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COUR DES COMPTES
______
Le dØmantLlement des installations
nuclØaires et la gestion des dØchets
radioactifs
____
RAPPORT AU
P
R SIDENT DE LA
R
PUBLIQUE
SUIVI DES R PONSES DES ADMINISTRATIONS
ET DES ORGANISMES INT RESS S
JANVIER 2005
Sommaire
Page
DØlibØrØ
..
5
***
Introduction
7
***
PremiLre partie
: Champ et enjeux du dØmantLlement des
installations nuclØaires et de la gestion des dØchets
radioactifs
...
9
Chapitre I
- Les principaux intervenants et leurs enjeux
.
11
I
Les entreprises publiques, exploitants nucléaires…….
13
II
Les pouvoirs publics………………………………………
21
III
Les acteurs internationaux……………………………….
27
Chapitre II
- Panorama des installations nuclØaires et des
dØchets radioactifs
.
35
I
Les installations nucléaires en France………………
....
36
II
Les déchets radioactifs en France………………………
40
Chapitre III
- Les rLgles applicables au dØmantLlement et
la
gestion des dØchets
67
I
Les
règles
applicables
au
démantèlement
des
installations nucléaires de base………………………..
70
II
Les règles applicables à la gestion des déchets……….
74
***
DeuxiLme partie
- PremiLres expØriences de dØmantLlement
et de stockage des dØchets radioactifs
.........................
87
Chapitre I
- PremiLres expØriences de dØmantLlement
...
89
I
La situation au CEA………………………………………
90
II
Le démantèlement de l’usine de retraitement de
Marcoule……………………………………………………
93
III
Les premiers démantèlements d’EDF………………….
113
IV
Le démantèlement des centrales nucléaires dans le
monde……………………………………………………….
122
Page
Chapitre II
- La mise en
uvre de solutions pour le stockage
des dØchets radioactifs
.
127
I
Les solutions pour les déchets les moins nocifs……….
129
II
La recherche de solutions pour les déchets les plus
nocifs………………………………………………………..
132
III
La
recherche
de
solutions
pour
des
déchets
spécifiques………………………………………………….
148
***
TroisiLme partie
- Interrogations et incertitudes actuelles .
155
Chapitre I
Les provisions pour charges futures
.......................
157
I
Evolution des règles………………………………………
158
II
Les provisions des trois principaux exploitants à la
fin de 2003………………………………………………….
161
Chapitre II
Le financement des charges futures .
183
I
La situation en France…………………………………..
184
II
Les enseignements des comparaisons internationales.
200
Chapitre III
- Communication, information et transparence sur
les dØchets radioactifs
.
209
I
La perception par l’opinion…………………………
......
210
II
Les politiques d’information et de communication
mises en oeuvre par les intervenants…………………….
214
***
Conclusion gØnØrale
225
***
Annexe
: Loi n
91-1381 du 30 dØcembre 1991 relative aux
recherches sur la gestion des dØchets radioactifs
229
Glossaire
..
235
***
RØponses des administrations et des organismes intØressØs
239
D
ELIBERE
5
D LIB R
La Cour des comptes publie, sous la forme d un fascicule sØparØ,
un rapport concernant le dØmantLlement des installations nuclØaires et
la gestion des dØchets radioactifs.
ConformØment aux dispositions lØgislatives et rØglementaires du
code des juridictions financiLres, la Cour des comptes, dØlibØrant en
chambre du conseil, a adoptØ le prØsent rapport public.
Ce texte a ØtØ arrOEtØ au vu du projet qui avait ØtØ communiquØ au
prØalable, en totalitØ ou par extraits, aux administrations et organismes
concernØs, et aprLs qu il a ØtØ tenu compte, quand il y avait lieu, des
rØponses fournies par ceux-ci. En application des dispositions prØcitØes,
ces rØponses sont publiØes ; elles engagent la seule responsabilitØ de leurs
auteurs.
Etaient prØsents : M. SØguin, premier prØsident, MM.
Fragonard,
Carrez, BØnard, Picq, prØsidents de chambre, MM. Berger, MØnasseyre,
Gastinel, prØsidents de chambre maintenus en activitØ, MM. Chartier, Zuber,
Murret-Labarthe, Giquel, Bady, Billaud, de Mourgues, Babusiaux, Hespel,
Houri,
Richard,
Rossignol,
Arnaud,
Bayle,
Bouquet,
Mme Boutin,
MM. Chabrol,
X-H
Martin,
Monier,
Schneider,
Mme Cornette,
MM. Lefoulon, Beaud de Brive, Cardon, Pallot, Cazanave, Mme Bellon,
MM. Gasse, Ritz, Moulin, Steyer, ThØlot, Lesouhaitier, Lefas, Gauron,
Lafaure, Dupuy, Brochier, Levy, Auger, Delin, Mme Saliou, MM. Vialla,
Courtois, Mme Darragon, M. Vivet, Mme Moati, MM. Mollard, Diricq,
Couty, conseillers ma tres, MM. Audouin, Pascal, Gleizes, Lemasson,
conseillers ma tres en service extraordinaire, Mme Bazy-Malaurie, conseiller
ma tre, rapporteur gØnØral.
Etait prØsent et a participØ aux dØbats : M. Bertucci, premier avocat
gØnØral.
M Perrin, secrØtaire gØnØral adjoint, assurait le secrØtariat de la
chambre du conseil.
Fait
la Cour, le 20 janvier 2005.
Introduction
La France, pour des raisons stratØgiques et Øconomiques, a fait le
choix de dØvelopper une filiLre nuclØaire particuliLrement puissante :
crØation du CEA, mise au point de l’arme atomique, programme
ØlectronuclØaire
pour
garantir
son
indØpendance
ØnergØtique.
La
rØalisation du programme ØlectronuclØaire, marquØe par la mise en
service de 58 rØacteurs de 1977
2002, sans compter SuperphØnix, place
notre pays dans une situation atypique au plan international : les trois
quarts de la production Ølectrique fran aise sont d origine nuclØaire et
assurØs par un seul Ølectricien, EDF. La puissance nuclØaire installØe
d EDF est sans commune mesure avec celle des autres opØrateurs :
62,8 GW pour EDF, suivie par le russe RosEnergoAtom (REA) avec
20,7 GW et le japonais Tokyo Electric Power Co (Tepco) avec 14,9 GW.
Quant aux Etats-Unis, le seul pays
produire plus d ØlectricitØ nuclØaire
que la France, sa production est rØpartie entre une quarantaine
d exploitants
1
. En France, les risques liØs
la production ØlectronuclØaire
sont donc concentrØs dans les mains d un seul opØrateur, qui est
Øgalement une entreprise publique.
Quelles que soient les dØcisions futures concernant l avenir de la
recherche et de l industrie nuclØaire, deux questions, qui concernent en
partie les gØnØrations futures, mØritent d OEtre traitØes et rØsolues avec
soin, mØthode et transparence : celle du dØmantLlement des installations
nuclØaires en fin de vie et celle des dØchets radioactifs.
Les dØchets radioactifs produits
l occasion des activitØs
nuclØaires doivent OEtre entreposØs puis stockØs dans des lieux prØsentant
toutes les garanties en matiLre de sØcuritØ pour les gØnØrations actuelles et
futures. Les dØchets les plus dangereux feront au demeurant l objet, au
plus tard en 2006, du dØbat parlementaire prØvu par la loi du 30 dØcembre
1991. L arrOEt des installations nuclØaires s’accompagne d obligations de
remise en Øtat des sites, le dØmantLlement des installations conduisant lui-
mOEme
une nouvelle production de dØchets.
Il s agit d un enjeu majeur pour l industrie nuclØaire et pour la
crØdibilitØ de la politique ØnergØtique fran aise, dans un environnement
de plus en plus contraint. Le secteur nuclØaire s est, en effet, dotØ de
rLgles de sûretØ et de sØcuritØ beaucoup plus ØlaborØes et contraignantes
1
) En 2002, la production Ølectrique d origine nuclØaire Øtait de 780 TWh aux
Etats
Unis et de 417 TWh en France. Aux Etats-Unis, 80 % de l ØlectricitØ nuclØaire
est produite par une dizaine d exploitants.
8
C
OUR DES COMPTES
que celles qui s appliquent aux autres industries, du fait des spØcificitØs
de la radioactivitØ et des risques nuclØaires.
Entre 2002 et 2004, la Cour des comptes a engagØ auprLs des
diffØrents intervenants de la filiLre nuclØaire une sØrie de contr les
portant sur les enjeux techniques, financiers et humains liØs aux dØchets
radioactifs et au dØmantLlement des installations en fin de vie. Le prØsent
rapport, qui en constitue la synthLse, porte sur le nuclØaire civil et
concerne la dØfense
travers les installations gØrØes par la direction des
applications militaires du Commissariat l’Ønergie atomique (CEA) et les
filiales d Areva, qui exploitent toutes les installations servant
la
confection et aux essais d armes nuclØaires
2
.
La premiLre partie du rapport prØsente le champ et les enjeux liØs
au dØmantLlement des installations nuclØaires et
la gestion des dØchets
radioactifs.
La deuxiLme partie est consacrØe aux premiLres expØriences de
dØmantLlement et de gestion industrielle des dØchets. Elle montre les
principales difficultØs rencontrØes et les consØquences financiLres de
dØcisions prises
un moment oø la sûretØ nuclØaire n Øtait pas la
prØoccupation principale. Elle fait Øgalement le point sur les recherches
en matiLre de stockage des dØchets radioactifs.
La troisiLme partie prØsente les difficultØs et les incertitudes
actuelles et tente de rØpondre
trois questions essentielles : les provisions
constituØes dans les comptes des exploitants sont-elles suffisantes ? Le
financement en sera-t-il assurØ ? L information apportØe au citoyen sur un
sujet d inquiØtude rØcurrent des Fran ais est-elle suffisante et pertinente ?
2
) Ne sont donc pas concernØs les armes ou systLmes d armes atomiques dØtenus par
les armØes, les objets et matiLres servant
la propulsion des b timents de la Marine
nationale et les Øtablissements du ministLre de la dØfense ØvoquØs infra p. 48.
PremiLre partie
Champ et enjeux du dØmantLlement des
installations nuclØaires et de la gestion
des dØchets radioactifs
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
11
Chapitre I
Les principaux intervenants et leurs enjeux
12
C
OUR DES COMPTES
Comme le montre le panorama des installations nuclØaires et des
dØchets radioactifs en France
3
, la quasi-totalitØ des installations
nuclØaires et des dØchets radioactifs relLvent d Øtablissements publics ou
des sociØtØs majoritairement dØtenues par l’ tat. Or, ces entreprises
publiques poursuivent des buts trLs diffØrents allant de la recherche
la
production de biens et services marchands, tout en passant par la gestion
des dØchets radioactifs. Sur ce dernier point, le Commissariat
l’Ønergie
atomique (CEA) et l’Agence nationale pour la gestion des dØchets
radioactifs (Andra) se sont vu assigner par le lØgislateur un r le
spØcifique.
Les pouvoirs publics interviennent, quant
eux,
plusieurs titres :
au titre des pouvoirs lØgislatif et rØglementaire, pour
l’Øtablissement des rLgles applicables
la recherche et
l’industrie nuclØaire, et le choix d une stratØgie en matiLre
d Ønergie,
au titre de l exercice de la tutelle en tant que propriØtaire
des principales entreprises concernØes,
au titre du contr le en matiLre de sûretØ nuclØaire,
au
titre
de
diverses
t ches
spØcifiques,
telle
que
l’information du public, par le biais de divers comitØs et
commissions.
Enfin, tous les acteurs publics doivent
agir en liaison avec diverses
organisations internationales, dans le respect des conventions et traitØs
internationaux que la France a signØs.
3
) Infra, paragraphe II, p. 27 et s.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
13
I - Les entreprises publiques, exploitants nuclØaires
A
Le CEA, Areva et EDF
1
Le CEA
CrØØ par l’ordonnance n
45-2563 du 30 octobre 1945, le CEA est
un Øtablissement
caractLre scientifique, technique et industriel, qui a ØtØ
le pionnier des activitØs nuclØaires en France. Les grandes Øtapes de son
dØveloppement ont ØtØ marquØes par les premiLres recherches civiles sur
les rØacteurs
l’uranium naturel et
l’eau lourde, puis sur les rØacteurs de
la filiLre graphite gaz, avant de passer aux rØacteurs
eau sous pression
l’uranium enrichi de l’actuel programme ØlectronuclØaire ;
partir de
1956, il faut rappeler l’activitØ dØployØe parallLlement pour les Øtudes et
la rØalisation de l’arme atomique, ainsi que les autres ØlØments de la force
de dissuasion.
Toutes ces activitØs se sont accompagnØes de la rØalisation de
dizaines d’installations extrOEmement diverses, construites souvent dans
l’urgence,
une Øpoque oø on ne se prØoccupait guLre des questions liØes
au dØmantLlement et
la gestion des dØchets.
Organisme de recherche, le CEA s est trouvØ rapidement
responsable d activitØs de production industrielle, qu il a ØtØ conduit
filialiser, puis
regrouper au sein d’une sociØtØ holding.
ParallLlement
ce
mouvement
de
filialisation,
un
autre
mouvement de sØparation d’activitØs de service public a donnØ lieu
la
crØation de deux Øtablissements publics supplØmentaires, concernØs au
premier chef par le dØmantLlement et les dØchets radioactifs. Il s’agit, en
premier lieu, de l’Agence nationale des dØchets radioactifs (Andra),
service du CEA ØrigØ en Øtablissement public par la loi du 30 dØcembre
1991 relative aux recherches sur la gestion des dØchets radioactifs, et, en
second lieu, de l’Institut de radioprotection et de sûretØ nuclØaire (IRSN),
Øgalement,
l’origine, service du CEA, alors dØnommØ Institut de
protection et de sûretØ nuclØaire (IPSN) et transformØ en Øtablissement
public en 2002.
En tant qu’exploitant nuclØaire, le CEA gLre un trLs grand nombre
d’installations, dont le dØmantLlement est en cours ou
ØchØance
rapprochØe. En tant qu’organisme public, il s’est vu dotØ d’une mission
14
C
OUR DES COMPTES
spØcifique pour le dØmantLlement des installations et la gestion des
dØchets radioactifs : dans le cadre des dispositions de la loi du
30 dØcembre 1991, la responsabilitØ des recherches sur la transmutation
des ØlØments radioactifs
vie longue et les entreposages de longue durØe
lui a ØtØ confiØe. Au titre des programmes de recherche, prØvus par le
contrat pluriannuel
tat-CEA pour 2001-2004, figurent en bonne place
les « recherches sur la gestion des dØchets radioactifs et la ma trise de
l’impact des activitØs nuclØaires ».
2
Areva
La Compagnie gØnØrale des matiLres nuclØaires (Cogema) et
Technicatome sont les deux exemples majeurs d’activitØs industrielles
d abord menØes dans le cadre du CEA, puis filialisØes. La Cogema est
une sociØtØ anonyme crØØe en 1976 par le transfert de l’ensemble des
installations spØcialisØes dans la fourniture des produits et services du
cycle du combustible nuclØaire, qui relevaient de l’ancienne direction des
productions du CEA ; de mOEme, la SociØtØ technique pour l’Ønergie
atomique, dØnommØe Technicatome, spØcialisØe notamment dans la
propulsion nuclØaire navale, est une sociØtØ anonyme de taille plus
modeste, crØØe en 1972
partir de la division de construction des
rØacteurs, puis complØtØe en 1974 par le dØpartement de propulsion
nuclØaire.
En 1983, le CEA a ØtØ autorisØ par dØcret
faire apport de
l’ensemble des participations dans les sociØtØs qu’il dØtenait directement
une seule filiale, la SociØtØ des participations du Commissariat
l’Ønergie
atomique, alors dØnommØe CEA-Industrie. Dans le domaine nuclØaire, la
holding comportait trois groupes : Cogema, Framatome et Technicatome.
Des rØorganisations successives ont eu pour but de modifier la rØpartition
des sociØtØs entre ces trois groupes pour aboutir en 2001
une nouvelle
organisation de la holding dØsormais dØnommØ Areva.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
15
Structure de l’actionnariat d’Areva
Déc. 2000
Déc. 2001
Déc. 2002
Déc. 2003
% du
% droits
% du
% du
% du
% droits
Actionnaires
capital
de vote
capital
capital
capital
de vote
CEA
95,14
100
78,96
78,96
78,96
82,99
Etat
5,19
5,19
5,19
5,19
Caisse des Dépôts et
Consignations
3,59
3,59
3,59
3,59
ERAP
3,21
3,21
3,21
3,21
EDF
2,42
2,42
2,42
2,42
Framépargne (salariés)
1,58
1,58
1,58
1,58
TotalFinaElf
1,02
1,02
1,02
1,02
Porteurs de certificats
d'investissements
4,86
0
4,03
4,03
4,03
0
TOTAL
100
100
100
100
100
100
Source : Areva
Areva est donc maintenant dØtenue
plus de 92 % par des
personnes publiques, dont prLs de 79 % par le CEA et plus de 5 % par
l’ tat. Les droits de vote correspondant aux certificats d’investissements
placØs dans le public sont Øgalement attribuØs au CEA. La partie Ønergie
nuclØaire de l’activitØ d’Areva s’exerce, comme auparavant, au sein de
trois groupes constituØs autour des trois sociØtØs Cogema, Framatome
ANP
4
et Technicatome :
RØpartition des activitØs nuclØaires d Areva
Areva
P le Amont
P le RØacteurs et
Services
P le Aval
Cogema
Mines
Chimie
Enrichissement
Mesures nuclØaires
Conseil et SystLmes
d’information
Traitement
Recyclage
IngØnierie
Logistique
Assainissement
Framatome ANP
Combustible
Projets et IngØnierie
quipements
Services nuclØaires
Technicatome
Propulsion navale
En France, les principales
installations nuclØaires du groupe Areva
-
ou, du moins, celles qui engendreront les dØpenses de dØmantLlement
les plus importantes - sont exploitØes par la Cogema et ses filiales : il
s’agit notamment des anciennes mines d’uranium, des installations dØdiØes
4
) Framatome est devenue Framatome ANP en 2001
la suite de l entrØe
son capital
de Siemens.
16
C
OUR DES COMPTES
la chimie de l’uranium et
son enrichissement, de l’usine de fabrication
du combustible Melox et surtout des usines de retraitement de La Hague.
Framatome ANP est concernØe par les usines de fabrication du
combustible.
Jusqu’en 2001, CEA-Industrie Øtait une sociØtØ anonyme
conseil
d’administration, dont le prØsident-directeur gØnØral a ØtØ,
plusieurs
reprises, en mOEme temps administrateur gØnØral du CEA : cette sociØtØ
holding avait pour but de servir au portage des filiales du CEA, mais
n’Øtait pas le lieu de prise de dØcisions stratØgiques, d’autant plus que les
deux principales filiales, Cogema et Framatome, s’affirmaient comme des
sociØtØs de plein exercice. Depuis 2001, Areva est une sociØtØ
directoire
et conseil de surveillance, le CEA Øtant prØsent au conseil, sans en assurer
la prØsidence. La rØorganisation entreprise a eu pour but de transformer la
sociØtØ holding en un vØritable groupe industriel : pour s’en assurer, la
prØsidence d’Areva et de la Cogema a ØtØ confiØe
la mOEme personne, et
les activitØs non nuclØaires, en particulier de Framatome, ont ØtØ
rattachØes directement
Areva. L autonomie affichØe par rapport au CEA
s est ainsi dØplacØe du niveau de la Cogema et de Framatome
celui de la
holding.
Ce qui touche
la rØpartition des pouvoirs entre le CEA et sa
filiale, au moment oø est ØvoquØe l’ouverture du capital d’Areva
de
nouveaux actionnaires privØs, a des implications sur la question du
dØmantLlement et de la gestion des dØchets radioactifs, puisqu une des
justifications avancØes pour le projet Areva fut la constitution au sein du
CEA d’un fonds dØdiØ au dØmantLlement et
l’assainissement de ses
installations nuclØaires
5
. De mOEme, comme le montrera la suite du
rapport, l’Øtroite imbrication du CEA et de sa filiale dans plusieurs projets
de dØmantLlement (Marcoule et La Hague) conduit
OEtre trLs vigilant, la
tentation pouvant OEtre forte d’allØger les risques encourus par Areva au
dØtriment du CEA, c’est- -dire directement de l’ tat.
3
EDF
tablissement public
caractLre industriel et commercial,
transformØ en sociØtØ anonyme par le dØcret du 17 novembre 2004 en
application des dispositions des articles 24 et 47 de la loi du 9 août 2004
relative au service public de l ØlectricitØ et du gaz et aux entreprises
Ølectriques et gaziLres, EDF est le premier producteur mondial
d’ØlectricitØ d’origine nuclØaire.
5
) Voir infra, p. 196 et s.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
17
La puissance ØlectronuclØaire installØe est de 62 840 MW rØpartie
entre 58 rØacteurs de la filiLre
eau sous pression (REP) sur 19 sites :
Ces centrales, dont la mise
l’arrOEt dØfinitif s’Øtalera de 2018
2042 dans l’hypothLse d’une durØe de vie de 40 ans, ont ØtØ prØcØdØes
d’une sØrie de centrales dites de premiLre gØnØration. Ces derniLres,
aujourd’hui mises
l arrOEt et en voie de dØmantLlement, correspondaient
aux centrales de la filiLre dite UNGG (uranium naturel graphite gaz) ou
des centrales prototypes, construites dans les annØes 1950 et 1960 et
mises
l’arrOEt aprLs une vingtaine d’annØes de fonctionnement entre 1985
et 1994.
cela s’ajoutent la centrale de Creys-Malville (SuperphØnix),
arrOEtØe en 1997, mais aussi les participations qu’EDF doit apporter
des
dØmantLlements actuels (usine de retraitement de Marcoule) ou futurs
(PhØnix, usine de retraitement de La Hague). En outre, chaque annØe,
EDF est concernØe par la production de dØchets consØcutive
l exploitation de ses centrales.
EDF est l’exploitant nuclØaire le plus important en France par le
nombre d’installations et la masse des dØchets
traiter. Toutes les
installations nuclØaires situØes en France relLvent de la sociØtØ-mLre,
c’est- -dire de l’Øtablissement public, transformØ en sociØtØ anonyme en
2004. A l’intØrieur d’une organisation matricielle, par ailleurs Øvolutive, la
branche «
nergies », avec ses 38 000 agents rØpartis en huit divisions, a
pour fonction d exploiter le parc de production et d assurer la vente sur le
marchØ de gros. Les questions relatives au dØmantLlement sont traitØes
par la division « IngØnierie NuclØaire » et celles affØrentes aux
combustibles et aux dØchets par la division « Combustible NuclØaire ».
B
L Andra, opØrateur pour la gestion des dØchets
1
Les missions de l’Andra
tablissement public
caractLre industriel et commercial, l Andra,
successeur d un ancien service spØcialisØ du CEA, a ØtØ crØØe par la loi
du 30 dØcembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des dØchets
radioactifs, un dØcret du 30 dØcembre 1992 fixant son organisation.
PlacØe sous la triple tutelle des ministLres chargØs
de l industrie, de
l environnement et de la recherche, l Agence est chargØe de la gestion
long terme des dØchets radioactifs destinØs
rester sur le territoire
national.
18
C
OUR DES COMPTES
Selon les termes du dernier contrat de plan quadriennal signØ le
6 juillet 2001 avec l Etat, l Agence exerce trois missions :
une mission industrielle consistant
mettre en
uvre les
solutions techniques et les filiLres de gestion
adaptØes
chaque catØgorie de dØchets radioactifs ;
une mission de recherche qui « recouvre les actions
permettant d explorer les modalitØs de gestion des dØchets
qui n ont pas encore trouvØ de devenir et de proposer des
solutions opØrationnelles
long terme » ;
une mission d information, dont l objectif principal est
d amØliorer
l objectivitØ
et
la
transparence
des
informations au profit du public
6
;
ce titre l’Agence doit
notamment
produire
un
inventaire
localisant
et
rØpertoriant l ensemble des dØchets radioactifs en France
ainsi que diverses publications, dont le rapport annuel de
l observatoire.
2
Organisation et fonctionnement
a)
Le conseil d'administration
Ancien service du CEA, l Andra s’est affranchie progressivement
de ses origines et doit trouver son Øquilibre institutionnel dans un
environnement complexe au sein duquel des intØrOEts divers s opposent.
La composition du conseil d administration de l’Agence, prØvue
par l article 2 du dØcret du 30 dØcembre 1992, reflLte cette diversitØ
d intØrOEts, puisqu’il comprend :
!
un
dØputØ
ou
un
sØnateur
dØsignØ
par
l office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques,
6
) Comme le montrent divers sondages rØalisØs au cours des derniLres annØes :
!
31% de la population estiment que le stockage est correctement assurØ en
France ,
!
65% des sondØs estiment qu on ne leur dit pas la vØritØ ( Credoc 2002, BVA
2001),
!
19% des Fran ais considLrent l’Andra comme une source fiable d’information
(Eurobarometer "Europeans and radioactive waste, April 2002).
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
19
!
six reprØsentants de l Etat nommØs sur proposition
respective des ministres chargØs de l Ønergie, de la
recherche, de l environnement, du budget, de la dØfense et
de la santØ,
!
cinq personnalitØs reprØsentant les activitØs Øconomiques
intØressØes par l action de l Øtablissement, dont une
proposØe par le ministre de la santØ,
!
deux personnalitØs qualifiØes dans les domaines relevant
de la compØtence de l Øtablissement dont une proposØe par
le ministre chargØ de l environnement,
!
sept reprØsentants des salariØs de l’Agence.
Dans la pratique, cette composition a conduit
une large
reprØsentation des producteurs de dØchets de la filiLre ØlectronuclØaire,
qui sont aussi les clients de l’Agence,
savoir le CEA, la Cogema, EDF et
Framatome ANP. Cette reprØsentation des producteurs joue un r le
positif de dialogue, mais devient contre-productive, lorsque ceux-ci
privilØgient leur position de client par rapport
celle de membre du
conseil d administration.
Par ailleurs, les difficultØs de dØsignation des membres du conseil
et de son prØsident sont dØsormais rØcurrentes, aboutissant
une situation
de vacance du pouvoir particuliLrement critiquable.
Ainsi, entre le mois d octobre 1997 et le mois de janvier 1999, soit
pendant 15 mois, le conseil d administration de l’Agence n a pu se rØunir
faute de dØsignation en temps opportun,
la suite d un dØsaccord entre
les autoritØs de tutelle. De mOEme, quatre annØes plus tard, une nouvelle
pØriode de vacance du pouvoir s’est ouverte par suite du non
renouvellement de l’ensemble des membres du conseil d’administration,
dont le mandat avait expirØ le 14 dØcembre 2003.
Enfin, la Cour a notØ que la dyarchie instaurØe par le dØcret
du
30 dØcembre 1992 est porteuse d un conflit potentiel entre le directeur
gØnØral et son prØsident, situation qu’a connue l’Agence dans le passØ.
20
C
OUR DES COMPTES
b)
Le financement
DØfinis au coup par coup, sans vue d ensemble, pour chaque
opØration, les multiples modes de financement de l’Agence constituent
aussi un handicap pour sa gestion.
Ainsi, pour le centre de stockage de l Aube (CSA), au terme d une
longue nØgociation, un mode de facturation a ØtØ trouvØ avec les
producteurs. Mais cet accord n assure pas un mode de financement
pØrenne et ne prØvoit pas le financement de la surveillance
long terme,
exclu de l assiette actuelle de la facturation. Le coût de la surveillance du
centre de stockage de la Manche (CSM) n est, quant
lui, assurØ que par
le renouvellement annuel d une convention qui prØvoit une facturation au
prorata des quantitØs stockØes. Un dispositif plus pØrenne est en cours
d Ølaboration.
Ensuite, les activitØs de recherche sur les dØchets
haute activitØ et
vie longue ne sont financØes que jusqu en 2006, celles concernant
d autres types de dØchets (radifLres graphites, alternatives graphites,
tritium) font l objet de dispositifs spØcifiques, de durØe limitØe, qui ne
prØvoient pas le passage
la phase industrielle.
Enfin, pour le centre de stockage des dØchets
trLs faible activitØ,
rØcemment ouvert, il n existe
ce jour aucune convention et l Andra a
assurØ le financement de cet Øquipement (40 M ) sur ses fonds propres.
La situation de trØsorerie favorable de l Andra, qui lui a jusqu
prØsent permis de s accommoder de ces modes de financement divers et
variØs, ne sera pas suffisante
l avenir pour garantir le financement des
investissements futurs.
Pour assumer le r le qui lui a ØtØ dØvolu par les pouvoirs publics
au sein de l aval de la filiLre du nuclØaire, l’Agence devrait pouvoir
bØnØficier d une continuitØ dans sa direction, ses organes dirigeants Øtant
nommØs en temps utile, et disposer d un plan de financement pluriannuel
couvrant ses diverses activitØs pour l ensemble de leurs phases de la
recherche
l industrialisation.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
21
II - Les pouvoirs publics
A
L’Office parlementaire d’Øvaluation des choix
scientifiques et technologiques
Le Parlement joue un r le clØ, puisque les questions les plus
importantes affØrentes au dØmantLlement et
l’assainissement relLvent ou
sont susceptibles de relever du domaine lØgislatif. En vertu du principe de
sØparation des pouvoirs, la Cour n’a Øvidemment pas
porter
d’apprØciation sur les travaux du Parlement, mais, sur un tel sujet, le
prØsent rapport se devait d Øvoquer le r le et l’action de l’Office
parlementaire d’Øvaluation des choix scientifiques et technologiques
(OPECST).
CrØØ par la loi du 8 juillet 1983, l’Office a pour mission
« d’informer le Parlement des consØquences des choix de caractLre
scientifique et technologique afin, notamment, d’Øclairer ses dØcisions ».
Pour ce faire, il « recueille des informations, met en oeuvre des
programmes d’Øtudes et procLde
des Øvaluations ». Les travaux des
rapporteurs de l’Office aboutissent
des rapports comportant des
conclusions utilisables pour le travail lØgislatif ou pour la discussion
budgØtaire.
Les rapports publiØs, depuis la crØation de l’Office, sont
particuliLrement nombreux en ce qui concerne le domaine nuclØaire,
puisqu’ils en reprØsentent le quart. La liste des sujets traitØs montre que la
question du dØmantLlement et des dØchets radioactifs s’est trouvØe
frØquemment au centre des prØoccupations.
En 1990, le rapport du dØputØ Christian Bataille sur la gestion des
dØchets nuclØaires
haute activitØ est
l’origine de la loi du 30 dØcembre
1991 relative aux recherches sur la gestion des dØchets radioactifs, elle-
mOEme connue sous le nom de « loi Bataille ». Les nombreux rapports sur
le contr le de la sûretØ et de la sØcuritØ des installations nuclØaires ont
mis l’accent sur plusieurs sujets, tels que le renforcement de l’autoritØ de
sûretØ, l’instauration de commissions locales d’information, les stratØgies
et le financement du dØmantLlement, les effets des faibles doses de
rayonnements ionisants, la gestion des dØchets radioactifs (en particulier
ceux dont l’activitØ est faible). Les rapports sur l’aval du cycle ont mis en
Øvidence le changement de stratØgie d’EDF concernant le retraitement des
combustibles usØs et posØ la question des consØquences qu’il fallait en
tirer sur les possibilitØs d’entreposage
long terme de ces combustibles.
Le rapport sur les consØquences des installations de stockage des dØchets
22
C
OUR DES COMPTES
nuclØaires sur la santØ publique et l’environnement plaide notamment
pour la mise en place d’un plan national de gestion des dØchets
radioactifs, qui permettrait d’amØliorer la lisibilitØ et l’efficacitØ globale
des initiatives des pouvoirs publics et des diffØrents exploitants,
proposition qui vient d’OEtre rØcemment reprise
7
.
Rapports publiØs de l’OPECST relatifs au domaine nuclØaire
1987 : ConsØquences de l’accident de la centrale nuclØaire de Tchernobyl et
organisation de la sûretØ et la sØcuritØ des installations nuclØaires - Rapport
de MM. Jean-Marie Rausch et Richard Pouille, sØnateurs
1990 : Gestion des dØchets nuclØaires
haute activitØ - Rapport de M.
Christian Bataille, dØputØ
1990 : Le contr le de la sûretØ et de la sØcuritØ des installations nuclØaires -
Rapport de MM. Claude Birraux, dØputØ, et Franck SØrusclat, sØnateur
1991/1992/1994/1996/1997/1998 : Le contr le de la sûretØ et de la sØcuritØ
des installations nuclØaires - Six rapports de M. Claude Birraux, dØputØ
1992 : La gestion des dØchets trLs faiblement radioactifs - Rapport de M.
Jean-Yves Le DØaut, dØputØ
1996/1997 : L’Øvolution de la recherche sur la gestion des dØchets nuclØaires
haute activitØ (tome I Les dØchets civils et tome II Les dØchets militaires) -
Rapports de M. Christian Bataille, dØputØ
1998/1999 : L’aval du cycle nuclØaire (tome I Etude gØnØrale et tome II Les
coûts de production de l ØlectricitØ) - Rapports de MM. Christian Bataille et
Robert Galley, dØputØs
2000 : ConsØquences des installations de stockage des dØchets nuclØaires sur
la santØ publique et l’environnement - Rapport de Mme MichLle Rivasi,
dØputØe
2000 : Analyse des incidents survenus
la centrale nuclØaire du Blayais,
enseignements sur le risque d’inondation des installations nuclØaires -
Rapport de M. Claude Birraux, dØputØ
2001 : La reconversion des stocks de plutonium militaire et l’utilisation des
aides accordØes aux pays d’Europe centrale et orientale et aux nouveaux Etats
indØpendants - Rapport de M. Claude Birraux, dØputØ
2001 : Les possibilitØs d’entreposage
long terme des combustibles
nuclØaires irradiØs - Rapport de M. Christian Bataille, dØputØ
2003 : DurØe de vie des centrales nuclØaires et les nouveaux types de
rØacteurs - Rapport de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, dØputØs.
7
) Voir infra p. 51 et s.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
23
Par le nombre de ses travaux dans le domaine nuclØaire, l’Office
est un des acteurs incontournables de l’information sur ces sujets. De
surcro t, la publication, dans le cadre de chaque rapport, du compte rendu
des auditions des personnes entendues permet de disposer d’une
information prØcieuse sur les positions officielles de chacun des acteurs
du nuclØaire.
Enfin, le r le de l’Office est en quelque sorte confortØ par la
dØsignation de certains de ses membres Ls qualitØs au conseil
d’administration d’Øtablissements publics tels que l’Andra et l’IRSN.
B
Les ministLres de tutelle
Cinq ministLres sont concernØs directement par les questions
nuclØaires : industrie, dØfense, Øcologie et dØveloppement durable,
recherche, santØ. Ils exercent souvent conjointement la tutelle des
Øtablissements publics concernØs.
Pour le nuclØaire civil, le ministLre chargØ de l’industrie est le plus
directement intØressØ : la direction gØnØrale de l’Ønergie et des matiLres
premiLres (DGEMP) est chargØe d’Ølaborer et de mettre en oeuvre les
dØcisions du Gouvernement, de contribuer aux travaux des organisations
internationales et communautaires et d’assurer la tutelle des entreprises
publiques du secteur. Le ministLre chargØ de la recherche joue un r le
Øminent de coordonnateur pour les recherches
mener dans le cadre de la
loi Bataille.
Pour le nuclØaire de dØfense, le ministLre de la dØfense est le
premier concernØ, tout en agissant en tant que de besoin en liaison avec
les autres ministLres intØressØs. Une organisation spØcifique est en place,
puisque le CEA est associØ au ministLre de la dØfense pour la rØalisation
des armements nuclØaires dans ce qu’il est convenu d’appeler l’« oeuvre
commune ». Dans le cadre de la rØpartition des compØtences, fixØe
pØriodiquement par le Premier ministre, le CEA exerce une activitØ de
ma tre d’ouvrage dØlØguØ pour tout ce qui concerne l’assainissement des
sites de recherche, de production ou d’entreposage des matiLres nuclØaires
destinØes au programme de dØfense.
C
Les autoritØs de sûretØ nuclØaire
La sûretØ des installations nuclØaires est dØfinie comme l’ensemble
des dispositions techniques prises aux stades de la conception, de la
construction, puis de l’exploitation et enfin du dØmantLlement pour :
24
C
OUR DES COMPTES
!
assurer, en situation normale, un fonctionnement et un Øtat
des installations (incluant les transports associØs, ainsi que
la gestion des effluents et des dØchets en rØsultant) sans
danger
pour
les
travailleurs,
les
populations
et
l’environnement,
!
prØvenir les situations accidentelles et en limiter les effets.
En France, la sûretØ des installations nuclØaires est fondØe sur le
principe de la pleine responsabilitØ de l’exploitant sous le contr le des
autoritØs de sûretØ, qui Øtaient, jusqu’au dØbut des annØes 2000, le
directeur de la sûretØ des installations nuclØaires (DSIN) pour les activitØs
nuclØaires civiles, et le Haut-Commissaire
l’Ønergie atomique pour les
activitØs relevant de la dØfense. ParallLlement, l’Institut de protection et
de sûretØ nuclØaire (IPSN) reprØsentait une force d’expertise et de
recherche au service des autoritØs de sûretØ, tout en restant une partie
intØgrante du CEA
En 1998, un comitØ interministØriel avait pris des dØcisions
relatives
l’aval du cycle et
la transparence nuclØaire :
un projet de loi devait crØer une autoritØ de sûretØ
nuclØaire sous la forme d’une autoritØ administrative
indØpendante,
les moyens et les compØtences de l’Office pour la
protection des rayonnements ionisants (OPRI), qui Øtait le
pendant de l’IPSN en matiLre de radioprotection, devaient
OEtre renforcØs,
les fonctions d’expertise et d’exploitant devant OEtre
dissociØes, l’IPSN devait OEtre sØparØ du CEA,
la transparence devant s’appliquer Øgalement au nuclØaire
militaire, le ministre de la dØfense devait faire des
propositions en ce sens.
En dØfinitive, le processus lØgislatif et rØglementaire a conduit
des solutions diffØrentes, les projets finissant par aboutir, mais dans un
ordre dispersØ et seulement en partie.
En 1999, le projet de loi initialement prØvu a ØtØ ØcartØ
la suite
des analyses du Conseil d’Etat selon lesquelles il n’Øtait pas possible de
donner
une autoritØ administrative indØpendante des pouvoirs de police
et de rØglementation relevant de l’Etat.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
25
Par la suite, la loi du 9 mai 2001 crØant une Agence fran aise de
sØcuritØ sanitaire environnementale a, dans son titre III
Dispositions
diverses
, rØuni l’OPRI (en ce qui concerne ses activitØs d’expertise et
l’exclusion de ses activitØs
caractLre rØgalien) et l’IPSN au sein d’un seul
et mOEme Øtablissement public : l’Institut de radioprotection et de sûretØ
nuclØaire (IRSN). Cet Institut ne verra rØellement le jour qu’avec son
dØcret constitutif en date du 22 fØvrier 2002, et son premier prØsident ne
sera nommØ qu’en janvier 2003,
la suite de dØsaccords entre autoritØs de
tutelle, situation qui semble OEtre un sort partagØ en matiLre de nomination
dans les Øtablissements publics du secteur nuclØaire.
ParallLlement, le dØcret du 5 juillet 2001 relatif
la sûretØ et
la
radioprotection des installations et activitØs nuclØaires intØressant la
dØfense a crØØ auprLs des ministres chargØs de la dØfense et de l’industrie
un dØlØguØ
la sûretØ nuclØaire et
la radioprotection pour les activitØs et
installations intØressant la dØfense (DSND). Le dØcret traite de
l’organisation de la sûretØ et de la radioprotection, de l’information et des
dispositions applicables aux INBS ; il prend en compte pour les activitØs
intØressant la dØfense la rØunion dans les mains d’une mOEme autoritØ des
activitØs de radioprotection et de sûretØ nuclØaire.
PubliØ le mOEme jour que celui de l’IRSN, un dØcret du 22 fØvrier
2002 modifiant le dØcret de 1993 relatif
l’organisation du ministLre de
l’industrie a crØØ la direction gØnØrale de la sûretØ nuclØaire et de la
radioprotection (DGSNR), qui a re u, en sus de ses attributions en
matiLre de sûretØ, les compØtences dØvolues
l’OPRI en matiLre de
contr le et de recherche des infractions.
Le service central de sûretØ des installations nuclØaires, crØØ en
1973, devenu direction (DSIN) en 1991 et ØrigØ en direction gØnØrale
(DGSNR) en 2002, n’a donc pas acquis le statut d’autoritØ administrative.
NØanmoins, cette instance utilise depuis plus de dix ans l’appellation
Autorité de sûreté nucléaire
et le sigle
ASN
dans sa communication
8
. De
fait, cette direction d’administration centrale se comporte, apparemment
sans obstacle, comme une autoritØ indØpendante, comportement facilitØ
par une remarquable continuitØ, puisque la mOEme personne est
sa tOEte
depuis 1993. Cette situation suscite nØanmoins des inquiØtudes de la part
de ceux qui craignent que l’indØpendance de cette AutoritØ soit plus liØe
la personnalitØ de son directeur gØnØral qu
son statut.
8
) On utilisera dans la suite du rapport le sigle ASN pour dØsigner la DGSNR.
26
C
OUR DES COMPTES
D
Les diffØrents comitØs, conseils
et instances de
concertation au plan national
Le nuclØaire, par sa complexitØ, est le domaine par excellence des
comitØs et commissions de toute nature, la question du dØmantLlement et
des dØchets nuclØaires Øtant mOEme parfois
l’origine de la crØation de ces
instances.
Le ComitØ de l’Ønergie atomique, prØsidØ par le Premier ministre,
un ministre ou
dØfaut par l’administrateur gØnØral du CEA, est une
instance
regroupant
les
reprØsentants
des
principaux
ministLres,
institutions et organismes concernØs par la politique nuclØaire de la
France et qui a pour but d’aider
la dØfinir. C’est
la suite d’une sØance
du ComitØ du dØbut de l’annØe 2003 qu’un plan global d’action a ØtØ
dØcidØ par le Gouvernement en vue de prØparer l’ØchØance lØgislative de
2006 pour les dØchets radioactifs.
La Commission interministØrielle des installations nuclØaires de
base (CIINB), crØØe par le dØcret du 11 dØcembre 1963 relatif aux
installations nuclØaires de base, est le plus ancien des acteurs de la sûretØ
nuclØaire. C’est un organe consultatif qui donne son avis sur les demandes
d’autorisation de crØation ou de modification d’installations nuclØaires de
base et sur les prescriptions particuliLres applicables
chacune de ces
installations.
ce titre, elle est donc un acteur indispensable de la
procØdure de dØmantLlement des installations arrOEtØes ou d’autorisation
pour les installations de stockage de dØchets radioactifs.
Parmi les instances crØØes spØcialement pour contribuer
la mise
en oeuvre de solutions pour les dØchets radioactifs, il faut citer le ComitØ
de suivi des recherches sur l’aval du cycle (Cosrac) et la Commission
nationale d’Øvaluation prØvue
l’article 4 de la loi du 30 dØcembre 1991
9
pour prØparer le rapport annuel que le Gouvernement adresse au
Parlement pour faire Øtat de l’avancement des recherches sur la gestion
des dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie longue.
CrØØ en 1973, le Conseil supØrieur de la sûretØ et de l’information
nuclØaires (CSSIN) est un organisme consultatif placØ auprLs des
ministres chargØs de l’industrie et de l’environnement et dont la mission
s’Øtend
l’ensemble des questions touchant
la sûretØ nuclØaire et
l’information du public. Le destin de cet organisme est liØ
celui du
projet de loi sur la transparence nuclØaire ØvoquØ dans la troisiLme partie
du prØsent rapport. Depuis la fin du mandat de ses 37 membres en
9
) Article L.542-3 du code de l’environnement.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
27
septembre 2003, le Conseil ne se rØunit plus, en l’absence de
renouvellement.
En dØfinitive, la multitude des organismes concernØs prive
l organisation d une bonne partie de sa lisibilitØ.
III - Les acteurs internationaux
Dans le domaine nuclØaire les acteurs internationaux sont
nombreux.
Au
niveau
mondial,
on
Øvoquera
le
r le
l Agence
internationale de l Ønergie atomique (AIEA) et de l Agence pour
l Ønergie nuclØaire (AEN). Pour l Europe, l Ølargissement rØcent de
l Union europØenne a conduit la Commission
proposer de nouvelles
directives afin d unifier les conditions de sûretØ des exploitations
nuclØaires en Europe.
A
L Agence internationale de l Ønergie atomique
CrØØe en 1957, l AEIA est une agence de l Organisation des
Nations Unies qui regroupe actuellement 133 membres. Forte d un
personnel de 2200 personnes et d un budget de l ordre de 268 M$, les
principales missions de l agence, toutes relatives au nuclØaire civil, sont
de trois ordres : assistance aux membres, Ølaboration de normes et
surveillance.
L AEIA assiste les Etats membres dans le dØveloppement et
l utilisation de l Ønergie atomique civile pour la production d ØlectricitØ.
Elle favorise les transferts de connaissances et de technologies.
Elle dØveloppe des standards et normes de sØcuritØ permettant
d atteindre un haut niveau de sØcuritØ tant pour la protection de la santØ
humaine que de l environnement : les Etats membres peuvent utiliser ces
textes comme bases de leur rØglementation nationale. Cette activitØ est
supervisØe, depuis 1996, par une commission sur les normes de sûretØ
dØnommØe aussi CSS « commission on safety standards » - composØe
des reprØsentants des autoritØs de sûretØ des 16 pays membres de cette
commission. La France y est
reprØsentØe par le directeur gØnØral de la
sûretØ nuclØaire et de la radioprotection.
La CSS supervise quatre comitØs chargØs d Ølaborer des normes de
sûretØ dans les domaines de la sûretØ des rØacteurs, de la radioprotection,
de la sûretØ des transports de matiLres nuclØaires et de la sûretØ de la
gestion des dØchets radioactifs. Elle vØrifie par des inspections que les
28
C
OUR DES COMPTES
Etats remplissent leurs obligations de non prolifØration
et font un usage
pacifique de leurs installations nuclØaires.
A la suite de l accident de Tchernobyl, une convention sur la sûretØ
nuclØaire a ØtØ nØgociØe. EntrØe en vigueur en octobre 1996, elle avait ØtØ
ratifiØe,
fin 2003, par 54 pays, dont 29 ayant au moins un rØacteur
ØlectronuclØaire en service. Ses diffØrents articles dØcrivent un certain
nombre de bonnes pratiques en
la matiLre et les Øtats signataire
s engagent
fournir un rapport dØcrivant la maniLre dont ils appliquent
ces recommandations. Ces rapports sont examinØs lors d une rØunion de
revue, dont la derniLre a eu lieu
Vienne en 2002 sous l Øgide de
l Agence. Une prochaine rØunion est prØvue en avril 2005.
La convention commune sur la sûretØ de la gestion du combustible
usØ et sur la sûretØ de la gestion des dØchets radioactifs complLte dans ces
domaines particuliers la convention prØcØdente. Cette convention, ratifiØe
par 33 pays dont la France
fin 2003, est entrØe en vigueur le 18 juin
2001. Les Etats signataires doivent produire un rapport, dont la
thØmatique est imposØe par le traitØ. Pour la France, l ASN a rØdigØ le
premier rapport en 2003. On notera que ce rapport trLs complet a donnØ
lieu
plus de deux cents questions Ømanant de vingt pays. La rØunion
d examen des deuxiLmes rapports nationaux est programmØe en mai
2006.
B
L Agence pour l Ønergie nuclØaire (AEN)
L AEN
est
une
agence
spØcialisØe
de
l Organisation
de
coopØration et de dØveloppement Øconomique (OCDE).
La mission de cette agence est d aider les pays membres
maintenir et
approfondir, par l intermØdiaire de la coopØration
internationale, les bases scientifiques, technologiques et juridiques
indispensables
une utilisation sûre, respectueuse de l environnement et
Øconomique de l Ønergie nuclØaire
des fins pacifiques. L Agence
emploie 72 personnes, son budget est de 9,5 M
pour le secrØtariat
gØnØral et de 2,6 M
pour la constitution et la maintenance d une banque
de donnØes.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
29
Aujourd hui l AEN compte 28 pays membres, reprØsentant environ
85% de la capacitØ nuclØaire mondiale. Ses principaux domaines de
travail portent sur :
!
la sûretØ et la rØglementation nuclØaire,
!
le dØveloppement de l Ønergie nuclØaire,
!
la gestion des dØchets radioactifs,
!
la radioprotection et la santØ publique,
!
le droit et responsabilitØ nuclØaire.
Le secrØtariat de l AEN coordonne les activitØs de plusieurs
comitØs techniques permanents spØcialisØs, travaillant sous la conduite du
comitØ de direction de l Ønergie nuclØaire, qui rend directement compte
au conseil de l OCDE.
Selon un plan stratØgique ØlaborØ pour les cinq ans
venir,
l objectif gØnØral poursuivi consiste
« aider les pays membres
maintenir et
dØvelopper les connaissances, les compØtences et les
infrastructures afin de favoriser la sûretØ de l exploitation, ainsi qu une
rØglementation efficace et rØelle des centrales nuclØaires et des
installations du cycle du combustible en s appuyant sur des informations
techniques fiables, le partage d expØriences et les mØthodes les plus
jour ».
L Agence est notamment un lieu de partage d informations et de
mise en commun de certaines recherches permettant de dØgager des
positions communes dites « opinions collectives » sur des problLmes
techniques ou des questions de politique ØnergØtique.
C
L Union europØenne
1
Les Øvolutions du contexte europØen
L Ønergie nuclØaire produite par 155 rØacteurs reprØsente au sein
de l Union europØenne Ølargie un tiers de la consommation d ØlectricitØ.
Le livre vert intitulØ « Vers une stratØgie europØenne de sØcuritØ
d approvisionnement ØnergØtique », adoptØ par la Commission le
29 novembre 2000, engageait le dØbat sur l avenir du nuclØaire dans
l Union. Le rapport final, adoptØ par la commission le 26 juin 2002,
disposait que : « l Øventail des choix des
tats membres doit demeurer
le plus large possible. L option nuclØaire demeure ouverte dans les
tats
de l Union europØenne qui le dØsireraient ».
30
C
OUR DES COMPTES
Les activitØs nuclØaires civiles sont rØgies dans l Union par le traitØ
Euratom, signØ en 1957. Ce traitØ a crØØ une agence d approvisionnement
chargØe de veiller
l approvisionnement rØgulier et Øquitable des Etats
membres en matiLres nuclØaires et a organisØ, parallLlement, un contr le
de sØcuritØ d Euratom, chargØ de vØrifier que les matiLres nuclØaires ne
sont pas dØtournØes vers des usages illicites.
Si le traitØ Euratom a donnØ lieu
de nombreuses dispositions
normatives en matiLre de radioprotection, il n en a pas ØtØ de mOEme,
paradoxalement, pour la sûretØ et la sØcuritØ des installations nuclØaires.
L Ølargissement de l Union europØenne au 1
er
mai 2004 a encore
renforcØ la diversitØ des situations rencontrØes dans les Etats membres.
Ces dix nouveaux adhØrents exploitent une vingtaine de rØacteurs dont
certains ont ØtØ arrOEtØs pour des raisons de sØcuritØ et d autres ont fait
l objet de mises
niveau technique afin de prØsenter un niveau de sûretØ
identique aux rØacteurs des anciens Øtats membres. Ces opØrations de
mise
niveau technique ont ØtØ conduites dans le cadre d un programme
- programme PHARE -
financØ par l Union.
Globalement, la position de l ensemble des Etats membres vis- -
vis du nuclØaire est diverse : parmi les anciens
tats membres, certains
ont annoncØ un moratoire, d autres ont pris la dØcision d arrOEter leurs
rØacteurs
la fin de la durØe de vie, tandis que deux Etats ont pris la
dØcision de construire un nouveau rØacteur
10
. Parmi les nouveaux
tats
membres, certains ont pris l’engagement vis- -vis de l’Union europØenne
d’arrOEter leurs rØacteurs nuclØaires peu sûrs, mais leurs positions sur
l’avenir du nuclØaire sont trLs nuancØes.
Dans ce contexte, il est naturel que les autoritØs europØennes aient
cherchØ
complØter des dispositions lacunaires ainsi que l avaient
demandØ le Conseil europØen lors des rØunions de Cologne en 1999 et de
Laeken en 2001 et le Parlement europØen,
la suite du rapport Rübig, en
2002.
10
) L Italie est sortie du nuclØaire
la suite du rØfØrendum de 1987 ; l Allemagne a
annoncØ sa dØcision d arrOEter ses derniers rØacteurs en 2021 ; la Belgique envisage
une telle solution en 2025 ; l Espagne, les Pays-Bas et la SuLde ont prØvu de
poursuivre la production jusqu
la date de caducitØ de leurs rØacteurs ; la Finlande, la
France et le Royaume-Uni continuent la production ØlectronuclØaire, la Finlande et la
France ayant chacune fait le choix de construire un nouveau rØacteur de type EPR.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
31
2
Les propositions de directives europØennes
Deux propositions de directives, fondØes sur le chapitre 3 du traitØ
Euratom, ont ØtØ ØlaborØes en 2003 par la Commission, l une relative aux
obligations de base et aux principes gØnØraux dans le domaine de la
sûretØ des installations nuclØaires, l autre relative
la gestion du
combustible nuclØaire irradiØ et aux dØchets radioactifs. Le Parlement
europØen a critiquØ un certain nombre de dispositions contraignantes
envisagØes par la Commission dans son avis de la fin de l’annØe 2003. En
juin 2004, le Conseil europØen a rejetØ les projets de la Commission, qui a
fait de nouvelles propositions en septembre 2004.
a)
La proposition de directive relative à la
sûreté des installations
nucléaires en exploitation et en cours de démantèlement
La proposition de directive de la Commission dØfinissant les
obligations de base et les principes gØnØraux dans le domaine de la sûretØ
des installations nuclØaires comprend trois types de dispositions,
destinØes
garantir un niveau de sûretØ de haut niveau et homogLne dans
les Etats membres de l Union.
Des normes communes
L objectif de la directive n est pas de formuler des normes
techniques dØtaillØes qui existent dØj
au niveau des
tats, mais de dØfinir
des principes d organisation de base permettant une gestion adØquate de
la sûretØ. Le projet de texte propose de rendre contraignantes pour les
tats membres les dispositions prØvues par la convention sur la sûretØ
nuclØaire de l AIEA, qui fixe un cadre juridique prØcis constituant la base
d un systLme de gestion de la sûretØ nuclØaire. Ces dispositions seraient
Øtendues
l ensemble des installations nuclØaires civiles alors que les
dispositions
de
la
convention
ne
concernent
que
les
centrales
ØlectronuclØaires.
La mise en place d’un système d’évaluations indépendantes
Le systLme d Øvaluation proposØ repose sur les compØtences d une
autoritØ de sûretØ nationale que chaque
tat membre doit crØer. Cette
autoritØ, qui doit OEtre indØpendante de « tout organisme ou organisation
privØ ou public, chargØ de la promotion ou de l utilisation de l Ønergie
nuclØaire », a pour r le d Øtablir une rØglementation de la sûretØ des
installations, depuis le choix du site jusqu au dØmantLlement, et d en
contr ler l application.
32
C
OUR DES COMPTES
Dans une premiLre version, ce systLme Øtait complØtØ par la
possibilitØ de faire appel
des experts nationaux afin de rØaliser des
contr les dont le programme serait dØfini par la Commission. Dans le
dernier Øtat de la proposition de directive, le contr le de la Commission
s’attachera
vØrifier la fa on dont les autoritØs de sûretØ s’acquittent de
leur mission, sans avoir pour vocation d’aller vØrifier in situ les conditions
de sûretØ des installations nuclØaires.
Des ressources financières adéquates
Le maintien d un haut niveau de sûretØ suppose que les ressources
financiLres adØquates soient mobilisØes pendant l exploitation des
installations nuclØaires mais aussi pour assurer un dØmantLlement sûr de
celles-ci en fin de vie. En outre, dans un marchØ de l ØlectricitØ chaque
jour davantage ouvert
le concurrence, la non constitution de rØserves
pour dØmantLlement ou l utilisation de ces rØserves
d autres fins
pourraient crØer des distorsions de concurrence entre producteurs au sein
de la CommunautØ.
La premiLre proposition de directive prØvoyait que des fonds de
dØmantLlement externes aux exploitants devaient OEtre constituØs et
rØpondre
un certain nombre de critLres, tels que celui de la personnalitØ
juridique propre.
Sur cette question trLs controversØe de la
constitution de fonds de
dØmantLlement spØcifiques, la proposition de directive initiale admettait
dØj
la possibilitØ de ne pas constituer de tels fonds « dans des cas
exceptionnels et dûment justifiØs »
condition que la disponibilitØ des
actifs soit garantie. La question des fonds de dØmantLlement n est plus
traitØe dans la nouvelle version.
b)
La proposition de directive sur les déchets radioactifs
Dans ce domaine la proposition de directive comporte deux axes :
la mise en
uvre obligatoire d un programme de gestion des dØchets
radioactifs et un effort accru en matiLre de recherche et dØveloppement.
Le programme de gestion des déchets radioactifs
La proposition de directive prØvoit que les
tats membres
dØfinissent un programme de gestion des dØchets radioactifs ou du
combustible irradiØ couvrant toutes les Øtapes de la gestion. Elle insiste
sur la gestion
long terme en prØvoyant l obligation d Øtablir un
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
33
calendrier prØcis pour chacune des Øtapes du processus dØcrites dans
l annexe relative
l Øvacuation des dØchets radioactifs.
La Commission europØenne a tentØ d imposer aux
tats membres
un calendrier prØvoyant notamment que l autorisation d exploitation d un
entrep t de stockage en couches gØologiques profondes devait OEtre
accordØe au plus tard en 2018, l option d un entreposage
durØe
indØterminØe en surface ou subsurface n Øtant pas considØrØ comme un
exutoire acceptable. La Commission considLre en effet, suivant en cela un
large
consensus
international,
que
l enfouissement
en
couches
gØologiques profondes constitue, en l Øtat actuel des technologies, la
meilleure option possible. Les difficultØs rencontrØes par tous les pays
pour
crØer
des
entrep ts
de
stockage
profond
et
le
caractLre
particuliLrement sensible de ces sujets sur l opinion, pouvaient, dØs
l origine, faire douter du caractLre rØaliste d un tel calendrier uniforme et
contraignant. A la suite des dØbats devant le Parlement europØen, la
Commission a finalement renoncØ
fixer des ØchØances prØcises dans la
directive, maintenant toutefois l exigence que les plans nationaux de
gestion en comportent
11
.
Un effort accru en matière de recherche développement
La proposition de directive prØvoit que les programmes nationaux
de gestion devront prendre en compte la recherche et le dØveloppement
technologique dans le domaine des dØchets radioactifs. Il est en effet
essentiel que les efforts consentis pour l enfouissement en couches
gØologiques profondes ne se fassent pas au dØtriment de nouvelles
technologies permettant de rØduire volume et toxicitØ des dØchets.
Enfin, les
tats seraient soumis
des obligations dØclaratives
prenant la forme d un
rapport triennal, dont la Commission assurerait
une synthLse permettant d Øtablir un rapport sur l Øtat de la gestion du
combustible usØ et des dØchets radioactifs dans l Union.
En dØfinitive,
la diffØrence des projets initiaux, le nouveau «
paquet nuclØaire rØvisØ » n’aura pas d’incidence significative pour ce qui
concerne la France, qui met dØj
en
uvre l essentiel des diverses
prØconisations.
11
) Version rØvisØe des deux textes du 8 septembre 2004.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
35
Chapitre II
Panorama des installations
nuclØaires et des dØchets radioactifs
36
C
OUR DES COMPTES
Les activitØs nuclØaires sont dØfinies par le code de la santØ
publique comme « les activitØs comportant un risque d’exposition des
personnes aux rayonnements ionisants », Ømanant soit d’une source
artificielle soit d’une source naturelle : de telles activitØs sont menØes dans
des « installations nuclØaires de base » (INB) mais aussi dans le cadre
d’activitØs de transport de matiLres radioactives et fissiles, ou de
production et d’utilisation de rayonnements ionisants dans les h pitaux,
les laboratoires et l’industrie. Ces activitØs produisent nØcessairement des
dØchets, rØpartis sur le territoire national, mais dont les plus radioactifs
sont concentrØs au sein des INB, plus de 90 % de cette radioactivitØ Øtant
concentrØ dans les usines de retraitement de La Hague et de Marcoule.
I - Les installations nuclØaires en France
A
Les installations nuclØaires civiles
Le dØcret du 11 dØcembre 1963 relatif aux installations nuclØaires
ØnumLre les catØgories d’installations nuclØaires de base (INB) :
les rØacteurs nuclØaires,
l’exception de ceux qui font
partie des moyens de transport ;
les accØlØrateurs de particules rØpondant
certaines
caractØristiques fixØes par arrOEtØ ;
les
usines
de
prØparation,
de
fabrication
ou
de
transformation de substances radioactives, par exemple les
usines de prØparation des combustibles nuclØaires, de
sØparation des isotopes des combustibles nuclØaires, de
traitement
des
combustibles
nuclØaires
irradiØs
de
traitement des dØchets radioactifs ;
les installations destinØes au stockage au dØp t ou
l’utilisation de substances radioactives, y compris les
dØchets.
Ce dØcret a eu pour but d’encadrer de fa on trLs stricte les
conditions de crØation d’une INB, en imposant notamment une enquOEte
publique prØalable
une autorisation elle-mOEme donnØe par dØcret.
Toutes les installations crØØes avant 1963 ont ØtØ dispensØes de la
procØdure d’autorisation et ce n’est qu’en 1990 que le principe de
cessation d’activitØ a ØtØ pris en compte par une modification du dØcret de
1963, qui a introduit les notions de mise
l’arrOEt dØfinitif et de
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
37
dØmantLlement des INB. La mise
l’arrOEt dØfinitif donnait Øgalement lieu
un dØcret d’approbation sans que la suite des opØrations soit bien
dØterminØe : il en rØsultait des situations intermØdiaires conduisant
un
fractionnement des opØrations, la mise
l’arrOEt Øtant suivie par des
crØations d’INB intermØdiaires donnant elles-mOEmes lieu
des dØcrets. La
procØdure a ØtØ amØliorØe
cet Øgard en 2002 : la mise
l’arrOEt dØfinitif
d’une installation fait maintenant l’objet d’un dØcret d’autorisation de
dØmantLlement pris sur la base d’un scØnario complet d’opØrations dont le
but est d’aboutir
un dØclassement de l’installation.
De 1965
2002, 17 INB ont fait l’objet d’un dØclassement
dØfinitif ;
la fin de l’annØe 2003, on pouvait recenser
125 INB
rØparties
ainsi qu’il suit entre les principaux exploitants :
RØpartition des INB par exploitant au 31 dØcembre 2003
CEA
Cogema
Framatome
EDF
Andra
Autres
Total
En activitØ
30
15
2
47
2
7
103
ArrOEt dØfinitif
11
2
8
1
22
Total INB
41
17
2
55
2
8
125
Source : tableau établi par la Cour d'après les données du rapport 2003 de l'ASN
Les INB recensØes sont d’importance trLs variable, mais ce tableau
montre que la quasi-totalitØ des installations est rØpartie entre le CEA, la
Cogema et EDF. Les INB du CEA sont, pour l’essentiel, des rØacteurs
consacrØs
la recherche et des laboratoires utilisant des substances
radioactives ; celles des sociØtØs des groupes Cogema et Framatome sont
des usines de transformation de matiLres et de fabrication de combustible
nuclØaire ; celles d’EDF correspondent aux rØacteurs des centrales
nuclØaires, Øtant prØcisØ que les INB comprennent un seul ou deux
rØacteurs, selon que ceux-ci ont ØtØ mis en service sØparØment ou
ensemble
12
; les deux INB de l’Andra sont des centres de stockage de
dØchets ; enfin, sous la rubrique
Autres
13
figurent diverses INB
appartenant notamment au CNRS ou
deux sociØtØs privØes.
Sur les 125 INB recensØes, 22 sont des installations dØj
arrOEtØes
mais dont le dØmantLlement est en cours : le CEA est particuliLrement
12
) Ce qui explique qu’avec 58 rØacteurs en activitØ, EDF n’ait que 47
INB.
13
) Sous cette rubrique, figurent un accØlØrateur de particules du CNRS, le grand
accØlØrateur national d ions lourds gØrØ par le GIE Ganil
paritØ CNRS/CEA, le
rØacteur de l universitØ de Strasbourg (aujourd hui arrOEtØ) et 5 installations
d ionisations.
38
C
OUR DES COMPTES
concernØ par cette situation ; quant
EDF, les huit installations arrOEtØes
correspondent
ses centrales dites de premiLre gØnØration.
La liste des 125 INB montre que les charges futures de
dØmantLlement, qui interviendront dans les 50 annØes
venir, ne
concernent quasiment que des Øtablissements ou sociØtØs actuellement
directement ou indirectement dØtenus en totalitØ ou majoritairement par
l’ tat.
B
Les installations nuclØaires intØressant la dØfense
L’article 17 du dØcret de 1963 relatifs aux installations nuclØaires
dispose que les INB intØressant la dØfense nationale, classØes secrLtes par
le Premier ministre sur proposition du ministre de la dØfense ou du
ministre chargØ de l’industrie, cessent d’OEtre soumises
ses propres
dispositions
compter de la dØcision de classement. Les INB classØes
secrLtes, couramment dØnommØes « INBS » sont actuellement rØgies par
le dØcret n
2001-592 du 5 juillet 2001 relatif
la sûretØ et
la
radioprotection des installations et activitØs nuclØaires intØressant la
dØfense.
Ce dØcret, dont l’objet pour la dØfense est beaucoup plus large que
le dØcret de 1963, distingue :
les INBS,
les systLmes d’armes destinØs
mettre en oeuvre une arme
nuclØaire et les navires
propulsion nuclØaire,
les sites et installations d’expØrimentation nuclØaire,
le transport des matiLres fissiles ou radioactives.
la diffØrence des INB, les INBS sont dØfinies par leur pØrimLtre,
ce qui a pour consØquence de donner le caractLre secret
l’ensemble des
installations se trouvant dans le pØrimLtre. Si on constate un certain
parallØlisme des formes entre les procØdures applicables aux INB et aux
INBS, la procØdure est marquØe par le secret : il n’y a pas enquOEte
publique, le dØcret d’autorisation n’est pas forcØment publiØ et aucun
dØcret n’est nØcessaire pour entamer la phase de dØmantLlement.
Chaque
INBS
comporte
gØnØralement
un
certain
nombre
d’installations, qui constitueraient elles-mOEmes autant d’INB dans le
secteur civil. Leur situation juridique est, au surplus, trLs variØe, le
propriØtaire et l’exploitant n’Øtant pas toujours les mOEmes entitØs, qu’il
s’agisse de la Cogema, de Technicatome, ou du CEA.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
39
Le site de Marcoule dans le Gard est
cet Øgard exemplaire. En
effet, le pØrimLtre de l’INBS comporte toute une sØrie d’installations, dont
certaines ont en rØalitØ la qualitØ d’INB.
l’intØrieur de ce pØrimLtre on
trouve notamment :
o
le rØacteur G1, premier rØacteur nuclØaire fran ais de la
filiLre UNGG, arrOEtØ depuis 1968 et toujours en cours de
dØmantLlement, anciennement exploitØ par le CEA, ce
dernier Øtant propriØtaire des installations ;
o
les rØacteurs G2 et G3, en cours de dØmantLlement, arrOEtØs
respectivement depuis 1980 et 1984 et anciennement
exploitØs par la Cogema, le CEA Øtant propriØtaire des
installations ;
o
l’usine UP1 de retraitement de combustibles plutonigLnes,
en cours de mise
l’arrOEt dØfinitif, la Cogema Øtant le
propriØtaire et l’exploitant ;
o
les rØacteurs tritigLnes CØlestin et l’atelier tritium, qui
produisent du gaz tritium pour les besoins de la dØfense
nationale, exploitØs par la Cogema, le CEA Øtant
propriØtaire.
Une grande partie des INBS est financØe pour leur fonctionnement,
voire leur dØmantLlement, par le CEA agissant pour le compte du
ministLre de la dØfense, qui lui transfLre des crØdits
cet effet. Ces INBS
se trouvent rØparties entre Marcoule, Pierrelatte, Miramas, Cadarache et
les diffØrents centres de la direction des applications militaires du CEA.
S’agissant de la compØtence des AutoritØs de sûretØ (ASN ou
DSND), c’est la qualification d’INB ou d’INBS qui entra ne la compØtence
de l une ou de l autre. Ainsi, le DSND est compØtent pour le
dØmantLlement d’une INBS, tant que celle-ci n’a pas ØtØ dØclassØe en
INB. Cette compØtence s’appliquera Øgalement aux dØchets radioactifs
entreposØs dans l’INBS. En revanche, en ce qui concerne le stockage
ultime, assurØ par l’Andra, qui est une INB, c’est l’ASN qui est
compØtente, car,
ce stade on ne distingue plus les dØchets selon leur
origine. C’est une des raisons pour lesquelles la transformation en INB
d’une INBS avant le dØbut de son dØmantLlement serait a priori
souhaitable pour Øviter les chevauchements de compØtences ; une autre
raison tient
l’expØrience acquise par l’ASN dans le domaine du
dØmantLlement, car, comme on le verra dans la deuxiLme partie, il n’y a
pas de diffØrence substantielle entre le dØmantLlement de l’usine de
retraitement de Marcoule, classØe INBS, et celui des usines de
retraitement de La Hague, classØes INB.
40
C
OUR DES COMPTES
II - Les dØchets radioactifs en France
En France, au-del
des dØfinitions officielles, des divergences
existent sur la notion de dØchets radioactifs ; les volumes des diffØrentes
catØgories de dØchets ne sont pas toujours connus avec prØcision ; la trLs
grande diversitØ des producteurs de dØchets est aussi une caractØristique,
que doit gØrer l Andra ; enfin, la destination future des combustibles
irradiØs, qui, en France, ne sont pas des dØchets, reste,
ce jour,
indØterminØe.
A
Une notion aux limites encore mal dØfinies
1
La dØfinition juridique
Tant au niveau international qu au niveau national,
plusieurs
dØfinitions de la notion de dØchets radioactifs coexistent.
Pour l’AIEA, « les dØchets radioactifs s entendent des matiLres
radioactives sous forme gazeuse, liquide ou solide pour lesquelles aucune
utilisation ultØrieure n est prØvue [ ] et qui sont contr lØes en tant que
dØchets radioactifs par un organisme de rØglementation »
14
. Pour l Union
europØenne, est un dØchet radioactif « toute matiLre contenant des
radionuclØides ou contaminØe par des radionuclØides et pour laquelle
aucune utilisation n est prØvue »
15
.
14
) AIEA, convention sur la sûretØ du combustible usØ et sur la sûretØ des dØchets
radioactifs, 5 septembre 1997.
15
) Directive n 92/3 Euratom du 3 fØvrier 1992 relative
la surveillance et au
contr le des transferts de dØchets radioactifs.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
41
DØfinition et mesures de la radioactivitØ
La radioactivitØ est la transformation spontanØe d un noyau atomique
au cours de laquelle ce dernier Ømet un rayonnement ionisant, qui peut OEtre
constituØ de particules
α
(noyaux d’hØlium),
β
(positons Ølectrons) et d un
rayonnement
γ
(photons de haute Ønergie). Les rayonnements
α
et
β
sont
des flux de particules matØrielles susceptibles d’OEtre respectivement arrOEtØs
par une feuille de papier et une feuille d’aluminium, tandis que le
rayonnement
γ
est constituØ de petits grains d’Ønergie sans masse, trLs
pØnØtrants, qui ne peuvent OEtre arrOEtØs que par plusieurs dØcimLtres de
plomb ou de bØton.
Le
Becquerel
(Bq) mesure l’activitØ et correspond au nombre de
dØsintØgrations par seconde de la source de rayonnement ; le
Gray
(Gy)
mesure la dose absorbØe et correspond
l’Ønergie du rayonnement re u (la
dose Gray est ce que mesure un dosimLtre) ; le
Sievert
(Sv) mesure
l’Øquivalent de dose absorbØe et correspond
l’effet de l’irradiation re ue,
qui varie selon le type de rayonnement et la partie de l organisme atteinte
par contact ou par ingestion. Avec le Sv on mesure les effets biologiques
produits par l’Ønergie re ue et pondØrØe par le type de rayonnement, la durØe
d’exposition et la sensibilitØ de l’organisme ou organe atteint. De 1982
2003, la rØglementation imposait une dose maximale annuelle (pour le corps
entier) de 5 mSv (millisiviert) pour le public et de 50 mSv pour les
travailleurs du nuclØaire ; la dose maximale prØvue pour le public n’inclut
pas celle qui rØsulte du rayonnement naturel (2 mSv/an en moyenne), ni
l’irradiation mØdicale moyenne (environ 1 mSv/an). Depuis 2003, les doses
maximales respectives, pour le public et les travailleurs
sont de1 mSv et de
20 mSv/an
En France, la loi du 15 juillet 1975 relative
l Ølimination des
dØchets et
la rØcupØration des matØriaux dØfinit la notion gØnØrique de
dØchet : « tout rØsidu d un processus de production, de transformation ou
d utilisation, toute substance, matØriau, produit ou plus gØnØralement tout
bien meuble, abandonnØ ou que son destinataire destine
l abandon ».
Pour ce mOEme texte, un dØchet est ultime « dØs lors qu il n est plus
susceptible d OEtre traitØ dans les conditions techniques et Øconomiques du
moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par rØduction
de son caractLre polluant ou dangereux ». La radioactivitØ dØtermine une
catØgorie spØcifique de dØchets, soumis
la fois aux grands principes
ØnoncØs par cette loi, maintenant codifiØe sous les articles L. 541-1 et
suivants du code de l’environnement, et
un rØgime particulier. Ce
rØgime a ØtØ introduit au niveau lØgislatif par la loi du 30 dØcembre 1991
relative aux recherches sur la gestion des dØchets radioactifs, connue sous
le nom de loi Bataille, qui a ØtØ elle aussi codifiØe
la suite des
42
C
OUR DES COMPTES
dispositions de la loi de 1975 sous les articles L. 542-1 et suivants du
mOEme Code.
En dØfinitive, ce qui caractØrise les dØchets en gØnØral, et les
dØchets radioactifs en particulier, c est l impossibilitØ de rØutiliser une
matiLre
l issue d un processus de production pour des raisons purement
techniques et/ou pour des raisons Øconomiques, tenant, par exemple, au
coût trop ØlevØ d un recyclage. Autant le critLre technique prOEte peu
discussion, autant le critLre Øconomique est susceptible de contestation,
voire de polØmique : c est particuliLrement le cas dans le domaine des
dØchets radioactifs, puisque, selon les pays, les combustibles irradiØs sont
considØrØs comme des dØchets ou comme un ØlØment recyclable
16
.
2
Les classifications et leurs consØquences
La spØcificitØ des dØchets radioactifs tient aux effets de la
radioactivitØ, eux-mOEmes liØs
la durØe de vie de cette radioactivitØ dans
des conditions encore mal connues, d oø la nØcessitØ de rØpartir les
dØchets radioactifs en plusieurs catØgories ayant chacune des impØratifs
de gestion. La radioactivitØ se caractØrise, en effet,
la fois par l intensitØ
de l activitØ nuclØaire mesurØe en Becquerel, unitØ Øgale
une
dØsintØgration du noyau atomique par seconde, et par sa durØe, les
ØlØments radioactifs Øtant dØfinis par leur « pØriode radioactive », c’est- -
dire le temps nØcessaire pour que leur radioactivitØ ait ØtØ rØduite de
moitiØ.
16
) En France, des combustibles irradiØs ne sont pas considØrØs comme des dØchets,
puisqu’ils sont retraitØs : cette importante question sera analysØe infra, p. 51 et s.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
43
PØriode radioactive
La pØriode radioactive est le temps au terme duquel la moitiØ des
atomes contenus dans un Øchantillon de substances radioactives se sont
dØsintØgrØs. Un dØchet radioactif
vie courte contient principalement des
ØlØments radioactifs de pØriode infØrieure
30 ans. Son niveau d’activitØ est
tel qu’au bout de 300 ans, le dØchet n a plus qu un impact nØgligeable dans
un stockage de surface. Un dØchet radioactif
vie longue contient en quantitØ
significative des ØlØments radioactifs dont la pØriode est de plus de 30 ans, et
souvent de l’ordre du millier d’annØes.
Elément radioactif
Période radioactive
Cobalt 60
5,2 ans
Tritium
12,2 ans
Strontium 90
28,1 ans
Césium 137
30 ans
Américium 241
432 ans
Radium 226
1 600 ans
Carbone 14
5 730 ans
Plutonium
24 000 ans
Neptunium 237
2,14 millions d’année
Uranium 235
704 millions d'années
Uranium 238
4,47 milliards d'années
En France, une premiLre classification des dØchets radioactifs a
consistØ
les rØpartir en trois catØgories (A, B et C).
Les dØchets A ou dØchets de faible activitØ,
vie courte, c’est- -
dire dont la pØriode radioactive est infØrieure
trente ans, produisent des
rayons bOEta et gamma
faible intensitØ de rayonnement : ils proviennent
de l industrie ØlectronuclØaire ou des autres utilisations du nuclØaire, la
recherche ou la mØdecine par exemple.
Les dØchets B ou dØchets de faible ou moyenne activitØ,
vie
longue, sont gØnØralement produits lors des recherches sur les
combustibles nuclØaires, leur fabrication ou leur retraitement.
Les dØchets C ou dØchets de haute activitØ contiennent des
quantitØs importantes de matiLres
rayonnement bOEta et gamma : ils sont
essentiellement constituØs des produits issus du retraitement et des
installations directement en contact avec le combustible.
Depuis 1999, une nouvelle classification a ØtØ introduite, plus
prØcise et plus opØrationnelle, qui tend
se substituer aux catØgories
prØcØdentes. C est elle qui est dØsormais recommandØe par l ASN et
employØe par l Andra. On peut la rØsumer par le tableau suivant.
44
C
OUR DES COMPTES
Classification actuelle des dØchets et matiLres nuclØaires
Vie
(pØriode)
trLs courte
(< 100 jours)
courte
(< 30 ans)
longue
(> 30 ans)
TrLs faible
activitØ
(TFA)
Utilisation mØdicale ou pour la recherche de radionuclØides
DØchets de dØmantLlement
RØhabilitation de sites polluØs
Utilisation de matØriaux naturels
RØsidus du traitement de minerais d uranium
Terres ou rØsidus dØposØs en dØcharge
Faible
activitØ
(FA)
DØchets graphites
DØchets radifLres
Moyenne
activitØ
(MA)
DØchets tritiØs
Domaine mØdical
DØchets de procØdØs
DØchets technologiques
DØchets de dØmantLlement
Installations
du
cycle
du
combustible
Centres de recherche CEA
DØchets de structure
DØchets issus du traitement
des effluents
Haute
activitØ
(HA)
Installations du cycle du combustible
DØchets renfermant des produits de fission
Assemblages de combustible non retraitØ
Source :
Andra
Cette nouvelle classification permet de distinguer, de fa on plus
opØratoire, cinq catØgories de dØchets.
1.
Les déchets de très courte durée de vie,
issus des usages
mØdicaux de la radioactivitØ, mettent gØnØralement en jeu des
radioØlØments de trLs courte durØe de vie. Ils sont recueillis et
entreposØs pendant une durØe permettant
la radioactivitØ de
dispara tre
sur
place.
Ensuite,
ces
dØchets
devenus
conventionnels sont ØliminØs dans les circuits de traitement des
dØchets hospitaliers classiques.
2.
Les déchets de très faible activité (TFA)
proviennent du
dØmantLlement des installations nuclØaires, mais aussi des sites
industriels classiques qui utilisent pour leur production des
substances faiblement radioactives ou de l assainissement de
sites polluØs par des substances radioactives.
3.
Les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC)
sont essentiellement des dØchets de fabrication, des Øquipements
et des matØriaux usagØs, des sources scellØes, des chiffons de
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
45
nettoyage et des vOEtements de protection. Entrent Øgalement dans
cette catØgorie certains produits rØsultant du traitement des
effluents liquides et gazeux des installations nuclØaires. Certains
de ces dØchets de faible et moyenne activitØ
vie courte posent
des problLmes particuliers, en particulier ceux qui contiennent
des quantitØs notables de tritium, radioØlØment
vie courte,
particuliLrement difficile
confiner, du fait de sa volatilitØ, et,
dans une moindre mesure, les sources scellØes, qui contiennent
une radioactivitØ souvent trLs concentrØe.
4.
Les déchets de faible activité à vie longue (FAVL)
proviennent le
plus
souvent
d activitØs
industrielles
conduisant
la
concentration de radioØlØments d origine naturelle (ancienne
industrie du radium, par exemple), ou de l industrie nuclØaire
(comme, par exemple, le graphite irradiØ contenu dans les
structures des anciens rØacteurs de la filiLre uranium naturel
graphite gaz).
5.
Les déchets de haute activité (HAVL) et les déchets de moyenne
activité à vie longue (MAVL)
contiennent des ØlØments
pØriode
longue, notamment des Ømetteurs de rayonnements alpha. Les
dØchets MAVL sont principalement des dØchets de procØdØ
(coques et embouts de combustibles irradiØs, boues provenant du
traitement des effluents) et de maintenance, provenant des
installations de retraitement et des centres de recherche. Les
dØchets HAVL ont gØnØralement pour origine le combustible
nuclØaire lui-mOEme et les produits de fission et d activation issus
de son retraitement. Ils se caractØrisent par un dØgagement de
chaleur important (jusqu
deux kilowatts par conteneur de
150 litres).
MalgrØ son niveau de dØtail, cette classification ne peut englober
tous les types de dØchets. Il existe, ainsi, des dØchets, dits mixtes, qui
mOElent des matiLres radioactives et des matiLres chimiques toxiques, ainsi
que des dØchets du passØ entreposØs en vrac, qui nØcessitent un traitement
ad hoc avant leur stockage. En pratique, au sein des catØgories gØnØrales
prØcØdentes, des marges d adaptation existent, instruites par l’ASN.
A l avenir, la typologie des dØchets est susceptible de se prØciser
encore. Dans le cadre des travaux prØparatoires
l inventaire national des
matiLres et des dØchets radioactifs, l Andra a en effet retenu diffØrentes
caractØristiques permettant de distinguer une centaine de familles de
dØchets.
46
C
OUR DES COMPTES
Cette complexitØ et cette ØvolutivitØ de la classification des dØchets
radioactifs n ont pas rendu possible, pour l heure, la dØfinition d une
norme de droit simple et unique. Pour faciliter la comprØhension des
enjeux de la gestion des dØchets, il serait utile que, d ici 2006, lorsqu il
faudra rendre compte de l Øtat d avancement des travaux demandØs par le
lØgislateur de 1991, une classification unique et partagØe par tous les
acteurs soit retenue, en cohØrence
autant que possible
avec les
typologies internationales.
Actuellement, on rappellera que la classification fran aise exclut
les combustibles irradiØs, mais inclut la notion de dØchets de trLs faible
activitØ. Les combustibles irradiØs ne constituent pas des dØchets, dans la
mesure oø ils sont destinØs
OEtre retraitØs, mais cette affirmation suscite
assez d interrogations, pour que l Andra ait inclus, avec l assentiment des
producteurs et des pouvoirs publics, dans ses scØnarios de stockage futur
des hypothLses de stockage de combustibles.
Les dØchets de trLs faible activitØ (TFA), qui proviennent
essentiellement de l industrie ØlectronuclØaire, rØpondent
un logique de
tra abilitØ, Øtant gØnØralement en de
d un seuil oø ils pourraient OEtre
considØrØs comme normaux.
B
La grande diversitØ des producteurs et dØtenteurs
de dØchets
A la complexitØ des dØchets eux-mOEmes s ajoute la diversitØ des
producteurs et dØtenteurs de dØchets radioactifs et des sites gØographiques
concernØs.
L Andra les regroupe en quatre catØgories :
les Øtablissements ou installations de l industrie nuclØaire,
les Øtablissements de la dØfense nationale,
les autres Øtablissements et industries utilisant des
radionuclØides,
les sites et centres dØdiØs
l entreposage et au stockage.
1
Les Øtablissements ou installations de l industrie
ØlectronuclØaire
Il s agit d abord des six plus grands centres d Øtudes du CEA, de la
centrale PhØnix
Marcoule et du centre d Øtudes d EDF de Chinon. Les
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
47
dØchets de ces centres d Øtudes sont relativement peu volumineux mais de
natures trLs variØes et spØcifiques, en raison de la grande diversitØ des
radionuclØides ØtudiØs.
Les 58 rØacteurs du parc ØlectronuclØaire en activitØ, implantØs sur
19 sites et exploitØs par EDF, produisent, eux, des dØchets en quantitØs
importantes mais qui, malgrØ l Øvolution des rØacteurs, sont moins
diversifiØs que ceux des centres d Øtudes, ce qui a d ailleurs permis de les
conditionner de fa on de plus en plus efficace depuis dix ans.
Les autres entreprises du cycle du combustible produisent eux
aussi des dØchets, diffØrents selon les techniques employØes et les Øtapes
du cycle. En amont, c est le cas des Øtablissements Comurhex de MalvØsi
et Pierrelatte (conversion de l uranium), de l usine Eurodif de Tricastin
(enrichissement), des usines de la sociØtØ Franco Belge de Fabrication de
Combustible (FBFC)
Romans et de la Cogema
Cadarache et Marcoule
(fabrication des combustibles UO
2
et Mox), des Øtablissements de la
SICN de Veuzey-Voroize et Cezus Chimie de Jarrie (fabrication des
assemblages). En aval, il s agit des usines de retraitement UP1 de
Marcoule et UP2 et UP3 de la Hague. Les entreprises qui rØalisent des
opØrations de maintenance et de dØcontamination du parc sont Øgalement
concernØes, tout comme les installations de la sociØtØ Socodei qui assure
la fusion des dØchets mØtalliques et l incinØration des dØchets
combustibles. Toutes les entreprises citØes appartiennent au groupe
Areva.
Le dØmantLlement d ici
2025 des centrales nuclØaires arrOEtØes,
savoir les huit centrales dites de premiLre gØnØration et la centrale de
Creys-Malville, produira Øgalement des dØchets en volume trLs
importants. DiffØrents rØacteurs nuclØaires de recherche sont Øgalement
en cours de dØmantLlement ou confinØs, sans oublier le cas de l usine
UP1 de Marcoule.
2
Les Øtablissements liØs
la dØfense nationale
L’Andra distingue les centres liØs
la force de dissuasion et les
Øtablissements de la dØfense.
Dans la premiLre catØgorie, se retrouvent les centres d’Øtudes et de
production dØpendant de la direction des applications militaires (DAM)
du CEA, ou de la sociØtØ Technicatome
Cadarache. Ces installations
sont classØes INBS : par exemple, les centres de BruyLres-le-Ch tel et de
Cadarache, le centre d’Øtudes scientifiques et techniques d’Aquitaine
(CESTA), les centres de Moronvilliers et Valduc. La nature des dØchets
produits et leur mode de conditionnement sont plus ou moins dØtaillØs
48
C
OUR DES COMPTES
dans les fiches publiØes par l observatoire de l Andra. Le centre de
Valduc joue un r le particulier pour la gestion des dØchets du CEA
puisque les dØchets tritiØs y sont entreposØs, en attente d un exutoire.
DiffØrents Øtablissements du ministLre de la dØfense dØtiennent
Øgalement des dØchets radioactifs pour lesquels il faudra trouver une
filiLre d Ølimination. La DGA regroupe
Cherbourg,
Brest et
Toulon
des
dØchets
issus
des
sous-marins
propulsion
nuclØaire,
qui
s apparentent
ceux produits dans une centrale nuclØaire. Les centres qui
ont expØrimentØ des armes
uranium appauvri,
Bourges et
Gramat en
particulier, sont Øgalement concernØs.
Les diffØrentes armØes disposent Øgalement de petits matØriels
rØformØs, sans lien avec la dissuasion, de type boussoles au radium ou au
tritium, dispositifs de visØe nocturne, paratonnerres, qu il leur faut
Øliminer. En 2002, le Service de Protection Radiologique des ArmØes
(SPRA) a dØclarØ
l Andra 104 unitØs de la DØfense dØtenant un ou
plusieurs des vingt-huit types de dØchets recensØs par le ministLre.
Enfin, il existe des zones d’entreposage de la dØfense nationale :
Arcueil pour la DGA,
Ch teaudun pour l armØe de l air et
Saint-Priest
pour l armØe de terre.
3
Les autres Øtablissements et industries utilisant des
radionuclØides
Dans le domaine mØdical, le rapport 2002 de l observatoire
national de l Andra a recensØ, pour la premiLre fois, 278 producteurs ou
dØtenteurs de dØchets radioactifs, localisØs sur 275 sites (centres
hospitaliers, cliniques, laboratoires d analyses mØdicales, centres de lutte
contre le cancer). Les radionuclØides y sont utilisØs pour des
radioanalyses
de
prØlLvements
biologiques,
pour
les
techniques
d imagerie mØdicale, pour la recherche biomØdicale et,
titre
thØrapeutique, contre le cancer. Les dØchets contaminØs par des
radionuclØides
pØriode longue sont essentiellement produits par les
laboratoires de recherche biomØdicale.
Dans le domaine de la recherche (hors ØlectronuclØaire), l Andra a
engagØ un recensement, dont les premiers rØsultats sont prØsentØs dans le
rapport prØcitØ de l Observatoire. On y apprend que ce domaine
comprend 450 producteurs ou dØtenteurs de dØchets sur 381 sites. Les
radionuclØides utilisØs sont extrOEmement variables,
vie longue
frØquemment, en fonction des besoins de la recherche. De nombreux
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
49
Øtablissements publics
17
utilisent des matiLres radioactives. Sans oublier
la
centaine
d unitØs
de
recherche
appartenant
aux
entreprises
pharmaceutiques.
L Andra a identifiØ diffØrents producteurs ou dØtenteurs industriels
de dØchets radioactifs. Toutefois, l utilisation de radionuclØides, en
particulier comme traceurs dans le contr le des processus industriels,
aurait tendance
diminuer fortement.
Le recensement des utilisateurs et dØtenteurs industriels de
radionuclØides doit encore OEtre complØtØ. De l aveu mOEme de l Andra,
«
contrairement
aux
déchets
bien
caractérisés
produits
par
les
utilisateurs de radionucléides dans la médecine, la recherche et
l’enseignement, ceux du domaine industriel non nucléaire sont plus
difficiles à localiser. Ils représentent des volumes beaucoup plus
importants qui restent mal identifiés parce que l’origine même des flux
possibles n’est pas bien déterminée.
» Les industriels de la chimie
minØrale utilisent des matiLres premiLres contenant des radionuclØides
naturels et produisent des dØchets radioactifs
traiter. Les industriels de
la mØtallurgie utilisent des matiLres radioactives dans certains alliages et
pour certaines soudures et «
représentent des volumes probablement
significatifs
. » On trouve Øgalement de la radioactivitØ dans l industrie
pØtroliLre, la production de chaleur, l incinØration d ordures mØnagLres,
la production d engrais agricole, etc. L Andra recense Øgalement 13 sites
liØs
l extraction et la manipulation du radium et 5 sites relevant de
l industrie horlogLre, ancienne utilisatrice de peinture au radium.
L Andra qualifie ces producteurs et dØtenteurs de radionuclØides
de «
petits producteurs
. » Leur nombre (plus de mille recensØs) et leur
diversitØ les rendent plus difficiles
suivre que les acteurs de la filiLre
ØlectronuclØaire. Il est indispensable, en particulier, de conserver
l historique « radioactif » de tous les sites concernØs.
4
Les sites et centres dØdiØs
l entreposage et au stockage
A l issue de l exploitation des matiLres radioactives, plusieurs
acteurs interviennent pour gØrer les dØcharges, les sites d entreposage ou
de stockage des dØchets radioactifs.
Pour l’industrie ØlectronuclØaire et la dØfense nationale, on citera
plusieurs cas. Sur le site de Saint-Laurent-des-Eaux, EDF entrepose en
silos prLs de 2 000 tonnes de chemises graphite issus des rØacteurs de la
17
) CNRS, Etablissement fran ais du sang, Ifremer, Institut national de physique
nuclØaire et de physique des particules, Inserm, Inra, etc.
50
C
OUR DES COMPTES
filiLre graphite-gaz dØsormais
l arrOEt mais pour lesquels il n existe pas
encore d exutoire. De mOEme, le CEA a regroupØ
Cadarache la plupart
des dØchets HAVL produits par ses centres de recherche, dans l attente
des rØsultats des recherches prØvues par la loi Bataille. Par ailleurs, pour
des raisons historiques, le CEA entrepose actuellement
l intØrieur du
pØrimLtre du centre d Øtudes de Saclay et
Cadarache diffØrents dØchets
radioactifs provenant de divers utilisateurs, notamment environ 90 000
sources scellØes et des paratonnerres. Enfin, comme indiquØ plus haut,
l Andra estime que « plus d une centaine d Øtablissements militaires
gLrent en entreposage des dØchets divers, parfois en trLs faible quantitØ »,
sur lesquels une information succincte est donnØe dans le rapport de son
observatoire.
Les deux centres de l Andra occupent une place centrale dans le
dispositif d entreposage et de stockage. Il s agit du Centre de stockage de
la Manche (CSM), et du Centre de stockage de l Aube (CSA), qui seront
ØvoquØs au chapitre II.
Les rØsidus de traitement industriel de l uranium sont Øgalement
considØrØs comme des dØchets radioactifs et suivis par l Andra. Cette
industrie, qui a exercØ ses activitØs sur 170 sites en France entre 1948
2001,
l initiative du CEA puis de la Cogema a produit environ 52
millions de tonnes de rØsidus de traitement du minerai d uranium,
auxquelles il faut ajouter des dØchets de dØmantLlement. Ces rØsidus sont
gØnØralement rendus au milieu naturel sous forme d un stockage dans
d anciennes mines
ciel ouvert ou dans un bassin : 17 sites de ce type
sont recensØs.
L Andra identifie Øgalement 16 dØcharges ou sites de stockages,
rØpartis sur 11 dØpartements, qui « re oivent ou ont re u par le passØ,
occasionnellement ou rØguliLrement, des dØchets contenant des ØlØments
de faible ou trLs faible activitØ. » Il n est gØnØralement pas prØvu d autre
exutoire pour ces dØchets. L Andra ajoute : « cependant, on ne peut pas
exclure que d autres opØrations de mise en dØcharge aient autrefois ØtØ
effectuØes ailleurs sans en garder trace, ou simplement que les
informations correspondantes aient ØtØ perdues ou oubliØes. »
Enfin, une information est donnØe sur la localisation et la nature
des dØchets immergØs de 1948
1983 par huit pays europØens, dont la
France. La France n a procØdØ qu
deux campagnes d immersion, en
1967 et en 1969, dans deux sites relativement ØloignØs des c tes,
une
Øpoque oø aucun centre de stockage terrestre n existait. Un peu plus de
46 000 fûts de dØchets FMA, en provenance de Marcoule essentiellement,
ont ØtØ alors immergØs. Au total, les pays europØens ont immergØ environ
150 000 tonnes dans une quinzaine de sites, gØnØralement en grande
profondeur, sauf dans quelques cas, notamment dans la «
fosse des
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
51
Casquets
», au nord des
les anglo-normandes
18
. Ces sites de stockage ne
font l objet d aucune surveillance, «
compte tenu des faibles niveaux
d’exposition et d’irradiation qui ont pu être mis en évidence
» par un
programme de recherche international conduit entre 1981 et 1995.
Au total, l Andra doit exercer ses missions bien au-del
des acteurs
de la filiLre ØlectronuclØaire
stricto sensu
. Son observatoire recense ainsi
927 sites sur lesquels de trLs nombreux acteurs ont dØposØ et dØposent
encore des dØchets radioactifs. Des incertitudes persistent encore sur les
volumes et la localisation des dØchets, en particulier ceux des petits
producteurs.
C
Un volume de dØchets par nature incertain
1
L’inventaire des dØchets
La complexitØ de la notion de dØchet radioactif et la multiplicitØ
des producteurs expliquent qu
ce jour un inventaire exhaustif de ce type
de dØchet
soit toujours en devenir.
Certes, chaque annØe depuis 1993, tous les deux ans depuis 2000,
l Andra publie le rapport de son observatoire national sur le recensement
et la localisation des dØchets radioactifs existant en France, ce document
Øtant destinØ
la fois aux pouvoirs publics et
tous les citoyens qui en
font la demande. Bien qu il ait apportØ une connaissance de plus en plus
prØcise des dØchets produits, cet inventaire ne donne pas un recensement
complet et ne permet pas une connaissance prØcise des diffØrentes
catØgories de dØchets en fonction de leur dangerositØ. Par ailleurs, le
rapport est une photographie du stock existant mais ne contient aucune
donnØe prospective sur le montant des dØchets futurs, ouvrant en quelque
sorte la voie aux spØculations sur l’ampleur de la question des dØchets
radioactifs. Il ne contient pas non plus de donnØes financiLres, permettant
de recouper les informations fournies par les producteurs en ce domaine
et apprØcier la charge que reprØsentent les dØchets pour les gØnØrations
futures.
Afin de pallier ces lacunes, le Gouvernement a lancØ, en 2001, la
rØalisation « d un inventaire de rØfØrence des dØchets radioactifs »,
confiØe
l’Andra, dont la premiLre version a ØtØ ØditØe en novembre
2004.
18
) Zone utilisØe par le Royaume-Uni et la Belgique au dØbut des annØes 1950.
52
C
OUR DES COMPTES
Il serait souhaitable, afin de mieux Øclairer la rØflexion nationale
sur la gestion des dØchets et,
l instar de ce qui se passe dans certains
pays, en Belgique notamment, que cet inventaire ne se limite pas
une
photographie instantanØe, mais prØsente des donnØes prospectives
associØes
des donnØes financiLres sur le coût du stockage.
Par
ailleurs,
l Øtablissement
d une
obligation
gØnØrale
de
dØclaration, aujourd hui inexistante en droit positif fran ais, serait de
nature
fiabiliser l inventaire.
D une maniLre gØnØrale, les actions conduites
ce jour pour Øtablir
un inventaire prospectif des dØchets associant
chaque type de dØchet sa
solution de traitement et ses coûts, manquent de vue globale et n ont pas
encore dØbouchØ sur un inventaire fiable facilitant information et
comprØhension du
citoyen dans une matiLre sensible et complexe.
Un progrLs notable devrait OEtre rØalisØ avec le nouvel inventaire de
novembre 2004, comme l indique l encadrØ ci-dessous.
L inventaire national des dØchets en 2004
(Source : Andra)
L inventaire national 2004 se fonde sur les stocks de dØchets
fin
2002. Il repose sur une base de donnØes informatiques alimentØe par les
producteurs de dØchets (l inventaire est dØclaratif) et qui permet de suivre
chaque famille de dØchets, puis de les agrØger en grandes catØgories par
activitØ (trLs faible, faible, moyenne, haute). Il comprend des donnØes sur
les dØchets attendus en 2010 et en 2020. Au-del
de 2020, il donne une
estimation de la quantitØ de combustibles usØs dØchargØs du parc actuel
ainsi que des dØchets de dØmantLlement jusqu
la fin de vie du parc. Les
donnØes sont prØsentØes par secteurs Øconomiques d activitØ. Un travail
important de recoupement a ØtØ conduit permettant de disposer d un outil de
rØfØrence. L ensemble a ØtØ supervisØ par un comitØ de pilotage rØunissant
les
administrations,
les
industriels,
l Andra.
La
CNE
et
l Office
parlementaire d Øvaluation des choix scientifiques et technologiques ont
participØ
titre d observateur.
Une nouvelle version fondØe sur les stocks
fin 2004 sera ØditØe
dØbut 2006. Par la suite, il est prØvu une actualisation rØguliLre.
L Ølaboration d un plan national de gestion des dØchets radioactifs,
dont la rØalisation
a ØtØ confiØe en 2003
l ASN, pourrait, au vu des
objectifs qui lui sont assignØs, rØpondre aussi en partie
ces critiques.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
53
Les objectifs de ce plan sont les suivants
19
:
DØfinition claire des dØchets
considØrer comme radioactifs,
Inventaire fiable et exhaustif des dØchets radioactifs,
Recherche de solutions de gestion pour chaque catØgorie de
dØchet radioactif,
Prise en charge de dØchets radioactifs anciens plus ou moins
« oubliØs »,
Prise en compte des prØoccupations du public,
CohØrence de l ensemble du dispositif de gestion des dØchets
radioactifs,
Optimisation de la gestion des dØchets chez les producteurs
de dØchets,
CohØrence des pratiques en matiLre de sites polluØs et de
mØthodes de rØhabilitation.
Ces objectifs semblent a priori en partie redondants avec la mission
de l Andra. Mais, selon l ASN, ce plan national n a pas vocation
dupliquer les travaux d inventaire de l Andra mais devrait se fonder sur
eux ; il ne devrait pas non plus interfØrer avec les recherches menØes dans
le cadre de la loi de 1991, son but serait de donner une vue globale sur les
voies de gestion des autres dØchets.
L exemple belge
Depuis 1992, l Organisme national des dØchets radioactifs et des
matiLres fissiles enrichies (ONDRAF) rØalise un inventaire des flux de
dØchets des diverses installations. ActualisØ tous les deux ans, cet inventaire
est assorti, depuis un arrOEtØ royal du 12 dØcembre 1997, d un « inventaire
des
passifs
nuclØaires »
Øvaluant
les
coûts
de
dØclassement
et
d assainissement des installations nuclØaires ainsi que l existence et
l adØquation des provisions constituØes pour ces opØrations.
19
) ASN, Rapport annuel 2003.
54
C
OUR DES COMPTES
2
Les difficultØs de l’estimation prØvisionnelle du volume de
dØchets
Une estimation prØvisionnelle des volumes des dØchets se heurte
plusieurs difficultØs.
Une premiLre incertitude concerne les volumes futurs de dØchets
MAVL, HAVL et des combustibles usØs, lesquels dØpendent directement
du retraitement, c’est- -dire de la part des combustibles retraitØs et de
l’avenir du retraitement lui-mOEme. Pour prØciser ces volumes l Andra a
Øtabli plusieurs scØnarios de stockage profond d une partie des
combustibles irradiØs, mais il ne s agit que d hypothLses qui mØritent
d OEtre confirmØes par les producteurs en fonction de leurs stratØgies
industrielles.
Une deuxiLme incertitude concerne les dØchets de faible et
moyenne activitØ
vie courte, dont les quantitØs ont ØtØ jusqu
prØsent
infØrieures aux prØvisions. C’est le cas pour le centre de stockage de
l’Aube, oø les volumes stockØs ont ØtØ infØrieurs de 17% aux prØvisions.
Avec l’expØrience, en effet, les producteurs de dØchets ont rØussi
rØduire
les volumes
Øvacuer ;
ainsi, de 1987
1997, EDF est parvenue
rØduire de 279 m‡
112 m
3
par rØacteur et par an le volume de dØchets
Øvacuer dans un centre de surface.
Une troisiLme incertitude pLse sur le volume des dØchets trLs
faiblement radioactifs
traiter, d’oø la difficultØ pour l Andra, dans un
environnement technologiquement mouvant, d estimer correctement des
projets industriels de stockage mobilisant des ressources financiLres
consØquentes.
Le tableau ci-dessous fournit une estimation des volumes de
dØchets jusqu
la fin du parc actuel de rØacteurs. Il indique des ordres de
grandeur qui pourront varier selon les options de conditionnement
choisies et la stratØgie dØployØe pour la gestion des combustibles usØs.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
55
Volumes prØvisionnels des dØchets radioactifs jusqu’en 2020
(en m
3
)
2002
2010
2020
Type de
dØchets
Volumes stockØs
ou entreposØs
Volumes prØvisionnels
stockØs ou entreposØs
Volumes prØvisionnels
stockØs ou entreposØs
HA
1 639
2 521
3 621
MA-VL
45 359
50 207
54 509
FA-VL
44 559
46 581
87 431
FMA-VC
778 322
913 900
1 196 880
TFA
108 219
247 981
515 991
TOTAL
978 098
1 261 190
1 858 432
Source : Andra
D
Les interrogations sur les combustibles irradiØs
Une question rØcurrente se pose
propos du devenir des
combustibles irradiØs (ou usØs), qui ne sont pas considØrØs comme des
dØchets dans la mesure oø ils seront rØutilisØs aprLs retraitement. La
rØponse
une telle question engage l’avenir, puisqu’elle a des
consØquences importantes dans la mise en oeuvre des solutions de
stockage
ultime
des
dØchets
les
plus
radioactifs
de
la
filiLre
ØlectronuclØaire.
56
C
OUR DES COMPTES
1
La stratØgie de retraitement-recyclage
Les Øtapes du cycle du combustible nuclØaire en France
De l’extraction à l’enrichissement
AprLs son
extraction
, l’uranium naturel est tout d’abord concentrØ
sous la forme d’une poudre jaune ( le « yellow cake »), avant de subir l’Øtape
de la
conversion
chimique (oxyde d’uranium, tØtrafluorure d’uranium,
hexafluorure d’uranium). Comme dans l’uranium naturel, la proportion de
l’isotope 235, qui a la propriØtØ d’OEtre fissile, n’est que de 0,7 % pour 99,3 %
d’isotope 238, et que la proportion idØale pour permettre une rØaction
contr lØe est de 3
5 %,
l’enrichissement
, rØalisØ en France
l’usine
Georges Besse d’Eurodif, consiste
effectuer la sØparation isotopique en
vue d’obtenir un combustible « enrichi » en uranium 235 au niveau dØsirØ.
De la fabrication du combustible à son irradiation
L’uranium ainsi enrichi est ensuite transformØ en poudre de dioxyde
d’uranium sous forme de pastilles, elles-mOEmes insØrØes dans des crayons
constituant des assemblages : dans un rØacteur de 900 MW, on charge
l’oxyde d’uranium sous forme de 272 pastilles pour chacun des 264 crayons
constituant chacun des 177 assemblages. Ces assemblages sont ensuite
introduits dans le coeur du rØacteur, oø ils dØlivrent de l’Ønergie par fission
des noyaux d’uranium 235. AprLs une pØriode de l’ordre de trois ans, les
assemblages de combustibles usØs sont dØchargØs pour refroidir dans la
piscine de la centrale pendant environ deux annØes avant d’OEtre transportØs
dans la piscine de la Hague, oø ils continuent
refroidir.
Le retraitement
AprLs une pØriode d’environ huit ans, les combustibles sont alors
retraitØs : aprLs cisaillage des assemblages, un traitement chimique permet
de sØparer l’uranium appauvri, le plutonium et les produits ultimes de
fission, qui seront vitrifiØs. L’uranium dit de retraitement (URT) est ensuite
susceptible d’OEtre enrichi pour participer
nouveau au cycle, tandis que le
plutonium est utilisØ pour fabriquer des assemblages de type Mox (mØlange
d oxydes d’uranium appauvri et de plutonium) : l’introduction de tels
assemblages dans un des 20 rØacteurs prØvus et autorisØs a donc lieu au
mieux 15 ans aprLs la premiLre introduction.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
57
SchØma du cycle du combustible utilisØ dans les centrales
nuclØaires
58
C
OUR DES COMPTES
Dans le domaine de la production ØlectronuclØaire, deux solutions
coexistent en ce qui concerne la destination
donner aux combustibles
nuclØaires irradiØs ou usØs. Une premiLre solution est de considØrer ces
combustibles comme des dØchets ; une deuxiLme solution, illustrØe par
l’encadrØ et le schØma des deux pages prØcØdentes, consiste
retraiter les
combustibles usØs en vue de sØparer et de conserver tout ce qui est
rØutilisable,
savoir l’uranium et le plutonium. Dans le premier cas, on
utilise l’expression de « cycle ouvert », signifiant par l
que le
combustible usØ n est pas rØutilisØ et qu il sort en quelque sorte du cycle :
c est le choix, jusqu
prØsent, des Etats-Unis, oø les combustibles usØs
sont considØrØs comme des dØchets hautement radioactifs, destinØs
OEtre
stockØs, si les projets actuels se rØalisent, dans le futur site de Yucca
Mountain dans l Etat du Nevada. Dans le deuxiLme cas, l’expression de «
cycle fermØ » signifie que 97% des matiLres « restent dans le cycle » et
sont donc rØutilisØs aprLs retraitement, ce qui Øconomise les ressources
miniLres tout en diminuant la quantitØ de dØchets ultimes
gØrer.
Actuellement, les deux principales usines de retraitement au
monde sont au Royaume-Uni, l’usine BNFL de Sellafield, et, en France,
l’usine Cogema de La Hague. Trois autres usines existent au Japon, en
Inde et en Russie. Deux usines sont en cours de rØalisation en Inde et au
Japon. La part mondiale des combustibles, qui font l’objet d’un
retraitement, est infØrieure
40 % des combustibles dØchargØs ; en
France, elle est de l’ordre de 75 %. Les
tats-Unis, la SuLde et la Finlande
ont optØ pour le stockage direct des combustibles usØs, mais d’autres pays
ont des stratØgies mixtes.
La doctrine officielle fran aise du «
tout retraitement »,
selon
laquelle tout le combustible irradiØ dans les centrales actuelles est destinØ
OEtre rØutilisØ dans le parc nuclØaire, avait,
l origine, plusieurs
justifications, parmi lesquelles :
l approvisionnement
en
plutonium
d une
filiLre
de
rØacteurs
neutrons rapides
20
;
un souci d Øconomie et d indØpendance ØnergØtique
conduisant
ne pas envoyer les combustibles irradiØs en
20
) A l origine, les rØacteurs
neutrons rapides, tels que PhØnix et SuperphØnix,
avaient ØtØ con us pour fonctionner en mode surgØnØrateur, c’est- -dire pour fabriquer
plus de plutonium qu ils n en consomment. Compte tenu des stocks de plutonium, il
avait ØtØ demandØ au CEA, dLs la fin des annØes 80, d Øtudier la possibilitØ de
consommer du plutonium dans les rØacteurs
neutrons rapides fonctionnant en mode
sous-gØnØrateur.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
59
stockage dØfinitif, alors que 97 % de ce combustible est
encore exploitable et qu on pouvait craindre une pØnurie
future d uranium ;
la diminution de volume des dØchets ultimes
La trLs vive controverse relative au retraitement du combustible
usØ est,
la fois, Øcologique, Øconomique et politique : les partisans du
retraitement estiment que, pour un coût total trLs voisin, le retraitement
permet d’Øconomiser des ressources et de rØduire la dangerositØ des
dØchets ultimes ;
l inverse, les partisans du stockage direct des
combustibles usØs estiment notamment que l’avantage Øconomique n’est
pas dØmontrØ, qu’il est trLs dangereux d’isoler le plutonium, qui n’existe
pas
l’Øtat naturel, et que la production de plutonium doit OEtre proscrite
pour Øviter tout risque de dissØmination.
La Cour estime qu’il est particuliLrement difficile de dØmontrer la
supØrioritØ d’une solution sur l’autre en termes de rentabilitØ Øconomique
et que les critLres du choix relLvent, en dØfinitive, de dØcisions politiques,
qu il n est pas dans son r le d apprØcier. En revanche, il lui revient
d’analyser les consØquences des choix retenus en termes de gestion des
dØchets radioactifs.
2
Le cycle du combustible nuclØaire en France est-il rØellement
un cycle « fermØ » ?
La notion de cycle fermØ suppose la rØutilisation de la quasi-
totalitØ du combustible irradiØ, qu’il s’agisse du combustible usØ
l’oxyde
d’uranium aprLs une premiLre utilisation, ou du combustible usØ Mox au
terme d’un deuxiLme cycle. Or, une telle prØsentation est beaucoup trop
simplificatrice.
En premier lieu, la dØcision prise en 1996 d abandonner
l exploitation de SuperphØnix et la filiLre des surgØnØrateurs a
Øvidemment enlevØ une des justifications au choix du retraitement, en
supprimant une des utilisations possibles du plutonium sØparØ.
En deuxiLme lieu, dans la mise en oeuvre de sa stratØgie, EDF a
ØtØ conduite
inflØchir sa politique de retraitement pour tenir compte de
la limitation
20 (sur les 28 possibles et initialement envisagØs) du
nombre de rØacteurs de 900 MW autorisØs
utiliser le combustible Mox :
sur 1 150 t de combustibles irradiØs par an, seuls 850 t font l objet d un
retraitement en vue de produire 100 t de combustible Mox., au lieu des
125 t espØrØes par la Cogema.
60
C
OUR DES COMPTES
Cette limitation des quantitØs actuellement retraitØes se combine
avec
deux
autres
constatations :
l absence
de
retraitement
des
combustibles Mox usØs et la faible utilisation de l uranium rØcupØrØ
l issue du retraitement du combustible usØ, dØnommØ uranium de
retraitement (URT).
Plusieurs raisons techniques font qu’au del
d’un premier
recyclage, la valorisation du plutonium prØsent dans le combustible Mox
usØ devient plus difficile dans les rØacteurs
eau pressurisØe (REP). Au
cours de l’irradiation en rØacteur, apparaissent, en plus du plutonium 239,
des isotopes de masse plus ØlevØe, qui ne sont pas sØparables du
plutonium 239 et rendent ensuite la fission plus difficile. Aussi, les
spØcialistes admettent aujourd’hui qu’il est prØfØrable de se limiter
un
seul retraitement. EDF a clairement dit que le recyclage de combustibles
Mox irradiØs dans les REP n’entrait pas dans sa stratØgie actuelle et qu’en
consØquence, le retraitement du Mox n interviendrait qu’aprLs celui de
l’UOX. DLs lors, bien qu’EDF se soit toujours refusØe
assimiler le Mox
usØ
un dØchet, la question du stockage Øventuel de ce combustible se
trouve implicitement posØe.
C est un sujet sensible car le combustible irradiØ
base de Mox
exige un temps de refroidissement plus long que le combustible classique.
Son niveau de radioactivitØ exige environ 60/70 ans
contre 50/60 ans
pour le combustible classique
avant d OEtre envoyØ dans un centre de
stockage
un coût raisonnable. Il faudrait Øgalement prendre en compte
le fait qu’
mOEme quantitØ d’Ønergie produite, le retraitement du Mox
entra nerait, par rapport au retraitement initial et
technique constante,
une augmentation de l’ordre de 25
50 % du volume des dØchets
envoyer en stockage dØfinitif.
L URT, quant
lui, doit, pour pouvoir OEtre utilisØ, repasser toutes
les Øtapes du cycle depuis la conversion, qui coûte trois fois plus cher que
celle de l’uranium naturel,
l’enrichissement, qui ne peut OEtre rØalisØ avec
le procØdØ de la diffusion gazeuse de l usine Eurodif, ce qui poserait des
problLmes de contamination de l’ensemble de l’installation. Le faible
intØrOEt Øconomique de l’URT, dû
la dØpression du marchØ de l uranium,
fait qu’il n a ØtØ jusqu
prØsent utilisØ qu en petite quantitØ, dans deux
rØacteurs de la centrale de Cruas, aprLs enrichissement selon le procØdØ
de l ultracentrifugation dØveloppØ par l entreprise anglo-germano-
hollandaise Urenco. Comme rappelØ plus haut, le stock d’URT issu du
retraitement des combustibles de la filiLre REP est cependant considØrØ
comme une matiLre premiLre, qui est
conservØe en rØserve, aprLs
transformation par oxydation, dans une installation de la Cogema
Pierrelatte.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
61
En dØfinitive, sur les 1 150 t de combustibles irradiØs, qui sont
dØchargØes chaque annØe des rØacteurs d’EDF, il faut distinguer :
- 1 050 t de combustible
l oxyde d uranium (UOX), contenant
96 % d URT et 1% de plutonium,
- 100 t de combustible Mox contenant 4
5 % de plutonium
rØsiduels.
AprLs 2
3 ans de sØjour dans les piscines des rØacteurs, ces
combustibles sont transportØs dans les piscines de La Hague, oø ils sont
destinØs
y OEtre retraitØs aprLs plusieurs autres annØes de refroidissement.
Or, les besoins d’EDF ne portent actuellement sur le retraitement que de
850 t de combustibles
l’oxyde d’uranium par an, permettant de sØparer
environ 816 t d’uranium, 8,5 t de plutonium et les dØchets ultimes.
Comme la fabrication de combustibles Mox,
hauteur de 100 t par an,
n’inclut que 6
7 t de plutonium, l’intØgralitØ du plutonium sØparØ n’est
pas utilisØ. Enfin, il n’est actuellement pas envisagØ de procØder
un
retraitement des combustibles Mox usØs.
Actuellement, on constate donc chaque annØe plusieurs Øcarts par
rapport
un cycle fermØ idØal, oø tous les ØlØments se trouveraient
rØutilisØs :
- sur les 1 150 t de combustibles usØs annuellement, 100 t de Mox
usØ ne sont actuellement pas retraitØes et 200 t d’UOX usØ
restent en attente dans les piscines de La Hague ;
- sur 8,5 t de plutonium produites par le retraitement, une tonne et
demi appara t en excLs, du moins tant qu EDF n aura pas
rØalisØ son objectif d adØquation des flux de retraitement et de
recyclage, dØnommØ « gestion dite paritØ Mox » ;
- sur environ 815 t d’URT produites par le retraitement, la plus
grande partie, soit environ 650 t, doit OEtre stockØe aprLs
transformation sous la forme stable d un oxyde solide en
attendant une utilisation future.
Selon EDF, ces dØsØquilibres devraient OEtre rØduits dans un avenir
proche. La stratØgie poursuivie est, en effet, d’augmenter le taux de
combustion des combustibles UOX, ainsi que celles des combustibles
Mox. Un telle augmentation menØe en plusieurs Øtapes permettrait,
production Ølectrique Øquivalente, de diminuer le besoin de combustibles,
d oø une quantitØ moindre de combustibles dØchargØs chaque annØe :
partir de 2015, EDF espLre ainsi atteindre l’Øquilibre des flux entre
combustible irradiØ et combustible retraitØ, le stock de combustibles en
attente de retraitement, qui serait alors de 12 000 t, devant rØgresser par la
suite. ParallLlement, l’augmentation du taux de combustion aurait pour
62
C
OUR DES COMPTES
effet de diminuer la quantitØ de plutonium rØsiduel par TWh produit, tout
en nØcessitant une teneur en plutonium plus importante pour la
fabrication du Mox. MOEme si ce scØnario devait aboutir, il laisserait entier
la question du Mox usØ, qu il n est pas question de retraiter
ce stade,
tout en restant interrogatif sur un reliquat de combustible, susceptible de
n’OEtre jamais retraitØ.
C est pourquoi ce scØnario doit OEtre complØtØ par un deuxiLme
scØnario de poursuite de l option nuclØaire au-del
des rØacteurs de
gØnØration III (EPR) avec les rØacteurs de gØnØration IV, rØacteurs
neutrons rapides consommateurs de plutonium
l horizon 2040 : un
rØacteur de ce type serait susceptible de consommer lors de son
dØmarrage environ 14 t de plutonium ; un parc de rØacteurs
neutrons
rapide d une puissance installØe de 30 GW, soit la moitiØ de la puissance
nuclØaire actuelle, pourrait, quant
lui, absorber la quantitØ de plutonium
contenue dans l ensemble des combustibles usØs entreposØs vers 2040,
soit environ 400 t.
La gestion dite « ParitØ MOX » (Source : EDF)
La gestion MOX est utilisØe aujourd’hui dans 20 rØacteurs du parc
900 MW CPY autorisØs; avec un coeur et des recharges composØs pour
environ 1/3 d’assemblages MOX et 2/3 d’assemblages UO2 enrichis
3,7 %. Les assemblages MOX ont une teneur en plutonium de l’ordre de
7 % et produisent de l’Ønergie pendant 3 cycles consØcutifs en rØacteur
(soit 38 GWj/t en moyenne), alors que les assemblages
l’uranium
produisent leur Ønergie pendant quatre cycles (en moyenne 45 GWj/t).
La gestion ParitØ MOX envisagØe par EDF se caractØrise par une
teneur accrue en plutonium (8,65 %) qui permettra d’utiliser les
assemblages MOX pendant quatre cycles et d’atteindre un taux de
combustion Øquivalent
celui des assemblages
l’uranium (moyen
48 GWj/t, maximum 52 GWj/t).
La mise en oeuvre de cette gestion a ainsi un double objectif :
- elle permet une paritØ ØnergØtique des assemblages MOX et UO2,
et conforte l’Øconomie du recyclage du plutonium: globalement pour
100 t/an de combustible MOX, il en rØsulte une Øconomie Øquivalente
une recharge annuelle de combustible
l’uranium d’une tranche 900MW.
- l’accroissement de la teneur en plutonium permet de recycler une
quantitØ accrue de plutonium: pour un volume de retraitement de 850 t/an
(d’oø 1% de plutonium sØparØ) et pour 100 t/an de combustible MOX, ceci
permet de recycler environ 8,5 t/an de plutonium, correspondant au flux
annuel de plutonium sØparØ.
Le dossier de sûretØ de cette gestion ParitØ MOX, qui devrait OEtre
dØployØe
partir de 2007, est en cours d’instruction avec l ASN.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
63
Pour pouvoir mener
bien de tels projets, EDF et la Cogema
indiquent donc qu il convient de prØserver le stock de plutonium contenu
dans le combustible Mox usØ pour permettre son utilisation Øventuelle.
De mOEme, il convient de conserver l URT, rØserve potentielle d uranium,
utilisable techniquement avec l enrichissement par ultracentrifugation et
Øconomiquement en cas de retournement du marchØ de l uranium.
21
En conclusion, la question du statut des combustibles usØs est une
question beaucoup plus complexe que ne pourrait le faire croire une
prØsentation schØmatique du cycle dit fermØ. Il faut prendre en compte la
variable « temps » et il n y a vØritablement un cycle fermØ des
combustibles qu
l Øchelon de plusieurs dizaines d annØes, sous rØserve
de l aboutissement des programme de recherche et de l approbation par le
Gouvernement et le Parlement des programmes futurs tant en matiLre de
production ØlectronuclØaire que de dØchets.
3
La nØcessaire reformulation de la stratØgie de retraitement-
recyclage
La notion de cycle fermØ n est pas d une Øvidence absolue et c est
la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi Bataille et en accord avec
les parties intØressØes, l’Andra Øtudie les techniques permettant le
stockage direct de tout ou partie des combustibles usØs au meilleur coût.
C est un problLme sensible, car l entreposage de longue durØe et, le cas
ØchØant, le stockage direct des combustibles usØs sont des options
structurantes pour l architecture des centres d entreposage et de stockage.
Les Øtudes ainsi menØes, au vu et au su de tous les acteurs de la filiLre
ØlectronuclØaire, ont pour but de rØpondre aux diffØrentes hypothLses
envisageables allant du stockage du combustible Mox usØ
l arrOEt du
retraitement avec stockage intØgral de tout le combustible usØ.
a)
La position de la Commission nationale d'évaluation
La Commission nationale d’Øvaluation (CNE), chargØe de suivre
les recherches sur la gestion des dØchets radioactifs, s’est, la premiLre, en
1998, inquiØtØe du fait que dans les Øvaluations qui lui avaient ØtØ
fournies, ne figurait aucune indication «
sur les combustibles Mox ou
UOX non retraités d'EDF, les combustibles divers et échantillons de
combustibles du CEA ou encore ceux de la propulsion navale
. » La CNE
21
) Le retournement du marchØ de l uranium est peut-OEtre en train de se produire,
puisque, aprLs avoir atteint 45 $/lb dans les annØes 1970 et avoir chutØ
10 $/lb dans
les annØes 2002, le cours actuel a repassØ la barre des 20 $.
64
C
OUR DES COMPTES
demandait Øgalement que lui soit prØsentØe une stratØgie complLte de
gestion du plutonium.
A la suite de cette remarque, le Gouvernement a confiØ au
prØsident de l Andra, une mission pour «
fiabiliser l'inventaire des
déchets
. », qui a conclu
la nØcessitØ de donner des informations sur les
combustibles usØs dans l’inventaire futur des dØchets. C’est pourquoi,
depuis 2000, le rapport de l observatoire national de l’Agence recense
dans un tableau liminaire les « matiLres nuclØaires n ayant pas le statut de
dØchet et, de ce fait, exclues du prØsent rapport » Ce tableau donne des
indications sur les stocks prØsents, les flux annuels et les lieux
d entreposage des combustibles usØs d EDF, des combustibles spØciaux,
de l uranium appauvri, de l uranium de retraitement, de l uranium
enrichi, du plutonium civil sØparØ du combustible usØ, du plutonium civil
contenu dans les combustibles usØs en attente de retraitement et de
diverses matiLres radioactives.
b)
La position de l’Office
parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques
Ce sujet a Øgalement ØtØ ØvoquØ, en 2001, par le rapport sur les
possibilitØs d’entreposage
long terme des combustibles nuclØaires
irradiØs ØlaborØ pour l’Office et dØposØ le 30 mai 2001, qui prØcise que «
tout en affirmant que le retraitement différé doit rester l'objectif normal,
il faut cependant dès maintenant également envisager l'hypothèse où cette
option devrait être abandonnée. Il serait alors nécessaire, pour dégager
les installations d'entreposage, d'avoir recours au stockage définitif, qui
selon toute vraisemblance, se ferait en couches géologiques profondes
. »
c)
La position des acteurs de la production électronucléaire
Dans son enquOEte, la Cour a re u des rØponses diverses.
EDF a fourni des explications complLtes sur sa propre stratØgie
sans pour autant se prononcer sur la nØcessitØ d’une reformulation vers le
public de la stratØgie de retraitement.
La Cogema a indiquØ qu il est envisageable de « reprØciser ce que,
en termes journalistiques, on appellera stratØgie nationale en matiLre
d’aval du cycle », mais « on ne voit pas ce qui pousserait
reformuler une
stratØgie qui est celle qui s’impose
toute activitØ industrielle : minimiser
le volume et la toxicitØ des dØchets ultimes, recycler le maximum de ce
qui peut OEtre utilement rØcupØrØ. Les installations de fin de cycle exploitØ
par la Cogema ont ØtØ dØveloppØes et sont utilisØes
cette fin ».
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
65
Le caractLre abrupt de cette position est, en quelque sorte, repris
par le CEA, pour lequel la seule stratØgie d’avenir possible dans la
perspective d’un nuclØaire durable est portØe par les systLmes
neutrons
rapides de quatriLme gØnØration. Dans ce cadre, le rendez-vous fixØ en
2006 par la loi du 30 dØcembre 1991 n’aurait pour but que d’examiner les
rØsultats de la recherche pour aboutir
des dØcisions quant
la stratØgie
de gestion
long terme des dØchets radioactifs HAVL, tels que les
dØchets vitrifiØs, et non pas la stratØgie de gestion des combustibles usØs,
que cette loi n’a jamais eu pour but de remettre en cause.
La DGEMP admet, en revanche, que le systLme est complexe et
exige la transparence pour toute une sØrie de raisons : Øvolution des
diffØrents paramLtres, incertitudes sur le dØmarrage d’un parc de rØacteurs
neutrons rapides, nØcessitØ d’une information sur la politique de
retraitement recyclage, une obligation d information
cet Øgard Øtant
susceptible d’OEtre inscrite dans la future loi.
Tous les pays qui possLdent une industrie nuclØaire se prØoccupent
aujourd hui du problLme du stockage du combustible irradiØ. Ceux qui
ont fait le choix du retraitement se prØparent
gØrer une solution mixte,
avec stockage direct d une partie du combustible usØ (Allemagne, Suisse,
bient t la Belgique). Les autres pays (Etats-Unis, Finlande, Canada ou
SuLde) avaient d emblØe dØfini un cycle dit ouvert et intØgrØ ces matiLres
dans leurs projets de stockage.
La Cour estime qu il est nØcessaire,
l approche du dØbat de 2006,
de sortir de l’ambigu tØ actuelle et que le Gouvernement fasse clairement
savoir quelle devra OEtre la politique de la France en matiLre d’aval du
cycle du combustible nuclØaire pour les prochaines dØcennies. C est une
des conditions pour un dØbat serein en vue d une gestion efficiente des
stockages de dØchets. En toute hypothLse, il est maintenant nØcessaire de
savoir si le stockage profond doit OEtre con u en vue d abriter ou non des
combustibles usØs, l enjeu global pour l Øconomie du stockage portant sur
plusieurs milliards d euros en cas de stockage de combustible Mox usØ et
bien davantage dans l hypothLse de stockage de combustible UOX
22
.
4
Les autres combustibles usØs
Il est nØcessaire d envisager des solutions de long terme pour les
combustibles qui ne sont pas issus des rØacteurs d EDF et ne sont donc
22
) L enjeu financier global rØsulte d une comparaison entre, d une part, le coût du
stockage profond direct des combustibles usØs et, d autre part, le coût du retraitement
et de l Øvacuation des dØchets issus du retraitement, puisqu en cas de stockage direct
il n y aurait pas de retraitement.
66
C
OUR DES COMPTES
pas intØgrØs aux diffØrents scØnarios de retraitement. Il s agit en
particulier des combustibles des rØacteurs de recherche du CEA pour
lesquels les procØdØs de retraitement industriel de l’usine de La Hague
sont inadaptØs.
De mOEme, les combustibles provenant de la propulsion navale,
sous-marins et porte-avions, entreposØs principalement
Cadarache,
nØcessiteraient de telles modifications des installations de La Hague pour
OEtre retraitØs, qu’il est pour le moment prØfØrable de les laisser en attente.
L installation
d entreposage
CASCAD
de
Cadarache
contient
officiellement des combustibles en attente de retraitement mais certains
envisagent dØj
une durØe d exploitation bien supØrieure aux 50 ans
d exploitation initialement prØvus pour cette installation. Il est probable
qu une fois refroidis, ces combustibles usØs devront OEtre traitØs comme
des dØchets HAVL.
Selon le CEA, tous ces combustibles usØs sont destinØs
OEtre
retraitØs,
de trLs rares exceptions prLs.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
67
Chapitre III
Les rLgles applicables au dØmantLlement et
la gestion des dØchets
68
C
OUR DES COMPTES
Dans le domaine nuclØaire, les questions de dØmantLlement des
installations arrOEtØes se posent avec plus d’acuitØ que dans les autres
secteurs, compte tenu des mesures qui doivent OEtre prises en matiLre de
protection de l’environnement et des personnes. C’est aussi un domaine oø
la prise de conscience du risque est sans doute plus forte que dans d’autres
industries.
Le dØmantLlement des INB arrOEtØes a pour but de supprimer tout
risque nuclØaire liØ
l’installation arrOEtØe. On aurait pu imaginer de
conserver un rØacteur arrOEtØ en l’Øtat une fois vidØ de ses combustibles et
fluides, mais aucune installation dangereuse par nature ne peut OEtre
maintenue sans risque : le dØmantLlement est la seule mØthode permettant
de mettre fin aux frais de maintenance et de surveillance, tout en
remettant les lieux dans un Øtat le plus proche possible de l’Øtat initial.
Le dØmantLlement est lui-mOEme gØnØrateur de dØchets radioactifs,
qui devront OEtre gØrØs suivant les mOEmes rLgles applicables aux dØchets
radioactifs dØj
produits par l’activitØ courante des INB. En mettant en
oeuvre une solution de stockage ultime pour les dØchets radioactifs, on
cherche
Øradiquer le mieux possible les risques affØrents
l’existence de
ces dØchets pendant une pØriode variant de quelques mois
quelques
milliers d’annØes.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
69
Risque nuclØaire, dØmantLlement et dØchets radioactifs
Le risque nuclØaire rØsulte de tous les dysfonctionnements
susceptibles de mettre des matiLres radioactives au contact direct ou indirect
d’OEtres humains.
Dans le domaine du nuclØaire civil, les risques les plus importants
concernent Øvidemment les INB en fonctionnement, principalement les
installations dotØes d’un rØacteur, compte tenu du risque de criticitØ, c’est- -
dire celui du dØclenchement d’une rØaction de fission non contr lØe, du
risque tenant
l’arrOEt du refroidissement, lui-mOEme de nature
entra ner une
fusion du c ur du rØacteur.
l’arrOEt de la centrale, dLs que le combustible a ØtØ retirØ, les risques
d’accidents prØcitØs n’existent plus. Dans la phase de dØmantLlement, les
risques
ma triser sont
la fois ceux de la radioactivitØ re ue par les
personnels chargØs de la dØconstruction et ceux d’une pollution rØsultant de
la dispersion accidentelle des matiLres radioactives.
En ce qui concerne les dØchets radioactifs issus du dØmantLlement de
l’activitØ de production, les risques sont Øgalement ceux d’une pollution
accidentelle rØsultant de la dispersion de matiLres radioactives, soit au cours
du transport, soit lors de l’entreposage, soit sur les lieux de stockage
dØfinitif. Sur ce dernier point, c’est Øvidemment la trLs longue durØe de vie
radioactive des dØchets HAVL qui crØe l’incertitude, car il est aujourd’hui
difficile d’affirmer que l’efficacitØ d’un stockage profond est assurØe de
fa on dØfinitive pour des milliers d’annØes.
Source : en partie, d'après CSSIN
70
C
OUR DES COMPTES
I - Les rLgles applicables au dØmantLlement des
installations nuclØaires de base
Le but visØ par un dØmantLlement est de remettre les lieux, oø se
situe l’installation, si ce n’est dans l’Øtat oø ils se trouvaient auparavant, du
moins dans une situation identique sur le plan de la radioactivitØ. Selon
les pays, tout va dØpendre de la dØfinition donnØe au dØmantLlement,
c’est- -dire du but final qui est assignØ et des rLgles imposØes
l’exploitant pour atteindre ce but.
A
Un problLme de dØfinition
1
Les niveaux de l’AEIA
Sous le terme gØnØrique de dØmantLlement, sont rØunies une
succession d’opØrations allant de la mise
l’arrOEt de l’installation nuclØaire
son dØclassement en passant par la dØmolition de tout ou partie des
b timents et installations qui la composent.
Selon une typologie dØfinie par l AIEA, le dØmantLlement
comporte trois phases : le niveau 1 correspond
une fermeture sous
surveillance ; le niveau 2 correspond
une libØration partielle, puisque ne
subsiste que le b timent rØacteur ; le niveau 3 correspond
celui d’une
libØration inconditionnelle aprLs la suppression du b timent rØacteur.
Les dØfinitions des niveaux de l AIEA ont ØtØ Øtablies dans les
annØes 1980. Aujourd’hui, tous s’accordent gØnØralement pour dire que la
notion de libØration totale et inconditionnelle (le "retour
l’herbe") est
inappropriØe, puisqu il est dØsormais acquis que la trace de l utilisation
passØe du site doit OEtre conservØe pour Øviter des rØutilisations f cheuses
soit en terme de risque sanitaire soit en terme d inquiØtude du public. Un
site nuclØaire pourra OEtre rØutilisØ, mais pour un usage industriel.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
71
Par ailleurs, les trois niveaux ont ØtØ con us pour des installations
nuclØaires dotØes de rØacteurs (telles que les centrales nuclØaires d’EDF
ou les rØacteurs de recherche du CEA), et le niveau 3 correspond
l’assainissement et au dØmantLlement du b timent rØacteur :
Les niveaux de dØmantLlement de l AEIA
Niveau de l INB
Situation correspondante de l INB
Exploitation
Toutes les installations fonctionnent
Niveau 1
Fermeture sous surveillance
Le rØacteur et les installations sont
mis
l arrOEt : les combustibles et
fluides sont retirØs
Niveau 2
LibØration partielle
Les installations, autres que le
rØacteur et ses installations
attenantes, sont assainies et dØmolies
Niveau 3
LibØration inconditionnelle
Toutes les installations sont
supprimØes
Autrement dit, tant que le niveau 3 n’est pas atteint, le b timent le
plus difficile
dØmanteler, c’est- -dire possØdant les Øquipements les plus
radioactifs, reste en place. Cette spØcificitØ du niveau 3 ne se retrouve pas
pour d’autres installations nuclØaires, sans rØacteur, telles que les usines
de retraitement, d’oø les hØsitations pour dØfinir dans ces cas le niveau
que l’on se fixe : ainsi, dans ses comptes publiØs, EDF annonce un niveau
3 de dØmantLlement pour des INB toutes dotØes de rØacteurs, tandis
qu’Areva indique un niveau 2 pour des INB qui n en comportent pas,
alors que le CEA revendique un niveau 3 "hors gØnie civil" pour des INB
des deux types. Dans ces deux derniers cas, aucun des b timents n est
thØoriquement dØmoli, la diffØrence entre niveau 2 et niveau 3 hors gØnie
civil tenant au niveau de dØcontamination intØrieure des murs, sols et
plafonds des installations. Dans le dernier cas, les b timents seraient prOEts
OEtre dØmolis.
Une telle situation n’est pas d’une grande clartØ pour le public.
72
C
OUR DES COMPTES
2
La terminologie utilisØe en France
Selon les acceptions actuellement retenues par l’ASN, le
dØmantLlement se dØfinit par les opØrations effectuØes en vue d atteindre
un Øtat final permettant le dØclassement : la phase de dØmantLlement
succLde
une phase d exploitation de l INB et se termine par son
dØclassement
Dans ce cadre, on distingue :
la mise
l arrOEt dØfinitif
, constituØe par des opØrations
techniques, subordonnØes
une autorisation par dØcret,
destinØes
simplifier l installation et
rendre irrØversible
son
arrOEt
par
l enlLvement
des
parties
facilement
dØmontables ;
l’assainissement
, constituØ par les opØrations de rØduction et
d Ølimination de la radioactivitØ restante ou de toute autre
substance dangereuse restante ;
le dØclassement
, dØfini comme l’ensemble des opØrations
administratives et rØglementaires destinØes
changer le
statut administratif de l installation concernØe.
EDF a, par ailleurs, dØfini une terminologie qui lui est propre pour
dØcrire le processus de dØmantLlement mis en
uvre. Les niveaux
correspondent en fait
des Øtapes techniques Øgalement au nombre de
trois :
la dØconstruction, qui consiste en un dØmantLlement
ØlectromØcanique,
en
utilisant
essentiellement
des
techniques de dØcoupe ;
l’assainissement du gØnie civil, par grattage en fonction de
l agression avec raboteuse
bØton automatisØe ;
la dØmolition, proprement dite.
Le choix du terme de dØconstruction, utilisØ Øgalement dans les
comptes d’EDF oø le terme de provision pour dØconstruction a remplacØ
celui
de
provision
pour
dØmantLlement,
relLve
d un
enjeu
de
communication externe. Le dØmantLlement Øtant associØ
une image
nØgative, la dØconstruction a semblØ un terme plus porteur, dØcrivant un
processus organisØ comparable
la construction.
Les niveaux de l’AIEA ne semblent plus adaptØs aux rØalitØs
industrielles, et c’est la raison pour laquelle l’ASN n’y fait plus
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
73
rØfØrence
23
. Un vocabulaire homogLne et univoque commun au niveau
national et europØen, voire mondial, donnerait une lisibilitØ accrue
des
documents, dont l impact politique sur l opinion publique
peut OEtre
considØrable. Par ailleurs, l’ASN dØplore l’adoption par EDF d’une
terminologie plus orientØe sur la communication au dØtriment d’une
terminologie plus technique, mOEme si la commission de terminologie
spØcialisØe a pris officiellement parti en ce sens.
B
Les principales rLgles actuellement en vigueur
Comme l a rappelØ rØcemment l ASN
24
, le rØgime juridique des
INB est dØfini par le dØcret du 11 dØcembre 1963, qui n a pas ØtØ modifiØ
et qui a ØtØ complØtØ par une circulaire qu en 1990 pour prendre en
compte la mise
l arrOEt dØfinitif et le dØmantLlement de ces installations.
Depuis lors, pour amØliorer la procØdure et Øviter la multiplication
des situations intermØdiaires, une nouvelle note circulaire de l’ASN du
3 fØvrier 2003 s applique
l ensemble des dØmantLlements entamØs au
1er janvier 2003. Dans ce nouveau cadre, l exploitant en charge du
dØmantLlement
dØposera
une
demande
pour
que
l ensemble
de
l opØration, avec une description prØcise des moyens envisagØs en terme
de sûretØ et de radioprotection, soit pris en compte afin qu’un seul dØcret
puisse autoriser
la fois la mise
arrOEt dØfinitif et l’ensemble des
opØrations de la phase de dØmantLlement.
Cette modification rØpond au triple objectif de :
favoriser les dØmantLlements complets ;
privilØgier
une
prØsentation
initiale
complLte
du
dØmantLlement par l exploitant qui couvre l ensemble du
dØmantLlement ;
prØciser la notion de dØclassement de l INB.
Le dØclassement d une INB correspond
l ensemble des
opØrations administratives et rØglementaires destinØes
changer le statut
administratif de l installation. Le dØclassement ne peut intervenir
qu aprLs rØalisation des travaux de dØmantLlement et justification de
l atteinte de l Øtat final visØ ou des Øcarts Øventuels.
23
) L’AIEA travaille actuellement
remplacer son document de rØfØrence sur les
niveaux de dØmantLlement.
24
) Revue Contr le n
152 de mai 2003.
74
C
OUR DES COMPTES
A l issue du dØmantLlement, deux types de situation peuvent, en
effet, OEtre constatØs :
s’il ne subsiste que des zones de dØchets conventionnels, le
dØclassement de l installation et la radiation de la liste des
INB peuvent OEtre demandØ ;
s’il subsiste des zones de dØchets nuclØaires dans
l enceinte de l INB et en fonction du niveau de
radioactivitØ rØsiduel, un dØclassement partiel peut OEtre
envisagØ, l INB Øtant rØduite aux zones de dØchets
nuclØaires
;
d’autres
solutions
peuvent
aussi
OEtre
envisagØes comportant l Øtablissement d’une servitude au
profit de l’ tat.
En rØalitØ, le processus de dØmantLlement mis en oeuvre dØpend
largement de l’Øtat final visØ par l’exploitant. C’est pourquoi le dØcret
d’autorisation sera prØcØdØ d’une enquOEte publique seulement dans les cas
oø la demande d’autorisation est associØe
une demande de crØation
d’une nouvelle INB, ou si le risque constituØ par l’installation en phase de
dØmantLlement est nettement supØrieur au risque en phase d’exploitation.
Si une enquOEte publique n’est pas effectuØe, une information minimale
doit OEtre assurØe par la publication de l’Øtude d’impact.
II - Les rLgles applicables
la gestion des dØchets
Comme toute activitØ industrielle, les activitØs nuclØaires gØnLrent
des dØchets qui obØissent au droit commun de la gestion des dØchets. Leur
caractLre radioactif, potentiellement plus dangereux, a conduit le
lØgislateur
Ødicter
leur Øgard des dispositions particuliLres. Les
dØchets radioactifs Øtrangers Øchappent
ces rLgles dans la mesure oø ils
doivent faire retour dans leur pays d’origine.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
75
A
RLgles applicables
l’ensemble des dØchets
Le cadre gØnØral de la gestion des dØchets est maintenant fixØ par
le code de l’environnement.
L’article L.541-1 du Code pose quatre principes :
la prØvention ou la rØduction de la production et de la
nocivitØ des dØchets en agissant sur la fabrication et la
distribution des produits,
l organisation et la limitation des distances de transport
des dØchets,
la valorisation des dØchets par rØemploi ou recyclage,
la nØcessitØ d assurer l information du public.
L article L.541-2 pose le principe dit du « pollueur payeur » selon
lequel: « toute personne qui produit ou dØtient des dØchets ( ) est tenue
d en assurer ou d en faire assurer l Ølimination ». Cette obligation porte
sur l ensemble des opØrations nØcessaires au traitement d une catØgorie
de dØchets jusqu
l Ølimination finale. En complØment de ce principe
gØnØral, l’article L.541-6 prØvoit le droit au remboursement des diverses
collectivitØs publiques qui auraient eu
intervenir pour traiter un accident
liØ
une opØration d’Ølimination de dØchets.
Lorsque les INB produisent des dØchets non radioactifs provenant
de zones des sites oø des matiLres radioactives ne sont pas manipulØes,
ces dØchets sont traitØs selon les mOEmes rLgles et dans les mOEmes
installations que les dØchets produits par les installations classØes pour la
protection de l environnement (ICPE).
76
C
OUR DES COMPTES
B
RLgles applicables aux dØchets radioactifs
Les dØchets nuclØaires proviennent des zones des installations des
INB susceptibles d OEtre contaminØes mais aussi d organismes mettant en
uvre des substances radioactives.
1
RLgles gØnØrales
Dans les INB, un arrOEtØ du 31 dØcembre 1999 prØcise les
obligations gØnØrales auxquelles sont soumis les producteurs afin de
limiter nuisances et risques :
Ølaboration pour chaque site d une « Øtude dØchets » qui
dresse un Øtat des lieux du site
et doit OEtre approuvØe par
l ASN,
dØfinition pour chaque type de dØchet radioactif d une
filiLre adaptØe et autorisØe s appuyant sur des Øtudes
d impact,
la mise en place de systLmes de suivi afin d assurer la
tra abilitØ des dØchets.
Hors des INB, le code de la santØ publique - dans son
article R.1333-12 introduit en 2002 - prØvoit que la gestion des dØchets
radioactifs provenant de toute activitØ comportant un risque d exposition
aux rayonnements ionisants doit faire l objet d un examen et d une
approbation par les pouvoirs publics. Toutefois ces dispositions sont
encore en partie inopØrantes en l absence de textes d application.
La sØcuritØ suppose que les diffØrentes filiLres d Ølimination des
dØchets soient soumises
un contr le. Or,
ce jour, le dispositif de
contr le de ces filiLres ne s applique qu aux INB ; toutefois, un projet de
dØcret est en cours de prØparation par la direction de la prØvention de la
pollution et des risques et devrait venir combler une lacune regrettable
dans le dispositif de contr le des dØchets radioactifs.
2
Le cas particulier des dØchets HAVL
Comme indiquØ plus haut, le traitement final de certains types de
dØchets radioactifs et notamment les plus radioactifs, les dØchets HAVL,
demeure encore incertain, le lØgislateur ayant prØvu en 1991 un dØlai de
15 ans, dØlai nØcessaire au dØroulement des recherches permettant, en
2006, de faire un choix dØfinitif sur le mode de traitement
adopter.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
77
On pourrait s Øtonner qu un aussi long dØlai ait ØtØ prØvu par le
lØgislateur alors mOEme que ces dØchets sont les plus radioactifs et
reprØsentent plus de 90 % de la radioactivitØ globale. En rØalitØ, compte
tenu du temps indispensable de refroidissement de ces dØchets, qui est de
l ordre de plusieurs dizaines d annØes avant stockage dØfinitif, une telle
longueur n Øtait pas un handicap
la mise en
uvre de solutions adaptØes
en temps utile.
Les dispositions du droit positif concernent donc plus les moyens
mettre en
uvre en vue de cette ØchØance que la gestion des dØchets eux-
mOEmes sur laquelle pLsent encore de nombreuses incertitudes.
Aujourd hui codifiØes sous les articles L.542-1
542-14 du code
de l environnement, ces dispositions posent un certain nombre de
principes organisant le processus de recherche et de rØflexion. L article
L.542-1 dispose que : « la gestion des dØchets radioactifs
haute activitØ
et
vie longue doit OEtre assurØe dans le respect de la protection de la
nature, de l environnement et de la santØ, en prenant en considØration les
droits des gØnØrations futures ». Plus prØcis l article L.542-3 fixe le cadre
du processus devant conduire
une dØcision en 2006.
78
C
OUR DES COMPTES
Le processus de choix d une solution pour la gestion des dØchets HAVL
a)
Un rapport annuel du Gouvernement au Parlement portant
sur trois axes complØmentaires de recherche
:
Axe n 1
: la recherche de solutions permettant la sØparation et la
transmutation des ØlØments radioactifs
vie longue prØsents dans ces
dØchets,
Axe n 2
: l Øtude des possibilitØs de stockage rØversible ou
irrØversible dans les formations gØologiques profondes, notamment gr ce
la rØalisation de laboratoires souterrains,
Axe n 3
: l Øtude des procØdØs de conditionnement et d entreposage
de longue durØe en surface de ces dØchets.
Ce rapport doit faire Øtat des recherches conduites
et des rØalisations
effectuØes
l Øtranger. Il est
public et
le Parlement saisit l Office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
b)
Avant le 30 dØcembre 2006 un rapport global d Øvaluation
sera adressØ par le Gouvernement au Parlement. Ce rapport sera
Øventuellement accompagnØ d un projet de loi autorisant la crØation d un
centre de stockage et fixant le rØgime des servitudes et sujØtions affØrentes
ce centre.
c)
Ces rapports sont Øtablis par une commission nationale
d Øvaluation
composØes de :
- six personnes dont au moins deux experts internationaux, dØsignØes
paritØ par l assemblØe nationale et par le sØnat sur proposition de l office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
- deux personnalitØs qualifiØes dØsignØes par le Gouvernement sur
proposition du conseil supØrieur de la sûretØ et de l information nuclØaire.
- quatre experts scientifiques, dØsignØs par le Gouvernement sur
proposition de l acadØmie des sciences.
L article L.542-3 du code de l’environnement prØvoit l Øtude des
possibilitØs de stockage, rØversible ou non, dans les couches gØologiques
profondes des dØchets HAVL. Cette solution para t avoir
ce jour les
faveurs de la communautØ scientifique.
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
79
Le Code prØvoit en consØquence des dispositions permettant la
crØation de laboratoires souterrains indispensables pour l Øtude du
stockage profond.
C est sur le fondement de ces dispositions que le dØcret du 3 août
1999 a autorisØ l installation et l exploitation du premier laboratoire
Bure
la limite des dØpartements de la Haute Marne et de la Meuse.
C
Les dØchets radioactifs Øtrangers en France
1
L origine des dØchets Øtrangers
Les dØchets radioactifs Øtrangers proviennent des combustibles
retraitØs par la Cogema au profit de clients Øtrangers. C’est tout d abord
l’ancienne usine de Marcoule qu’ont ØtØ retraitØs des combustibles de la
filiLre UNGG de l’Ølectricien espagnol Hifrensa en provenance de sa
centrale de Vandellos. Des contrats de retraitement pour l’usine de La
Hague ont ØtØ passØs, par la suite, avec des clients Øtrangers d’Allemagne,
d’Australie, de Belgique, du Japon, des Pays-Bas et de Suisse.
La controverse relative au choix du retraitement des combustibles
usØs ne se limite pas au choix exercØ dans le cadre du programme
ØlectronuclØaire fran ais, mais s’Øtend Øvidemment au retraitement en
France des combustibles usØs des Ølectriciens Øtrangers, les opposants au
principe du retraitement contestant avec virulence les risques inhØrents au
transport
La Hague des combustibles usØs Øtrangers, et critiquant
notamment la durØe de l’entreposage dans les piscines de La Hague.
80
C
OUR DES COMPTES
tat des combustibles usØs Øtrangers
La Hague au 1
er
juin 2003
Allemagne
Belgique
Suisse
Pays-Bas
Australie
EDF
CU
UOX
376 tML
56 tML
17 tML
6 987 tML
AnnØes
rØception
1995-2003
1998-2003
1994-2003
1985-2003
PrØvision
traitement
2003-2006
2003-2007
2003-2007
CU
URT
1 tML
74 tML
AnnØes
rØception
1992
1991-2003
PrØvision
traitement
2005
CU Mox
52 tML
321 tML
AnnØes
rØception
1990-2003
1996-2003
PrØvision
traitement
2004-2006
CU
RTR
0,3 tML
0,2 tML
0,5 tML
AnnØes
rØception
1998-2002
2000-01
1997-2002
PrØvision
traitement
2005-2007
2005-07
428 tML
0,3 tML
56 tML
17 tML
0,2 tML
Total
501,5 tML
7 383 tML
tML : tonne de mØtal lourd, c’est- -dire de l ensemble des isotopes de l uranium et du plutonium
contenus dans le mØtal
retraiter
CU=combustibles usés
Source : d'après données Cogema
Le tableau ci-dessus, oø les combustibles provenant d EDF
figurent pour mØmoire, montre que l’entreposage des combustibles
Øtrangers avant traitement varie d’une durØe allant de cinq
neuf ans : les
combustibles des Ølectriciens Øtrangers, comme ceux d EDF, sont
entreposØs plusieurs annØes pour permettre leur refroidissement avant
retraitement, les piscines attenantes
chacune des centrales Øtant d une
capacitØ limitØe par rapport
celle de La Hague. Cette attente permet
donc de diminuer la radioactivitØ des effluents Ømis lors du traitement et
l entreposage prØalable est une des prestations assurØes par la Cogema
dans le cadre des contrats qu elle conclut en vue du retraitement.
L’article 3 de la loi du 30 dØcembre 1991, codifiØ sous
l’article L.542-2 du code de l’environnement, dispose sans ambigu tØ que
« le stockage en France de dØchets radioactifs importØs, mOEme si leur
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
81
retraitement a ØtØ effectuØ sur le territoire national, est interdit au-del
des
dØlais techniques imposØs par le retraitement. ». La loi ne s oppose donc
pas
l entreposage prØalable, mais elle exige que les dØchets issus du
retraitement fassent l objet d une rØexpØdition au pays d origine des
combustibles.
Les opØrations de retraitement, en permettant de sØparer le
plutonium et l URT, produisent deux familles de dØchets, elles-mOEmes
composØes de deux types de dØchets faisant l objet d un conditionnement
spØcifique :
Les dØchets issus du retraitement et leur conditionnement
Plutonium (1%)
Combustible irradié
URT (96%)
3%
Déchets issus du combustible irradié
Déchets liés à l’usage des installations
Produits de fission
et actinides mineurs
Coques et embouts
des assemblages
Déchets
technologiques
Boues bitumées de
traitement des
effluents
Conteneur de
déchets vitrifiés
Fûts
cimentés
Fûts en
inox
Fûts divers
Fûts de
bitume
Vitrification
possible
Ce sont les divers fûts et conteneurs de dØchets, qui doivent, selon
les termes de la loi, faire retour dans les pays d origine des combustibles.
2
Le suivi des dØchets Øtrangers
Hormis le cas ØvoquØ plus loin des dØchets espagnols
25
qui n ont
fait l objet d accords que rØcemment, les contrats de retraitement conclus
par la Cogema avec les compagnies ØtrangLres ont comportØ une clause
de retour dLs 1977, c’est- -dire antØrieurement
l adoption de la loi du
30 dØcembre 1991, qui a ØrigØ le retour en obligation.
Les contrats, conclus avant 1977, qui portaient sur 512 tML, sont
dits « sans retour de dØchets » ; pour les contrats conclus depuis 1977, le
25
) Cf. infra, page 106.
82
C
OUR DES COMPTES
suivi des dØchets s opLre par « UnitØ RØsidu » (UR), qui sont de quatre
types :
URPF pour les Produits de Fission
URSD pour les DØchets de Structure (coques et embouts)
URBE pour les Boues et Effluents
URDT pour les DØchets Technologiques
Le suivi est opØrØ pour chaque contrat, qui est « crØditØ » des
quatre types d UR
l occasion du retraitement, puis « dØbitØ »
l occasion du dØpart des dØchets. En pratique, seuls les dØchets vitrifiØs
correspondant aux produits de fission (URPF) ont commencØ
faire
retour dans leur pays d origine. La DGEMP suit cette comptabilitØ avec
le concours du groupement d’intØrOEt Øconomique Apave, qui rØalise un
audit du systLme de gestion des dØchets de la Cogema chaque annØe
depuis l’annØe 1996. Les clients de la Cogema font Øgalement rØaliser un
audit par le Bureau Veritas.
3
Les dØchets vitrifiØs
haute activitØ et vie longue (HAVL)
a)
Le retour des résidus vitrifiés
Jusqu
prØsent, les opØrations de retour n ont concernØ que les
dØchets vitrifiØs, dØchets HAVL qui contiennent l essentiel de la
radioactivitØ.
L organisation de leur retour n est pas simple et s apparente
une
course d obstacles, ce qui en rend la programmation problØmatique. Bien
des dØlais sont difficiles
ma triser, notamment ceux des Øchanges de
lettres intergouvernementales, et des interventions des autoritØs de sûretØ
ØtrangLres, qui doivent s assurer que les dØchets rapatriØs seront
effectivement entreposables dans le pays d accueil. Un transport vers le
Japon nØcessite des rØunions trilatØrales Royaume-Uni/Japon/France, du
fait que la compagnie maritime qui effectue le transport est dØtenue
la
fois par la compagnie britannique British Nuclear Fuel (BNFL), un
consortium japonais et la Cogema. Les diverses routes maritimes menant
l’Australie ou au Japon prØsentent toutes des difficultØs, qu’il s’agisse du
canal de Panama (exigences en matiLre d’assurance), des eaux chiliennes
ou de celles d’Afrique du Sud. En Allemagne, oø dix mille policiers sont
mobilisØs en moyenne pour assurer le transport des combustibles ou des
dØchets, aprLs deux retours effectuØs en 1996 et 1997, tous les transports
vers le centre d entreposage de Gorleben en Basse-Saxe avaient ØtØ
suspendus ; ce n est qu en 2001 que les transports ont pu reprendre,
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
83
l Allemagne ayant conditionnØ cette reprise
l acceptation de nouveaux
combustibles usØs
traiter
l usine de La Hague.
Selon les donnØes publiØes par la Cogema en 2003, en mOEme
temps que celles du tableau de la page 80, les prØvisions de retour des
rØsidus vitrifiØs rØcupØrØs aprLs retraitement vers le pays d origine Øtaient
de l ordre de 39 %
la fin de l annØe 2003, les expØditions Øtant achevØes
vers 2011.
Retour prØvisionnel des rØsidus vitrifiØs vers l Øtranger
(en nombre d emballages, situation au 1
er
juin 2003)
AnnØe
Japon
Allemagne
Belgique
Suisse
Pays-Bas
Total
%
retour
Cumul
%
1994/2003
37
39
6
4
0
86
39%
39%
2004
6
12
2
3
1
24
11%
50%
2005
8
12
2
2
1
25
11%
61%
2006
4
12
3
2
1
22
10%
71%
2007
12
2
1
1
16
7%
78%
2008
12
0
1
1
14
6%
85%
2009
12
1
1
14
6%
91%
2010
9
1
1
11
5%
96%
2011
9
9
4%
100%
Total
55
129
15
15
7
221
100%
Source : d’après tableaux publiés par la Cogema
Il ne s agit toutefois que de l expØdition des dØchets vitrifiØs
dØj
produits
et entreposØs dans les puits ventilØs de La Hague en attente de
leur renvoi. On ne dispose pas d un calendrier des ØchØances global
incluant les dØchets vitrifiØs attendus aprLs retraitement du combustible
entreposØ
26
. Un tel tableau serait certes en valeur approchØe, car
l importance des dØchets vitrifiØs dØpend du taux d irradiation des
combustibles usØs, mais aurait le mØrite de donner une vue globale. De
surcro t, dans la mesure oø l ensemble des dØchets est comptabilisØ sous
une unitØ de compte globale, les UR, une vue d ensemble des dØchets
Øtrangers prØsents et
venir pourrait OEtre publiØe chaque annØe et jointe
au rapport de l observatoire de l Andra.
26
) Le tableau ne tient donc pas compte des dØchets qui seront produits aprLs
retraitement des combustibles usØs entreposØs
La Hague, dont le tonnage Øtait
chiffrØ
501,5 tML au milieu de l annØe 2003 (voir supra tableau de la page 80).
84
C
OUR DES COMPTES
Les conteneurs de dØchets vitrifiØs
(Source : d’après Andra)
Lors du retraitement, les produits de fission sont incorporØs dans un
verre au borosilicate en fusion et le mØlange est coulØ dans des conteneurs
Øtanches en acier inoxydable d un volume de 150 l et contenant 400 kg de
verre solide.
Un conteneur standard correspond
1,3 t de combustible retraitØ et
se caractØrise par une production de chaleur moyenne de 2,5 kW par
conteneur au moment de sa production. Les conteneurs sont entreposØs en
puits ventilØs en attendant leur rØexpØdition vers le pays d origine ou un
centre de stockage, dans le cas d EDF. Leur transport est effectuØ dans des
emballages spØcifiques, ceux de la Cogema, dØnommØs « ch teaux »,
contenant 28 conteneurs.
b)
L’identification des déchets vitrifiés
Les conditions de l attribution physique des colis de rØsidus
revenant
chaque client ne sont pas spØcifiquement prØvues par les
contrats, ce qui pose la question leur bonne attribution.
En effet, aprLs le cisaillage des assemblages de combustibles, les
dØchets issus du retraitement sont rendus fongibles en production avec
ceux des autres assemblages, mOEme s ils appartiennent
d autres
Ølectriciens. Les dØchets sont ensuite produits sous forme de conteneurs
ou de fûts correspondant aux quatre types de rØsidus (UR) prØcØdemment
ØvoquØs.
Pour attribuer les dØchets, le systLme utilisØ par la Cogema
consiste
rØpartir les dØchets vitrifiØs par le poids d un produit de fission
dØnommØ « nØodyme », qui a la caractØristique d OEtre prØsent dans les
combustibles usØs en quantitØs proportionnelles au taux de combustion.
Un tel systLme de rØpartition permet d attribuer des dØchets, dont la
composition correspondra
celle des combustibles effectivement
retraitØs, mais il ne tient pas compte de la date effective de production des
assemblages de combustibles. Or, l
ge du combustible retraitØ dØtermine
la charge thermique des dØchets vitrifiØs produits.
Selon l Øtat actuel des connaissances, le dØlai de refroidissement
des dØchets vitrifiØs pourrait OEtre compris dans une fourchette allant de 40
70 ans selon que les verres ont pour origine des combustibles UOX ou
Mox. Une anticipation de ces dØlais est possible, mais au prix
d adaptations pour l instant coûteuses s agissant de stockage en
profondeur, ou en misant sur des « optimisations thermiques »
venir.
Dans la mesure oø les dØchets vitrifiØs des Ølectriciens Øtrangers et d EDF
CHAMP ET ENJEUX DU D MANT¨LEMENT ET DES D CHETS RADIOACTIFS
85
forment un pot commun, il importe pour EDF, dont les dØchets vitrifiØs
resteront entreposØs dans les puits ventilØs de La Hague jusqu
la
construction des installations de stockage dØfinitif, de ne pas recevoir, le
moment venu, des dØchets ayant une charge thermique supØrieure
ce
qu il est en droit d attendre, afin de ne pas avoir
prolonger indûment la
pØriode d entreposage avant stockage.
Le mode opØratoire adoptØ par la Cogema, lui a donnØ une
souplesse de gestion qui a ØtØ contestØe par EDF, qui estime avoir ØtØ
dØsavantagØe au profit d Ølectriciens Øtrangers. C est la raison pour
laquelle des nØgociations ont ØtØ poursuivies rØcemment entre EDF et la
Cogema pour aboutir
une vØritable procØdure de prØ-attribution des
dØchets qui vient d OEtre mise en place en complØment du systLme actuel
de rØpartition. Il para t en effet Øtonnant que les conteneurs de dØchets
vitrifiØs ne puissent OEtre physiquement prØ-attribuØs au moment de leur
production.
4
Les autres dØchets radioactifs
Les dØchets radioactifs Øtrangers autres que les dØchets vitrifiØs ont
fait l’objet d’une Øvaluation quantitative publiØe en novembre 2004 dans
le dernier inventaire rØalisØ par l’Andra. Selon cet inventaire, le nombre
de colis dØj
entreposØs ou
produire, non destinØs
des clients fran ais,
serait au total de 16 786
la date du 31 dØcembre 2002. Cette Øvaluation,
rØalisØe en 2004, est thØorique dans la mesure oø l essentiel des rØsidus
reste
conditionner, en particulier les boues et effluents, et oø les
installations destinØes
les conditionner ne sont, parfois, pas encore en
fonction.
Pour ces types de dØchets, aucun retour n a ØtØ effectuØ et rien
n est prØvu avant 2008. Les pays concernØs par ces retours sont
l Allemagne, pour plus des deux tiers, le Japon, la Belgique, la Suisse et
les Pays-Bas.
Au Royaume-Uni, une solution plus simple a ØtØ adoptØe : seuls les
dØchets vitrifiØs sont rØexpØdiØs dans le pays d origine des combustibles,
quitte
en renvoyer un peu plus en contrepartie des autres types de
dØchets
conservØs
sur
place.
Cette
simplicitØ
apparente
a
des
contreparties, car ce que qu il est convenu d appeler des « swaps » de
dØchets n est pas sans poser des problLmes de caractØrisation et de
stockage, comme on le verra
propos des dØchets de Marcoule. En effet,
ces dØchets, que l on peut qualifier d intermØdiaires, sont parfois
la
limite des normes admises pour le stockage en surface ; en outre, le coût
de leur transport est trLs ØlevØ.
86
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
La plupart des installations nucléaires de base sont exploitées par
le CEA, les sociétés et établissements publics qui en sont issus, et EDF. Il
s’ensuit que le démantèlement de ces installations et la gestion des
déchets radioactifs qu’elles engendrent devront être financés par le
secteur public. Le contexte français est très particulier, puisque EDF, en
tant que premier électricien nucléaire mondial, aura une charge sans
commune mesure avec celle des autres producteurs d’électricité dans le
monde.
La répartition des attributions en matière de sûreté nucléaire
résulte d’une longue évolution, dont la lenteur a pour origine certaines
divergences qui opposent les ministères de tutelle : ainsi, les décisions
prises par un comité interministériel de 1998 n’ont pu trouver un
aboutissement partiel qu’en 2001 et 2002 ; de plus, là aussi, les membres
ou dirigeants des organismes concernés n’ont pas été nommés ou
renouvelés en temps utile, qu’il s’agisse de l’IRSN, du CSSIN ou
du
DSND.
Créée par la loi du 30 décembre 1991, l’Andra est l’opérateur
désigné pour la gestion des déchets radioactifs. Son rôle mérite d’être
mieux affirmé, notamment en ce qui concerne son financement et la
continuité de sa gestion. En ne désignant pas en temps utile les membres
de son conseil d’administration, les pouvoirs publics ont créé à deux
reprises une situation inacceptable, qui perdure aujourd’hui.
Depuis la création de l’Andra, de grands
progrès ont été
accomplis dans la connaissance des déchets, même si cette connaissance
doit encore être améliorée, dans le sens notamment d’un inventaire
prospectif : l’inventaire de 2004 va dans ce sens.
Les règles applicables aux trois niveaux de démantèlement, qui
sont adaptées au cas des réacteurs nucléaires, méritent d’être revues
pour les INB sans réacteur. Enfin, le principe du retour dans le pays
d’origine des déchets radioactifs issus des combustibles retraités en
France devrait faire l’objet d’engagements clairs pour l’ensemble des
déchets ; s’agissant des déchets vitrifiés, leur attribution aux clients de la
Cogema, qui manquait jusqu’ici de transparence, devrait, à la suite des
accords récents, respecter strictement la chronologie de leur production,
afin qu’EDF ne soit pas lésée.
La stratégie de retraitement-recyclage, qui conditionne le volume
futur des déchets, manque de transparence et devrait impérativement être
replacée dans le contexte des choix énergétiques de la France pour le
futur. Cette question doit être éclaircie en vue du débat législatif
prévu
par la loi de 1991.
DeuxiLme partie
PremiLres expØriences de
dØmantLlement et de stockage des
dØchets radioactifs
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
89
Chapitre I
PremiLres expØriences de dØmantLlement
90
C
OUR DES COMPTES
Le rapport annuel de l’ASN fait le point chaque annØe sur le
dØmantLlement des INB mises
l arrOEt.
Au 31 dØcembre 2003, 17 anciennes INB avaient fait l’objet d’un
dØclassement, c’est- -dire d’un dØmantLlement complet. Il s agit, en fait,
d installations nuclØaires de taille modeste comportant, notamment,
9 rØacteurs, deux installations de traitement de minerai, deux installations
de fabrication de combustibles et d assemblages de combustibles, un
ionisateur.
A la mOEme date, sur les 125 installations qualifiØes d INB,
22 Øtaient
l arrOEt dØfinitif et se trouvaient
des stades variØs de
dØmantLlement. Les plus importantes sont les centrales nuclØaires de
premiLre gØnØration d EDF (8 INB) ; sont Øgalement concernØes divers
rØacteurs et installations du CEA (11 INB), de la Cogema (2 INB), ainsi
que le rØacteur de l universitØ de Strasbourg. Dans le court et le moyen
terme ce sont donc EDF et le CEA, qui sont les plus concernØs par des
dØmantLlements relativement importants d INB, surtout si l on tient
compte, pour le CEA, des installations qui seront mises
l’arrOEt au cours
de la prochaine dØcennie.
En ce qui concerne les INBS, le dØlØguØ
la sûretØ nuclØaire et
la
radioprotection pour les activitØs et installations intØressant la dØfense
(DSND), qui n’Ølabore aucun rapport
destination du public, ne diffuse
aucune information relative au dØmantLlement des installations arrOEtØes.
Le dØmantLlement le plus onØreux actuellement en cours est prØcisØment
celui d une INBS, l usine de retraitement de Marcoule, dont la charge est
rØpartie
plus de 85 % entre EDF et le CEA, et est supportØe, pour le
solde, par la Cogema.
I - La situation au CEA
Le CEA a la caractØristique d OEtre le premier exploitant
avoir mis
en
uvre toute une sØrie d INB de taille trLs variable qui ont engendrØ au
cours de leur exploitation des dØchets et des effluents, pour lesquels il ne
disposait pas d exutoire final : des installations d entreposage ont donc
ØtØ construites en attente d une possibilitØ de stockage.
La spØcificitØ des installations
dØmanteler
court ou moyen
terme tient
la fois
leur anciennetØ et
l’accumulation des dØchets qui
doivent faire l’objet d’une reprise et d’un conditionnement prØalable
leur
stockage final. On se heurte parfois
un problLme de terminologie dans
la mesure oø l’assainissement dØfinitif d’un site ne se limite pas au
dØmantLlement proprement dit, mais
l’Øvacuation des dØchets
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
91
accumulØs au cours de la vie de l’installation, dans des quantitØs sans
commune mesure avec le cas des centrales nuclØaires dont les
combustibles usØs ont toujours ØtØ ØvacuØs rØguliLrement vers les usines
de retraitement.
Avant la rØorganisation du CEA opØrØe au cours de l’annØe 2000,
les questions relatives
l’assainissement et au dØmantLlement des
installations nuclØaires relevaient d’une direction fonctionnelle dØnommØe
direction de la gestion des dØchets, crØØe en 1992. Cette direction
Ølaborait chaque annØe un rapport d’activitØ qui faisait le point sur les
questions de dØmantLlement et d’assainissement au CEA. Depuis l’annØe
2000, toutes ces questions relLvent d’une direction opØrationnelle, la
direction de l’Ønergie nuclØaire : au sein de cette direction, la direction du
patrimoine et de l’assainissement est responsable de la conduite et du
suivi des opØrations de dØmantLlement et de gestion des dØchets pour
l’ensemble des installations du CEA. Depuis ce transfert, aucun rapport
d’activitØ ou document d’information n’a ØtØ publiØ.
En 1992, l’accent avait ØtØ mis sur la nØcessitØ de mener
bien
l’assainissement des centres d’Øtudes nuclØaires du CEA avec la crØation
de la direction de la gestion des dØchets, qui a ØtØ suivie par la signature
en août 1993 d’une convention rØunissant le CEA, EDF et la Cogema
pour assurer, jusqu’
l’an 2000 inclus, l’assainissement avec des moyens
financiers
hauteur de 61 M
par an. Le programme d’assainissement
ainsi financØ comprenait des « opØrations de dØmantLlement, de collecte,
de conditionnement et de stockage des dØchets, de retraitement des
combustibles irradiØs et plus gØnØralement des opØrations, y compris de
recherche-dØveloppement, visant
Øliminer ou diminuer le risque
radioactif dans les centres civils du CEA ». Les actions prØvues dans
chacun des secteurs - dØchets, combustibles sans emploi, dØmantLlement -
du plan d’assainissement ØlaborØ en 1992 ont fait l’objet d’un schØma
directeur.
Le premier plan d’assainissement du CEA correspondait donc
la
conclusion de la convention tripartite prØcitØe dans le cadre de laquelle
les contributions aux dØpenses ont ØtØ rØparties, de 1993
2000,
raison
d environ 52 % pour le CEA, 42 % pour EDF et 6 % pour la Cogema.
Cette convention n’a pas ØtØ renouvelØe et les besoins de financement
correspondants du CEA reposent, depuis lors, soit sur les subventions de
l’ tat, soit sur le fonds dØdiØ, crØØ
cet effet en 2001.
L actuel plan stratØgique de la direction de l’Ønergie nuclØaire du
CEA intLgre un volet sur l’assainissement et le dØmantLlement des
installations,
lui-mOEme
dØcomposØ
en
trois
sous
segments
:
dØmantLlement, assainissement et environnement, installations-procØdØs
92
C
OUR DES COMPTES
et transport. Ce document dresse un premier bilan des opØrations dØj
rØalisØes.
Il fait tout d abord des constats :
sur le plan des rØalisations effectives, de petits rØacteurs
de recherche ont fait l’objet d’un dØmantLlement complet
avec libØration totale des b timents ;
les rØacteurs de taille intermØdiaire n’ont fait l’objet que
d’un dØmantLlement partiel, en raison notamment de
l’absence de filiLres de gestion des dØchets
base de
graphite et de sodium ;
plusieurs laboratoires et ateliers ont pu OEtre totalement
dØmantelØs, de mOEme qu’une installation de traitement de
minerai.
Il en tire plusieurs enseignements et recommandations :
si des dØmantLlements complets ont pu OEtre rØalisØs entre
1970 et 1990, ces rØsultats s’expliquent
la fois par le fait
que les procØdures administratives d’autorisation Øtaient
moins
complexes
et
ne
nØcessitaient
pas
alors
l intervention d’un dØcret, et, par le fait qu’il s’agissait
d’opØrations plus aisØes compte tenu de la faible activitØ
des dØchets de ces installations ;
le dØmantLlement des rØacteurs et des installations de
fabrication de combustible est moins long que celui
d’installations impliquant de la chimie et contaminØes par
des produits de fission ;
nØcessitØ de mener des opØrations de dØmantLlement
comme des projets, notamment en termes de coût et de
dØlai ;
maintien des installations aussi propres que possible au
cours de leur vie et Øvacuation des dØchets en ligne ;
Ølimination systØmatique des matØriels inutiles ;
lancement des Øtudes de faisabilitØ et de l’avant-projet
sommaire le plus t t possible avant l’arrOEt de l’installation
de fa on
prØvoir le profil des Øquipes futures, les dØlais
nØcessaires
l’obtention des autorisations ainsi que les
budgets nØcessaires ;
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
93
prise en compte de la nØcessitØ future de dØmanteler, dLs
l’origine, au moment de la conception de l’installation.
Si, au vu de l’expØrience accumulØe, il n est pas contestable que le
CEA possLde la capacitØ technique de faire face aux dØfis de
l’assainissement de ses centres dans les prochaines dØcennies, seules les
prochaines annØes permettront de vØrifier s’il pourra mener
bien en
temps utile et pour les coûts annoncØs les diffØrentes opØrations.
En 2004, le CEA prØvoyait une montØe en puissance des dØpenses
annuelles de dØmantLlement et d’assainissement passant de 153 M , en
2002,
285 M , en 2006, pour se maintenir
un niveau lØgLrement
infØrieur dans les annØes suivantes. Or, l’importance des sommes en jeu et
la multiplicitØ des projets nØcessitent un suivi qui ne semble pas encore
suffisamment rigoureux. Le commissaire aux comptes du CEA indique,
dans le compte rendu de ses interventions au titre de l’exercice 2003, que
les travaux initiØs par l’Øtablissement en vue de rØconcilier les
avancements physiques et financiers des projets de dØmantLlement en
cours n’avaient pas pu encore aboutir et que le rØsultat de ceux-ci ne
devrait pas se concrØtiser avant la fin de l’annØe 2004 : il s agit d une des
causes principales de la rØserve formulØe rØguliLrement par le
commissaire aux comptes depuis l exercice 2001, annØe de mise en place
du fonds dØdiØ. C est donc plus la capacitØ du CEA
conduire des projets
de ce type que sa capacitØ technique
mener
bien des opØrations
aujourd hui ØvaluØes
plus de 11 Md , qui suscite des interrogations.
C est d ailleurs une des raisons pour lesquelles la Cour s est inquiØtØe
depuis l annØe 2003 du projet de confier au CEA la ma trise d ouvrage du
dØmantLlement de Marcoule, ØvoquØ ci-aprLs.
II - Le dØmantLlement de l usine de retraitement de
Marcoule
Le dØmantLlement de l’usine de retraitement de Marcoule
reprØsente l’opØration de dØmantLlement la plus importante actuellement
en cours en France et une des plus importantes au monde de par son
ampleur financiLre de plus de 6 Md . Elle pose toute une sØrie de
problLmes, dont la rØsolution sera utile au moment de dØmanteler l’usine
de La Hague. C’est la raison pour laquelle la Cour a jugØ utile d’en faire
un examen approfondi.
94
C
OUR DES COMPTES
A
Le site de Marcoule et la crØation du GIE Codem
1
Historique
Le site de Marcoule, situØ dans le dØpartement du Gard sur la rive
droite du Rh ne (canton de Bagnols-sur-CLze), a ØtØ crØØ pour satisfaire
les besoins en plutonium du ministLre de la dØfense. Le rØacteur G1,
premier rØacteur de taille industrielle d’une puissance de 46 MW, a
divergØ
Marcoule en 1956. Ensuite, la filiLre dite UNGG fut lancØe
avec les rØacteurs G2 (150 MW) et G3 (150 MW) en 1958 et 1959. Pour
extraire le plutonium des combustibles usØs de rØacteurs de la filiLre
UNGG, l’usine de retraitement (dite UP1) de Marcoule fut construite et
entra en service en 1958. Les rØacteurs « CØlestin » destinØs
la
production du tritium sont entrØs en service en 1967 et 1968. La Cogema
est devenue,
sa crØation, le propriØtaire et l exploitant de l usine de
retraitement.
Plus de trente annØes plus tard, le niveau du stock militaire de
plutonium Øtait suffisant, du fait que les essais n’en consomment plus et
que les dØmantLlements des armes obsolLtes permettent de recycler le
plutonium dans les armes futures ; par ailleurs, le retraitement
des fins
civiles de combustibles irradiØs UNGG Øtait vouØ
dispara tre, EDF
ayant fermØ sa derniLre centrale UNGG en 1994, tandis que la centrale
espagnole UNGG de Vandellos de la sociØtØ Hifrensa, client de la
Cogema, avait dû cesser son activitØ en 1992
la suite d un incendie.
Dans ce contexte, l’arrOEt dØfinitif des rØacteurs G2 et G3 a eu lieu
dans les annØes quatre-vingt, tandis que l’arrOEt de l’usine UP1, qui ne
fonctionnait plus que pour des besoins civils depuis 1993, a ØtØ dØcidØ
la fin de l annØe 1997.
MalgrØ ces fermetures, l Øtablissement Cogema de Marcoule, qui
disposait encore,
la fin de 2001, de 1509 agents, a pour t che :
l’arrOEt et le dØmantLlement de l’usine UP1 et de ses
installations associØes,
la reprise de conditionnement des dØchets,
la production de tritium,
le soutien des autres unitØs implantØes sur le site.
Les autres unitØs implantØes sont, notamment, le centre d’Øtudes
nuclØaires de la vallØe du Rh ne du CEA (CEA/Valrh ), Melox, filiale de
la Cogema en charge de la fabrication des combustibles Mox, et
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
95
Centraco, usine de Socodei
27
, en charge du traitement des dØchets
faiblement radioactifs par fusion ou incinØration. Ces installations, qui
relLvent tant t du statut des INBS, tant t de celui des INB, sont
Øtroitement imbriquØes : celles qui ont servi
la production du plutonium
militaire et, actuellement,
la production du tritium, sont classØes INBS,
les autres relLvent du statut des INB.
2
La constitution du GIE Codem
Au cours de ses derniLres annØes d’activitØ, la sous-activitØ de
l usine UP1, ainsi que les perspectives liØes
son assainissement et
son
dØmantLlement, avaient fait l’objet de diffØrends entre les parties
prenantes (la dØlØgation gØnØrale pour l armement, le CEA, EDF et la
Cogema), conduisant les pouvoirs publics
arbitrer, en 1995, en faveur
d un compromis financier : la sous-activitØ d UP1 a ØtØ compensØe par
des rØmunØrations supplØmentaires, tandis qu Øtait actØ le principe de la
participation des clients de la Cogema au financement des opØrations de
mise
l’arrOEt dØfinitif, de dØmantLlement, ainsi que de reprise et de
conditionnement des dØchets, dans le cadre d’un groupement d intØrOEt
Øconomique (GIE)
constituer entre la Cogema, EDF et le CEA, ce
dernier agissant pour le compte du ministLre de la dØfense.
La crØation du GIE Codem, constituØ entre les trois entreprises
publiques, a ØtØ entourØe d’un trLs grand formalisme juridique : un accord
de crØation fut tout d’abord signØ entre le CEA, la Cogema et EDF le
19 mai 1995, et fut suivi, une annØe plus tard, d’un protocole d’associØs,
d’un contrat constitutif et d’un rLglement intØrieur. Le CEA et EDF
dØtiennent chacun 45 parts, la Cogema 10 parts, proportion reflØtant
approximativement la rØpartition de la charge future.
La Cogema, exploitant nuclØaire des installations a le r le
d’opØrateur principal pour le dØmantLlement et l assainissement des
installations concernØes. Une annexe au protocole dØtermine,
partir de
l historique des combustibles retraitØs, comment attribuer
chacun la part
qui lui revient dans une installation qui a fonctionnØ pendant prLs de 40
ans autant pour les besoins de la dØfense (CEA-DAM) que pour des
besoins civils, ces derniers Øtant partagØs eux-mOEmes entre trois
intervenants (CEA-civil, la Cogema pour son client espagnol et EDF). Le
CEA, qui est intervenu
deux titres, agit tant « pour son compte que pour
celui du ministLre de la dØfense ».
27
) SOciØtØ pour le COnditionnement des DØchets et des Effluents Industriels, sociØtØ
anonyme dØtenue
51 % par EDF et
49 % par la Cogema, spØcialisØe dans le
traitement des dØchets faiblement et moyennement radioactifs.
96
C
OUR DES COMPTES
Le conseil d’administration- comportant deux membres pour le
CEA, deux pour EDF et un pour la Cogema - prend ses dØcisions
la
majoritØ des 4/5, sauf pour ce qui concerne la stratØgie et la
programmation globale des opØrations, ou les clØs de financement, ses
dØcisions requØrant l’unanimitØ. Le GIE Codem est dotØ d’une direction
gØnØrale ne disposant que d’une trLs faible dØlØgation de signature, ce qui
nØcessite des rØunions frØquentes du conseil d’administration, pour
approuver les contrats.
3
Le maintien du statut d’INBS
Le dØcret du 11 dØcembre 1963 relatif aux installations nuclØaires
dØfinit le rØgime applicable aux INB, parmi lesquelles sont citØes les
usines de traitement des combustibles nuclØaires irradiØs. Ce texte exclut
cependant de son champ d’application les INB intØressant la dØfense
nationale et classØes secrLtes (INBS) par le Premier ministre. Le dØcret du
5 juillet 2001 relatif
la sûretØ et
la radioprotection des installations et
activitØs nuclØaires intØressant la dØfense est aujourd’hui pour les INBS le
pendant du dØcret de 1963 pour les INB. Ce mOEme dØcret a redØfini le
r le de l’autoritØ de sûretØ pour les INBS en crØant, auprLs des ministres
de la dØfense et de l’industrie, le dØlØguØ
la sûretØ nuclØaire et
la
radioprotection pour les activitØs et installations intØressant la dØfense
(DSND), fonction assurØe jusqu’en juillet 2003 par le Haut Commissaire
l’Ønergie atomique.
Comme le ministre de la dØfense l indiquait dØj
en 1996, « les
installations ne pouvant dûment justifier le caractLre secret de leurs
activitØs devront OEtre dØclassØes et soumises
l’ensemble des rLgles de
droit commun ». DLs lors, le maintien en INBS de l’usine UP1 Øtait, sans
doute contestable, le pØrimLtre INBS
Marcoule prØsentant la
caractØristique d’OEtre composØ de diverses installations :
l’usine
UP1,
aujourd’hui
arrOEtØe,
qui
produisait
exclusivement pour l’industrie civile depuis 1992 ;
les rØacteurs CØlestin, qui, par l’objet mOEme de leur
production, correspondent aux caractØristiques d’une
INBS ;
les installations du CEA-Valrh
(notamment Atalante),
des usines des sociØtØs Socodei, Melox et Cis Bio
International, qui se trouvent dans le pØrimLtre de l’INBS,
tout en obØissant par ailleurs au rØgime des INB.
Pour comprendre la situation actuelle, il faut rappeler que le
dØcoupage en INB n’avait pu OEtre appliquØ lors de la crØation du site,
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
97
puisque les notions d’INB et d INBS ne sont apparues qu’avec le dØcret de
1963.
Un des consØquences du classement INBS est un certain
assouplissement de la rØglementation de sûretØ profitant
l’ensemble des
entreprises prØsentes sur le site : ainsi, le dossier d’autorisation de rejet et
de prØlLvement d’eau, qui n’existait pas
la crØation de l’Øtablissement de
Marcoule, n’a ØtØ constituØ qu’en 1981 pour rØpondre
la rØglementation
initiØe en 1963. Une mise
jour du dossier est en cours
la suite d une
demande de l’autoritØ de sûretØ. Si une autorisation devait OEtre donnØe, ce
serait cette fois aprLs enquOEte publique.
La production de tritium pour les besoins de la dØfense serait, en
pratique aujourd’hui, la seule raison du maintien d’une INBS
Marcoule,
mOEme si le ministLre de la dØfense invoque la prØsence de matiLres
d’origine militaire comme argument subsidiaire. L INBS pourrait donc
OEtre limitØe aux installations dØdiØes au tritium.
Si l’autoritØ de sûretØ "dØfense" (DSND) applique, a priori, les
mOEmes rLgles que son homologue civil, l ASN, elle n’est pas soumise aux
mOEmes rLgles de transparence. Ainsi, le rapport annuel de l ASN est
public et diffusØ sur Internet, tandis que le rapport annuel du DSND,
beaucoup plus succinct, est classØ « confidentiel-dØfense » ;
cet Øgard,
on notera que le dernier rapport du dØlØguØ concerne l’annØe 2001, aucun
rapport n’a ØtØ produit au titre de l’annØe 2002 et que seule une synthLse
pour les annØes 2002-2003 a ØtØ ØlaborØe en 2004
.
Pour justifier le maintien de l’INBS, la lourdeur d’une procØdure de
dØclassification a ØtØ invoquØe, tout en reconnaissant qu’il faudra bien la
conduire ultØrieurement. A l’inverse, dans le sens d’un dØclassement,
l’ASN soutient l’intØrOEt d’une transparence maximale, son expØrience
acquise en termes de dØmantLlement, la synergie
rechercher avec les
opØrations d’assainissement et de dØmantLlement de l’usine UP2-400
La
Hague et l’intØrOEt de dØclassifier une INBS dLs le dØbut de son
dØmantLlement afin que la mOEme autoritØ de sûretØ conserve une vue
d’ensemble. Enfin, l’ASN Øtant seule compØtente pour les installations de
l’Andra
en
charge
du
stockage
ultime
des
dØchets
issus
des
dØmantLlements et de l’assainissement d’un site, il appara t d’autant plus
judicieux qu’elle devienne l’autoritØ de droit commun en matiLre de
dØmantLlement, dLs lors qu aucun secret liØ
la dØfense n’est en jeu.
Au stade actuel des opØrations de dØmantLlement, il est difficile de
rØaliser aujourd’hui un dØclassement « au milieu du guØ », mais celui ci
devrait OEtre d’ores et dØj
programmØ pour OEtre fixØ
une Øtape cohØrente
du processus industriel.
98
C
OUR DES COMPTES
B
Enjeux, difficultØs et dØfis du dØmantLlement de
Marcoule
1
Ampleur des opØrations
L’usine de retraitement de Marcoule est elle-mOEme composØe d’un
grand nombre d’installations, dont les principales avaient pour but le
dØgainage des combustibles usØs, la dissolution et la sØparation de
l’uranium et du plutonium, le traitement des effluents liquides
28
, et
l’entreposage, comme le montre le schØma simplifiØ ci-dessous.
Combustibles nucléaires usés
Débris
de gaines
(Magnésium et graphite)
Effluents
liquides
UP1
(dissolution,
séparation)
Uranium
Produits
de fission
Défense
nationale
Fabrication
combustible
nucléaire
Vitrification
STEL
Dégainage
MAR400
(séparation
gaine:combustible)
Plutonium
Mise en
fûts bitume
Entreposage
sur site
(AVM)
Entreposage
sur site
(Zone Nord & Sud)
Entreposage
sur site (MAR400)
Entreposage
à Marcoule,
puis Pierrelatte
Dans ce schØma, les pointillØs montrent que l’uranium de
retraitement (URT) n’a jamais ØtØ utilisØ
la fabrication de combustible,
du fait de son attrait rØduit pour un Øventuel recyclage. Il est demeurØ
Marcoule, entreposØ sous la forme liquide de nitrate d’uranyle : EDF en
possLde 3800 t, le CEA et la Cogema 4800 t.
28
) STEL : station de traitement des effluents liquides
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
99
Certaines installations vont continuer
fonctionner tant au profit
du dØmantLlement qu’
celui des autres entreprises prØsentes sur le site :
c est le cas notamment pour la station de traitement des effluents liquides
et les ateliers « supports ». Pour ce qui est des dØchets, il faudra reprendre
une grande partie des dØchets anciens pour les reconditionner, ce qui
suppose dans certains cas la construction d’installations spØcifiques. Par
ailleurs, les opØrations de dØmantLlement produiront elles-mOEmes des
dØchets. Enfin, en phase finale, on devra effectuer le dØmantLlement des
installations con ues spØcifiquement pour la reprise de conditionnement
des dØchets anciens.
Toutes les opØrations de dØmantLlement et d’assainissement vont
ainsi s’Øchelonner jusqu’aux alentours de l’annØe 2040 :
DØroulement des opØrations de dØmantLlement de Marcoule
Ateliers de production
Ateliers supports
Mise à l’arrêt
définitif
Démantèlement
Mise à l’arrêt
définitif et
démantèlement
Reprise et conditionnement des déchets
2002
2007
2016
2030
2040
Plusieurs Øvaluations des travaux
rØaliser ont ØtØ effectuØes tout
d’abord par la Cogema et, depuis 1997, par le GIE Codem, qui a revu
la
baisse les devis initiaux. La derniLre Øvaluation officielle date de
novembre 1999 et s’Øtablissait
5,64 Md
valeur 1996, soit 6,19 Md
valeur 2003
29
.
29
) Dans le prØsent rapport, les ajustements en valeur 2003 ont ØtØ effectuØs en
prenant pour base l’Øvolution du produit intØrieur brut dans les « indices de prix des
ressource et emplois de biens et services » de l’INSEE.
100
C
OUR DES COMPTES
Ce montant considØrable peut OEtre analysØ par type de dØpenses et
par type de programmes :
Evaluation 1999 par type de dØpenses (en M )
Type de dØpenses
Valeur 1996
Valeur 2003
%
Exploitation
2 881
3 159
51,1%
Etudes/Ma trise d’ uvre
335
367
5,9%
Equipements et travaux
576
632
10,2%
Stockage Andra
1 011
1 109
17,9%
Marge pour risques
838
919
14,9%
Total
5 641
6 186
100,0%
valuation 1999 par type de programmes
DØpenses par programmes
Valeur 1996
Valeur 2003
%
Transverse
1 046
1 147
18,5%
RCD (reprise et conditionnement des dØchets)
2 040
2 237
36,2%
MAD (mise
l’arrOEt dØfinitif)
628
689
11,1%
DEM (dØmantLlement)
1 927
2 113
34,2%
Total
5 641
6 186
100,0%
La ventilation par type de dØpenses rØvLle l importance des
prestations assurØes par la Cogema, sous couvert de l exploitation,
comparØe
la ma trise d’oeuvre et aux travaux proprement dits ; la part
dØvolue au stockage montre l’importance du problLme des dØchets ; la
marge pour risques atteint presque 15 % du total.
La ventilation par programme des dØpenses souligne le coût de la
reprise et conditionnement des dØchets (2 237
), qui ne se limite pas au
stockage ultime (1 109 M
dans le premier tableau) ; le programme dit
« transverse » comprend, pour l’essentiel, les dØpenses d’exploitation
communes
tous les programmes et qui correspondent au soutien gØnØral
administratif et logistique de la Cogema.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
101
La protection contre les rayonnements
Les rayonnements Ømis par un corps radioactif sont nØfastes, car ils
dØtruisent des molØcules d eau dans l organisme et endommagent ainsi les
cellules d ADN.
Les rayons alpha, qui ont un pouvoir de pØnØtration trLs faible, ne
nØcessitent qu une simple paire de gants, mais il est essentiel qu aucune
particule ne touche le corps de l intervenant ou ne soit inhalØe : pour
intervenir dans un local contaminØ, les personnels sont protØgØs par un
masque et une combinaisons Øtanche en vinyle, alimentØe par de l air
provenant de l extØrieur.
Les rayons bOEta, qui ont un pouvoir de pØnØtration moyen sont
arrOEtØs par une feuille d aluminium.
Les rayons gamma, qui ont un fort pouvoir de pØnØtration sont
arrOEtØs par d Øpais Øcrans de plomb ou de bØton : les manipulateurs
d appareils de radiographie portent des tabliers de plomb.
Source : d’après ANDRA et GIE Codem
2
Les difficultØs techniques liØes au passØ
a)
Les types de problèmes
Les coûts et les incertitudes, qui caractØrisent le dØmantLlement de
Marcoule, rØsultent pour une grande part des nØgligences du passØ,
nØgligences qui datent d’une Øpoque oø la sûretØ n’Øtait pas toujours au
premier rang des prØoccupations dans l industrie.
Le poids du passØ appara t
deux niveaux :
les nØcessitØs d’un dØmantLlement n’avaient pas ØtØ prises
en compte au moment de la conception, d’oø l’apparition,
au fur et
mesure du dØroulement des opØrations, de
problLmes techniques particuliLrement ardus ;
le conditionnement des dØchets n’avait pas obØi
des
mØthodes rigoureuses et on est contraint aujourd’hui
d’extraire les fûts de bitume des fosses et casemates, oø ils
sont entreposØs, sans avoir une parfaite connaissance de
leur contenu ni du niveau de leur radioactivitØ.
Le dØmantLlement d installations utilisØes effectivement par
l exploitant jusqu
leur mise
l arrOEt comporte a priori moins
102
C
OUR DES COMPTES
d’inconnues que la reprise et le conditionnement des dØchets anciens,
mais, leur diversitØ recLle, nØanmoins, une sØrie d’obstacles techniques
imprØvus, susceptibles de renchØrir les coûts.
Ainsi, le devis du dØmantLlement des cuves
produits de fission,
qui dØpasse 100 M , est susceptible d’OEtre affectØ par une erreur d’un
rapport de 1
5, du fait que ces cuves sont situØes de telle fa on qu’on ne
peut
procØder
leur
rin age,
opØration
prØliminaire
de
la
dØcontamination : il en rØsulte que le dØmontage ne sera possible que par
la voie d’une tØlØ-opØration beaucoup plus onØreuse. Quant aux piscines,
dotØe d’un revOEtement en inox, des fissures dans le bØton ont ØtØ
dØtectØes ; des barreaux de combustibles « oubliØs » ont ØtØ rØcemment
dØcouverts, ce qui pose le problLme de leur retraitement ; une des piscines
contient du combustible de la centrale PhØnix, ce qui est source de litiges,
puisque PhØnix, toujours en activitØ, n’est pas dans le pØrimLtre du GIE
Codem.
Mais, c’est sans doute la reprise et le conditionnement des dØchets
anciens, qui aura posØ le plus de difficultØs
Marcoule. L inventaire des
dØchets au dØbut de l annØe 2003 donne une idØe des volumes et de la
radioactivitØ en cause et du type de stockage envisagØ :
Inventaire des dØchets radioactifs en janvier 2003
Nature des produits
QuantitØ
Stockage
Produits de fission
DØchets vitrifiØs (conteneurs)
2925
Profond
A vitrifier
208 m3
Profond
Structure des assemblages de combustibles usØs
Graphite (chemises)
743
t
A dØfinir
MagnØsium et divers
1 974 t
Profond/Surface
DØchets activØs en rØacteurs
DØchets mØtalliques (poubelles et
fourreaux)
1 100
Profond/Surface
DØchets tritiØs (conteneurs)
272
Surface
Traitement des eaux de piscines
161 t
Profond/Surface
Traitement des effluents
(fûts bitume)
62 461
Profond/Surface
Source : d’après rapport d’activité GIE Codem
Pour des raisons de simplifications, les dØchets liØs
l exploitation
des ateliers n apparaissent pas. La double mention « Profond/Surface »
indique que pour toute une sØrie de dØchets, une partie relLve du stockage
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
103
profond et une autre du stockage en surface, sans que la proportion en soit
toujours connue.
Les dØchets les plus radioactifs, issus de la vitrification des
produits de fission, ne posent pas de problLmes techniques in situ,
puisqu’ils sont conservØs dans des puits ventilØs dans l’attente d’un
stockage profond : l’incertitude concerne la date de rØalisation de ce
stockage et son prix, qui Øtait ØvaluØ
hauteur de 96,13 K /m
3
dans le
scØnario de 1999 pour les dØchets de type C, montant
comparer avec les
coûts actuellement envisagØs par l’Andra.
En revanche, pour certains types de dØchets
base de graphite, tels
que les 743 t de chemises issues des combustibles UNGG, aucune
solution n a encore ØtØ trouvØe. Par ailleurs, les soixante mille fûts de
bitume produits par la station des effluents liquides (STEL) sont un des
exemples les plus rØvØlateurs des difficultØs rencontrØes
Marcoule.
b)
L’exemple des fûts d’enrobés bitumineux
La station des effluents liquides est chargØe de dØcontaminer les
effluents liquides par une co-prØcipitation, dont les boues furent
incorporØes
partir de 1966 dans du bitume choisi pour son pouvoir de
confinement. Cette station est toujours en fonctionnement pour des
productions minimes par rapport
l Øpoque de pleine activitØ.
La connaissance exacte du nombre et de l’origine des fûts
d’enrobØs bitumineux ainsi produits est difficile et les chiffres diffLrent en
fonction des documents. Selon un dØcompte fourni au cours de l’enquOEte,
le nombre de fûts produits aurait ØtØ de 69 725, dont il faut dØduire 4 649
fûts dØj
expØdiØs
l’Andra et 3 479 rejetØs
la mer, ce qui conduit
un
solde de 61 597.
De 1966
1995, 6 164 fûts ont ØtØ entreposØs dans 35 fosses
situØes dans la zone Nord de Marcoule, puis, tous les autres fûts l ont ØtØ
dans des casemates construites
cet effet dans la zone Sud
c tØ de la
station de traitement des effluents liquides. Sans doute, ces entreposages
con us avant la loi de 1991 Øtaient-ils destinØs
perdurer, mais les
inquiØtudes nØes tant de l Øtat des fosses et casemates que de celui des
fûts
eux-mOEmes
ont
conduit
en
dØcider
la
reprise
et
le
reconditionnement. Les conditions de cette reprise sont compliquØes par
l ignorance de l exploitant du contenu exact, et donc du niveau de
radioactivitØ, des fûts produits jusqu en 1995 : c est l
une caractØristique
Øtonnante datant d une Øpoque oø la sûretØ nuclØaire n Øtait pas au centre
des prØoccupations.
104
C
OUR DES COMPTES
Les immersions de dØchets radioactifs (Source : Andra)
Le centre de Marcoule a fait procØder au total
l’immersion en mer,
en 1967, de 31 596 fûts
200 miles au large de l’Espagne et, en 1969, de
14 800 conteneurs,
500 miles au large de la Bretagne. Il s’agissait de
dØchets
de
faible
et
moyenne
activitØ, dont
l’immersion
a
ØtØ
dØfinitivement interdite
partir de fØvrier 1994 par la convention de
Londres. L’immersion de dØchets de trLs haute activitØ avait ØtØ interdite
partir de 1972. DLs 1970, la France s’est abstenue de cette pratique et a
pris l’option du stockage en surface, le centre de stockage de la Manche
ayant ØtØ crØØ
la fin de l’annØe 1969. Sur le total de 46 396 fûts immergØs
par le centre de Marcoule, seraient compris les 3 479 fûts bitumineux
produits par la station de traitements des effluents liquides (STEL) ; le
total immergØ correspond
une masse totale d’environ 14 300 tonnes pour
une activitØ initiale globale de 353 TBq, reprØsentant seulement 1 % de la
radioactivitØ des immersions effectuØes par les autres pays de 1948
1982
plus des trois quarts revenant au Royaume-Uni.
Il s ensuit que pour effectuer cette reprise, il a fallu concevoir et
construire un b timent d entreposage intermØdiaire polyvalent, dØnommØ
EIP, pour accueillir les fûts, avant de pouvoir en mesurer la radioactivitØ
pour conna tre si ces dØchets Øtaient susceptibles d OEtre ØvacuØs au centre
de l Aube ou dans un futur site de stockage profond. AprLs bien des
discussions et conflits, l EIP a ØtØ construit, sans autorisation prØalable de
Codem, pour un coût de l ordre de 60 M
et mis en service dans le
courant de l annØe 2000.
Pour ce qui est de la zone Nord, aprLs avoir assurØ une meilleure
ØtanchØitØ des fosses au moyen d une couverture en zinc, une installation
spØcifique a dû OEtre con ue pour opØrer la reprise industrielle de fûts, qui
a dØbutØ en 2000 au rythme annuel d environ 6
700 fûts, l objectif Øtant
de terminer la reprise des 6000 fûts vers 2007.
Pour ce qui est de la zone Sud, il faut, dans un premier temps,
envisager des travaux destinØs
assurer l ØtanchØitØ des casemates, avant
de concevoir une installation de nature
permettre une reprise
industrielle, qui ne semble pas pouvoir dØbuter avant 2010 pour se
terminer en 2030.
La construction d’une installation de tri et de mesure de la
radioactivitØ, a priori indispensable pour dØterminer la destination future
des fûts, a fait aussi l’objet de bien des discussions. Certains ont estimØ
inutile d’engager de tels frais sans avoir l’assurance que l’Andra
accepterait un maximum de ces fûts au centre de stockage en surface de
l’Aube, alors que l’Agence ne pourra s’engager dØfinitivement qu’au vu de
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
105
leur caractØrisation dØfinitive, et que, mOEme en cas de stockage profond,
on n’Øchappera pas
une caractØrisation prØalable des dØchets enfouis.
Dans ce dossier complexe, est notamment en question la teneur des futurs
colis en Ømetteur de rayonnement
α
, les seuls fûts de Marcoule
susceptibles d’un stockage en surface reprØsentant plus de 8 % de la
capacitØ autorisØe du centre pour un volume de l’ordre de 2 % ; la
prØsence d’autres produits tels que le technØtium 99, qui est un produit de
fission
durØe de vie longue, ou le tributylphosphate (TBP), utilisØ pour
le
traitement
chimique
de
l uranium,
mØrite
Øgalement
des
approfondissements avant de pouvoir donner un agrØment dØfinitif. On
notera que, rØcemment encore, le DSND estimait inacceptable d’attendre
2010 pour effectuer un dØbut de reprise dans la zone Sud.
Sur la base d une hypothLse de rØpartition de la moitiØ des colis en
stockage en surface, et en se basant sur les coûts de stockage de l’Andra
de 1996 en valeur 2003, le coût du seul stockage en surface de 30 000
fûts s’Øtablit
123 M
et celui du stockage profond de 30 000 fûts
438 M .
Actuellement, des incertitudes subsistent sur le lieu mOEme de
stockage futur des dØchets non susceptibles d un stockage en surface.
EDF souhaite la rØalisation d’un stockage dØdiØ au graphite issu des
rØacteurs UNGG et aux dØchets radifLres de l’industrie non nuclØaire et
n Øcarte pas la possibilitØ que ce stockage puisse accepter
terme d’autres
dØchets FAVL, tels les dØchets bitumØs ou cimentØs. Ce projet,
mentionnØ pour information dans le rapport d’activitØ du GIE Codem
pour 2003, est pris en compte directement dans le calcul des provisions
d’EDF pour 2003. Or, l Andra n a pour l instant commencØ aucune Øtude
relative
un tel projet.
106
C
OUR DES COMPTES
Les dØchets espagnols
La sociØtØ espagnole Hifrensa a, par des contrats passØs en 1972,
1979 et 1987, confiØ
la Cogema le retraitement de combustibles UNGG
irradiØs de sa centrale de Vandellos 1. Par la suite, deux conventions,
conclues au cours des annØes 2000 et 2001, ont dØterminØ les opØrations
effectuer sur les dØchets et rØsidus Ømanant des combustibles provenant de
la centrale de Vandellos 1, ainsi que le solde de l’ordre de 240 M
restant
dû par Hifrensa et les conditions de son versement en fonction des
prestations couvertes.
Avant le vote de la loi du 30 dØcembre 1991, l obligation de retour
des dØchets Øtrangers n existait pas. C est pourquoi, il a ØtØ convenu que la
Cogema assurerait la reprise, le conditionnement, l’entreposage et le
stockage des dØchets provenant du retraitement effectuØ dans le cadre des
premiers contrats ; les dØchets correspondant au contrat de 1987 seront
retournØs en Espagne
partir du dØbut de l’annØe 2011, dans la mesure de
la disponibilitØ des installations de rØception des rØsidus dans ce pays. Des
pØnalitØs sont prØvues en cas de non-respect des dØlais.
Les spØcifications prØvoient trois catØgories de dØchets : les
produits de fission, les boues effluents et les dØchets technologiques.
cela s’ajoutent 109,2 t de magnØsium et 37,4 t de graphite, qui n’ont pas
encore re u de spØcifications dØfinitives en ce qui concerne leur
conditionnement.
En dØfinitive, la reprise et le conditionnement des dØchets anciens
rØunit tous les ingrØdients des difficultØs rencontrØes
Marcoule :
l ampleur et l incertitude des charges conduisent
des conflits internes, la
Cogema Øtant soup onnØe par ses partenaires de pr ner des solutions
onØreuses qui lui profitent directement, tandis qu au bout de la cha ne,
une certaine unanimitØ des parties prenantes se manifeste contre l’Andra,
soup onnØe d avoir une gestion trop rigide de ses critLres d acceptation
des dØchets radioactifs en stockage de surface.
3
Les difficultØs de fonctionnement du GIE
Dans l’organisation mise en place, le GIE Codem est le ma tre
d’ouvrage, la ma trise d’oeuvre Øtant assurØe par la Cogema, titulaire de la
quasi-totalitØ des contrats conclus avec le GIE, tout en Øtant membre du
conseil d’administration. Il y avait l
l’Øvidence des conflits d’intØrOEts
potentiels avec la Cogema, celle-ci Øtant placØe dans la double situation
du financeur
titre subsidiaire et du fournisseur
titre principal. Une
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
107
commission consultative des marchØs, instituØe en 1997 sur le modLle de
celle du CEA, a exercØ cependant un r le pØdagogique de ma trise des
coûts en luttant contre les marges trop ØlevØes et en pr nant l’abandon
d’un systLme contractuel qui se traduisait par un dØversement
systØmatique des coûts de la Cogema au titre de l’exploitation, pour le
remplacer par un systLme de contrats forfaitaires assortis d’un rØsultat.
De trLs nombreuses contestations, de multiples audits et arbitrages
ont ØmaillØ les premiLres annØes de fonctionnement. Ce faisant, les
membres du GIE Codem s’en sont tenus
une logique de budget annuel,
alors que le programme Codem s’Øtalait sur plus de 40 ans. C’est ainsi que
l’actualisation du scØnario de 1999 et des programmes affØrents, qui
devait OEtre mise au point
la fin de l’annØe 2002, n’a pu
ce jour faire
l’objet d’un consensus. Les contestations rØcurrentes sur le bien-fondØ de
certaines prestations et le niveau des marges pratiquØes par la Cogema ont
ØtØ une caractØristique majeure du fonctionnement du GIE Codem. On
peut comprendre le souci de Cogema d’Øquilibrer les comptes de son
Øtablissement de Marcoule, dont les effectifs sont restØs quasiment stables
de 1997
2001, alors que l arrOEt de l usine date de 1997 et qu’une grande
partie des prestations liØes au dØmantLlement est sous-traitØe. La Cogema
a indiquØ que cet apparent immobilisme cache des efforts d’optimisation,
qui ont trouvØ leur limite avec la crØation de 40 postes en 1999
la suite
d’un mouvement social dur, alors que la mise en place des 35 heures
aurait dû entra ner,
pØrimLtre Øgal, la crØation de 130 emplois. Une telle
rØponse, si elle explique la situation, ne justifie pas pour autant que les
membres du GIE Codem doivent supporter les consØquences des
sureffectifs de l’Øtablissement.
Les dØlais d instruction des dossiers soumis par la Cogema au
DSND ont ØtØ Øgalement un facteur de renchØrissement par les retards
qu ils ont engendrØs. Ces dØlais Øtaient dus
la faiblesse des moyens de
l autoritØ de sûretØ dØfense et aux dØlais d instruction de l IRSN, peut-
OEtre trop systØmatiquement mis
contribution pour Øtudier des dossiers,
qui ne faisaient que transiter par le DSND, dØmuni de moyens pour les
instruire
son niveau. Dans un domaine oø les demandes d autorisation
sont
beaucoup
plus
nombreuses
que
pour
une
installation
en
fonctionnement, l ASN suggLre, quant
elle, la mise en place d un
systLme de responsabilisation par le truchement d une commission de
sûretØ interne pØriodiquement auditØe. Ce faisant, est ainsi reposØe la
question de la dispersion des moyens entre deux autoritØs de sûretØ
distinctes en matiLre de dØmantLlement, alors que les aspects dØfense
n existent plus et que l autoritØ compØtente pour la destination finale des
dØchets est prØcisØment l ASN.
108
C
OUR DES COMPTES
4
La crise budgØtaire et la remise en cause du GIE
Bien qu il s agisse d’un programme prØvu sur 40 annØes, les
contributeurs du moment ont tendance
adopter une logique budgØtaire
annuelle sans OEtre impliquØs par les Øconomies futures qu une
accØlØration du programme est susceptible d engendrer. Au demeurant, le
sentiment que toute Øconomie rØalisØe, face au systLme de dØversement
de crØdits initiØs par la Cogema, Øtait un gain dØfinitif, ne pouvait que les
conforter dans une position attentiste. Les dØsaccords persistants se sont
traduits par une absence de vote du budget 2002, qui fut exØcutØ par
douziLmes provisoires, la Cogema refusant par ailleurs d’approuver les
comptes 2001 ; le budget pour 2003 n’a, pour sa part, fait l’objet que d’une
approbation sans dØtail
hauteur de 140,1 M
au mois de janvier 2003.
Les propos parfois trLs vifs ØchangØs au cours de l’annØe 2002 ont
fait place
une situation d’attente provoquØe par le dØsengagement du
ministLre de la dØfense et la remise en cause du GIE.
a)
Le désengagement du ministère de la défense
Le ministLre de la dØfense a repris
son compte une initiative sans
doute malheureuse de l’administrateur gØnØral du CEA, qui avait proposØ
que le futur fonds dØdiØ pour les dØpenses de dØmantLlement des
installations civiles du CEA soit utilisØ pour financer
hauteur de 76,22
M
par an une partie du dØmantLlement des installations nuclØaires
dØdiØes aux activitØs de dØfense sur les sites de deux Marcoule et de
Pierrelatte
30
. Or, les arbitrages ministØriels n’ayant pas retenu cette
proposition, le ministre de la dØfense a, nØanmoins, continuØ
prØparer le
projet de loi de programmation militaire sur la base d’une contribution
extØrieure annuelle de 76,22 M .
La loi du 27 janvier 2003 relative
la programmation militaire
pour les annØes 2000
2008 a repris cette proposition, puisque le rapport
annexØ
la loi dispose que «
le démantèlement des installations de
production de matières fissiles, qui n'est pas inclus dans le périmètre de
la présente programmation, devra être financé par un fonds, qui sera mis
en place avant l'été 2003 ».
Depuis 2003, les lois de finances de l’annØe
n’incluent plus qu’une part rØsiduelle des charges financiLres relatives au
dØmantLlement des installations de Marcoule et de Pierrelatte, puisqu’un
fonds de dØmantLlement est censØ y pourvoir.
30
) A Pierrelatte, se dØroule Øgalement, pour le compte de la dØfense, le
dØmantLlement d une ancienne usine d enrichissement d uranium, opØration d une
ampleur sans commune mesure avec celle de Marcoule.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
109
Comme aucun fonds n’a ØtØ mis en place
la date prescrite par la
loi, ni d’ailleurs dans le courant de l’annØe 2004, le GIE Codem a ØtØ
conduit
recourir
l’emprunt, afin d’assurer la continuitØ des opØrations,
avec la caution
100 % du CEA.
b)
La remise en cause de l'organisation
Pour faire face
la crise budgØtaire aggravØe par la diminution
programmØe de la contribution de la dØfense, le CEA a formulØ, en août
2002, trois propositions consistant
:
simplifier le pilotage et la gestion des opØrations en
confiant au seul CEA la responsabilitØ technique et
financiLre du dØmantLlement des installations militaires de
la vallØe du Rh ne ;
dissoudre le GIE Codem, tout en libØrant Cogema et EDF
par le biais d’une soulte ;
assurer le financement par une extension du fonds dØdiØ,
alimentØ par les soultes de la Cogema et d’EDF, ainsi que
par des actifs
dØterminer correspondant
la prise en
charge du dØsengagement de la dØfense, complØtØs
Øgalement
par une contribution annuelle.
La simplification attendue d’une telle proposition, pour sØduisante
qu’elle soit, fait des impasses ou des paris sur la connaissance du coût du
dØmantLlement, sur l’utilisation du personnel de la Cogema
Marcoule,
sur la question des dØchets, dont chaque entreprise doit rester
responsable, et sur la question du financement de la part de la dØfense.
Devant ces incertitudes, une mission conjointe fut confiØe au
Conseil gØnØral des mines,
l’Inspection gØnØrale des finances et au
Contr le gØnØral des armØes avec le triple but de prØciser le coût financier
et les ØchØanciers des travaux, de proposer un Øventail de solution en
matiLre de financement, ainsi que des simplifications dans l’organisation
pour mieux responsabiliser les diffØrents acteurs. La mission a remis son
rapport en juillet 2003. Elle a, notamment, privilØgiØ dans ses
propositions une dissolution du GIE Codem et la prise en charge des
opØrations par le CEA. Ses propositions ont ØtØ
l origine de la crØation
d’un groupe de travail, dont les travaux ont dØbutØ en novembre 2003
pour aboutir en juillet 2004
des conclusions sur la base desquelles les
pouvoirs publics ont arrOEtØ des dØcisions applicables
compter du dØbut
de l annØe 2005.
110
C
OUR DES COMPTES
C
Bilan en 2004
1
Evaluation du programme
Au dØbut de l’annØe 2003, une actualisation du scØnario 1999 par
les services du GIE Codem conduisait
un total de 5 984 M , dØcomposØ
comme suit :
Evaluation 2002 du programme Codem
En M
(valeur 2002)
Devis 1999
Devis 2002
2002-1999
Mise
l arrOEt dØfinitif & DØmantLlement
2 853
2 786
-67
Reprise et conditionnement des dØchets
2 241
2 677
436
Total hors marge pour risque
5 094
5 464
370
Marge projet
890
520
-370
Total devis
5 984
5 984
0
Source : GIE Codem
Dans ce calcul, le montant de la marge pour risque a diminuØ pour
tenir compte des connaissances acquises et des travaux dØj
rØalisØs ; elle
reprØsente environ 870 M . En 2004, dans le cadre du groupe de travail
rØuni pour faire des propositions sur l avenir de Marcoule, EDF et le CEA
ont chacun reformulØ un chiffrage sur des bases distinguant les opØrations
selon leur Øchelonnement dans le temps :
Evaluation 2003 du programme Codem par EDF et le CEA
En M
valeur 2003
EDF
CEA
Estimation
Basse
haute
basse
haute
RØalisØ
fin 2003
1 064
1 064
OpØrations programmØes pour achLvement
d’ici fin 2030
2 340
2 790
2 790
dont marge
520
520
RCD dØchets bOEta, rØacteurs sur 2012
2030
(devis 1999)
120
120
DØmantLlement supports post 2030
200
220
800
DØchets B & C conditionnØs (devis 1999)
1 229
1 229
Total reste
faire 2004-2040
3 889
4 339
4 359
4 939
Total gØnØral
4 953
5 403
5423
6 003
Source : d’après CEA et EDF
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
111
Ce nouveau chiffrage a ØtØ rØalisØ dans l optique d une
rØorganisation, confiant la responsabilitØ des opØrations au CEA au lieu et
place du GIE Codem. Dans une telle hypothLse, EDF rappelle que le
montant de 1 229 M
du stockage des dØchets B & C n est citØ que pour
mØmoire, et que , compte tenu de la forte incertitude qui affecte ce poste,
chacune des parties prenantes en conservera la charge. Aux termes de la
lØgislation actuelle, il ne serait d ailleurs pas en leur pouvoir de se
dessaisir de cette responsabilitØ (Voir encadrØ ci-dessous). On ne sera pas
surpris de constater que l Øvaluation du CEA, candidat
la reprise des
opØrations de dØmantLlement, est supØrieure, tant en hypothLse haute
qu en hypothLse basse, d environ 550 M
celle d EDF.
Extrait du site Internet du Gie CODEM
La gestion des dØchets est rØgie par le principe suivant :
LE PROPRIETAIRE D UN DECHET EST SON EMETTEUR.
Il en reste donc Øternellement responsable.
Quand une entitØ produit un dØchet nuclØaire, elle ne fait qu’en
confier sa gestion
l’Andra
, ou
aux autres organismes chargØs de centres
de stockages.
Concernant la rØpartition des charges, qui se dØduit elle-mOEme de
la quantitØ de combustibles retraitØs et de leur niveau d irradiation,
l expØrience des six premiLres annØes de fonctionnement - oø sur
1 064 M , 36,7 % ont ØtØ versØs par le CEA-DAM, 7,7 % par le CEA-
civil, 39,5 % par EDF et 16,1 % par la Cogema -, le reste
couvrir
devrait OEtre assumØ
raison de :
41 % par le CEA-DAM, et 5,5 % par le CEA-civil,
40 % par EDF,
13,5 % par la Cogema.
2
Gestion et financement
Quelles que soient les difficultØs rencontrØes, il est important de
prØciser, en premier lieu, que la qualitØ de la ma trise d ouvrage assurØe
par les personnels du GIE Codem a ØtØ reconnue dans le cadre de
multiples audits. Au milieu de l annØe 2003, avec un total de 335 000
heures de travail, 15 % de la radioactivitØ estimØe avait ØtØ traitØe, 20 kg
112
C
OUR DES COMPTES
de plutonium rØcupØrØ, 2000 t d Øquipements dØmontØs sur un total de
5000 t et de 20 000 t de matØriaux.
Les retards dans les travaux de mise
l’arrOEt dØfinitif (MAD), de
dØmantLlement (DEM) et de reprise et conditionnement des dØchets
(RCD) ont ØtØ imputables
des alØas techniques,
des dØlais dans
l’obtention des autorisations de sûretØ, mais aussi
la mØsentente entre les
financeurs.
Pour l’avenir, la qualitØ de la gestion, s’agissant du programme de
dØmantLlement le plus important conduit en France, est Øtroitement liØe
aux choix qui seront faits par les autoritØs de tutelle, tant en ce qui
concerne l’organisation de la ma trise d’ouvrage, jusqu’ici confiØe au GIE,
que les modalitØs du financement de la part de l’Etat. Il convient en effet
de sortir de la situation de blocage actuel, qui n’a pas permis de mettre
jour le scØnario adoptØ en 1999 et empOEche de prendre des dØcisions de
fond sur ce programme.
Sur le plan de l’organisation, trois solutions sont aujourd’hui
possibles : maintien du GIE, dissolution et reprise de la ma trise
d ouvrage par le CEA, dissolution et reprise de la ma trise d ouvrage par
la Cogema.
Le maintien du GIE est envisageable, mais avec une organisation
diffØrente, la participation de la Cogema au conseil d’administration Øtant
source de conflits. Le ministLre de la dØfense y souscrirait, mais il
manque l agrØment des autres membres, qui ont, en quelque sorte, perdu
la volontØ de travailler ensemble sur ce dossier
La dissolution et la reprise des activitØs de Codem par le CEA ou
la Cogema, moyennant le paiement d’une soulte, sauf pour ce qui
concerne la destination finale des dØchets destinØs au stockage profond,
suppose que soit dØterminØe de fa on plus sure l’Øvaluation des charges
financer hors stockage profond, surtout si la soulte est libØratoire.
La Cogema et EDF ne voient que des avantages
une reprise par
le CEA, mais cette solution
reporte les problLmes d’une structure
trois
sur une structure
deux, dans la mesure oø le recours
la Cogema risque
de s imposer comme par le passØ. Si le CEA devient l’exploitant nuclØaire
effectif au lieu et place de Cogema, cela suppose le transfert des agents
concernØs par les opØrations, ce qui est peu vraisemblable et poserait la
question des effectifs nØcessaires. Enfin, une telle solution entra nerait le
transfert des risques techniques et financiers, aujourd hui rØpartis, sur un
Øtablissement public, c’est- -dire indirectement l’Etat, puisque les
ressources du CEA sont essentiellement constituØes de subventions.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
113
Le transfert au CEA est nØanmoins la solution qui vient d OEtre
retenue par les pouvoirs publics, confortØs en ce sens par EDF et Areva,
au moment oø il est question, pour chacun d eux, d ouverture du capital.
Il est Øtonnant qu un exploitant nuclØaire puisse OEtre dØchargØ de la
responsabilitØ du dØmantLlement, alors qu un consensus international,
comme le remarque l ASN, existe pour que le dØmantLlement reste autant
que possible confiØ
l exploitant de l installation lorsqu elle Øtait en
activitØ. L’argument selon lequel la part financØe par la Cogema dans les
activitØs de dØmantLlement Øtant la plus faible il serait paradoxal qu’elle
soit chargØe du dØmantLlement, n’est pas pertinent : en effet, cette part
correspond
celle de son client Hifrensa, qui n’est pas partie prenante
directement au GIE, le CEA et EDF Øtant les deux autres clients. C’est
bien
l’exploitant d’assurer le dØmantLlement, et, comme
La Hague, la
question de la participation financiLre des clients n’est posØe que dans la
mesure oø elle n’avait pas ØtØ incluse dans les prestations facturØes. Enfin,
et c est pour la Cour le principal argument en faveur d un transfert
la
Cogema, si cette derniLre avait la ma trise d ouvrage, elle serait incitØe
une conduite vertueuse dans la restructuration de son Øtablissement de
Marcoule, puisqu elle ne pourrait plus facturer
ses partenaires sa sous-
activitØ.
Pour conclure sur le plan du financement de la part revenant
l’Etat, la Cour ne peut que dØplorer une dØbudgØtisation, qui a conduit le
GIE
emprunter sur le marchØ au lieu et place de l Etat, et elle observe
que les ØchØances fixØes par le lØgislateur ne sont pas respectØes.
III - Les premiers dØmantLlements d EDF
Le parc des centrales nuclØaires, dites de premiLre gØnØration, est
composØ de huit tranches construites dans les annØes 1950 et 1960 :
Brennilis, Chooz A et les 6 rØacteurs de la filiLre UNGG de Chinon,
Saint-Laurent et Bugey. Ces rØacteurs ont ØtØ mis
l arrOEt aprLs une
vingtaine d annØes de fonctionnement. A ces centrales, vient s ajouter le
rØacteur
neutrons rapides (RNR) SuperphØnix de la centrale de Creys-
Malville arrOEtØ en 1997.
114
C
OUR DES COMPTES
Centrales nuclØaires arrOEtØes d EDF
Tranche
Type
Puissance
nette
(MW)
AnnØe mise
en service
ArrOEt
d’exploitation
Chinon A1
UNGG
70
1963
1973
Chinon A2
UNGG
210
1965
1985
Chinon A3
UNGG
480
1966
1990
Saint-Laurent A1
UNGG
480
1969
1990
Saint-Laurent A2
UNGG
515
1971
1992
Bugey 1
UNGG
540
1972
1994
Brennilis
Eau lourde
70
1967
1985
Chooz A
REP
310
1967
1991
Creys-Malville
RNR
1200
1986
1998
Source EDF
Si on les compare au parc actuellement en exploitation, trois
caractØristiques ressortent de l analyse de ces centrales de premiLre
gØnØration :
!
elles ont globalement peu servi, puisque la durØe de vie de
chacune des tranches oscille entre 10 et 24 ans pour Chinon A et
Chooz A ;
!
elles sont de filiLres rares, voire prototypes, avec trois types
d installations, les 6 rØacteurs UNGG, le rØacteur
eau lourde de
Brennilis et le rØacteur
eau sous pression (REP) de premiLre
gØnØration de Chooz A ;
!
elles sont de faible puissance, comparØes aux rØacteurs
actuellement en service:
A
La stratØgie de dØmantLlement
Jusqu en 1999, EDF rØalisait le dØmantLlement des centrales
jusqu au niveau 2 de l AIEA, et son intention Øtait d attendre 25
50 ans
pour profiter de la dØcroissance de la radioactivitØ avant d intervenir sur
le rØacteur pour passer au niveau 3 de dØmantLlement.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
115
A l intØrieur d un rØacteur vidØ de ses combustibles et fluides, le
cobalt est le principal radioØlØment et, comme sa pØriode radioactive est
de l ordre de 5 ans
31
, il s ensuit que la radioactivitØ rØsiduelle du rØacteur
est de :
!
90 % aprLs 1 an
!
50 % aprLs 5 ans
!
25 % aprLs 10 ans
!
12,5 % aprLs 15 ans
!
3,1 % aprLs 25 ans
!
0,1 % aprLs 50 ans
et qu elle diminue donc trLs faiblement
partir de 25 ans.
Un dØlai de 50 ans pour intervenir sur les rØacteurs Øtait donc en
soi excessif, la diminution de radioactivitØ obtenue dans les 25 derniLres
annØes Øtant elle-mOEme nØgligeable. Par ailleurs, l avantage attendu d un
Øtalement dans le temps n est plus apparu aussi dØterminant du fait du
dØveloppement des possibilitØs d intervention
distance par la robotique
aux lieu et place de l intervention humaine.
Par ailleurs, les inconvØnients d une pØriode d attente prolongØe
sont de divers ordres, puisqu une telle pØriode engendre des frais de
surveillance importants et la nØcessitØ d un entretien continu pour faire
face
la dØgradation naturelle de l installation et aux risques de
contamination de l environnement.
A l inverse, l exØcution des travaux, alors que des agents ont
conservØ la « mØmoire » de l installation est un avantage prØcieux,
particuliLrement dans le cas des centrales appartenant
des filiLres
abandonnØes. De plus, en termes de communication, un dØmantLlement
rapide est susceptible d apporter la preuve aux citoyens sceptiques que
l industrie
nuclØaire
est
une
industrie
propre
et
soucieuse
de
l environnement. Enfin, d autres avantages sont liØs
un dØmantLlement
rapide pour EDF : la charge de dØmantLlement sera ainsi supportØe sur
une pØriode antØrieure
celle du renouvellement du parc REP en
exploitation et une organisation industrielle, capable de gØrer le moment
venu la dØconstruction des centrales REP aujourd hui en exploitation,
aura ØtØ ainsi mise sur pied.
31
) Le cobalt 60 voit sa radioactivitØ diminuer de moitiØ tous les 5 ans (supra,
encadrØ, p.42).
116
C
OUR DES COMPTES
Pour l ensemble de ces raisons, la dØcision d avancer le
dØmantLlement des centrales arrOEtØes a ØtØ prise en 2001. Dans les autres
pays, les dØlais varient beaucoup, mais on notera qu’aux
tats-Unis le
dØmantLlement rapide a Øgalement ØtØ prØfØrØ et qu’au Japon il est prØvu
une dizaine d annØes aprLs l arrOEt.
Pour rØaliser cette stratØgie de dØmantLlement, EDF a crØØ en
janvier 2001, au sein de sa division ingØnierie, une structure spØcifique,
dØnommØe Centre d’IngØnierie DØconstruction Environnement (Ciden).
Avec le Ciden, EDF joue vis- -vis des entreprises chargØes du
dØmantLlement le r le de ma tre d ouvrage et d architecte ensemblier. Il
reste ma tre d oeuvre dans certains domaines clØs pour conserver une
compØtence technique au bon niveau et lui permettre d exercer au mieux
son r le de ma tre d ouvrage.
B
Les premiers exemples
En 2003, les huit centrales dites de premiLre gØnØration Øtaient en
phase de dØmantLlement partiel en vue d atteindre le niveau 2 de l AEIA,
SuperphØnix Øtant dans la phase de mise
l arrOEt pour atteindre le
niveau 1. Le dØmantLlement des rØacteurs, pour atteindre le niveau 3, est
maintenant envisagØ d ici 2015 pour Brennilis, 2015-2020 pour Chooz A,
2025 pour SuperphØnix et 2020 pour le rØacteur UNGG de Bugey 1. C est
seulement avec le retour d expØrience du dØmantLlement de Bugey que
sera engagØ celui des cinq autres rØacteurs du mOEme type pour aboutir
vers 2025.
Sont ØvoquØs ici deux cas : Brennilis, qui est un chantier pilote, et
SuperphØnix, qui prØsente le cas exceptionnel d une centrale arrOEtØe
prØmaturØment par rapport
ses prØvisions d exploitation.
1
Brennilis, chantier pilote du dØmantLlement
a)
Description de la centrale
La centrale de Brennilis est un prototype de 70 MWe modØrØ
l eau lourde et refroidi au gaz carbonique. Produit d une collaboration
entre le CEA et EDF, la centrale a ØtØ couplØe au rØseau en dØcembre
1966. Sa production a cessØ le 31 juillet 1985 aprLs avoir fourni 6,2 TWh
d Ønergie nette.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
117
Le dØcret de dØmantLlement partiel a ØtØ signØ le 31 octobre 1996,
onze ans aprLs la fin de l exploitation par le CEA. En novembre 1999,
EDF dØcide le dØmantLlement complet immØdiat de la centrale de
Brennilis et dØpose en juillet 2002 une demande de modification du
dØcret de 1996 pour tenir compte de ce changement de stratØgie et inclure
dans les travaux de dØmantLlement au niveau 2 les prØparatifs nØcessaires
aux travaux de niveau 3. L objectif est de libØrer complLtement le site
d ici 2018.
La centrale de Brennilis a ØtØ le fruit d un projet commun entre le
CEA et EDF. Aujourd hui les charges de dØmantLlement sont rØparties
pour moitiØ entre les deux, mais la gestion effective du dØmantLlement est
le fait d EDF, qui souhaite acquØrir une autonomie totale de gestion sur le
projet qu il dirige. A cet effet, le paiement d une soulte par le CEA est
envisagØ.
b)
La mise en oeuvre opérationnelle de la déconstruction
De 1985
1996 ont ØtØ mises en
uvre les opØrations
prØparatoires
la mise
l arrOEt dØfinitif, correspondant
l Øvacuation des
combustibles et de tous les fluides dont la prØsence justifiait le maintien
d une Øquipe d exploitation sur le site. Progressivement, et
la diffØrence
de Marcoule, les 250 personnes prØsentes sur le site ont ØtØ redØployØes.
Brennilis
a ØtØ formellement rattachØe au Ciden en avril 2001 :
aujourd hui, l Øquipe sur le site est composØe de 20 agents du Ciden et de
4 agents du CEA.
Le dØmantLlement des entrep ts de dØchets solides a permis de
tester les diffØrentes techniques de dØconstruction pour le niveau 2.
Une mØthodologie particuliLre applicable aux b timents nuclØaires
contaminØs, mais non exposØs
l activation, a ØtØ ØlaborØe par le CEA et
EDF en collaboration avec l ASN. Elle repose sur la caractØrisation des
surfaces essentiellement en fonction de contr les radiologiques, de
l historique de b timents, de leur utilisation passØe, de leur nature
technique, du type de dØchets gØnØrØs ; cinq catØgories de surfaces avec
des mØthodes de dØconstruction particuliLres
chacun des cas ont ØtØ
dØfinies.
A partir de ces catØgories, diffØrentes mØthodes de grattage et de
curetage du bØton ont ØtØ testØes pour optimiser les coûts en ayant recours
soit
de la main d
uvre, soit
des engins tØlØ-opØrØs en fonction de
critLres techniques et radiologiques.
118
C
OUR DES COMPTES
Au total, le dØmantLlement de la centrale de Brennilis devrait
gØnØrer 110 000 t de dØchets, dont 7500 t de dØchets TFA, et seulement
20 t nØcessitant un stockage profond : ces derniers devraient pouvoir OEtre
stockØs
partir de 2007, mais, comme la dØcision relative au stockage
profond ne sera pas prise avant 2006 et qu aucun site de stockage profond
ne pourra OEtre disponible au mieux avant 2020, un entreposage devra OEtre
mis en oeuvre en attendant. Pour EDF, le projet d entreposage transitoire
prend le nom d Iceda (installation de conditionnement et d entreposage
de dØchets activØs) qui vise
OEtre opØrationnel en 2007. Le
dØmantLlement du bloc rØacteur ne pourra OEtre engagØ que lorsque Iceda
sera opØrationnel.
c)
L’évolution des coûts
Selon une rØcapitulation effectuØe
la fin de 2002, les charges de
dØmantLlement des exercices 1986
2001 se sont ØlevØes
219 M
courants et les charges restant
assumer atteignent 263 M
2002
, soit un
total de 482 M
rØpartir en parts Øgales entre EDF et le CEA bien
supØrieur aux prØvisions initiales.
Compte tenu d une charge globale pour EDF d environ 240 M ,
l examen des dotations et reprises sur provisions montre que les dotations
aux provisions pour le dØmantLlement de la centrale de Brennilis ont ØtØ
dans un premier temps largement sous-estimØes : de 1992
1999, les
provisions ont oscillØ entre 10 et 30 M , pour des reprises trLs limitØes.
La rØvision de l estimation des coûts de dØmantLlement est intervenue en
1999 et 2000 avec un « complØment » de dotation de 200 M .
L intØgralitØ des coûts de dØmantLlement aurait, certes, dû OEtre
provisionnØe dLs la fin de l exploitation de la centrale et les dotations
supplØmentaires n’auraient dû OEtre que des rØØvaluations ponctuelles et
marginales des coûts attendus de dØmantLlement. L importance de
l erreur d estimation d EDF a suscitØ des inquiØtudes sur les montants
provisionnØs pour le reste du parc et ce point est particuliLrement
soulignØ par les diverses organisations Øcologistes. EDF explique cet
Øcart par une application inappropriØe aux centrales de premiLre
gØnØration de la mØthode utilisØe pour l’Øvaluation du dØmantLlement des
centrales REP et affiche l intention de ne pas dØpasser le nouveau devis.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
119
Le coût du dØmantLlement de la commission PEON
La commission consultative sur la production d ØlectricitØ d origine
nuclØaire, dite commission PEON, avait recommandØ en 1979 que le coût
complet d investissement des centrales REP de 900 MW serve de
rØfØrence
l estimation de la charge du dØmantLlement sur la base de
16 % de ce coût. Cette charge, qui a ØtØ ajustØe
15% du coût complet en
1991, est ramenØe
la puissance installØe pour le calcul de la provision :
elle est ainsi aujourd hui de l ordre de 276,7
par kW, soit environ
249 M
pour un rØacteur de 900 MW et 360 M
pour un rØacteur de
1300 MW. RapportØ
la puissance installØe de Brennilis, le coût du
dØmantLlement ainsi calculØ ne serait que de 19,4 M
au lieu de plus de
480 M
annoncØs.
La premiLre phase de mise
l arrOEt, qui s est achevØe en 1994, a
coûtØ 78 M
courants ; la phase de dØmantLlement au niveau 2, dont
l essentiel devrait OEtre fait en 2005, dØpassera sans doute 200 M
; le
dØmantLlement du rØacteur (niveau 3) dØpassera Øgalement 200 M .
L importance des coûts est sans aucun doute une consØquence directe de
l aspect « pilote » du chantier de Brennilis. Le test des diffØrentes
mØthodologies a ØtØ onØreux mais devrait permettre d optimiser les coûts
pour les autres chantiers. A la fin de l annØe 2003, la provision non
actualisØe correspondant
la quote-part d EDF Øtait de 138 M
en valeur
2003.
En conclusion, il faut retenir de cette expØrience la difficultØ
d estimer le coût d un dØmantLlement et l importance des spØcificitØs
gØographiques et techniques de chaque site. D un point de vue purement
financier, il est important que les mØcanismes mis en oeuvre entre les
partenaires dans le futur tiennent compte de ces incertitudes, en
particulier, si un transfert de responsabilitØ donne lieu au paiement d une
soulte.
La Cour n a pas compØtence pour donner une opinion autorisØe sur
la qualitØ des travaux entrepris, mais la coopØration Øtroite entre EDF et
l ASN tØmoigne de la volontØ de rØaliser la dØconstruction d une centrale
dans les meilleures conditions techniques et Øconomiques, dans le respect
des rLgles de protection des personnes et de l environnement. La bonne
faisabilitØ technique du dØmantLlement d installations d une certaine
importance semble effectivement dØmontrØe. Pour la suite, les experts de
l ASN ont notamment dØclarØ que « les dØmantLlements d installations
nuclØaires effectuØs dans le passØ ont montrØ que l opØration ne prØsentait
pas de difficultØ techniques insurmontables ». L’interface que constitue le
Ciden est certainement un outil utile pour Øviter tous les blocages
120
C
OUR DES COMPTES
rencontrØs, dans le mOEme temps,
Marcoule avec une autoritØ de sûretØ
par ailleurs dotØe de moyens plus limitØs.
2
SuperphØnix
SuperphØnix est un rØacteur
neutrons rapides de 1200 MW,
prototype industriel refroidi au sodium. A la suite d une dØcision
gouvernementale de fØvrier 1998, ce rØacteur est en phase de mise
l arrOEt dØfinitif. Une demande d autorisation de dØmantLlement complet
sera soumise
l approbation de l ASN, les travaux actuels Øtant couverts
par un dØcret de 1998.
Le phasage des opØrations consiste
commencer par les parties
conventionnelles pour se rapprocher de plus en plus du circuit primaire
qui sera dØmantelØ en dernier. L objectif est de terminer le processus de
dØmantLlement d ici 2025.
Les particularitØs de la situation de SuperphØnix mØritent d’OEtre
soulignØes :
la prØsence de sodium liquide dans la cuve du rØacteur
nØcessite le maintien d une Øquipe d exploitation jusqu
la fin
de la vidange en 2012 ; les dØchets des circuits sodium devront
OEtre lavØs dans une installation dØdiØe avant de rejoindre les
filiLres habituelles ;
la grande taille de l installation, qui comporte deux fois et
demi le nombre d Øquipements d un rØacteur REP 900.
SuperphØnix est un sujet politiquement sensible, qui a nØcessitØ un
accompagnement particulier. Comme l arrOEt a entra nØ le dØpart de 750
agents,
la diffØrence de l arrOEt de l usine de Marcoule, un fonds de
dØveloppement Øconomique a ØtØ mis en place, auquel EDF a participØ
pour plus de 7 M .
Une approche prudente a ØtØ retenue pour le calcul de la provision
de dØconstruction de la centrale de Creys-Malville, qui conduit
appliquer une majoration de la provision de 15% au montant obtenu
partir des hypothLses techniques. La dØconstruction a elle-mOEme fait
l objet d une Øvaluation de 1 060 M
la fin de l annØe 2003. A ce
montant, il faut ajouter celui du retraitement de 500 assemblages de
combustibles au plutonium, dont le quart seulement a ØtØ irradiØ : cette
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
121
prestation a ØtØ ØvaluØe
1 021 M
en 2003, une hausse de 711 M
32
ayant ØtØ pratiquØe en 2002. Comme pour l Øvaluation de la
dØconstruction des centrales de premiLre gØnØration, l explication donnØe
un tel Øcart tient
ce que l Øvaluation du retraitement des combustibles,
avant 2002, Øtait effectuØe par rØfØrence au coût du retraitement du
combustibles des centrales REP, ce qui ne laisse pas de surprendre.
Au total, le coût des opØrations concernant la dØconstruction et le
combustible de SuperphØnix Øtait ØvaluØ
2 081 M
la fin de l annØe
2003.
3
Conclusion
La mise en place du Ciden permet
EDF de disposer d une
structure adØquate, qui puisse OEtre un interlocuteur pertinent de l ASN. A
la diffØrence de ce qui s est passØ
Marcoule, une organisation mieux
adaptØe aux opØrations de dØmantLlement a ØtØ mise en place.
La rØfØrence inadØquate au mode de calcul de la commission dite
PEON
33
, aboutissant
chiffrer le coût du dØmantLlement
15 % du coût
complet d investissement, aurait conduit
un tel sous provisionnement
qu un « complØment » de dotation pour l ensemble des centrales de
premiLre gØnØration fut dØcidØ, en 2000,
hauteur de 1,3 Md , soit
2,7 fois la provision. Un sous-provisionnement du retraitement des
combustibles de SuperphØnix a Øgalement abouti, en 2002,
un
complØment de 0,7 Md
en valeur 2002, soit 2,3 fois la provision.
A la fin de l annØe 2003, l Øvaluation des prestations et travaux
rØaliser pour le dØmantLlement des centrales arrOEtØes s Øtablissait
:
"
1 445 M
pour les centrales de type UNGG, Chooz A et
Brennilis (comptØe pour la quote-part d EDF de 50 %)
"
2 081 M
pour SuperphØnix au titre du dØmantLlement et
des combustibles
soit au total :
3 526 M
.
L erreur commise serait inquiØtante, si elle devait se reproduire
pour le dØmantLlement des centrales actuelles. En rØalitØ, personne ne
s Øtait penchØ avec sØrieux sur la transposition de l Øvaluation de la
commission PEON aux centrales de premiLre gØnØration. Ce fait est
critiquable en soi, puisque pendant plus de dix ans les provisions
32
) L effet sur le rØsultat aura ØtØ beaucoup moins fort, car, en valeur actualisØe au
taux de 3 %, l augmentation brute de 711 M
est rØduite
202 M .
33
) Commission consultative sur la production d ØlectricitØ d origine nuclØaire.
122
C
OUR DES COMPTES
correspondantes
ont
ØtØ
totalement
sous-estimØes.
Les
principes
d Øvaluation retenus pour les 58 rØacteurs REP actuels, prØsentant un
effet de sØrie, ne pouvaient,
l Øvidence, OEtre Øtendus
des centrales
anciennes, pour certaines prototypes, d autant plus qu
puissance
installØe Øquivalente, les Øquipements anciens Øtaient comparativement
beaucoup plus volumineux. On ajoutera que si le montant de
l investissement brut initial, qui servait
calculer la provision, est
parfaitement connu pour les centrales actuelles, il ne l est pas vraiment
pour les centrales anciennes.
La dØconstruction des centrales de premiLre gØnØration ainsi que
de SuperphØnix au niveau 3 de l AEIA est maintenant programmØe d ici
2025, ce qui pose le problLme
ØvoquØ au chapitre suivant - de la mise
en place des solutions adØquates d entreposage ou de stockage final pour
les dØchets
haute activitØ, mais aussi pour les dØchets spØcifiques, tel
que le graphite de la filiLre UNGG ou le sodium liquide de SuperphØnix.
En l absence de solution de stockage adØquate, il peut OEtre, en effet,
prØfØrable de diffØrer le dØmantLlement au niveau 3, le maintien du
rØacteur en l Øtat s avØrant peut-OEtre prØfØrable
la nØcessaire
construction d un entreposage intermØdiaire.
Le montant et le calendrier des dØmantLlements des centrales
arrOEtØes mØritent d OEtre suivis avec soin. Il est important qu EDF puisse
rØussir l ensemble des dØmantLlements dans la fourchette qui vient d OEtre
dØterminØe.
IV - Le dØmantLlement des centrales nuclØaires
dans le monde
Les premiLres installations nuclØaires de production arrivent
aujourd hui en fin de vie, dans la plupart des pays qui ont dØveloppØ une
industrie nuclØaire.
Dans le domaine ØlectronuclØaire, les enjeux liØs aux opØrations de
dØmantLlement des centrales sont importants, puisque plus de 500
rØacteurs ont ØtØ construits et sont exploitØs dans le monde, la plupart
dans des pays de l OCDE. Ce parc de rØacteurs est assez disparate, tant
sur le plan de l
ge que celui des technologies employØes : rØacteurs
refroidis par gaz (RRG), rØacteurs
eau bouillante (REB), rØacteurs
eau
sous pression (REP), rØacteurs
eau lourde sous pression (RELP).
Parmi ces rØacteurs, seulement quatre-vingt ont ØtØ mis hors
service. Depuis 1960, plus de 70 rØacteurs d essai, de dØmonstration ou
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
123
de puissance ont ØtØ dØmantelØs, mais il s agissait d unitØs de faible
puissance construites
des fins d Øtude ou de dØmonstration. Dans les
pays membres de l OCDE, l
ge moyen des centrales nuclØaires Øtant
d une quinzaine d annØes et leur durØe de vie programmØe Øtant de
l ordre de trente ans, le nombre de dØmantLlements devrait culminer dans
les annØes 2020.
Dans la seule Union europØenne, environ 110 installations
nuclØaires, dont 50 rØacteurs, sont en phase plus ou moins avancØe de
dØmantLlement. Dans les vingt prochaines annØes, environ 160 sites
supplØmentaires devront OEtre dØmantelØs et on comprend dØs lors que,
dans un souci de sûretØ, la Commission travaille
Øtablir une sØrie
d orientations sur le dØmantLlement au sein de l Union europØenne.
Dans les principaux pays concernØs, l ØchØance des opØrations de
dØmantLlement se situe entre 2005 et 2025 et concernerait au moins 25%
du parc actuel sous l hypothLse d une durØe de vie des centrales de
40 ans.
Ces dates concernent le dØbut des opØrations de dØmantLlement,
mais les opØrations les plus lourdes, constituØes par le dØmantLlement du
b timent du rØacteur lui-mOEme, pourront OEtre reportØes
des dates trLs
largement postØrieures pour les pays mettant en
uvre une stratØgie de
dØmantLlement diffØrØ prØvoyant des pØriodes de surveillance de l ordre
de 30
50 ans, voire 100 ans pour le Royaume-Uni
34
.
A
Les diffØrentes options retenues
Les stratØgies mises en
uvre rØsultent de la combinaison de trois
options possibles.
La dØcontamination et le dØmantLlement immØdiats consistent
assainir les installations
un niveau qui permette de les dispenser de tout
contr le rØglementaire et
les dØmanteler peu de temps aprLs la fin de
l exploitation. Cette option, qui a longtemps ØtØ considØrØe comme trLs
coûteuse
mettre en
uvre, faute de pouvoir bØnØficier de la
dØcroissance naturelle de la radioactivitØ, a aujourd hui davantage de
partisans. Cette technique prØsente l intØrOEt d OEtre plus facilement
acceptØe par le public et de libØrer le site plus rapidement. FacilitØe
aujourd hui par les progrLs de la robotique permettant des manipulations
34
) Le Royaume-Uni, qui avait choisi une pØriode de 100 ans de pause entre les
niveaux 2 et 3 pour les rØacteurs graphite gaz de type Magnox, devrait rØviser sa
position.
124
C
OUR DES COMPTES
distance complexes, elle pourrait en dØfinitive ne pas se rØvØler plus
coûteuse que celle de l entreposage en conditions de sûretØ.
L entreposage en conditions de sûretØ, ou dØmantLlement diffØrØ,
consiste
laisser l installation intacte mais
la vider de son combustible
et
purger les systLmes des matiLres ou liquides radioactifs. Suit alors
une pØriode de surveillance durant laquelle les radionuclØides dØcroissent,
rØduisant les difficultØs de dØcontamination et de dØmantLlement
ultØrieurs. Le volume des dØchets nocifs
Øvacuer est en consØquence
rØduit.
Une troisiLme possibilitØ, rarement utilisØe, consiste
couler une
matiLre rØsistante et durable, en gØnØral du bØton, autour des installations
pour crØer un sarcophage de protection qui est ensuite maintenu et
surveillØ jusqu
ce que la dØcroissance naturelle de la radioactivitØ
permette de le dispenser de tout contr le rØglementaire. Cette technique a
ØtØ utilisØe aux
tats-unis pour trois petits rØacteurs de dØmonstration,
mais n a jamais ØtØ proposØe par aucun exploitant pour des rØacteurs de
puissance.
Dans la plupart des pays, la mise en
uvre des opØrations de
dØmantLlement incombe
l exploitant aprLs, en gØnØral, validation de la
stratØgie choisie par les autoritØs de sûretØ. L Espagne constitue une
exception, car la responsabilitØ des travaux de dØmantLlement y est
transfØrØe
l Enresa
35
, chargØe des travaux et de l Øvacuation des
dØchets. En Belgique, l Ondraf
36
pourrait Øgalement OEtre chargØe de ces
travaux, mais uniquement au cas de dØfaillance de l exploitant.
B
Une situation variØe selon les pays
La question du dØmantLlement se pose diffØremment selon la place
qu occupe le parc nuclØaire dans la production Ølectrique du pays et selon
l
ge de ses installations.
En Allemagne, 17 centrales nuclØaires et rØacteurs prototypes,
31 rØacteurs de recherche et assemblages critiques ainsi que neuf
installations du cycle du combustible ont ØtØ fermØs. En Belgique, une
usine de retraitement est en cours de dØmantLlement ainsi qu un rØacteur
REP de faible puissance. La France et le Royaume Uni se caractØrisent
par des programmes plus Øtendus du fait de l importance de leur parc de
35
) L Enresa, Empresa national de residuos radioactivos, est l homologue espagnol de
l Andra.
36
) L Ondraf, Organisme national des dØchets radioactifs et des matiLres fissiles
enrichies, est l homologue belge de l Andra.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
125
centrales nuclØaires. Les opØrations de dØmantLlement en cours portent
dans ces deux pays essentiellement sur des rØacteurs d anciennes
gØnØrations modØrØs par graphite
rØfrigØrant gazeux. Six rØacteurs de ce
type sont en cours de dØmantLlement en France et quatre au Royaume
Uni.
Le Gouvernement britannique a crØØ en 2004 la National
Decommisioning Authority (NDA)
executive non departmental public
body -,
qui
sera
chargØe
du
financement
des
programmes
de
dØmantLlement et d assainissement et travaillera en relation avec les
organismes de rØglementation de la sûretØ et de l environnement. Cet
organisme doit OEtre opØrationnel au 1
ier
mai 2005. BNFL, l opØrateur
anglais en charge, dans l organisation actuelle, de ces opØrations a choisi
une stratØgie gØnØrique de dØmantLlement diffØrØ en trois phases pour les
rØacteurs de type Magnox. Une phase de prØparation de l entretien et de
la maintenance, une phase d entretien et de maintenance et une phase
d assainissement dØfinitif. La premiLre phase a pour objet de dØmolir tous
les b timents du site
l exception du b timent du rØacteur. Les dØchets de
moyenne activitØ doivent OEtre placØs en Øtat de sûretØ passive, de
nouvelles installations d entreposage de ces dØchets devant OEtre
construites le cas ØchØant. Les opØrations de dØmantLlement et
dØconstruction sont placØes sous le contr le du Nuclear Installations
Inspectorate (NII).
Du point de vue du nombre d opØrations en cours, les
tats-Unis
tiennent le premier rang. Depuis 1960 plus de 70 rØacteurs d essai, de
dØmonstration ou de puissance, la plupart de petite taille ont ØtØ mis hors
service. Depuis 1989, date
laquelle une premiLre centrale industrielle a
ØtØ dØclassØe, 14 autres centrales ont ØtØ fermØes et dØclassØes.
A l inverse, d autres pays dont les installations nuclØaires sont
rØcentes, Finlande, RØpublique TchLque, Hongrie, n ont pas de
programme de dØmantLlement et ne comptent pas en avoir avant quelques
annØes.
Dans une situation internationale trLs contrastØe, EDF est dans une
situation trLs particuliLre du fait de l importance de son parc. S agissant
des centrales arrOEtØes, la dØcision d accØlØrer le dØmantLlement est de
nature
exercer un effet d exemplaritØ. Enfin, tous les acquis en ce
domaine, qu il s agisse de prestations effectuØes par EDF ou effectuØes
par des entreprises spØcialisØes, telle que certaines filiales du groupe
Areva, sont bØnØfiques compte tenu du dØveloppement ultØrieur de cette
activitØ en Europe et dans le monde, lorsque les rØacteurs actuellement en
service seront mis
l arrOEt.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
127
Chapitre II
La mise en
uvre de solutions pour le
stockage des dØchets radioactifs
128
C
OUR DES COMPTES
Dans son rapport d activitØ pour 2003, l Andra fait le point sur la
mise en
uvre des solutions de stockage des dØchets radioactifs :
CatØgories de dØchets et solutions de stockage
ActivitØ
Vie courte
Vie longue
TFA
TrLs faible activitØ
Centre de stockage TFA
Centre de stockage TFA
FA
Faible activitØ
Centre de stockage de l Aube
Recherche sur des projets de
stockage
MA
Moyenne activitØ
Centre de stockage de l Aube
Recherches menées dans le
cadre de la loi du 30
décembre 1991
HA
Haute activitØ
Recherches menées dans le
cadre de la loi du 30
décembre 1991
Recherches menées dans le
cadre de la loi du 30
décembre 1991
Source : Andra rapport d’activité 2003
Des centres de stockage, constituant des exutoires satisfaisants, ont
ØtØ mis en
uvre
l Øchelle industrielle pour les dØchets les moins
dangereux, c’est- -dire de faible et moyenne activitØ et
vie courte
(infØrieure
300 ans). En revanche, les exutoires finaux des dØchets les
plus dangereux, c’est- -dire de moyenne et haute activitØ ou
vie longue,
font l objet de recherches dans l attente d une dØcision
prendre dans le
cadre du processus de rØflexion prØvu par la loi de 1991. Par ailleurs, des
projets nouveaux ont ØtØ initiØs pour gØrer certains types de dØchets
particuliers aujourd hui sans exutoire : les dØchets dits graphites, radifLres
et tritiØs.
Rappel des sigles
TFA : trLs faible activitØ
MFA-VC : moyenne et faible activitØ
vie courte
MFA-VC : moyenne et faible activitØ
vie longue
MAVL : moyenne activitØ
vie longue
HAVL : haute activitØ
vie longue
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
129
I - Les solutions pour les dØchets les moins nocifs
Le contrat de plan quadriennal, conclu en 2001 entre l Etat et
l Andra, prØvoit que l Agence mette en
uvre des solutions
« concrètes
de gestion
» des dØchets, qu elle s attache
« à renforcer encore
l’exemplarité de l’exploitation industrielle de ses centres grâce à une
exigence permanente en matière de protection des personnes et de
l’environnement, et de maîtrise de ses coûts »
et qu elle propose
« à la
collectivité des solutions de gestion
aussi complètes et rationnelles que
possible
».
A
La gestion et le stockage des dØchets de trLs faible
activitØ (TFA)
Les dØchets TFA sont issus en majoritØ du dØmantLlement des
installations nuclØaires mais peuvent aussi provenir d industries diverses
utilisant la radioactivitØ naturelle.
La
France a fait le choix, en 1997 de ne pas traiter ces dØchets
dans les filiLres classiques de traitement, mais de crØer un centre de
stockage pour ces dØchets de trLs faible activitØ. Mis en exploitation le
14 août 2003, dans un strict respect des dØlais de rØalisation, ce centre de
stockage, considØrØ comme une installation classØe pour la protection de
l environnement (ICPE), couvrira au total une superficie de 45 hectares,
rØpartis pour l’essentiel sur la commune de Morvilliers. La proximitØ du
CSA offre la possibilitØ de mise en commun de moyens permettant de
renforcer la gestion et la qualitØ de la surveillance du site. Ce centre
reprØsente un investissement de 40 millions d euros financØs par l Andra.
La conception de ce centre par l’Andra a ØtØ longue et complexe du
fait de la difficultØ
obtenir une dØfinition claire des attentes concernant
les dØchets
traiter et les inventaires correspondants. L’Andra a
dØveloppØ ce projet sans disposer d’engagement contractuel en regard.
Courant 2004, soit dix annØes aprLs le lancement du projet, le cadre
contractuel Øtait en cours de finalisation entre l’Andra et les producteurs.
Un prix plafond de 270
/t a ØtØ retenu, alors que, pour un stockage
de ce type, le coût dØpend plus du volume que du tonnage. Sur le plan
financier, ces conditions tarifaires conduisent
un rØsultat juste ØquilibrØ
sur une pØriode de trente ans.
130
C
OUR DES COMPTES
B
La gestion et le stockage des dØchets de faible et
moyenne activitØ
vie courte (FMA-VC).
Ces dØchets reprØsentent prLs de 90% des volumes de dØchets
radioactifs produits et sont issus majoritairement de l exploitation du parc
ØlectronuclØaire. Toutefois, ces dØchets peuvent aussi provenir de la
mØdecine nuclØaire, de laboratoires de recherche ou d industrie utilisant
la radioactivitØ
titre accessoire.
La mise en
uvre successive des centres de stockage de la Manche
(CSM) puis du centre de stockage de l Aube a permis de doter la France
de solutions de stockage dØfinitives de ce type de dØchets. Au demeurant,
cette situation n a rien d exceptionnel, et de nombreux pays disposent de
centres de stockage :
Centres de stockage dans le monde
France
Centre de la Manche (CSM) & Centre de l Aube (CSA)
Espagne
El Cabril
Royaume Uni
Drigg, & Dounreay
Japon
Rokkashomura
Etats Unis
Barnwell & Hanford
SuLde
Forsmark
Finlande
Olkiluoto
Le stockage des dØchets FMA-VC a d abord ØtØ mis en
uvre,
partir de 1969, au Centre de la Manche (CSM), premier centre de
stockage fran ais, situØ
proximitØ immØdiate de l usine de retraitement
de la Hague. Le CSM a re u son dernier colis en juin 1994, aprLs vingt-
cinq ans d exploitation : 527 000 m
3
y sont aujourd hui stockØs.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
131
Une couverture a ØtØ mise en place, composØe d une membrane
Øtanche et de plusieurs couches de terre. Sa fonction est de protØger le
stockage et d isoler les dØchets de l environnement sur le long terme. Le
centre est dØsormais entrØ en phase de surveillance pour 300 ans. Cette
surveillance se dØroulera en trois phases successives, dites trLs active,
active et passive. Au-del , le site devrait OEtre banalisØ.
Les contr les actuels montrent que les limites de radioactivitØ
imposØes par la rØglementation au CSM sont respectØes mais qu une
surveillance attentive est nØcessaire, compte tenu des mØthodes de
stockage appliquØes dans le passØ, qui font subsister des points
particuliLrement chauds dans le centre, et de dØsordres constatØs dans la
couverture,
en
1999
notamment.
Ceux-ci
rendront,
sans
doute,
nØcessaires des travaux supplØmentaires.
Depuis 1992, le centre de l Aube (CSA) accueille ce type de
dØchets. A la diffØrence du CSM, le centre a ØtØ soumis d emblØe
une
limitation de l activitØ totale, fixØe
400 000 TBq, dØcomposØe en limites
par radioØlØments, avec une limite globale supplØmentaire pour la
quantitØ d Ømetteur alpha de 750 TBq.
Avant leur stockage au CSA, les dØchets sont conditionnØs dans
des colis, qui constituent la premiLre barriLre de confinement. Ce
conditionnement, dont l importance est manifeste, est rØalisØ par le
producteur de dØchets, l Andra ayant mis en place une procØdure
d agrØment de ces colis. Toutefois l Agence n est pas parvenue jusqu
prØsent
standardiser suffisamment le conditionnement des dØchets livrØs
par les producteurs, ce qui entra ne une gestion complexe des colis. Ainsi,
la fin de 2002, l Agence surveillait 127 agrØments diffØrents,
correspondant
des productions effectives. Par ailleurs, chaque annØe,
l Andra et, si nØcessaire l ASN, doivent gØrer de nouvelles demandes
d agrØments. A la fin de 2002, l Andra avait ainsi identifiØ 51 agrØments
nouveaux
instruire et 35 agrØments
rØviser, qui mobiliseront plusieurs
agents
temps plein.
L expØrience accumulØe permet une Øvaluation prØcise des coûts.
En 2002 le coût du m
3
stockØ a ØtØ ØvaluØ
2 529 euros. Dans
l estimation de ce coût, les charges fixes reprØsentent 80% : le coût
unitaire est donc trLs sensible au volume final stockØ qui,
ce jour,
demeure incertain. Si l on estime
650 000 m
3
le volume des dØchets
susceptibles d OEtre stockØs au CSA, le coût prØvisionnel
de la gestion de
ces dØchets s ØlLverait
1 644 M .
132
C
OUR DES COMPTES
II - La recherche de solutions pour les dØchets les
plus nocifs
Les dØchets les plus dangereux sont les dØchets
moyenne ou
haute activitØ et
vie longue
37
: dØchets dits MAVL et HAVL.
Les dØchets MAVL sont principalement des rØsidus provenant de
processus industriels des installations de retraitement ou de centres de
recherche. Les dØchets HAVL ont pour origine le combustible nuclØaire
lui-mOEme et les produits de fission et d activation issus de son
retraitement. Ces dØchets contiennent des ØlØments
pØriode longue,
notamment des Ømetteurs de rayonnement alpha.
Comme il a dØj
ØtØ dit, aucune dØcision n a ØtØ prise pour la
gestion de ce type de dØchets, dont le traitement futur fait l objet de trois
axes de recherche prØvus par l article 4 de loi de 1991, codifiØ sous
l article L.542-3 du code de l environnement.
Rappel des trois axes de recherche sur les dØchets HAVL
Axe n 1
: recherche de solutions permettant la sØparation et la
transmutation des ØlØments radioactifs
vie longue prØsents dans les
dØchets pour rØduire leur nocivitØ.
Axe n 2
:
tude du stockage des dØchets en couches gØologiques
profondes.
Axe n 3
:
tude des procØdØs de conditionnement et d entreposage
de longue durØe en surface
A
Les recherches relatives
la
sØparation/transmutation
La sØparation/transmutation (axe n
1) vise
isoler puis
transformer les radionuclØides
vie longue prØsents dans ces dØchets en
radionuclØides
vie courte - on rØduit ainsi la toxicitØ du dØchet - et en
ØlØments stables.
La sØparation regroupe un ensemble de processus ayant pour
objectif de rØcupØrer
sØparØment, principalement par voie chimique, des
radionuclØides
vie longue, transuraniens ou produits de fission. Ces
produits peuvent alors OEtre incinØrØs par fission dans un rØacteur adaptØ
pour donner des nuclØides
vie courte ou transmutØs en atomes stables.
37
) A partir de 300 ans : voir pages 43 sq.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
133
Dans le domaine de la sØparation poussØe des actinides mineurs, de
l iode, du cØsium et du technØtium, l objectif est de parvenir en 2005
la
dØmonstration de la faisabilitØ technique de procØdØs venant en aval du
procØdØ Purex mis en
uvre
la Hague pour extraire l uranium et le
plutonium des combustibles usØs. La commission nationale d Øvaluation
(CNE)
38
considLre que «
l Øtape de dØmonstration de la sØparation
poussØe repose sur des choix rØalistes du CEA », toutefois le calendrier
appara t tendu dans la mesure oø la mOEme commission prØcise que « la
confirmation des performances des procØdØs ne sera pas acquise avant
mi-2005 ».
Dans le domaine de la transmutation, les Øtudes sont
un stade
moins avancØ et,
ce jour, selon la CNE, la faisabilitØ technique de la
transmutation n est pas acquise. La commission note que seuls des
rØsultats prØliminaires concernant les irradiations dans PhØnix, qui a
redØmarrØ en 2003, seront disponibles en 2006 et que la validation
d Øtapes ultØrieures nØcessitera le dØveloppement d un rØacteur dØdiØ.
La transmutation, ØtudiØe dans le cadre des recherches sur l axe 1
de la loi de 1991, pourrait OEtre rØalisØe dans les rØacteurs du futur de
4
Lme
gØnØration. Ces Øtudes ont Øvidemment une perspective de
moyen/long terme postØrieure
l ØchØance de 2006 et montrent le lien
entre traitement des dØchets et avenir du parc nuclØaire.
B
Les recherches relatives au stockage profond
Le stockage profond (axe n
2) constitue un exutoire possible pour
les dØchets MAVL et HAVL.
L article L.542-3 du code de
l environnement prØvoit ainsi que soient ØtudiØes les possibilitØs de
stockage rØversible ou irrØversible de ces dØchets radioactifs dans les
formations gØologiques profondes, Øtude qui suppose l implantation de
laboratoires
souterrains
permettant
de
conduire
les
expØriences
indispensables pour constituer un stockage sûr.
1
Le choix difficile d un site pour le laboratoire
DØs 1987 furent entreprises les premiLres dØmarches pour
rechercher un site de stockage souterrain dans quatre formations
gØologiques diffØrentes, schiste dans le Maine et Loire, granite dans les
38
) PrØvue
l article L.542-3 du code de l environnement pour prØparer le rapport
annuel que le Gouvernement adresse au Parlement pour faire Øtat de l avancement des
recherches sur la gestion des dØchets HAVL (supra p. 26).
134
C
OUR DES COMPTES
Deux SLvres, sel dans l Ain, argile dans l Aisne.
Une prØparation h tive
et l absence de consultation conduisirent cette mission
l Øchec et les
pouvoirs publics durent se rØsoudre
l arrOEt des travaux en fØvrier 1990.
Un moratoire fut alors dØcidØ et le Gouvernement saisit le Parlement pour
faire avancer un dossier crucial pour l avenir de la filiLre ØlectronuclØaire.
L Office parlementaire d Øvaluation des choix technologiques et
scientifiques chargea le dØputØ Christian Bataille d une mission qui fut
l origine de la loi du 30 dØcembre 1991.
Cette loi, dont le texte est reproduit en annexe, comporte dans ses
articles 5
14 d importantes dispositions sur les conditions dans
lesquelles des laboratoires souterrains de recherche peuvent OEtre rØalisØs.
A la suite de sa promulgation, M. Christian Bataille fut nommØ mØdiateur
avec pour mission de procØder aux consultations permettant de
sØlectionner, sur la base du volontariat, des sites susceptibles d accueillir
les laboratoires souterrains. Le rapport du mØdiateur fut remis en
dØcembre 1993 et,
la suite de ce rapport, au dØbut de l annØe 1994, le
Gouvernement demanda
l Andra de procØder
des travaux de
reconnaissance gØologiques, qui s Øtendirent sur les annØes 1994 et 1995.
Au vu de leurs rØsultats le Gouvernement invita l Andra
dØposer des
demandes d autorisation d installation et d exploitation de laboratoires
pour trois sites : Bure, dans la Meuse, Chusclan, dans le Gard, et La
Chapelle-B ton, dans la Vienne. AprLs enquOEtes publiques et aprLs avoir
recueilli l avis de l ASN, le Gouvernement dØcida, en dØcembre 1998, de
retenir le site argileux de Bure, d Øcarter le site granitique de la Vienne du
fait de ses inconvØnients gØologiques, de ne pas retenir le site du Gard en
tant que deuxiLme site argileux, et de rechercher un nouveau site
granitique afin de pouvoir poursuivre les recherches dans deux roches
diffØrentes.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
135
Les actions d accompagnement Øconomique
La loi du 30 décembre 1991 a prévu de financer des actions
d’accompagnement au profit des collectivités locales sur le territoire desquelles
seraient implantés des laboratoires. L’exposé des motifs de la loi indique que « la
contribution annuelle du titulaire de l’autorisation de création du laboratoire sera
de soixante millions de francs [9,15 M€] pour chaque site », somme payée via
l’Andra, par les producteurs, en application du principe pollueur – payeur. Cette
somme avait été initialement calculée par référence à la fiscalité acquittée par une
centrale nucléaire française de taille moyenne, dotée de deux réacteurs.
Ces actions d’accompagnement,
mises en oeuvre principalement par une
circulaire du 30 avril 1996, ont été généreusement étendues dans deux directions :
-
les départements retenus ont bénéficié, d’ « un montant de crédit
d’environ 5 MF [0,76 M€] à négocier avec l’Andra », pour la période des
« travaux préliminaires de recherche géologiques » alors que la loi de 1991 ne
prévoit d’actions d’accompagnement économique qu’à compter de « l’installation
et de l’exploitation » de chaque laboratoire. En outre, une circulaire du 30 avril
1996 augmente l’aide en distinguant une « phase administrative », dotée de 10
MF/an,
située après la « phase des travaux préliminaires de recherche
géologique »,
- la situation géographique du site de Bure a également conduit à
étendre
le dispositif d’aide : situé dans la Meuse, ce site se trouve en effet à proximité
immédiate de la Haute-Marne. Rapidement, les deux départements décidèrent de
« porter ensemble un dossier commun sur un seul et unique site intitulé site de
l’Est » et de demander que la somme initialement prévue pour chaque laboratoire
soit 60 MF soit attribuée à chacun d’eux. Par courrier du 14 janvier 1997 le
ministre chargé de l’industrie répondait favorablement à cette demande. D’autres
financements étaient de plus accordés.
Entre 1994 et 2006, des sommes très élevées - 186,2 M€ - auront été
dépensées pour l’accompagnement économique des projets de laboratoire alors
que les bénéfices attendus en retour n’ont pas toujours été analysés avec une
rigueur suffisante.
Pour ce faire, une nouvelle mission de concertation, dite « Mission
Granite » fut crØØe en août 1999, mais ces membres ne seront nommØs
qu en novembre 1999 pour n OEtre installØs qu en janvier 2000. Elle fut
chargØe de «
conduire une concertation avec les élus et les populations
concernées
» et de «
présenter l’économie de l’ensemble du projet, et
notamment les objectifs du programme de recherches, son intégration
dans la politique de gestion des déchets radioactifs, les nuisances
potentielles, les travaux préalables à sa réalisation et les moyens mis en
oeuvre afin d’y pallier
»
136
C
OUR DES COMPTES
Or, dans le mOEme temps, au mois de juin 1999, le Gouvernement
avait demandØ
l Andra de mener des Øtudes gØologiques pour trouver
des sites granitiques qu il serait possible de prospecter pour « vØrifier leur
aptitude
accueillir
des
laboratoires
souterrains ».
Cette
Øtude,
notamment la carte qui lui Øtait associØe, fut publiØe dans la presse au
mois de janvier 2000, bien avant que la mission Granite ait pu transmettre
le moindre ØlØment d information aux Ølus et aux populations concernØes.
DØs lors, la crØdibilitØ mOEme de la mission s est trouvØe atteinte. Se
heurtant, en outre,
une opposition rØsolue des associations intØressØes
l environnement et
de nombreux Ølus, la mission n Øtait plus en mesure
d aboutir et le rapport qu elle remit au Gouvernement en 2000 Øtait en
quelque sorte un constat d Øchec.
MalgrØ les exigences de la loi de 1991, il est probable qu il ne sera
pas procØdØ au choix d un deuxiLme site et que l analyse et la rØflexion
sur le stockage profond seront appauvries d autant en vue du dØbat
lØgislatif.
Cependant, l Andra prØcise que les recherches sur les roches
granitiques, conduites tant en France qu
l Øtranger, ont dØfini une
classification des granites fran ais et proposØ en regard une gamme de
concepts de stockage adaptØs. Les rØsultats des expØriences lancØes en
laboratoire Øtranger viendront conforter la comprØhension globale des
mØcanismes et le dossier qui sera remis en 2005 sur le granite. Il aura
pour objectif de proposer une Øvaluation de l intØrOEt du granite pour un
stockage en formation gØologique et une Øvaluation de sûretØ prØliminaire
statuant sur les possibilitØs d utilisation du granite dans le cas fran ais.
2
La construction du laboratoire souterrain
La construction de ce laboratoire a connu des difficultØs multiples
qui ont,
l Øvidence, pesØ sur son coût. Le caractLre particulier de cet
ouvrage a longtemps fait planer un doute sur le droit
appliquer aux
travaux de construction : droit du travail ou droit minier. Ce n est
finalement qu en 1998 que l application du droit du travail fut retenue
alors que la consultation des entreprises avait commencØ prØs de deux ans
plus t t.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
137
a)
Une procédure de sélection complexe et contestable
La sØlection des entreprises pressenties pour concevoir et rØaliser
un ou plusieurs laboratoires souterrains a connu quatre phases.
1.
En 1996, une procØdure de prØ-qualification menØe auprLs de 23
entreprises fran aises et ØtrangLres conduisit
sØlectionner huit
groupements d’entreprises.
2.
la fin de l’annØe 1996, un dossier d’appel d’offres, portant sur les
Øtudes et la rØalisation d’un laboratoire sur les trois sites du Gard, de
la Meuse et de la Vienne, fut adressØ aux huit groupements. En
octobre 1997, un classement a ØtØ rØalisØ pour chacun des sites : ce
classement avait ØtØ fait de telle sorte qu’aucune entreprise ne puisse
OEtre titulaire de plus d’un marchØ, mOEme si elle Øtait la mieux-disante
sur plusieurs sites.
3.
En 1998, comme le Gouvernement n’avait toujours pas fait le choix
d’un ou de plusieurs sites et que la question de la durØe de validitØ des
offres se posait, l’Andra a organisØ, en quelque sorte, un « second
tour » de l’appel d’offres en invitant les groupements
remettre une «
proposition consolidØe ».
la suite d’un nouveau classement, les
deux groupements, classØs initialement les meilleurs, Øtaient en tOEte
pour les sites du Gard et de la Vienne, tandis que le groupement
initialement le moins bien notØ de tous l’Øtait pour le site de l’Est,
alors devenu celui qui avait le plus de chances d’OEtre choisi.
4.
Le site de Bure dans la Meuse ayant ØtØ finalement le seul site choisi
par le Gouvernement, les entreprises ØvincØes du fait de l abandon
des deux autres sites ont rØagi en proposant leur collaboration
la
construction du futur laboratoire souterrain. L Agence accepta cette
demande, qui aboutit
un nouveau groupement, dans lequel Øtait
maintenue comme chef de file, l entreprise initialement la moins bien
notØe.
5.
Le projet de marchØ d un montant de 54,6 M
HT fut prØsentØ en
octobre 1999
la
commission consultative des marchØs de l Andra.
Celle-ci Ømit un avis dØfavorable, critiquant la longueur de la
procØdure, la modification du pØrimLtre du marchØ, la stratØgie de
partage, puis de fusion des marchØs. La direction de l Andra passa
outre
cet avis.
La situation actuelle du chantier de Bure a donc souffert d un
processus de sØlection long et complexe, conduisant
un montage
industriel insatisfaisant : le nouveau groupement rØunissant les trois
principales entreprises fran aises du BTP avait le dØfaut de fermer la voie
138
C
OUR DES COMPTES
une solution de rechange en cas de difficultØ ; par ailleurs, il ne
comportait pas de compØtences miniLres spØcifiques. C est pendant cette
pØriode critique que l Andra s est trouvØe dØpourvue - d octobre 1997
janvier 1999 - de prØsident et de conseil d administration
L intØrOEt manifestØ par les grandes entreprises du BTP pour la
rØalisation du laboratoire souterrain s explique Øvidemment par les futurs
marchØs attendus pour la rØalisation du stockage souterrain lui-mOEme,
dont l ampleur financiLre sera sans commune mesure, puisqu elle se situe
dans une trLs large fourchette allant de 10
30 Md . Les difficultØs
rencontrØes pour la construction du laboratoire militent pour que la plus
grande rigueur prØside
l attribution de ces Øventuels marchØs.
b)
Les retards pris par le chantier
Les difficultØs rencontrØes dans le dØroulement du chantier
tiennent en partie aux choix initiaux et ont ØtØ aggravØes par un accident
mortel survenu le 15 mai 2002, qui, en pratique, a conduit
l arrOEt du
chantier jusqu au 30 avril 2003.
Retards pris dans le chantier du laboratoire de Bure
Date de rØfØrence
Date constatØes ou prØvues
DØbut des Øtudes
Septembre 1999
Septembre 1999
DØbut de fon age du puits
d accLs
Octobre 2000
Septembre 2000
DØbut de fon age du puits
auxiliaire
Novembre 2000
Octobre 2000
Mise
disposition de la niche
d expØrimentation
Juin 2002
DØbut de creusement au 3
et 4
trimestre 2004. expØrimentation en
2005
DØbut du creusement des
galeries
Novembre 2002
PremiLre galerie expØrimentale au
dØbut 2005
partir du puits auxiliaire
Fin du creusement de la zone
expØrimentale
Jalon initialement
non prØvu
TroisiLme trimestre 2005
Fin du creusement des
galeries de reconnaissance
Novembre 2003
AprLs 2005
Source : Andra
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
139
Si la sous-consommation initiale des crØdits allouØs a ØtØ
manifeste, elle ne tardera pas
OEtre suivie par d importants dØpassements.
DØs 2002 le groupement d entreprises chargØ des travaux adressait
l Agence une premiLre rØclamation portant sur le passØ et sur ses pertes
futures. Pour les pertes passØes un accord fut finalement trouvØ entre les
parties qui s accordLrent sur une somme de 8,5 M . Un deuxiLme avenant
couvrant un ensemble de rØalisations fut signØ pour un montant de
54,1 M , soit un surcoût de 36,6 M . A ces divers avenants s ajoutent les
coûts de fonctionnement en rØgie lors de la reprise du chantier qui sont
estimØs aux environs de 8 M . Un troisiLme avenant est en cours de
nØgociation. Les divers avenants conclus dans le passØ ainsi que ce
nouvel avenant conduiront en fin de contrat
une dØpense totale
largement supØrieure au double du montant initial de 60,6 M
(valeur 2003).
A la suite des retards du chantier, l Agence a ØtØ conduite
revoir
son programme d expØrimentations scientifiques. DØs 2002, dans son
rapport annuel, la CNE s inquiØtait de l avancement des travaux. DØbut
2003, l Andra a Øtabli un programme de recherches rØvisØ afin de
remettre en 2005 un rapport permettant d Øvaluer la faisabilitØ d un
Øventuel stockage souterrain dans cette formation rocheuse. Dans son
rapport 2003, la CNE note que : «
le calendrier est maintenant tendu à
l’extrême parce que beaucoup d’expérimentations à mener in situ sont
délicates
». Toutefois, elle considLre que : «
le programme de recherches
révisé présenté par l’Andra en janvier 2003 constitue un programme
pertinent des délais impartis et le minimum acceptable pour une
acquisition in situ de données permettant de construire le dossier
scientifique de 2005
».
A ce jour, tout nouveau retard serait de nature
mettre en cause,
pour le dØbat prØvu en 2006, une apprØciation scientifique suffisamment
ØtayØe en matiLre de stockage dans les couches gØologiques profondes.
140
C
OUR DES COMPTES
3
Le coût du stockage profond
Compte tenu de l avancement des Øtudes concernant le stockage
profond, l Øvaluation de son coût reste un exercice difficile et empreint de
marges d incertitude.
Stockage rØversible ou pas ?
De nombreuses discussions ont portØ sur
l intØrOEt de prØvoir, dØs la
conception du stockage, la possibilitØ de retirer ultØrieurement les colis
dØposØs et de crØer ainsi un stockage dit rØversible. La loi du 30 dØcembre
1991 fait mention explicite de cette notion. En dØcembre 1998 le
Gouvernement a prØcisØ
nouveau que les recherches en matiLre de
gestion des dØchets
haute activitØ s inscrivaient dans une politique de
rØversibilitØ. Un tel stockage permettrait de mettre en
uvre des procØdØs
de traitement des dØchets qui seraient dØcouverts ultØrieurement. L Andra
a travaillØ
cette approche identifiant plusieurs niveaux de rØversibilitØ.
Le niveau de rØversibilitØ retenu n est pas neutre en terme
de coût.
A l opposØ, un stockage rØversible est plus sensible
des actions
malveillantes, puisque, par dØfinition, plus ouvert.
En pratique, le stockage qui sera construit restera ouvert pendant
une longue pØriode (50
60 ans) durant son remplissage. Le dØbat sur ce
point est donc loin d OEtre clos.
Un premier travail d Øvaluation des coûts du stockage gØologique a
ØtØ conduit par l Andra au cours de l annØe 1996, sur la base des premiers
concepts de stockage dØfinis par l Agence, aujourd hui
dØpassØs, compte
tenu, notamment, des rØserves exprimØes
cette Øpoque par la CNE.
Le coût total du stockage Øtait alors ØvaluØ
13,9 Md . Ce total a
ØtØ rØcemment rØØvaluØ
14,7 Md
2003
pour servir de base de
comparaison avec les chiffrages ultØrieurs. Ce chiffrage prØsentait
toutefois, dLs l origine et de l aveu mOEme de l Andra, plusieurs
faiblesses : il ne prenait en compte qu
titre indicatif et sans Øtudes
dØtaillØes les coûts liØs
l exploitation, la structure des installations
souterraines de stockage Øtait asses grossiLrement dØfinie. En outre, ce
chiffrage ne prenait pas en compte l Øventuel stockage de combustibles
usØs.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
141
En 1998,
partir des mOEmes donnØes Øconomiques et techniques,
l Andra a rØalisØ le chiffrage d un scØnario alternatif
celui de 1996. Ce
chiffrage faisait l hypothLse d un arrOEt complet du retraitement en 2010,
avec pour consØquence une rØduction du volume des dØchets B et C
prendre en charge mais la nØcessitØ de stocker directement les
combustibles usØs. L Øvaluation de 1998 aboutissait
un coût
d investissement rØØvaluØ compris entre 11,7 et 13,6 Md
2003
et
80.2 MdF
95
. En 2003, ce coût a ØtØ rØØvaluØ
21,3 Md
2003
, en y
intØgrant une estimation des coûts d exploitation.
Des travaux, conduits en 2003, ont permis d Øtablir un chiffrage
plus dØtaillØ que les deux prØcØdents, car fondØ sur un jeu d hypothLses
plus complet. Une mØthodologie plus rigoureuse a aussi ØtØ adoptØe,
partant de coûts unitaires agrØgØs en sous-ensembles puis en ensembles,
intØgrant des donnØes prØcises sur les coûts d exploitation. Ces donnØes
ont ØtØ stockØes dans une base de donnØes permettant la mise en
uvre de
simulations.
Parmi les quatre scØnarii dØfinis, les trois principaux reposent sur
les hypothLses suivantes :
- scØnario S1a : retraitement de tous les combustibles usØs,
- scØnario S1b : poursuite du retraitement des combustibles UOX
et stockage direct du Mox usØ,
- scØnario S2 : arrOEt du retraitement en 2010 et stockage direct du
combustible usØ
compter de cette date.
142
C
OUR DES COMPTES
Compte tenu de ces trois hypothLses, les estimations de 2003
aboutissent
une fourchette de coût trLs large allant de 16
58 Md
2003
:
volution du coût du stockage profond en M
(valeur 2003)
Chiffrage de 1996
14 704
Chiffrage de 1998
21 284
Chiffrage 2003 scØnario S1a
HypothLse basse
HypothLse haute
15 946
24 332
Chiffrage 2003 scØnario S1b
HypothLse basse
HypothLse haute
25 237
41 435
Chiffrage 2003 scØnario S2
HypothLse basse
HypothLse haute
34 670
58 035
Source : Andra
La situation actuelle en France correspond
celle du scØnario S1a.
Les diffØrences d Øvaluation s expliquent par des effets de pØrimLtre,
selon la prise en compte ou non, en tout ou en partie, des combustibles
usØs ; mais, elles tiennent aussi
des critLres techniques tels que ceux liØs
la puissance thermique attendue des dØchets vitrifiØs. Elles dØpendent
Øgalement de l Øvolution des concepts techniques de stockage et
notamment de la dØcision qui sera prise sur la plus ou moins grande
rØversibilitØ du stockage profond.
Les Øvaluations donnØes ici sont des Øvaluations globales, qui sont
calculØes en fonction d un inventaire de dØchets futurs rØpartis entre les
trois catØgories possibles : dØchets B, dØchets C et combustibles usØs.
Pour s en tenir au scØnario S1b, avec stockage de combustibles Mox usØ,
il est intØressant de comparer l Øvolution par rapport
1996 du coût de
stockage par type de dØchets en dØgageant un prix au m
3
:
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
143
Comparaison Øvaluations 1996 et 2003
En M
par m3 ou tMLi
DØchets B
DØchets C
Mox usØ
Chiffrage 1996 (valeur 2003)
0,039
1,086
Chiffrage 2003
HypothLse haute
0,038
4,404
3,942
Chiffrage 2003
HypothLse basse
0,028
2,467
2,760
Inventaire thØorique 1996
134 000 m
3
8 700 m
3
Inventaire thØorique 2003
78 400 m
3
6 320 m
3
2 700 tMLi
Source : Andra
L Øvolution
la baisse du coût des dØchets B rØsulte d une
amØlioration des techniques de conditionnement. L Øvolution
la hausse
pour les dØchets C, qui correspondent aux rØsidus vitrifiØs, rØsultent
la
fois d une ØlØvation de leur puissance thermique, elle-mOEme due
l augmentation du taux de combustion dans les centrales, et de la dØcision
d adapter le dimensionnement des colis de fa on
ce que la tempØrature
extØrieure en surface ne dØpasse pas 90 C au lieu de 150 C
antØrieurement.
Ces
divers
chiffrages
nØcessitent
maintenant
une
analyse
contradictoire entre l Andra et ses clients, les producteurs. Une telle
analyse a
ØtØ initiØe par la DGEMP qui a rØuni un groupe de travail
composØ de l Andra et des producteurs afin de rØaliser cette
confrontation. Ces travaux devraient se conclure
un horizon 2005.
Les incertitudes nombreuses qui pLsent sur le financement futur de
la gestion de ces dØchets - volume rØel, selon la stratØgie de retraitement
retenue, durØe d entreposage avant stockage, etc. - conduisent
poser la
question de la capacitØ dans le temps des principaux producteurs de
dØchets
rØpondre
leurs obligations. C est pourquoi un transfert de
responsabilitØ des producteurs vers l Etat a pu OEtre envisagØ comme cela
se pratique aux
tats-Unis pour les combustibles usØs
39
. Un tel transfert
pose cependant nombre de problLmes juridiques :
!
les dispositions du code de l environnement, en particulier le
principe
pollueur-payeur,
autorisent-elles
un
transfert
de
propriØtØ des dØchets radioactifs d un producteur vers l Etat ?
39
) Le transfert de responsabilitØ dans d autres pays comme l Allemagne, la Finlande,
la SuLde ou la Suisse ne s effectue qu
un stade beaucoup plus avancØ du stockage.
144
C
OUR DES COMPTES
!
l amØnagement du principe pollueur-payeur peut-il OEtre cantonnØ
aux seuls dØchets radioactifs ?
!
comment organiser un tel transfert ? Quel support juridique
retenir ? Quelles consØquences en matiLre de responsabilitØ civile
et pØnale ?
!
quels sont les risques relatifs
la rØglementation europØenne en
matiLre d aides, en particulier si le transfert ne concernait que
certains producteurs ou le seul secteur du nuclØaire ?
Au-del
de ces questions, la Cour insiste sur l importance des
charges financiLres qu une telle solution serait susceptible de mettre
la
charge directe de l Etat.
C
Les dØveloppements tardifs des recherches sur
l entreposage de longue durØe
Deux notions distinctes : stockage et entreposage
L entreposage est con u pour
abriter les dØchets pour une pØriode
dØterminØe
l issue de laquelle les dØchets doivent OEtre rØcupØrØs pour
trouver un exutoire (traitement) dØfinitif.
Le stockage est destinØ
conserver les dØchets sans limitation de
durØe et constitue donc un exutoire final.
La stratØgie de cet axe de recherche consiste
dØmontrer qu il
existe pour chaque type de dØchets un mode de conditionnement
compatible avec un entreposage de longue durØe ou un stockage
gØologique immØdiat ou diffØrØ.
AprLs s OEtre plainte des retards constatØs dans ce programme et
d un certain manque de coordination, la CNE constate, dans son rapport
2003, une avancØe positive de ces travaux qui portent sur les matrices de
conditionnement, les matØriaux de fabrication des conteneurs, l Øtude de
modLles de corrosion et d altØration, notamment pour les verres et les
combustibles usØs.
Comme les colis d entreposage sont majoritairement con us pour
OEtre identiques aux colis de stockage dans les couches profondes, assurant
ainsi la continuitØ des opØrations entreposage/stockage, la CNE indique
« que , dans l attente d un stockage gØologique, les conteneurs et leurs
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
145
dispositifs de fermeture pour toutes les catØgories de dØchets constituent
une protection adaptØe contre les phØnomLnes naturels (ordinaires ou
extraordinaires) ou humains (erreurs ou malveillances), pour les
travailleurs et les populations concernØes, notamment pendant les
transports et dans les futurs entreposages
».
Les diffØrents colis d entreposage doivent OEtre stockØs pendant de
longues durØes dans des entrep ts con us pour des durØes sØculaires (de
100
300 ans). Ces Øtudes d entreposage qui concernent les dØchets de
haute et
moyenne
vie longue (HAVL et MAVL) se dØroulent
aujourd hui dans un site virtuel ce qui limite la portØe et la conclusion de
ces Øtudes.
En dØfinitive, pour la CNE, si les Øtudes relatives au colisage sont
avancØes et ont produit des rØsultats satisfaisants, certains points relatifs
l entreposage de longue durØe nØcessitent encore des travaux approfondis,
en particulier la tenue des bØtons
long terme.
Enfin, les coûts de confection des colis et de l entreposage de
longue durØe demeurent,
ce jour, largement inconnus, alors mOEme qu ils
reprØsenteront une part non nØgligeable du coût de la gestion des dØchets.
146
C
OUR DES COMPTES
D
Les perspectives pour le dØbat de 2006
En 2003, plus de 2,2 Md
avaient ØtØ dØpensØs sur les trois axes de
recherche de la loi de 1991 :
DØpenses de recherche et dØveloppement effectuØes au titre de la
loi du 30 dØcembre 1991 (en M
courants)
AnnØe
Axe 1
Axe 2
Axe 3
1992
23,8
50,5
33,2
1993
34,2
41,1
33,8
1994
45,4
69
33,4
1995
55,6
80
35,8
1996
54,9
77,4
39,6
1997
66,2
67
41,9
1998
64
65
48,4
1999
70,2
61,9
73,6
2000
72,1
91
76,6
2001
73,4
83,7
65,9
2002
72,8
80,9
69,5
2003
91,3
118
62,7
Total par axe
723,9
885,5
614,4
Total pour les trois axes de recherche : 2 223,9
Source : Ministère de la recherche, stratégie et
programmes des recherches sur la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue. Édition 2003.
Selon la loi, le Parlement devra dØbattre d ici 2006 des solutions
qu il convient d apporter au traitement des dØchets nuclØaires. A environ
un an de ce dØbat, il est utile de tenter de faire le point.
Il est indØniable que les efforts notamment financiers consentis
pour les trois axes de recherche ont fait progresser les connaissances et
que ces ØlØments pourront nourrir des dossiers scientifiques de choix.
Toutefois, l ØchØance de 2006 ne doit certainement pas OEtre vue comme la
fin des recherches sur les trois domaines ØtudiØs, mais plut t comme une
prise de dØcision sur les axes stratØgiques. L annØe 2006 ne marquera pas
la fin des recherches, avec leur financement associØ, mais verra au
contraire celles-ci se conjuguer avec la mise en place des premiers
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
147
ØlØments de solution industrielles, ce qui augmentera le besoin de
financement.
A propos de l axe n 1 (transmutation)
, on peut penser que le
processus de sØparation poussØ aura subi avec succLs le stade de la
faisabilitØ technique, mais se posera alors le problLme de la dØfinition
d une stratØgie industrielle Øconomiquement viable. Les Øtudes sur la
transmutation sont encore
l Øtat de recherches fondamentales et
supposeront donc des efforts financiers trLs consØquents dans l avenir
dont probablement la construction de rØacteurs dØdiØs afin de rØduire les
volumes de dØchets. De tels investissements ne peuvent se concevoir que
dans le cadre d un nuclØaire durable.
A propos de l axe n
2 (stockage profond)
, les retards pris par le
projet
de
Bure
ont
conduit
l Andra
revoir
son
programme
d expØrimentations scientifiques. Les rØsultats de ces programmes
devraient toutefois fournir aux pouvoirs publics suffisamment d ØlØments
pour prendre ou non la dØcision de lancer le projet final. Il est important
qu une dØcision soit prise : si une dØcision nØgative intervenait, cela
permettrait de rØorienter rapidement les moyens financiers ;
l inverse,
en cas de dØcision positive, cela permettrait de disposer d un site de
stockage qui pourrait OEtre opØrationnel dans les annØes 2020. En effet,
pour l aprLs 2006, le projet se dØroulerait en deux phases :
!
de 2006
2010 une phase de dØveloppement des Øtudes
dØj
entreprises permettant d approfondir la connaissance
de la migration des radionuclØides dans la roche afin de
s assurer du bon confinement du site ainsi que des Øtudes
d optimisation des aspects techniques et industriels du
stockage ; dans une premiLre analyse, les coûts de cette
pØriode sont estimØs par l Andra
317 M , soit une
dØpense annuelle moyenne de 63 M
environ comparable
aux dØpenses rØalisØes jusqu
prØsent pour l axe n 2 de
recherche.
!
de 2010
2020, une phase d Øtudes dØtaillØes notamment
en matiLre de sûretØ, suivie d une phase de rØalisation
effective pour une mise en service dans les annØes 2020.
En ce qui concerne le choix d un autre type de roche, peu de
donnØes seront disponibles pour 2006. Les Øtudes faites depuis la surface,
sans laboratoire souterrain, sur les sites du Gard et de la Vienne n auront
fourni que des rØsultats partiels, complØtØs par des Øtudes rØalisØes
l Øtranger dans des formations gØologiques, certes semblables, mais dont
les caractØristiques sont diffØrentes de celles des massifs fran ais.
148
C
OUR DES COMPTES
A propos de l axe n
3 (entreposage de longue durØe)
, ce
domaine conna t dØj
un dØveloppement industriel pour les dØchets
vitrifiØs. La faisabilitØ technique pour assurer pendant un siLcle la
conservation des dØchets HAVL, MAVL est dØmontrØe. Le passage
une
phase de rØalisation, passant par l’Ølection d’un ou plusieurs sites
possibles, semble pouvoir OEtre envisagØ, sous rØserve de la confirmation
de son opportunitØ.
En dØfinitive, pour les trois axes d Øtudes, malgrØ des retards
gØnØrant des calendriers tendus, les rØsultats produits devraient permettre
au Parlement d exercer un choix scientifiquement ØclairØ sur le devenir
des dØchets nuclØaires.
La Cour insiste sur la nØcessitØ de prendre ces dØcisions car le
danger lui para t grand que, arguant de rØsultats encore provisoires, et des
progrLs futurs de la science et de la technologie, les dØcisions
indispensables soient repoussØes, retardant les projets et reportant ainsi
sur les gØnØrations futures les risques techniques et le poids financier de
la gestion des dØchets.
III - La recherche de solutions pour des dØchets
spØcifiques
A
Les dØchets graphite et radifLres
Ces dØchets sont principalement issus de la premiLre gØnØration
des centrales nuclØaires dites UNGG (filiLre Uranium naturel, graphite,
gaz) mises en
uvre des annØes 1950 aux annØes 1980, aujourd hui en
cours de dØmantLlement.
Ils comprennent des « empilements » qui sont des colonnes de
graphite et des chemises, enveloppes cylindriques disposØes autour du
combustible.
Ces dØchets produits en faible quantitØ sont peu radioactifs,
mais contiennent des ØlØments
vie trLs longue, notamment avec le
carbone 14 et le chlore 36, dont les pØriodes radioactives respectives sont
de 5 730 et 300 000 annØes.
Les dØchets radifLres sont issus d utilisations passØes de la
radioactivitØ, du dØbut du vingtiLme siLcle aux annØes 1970. Provenant de
l assainissement de sites anciens, ils contiennent essentiellement du
radium qui
ce jour n a pas de filiLre de gestion.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
149
Des Øtudes de stockage en sub-surface, de l ordre d une quinzaine
de mLtres, de ces dØchets sont actuellement conduites par l Andra. Les
recherches se poursuivent et sont suivies par un groupe de travail, animØ
conjointement par l ASN et les services du DSND, associant l Agence et
les producteurs. ParallLlement
cette option de stockage en sub-surface
d autres options de stockage dans des cavitØs souterraines ou d anciennes
mines sont ØtudiØes.
Compte tenu de l Øtat encore
l Øbauche des solutions techniques,
les coûts de stockage avancØs sont empreints d une trLs grande
incertitude.
S agissant des dØchets radifLres diverses Øtudes anciennes
conduites par l Andra en 1999 conduisaient
une fourchette de coût
situØe entre 680 et 1 525
par tonne. En 2002 ces premiLres Øtudes ont
ØtØ prØcisØes et ont permis d avancer un chiffre de 2 000
par tonne. En
2001, a ØtØ dØcidØe la crØation d un fonds radium destinØ
aider les
propriØtaires de sites contaminØs par cette industrie dans les annØes 1920-
1930
rØhabiliter leurs sites. Toutefois, en 2003 aucun chantier de ce
type n avait ØtØ ouvert.
B
Les dØchets tritiØs
Ces dØchets proviennent essentiellement du CEA mais aussi de
divers Øquipements militaires, de l aviation civile ou de secteurs
industriels non nuclØaires.
150
C
OUR DES COMPTES
Le tritium
Le tritium est un isotope radioactif de l'hydrogène, qui est
produit naturellement par l'action des rayonnements cosmiques sur
l'azote, l'oxygène et l'argon de l'air. Parmi les sources artificielles du
tritium, il faut notamment citer les rejets liquides et gazeux des usines
de retraitement des combustibles irradiés et des centrales nucléaires.
Le tritium est produit dans le combustible lors de la fission de
l’uranium et par réaction d’activation avec divers éléments comme le
lithium, le bore et le deutérium. Les quantités produites et les rejets
varient selon le type de réacteur mais il est admis que la production est
en général de 0,5 térabecquerels par mégawatt électrique produit et
par an. A ce titre, la production mondiale de tritium est de l’ordre de
170 000 térabecquerels par an.
A Marcoule, les réacteurs Célestin produisent du tritium, utilisé
dans les armements nucléaires ; du fait de sa rapide décroissance
radioactive (sa période radioactive est de 12,4 années), le tritium doit
être réapprovionné régulièrement pour que les armements restent
opérationnels
.
Source : IRSN et GIE Codem
Ces dØchets sont difficiles
confiner en raison de la mobilitØ du
tritrium. Des Øtudes ont lieu actuellement pour vØrifier si ces dØchets ne
pourraient pas OEtre entreposØs au centre de l Aube dans des colis
prØsentant de grandes performances de confinement.
Les volumes
stocker sont faibles, de l ordre de 3 000 m
3
c e qui
conduit
des coûts de stockage, certes difficiles
estimer compte tenu de
l Øtat d avancement des Øtudes mais que l on peut situer aux environs de
8 M
en appliquant, en premiLre approximation, les coûts de stockage du
centre de l Aube.
C
La question du nuclØaire diffus
Sous la catØgorie « nuclØaire diffus », on regroupe des dØchets trLs
variØs, issus des activitØs de « petits producteurs », civils et militaires,
dont le volume total, estimØ
quelques milliers de m
3
, est encore
mØconnu. Ces dØchets ne disposent pas de filiLre d Ølimination parvenue
maturitØ industrielle. Pendant les premiLres annØes d existence de
l Andra, ils ont fait l objet d une attention moindre que ceux issus de
l industrie ØlectronuclØaire. Le dernier contrat quadriennal a cependant
mis l accent, pour la premiLre fois, sur la question du nuclØaire diffus,
demandant
l agence d Ølaborer, «
dans une logique de service public,
un
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
151
schéma d’organisation et de tarification »,
de
« développer des solutions
d’entreposage
» pour pouvoir prendre en charge «
à brève échéance
» ces
dØchets et de renforcer «
son activité de conseil et d’expertise auprès des
producteurs de déchets
. »
L Andra propose d ores et dØj
diffØrents services dont la collecte
des dØchets auprLs des petits producteurs. On notera le coût ØlevØ que
peuvent atteindre les prestations de l Andra pour des propriØtaires privØs.
Ainsi, une procØdure simple et reproductible comme l enlLvement d un
paratonnerre, est encore trLs onØreuse.
Depuis 1999, l activitØ «
petits producteurs
» est dØficitaire dans
les comptes de l Andra, qui ne dispose pas de financement pour ces
opØrations et doit les prendre en charge sur ses ressources propres. La
situation s est amØliorØe toutefois, en 2003, l activitØ n Øtait plus
dØficitaire que de 0,15 M , dØficit trouvant sa source dans les activitØs
d intØrOEt gØnØral pour lesquelles il n existe pas de financement alors que
les activitØs industrielles Øtaient, elles,
l Øquilibre.
En 2003 et 2004, d importants progrLs importants ont ØtØ rØalisØs :
!
l Andra dispose dØsormais d une installation autorisØe
d entreposage sur sa plateforme situØe sur le site de
l entreprise Socatri dans le Sud de la France ; cette
installation a permis d apurer la plus grande partie des
demandes en attente de prise en charge ;
!
prLs de 1 500 tOEtes de paratonnerres utilisant des substances
radioactives ont ØtØ collectØs. Ce type de collecte est
maintenant organisØ et se traduit par un flux rØgulier ;
!
un nouveau contrat d incinØration a ØtØ conclu en avril 2004
avec la sociØtØ Socodei permettant de rØgler le sort des 1000
tonnes de dØchets toujours en attente d incinØration ;
!
pour les quelques dØchets qui aujourd hui encore ne
disposent pas d exutoires, des nØgociations ont ØtØ engagØes
avec le CEA qui, dans le cadre d une convention en
prØparation, devrait mettre
disposition des installations
adaptØes pour accueillir ces dØchets sous la responsabilitØ de
l Andra.
Sur ce sujet sensible mais dont les enjeux financiers sont limitØs
quelques millions d euros, la Cour recommande de confier plus
explicitement encore
l Andra une mission active de collecte des dØchets
orphelins et de doter cette mission d une source de financement pØrenne.
152
C
OUR DES COMPTES
Les paratonnerres radioactifs
Le principe de fonctionnement des paratonnerres
tOEte radioactive
repose sur l’ionisation de l’air au voisinage de sources radioactives, alors
supposØe augmenter la probabilitØ d’amor age Ølectrique pour attirer la
foudre. Il a ØtØ brevetØ en 1914. Les paratonnerres au radium ont ØtØ
commercialisØs
partir de 1930, et, comme le radium est un radionuclØide
naturel, ils n ont jamais ØtØ soumis
autorisation : le nombre de ces
paratonnerres encore en utilisation est inconnu. Les paratonnerres
l amØricium, qui est un radionuclØide artificiel, ont ØtØ autorisØs, dans les
annØes 1970, par la Commission interministØrielle des radioØlØments
artificiels (Cirea). On ne dispose pas non plus d informations fiables sur le
nombre de ces paratonnerres en service, car si les fabricants et fournisseurs
devaient obtenir une autorisation, la dØtention en restait libre. Du fait de
leur exposition directe aux intempØries pendant plusieurs annØes, les
matØriaux sont susceptibles de se dØgrader et le confinement de la
radioactivitØ ne peut plus OEtre garanti.
La pØriode radioactive
40
du radium 226 et de l amØricium 241,
utilisØs dans les tOEtes de paratonnerre, est respectivement de 1 600
et
432 annØes.
Un arrOEtØ du 11 octobre 1983, applicable au 1
er
janvier 1987, a
interdit
l emploi
d ØlØments
radioactifs
pour
la
fabrication,
la
commercialisation et l importation des paratonnerres, mais n a pas rendu
obligatoire
leur
enlLvement.
Plusieurs
dizaines
de
milliers
de
paratonnerres
tOEte radioactive seraient toujours en service et l Andra
aurait collectØ
ce jour environ 6 000 tOEtes.
Source : d’après IRSN
40
) Voir supra, encadrØ de la page 43.
P
REMIERES EXPERIENCES DE DEMANTELEMENT ET DE STOCKAGE
153
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
Le CEA, confronté à un passif historique lourd, est responsable
d’un grand nombre d’INB très hétérogènes. Or, la capacité managériale
de cet établissement, plus apte à conduire des recherches qu’à mettre en
oeuvre des opérations à l’échelle industrielles est en cause. Bien que des
progrès importants aient été effectués dans le recensement et l’évaluation
des futures opérations, le suivi des prestations par projet doit être
amélioré. Depuis la réorganisation interne, qui a conduit à supprimer en
2000 la direction de la gestion des déchets, aucun document à destination
du public ne rend compte des actions effectuées par le CEA au titre du
démantèlement et de l’assainissement de ses centres.
Le démantèlement de Marcoule est l’opération de démantèlement
la
plus
importante
menée
en
France.
Il
présente
plusieurs
caractéristiques :
- un coût
élevé - plus de 6 Md€ -, qui est en partie
la conséquence
de l’indifférence passée en matière de sûreté nucléaire ;
- une durée qui avoisinera 45 ans ;
- une maîtrise d’ouvrage confiée à un GIE réunissant les
principaux bailleurs de fonds et le principal fournisseur.
Dans un contexte très conflictuel, des travaux importants ont pu
néanmoins être réalisés, dont beaucoup d’enseignements pourront être
tirés. La suspension de la contribution du ministère de la défense, qui fut
renvoyée à la création toujours retardée d’un fonds spécifique, et le
projet de confier la maîtrise d’ouvrage au seul CEA ont suscité les
inquiétudes de la Cour. Si comme cela vient d’être décidé, il doit être mis
fin à l’existence du GIE, il eût été plus cohérent de confier la maîtrise
d’ouvrage à la Cogema, qui est l’exploitant nucléaire en charge du
personnel.
Le changement de stratégie d’EDF pour le démantèlement des
centrales arrêtées apparaît judicieux, puisqu’il n’y a plus d’obstacles
techniques à un démantèlement rapide et que l’expérience ainsi acquise
sera utilement mise à profit pour les centrales actuelles. A l’occasion de
ce
changement,
est
apparue
l’absence
d’évaluation
fiable
du
démantèlement des centrales de première génération, d’où la nécessité de
recalculer les provisions en conséquence. En 2000 et 2002, des
provisions supplémentaires ont ainsi dû être passées à hauteur de 2 Md€.
A la fin de 2003, les travaux et prestations à réaliser dans les 20
prochaines années dépassaient 3,5 Md€, dont 2 Md€ pour le seul
Superphénix, en incluant le retraitement de son combustible. Il importe
154
C
OUR DES COMPTES
que la mise en place de solutions de stockage intervienne en temps utile
pour ne pas retarder les opérations de démantèlement des réacteurs
(niveau 3).
L’Andra a réalisé et mis en oeuvre avec succès des solutions de
stockage pour les déchets à vie courte ainsi que les déchets très
faiblement radioactifs. Les recherches pour les déchets les plus nocifs,
qui
doivent permettre au Parlement de se prononcer sur les choix futurs,
ont connu d’importants retards particulièrement en ce qui concerne le
stockage profond. Des maladresses ont été commises par les pouvoirs
publics, qui se sont traduites par l’impossibilité de mener des recherches
sur un deuxième site. Par ailleurs, la désignation tardive du site de Bure
et les difficultés du chantier lui-même se sont traduites par d’importants
retards aboutissant à un calendrier particulièrement tendu.
Plus de 2,2 Md€ ont été dépensés depuis 15 ans dans les trois axes
de recherche, à parts sensiblement égales. Il est temps aujourd’hui
d’aboutir et il importe que le Parlement puisse être
en mesure d’exercer
un choix éclairé.
Aujourd’hui, Areva, le CEA et EDF calculent leurs provisions
pour stockage des déchets de haute activité sur la base d’un coût estimé
du stockage profond. Des désaccords importants sont apparus à propos
des récentes évaluations de l’Andra. Il faut clarifier cette situation
susceptible de peser sur la crédibilité des provisions constituées à ce
titre.
TroisiLme partie
Interrogations et incertitudes actuelles
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
157
Chapitre I
Les provisions pour charges futures
158
C
OUR DES COMPTES
Les provisions pour charges nuclØaires futures avaient ØtØ
ØvoquØes au rapport public de la Cour pour 1998. Cette Øtude avait
montrØ la nØcessitØ d une meilleure information des citoyens et le besoin
d approfondir la rØflexion sur la connaissance et le financement des
charges futures pour l ensemble des exploitants nuclØaires.
Comme l application,
partir de 2002, du nouveau rLglement sur
les passifs et la mise en
uvre de l actualisation des provisions ont
vØritablement bouleversØ la prØsentation des comptes, il est indispensable
de faire le point sur ces modifications avant de s interroger sur le niveau
des provisions de chacun des trois grands exploitants.
I - Evolution des rLgles
A
Avant 2002
Une provision pour charges est la constatation comptable d une
charge future, prØcise quant
son objet, mais dont le montant ou
l ØchØance ne peuvent OEtre fixØs de fa on prØcise.
Le caractLre obligatoire du dØmantLlement des INB arrOEtØes, de
l Øvacuation et du stockage des dØchets radioactifs ne faisant pas de
doute, les exploitants doivent normalement constater les provisions
correspondantes dans leurs comptes.
Pour le dØmantLlement, le fait gØnØrateur, qui crØe l obligation de
provisionner, est la mise en service de l installation ; pour l aval du cycle
des combustibles (retraitement et dØchets), le fait gØnØrateur est l activitØ
productive.
Avant 2002, les provisions pour dØmantLlement Øtaient constituØes
de fa on linØaire sur la durØe de vie des installations ; les provisions de
fin de cycle des combustibles Øtaient constituØes proportionnellement aux
combustibles effectivement irradiØs.
Les provisions ainsi Øtablies ne permettaient donc pas de conna tre
l intØgralitØ de la charge future, mais seulement la part dØj
imputØe sur le
rØsultat. Avec ce systLme, le principe du rattachement des charges au
produit de l exercice Øtait respectØ, puisque les provisions Øtaient
constituØes en phase avec les ressources attendues, telles que les ventes
d ØlectricitØ pour EDF, le retraitement pour la Cogema. Le cas du CEA
Øtait diffØrent, s agissant d un Øtablissement de recherche, dont les
ressources sont majoritairement constituØes de subventions.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
159
B
A partir de 2002
A compter du 1
er
janvier 2002, est entrØ en vigueur un nouveau
rLglement comptable
41
couramment dØnommØ « rLglement sur les
passifs » modifiant le Plan comptable gØnØral (PCG) de 1999. Un passif
externe y est dØfini comme un «
élément de patrimoine ayant une valeur
économique négative pour l’entité, c'est-à-dire une obligation de l’entité
à l’égard d’un tiers dont il est probable ou certain qu’elle provoquera
une sortie de ressources au bénéfice de tiers, sans contrepartie au moins
équivalente attendue de celui-ci.
». L obligation peut OEtre d ordre lØgal,
rØglementaire ou contractuel. Le PCG dØfinit la provision pour risques et
charges comme «
un passif dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé
de façon précise ».
La grande nouveautØ introduite par le rLglement est
l obligation faite aux provisions de traduire la totalitØ des obligations
futures, quelle que soit la date du dØcaissement.
De ce fait, les exploitants ont ØtØ dans l obligation de provisionner
non seulement l intØgralitØ de la part qui leur incombe, mais aussi la
participation attendue de tiers. Ainsi, pour prendre l exemple d une
installation arrOEtØe, la Cogema a dû provisionner 100 % de la provision
nØcessaire au dØmantLlement de Marcoule, au lieu de sa seule part
estimØe auparavant
15 % ; dans le cas des centrales nuclØaires en
activitØ, EDF a dû provisionner l intØgralitØ de la dØpense future.
Pour Øviter un impact insupportable sur le rØsultat, la nouvelle
rØglementation a permis d inscrire en contrepartie au bilan des « actifs de
dØmantLlement » correspondant
la fois
la part de l exploitant non
encore imputØe sur le rØsultat et
la part devant OEtre financØe par des
tiers. Il faut, en effet, distinguer les installations arrOEtØes, qui ne peuvent
engendrer
aucune
ressource
supplØmentaire,
des
installations
en
fonctionnement : dans ce dernier cas, un actif correspondant
un
prØlLvement futur sur les ressources attendues est constituØ, de telle fa on
qu au moment de l arrOEt de l installation la totalitØ de la charge future ait
ØtØ imputØe sur le rØsultat. Pour ce faire, les actifs de dØmantLlement font
l objet chaque annØe d un amortissement calculØ sur la durØe de vie de
l exploitation. Par cette mØthode, le principe du rattachement des charges
aux produits de l exercice Øtait prØservØ.
Une telle modification va dans le sens d une meilleure information,
puisqu elle vise
chiffrer pour chaque exploitant la totalitØ des charges
nuclØaires futures.
41
) RLglement n
2000-06 du 7 dØcembre 2000 du ComitØ de la rØglementation
comptable, homologuØ par arrOEtØ du 17 janvier 2001.
160
C
OUR DES COMPTES
ParallLlement
cette importante rØforme, s est posØe la question de
l application d une des futures normes comptables internationales, la
norme IAS 37, qui rend l actualisation obligatoire, lorsque « la valeur
temps de l argent est significative ».
Passage aux normes IAS/IFRS
Un rLglement europØen, souvent dØnommØ « RLglement IFRS
2005 », impose,
partir de 2005, l application des normes internationales
dites IFRS (International Financial Reporting Standards), anciennement
dØnommØes
IAS (International Accounting Standards) aux sociØtØs cotØes
europØennes pour leurs comptes consolidØs.
Une certaine libertØ est donnØe aux Etats membres pour les
comptes individuels.
L actualisation, appliquØe aux provisions, a pour but de chiffrer
la date du calcul la valeur actuelle de la provision, qui devra OEtre
disponible au moment oø les prestations devront OEtre effectuØes : elle est
facultative en France et elle sera obligatoire pour les comptes consolidØs
partir de 2005.
Comme le dØmantLlement et le stockage des dØchets radioactifs
correspondent
des opØrations ØtalØes sur plusieurs dizaines d annØes, le
montant net des provisions aprLs actualisation sera d autant plus minorØ
que le taux d actualisation sera grand. En retour, le systLme implique de
prendre en compte chaque annØe une charge dite de dØsactualisation pour
que la provision soit revalorisØe en consØquence :
titre d exemple, si, en
2004, une provision de 1 000 M , correspondant
une prestation
effectuer en 2034, a ØtØ rØduite
412 M
du fait d une actualisation
3 %, il faut chaque annØe calculer une charge de dØsactualisation pour
que la provision puisse atteindre en 2034 le montant nØcessaire en euros
courants.
Le CEA a actualisØ ses provisions au taux de 2,5 % dLs 2001,
Areva ne pratique pas encore d actualisation, tandis qu EDF actualise au
taux de 3 %.
En dØfinitive, on peut rØsumer par un tableau les changements
induits par le rLglement sur les passifs couplØ avec une actualisation :
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
161
Provision pour dØmantLlement avant et aprLs 2002
INB arrOEtØe
INB en activitØ (en milieu de vie)
Avant 2002
Provision annØe n
= Charge totale estimØe
= Charge totale estimØe
2
+Revalorisation Øventuelle
+Revalorisation Øventuelle
+Ajustement (inflation)
+Ajustement (inflation)
+Dotation linØaire sur durØe de vie
Opérations de fin d'année
= provision annØe n+1
= provision annØe n+1
AprLs 2002 avec
actualisation
Provision annØe n
Charge totale actualisØe
Charge
totale actualisØe
+Revalorisation Øventuelle
+Revalorisation Øventuelle
+Ajustement
+Ajustement
+DØsactualisation (1 an)
+DØsactualisation (1 an)
= provision annØe n+1
= provision annØe n+1
Opérations de fin d'année
Amortissement actif dØmantLlement
Nota :
en
prenant
l’hypothèse
d’une
INB
en
activité
en
milieu
de
vie
Source : Cour des comptes
II - Les provisions des trois principaux exploitants
la fin de 2003
Pour
rendre
les
provisions
inscrites
plus
directement
comprØhensibles, le montant brut (
VB
) a ØtØ systØmatiquement indiquØ
c tØ du montant actualisØ (
VA
), sauf pour Areva qui ne pratiquait pas
encore l actualisation en 2003.
A
Areva
En 2002, Areva a tirØ les consØquences du rLglement sur les
passifs, ce qui l a conduit
multiplier par quatre le montant affichØ de ses
provisions. Areva n a pas dØcidØ d actualiser ses provisions du fait sans
doute de la relative modestie de la part restant
sa charge aprLs prise en
compte des participations financiLres du CEA et d EDF. Le groupe
162
C
OUR DES COMPTES
prØvoit de le faire, conformØment aux normes IFRS,
compter du 1
er
janvier 2005 avec une annØe comparative 2004.
Areva distingue dans ses comptes consolidØs deux lignes, le
dØmantLlement et la reprise de dØchets, Øtant observØ qu un mOEme site est
gØnØralement concernØ par les deux catØgories de provision.
Provisions et actifs de dØmantLlement d Areva en 2003
En M
Actif de dØmantLlement
Provision
DØmantLlement
6 349
8 458
Quote-part groupe
1 118
Quote-part tiers
5 231
Reprise dØchets
2 760
3 858
Quote-part tiers
2 760
Total
9 109
12 316
Quote-part groupe
1 118
Quote-part tiers
7 991
Provision
charge d Areva
4 325
Source
d’après comptes consolidés d’Areva
Areva est un cas trLs spØcifique du fait de l Øcart entre les
provisions inscrites et les provisions qui seront effectivement
la charge
du groupe. Ce sont essentiellement le dØmantLlement et l assainissement
des usines de retraitement de Marcoule et de La Hague, qui expliquent un
montant de provisions de 12,3 Md , et ce sont les participations attendues
de tiers pour ces deux opØrations qui justifient l importance des actifs de
dØmantLlement. Il en rØsulte qu
la fin de 2003 la charge effective
d Areva Øtait ØvaluØe
4,3 Md .
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
163
Cette charge concerne pour l essentiel les installations du groupe
Cogema :
Provisions de la Cogema par site
En M
Provision
Q-P tiers
Q-P Cogema
La Hague
6 479
4 298
2 181
Marcoule
4 325
3 656
669
Pierrelatte
239
206
33
Melox
404
404
Cadarache
149
148
Eurodif
471
470
Autres
162
30
134
Total
12 229
8 190
4 039
Source : d’après Cogema
Sur le plan de la cohØrence avec les provisions enregistrØes par les
autres exploitants, l Øvaluation globale de Marcoule est faite sur une
hypothLse basse (4,3 Md ), alors qu un chiffre avoisinant 5 Md
appara t
plus vraisemblable
42
; celles de La Hague et de Pierrelatte sont en
cohØrence avec les montants retenus par EDF et le CEA.
Avec l expØrience du dØmantLlement de Marcoule, on sait que des
incertitudes affectent l Øvaluation des provisions concernant la reprise et
le conditionnement des dØchets. Il en est de mOEme avec les installations
de La Hague, dont l ampleur exceptionnelle repose pour prLs des deux
tiers sur EDF.
Marcoule et La Hague sont les deux plus grosses opØrations de
dØmantLlement du programme nuclØaire. En l occurrence, l expØrience
accumulØe
Marcoule servira pour La Hague, dont on remarque que la
question des dØchets y est moins lourdement prØsente :
En M
Marcoule
La Hague
DØmantLlement
1 820
5 216
DØchets
2 505
1 263
Total
4 325
6 479
Source : Cogema
42
) Voir supra, p. 110
164
C
OUR DES COMPTES
Hormis les incertitudes inhØrentes
toute opØration industrielle
d une certaine ampleur, les interrogations sur le coût du stockage des
dØchets HAVL et MAVL pLsent lourd sur la validitØ de calcul des
provisions. En l espLce, Øcartant les Øvaluations de l Andra depuis 1994,
le groupe entend utiliser ses propres Øvaluations. Les commissaires aux
comptes admettent cette fa on de procØder et appellent l attention dans
leur rapport annuel sur les incertitudes inhØrentes
l Øvaluation des coûts
de fin de cycle, ainsi qu
la part dØvolue
EDF. A la date de leur
certification, l accord entre EDF et Areva sur la gestion des combustibles
usØs, en nØgociation depuis de nombreuses annØes, n avait pas encore ØtØ
signØ.
B
Le CEA
L Øvolution des provisions du CEA
Le rapport public pour 1998 rappelle que le CEA ne s est
prØoccupØ qu
partir de 1993 de faire figurer les charges futures dans ses
Øtats financiers. Il ne provisionnait qu une infime part correspondant
des
activitØs financØes par des clients, ayant fait le choix d inscrire en hors
bilan ses engagements futurs, financØs eux-mOEmes par les subventions
futures attendues de l Etat. A partir de 2001, avec la constitution d un
fonds dØdiØ au financement du dØmantLlement des installations civiles, des
provisions ont ØtØ constituØes
ce titre, les provisions des installations
dØdiØes
la dØfense restant en engagement hors bilan. CorrØlativement
la
mise en place de ce fonds, une actualisation au taux de 2,5 % a ØtØ
pratiquØe sur l ensemble des provisions et engagements. D importantes
rØØvaluations des provisions ont par ailleurs ØtØ effectuØes. En 2002,
l application du rLglement sur les passifs a conduit
transformer en
provisions les engagements hors bilan correspondant aux dØpenses futures
des installations dØdiØes
la dØfense, au premier rang desquelles figure la
participation du CEA au dØmantLlement de Marcoule. En l absence de
fonds dØdiØ, un actif de dØmantLlement reprØsentatif des subventions
futures attendues
ce titre de l Etat a ØtØ constituØ.
Pour fixer son taux d actualisation
2,5 %, le CEA s est fondØ sur
le taux moyen des emprunts d Etat
long terme aboutissant
un taux
d actualisation maximal de 3,25 % aprLs dØduction du taux moyen
(1,70 %) de l indice des prix du b timent BT02 « terrassements » sur
5 ans : ce taux de 3,25 % a ØtØ ramenØ par prudence
2,5 %.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
165
En 2003, les comptes publiØs du CEA se bornent
indiquer un seul
montant actualisØ de 7 727 M
VA
au titre des « Provisions pour
dØmantLlement et traitement des dØchets et combustibles sans emploi ».
Ils
prØcisent
Øgalement
que
les
actifs
de
dØmantLlement
correspondants s ØlLvent
3 988 M
VA
, dont 3 629 M
VA
destinØs au
financement
terme de l Etat principalement au titre des engagements du
ministLre de la dØfense, des coûts de main d
uvre du CEA et de la TVA.
Le CEA indiquait se prØvaloir pour le dØmantLlement du niveau
3 de l AEIA hors gØnie civil ; la diffØrence avec le niveau 2 tiendrait au
niveau de dØcontamination des murs des b timents. En 2003, le CEA a
abandonnØ la rØfØrence
un niveau de l AEIA pour indiquer qu il vise
Øliminer toutes les zones
dØchets nuclØaire, et que les structures des
b timents
seront
conservØs
sans
contrainte
d ordre
radiologique.
Exploitant
la fois des INB avec rØacteur et des INB sans rØacteur, le
CEA se heurte
la question dØj
ØvoquØe des niveaux de l AEIA. La
question se pose de savoir si le niveau 3 ne devrait pas OEtre recherchØ
pour un certain nombre d installations en zone urbaine notamment : il y a
l
une cause possible de sous-Øvaluation des provisions.
Le CEA distingue quatre domaines de dØpenses spØcifiques : le
domaine
démantèlement
correspond
la dØconstruction stricto sensu ; le
domaine
assainissement,
aux coûts relatifs aux combustibles usØs, aux
dØchets anciens et au stockage ; le domaine
environnement,
aux coûts
relatifs
l assainissement des sites ; de surcro t, comme il n est que
partiellement assujetti
la TVA, il est conduit
adopter des dispositions
comptables particuliLres en calculant la part de TVA qui restera
sa
charge.
166
C
OUR DES COMPTES
RØcapitulatif des provisions fin de cycle 2003 CEA
En M
Valeur
actualisØe
Valeur
brute
Secteur civil
DØmantLlement
2 800
3 782
Assainissement
1 236
1 951
Installations et procØdØs
164
180
Environnement
49
56
TVA
389
551
Sous-total civil
4 638
6 520
Secteur dØfense
Hors TVA
2 812
4 177
TVA
276
410
Sous-total dØfense
3 088
4 587
7 726
11 107
Source : CEA
Le domaine dØmantLlement est rØparti en plusieurs dizaines
d installations : le total de 3 782 M
VB
rØsulte de l addition de devis pour
2 830 M
VB
et de l application d une majoration pour risques de
952 M
VB
. Cette majoration est calculØe en appliquant
chacun des devis
un taux de risque qui est fonction de l origine de l estimation : 50 % sur
une estimation interne, 30 % sur un avant-projet sommaire, 15 % sur un
avant-projet dØtaillØ, 7,5 % sur un appel d offres et 5 % si la rØalisation
est en cours.
Les provisions importantes concernent notamment les centrales de
PhØnix et Brennilis, et l usine UP1 de Marcoule, et se trouvent rØparties
entre les domaines dØmantLlement et assainissement. Lorsque le CEA est
l exploitant, ce qui est le cas de PhØnix, il inscrit la totalitØ de la
provision ; dans le cas contraire, il n inscrit que sa propre part.
Pour PhØnix, le dØmantLlement et le retraitement futur des
combustibles usØs de ce rØacteur
neutrons rapides sont ØvaluØs
685 M
VB
, dont 20 %, soit 137 M
VB
,
charge d EDF. Si on se reporte
aux comptes d EDF, qui prend en compte Øgalement le dØmantLlement de
PhØnix ainsi que le retraitement du combustible pour sa quote-part, on
constate une diffØrence sensible puisque la valeur brute de sa provision y
est de 204 M
VB
: si l Øvaluation d EDF est la bonne, l Øvaluation totale
du dØmantLlement de PhØnix devrait atteindre 1 020 M , au lieu des
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
167
685 M
figurant dans les comptes du CEA. En 2002, le commissaire aux
comptes avait relevØ l aspect succinct de l Øtude sur PhØnix. Depuis lors,
une Øtude a ØtØ faite en collaboration avec le Ciden. Pour ce
dØmantLlement, qui est susceptible d avoir lieu de 2009
2023, des
problLmes analogues
ceux de SuperphØnix risquent de se poser
notamment pour le traitement du sodium, entra nant une hausse sensible
des coûts.
Le dØmantLlement de Brennilis, dØj
ØvoquØ dans la deuxiLme
partie du rapport
43
, est assumØ
hauteur de 50 % par le CEA : la
provision inscrite
hauteur de 107 M
VB
est Øgalement infØrieure
celle
d EDF (138 M
VB
)
L usine de Marcoule appara t
la fois dans le secteur civil
(199 M
VB
) et dans le secteur dØfense (2 080 M
VB
), soit au total
2 279 M
VB
. Sur la base d une clØ de rØpartition de 46,5 %
pour le CEA
ce chiffrage appara t en conformitØ avec les hypothLses concernant la
charge future de Marcoule
44
.
Comme pour Areva, la question de l Øvaluation des coûts du
stockage profond se pose : le CEA indique se rØfØrer au devis d origine
de l Andra, c’est- -dire
celui de 1996. Par ailleurs, le CEA est confrontØ
la gestion d une multitude d installations trLs diverses, qui ont des
problLmes spØcifiques de dØmantLlement, l effet de sØrie Øtant inexistant.
Le CEA peine
faire face
cette gestion. Le commissaire aux comptes a
menØ des investigations sur ce point, qui l ont conduit depuis 2001
Ømettre une rØserve tenant au fait que « l Øvaluation des provisions de fin
de cycle ainsi que le niveau des reprises comptabilisØes sur l exercice
restent
conforter par des procØdures de contr le interne et par la mesure
du degrØ d avancement technique des programmes de dØmantLlement et
d assainissement ».
C
EDF
Les provisions d EDF, qui sont de loin les plus importantes et les
plus complexes, figuraient pour 26,8 Md
VA
dans les comptes consolidØs
2003, qui incluent les provisions concernant la filiale allemande EnBW.
Les travaux de la Cour n ont portØ que sur les provisions de la sociØtØ-
mLre, qui s Øtablissaient dans les comptes individuels
24,8 Md
VA
, soit
48 Md
VB
.
43
) Voir supra, p. 116 et s.
44
) Voir supra, p. 110.
168
C
OUR DES COMPTES
Le tableau ci-aprLs rØcapitule l’ensemble de ces provisions en
donnant leur montant actualisØ (
VA
) pour les exercices 2002 et 2003 et
leur montant brut (
VB
) pour l’exercice 2003. Les provisions dites de fin de
cycle du combustible concernent
la fois le retraitement des
combustibles irradiØs et l’Ølimination, le conditionnement, l’entreposage et
le stockage des divers dØchets produits au cours du cycle du combustible ;
les provisions pour dØconstruction concernent le dØmantLlement des
centrales, EDF ayant prØfØrØ le terme dØconstruction
celui de
dØmantLlement.
Provisions pour charges nuclØaires futures d EDF
Valeur actualisØe
V. brute
En M
2002
2003
2003
Provisions de fin de cycle
Provisions pour retraitement
8 397
8 729
14 730
dont déconstruction La Hague
1 475
1 570
4 107
vacuation et stockage des dØchets
3 511
3 701
7 267
Marcoule (hors dØchets HAVL & FAVL)
968
949
1 342
Autres dØpenses de retraitement
549
558
1 097
Dont retraitement combustibles Superphénix
483
500
1 021
Divers
66
58
76
Sous-total provisions fin de cycle
13 425
13 937
24 436
Provisions pour dØconstruction
Centrales arrOEtØes premiLre gØnØration
1 102
1 094
1 445
SuperphØnix
992
975
1 060
Centrales REP
8 933
7 019
17 214
Derniers coeurs REP
2 182
1 602
3 542
Divers
162
160
309
Sous-total provisions pour dØconstruction
13 371
10 850
23 570
Total gØnØral
26 796
24 787
48 006
Source : Cour des comptes d’après EDF
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
169
Les provisions de fin de cycle du combustible nuclØaire sont
Øtroitement liØes
l’activitØ de production d’ØlectricitØ. Elles sont elles-
mOEmes composØes d’une provision pour retraitement des combustibles et
d’une provision pour Øvacuation et stockage des dØchets.
Les provisions pour dØconstruction sont destinØes
prendre en
compte tout ce qui permettra,
la suite de la dØcision d’arrOEter
dØfinitivement une centrale, de dØclasser les installations nuclØaires de
base.
En rØalitØ, il n’y a pas de sØparation absolue entre les deux
catØgories de prestations couvertes : en effet, au titre des provisions de fin
de cycle, figurent les provisions nØcessaires au dØmantLlement des usines
de retraitement des combustibles, tandis que la dØconstruction conduit
gØrer d’importantes quantitØs de dØchets
Øvacuer. Ceci explique qu’au
cours des derniLres annØes, certaines provisions aient changØ de
classification : tel est le cas de la provision pour derniers coeurs, destinØes
couvrir les charges relatives
la perte future du combustible non
consommØ
l’arrOEt dØfinitif du rØacteur, classØe avec les provisions de fin
de cycle jusqu’en 2002, et qui est devenue une provision pour
dØconstruction en 2003. La classification change selon que l on
s intØresse
la nature de la prestation ou
sa finalitØ. La rØponse n est
pas la mOEme selon le moment ou selon les exploitants. C est le type de
question que rØsoudrait un plan comptable particulier.
1
Les provisions de fin de cycle
Le montant des provisions de fin de cycle, 13,9 Md
VA
ou
24,4 Md
VB
, est fondØ pour une grande part sur la stratØgie de
retraitement-recyclage, pr nØe par EDF et Areva et ØvoquØe dans la
premiLre partie du rapport
45
. Il suppose que tous les combustibles usØs
seront retraitØs. Les dotations sont proportionnelles aux quantitØs de
combustibles irradiØs. Les reprises sont effectuØes au fur et
mesure de
l accomplissement des prestations liØes au retraitement et aux dØchets.
45
) Voir supra, p.55 et s.
170
C
OUR DES COMPTES
a)
La provision pour retraitement des combustibles usés
Cette provision de 8,7 Md
VA
/14,7 Md
VB
couvre des prestations
de nature trLs diffØrente :
le transport de la centrale
La Hague, la rØception de
l’entreposage et le retraitement du combustible irradiØ
l’oxydation et l’entreposage de l’uranium de retraitement
non recyclØ
la reprise et le conditionnement des dØchets anciens
la participation
la mise
l’arrOEt dØfinitif et au
dØmantLlement des installations de retraitement de La
Hague.
L Øvaluation de ces prestations rØsulte donc directement des
contrats conclus entre EDF et la Cogema.
Le transport, l’entreposage et le retraitement
des combustibles
REP ont fait l objet d une premiLre sØrie de contrats dits « cost + fee »,
qui assuraient
la Cogema une marge confortable. Leur renouvellement
partir de l annØe 2000 par des contrats forfaitaires a ØtØ particuliLrement
difficile et conflictuel. Un contrat dØfinitif n a ØtØ signØ qu
l ØtØ 2004.
Ce poste, qui reprØsente 6,3 Md
VA
(7,9 Md
VB
) concerne au total 14 000
t de combustibles
retraiter jusqu en 2018. Dans les calculs, les
combustibles Mox usØs ne sont pas isolØs, alors qu on sait qu il n est pas
question de les retraiter dans un avenir proche.
La provision affØrente
l’uranium de retraitement non recyclé
illustre la discussion sur le cycle dit fermØ du combustible : ØvaluØe
0,4 Md
VA
, soit 2,1 Md
VB
, cette provision correspond
des prestations
permettant d entreposer l uranium aprLs retraitement, dont on ne prØvoit
pas l utilisation immØdiate au moins pour la plus grande part.
L importance de l Øcart entre valeur actualisØe et valeur brute (1,7 Md )
s explique par le fait que le calcul comporte des dØpenses de surveillance
sur une durØe de
250 ans
. Ceci dØmontre le caractLre prØcis et scrupuleux
des calculs d EDF, mais aussi que ce qui constitue 96 % du combustible
usØ semble avoir peu vocation
OEtre utilisØ dans un avenir proche.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
171
La participation financiLre d EDF au dØmantLlement de La
Hague
46
est un sujet qui a fait couler beaucoup d encre, car cette question
n avait jamais ØtØ prØvue dans les premiers contrats de retraitement, alors
que pour les clients Øtrangers, le coût du dØmantLlement Øtait compris
dans la marge de la Cogema. Dans ses comptes 2003, EDF a anticipØ
l accord intervenu
l ØtØ 2004 et a acceptØ une augmentation
consØquente du montant brut de sa participation
hauteur de 1 370 M
en
valeur brute. Mais, comme le terme du dØmantLlement de l ancienne
usine aujourd hui arrOEtØe a ØtØ repoussØ de 2025
2033 et que la durØe de
vie des usines en activitØ a ØtØ allongØe de 20 ans, l augmentation en
valeur actualisØe n est plus que de 95 M . Cet exemple montre que des
changements importants peuvent n avoir qu une rØpercussion nØgligeable
sur les comptes de l annØe du fait de l actualisation : en l espLce,
1 370 M
VB
= 95 M
VA
.
b)
La provision pour évacuation et stockage des déchets radioactifs
L Øcart entre la valeur actualisØe (3,7 Md ) et la valeur brute
(7,3 Md ) de la provision pour Øvacuation et stockage des dØchets
radioactifs souligne l Øloignement dans le temps des prestations. Cette
provision est scindØe en trois : la
provision pour stockage profond des
déchets HAVL
, la
provision pour stockage en subsurface des déchets
FAVL
et la
provision pour couverture et surveillance des centres de
stockage de l'Aube et de la Manche
. La provision repose sur une
distinction entre des dØpenses fixes, indØpendantes du volume de dØchets
produits, et des dØpenses variables, proportionnelles au volume de
dØchets produits. Les premiLres sont des dØpenses de construction des
laboratoires ou des centres de stockage, ainsi que des dØpenses de
surveillance finale des centres : les dotations sont constituØes en totalitØ
dLs que ces dØpenses sont connues. Les secondes sont constituØes
intØgralement pour les combustibles dØj
irradiØs et, au fur et
mesure de
l’irradiation pour la dotation de l’annØe, les irradiations Øtant elles-mOEmes
estimØes mensuellement
partir des productions Ølectriques effectives
des centrales.
La
provision pour stockage profond,
qui
est de loin la plus
importante (3,4 Md
VA
/6,2 Md
VB
), concerne les Øtudes, la construction
du centre de stockage profond des dØchets HAVL.
46
) Les installations de la Cogema
La Hague comportent trois usines de
retraitement : UP2 400 aujourd hui arrOEtØe, qui retraitait des combustibles UNGG ;
UP2 800 thØoriquement rØservØe aux besoins d EDF ; UP3 pour les clients Øtrangers.
172
C
OUR DES COMPTES
Cette provision pose directement ou indirectement de multiples
questions.
L’Øvaluation de la provision pour stockage profond repose sur un
chiffrage du coût du stockage gØologique rØalisØ par l’Andra, en 1996, sur
la base d’un scØnario avec poursuite du retraitement. Peu satisfait des
rØcentes Øvaluations de l Andra
47
, EDF s’est jointe au CEA pour
demander
l’Andra de revoir l’Øtude de faisabilitØ produite en 2003, afin
de disposer pour 2005 d’un projet industriel chiffrØ de stockage
gØologique des dØchets
moyenne et haute activitØ et
vie longue.
Constatant que les chiffrages Øtablis en 2003 seraient, selon lui,
supØrieurs aux Øvaluations internationales disponibles, et qu’ils reposent
sur des hypothLses
dØbattre, telles que le stockage des combustibles
usØs, EDF dØclare s’en tenir aux bases actualisØes du chiffrage de 1996.
Pour 2003, la position d’EDF peut OEtre admise, parce que l’Øtude de
l’Andra repose sur des hypothLses et des modes de calcul qui mØritent
d’OEtre discutØs et validØs et qu elle Øtait trop rØcente pour pouvoir OEtre
intØgrØe dans les comptes de 2003.
Comme le montre le tableau de la page 142, c est le coût de
stockage des dØchets vitrifiØs, qui est susceptible de conna tre une
augmentation de devis dans un rapport de 2
4. Quoi qu’il en soit, il est
indispensable d’aboutir dans les meilleurs dØlais, car il n’est pas
envisageable de se satisfaire d’une situation oø chaque exploitant
calculerait ses provisions selon la mØthode qui lui convient, alors qu’il
importe de prendre en compte le coût le plus vraisemblable.
Cette provision pose Øgalement la question de la date probable
d’enfouissement des dØchets vitrifiØs. Selon des donnØes recueillies
auprLs des exploitants et de l Andra, le dØlai de refroidissement
raisonnable des dØchets vitrifiØs avant stockage, comme celui des
combustibles usØs s ils devaient OEtre enfouis, serait de l’ordre de 60
70
ans, les dØlais les plus ØlevØs Øtant affØrents au Mox ; un enfouissement
plus prØcoce est Øvidemment possible, mais implique un coût plus ØlevØ.
Toujours est-il qu’actuellement, EDF ne prend pas en compte ces dØlais
Øventuels, qui supposeraient un entreposage intermØdiaire de plus longue
durØe, afin de « disposer d’une Øvaluation prudente de la provision au
regard du mØcanisme d’actualisation ». On constate ici les effets
inattendus de l’actualisation, EDF prØfØrant ne pas prendre en compte les
nØcessitØs d’un entreposage intermØdiaire, du fait de la rØduction
nominale trLs forte attendue d’un Øtalement sur 60-70 ans, venant en sus
47
) Voir supra, p.140 et s.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
173
des dØlais de retraitement
48
. Un tel souci, louable au demeurant, n’aurait
pas lieu d’OEtre si l’information financiLre faisait figurer les provisions
brutes au regard des provisions nettes. On ajoutera que l’exceptionnelle
durØe de ces opØrations est une question qui mØrite d’OEtre rendue publique
dans le souci d’une information transparente.
Une provision pour stockage en subsurface des déchets FAVL
a ØtØ
constituØe
partir de 2002 en vue de la construction d’un centre de
stockage destinØ
recevoir des dØchets FAVL, constituØs pour l’essentiel
par le graphite issu des centrales UNGG et les bitumes de Marcoule. Elle
a ØtØ constituØe, en 2002,
partir du transfert de provisions existantes.
Cette provision repose sur l’hypothLse d’un stockage intermØdiaire entre
le stockage en surface de l’Aube et le stockage profond : ce stockage, qui
est
crØer, devrait OEtre moins coûteux que le stockage profond. Les
hypothLses de base reposent sur une construction d’un centre de 2003
2009, une exploitation de 2010
2042, une couverture du stockage
effectuØe de 2043
2047 et une surveillance de 2048
2077. Les coûts
sont estimØs
partir « d’ØlØments Andra dØj
utilisØs dans les autres types
de stockage » et s Øtablissent
0,2 Md
VA
, soit 0,4 Md
VB
. Les modalitØs
de calcul d’une telle provision paraissent bien hasardeuses, puisque tout
repose sur une hypothLse de crØation d’un centre de stockage qui n’a,
ce
jour, jamais ØtØ discutØe avec l’Andra
49
.
2
Les provisions pour dØconstruction des centrales
Provisions pour dØconstruction d EDF
Valeur actualisØe
V. brute
En M
2002
2003
2003
Centrales arrOEtØes
2 196
2 176
2 709
Centrales REP (58 rØacteurs)
8 933
7 019
17 214
Derniers coeurs REP
2 182
1 602
3 542
Divers (dont gØnØrateurs de vapeur)
60
53
105
Sous-total provisions pour dØconstruction
13 371
10 850
23 570
Source : Cour des comptes d’après EDF
48
) Actuellement, un combustible irradiØ en 2002 sera retraitØ en 2018-2019, les
dØchets vitrifiØs correspondants n Øtant peut-OEtre enfouis qu
partir de 2080.
49
) Voir supra, p.148
174
C
OUR DES COMPTES
L expØrience des premiers dØmantLlements d EDF a montrØ
comment les provisions constituØes au titre des centrales arrOEtØes avaient
dû OEtre rØØvaluØes
partir du coût des travaux dØj
rØalisØs, d Øtudes, de
devis et de comparaisons. Une inquiØtude pouvait donc raisonnablement
na tre sur la validitØ de l Øvaluation des dØmantLlements des centrales
REP. L importante baisse des provisions actualisØes de 2002
2003
rØsulte de la dØcision d allongement de la durØe de vie comptable des
centrales.
a)
Qualité de l’évaluation du démantèlement futur des centrales en
fonctionnement
Pour les centrales REP, EDF continue
s appuyer sur les travaux
de la commission dite PEON (Production d’ElectricitØ d’Origine
NuclØaire) qui avait abouti
des coûts de dØmantLlement fixØs
15 % de
l investissement initial, ramenØs ensuite
la puissance continue nette : en
pratique, la provision est calculØe sur la base d un coût par kWh de
puissance installØe
50
. Les hypothLses reposaient alors sur un dØlai de
50 ans avant d aborder le niveau 3 de dØmantLlement.
L’enquOEte menØe sur le dØmantLlement des centrales arrOEtØes a
montrØ les raisons pour lesquelles il convient de ne pas transposer
l’Øvaluation du dØmantLlement des premiLres centrales les dØboires
relatifs
l’Øvaluation des centrales de premiLre gØnØration.
La grande diffØrence tient Øvidemment
l’effet de sØrie, mais
surtout au fait que les Øtudes initiales avaient ØtØ con ues pour le futur
parc REP dont les centrales ne sont en rien comparables avec les centrales
de premiLre gØnØration, sur le plan, notamment, du nombre d’installations
dØmanteler
puissance installØe similaire.
En rØalitØ, le chiffre de 15 % lancØ, dLs l origine, comme une
rØfØrence ne rØsultait pas lui-mOEme d Øtudes trLs approfondies. C est la
raison pour laquelle, EDF a fait mener, de 1996
1998, une Øtude sur le
site de la centrale de 900 MWe de Dampierre. Cette Øtude, trLs
sØrieusement menØe a eu pour but de vØrifier que le niveau de provisions
jusque l
retenu Øtait suffisant,
travers trois types de scØnario reposant
sur un dØmantLlement au niveau 3 aprLs 50 ans, aprLs une pØriode de 25
ans, ou immØdiat aprLs le niveau 2. Il s’agissait
la fois de dØterminer
l enveloppe globale et les variations de coût induites par la durØe de la
surveillance ou les consØquences d’une diminution de la radioactivitØ
selon les scØnarios. Les Øvaluations obtenues tendent
montrer que les
50
) De l ordre de 276,7
par kW installØ, soit respectivement 249, 360 et 387 M
pour des rØacteurs de 900, 1300 et 1400 MW.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
175
provisions Øtaient globalement suffisantes, et que les diffØrences n Øtaient
pas trLs significatives
,
le scØnario
25 ans paraissant financiLrement le
plus optimisØ.
b)
La durée d’exécution d’un démantèlement
Les Øtudes trLs complLtes rØalisØes
Dampierre montrent que les
montants retenus pour le calcul de la provision sont « robustes » et que la
vØritable question sera celle du scØnario retenu pour la durØe d exØcution.
La durØe d’exØcution d’un dØmantLlement a, en effet, des
consØquences multiples en termes de sûretØ nuclØaire, de crØdibilitØ de la
filiLre et de stratØgie financiLre.
Pour la sûretØ nuclØaire et la crØdibilitØ de la filiLre, on ne peut que
trouver intØrOEt
un dØmantLlement aussi rapide que possible, mais EDF
n a encore pris aucun engagement
cet Øgard envers l ASN. Sur le plan
financier,
toute
dØcision
visant
accØlØrer
ou
repousser
un
dØmantLlement a un impact direct sur les comptes et cela sur deux plans :
celui du calcul des provisions du fait de l actualisation ; celui du
financement effectif des travaux.
Avec l actualisation, on ne peut plus dire que le coût du
dØmantLlement est entiLrement imputØ sur le prix du kWh produit,
puisque les charges de dØsactualisation vont OEtre imputØes sur le rØsultat
financier jusqu
la date de rØalisation effective des travaux. A titre
d exemple, pour une centrale en fin de vie en 2030 et dont le
dØmantLlement au
niveau 3 aura lieu en 2055, la charge de
dØsactualisation sera ØtalØe de 2004
2055.
Actuellement le planning technique prØvoit une phase d atteinte du
niveau 2 dix ans aprLs l’arrOEt, une phase d’attente de 15 ans et une phase
de dØmantLlement au niveau 3, dØmarrant donc 25 ans aprLs l’arrOEt et
atteinte en 10 ans, ce qui conduit
trois barycentres des dØpenses : le
premier
5 ans pour 43 % des dØpenses (niveau 2), le second
17,5 ans
pour 2 % des dØpenses (pØriode de surveillance) et le troisiLme
30 ans
pour 55 % des dØpenses (niveau 3). ParallLlement, le calcul de la
provision adopte une approche plus prudentielle d’un dØmantLlement final
diffØrØ
18 ans et d’un barycentre unique
9 ans. Ces donnØes ne sont
pas prØcisØes dans les comptes, qui se bornent
indiquer : «
L’estimation
de l’échéancier des décaissements prévisionnels s’appuie sur le plan de
déconstruction élaboré par les experts de l’entreprise prenant en compte
l’ensemble des dispositions réglementaires et environnementales connues
à ce jour
».
176
C
OUR DES COMPTES
c)
L’allongement de la durée de vie comptable des centrales
EDF a toujours espØrØ que ses centrales auraient une durØe de vie
supØrieure
30 ans, assurant ainsi une meilleure rentabilitØ de son parc.
En 2003, l allongement de 30
40 ans de la durØe de vie comptable des
centrales a entra nØ une diminution de 2,8 Md
des provisions actualisØes
pour dØconstruction (centrales + derniers c urs) du fait du dØcalage de
10 ans dans le calendrier des dØcaissements.
EDF justifie ce changement par le retour d expØrience et les
renouvellements de licence octroyØs aux Etats-Unis
des centrales de
mOEme technologie.
Cette opØration illustre les effets de l actualisation sur les
provisions affichØes dans les comptes : tout report dans un programme de
dØmantLlement ou de gestion des dØchets entra ne une diminution
immØdiate des provisions.
d)
La provision pour derniers coeurs
ConstituØe pour la premiLre fois en 1995, cette provision est
destinØe
couvrir la part non consommØe du coût des assemblages de
combustibles
l’arrOEt des centrales dans la mesure oø,
la fin de chaque
campagne, une partie du combustible chargØ n’est pas utilisØe entiLrement
et qu’
la derniLre campagne le combustible non encore irradiØ serait
dØfinitivement perdu.
Cette provision est la marque d une trLs grande prudence,
puisqu on constitue
l avance une provision pour des combustibles qui
n existeront que d ici 13
38 ans, en se pla ant en 2004 pour une durØe
de vie thØorique de 40 ans. Il est permis de penser qu avant l ØchØance
une solution aura ØtØ trouvØe pour rØutiliser ces combustibles.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
177
٭٭٭
Les provisions d EDF sont les plus complexes, car elles prennent
en compte tout le cycle de la production nuclØaire. Elles conduisent
quatre rØflexions principales.
1.
Les provisions sont aujourd hui le fruit de calculs trLs scrupuleux et
dØtaillØs : si des sous-Øvaluations critiquables ont ØtØ faites au cours
de la dØcennie prØcØdente, ce n est plus le cas aujourd hui et les
incertitudes, au demeurant clairement affichØes, portent sur les
provisions de fin de cycle.
2.
Les provisions de fin de cycle portent la marque de plusieurs
interrogations relatives
la stratØgie de retraitement-recyclage, aux
coûts du stockage profond et
la recherche de solutions pour certains
dØchets spØcifiques (graphite, bitumes de Marcoule).
3.
L actualisation bouleverse plus encore que pour les autres exploitants
la prØsentation des provisions : l Øtalement des opØrations y Øtant
plus important du fait de la durØe de vie des centrales, la diffØrence
entre valeurs actualisØes et valeurs brutes est d autant plus grande. De
plus, l affectation des charges de dØmantLlement et de fin de cycle au
rØsultat de l annØe qui Øtait rØalisØe auparavant de fa on linØaire, se
trouve ØtalØe jusqu
la date de rØalisation effective des travaux par le
biais des charges de dØsactualisation imputØes au rØsultat financier.
4.
L information du public est limitØe : seuls trois montants sont donnØs
dans les comptes, celui des provisions pour dØconstruction et derniers
coeurs et celui des provisions pour fin de cycle. Seul l exercice 2002
a fait exception au niveau des comptes individuels.
178
C
OUR DES COMPTES
Production ØlectronuclØaire et charges nuclØaires futures
Au niveau d EDF, l importance de la charge future mØrite d OEtre
relativisØe.
Tout d abord, les charges nuclØaires futures d EDF doivent OEtre
apprØciØes au regard des autres chiffres-clØs de l entreprise. En valeur
brute, elles correspondent
plus d une fois et demi le chiffre d affaires de
la maison mLre (29 Md
en 2003), et, en valeur actualisØe elles sont
lØgLrement infØrieures.
S agissant du dØmantLlement des installations en activitØ, les
provisions de dØconstruction (centrales, derniers c urs et part d EDF pour
La Hague) rØparties sur 40 ans reprØsentent 622 M
par an. Pour les
provisions de fin de cycle, liØes au retraitement effectif des combustibles,
un tel calcul n est pas directement possible. NØanmoins, si on prend pour
rØfØrence l accroissement annuel de la valeur brute des provisions de 2002
2003, en se limitant au retraitement,
l entreposage,
l Øvacuation et au
stockage, sans retenir des ØlØments exceptionnels, on obtient environ
800 M .
Il en ressort une charge annuelle thØorique globale de l ordre de
1,4 Md
au titre des charges futures, soit 0,003
par kWh (3,3
par
MWh) produit,
rapprocher d un coût de production infØrieur
0,03
par
kWh (30
par MWh) soit 10 % de ce coût.
Ainsi, pour un mØnage, dont la consommation moyenne hors
chauffage Ølectrique s ØlLve
4 000 kWh par an, la part annuelle
correspondant aux charges nuclØaires futures est de 13
sur une facture
approximative de 470
; pour un mØnage consommant 15 000 kWh
(chauffage Ølectrique inclus), la part serait de 50
sur une facture
approximative de 1 500
.
Ce calcul trLs approximatif a pour seul but de rapprocher les
charges nuclØaires futures du coût du kWh en les rØpartissant sur 40 ans.
Dans la rØalitØ, avec l actualisation, les charges sont ØtalØes jusqu
la
rØalisation effective des travaux.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
179
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
Les provisions des trois principaux exploitants nucléaires
s’établissaient en 2003 à
71,4 Md€
V
B
:
En M€
Valeur
actualisée
Valeur
brute
Areva
nd
12 316
CEA
7 727
11 107
EDF
24 787
48 006
Total
nd
71 429
De ce total, il convient de déduire les doubles emplois résultant
notamment des modalités de prise en compte du démantèlement des
usines de Marcoule et de La Hague dans les comptes
51
des entreprises
(totalité des provisions pour Areva, quote part propre pour le CEA et
EDF) pour aboutir à un montant de l’ordre de 63 Md€
VB
.
Sur la qualité de l’évaluation
De l’examen d’ensemble des provisions, un premier constat
globalement positif doit être fait, car, sous les réserves exprimées
notamment pour le CEA, l’évaluation de base, correspondant à la valeur
brute indiquée, est documentée et cohérente. Pour les deux plus grosses
opérations, actuelles et à venir, que sont Marcoule et La Hague, un
consensus s’est établi sur le montant final, alors que les intérêts des
parties prenantes sont parfois antagonistes. Pour le démantèlement futur
des centrales nucléaires en activité, les évaluations ne sont pas, par
ailleurs, en contradiction avec les études menées au plan international
par l’Agence de l’énergie nucléaire de l’OCDE. Enfin, l’application du
règlement sur les passifs constitue un progrès décisif, car elle impose de
faire figurer au bilan l’intégralité des charges futures.
Au chapitre des incertitudes, figure le coût du stockage profond,
puisqu’il est évalué par les exploitants par référence à l’évaluation de
1996 de l’Andra (ou une référence de niveau équivalent), alors que
l’évaluation faite en 2003 par l’Agence est supérieure dans un rapport de
1,4 à 2,3 pour s’en tenir
aux hypothèses médianes des scénarios S1a et
S1b
52
: la différence porte sur les hypothèses relatives aux
déchets
vitrifiés et sur l’éventualité d’un stockage direct des combustibles usés.
51
) totalitØ des provisions pour AREVA, quote-part propre pour le CEA et EDF.
52
) Etant prØcisØ que, dans le cas du scØnario S1b de stockage direct du combustible
Mox usØ, les provisions pour retraitement de ce combustible auraient vocation
OEtre
reprises.
180
C
OUR DES COMPTES
Ces interrogations méritent d’être levées, car la différence d’évaluation
correspondante varie globalement de 5 à 18 Md€. C’est l’enjeu du
groupe de travail actuellement conduit par la DGEMP.
Des
divergences
ont
été
notées
entre
l’évaluation
du
démantèlement de Brennilis et de Phénix par EDF et le CEA ; il serait
utile d’opérer les ajustements nécessaires.
Sur les causes futures d’évolution
Dans l’hypothèse de la continuité de l’actuel programme
électronucléaire, la valeur brute des provisions en 2003, qui est partagée
environ pour moitié entre provisions pour démantèlement et provisions
pour fin de cycle, est susceptible d’évoluer pour diverses raisons :
- à la baisse, si de nouvelles techniques plus performantes sont
mises en oeuvre ;
- à la baisse, si des réacteurs de nouvelle génération devaient
succéder sur les mêmes sites aux actuels réacteurs, en raison de la
diminution induite des frais de surveillance ;
- à la hausse, si les obligations de sûreté nucléaire devenaient plus
exigeantes.
Hormis ces causes de baisse ou de hausse, les provisions pour
démantèlement ne devraient pas être modifiées en valeur brute, à la
différence des provisions de fin de cycle, qui varient en fonction du
volume de déchets lié à l’activité future de production.
Areva est peu concerné, puisqu’il n’exploite pas de réacteurs. Le
CEA en donne une évaluation dans ses engagements hors bilan, puisqu’il
indique en 2003 que le coût résiduel du stockage profond des déchets B et
C, à produire d’ici à 2070, sera de 335 M€
VA
. EDF est évidemment plus
intéressée, car ses provisions de fin de cycle augmenteront au fur et à
mesure de l’irradiation des combustibles et diminueront avec les reprises
de provision résultant du retraitement effectif des combustibles usés et de
la réalisation du stockage profond. A titre indicatif, en valeur brute, le
différentiel 2003-2002 pour le retraitement, l’évacuation et le stockage
était de l’ordre de 800 M€.
Sur l’actualisation et l’information financière
L’actualisation, au demeurant rendue obligatoire à compter de
2005 par les normes comptables internationales, s’impose pour retracer
des dépenses parfois très éloignées dans le temps. Pour l’industrie
nucléaire, il en résulte une absence de lisibilité directe des comptes, vu
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
181
l’importance des montants en jeu, et l’impossibilité de faire des
comparaisons. Toute augmentation d’une charge, si elle est éloignée dans
le temps, pèse peu et, à l’inverse, tout décalage dans une opération
entraîne un allègement immédiat de la provision : aussi, la tentation
pourrait-elle être grande d’utiliser ce levier pour améliorer la
présentation des comptes en repoussant les échéances. Pour le public,
seuls les montants bruts des provisions ont une signification concrète et
c’est une des raisons pour lesquelles la Cour préconise qu’en matière de
provision nucléaire, la valeur brute soit indiquée systématiquement, à
l’instar des présentations adoptées dans le présent chapitre : la
différence entre les deux valeurs permet d’apprécier l’étalement dans le
temps. Une telle information pourrait être donnée dans l’annexe des
comptes sous forme d’un tableau détaillant les principales provisions.
Cette dernière proposition suppose que l’information financière
soit améliorée et qu’un détail plus grand soit donné sur la structure des
charges nucléaire futures. Malgré des progrès récents, l’information
financière du CEA reste insuffisante. Quant à EDF, elle avait, en 2002,
fourni des évaluations pour chacune des principales provisions dans ses
comptes sociaux, alors diffusés en même temps que les comptes
consolidés ; en 2003, ses comptes consolidés et sociaux se limitent à
deux montants en valeur actualisés : les provisions pour déconstruction
(centrales et derniers coeurs) et les provisions pour fin de cycle.
Par ailleurs, l’éloignement dans le temps des charges à financer
plaide en faveur d’un taux d’actualisation prudent, fondé non pas sur le
taux de rentabilité de l’entreprise, qui n’aurait pas de signification sur le
long terme, mais sur le taux de rentabilité de placements sans risque.
C’est ainsi qu’ont procédé le CEA et EDF en adoptant respectivement un
taux net, hors inflation, de 2,5 % et 3 %. Une telle différence
53
n’apparaît
pas justifiée. C’est la raison pour laquelle, à la date de rédaction du
rapport, les trois exploitants envisageaient d’adopter un taux unique de
3 % au plus tard en 2005.
Enfin, on ne peut que regretter l’absence de normes généralement
acceptées en matière de présentation des comptes des entreprises de
l’industrie nucléaire, ce qui
a pour conséquence une grande
hétérogénéité des comptes produits.
53
) Une diffØrence de 0,5 % induit en valeur actualisØe une diffØrence de 139 M
pour 1 Md
ØchØance de 30 ans.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
183
Chapitre II
Le financement des charges futures
184
C
OUR DES COMPTES
L’existence de provisions, mOEme
un niveau suffisant, n’assure pas
en elle-mOEme la disponibilitØ des fonds correspondants au moment voulu.
cet Øgard, une difficultØ spØcifique tient notamment au fait que les
opØrations de dØmantLlement et de gestion des dØchets sont ØtalØes sur
des durØes exceptionnellement longues, susceptibles de dØpasser la
pØrennitØ prØvisible des entreprises concernØes.
La situation des trois principaux exploitants mØrite donc d’OEtre
examinØe, puis d’OEtre comparØe avec les solutions retenues dans les autres
pays.
I - La situation en France
A
Le financement des charges futures des sociØtØs du
groupe Areva
Sur un total de charges futures ØvaluØes en 2003
12,3 Md ,
4,3 Md
doivent OEtre financØs par Areva. Sur ce dernier chiffre, 4 Md
sont
charge du groupe Cogema et 0,3 milliards d’euros
celle du groupe
Framatome ANP. Compte tenu de la faible importance du devis global
des diverses installations
dØmanteler de Framatome ANP, et dont moins
du quart se situe en France, Framatome conserve, actuellement, en
trØsorerie les disponibilitØs destinØes
faire face aux charges de
dØmantLlement. Le problLme du financement
long terme concerne
essentiellement le groupe Cogema, principalement la sociØtØ-mLre (3,5
Md ) et sa filiale Eurodif (0,4 Md ).
1
Historique de la constitution d’un portefeuille d’actifs dØdiØs
La Cogema est historiquement la premiLre entreprise
avoir
constituØ un portefeuille d’actifs dØdiØs destinØs
financer le moment
venu les charges futures liØes aux installations nuclØaires. Elle constitua
ce portefeuille sous forme de "Titres immobilisØs de l’activitØ le
portefeuille" (TIAP), c’est- -dire des titres, dont l’entreprise compte
retirer,
plus ou moins longue ØchØance, une rentabilitØ satisfaisante,
sans exercer d’intervention dans la gestion des sociØtØs concernØes. En
pratique, les TIAP apparaissent dans les comptes de Cogema
hauteur de
304 M
en 1995 ; ce n’est que dans les comptes 1997 qu’est fait mention
du but assignØ
ces titres,
savoir la couverture des charges futures en
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
185
matiLre de dØmantLlement et de gestion des dØchets. Le montant
la
cl ture de l’exercice s’Ølevait alors
2058 M
investis majoritairement
dans des titres Total, Sagem, Suez Lyonnaise des Eaux et Usinor.
Ayant ØvaluØ sa charge totale future
3,5 Md
en 1995, la Cogema
a constituØ,
partir de 1995, un portefeuille basØ prØfØrentiellement sur
des actions de sociØtØs fran aises cotØes disposant d’un marchØ boursier
assez large, et, de prØfØrence des sociØtØs non dØpendantes les unes des
autres. PrØvu pour faire face aux charges futures de dØmantLlement et de
gestion des dØchets, le portefeuille avait Øgalement pour objet la
couverture des charges nØes de l’exØcution des contrats forfaitaires,
concernant l’aval du cycle et conclus avec des clients Øtrangers, pour
lesquels Cogema avait re u des acomptes : la moitiØ de ceux-ci, soit
381 M , avait donc ØtØ investie en actions.
la fin de l’annØe 2000, la
valeur comptable totale des titres, c’est- -dire leur valeur historique,
s’Ølevait
2 929 M
pour une valeur boursiLre de 5 225 M . L’importance
des
plus-values
latentes
souligne
l’exceptionnelle
rentabilitØ
des
placements rØalisØs sur cette pØriode : sur le seul titre Total, qui
reprØsentait le quart de la valeur historique des titres, la plus-value latente
Øtait de 1,5 Md , ce titre reprØsentant plus de 40 % de la valeur boursiLre
du portefeuille dØdiØ au 31 dØcembre 2000, soit 2 131 M .
Les quatre catØgories de titres dØtenues par les entreprises
l’actif du bilan, au rang des immobilisations financiLres, figurent
trois catØgories : les
titres de participation
, les
titres immobilisØs
d’activitØ portefeuille (TIAP)
et les
autres titres immobilisØs
; au rang
le plus liquide de l’actif circulant, les
valeurs mobiliLres de placement
(VMP)
sont regroupØes avec les disponibilitØs.
Les
titres de participation
sont des titres dont la possession
durable est estimØe utile
l’activitØ de l’entreprise, notamment parce
qu’elle permet d’exercer une influence sur la sociØtØ Ømettrice des titres
d’en assurer le contr le ; le Code de commerce fixe
10 % la fraction du
capital
partir de laquelle il y a participation. Les
TIAP
sont des titres
destinØs par une entreprise
l’activitØ de portefeuille, c’est- -dire une
activitØ qui consiste
investir tout ou partie de ses actifs dans un
portefeuille de titres pour en retirer,
plus ou moins longue ØchØance, une
rentabilitØ satisfaisante et qui s’exerce sans intervention dans la gestion des
entreprises dont les titres sont dØtenus. Les
autres titres immobilisØs
sont
des titres que l’entreprise
l’intention de conserver durablement et qui sont
reprØsentatifs de part de capital ou de placement
long terme : ils diffLrent
des deux premiLres catØgories du fait que leur dØtention n’est pas jugØe
utile
l’activitØ de l’entreprise. Les
VMP
sont des titres acquis en vue de
rØaliser un gain
brLve ØchØance et qui reprØsentent moins de 10 % du
capital des sociØtØs dont les titres sont concernØs.
186
C
OUR DES COMPTES
MOEme si l’Øvolution de la valeur boursiLre avait permis de
largement dØpasser les objectifs fixØs, la Cour s Øtait interrogØe sur les
choix effectuØs en demandant s’il ne serait pas judicieux de rØexaminer
l’arbitrage risque-rentabilitØ.
l’issue de son contr le de la Cogema en
2000, la Cour s’inquiØtait Øgalement de la remontØe annoncØe d’une partie
du portefeuille dans les comptes de la sociØtØ-mLre,
la suite de la
restructuration de son capital, matØrialisØe pour le public par le
changement de son appellation, CEA-Industrie devenant Areva.
Peu aprLs,
l’occasion de son dernier contr le d’Areva, la Cour
avait notØ qu’une Øtude de dimensionnement avait fixØ, en 2001,
une
somme comprise entre 2,3 et 2,5 Md
le montant nØcessaire pour couvrir
le devis des opØrations de dØmantLlement et d’assainissement, en se
fondant sur une hypothLse de rentabilitØ prudente d’un rendement
plancher aprLs imp ts de l’ordre de 2 %. C’est sur cette base, et pour faire
face aux besoins financiers engendrØs par la rØorganisation de CEA-
Industrie, qu’il avait ØtØ dØcidØ de faire remonter une partie du
portefeuille dØdiØ des comptes de Cogema vers ceux de sa holding Areva,
afin de pouvoir dØgager une importante plus-value financiLre
l’occasion
de la rØorganisation du groupe. La Cour avait estimØ qu’une telle
opØration portait atteinte
la crØdibilitØ du cantonnement des actifs dits
dØdiØs.
De fait, c’est l’intØgralitØ des actions de TotalFinaElf qui a ØtØ
apportØe
Areva en 2001 : en remontant dans les comptes d’Areva, les
12,4 millions de titres TotalFinaElf ont pris le statut de TIAP liquides
pour une valeur historique de 595 M
et une valeur boursiLre de 1994 M
(valeur
fin 2001) ; en 2002, 7 millions de titres ont ØtØ vendus,
dØgageant une plus-value de cession de 691 M , l’autre moitiØ Øtant
dØclassØe en valeurs mobiliLres de placement : cette plus-value a permis
au groupe Areva d’afficher, en 2002, un rØsultat positif (240 M ) au lieu
d’une perte, qui aurait fait mauvais effet aprLs la perte de l’exercice 2001
(-587 M ).
Compte tenu de cet apport ainsi que de diverses cessions et
acquisitions marginales, mais aussi de la crise boursiLre, la valeur
historique du portefeuille spØcifique de placements
long terme de
Cogema, qui Øtait,
la fin de l’annØe 2000, de 2,7 Md
en valeur
historique, et de 5,3 Md
en valeur boursiLre, n’Øtait plus
la fin de 2003
que de 2,2 Md
en valeur historique et 2 Md
en valeur de marchØ.
L’annØe 2000 est la premiLre annØe oø des titres dØdiØs au dØmantLlement
des installations d’Eurodif ont ØtØ intØgrØs pour une valeur boursiLre de
161 M
; c’est aussi l’annØe oø la valeur boursiLre moyenne a ØtØ la plus
ØlevØe en fin d’exercice.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
187
2
Situation actuelle
Au 31 dØcembre 2003, le portefeuille dØdiØ
l’assainissement, au
dØmantLlement des installations et au stockage dØfinitif des dØchets
ultimes s’Ølevait
2 215 M
en valeur historique, soit 2 056 M
en valeur
comptable nette, compte tenu d’une provision de 159 M , elle-mOEme
dØterminØe
la suite d’une approche multicritLres. La valeur de marchØ
du portefeuille ØvaluØ sur la base des cours de cl ture de l’annØe Øtait de
2 009 M .
En 2003,
des fins de meilleure lisibilitØ des comptes, le groupe a
dØcidØ de regrouper les actifs financiers dØdiØs dans une seule rubrique
comprise dans le poste « Autres immobilisations financiLres » au lieu et
place des TIAP. Au 31 dØcembre, la nouvelle rubrique inclut 576 M
de
trØsorerie se rØpartissant en 398 M
de fonds communs de placement de
taux et 178 M
de liquiditØs. Avant la cl ture, les opØrations affØrentes
Sagem ont conduit
ne plus considØrer les titres Sagem comme pouvant
faire partie du portefeuille dØdiØ : la valeur boursiLre des titres
correspondants
donc ØtØ remplacØe par 405 M
de fonds communs de
placement obligataires et d’une augmentation de 118 M
de liquiditØs. La
rØpartition des actifs selon la valeur boursiLre Øtait la suivante
la fin de
l’exercice 2003 :
RØpartition des actifs dØdiØs d’Areva
Actions cotØes
829 M
41%
FCP actions
775 M
39%
80%
FCP obligations
405 M
20%
20%
Total
2 009 M
100%
100%
LiquiditØs
178 M
CrØdits d’imp t
34 M
Total
2 221 M
Source : d’après Areva
Compte tenu de l’ØchØancier des dØpenses, le groupe a choisi
d’investir
majoritairement
en
actions
europØennes
soit
par
des
participations directes ou indirectes dans des sociØtØs fran aises cotØes,
soit par des fonds communs de placement
gestion externalisØe.
Le groupe indique qu’il « s’appuie sur un conseil externe pour
superviser la cohØrence d’ensemble et contr ler les performances de la
188
C
OUR DES COMPTES
gestion dØdiØe sur le long terme » et qu’il « ne juge pas nØcessaire de
donner la composition de ce portefeuille dans la mesure oø il a la
possibilitØ de faire les arbitrages qu’il juge nØcessaire
la bonne
performance de ces actifs ».
En pratique,
la fin de l’annØe 2003, les fonds dØdiØs au
dØmantLlement des installations de la Cogema Øtaient composØs de
5 lignes d’actions gØrØes directement et de 4 FCP d’actions europØennes,
tandis que les fonds dØdiØs au dØmantLlement des installations d’Eurodif
comprenaient 2 FCP, l’un d’actions europØennes, l’autre d’actions
fran aises.
la cl ture de 2003, l’ØchØancier prØvisionnel de dØpenses de
Cogema, qui allait de 2004
2042, Øtait relativement rØparti mais avec
une pØriode de pointe d’une dizaine d’annØes
partir de 2026, les
dØpenses annuelles avoisinant pour cette pØriode 200 M . Compte tenu de
cet ØchØancier, Areva estime que la couverture des dØpenses de
dØmantLlement serait assurØe avec un taux de rendement rØel (net
d’inflation et d’imp t sur les sociØtØs) de 3,2 %.
3
Conclusion
La Cogema est la premiLre entreprise du secteur nuclØaire
avoir
constituØ des actifs dits dØdiØs aux dØpenses d’assainissement et de
dØmantLlement de fa on particuliLrement significative. Cette situation
rØsulte
la fois de l’accumulation d’excØdents liØs
une capacitØ
d’autofinancement supØrieure
ses besoins de financement et aux
modalitØs
de
financement
de
l’exploitation
ainsi
qu’aux
marges
importantes pratiquØes sur les contrats de retraitement. Elle a ØtØ
renforcØe par la politique de dotation accØlØrØe aux amortissements et
provisions qui a ainsi permis
Cogema SA d’avoir des rØsultats nØgatifs
ou proches de zØro jusqu’en 1996, pour ne commencer
OEtre redevable
d’un imp t sur les bØnØfices qu’
partir de l’annØe 1997. Une telle
politique, d’ailleurs critiquØe par la Cour, dans la mesure oø elle ne
permet pas d’avoir une bonne lisibilitØ des rØsultats, a permis d’accro tre
la capacitØ d autofinancement.
La gestion des actifs ainsi dØdiØs a toujours ØtØ particuliLrement
suivie au niveau du conseil d’administration de la Cogema. Depuis la
rØorganisation intervenue au niveau de CEA-Industrie, devenu Areva,
cette gestion est Øgalement examinØe au niveau du « comitØ de suivi de la
couverture des charges d’assainissement et de dØmantLlement » crØØ
la
fin de l’annØe 2002 au sein du conseil de surveillance. Au dØbut de l’annØe
2004, le comitØ, prØsidØ par l’administrateur gØnØral du CEA, comprenait
Øgalement le directeur gØnØral de l’Ønergie et des matiLres premiLres, le
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
189
chef du service des participations
la direction du TrØsor, le directeur
financier du CEA et un reprØsentant des salariØs de la Cogema.
Dans une premiLre analyse, le groupe Cogema a constituØ des
actifs dØdiØs, dont le montant est de nature
faire face aux obligations
futures d’assainissement et de dØmantLlement, du moins sur la base des
estimations actuelles faites par le groupe lui-mOEme. Il est nØanmoins
possible que les passifs soient plus ØlevØs que prØvu : le chiffrage de
certains coûts de stockage sont infØrieurs d’un coefficient deux aux
estimations de l’Andra ; les obligations de sûretØ peuvent conduire
des
rØØvaluations en hausse ; enfin, les deux plus grosses opØrations de
dØmantLlement (les usines de retraitement de Marcoule et de La Hague)
prØsentent encore bien des incertitudes.
Par ailleurs,
la date de rØdaction du prØsent rapport, Framatome
ANP n’avait pas constituØ en son sein de portefeuille spØcifique.
Les questions que pose la gestion des actifs de couverture, sont
rØcurrentes. Il s’agit en premier lieu de l’importance encore donnØe aux
actions et
certaines lignes, mOEme aprLs la dØcision prise de sortir la
ligne Sagem du portefeuille spØcifique :
la fin de 2003, une seule ligne
reprØsentait 360 M
en valeur boursiLre pour un cours historique de
435 M . S’agissant des FCP en actions, les rØsultats de la gestion de
certains d’entre eux laissent
dØsirer : c’est le cas des fonds dØdiØs
Eurodif. En second lieu, se pose la question de la fragilitØ mOEme de la
notion d’actifs dØdiØs, lorsqu’ils restent internes
l’entreprise. Certes, la
composition du comitØ de suivi de la couverture des charges
d’assainissement et de dØmantLlement montre une volontØ de transparence
dans la gestion par la place donnØe
des autoritØs extØrieures au groupe,
mais ce comitØ est prØcisØment placØ au niveau de la sociØtØ mLre, dont
les soucis de gestion ne sont maintenant plus limitØs au nuclØaire. C’est
sans doute une des raisons pour lesquelles Areva a pris le soin d’indiquer,
dans ses comptes 2003, que le comitØ de suivi a estimØ « qu’il convenait
de dØfinir une nouvelle charte de gestion concernant les actifs de
couverture et de formaliser les rLgles de gouvernance les plus appropriØes
dans un souci de transparence et de sØcurisation, en lien avec les
perspectives d’ouverture du capital ».
La perspective du paiement d’une soulte libØratoire par EDF au
titre du dØmantLlement de La Hague renforce les nØcessitØs d’une bonne
gouvernance de la gestion des actifs dØdiØs et pose la question de leur
sØcurisation.
190
C
OUR DES COMPTES
B
Le financement des charges futures d EDF
Au sein du groupe EDF, pour les installations situØes en France,
c’est la sociØtØ mLre qui est seule concernØe par les charges de
dØmantLlement et de gestion des dØchets pour un total ØvaluØ
48 Md
VB
la fin de 2003. L’importance de ce montant est une premiLre diffØrence
importante avec Areva.
Une deuxiLme diffØrence de taille tient
la situation financiLre des
deux groupes, avec un endettement net de 24 Md
au 31 dØcembre 2003
pour EDF, comparØ
une trØsorerie nette de 1,2 Md
pour Areva.
1
Historique de la constitution d’un portefeuille d’actifs dØdiØs
Le contrat d’entreprise
tat-EDF pour la pØriode 1997-2000 a initiØ
le principe de la crØation d’un portefeuille d’actifs dØdiØs en vue d’assurer
la couverture des charges futures de dØmantLlement et de gestion des
dØchets. Constatant que la constitution d’actifs dØdiØs avait ØtØ rØalisØe
comme prØvu
hauteur de 1,2 Md , le contrat conclu entre l’ tat et le
groupe EDF pour la pØriode 2001-2003 avait prØvu que la politique de
constitution d’actifs dØdiØs serait poursuivie
hauteur de 0,3 Md
par an
jusqu’en 2003. Ce contrat prØcisait que « constituØs d’actions et
obligations, ces actifs devront couvrir,
horizon de leur occurrence, la
totalitØ des charges de long terme du parc nuclØaire d’EDF, liØes
la
dØconstruction des centrales et
l’aval du cycle du combustible ». Il
ajoutait qu’un bilan serait fait en fin de contrat et que serait parallLlement
rØalisØe
un rythme accØlØrØ la dØconstruction des rØacteurs de premiLre
gØnØration jusqu’au niveau 3 de l’AIEA.
la diffØrence de la Cogema, une distinction a ØtØ opØrØe entre le
dØmantLlement des installations arrOEtØes et le dØmantLlement futur des
installations en fonctionnement.
Dans le principe, cette diffØrence peut para tre singuliLre dans la
mesure oø le dØmantLlement des centrales arrOEtØes s’Øchelonnera jusqu’en
2026, alors que les autres opØrations recouvriront en partie la mOEme
pØriode. EDF justifie sa position en indiquant que la constitution d’un
fonds aurait peu de sens Øconomique, puisque la proximitØ des ØchØances
conduirait
une allocation essentiellement obligataire dans une pØriode
oø l’existence du parc actuel de production restera gØnØratrice d’un cash-
flow
abondant,
« meilleure
garantie
qu’EDF
fera
face
ses
engagements ». Par ailleurs, EDF avait prØcisØ que les actifs dØdiØs ne
devraient concerner que le stockage dØfinitif des dØchets nuclØaires et le
dØmantLlement du parc REP, ce qui suppose que la provision pour
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
191
retraitement reste en dehors du champ :
cet Øgard, on observe que cette
provision comporte pour l’instant une part dØvolue au dØmantLlement de
La Hague et que le retraitement reste un engagement
long terme si on le
considLre comme une solution alternative
la gestion des dØchets
54
.
En dØfinitive, la distinction entre des charges nuclØaires futures,
qui seraient financØes de la mOEme fa on que les autres charges courantes
et celles qui le seraient par le biais des actifs dØdiØs est un peu arbitraire.
Mais, une telle question est pour l’instant d’autant plus thØorique que le
montant des actifs dØdiØs n’est envisagØ que comme une participation « au
financement des opØrations de fin de cycle nuclØaire provisionnØ au
passif du bilan ». Vu leur dimensionnement, les actifs dØdiØs EDF ne sont
qu’une mesure d’appoint, et c’est surtout la raison pour laquelle EDF
prØfLre rØduire le champ des dØpenses concernØes : en retirant les
provisions pour retraitement ou pour dØconstruction des centrales
arrOEtØes, on rØduit d’au moins 20 Md
VB
, le montant
financer.
C’est un conseil d’administration de juin 1999 qui a donnØ son
accord
la constitution et l’organisation gØnØrale d’un portefeuille d’actifs
dØdiØs.
la fin de l’annØe 1999, un premier portefeuille avait ØtØ
constituØ
hauteur de 1,1 Md
par affectation des valeurs mobiliLres
diversifiØes dØj
dØtenues par EDF, en l’occurrence, en valeur boursiLre,
516 M
d’obligations et 616 M
fondØs sur seulement deux lignes
d’actions fran aises.
la fin de l’annØe 2000, le portefeuille ØtØ constituØ
en valeur boursiLre de 613 M
d’obligations, 201 M
d’actions
internationales et 434 M
pour seulement deux lignes d’actions
fran aises.
l’exception de ces deux derniLres lignes, les autres titres
devaient OEtre gØrØs conformØment aux rLgles et principes dØfinis dans un
guide d’investissement global et un guide de gouvernance des actifs
dØdiØs.
2
Situation actuelle
Sous la responsabilitØ globale du conseil d’administration et du
comitØ exØcutif, un comitØ stratØgique et un comitØ de gestion
opØrationnelle supervisent la gestion des actifs, assurØe par des gØrants
spØcialisØs par classe d’actifs. Le principe gØnØral est celui du
cantonnement : il doit y avoir cloisonnement parfait entre le portefeuille
des actifs dØdiØs et le portefeuille dØtenu
des fins de gestion de
trØsorerie.
54
) En cas d’arrOEt de la production ØlectronuclØaire, ou simplement d’abandon de la
stratØgie de retraitement recyclage, les combustibles usØs devraient soit OEtre retraitØs
en vue
d’un stockage ultime, soit OEtre stockØs en l’Øtat.
192
C
OUR DES COMPTES
Or, les comptes publiØs par EDF donnent fort peu d’indications sur
la composition du portefeuille d’actifs financiers. Ce portefeuille figure
la fois au sein des TIAP et des VMP. Les TIAP figuraient dans les
comptes 2002 pour une valeur historique de 1 135 M
et une valeur
estimative de 1074 M . En revanche, aucune mention n’indique la part
consacrØe aux actifs dits dØdiØs sur un total de VMP, qui Øtait de 2 511
M
en 2002 : l’annexe des comptes se borne
indiquer qu’une partie des
VMP « est destinØe
participer, de la mOEme maniLre que les TIAP, au
financement des opØrations de fin de cycle nuclØaire provisionnØes au
passif du bilan ».
Le contrat d’entreprise conclu pour la pØriode 2001-2003, qui avait
prØvu la poursuite de la constitution d’actifs dØdiØs
hauteur de 0,3 Md
par an, devait donner lieu
un bilan qui n’avait pas encore ØtØ remis
la
date de rØdaction du rapport.
Dans le contexte de crise boursiLre, on a constatØ une Øvolution
nØgative de 10 % du portefeuille de 2000
2002 au lieu des +14 % visØs.
C’est la raison pour laquelle le comitØ stratØgique a dØcidØ au milieu de
l’annØe 2002 de suspendre l’application des rLgles de gouvernance visant
respecter la paritØ actions/obligations, tout en continuant
investir au
rythme prØvu.
compter de 2003, les valeurs mobiliLres de placement
(VMP), destinØes
participer au financement des opØrations de fin de
cycle, figurent dØsormais dans le portefeuille de TIAP : 1 287 M
de
VMP ont ØtØ reclassØs au 31dØcembre 2003, le total des actifs dØdiØs
reprØsentant 2 289 M . Aucune indication en valeur n’est donnØe dans les
Øtats financiers publiØs
l’appui du rapport annuel 2003, mais elle figure
dans les comptes individuels qui ont ØtØ disjoints en 2003 du rapport
annuel, lequel ne diffuse plus que des comptes individuels rØsumØs.
Au total, 2,1 Md
auront ØtØ investis depuis 1999 pour une
rentabilitØ particuliLrement modeste.
3
Conclusion
En 2000,
la suite de son avant-dernier contr le d’EDF, la Cour
avait rappelØ les points forts de la stratØgie financiLre de l’entreprise : le
dØsendettement et la constitution des provisions de dØmantLlement
devaient conduire
dØfinir les critLres de rentabilitØ de la gestion des
actifs financiers constituØs en vue de couvrir les engagements
long
terme. Compte tenu des risques engendrØs par le dØveloppement
international d EDF, la Cour indiquait qu’il appartenait
l’ tat de dØfinir
ses prØfØrences en termes d’exposition aux risques, Øtant observØ que ces
risques pourraient de moins en moins OEtre rØpercutØs sur le consommateur
devenu libre de choisir son fournisseur, mais pLseraient sur l’actionnaire.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
193
Elle ajoutait dØj
que les premiLres acquisitions d’EDF renfor aient les
interrogations sur le risque.
La question alors posØe Øtait de savoir dans quelle mesure le
dØveloppement d EDF au del
de son activitØ traditionnelle en France,
facilitØ par la capacitØ d’autofinancement engendrØe par l’importance des
provisions, serait de nature
permettre un meilleur financement des
obligations liØes au dØmantLlement et
la gestion des dØchets : de 1993
1998, le montant des participations d’EDF Øtait passØ de 1
5,4 Md
;
la fin de 2003, les participations atteignaient 17,8 Md
en valeur brute
affectØe par 4,1 Md
de provisions pour dØprØciation. Dans le mOEme
temps, l’endettement net qui avait diminuØ continûment jusqu’en 1998
pour passer sous la barre des 20 Md
Øtait encore de 24 Md
la fin de
2003.
Dans le cadre de cette problØmatique, les actifs dØdiØs n’ont ØtØ
con us que comme une rØponse partielle
la question posØe.
la fin de
2003, 2,3 Md
sont
mettre en relation avec un total de provisions de
24,7 Md
VA
. Si, comme le fait EDF, on se limite
la dØconstruction des
centrales en fonctionnement et
la gestion des dØchets nuclØaires, le
montant
financer est, certes, ramenØs
13 Md
VA
, mais la diffØrence
reste trLs importante. En effet, si on adopte la position consistant
faire
relever la moitiØ du besoin de financement par le cash-flow et l’autre
moitiØ par la constitution d’actifs dØdiØs, il serait nØcessaire que
l’intØgralitØ de la valeur actualisØe des charges relevant de ce second
mode de financement soit dLs aujourd’hui couvertes par lesdits actifs.
Compte tenu des rØsultats passØs du groupe, les modalitØs de
financement des charges nuclØaires futures ne sont pas Øtablies avec
certitude, d’autant plus que la question du renouvellement du parc
- nuclØaire ou non - se posera au cours de la mOEme pØriode. Il manque
une stratØgie financiLre clairement affichØe montrant de quelle fa on
chacune des lourdes charges
venir sera financØe. En rØponse, EDF
indique qu elle envisage aujourd hui de procØder
une accØlØration de la
constitution d actifs dØdiØs
partir de 2007, c est- -dire aprLs le
financement de sa contribution au dØmantLlement des installations de
Marcoule.
194
C
OUR DES COMPTES
C
Le financement des charges futures du CEA
la diffØrence des autres exploitants dont les ressources
proviennent de la vente de leurs prestations, le CEA tient ses ressources
des subventions de l’ tat : en moyenne,
raison des deux tiers pour le
secteur civil
55
, et de la quasi-totalitØ pour le secteur dØfense, les recettes
externes provenant de divers contrats et conventions ainsi que des
dividendes versØs par sa filiale (CEA-Industrie/Areva). L’absence de
provisionnement ne faisait que reflØter la situation selon laquelle l’ tat
serait conduit
subventionner rØguliLrement tous les coûts liØs
l’assainissement et au dØmantLlement des installations nuclØaires.
L’absence de provisionnement Øtait donc liØe
l’assurance d’un
financement par le budget de l’ tat en temps utile et permettait d’Øviter
d’afficher un report
nouveau nØgatif
due concurrence des provisions
nØcessaires. Si l’ tat avait dû subventionner le CEA
hauteur de ses
besoins futurs de dØmantLlement, ce dernier aurait alors ØtØ dotØ d’une
trØsorerie largement excØdentaire, qui aurait elle-mOEme ØtØ financØe par
un endettement supplØmentaire de l’ tat.
1
Historique
Le premier plan d’assainissement des centres civils du CEA,
ØlaborØ en 1992, reposait en grande partie pour son financement sur la
convention d’assainissement signØe, en 1993 pour une durØe de huit ans,
avec EDF et la Cogema qui prØvoyait des contributions respectives de 52
% pour le CEA, 42 % pour EDF et 6 % pour la Cogema, pour un montant
global initial de 465 M . La non reconduction de cette convention en
2000 et la prØvision, alors estimØe, de poursuite d’opØrations pour environ
90 M
par an pendant plus de 30 ans allait conduire
rechercher d’autres
sources de financement, dans la mesure oø la subvention de l’ tat, dont
c’Øtait a priori le r le, ne pouvait y suffire.
Dans son rapport public pour 1998, la Cour avait constatØ
la fois
l’insuffisante connaissance des charges futures d’assainissement et de
dØmantLlement et les incertitudes relatives
leur financement. Elle notait
que ces charges avaient ØtØ financØes jusqu’alors par les subventions de
l’ tat, auxquelles s’Øtait ajoutØe une contribution d’EDF et de la Cogema
dans le cadre de la convention d’assainissement conclue entre les trois
55
) avant la mise en
uvre du fonds dØdiØ ØvoquØ plus loin ; aujourd hui, avec les
ressources en provenance du fonds, les ressources propres du secteur civil atteignent
45 %.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
195
exploitants. Cette convention arrivant
son terme en 2000, la Cour
soulignait qu’un financement spØcifique de l’ tat et qu’un nouvel accord
de rØpartition des charges devaient OEtre mis en place pour permettre au
CEA de poursuivre son programme d’assainissement.
dØfaut, le CEA
ne pourrait trouver de ressources internes que dans les rØserves de son
patrimoine et la cession d’actifs industriels : si la cession d’une partie des
participations dans la Cogema et Framatome devait avoir lieu, les
consØquences sur le poursuite des programmes menØs en commun, ainsi
que, plus gØnØralement sur le r le de l’ tat dans la filiLre nuclØaire,
Øtaient ØvoquØes. La Cour concluait en rappelant qu’il appartenait « en
toute hypothLse, aux pouvoirs publics de retenir une solution qui ne
retarde pas, comme cela a ØtØ le cas dans le passØ, les opØrations
d’assainissement des sites du CEA. »
Une annØe plus tard, dans son rapport public pour 1999, la Cour
constatait que le montant total des charges futures alors inscrites en
engagements hors bilan avait ØtØ portØ de 5,7 Md
HT
7,6 Md
HT de
1997
1998 : tout en apprØciant l’effort d’amØlioration de la connaissance
du montant des charges
venir, elle s’inquiØtait
nouveau des
incertitudes pesant sur le financement de ces charges, dans la mesure oø
les travaux d’assainissement prØsentent le risque de devenir plus une
variable d’ajustement de la dotation budgØtaire annuelle qu’une prioritØ.
La rØponse aux inquiØtudes de la Cour aurait pu se concrØtiser par
un engagement clair de l’ tat
la fois dans son contrat pluriannuel avec le
CEA, en ce qui concerne les activitØs civiles, et, dans la loi de
programmation militaire, en ce qui concerne les activitØs dØfense. Mais,
ce n’est pas la voie qui a ØtØ choisie
En 1998, un groupe rassemblant des membres du CEA et de
diverses directions des ministLres de tutelle fut constituØ pour rØflØchir
aux problLmes de financement de l’assainissement et du dØmantLlement.
cette occasion, les engagements du CEA furent
nouveau rØØvaluØs
pour un total de 5,2 Md
au titre du secteur civil et
3,9 Md
au titre du
secteur dØfense, soit un total de 9,1 Md
hors TVA en valeur 2000.
la suite des travaux menØs, la dØcision fut prise de crØer un fonds
dØdiØ
destinØ
financer
les
opØrations
de
dØmantLlement
et
d’assainissement des installations nuclØaires civiles : c’est tout d’abord le
contrat pluriannuel
tat-CEA pour 2001-2004, signØ le 25 janvier 2001,
qui a prØvu la constitution d’un tel fonds en 2001, indiquant qu’il serait
« alimentØ par des recettes en provenance de CEA-Industrie et par les
contributions des industriels et des partenaires du CEA au coût de
dØmantLlement. » Par la suite, le ministre de l’Øconomie et le secrØtaire
d’ tat
l’industrie ont indiquØ les conditions dans lesquelles le fonds
allait OEtre crØØ et recevoir une dotation initiale dans le cadre des
196
C
OUR DES COMPTES
opØrations de rØorganisation de CEA-Industrie, devenu Areva. En
dØcidant de limiter le fonds aux installations civiles, l arbitrage rendu ne
donnait pas satisfaction au ministLre de la dØfense, qui avait demandØ, dLs
l’origine, que le futur fonds finance Øgalement le dØmantLlement des
installations du secteur dØfense.
2
Le financement du dØmantLlement et de l’assainissement des
installations civiles
La constitution d’un fonds dØdiØ au financement des opØrations de
dØmantLlement et d’assainissement des installations civiles du CEA a ØtØ
rendue effective par une dØcision de juin 2001 du conseil d’administration
du CEA.
DotØ d’une comptabilitØ spØcifique au sein des comptes du CEA,
mais ne possØdant pas une personnalitØ juridique propre, le fonds a re u
une charte de gestion dØcrivant ses caractØristiques budgØtaires,
financiLres et comptables, ses modalitØs de gestion et son dispositif de
contr le. Comme il a dØj
ØtØ dit, dLs 2001, le comitØ de surveillance du
fonds, qui avait confiØ une expertise portant sur le pØrimLtre du fonds et
sur l’Øvaluation de son devis
une personnalitØ extØrieure, a pris en
compte une rØØvaluation substantielle du devis, qui est passØ de 4,9
5,9 Md .
La premiLre affectation de ressources au profit du fonds a ØtØ
constituØe, en 2001, d’une affectation de 15 % des titres Areva sur la
participation de 78,96 % dØtenue par le CEA dans Areva et d’un
abondement de 758,2 M
titre de constitution de trØsorerie de dØpart au
moyen de dividendes re us d’Areva. Cette affectation fut rendue possible
la suite de la dØcision de distribuer, dans le cadre de l’arrOEtØ des comptes
2000, l’intØgralitØ du rØsultat, du report
nouveau et des rØserves
distribuables de la filiale du CEA, ses ressources Øtant complØtØes dLs
septembre 2001 par 350 M
provenant d’une partie de la prime de fusion.
La valorisation initiale des actions d’Areva Øtant de l’ordre d’un
milliard d’euros
56
, l’affectation initiale de ressources s’est donc Øtablie
1,7 Md .
La crØation du fonds,
partir des dividendes et d’une partie du
capital de CEA-Industrie, fut prØsentØe comme l’une des justifications de
la rØorganisation de cette holding, dØsormais dØnommØ Areva, alors
56
) Sur la base d’un cours de Bourse de 220 , la valeur d’Areva affectØe au fonds
serait de 1 170 M .
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
197
qu’elle en Øtait indØpendante dans son principe, sauf en ce qui concerne
l’attribution d’une partie de la « prime de fusion ».
A la suite
l’abondement initial intervenu au cours de l’annØe
2001, le fonds devait bØnØficier d’une dotation annuelle en provenance
des dividendes d’Areva. DLs l’origine, la Cour s’Øtait inquiØtØe de la
possibilitØ pour le fonds de faire face
ses obligations : en effet, cela
supposait le maintien de dividendes
un niveau relativement ØlevØ, alors
que l’ouverture envisagØe du capital d’Areva doit conduire
terme
un
abaissement mØcanique du montant de ces dividendes. Se pose
parallLlement la question de la revente des 15 % du capital dØtenu au
moment opportun de fa on
compenser la baisse annoncØe des
dividendes, d’autant plus que l’hypothLse de valorisation retenue au
dØpart,
savoir 1,52 milliards d’euros, est loin d’OEtre atteinte aujourd’hui,
puisque, au cours boursier de 220
constatØs en juin 2003, la valorisation
attendue n’est que de 1,1 Md .
la fin de l’annØe 2003, le tableau ci-dessous rØsume la situation
financiLre :
Situation du fonds dØdiØ
du CEA
fin 2003
M€
2002
2003
Dividendes Areva reçus au cours de l'année
104
104
Dépenses imputées au fonds au cours de l'année
-114
136
Produits financiers de l'année
21
16
Engagement au 31/12 non actualisé
6064
6108
- engagement à charge de tiers
136
137
Engagement non actualisé à charge du fonds
5928
5971
Disponibilités au 31/12 (
avec créances et plus-values latentes)
783
829
Participation d'Areva (valeur comptable)
223
223
Participation d'Areva (cours à 220 €)
1170
1170
Engagement au 31/12 actualisé
4189
4272
- engagement à charge de tiers
90
92
Engagement actualisé à charge du fonds
4099
4180
Source : d’après CEA
198
C
OUR DES COMPTES
la suite de divers ajustements, les engagements du fonds
avoisinent 6 Md
en valeur 2003 et 4,2 Md
en valeur actualisØe
57
. Ces
montants sont
mettre en relation avec celui des disponibilitØs, celui de la
participation d’Areva
58
et celui des montants attendus de dividendes. Les
premiLres Øvaluations des travaux de dØmantLlement et d’assainissement
avaient montrØ que les dØpenses les plus importantes devaient OEtre
rØalisØes de 2005
2018 et qu’environ 3 Md
seraient nØcessaires pour
cette pØriode et 2 Md
pour la pØriode postØrieure. Compte tenu des
disponibilitØs
fin 2003 (829 M ), et, mOEme en faisant l’hypothLse
improbable, pour cette premiLre pØriode, d’un maintien des dividendes
un niveau identique (1,3 Md
sur 13 ans), le financement ne pourra OEtre
assurØ qu’en cØdant la participation dØtenue dans Areva, ce qui
provoquera nØcessairement une baisse des dividendes. Le plus haut cours
de Bourse avait dØpassØ 243
en mai 2001 avant l’exceptionnelle
distribution de dividendes correspondant
la crØation d’Areva ; en 2002
et 2003, le cours a oscillØ entre un plus bas
116
et un plus haut
208
; en 2004, il a,
nouveau, atteint, puis dØpassØ le cours de 2001
59
.
S’agissant des performances enregistrØes jusqu’
prØsent par le
fonds, il est encore trop t t pour se prononcer, d’autant plus que la gestion
ne porte que sur les disponibilitØs (hors participation dans Areva). Il a
donc fallu prØvoir une allocation d’actifs permettant
tout moment de
dØgager les ressources financiLres suffisantes pour mener les opØrations
de dØmantLlement et d’assainissement. L’annØe 2002 a connu une baisse
de 0,5 % de la valeur liquidative par rapport
la valeur historique de
versement, tandis que l’annØe 2003 a connu une hausse de 9,2 %
Incertitudes sur les dividendes, incertitudes sur la valorisation
d’Areva, incertitudes sur les Øvaluations des travaux
rØaliser et
notamment sur les modalitØs futures de gestion des dØchets radioactifs,
tous ces ØlØments sont bien connus des autoritØs de tutelle, qui
considLrent
pourtant
encore
prØmaturØe
l’idØe
d’un
abondement
supplØmentaire du fonds.
57
) Le CEA ayant comme principales ressources les subventions qu il re oit de l Etat
ou les dividendes versØs par AREVA, l Etat devra reflØter cet engagement dans ses
comptes.
58
) Le CEA dØtient 78,96 % du capital social d’Areva, composØe de 34 013 593
actions ordinaires et 1 429 108 certificats d’investissement : ce sont 15 % du capital
social d’Areva, qui ont ØtØ attribuØs au fonds dØdiØ.
59
) Sur la base d un cours de 290
constatØ en septembre 2004, la valeur d Areva
affectØe au fonds serait de 1 542 M .
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
199
3
Le financement de l’assainissement des installations du
secteur dØfense
la fin de l’annØe 2003, les coûts de dØmantLlement et
d’assainissement des installations dØfense Øtaient ØvaluØs
4,2 Md
en
valeur brute, soit 2,8 Md
en valeur actualisØe
2,5 %. La moitiØ des
dØpenses devrait intervenir d’ici 2015, l’usine d’enrichissement de
Pierrelatte et celle de retraitement de Marcoule reprØsentant plus de 60 %
du total. A la suite des derniers arbitrages rendus, un fonds spØcifique
devrait OEtre mis en place au dØbut de l annØe 2005.
Depuis 2002, avec l’application du rLglement sur les passifs, les
provisions correspondant au dØmantLlement et
l’assainissement des
installations de la DAM, qui n’ont jamais ØtØ imputØes sur le rØsultat, sont
ØquilibrØes
l’actif du bilan du CEA par un « actif de dØmantLlement »
correspondant aux subventions attendues de l’ tat. C’est une situation
identique qu’auraient connue les installations civiles, si le fonds dØdiØ
n’avait pas ØtØ crØØ.
Comme l’indique le commissaire aux comptes du CEA, on peut
admettre une telle prØsentation, dans la mesure oø la garantie de l Etat est
implicite s’agissant d’un Øtablissement public, catØgorie que le lØgislateur
a lui-mOEme volontairement exclu du champ de la procØdure d’alerte.
C’Øtait d’ailleurs la mOEme idØe qui prØvalait, avant la rØforme du
rLglement sur les passifs, lorsque le CEA prenait en compte ses
engagements futurs sous forme d’engagements hors bilan.
La situation aurait pu en rester l , si le ministLre de la dØfense,
dØ u de l’arbitrage limitant le fonds dØdiØ aux seules installations civiles
ne s’Øtait dØsengagØ d’une partie de ses obligations. Les conditions de ce
dØsengagement ont ØtØ exposØes
propos du dØmantLlement de l usine de
Marcoule
60
.A la suite des derniers arbitrages, un fonds devrait OEtre mis en
place au dØbut de l annØe 2005.
4
Conclusion
La
crØation
d’un
fonds
dØdiØ
pour
le
financement
du
dØmantLlement et de l’assainissement des installations civiles du CEA a
gØnØralement ØtØ bien accueillie du fait qu’il apparaissait comme un
moyen de sØcuriser ce financement. Cette rØforme appelle cependant
plusieurs observations.
60
) Voir supra, p. 111 et s.
200
C
OUR DES COMPTES
En premier lieu, la crØation d un fonds censØ couvrir tous les
besoins de dØmantLlement des installations civiles rend indispensable de
s’assurer que tous les besoins sont bien identifiØs et ØvaluØs et que le
fonds dispose ou disposera des moyens financiers suffisants. Le CEA
n’Øtant pas en mesure d’Øvaluer le niveau des passifs avec une fiabilitØ
suffisante, le commissaire aux comptes a assorti sa certification d’une
rØserve : d’aucuns ont trouvØ paradoxal qu’une rØserve soit prononcØe au
moment oø les pouvoirs publics essayaient de sØcuriser un financement ;
une telle position est nØanmoins parfaitement justifiØe, car
la diffØrence
des annØes prØcØdentes, oø les subventions attendues de l’ tat Øtaient
censØes faire face aux besoins de dØmantLlement, depuis 2001, le fonds
dØdiØ est censØ offrir cette garantie.
En deuxiLme lieu, la constitution d un fonds alimentØ par Areva
pour les dØpenses de dØmantLlement des installations civiles du CEA
s analyse comme une dØbudgØtisation : on a prØfØrØ abonder la trØsorerie
du CEA de 800 M , pour faire face
des dØpenses futures, plut t que de
financer ces dØpenses dans le cadre de subventions annuellement
consenties,
qui
auraient
pu
elles-mOEmes
faire
l objet
d une
programmation pluriannuelle.
En troisiLme lieu, la dØbudgØtisation opØrØe pour le secteur civil a
ØtØ transposØe, dans son principe, pour la plus grande partie du secteur
dØfense (installations de Marcoule et de Pierrelatte) sans qu’une solution
dØfinitive de financement ait encore pu OEtre trouvØe.
II - Les enseignements des comparaisons
internationales
La question du financement de la gestion des dØchets radioactifs et
du dØmantLlement des installations nuclØaires se pose dans tous les pays
ayant
recours
ce type d Ønergie avec une problØmatique similaire
centrØe autour de deux questions principales :
!
les fonds rassemblØs sont-ils suffisants, eu Øgard
la
complexitØ et
la durØe des opØrations techniques, au
caractLre non ØprouvØ de certaines technologies et
l absence de retours d expØriences significatifs en la
matiLre ?
!
la pØrennitØ du financement est-elle assurØe compte tenu
de durØes qui, dans certains domaines, sont de l ordre du
siLcle et parfois plus ?
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
201
Les rØponses apportØes dans les pays Øtrangers sont multiples mais
une majoritØ para t avoir optØ pour la constitution de fonds spØcialisØs,
cependant gØrØs selon des modalitØs trLs diverses.
A
Les fonds spØcialisØs, instruments privilØgiØs pour
le financement
La plupart des pays ont considØrØ que la crØation d un fonds
spØcialisØ constituait la solution la plus adØquate pour s assurer de la
disponibilitØ des fonds nØcessaires
la gestion des dØchets et aux
opØrations de dØmantLlement qui incluent en gØnØral le transport des
dØchets.
Certains pays, ont crØØ un fonds unique pour assurer le
financement global, d autres ont crØØ un fonds dØdiØ
chacune de ces
opØrations, d autres encore n ont crØØ qu un fonds couvrant un seul type
d opØrations, trLs souvent la seule gestion des dØchets.
202
C
OUR DES COMPTES
Solutions de financement dans dix pays de l OCDE
Pays
SystLme retenu
Remarques
Allemagne
Fonds spØcialisØ pour la gestion des
dØchets.
Pas de fonds de dØmantLlement
Belgique
Fonds
long terme pour exploitation
des stockages et entreposages, assorti
d un fonds complØmentaire de garantie
DØmantLlement couvert par
provisions rØglementØes
Canada
Fonds pour la gestion des dØchets
radioactifs
Espagne
Fonds spØcialisØ alimentØs par un
pourcentage sur les factures
d ØlectricitØ
Pourcentage recalculØ chaque
annØe.
tats unis
Pas de fonds de dØmantLlement
Une taxe, versØe
un fonds
est per ue par l
tat fØdØral
qui s engage
mettre
disposition un centre de
stockage
Japon
MØcanisme assimilable
un fonds pour
les dØchets vitrifiØs
Provisions pour le
dØmantLlement et les dØchets
de faible activitØ
Finlande
Fonds d Etat de gestion des dØchets
radioactifs alimentØ par les Ølectriciens
Royaume uni
Nuclear generation decommissioning
fund
NIREX assure la gestion des dØchets,
ses actionnaires sont les Ølectriciens
SuLde
Taxe payØe chaque annØe par les
Ølectriciens alimentant un fonds
Clause de garantie pour
fermeture anticipØe et
ØvLnement imprØvu
Suisse
Fonds pour le dØclassement
Fonds pour la gestion des dØchets
Source : d’après Andra
Le principe du « pollueur payeur » s applique dans les cas citØs,
puisque l approvisionnement de ces fonds est toujours rØalisØ par apport
des producteurs, directement ou par le biais de taxes. Cette exigence est
soit inscrite dans la loi, en Allemagne par exemple, soit dans le permis
d exploitation prØvoyant la constitution d un fonds, parfois remplacØ par
la constitution de garanties financiLres.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
203
Des garanties sont, en outre, parfois demandØes :
!
en Finlande les Ølectriciens doivent fournir des garanties
pour couvrir la diffØrence entre les actifs du fonds et les
dØpenses finales estimØes,
!
en Suisse, une responsabilitØ solidaire des producteurs,
assortie de versements complØmentaires a ØtØ mise en
place.
Selon
des
modalitØs
diffØrentes
d autres
mØcanismes de garantie ont ØtØ mis en
uvre SuLde et en
Belgique.
Lorsqu il n y a pas obligation de constituer un fonds et de
l approvisionner, les producteurs
peuvent nØanmoins OEtre tenus
la
constitution de provisions trLs rØglementØes, cas de la Belgique, ou de
fournir des garanties permettant de procØder aux opØrations de
dØmantLlement. Ainsi, aux
tats-unis, l autoritØ de rØglementation exige
qu une sociØtØ exploitant un rØacteur classique
eau sous pression
dispose d au moins 164 millions de dollars (valeur 2000) pour dØclasser
ce rØacteur
61
.
B
Des modalitØs de gestion diverses
La constitution des fonds est progressive ou immØdiate.
Une constitution progressive est assurØe par des versements
annuels permettant d atteindre les montants estimØs nØcessaires pour une
durØe d exploitation prØsumØe. Lorsque plusieurs sites d anciennetØ
diffØrente existent, c est en gØnØral une durØe moyenne qui est retenue.
En Allemagne le montant des sommes versØes, qui restent la propriØtØ des
Ølectriciens, est dØterminØ par eux-mOEmes, ces sommes Øtant exonØrØes
d imp ts.
Une constitution immØdiate suppose que le fonds doit,
tout
moment,
pouvoir couvrir les dØpenses. Tel est le cas en Finlande, pour le
fonds de gestion des dØchets radioactifs. Pour les dØmantLlements, le
calcul est effectuØ en prØvoyant un arrOEt total des rØacteurs
la fin de
l annØe. C est pourquoi, des garanties peuvent OEtre demandØes tant que
les actifs du fonds ne couvrent pas les dØpenses estimØes.
Lors de la constitution du fonds, diffØrentes facilitØs peuvent OEtre
accordØes aux producteurs : les intØrOEts peuvent OEtre exonØrØs d imp ts,
reversØs aux producteurs comme en Finlande. Dans la plupart des pays le
61
) OCDE/AEN : DØclassement et dØmantLlement d installations nuclØaires.
tat des
lieux, dØmarche, dØfis.
204
C
OUR DES COMPTES
montant du fonds est revu
des intervalles rØguliers, de l ordre de un
cinq ans. Ce montant est ensuite approuvØ, soit par le Gouvernement
directement, mais le plus souvent par une autoritØ de rØglementation
comme au Canada, aux
tats-unis ou en SuLde, ou par l organisme chargØ
de la gestion des dØchets comme en Belgique ou en Espagne.
La gestion du fonds peut OEtre dØvolue
une autoritØ administrative
qui fixe l organisation gØnØrale du fonds et dØfinit sa stratØgie financiLre,
tel est le cas en Suisse.
En Espagne, le fonds est gØrØ par Enresa, responsable des
opØrations de dØmantLlement, en respectant des rLgles prudentielles
fixØes par le Gouvernement. La gestion financiLre du fonds est examinØe
par un comitØ de contr le comprenant notamment l Auditeur gØnØral de
l administration, le directeur gØnØral du TrØsor et de la politique
financiLre, le directeur gØnØral pour l Ønergie. Ce comitØ dØtermine la
politique gØnØrale d investissement et remet un rapport sur la gestion tous
les six mois.
En Finlande, le fonds national pour la gestion des dØchets
nuclØaires est administrØ par un conseil des gouverneurs qui vØrifie que
les fonds recueillis permettent de rØpondre aux objectifs du ministLre et
que les exploitants remplissent leurs obligations vis
vis du fonds. Ce
conseil est chargØ de la politique de placement et de gestion du fonds. A
l inverse, dans d autres pays comme la Suisse ou la Hongrie, le
gouvernement per oit et administre directement les fonds recueillis.
Il ne fait pas de doute que, dans un marchØ de l ØlectricitØ libre,
soumis au jeu d une concurrence pouvant entra ner une chute des prix et
donc de la rentabilitØ des producteurs, le problLme de la capacitØ
financiLre des Ølectriciens et des entreprises du nuclØaire
subvenir
leurs engagements se pose avec une plus grande acuitØ. Le cas de British
Energy est de ce point de vue instructif.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
205
Le cas British Energy
British Energy est le premier producteur d ØlectricitØ au Royaume
Uni avec un chiffre d affaires de £ 2 000 millions. La sociØtØ exploite huit
rØacteurs fournissant 20% de l Ønergie Ølectrique en Angleterre et au Pays
de Galles, 50% en
cosse. Elle a ØtØ privatisØe en 1996, ses obligations en
matiLre nuclØaire Øtant dØs lors assumØes sur ses fonds propres. Au
moment de cette privatisation, les autoritØs de contr le reconnurent que la
sociØtØ crØØe Øtait solide,
mOEme de remplir ses obligations futures.
Mais,
partir de 2000, les prix de l ØlectricitØ se mirent
chuter
dans des proportions considØrables, jusqu
40%, alors que l objectif de
baisse prØvu Øtait de l ordre de 10
15 %. La situation de la sociØtØ s est
alors rapidement dØtØriorØe, la perte atteignant
£ 518 millions en 2002.
Les autoritØs de contr le dont l attention Øtait fixØe essentiellement
sur
la
vØrification
des
versements
au
Nuclear
Generation
Decommissioning Fund, ont semble-t-il mal apprØciØ la montØe des
risques, Øtant prØcisØ que leur marge de man uvre Øtait limitØe puisque les
rLgles de concurrence les empOEchaient d accorder tout traitement
privilØgiØ
British Energy.
Le Gouvernement britannique est intervenu pour sauver la sociØtØ
de la faillite. Le contribuable britannique contribua ainsi au sauvetage de
la sociØtØ pour quelques £ 899 millions dont 150
200 millions versØs
pendant 10 ans au fonds de dØclassement.
Source : d’après” Risk Management :The Nuclear Liabilities of
British Energy plc”, National Audit Office, février 2004
Cet exemple montre qu un fonds n est pas suffisant pour assurer la
sØcuritØ des engagements financiers d un industriel si la constitution de ce
fonds ne correspond pas, dØs le dØpart, au montant de ses engagements,
ou si un mØcanisme de garantie ne couvre pas la diffØrence,
un moment
donnØ, entre l engagement de l industriel et le montant final du fonds.
206
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
La question du financement est triple :
1.
l'exploitant aura-t-il la capacité financière de faire face à
ses obligations ?
2.
faut-il prévoir un financement sécurisé permettant de faire
face
à
l'insolvabilité,
voire
à
la
disparition
de
l'exploitant ?
3.
qui (quelle génération ?) doit supporter le coût du
financement ?
Sur la question de la
capacité financière
, les principaux
exploitants nucléaires présentent des situations contrastées:
les sociétés du groupe Areva, du fait de l'abondance de leur
trésorerie, disposent d'un niveau d'actifs dédiés, que l'on
peut estimer suffisant ;
EDF, du fait de son endettement, ne dispose que d'un
embryon d'actifs dédiés par rapport à la masse à financer et
tout repose sur sa capacité à disposer d’actifs suffisants ;
au CEA, deux fonds spécifiques ont été créés : un fonds pour
les installations civiles par affectation d'une partie des
dividendes et du capital d'Areva et un fonds pour les
installations défense : le premier devra être abondé, tandis
que le second est toujours en gestation.
Sur la question du
financement sécurisé,
il s'agit de se prémunir
contre les aléas de la gestion, l’Etat ayant toute chance de se retrouver
responsable de dernier rang. Une sécurisation devrait avoir pour but de
préserver les finances de l’Etat. Des études devraient être menées en ce
sens.
Sur la question
du rattachement du financement,
si les dotations
aux provisions ont pour but de rattacher la charge de démantèlement aux
biens et prestations de l'année à laquelle ils se rapportent
62
, cet exercice
vertueux doit, pour trouver sa pleine signification, s'accompagner d'un
financement approprié. En effet, si la dépense ne peut être financée le
moment venu que par le biais d'un endettement supplémentaire, la charge
du démantèlement sera reportée sur des exercices ultérieurs, c'est-à-dire
les consommateurs futurs, à proportion des frais financiers ainsi
62
) Le kWh produit doit supporter les charges futures qui lui sont imputables.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
207
engendrés. Au demeurant, avec l'actualisation des provisions, comme la
prise en compte de la charge future est étalée sur une période s'étendant
du fait générateur jusqu'à l'année de paiement des prestations, une façon
de s'assurer d'un financement équitablement réparti serait de le sécuriser
par un montant d'actifs dédiés égal à celui de la provision actualisée.
Si
un telle méthode paraît adaptée au cas des provisions pour évacuation
des déchets, elle serait excessive dans le cas du démantèlement qui ne
peut
être
financé
que
par
le chiffre
d'affaires
engendré
par
l'installation ; dans ce dernier cas, une bonne méthode serait d'obtenir
que les actifs dédiés destinés au démantèlement d’une installation soient
constitués à un rythme constant tout au long de la durée d’utilisation de
cette installation, de telle sorte que le montant d’actifs dédiés rejoigne
effectivement le montant de la provision au moment de l’arrêt de
l’installation.
La Cour constatait déjà dans son rapport public pour 1998 : « La
recherche des formules les plus adéquates, éventuellement spécifiques au
secteur nucléaire, doit être engagée
dés maintenant. Elle doit laisser aux
entreprises toutes les responsabilités qui leur incombent sur le plan
technique et industriel. Elle doit s’inspirer de l’équité entre les
générations et ne pas faire reposer sur les consommateurs ou
contribuables de demain le paiement des charges déjà prélevées sur les
consommateurs d’hier et d’aujourd’hui ».
Dans son rapport pour 2003, l'ASN, notait également, en
conclusion de ses développements sur le démantèlement, que « les
perspectives de modifications de statut et d'ouverture du capital d'EDF et
d'Areva posent la question des fonds financiers devant garantir le
démantèlement des installations et la gestion des déchets », qu'il convient
« qu'un système soit mis en place afin de garantir la disponibilité et la
suffisance de ses fonds au moment requis ». Ces questions sont toujours
actuelles.
Sans mécanisme de sécurisation, le risque existe, dans le cadre
d’une ouverture du capital d’Areva et d’EDF dans des marchés devenus
fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs
obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal
assurées et que la charge en rejaillisse sur l’Etat.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
209
Chapitre III
Communication, information et transparence
sur les dØchets radioactifs
210
C
OUR DES COMPTES
Les controverses relatives
l Ønergie nuclØaire sont nombreuses.
Elles portent notamment sur la stratØgie de retraitement-recyclage des
combustibles usØs, le dØmantLlement et la destination
donner aux
dØchets nuclØaires. Il n appartient pas
la Cour de prendre parti dans ces
dØbats, mais elle ne peut que constater que l industrie nuclØaire est une
rØalitØ : quel que soit l avenir de la recherche et de l industrie nuclØaires,
le dØmantLlement et la gestion des dØchets radioactifs devront OEtre traitØs.
Or, sur un sujet
la fois aussi important et propice aux polØmiques, une
des t ches dØvolues aux diffØrents intervenants est de donner une
information pertinente aux citoyens.
Deux
dØficiences
majeures
apparaissent :
l insuffisance
de
l information financiLre, ØvoquØe au premier chapitre, et les difficultØs de
communiquer sur un tel sujet.
PrLs de quinze ans aprLs la promulgation de la loi Bataille, les
enjeux d information et de communication sur les dØchets nuclØaires se
posent avec une acuitØ toute particuliLre dans la perspective du rendez-
vous lØgislatif de 2006. La ou les solutions qui seront alors dØbattues par
le Parlement et mises en
uvre par le Gouvernement devront avoir fait
l objet d un travail prØalable d information auprLs du grand public, qui,
aujourd hui, s estime mal informØ.
I - La perception par l opinion
La question des dØchets du cycle nuclØaire suscite de fortes
inquiØtudes dans l opinion.
Ainsi, selon le baromLtre d opinion sur l Ønergie du Centre de
recherche pour l’Øtude et l’observation des conditions de vie (Credoc/
Observatoire de l Ønergie)
63
, la production et le stockage des dØchets
radioactifs sont considØrØs par l opinion (44 %) comme le principal
inconvØnient du choix du nuclØaire, devant le risque d un accident grave
(35 %), le danger des radiations (15 %) et un moindre recours aux
Ønergies nouvelles et renouvelables (5 %).
Selon
ce
mOEme
baromLtre
d opinion,
sur
une
dØcennie,
l inquiØtude que suscitent les dØchets progresse de 8 points puisque 36 %
des Fran ais les citaient comme le principal inconvØnient du nuclØaire en
1994. En outre, 56 % des Fran ais jugent que le stockage des dØchets
63
) EnquOEte « Condition de vie et aspiration des Fran ais », juin 2003.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
211
nuclØaires est mal assurØ. Cette proportion est identique
ce qu elle Øtait
en 1989, mOEme si elle est infØrieure au pic de mØfiance (72 %) intervenu
en 1992. Cette tendance s observe alors mOEme qu une majoritØ de
Fran ais considLrent que le choix du nuclØaire pour produire les trois
quarts de l ØlectricitØ en France prØsente plut t des avantages que des
inconvØnients.
Une autre enquOEte du CREDOC, menØe dØbut 2003 pour le compte
de l Andra
64
, prØcise les attentes et les inquiØtudes de l opinion sur la
question des dØchets.
Trois tendances se dØgagent :
!
l opinion estime qu elle n est pas suffisamment informØe :
54 % des Fran ais considLrent qu on leur « cache des
choses » et 72 % souhaiteraient que, sur ces sujets,
l information soit la plus transparente possible, « mOEme si
cela risque d accro tre les inquiØtudes » ;
!
les
Fran ais ne sont pas satisfaits de la maniLre dont sont
gØrØs le stockage et le transport des dØchets radioactifs ;
65 % des sondØs ne sont pas d accord avec l idØe que le
stockage des dØchets radioactifs est bien ma trisØ en France
et 46 % pensent que le problLme principal des dØchets n est
pas leur stockage, mais leur transport ;
!
l effort de recherche pour prendre en charge correctement les
dØchets radioactifs est jugØ insuffisant par les trois quarts de
la population, alors mOEme que 56 % des Fran ais pensent
qu
terme, la science trouvera un moyen de neutraliser les
risques liØs aux dØchets radioactifs.
Ces tendances ont un caractLre cumulatif : c est parce que
l opinion s estime mal informØe sur la question des dØchets qu elle
redoute les risques qui leur sont associØs. En effet, une analyse plus fine
des rØponses montre que les individus qui se sentent mal informØs sont
plus nombreux
croire que le stockage des dØchets n est pas bien
ma trisØ en France,
penser que la science ne sera pas en mesure
d apporter des solutions techniques pour neutraliser les risques et
juger
trLs insuffisants les efforts de recherche dØployØs par les pouvoirs publics.
En outre, et cela reprØsente un obstacle de taille tant pour les
pouvoirs publics que pour les acteurs de la filiLre, la confiance de
64
) Credoc, EnquOEte « Condition de vie et aspiration des Fran ais », dØbut 2003. -
Note de prØsentation de mai 2003 : « DØchets radioactifs : les Fran ais demandent
plus de transparence ».
212
C
OUR DES COMPTES
l opinion va trLs majoritairement aux associations de consommateurs et
aux associations de dØfense de l environnement, qui devancent nettement
les autres intervenants, y compris les chercheurs scientifiques.
C est ce que montre le dØpouillement des rØponses
la question
«
A qui dans cette liste, faites-vous le plus confiance en France pour
fournir les informations les plus objectives sur la prise en charge des
déchets radioactifs
?
» :
Confiance des Fran ais selon l origine de l information
Classement par ordre dØcroissant des rØponses
cumulØes
1
Lre
rØponse
2
Lme
rØponse
Cumul des
rØponses
Les associations (consommateurs & environnement)
40
19
59%
Les chercheurs scientifiques
11
18
29%
Personne n’est compétent
10
16
26%
La Presse
10
15
25%
L Andra
8
10
18%
Le Gouvernement
10
5
15%
Les Ølus locaux
6
6
12%
EDF
4
6
10%
Le Parlement
1
3
4%
Ne sait pas
1
2
TOTAL
100
100
Source : CREDOC, Enquête « conditions de vie et aspirations des Français », début
2003.
Une analyse des rØponses indique que :
les personnes
gØes, les femmes au foyer, les non
dipl mØs et les titulaires de revenus les plus modestes font
le plus confiance aux pouvoirs publics et
EDF pour leur
fournir une information objective sur la prise en charge
des dØchets radioactifs ;
les catØgories sociales plut t favorisØes (cadres, dipl mØs
du supØrieur, revenus ØlevØs) citent, plus souvent qu en
moyenne, les associations de consommateurs ou de
dØfense de l environnement, ainsi que la presse ;
les personnes peu dipl mØes, les ouvriers et les femmes au
foyer sont les plus nombreuses
ne faire confiance
personne sur ces sujets.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
213
Cette inquiØtude de l opinion se retrouve
l Øchelle europØenne
65
:
70 % des EuropØens (75 % des Fran ais) se dØclarent prØoccupØs ou trLs
prØoccupØs par la question des dØchets radioactifs ; pour 75 % des
EuropØens (77 % des Fran ais), « tous les dØchets radioactifs sont trLs
dangereux ».
La Commission europØenne constate une rØelle confusion et
incomprØhension de la part d un grand nombre de sondØs : 78 % des
EuropØens (82 % des Fran ais) s estiment mal informØs sur les dØchets
nuclØaires. C est aux industriels du nuclØaire que les EuropØens font le
moins confiance pour les informer sur ce sujet : 10 % seulement (11 % en
France) leur font confiance contre 32 %
des scientifiques indØpendants
(33 % en France), 31 % aux ONG (37 % en France) et, dans une moindre
mesure, les Gouvernements avec 28 % (25 % en France). Pour 67 % des
Fran ais, l industrie nuclØaire n est pas transparente. De mOEme, seuls
19 % des Fran ais considLrent l Andra comme une source d information
de confiance (contre 27 % en moyenne en Europe et 60 % en SuLde ou
40 % en Allemagne). Seules les agences portugaise et espagnole
recueillent moins de suffrages. Ce discrØdit relatif s explique souvent par
la faible notoriØtØ des ces agences spØcialisØes auprLs du grand public.
Par ailleurs, pour 80 % des sondØs (86 % des Fran ais), il
appartient aux gØnØrations ayant utilisØ l Ønergie nuclØaire de prendre en
charge les dØchets produits plut t que de laisser ce problLme aux
gØnØrations suivantes. C est en France que la dØfiance para t la plus forte,
puisque le pourcentage des sondØs estimant qu il n existe pas de solution
sûre pour gØrer les dØchets les plus dangereux y est de 52 % contre 46 %
dans la moyenne de l Union.
Ces diffØrentes enquOEtes d opinion traduisent deux phØnomLnes :
les dØchets nuclØaires suscitent une trLs forte inquiØtude, supØrieure
mOEme
l enjeu de la sØcuritØ des centrales ; en moyenne, les Fran ais
sont plus inquiets que les autres europØens. Ces deux tendances suggLrent
que les politiques d information et de communication mises en
uvre ne
sont pas satisfaisantes.
65
) Source : Eurobarometer 56.2 « European and radioactive waste »,
2002 (derniLre
enquOEte disponible).
214
C
OUR DES COMPTES
II - Les politiques d information et de
communication mises en
uvre par les intervenants
A
Les dØpartements ministØriels
1
Le ministLre en charge de l industrie
En l absence d une loi relative
la transparence et
la sØcuritØ en
matiLre nuclØaire, aucune obligation d information ne s impose au
ministLre de l industrie.
Toutefois,
le
ministLre
a
dØveloppØ
une
politique
de
communication sur l Ønergie et sur les dØchets nuclØaires. Il l a fait en
utilisant son site Internet, qui prØsente un dossier sur le nuclØaire, lequel
comporte une fiche
succincte
sur l aval du cycle.
De fa on plus ponctuelle, mais plus significative, le ministLre a
pilotØ, dans le cadre de la prØparation de la loi d orientation sur l Ønergie,
le «dØbat national sur les Ønergies », dont le principe a ØtØ annoncØ par le
Premier ministre en juillet 2002 et dont la rØalisation s est dØroulØe, sous
diverses formes, entre mars et juin 2003. Une dØpense d un montant de
3,5 M
a ØtØ mises
uvre par le Gouvernement pour les besoins de
l organisation de ce dØbat. Outre la rØalisation d un site Internet
spØcifique, sept tables rondes ont ØtØ organisØes : celle qui s est tenue
Rennes le 6 mai 2003 sur l Ønergie nuclØaire a consacrØ une partie de ses
dØbats aux dØchets nuclØaires.
Depuis l annØe 2000, le ministLre ne rØactualise plus le livre sur
« l Ønergie nuclØaire en 110 questions », privant ainsi le public d un guide
pØdagogique
jour sur les enjeux de l Ønergie nuclØaire. Il indique
nØanmoins qu une rØØdition serait envisagØe en 2005.
2
Le ministLre en charge de l environnement
Ce ministLre n informe ni ne communique sur le nuclØaire. Il laisse
ce soin
l ASN et
l IRSN
66
.
66
) L ASN agit pour le compte des trois ministres chargØs de l environnement, de
l industrie et de la santØ ; l IRSN a une quintuple tutelle (dØfense, environnement,
industrie, recherche, santØ)
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
215
Ainsi, on ne trouve aucune rØfØrence
l Ønergie nuclØaire sur le
site Internet du ministLre.
3
Le ministLre en charge de la recherche
Assurant la tutelle « recherche » du CEA, de l IRSN et de l Andra,
ce ministLre est responsable du suivi des axes de recherche dØfinis par la
loi Bataille.
A cet effet, la direction de la technologie anime depuis 1995 le
comitØ de suivi des recherches sur l aval du cycle (Cosrac), qui
coordonne au niveau interministØriel les actions des diffØrents acteurs de
la recherche et rassemble les pilotes des trois axes de recherche (Andra,
CEA), les industriels (EDF, Framatome, Cogema), le CNRS, l ASN et
l IRSN.
L action du Cosrac se traduit principalement par la publication
d un rapport annuel sur la gestion des dØchets radioactifs dressant l Øtat
d avancement des axes de recherche prØvues par la loi Bataille et les
perspectives stratØgiques qui en dØcoulent : ce document s intitule
« stratØgie et programmes de recherches au titre de la loi du 31 dØcembre
1991 relative
la gestion des dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie
longue ».
En parallLle, la direction de la technologie rØdige un document de
conjoncture qui synthØtise les faits marquants des recherches menØes sur
les trois axes au niveau fran ais et international.
Accessibles sur le site Internet du ministLre, ces documents
s adressent
un public de spØcialistes et aux acteurs directement
concernØs par le nuclØaire, qu il s agisse des pouvoirs publics ou des
associations. En revanche, leur nature trLs technique n en fait pas des
outils de communication
destination d un large public.
Ces rapports sont parties intØgrantes du dispositif d information
prØvu par la loi Bataille, puisqu ils font l objet d une prØsentation
annuelle devant la Commission nationale d Øvaluation (CNE). FormØe de
personnalitØs qualifiØes nommØes par le gouvernement et les assemblØes
parlementaires, la CNE Øtablit chaque annØe un rapport qui fait l objet
d une prØsentation par le gouvernement devant le Parlement. Ce rapport a
pour but d Øvaluer l Øtat d avancement des recherches sur les diffØrents
axes prØvus par la loi ainsi que de formuler des recommandations. Bien
qu il soit prØsentØ devant le Parlement, ce document ne fait pas l objet
d une diffusion grand public dans le cadre d une vulgarisation. Le dØbat a
essentiellement lieu avec les membres de l Office parlementaire
d Øvaluation des choix scientifiques et techniques.
216
C
OUR DES COMPTES
Si le ministLre a une politique d information et de transparence sur
l avancement des axes de recherche prØvus par la loi Bataille, il n a pas
de vØritable politique de communication en la matiLre. Les informations
prØsentØes sur son site Internet sont limitØes
elles se bornent
rappeler
le cadre prØvu par la loi Bataille
et les expressions publiques sont rares :
fait exception
cette discrØtion, une intervention de la ministre de la
Recherche le 30 avril 2003, en ouverture du colloque organisØ dans le
cadre du dØbat national sur les Ønergies sur le thLme suivant : « DØchets
nuclØaires, oø en est la Recherche ? »
L absence de communication Ølargie du ministLre s explique par le
fait qu il estime devoir d abord prØparer l ØchØance prØvue par la loi
Bataille
2006
et qu il souhaite utiliser ce dØlai pour poursuivre les
recherches prØvues sur les diffØrents axes. D ici l , il entend laisser toutes
les options ouvertes.
B
Les instances d information, de contr le et d expertise
1
Le Conseil supØrieur de la sûretØ et de l information
nuclØaires
CrØØ en 1987, le Conseil supØrieur de la sûretØ et de l information
nuclØaires (CSSIN)
est une instance pluraliste qui rassemble des
personnalitØs choisies en fonction de leur compØtence scientifique,
technique, Øconomique ou sociale, des personnalitØs choisies en fonction
de leur compØtence en matiLre d information et de communication, le
directeur
gØnØral
d EDF
ou
son
reprØsentant,
des
reprØsentants
d organisations
syndicales
reprØsentatives,
des
reprØsentants
d associations ayant pour objet la protection de la nature et de
l environnement,
des
membres
des
administrations
directement
concernØes. C est un organisme consultatif, dont la mission s Øtend
l ensemble des questions touchant
la sûretØ nuclØaire et
l information
des publics et des mØdias. Son secrØtariat et son financement sont assurØs
par l ASN.
Ces
derniLres
annØes,
l une
des
principales
actions
de
communication du CSSIN a consistØ en la rØdaction d un livret intitulØ
« SûretØ des centrales et des dØchets nuclØaires : ØlØments de dØbats »,
publiØ par la Documentation fran aise en dØcembre 2002 et largement
diffusØ. Il s agissait de favoriser une rØelle prise
de conscience des enjeux
au sein de la population fran aise par le dØveloppement d authentiques
dØbats autour des principales controverses soulevØes par la production
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
217
nuclØaire d Ønergie Ølectrique. Le lancement parallLle au premier
semestre 2003 du dØbat national sur les Ønergies a sans doute perturbØ
l objectif poursuivi.
Le mandat des membres du CSSIN Øtant arrivØ
ØchØance fin
2003 et aucune nomination n Øtant intervenue depuis lors, le CSSIN ne
s est pas rØuni depuis septembre 2003. Son avenir est dØsormais
apparemment suspendu aux dispositions qui interviendront dans le cadre
du projet de loi relatif
la transparence et
la sØcuritØ en matiLre
nuclØaire.
2
Les commissions locales d information
Les commissions locales d information (CLI) sont placØes auprLs
des INB. Leur mission est double : le suivi de l impact de ces
Øquipements et l information des populations par les moyens qu elles
jugent les plus appropriØes. Les CLI sont composØes notamment d Ølus
locaux
(gØnØralement
la
moitiØ
de
l effectif),
de
reprØsentants
d associations de dØfense de l environnement, de syndicalistes et de
reprØsentants des pouvoirs publics.
Il existe donc des CLI auprLs des installations d entreposage ou de
stockage des dØchets nuclØaires du CEA, de la COGEMA et de l Andra
(sites de la Manche, de l Aube, laboratoire souterrain de Bure, centre
TFA). A ce titre, elles jouent un r le actif de communication et
d information auprLs des populations locales. L ensemble des acteurs de
la filiLre nuclØaire considLre que leur apport est positif.
Toutefois, au-del
de leur vocation locale, les CLI ne mettent pas
en
uvre une communication plus globale. Il existe certes une association
nationale des CLI, mais sa notoriØtØ auprLs des grand public reste limitØe.
3
L AutoritØ de sûretØ nuclØaire
Selon les termes du dØcret du 22 fØvrier 2002, l AutoritØ de sûretØ
civile a pour mission « de contribuer
l information du public sur les
sujets se rapportant
la sûretØ nuclØaire et
la radioprotection ».
Dans le cadre de l information sur le nuclØaire en gØnØral, l ASN
consacre une place importante
la question des dØchets. A titre
d exemple, elle a consacrØ 6 numØros
sur 54 - de la revue « Contr le »
aux dØchets radioactifs. Dans son rapport d activitØ annuel, elle consacre
un chapitre entier aux dØchets radioactifs. En outre, elle a rØcemment
ouvert un centre d information et de documentation du public. Enfin,
l ASN est chargØe de l Øtablissement du plan national de gestion des
218
C
OUR DES COMPTES
dØchets radioactifs, qui, une fois Øtabli, aura des prolongements en termes
d information et de communication.
L ASN poursuit deux objectifs principaux :
elle cherche
toucher le public le plus large possible ;
elle entend profiter de son statut de quasi-autonomie pour
lØgitimer son message et lui donner la force de l impartialitØ.
Pour cette raison aussi, l ASN ne souhaite pas,
ce stade, donner
son avis sur les options
privilØgier dans le cadre du rendez-vous de 2006
fixØ par la loi Bataille. Elle indique qu elle se prononcera le moment venu
sur la sûretØ des solutions proposØes et en informera le public. Elle insiste
sur la nØcessitØ pour le Gouvernement de prØparer l ØchØance de 2006 en
associant tous les acteurs concernØs et en renfor ant leur coordination.
4
L Institut de radioprotection et de sûretØ nuclØaire
L IRSN a pour vocation de mener des expertises scientifiques et
des travaux de recherche sur toutes les questions touchant
la sûretØ
nuclØaire et
la radioprotection. La question de la sûretØ des dØchets
nuclØaires fait donc partie des sujets relevant des missions de l Institut.
Le dØcret du 26 fØvrier 2002 prØcise que l IRSN doit assurer «
la
publicité des données scientifiques résultant des programmes de
recherche dont il a l’initiative
» et contribuer
« à l’information du public,
notamment en élaborant et en rendant public un rapport annuel
d’activité
».
L IRSN traite la question de la sûretØ des dØchets nuclØaires dans
sa communication en insistant sur la dØfinition et la sûretØ des filiLres de
traitement des dØchets. En outre, l IRSN a ØlaborØ un livret d ensemble
sur «les dØchets radioactifs » en 2003. Ce livret, qui s adresse au grand
public, vient ainsi complØter une communication plus ciblØe de l IRSN en
direction de la communautØ scientifique, des pouvoirs publics et des
commissions locales d information.
Le message dØlivrØ par l IRSN se rapproche de la communication
mise en
uvre par l ASN. Avec le CSSIN, trois instances publiques
autonomes mLnent donc une politique de communication non coordonnØe
sur le nuclØaire, au risque d un Øparpillement des moyens et d une
dilution du message, faute de vecteur unique et clairement identifiable du
grand public.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
219
C
Les producteurs
1
EDF
Comme
toute
entreprise,
EDF
poursuit
une
politique
de
communication visant
valoriser son activitØ.
Le message communiquØ se veut
la fois un message de
responsabilitØ et de dØdramatisation. L entreprise le rØsume de la fa on
suivante :
EDF assume la responsabilitØ de ses dØchets ;
le tri et le recyclage permettent d en limiter le volume ;
aujourd’hui, 98 % des dØchets issus de la production des
centrales nuclØaires d’EDF bØnØficient d’une solution de
stockage sûre et dØfinitive
les 2 % restant, les dØchets HAVL, au terme de 40 ans
d utilisation des 58 rØacteurs fran ais, n occuperont que
l Øquivalent du volume de 3 piscines olympiques ;
ces dØchets sont conservØs de fa on inaltØrable par vitrification
et temporairement entreposØs de fa on sûre pour une durØe
pouvant atteindre au moins 50 ans, ce qui permet d’attendre en
toute sØrØnitØ le choix d une solution dØfinitive.
Ce message a Øvidemment sa cohØrence. On peut toutefois se
demander s il n est pas contreproductif de vouloir minimiser les
difficultØs posØes par la gestion des dØchets nuclØaires
haute activitØ et
vie longue en privilØgiant leur faible volume.
2
Areva
Comme EDF, Areva poursuit une politique de communication sur
le nuclØaire, mais ne souhaite pas axer sa communication sur la question
des dØchets radioactifs issus de la production ØlectronuclØaire. En effet,
comme le rappelle la direction de la communication du groupe,
« Areva
n’est pas propriétaire de ces déchets. L’entreprise n’est pas non plus en
charge de définir les solutions qui peuvent être trouvées pour en assurer
une gestion saine. »
C est pourquoi
, « tout en assumant le sujet lorsqu’il
est abordé, le groupe
n'a pas de communication particulière dédiée à
cette question. »
220
C
OUR DES COMPTES
Ainsi, pour l essentiel, Areva limite sa communication aux enjeux
directement liØs
son usine de La Hague dans le cadre de la CLI, sans
chercher
mener une communication d ensemble sur les dØchets
nuclØaires.
Ce faisant, Areva renvoie
leurs responsabilitØs les autres
producteurs, l Andra et les pouvoirs publics.
Toutefois, Areva suit de prLs les Øvolutions de l opinion publique
sur les dØchets nuclØaires. Le Groupe a ainsi dØcidØ de mobiliser des
moyens importants depuis 2001 pour disposer d Øtudes qualitatives et de
panels d opinion. Son but est de proposer aux pouvoirs publics un
discours qui pourrait OEtre acceptØ par les citoyens.
3
Le CEA
Le contrat pluriannuel Etat-CEA 2001-2004 assigne au CEA,
parmi d autres missions,
« de proposer des solutions technologiques pour
le développement de l’énergie nucléaire et la gestion des déchets
nucléaires ».
En outre, dans le cadre de la loi Bataille de 1991, il mLne
des recherches au titre de l axe 1 et de l axe 3, dont il assure le pilotage.
DLs lors, les enjeux liØs aux dØchets du cycle nuclØaires
reprØsentent, selon le directeur de la communication, prLs de 10 % des
activitØs de la direction. Cette communication est
la fois une
communication de proximitØ, dans le cadre des CLI, une communication
scientifique et une communication tournØe vers le grand public,
notamment auprLs des publics scolaires. Le CEA s apprOEte aussi
ouvrir
au public un centre d accueil,
des fins de plus ample diffusion de
l information.
D
L opØrateur pour la gestion des dØchets
En vertu de ses textes constitutifs, l Andra a une mission de
communication sur la gestion des dØchets
long terme dont elle a la
charge. Le contrat quadriennal passØ avec l Etat stipule que :
« La mission
d’information et d’inventaire sur les déchets radioactifs procède d’un
effort de production, de rassemblement et de diffusion de la connaissance
afin de mettre à la disposition du plus large public un large ensemble de
données factuelles vérifiables sur l’état des déchets : nature des déchets,
inventaire actuel, localisation, hypothèses et prévisions pour le futur,
solutions existantes ou proposées pour leur gestion. Cette mission repose
sur une volonté de transparence. »
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
221
Cette mission est elle-mOEme dØclinØe autour de quatre objectifs
principaux :
- poursuivre le recensement de l Øtat et de la localisation des
dØchets ;
- rØaliser un inventaire de rØfØrence des dØchets ;
- contribuer
l information locale ;
- proposer une information claire et vØrifiable sur les dØchets.
Pour toucher un public plus large que celui des CLI et de la
communautØ des experts, l Andra utilise plusieurs vecteurs d information
« grand public » : outre la visite de ses centres, il s agit de ses
publications rØguliLres, de colloques et de son site Internet, dont le contrat
quadriennal a fait de la frØquentation un indicateur de pØnØtration de
l opinion. En novembre 2003, la direction de la communication de
l agence a aussi consacrØ un ouvrage entier
la question intitulØe
« Faut-
il avoir peur des dØchets radioactifs ? ». Cet ouvrage a le mØrite de
privilØgier une approche pluridisciplinaire et de ne pas nier les
inquiØtudes de l opinion mais de s efforcer d y rØpondre.
Le message que l Andra souhaite faire passer auprLs du grand
public peut OEtre rØsumØ de la fa on suivante :
l Andra est un Øtablissement public au service d une politique
nationale de gestion des dØchets radioactifs, qui a dØveloppØ
la fois
une compØtence industrielle et une compØtence scientifique reconnue
au plan international ;
les dØchets radioactifs sont bien identifiØs gr ce aux efforts de
recensement menØs depuis plus de dix ans, et les diffØrentes
catØgories de dØchets appellent des modes de traitement spØcifiques
en fonction du risque auquel ils exposent ;
les dØchets de faible et de moyenne activitØ bØnØficient maintenant de
solutions de stockage industriel sûres et performantes ;
pour les dØchets
haute activitØ et
vie longue, un processus de
recherche a ØtØ dØfini par le Parlement pour dØfinir des modes de
gestion et, depuis plus de dix ans, des progrLs considØrables ont ØtØ
effectuØs.
La communication de l Agence vise donc
la fois
expliquer ses
missions,
faire comprendre que des solutions diffØrentes s imposent
pour des types diffØrents de dØchets et, qu enfin, pour les dØchets
vie
longue, elle pourra proposer le moment venu une solution de stockage
satisfaisante.
222
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
Mieux coordonner les acteurs
En définitive, sur un sujet très technique, le citoyen reçoit, de onze
sources différentes, une information à la fois abondante, très technique et
fragmentée. De la part des ministères, le citoyen intéressé reçoit le
message de soutien de celui l’industrie, le message technique de celui de
la recherche et remarque le silence de celui de l’environnement. Venant
des trois exploitants nucléaires, il recevra l’information avec les mêmes
doutes ou appréhensions que celle provenant de toute communication
d’entreprise. Il trouvera, enfin, auprès des instances de contrôle,
d’expertise et d’information, des éléments, susceptibles d’être plus fiables
à ses yeux, mais avec d’importantes limites : l’ASN doit se limiter à son
domaine pour rester crédible, l’IRSN a plus vocation à toucher des
milieux scientifiques, tandis que le CSSIN est une institution sans moyen.
Les messages formulés par chacun des acteurs répondent à
deux
types de logique :
celle de l’information, qui vise d’abord à formuler un
message le plus
neutre ou le plus objectif possible ;
celle de la communication, qui vise à faire admettre par
l’opinion un message plus engagé.
Le public peut difficilement distinguer ce qui relève de
l’information objective ou d’une communication visant à convaincre.
Sans doute l’absence de coordination est-elle le gage de
l’indépendance de chacun des intervenants, mais elle complique la
compréhension des enjeux et parcellise l’information. Un effort pourrait
sans doute être réalisé à l’occasion de l’échéance de 2006.
Associer le grand public à la préparation de l’échéance de 2006
En fixant un rendez-vous à 15 ans, la loi du 30 décembre 1991 a
donné le temps aux organismes de recherche de progresser dans la
définition des solutions. Par ailleurs, elle a prévu un rendez-vous annuel
devant le Parlement autour du rapport présenté par la CNE.
En raison de la longueur du délai fixé par la loi et de la diffusion
limitée des rapports de la CNE, il est à craindre que l’opinion publique
ne soit surprise à l’échéance de 2006 au moment où des solutions devront
être
adoptées par le Parlement.
INTERROGATIONS ET INCERTITUDES ACTUELLES
223
Les
différents
protagonistes
annoncent
des
actions
de
communication ambitieuses pour l’année 2005. De plus, l’Andra a publié
un inventaire national des déchets à l’automne 2004 qui constituera aussi
une base utile pour le débat.
Il appartient désormais aux pouvoirs publics de donner
cohérence et lisibilité à cette démarche en lançant un débat public sur
l’avenir des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue dès 2005.
Le choix de cette date permettrait de préparer l’opinion au rendez-vous
parlementaire de 2006.
Dans cette démarche d’information et de communication, il
devrait être tenu compte des résultats mitigés du débat national sur les
énergies de 2003. Confié au ministère en charge de l’industrie, ce débat a
suscité les réticences des autres ministères et n’a obtenu qu’une
participation limitée des exploitants. Par ailleurs, l’ASN, pour des
raisons de déontologie, n’a participé aux débats que sur les aspects
relatifs à la sécurité nucléaire.
Les exemples étrangers devraient être systématiquement mis à
profit : les différents intervenants mettent en avant la capacité des Etats
nordiques à organiser le débat public ainsi que l’exemple des Etats-Unis,
pour l’association de l’opinion à la définition d’une solution pérenne
pour les déchets.
Renforcer la transparence
Lancé à la suite d’un rapport du député J.Y. Le Déaut en 1998, le
projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire
n’a toujours pas été débattu devant les Assemblées. Il avait été prévu de
l’intégrer au projet de loi d’orientation sur les énergies, dont il aurait
constitué le titre VI, mais cela n’a finalement pas été le cas lors des
débats parlementaires du printemps 2004.
Ce projet étend le droit
à l’information des citoyens en créant un
droit d’accès à l’information détenue par les exploitants d’activités
nucléaires, dont il prévoit les modalités. Ce droit d’information est
complété par les dispositions visant à conforter le rôle des commissions
locales d’information et à en garantir l’indépendance. Enfin, un « Haut
comité de transparence sur la sécurité nucléaire » serait créé et viendrait
se substituer CSSIN. Sa mission serait de contribuer à l’information du
public sur les activités nucléaires et d’en garantir la qualité et la fiabilité.
De composition pluraliste, il aurait capacité à s’autosaisir. Il pourrait
organiser des débats contradictoires, faire réaliser des expertises ou des
contre-expertises et ses avis seraient rendus publics.
224
C
OUR DES COMPTES
Il serait utile que ce projet de loi soit examiné prochainement : la
légalisation d’un droit à l’information sur le nucléaire, le renforcement
de la transparence et la création d’un Haut comité ad hoc seraient des
éléments de nature à garantir l’authenticité et la qualité du débat qui
devra accompagner la préparation de l’échéance de 2006.
CONCLUSION GENERALE
225
Conclusion gØnØrale
La quasi-totalitØ des installations nuclØaires et des dØchets
radioactifs en France relLve d entreprises ou d Øtablissements publics, qui
oeuvrent dans le domaine de la recherche et de la production
ØlectronuclØaire. EDF reprØsente
cet Øgard un cas unique au monde par
l importance du parc de ses centrales nuclØaires. Dans le domaine de la
sûretØ, de l expertise et de la gestion des dØchets, la France s est dotØe des
institutions qui lui permettent de prendre en compte les risques liØs
ces
activitØs et de faire face
ses obligations internationales, mOEme si elle n a
pas voulu donner un statut d autoritØ indØpendante
son autoritØ de
sûretØ nuclØaire. Les risques engendrØs par l aval du cycle du combustible
nuclØaire apparaissent de mieux en mieux identifiØs et gØrØs.
La construction et l exploitation des premiLres installations de
recherche, de production de matiLres fissiles, ainsi que des premiLres
centrales n ont pas ØtØ rØalisØes
une Øpoque oø la sûretØ nuclØaire Øtait
le premier souci. Il faut aujourd hui en assumer les consØquences en
procØdant,
des prix exceptionnellement ØlevØs,
l assainissement
d installations oø les exploitants ont laissØ s accumuler des dØchets sans
aucune vue prospective : l usine de retraitement de Marcoule, la premiLre
usine de La Hague et toute une sØrie d installations du CEA en
tØmoignent.
Les charges futures affØrentes au programme ØlectronuclØaire mis
en
uvre
la suite du premier choc pØtrolier sont mieux ma trisØes, font
l objet de calculs fondØs et prØcis. Les incertitudes sont bien cernØes.
Elles concernent essentiellement la gestion des dØchets
haute activitØ et
vie longue et rØsultent de plusieurs causes interdØpendantes :
la dØcision et le choix
venir d un futur centre de
stockage ;
le devenir des combustibles usØs, et notamment du Mox,
liØ lui-mOEme en partie
la poursuite du programme
ØlectronuclØaire ;
le coût effectif du stockage futur.
226
C
OUR DES COMPTES
L Øchelle de l incertitude du coût du stockage profond est
susceptible d affecter une partie de la marge bØnØficiaire d EDF : ainsi,
titre d exemple, une majoration de 10 Md
du coût du stockage profond
aurait un impact de 0,56
par MWh
67
: rapportØ
la production annuelle
de 42 000 000 MWh, un tel supplØment, s il Øtait avØrØ, ne remettrait pas
en cause la rentabilitØ globale de l entreprise
68
, mais devrait entra ner une
augmentation de la provision constituØe
cet effet.
Une des caractØristiques majeures de la question du dØmantLlement
et des dØchets radioactifs tient
l exceptionnelle durØe des opØrations, qui
dØpasse
bien des Øgards l horizon de la vie humaine, puisque les
dØmantLlements auront lieu de 2017
2080, voire plus si la durØe de vie
des centrales Øtait prolongØe au-del
de 40 ans, que l Øventuel centre de
stockage profond mobilisera des moyens jusque vers 2070, tandis que la
surveillance des centres de stockage en surface est prØvue, pour des
sommes Øvidemment beaucoup plus modestes, sur 300 ans.
La transparence des solutions prØconisØes dans le secteur nuclØaire
est la condition prØalable de son acceptation par l opinion publique. Elle
fait dØfaut en amont, oø les incertitudes constatØes entre la thØorie du
cycle fermØ et la rØalitØ exigeraient une redØfinition de la stratØgie de
retraitement-recyclage des combustibles usØs. En aval, pour le stockage
des dØchets les plus nocifs, elle est prØcisØment un des objets de la loi du
30 dØcembre 1991. Comme le dØmantLlement, la production et le
stockage des dØchets sont Øtroitement liØs
la politique nuclØaire future.
Cest une vue d ensemble qui fait dØfaut.
Les rØcentes modifications comptables, marquØes par la mise en
uvre de l actualisation des provisions, viennent renforcer en matiLre
financiLre le besoin de transparence, dØj
affirmØ par la Cour dans son
rapport public pour 1998. Ce besoin concerne
la fois les provisions et
leur financement.
Pour les provisions, un minimum d informations tant sur les
opØrations prØvues que sur leurs Øvaluations brute et actualisØe doit OEtre
rendu public. Il faut que les exploitants s engagent sur des scØnarios de
dØmantLlement et de gestion des dØchets et que ceux-ci ne soient pas
modifiØs en fonction des contingences du moment, car tout report se
manifeste par une diminution de la provision actualisØe.
67
) En prenant pour base, le nombre total de kWh produits en 40 ans avec une
disponibilitØ
80 %.
68
) Au 1
er
janvier 2003, en France, le prix de vente moyen HT de l ØlectricitØ
usage
domestique Øtait de 89
/MWh et celui de l ØlectricitØ
usage industriel de
52,9
/MWh (Source : Eurostat).
CONCLUSION GENERALE
227
A cet Øgard, les AutoritØs de sûretØ nuclØaire ont un r le dØcisif
jouer, puisqu elles ne peuvent OEtre indiffØrentes ni aux dates d exØcution
des opØrations, ni
leur report Øventuel. Le danger, pour l avenir, serait
que les exploitants repoussent les opØrations pour diminuer les
provisions, dØcaler l ØchØance des financements et amØliorer ainsi la
structure de leur bilan. Les scØnarios de dØmantLlement une fois dØfinis
devraient OEtre contraignants et n OEtre remis en cause que pour des raisons
techniques dØbattues en toute transparence.
S agissant du financement, avant mOEme d explorer des solutions
assurant la pØrennitØ et la disponibilitØ des fonds, il convient que les
exploitants informent davantage le public
l occasion de la publication
de leurs comptes. A cet Øgard, les comptes 2003 d Areva apparaissent
beaucoup plus complets que ceux des autres exploitants. Le fait que le
groupe ait dØj
dØgagØ en valeur actualisØe les actifs correspondant
ses
provisions n y est sans doute pas Øtranger.
Enfin,
moins d une annØe du dØbat prØvu par le lØgislateur sur le
devenir des dØchets radioactifs, la Cour ne peut que souhaiter une
meilleure prise en compte des besoins d information du public.
_____________________________________________________________
229
ANNEXE : Loi n
91-1381 du
30 dØcembre 1991 relative aux
recherches sur la gestion des dØchets
radioactifs
(codifiée sous les articles L.542-1 et suivants du code de
l’environnement)
Art. 1er. - La gestion des dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie longue doit OEtre assurØe dans le respect de la protection de la nature,
de l environnement et de la santØ, en prenant en considØration les droits
des gØnØrations futures.
Art. 2. - Il est insØrØ, aprLs l article 3 de la loi no 76-663 du
19 juillet 1976 relative aux installations classØes pour la protection de
l environnement, un article 3-1 ainsi rØdigØ :
<<Art. 3-1. - Le stockage souterrain en couches gØologiques
profondes de produits dangereux, de quelque nature qu ils soient, est
soumis
autorisation administrative. Cette autorisation ne peut OEtre
accordØe ou prolongØe que pour une durØe limitØe et peut en consØquence
prØvoir les conditions de rØversibilitØ du stockage. Les produits doivent
OEtre retirØs
l expiration de l autorisation. <<Les conditions et garanties
selon lesquelles certaines autorisations peuvent OEtre accordØes ou
prolongØes pour une durØe illimitØe, par dØrogation aux dispositions de
l alinØa prØcØdent, seront dØfinies dans une loi ultØrieure.>>
Art. 3. - Le stockage en France de dØchets radioactifs importØs,
mOEme si leur retraitement a ØtØ effectuØ sur le territoire national, est
interdit au-del
des dØlais techniques imposØs par le retraitement.
Art. 4. - Le Gouvernement adresse chaque annØe au Parlement un
rapport faisant Øtat de l avancement des recherches sur la gestion des
C
OUR DES COMPTES
230
dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie longue et des travaux qui sont
menØs simultanØment pour :
- la recherche de solutions permettant la sØparation et la
transmutation des ØlØments radioactifs
vie longue prØsents dans ces
dØchets;
- l Øtude des possibilitØs de stockage rØversible ou irrØversible dans
les formations gØologiques profondes, notamment gr ce
la rØalisation
de laboratoires souterrains;
- l Øtude de procØdØs de conditionnement et d entreposage de
longue durØe en surface de ces dØchets.
Ce rapport fait Øgalement Øtat des recherches et des rØalisations
effectuØes
l Øtranger. A l issue d une pØriode qui ne pourra excØder
quinze ans
compter de la promulgation de la prØsente loi, le
Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d Øvaluation de
ces recherches accompagnØ d un projet de loi autorisant, le cas ØchØant, la
crØation d un centre de stockage des dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie longue et fixant le rØgime des servitudes et des sujØtions affØrentes
ce centre.
Le Parlement saisit de ces rapports l Office parlementaire
d Øvaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces rapports sont
rendus publics.
Ils sont Øtablis par une commission nationale d Øvaluation,
composØe de:
- six personnalitØs qualifiØes, dont au moins deux experts
internationaux, dØsignØes,
paritØ, par l AssemblØe nationale et par le
SØnat, sur proposition de l Office parlementaire d Øvaluation des choix
scientifiques et technologiques;
- deux personnalitØs qualifiØes dØsignØes par le Gouvernement, sur
proposition du Conseil supØrieur de la sûretØ et de l information
nuclØaires;
- quatre experts scientifiques dØsignØs par le Gouvernement, sur
proposition de l AcadØmie des sciences.
Art. 5. - Les conditions dans lesquelles sont mis en place et
exploitØs les laboratoires souterrains destinØs
Øtudier les formations
gØologiques profondes oø seraient susceptibles d OEtre stockØs ou
entreposØs les dØchets radioactifs
haute activitØ et
vie longue sont
dØterminØes par les articles 6
12 ci-dessous.
ANNEXE
231
Art. 6. - Tout projet d installation d un laboratoire souterrain
donne lieu, avant tout engagement des travaux de recherche prØliminaires,
une concertation avec les Ølus et les populations des sites concernØs,
dans des conditions fixØes par dØcret.
Art. 7. - Les travaux de recherche prØalables
l installation des
laboratoires sont exØcutØs dans les conditions prØvues par la loi du 29
dØcembre 1892 sur les dommages causØs
la propriØtØ privØe par
l exØcution des travaux publics.
Art. 8. - Sans prØjudice de l application de la loi n 76-663 du 19
juillet 1976 relative aux installations classØes pour la protection de
l environnement, l installation et l exploitation d un laboratoire souterrain
sont subordonnØes
une autorisation accordØe par dØcret en Conseil
d Etat, aprLs Øtude d impact, avis des conseils municipaux, des conseils
gØnØraux et des conseils rØgionaux intØressØs et aprLs enquOEte publique
organisØe selon les modalitØs prØvues par la loi no 83-630 du 12 juillet
1983 relative
la dØmocratisation des enquOEtes publiques et
la
protection de l environnement. Cette autorisation est assortie d un cahier
des charges. Le demandeur d une telle autorisation doit possØder les
capacitØs techniques et financiLres nØcessaires pour mener
bien de telles
opØrations.
Art. 9. - L autorisation confLre
son titulaire,
l intØrieur d un
pØrimLtre dØfini par le dØcret constitutif, le droit exclusif de procØder
des travaux en surface et en sous-sol et celui de disposer des matØriaux
extraits
l occasion de ces travaux. Les propriØtaires des terrains situØs
l intØrieur de ce pØrimLtre sont indemnisØs soit par accord amiable avec le
titulaire de l autorisation, soit comme en matiLre d expropriation. Il peut
OEtre procØdØ, au profit du titulaire de l autorisation,
l expropriation pour
cause d utilitØ publique de tout ou partie de ces terrains.
Art. 10. - Le dØcret d autorisation institue en outre,
l extØrieur du
pØrimLtre mentionnØ
l article prØcØdent, un pØrimLtre de protection dans
lequel l autoritØ administrative peut interdire ou rØglementer les travaux
ou les activitØs qui seraient de nature
compromettre, sur le plan
technique, l installation ou le fonctionnement du laboratoire.
Art. 11. - Des sources radioactives peuvent OEtre temporairement
utilisØes dans ces laboratoires souterrains en vue de l expØrimentation.
Dans ces laboratoires, l entreposage ou le stockage des dØchets
radioactifs est interdit.
Art. 12. - Un groupement d intØrOEt public peut OEtre constituØ, dans
les conditions prØvues par l article 21 de la loi no 82-610 du
15 juillet 1982 d orientation et de programmation pour la recherche et le
dØveloppement technologique de la France, en vue de mener des actions
C
OUR DES COMPTES
232
d accompagnement et de gØrer des Øquipements de nature
favoriser et
faciliter l installation et l exploitation de chaque laboratoire. Outre l Etat
et le titulaire de l autorisation prØvue
l article 8, la rØgion et le
dØpartement oø est situØ le puits principal d accLs au laboratoire, les
communes dont une partie du territoire est
moins de dix kilomLtres de
ce puits, ainsi que tout organisme de coopØration intercommunale dont
l objectif est de favoriser le dØveloppement Øconomique de la zone
concernØe, peuvent adhØrer de plein droit
ce groupement.
Art. 13. - Il est crØØ, sous le nom d Agence nationale pour la
gestion des dØchets radioactifs, un Øtablissement public industriel et
commercial, placØ sous la tutelle des ministres de l industrie, de la
recherche et de l environnement.
Cette agence est chargØe des opØrations de gestion
long terme
des dØchets radioactifs, et notamment:
- en coopØration notamment avec le Commissariat
l Ønergie
atomique, de participer
la dØfinition et de contribuer aux programmes
de recherche et de dØveloppement concernant la gestion
long terme des
dØchets radioactifs;
- d assurer la gestion des centres de stockage
long terme soit
directement, soit par l intermØdiaire de tiers agissant pour son compte;
- de concevoir, d implanter et de rØaliser les nouveaux centres de
stockage compte tenu des perspectives
long terme de production et de
gestion des dØchets et d effectuer toutes Øtudes nØcessaires
cette fin,
notamment la rØalisation et l exploitation de laboratoires souterrains
destinØs
l Øtude des formations gØologiques profondes;
- de dØfinir, en conformitØ avec les rLgles de sûretØ, des
spØcifications de conditionnement et de stockage des dØchets radioactifs;
- de rØpertorier l Øtat et la localisation de tous les dØchets radioactifs se
trouvant sur le territoire national.
Art. 14. - Il est crØØ, sur le site de chaque laboratoire souterrain, un
comitØ local d information et de suivi. Ce comitØ comprend notamment
des reprØsentants de l Etat, deux dØputØs et deux sØnateurs dØsignØs par
leur assemblØe respective, des Ølus des collectivitØs territoriales
consultØes
l occasion de l enquOEte publique, des membres des
associations de protection de l environnement, des syndicats agricoles,
des reprØsentants des organisations professionnelles et des reprØsentants
des personnels liØs au site ainsi que le titulaire de l autorisation. Ce
comitØ est composØ pour moitiØ au moins d Ølus des collectivitØs
territoriales consultØes
l occasion de l enquOEte publique. Il est prØsidØ
par le prØfet du dØpartement oø est implantØ le laboratoire. Le comitØ se
ANNEXE
233
rØunit au moins deux fois par an. Il est informØ des objectifs du
programme, de la nature des travaux et des rØsultats obtenus. Il peut saisir
la commission nationale d Øvaluation visØe
l article 4. Le comitØ est
consultØ sur toutes questions relatives au fonctionnement du laboratoire
ayant des incidences sur l environnement et le voisinage. Il peut faire
procØder
des auditions ou des contre-expertises par des laboratoires
agrØØs. Les frais d Øtablissement et le fonctionnement du comitØ local
d information et de suivi sont pris en charge par le groupement prØvu
l article 12.
Art. 15. - Un dØcret en Conseil d Etat fixe en tant que de besoin les
modalitØs d application de la prØsente loi.
Glossaire
AEN
Agence pour l'Énergie Nucléaire de l'OCDE
AIEA
Agence Internationale de l'Énergie Atomique
Alara
As Low As Reasonably Achievable (aussi bas que
raisonnablement possible)
Andra
Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs
ASN
Autorité de Sûreté Nucléaire (dénomination, en pratique le plus
souvent utilisé, pour la DGSNR)
Assainissement
radioactif
Ensemble d’opérations visant à réduire la radioactivité d’une
installation ou d’un site, notamment par décontamination ou par
évacuation de matériels
Assemblage de
combustible
Élément de combustible nucléaire constitué de crayons
combustibles maintenus par un squelette métallique
Becquerel (Bq)
Unité de mesure de l'activité nucléaire (1 Bq = une désintégration
du noyau atomique par seconde)
CEA Valrhô
Centres de recherche du CEA de la vallée du Rhône spécialisé
dans le cycle du combustible nucléaire
Ciden
Centre d'ingénierie déconstruction et l'environnement (EDF)
Criticité
Niveau atteint lorsque le taux production des neutrons par fission
est exactement égal au taux de disparition des neutrons par
absorptions et fuites à l'extérieur
CSSIN
Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information nucléaires
Curie
Ancienne unité de mesure de l'activité nucléaire (1 Curie = 37
GBq)
Déconstruction
Selon l'acception d'EDF, ensemble des opérations, quelle que soit
leur nature, menées pour éliminer totalement dans le temps une
installation nucléaire (les opérations de MAD y sont rattachées)
Démantèlement
Terme recouvrant toutes les étapes qui suivent la MAD d'une
installation nucléaire jusqu'à son déclassement
DGSNR
Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
Drire
Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de
l'Environnement
DSIN
Direction de la Sûreté et des Installations Nucléaires (ancienne
dénomination de la DGSNR)
DSND
Délégué à la Sûreté Nucléaire et à la radioprotection pour les
activités et installations intéressant la Défense
Entreposage
Mise en dépôt, dans une installation dédiée et pour une durée
illimitée,
d'assemblages de combustible, de déchets, ou de
résidus
EPR
European pressurited reactor
EURATOM
Communauté européenne de l'énergie atomique
FA
Faible activité
Fission
Éclatement, généralement sous le choc d'un neutron, d'un noyau
lourd en deux noyaux plus petits, accompagnées d'émission de
neutrons, de rayonnements et d'un important dégagement de
chaleur
Gray (Gy)
Unité de mesure de dose absorbée
236
C
OUR DES COMPTES
GW
Symbole de gigawatt. Unité de puissance. 1 gigawatt = 1 million
de kilowatts.
GWh
Symbole de gigawattheure. Unité d’énergie correspondant à
1 million de kilowattheures.
HA
Haute Activité
IAS
International Accounting Standards
ICPE
Installations Classées pour la Protection de l'Environnement
IFRS
International Financial Reporting Standards
INB
Installation nucléaire de base
INBS
Installation nucléaire de base classée secrète
INES
International Nuclear Event Scale (échelle internationale de
définition de la gravité d'un événement survenant dans une
installation nucléaire)
IRSN
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
kW (kilo-watt)
Unité de mesure qui ne représente que la puissance « utile ».
Elle ne prend donc pas en compte l’énergie réactive nécessaire
pour le fonctionnement de certains appareils (magnétisation des
moteurs électriques par exemple).
kWh
Symbole de kilowattheure ; unité de mesure de travail et
d’énergie correspondant à 1 000 wattheure
MA
Moyenne Activité
MAD
Mise à l'arrêt définitif
Millisievert
(mSv)
Un millième de sievert (la dose moyenne d'exposition annuelle
d'origine naturelle en France et de 2,4 mSv/personne)
Mox
Mélange de d'oxydes d'uranium et de plutonium destiné à la
fabrication de combustibles nucléaires
MW
Symbole de Mégawatt. Unité de puissance. 1 mégawatt = 1 000
kilowatts. Les réacteurs nucléaires français de type REP
produisent une puissance électrique entre 900 et 1450 MW.
MWh
Symbole de mégawattheure. Unité d’énergie. 1 MWh = 1000
kWh.
NIE
Non immédiatement évacuable
Période
radioactive
Temps au bout duquel la moitié des atomes, contenus dans un
échantillon de substances radioactives, se sont naturellement
désintégrés
P
u
Plutonium
PUREX
Plutonium Uranium Refining by Extraction
Radioactivité
Propriété qu'ont certains corps d'émettre des rayonnements et de
se transformer en d'autres corps : radioactivité d'un corps se
caractérise par le rayonnement émis et par le rythme de la
transformation
Radioélément
Élément radioactif naturel ou artificiel
Radionucléide
Isotope radioactif d'un élément
Radon
Gaz radioactif naturel contenu dans le sol
Rayonnement
alpha
Radioactivité émise par des particules alpha (assemblage de 2
protons et de 2 neutrons)
Rayonnement
bêta
Radioactivité par émission d'électrons
Rayonnement
gamma
Radioactivité par émission d'ondes électromagnétiques
RCD
Reprise et conditionnement des déchets
REP
Réacteur à eau sous pression
RTR
Research and Test Reactor
SENA
Société d'Energie franco-belge des Ardennes
G
LOSSAIRE
237
Sievert (Sv)
Unité de mesure de l'équivalent de dose, c'est-à-dire de la fraction
de quantité de l'énergie apportée par un rayonnement ionisant est
reçue par un kilo de matière vivante
TFA
Très Faible Activité
tML
Tonne de métal lourd, c'est-à-dire l'ensemble des isotopes de
l'uranium et du plutonium contenu dans le combustible à retraiter
tMLi
Tonne de métal lourd initial
TWh
Symbole de térawattheure. Unité d’énergie correspondant à
1 milliard kWh.
UNAT
Uranium naturel
UNGG
Uranium Naturel Graphite Gaz
UP1
Première usine de retraitement à Marcoule
URT
Uranium issu du retraitement
UTS
Unité de séparation isotopique
VC
Vie Courte
VL
Vie Longue
LISTE DES R PONSES DES ADMINISTRATIONS
ET DES ORGANISMES INT RESS S
Pages
RØponse du Ministre de l Øconomie, des finances et de
l industrie
RØponse du Ministre de la dØfense
.
RØponse du Ministre de l Øcologie et du dØveloppement
durable
.
RØponse du directeur gØnØral de l agence nationale pour la
gestion des dØchets radioactifs (ANDRA)
.
RØponse de la PrØsidente du directoire d AREVA
.
RØponse de l Administrateur gØnØral du Commissariat
l Ønergie atomique (CEA)
. ..
RØponse du PrØsident d ElectricitØ de France (EDF)
.
241
245
257
259
263
272
279
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
241
REPONSE DU MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE
L’INDUSTRIE
Je tiens tout d’abord à souligner la qualité du rapport public
particulier sur « Le démantèlement des installations nucléaires et la gestion
des déchets radioactifs » qui offre un panorama exhaustif et pertinent de
cette question.
La lecture de ce rapport appelle de ma part des commentaires plus
particuliers sur l’Inventaire national des déchets radioactifs et des matières
valorisables, sur la stratégie de traitement – recyclage, sur le programme de
démantèlement du site de Marcoule, sur le chiffrage du coût d’un stockage
souterrain pour les déchets à haute activité et à vie longue, sur la
préparation du débat parlementaire prévu par la loi “Bataille” d’ici à 2006
et sur le financement des charges de long terme.
Il me semble tout d’abord que la présentation faite par la Cour de
l’inventaire national réalisé par l’ANDRA n’accorde pas assez d’importance
aux avancées récentes réalisées dans ce domaine grâce à la publication en
novembre 2004 de l’Inventaire national des déchets radioactifs et des
matières valorisables. Celui-ci répond en particulier à la remarque de la
Cour sur l’absence de données prospectives quant aux déchets radioactifs et
mériterait d’être présenté plus largement dans le cadre de ce rapport. C’est
un document clair et exhaustif, qui offre une vision agrégée et synthétique
des différentes catégories de déchets radioactifs présents en France. Dans un
souci de lisibilité et de transparence, les principales hypothèses utilisées
pour les déclarations prospectives y sont indiquées et leur degré de maturité
clairement précisé. Les apports de ce document méritent donc d’être
particulièrement soulignés. La réalisation de cet inventaire a été considérée
comme stratégique et les pouvoirs publics ont pris en charge la totalité des
dépenses correspondantes.
La stratégie de traitement – recyclage constitue l’hypothèse de
référence en matière de gestion de l’aval du cycle, clairement soutenue et
affichée par les Pouvoirs publics français. Le choix du traitement – recyclage
est en effet très structurant pour l’industrie nucléaire dans notre pays et
présente
des
avantages
dans
le
domaine
de
l’environnement
(conditionnement approprié des déchets ultimes), de l’utilisation rationnelle
des ressources (récupération de matières valorisables, fabrication de
combustible MOX) et de la gestion efficace du cycle (réduction importante
des quantités de combustibles usés en attente). Ce choix présente également
des atouts au point de vue stratégique (stock de matières disponibles et
sécurité d’approvisionnement) et sur le plan économique (contrats à l’export,
expertise dans le domaine).
242
C
OUR DES COMPTES
Il est vrai que les diverses études économiques menées sur l’intérêt
économique du traitement-recyclage conduisent à des résultats différents, il
convient cependant de garder à l’esprit que les hypothèses structurantes
prises en compte sont très différentes, en particulier en ce qui concerne le
cycle fermé (coûts du stockage notamment), que la majorité des études dans
le domaine concluent à une différence de coûts marginale entre le cycle
ouvert et le cycle fermé et que les externalités positives liées au choix de la
stratégie de traitement – recyclage mériteraient d’être prises en compte dans
le bilan économique comparatif.
Concernant le programme CODEM, la présentation de la Cour
n’intègre pas les dernières évolutions. Les travaux menés en 2004 entre les
Pouvoirs publics, le CEA, EDF et AREVA ont en effet permis d’obtenir une
vision consensuelle et consolidée du devis global des travaux à réaliser sur
les sites de Marcoule et de Pierrelatte ainsi qu’une répartition des parts
revenant à chacun des acteurs industriels (EDF, CEA et COGEMA). Suite à
ce travail, le Gouvernement a pris à l’automne 2004 les décisions suivantes :
-
la création d’un fonds dédié au financement des opérations de
démantèlement pour les programmes « CODEM » et « ARDEMU » ;
-
le transfert de la maîtrise d’ouvrage de ces opérations au CEA ;
-
le versement de contributions financières libératoires en provenance
d’EDF et d’AREVA prenant en compte une prime de risque de 10%.
La mise en place de ce fonds au 31 décembre 2004 ainsi que la
rationalisation de l’organisation industrielle sur le site de Marcoule,
permettront de poursuivre ces activités de démantèlement et d’assainissement
dans un cadre clarifié et d’envisager la création d’un pôle d’excellence et de
compétence sur ces thématiques au sein des sites de Marcoule et de
Pierrelatte.
A propos du chiffrage du coût d’un stockage souterrain pour les
déchets à haute activité et à vie longue, le rapport constate la hausse des
estimations réalisées en 2003 par l’ANDRA. Il semblerait toutefois
nécessaire de rappeler que les comparaisons doivent être faites sur la base
d’un scénario de gestion des combustibles usés bien défini, de façon à ne pas
introduire de biais méthodologique dans le raisonnement.
Le groupe de travail récemment créé sur ce sujet entre les pouvoirs
publics, l’ANDRA et les producteurs de déchets vise à « aboutir à un
consensus sur les hypothèses structurantes, la méthodologie de calcul, la
prise en compte des incertitudes et in fine l’établissement de coûts de
référence pour un stockage géologique profond » (lettre du 3 juin 2004 du
Directeur général de l’énergie et des matières premières aux organismes).
La démarche retenue consiste à échanger sur la base d’un chiffrage
particulier de l’ANDRA puis à étudier d’autres chiffrages. Pour la première
étape, le chiffrage étudié se base sur le scénario dit S1a (tout retraitement)
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
243
de l’ANDRA, sur un concept de stockage avec des colis empilables pour les
déchets B, pas de barrière ouvragée pour les déchets C et sur un mode de
réalisation dit « simple » (ceci recouvre les modes de creusement et de
soutènement retenus). Lors de la seconde étape, un scénario dit « industriel »
présenté par les producteurs de déchets sera également étudié et une analyse
des risques et opportunités sera menée.
Les conclusions de ce groupe devraient être finalisés d’ici à la fin du
premier trimestre 2005. Les premiers travaux ont mis en évidence que,
malgré certaines divergences de point de vue, les écarts à hypothèses
comparables entre les évaluations des producteurs et celles de l’ANDRA
restent limités compte tenu des incertitudes inhérentes à un tel projet. En
effet, il convient de rappeler les horizons temporels concernés (une mise en
service industriel ne serait envisageable que dans une vingtaine d’années) et
le niveau actuel des études, qui rendent particulièrement difficile la
réalisation dès à présent d’un chiffrage extrêmement précis.
Pour ce qui concerne la préparation de l’échéance 2006, la
présentation faite par la Cour des recherches menées selon les axes prévues
par la loi de 1991 pourrait laisser penser que les résultats sur l’axe 2 sont
limités. Il ne me semble pas justifié de développer une telle présentation. Le
programme expérimental initial, qui n’a pu être mis en place, a été redéfini
sur la base des connaissances acquises entre 1996 et 2000 et en privilégiant
les points essentiels à la démonstration de faisabilité d’un stockage
souterrain en couche géologique profonde. Pour ce faire, des recherches ont
été menées sur ces sujets clés en combinant différentes approches
expérimentales : expériences réalisées dans les puits, dans la niche
souterraine ou le début des galeries, forages menés depuis la surface,
échanges internationaux notamment via des coopérations avec le laboratoire
du Mont Terri en Suisse. Ces recherches devraient notamment permettre à
l’ANDRA de répondre dans son rapport de synthèse de mi-2005 aux
questions fondamentales suivantes :
-
la compréhension de la géologie du secteur et en particulier des
couches entourant la couche d’argile ;
-
l’homogénéité de la couche d’argile ;
-
les propriétés mécaniques de l’argile en particulier lors du
creusement ;
-
les propriétés de l’argile vis-à-vis des éléments radioactifs.
Le rapport de synthèse prévu en 2005 par l’ANDRA, ainsi que les
diverses évaluations scientifiques qui seront menées sur ce travail (par la
Commission nationale d’évaluation ou des revues internationales de pairs)
devraient établir si les réponses apportées permettent de démontrer ou non la
faisabilité scientifique d’un stockage géologique en couches profondes.
244
C
OUR DES COMPTES
Enfin, concernant le financement des charges nucléaires de très long
terme, la sécurisation des ressources nécessaires pour faire face le moment
venu aux dépenses à couvrir est un enjeu majeur. Dans ce domaine, les
Pouvoirs publics soutiennent le principe de mise en place de fonds dédiés
permettant de garantir la disponibilité des ressources. A ce titre, la mise en
place en 2001 d’un fonds dédié aux opérations de démantèlement et
d’assainissement des installations civiles du CEA a permis à l’établissement
d’assurer une lisibilité importante en ce qui concerne le financement de ces
programmes. Les progrès effectués dans ce domaine par Areva, notamment
au travers de la création d’un comité spécialisé émanant du Conseil de
surveillance et chargé de veiller à la bonne gouvernance des actifs dédiés,
méritent également d’être soulignés.
Différentes modalités sont envisageables pour mettre en place des
fonds dédiés et la réflexion doit être poursuivie concernant notamment les
modalités de sécurisation, de gestion et de contrôle. A ce stade, il semble que
tant que la responsabilité financière des charges de long terme et de la
réalisation concrète des opérations associées repose sur les producteurs, ces
fonds ont vocation à rester internes aux organismes concernés. Ils devraient
alors être dotés de modalités de gouvernance spécifiques, en particulier par
une comptabilité séparée et la mise en place d’un comité de surveillance
garant du respect de la stratégie de démantèlement, de la bonne gestion du
fonds et de son étanchéité vis-à-vis des autres ressources et dépenses de
l’organisme. Dans le contexte de la libéralisation des marchés de
l’électricité, les cadres législatifs national et communautaire pourraient être
amenés à évoluer de façon à renforcer les garanties de disponibilités des
ressources. Par ailleurs, l’évaluation des charges à couvrir doit également
pouvoir être réexaminée à intervalles réguliers, éventuellement en recourant
à des expertises externes, de manière à réévaluer le passif et à construire une
allocation actif / passif pertinente pour assurer la disponibilité des
ressources nécessaires le moment venu.
Cette position générale a notamment été prise en compte dans le
cadre des discussions du « Paquet » de directives nucléaires proposé par la
Commission européenne en 2002, où la France a soutenu l’insertion de
dispositions contraignantes relatives au financement du démantèlement des
installations nucléaires. Ces projets de directives n’ont pu être adoptés par le
Conseil. Celui-ci a toutefois adopté, sous l’impulsion de la France, des
Conclusions visant à mettre en place un processus de concertation entre les
États membres, incluant un échange d’informations et une évaluation
réciproque des pratiques en matière de prise en compte des charges de long
terme, devant aboutir au choix d’instruments juridiques appropriés dans le
cadre du Traité Euratom.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
245
REPONSE DU MINISTRE DE LA DEFENSE
Les questions traitées dans ce rapport public particulier sont
importantes pour le ministère de la défense, qu’il s’agisse de la sûreté
nucléaire, pour laquelle le ministère de la défense et le ministère de
l’industrie assument conjointement la tutelle de l’autorité de sûreté
compétente - le DSND
69
- en matière d’INBS
70
en particulier, ou de la
couverture des charges financières incombant au CEA en matière de
démantèlement des installations nucléaires et de gestion des déchets
radioactifs.
Le ministère de la défense tient, en premier lieu, à souligner que les
exigences applicables aux INBS en matière de sûreté sont les mêmes que
celles imposées aux INB et que les procédures et organisations sont adaptées
pour prendre en compte des exigences complémentaires légitimes en matière
de protection du secret de défense, et parfois contradictoires avec les
objectifs de transparence. Le DSND met en oeuvre cette politique en
s’appuyant au maximum sur les acquis et les méthodes dont dispose la
DGSNR
71
, en particulier en matière de démantèlements et de traitement des
déchets. Le déclassement dès que possible d’INBS en INB est la règle et doit
être, en particulier, recherché au stade du démantèlement. Il convient d’être
conscient que la mise en oeuvre de cette disposition doit tenir compte du fait
qu’une INBS est en général constituée de plusieurs installations dont les
démantèlements n’ont, a priori, pas de raison d’intervenir simultanément.
Concernant la couverture des charges de démantèlement et de
traitement des déchets, le CEA ne dispose pas, contrairement à EDF et
Cogema, de ressources financières propres pour assumer ses obligations
d’exploitant d’installations nucléaires. Le ministère de la défense considère
qu’il est essentiel que des dispositifs de financement pérennes soient mis en
place pour l’ensemble des installations du CEA, qu’elles soient civiles ou
intéressant la Défense. Ceci concerne dès maintenant les grands programmes
en cours relatifs aux installations de production de matières fissiles de la
vallée du Rhône, suite aux décisions d’arrêt des productions prises dans les
années 90. Ceci concernera à l’avenir le démantèlement des autres
installations intéressant la Défense - qu’elles soient au sein du CEA/DAM ou
sur les sites de Marcoule, Pierrelatte et Cadarache - et le stockage des
déchets correspondants. L’ensemble correspond à un montant actuellement
évalué par le CEA à près de 4,5 G€, comparable à celui relatif aux
installations civiles du CEA.
69
) Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et
installations intéressant la défense.
70
) Installation nucléaire de base secrète.
71
) Direction générale de sûreté nucléaire et de la radioprotection.
246
C
OUR DES COMPTES
La question de la garantie de la pérennité de ces financements peut
trouver une réponse sous une forme budgétaire ou extrabudgétaire. Le
gouvernement a proposé et le Parlement a décidé que, dans le cadre de la loi
de la programmation militaire (LPM) 2003-2008, le budget du ministère de
la défense (tout comme celui du ministère de l’industrie dès les années 90),
ne contribuerait que minoritairement à ces financements, le complément de
financement devant être apporté par un fonds de démantèlement à mettre en
place en 2003.
Le ministère de la défense n’a pu obtenir que le fonds créé en 2001 au
sein du CEA, grâce aux actifs apportés par la création d’Areva, puisse être
consacré pour partie au financement des programmes CODEM et ARDEMU,
la priorité étant alors accordée aux installations civiles du CEA. Il était
pourtant tout à fait légitime que le démantèlement des installations du CEA
intéressant la défense bénéficie de ces ressources, dans la mesure où les
actifs du groupe Areva sont pour une part significative, le fruit des crédits
apportés depuis plus de 40 ans par le ministère de la défense (technologies
de l’enrichissement et du retraitement en particulier) au CEA et aux
entreprises constitutives d’Areva.
Le choix fait par le Gouvernement, dès l’année 2002, de recourir à un
financement de l’essentiel de ces opérations par
la constitution d’un fonds
de démantèlement doit permettre de disposer d’une solution de financement
pérenne. Ce fonds dédié au démantèlement des installations de production
des matières fissiles est en cours de mise en place au sein du CEA. L’origine
des actifs étatiques reste à déterminer mais l’ouverture du capital d’Areva
72
,
annoncée au début de l’année 2005, devrait apporter une réponse
satisfaisante à cette question.
Enfin, le ministère de la défense partage le souci des organismes
concernés par la question du stockage des déchets de haute activité et à vie
longue de disposer d’une évaluation crédible des coûts associés.
***
72
) Dont il convient de souligner que les actifs sont, pour une part significative, le
fruit des crédits apportés depuis plus de 40 ans par le ministère de la défense
(technologies de l’enrichissement et du retraitement en particulier) au CEA et aux
entreprises constitutives d’Areva.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
247
ANNEXE A LA REPONSE DU MINISTRE DE LA DEFENSE
La présente annexe expose l’ensemble des observations suscitées par
le rapport public de la Cour dans un ordre qui suit le plan adopté pour sa
rédaction.
Observations relatives à l’introduction du rapport public
La Cour précise l’objet du rapport. Il convient de comprendre, ce qui
pourrait être plus explicite, que celui-ci couvre l’ensemble des installations
sous la responsabilité du CEA et du groupe Areva mais exclut les activités
menées au sein du ministère de la défense. Dans la mesure où la France a
décidé de mettre fin aux essais nucléaires, il convient de parler, concernant
le CEA et le groupe Areva, des installations servant à la conception, au
développement, à la fabrication et au démantèlement des armes nucléaires. Il
convient d’y ajouter les installations servant à la conception, la fabrication et
l’entreposage des combustibles destinés aux réacteurs nucléaires de la
propulsion navale. La note de bas de page devrait également être modifiée
dans ce sens, en mentionnant les activités ou les installations plutôt que les
objets et les systèmes.
Observations relatives à la première partie du rapport public : Champ et
enjeux du démantèlement des installations nucléaires et de la gestion des
déchets radioactifs
Chapitre I – les principaux intervenants et leurs enjeux
* Concernant le point I – Les entreprises publiques, exploitants nucléaires :
Le ministère de la défense partage l’appréciation de la Cour sur la
complexité des mécanismes de financement de l’ANDRA
73
et souhaite que
des règles soient fixées en la matière.
La rédaction du rapport de la Cour donne l’impression que les
producteurs de déchets n’ont pas assumé leurs responsabilités de financeurs.
Il convient de souligner que les fonds propres de l’Agence résultent
directement ou indirectement des marges dégagées par celle-ci sur les
opérations financées par les producteurs.
* Concernant le point II – Les pouvoirs publics :
Le statut d’autorité administrative indépendante n’est pas forcément
la solution pour une autorité de sûreté nucléaire (Cf. l’avis rendu par le
Conseil d’Etat, le 3 juin 1999, rejetant le projet de loi relatif à la
transparence en matière nucléaire, à la sûreté nucléaire et à la protection
73
) Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
248
C
OUR DES COMPTES
contre les rayonnements ionisants). Les avis sont donc partagés et est
également soutenue la position selon laquelle le contrôle de la sûreté
nucléaire et de la radioprotection est une fonction régalienne de l’Etat et
donc que l’autorité de sûreté nucléaire doit dépendre de ses ministères de
rattachement.
En revanche, la Cour estime avec raison et à la lumière de
l’expérience que, bien que dépendant de trois ministères, la Direction
générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) fait preuve
d’une certaine indépendance.
Cette même partie du rapport ne traite pas du cas de l’autorité de
sûreté nucléaire (ASN) pour la défense (DSND
74
), ce qui est l’occasion de
souligner qu’il n’existe pas une seule ASN. S’agissant de son indépendance,
la question ne se pose pas pour le DSND qui exerce ses responsabilités par
délégation des ministres de la défense et de l’industrie.
Chapitre II – Panorama des installations nucléaires et des déchets
radioactifs
* Concernant le point I – Les installations nucléaires en France :
Point B – Les installations nucléaires intéressant la défense
Ce qui est dit dans cette partie du rapport de la Cour n’est pas exact
pour les INBS
75
, surtout « industrie ». En outre, les procédures associées
font
l’objet
d’une
certaine
information
du
public :
commissions
d’information auprès desdites installations, mesures dans l’environnement,
déclarations d’incidents ; par ailleurs, le décret n° 95-613 du 4 mai 1965
relatif aux rejets d’effluents liquides et gazeux et aux prélèvements des
installations nucléaires de base prévoit, y compris pour les INBS, une
procédure d’enquête publique sous certaines conditions. Il est regrettable
que le rapport ne fasse pas état des progrès considérables accomplis dans le
domaine de la transparence en matière de nucléaire de défense, depuis une
dizaine d’années. On peut rappeler, à cet égard que, jusqu’au décret du
11 octobre 1999, instituant le DSND, et remplacé par celui du 5 juillet 2001,
le texte relatif à l’existence et aux attributions et pouvoirs de l’autorité de
sûreté défense était une note classifiée « confidentiel défense » et donc
difficilement accessible.
Enfin, l’explication de la situation juridique très variée pourrait être
développée en indiquant que, lors de la création de Cogema en 1976, il a été
décidé de lui confier le rôle d’exploitant nucléaire de l’ensemble de l’outil de
production du CEA, mais de ne pas transférer la propriété des installations
74
) Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et
installations intéressant la défense.
75
) Installation nucléaire de base classée secrète
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
249
qui étaient à vocation purement défense (usines de diffusion gazeuse de
Pierrelatte ou réacteurs Célestins de Marcoule par exemple).
Il ne faut pas confondre le périmètre géométrique d’un site complexe
et le périmètre administratif de l’INBS. Ce dernier ne contient pas
d’installations civiles.
La question du financement du fonctionnement des INBS paraît sans
objet ;
Les installations de Miramas ne constituent pas une INBS ;
La responsabilité du financement du démantèlement des installations
incluses dans ces INBS incombe au CEA, en tant qu’exploitant et/ou
propriétaire des installations ou en vertu des dispositions contractuelles
entre le CEA et les entreprises du groupe Areva. Le ministère de la défense
transfère au CEA les crédits inscrits à son budget, à la hauteur des activités
menées au profit de la Défense au sein des installations incluses dans ces
INBS
76
et selon des arbitrages rendus en matière de financement. D’autres
mécanismes de financement sont envisageables, à l’image de ce qui est
pratiqué concernant les INB civiles du CEA.
Concernant la compétence des Autorités de sûreté, le DSND peut
parfaitement
accompagner
le
démantèlement
des
« installations
individuelles » comprises dans les INBS (et non « le démantèlement d’une
INBS »), sans qu’il soit nécessaire de passer au statut d’INB, comme le
recommande le rapport, y compris en s’appuyant sur la doctrine de la
DGSNR en la matière. Le DSND estime au contraire que le passage au civil
doit se faire dans un état final sain.
* Concernant le point II – Les déchets radioactifs en France
Point B - La grande diversité des producteurs et détenteurs de déchets
Le rapport pourrait mieux distinguer, comme le fait l’inventaire de
l’ANDRA, les établissements et activités liés à la force de dissuasion,
extérieurs au ministère de la défense, et les établissements et activités, liés ou
non à la force de dissuasion, au sein du ministère de la défense.
Concernant les établissements liés à la défense nationale, le rapport
de la Cour vise non pas les déchets extérieurs au ministère de la défense mais
uniquement les déchets entreposés au sein des établissements du ministère de
la défense. La rédaction donne en outre l’impression que ces déchets ne
disposent pas de filières d’élimination. Or les déchets détenus par le
ministère de la défense n’ont pas de caractéristiques spécifiques vis-à-vis de
ceux de l’électronucléaire et utilisent les mêmes filières de gestion. Le
ministère de la défense rencontre par conséquent les mêmes difficultés que
76
) Une INBS comprend plusieurs installations individuelles qui n’ont, en général,
pas toutes été utilisées exclusivement au profit de la défense.
250
C
OUR DES COMPTES
les autres détenteurs pour éliminer certains déchets ne disposant pas encore
de filières d’évacuation. Enfin ces déchets sont entreposés, soit sous la
responsabilité de la DGA
77
(Cherbourg), soit sous la responsabilité de la
marine nationale (Brest et Toulon).
Concernant les sites et centres dédiés à l’entreposage et au stockage,
la même remarque que celle relative aux établissements liés à la défense
nationale peut être faite. Par ailleurs le ministère de la défense transmet
annuellement, depuis 1993, à l’ANDRA les informations de son ressort
nécessaires pour l’établissement de l’inventaire national des déchets
radioactifs et ne comprend pas l’appréciation de la Cour sur le caractère
succinct de ces informations.
Point D - Les interrogations sur les combustibles irradiés
Concernant les autres combustibles usés, le ministère de la défense ne
partage pas l’idée d’une intention d’entreposage des combustibles usés de la
propulsion navale pour une durée indéfinie dans l’installation CASCAD. Des
études technico-économiques sont menées, comme le fait EDF, pour
déterminer la stratégie de gestion (stockage direct, retraitement) de ces
combustibles, en liaison avec les études relatives à un éventuel centre de
stockage des déchets HAVL. Des orientations devraient être prises d’ici la fin
de la décennie, à une échéance cohérente avec la pérennité et la capacité des
moyens d’entreposage de ces combustibles.
Chapitre III – Les règles applicables au démantèlement et à la gestion des
déchets
* Concernant le point I – Les règles applicables au démantèlement des
installations nucléaires de base :
En application du décret fondateur du 5 juillet 2001, le DSND a
publié un projet de directive sur les procédures de démantèlement des INBS
équivalent et cohérent avec la circulaire DGSNR du 3 février 2003. De ce
fait, il se donne les moyens d’accompagner les opérations de démantèlement
au même titre que la DGSNR.
* Concernant le point II - Les règles applicables aux déchets radioactifs :
Ce n’est pas la commission nationale d’évaluation (CNE), qui ne
traite que de la recherche et non de la stratégie industrielle, qui prépare
seule les rapports du gouvernement, mais les administrations. Celles-ci vont
publier, très prochainement, un pré-rapport « GID 2004 ».
77
) Délégation générale pour l’armement.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
251
Conclusion de la 1
ère
partie
Le ministère de la défense estime que le renouvellement du DSND
s’est effectué de manière satisfaisante en 2003, eu égard aux conditions
particulières correspondantes.
Observations relatives à la deuxième partie du rapport : Premières
expériences de démantèlement et de stockage des déchets radioactifs
Chapitre I – Premières expériences de démantèlement
Les activités menées au sein de ces INBS ne permettent pas au DSND,
pour des raisons de protection du secret de défense, de communiquer, comme
peut le faire l’ASN
78
. Le ministère de la défense, le ministère de l’industrie
et le DSND mènent un certain nombre de réformes qui visent à améliorer la
transparence dans le domaine du nucléaire intéressant la défense. La
création en 2004 de Commissions Locales d’Information (CLI) auprès des
INBS, comme cela est déjà le cas pour les INB, témoigne de cette volonté et
de cette démarche.
* Concernant le point I – La situation au CEA :
Le rapport de la Cour ne traite que de la problématique des
installations civiles du CEA, contrairement à ce qu’annonçait l’objet du
rapport. La direction du patrimoine et de l’assainissement n’assure, au sein
du CEA/DEN, que la maîtrise d’ouvrage des programmes d’assainissement
des installations civiles du CEA. Les autres programmes sont conduits par le
CEA/DAM.
Le ministère de la Défense juge indispensable que les aspects relatifs
aux installations du CEA intéressant la Défense soient développés de la
même façon (organisation, programmation, devis, financement) que ceux
relatifs aux installations civiles du CEA, en accord avec l’objet du rapport.
Le ministère de la défense ne peut se prononcer sur l’avis de la Cour
au sujet du démantèlement des installations civiles du CEA. Il peut en
revanche témoigner du bon déroulement des programmes de démantèlement,
dont le CEA/DAM assume la maîtrise d’ouvrage de façon efficace, et en
particulier du programme ARDEMU de démantèlement des usines
d’enrichissement de l’uranium à Pierrelatte.
78
) Autorité de sûreté nucléaire (dénomination, en pratique le plus souvent utilisé,
pour la DGSNR).
252
C
OUR DES COMPTES
* Concernant le point II - Le démantèlement de l’usine de retraitement de
Marcoule :
Il serait utile d’indiquer quels problèmes la Cour propose d’analyser,
dans la perspective d’une transposition au cas de La Hague, sachant que les
problématiques de pérennité du site ne sont pas comparables. Sur ce sujet, le
cas de Marcoule a été évoqué et a fait l’objet d’une réponse dans le cadre du
rapport particulier sur la gestion du GIE CODEM, établi par la Cour au
début de l’année 2004.
Point A : Le site de Marcoule et la création du GIE Codem
Les raisons invoquées pour expliquer l’arrêt des activités d’UP1 au
profit de la Défense sont insuffisantes et inexactes. Elles sont par ailleurs
sans objet vis-à-vis de l’objet du rapport.
L’INBS de Marcoule correspond à un périmètre dans lequel ont été
créées plusieurs installations individuelles. Par la suite ont été construites
des INB en dehors de cette INBS. Un plan du site de Marcoule, donnant le
régime des différentes installations, aurait le mérite de faciliter la
compréhension de ce sujet, complexe pour des raisons historiques.
L’observation de la Cour « la sous-activité a été compensée par des
rémunérations supplémentaires » doit être clarifiée et indiquer, qu’au sein du
GIE CODEM, le CEA agissait également pour son compte.
Le rapport de la Cour revient longuement sur la question du statut
d’INBS de Marcoule. Il conteste une situation (le maintien du statut d’INBS),
sans indiquer de solution alternative. Le ministère de défense confirme que la
position qu’il a indiquée en 1996 doit être la règle
79
mais ne partage pas
l’avis de la Cour sur le fait que des décisions contestables aient été prises en
la matière au sujet de l’INBS de Marcoule. Le maintien temporaire du
régime d’INBS est une nécessité actuelle qui ne nuit en rien à la sûreté des
installations. Des discussions sont en cours entre les deux autorités de sûreté
pour déterminer les conditions de transfert de responsabilité.
La présence de matières nucléaires n’est pas la seule raison
nécessitant le maintien du statut d’INBS ; on peut également mentionner la
présence d’équipements ou l’utilisation de référentiels d’exploitation
sensibles sur le plan de la prolifération nucléaire (élaboration du plutonium
métal par exemple).
La position de la DGNSR, qui préconise de prendre en charge elle-
même le démantèlement des installations relevant de la Défense, est très
théorique. Le démantèlement de l’usine UP1 est en fait très avancé, puisqu’il
a commencé en 1996 et qu’y ont été dépensés environ 1 milliard d’euros,
79
) « les installations ne pouvant dûment justifier le caractère secret de leurs activités
devront être déclassées et soumises à l’ensemble des règles de droit commun ».
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
253
conformément aux programmes prévus (alors que celui d’UP2-400, avec
lequel une « synergie » serait obtenue n’a pas démarré) et la conclusion du
paragraphe (ne pas changer de contrôleur au milieu du gué) est nettement
plus réaliste.
Point B : Enjeux, difficultés et défis du démantèlement de Marcoule
Le ministère de la défense estime que les difficultés évoquées sont
indépendantes du régime d’INBS du site de Marcoule et qu’elles résultent de
pratiques et de connaissances d’une époque qui concernaient autant les
installations au sein des INBS que les INB civiles, comme en témoigne la
situation à La Hague en particulier. Le ministère de la défense laisse au CEA
et à Cogema le soin de juger du caractère justifié des reproches faits par la
Cour.
Le DSND est disposé, et les discussions ont déjà commencé en ce
sens, à mettre en oeuvre un système dit « d’autorisation interne dérogatoire »
(dans le cas d’écarts au référentiel de démantèlement ne présentant pas de
réel enjeu de sûreté) qui permettra de réduire le nombre d’autorisations
transitant par le DSND et son appui technique. L’appui technique étant le
même pour la DGSNR et pour le DSND, il n’y a donc pas de « dispersion des
moyens » entre les deux autorités de sûreté.
Le ministère de la défense ne partage pas les propos de la Cour au
sujet du désengagement du ministère de la défense et tient à apporter les
précisions suivantes :
-
les difficultés de financement sur la loi de programmation militaire
(LPM) 2003-2008 ont été perçues par le ministère, dès la fin de l’année
1999 : les charges particulièrement importantes étaient la conséquence
inéluctable
de
la
réalisation
simultanée
d’opérations
majeures
(programme simulation et démantèlements) résultant des décisions de
la décennie 90 (arrêt des essais nucléaires, arrêt de la production de
matières fissiles) ;
- l’orientation consistant à retenir pour la préparation de la LPM 2003-
2008 l’hypothèse d’une limitation des ressources du ministère de la
défense consacrées aux démantèlements a été prise en mai 2000 par le
Comité mixte Armées-CEA sur proposition du CEA
80
; elle était de fait
imposée par les arbitrages rendus concernant l’agrégat nucléaire ;
- le ministère de la défense n’a pu obtenir que le fonds créé en 2001 au
CEA puisse être consacré pour partie au financement des programmes
CODEM et ARDEMU, du fait d’une opposition du ministère de
80
) A cette date, l’administrateur général du CEA avait indiqué par écrit au ministre
de la défense que la contribution du futur fonds dédié au démantèlement des
installations du CEA était légitime et envisageable à hauteur de 500 MF par an à
compter de 2003.
254
C
OUR DES COMPTES
l’économie, des finances et de l’industrie (MINEFI) au cours des
travaux préparatoires à la mise en place du fonds au CEA, conduits
entre mai 2000 et juin 2001. Il était pourtant tout à fait légitime que le
démantèlement des installations du CEA intéressant la Défense
bénéficie de ces ressources, dans la mesure où les actifs du groupe
Areva sont, pour une part significative, le fruit des crédits apportés
depuis plus de 40 ans par le ministère de la défense (technologies de
l’enrichissement et du retraitement en particulier) au CEA et aux
entreprises constitutives d’AREVA ;
- face à une situation dans laquelle le ministère de la défense et le
ministère de
l’industrie étaient
tous
deux dans
l’impossibilité
d’apporter, sur leur budget, les ressources nécessaires au CEA pour
honorer
ses
obligations
en
matière
de
démantèlement
et
d’assainissement,
le
MINEFI
a décidé
en
2001 de
procéder
partiellement au règlement de la question, la priorité étant alors
accordée aux installations civiles du CEA.
Les propositions de réorganisation du CEA ne concernaient que le
site de Marcoule, l’organisation de Pierrelatte étant inchangée.
Point C : Bilan en 2004
Concernant le changement d’exploitant de l’INBS de Marcoule, la
décision des pouvoirs publics concernant le transfert au seul CEA de la
maîtrise d’ouvrage du programme CODEM, précédemment confiée,
également par les pouvoirs publics, à un GIE en tant que structure client
s’impose à tous. Pour sa part, le DSND, en ce qui concerne la sûreté,
s’assurera, à l’occasion de la mise au point du décret de changement
d’exploitant de l’INBS, de l’aptitude du nouvel exploitant CEA à assurer ses
responsabilités d’exploitant nucléaire. Les premiers contacts indiquent que le
CEA reconduirait pour le site de Marcoule, et en particulier pour l’INBS, le
même schéma d’organisation que pour les autres sites du CEA civil, qui
relèvent de la DGSNR et ont obtenu l’approbation de cette dernière.
Le ministère de la défense considère que la débudgétisation des
programmes de démantèlement, assortie à la création d’un fonds demandée
pour mi-2003, est une évolution favorable en matière de sécurisation des
financements et de pluriannualité des opérations. Elle répond aux
recommandations de la Cour, faites en 1998, au sujet du financement des
démantèlements et la prochaine ouverture du capital d’Areva devrait sans
aucun doute permettre à l’État d’apporter au fonds défense les actifs qui lui
manquent.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
255
Chapitre II – La mise en oeuvre de solutions pour le stockage des déchets
radioactifs
Concernant le coût du stockage profond, le ministère de la défense
partage les préoccupations exprimées par la Cour sur les devis et le
financement des opérations de stockage des déchets HAVL.
Les déchets tritiés n’ont pas d’exutoire. La DGSNR et l’ANDRA
refusent de les admettre au centre de stockage de l’Aube et privilégient le
marquage environnemental d’un seul site, à savoir le centre de Valduc, qui
devra donc grossir et pérenniser ses entreposages. Le DSND juge cette
situation regrettable.
Conclusion de la deuxième partie
Le ministère de la défense tient à souligner que les capacités
managériales du CEA/DAM, concernant les opérations d’assainissement
dont il a la charge, ne lui semblent pas devoir être mises en cause.
Il ne partage pas les conclusions de la Cour sur la question du
financement de la part incombant à l’Etat dans le programme CODEM. En
effet, il ne s’agit plus d’un hypothétique fonds. Sa constitution est attendue,
en accord avec les décisions prises par les pouvoirs publics pour les toutes
prochaines semaines.
Enfin, le ministère de la défense partage le souci exprimé dans le
rapport de voir fiabilisés les devis de stockage des déchets HAVL.
Observations relatives à la troisième partie : Interrogations et incertitudes
actuelles
Chapitre II – Le financement des charges nucléaires futures
Le rapport pose clairement la question de la stratégie à adopter par
l’Etat pour assurer au CEA les ressources financières nécessaires à la
réalisation de ses programmes de démantèlement. Dans ce contexte, le
ministère de la défense doit rappeler que la question se pose dans les mêmes
termes pour les installations civiles et les installations défense et doit être
résolue selon les mêmes principes.
Le ministère de la défense tient à souligner que l’arbitrage rendu en
juin 2001 a consisté à consacrer, en premier lieu, le fonds qui venait d’être
créé aux installations civiles du CEA, son extension aux installations défense
étant alors prévue ultérieurement. Il a été finalement décidé, en 2003, de
créer un fonds défense distinct du fonds civil.
Le ministère de la défense ne
s’est pas désengagé unilatéralement mais en accord avec le Premier ministre
du
fait
des
contraintes
de
cadrage
de
l’agrégat
nucléaire.
Son
256
C
OUR DES COMPTES
désengagement n’est par ailleurs pas le seul car il a été précédé de celui du
ministère de l’industrie
81
,
ce que le rapport pourrait utilement rappeler.
Chapitre III – Communication, informations et transparence sur les déchets
radioactifs
Concernant les commissions locales d’information (CLI) : Il convient
de signaler aussi l’existence des commissions d’information (CI), qui ont été
mises en place auprès des sites Défense, en application des articles 4 et 5 de
décret précité du 5 juillet 2001, d’autant plus que les CLI, mises en place
auprès des INB, ou des sites en comportant, n’ont pour tout support qu’une
circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981 et visant les grands
équipements énergétiques.
Observations concernant la conclusion générale du rapport public
Le ministère de la défense souscrit globalement aux conclusions
formulées.
Le DSND, comme la DGSNR, insiste pour que sur les deux plans de
reprise des déchets anciens et du démantèlement des installations nucléaires
mises à l’arrêt, les délais ne soient pas allongés. Les déchets anciens doivent
être repris avant de voir leurs conditions d’entreposage se dégrader et les
installations doivent être assainies et démantelées avant que les équipes
d’exploitation qui les connaissent bien ne soient dispersées. Cette volonté du
DSND rejoint les préoccupations exprimées en conclusion du rapport.
81
) Dès 1993, la subvention civile du CEA ne couvrait plus l’ensemble des
opérations, les ressources étant apportées pour partie par EDF et Cogema. A
compter de 2001, elle ne finance que la part de main d’oeuvre CEA des opérations, le
fonds civil finançant le reste.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
257
REPONSE DU MINISTRE DE L’ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT
DURABLE
Le rapport public particulier de la Cour des comptes me paraît
constituer une synthèse tout à fait utile des problématiques liées au
démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets
radioactifs, notamment en ce qui concerne les charges financières afférentes,
dans un cadre temporel qui s’étend sur plusieurs décennies.
Un élément nouveau, qui mérite d’être pris en compte, est apparu en
novembre 2004, à la suite d’un travail demandé par le Gouvernement : la
publication par l’ANDRA de l’inventaire national des déchets radioactifs et
des matières valorisables. Cet inventaire comprend une dimension
prospective qui avait manqué jusque-là à l’Observatoire national des déchets
radioactifs.
A cet égard, l’un des objectifs du Plan national de gestion des déchets
radioactifs, dont j’ai confié le pilotage à la direction générale de la sûreté
nucléaire et de la radioprotection, visant à obtenir un inventaire fiable et
exhaustif des déchets radioactifs, semble ainsi atteint. Il subsiste néanmoins à
améliorer globalement la connaissance des déchets produits par les activités
nucléaires situées en dehors du secteur électronucléaire (hôpitaux,
universités, industries des terres rares…). Ainsi, il pourrait être utile
d’imposer aux producteurs de déchets radioactifs une déclaration de
détention de tels déchets afin d’améliorer la connaissance des pouvoirs
publics dans le domaine.
L’inventaire national des déchets radioactifs et des matières
valorisables de l’ANDRA mentionne ainsi, au titre des matières valorisables,
l’existence en 2002 de 220 000 t d’uranium appauvri en isotope 235.
Le rapport particulier signale le problème du devenir de l’uranium issu du
traitement du combustible irradié. Le devenir de l’uranium appauvri pose
des problèmes relativement similaires, qui pourraient être également
mentionnés. Son activité massique est certes plus faible (20 kBq/g pour
l’uranium appauvri contre 90 kBq/g pour l’uranium de retraitement), mais
les quantités de matières stockées sont plus importantes. Or, il n’existe pas
de procédé industriel actuellement opérationnel permettant d’utiliser ces
matières, même si de tels procédés sont envisagés dans un avenir plus ou
moins lointain (ré-enrichissement dans une installation utilisant la
technologie de l’ultracentrifugation, comme l’installation en projet GB II de
COGEMA, ou utilisation tant que matière nucléaire fertile dans les réacteurs
à neutrons rapides). Les éventuelles charges financières potentielles que
pourraient causer ces très importants volumes de matières radioactives, si
jamais elles venaient à être considérées finalement comme déchets, n’ont pas
été évaluées. Aucune étude n’a été confiée à l’ANDRA, à titre de précaution,
sur la façon dont ces matières pourraient être stockées définitivement. Il me
258
C
OUR DES COMPTES
semble donc important que cette problématique apparaisse dans la mesure
où les volumes de matières sont très importants, et par conséquent, les
charges financières potentielles, très élevées.
Concernant le financement à long terme, le contexte particulier de
modification de statut et d’ouverture du capital d’EDF et d’AREVA rend
nécessaire la mise en place d’un système permettant de garantir la
disponibilité et la suffisance, au moment venu, des fonds de démantèlement et
de gestion à long terme des déchets nucléaires. Dans le cadre de l’échéance
fixée par la loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets de haute
activité à vie longue, la question de la propriété et de la responsabilité à long
terme de ces déchets sera vraisemblablement posée, notamment par leurs
détenteurs actuels. A cette occasion, j’attache une importance particulière à
ce que les grands principes du code de l’environnement en ce qui concerne
tous le types de déchets, et en particulier, la responsabilité financière du
producteur du déchet, restent également appliqués en ce qui concerne les
déchets nucléaires, et qu’il ne se crée pas une exception dans ce domaine.
Pour ce qui touche à la constitution des fonds de démantèlement, le
rapport signale avec justesse la disparité de situation que la création du
fonds de démantèlement des installations civiles du Commissariat à l’énergie
atomique avait créée vis-à-vis des installations de défense. La constitution
d’un fonds de démantèlement des installations de défense, en demandant aux
exploitants EDF et COGEMA de verser leur contribution, apparaît de ce
point de vue pertinente. Néanmoins, je note que l’Etat devra financer, le
moment venu, sa propre part des dépenses engendrées par le démantèlement
des installations de défense, ce qui représente pratiquement la moitié des
dépenses totales. Du point de vue de la sûreté nucléaire, il est important que
des ruptures de financement ne se produisent pas pendant les travaux de
démantèlement, et que ces travaux puissent se poursuivre avec constance et
continuité. C’est pourquoi il paraîtrait pertinent de prévoir d’ores et déjà
quelles seront les modalités de financement par l’Etat, afin de répondre à
cette préoccupation.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
259
REPONSE DU DIRECTEUR GENERAL DE L’AGENCE NATIONALE
POUR LA GESTION DES DECHETS RADIOACTIFS (ANDRA)
1/ Inventaire des déchets radioactifs
La Cour formule plusieurs observations sur l’inventaire des déchets
radioactifs en considérant notamment que des progrès peuvent encore être
accomplis dans ce domaine et en esquissant une comparaison internationale.
Ces remarques appellent les commentaires suivants :
-
comme toutes les démarches de collecte de données, l’inventaire
correspond à un travail qui s’inscrit nécessairement dans la durée.
Lancé dès le début des années quatre-vingt-dix, le processus
d’inventaire des déchets a permis de produire une information d’une
précision sans cesse croissante ;
-
concernant les déchets ne relevant pas du secteur électronucléaire, la
difficulté provient du fait qu’ils renvoient à des pratiques très variées et
à de nombreux « petits » producteurs. Toutefois, les efforts conduits au
cours des années antérieures permettent de disposer d’une bonne vision
d’ensemble. En particulier, on ne s’attend pas des évolutions sensibles
au cours des prochaines années ;
-
pour les déchets liés à l’électronucléaire, il faut distinguer nettement les
déchets existants des déchets à produire. Il existe une connaissance
précise des déchets déjà produits, même si une incertitude subsiste pour
les déchets non encore conditionnés, dont le conditionnement futur
pourra, le cas échéant, modifier le volume. Pour sa part, la
détermination des déchets à produire ne peut être réalisée qu’à partir
d’hypothèses. On dispose aujourd’hui de prévisions en fonction de
divers scénarios d’évolution industrielle. Il est logique que des options
restent encore ouvertes au plan industriel pour les prochaines années. Il
n’est pas possible d’en inférer une imprécision de l’inventaire. On
soulignera de plus que cette question doit également être distinguée de
celle des données d’entrée nécessaires aux recherches liées à la loi du
30 décembre 1991. Pour ces dernières, on retient un inventaire
« enveloppe »
qui
vise
à
couvrir
les
principales
évolutions
envisageables ;
-
la parution en novembre 2004 du premier inventaire national des
déchets et des matières radioactives constitue l’aboutissement de dix
années d’effort dans le domaine de l’inventaire des déchets et offre un
outil de référence pour tous les acteurs. En particulier, le plan national
de gestion des déchets radioactifs, évoqué par la Cour, devra prendre
pour référence l’inventaire national. Il ne semblerait pas réaliste ou
justifié d’imaginer de lancer une démarche d’inventaire de nature
différente ;
260
C
OUR DES COMPTES
-
enfin, la comparaison avec les inventaires réalisés au plan international
souligne que la France se place favorablement dans le concert des
autres pays, tant en termes d’exhaustivité du travail que de pédagogie
associée pour mettre l’information à la disposition du plus large public.
En conclusion, en matière d’inventaire, des outils de qualité existent
et constituent le socle de la politique de gestion des déchets radioactifs. Les
progrès encore possibles ne devraient pas marquer de rupture ou modifier
sensiblement la physionomie du travail actuel.
2/ Evaluation des coûts du stockage en formation géologique profonde
La Cour présente une analyse du coût d’un éventuel stockage en
formation géologique profonde. Elle souligne les incertitudes en la matière et
note les apparentes évolutions constatées dans les chiffrages. Cela appelle
plusieurs observations :
-
les données exposées par la Cour mettent en regard des situations non
comparables. Sont en effet juxtaposés des scénarios de nature
différente où les déchets considérés diffèrent largement. Il n’est donc
pas possible de tirer de conclusion immédiate ;
-
le fait qu’existent plusieurs évaluations constitue en soi un aspect
positif. En effet, cela signifie qu’un éventail d’options a été exploré afin
de disposer d’une vision aussi complète que possible permettant de
faire face aux principales stratégies industrielles envisageables. Ce
n’est pas en soi un facteur d’incertitude, bien au contraire ;
-
à situation comparable, les évolutions de chiffrage sont relativement
faibles. Ainsi, le chiffrage de 1996 et le chiffrage comparable de 2003
sont quasiment identiques (les écarts se situant largement en deçà du
degré de précision raisonnablement envisageable pour un ce genre de
projets). En revanche, le chiffrage de 2003 s’est attaché à produire une
première évaluation des incertitudes (donnée désignée sous le vocable
de « chiffrage haut »). Il s’agit là encore d’un progrès dans l’analyse ;
-
ceci posé, les évaluations formulées doivent être utilisées avec grande
prudence. Tout d’abord, il n’existe à ce jour qu’une installation au
monde réalisant, de manière industrielle, le stockage de déchets en
formation géologique profonde. Cela relativise toute considération trop
définitive en ce domaine. On rappellera de plus que le chiffrage proposé
est celui d’un projet complet (investissement et coût de fonctionnement)
qui pourrait s’étendre sur près de quatre-vingts ans dans l’hypothèse
considérée. On conçoit dès lors que rechercher une précision absolue
n’aurait aucun sens au regard des réalités industrielles. De même, il
n’est pas possible de faire de ces éléments des données équivalentes à
celles constatées sur des installations industrielles qui ont une pratique
éprouvée ;
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
261
-
enfin, on observera que de telles évaluations sont, par nature, évolutives
à mesure des progrès de la recherche et de l’ingénierie, mais aussi de la
définition des stratégies industrielles tant de reprise des déchets anciens
que de production des déchets futurs. En ce sens, on ne peut considérer
que l’année 2005 marquera un point d’aboutissement, le travail devra
se poursuivre dans la durée.
En l’état actuel, le travail conduit permet de disposer d’une première
base de données de qualité pour appréhender ce sujet et affiner
progressivement les évaluations en tenant compte de l’avancée des
recherches et travaux, sans préjuger des décisions qui seront prises dans la
cadre des débats liés à la loi de décembre 1991. Les choix stratégiques ou
temporels à venir influenceront nécessairement toute évaluation, sans
réduire d’ailleurs la part d’aléas inéluctable pour ce type de projet.
3/ Avancement des programmes de recherche
La Cour note que des retards et des évolutions ont pu être constatés
dans la mise en oeuvre des recherches voulues par la loi du 30 décembre
1991. Il convient toutefois d’observer que :
-
de telles évolutions sont la règle générale de programmes de recherche et
développement qui s’adaptent à l’évolution des connaissances et aux
aléas rencontrés,
-
il n’est pas exact de parler d’un retard français dans le domaine du
stockage alors que l’expertise internationale menée en 2003 sous l’égide
de l’OCDE/AEN souligne, à l’inverse, les progrès considérables
accomplis entre 1991 et 2001 ;
-
face à des aléas, tout programme de recherche s’adapte. En effet, il
n’existe pas un moyen unique d’acquérir des données. Au contraire, c’est
le plus souvent un faisceau d’éléments qui permet de conclure. Face aux
difficultés rencontrées, l’Andra a concentré son action sur les priorités
scientifiques identifiées en 2001 et a bâti un programme de recherche à
même de répondre aux grandes questions posées quant au milieu
géologique ;
-
les travaux menés dans le cadre du laboratoire souterrain de recherche
de Bure ont déjà en partie porté leurs fruits. Ainsi, des questions aussi
essentielles que « la couche géologique étudiée est-elle continue ? » ont
d’ores et déjà trouvé une réponse. Par ailleurs, les expériences en cours
produiront des données tout au long de l’année 2005 consolidant les
éléments déjà disponibles ;
-
la présentation donnée des recherches néglige largement la part
importante des travaux conduite en dehors du cadre de laboratoire
souterrain et, de ce fait, ne rend pas compte la réalité du programme de
recherche,
262
C
OUR DES COMPTES
-
un travail important a été conduit sur le granite. Bien que ne disposant
pas de site identifié, l’Andra a mené une analyse de l’intérêt du granite et
engagé des expériences dans les laboratoires étrangers. Un dossier sera
d’ailleurs remis en 2005 sur ce volet des recherches.
En conclusion, l’Andra considère que des progrès scientifiques
importants ont été accomplis depuis le vote de la loi permettant aujourd’hui
de disposer d’un dossier scientifique solide à soumettre à l’évaluation en
2005 et 2006. Il convient aussi de souligner l’importante mobilisation de la
communauté scientifique française et internationale qui a su fédérer ses
forces autour de cet axe de recherche et conduire, avec l’Andra, un travail de
qualité, reconnu au plan international.
4/ Communication
La Cour souligne la nécessité d’un développement de l’information du
public sur la question des déchets radioactifs. L’Andra partage ce souci. Une
question est toutefois de savoir s’il existe un intérêt spontané du public pour
ces questions. Sur ce point, les différentes enquêtes d’opinion soulignent une
préoccupation. Toutefois, cette dernière est rarement évoquée de manière
spontanée par le public, mais l’est principalement lorsque son attention est
attirée sur ce point. La principale conclusion semble dès lors être que les
déchets radioactifs demeurent un sujet mal connu, suscitant de l’inquiétude,
mais peu de curiosité. On insistera également sur le caractère volatil des
sondages réalisés. A titre d’exemple, on note une variation forte entre 2003
et 2004 des réponses recueillies pour l’un des thèmes mentionnés par la Cour
(« confiance des Français selon l’origine de l’information », avec, par
exemple, une évolution positive de plus de dix points pour l’Andra dont il
serait pour autant hasardeux de tirer une quelconque conclusion).
Plus profondément, l’Andra ne pense pas qu’une communication
« centralisée » sur le sujet soit nécessairement souhaitable. Le pluralisme des
acteurs doit pouvoir trouver son expression. En revanche, il serait nécessaire
que l’expression des positions de chacun se fasse avec une référence claire
au rôle, aux missions et à la légitimité de chacun des acteurs, ce qui n’est pas
toujours le cas. Enfin, il est certain que les progrès dans ce domaine ne
peuvent résulter que d’efforts patients, peu spectaculaires et inscrits dans la
longue durée. Telle est l’option que privilégie l’Andra, notamment sur ses
sites d’implantation.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
263
REPONSE DE LA PRESIDENTE DU DIRECTOIRE D’AREVA
Les précisions et compléments proposés par Areva sont regroupés
ci
après selon leur caractère technique ou financier.
1) PLAN TECHNIQUE
Au plan technique, le projet de rapport « Démantèlement des
Installations
nucléaires
et
gestion
des
déchets
radioactifs »
met
essentiellement en exergue trois points:
1 - Le choix de la stratégie de traitement recyclage en France.
2 - La mise en perspective des générations d'usines du cycle, les plus
anciennes étant en phase de démantèlement.
3 - L'importance de la maîtrise des risques liés à la gestion à long terme
des déchets.
Sur ces trois points, Areva souhaite apporter des précisions et
compléments, à même d'éclairer et compléter les appréciations portées dans
le projet de rapport de la Cour.
1.1) Choix de la stratégie de traitement recyclage en France
Ce choix du traitement des combustibles usés, retenu par EDF,
permet de :
- recycler les éléments les plus radiotoxiques (principalement le
plutonium) et
réduire ainsi la radiotoxicité des déchets d’un facteur
jusqu'à 10 selon la gestion des matières retenues et la date de la
comparaison. Cette politique est en outre économe en
ressources, en
permettant de tirer parti du potentiel énergétique des matières
énergétiques non brûlées encore présentes dans les combustibles usés
(plutonium à nouveau, uranium).
- conditionner les déchets sous des formes adaptées, à très haut niveau de
stabilité et de confinement, sous des volumes très faibles, (cent fois plus
faible, par exemple, que les seuls déchets toxiques).
Gestion du plutonium et de l'URT :
Cette technique a atteint depuis une décennie la maturité industrielle,
avec les usines actuellement en exploitation à La Hague. Celles-ci ont
notamment fait la preuve à plusieurs reprises de leur capacité à traiter les
combustibles MOX (campagnes de 98 et de fin 2004). Ainsi,
tous les
combustibles usés, UOX et MOX,
transportés à l’Usine de La Hague y
seront traités, même si les MOX attendront en moyenne quelques décennies
pour tirer parti au meilleur moment du potentiel énergétique du plutonium
264
C
OUR DES COMPTES
qu'ils renferment. La flexibilité demandée par EDF à son fournisseur
COGEMA pourrait notamment permettre, en fonction des capacités de
recyclage du plutonium, de traiter des quantités supérieures pour atteindre
l'équilibre des quantités déchargées et traitées.
Gestion de l'URT :
La gestion de l'URT (ou uranium "de retraitement" séparé lors des
opérations de traitement) est elle-aussi au stade industriel et pratiquée en
France
dans
les
réacteurs
de
Cruas.
Deux
recharges
annuelles
correspondent à un recyclage de l'ordre du tiers du flux annuel. Ce réglage à
un niveau modeste est la conséquence de prix historiquement déprimés de
l'uranium sur les marchés internationaux, rendant moins attractif le
recyclage de l'URT. Or
un retournement du marché est en train de se
produire. Entre janvier 2003 et octobre 2004 le prix de l’uranium est passé
de 11 à 23 $/Livre et le marché à terme se situe à 25$/Livre. Le déséquilibre
structurel offre/demande est susceptible de renforcer cette tendance et la
hausse du prix de l’uranium devrait se poursuivre en 2005. L’intérêt
économique de l’URT se renforce donc d'autant.
Conditionnement des déchets :
Les modes de conditionnements des déchets issus des combustibles
usés sont aujourd'hui essentiellement la vitrification des
produits de fission et
le compactage des déchets de structure (gaines, grilles et embouts des
combustibles), et des déchets technologiques. La production "en ligne" de
déchets bitumés a été en effet arrêtée il y a quelques, années, dans le cadre
des programmes de réduction des volumes. Les colis vitrifiés et compactés
constituent les formes standardisées et optimisées des déchets de haute
activité et de moyenne activité
à vie longue. Après plusieurs décennies de
recherches et d’activité industrielle et notamment à la suite des programmes
lancés dans le cadre de la loi de 1991 - conduits en grande partie par le CEA
-, la France est techniquement très avancée dans la gestion des déchets.
Ainsi, la technique française de vitrification des déchets de haute activité est-
elle la référence mondiale en la matière.
Les déchets issus des combustibles étrangers repartent dans leurs
pays d'origine, en conformité avec la loi de 1991. Le rapport de la Cour
illustre notamment le cas des déchets vitrifiés. En ce qui concerne les autres
déchets, notamment les bitumes au titre de contrats anciens, les colis sont
pour une part significative encore à produire (en conditionnant les déchets
"bruts" entreposés en silos). Si plusieurs scénarios sont possibles selon les
modalités de conditionnement retenues, la meilleure estimation disponible
actuellement figure dans
"l'Inventaire National des déchets radioactifs et des
matières valorisables" publié récemment par l'ANDRA. Elle est reprise dans
le rapport de la Cour.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
265
Une des conséquences de la performance technique atteinte alliée au
retour des déchets à l'étranger est que les volumes de déchets non
actuellement évacuables dont Areva est propriétaire sont connus et peu sujets
à évolution dans le temps, aux incertitudes près des scénarios.
1.2) Générations des usines du cycle et conditionnement des déchets
L'industrie nucléaire est engagée depuis des décennies dans une
stratégie de développement durable, notamment en ce qui concerne la
gestion de ses sites et des déchets. Elle met ainsi en oeuvre d'importants
programmes pour assainir les usines des précédentes générations (UP1 à
Marcoule et UP2-400 à La Hague) et conditionner les déchets "historiques".
Au delà, elle accroît la performance des conditionnements, dans la logique
de progrès continu.
Gestion des déchets "historiques" :
Une caractéristique importante des choix des années 70 et 80 est
d'avoir opté en priorité pour le conditionnement des déchets dès lors qu'il
existait une filière de gestion définitive opérationnelle. Une composante
essentielle de ces filières est l'exutoire. Les déchets susceptibles de stockage
définitif en surface ont donc été conditionnés et évacués. Les autres ont été en
majorité entreposés en l'attente de disposer d'un conditionnement approprié.
Les programmes de conditionnement ont débuté dans les années dans
les années 90. Ainsi, à l'heure actuelle, tous les produits de fission issus des
anciennes générations de réacteurs nucléaires français ont-ils été vitrifiés, à
l'exception de quelques dizaines de m
3
correspondant à des réacteurs de
technologie spécifique, lesquels seront traités à brève échéance. Les
programmes relatifs aux déchets de moyenne activité et au démantèlement
sont en cours, avec notamment la reprise des" boues" anciennes de La
Hague, qui seront bitumées à partir de 2005. Ces programmes vont pouvoir
s'accélérer dans les prochaines années, en bénéficiant notamment de la
clarification des rôles dans les différents sites.
Ainsi, la gestion de l'historique par l'industrie de l'aval du cycle
française, a-t-elle su allier prudence, responsabilité et volonté de progrès,
pour déboucher sur une des situations les plus enviables au plan
international.
266
C
OUR DES COMPTES
Progrès dans le conditionnement :
L'industrie de l'aval a obtenu d'importants résultats en terme de
réduction des volumes et de qualité de confinement au cours de la décennie
passée. Citons les suivants:
- Création du
Conteneur Standard de Déchets Compactés CSD-C pour
les structures métalliques compactées et les déchets technologiques,
- Suppression du recours au bitumage en ligne via le tri, la concentration
et le recyclage des effluents et l'envoi des flux résiduels vers la
vitrification,
-
Optimisation
de
la
gestion
du
conditionnement
des
déchets
technologiques par caractérisation fine des activités et définition de
conditionnements précisément adaptés à chaque gamme d'activité,
- Elaboration de modèles de comportement des colis de déchets en
situation de stockage et mise en évidence de la durabilité des colis CSD-
V (notamment).
Ces résultats ont été accompagnés des actions de progrès continu
initiées par l'exploitant (zonage des ateliers, tri à la source, recyclage,
amélioration
des
performances
de
mesure…)
contribuant
très
significativement à réduire les volumes de déchets.
Ainsi, la réduction des quantités de déchets rapportées à l'énergie
électrique produite atteint-elle un facteur 10 depuis le début des années 90. Il
s'en suit que l'essentiel du volume des déchets nucléaires HAVL sur sol
français est issu du passé et que la contribution de la génération actuelle de
nucléaire à cet inventaire sera marginale, surtout en ce qui concerne les
déchets de moyenne activité. Ceci conforte la prévisibilité des travaux de
dimensionnement du stockage éventuel, menés par l'ANDRA.
1.3) Maîtrise des risques liés à la gestion à long terme des déchets
Prévisibilité du volume et du type des déchets à gérer dans le long terme :
Les sections qui précèdent montrent que les déchets non encore
évacués sont bien connus en volume et type, même si des incertitudes
subsistent sur les scénarios de reprise et conditionnement de certains déchets
bruts historiques.
Un autre point est la nature des colis à stocker au cas où tous les
combustibles ne seraient pas traités. Ce scénario figure en effet dans la
gamme étudiée dans le cadre de la loi de 91, comme l'a noté la Cour. Il faut
ici rappeler que la stratégie d'EDF consiste à traiter tous les combustibles
usés, en "sécurisant" ainsi la gestion de l'aval, tant en terme de qualité, de
quantité et de performance des colis que de dispositions à même de faciliter
la conception, la construction et l'exploitation du stockage. Le coût de ce
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
267
dernier dépend notablement des colis qui y seraient envoyés: l'étude belge
SAFIR 2 cite un ratio de l'ordre de 2,5 au détriment du choix de non-
traitement. Des études françaises débouchent sur des ratios très voisins.
On peut donc considérer comme très peu probable le basculement
vers une stratégie de stockage direct, qui ne pourrait être que partielle. Cette
stabilité dans les choix contribue à la prévisibilité à long terme.
Qualité de conditionnement :
Un autre point important qui joue sur la conception et, par voie de
conséquence, le coût du stockage est la qualité de confinement.
La vitrification permet le confinement pendant une durée de plusieurs
centaines de milliers d'années, très nettement supérieure à celle qui permet,
par décroissance radioactive, de revenir au niveau de l'uranium naturel
initial mobilisé pour la production d'énergie. La réduction de la puissance
des verres par rapport à la thermique des combustibles usés, due au
recyclage du plutonium, est aussi un facteur favorable pour réduire la
"surface" d'un éventuel site de stockage géologique d'un facteur de l'ordre de
deux par rapport à un choix d'élimination sans traitement.
Le niveau élevé de performance des colis conditionnés via le
traitement est un facteur important dans la démonstration actuellement en
cours de la faisabilité du stockage géologique profond. Il constituera demain
un facteur clé de l'optimisation de la phase de développement du stockage, si
une telle décision est prise en 2006.
2) PLAN FINANCIER
Au plan financier, le rapport « Démantèlement des Installations
nucléaires et gestion des déchets radioactifs » met essentiellement en exergue
trois points :
1 - La réorganisation du site de Marcoule et les modes de financement
des opérations de démantèlement de ce site.
2 - Le montant des provisions pour démantèlement des installations
nucléaires du Groupe AREVA et le niveau des actifs financiers qui y
sont dédiés.
3 - La question particulière des provisions pour stockage de déchets.
Sur ces trois points, les précisions suivantes peuvent éclairer et
compléter les appréciations portées dans le projet de rapport de la Cour.
268
C
OUR DES COMPTES
2.1) Le site de Marcoule
A titre liminaire, il convient de souligner que la réorganisation des
responsabilités en matière de démantèlement et de conditionnement des
déchets sur le site de Marcoule ne répond pas à une logique uniquement
financière.
Les partenaires du GIE CODEM (EDF, CEA, COGEMA) sont arrivés
à la conclusion qu’un programme de démantèlement qui s’étend jusqu’en
2040, s’accommode mal de la règle de l’annualité budgétaire imposée par le
financement public mis en place depuis 1995 et, que les opérations doivent
pouvoir être programmées sur plusieurs années optimisant ainsi les
contraintes techniques et financières. Il s’agit donc de passer d’une logique
budgétaire étatique à une logique industrielle.
A ce titre la reprise par le CEA du statut de maître d’ouvrage unique
et d’exploitant nucléaire répond à une logique stratégique claire. Le CEA a
un intérêt prioritaire pour le site où il concentre ses activités de recherche
pérennes sur l’aval du cycle et sur les déchets. La reprise des obligations de
démantèlement n’est qu’un élément d’une stratégie plus globale.
C’est donc dans ce cadre que les Pouvoirs Publics en accord avec les
trois opérateurs nucléaires que sont EDF, COGEMA et CEA, ont décidé de
confier la maîtrise d’ouvrage à un opérateur unique le CEA. Le transfert de
la maîtrise d’ouvrage CODEM vers le CEA, permet enfin de distinguer cette
fonction de celle de maître d’oeuvre qui restera à la COGEMA. Elle
s’accompagne du transfert de la responsabilité nucléaire qui permettra au
CEA d’être l’interlocuteur unique de l’autorité de sûreté sur ce site. Un
schéma où le maître d’oeuvre c’est-à-dire COGEMA serait également
exploitant créerait une confusion à cet égard.
Le montant total des travaux restant à effectuer, soit 3,810 Milliards
d’euros a fait l’objet d’études détaillées menées par les trois opérateurs
(EDF, COGEMA, CEA) sous l’égide des Pouvoirs Publics.
Elles ont permis de dégager sur la base du devis mentionné ci-dessus
une clé pour le reste à couvrir de 46,5 % pour le CEA (dont 41 % pour les
activités Défense), 40 % pour EDF et 13,5 % pour COGEMA.
A titre de sécurité, ce devis comporte une Provision pour aléas dont le
montant couvre l’ensemble des risques identifiés.
Enfin, mettant l’accent sur la continuité du programme de
démantèlement dans son ensemble et sur la globalité de l’engagement
financier, les Pouvoirs Publics ont souhaité que la contribution financière
totale de COGEMA correspondant à sa quote-part des travaux soit versée le
31 décembre 2004. Cette contribution qui a un caractère libératoire a été
calculée d’une part en choisissant un taux d’actualisation de 3 % (qui est
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
269
d’ailleurs celui choisi par EDF pour ses passifs nucléaires à long terme) qui
peut apparaître très prudent puisqu’il est voisin du taux de rendement de
l’obligation d’état française (OAT) à 30 ans indexée sur l’inflation et d’autre
part, en prenant en compte une prime de risque représentative du caractère
libératoire de cette contribution.
Globalement, et sous réserve de la contribution de l’Etat, la totalité
des besoins en financement du programme de démantèlement et de
conditionnement des déchets du site de Marcoule devrait donc être
disponible dès le début de 2005 dans le cadre d’un Fonds dédié, sur la base
d’un devis consensuel contrôlé par l’ensemble des parties en cause et après
adoption d’un taux d’actualisation particulièrement prudent.
2.2) Montant des provisions pour démantèlement des installations
nucléaires du groupe AREVA et niveau des actifs qui y sont dédiés
Le niveau des provisions pour démantèlement des installations
nucléaires du groupe AREVA doit s’apprécier au regard des décisions
arrêtées par les Pouvoirs Publics pour le site de Marcoule et qui seront
traduits
dans
les
comptes
des
parties
prenantes
arrêtées
au
31 décembre 2004 et des nouvelles normes comptables IFRS applicables dès
le 1
er
janvier 2005 en matière d’actualisation.
C’est ainsi que dans ses comptes au 31 décembre 2003 COGEMA (qui
représente plus de de 90 % des charges de démantèlement futurs)
provisionnait un montant total de 12 Milliards d’euros pour les charges de
démantèlement, y compris stockage des déchets, dont une quote-part de
7,98 Milliards d’euros à la charge du CEA et d’EDF.
Compte-tenu des « accords-Marcoule », la situation prévisionnelle au
31 décembre 2004 ressort à un montant total de 7,5 Milliards d’euros dont
3,95 Milliards d’euros à la charge de COGEMA ;
Sur cette base et prenant en compte l’obligation faite par les nouvelles
normes comptables IFRS d’actualiser ces provisions dans le cadre d’un bilan
d’ouverture au 1
er
janvier 2005, la quote-part actualisée au taux de 3% l’an,
à la charge exclusive de COGEMA, ressort à
2,129 Milliards d’euros.
Face à ce passif, la valeur de marché des actifs dédiés à ces
provisions pour démantèlement et qui font l’objet d’un cantonnement clair
dans les comptes de l’entreprise, se monte à 2,36 Milliards d’euros (à la date
du 1/12/2004).
Il y a donc, à la date de rédaction de cette note, un écart positif de
plus de 170 Millions d’euros entre la valeur actuelle des passifs et la valeur
de marché des actifs qui y sont dédiés.
A notre connaissance cette situation est sans équivalent au plan
international. Significatifs à cet égard sont les exemples britannique et
270
C
OUR DES COMPTES
américain. En Grande-Bretagne, British Energy s’est révélée financièrement
incapable de faire face à ses obligations financières, le Gouvernement
britannique prenant en charge à hauteur de 250 à 300 Millions d’euros
pendant 10 ans les contributions à verser au fonds de déconstruction des
installations (Nuclear Decommissioning Fund).
Aux Etats-Unis, USEC
a obtenu la prise en charge de la totalité de
ses passifs de démantèlement par le Gouvernement américain en devenant
locataire (pour un loyer symbolique) d’une installation nucléaire dont le
propriétaire est devenu le contribuable américain.
Au plan de la gouvernance des actifs et passifs de démantèlement, la
création au sein du Conseil de Surveillance d’ AREVA d’un Comité
spécialisé : « Le Comité de Suivi de la Couverture des Charges d’
Assainissement et de Démantèlement » montre, ainsi que le souligne le
rapport de la Cour : « une volonté de transparence dans la gestion par la
place donnée à des autorités extérieures au groupe ».
Notons que ce comité, composé de personnalités qualifiées extérieures
à l’entreprise, a confié en juillet 2004 une mission d’expertise à un
spécialiste de la gestion des actifs à Long Terme (AXA) en vue de déterminer
la composition optimale du portefeuille d’actifs dédiés au regard des
échéanciers prévisionnels de démantèlement des sites nucléaires du groupe,
et que le principe d’une gestion déléguée à des banques a été retenu,
répondant ainsi au souci manifeste par la Cour sur la « fragilité d’actifs
dédiés lorsqu’ils restent internes à l’entreprise ».
Enfin, sans en tirer de conclusions pour le futur, il convient
d’observer que la gestion de ces actifs dédiés depuis la date de leur
constitution, soit le 23 juillet 1993, jusqu’au 1
er
décembre 2004,
a permis de
dégager une performance annuelle de 11 % avec un portefeuille équilibré
composé de 38 % d’actions françaises, 36 % de fonds européens et 26 %
d’obligations et liquidités.
La Cour observe, à juste titre, qu’à la date de rédaction du rapport
« FRAMATOME n’avait pas constitué en son sein de portefeuille
spécifique ».
Il convient de noter que le montant total des passifs de démantèlement
de FRAMATOME s’élève au 31 décembre 2004 à 243 Millions d’euros en
valeur brute, soit 173,5 Millions d’euros en valeur actualisée au
1
er
janvier 2005.
Sur ce montant total, 60 % proviennent de l’apport des activités
allemande et américaine de SIEMENS à la suite de la fusion des activités
nucléaires des deux groupes intervenue en 2001.
En d’autres termes, jusqu’à une date récente la partie française de ces
passifs représentait moins de 5 % de la Trésorerie consolidée du Groupe.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
271
Cependant dans un souci d’homogénéité et de transparence, le
Conseil d’Administration de FRAMATOME a marqué son accord le 4
octobre 2004 pour la création d’un « Fonds dédié à Long Terme » couvrant
les passifs de démantèlement de l’entreprise. Ce fonds sera doté par
prélèvement direct sur la Trésorerie consolidée de FRAMATOME.
2.3.. Le cas particulier de la provision pour stockage des déchets
Pour les charges futures relatives aux déchets radioactifs à vie
longue, COGEMA a retenu un projet industriel de stockage géologique sur la
base d'une évaluation de 1993.
Sur la base de ce scénario qui prévoit un stockage géologique à partir
de 2020, l’ensemble des charges futures ont été provisionnées.
En vue de vérifier la robustesse du coût ayant servi de base à
l’évaluation de cette provision, AREVA conjointement avec EDF et le CEA a
fait réaliser en 2003 une étude de comparabilité avec les coûts de stockage
évaluées et/ou réalisés à l’étranger et notamment en Suède et en Finlande.
Cette étude a permis de conclure au dimensionnement convenable de
cette provision. En 2003, comme le souligne le rapport de la Cour, l'ANDRA
a effectué des chiffrages de scénarios prenant en compte des options très
diverses et notamment le stockage de combustibles usés en contradiction
avec le projet industriel de référence de 1993 prévoyant le traitement de
100% du combustible usé. Ces divers scénarii établis dans le cadre de la
mission actuelle de l'ANDRA portant essentiellement sur la conception d'un
stockage "faisable", c'est à dire sûr et robuste mais non optimisé, n'ont pas
vocation à constituer un devis engageant. AREVA a donc retenu, en accord
avec ses Commissaires aux Comptes, un niveau de provision pour stockage
des déchets conforme au scénario industriel de référence (valeurs de 1993
ramenées aux conditions économiques courantes) et conforté en ordre de
grandeur par l’étude de « benchmark » international menée en 2003.
Ajoutons enfin, que cette provision (à l’exemple des autres passifs de
démantèlement) n’a pas été actualisée dans le bilan consolidé où elle
figurera pour son montant brut au 31 décembre 2004. Une réflexion pourra
être menée en vue de définir, en accord avec les Commissaires aux Comptes
d’AREVA, un processus spécifique d’actualisation de cette provision dans un
souci de maximisation de la prudence au regard de l’absence actuelle d’un
cadre institutionnel stabilisé.
272
C
OUR DES COMPTES
REPONSE DE L’ADMINISTRATEUR GENERAL DU COMMISSARIAT A
L’ENERGIE ATOMIQUE (CEA)
Comme le relève la Cour, le CEA est le premier exploitant nucléaire à
procéder actuellement au démantèlement et à l’assainissement de ses
installations nucléaires civiles, soit 11 INB contre 8 INB pour EDF et 2 INB
pour Cogema. La spécificité des installations du CEA tient non seulement à
leur ancienneté et à leur taille très variable, mais également à
l’accumulation des déchets et effluents, qui doivent faire l’objet d’une reprise
et d’un conditionnement préalable à leur stockage final.
Le CEA a été le premier exploitant nucléaire à mettre en place un
fonds de démantèlement en 2001, individualisé dans ses comptes, avec une
gestion de trésorerie externalisée. Le CEA a également retenu une
gouvernance originale, fondée sur un comité de surveillance composé de
personnalités extérieures à sa direction, anticipant les projets de directive
européenne sur le sujet. Ce fonds a permis de pérenniser le financement des
opérations, antérieurement assuré par la subvention annuelle de l’Etat, et de
gérer les des projets dans un cadre pluriannuel.
Les critiques formulées par la Cour appellent des observations du
CEA, dont certaines s’appuient sur des décisions récentes de l’Etablissement
et de l’Etat.
1/ Capacité du CEA à gérer des projets de démantèlement
:
Le respect des coûts et des délais figure au premier rang des priorités
fixées par le CEA à l’ensemble des équipes impliquées dans les opérations
d’assainissement et de démantèlement.
Cette priorité se décline par la recherche permanente du retour
d’expérience des opérations déjà en cours ou achevées, et d’une démarche
volontariste de progrès, autour de plusieurs axes :
-
actions de formation interne visant à une meilleure appropriation du
référentiel de gestion de projet mis en place par la Direction de
l’Energie Nucléaire et la Direction Financière ;
-
lancement début 2005 d’un audit sur l’amélioration du suivi technico-
économique des projets et des outils de gestion associés, avec
l’assistance d’un consultant externe ;
-
mise en place d’une gestion prévisionnelle de l’ensemble des flux de
déchets, afin de prévenir toute situation de déchets sans filière
susceptible de ralentir les opérations ;
-
réactualisation en 2005 des estimations de dépenses des opérations de
démantèlement non encore engagées, sur la base de coefficients
techniques révisés (logiciel ETEEVAL, déjà utilisé par COGEMA) ;
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
273
-
recherche de synergies avec les études menées par d’autres acteurs,
comme EDF pour la centrale de Superphenix.
Par ailleurs, le CEA procède depuis 2003 à des audits externes sur
des installations en cours de démantèlement, qui sont portés à la
connaissance du comité de surveillance du fonds. Ces audits ont conclu à une
qualité satisfaisante des procédures, même si les outils de gestion sont jugés
perfectibles.
Enfin, les opérations de démantèlement déjà menées à leur terme ou
en phase finale d’exécution (Accélérateur Linéaire de Saclay, Triton à
Fontenay-aux-Roses), montrent un coût global conforme aux provisions
initialement constituées. Pour d’autres installations en phase d’appel
d’offres (réacteurs Melusine et Siloette à Grenoble), les réponses reçues
permettent de prévoir un respect des coûts prévisionnels initiaux.
2/ Cohérence des évaluations sur les opérations conjointes avec EDF
:
Le rapport relève des incohérences entre le CEA et EDF sur
l’appréciation
des
charges
futures
de
démantèlement
et
de
reprise/conditionnement des déchets pour les centrales de Phenix et de
Brennilis, ainsi que pour le niveau de démantèlement retenu.
S’agissant de la centrale Phenix, l’insuffisance des provisions relevée
par la Cour sera corrigée dans les comptes 2004 du CEA, suite aux travaux
d’expertise externe menés depuis fin 2003.
Cette expertise doit servir de
référence au projet d’échanges de responsabilité entre le CEA et EDF sur les
installations de Phenix et de Brennilis.
Pour Brennilis, les opérations de démantèlement menées depuis 1999
par le maître d’ouvrage EDF ont subi d’importants glissements de coût et de
délais, comme le relève la Cour. La participation du CEA à ces travaux,
parmi les premiers de cette ampleur en France, lui a permis de tirer des
enseignements précieux pour ses propres opérations. Le CEA et EDF sont
désormais d’accord sur le montant des travaux restant à réaliser au
01/01/2004, soit 201 M€
VB
(183 M€
VA
sur une base actualisée de 3 %), hors
risques et aléas, mais y compris la démolition du génie civil.
En matière de niveau de démantèlement, il n’y a pas de divergences
entre les exploitants nucléaires. Les provisions inscrites au passif du bilan du
fonds de démantèlement du CEA correspondent au démantèlement jusqu’au
niveau 3 de l’AIEA, hors génie civil. Ce seuil signifie qu’à l’issue des
opérations, l’installation peut être déclassée de son statut d’INB, INBS ou
ICPE, et libérée des charges de surveillance radiologique afférentes, sous
réserve des autorisations administratives adéquates. L’installation est alors
disponible pour un autre usage éventuel, la seule contrainte étant la
traçabilité de l’utilisation antérieure
274
C
OUR DES COMPTES
Le choix de démolir ou non l’installation assainie est laissé au
propriétaire, en fonction de l’utilisation ultérieure éventuelle, décision qui
n’est pas forcément prise au moment du déclassement. Les coûts
correspondant à la démolition éventuelle ne relèvent plus de l’assainissement
radioactif, mais de la stratégie patrimoniale du propriétaire. Une telle
démolition relève pour l’essentiel de travaux classiques de génie civil, dont
les coûts sont en général inférieurs d’un à deux ordres de grandeur à ceux de
l’assainissement radioactif.
3/ Gestion des incertitudes relatives au stockage profond
:
Le CEA partage les interrogations de la Cour relatives à la difficulté
d’évaluer avec précision les provisions de fin de cycle pour le stockage
profond des déchets de haute et moyenne activité à vie longue.
Ces coûts dépendent du coût de l’ouvrage de stockage, des quantités
de déchets à livrer par le CEA, mais aussi de la répartition de
l’investissement entre le CEA et les autres producteurs de déchets. Selon la
clé de financement retenue en 1997, la quote-part à la charge des activités
civiles du CEA est de 10 % du coût du stockage profond.
Dans ce contexte, le CEA a retenu une hypothèse prudente de
provisionnement, qui consiste à retenir des montants calculés en fonction de
son prorata, y compris pour les déchets restant à produire. A contrario, la
méthode appliquée par EDF retient des charges fixes et des charges
proportionnelles (investissements spécifiques, transports) calculées sur les
prévisions réelles de livraison de déchets. En matière d’actualisation, le CEA
a positionné toutes les dépenses postérieures au 30
ème
anniversaire de la date
d’actualisation sur une seule année, alors que les dernières dépenses,
notamment en matière de surveillance, interviendront plus tard.
Des simulations menées par le CEA pour évaluer l’impact sur ses
comptes de la méthode retenue par EDF pourraient conduire à des reprises
de provisions de plusieurs centaines de millions d’euros.
Le CEA souhaite contribuer à la clarification du débat sur les charges
futures de stockage profond. Il lui semble important que les réflexions
actuelles associant les producteurs, l’ANDRA et les pouvoirs publics,
conduisent à une harmonisation des règles de provisionnement.
4/ Information du public
:
La Cour regrette que le CEA ait arrêté la publication du rapport
annuel de la Direction de la Gestion des Déchets, qui a été regroupée au sein
de la Direction de l’Energie Nucléaire créée en 2001.
S’il est vrai que cette publication a disparu, le CEA n’a pas pour
autant réduit son effort d’information auprès du public. Les principales
opérations de démantèlement font l’objet d’une large information locale. A
titre d’exemple, les modifications de périmètre d’INB envisagées dans le
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
275
cadre de la dénucléarisation du centre de Fontenay-aux-Roses ont fait l’objet
d’une enquête publique. Les commissions locales d’information peuvent
également être associées.
Par ailleurs, les nouvelles installations de traitement, entreposage ou
stockage des déchets en phase d’étude ou de construction, suivent une
procédure spécifique incluant l’information du public, comme l’installation
CEDRA à Cadarache.
Enfin, le rapport annuel du CEA fournit des indications sur l’état
d’avancement
des
principaux
chantiers
d’assainissement
et
de
démantèlement.
Ce dispositif de communication semble approprié depuis la création
de l’ANDRA, chargée d’une mission permanente d’information du public sur
la gestion des déchets radioactifs.
5/ Qualité de l’information financière
:
La Cour a souligné l’insuffisance de l’information financière du CEA,
en s’appuyant notamment sur la réserve exprimée par le Commissaire aux
comptes sur les comptes 2001 de l’Etablissement.
Depuis cette réserve, qui a coïncidé avec l’inscription au passif du
bilan de tous les engagements pour fin de cycle, le CEA a engagé plusieurs
actions :
-
renforcement du contrôle de gestion : depuis le 2ème semestre 2003,
la Direction de l’Energie Nucléaire a généralisé le découpage par
phases et chantiers des projets de démantèlement et le binômage entre
opérationnels et fonctionnels ;
-
finalisation pour l’arrêté des comptes 2003 des travaux de
recollement des inventaires physiques des déchets, des données de
l’inventaire ANDRA et des données quantitatives utilisées pour
l’estimation des provisions comptables ;
-
réévaluation des devis en 2004, conformément à l’engagement pris en
2001 : les principaux projets de démantèlement, ainsi que ceux pour
lesquels des éléments financiers ou techniques sont disponibles
(phases d’avant-projet sommaire ou avant-projet détaillé) ont fait
l’objet d’une réévaluation, soit les 2/3 du périmètre des provisions
pour fin de cycle hors coûts ANDRA. Tous les installations faisant
l’objet d’un projet d’échanges de responsabilités avec EDF (Phenix,
Brennilis, usine UP1 de Marcoule) et Cogema (usine UP1 de
Marcoule, usine UP2 400 de La Hague, atelier CFCA de Cadarache)
ont également fait l’objet d’un réexamen validé par les pouvoirs
publics.
276
C
OUR DES COMPTES
Ces différentes actions ont conduit à des progrès significatifs, qui ont
été soulignées par le Commissaire aux Comptes dans les comptes rendus des
interventions intérimaires des exercices 2003 et 2004. Cette démarche de
progrès continu traduit la volonté du CEA de voir lever la réserve du
Commissaire aux Comptes à court terme.
La Cour s’interroge également sur la justification du taux
d’actualisation retenu par le CEA, et sur l’absence de norme commune entre
les différents exploitants nucléaires.
Le CEA a introduit la pratique de l’actualisation de ses engagements
pour fin de cycle dès la mise en place de son fonds de démantèlement en
2001. Le calcul du taux s’appuie sur les pratiques en vigueur dans le cas de
passif de duration élevée. En particulier, le taux retenu pour l’arrêté des
comptes de l’exercice 2001 fait référence au taux moyen sur les six derniers
mois des emprunts d’Etat à long terme, taux ensuite déflaté du taux moyen
d’évolution de l’indice BT02 (indice publié du BTP) sur les cinq dernières
années (soit 5,01 % - 1,76 %), ce qui a conduit à la détermination d’un taux
d’actualisation maximal de 3,25 %. Par souci de prudence, le CEA a retenu
un taux d’actualisation inférieur à ce taux maximum, soit 2,5 %. Ce taux est
différent de celui retenu par EDF pour l’ensemble de ses engagements pour
fin de cycle (3%) et de la pratique retenue par AREVA (coûts non actualisés).
Néanmoins, les travaux conduits sous l’égide des pouvoirs publics
pour la création du fonds de démantèlement défense, qui conduisent au
transfert de la maîtrise d’ouvrage du programme de démantèlement de
l'usine UP1 de Marcoule au CEA, reposent sur un taux d’actualisation
commun de 3 %. Ce taux a également été retenu dans le cadre des échanges
de responsabilités entre le CEA et COGEMA pour les installations des sites
de Cadarache et de La Hague, et par le groupe AREVA dans le cadre de son
passage aux normes IFRS.
Dans ce contexte, le CEA a prévu d’aligner son taux d’actualisation
sur celui des autres exploitants pour l’arrêté des comptes 2004.
Enfin, la Cour a émis des critiques sur la qualité des documents
comptables fournis par le CEA dans le cadre de ses arrêtés de comptes. Pour
sa part, le CEA n’a pas enregistré de critiques particulières de son Conseil
d’Administration sur ce point. Les documents d’arrêté des comptes de
l’exercice 2003 se composent de deux fascicules : le premier vise l’exécution
budgétaire de l’exercice, et le second est dédié aux états financiers, avec un
volet particulier pour le fonds de démantèlement. Ces documents sont
préparés en étroite coopération avec le Commissaire aux Comptes, et
l’information financière est apparue suffisamment complète et bien adaptée
au statut d’Etablissement public.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
277
6/ Equilibre à moyen terme des fonds de démantèlement
:
Comme le souligne la Cour, l’équilibre du fonds de démantèlement
civil du CEA est conditionné par plusieurs facteurs :
-
la maîtrise des évaluations des travaux à réaliser,
-
la pérennité des dividendes AREVA devant abonder le fonds,
-
les conditions de la mise sur le marché de AREVA, désormais prévue
sur 2005.
Sur la pérennité des dividendes AREVA, le CEA est conscient de la
fragilité de l'hypothèse retenue à la création du fonds. Il a d’ailleurs prévu, à
travers son Plan à Moyen et Long Terme, de donner la priorité au fonds dans
la politique d’affectation des dividendes reçus de sa filiale. Sur la période
2005-2013, près de 700 M€ de dividendes seront affectés au fonds, après
dilution du CEA autour de 50% du capital d’AREVA. Le comité de
surveillance du fonds est régulièrement informé des simulations réalisées sur
l’équilibre à moyen terme du fonds, grâce à une gestion globale de l’actif et
du passif.
S’agissant du fonds défense, la Cour souligne les retards pris dans sa
mise en place et s’interroge sur la capacité du CEA à reprendre la maîtrise
d’ouvrage des opérations conduites par le GIE CODEM.
La complexité de ce dossier résulte non seulement de l'incertitude sur
les devis de démantèlement mais également du projet de transfert de la
gestion du site de Marcoule de COGEMA au CEA. Après plusieurs mois
d'instruction par les pouvoirs publics, le schéma envisagé par les partenaires
du GIE CODEM dès fin 2002 a été validé sous la forme d'une décision du
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 3 novembre 2004.
Le transfert de la maîtrise d'ouvrage au CEA répond à une double logique de
pérennité du site de Maroule et de mutualisation avec les autres opérations
de démantèlement conduites sur ce site.
La trésorerie du fonds sera alimentée par le versement des soultes des
industriels EDF et COGEMA en contrepartie de leur désengagement, et par
un transfert de titres AREVA du Fonds civil vers le fonds défense (1,6 %), qui
seront cédés en 2005 dans le cadre de la mise sur le marché d'AREVA. Cette
trésorerie doit permettre au fonds défense de fonctionner jusqu’à l’horizon
2010, dans l'attente d'un abondement de la quote-part des dépenses à la
charge de l'Etat (40 % des dépenses totales).
Les autres engagements pour fin de cycle du secteur défense du CEA
ont vocation à être financés sur ressources budgétaires en provenance du
Ministère de la Défense.
278
C
OUR DES COMPTES
Comme le souligne la Cour, ces opérations conduisent à une
débudgétisation des dépenses de l'Etat. La création de fonds de
démantèlement, dégagés des contraintes de l'annualité budgétaire de l'Etat,
est néanmoins indispensable pour créer les conditions d'une optimisation des
coûts sur une base pluriannuelle. Ces structures dédiées permettent de
cantonner des financements pour des dépenses désormais bien identifiées et
évaluées par le CEA. Elles sont également utiles pour clarifier les
responsabilités de chaque exploitant nucléaire sur les sites pour lesquels il
est appelé à être le seul maître d'ouvrage. A cet égard, le transfert de
responsabilité sur Marcoule peut servir de précédent pour d'autres
opérations d'échanges sur les sites de La Hague et Cadarache entre le CEA,
EDF et COGEMA.
٭٭٭
En conclusion, le CEA ne partage pas les interrogations de la Cour
sur sa capacité à gérer les projets de démantèlement et sur la qualité de
l'information financière produite par l'Etablissement. Des décisions récentes
des pouvoirs publics (groupe de travail sur le stockage profond, création du
fonds défense, ouverture du capital d'AREVA, taux d'actualisation des
provisions, échanges de responsabilités entre exploitants nucléaires), ainsi
que la démarche de progrès continu engagée par la Direction de
l'Etablissement, devraient répondre aux principaux points relevés par la
Cour.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
279
REPONSE DU PRESIDENT D’ELECTRICITE DE FRANCE (EDF)
Je tiens tout d’abord à noter la qualité du travail réalisé, caractérisé
par le souci d’une analyse complète et détaillée de l’ensemble du domaine
couvert.
Abordant à la fois les questions techniques, les aspects financiers et la
communication, ce rapport constitue une contribution importante à la
réflexion qui doit conduire, en 2006, à un débat parlementaire sur la gestion
des déchets radioactifs.
En même temps, il pose les questions de fond de l’allocation
pertinente des responsabilités entre les différents acteurs et de la sécurisation
du financement des dépenses futures.
Sur ce dernier point, je relève avec intérêt que la Cour souligne la
complexité de l’exercice et conclut que les provisions d’EDF, prenant en
compte le cycle de la production nucléaire, « sont aujourd’hui le fruit de
calculs très scrupuleux et détaillés : si des sous-évaluations critiquables ont
été faites au cours de la décennie précédente, ce n’est plus le cas aujourd’hui
et les incertitudes, au demeurant clairement affichées, portent sur les
provisions de fin de cycle ».
Il convient toutefois de préciser que la levée des incertitudes
principales, qui concernent la gestion à long terme des déchets radioactifs,
se situe hors du champ de décisions et d’actions maîtrisé par EDF. En effet,
comme la Cour l’a noté par ailleurs,
« alors qu’elle ne dispose ni d’un cadre
institutionnalisé offrant une solution de référence, ni de la maîtrise technique
du développement de cette solution, ni de la maîtrise financière
correspondante ou de quelque garantie que ce soit, en l’absence de tout
engagement irrévocable de l’ANDRA, EDF doit choisir un scénario, le
justifier et le chiffrer ».
Ceci rend nécessaire une clarification des responsabilités afin
d’assurer la sécurisation du financement et l’efficacité opérationnelle de la
gestion à long terme des déchets radioactifs, dans le cadre du principe
« pollueur–payeur », via une mise en cohérence des responsabilités
financière et technique.
Dans une première partie -observations principales-, l’annexe
ci
jointe ré-exprime en premier lieu la stratégie industrielle de gestion du
combustible usé, donnée d’entrée fondamentale de toute évaluation du coût
de la gestion des déchets radioactifs à vie longue. En deuxième lieu, elle
développe l'analyse d'EDF sur la question centrale du financement de la
gestion à long terme des déchets radioactifs et de la nécessaire clarification
des rôles qu'elle appelle. En troisième lieu, il nous a paru utile d’apporter
quelques précisions relatives à la question des fonds dédiés.
Dans une
deuxième partie
-Observations particulières-,
vous
trouverez un certain nombre de remarques de portée plus technique.
280
C
OUR DES COMPTES
ANNEXE A LA REPONSE DU PRESIDENT D’ELECTRICITE DE FRANCE
(EDF)
1
ERE
PARTIE - OBSERVATIONS PRINCIPALES
I - La stratégie industrielle de gestion du combustible usé
La production nucléaire d’EDF représente aujourd'hui environ
420 TWhe par an, pour une puissance installée de l’ordre de 60 000 MWe.
A l’aval du cycle, cette production correspond à un volume d'environ
1150 tonnes de combustibles consommés déchargés chaque année, dont
environ
1050 tonnes
de
combustibles
usés
UO2
et
100 tonnes
de
combustibles MOX usés.
Dans le cadre de la stratégie de Traitement – Conditionnement –
Recyclage mise en oeuvre par EDF, tous les combustibles usés sont
transportés à l'usine de La Hague pour y être traités.
Ceci permet, en premier lieu, la séparation et la vitrification des
déchets de haute activité à vie longue (déchets « HAVL » ou déchets « C »),
ce qui procure un conditionnement sûr, adapté à la radioactivité et à la durée
de vie de ces déchets. Ce traitement permet aussi d'autre part de récupérer et
de valoriser par recyclage les matières combustibles encore utilisables que
sont le plutonium produit au sein des combustibles usés et l'uranium encore
faiblement enrichi. Le plutonium recyclé sous forme de combustible MOX
produit environ 30 TWhe chaque année.
Le cycle du combustible nucléaire est un cycle long : l’uranium extrait
de la mine sera brûlé en réacteur 10 ans plus tard environ et c’est encore une
période de l’ordre de 10 ans qui s’écoulera avant le traitement
du
combustible usé. Une bonne stratégie d’aval du cycle doit donc marier
l’efficience à court – moyen terme tout en préservant l’avenir.
La stratégie d’EDF s'inscrit ainsi dans une volonté de voir l’option
nucléaire
contribuer
au
développement
durable,
via
trois
objectifs
principaux :
1.
assurer un conditionnement et un confinement à long terme des
déchets de haute activité à vie longue avec les meilleures techniques
existantes sous un volume limité, dès la production de ces déchets : la
vitrification des déchets HAVL constitue ainsi une plus-value
environnementale ; l’entreposage pour refroidissement des conteneurs
de verre, dans les installations de La Hague spécifiquement conçues à
cet effet, prend peu de place et permet d'attendre en toute sûreté la
mise en oeuvre des modalités de leur gestion à long terme (via la mise
en oeuvre d’un stockage géologique par exemple si telle était la
décision prise à l’issue de la loi du 30 décembre 1991) ;
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
281
2.
contribuer à l’économie des ressources énergétiques à long terme, en
gardant ouverte la possibilité
de valoriser à terme la totalité de
l’uranium (naturel et appauvri), dans des réacteurs de nouvelle
génération (Génération IV) en fonction du contexte énergétique, grâce
à la capacité d’amorcer cette combustion par le plutonium concentré
dans les assemblages MOX usés ;
3.
Maîtriser sur la durée avec les installations existantes les quantités de
combustibles usés en entreposage en attente de traitement : le
plutonium séparé par le traitement de 8 assemblages UO2 usés
environ est réutilisé dans un assemblage MOX qui est chargé en
réacteur et produit à son tour de l'énergie ; après usage, ce
combustible MOX prend en entreposage la place d’un des 8
assemblages UO2 usés initiaux.
Ce dernier point est renforcé par l’augmentation des taux de
combustion mise en oeuvre par EDF qui consiste à extraire davantage
d’énergie d’une tonne de combustible en réacteur. A l’aval, ceci contribue à
la maîtrise du stock de combustibles entreposés avant traitement, via la
diminution du flux de combustibles usés déchargés annuellement (de 1150
tonnes aujourd’hui à 950 tonnes environ dans 10 ans). La poursuite du
traitement des combustibles usés avec les installations actuelles, conjuguée
avec l'amélioration des taux de combustion des combustibles nucléaires
permet ainsi d'assurer sur la durée la maîtrise des quantités de combustibles
usés entreposés dans les piscines de refroidissement des centrales et du site
de La Hague.
Les flux de traitement doivent être cohérents avec les flux de
recyclage, dans la mesure où EDF n’entend pas accumuler de plutonium
séparé au-delà d’un stock industriel « tampon » correspondant à environ
3 ans de fabrication d’assemblages MOX. Les flux de recyclage sont alors
limités par la capacité des réacteurs à consommer du combustible MOX,
compte tenu des contraintes techniques et des autorisations administratives.
Ces considérations ont conduit à choisir actuellement un flux de
traitement de 850 tonnes de combustible UO2 par an, compte tenu des
capacités de recyclage des 20 réacteurs aujourd’hui autorisés à charger du
combustible MOX.
Cette pratique pose deux questions par rapport à l’objectif de
traitement de l’ensemble du combustible usé :
-
le différentiel de 200 tonnes environ entre le combustible UO2
déchargé et le flux de traitement ;
-
le traitement du combustible MOX.
L’amélioration des taux de combustion devrait à terme répondre à la
première question, en diminuant la quantité de combustible usé déchargée
annuellement. En complément, EDF mène actuellement une réflexion avec
282
C
OUR DES COMPTES
AREVA pour modifier le paramétrage du système de traitement – recyclage,
via une augmentation du flux de traitement des combustibles UO2.
AREVA et EDF ont ainsi acquis la conviction que l’efficience d’une
stratégie pérenne de Traitement – Conditionnement – Recyclage reposait
aujourd’hui sur la valorisation, au bénéfice du kWhe nucléaire en
concurrence, des investissements importants réalisés tout au long de la
précédente décennie pour développer les actuelles installations de La Hague
et l’usine MELOX. Ces infrastructures jeunes, ayant néanmoins atteint leur
maturité industrielle, doivent maintenant être exploitées de façon optimisée
sur la durée et il s’agit d’en déterminer le point de fonctionnement adéquat.
Il convient toutefois de noter que l’atteinte d’un nouveau point de
fonction du système de traitement – recyclage, via une augmentation du flux
de traitement du combustible UO2, nécessite d’accroître la capacité de
recyclage au-delà des 20 réacteurs actuellement autorisés.
La question du traitement du combustible MOX usé (et des
combustibles UO2 éventuels qui pourraient l’accompagner pour permettre
un traitement « en dilution ») relève de la recherche d’un compromis entre
présent et futur, entre consommation immédiate de matière recyclable et
épargne raisonnée pour préparer l’avenir. Les temps longs du cycle du
combustible nucléaire et la cinétique lente des évolutions dans ce domaine
supposent une capacité d’anticipation de plusieurs décennies peu commune
dans les autres activités industrielles : les choix d’aujourd’hui ne peuvent
être bien compris qu’à la lumière des perspectives de demain. L’épargne de
plutonium à forte concentration constituée dans les combustibles MOX usés
trouvera ainsi sa destination naturelle lorsqu’elle sera libérée après
traitement pour permettre le démarrage des réacteurs de Génération IV. Il
serait d’ailleurs illusoire de lancer des investissements de recherche
importants pour développer les réacteurs de Génération IV à l’horizon de la
deuxième moitié du siècle, si le système industriel actuel n’épargnait pas en
parallèle au rythme adéquat le plutonium nécessaire pour allumer la
combustion de tout l’uranium naturel et appauvri dans ces chaudières du
futur. A titre d’exemple, il faudra environ 14 tonnes de plutonium pour
démarrer un réacteur de Génération IV de 1000 MWe et amorcer ainsi son
cycle de production pour la suite, le plutonium contenu aujourd’hui dans les
combustibles usés représentant environ un inventaire de 150 tonnes.
Pour EDF, la stratégie de Traitement – Conditionnement – Recyclage
est donc à la fois robuste et flexible vis-à-vis de la gestion des flux et des
stocks de combustibles usés, des matières recyclables et des déchets
radioactifs. Elle permet, avec les outils industriels existants exploités de
façon optimisée sur la durée, de conditionner au plus tôt et de façon durable
les déchets HAVL, de maîtriser les stocks de combustibles usés entreposés
avant traitement et de plutonium séparé avant recyclage. Elle offre des
possibilités d’arbitrage équilibré entre présent et futur et s'inscrit dans un
cycle du combustible qui contribue aux performances de l'outil de production
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
283
nucléaire, tant en amont qu’en aval, tout en apportant des réponses
techniques appropriées aux enjeux de gestion responsable du nucléaire et des
déchets associés. Convenablement gérée par les différents acteurs et ayant-
droit de la filière nucléaire, elle doit constituer un atout pour la France dans
le contexte de l’ouverture des marchés de l’énergie.
II. Le financement de la gestion à long terme des déchets radioactifs
Les déchets radioactifs, leur gestion et son financement
Les déchets du parc nucléaire d’EDF
Le parc nucléaire d’EDF actuellement en exploitation produira,
déconstruction comprise, une quantité moyenne de déchets radioactifs de 1
kg par habitant et par an, dont 98% de déchets à vie courte et 2% de déchets
à vie longue.
Les déchets à vie courte proviennent ou proviendront des activités
d’entretien et de maintenance des centrales en fonctionnement ainsi que de la
déconstruction des centrales mises à l’arrêt définitif.
Les déchets à vie longue correspondent pour l’essentiel aux déchets
contenus dans les assemblages combustibles extraits des réacteurs après
usage. Les déchets de haute activité à vie longue
sont constitués des
« cendres » de la combustion nucléaire qui représentent 4% de la matière
combustible usée mais concentrent l’essentiel de la radioactivité totale des
déchets (environ 95%).
La gestion des déchets radioactifs du parc EDF
En 1991, la France s’est dotée d’un organisme public spécifiquement
en charge de la gestion à long terme des déchets radioactifs : l’Andra
82
.
La décennie 1990 – 2000 a ensuite vu un développement massif des
infrastructures destinées à la gestion des déchets radioactifs. Des
investissements de l’ordre de 10 Md€ ont ainsi conduit aux résultats
suivants :
-
les déchets radioactifs à vie courte (98% des déchets radioactifs) ont
aujourd’hui une solution de gestion complète, via la mise en service
des centres de stockage de l’Andra dans l’Aube (Soulaines pour des
déchets de faible et moyenne activité et Morvilliers pour les déchets
de très faible activité) ;
-
le traitement du combustible usé par Cogéma à La Hague permet de
séparer les déchets à vie longue des matières qui peuvent être
recyclées. Les déchets à vie longue sont ainsi triés, conditionnés sous
des formes assurant leur confinement, puis entreposés dans des
installations propres à assurer leur isolement par rapport à l’homme
82
) Agence Nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
284
C
OUR DES COMPTES
et son environnement pendant au moins plusieurs décennies. En
particulier, la vitrification des déchets de haute activité est un mode
de conditionnement garantissant une immobilisation de ces déchets
sur le très long terme.
-
l’entreposage des déchets à vie longue à La Hague ne constitue
cependant pas un mode de gestion de long terme compatible avec la
durée de vie de ces déchets (supérieure à plusieurs milliers d’années).
C’est pourquoi, La loi du 30 décembre 1991 (dite loi Bataille) a
organisé un programme de recherches suivant trois axes (séparation /
transmutation, stockage géologique, entreposage de longue durée) destiné à
éclairer au terme de quinze années de travail scientifique l’option de gestion
à long terme susceptible d’être retenue par les pouvoirs publics pour les
déchets de haute activité à vie longue.
Le financement de la gestion des déchets radioactifs
Le financement de la gestion des déchets radioactifs se fait selon le
principe « pollueur – payeur ».
Ce principe requiert, en cohérence avec l’équité et l’efficacité
économique, de faire supporter, à celui qui bénéficie de l’activité produisant
les déchets, l’ensemble des charges relatives à leur gestion.
L’application de ce principe ne pose pas de problème particulier pour
les opérations réalisables à court terme qui se traduisent par des contrats
entre EDF et l’Andra pour l’élimination des déchets à vie courte et des
contrats avec Cogéma pour le traitement du combustible usé, le
conditionnement et l’entreposage des déchets à vie longue.
En revanche, l’application du principe « pollueur – payeur » à la
gestion à long terme des déchets à vie longue induits par la production
électrique nucléaire nécessite de savoir comment assurer, à partir des
recettes d’aujourd’hui, le financement de dépenses différées (de l’ordre de
plusieurs décennies), de longue durée (de l’ordre du siècle), dont le niveau
doit être évalué a priori.
A titre d’illustration, si le mode de gestion à long terme choisi était le
stockage géologique, les études de l’Andra indiquent que les déchets de haute
activité, une fois vitrifiés à La Hague (soit une dizaine d’années après leur
production en réacteur), devraient refroidir en entreposage pendant au
moins 50 ans avant de pouvoir être pris en charge dans un stockage
dont les dépenses
principales
(construction,
exploitation,
fermeture)
s’échelonneraient sur une période de l’ordre du siècle.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
285
Malgré ces difficultés, EDF doit aujourd’hui assumer une anticipation
réaliste et prudente du coût futur de la gestion à long terme des déchets
radioactifs, afin de constituer dans ses comptes une provision dont la valeur
actuelle s’élève aujourd’hui à 3,4 Mds €
83
.
Une provision prudente qui ne préjuge pas de l’issue de la loi Bataille
Pour évaluer les charges futures relatives à la gestion à long terme
des déchets à vie longue, EDF a retenu l’hypothèse de la mise en oeuvre d’un
stockage géologique en 2020.
En l’absence d’un choix institutionnellement établi, il s’agit là d’une
convention financière réaliste et prudente, conforme aux pratiques
internationales des électriciens nucléaires et confortée par les conclusions
qui émergent d’ores et déjà des recherches engagées depuis plus de dix ans
dans le cadre de la loi Bataille.
En effet, dans son dernier rapport de juin 2004, la Commission
Nationale d’Evaluation des recherches menées au titre de la loi du 30
décembre 1991 (CNE) met en évidence la forte complémentarité des trois
axes initialement conçus comme concurrents :
-
malgré des résultats scientifiques prometteurs, la R&D sur l’axe
« séparation/transmutation »
relève
encore
de
la
recherche
fondamentale et c’est l’arrivée, à l’horizon 2040, des réacteurs de
Génération IV qui pourrait permettre d’exploiter industriellement
cette possibilité pour réduire encore le volume des déchets à vie
longue ;
-
les résultats concernant la tenue à long terme des verres incorporant
les déchets de haute activité sont favorables, de même que la qualité
de l’argile de Bure où se situe le laboratoire souterrain relatif aux
recherches sur le stockage géologique, ce qui conduit la CNE à
considérer qu’
«
en 2006, il n’existera pas d’obstacle dirimant qui
empêcherait le législateur de prendre une décision de principe quant
au stockage des déchets à vie longue dans le secteur étudié » ;
-
l’entreposage des déchets vitrifiés dans les installations industrielles
existantes est sûr et suffisamment pérenne pour permettre d’optimiser
la date de mise en service d’un stockage géologique, si la décision de
principe de ce mode de gestion à long terme était prise en 2006 par la
représentation nationale.
83
) avec un taux d’actualisation des dépenses prévisionnelles nominal de 5 % et une
inflation sous-jacente de 2 %..
286
C
OUR DES COMPTES
Dans ce contexte, le choix d’une convention financière reposant sur le
stockage géologique, pour l’établissement des provisions relatives à la
gestion à long terme des déchets à vie longue, apparaît comme pertinent au
regard des pratiques internationales et des enseignements des recherches
réalisées dans le cadre de la loi Bataille.
Le coût du stockage géologique est évalué à partir d’une traduction
financière prudente d’un devis produit par l’Andra en 1996. Cette
évaluation, cohérente avec les données internationales, fait actuellement
l’objet d’un travail d’actualisation dans le cadre d’un Groupe de Travail
piloté par la DGEMP et réunissant en outre les Directions du Trésor et du
Budget, l’Andra, le CEA, Cogéma et EDF.
Cette consolidation d’un coût de référence du stockage géologique, en
cohérence avec les provisions constituées et les évaluations internationales,
sur la base des concepts techniques qui seront présentés par l’Andra en 2005
– 2006, apparaît comme un élément de crédibilité incontournable en vue du
débat parlementaire de 2005 – 2006 et la suite du processus.
Elle constitue la base d’un mouvement plus large qui apparaît
nécessaire pour sécuriser le financement de la gestion à long terme des
déchets radioactifs et améliorer la transparence et l’efficacité du dispositif.
Garantir le financement et l’efficacité sur la durée par la responsabilisation
La crédibilité du financement de la gestion à long terme des déchets
radioactifs dans le cadre du principe « pollueur – payeur » repose sur trois
piliers :
-
il faut tout d’abord, on l’a vu, disposer d’une évaluation a priori
réaliste et prudente du coût de la solution de gestion qui sera mise en
oeuvre, afin de prélever les montants adéquats sur les recettes
d’aujourd’hui ;
-
il convient ensuite de faire fructifier et de sécuriser les fonds ainsi
collectés pour pouvoir faire face le moment venu aux dépenses
différées ;
-
mais ces deux premiers piliers seront finalement peu efficaces si l’on
ne les complète pas par une allocation des responsabilités constituant
une garantie pour la société de l’optimisation technico-économique de
la solution.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
287
Le deuxième pilier repose sur la mise en oeuvre d’un mécanisme
financier adéquat. Dès 1984, une étude de l’OCDE
84
suggérait que
l’alimentation, par les producteurs de déchets, d’un fonds spécial de
financement, via des versements proportionnels au volume des déchets et
libératoires de leur obligations financières à long terme, constituait
vraisemblablement une solution favorable du point de vue de la sûreté à long
terme et de la répartition équitable des charges entre les générations
(cf .également V actifs dédiés).
Le troisième pilier, qui est en fait le centre du dispositif, sera le mieux
assuré si l’opérateur en charge de la gestion à long terme des déchets
radioactifs est véritablement responsabilisé sur son résultat, ce qui revient à
appliquer le principe de la mise en cohérence des responsabilités technique
et financière.
L’application de ce principe est également la clé permettant d’assurer
sur la durée l’efficacité du dispositif de développement de la solution de
gestion à long terme des déchets radioactifs. Cette efficacité ne peut en effet
être assurée que par un opérateur pleinement responsabilisé sur toutes les
composantes de son activité, disposant d’une visibilité financière à long
terme et garant de l’optimisation technico-économique de la solution qu’il a
la charge de mettre en oeuvre.
La responsabilité d’optimisation technico-économique de la solution
nécessiterait notamment que l’opérateur en charge de la gestion à long terme
des déchets radioactifs dispose pleinement du levier constitué par la durée
d’entreposage des déchets conditionnés.
En s’inspirant de pratiques développées dans d’autres pays depuis le
milieu des années 1980, l’application des principes suivants conduirait à
transférer à l’Andra la responsabilité des déchets à vie longue après
conditionnement et mise en entreposage à l’issue du processus industriel
existant (soit une dizaine d’années après la production des déchets en
réacteur). En contrepartie, dans le cadre du principe « pollueur – payeur »,
les producteurs de déchets verseraient une contribution libératoire pour
alimenter un fonds de financement spécial pour la gestion à long terme des
déchets radioactifs, dont la gestion devrait permettre d’assurer, en toute
transparence, les citoyens de la sécurisation et de la bonne utilisation de ces
ressources.
84
) Gestion à long terme des déchets radioactifs : aspects juridiques, administratifs et
financiers ; OCDE 1984.
288
C
OUR DES COMPTES
En conclusion
, le dispositif proposé ci-avant permettrait :
-
de garantir l’efficacité du développement de la solution de gestion à
long terme des déchets radioactifs, selon les choix qui seront faits en
2006 à l’issue de la loi Bataille ;
-
d’assurer la réalité du principe « pollueur – payeur » par la
sécurisation et la mise en visibilité des fonds constitués aujourd’hui en
prévision de dépenses de long terme fortement différées (de l’ordre de
plusieurs dizaines d’années) ;
-
de donner à l’Andra une visibilité à long terme et tous les moyens,
techniques
et
financiers,
pour
assumer
l’ensemble
de
ses
responsabilités dans la mise en oeuvre d’une solution résultant d’une
réelle optimisation technico-économique au profit de l’ensemble de la
collectivité nationale.
Un tel dispositif complèterait la loi Bataille et apporterait une
contribution positive à la préparation des débats de 2005 – 2006, en
constituant de plus une solution robuste aux évolutions institutionnelles du
secteur de l’énergie (ouverture à la concurrence, ouverture du capital
d’AREVA et d’EDF …).
III - Les actifs dédiés
D’une façon générale, la Cour tend à considérer qu’EDF fonde la
constitution de ses actifs dédiés sur une assiette réduite, en excluant de son
champ le retraitement et les centrales à l’arrêt.
Retraitement
Comme le souligne la Cour, il faut distinguer deux composantes dans
la provision pour retraitement :
La quote-part revenant à EDF du démantèlement des installations de
Marcoule et de La Hague. Il s’agit là d’engagements tout à fait similaires à
ceux des centrales d’EDF, qu’il serait en effet normal de couvrir par des
actifs dédiés. Mais il s’agit d’installations appartenant à des tiers, pour
lesquels EDF n’a aucune prise sur la réalisation opérationnelle. Dans un
souci de clarification des responsabilités, il semble préférable de placer ces
fonds chez l’opérateur. En contrepartie, EDF s’engagerait à payer une soulte
libératoire intégrant une marge pour risques et aléas. C’est dans cet esprit,
avec le consentement des parties, que le démantèlement de Marcoule va être
repris par le CEA. Des négociations sont en cours pour traiter les
installations de La Hague de façon similaire. Bien entendu, le paiement de
ces soultes ne conduira pas à interrompre la constitution des autres fonds.
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
289
L’essentiel de la provision pour retraitement (6,5 Md€ fin 2003)
concerne le retraitement du parc en exploitation. EDF considère que cette
provision est de nature totalement différente des autres provisions,
s’assimilant beaucoup plus à un poste du cycle d’exploitation, alors que les
autres engagements ressemblent plus à une dette future. En effet, tant que
dure cette provision, elle fait l’objet régulier de dotations et de reprises,
conduisant à une relative stabilité dans le temps.
Le décaissement net réel au titre du retraitement n’interviendra
qu’à
l’arrêt de l’exploitation du parc nucléaire. Parallèlement, l’exploitation des
centrales conduit à constituer des stocks de montant presque équivalent
(5,4 Mds), bien supérieurs à ceux des autres filières, et eux aussi liés au cycle
d’exploitation. En cas d’arrêt de la filière nucléaire, la baisse des emplois à
l’actif (stocks) pourra financer les besoins au passifs (le retraitement).
C’est pourquoi il paraît économiquement pertinent de traiter
différemment ces provisions et de les exclure du champ de la réflexion. Ce
raisonnement a d’ailleurs été admis par Moody’s dans son analyse de la
problématique nucléaire.
Centrales à l’arrêt
En retirant les centrales à l’arrêt du raisonnement, EDF s’inscrivait
dans les projets de Directives Européennes sur la sûreté nucléaire, qui les
excluaient-elle aussi du champ d’application de la constitution des fonds.
Ceci a une explication logique, puisque l’esprit des Directives était de
demander de constituer des fonds avec les ressources d’exploitation, qui
n’existent plus après l’arrêt.
Sur un plan pratique, il n’est, comme l’a compris la Cour, pas
forcément pertinent de constituer a posteriori des fonds obligataires financés
sur emprunts, pour des dépenses qui auront lieu pour l’essentiel avant le
renouvellement du parc, période de contrainte forte en matière de
financement.
٭٭٭
Par ailleurs, selon la Cour (Troisième partie du rapport
– chapitre II
– conclusion et recommandations) EDF ne dispose que d’un embryon
d’actifs dédiés par rapport à la masse à financer et tout repose sur sa
capacité à disposer d’actifs suffisants ; L’information sur leur composition
est insuffisante : Or, les comptes publiés par EDF donnent fort peu
d’indications sur la composition du portefeuille d’actifs financiers.
Comme le souligne aussi la Cour, la situation financière d’EDF n’est
pas non plus étrangère à cette position. D’un modèle de monopole public
régulé travaillant de facto sans capitaux propres (tous les risques étaient
supportés par les clients), l’entreprise doit passer à un modèle concurrentiel
où le risque de contrepartie devient essentiel, ce qui suppose une base
suffisante des fonds propres et une couverture suffisante des principaux
290
C
OUR DES COMPTES
engagements de long terme. Si les fondamentaux de l’entreprise sont
suffisamment solides pour permettre d’assurer cette évolution, elle doit
s’inscrire dans une période de temps suffisante.
En ce qui concerne les engagements nucléaires, EDF approuve les
démarches visant à mieux les sécuriser, et c’est d’ailleurs le sens de son
appui aux projets de Directives Européennes, sous réserve de modalités de
transition acceptables.
Il semble raisonnable d’étaler ce rattrapage vers une situation
normale (fonds constitué régulièrement, dès l’origine, sur la période
d’exploitation, à un niveau suffisant pour assurer le besoin final) sur la
décennie à venir, qui précède les premières dépenses de renouvellement du
parc. Cela suppose un décaissement annuel total (dépenses directes de
démantèlement des centrales à l’arrêt, soultes libératoires, alimentation des
fonds) un peu supérieur à un milliard d’euros par an.
٭٭٭
Enfin plus généralement, la Cour note ((Troisième partie du rapport
– chapitre II – Point I-B-3): « Compte tenu des résultats passés du groupe,
les modalités de financement des charges nucléaires futures ne sont pas
établies avec certitude, d’autant plus que la question du renouvellement du
parc – nucléaire ou non – se posera au cours de la même période. Il manque
une stratégie financière clairement affichée montrant de quelle façon
chacune des lourdes charges à venir sera financée ».
EDF partage le souci de la Cour qui souhaite voir mise en place une
stratégie financière clairement affichée. Elle ne partage pas par contre la
remarque précédente qui confond la notion de fonds et celle de provision.
Pour toutes les charges fixes provisionnées dès le début d’exploitation
des centrales (démantèlement des centrales, parties fixes de l’installation de
stockage de l’Andra), on ne peut assimiler directement fonds constitués et
montant des provisions. En effet, dans le référentiel IFRS, la provision est
constituée en totalité dès l’origine, et n’évolue plus ensuite que par la
désactualisation (ou un recalage technique du devis, bien sûr). En revanche,
si l’on considère, comme le faisait à juste titre la Commission Européenne
dans son analyse, que ce sont les ressources collectées durant la période
d’exploitation qui doivent être prises en compte, le fonds sera constitué
progressivement. Il sera donc inférieur au montant des provisions durant
toute la période d’exploitation, pour le rejoindre à la date d’arrêt théorique
de la centrale. Si les fonds avaient été constitués ainsi dès l’origine sur le
parc REP, les fonds constituées devraient ainsi représenter aujourd’hui les
deux tiers des provisions comptables.
***
R
EPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES INTERESSES
291
2
EME
PARTIE – OBSERVATIONS DIVERSES
La gestion des déchets FAVL
Les déchets aujourd’hui pris en considération dans la catégorie
« Faible Activité à Vie Longue » sont les déchets radifères, provenant de la
concentration d’activité naturelle par des industries non nucléaires (ex.,
Rhodia), et les déchets « graphite » qui résulteront de la déconstruction des
anciens réacteurs UNGG (cf. deuxième partie du rapport – chapitre II –
point III-A).
Les producteurs de ces déchets ont demandé à l’Andra d’étudier une
solution de gestion à long terme. L’Andra a ainsi proposé un concept en
sub
surface dont l’étude est financée par les producteurs des déchets
concernés.
A ce jour, ces études sont allées aussi loin qu’il est possible en
l’absence du choix d’un site de stockage particulier. Elles ont néanmoins
permis de déterminer les concepts de stockage qu’il conviendrait de mettre
en oeuvre pour garantir la sûreté à long terme.
Sur cette base, l’Andra a pu communiquer aux producteurs des
premiers éléments de coût qui ont été utilisés par EDF pour constituer une
provision pour le stockage des déchets FAVL.
L’affirmation contenue dans le rapport (Troisième partie du rapport
– chapitre I – point II-C-1-b) selon laquelle « Les modalités de calcul d’une
telle provision paraissent bien hasardeuses, puisque tout repose sur une
hypothèse de création d’un centre de stockage, qui n’a à ce jour, jamais été
discutée avec l’ANDRA », est donc inexacte.
Malgré les incertitudes incontournables qui entourent l’évaluation du
coût de ce stockage, du fait de l’absence d’un site candidat qualifié et malgré
le volume déjà important d’études de l’Andra financées par les producteurs
depuis de nombreuses années, EDF a considéré qu’il était de sa
responsabilité de prévoir le financement de cette dépense à venir, en
constituant une provision avec les meilleurs éléments en sa possession.
Actualisation des provisions
Troisième partie du rapport
– chapitre I (point II-C-2-b) : Selon la
Cour, l’entrée en vigueur de l’actualisation des provisions aurait affaibli
l’argumentaire d’EDF selon lequel le coût du démantèlement est imputé sur
le prix du kWh produit, puisque les charges de désactualisation sont imputées
sur le résultat financier jusqu’à la date de réalisation effective des travaux.
Pour EDF, le nouveau mode de comptabilisation continue à intégrer
le bon niveau de charges à chaque instant.
292
C
OUR DES COMPTES
En effet, ce nouveau mode de comptabilisation :
étale sur la période d’exploitation, à travers l’amortissement de l’actif
de démantèlement, la prise en charge de la provision initiale,
impute ensuite aux charges financières, à travers le mécanisme de
désactualisation, un montant équivalent à ce qu’aurait coûté un
emprunt apportant le même niveau de ressources.
Parallèlement, la trésorerie constituée par la provision produit
jusqu’au décaissement effectif, des revenus qui neutralisent de fait la charge
financière d’actualisation citée ci-dessus.