.
III - Des résultats médiocres
A - La faiblesse des adhésions
L'option a connu un succès médiocre, loin des attentes des partenaires conventionnels. Selon ceux-ci, "les
estimations les plus couramment avancées (comme taux probable d'adhésion) portent sur une fourchette de 10
à 25 % des généralistes"
L'option de juillet 1997 n'a, compte tenu des délais d'approbation puis de son annulation, duré que sept mois.
En juin 1998, 8587 adhésions étaient enregistrées, soit 13,8 % de l'ensemble des généralistes. Après un
démarrage rapide au cours du premier trimestre, la croissance des adhésions avait fortement ralenti. L'étude
des adhésions par région et par caisses montrait des variations de forte amplitude qui pouvaient être
expliquées par l'opposition syndicale, plus ou moins forte selon les circonscriptions, le développement inégal
du secteur II, l'effort variable de promotion de l'option par les caisses, la diversité des problèmes administratifs
rencontrés suivant les caisses.
Au 2 juin 1998, 272 500 contrats entre assurés et médecins avaient été enregistrés, soit
à peine plus de 35
contrats par médecin référent et 0,7 % des bénéficiaires de l'assurance maladie. Toutefois, le nombre
d'adhésions était en augmentation rapide au moment de l'annulation. Au vu des paiements de forfait effectués
en 1998, on peut estimer qu'il était passé à
373 000 par an au moment de l'annulation, intervenue en juillet.
Le décalage entre la courbe d'adhésion des médecins et celle des patients s'explique naturellement, les patients
ne pouvant adhérer qu'auprès d'un médecin lui-même référent et ce dernier ne pouvant proposer l'adhésion à
ses patients qu'au fur et à mesure des consultations de ceux-ci. C'est pourquoi 37 % des médecins référents
n'avaient aucun patient adhérent enregistré par les caisses au moment de l'annulation. En revanche, 8,8 % des
médecins en avaient plus de 100 et, parmi eux, 2 % enregistraient en moyenne près de 350 contrats, certains
en faisant même signer à tous leurs patients. En dépit de la courte vie de l'option, ces médecins ont pu
bénéficier de versements des caisses allant jusqu'à 100 ou 150 000 F.
En dépit d'une durée de vie deux fois plus longue, l'option de 1998 connaît des résultats encore plus modestes.
Au 15 juin 2000, seuls 5826 généralistes avaient adhéré à l'option, soit 9,4 % de l'ensemble des généralistes
conventionnés (62 167). Les adhésions stagnent depuis la mi-99. La répartition géographique montre, comme
précédemment, une adhésion plus forte dans les régions du sud
[151]
.
Le nombre de patients adhérents était de 462 000 à la mi-juin 2000. Un ralentissement des adhésions,
perceptible sur le dernier trimestre 1999 se confirmait en 2000. Le nombre de contrats par médecin référent
(79) est plus élevé que pour la première option, en raison de la plus grande durée de vie de la seconde.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces résultats médiocres : la réaction de beaucoup de médecins à l'échec de
la première option, annulée au bout de quelques mois et la crainte d'entrer dans un dispositif fragile
juridiquement ; les violentes attaques dont l'option a fait l'objet de la part de syndicats et de conseils de l'ordre
; les importantes difficultés de gestion administrative, d'autant qu'elles se sont prolongées jusqu'à la fin de
1999 ; le caractère, en principe, plus contraignant de la nouvelle option.
B - Un bilan financier incertain
Les partenaires conventionnels s'étaient engagés à l'origine à assurer l'équilibre financier de l'option. Mais les
évaluations reposaient sur des hypothèses très incertaines, comme on l'a vu.
En l'état actuel de ses stipulations, l'option est d'autant plus avantageuse pour l'assurance maladie qu'elle séduit
plus de médecins et moins de patients. En effet, le taux de prescription d'équivalents thérapeutiques que
s'engage à atteindre le médecin référent est calculé par référence à sa prescription médicamenteuse totale et
non à celle concernant les patients adhérents, ce qui constitue la principale économie espérée de l'option.
Selon les promoteurs de celle-ci, trois autres éléments joueraient dans le sens de la maîtrise du volume des
prescriptions : la dispense d'avance de frais qui freine la prescription destinée principalement à "justifier"
l'honoraire ; l'abonnement au médecin référent qui fidélise l'assuré ; l'élimination de "l'effet de concurrence",
qui pousse le médecin à la prescription pour que son patient n'aille pas consulter un autre médecin. Mais ces
effets restent difficiles à mesurer. Seule l'évaluation du dispositif avec un recul important pourrait permettre de
vérifier que leur addition contrebalance les effets dépensiers du recours au généraliste en première intention.
Seul est actuellement connu le montant des forfaits par patient versés, soit 81 MF à fin février 2000. Il a été
alourdi par le paiement en décembre 1999 aux médecins adhérents à la première option, annulée au bout de
sept mois, de la deuxième partie du forfait, en principe versée à la fin d'une année complète d'adhésion.
En raison du faible nombre d'adhésions, la recherche de l'équilibre financier a été perdue de vue. Ainsi, la
CNAMTS est dans l'incapacité d'estimer l'évolution des prescriptions pharmaceutiques des médecins
référents, alors qu'il s'agit de leur engagement le plus aisément quantifiable.
Afin de relancer l'option, une revalorisation des forfaits est actuellement envisagée, pour laquelle 50 MF ont
été provisionnés dans l'annexe à la convention signée pour l'année 2000. La CNAMTS estime que
"
l'accroissement des contraintes - de qualité notamment - voulu par les partenaires conventionnels en 1998
crée aux yeux des médecins généralistes un déséquilibre entre contraintes et avantages de l'option. Il faut
donc restaurer son attractivité aujourd'hui contestée
[152]
"
alors même que, comme l'a constaté la Cour, la
plupart des stipulations restent lettre morte. La revalorisation pourrait, de surcroît, comporter des risques non
négligeables de dérive financière. En effet, le forfait patient moyen serait doublé, en moyenne, passant donc à
300 F. Avec une clientèle moyenne de 1000 personnes et en faisant adhérer l'ensemble de ces patients, un
médecin pourrait pratiquement doubler son revenu net
[153]
.
IV - Les perspectives de l'option
Les conditions de la réussite de l’option conventionnelle ne sont pas réunies.
Les partenaires conventionnels qui ont eu l’ambition de vouloir dépasser les contraintes du système
conventionnel ne s’en sont pas donné les moyens. Les caisses n'ont pas résolu les problèmes pratiques de mise
en oeuvre. Le syndicat signataire, soucieux de ne pas s'aliéner les médecins, n'a pas souhaité la mise au point
des dispositions permettant l'effectivité des contrôles.
Le choix du volontariat des médecins et des assurés crée, ensuite, une situation dans laquelle les partenaires
conventionnels sont contraints d'ajuster les avantages et les inconvénients du système pour attirer les
adhésions, indépendamment de l'équilibre financier. Les partenaires conventionnels s'apprêtent ainsi à
renforcer la rémunération des médecins référents, alors même qu'ils ne sont pas parvenus à s'assurer du respect
des engagements qu'ils avaient inscrits dans le texte de l'option, et alors qu'ils ne savent pas si ces
engagements permettent d'atteindre les objectifs qu'ils s'étaient fixés, en l'absence d'évaluation de l'impact de
l'option sur les comportements, la prise en charge médicale des assurés et l'évolution des dépenses. S’il s’agit
d'attirer le maximum de médecins et d'assurés dans le dispositif avant de veiller réellement à la mise en oeuvre
de ces contraintes ou de les renforcer, le pari est hasardeux dès lors que certaines parties prenantes, médecins
et assurés, gardent toute possibilité de reprendre leur liberté, les premiers en sortant de l'option et les seconds
en ne se réabonnant pas. De surcroît, rien n'indique que les avantages nouveaux consentis soient proportionnés
aux obligations assumées.
Enfin, c'est par le biais d'une convention que les partenaires conventionnels ont souhaité introduire des
changements à terme fondamentaux dans l'organisation des soins. Or, la convention n'est vraisemblablement
pas le vecteur approprié pour une telle réforme, puisque sont en cause non seulement les relations entre les
généralistes et les caisses, mais des problèmes de fond comme le mode de rémunération, les relations entre les
généralistes et les autres professions de santé ainsi que des principes comme le libre choix du médecin, qui,
dans l'organisation juridique actuelle, relèvent de la loi :
1- Le choix entre la rémunération à la capitation ou à l'acte
. L'option accepte aujourd'hui le cumul des
deux. Mais, si elle connaissait un plus grand succès, son coût pourrait devenir incompatible avec le souci de la
maîtrise financière.
2- Les conditions du choix du médecin par le patient.
Dans le dispositif actuel, la dispense d'avance de frais
est le seul avantage pour les assurés. On a vu ses problèmes et elle n'est d'ailleurs attractive que pour une
partie de la population. Une différence réelle dans la qualité des soins et le suivi pourrait être un autre
argument, mais rien ne démontre aujourd'hui qu’elle existe. Une incitation plus forte pourrait venir de la
modulation des conditions de prise en charge des assurés suivant qu'ils ont ou non recours à un médecin
référent, comme l'a parfois envisagé la CNAMTS. Mais une telle orientation a des conséquences si
importantes qu'elle ne peut à l'évidence résulter de la seule volonté des partenaires conventionnels.
3- Le dispositif actuel ne peut fonctionner durablement sans la participation des spécialistes
qui
constituent un rouage essentiel du système de soins.
Réponse
[146]
Dans une très forte majorité de cas, les patients consultent directement un spécialiste, d'où la prévision
d'un nombre important de consultations supplémentaires. De surcroît, la convention de 1997 prévoyait que le
patient était confié pour une durée déterminée par le généraliste au spécialiste, ce qui impliquait une nouvelle
convocation du patient par le généraliste à échéance de ce mandat.
[147]
Dans la loi créant la couverture maladie universelle.
[148]
En 1980, la masse des honoraires des généralistes était égale à celle des spécialistes ; en 1997, elle n'en
représentait plus que les deux tiers. Un omnipraticien perçoit en moyenne sur un an 620 000 F d'honoraires, et
génère 1,8 MF de prescriptions ; un spécialiste perçoit 1 070 000 F d'honoraires et est à l'origine de
550 000 F de prescriptions.
[149]
Dans la seconde procédure, la caisse liquide seulement la part prise en charge par le régime de base tandis
que l'organisme complémentaire liquide la part qui le concerne : le paiement au professionnel est effectué pour
le compte de la caisse et de l'organisme de protection complémentaire par un organisme financier.
[150]
Techniquement, cette seconde procédure est subordonnée à l'évolution du système SESAM Vitale.
[151]
Au 15 février 2000, et à titre d’illustration, Midi-Pyrénées (12,7 %), Languedoc-Roussillon (14,2 %)
contre Ile-de-France (5,9 %), Nord-Pas de Calais (5,7 %).
[152]
Réponse du directeur de la CNAMTS à la Cour.
[153]
Un médecin référent recevrait, en effet, 300 000 F de forfait annuel, alors que son revenu net annuel
moyen est de l'ordre de 370 000 F.
Section III :
Les problèmes juridiques de fond
Les limites du contenu et des effets des conventions et le constat de l’échec jusqu’ici de la tentative de
rénovation des dispositifs conventionnels par le biais de l’option “ médecin référent ” tiennent en partie au fait
que des problèmes juridiques de fond ont été mésestimés et dès lors fragilisent le système des conventions.
I – Le constat
La crédibilité et l’efficacité d’un système de régulation supposent sa stabilité dans le temps. Or, les relations
entre l’assurance maladie et les professions de santé sont souvent conflictuelles et les conventions sont
systématiquement attaquées devant les juridictions. L’ambition croissante des conventions à élargir leur
domaine a accru la détermination des syndicats professionnels à obtenir une annulation.
Dans la pratique, presque toutes les conventions ont été annulées totalement et, depuis peu, partiellement. En
effet, la jurisprudence du Conseil d’Etat, en admettant, depuis 1999, que les clauses d’une convention sont
divisibles et que l’annulation d’une clause n’entraîne pas nécessairement celle de la convention dans son
ensemble, circonscrit le risque. Il demeure cependant important comme le montrent les jurisprudences
relatives à la convention médicale de 1998 dans lesquelles les annulations ont porté sur des points essentiels.
Ce risque est d’autant plus réel que les annulations suppriment des contraintes et interdisent la poursuite du
contentieux, sans porter atteinte aux avantages.
Dans certains cas, le dispositif a fait l’objet de validations législatives, mais une jurisprudence constante du
Conseil Constitutionnel limite le champ de ces validations qui ne peuvent viser que les actes de portée
générale et non les actes individuels, comme par exemple une décision de mise hors convention. Cette
contrainte est d’autant plus sévère que le Conseil d’Etat comme les juridictions judiciaires s’estiment
désormais compétents pour examiner la compatibilité de telles lois au regard de l’article 6§1 de la Convention
européenne des droits de l’homme et peuvent juger que la validation législative rétroactive d’un arrêté annulé
porte atteinte au droit à un procès équitable. Enfin, les débats juridiques générés par les validations sont longs
à régler : ce n’est, par exemple, que fin 1999 que la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur un
litige lié à la validation d’une convention de 1990
[154]
.
II – Raisons de fond
Cette fragilité tient, outre à l’insuffisante préparation juridique relevée plus haut, à des problèmes de fond liés
à la nature juridique du dispositif conventionnel.
En effet, une convention, si elle est élaborée à l’issue d’une négociation de type contractuel, est considérée par
les juridictions, comme un règlement d’application d’une loi. Elle constitue une modalité d’exécution d’un
service public et fait participer les professionnels de santé à l’exécution d’une mission de service public.
D’autre part, elle est destinée à s’imposer à des tiers, qu’il s’agisse des patients ou des mutuelles et assureurs
garantissant une protection complémentaire.
La jurisprudence considère donc que le dispositif conventionnel doit respecter à la fois les contraintes qui
s’imposent aux contrats administratifs et celles qui prévalent pour les textes réglementaires. Les contraintes se
cumulent. S’y ajoute le fait que le Conseil d’Etat, consulté en 1985, a estimé que les conventions ont “ un
caractère subsidiaire ” ; c’est à dire que leurs dispositions ne peuvent empiéter ni sur le domaine de la loi, ni
sur celui du règlement, sauf si la loi transfère explicitement une partie du pouvoir réglementaire aux
partenaires conventionnels.
Ainsi, les gestionnaires de l’assurance maladie et les organisations professionnelles doivent prendre en compte
à la fois les obligations résultant du droit communautaire, les normes constitutionnelles et les principes
généraux du droit, le champ de leur habilitation légale, l’existence d’autres lois, le champ de compétence
réglementaire qui leur est délégué et enfin les contraintes spécifiques liées à l’élaboration contractuelle de
l’acte. Cet ensemble exceptionnel de contraintes est d’autant plus difficile à respecter qu’il doit être pris en
compte dans un contexte de négociations marquées par un rapport de force et des intérêts souvent
antagonistes.
L’extension progressive du champ des conventions ne pouvait qu’accroître la difficulté. L’hétérogénéité des
délégations de compétence au profit des partenaires conventionnels selon les professions l'aggrave également
En effet, la tentation existe pour les négociateurs de ne pas s’en tenir au domaine circonscrit par la loi, pour
une profession donnée, avec le risque que le juge, raisonnant
a contrario,
à partir de l’habilitation
explicitement donnée pour d’autres professions, les censure. La loi de financement pour 2000 a commencé à
uniformiser les dispositifs d’habilitation sans toutefois aller au bout de cette logique. Une réflexion devrait
donc être menée sur la possibilité de créer un dispositif d’habilitation unique qui pourrait bien sûr être décliné
profession par profession mais avec un champ de compétences identifié et précis en spécifiant la possibilité,
pour les partenaires conventionnels, de ne pas épuiser la totalité de ce champ
[155]
.
Plus profondément, il serait nécessaire de réfléchir à la possibilité de redéfinir les domaines respectifs de
compétence de la loi, du règlement et de la convention. L’objectif devrait être d’éviter qu’un même texte ne
cumule les contraintes du contrat et celles du règlement et de restaurer un champ spécifique pour le domaine
contractuel. Cela suppose, d’une part que certaines dispositions relèvent clairement du champ réglementaire,
éventuellement après négociation avec les syndicats professionnels et d’autre part, que les dispositions qui ne
sont pas liées à l’accomplissement d’une mission de service public ressortent désormais du champ purement
contractuel. Cette réflexion pourrait s’appuyer sur le fait que certaines dispositions des conventions, selon la
Cour de Cassation, ne sont pas opposables aux patients et, de ce fait, pas de nature réglementaire.
Eviter le cumul des contraintes nécessite que les niveaux juridiques dans lesquels s'insèrent les mécanismes
conventionnels soient davantage séparés en laissant une place aux relations individuelles entre caisses et
professionnels de santé dans un cadre réellement synallagmatique, ce qui permettrait par ailleurs de donner un
contenu à l’adhésion individuelle de ces derniers, aujourd’hui inscrite dans les textes mais sans contenu ni
conséquences réelles.
Réponse
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Une réflexion d’ensemble sur le système conventionnel apparaît aujourd’hui indispensable, comme semblent
d’ailleurs le souhaiter les différents acteurs. Au terme de son analyse, la Cour estime que cette réflexion
pourrait notamment s'inspirer des recommandations suivantes.
RECOMMANDATIONS
1. Reconsidérer le champ actuel des conventions de manière à mieux séparer ce qui est réglementaire et ce
qui est contractuel afin de ne pas cumuler les contraintes juridiques des deux types d’actes
2. Recentrer les conventions notamment sur ce qui peut réellement faire l’objet d’un engagement personnel du
professionnel de santé, sur ce qui relève en propre de la légitimité des partenaires conventionnels et sur ce qui
peut faire l’objet d’engagements précis, opérationnels et contrôlables.
3. Achever l'unification du dispositif d’habilitation applicable aux différentes professions de santé.
4. Mieux préparer les négociations conventionnelles par l’élaboration d’un projet de texte avant leur
engagement, le renforcement de la capacité d’expertise juridique de la CNAMTS, l’insertion du service
juridique dans le processus de préparation et de négociation des conventions.
5. Redéfinir l’ensemble du système de sanction en évitant que les représentants d'une même institution
interviennent à la fois dans la définition des règles conventionnelles, la gestion du dispositif, le contrôle des
abus et l'application des sanctions, cumul qui est à la fois source d’opacité et générateur de contestations et
de contentieux.
6. Développer la connaissance de l’impact respectif sur les dépenses, à moyen et long terme, des hausses
tarifaires, de l’évolution du nombre des actes et des effets de structure (création de nouvelles lettres clés,
déformation de la répartition des honoraires entre les actes).
7. Intégrer dans les honoraires la prise en charge d’une partie des cotisations sociales des professionnels de
santé par l’assurance maladie.
[154]
Cour de Cassation : arrêt du 25 novembre 1999 CPAM des Hauts de Seine c/ Madame Zagury.
[155]
En l’absence de cette mention, le Conseil d’Etat semble considérer que les partenaires conventionnels
doivent couvrir l’intégralité du champ ouvert par la délégation qui leur est consentie.
LA SECURITE SOCIALE
TROISIEME PARTIE
LA GESTION DES ORGANISMES ET LA GESTION
DES RISQUES
La maîtrise des coûts et la qualité des services rendus sont étroitement dépendantes des caractéristiques de la
gestion des institutions. C'est pourquoi une partie des rapports successifs sur l'application de la loi de
financement de la sécurité sociale est régulièrement consacrée à l'analyse de certains aspects de cette gestion.
Cette année, ces analyses, consacrées respectivement aux conventions d'objectifs et de gestion (COG), aux
relations avec les usagers, aux systèmes d'information et de gestion et aux avantages familiaux et conjugaux
du système de retraite, sont précédées de la présentation d'un élément important de l'environnement juridique
et institutionnel, à savoir le droit européen dans le domaine de la sécurité sociale.
Le traité instituant la communauté européenne n'a pas prévu de politique commune de sécurité sociale.
L'établissement de directives, les mesures prises pour assurer la libre circulation des personnes traduisent le
choix de coordonner les politiques nationales de sécurité sociale. Seul choix possible, mais qui aboutit à une
grande complexité de la réglementation. Le chapitre fait une synthèse, sur la maladie, la famille, la vieillesse,
certains aspects du recouvrement, de ce droit européen.
La gestion des organismes est étudiée, ensuite, à travers trois sujets :
- La gestion
stricto sensu
(chapitre X). La Cour a choisi de retenir deux domaines caractérisés par des
innovations récentes : les conventions d'objectifs et de gestion sont les nouvelles modalités de relation entre
l'Etat et les branches et, au sein des branches, entre les caisses nationales et les organismes de base. De même,
les ordonnances de 1996 ont modifié le recrutement et la gestion des agents de direction des organismes de
sécurité sociale. La Cour fait un premier bilan de ces deux innovations.
- Les relations avec les usagers, thème majeur dès lors que s'accroît l'exigence que les services publics soient
bien au service du public. L'étude porte sur les branches famille et vieillesse du régime général (chapitre XI), à
la fois dans leur fonction de liquidation des prestations, et dans leur fonction d'accueil et d'accompagnement
des usagers, dont la population s'est profondément renouvelée.
- Enfin, les systèmes d'information et informatiques qui permettent précisément d'améliorer le service rendu :
la liquidation des prestations, la conservation des bonnes informations sur les destinataires de ces prestations,
la capacité à répondre rapidement et correctement aux demandes requiert des systèmes opérationnels et
efficaces. C'est l'objet du chapitre XII, consacré aux branches famille et vieillesse du régime général.
La gestion des risques n'est analysée cette année qu'à travers un thème, mais il est très important,
financièrement et sociologiquement. Il s'agit des avantages familiaux et conjugaux des systèmes de retraites
(chapitre XIII). Les bonifications de points de retraite, les majorations de durée d'assurance, les possibilités de
prendre sa retraite sans condition d'âge, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), enfin les pensions
de réversion aux veufs (et veuves) sont autant de dispositions, foisonnantes et différemment présentes dans les
différents régimes de retraite. La diversité des dispositions concrètes est très grande, même si elles se
rattachent toutes à quelques principes et répondent à des motifs, en définitive peu nombreux : compensation
des interruptions de carrière professionnelle dues aux enfants, des baisses de niveaux de vie qu'ils entraînent,
mais aussi garantie d'un niveau de vie aux retraités les plus démunis.
CHAPITRE IX
Le droit européen dans le domaine de la sécurité sociale
Le traité instituant la communauté européenne n'a pas prévu l’adoption d’une politique commune de sécurité
sociale.
Son article 100
[156]
prévoit la possibilité d’arrêter des directives pour le rapprochement des législations
nationales, mais le Conseil n’y a eu recours dans ce domaine que pour certaines questions particulières,
comme l’égalité de rémunération entre les deux sexes, les autorisations de mise sur le marché des
médicaments ou les retraites complémentaires.
En revanche, l’article 51 du traité
[157]
, invite le Conseil à prendre les mesures de coordination nécessaires pour
assurer la libre circulation : dans cette perspective, celui-ci a adopté le règlement 1408/71 du 14 juin 1971 et
son règlement d’application, n° 574/72 du 21 mars 1972, qui confèrent un véritable statut aux travailleurs
migrants. Contrairement aux directives traitant de la sécurité sociale, ces deux règlements s’appliquent à tous
les Etats membres de l’Espace Economique Européen (EEE), qui comprend à la fois les quinze pays de
l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
Ce choix de la coordination s'imposait, surtout qu'il s'agissait de rendre compatibles des législations
d’inspiration très différente : systèmes d’assurance, réservés au moins initialement aux travailleurs et financés
par des cotisations sociales, de l’Allemagne, de la France et du Benelux ; systèmes universels, financés par
l’impôt, du Royaume-Uni, de l’Irlande et des pays nordiques ; régimes mixtes des pays méditerranéens,
mêlant une législation universelle (de type "beveridgien") et des assurances privées pour certaines parties de la
population. Mais la coordination se traduit par une grande complexité de la réglementation.
Cette complexité s’est accentuée sous l'influence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE)
et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui veillent au respect des traités, notamment des
principes de libre circulation et des règles de la concurrence, et de la Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. Ce phénomène est appelé à se développer à la suite des traités de
Maastricht du 7 février 1992 et d’Amsterdam du 2 octobre 1997, qui ont introduit la notion de citoyenneté
européenne : cette dernière étend la conception traditionnelle de la libre circulation à tous les citoyens de
l'Union (elle n'est donc plus limitée aux seuls travailleurs). La CJCE et la Commission en tirent
progressivement les conséquences, en prônant l’extension aux non actifs en déplacement au sein de l’EEE des
droits sociaux prévus à l’origine uniquement pour les travailleurs migrants.
L’application par les Etats membres d’une réglementation ardue, en perpétuelle mutation, exige des efforts
importants de la part des administrations nationales, et représente a priori un certain coût. La Cour a constaté
que les performances de la France à cet égard sont inégales : notre pays applique correctement et de manière
uniforme sur l’ensemble du territoire les procédures les plus compliquées, mais est en retard dans la
transposition en droit national de plusieurs directives communautaires
[158]
.
Section I :
La place des dossiers européens dans la sécurité sociale française
I - Le nombre de personnes et les dépenses concernées
En 1998, d’après les rapports statistiques du centre de sécurité sociale des travailleurs migrants (CSSTM),
23,3 MdF de prestations de sécurité sociale ou de retraites complémentaires ont été payées par la France à
l’étranger, dont 11,9 MdF, soit 51,1 % du total, concernent l’EEE. Les prestations correspondant aux seuls
régimes de base de sécurité sociale représentent 9,7 MdF, soit seulement 5,5 pour 1000 des dépenses des
régimes de base de sécurité sociale, qui se sont élevées à 1 745 MdF en 1998.
Les remboursements effectués par les institutions de sécurité sociale des autres Etats membres de l’EEE aux
caisses françaises, au titre des ressortissants de ces Etats soignés en France, représentaient 2,3 MdF en 1998,
alors que la France a remboursé 745 MF aux autres institutions européennes, au titre des assurés sociaux des
régimes français soignés dans le reste de l’EEE. La France a servi par ailleurs 202 MF de pensions d’invalidité
(dont 136 MF au Portugal) et 642 MF de rentes d’accidents du travail dans le reste de l’Europe.
Les prestations familiales exportées par la France aux familles résidant à l’étranger de travailleurs employés
en France ou de chômeurs indemnisés par notre pays, ainsi qu’aux travailleurs détachés à l’étranger
accompagnés de leur famille ne s’élèvent qu’à 36 MF, au titre de 2 526 familles. Ces versements diminuent
chaque année, les européens qui viennent travailler en France étant de plus en plus souvent accompagnés de
leur famille. En outre, les assurés sociaux des régimes français détachés au sens de l’article 14 du règlement
1408/71 sont rarement suivis de leur famille, car le détachement ne peut durer qu’une année, renouvelable une
seule fois avec l’accord de l’autorité compétente de l’État où l’intéressé est détaché : la plupart des Français
expatriés dans le reste de l’Europe sont installés plus durablement et bénéficient des prestations familiales de
leur pays d'emploi.
En revanche, les pensions de retraite servies à l’étranger augmentent chaque année : 461 754 pensions de
retraite de base, d’un montant de
6,5 MdF, et 138 664 pensions de réversion, d’un montant de 1,5 MdF ont été versées dans les autres Etats
membres en 1998 (contre 435 231 pensions directes, pour 6 MdF, et 131 097 pensions de réversion, pour 1,4
MdF, en 1997). L’AGIRC et l’ARRCO ont exporté de leur côté 2,2 MdF d’arrérages de pensions
complémentaires en 1998 à 381 507 bénéficiaires, contre 2,1 MdF à 364 688 retraités (droits directs et
indirects confondus) en 1997.
Les statistiques précitées ne sont pas exhaustives : nos caisses de sécurité sociale ne comptabilisent pas les
prestations qu’elles versent sur le territoire national aux ressortissants d’autres Etats membres et ne
connaissent qu’une partie de celles servies à des Français par leurs homologues du reste de l’EEE. Cette
situation s’explique notamment par une raison juridique : conformément au principe d’égalité posé par le traité
(et par notre Constitution), le droit aux prestations ne peut être fondé sur la nationalité des bénéficiaires, qu’il
n’est donc pas utile de recenser.
II - Les moyens consacrés par la France au traitement des dossiers européens
Malgré la complexité de la réglementation européenne, les moyens matériels consacrés au traitement des
dossiers communautaires sont limités.
La division des affaires européennes et internationales (DAEI) de la direction de la sécurité sociale (DSS) du
ministère de l’emploi et de la solidarité, qui suit à la fois les négociations des règlements et directives
communautaires et des conventions bilatérales de sécurité sociale ne comporte que 10 agents : 7 de catégorie
A, 1 de catégorie B et 2 de catégorie C.
Le CSSTM est l’organisme de liaison désigné par la France pour assurer les relations avec les institutions de
sécurité sociale des autres Etats membres (dont chacun a nommé un ou plusieurs organismes jouant un rôle
équivalent). Il rend des services aux différents régimes de sécurité sociale, qui prennent en charge son
financement : consultations juridiques, traductions, constitution et diffusion d’une documentation et de
statistiques relatives aux problèmes internationaux de sécurité sociale, gestion des détachements de longue
durée des travailleurs français au sein de l’EEE, centralisation et traitement des créances et des dettes des
caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) vis-à-vis des institutions compétentes des autres pays
membres.
Cette dernière tâche mobilise des moyens informatiques importants : l’application "LASER migrants"
du
système informatique national "LASER"
des CPAM, mise en place en 1990, édite notamment chaque
semestre les formulaires de remboursement des frais médicaux des assurés du reste de l’EEE en déplacement
en France.
En 1998, l’effectif total réel du CSSTM comportait 115 agents : 41 de catégorie A, 15 de catégorie B, 48 de
catégorie C et 2 ouvriers ; ses charges de fonctionnement s’élevaient à 35,1 MF, dont 77 %, soit 27,0 MF,
étaient consacrés aux dossiers de l’EEE. Ces dépenses se répartissaient de la façon suivante : 12,2 MF (45,1
%) de frais de traduction, 9,2 MF (34,0 %) de gestion des créances et des dettes de la branche maladie, 5,0 MF
(18,6 %) de frais juridiques 0,6 MF (2,3 %) d’études financières et statistiques. Compte tenu des dépenses du
centre remboursées par la Commission de Bruxelles (une partie de ses frais de traduction) et de ses recettes
diverses, le coût net supporté par la France et réparti entre les différentes branches de la sécurité sociale
représentait 16,2 MF.
Le recensement des agents des différentes branches de la sécurité sociale consacrés aux affaires européennes
est beaucoup plus délicat, car la plupart d’entre eux traitent également de dossiers nationaux ou internationaux
sans lien avec la réglementation communautaire : ils sont une centaine (dont 7 à la CNAMTS) sur 90 000 pour
la branche maladie ; une vingtaine (dont un seul à la CNAF) sur 30 000 pour la branche famille
[159]
; 250
environ (dont 70 au centre de Tours de la direction des assurés de l’étranger de la CNAV) sur 13 400 pour la
branche vieillesse. Au total, environ 450 agents de ces trois branches de la sécurité sociale
[160]
se consacrent
aux affaires européennes, soit 3,3 pour 1000 de leur effectif total. Les frais de personnel correspondants,
estimés à environ 120 MF par an
[161]
, représentent un pourcentage dérisoire du budget total de la sécurité
sociale française
(1 745 MdF en 1998) et sont à rapprocher des 9,7 MdF de prestations de sécurité sociale de base versées en
1998 par la France aux autres Etats membres de l’EEE.
Ces agents peu nombreux ont acquis une bonne maîtrise de la réglementation communautaire, surtout au sein
des caisses locales frontalières ou des pôles de compétence de la branche vieillesse, comme le centre de Tours
de la CNAV. Ils sont aidés par les experts de la DSS, du CSSTM et des caisses nationales, ainsi que par les
guides et circulaires, de valeur inégale, édités par ces dernières : le "Guide CEE" de la CNAMTS, qui traite
des prestations de maladie et de maternité, est moins clair que son "Guide invalidité"; le "Suivi législatif" de la
CNAF n'a pas été actualisé depuis sa publication en mars 1993. Néanmoins une simplification est souhaitable,
par exemple sur la base du projet de réforme du règlement 1408/71 présenté par la Commission le 21
décembre 1998, dont la France souhaite faire avancer la négociation.
Réponse
[156]
Devenu article 94, depuis le traité d’Amsterdam.
[157]
Devenu article 42 : "Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée l’article 251 [la procédure de
codécision], adopte, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l'établissement de la
libre circulation des travailleurs,
en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs
migrants et à leurs ayants droit : a) la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi
que pour le calcul de celles-ci de toutes périodes prises en considération par les législations nationales ; b) le
paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des Etats membres".
[158]
En particulier, la transposition dans le cadre de la mutualité des troisièmes directives sur les assurances
"vie" (n° 92/49 du 18 juin 1992) et "non vie" (n° 92/96 du 10 novembre 1996), qui aurait dû intervenir avant
le 1
er
janvier 1994.
[159]
Il est à noter que cette dernière affecte les dossiers européens d’un coefficient de complexité de 2,6 –
représentant le temps supplémentaire que les agents doivent y consacrer par rapport aux dossiers nationaux.
[160]
En tenant compte d’une partie des agents du CSSTM.
CHAPITRE IX
Le droit europeen dans le domaine de la securite sociale
SECTION II :
LA BRANCHE MALADIE
I - Présentation générale
A - Principes et modalités de prise en charge des soins des travailleurs migrants
Le règlement 1408/71 applique les principes de base suivants, énoncés par ses considérants :
"L’égalité de traitement au regard des différentes législations nationales"
: les assurés sociaux se déplaçant au
sein de l’EEE doivent bénéficier dans chaque Etat membre des mêmes droits que ceux garantis par la
législation nationale aux assurés sociaux de cet Etat.
"Le maintien des avantages acquis ou en cours d’acquisition" : conformément à ce principe, l’article 18 du
règlement prévoit, en ce qui concerne la maladie et la maternité, que "l’institution compétente d’un Etat
membre dont la législation subordonne… le droit aux prestations à l’accomplissement d’une période
d’assurance, d’emploi ou de résidence, tient compte des périodes accomplies dans tout autre Etat membre
comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique".
La soumission "au régime de sécurité sociale d’un seul Etat membre, de sorte que les cumuls de législations
nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évitées"
[162]
. La législation applicable
est "en règle générale, la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel l’assuré exerce son activité".
Quand un travailleur réside dans un Etat membre différent de son pays d'emploi, il doit donc s’inscrire auprès
de l’institution compétente de sécurité sociale de ce dernier (appelé "Etat compétent" par le règlement
1408/71). Seule cette institution bénéficiera de ses cotisations sociales, si la législation nationale en prévoit.
Les prestations de maladie et de maternité en espèces lui seront versées directement par cette institution, au
taux prévu par la législation du pays de résidence ; en revanche, les prestations en nature lui seront versées par
la caisse de sécurité sociale compétente de son pays de résidence, selon les modalités prévues par la législation
de ce dernier, "pour le compte de l’Etat compétent" (c’est-à-dire que la caisse précitée se fera rembourser par
celle du pays d'emploi).
Les travailleurs frontaliers bénéficient d’une faculté d’option : ils peuvent se faire soigner dans leur pays de
résidence, dans les conditions qui viennent d’être évoquées, ou dans leur pays de résidence, en bénéficiant
alors également des prestations en nature prévues par la législation de ce dernier.
Les principales exceptions à ces dispositions concernent les fonctionnaires et les personnes sous les drapeaux,
qui continuent à dépendre de la législation de leur pays d'emploi, quel que soit leur lieu de travail, ainsi que les
salariés détachés par leur entreprise dans les conditions évoquées ci-dessus, qui relèvent, comme leur famille,
de la législation de l’Etat où ils travaillaient initialement.
De même, les chômeurs résidant en permanence dans un Etat autre que leur dernier pays d'emploi reçoivent à
la fois les indemnités de chômage et les prestations de maladie et de maternité de leur pays de résidence, qui
est considéré comme celui où il leur est le plus facile de retrouver du travail.
L’article 22 du règlement prévoit les différentes situations où les assurés peuvent recevoir des soins dans un
Etat membre autre que leur pays d'emploi (ou leur pays de résidence, s’il est différent du premier).
Le séjour temporaire (voyage touristique ou d’affaires) donne droit aux soins nécessaires, qui sont remboursés
à l’assuré par l’institution compétente du pays de séjour, selon les modalités de la législation locale, sur
présentation d’un formulaire E 111 (pour les touristes) ou E128 (pour les voyages d’affaires) délivré avant son
départ par la caisse dont il dépend. Ce formulaire permet à l’institution précitée de se faire rembourser par
celle de l’assuré
[163]
.
Le changement du pays de résidence d’un assuré, en cours de traitement pris en charge par l’institution de
sécurité sociale de l’Etat compétent. Ce changement implique l’autorisation de cette institution.
Le déplacement temporaire dans un autre Etat membre, avec l’autorisation préalable de l’institution
compétente, "pour y recevoir des soins appropriés à son état" : l’autorisation ne peut être refusée à l’assuré si
les soins ne peuvent être dispensés dans le pays de résidence dans les délais requis par "son état actuel de santé
et l’évolution probable de la maladie". Cette autorisation préalable n’est plus exigible dans le cas prévu par les
arrêts Kohll et Decker de la CJCE, évoqués ci-dessous.
Le séjour temporaire d’un chômeur complet dans un ou plusieurs autres Etats membres
[164]
, pour y chercher du
travail : pendant trois mois, il conserve la protection maladie de l’Etat compétent.
Dans ces différents cas, la personne en déplacement temporaire bénéficie des prestations en espèces de "l’Etat
compétent" (celui où il résidait précédemment) et des prestations en nature de l’Etat où il s’est rendu, "pour le
compte de l’Etat compétent".
B - Le régime communautaire de l'invalidité
Les modalités de liquidation des pensions d’invalidité des travailleurs migrants dépendent de la nature des
législations nationales auxquelles ils ont été soumis successivement :
- si un invalide n’a dépendu que de "législations de type A", c'est-à-dire pour lesquelles le montant des
prestations est indépendant de la durée d’assurance (tel est le cas de la Belgique, de l’Espagne, de la France -sauf
pour le régime minier-, de la Grèce -pour le seul régime agricole-, de l’Irlande, des Pays-Bas et du Royaume-
Uni), il reçoit la pension de l’institution du pays dont la législation était applicable au moment où est survenu
l’incapacité de travail suivie d’invalidité (sans participation financière des institutions des autres Etats membres
où il a travaillé) ;
- s’il n’a dépendu que de "législations de type B" (applicables dans tous les cas autres que ceux précités),
subordonnant le droit aux prestations à des conditions de durée d’assurance ou de résidence, ou s’il a été soumis
successivement à plusieurs législations de types différents, sa pension d'invalidité est liquidée sur le modèle,
évoqué ci- dessous, des pensions de retraite : chaque institution liquide une pension, nationale ou proratisée,
c'est-à-dire proportionnelle à la période passée sous sa législation, puis verse la pension, nationale ou proratisée,
la plus élevée.
Le calcul des pensions à servir est particulièrement complexe lorsque les législations nationales applicables
comportent des règles de non cumul des prestations ou des revenus acquis à l’étranger (ce qui est le cas de la
législation française, qui plafonne les cumuls de pensions civiles d’invalidité avec les rentes d’accidents du
travail, les pensions militaires d’invalidité et les revenus d’activité) : pour éviter que le jeu combiné des
dispositions anti-cumul ne défavorisent les invalides, l’article 46 quater du règlement 1408/71 et l’article 7 du
règlement 574/72 ont prévu que "les montants qui ne seraient pas payés en cas d’application stricte des clauses
de réduction, de suspension ou de suppression prévues par des législations des Etats membres concernés sont
divisés par le nombre de prestations sujettes à réduction, suspension ou suppression".
Pour liquider la pension d’un invalide ayant été soumis à des législations de type A et B, l’institution compétente
doit procéder à pas moins de neuf opérations administratives différentes, compte tenu de ces règles nationales et
communautaires de non cumul et de celles de totalisation-proratisation applicables en l’espèce, conformément au
modèle des pensions de retraite :
il serait souhaitable d’alléger cette procédure en simplifiant la réglementation
communautaire relative à l’application combinée des législations nationales anti-cumul. La France a formulé des
propositions dans cette perspective, dans le cadre de la préparation de la réforme du règlement 1408/71, que les
Etats membres conduisent actuellement, conformément au « programme d’action sociale 1998-2000 » de la
Communauté européenne.
II - Problèmes particuliers
A – L’application des arrêts Kohll et decker de CJCE
Par ses décisions Kohll (affaire C-158/96) et Decker (C-120/95) du 28 avril 1998, la Cour de Justice,
répondant à des questions préjudicielles des juridictions luxembourgeoises, a indiqué que les prescriptions
d’un médecin d’un Etat membre (en l’occurrence, un traitement d’orthodontie et l’achat de lunettes) pouvaient
être exécutées dans n’importe quel autre Etat membre sans autorisation préalable de l’institution de sécurité
sociale dont dépendait l’assuré, conformément au principe de libre circulation. Elle a précisé que dans ce cas,
les prestations devaient être remboursées au tarif de l’Etat d’affiliation de l’assuré ("l’Etat compétent") et non
à celui du pays où les prescriptions étaient exécutées, contrairement à la lettre de l’article 22 du règlement
1408/71.
Pour le moment, ni la Commission ni les Etats membres n’ont tiré les conséquences de ces décisions en
proposant de modifier le règlement 1408/71 ou en réformant les législations nationales en vigueur, bien que
l’interprétation des dispositions du traité donnée par la CJCE soit d’application immédiate dans l’ordre
juridique de chaque Etat membre. En France, une lettre circulaire du 29 juin 1998, signée par délégation du
ministre de l’emploi et de la solidarité, demande aux caisses locales de continuer à appliquer la lettre du
règlement communautaire et du code de la sécurité sociale, malgré les deux arrêts.
Cette prudence s’explique par la crainte des conséquences économiques que pourraient avoir des mouvements
éventuels des ressortissants des Etats membres entre systèmes de santé de l'Union, et par la volonté de garder
au niveau national la maîtrise de l'organisation nationale des soins et de l'évolution des dépenses de santé.
B – La politique communautaire du médicament
A la suite du drame de la thalidomide, le Conseil a adopté une politique de rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, dont l’acte fondateur
est la directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965, qui traite pour l’essentiel de la définition, de l’étiquetage et des
règles d’autorisation de mise sur le marché des médicaments. Celle-ci a été complétée par un grand nombre de
directives concernant notamment les conditions de fabrication et de contrôle, les essais pharmacologiques, les
médicaments de haute technologie, l’usage rationnel des médicaments et l’information du public
[165]
.
Ces directives, généralement très précises, ne laissent qu’une marge de manoeuvre réduite aux autorités
nationales, de façon à faire bénéficier les consommateurs de garanties de sécurité élevées et homogènes au
sein de l’EEE et à faire respecter l’égalité des conditions de concurrence entre laboratoires pharmaceutiques.
Néanmoins, certains problèmes sont encore imparfaitement maîtrisés.
1. Les différences entre la définition communautaire et les définitions nationales du médicament
L’article 1
er
de la directive 65/65 donne du médicament une définition bicéphale, fondée à la fois sur sa
présentation et sur sa fonction, d’ailleurs proche de la définition française traditionnelle.
La jurisprudence de la CJCE en a donné une interprétation complexe, qui laisse un grande marge
d’appréciation aux juges nationaux. La présentation d’un médicament doit être appréciée en fonction d’un
faisceau d’indices, se rapportant aussi bien à sa forme extérieure qu’à son conditionnement ; sa fonction,
élément déterminant quand un produit ne se présente pas comme un médicament mais possède "des propriétés
préventives et curatives", doit être examinée au regard de "ses propriétés pharmacologiques"
[166]
, ainsi que
"des adjuvants complétant la composition du produit, de ses modalités d’emploi, de l’ampleur de sa diffusion,
de la connaissance qu’en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation"
[167]
; le
médicament doit exercer un effet "significatif sur le métabolisme"
[168]
.
Les juges nationaux qui doivent se pencher sur la qualification d’un produit doivent donc se livrer à un
examen multi-critères, qui leur laisse une grande marge d’interprétation : il en résulte des divergences
d’appréciation selon les Etats membres, que la Cour considère comme inévitables pendant la "première étape
d’harmonisation des réglementations nationales" : les juridictions françaises considèrent par exemple la
vitamine C comme un médicament, alors que la plupart des Etats membres la classent comme un aliment. Ces
différences affectent les conditions de distribution des produits en cause, vendus selon les cas en officines ou
dans les circuits commerciaux classiques.
2. La politique de reconnaissance mutuelle des autorisations de mise sur le marché
Conformément à la directive 65/65, dûment transposée dans chaque législation nationale, les procédures
d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ont été harmonisées et sont presque identiques dans tous les Etats
membres : la composition des dossiers, les normes et les protocoles d’essai, les étapes et les délais de la
procédure sont les mêmes ; les AMM sont partout valables pour cinq années et renouvelables par périodes
quinquennales.
Il serait logique que les AMM délivrées par chaque Etat membre dans des conditions semblables soient
reconnues dans le reste de l’Union européenne. La commission avait d’ailleurs proposé en 1967 un système de
reconnaissance automatique par chaque Etat membre des AMM accordées par les autres, qui a été repoussé
par le Conseil, chaque partenaire craignant la concurrence des industries pharmaceutiques des autres pays.
Deux directives successives, adoptées en 1975 et 1983
[169]
ont mis en oeuvre des procédures de reconnaissance
mutuelle des AMM fondées sur la coopération des Etats membres et l’influence d’un comité des spécialités
pharmaceutiques purement consultatif, composé de représentants de la Commission et des pays membres. Ces
directives ont obtenu un succès limité en raison des lenteurs de l’instruction, au moins un des Etats membres
s’opposant à chaque nouvelle demande de reconnaissance d’une AMM et saisissant le comité précité pour
arbitrage et les laboratoires pharmaceutiques préférant parfois retirer leurs dossiers en cours d’instruction.
C’est pourquoi le Conseil a adopté en 1993 à la fois une nouvelle procédure dite de "reconnaissance mutuelle
atténuée", par la directive 93/39/CEE du 14 juin 1993, très complexe, qui n’a pas véritablement bouleversé les
conditions de la reconnaissance mutuelle, et surtout une procédure centralisée d’AMM pour les médicaments
de haute technologie, par le règlement 2309/93 du 22 juillet 1993.
Cette dernière est obligatoire depuis le 1
er
janvier 1995 pour les médicaments issus des procédés
biotechnologiques visés à l’annexe A du règlement, et accessible aux laboratoires de façon optionnelle pour
certains médicaments présentant une "innovation significative" ou un "intérêt significatif sur le plan
thérapeutique" visés à l’annexe B. Son déroulement est semblable à celui des procédures nationales
harmonisées, mais elle est conduite directement par le comité des spécialités pharmaceutiques, désormais
intégré à l’agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EAMA), créée à Londres par la
Communauté, et ses résultats s’appliquent immédiatement à l’ensemble des Etats membres
[170]
. Elle a permis
de réduire de six ans en moyenne, jusqu’en 1995, à moins d’un an aujourd’hui les délais nécessaires pour
obtenir une AMM valable dans toute la Communauté.
Le règlement 2309/93 prévoit la présentation, pour le 1
er
janvier 2001, d’un rapport par la Commission sur le
champ d’application de cette procédure, qui pourrait être l’occasion de tirer les conséquences des résultats
positifs obtenus par celle-ci, en étendant la liste des médicaments qui y sont soumis, à titre obligatoire ou
facultatif.
3. Les différences entre les définitions communautaire et française des médicaments génériques
La directive 65/65 prévoit une procédure d’AMM abrégée pour les médicaments génériques, pour lesquels le
laboratoire demandeur est dispensé de fournir les résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et
cliniques dans différentes hypothèses et notamment si "le médicament est essentiellement similaire à un
produit autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la
Communauté". Cette période de six ans peut être portée à dix ans (solution choisie par la France), ou au
contraire réduite à la durée de protection des brevets en cause.
La définition relativement vague du médicament générique posait problème lorsqu’un laboratoire
pharmaceutique introduisait des modifications mineures dans les caractéristiques d’un médicament (telles que
la composition de l’excipient, le dosage ou la posologie) pendant la période de protection précitée : cette
transformation prolongeait-elle la durée de protection des médicaments d’un nouveau délai de 6 ou 10 ans ?
Un arrêt de la CJCE du 3 décembre 1998, The Queen/The Licensing Authority (C-368/96), a tranché cette
question par la négative en précisant la définition du « médicament essentiellement similaire » : une AMM
abrégée peut être demandée pour un médicament essentiellement similaire 6 ou 10 ans après l’AMM obtenue
par la spécialité originale, si les modifications subies par celle-ci dans l’intervalle n’ont pas introduit "des
différences significatives par rapport à la spécialité originale en ce qui concerne la sécurité et l’efficacité".
Cette solution favorable aux médicaments génériques moins coûteux est conforme à l’intérêt financier de la
sécurité sociale de chaque Etat membre.
Or la définition française du médicament générique, donnée par l’article L. 601-6 du code de la santé
publique, est légèrement plus large que celle de la CJCE : elle n’inclut pas l’absence de différence
significative concernant la sécurité et l’efficacité et favorise donc moins la diffusion des médicaments
génériques.
Une légère modification de la procédure d’AMM abrégée apportée par l’article 8 du décret n°99-846 du 11
juin 1999 "relatif aux spécialités génériques et au droit de substitution du pharmacien" ne comble pas cette
lacune. Il serait utile que la France aligne sa définition du médicament générique sur celle de la CJCE.
Réponse
[161]
Le coût annuel moyen d’un agent du CSSTM était de 305 306 FF en 1998 ; celui d’un agent de la sécurité
sociale a été estimé par la Cour à 258 750 FF en 1998, dans le cas de la branche retraite.
[162]
Ce principe est repris par l’article 13 du règlement.
[163]
Si l’assuré n’a pas emporté de formulaire E 111 ou E128, l’institution locale compétente peut demander à
la caisse de l’assuré de certifier les droits de celui-ci, en lui adressant un document E 107. En outre, les assurés
français peuvent se faire rembourser de leurs soins à leur retour de voyage, au tarif français, dans la limite de
1000 F, conformément à une disposition dérogatoire du règlement d’application 574/72.
[164]
Dans les conditions prévues aux articles 25 et 69 du règlement 1408/71.
[165]
Ces directives sont citées pages 556 et suivantes du livre de Christophe HENIN,
Le médicament en droit
communautaire
, éditions de la santé, octobre 1997.
[166]
Arrêt Van Bennekom du 30 novembre 1983 (affaire 227/82).
[167]
Arrêt Delatte, Monteil et Samanni du 21 mars 1991 (C-60/89).
[168]
Arrêt Upjohn du 16 avril 1991 (C-112/89).
[169]
Les directives 75/319/CEE du 20 mai 1975 et 83/570/CEE du 26 octobre 1983.
[170]
Il est à noter que le comité des spécialités pharmaceutiques ne délivre pas lui- même les AMM : il donne
des avis au Conseil, qui prend ensuite la décision, que ce soit dans la procédure de "reconnaissance mutuelle
atténuée" ou dans la procédure centralisée.
Section III :
La branche famille
Les principes de base du règlement s’appliquent aux prestations familiales : "les périodes d’assurance,
d’emploi ou d’activité" accomplies dans tous les autres Etats membres sont prises en compte pour l’ouverture
des droits ; les prestations familiales sont servies par le pays d'emploi ou, dans le cas des chômeurs complets
qui résidaient dans un autre Etat que celui où ils travaillaient, par le pays de résidence et à la charge de celui-
ci.
L’article 73 du règlement précise que les prestations familiales sont exportées du pays d'emploi d’un
travailleur vers le pays de résidence de sa famille, si celle-ci ne l’a pas accompagné.
Cet article a été introduit à la suite des arrêts Pinna de la CJCE des 15 janvier 1986 et 2 mars 1989 (affaires
41/84 et 359/87), qui ont imposé à la France l’exportation des prestations familiales, alors que la rédaction
initiale de l’article 73 autorisait notre seul pays à rembourser aux Etats de résidence des travailleurs migrants
employés chez nous les prestations qu’ils versaient à leurs familles, selon les modalités de leurs législations
nationales (au lieu de leur verser des prestations selon notre législation).
Toutefois, les prestations citées à l’annexe VI, section E & 7 du règlement ne sont pas exportables : dans le
cas français, il s’agit des allocations logement, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, de l’aide à la
famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation parentale d’éducation et de
l’allocation pour jeunes enfants servie jusqu'à l'âge de trois mois. Il en va de même pour le RMI, qui n’est pas
classé par la loi du 1er décembre 1988 parmi les prestations familiales : la CJCE a confirmé par l’arrêt
Scrivner du 27 mars 1985 (affaire 122/84), à propos de son équivalent belge, le "minimex", que les systèmes
de revenu minimum garanti, n’étaient pas des prestations de sécurité sociale.
L’article 76 & 1 du règlement 1408/71 fixe les règles de priorité, en cas de cumul de droits aux prestations
entre l’Etat compétent, où travaille l’un des parents, et le pays de résidence du reste de la famille. Ses
dispositions se combinent, dans le cas français, avec celles de l’article L. 512-5 du code de la sécurité sociale :
il en résulte, par exemple, que si la mère sans activité réside en France avec ses enfants, alors que le père
travaille dans un autre Etat membre, ce dernier exporte ses allocations à la famille résidant en France et la
caisse d’allocations familiales françaises (CAF) verse des "allocations différentielles", si le taux des
allocations familiales du premier Etat est inférieur à celui des nôtres ; si les enfants résident dans un autre Etat
avec leur mère qui y exerce une activité, alors que le père travaille en France, la caisse de l’autre état verse des
prestations familiales, que la CAF abonde par un "complément différentiel", si le taux de ces prestations est
plus faible que les nôtres.
Réponse
Section IV :
La branche vieillesse
I – Présentation générale
La branche vieillesse est régie par des normes communautaires différentes selon le type de pension concerné,
mais les distinctions ainsi opérées ne coïncident pas avec la traditionnelle répartition entre "premier pilier"
(retraite de base obligatoire), "deuxième pilier" (retraite complémentaire d’origine professionnelle, souvent
obligatoire pour les membres d’une profession donnée
[171]
) et "troisième pilier" (retraite supplémentaire
d’initiative individuelle facultative) :
- Le règlement 1408/71 s’applique aux régimes de base et aux régimes complémentaires fixés par la loi, ainsi
qu’aux régimes conventionnels adoptés pour mettre en oeuvre une obligation légale, à condition qu’un Etat
membre en ait fait la demande : la France vient d’y soumettre les régimes de l’AGIRC et de l’ARRCO,
conformément à la demande des partenaires sociaux, à compter du 1
er
janvier 2000.
- La directive 98/49 du 29 juin 1998 concerne tous les régimes complémentaires non définis par la loi ou
assimilés à ces régimes à la demande d’un Etat membre (l’AGIRC et l’ARRCO en relevaient jusqu’au 31
décembre 1999). Cette courte directive fixe quatre prescriptions minimales que les Etats membres doivent
faire respecter par les régimes complémentaires nationaux : le maintien des droits à pension pour les
travailleurs qui ont quitté un Etat membre après y avoir cotisé ; le versement transfrontalier des pensions net
de toutes taxes ; la liberté de choix du régime de pension complémentaire pour les travailleurs détachés (qui
peuvent garder celui de leur pays d’origine pendant leur détachement sans être obligés de cotiser dans l’Etat
de détachement) et l’obligation d’informer les affiliés de chaque régime sur leurs droits en cas de changement
d’Etat membre.
- Les directives sur les assurances s’appliquent à ceux des régimes complémentaires gérés par des entreprises
d’assurance et aux régimes supplémentaires du troisième pilier.
Dans le cadre du règlement 1408/71, les pensions des travailleurs migrants sont liquidées selon le mécanisme
suivant, prévu aux articles 46 et 47, chacune des institutions compétentes des Etats membres où il a travaillé
ou résidé se penchant sur son dossier (que la première institution saisie transmet aux autres) :
Si les conditions requises par la législation d’un des Etats membres concernés sont satisfaites, sans avoir
besoin de faire appel aux périodes passées dans d’autres Etats membres, l’institution compétente calcule le
montant des prestations qui seraient dues, à la fois en appliquant la législation de cet Etat et les règles de la
totalisation–proratisation exposées ci-dessous.
Si les conditions requises par la législation d’un Etat membre ne sont satisfaites qu’en faisant appel aux
périodes d’assurance ou de résidence accomplies dans d’autres Etats membres, les règles de totalisation–
proratisation s’appliquent : l’institution compétente calcule d’abord le montant théorique de la pension à
laquelle aurait droit l’intéressé, selon la législation nationale, comme s’il avait passé sous le régime de celle-ci
toutes les périodes accomplies dans d’autres Etats membres, puis elle établit le montant effectif de la
prestation qu’elle servira, sur la base du montant théorique précité, au prorata des périodes passées sous la
législation nationale par rapport au total des périodes accomplies dans les différents Etats membres en cause.
L’institution compétente de chacun des Etats membres où l’intéressé a travaillé ou résidé lui verse le montant
de prestation le plus élevé auquel il a droit après avoir comparé, le cas échéant, la pension nationale et la
pension proratisée résultant des calculs précités.
Ces comparaisons entre montants de pensions nationales et proratisées portent sur les montants calculés après
application des clauses de non cumul éventuelles prévues par chaque législation nationale.
Les articles 46 bis à 46 quater du règlement précisent les modalités d’application des règles nationales de non
cumul de prestations et de revenus. Chacun de ces articles a été introduit à la suite d’un ou plusieurs arrêts par
lesquels la CJCE a cherché à corriger des anomalies constatées dans le jeu combiné de ces clauses. Il en
résulte une très grande complexité, déjà évoquée à propos des pensions d’invalidité, qu’il conviendrait
également de réduire par une simplification des règles communautaires relatives à l’application combinée des
législations nationales anti-cumul.
La Cour a constaté, cela dit, une grande maîtrise de l’application de ces règles par les spécialistes du réseau de
la CNAV et un audit réalisé à la demande de la Commission dans tous les Etats membres a montré que la
durée moyenne de traitement des pensions des travailleurs migrants était inférieure en France à la moyenne
communautaire
[172]
.
II – Problèmes particuliers
A – L’application des règles communautaires de la concurrence aux régimes de retraites
Les articles 85 à 94 du traité instituant la Communauté européenne (devenu articles 81 à 89) fixent les règles
de concurrence à respecter par les entreprises au sein de la Communauté. Les organismes de sécurité sociale
sont donc soumis à ces règles lorsqu’ils sont considérés comme des entreprises.
Un problème d’appréciation s’est surtout posé en France à cet égard dans le cas des régimes de retraites : il est
évident que les sociétés privées qui gèrent la quasi totalité des régimes supplémentaires sont des entreprises,
mais le statut des organismes en charge des régimes complémentaires n’a été fixé que progressivement par le
jurisprudence de la CJCE.
Dans sa décision Poucet et Pistre du 17 février1993 (affaires conjointes C-159/91 et C-160/91), la Cour de
Luxembourg a jugé que deux organismes chargés de la gestion de régimes de base de vieillesse et de maladie
(la Cancava et la Camulrac) "n’étaient pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du traité", car "les
organismes qui concourent au service public de la sécurité sociale remplissent une fonction de caractère
exclusivement social. Cette activité est, en effet, fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue
de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales indépendantes du montant des
cotisations".
Cette décision a été d’abord considérée comme s’appliquant à la fois aux régimes de base et aux régimes
complémentaires. Mais elle a été corrigée par l’arrêt FFSA (généralement appelé arrêt "Coreva") du 16
novembre 1994 (C-244/94). Dans cette espèce, la CJCE a assimilé à une entreprise l'organisme gérant le
régime de retraite facultatif des personnes non salariées des professions agricoles, au motif principal qu’elle
était en situation de concurrence directe avec les sociétés d’assurance qui vendent aux agriculteurs des contrats
de retraite complémentaire.
Le Conseil d’État en a tiré les conséquences
[173]
en annulant pour excès de pouvoir les dispositions du décret
confiant à l'organisme la gestion du régime complémentaire en cause, parce qu’il avait permis à celle-ci
d’abuser d’une position dominante, contrairement à l’article 86 du traité, et donné à cette mutuelle des droits
exclusifs non justifiés par la mission particulière qui lui était confiée, contrairement à l’article 90-1. La haute
juridiction a considéré que constituait un abus de position dominante "le fait de réserver à l'organisme
gestionnaire du régime d'assurance vieillesse de base…l'exclusivité de la gestion du régime complémentaire
de retraite bénéficiant seul…de la déductibilité du revenu professionnel imposable des cotisations versées".
La Cour de Justice vient de préciser sa doctrine par les trois arrêts Albany, Brentjens et Maatshappij Drijvende
Bokken du 21 septembre 1999, relatifs à des régimes de retraite complémentaires gérés par des fonds de
pensions sectoriels néerlandais faisant l’objet de conventions collectives rendues obligatoires et étendues à
l’ensemble d’une profession par des arrêtés ministériels. Ces décisions confirment tout d’abord la
jurisprudence Poucet et Pistre : les institutions gérant les régimes de base de sécurité sociale ne sont pas
considérées, pour ce qui concerne cette activité, comme des entreprises. Cette confirmation n’allait pas de soi ;
en effet, dans l’affaire Coreva, relative au régime de retraite facultatif des personnes non salariées des
professions agricoles, c'est-à-dire un régime du deuxième pilier, comme dans ses décisions Höfner et Job
Center
[174]
, la CJCE avait classé des organismes responsables de service public comme des entreprises,
lorsqu'ils entraient au titre de leurs activités complémentaires en concurrence effective avec des sociétés
privées. Or, dans certains cas particuliers comme celui de l’AMEXA, des régimes de base d’assurance
maladie peuvent être gérés, au choix des adhérents, par des mutuelles ou des sociétés privées exerçant par
ailleurs des activités concurrentielles.
Dans l’état actuel des textes, les caisses françaises gérant les régimes de base de sécurité sociale en situation
de monopole, qui remplissent tous les critères de l’arrêt Poucet et Pistre, ne risquent donc pas de voir leur
organisation remise en cause au nom des règles de concurrence du traité.
La CJCE a par ailleurs confirmé la jurisprudence Coreva, en classant les fonds de pensions néerlandais comme
des entreprises soumises aux règles de la concurrence, mais elle a validé leur fonctionnement : les conventions
collectives accordant l’exclusivité de la gestion d’un régime de retraite complémentaire à un même organisme
et leurs arrêtés d’extension ne sont pas contraires aux dites règles.
En effet, les fonds sectoriels obligatoires "remplissent une fonction sociale essentielle dans le système de
pension aux Pays–Bas" et la suppression des droits exclusifs les empêcherait de servir des pensions décentes
en raison de la fuite des bons risques.
Compte tenu de la « mission sociale particulière d’intérêt général » que remplissent les régimes
complémentaires, et qui justifie le monopole et l’obligation d’adhésion, la Cour de Justice considère que les
Etats membres doivent fixer les « exigences minimales » à respecter quand ils rendent obligatoire l’affiliation
à un régime complémentaire.
La France a, par ailleurs, mis en place un système concurrentiel en matière de sécurité sociale dans d'autres
domaines que ceux évoqués par les arrêts de la CJCE :
- Les assurés ont le choix de l’organisme prestataire de service de certains régimes de base, au moins dans le
domaine de l’assurance maladie : c’est le cas non seulement de régimes particuliers comme celui de
l’AMEXA, mais du régime général, en ce qui concerne la protection complémentaire des bénéficiaires de la
couverture maladie universelle créée par la loi du 27 juillet 1999.
- L’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi n°94-678 du 8 août 1994, stipule que les
accords professionnels ou interprofessionnels susceptibles d’extension obligatoire doivent comporter "une
clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités de mutualisation des risques
peuvent être réexaminées ; la portée du réexamen ne peut excéder cinq ans".
B – L’application du régime d'égalité entre les sexes aux régimes de retraite
Les articles 119 et 120 du traité (devenus articles 141 et 142) posent le principe de l’égalité de rémunération
entre travailleurs des deux sexes, qui s’applique aux retraites, considérées des rémunérations différées. Les
premières directives
[175]
prises pour son application ont autorisé les Etats membres à maintenir des dispositions
plus favorables aux femmes dans leurs régimes de pension.
La jurisprudence de la CJCE a autorisé le maintien de ces dérogations pour les régimes de retraite de base
[176]
,
mais non pour les régimes complémentaires et supplémentaires
[177]
ni pour les régimes spéciaux
[178]
. Le
Conseil en a tiré les conséquences en adoptant la directive 96/97/CEE du 20 décembre 1996, modifiant la
directive 86/378.
La France a été condamnée par la décision Commission contre République française du 8 juillet 1999 pour ne
pas avoir transposé la directive 96/97 dans le droit national (la date limite était le 1er juillet 1997).
Une procédure avait été, en outre, engagée contre les régimes de l’AGIRC et de l’ARRCO, qui ont supprimé
les dispositions discriminatoires de leurs régimes respectifs à une date trop tardive par rapport à celle fixée par
la jurisprudence. L’arrêt Podesta (C-50/99) du 25 mai 2000 vient de demander la suppression de ces
discriminations à partir du 17 mai 1990, alors que l’AGIRC les avait abolies avec date d’effet du 1
er
mars
1994 et l’ARRCO du 1
er
juillet 1996.
Une autre procédure a été lancée contre une discrimination du code des pensions civiles et militaires
[179]
.
Enfin la Commission vient de représenter une ancienne proposition de directive, présentée en 1987, visant à
éliminer les discriminations des régimes de retraite de base du premier pilier.
Réponse
[171]
En France, où les salariés du secteur privé sont obligatoirement couverts par les régimes complémentaires
de l’AGIRC ou de l’ARRCO, les régimes spécifiques à chaque profession qui s’ajoutent à ces derniers doivent
également être considérés comme des régimes complémentaires du deuxième pilier et non comme des régimes
supplémentaires d’initiative individuelle.
[172]
D’après le rapport réalisé par le bureau d’études britannique Anite System Inc., diffusé le 23 février 1999,
les durées moyennes de traitement des dossiers au sein de chaque Etat membre varieraient de 62 à 197 jours,
selon les centres, avec une moyenne de 120 jours : la durée moyenne de traitement du centre de Tours de la
CNAV est de 74 jours. Cela dit, la durée de liquidation totale d'un dossier par tous les Etats membres
concernés, dont les prestations se chevauchent, allonge ces délais. Par ailleurs, des valeurs extrêmes beaucoup
plus longues sont constatées : les dossiers des Länder de l’Est de l’Allemagne exigent parfois plusieurs années
de recherches.
[173]
Par l’arrêt FFSA et autres contre ministre de l’agriculture et de la pêche du 8 novembre 1996.
[174]
Arrêt Höfner du 23 avril 1991 (C-41/90) et Job Center du11 décembre 1997 (C-55/96).
[175]
La directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978 traite des régimes de base, la directive 83/378/CEE du 24
juillet 1986 des régimes professionnels complémentaires et supplémentaires ; la directive 86/613/CEE du 11
décembre 1986 des activités indépendantes et des conjoints aidant.
[176]
Arrêt Defrenne I du 25 mai 1971 (C-80/70).
[177]
Arrêts Bilka du 13 mai 1986 (170/84) et Barber du 17 mai 1990 (C-262/88).
[178]
Arrêts Beune du 28 septembre 1994 (C-7/93) et Evrenopoulos du 17 avril 1997 (C-147/95).
[179]
L’affaire Griesmar (C-366/99) pour laquelle le Conseil d’Etat a posé une question préjudicielle à la
CJCE : la discrimination attaquée est la bonification d'une année de service par enfant élevé prévue au seul
bénéfice des femmes fonctionnaires par l'article L.12,b du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Section V :
Problèmes particuliers communs à plusieurs branches de la sécurite
sociale
I – L'application de la CSG et de la CRDS aux revenus provenant d'autres Etats
membres
La loi n°90-1168 du 29 décembre 1990 créant la CSG et la loi n°96-50 du 24 janvier 1996 créant la CRDS ont
prévu la taxation des revenus d’activité et de remplacement provenant de l’étranger. Ces contributions,
considérées comme des "impositions de toute nature" par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du
Conseil d’État, sont payées uniquement par les personnes fiscalement domiciliées en France.
Comme les conventions fiscales bilatérales prévoient la taxation dans le pays d’emploi, pour éviter les doubles
impositions, les résidents en France percevant des salaires, des pensions ou d'autres revenus de l’étranger sont
généralement domiciliés fiscalement à l’étranger et exonérés de la CSG et de la CRDS. Mais un certain
nombre d’entre eux optent pour la domiciliation fiscale en France, notamment quand le taux de notre impôt
sur le revenu leur paraît plus favorable.
La Commission, qui considère pour sa part la CSG et la CRDS comme des cotisations sociales, estime que ces
derniers sont pénalisés puisqu’ils paient à la fois la CSG et la CRDS et les cotisations sociales prélevées par
l’autre Etat membre sur leurs revenus, contrairement au principe de l’unicité de législation énoncé par l’article
13 du règlement 1408/71. Elle a donc déféré la France devant la CJCE.
Par deux arrêts Commission contre République française du 15 février 2000 (C-34/98 et C-169/98), celle-ci
vient de condamner la France, en se fondant à la fois sur l’article 13 précité du règlement et sur les articles 48
et 52 du traité relatifs à la libre circulation : l’avocat général a centré sa démonstration sur le fait que la double
contribution au financement de la sécurité sociale de deux Etats membres constituait un obstacle à la libre
circulation. La France a décidé que les litiges en cause seraient réglés conformément aux décisions de la CJCE
et que les personnes qui auraient acquitté ces prélèvements seraient remboursés sur leur demande.
II – Les droits des inactifs et des ressortissants des pays
La loi "Chevènement" n° 93-349 du 11 mai 1998
avait par ailleurs assoupli les conditions d’obtention des
titres de séjour par les différents catégories d’étrangers, tout en maintenant la condition de régularité du séjour
posée par la loi "Pasqua" : les ressortissants de l’EEE bénéficiaient désormais d’une carte de séjour
[180]
délivrée pour dix ans (au lieu de cinq), qui était rendue permanente à l’occasion de son renouvellement.
Cette carte n’était nécessaire que pour les séjours en France de plus de trois mois : en deçà de ce délai, les
ressortissants de l’EEE "séjournaient régulièrement sous le couvert du document avec lequel ils avaient
pénétré sur le territoire français" (décret n°94-211 du 11 mars 1994).
Pour l’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale, la régularité de la situation d’un ressortissant de
la Communauté européenne "était constatée par tous documents attestant la qualité de travailleur ressortissant
d’un État membre", y compris par la carte de séjour précitée, mais celle-ci ne pouvait en aucun cas être exigée
à cet effet, conformément à l’arrêt Maria Martinez Sala contre Freistaat Bayern du 12 mai 1998 (C-85/96).
Cependant, le décret du 21 septembre 1994 continuait à maintenir l’exigence de la présentation d’un titre de
séjour pour l’affiliation d’un ressortissant inactif d’un Etat membre de l’EEE : cette situation contraire à la
jurisprudence vient d’être corrigée par le décret n° 2000-649 du 7 juillet 2000. Ce décret assouplit encore la
situation de l’ensemble des ressortissants de l’EEE, qui ne sont désormais plus astreints à détenir une carte de
séjour, quelle que soit la durée de leur séjour en France.
La proposition de réforme du règlement 1408/71 présentée par la Commission le 21 décembre 1998 tire
également les conséquences de l’évolution des traités de Maastricht et d’Amsterdam et de la jurisprudence, en
proposant d’étendre le champ d’application personnel du règlement "à toutes les personnes qui sont ou ont été
soumises à la législation de sécurité sociale d’un ou plusieurs Etats membres ainsi qu’aux membres de leurs
familles et à leurs survivants".
Cette réforme concernerait en pratique d’une part les rares catégories d’inactifs qui ne sont pas encore prises
en compte par le règlement
[181]
(qui s’applique déjà aux retraités, aux chômeurs et aux étudiants), et d’autre
part les ressortissants des pays tiers affiliés à un régime de sécurité sociale dans un Etat membre : ces derniers
sont déjà explicitement couverts par la jurisprudence de la CJCE ou de la CEDH, lorsqu’ils sont citoyens d’un
état signataire d’un accord passé avec la Communauté comportant une clause de sécurité sociale ou adhérent à
la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais ils ne le sont pas s’ils
proviennent d’un autre pays tiers.
Cependant, la portée réelle de cette réforme serait limitée par les différentes législations nationales des Etats
membres qui restreignent la possibilité pour les inactifs ne disposant pas d’un certain niveau de ressources de
transférer leur résidence dans un autre Etat membre et encadrent le droit de circulation et de séjour des
ressortissants des pays tiers sur leur territoire. L’exposé des motifs de la proposition de réforme de la
Commission insiste d’ailleurs sur la compétence des Etats membres pour fixer les critères d’admission sur leur
territoire de ces ressortissants ainsi que leurs conditions d’affiliation aux régimes nationaux de sécurité
sociale : "la disposition n’accorderait en aucune façon à un ressortissant d’un pays tiers le droit de circuler
librement au sein de la Communauté ; tout ce qui est prévu est que si un ressortissant d’un pays tiers se
déplace dans un autre Etat membre, il y jouit des droits qu'accorde le règlement proposé".
La complexité du dispositif justifierait de disposer d’un document d'information présentant au public de façon
réaliste les droits au déplacement, au séjour et aux prestations sociales des inactifs et des ressortissants des
pays tiers au sein des différents Etats membres de l’EEE, même si les praticiens n’ont pas besoin d’un tel
guide pour appliquer la réglementation.
III – Les modalités de versement aux étrangers de
l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation
supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse
Le code de la sécurité sociale réservait l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation
supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse (FSV)
[182]
"à toute personne de nationalité française ou
ressortissant d'un pays ayant conclu une convention de réciprocité", car il les classait comme des prestations
non contributives auxquelles les dispositions du règlement 1408/71 n'étaient pas applicables.
Depuis 1974, la CJCE a reclassé ces allocations comme des prestations de sécurité sociale au sens
communautaire du terme, car elles confèrent à leurs bénéficiaires "une position légalement définie", elles se
rapportent à l'un des risques énumérés à l'article 4 du règlement 1408/71, qui énumère les différentes branches
de la sécurité sociale, et elles complètent des prestations de sécurité sociale
[183]
; elle a tiré successivement
trois conséquences de cette jurisprudence, au fil des requêtes qui lui ont été présentées :
- Elle a d'abord indiqué que ces prestations devaient être versées aux ressortissants des Etats membres résidant
en France
[184]
, ce qui n'était pas, en pratique, contesté par l'administration, malgré la lettre du code de la
sécurité sociale.
- Elle a ensuite précisé qu'elles devaient être exportées au profit des ressortissants de la Communauté
européenne qui retournaient dans leur pays d'origine (ou allaient résider dans un autre Etat membre), après
avoir résidé sur notre territoire
[185]
. La France n'a pas appliqué cette décision, car ces prestations, destinées à
compléter les ressources d'une personne pour lui assurer un revenu minimal en France, étaient parfois
supérieures au revenu moyen des pays où elles résidaient.
Le Conseil a toutefois restreint la portée de cette jurisprudence par le règlement 1247/92 du 30 avril 1992 :
celui-ci a modifié le règlement 1408/71, pour interdire les discriminations entre les résidents des Etats
membres fondées sur la nationalité, tout en permettant aux pays membres de rendre non exportables certaines
prestations sociales, en les inscrivant à l'annexe II bis du règlement 1408/71 (ce que la France a fait dans le cas
de l'AAH et de l'allocation supplémentaire du FNS). Toutefois, les prestations en cause doivent,
conformément à la jurisprudence, être exportées au profit des ressortissants de la Communauté qui en avaient
fait la demande avant l'adoption du règlement 1247/92.
- La CJCE a enfin déclaré que ces prestations devaient bénéficier aux ressortissants des pays tiers liés à la
Communauté par un accord comportant une clause de non discrimination en matière de sécurité sociale
(comme les accords d'association passés avec les pays du Maghreb), alors que notre code de la sécurité sociale
subordonnait l'octroi de ces prestations aux étrangers non communautaires à la passation d'accords bilatéraux
de réciprocité
[186]
. Mais la France a persisté à considérer les arrêts comme des cas d'espèce et à refuser l'octroi
de ces prestations, malgré la position concordante de la CJCE, de la Cour de Cassation
[187]
et du Conseil
constitutionnel
[188]
.
La Cour européenne des Droits de l'Homme a ultérieurement élargi la portée géographique de la jurisprudence
de la CJCE, en déclarant que le refus de versement d'une prestation de sécurité sociale (en l'espèce une
allocation de chômage) à un ressortissant d'un pays signataire de la Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales résidant dans un autre pays signataire, était contraire au principe de non
discrimination de l'article 14 de ladite Convention
[189]
.
Il a fallu attendre la loi "Chevènement" n° 98-349 du 11 mai 1998 pour que le code de la sécurité sociale soit
enfin modifié et la jurisprudence de la CJCE intégralement appliquée : désormais, tous les étrangers résidant
de manière régulière en France et pas seulement les ressortissants des Etats ayant signé un accord avec l'Union
européenne ou la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, peuvent
bénéficier de l'AAH ou de l'allocation supplémentaire du FSV.
***
L’ensemble des dispositions de la réglementation communautaire qui viennent d’être évoquées sont inspirées
par la volonté d'articuler un niveau de protection sociale élevé (l’article 2 du traité précise que "la
Communauté a pour mission…de promouvoir…un niveau d’emploi et de protection sociale élevée"), avec la
libre circulation des personnes (et pas seulement des travailleurs) et le respect de la concurrence. Les résultats
obtenus malgré une grande complexité sont positifs.
Mais il est frappant de constater qu’aucun volet du règlement 1408/71 ni aucune directive, ne traitent du
financement des régimes de sécurité sociale.
Cette lacune est particulièrement sensible, au moment où la
jurisprudence de la Cour de Justice permet aux assurés de se déplacer dans d’autres Etats membres pour y
recevoir des soins, sans autorisation préalable des caisses de sécurité sociale, au risque de déstabiliser
l’appareil de santé de certaines régions. A l’occasion de la réforme du règlement 1408/71, il serait souhaitable
d’étudier, comme la France le préconise, l’adoption de règles de coordination des dispositions nationales
relatives aux prélèvements sociaux ayant un impact sur la libre circulation des travailleurs, de façon à éviter
que les initiatives d’un Etat membre dans ce domaine n’affectent l’équilibre financier des régimes de sécurité
sociale des autres.
SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Conformément à l’article 51 du traité instituant la Communauté européenne, le règlement du Conseil 1408/71
du 14 juin 1971 coordonne les législations de sécurité sociale des Etats membres de l’Espace Economique
Européen pour permettre la libre circulation des travailleurs. Il applique les principes de base suivants :
égalité de traitement des ressortissants des différents Etats membres ; maintien des avantages acquis ou en
cours d’acquisition dans la législation d’un pays membre, en totalisant, si la législation d’un Etat membre le
prévoit, les périodes d’assurance, d’emploi ou de résidence accomplies par un assuré dans l’ensemble des
Etats membres où il a travaillé ou résidé ; soumission de chaque assuré à la législation d’un seul Etat
membre, en principe le pays d’emploi (à quelques exceptions près comme celle des chômeurs qui relèvent de
la législation de leur pays de résidence).
Ces principes se déclinent dans les différentes branches de la sécurité sociale selon des dispositions
complexes, en particulier en ce qui concerne le calcul des prestations familiales servies aux familles dont les
membres résident et travaillent dans plusieurs Etats membres et la mise en oeuvre combinée des règles de non
cumul des prestations d’invalidité ou de retraite prévues par les législations de chacun des pays membres où
un travailleur migrant a fait carrière.
Les problèmes particuliers suivants méritent d’être évoqués :
Pour la branche maladie :
Les arrêts Kohll et Decker de la CJCE permettant l’exécution des prescriptions d’un médecin d’un Etat
membre dans un autre pays membre, aux frais et selon le tarif du régime de sécurité sociale de l’assuré, n’ont
encore été pris en compte ni par la réglementation européenne ni par celle des Etats membres.
La politique communautaire du médicament, fondée principalement sur la directive d’harmonisation des
législations nationales 65/65/CEE du 26 janvier 1965 a permis de rapprocher les procédures nationales
d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments, mais les efforts accomplis pour favoriser la
reconnaissance des AMM nationales ont été peu couronnés de succès. La procédure d’AMM centralisée pour
les médicaments de haute technologie qui s’applique depuis 1995 a permis au contraire d’abréger les délais
de procédure. Les différences existant, par ailleurs, entre définitions nationales et définition communautaire
des médicaments laissent subsister des divergences de traitement au sein de la Communauté : en particulier,
la définition française des médicaments génériques, moins précise que celle donnée par la CJCE, est moins
favorable que cette dernière à leur diffusion rapide.
Pour la branche vieillesse :
Les règles de la concurrence du traité s’appliquent aux entreprises : la jurisprudence de la CJCE ne
considère pas comme des entreprises les organismes gérant des régimes de base de sécurité sociale ; en
revanche, les organismes, lorsqu'ils gèrent des régimes de retraites complémentaires ou supplémentaires, sont
considérés comme des entreprises soumises à ces règles. Conformément à la position de la CJCE, la France
devrait préciser les règles minimales que doivent respecter les accords collectifs confiant à un organisme la
gestion d’un régime de retraite complémentaire susceptibles d’être rendus obligatoires par arrêtés
d’extension. En revanche, la législation française sur la concurrence est plus rigoureuse sur certains points
que la jurisprudence européenne.
La France doit transposer dans le droit national la directive 96/97/CEE du 20 décembre 1996 relative à
l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes dans les régimes complémentaires et
supplémentaires de retraite et inciter les gestionnaires de ces régimes à éliminer les dispositions
discriminatoires qu’ils comportent (sur les avantages familiaux de retraite en France, cf. infra, chapitre XX,
p.00).
Pour certaines questions touchant l’ensemble des branches :
La CJCE a juté que la pratique française consistant à ce que les résidents percevant des revenus d’un autre
Etat membre tout en étant domiciliés fiscalement sur notre territoire doivent acquitter à la fois la CSG et la
CRDS et les cotisations sociales perçues sur leur pension ou leur salaire par l’Etat précité, n’était pas
conforme au droit communautaire. Les conséquences de ce jugement sont en train d’être tirées.
Le projet de réforme du règlement 1408/71 en cours de négociation prévoit l’extension du champ de
compétence personnel de ce dernier aux ressortissants des pays tiers, conformément à la jurisprudence de la
Cour de Luxembourg et à celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ainsi qu’aux inactifs,
conformément aux traités de Maastricht et d’Amsterdam, qui ont introduit la notion de citoyenneté
européenne, étendant à tous les citoyens les droits initialement réservés aux travailleurs. Aucun document
disponible ne présente aujourd’hui de manière réaliste l’ensemble des droits au déplacement, au séjour et aux
prestations sociales des inactifs et des ressortissants des pays tiers dans les Etats membres de l’EEE.
Alors que la loi française considérait
l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation
supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse (FSV) comme des prestations non contributives non soumises
au règlement 1408/71 et les réservait aux personnes de nationalité française, la jurisprudence de la CJCE les
a classées parmi les prestations de sécurité sociale, au sens communautaire du terme, auxquelles s’applique
la réglementation communautaire. En conséquence, elle a successivement décidé :
- le versement de ces prestations aux ressortissants des Etats membres de l’EEE résidant en France ;
- puis leur exportation aux profit de ces derniers, lorsqu’ils retournent dans leur pays ou vont résider dans un
autre Etat membre (mais la portée de cette décision a été restreinte par le règlement du Conseil 1247/92, qui
autorise les Etats membres à ne plus exporter certaines prestations sociales, disposition que la France a
utilisée dans le cas de l’AAH et de l’allocation supplémentaire du FSV) ;
- et enfin le versement des prestations en cause aux ressortissants des pays tiers signataires d’accords avec la
Communauté comportant des clauses de non discrimination en matière de sécurité sociale. La France ne s’est
conformée à cette dernière décision et n’a régularisé la situation des étrangers qui avaient demandé à
bénéficier de l’exportation de l’AAH et de l’allocation supplémentaire du FSV, entre l’arrêt de la CJCE et la
date de mise en oeuvre du règlement 1247/92, qu‘à partir de l’adoption de la loi "Chevènement".
Malgré la complexité de la réglementation communautaire, l’administration française consacre aux dossiers
européens des moyens limités : 10 fonctionnaires
du ministère de l’emploi et de la solidarité et environ 450
agents de la sécurité sociale. La rémunération de ces derniers (moins de 120 MF par an) représente une
fraction dérisoire du budget de la sécurité sociale. Ces agents maîtrisent bien la législation en cause.
Les prestations de sécurité sociales payées par la France à des personnes résidant au sein d’autres pays de
l’EEE s’élevaient à 11,9 MdF en 1998, dont
9,7 MdF de prestations des régimes de base, soit 5,5 pour 1000 de nos dépenses de sécurité sociale) : le
montant des prestations familiales exportées est faible (36 MF) et diminue régulièrement ; en revanche, les
pensions de retraite servies dans d’autres Etats membres est en augmentation (600 418 retraités perçoivent
7,9 MdF de pensions de base, droits directs et pensions de réversion confondus) ; les institutions étrangères
remboursent à nos caisses 2,3 MdF au titre des dépenses de leurs ressortissants soignés en France, tandis que
nous remboursons 745 MF aux autres institutions européennes, au titre des assurés sociaux des régimes
français soignés dans le reste de l’EEE.
Réponse
RECOMMANDATIONS
1. Favoriser dans les négociations communautaires l’extension du régime centralisé d’autorisation de mise
sur le marché des médicaments.
2. Aligner la définition du médicament générique donnée par le code de la santé publique sur la définition
communautaire, précisée par l’arrêt de la CJCE The Queen/The Licensing Authority du 3 décembre 1998
(affaire C-368/96).
3. Préparer ou susciter la publication par la Commission d’un document présentant au public de manière
réaliste les droits au déplacement, au séjour et aux prestations sociales des inactifs et des ressortissants des
pays tiers dans les différents états membres de l’EEE.
4. Compléter le code de la sécurité sociale pour prévoir les exigences minimales à respecter par les accords
collectifs prévoyant l’adhésion à un régime de retraite complémentaire, susceptibles d’être rendus
obligatoires par arrêtés d’extension.
5. Favoriser l’insertion, au sein du règlement 1408/71, de quelques règles de coordination des dispositions
nationales relatives aux prélèvements sociaux ayant un impact sur la libre circulation des travailleurs, à
l’occasion de la réforme de ce règlement.
[180]
L’exigence d’une carte de séjour pour les ressortissants de la Communauté était conforme à la directive
n°68-360 du 15 octobre 1968 et à la jurisprudence de la CJCE (arrêts Commission contre Royaume de
Belgique du 27 avril 1989 – affaire 321/87- et Commission contre République Fédérale d’Allemagne du 30
avril 1998 – affaire C-24/97).
[181]
Dans le cas français, la mise en oeuvre de cette réforme, si le Conseil l’adopte, se traduirait par l’extension
du champ d’application du règlement 1408/71 aux nouveaux bénéficiaires d’une assurance maladie, grâce à la
loi CMU n°99-641 du 27 juillet 1999.
[182]
Cette allocation a remplacé l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité (FNS).
[183]
Arrêt Biason du 9 octobre 1974 (affaire 24/74).
[184]
Arrêts Biason, précité, et Vito Inzirillo du 16 décembre 1976 (affaire 63/76).
[185]
Arrêt Paola Piscitello du 5 mai 1983 (139/82), rendu à propos d'une allocation d'aide sociale italienne
reclassée en prestation de sécurité sociale et déclarée exportable d'Italie en Belgique.
[186]
Les arrêts Kziber du 31 janvier 1991 (C-18/90), Yousfi du 20 avril 1994 (C-58/93) et Krids du 5 avril
1995 (C-103/94) déclarent les clauses de non discrimination de ces accords d'application directe.
[187]
Arrêt Mazari du 7 mai 1991, confirmé par les décisions Benhamida, Meradchi et Souibgui du 17 octobre
1996 et Athmani du 20 février 1997.
[188]
Décisions du Conseil constitutionnel n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 et de la CJCE Commission contre
République française du 12 juillet 1990 et du 11 juin 1991 (affaires C-236 et C-307/89).
[189]
Arrêt Gaygusuz contre Autriche du 16 septembre 1996 (affaire 39/1995/545/631).
CHAPITRE PRELIMINAIRE
LES SUITES DONNEES A CERTAINES OBSERVATIONS ET
RECOMMANDATIONS PRECEDENTES DE LA COUR
Section I – La gestion du risque dans la branche maladie du régime général
REPONSE DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES
La définition et l'impulsion de la politique de gestion du risque
La Cour considère que le système des contrats pluriannuels de gestion, pour le volet gestion du risque, est
compliqué et difficile à piloter, du fait que les CPAM conservent des programmes spécifiques et que la caisse
nationale s’est réservée la négociation avec chacune d’entre elles.
Chaque contrat est signé de manière bilatérale par le président et le directeur de la CPAM et par le président et
le directeur de la CNAMTS, le contrat pluriannuel de gestion est donc élaboré et négocié avec chacune des
caisses. Ceci permet d’une part de fixer des grandes orientations identiques à toutes sur un socle commun
(production, qualité de service et régulation) et d’autre part de tenir compte des spécificités locales pour fixer
des objectifs réalistes à chacune.
Les niveaux d’engagements de chaque organisme sur les programmes nationaux et régionaux de gestion du
risque sont discutés au sein du comité technique de l’URCAM. Les programmes locaux spécifiques doivent
faire partie intégrante des engagements contractuels de la CPAM car ils sont une composante à part entière de
la politique de gestion du risque de l'assurance maladie. En effet, des spécificités locales continuent d'exister
tant en matière de respect des référentiels réglementaires ou médicaux par les professionnels, qu'en matière
d'accès aux soins ou à l'information médicale. L’avis du directeur de l’URCAM sur les engagements de la
CPAM facilitera grandement la négociation entre chaque CPAM et la CNAMTS.
La diffusion d'outils et de méthodes et l'assistance aux caisses
Dès le début des années 1990, la CNAMTS a cherché à promouvoir des actions réalisées avec succès par les
caisses et services médicaux. Elle a pour cela diffusé une série de brochures spécialisées sur la gestion du
risque -"Geriscoop"- qui dans une page dite "carré d'as" développaient 4 actions menées par des caisses et
services médicaux ayant permis d'obtenir de bons résultats.
Les articles résumaient l'action en quelques lignes et fournissaient les coordonnées des auteurs qui
s'engageaient à fournir tous les éléments de méthodologie nécessaires à la réalisation de l'action.
En 1994, un premier recueil des actions performantes a été réalisé par un groupe de travail national placé sous
la responsabilité d’un directeur de CPAM. Ce travail s'est trouvé complété en 1995 et 1996 par un "répertoire
d'actions concertées de gestion du risque" proposant des fiches de description normalisée dans lesquelles
étaient précisés les états des lieux avant action (nombre et type d'anomalies rencontrées), les résultats obtenus
(indus récupérés, observation des comportements après action, contentieux engagés et leurs suites connues …)
et les coûts générés par le projet.
En parallèle, un guide méthodologique sur la mesure d'impact des actions de gestion du risque était réalisé en
collaboration entre les services administratifs (gestion du risque et statistique) et services médicaux, pour aider
les organismes à évaluer les résultats de leurs actions.
En outre, la CNAMTS met à la disposition des caisses ainsi qu’à celle des échelons du service médical, des
protocoles standardisés nationaux (PSN), permettant aux services médicaux de mener des actions de gestion
du risque, conjointement avec les caisses.
Parmi les PSN les plus fréquemment utilisés depuis 1996, on peut citer celui relatif au suivi des référentiels
médicaux opposables pharmaceutiques, qui s’appuie sur les données du codage de la pharmacie, ou encore
celui portant sur le respect par le chirurgien des règles de cotation des actes en K ou KC.
En complément des forums d’échanges existant sur l’outil Intranet du régime général, les URCAM et la
CNAMTS prévoient de développer une bibliothèque des programmes et des méthodologies qui permettrait un
meilleur partage de méthodologies et d’expériences. Ce type d’outil est opérationnel pour les études menées
par le service médical depuis peu et est accessible par Médiam (service Intranet de la branche).
En matière statistique, l'effort fait pour diffuser des outils et des méthodes aux caisses et loin d'être
négligeable.
Parmi les actions effectuées par le département d'assistance et de coopération avec le réseau des statisticiens,
on peut citer :
- l'élaboration et la diffusion d'un modèle de suivi de la conjoncture et de prévisions ;
- la mise à disposition du logiciel statistique SAS et de son support technique aux statisticiens du réseau ;
- la diffusion d'un modèle d'analyse des données ;
- un journal de liaison entre les statisticiens du réseau ;
- des formations intra-entreprise : Séries chronologiques, analyse des données, sondages ;
- des actions menées dans le cadre du projet de branche : audit, mise en place d'un groupe régional pilote.
L'organisation
La Cour semble considérer que, en matière de gestion du risque, le cloisonnement et l'émiettement des moyens
sont source de complexité. La CNAMTS considère que c'est surtout "l'émiettement" des programmes qui est
source d'inefficacité. C'est pourquoi elle a choisi d’organiser les travaux de gestion du risque autour d’un socle
solide de programmes en nombre limité (PNIR, PRAM), tout en laissant les moyens humains dans les caisses
et échelons. L’action ainsi organisée est concentrée et renforcée sur les principaux enjeux et, à la fois, proche
du terrain ce qui améliore son opérationnalité.
Par ailleurs, la Cour semble déplorer que le partage d'attribution entre les URCAM et les CRAM n'ait pas été
revu. La CNAMTS considère que le rôle prépondérant de la CRAM en matière de politique hospitalière ne
peut être remis en question pour des raisons d'efficacité : les CRAM ont, en matière hospitalière, une
compétence et un leadership reconnus et appréciés. A cet égard, on ne peut escamoter le fait que l'autorité
réglementaire a conforté cette vision en confiant au directeur de la CRAM la fonction de vice-président de la
commission exécutive de l'ARH.
La CNAMTS ne privilégie pas l'idée d'un échelon régional unique chargé de l'ensemble de la gestion du
risque. La plus-value qu'elle serait susceptible d'obtenir d'une telle réforme "centralisatrice" est aléatoire eu
égard la diversité et les spécificités des métiers exercés par ses agents respectivement sur le champ de la
médecine de ville et de l'hôpital. La lourdeur de gestion d'une telle organisation serait un frein à la créativité et
au développement du professionnalisme indispensable. Cela déboucherait inéluctablement vers une sélection
trop réductrice des domaines d'intervention. Il semble préférable de potentialiser les capacités d'expertise de
chacun tout en assurant une coordination régionale d’ensemble.
Le dispositif de contrôle et ses résultats
La Cour considère que les résultats globaux des contrôles sont limités et rappelle les dispositions du projet de
COG, prévoyant que
“ les programmes d’action font l’objet d’une évaluation externe, dont les résultats sont
communiqués à l’Etat ”,
ce qui, juge la Cour
“ devrait à l’avenir inciter à une meilleure efficacité et permettre
une meilleure connaissance des résultats, qui demeurent pour l’instant mal connus et faibles. ”
La CNAMTS estime que les résultats des actions sont essentiellement tributaires, d’une part, de la définition
de référentiels et de l’efficacité du système des sanctions, qui dépendent de l’Etat, et, d’autre part, de
l’élaboration de méthodologies et de la sélection des actions, qui relèvent de la CNAMTS et que celle-ci a fait
figurer au nombre des priorités du projet de branche.
Par ailleurs, la CNAMTS souligne que les programmes nationaux de santé publique qu’elle mène font
toujours l’objet de deux évaluations de nature différente.
La première de ces évaluations porte sur les résultats du programme en matière d’amélioration des pratiques
de soins. Ces résultats se mesurent en deux temps : constat des pratiques avant réalisation du programme ;
constat des pratiques après intervention. Cette évaluation permet d’apprécier l’efficacité du programme de
santé publique.
La seconde évaluation porte sur l’adhésion des professionnels à la démarche de l’assurance maladie, ce qui
permet d’estimer les chances d’une appropriation plus forte des nouvelles pratiques par eux.
Le contentieux
La nécessité de revoir le système des sanctions à l’encontre des professionnels de santé n’est pas un dossier
nouveau pour la CNAMTS. Sous réserve d’un changement radical d’approche préconisé par la Cour et qui
rejoint les propositions de la CNAMTS (
cf. réponse de la CNAMTS au chapitre VIII
), la CNAMTS a adressé
au Ministère, en 1998 et 1999, des propositions de réforme législatives et réglementaires visant à améliorer
l'efficacité
de ses contrôles. Des propositions ont été également formulées en ce sens dans le cadre du plan
stratégique.
Ces propositions ont pour objectif :
en premier lieu, d’élargir les pouvoirs de sanction de l’assurance maladie et d’en simplifier les procédures :
- récupération financière auprès du professionnel de santé de ses prescriptions abusives quelle que soit la
nature de la prescription.
- pouvoir pour les caisses de délivrer un titre exécutoire leur permettant d’assurer rapidement le recouvrement
de l’ensemble des sommes dues à titre d’indus ou de sanctions financières.
- pouvoir de suspendre ou de supprimer le conventionnement pour des fautes extérieures à la convention.
- publicité obligatoire des sanctions prononcées notamment par la section des assurances sociales du Conseil
de l’Ordre afin d’informer les assurés sociaux.
en second lieu, d’harmoniser et de simplifier ce qui précède et suit la notification de la sanction
- ce qui précède :
. création d’un “ article socle ” qui proposerait une procédure commune à tous les professionnels de santé et à
tous les griefs pour le contentieux conventionnel (les conventions renverraient à ce socle commun pour les
aspects de procédure).
. développement de procédures de pré-sanction.
- ce qui suit :
. unification des voies de recours en cas de contentieux en les confiant aux tribunaux des affaires de sécurité
sociale.
Section II :
La distribution du médicament
Dans son rapport de septembre 1999 sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour a
fait le point sur les conditions de distribution du médicament et formulé un certain nombre de
recommandations :
- mettre en place les outils statistiques permettant d’obtenir, dans des délais raisonnables, une information
précise sur la situation des différents intervenants, notamment des officines ;
- engager une réflexion afin de définir les moyens à mettre en oeuvre pour réduire le coût global de distribution
du médicament, notamment en examinant les adaptations structurelles de nature à y contribuer, la possibilité
de réduire le champ de la réglementation en matière de marges et de remises, afin de laisser une part plus
grande à la négociation commerciale ;
- dresser un bilan régulier du dispositif mis en place en 1999, afin de pouvoir prévenir toute évolution
éventuellement défavorable pour l’assurance maladie du coût global de distribution du médicament.
Un an après ces recommandations, la situation de la distribution du médicament appelle les constatations qui
suivent.
I – Les grossistes-répartiteurs
Après la mesure qui avait, au printemps 1999, fait évoluer la marge des grossistes d’un système proportionnel
au taux unique de 10,74 % vers un système dégressif comportant deux taux (le taux initial de 10,74 % jusqu’à
un prix de 150 F, un taux de 6 % à partir de ce prix), mesure que la Cour avait prise en compte dans ses
observations, ce secteur d’activité n’a pas connu de nouvelles modifications réglementaires majeures. Cette
réforme a induit une baisse de cette marge d’environ 100 MF pour les quatre derniers mois de 1999. Elle
devrait entraîner, selon le ministère de l’emploi et de la solidarité, pour la première année d’application, une
baisse de l’ordre de 265 MF (soit 200 MF en année pleine du fait du changement de barème et 65 MF du fait
de l’introduction de la dégressivité de la marge)
[7]
.
En ce qui concerne les remises, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes (DGCCRF) a effectué une enquête afin de vérifier le respect du plafonnement à 2,5 % prévu par la
réglementation. D’une manière générale, il apparaît que
- pour les médicaments autres que les génériques, le taux plafond est plutôt respecté, mais certains avantages
commerciaux sont accordés par ailleurs aux officines (coopération commerciale, distribution gratuite de
produits) ;
- pour les médicaments génériques, la réglementation ne semble pas toujours respectée, certains fournisseurs
d’officines (grossistes-répartiteurs, laboratoires pharmaceutiques) appliquant des remises très supérieures au
plafond spécifique fixé par la réglementation (10,74 %), ce qui accroît d'autant la marge des pharmaciens, les
prix publiés restant inchangés.
Bien que le dispositif d’encadrement de cette activité soit très complet (la marge, les remises, la contribution à
l’assurance maladie sont réglementées), il n’empêche pas certains professionnels de prendre des initiatives
commerciales, parfois contraires à la réglementation, qui en atténuent la portée. Il faut noter que ces initiatives
interviennent plutôt dans le domaine des médicaments génériques, ce qui place les pouvoirs publics devant
l'alternative ou bien de faire respecter la réglementation des remises, au risque de freiner le développement de
ces produits, ou bien de favoriser les génériques en acceptant de ne pas faire respecter une réglementation des
remises, qui deviendrait alors inutile.
Dans un contexte marqué par l’arrivée sur le marché de nouveaux intervenants (groupements de pharmaciens,
par exemple) et par le développement éventuel des ventes par l’intermédiaire des nouveaux moyens de
communication (Internet), les résultats obtenus révèlent les limites des instruments utilisés pour maîtriser, au
stade de la répartition pharmaceutique, l’évolution des dépenses de pharmacie, et confirment la nécessité,
précédemment évoquée par la Cour, d'une réflexion dans le sens d'un recours plus grand aux mécanismes du
marché, notamment pour les génériques.
II – Les pharmaciens d’officine
A – Le nombre d’étudiants
La Cour constate que le numerus clausus demeure fixé à 2 250 étudiants. A l’appui du
statu quo
, le ministère
de l’emploi et de la solidarité fait valoir que la demande formulée par les professionnels d’augmenter ce
numerus clausus ne paraît pas fondée, notamment parce qu'il ne constate pas une insuffisance de pharmaciens
assistants dans les officines.
B – La création, le transfert et le regroupement des officines
Les règles de création, de transfert et de regroupement des officines ont été modifiées par la loi du 27 juillet
1999, texte qui vise, notamment, à favoriser le regroupement des officines à l'intérieur d'une même commune.
La Cour constate que le nouveau dispositif est entré en vigueur, dans les communes de 2 500 habitants et plus,
avec la publication au Journal officiel du 23 mars 2000 du décret du 21 mars 2000. Dans les autres communes,
l’entrée en vigueur de la nouvelle législation interviendra avec la publication, dans chaque département,
d’arrêtés préfectoraux déterminant la zone de desserte de chacune des officines installées dans une commune
de moins de 2 500 habitants. Cette publication devrait intervenir dans un délai maximum de huit mois, soit
avant le 24 novembre 2000.
La Cour prend acte de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif mais relève qu’un certain temps sera
nécessaire afin de vérifier si, tout en respectant l’objectif de commodité d’accès de tous au médicament, il
répond à la situation et offre de réelles possibilités de restructuration de la distribution du médicament, de
nature à en réduire le coût global.
C – La marge
Les administrations concernées ont désormais accès à des statistiques leur permettant d’assurer un suivi de la
marge des pharmaciens d’officine dans des conditions progressivement plus favorables en termes de fiabilité
et de rapidité. La généralisation du codage des médicaments (taux supérieur à 90 % à la fin 1999) devrait, par
ailleurs, contribuer à améliorer la connaissance précise de cette marge, du moins pour la part qui provient de la
vente de médicaments remboursables (plus de 80 % du chiffre d’affaires des officines).
La marge globale retenue lors des discussions ayant conduit à l’abandon partiel de la dégressivité était de 28,2
MdF. Les estimations pour 1999 conduisent à un montant de l’ordre de 29 MdF, soit un niveau sensiblement
supérieur à ce qui était attendu. Il serait dans la logique de l’accord initial que l’assurance maladie n’ait pas à
supporter les effets de ce dépassement.
D – Les génériques
L’accord conclu avec les pharmaciens d’officine en février 1999 intègre un objectif de substitution des
médicaments génériques aux produits princeps. Cet objectif avait été fixé à 35 % avant la fin 1999, ce qui
devait conduire à une baisse du prix moyen des médicaments appartenant aux groupes génériques retenus de
10,5 %.
Pour la période juillet 1999-mars 2000, la baisse de ce prix moyen par rapport au dernier trimestre 1998 –qui
est la période de référence figurant dans l’accord- est de 4,3 %. Pour le seul mois de mars 2000, par rapport à
cette même référence, la baisse se situe à 6,7 %, ce qui est l’indice d'un développement significatif du marché
des génériques.
Mais ces résultats ne traduisent pas seulement une pratique plus fréquente de la substitution ; ils reflètent
aussi, de façon mineure certes, la prescription par le médecin de produits moins chers et la baisse du prix de
certains médicaments.
La Cour constate donc un certain développement des ventes de médicaments génériques, qui reste aujourd'hui
en deçà de l’objectif retenu, objectif déterminé, il est vrai, sans étude préalable approfondie.
Au total, ni sur la marge des officines ni sur le développement des génériques, les objectifs de l'accord d'avril
1999 n'ont été atteints, ce qui devrait conduire, dans la logique même de cet accord, à réexaminer la situation.
SYNTHESE
Dans son rapport de 1999, la Cour avait estimé nécessaire qu’une réflexion d’ensemble soit menée sur la
distribution du médicament, notamment, sur les différents points évoqués ci-dessus. Un an plus tard, ses
conclusions demeurent, dans une très large mesure, d’actualité.
Cette section n'a pas appelé de réponse
[7]
Des estimations émanant de la profession font état d’une baisse plus forte, qui pourrait être au cours des 12
premiers mois d’application, de l’ordre de 350 MF
Section III :
La nomenclature des actes des professionnels de santé
Le codage des actes des professionnels de santé admis au remboursement par l’assurance maladie a été rendu
obligatoire par la loi du 4 janvier 1993. L'activité des médecins de ville est décrite par la nomenclature
générale des actes professionnels des médecins (NGAP). Obsolète et imprécise, elle ne peut servir au codage.
Le catalogue des actes médicaux (CDAM) utilisé dans les hôpitaux, notamment pour le programme de
médicalisation des systèmes d’information (PMSI), bien que plus détaillé, ne couvre qu’une partie trop
spécifique de l’activité médicale ; il est inutilisable en pratique de ville. C’est pourquoi, il a été décidé, en
1996, de fondre ces deux instruments en un, la classification commune des actes médicaux (CCAM).
Dans son rapport au Parlement de septembre 1997 sur l'application de la loi de financement de la sécurité
sociale, la Cour constatait que la réforme avait peu progressé et ajoutait : "La généralisation du codage des
actes, condition d’un système d’information indispensable aussi bien à la mise en oeuvre d’une politique de
santé efficace qu’à une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé, nécessite pourtant l’établissement
d’un catalogue descriptif fiable et précis. Ce catalogue devra pouvoir être utilisé par tous, quels que soient le
secteur d’activité et le mode d’exercice. Il est primordial que l’établissement de cette liste n’enregistre pas de
retard et s’opère dans des conditions garantissant sa transparence… Afin d’éviter à l’avenir tout risque de
distorsion tarifaire, il conviendrait de distinguer nettement l’étape de hiérarchisation, qui devrait reposer sur
une méthode rigoureuse garantissant sa neutralité, de la phase de valorisation monétaire, qui relève de la
négociation entre partenaires conventionnels".
La convention d’objectifs et de gestion (COG) intervenue entre l'Etat et la CNAMTS en avril 1997 pour la
période 1997-1999 avait consacré de longs développements à cette réforme en distinguant l’élaboration d’une
nomenclature unique, - dont l'établissement devait être co-piloté par l’Etat et l’assurance maladie en faisant
appel à des experts aussi indépendants que possible -, et la réforme des procédures d’élaboration et
d’actualisation de sa traduction tarifaire. Le premier travail devait comporter quatre phases : établissement
d’une nomenclature descriptive commune aux professionnels travaillant en ville, à l’hôpital public et en
clinique privée ; évaluation de l’efficacité, de l’utilité et de la sécurité des actes, mission confiée à l’ANAES
par l'ordonnance de 1996 ; hiérarchisation des actes, confiée à la CNAMTS avec le concours des sociétés
savantes ; valorisation (cotation) confiée aux caisses d’assurance maladie dans le cadre des relations
conventionnelles avec les professions de santé.
En application de la COG, la CNAMTS et le pôle d’expertise et de référence nationale pour les nomenclatures
de santé (PERNNS)
[8]
ont entrepris la réalisation de la CCAM en respectant les quatre phases prévues.
La Cour a examiné l’état de ces travaux au printemps 2000, c’est-à-dire quelques mois après l’achèvement de
la période couverte par la COG, en examinant pour chaque phase les méthodes utilisées et les délais
prévisibles.
Première phase : établissement d’une liste de libellés commune
, décrivant l’activité médicale en ville
comme dans un établissement public ou privé et baptisée classification commune des actes médicaux
(CCAM), constituant un élément d’une nomenclature plus générale, la classification commune des actes des
professionnels de santé (CCAPS).
En liaison avec les sociétés savantes, l’Etat et la CNAMTS ont adopté des principes de description
(présentation par grands appareils
[9]
, précision de chaque libellé
[10]
), et des conventions d’écritures qui
respectent une norme européenne. La CCAM sera un ensemble de libellés et de codes décrivant des actes
techniques soit isolés, soit regroupés en procédures usuelles, réalisables dans l’ensemble des disciplines
médicales et chirurgicales.
Cette phase, qui a mobilisé plusieurs centaines d’experts, a été réalisée en cinq étapes en prenant comme base
le catalogue des actes médicaux utilisé à l’hôpital public, et en y appliquant les principes de description
retenus :
- étape 1 : rédaction d'un premier document par un groupe de travail PERNSS/CNAMTS, complété par un
consultant hospitalo-universitaire et quelques experts (moitié publics, moitié privés) ;
- étape 2 : relecture et validation du document par la société savante ;
- étape 3 : tests sur sites ;
- étape 4 : vérification de la précision et de la structuration des libellés par un organisme extérieur spécialisé et
contrôle de la conformité avec la pré-norme européenne par un groupe inter-universitaire dans le cadre d'un
projet de recherche européen ;
- étape 5 : vérification ultime par un groupe technique transversal chargé de vérifier la cohérence globale.
Désormais, la CCAM est au point pour la plus grande partie des actes ; elle ne concerne cependant que les
actes techniques et laisse provisoirement de côté les actes cliniques c’est-à-dire les différentes consultations
(initiale, de contrôle, de suivi, de diagnostic, de prévention, multidisciplinaire, de surveillance). Ces actes
pourraient être insérés sans modification dans la CCAM en attendant une refonte ultérieure.
Deuxième phase : évaluation de l’utilité et de la sécurité des actes
. Cette phase est nouvelle. Elle résulte de
l’ordonnance du 24 avril 1996 qui charge l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES)
de donner un avis sur la liste des actes, prestations et fournitures pris en charge ou remboursés. Cette
procédure n’est pas encore juridiquement entrée en vigueur car elle est subordonnée à la réforme d'ensemble
de la procédure de gestion des nomenclatures des actes des professionnels de santé (deuxième point évoqué
dans la COG), laquelle n'est pas encore intervenue. Toutefois, la CCAM reprenant des actes déjà inscrits à la
NGAP et supposés validés, l’Etat et la CNAMTS ont saisi l’ANAES d’une liste de 300 actes – sur les 7000 de
la CCAM – dont le caractère obsolète ou innovateur demande un avis autorisé de l’ANAES. Dans sa réponse,
jointe à ce rapport, l'agence indique qu’elle a rendu fin mai 2000 son avis, relatif à 291 classes d’actes et 423
actes médico-chirurgicaux.
Troisième phase : hiérarchisation
. La CNAMTS et le PERNSS ont élaboré une méthodologie de
hiérarchisation des actes médicaux, dérivée des travaux du département de santé publique de l’université
Harvard à Cambridge
[11]
. Cette méthodologie se fonde sur une analyse des actes en fonction des deux types
de ressources mobilisées par le praticien : le travail médical d'une part, les charges professionnelles qui lui
incombent en propre, appelées "coût de la pratique" d'autre part.
Le travail médical est évalué par des panels émanant des sociétés savantes en affectant à chaque acte une
valeur relative (ou score) exprimée en "point travail" synthétisant des indicateurs de durée, de stress, de
compétence technique et d’effort mental. Cette hiérarchisation se fait en deux temps : au sein de chaque
discipline, puis entre disciplines de façon à rechercher des équivalences conduisant à une échelle unique du
travail médical.
Le coût de la pratique est estimé directement en francs, à partir des diverses sources disponibles. Cette tâche a
été confiée au centre de recherche, d’études et de documentation en économie de santé (CREDES) par la
CNAMTS.
L’ensemble de la démarche nécessite de connaître la fréquence des actes techniques. Celle-ci est évaluée, pour
les actes chirurgicaux, à partir des données du PMSI privé, pour les actes réalisés en ambulatoire, à partir
d’une enquête spécifique auprès des praticiens, réalisée par l’échelon national du service médical de la
CNAMTS. La hiérarchisation (attribution d’un score à chaque acte) et l’évaluation du coût de la pratique sont
en voie d’achèvement et seraient terminées pour toutes les spécialités médicales, chirurgicales et
odontologiques fin 2000.
Quatrième phase : valorisation
. La hiérarchisation des actes et le calcul du coût de la pratique doivent
déboucher sur des valeurs d'honoraires objectives mais néanmoins dépendantes de l'enveloppe financière
totale, allouée à la rémunération des actes techniques, prise comme référence initiale de calcul. Il appartiendra
aux caisses d’assurance maladie et aux syndicats médicaux de négocier un passage, étalé sur plusieurs années,
des honoraires de l’actuelle NGAP aux honoraires cibles de la CCAM.
Cette phase doit débuter en principe début 2001. Compte tenu de sa complexité, elle devrait durer plusieurs
mois. Ce n’est donc qu’au début de 2002 que peut être espérée une application de la nouvelle CCAM. Encore
ne faut-il pas sous-estimer les difficultés : une incertitude subsiste sur le processus en cas d’absence d’accord
entre caisses et syndicats médicaux sur la phase de valorisation.
Phase
Description
Evaluation/
sécurité
Hiérarchisation
Valorisation
I - Médecins
1. Actes cliniques
Maintien provisoire en l'état
2. Actes techniques
terminée
fin attendue pour
juin 2000
terminée
II - Chirurgiens
dentistes
terminée
terminée
terminée
Travaux
techniques
achevés fin 2000
Négociation
prévue pour 2001
III - Professions
prescrites
Procédure qui devrait démarrer en 2001
En outre, des travaux importants demeurent à mener : la réforme la nomenclature des actes cliniques ; celle de
la tarification des cliniques privées, une partie de leur rémunération étant calculée par rapport aux actes de la
nomenclature ; la refonte de la nomenclature des actes des professions prescrites (infirmiers, masseurs,…).
Devant l’étendue des difficultés prévisibles, les ministres ont confié, le 23 février 2000, au professeur Escat,
président de la commission permanente de la nomenclature des actes professionnels, une mission d’expertise
sur les différents scénarios possibles d'achèvement de la réforme, et de propositions sur la gestion de la
CCAM, une fois la réforme appliquée, sujet qui avait fait l’objet du rapport Prieur/Portos en 1997. Le rapport
était attendu pour fin juin 2000.
SYNTHESE
Un important travail technique a été entrepris pour établir la classification commune des actes médicaux mais,
faute de moyens, il se sera étalé sur plus de quatre années au moins. La Cour souligne l’importance des
travaux qui restent à mener tant pour faire déboucher effectivement le codage des actes médicaux que pour
lancer et réaliser celui des actes des autres professions de santé. Au rythme actuel, il aura fallu au moins dix
ans pour mettre, effectivement, en place une obligation résultant de la loi de 1993. En cas de blocage des
négociations entre l'assurance maladie et les syndicats médicaux, d'autres solutions devraient être recherchées
pour que ne soit pas encore repoussée une réforme indispensable, en tout cas dans le cadre d'un
remboursement à l'acte. Elle rappelle également qu'au codage des actes doit être associé un codage des
pathologies, problème en partie plus simple puisqu’il existe une classification internationalement reconnue (la
classification internationale des maladies).
Réponse
[8]
Groupe d’experts rattaché à la direction des hôpitaux qui, depuis plusieurs années, a la charge de la
maintenance des outils classificatoires du programme de médicalisation des systèmes d’information à l’hôpital
(PMSI). Le gouvernement a introduit dans le projet de loi de "modernisation sociale" un article 4 créant une
"agence technique de l'information sur l'hospitalisation", qui engloberait notamment le PERNNS.
[9]
Actes portant sur la tête, le cou, le thorax, l’abdomen…
[10]
Par exemple : appendicectomie par
laparotomie ou sous coelioscopie.
[11]
Université qui pilote aux Etats-Unis la gestion des nomenclatures utilisées par Medicare et Medicaid.
Section IV :
Les "dispositifs médicaux"
La Cour, dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale paru en septembre
1998, avait analysé les conditions dans lesquelles s’effectue l'admission au remboursement des "dispositifs
médicaux"
[12]
relevant de la procédure du tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS)
[13]
. Elle
proposait un ensemble d'améliorations qui avaient pour objectifs :
- de remédier aux insuffisances dans la connaissance et le suivi des dépenses et dans les procédures
d’inscription des produits au TIPS ;
- de réduire la complexité des modalités de prise en charge par l’assurance maladie ;
- de se doter d'outils de maîtrise de la dépense.
La loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000, principalement dans son article 32, mais
également dans son article 33, a, dans le principe, sensiblement modifié le dispositif institutionnel. La réforme
prévue adapte aux produits du TIPS le dispositif institutionnel du médicament. Les phases d’évaluation
technique et d’évaluation économique, autrefois toutes deux sous la responsabilité de la commission
consultative des prestations sanitaires (CCPS), seront, à compter de la mise en oeuvre du nouveau dispositif, de
la responsabilité de deux organismes distincts afin d’éviter que des considérations liées au coût du
remboursement n’interfèrent avec l’évaluation technique. Les phases d'évaluation seront organisées autour de
l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) chargée du secrétariat d’une
commission analogue à la commission de la transparence du médicament ; la phase économique sera confiée
au comité économique du médicament, devenu le comité économique des produits de santé.
I - La connaissance et le suivi des dépenses du TIPS
Tous risques confondus, le TIPS a représenté une charge de remboursement de 15,7 MdF en 1999, en
augmentation de 15 % par rapport à 1998. Les dépenses restent tirées à la hausse par un titre I (regroupant
appareils et matériels de traitement et articles pour pansement) qui en représente près de 50 % et croît de plus
de 25 % par an (contre 47 % entre 1996 et 1997).
Afin de mieux maîtriser cette augmentation, le législateur a chargé le comité économique des produits de santé
d’un suivi périodique. L’application de cette réglementation suppose de disposer des informations nécessaires.
Or, d'une part les données que recueillent les caisses d’assurance maladie lors des opérations de liquidation
restent sous-exploitées. D'ailleurs, le codage du TIPS, essentiel pour une meilleure connaissance de la dépense
et un traitement rigoureux de l’information, ne paraît pouvoir aboutir durant l’année 2000 que pour le seul titre
3 -prothèses internes et implants d’origine humaine et animale- soit 27 % des dépenses.
D'autre part, la loi oblige désormais les entreprises réalisant en France un chiffre d’affaires hors taxe de plus
de 5 MF à déclarer leurs volume et chiffre d’affaires pour les produit du TIPS. Mais elle ne précise pas si cette
déclaration est globale ou par produit, et le traitement et la diffusion de l’information recueillie restent à
organiser.
Dans ce contexte, et à défaut des informations précédentes, les études ponctuelles demeurent le moyen
privilégié de connaissance du marché. La technicité des produits et leurs conditions économiques de
production et de commercialisation ont amené la direction générale de la concurrence, de la consommation et
de la répression des fraudes (DGCCRF) à monter un réseau de personnels spécialisés pour conduire des
enquêtes.
II - Les procédures d’inscription des produits au TIPS
La loi du 1er juillet 1998 et son décret d’application du 9 mars 1999 avaient chargé l’AFSSAPS de veiller à la
sécurité sanitaire des dispositifs médicaux. La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2000 lui
confie en outre, comme on l'a dit, le secrétariat d’une commission transposant aux dispositifs médicaux la
commission de transparence du médicament.
Une amélioration notable en matière d’expertise se dessine. Le souci de la transparence dans l’examen des
dossiers a guidé les choix retenus, ce qui correspond aux souhaits de la Cour. Membres de la commission et
rapporteurs seront tenus de déclarer leurs liens avec les entreprises susceptibles de présenter un produit à
l’admission. Le service rendu sera apprécié sur la base de quatre critères
[14]
. La charge de la démonstration
des qualités d’un nouveau produit, ou d’une amélioration justifiant une inscription spécifique, reposant sur
l’entreprise qui le présente, des dossiers-types de candidature vont être élaborés. L’ensemble de la procédure
devrait se dérouler dans la limite de délais fixés par décret.
La prise en compte de matériels innovants devrait être facilitée par la possibilité d’inscrire, à côté des produits
génériques, des produits de marque pour une durée limitée afin d’en faciliter l’évaluation.
III - Les modalités de prise en charge par l’assurance maladie
La quasi totalité des articles sont désormais remboursés en fonction d'un tarif réglementé.
A - La part laissée à la charge de l’assuré
Il est regrettable que les informations saisies lors de la liquidation des dossiers par l’assurance maladie ne
permettent pas de connaître les coûts réellement supportés par les assurés alors même que les factures sont une
des pièces justificatives de la liquidation.
Deux catégories de dispositions nouvelles visent à maîtriser la part laissée à la charge de l’assuré.
Pour les bénéficiaires de la CMU, la couverture complémentaire couvre les frais non pris en charge par la
couverture de base dans des limites fixées par arrêté ministériel.
En se réservant la possibilité de fixer également les prix, les pouvoirs publics se donnent les moyens de
maîtriser la part restant à la charge de l'assuré au-delà du ticket modérateur (la base juridique prévue par le
législateur pour la fixation des prix est l’article L 162-38 du code de la sécurité sociale).
B - Le champ des produits remboursés
La loi de financement pour 2000 ne modifie pas le champ des produits remboursés. La question de la prise en
charge des aides techniques
[15]
a progressé en dehors du strict champ du TIPSe. Des expériences de prise en
charge globale du handicap sont en cours dans le cadre de la mission confiée par la ministre de l'emploi et de
la solidarité et la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale le 22 décembre 1999 à Madame Lyazid.
IV - les outils de maîtrise de la dépense
La maîtrise de la dépense est un objectif essentiel de la réforme. Selon l’exposé des motifs : "Le comité
économique des produits de santé sera chargé de proposer des tarifs de remboursement et, le cas échéant, les
prix des produits inscrits sur la liste de remboursement. Il organisera un suivi économique de ce secteur et des
dépenses afférentes et pourra conclure des conventions, en lien avec les industriels concernés, afin de parvenir
à une meilleure régulation des dépenses"
[16]
.
Faute de publication des textes d’application, le comité n’a pas encore commencé à fonctionner.
S’agissant de la prise en charge des dispositifs médicaux implantables, il convient de souligner l’effort
méthodologique de la CNAMTS qui, à la suite des observations de la Cour dans son rapport de 1997, a
élaboré et diffusé en septembre 1999 un guide de contrôle.
Pour mieux connaître les prix pratiqués sur le marché afin d’évaluer ceux à retenir dans le TIPS et dans les
arrêtés interministériels prévus par la loi CMU, la DGCCRF a effectué des enquêtes. Elles ont porté
notamment sur les attelles et prothèses du genou et de la cheville.
Pour le calcul des tarifs et des prix, deux séries d’indicateurs semblent devoir être plus particulièrement
utilisées, les prix d’achat des hôpitaux et les comparaisons internationales. Mais la connaissance des premiers
supposera des efforts importants et les secondes, même limitées à l’espace économique européen, se sont
heurtées au caractère très technique des produits.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 donne la compétence au comité économique des
produits de santé pour conclure avec les fabricants et distributeurs des conventions portant sur les volumes de
vente ; la sanction en cas de dépassement consiste en un versement de remises aux régimes d’assurance
maladie.
SYNTHESE
La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2000 a posé les fondements d’une plus grande
rigueur de l’organisation de l’admission au remboursement des dispositifs médicaux. Les outils d’une
meilleure maîtrise de la dépense existent dans leur principe. Mais l’élaboration et la publication des textes
d’application restent à faire, et un suivi économique et statistique précis reste à bâtir.
Réponse
[12]
Sont considérés comme des "dispositifs médicaux" les appareils, matières, produits ou systèmes utilisés
dans un but de diagnostic, de traitement ou d'atténuation d'une maladie, d’une blessure ou d'un handicap, ou
encore d'étude, de remplacement ou de modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique voire de
contrôle de la conception dont l'action dans ou sur le corps humain n'est pas obtenue par des moyens
pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme.
[13]
Le sigle TIPS -tarif interministériel des prestations sanitaires- recouvre le tarif de remboursement de 7000
lignes de produits médicaux très divers (produits d’optique, stérilets, prothèses orthopédiques….).
[14]
- le caractère habituel de gravité de la pathologie, du handicap ou de la dégradation de la qualité de vie ;
- l’effet thérapeutique ou l’efficacité technique ainsi que les effets indésirables ou les risques liés à leur
utilisation ;
- la place dans la stratégie thérapeutique, l’apport dans la qualité des soins, dans le suivi des patients ou dans
la compensation du handicap, au regard des thérapies ou moyens disponibles ;
- l’intérêt pour la santé publique.
[15]
Les aides techniques se différencient des dispositifs médicaux par l’absence de finalité thérapeutique. Ce
sont des dispositifs qui améliorent les conditions matérielles d’existence des malades et personnes handicapées
en apportant une aide aux gestes essentiels de la vie et assurent leur adaptation à leur environnement social
(véhicule pour handicapé, soulève malade…).
[16]
En matière de médicament, le comité fixe les prix, en matière de dispositifs médicaux il propose
seulement les tarifs.
Section V :
La transmission électronique des feuilles de soins
Le rapport de la Cour de septembre 1998 sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale a
présenté les résultats d'une enquête sur le système SESAM Vitale. Au moment où la généralisation de la
première carte Vitale venait d'être décidée, il présentait une analyse globale du système, de son
développement, de ses composantes, des structures chargées de le mettre en oeuvre, ainsi que de son impact
sur les procédures de liquidation de l'assurance maladie. Il concluait, après avoir insisté sur la nécessaire
affirmation de l'engagement de l'Etat dans ce chantier, par six recommandations :
- clarifier et définir des objectifs communs à l'ensemble des partenaires ;
- mettre en place à la CNAMTS une organisation interne plus favorable à la réalisation opérationnelle du
projet ;
- rendre plus cohérente la communication de l'Etat, de la CNAMTS, du GIP CPS et du GIE SESAM
Vitale
[17]
à l'égard des professionnels de santé, mais aussi des assurés ;
- associer les professionnels de santé à tous les stades du projet et donner une priorité forte au retour
d'information vers eux ;
- évaluer de manière plus globale les problèmes de sécurité du projet, afin de ne pas reproduire les
inconvénients de la situation actuelle caractérisée par des innovations technologiques majeures et risquées
pour un projet de cette taille ;
- mettre en place des expérimentations plus complètes, mieux préparées, avec des objectifs précis, associant
les différents partenaires et précisant les moyens à mettre en oeuvre et les conditions de leur exploitation.
L'importance du projet SESAM Vitale pour l'évolution du système de santé et pour l'assurance maladie a
conduit la Cour à faire cette année le point sur l'application de ses recommandations et sur le déploiement du
système.
I - Les suites données aux recommandations de la cour
Les quatre premières recommandations du rapport de 1998 ont été suivies d'effet. Le pôle SESAM Vitale de la
CNAMTS a été réorganisé et son action orientée vers les missions de maîtrise d'ouvrage qui doivent être les
siennes. Les instances de pilotage du projet associant l'ensemble des partenaires ont été réactivées, complétées
et élargies aux organismes d’assurance maladie complémentaire qui sont désormais partie prenante au projet.
Les organisations représentatives des professions de santé y sont associées, avec voix consultative, comme
elles sont désormais largement présentes dans les instances techniques et décisionnelles du GIE. Cet ensemble
de mesures crée les conditions nécessaires à la définition d'objectifs communs et à une information précoce
des professionnels de santé sur le devenir du système. Par ailleurs, les sites Internet de la CNAMTS, du GIE et
du GIP leur apportent une information pratique abondante sur le fonctionnement du système.
Les cinquième et sixième recommandations, relatives à la politique de sécurité et aux procédures
d'expérimentation, conservent leur actualité au moment où trois évolutions majeures se préparent : le passage
à terme de la carte Vitale 1 d'assuré social à la carte Vitale 2 de bénéficiaire ; l'association des organismes
d'assurance maladie complémentaire au projet SESAM Vitale ; et la préparation de nouvelles générations des
cartes de professionnels de santé.
Il conviendrait notamment, en ce qui concerne la sécurité, de tenir compte du fait que la fiabilité globale du
système dépend de la fiabilité et de la cohérence de ses sources d'alimentation, ainsi que de sa capacité à
répercuter rapidement les modifications dont ces dernières sont l'objet vers les bases de données de SESAM
Vitale et du système CPS, tout autant que de la qualité des systèmes informatiques et des procédures mis en
oeuvre par le GIE et le GIP. Cette fiabilité des sources est imparfaitement assurée en ce qui concerne le
système CPS : leur multiplicité (cf. encadré ci-après) et leur manque de cohérence et d'interopérabilité
[18]
compliquent à l'excès et allongent anormalement la procédure de collecte et de contrôle des données. Cette
situation est supportable dans l'actuelle phase de montée en charge de la diffusion des cartes. Elle risque de
l'être moins en phase de gestion courante, lorsque les mises à jour à apporter aux cartes devront être prises en
compte très rapidement, sauf à provoquer des ruptures d'utilisation dommageables pour les professionnels de
santé. Pour la carte Vitale, le circuit de collecte, plus simple, est aujourd'hui mieux maîtrisé. Une difficulté
reste cependant à régler : la prise en compte des contrats d'assurance maladie complémentaire qui vont
multiplier les sources d'alimentation et augmenter la fréquence des mises à jour. A cette difficulté,
l'individualisation de la carte peut être une réponse partielle, sans attendre Vitale 2.
Les cartes de la famille CPS
Les cartes de la famille CPS comprennent les cartes de professionnels de santé, CPS proprement
dites, et des cartes destinées à des non professionnels, salariés des précédents, des établissements
de soins et d’entreprises, d’administrations et d’organismes intervenant à divers titres dans la
gestion des systèmes informatisés de santé (cartes CPE, CDE, CPA, …). Les cartes CPS
recueillent des informations nombreuses et variées relatives à l’identification des professionnels
de santé, à leurs qualifications professionnelles, leurs relations avec l’assurance maladie... Ces
informations émanent d'un grand nombre d'organismes : plusieurs directions ou services du
ministère de l'emploi et de la solidarité, CNAMTS, CPAM, DDASS, DRASS, échelons
départementaux des différents ordres, ... Le recueil et la mise en cohérence de ces informations
est un problème majeur pour le GIP CPS.
II - La Diffusion des cartes Vitale et CPS
La diffusion des cartes Vitale de première génération (carte Vitale 1 d'assuré social) est aujourd'hui achevée
avec plus de 41 millions de cartes distribuées. Le calendrier prévu a été à peu près respecté.
En ce qui concerne les cartes CPS, la procédure adoptée consiste à provoquer la demande en envoyant
systématiquement un formulaire de demande pré-renseigné aux professionnels de santé exerçant à titre libéral,
ceux-ci ayant la faculté de ne pas donner suite. Ils ont également la possibilité de demander des cartes
d'employés (CPE) pour leurs salariés n'appartenant pas aux professions de santé. La procédure est appliquée
progressivement aux différentes professions. Pour les professionnels de santé salariés qui, majoritairement,
exercent leur activité dans les établissements de soins (hôpitaux, cliniques), les cartes sont délivrés à la
demande des établissements.
Il apparaît, à la mi-juillet 2000, que 47 % seulement des professionnels libéraux ont demandé une carte CPS,
alors que la grande majorité d’entre eux ont été sollicités au moins une fois. On note également un écart
d’environ 4 % entre les demandes reçues et les cartes émises, qui s'explique par la durée d'instruction des
dossiers, de l'ordre de deux à trois mois. Le pourcentage de demandeurs varie selon les professions, de 43 %
pour les chirurgiens-dentistes (qui ont été très peu sollicités) à 93 % pour les pharmaciens. Parmi les médecins
libéraux, chez lesquels la prospection a été quasi exhaustive et la plus anciennement engagée, le nombre de
médecins équipés est à la mi-juillet 2000 de 73 000 , ce qui correspond à une proportion de 63 %, proportion à
rapprocher de celle des médecins informatisés, estimée à 67 % fin 1999
[19]
.
La prolongation de la tendance (graphique ci-après) et la disparition du décalage entre cartes demandées et
cartes émises porteraient la proportion de médecins libéraux équipés à un niveau qui se situerait entre 80 et 90
% à échéance de 2002. Au-delà, sans modification des comportements, la progression devrait être faible.
Diffusion des cartes CPS
[20]
Population
de
référence
Formulaires
envoyés
Demandes
de carte
reçues
Cartes
émises
1. Professionnels de santé exerçant à titre libéral (situation à la mi-
juillet 2000)
Médecins
115 479
113 141
74 958
73
050
Pharmaciens
22 731
28 218
21 067
20
218
Chirurgiens-dentistes
37 380
2 660
1 173
1
106
Sages-femmes
1 499
0
0
0
Infirmiers
43 747
46 859
9 112
8
422
Masseurs-
kinésithérapeutes>/span>
35 823
37 786
18 643
17
860
Autres
18 306
9 667
4 906
4
530
Total PS libéraux
274 965
238 331
129 859
125
186
Salariés des PS libéraux
(cartes CPE)
129 000
(estimation)
100 048
96
676
2. Cartes délivrées à la demande des établissements (situation au 1er
janvier 2000)
Prof. de santé salariés
436 961(*)
n.c.
2
305
Autres (cartes CPE,
CDE, CPA)
indéterminé
n.c.
8
209
(*) ce total intègre une partie non quantifiée des professionnels libéraux, surtout des
médecins, qui exercent à la fois à titre libéral et à titre salarié.
En ce qui concerne les pharmaciens, dont le taux d'informatisation dépasse 95 %, le taux déjà élevé de la
demande, alors que la procédure de distribution en masse est engagée seulement depuis le dernier trimestre
1999, donne à penser que le taux d'intégration au dispositif sera rapidement assez grand. La même remarque
s'applique, à un moindre degré, aux masseurs-kinésithérapeutes dont le taux d'informatisation est moins élevé.
Pour les autres professions le mouvement de diffusion des cartes est engagé depuis trop peu de temps et à un
niveau trop faible pour qu'une conclusion puisse en être tirée. On peut seulement noter que sur 136 755
professionnels
de santé libéraux autres que les médecins et pharmaciens, des cartes CPS n'avaient été émises, à la mi-juillet
2000, que pour 31 918 d'entre eux, soit
23 %.
Pour les professionnels de santé salariés, qui constituent une population sans doute de l'ordre de 400 000
personnes si l'on excluent ceux qui sont par ailleurs recensés comme libéraux, la diffusion des cartes est à
peine amorcée : 2300 cartes étaient émises au 1er janvier 2000 au bénéfice de quelques établissements
demandeurs.
Une partie importante de la diffusion des cartes reste donc à réaliser.
III – La progression de la télétransmission des feuilles
de soins
L'adhésion à SESAM Vitale est influencée, à la fois, par la conclusion des conventions que l'assurance
maladie passe avec les organisations représentatives des différentes professions et par le développement des
logiciels de télétransmission que le marché offre à ces mêmes professions.
Au 30 juin 2000 le nombre de professionnels de santé libéraux télé transmettant des feuilles de soins dépassait
40 000, soit pratiquement
15 % d’entre eux. Ce total comprenait 32 800 médecins, soit près du tiers , et 6 200 masseurs-
kinésithérapeutes, soit 17 %. Pour les autres professionnels de santé libéraux, le taux moyen n'était que de 1,5
%. Ces données nationales recouvrent des disparités régionales significatives. Ainsi, la proportion de
médecins réalisant des télé transmissions varie de plus de 50 % en Champagne-Ardenne et Lorraine à 20 % en
Ile-de-France où l'on constate également une disparité importante entre Paris, environ 10 %, et les autres
départements de la région dont les taux s'échelonnent entre 20 % et 35 %.
Pour les médecins libéraux, le processus est engagé depuis le dernier trimestre 1998. On dispose donc en ce
qui les concerne d'une série longue qui peut être interprétée. Il n'en va pas de même des autres professions
dont l'adhésion à SESAM Vitale s'est amorcée en février 2000 seulement. On notera l'adhésion rapide des
masseurs-kinésithérapeutes qui concorde avec leur demande significative de cartes CPS. Cette remarque ne
s'applique pas aux pharmaciens dont la demande de cartes CPS a pourtant été massive. Il faut en chercher
l'explication dans le fait que les pharmaciens, dans leur majorité, télé transmettent par le réseau IRIS d'où une
moindre urgence à adhérer à SESAM Vitale.
Les médecins libéraux adhérent à SESAM Vitale à un rythme soutenu, qui semble se stabiliser depuis le mois
de novembre 1999, à une croissance mensuelle de l'effectif de l'ordre de 12 à 15 % (graphique). Ce rythme, s'il
se poursuit, devrait conduire à ce que l'essentiel de l'écart encore important qui subsiste entre le nombre de
détenteurs de cartes CPS (près de 73 000 à la mi-juillet) et le nombre de ceux qui télé transmettent (environ 33
000 à la même date) soit résorbé pour l’essentiel au cours du premier semestre 2001. La prolongation
mécanique de la tendance conduirait en effet à près de 80 000 médecins télé transmettant, soit un résultat très
proche du nombre de ceux qui devraient alors être dotés d'une carte CPS d'après la prolongation de la tendance
en dotation de cartes présentée au paragraphe précédent.
Le nombre de feuilles de soins télé transmises croît à un rythme un peu plus rapide, quoique de façon moins
régulière, de l'ordre de 14 % par mois depuis le début de l'année 2000, ce qui s'explique essentiellement par le
fait que le nombre moyen de feuilles télé transmises par professionnel de santé tend à augmenter très
légèrement ; les médecins qui télé transmettent ne le font pas pour toutes les feuilles de soins car cela dépend
également du patient (il faut qu’il ait sa carte)
[21]
. S’établissant à 6,2 millions en juin 2000, il devrait, si la
tendance se maintient, dépasser les 18 millions par mois à la fin de l'année, soit une tendance de près de 220
millions par an sur un total qui est de l'ordre du milliard. Cette projection rend compte, pour l'essentiel, du
comportement prévisible des seuls médecins. Si les pharmaciens qui, actuellement, télé transmettent plusieurs
centaines de millions de feuilles de soins par an par le réseau IRIS, basculent massivement sur SESAM vitale,
le volume de feuilles de soins électroniques en fin d'année pourrait plus que doubler.
Lors du lancement de la procédure, la CNAMTS avait retenu un objectif de 40 % de médecins télé
transmettant à la fin de l'année 1999. Ce niveau ne serait pas atteint avant la fin 2000. A moyen terme, en
2002, 80 % à 90 % des médecins libéraux devraient être dotés d'une carte CPS, dont la très grande majorité
pratiquera la télé transmission d'une partie de leurs feuilles de soins. Au-delà, la croissance devrait être très
ralentie compte tenu de la fraction des médecins qui ne souhaitent pas s'informatiser. On peut espérer que pour
les autres professions la montée en charge sera plus rapide. Reste le problème, aujourd'hui non résolu, des
établissements de soins privés qui produisent des factures auxquelles ont contribué plusieurs professionnels et
qui devraient par conséquent être signées électroniquement par chacun d'entre eux.
Réponse
[17]
Le GIP CPS a pour mission de produire, distribuer et gérer les cartes à microprocesseur des
professionnels de santé ; le GIE SESAM Vitale est chargé de produire, distribuer et gérer les cartes Vitale
d'assurés sociaux, ainsi que de gérer le système SESAM de recueil et de diffusion aux organismes d'assurance
maladie des feuilles de soins
électroniques.
[18]
Les référentiels des différents organismes sont inégalement informatisés et communiquent peu ou mal
entre eux, il n'existe pas de système d'identification commun des porteurs de cartes et des établissements dans
lesquels ils exercent leurs activités, les codes et nomenclatures utilisés sont souvent différents.
[19]
Il n'existe pas de données nationales fiables sur le taux d'informatisation des professionnels de santé.
[20]
Les données de ce tableau, comme celles des deux graphiques, ne doivent pas être considérées comme
parfaitement exactes. Les estimations varient en effet selon les sources, mais les ordres de grandeur sont
partout les mêmes.
[21]
Les médecins télétransmetteurs continuent de produire une proportion significative, de l'ordre de 40 %,
de feuilles de soins papier. Les causes de cette situation sont connues (entrée progressive dans le dispositif,
visites, consultations hors du cadre habituel, patients ayant oublié ou perdu leur carte Vitale, ...) mais leurs
parts respectives ne sont pas quantifiées.
CONCLUSION
Plusieurs conclusions peuvent être tirées au terme de ce rapport. Certaines rejoignent, en les renforçant ou les
complétant, les observations que la Cour a formulées les années précédentes.
La première conclusion a encore trait aux
comptes
. La réforme visant à obtenir, plus rapidement, des comptes
plus fiables et en droits constatés, est bien engagée mais doit être achevée dans les plus brefs délais. C’est la
première priorité, sur laquelle la Cour attire à nouveau l’attention avec la plus grande vigueur. Dans la
situation actuelle, il n’est pas possible d’asseoir un diagnostic certain sur l’état des comptes. Les récentes
améliorations ont créé, comme toujours, une hétérogénéité par rapport au passé, rendant la lecture des
phénomènes paradoxalement plus difficile. Il importe de dépasser cette situation en achevant la réforme en
cours. Cela suppose qu’elle soit considérée par les différentes parties prenantes, les organismes de base, les
caisses nationales, les pouvoirs publics, comme une priorité de très haut rang, à laquelle il faut, durant deux ou
trois ans, consacrer les moyens suffisants, donc nettement accrus. Il importe enfin que les propositions
formulées par la MIRCOSS soient effectivement mises en oeuvre. En aval des comptes, les conditions de
préparation de la loi de financement et d’information du Parlement sur l’ONDAM doivent encore s’améliorer.
L'imprécision des comptes n'empêche pas de constater qu'ils ont évolué positivement en 1999. C'est la
première fois depuis dix ans que le régime général est équilibré. L'amélioration tient à la conjoncture et à des
réformes engagées dans la famille, la vieillesse, la maladie. Il faut profiter de cette situation pour prolonger les
réformes engagées et en engager d'autres. Des différents thèmes étudiés dans ce rapport émergent quelques
priorités :
Le
nécessaire développement
, à côté de la politique d'assurance maladie et articulée avec elle, d'une politique
de la santé, où la prévention et le dépistage aient toute leur place. L'expression des besoins, la veille et la
sécurité sanitaires ont désormais leurs canaux, leurs instruments. Il faut mieux les organiser, les articuler entre
eux pour qu'à la période de foisonnement et de création d’organismes des dernières années succède une
période de plus grande structuration.
Le
nécessaire aménagement de notre système de retraites
, non seulement pour en garantir le financement à
long terme, mais aussi pour en accroître l’équité. L'exemple des avantages familiaux et conjugaux de retraite,
très inégaux car très divers selon les régimes, est ici frappant.
La
nécessaire et urgente rénovation du dispositif de régulation
dans le domaine de l'assurance maladie :
cela recouvre des thèmes aussi divers mais aussi fondamentaux que la nomenclature et le codage des actes, le
renforcement et la clarification de la coordination des politiques au niveau régional, la maîtrise des dépenses
de médicaments, enfin la refonte du dispositif conventionnel entre l'assurance maladie et les professionnels de
santé.
La
nécessaire amélioration de la qualité du service rendu aux usagers
de la sécurité sociale. Les
prestations sont versées en temps et conformément aux règles – par exemple les prestations familiales et les
retraites – et c'est un excellent point, mais l'accueil de l'usager, en particulier l'accueil téléphonique, doit
progresser, compte tenu notamment de la profonde modification des profils des usagers. Comme toutes les
personnes, toutes les familles ne bénéficient pas des prestations auxquelles elles ont droit, il conviendrait de
développer, au moins dans le cas des prestations familiales et de logement, une politique active d'accès aux
droits.
Ces différentes réformes ou améliorations renvoient naturellement à des préoccupations de
gestion
. La
formalisation de liens entre l'Etat et les branches, et au sein des branches entre les caisses nationales et les
organismes locaux, a été profondément modifiée par l'établissement de conventions d'objectifs et de gestion et
de contrats pluriannuels de gestion. Cette évolution est positive. Ces instruments doivent cependant, après une
première "campagne", être mieux utilisés au service d'une évolution des organisations visant à la fois à réduire
les coûts et à améliorer la qualité du service.
La Cour réitère à ce propos ses conclusions de l'an dernier sur l’organisation du régime général et de chacune
de ses branches. La situation actuelle, héritée de l’histoire, ne paraît pas optimale, dès lors que la recherche de
la qualité des prestations et des services et la maîtrise des dépenses deviennent des priorités. En particulier, le
rôle des caisses nationales comme "têtes de réseau" doit s’accroître, chaque branche doit pouvoir se
différencier des autres, y compris en matière de gestion du personnel. Enfin, au sein de chaque branche, la
répartition territoriale des organismes locaux et des fonctions doit évoluer.