La politique
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d’aide aux
d’aide aux
d’aide aux
d’aide aux
biocarburants
biocarburants
biocarburants
biocarburants
Rapport public thématique
Evaluation d’une politique publique
Janvier 2012
Table des matières
TABLE DES MATIERES
.............................................................................
3
DELIBERE
....................................................................................................
7
INTRODUCTION
..........................................................................................
9
I
- Objet et périmètre
...................................................................................
9
II
- Méthodologie, déroulement de l'évaluation et plan du rapport
......
12
CHAPITRE I LES DONNEES DE FAIT
...................................................
15
I
- Le contexte énergétique
........................................................................
15
II
- Biocarburants et énergie
.....................................................................
18
III
- Biocarburants et agriculture
.............................................................
26
IV
- Biocarburants et environnement
......................................................
32
V
- Les règlementations : des niveaux multiples et superposés
..............
40
VI
- Données financières
............................................................................
53
VII
- Comparaisons internationales
.........................................................
72
CHAPITRE II LES POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
.............
83
I
- Pétroliers et distributeurs
.....................................................................
84
II
- Constructeurs automobiles
.................................................................
91
III
- Producteurs de biodiesel
....................................................................
97
IV
- Producteurs d’éthanol
......................................................................
103
V
- Exploitants agricoles producteurs de matières premières
..............
110
VI
- Associations de consommateurs
......................................................
120
VII
- Défenseurs de l’environnement
.....................................................
122
VIII
- Administrations de l’État
.............................................................
132
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4
COUR DES COMPTES
CHAPITRE III - LES RESULTATS DE L’EVALUATION
....................
147
I
- Efficacité : en diminution
...................................................................
148
II
- Efficience : un retour sur investissement inégal, des rentes de
situation et un contexte désormais plus mouvant
...................................
156
III
- Pertinence inégale selon les trois politiques affichées
...................
175
CONCLUSION GENERALE
....................................................................
199
LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR
...........................................
203
ANNEXES
..................................................................................................
207
INDEX
........................................................................................................
221
REPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET DES ORGANISMES
CONCERNES
............................................................................................
225
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Les rapports publics de la Cour des comptes
consacrés à une évaluation de politique publique
La Cour publie un rapport public annuel et des rapports publics
thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique. Il est consacré à
une évaluation de politique publique.
L’évaluation des politiques publiques est une des activités de la Cour.
Selon l’article 47-2 de la Constitution, « elle assiste le Parlement et le
Gouvernement » notamment « dans l’évaluation des politiques publiques ».
Sa contribution à l’évaluation des politiques publiques figure parmi les
missions qui lui sont assignées dans le code des juridictions financières
(article L. 111-3-1). Celui-ci définit également les modalités selon lesquelles
les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent saisir la Cour de
demande d’évaluation (article L. 135-2).
Dans ses évaluations, la Cour s’attache principalement à apprécier les
résultats de la politique publique examinée au regard à la fois des objectifs
poursuivis (efficacité) et des moyens mis en oeuvre (efficience).
Comme pour les contrôles et les enquêtes, les évaluations peuvent être
réalisées conjointement par la Cour et les chambres régionales des comptes.
En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs. Les
principales parties prenantes à la politique évaluée sont associées aux travaux
d’évaluation. Des consultations et des auditions sont organisées pour
bénéficier d’éclairages larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles, enquêtes et évaluations que
l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les travaux effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
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COUR DES COMPTES
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle, d’une enquête ou d’une évaluation, de
même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite,
sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes de la
préparation et de la réalisation des travaux, ainsi que de leur publication.
Tout contrôle, enquête ou évaluation est confié à un ou plusieurs
rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre
formation comprenant au moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de
contre-rapporteur, chargé notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il
en va de même ensuite pour la préparation des projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
In fine
, les projets
de rapport public sont soumis, pour adoption, à la chambre du conseil où
siègent, sous la présidence du premier président et en présence du procureur
général, les présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les
conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes, et ses autres travaux
publiés, sont accessibles en ligne sur le site Internet de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La documentation
Française.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté
le présent rapport sur « L’évaluation d’une politique publique – La
politique d’aide aux biocarburants ».
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations et organismes concernés, et des réponses qu’ils ont
adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont
participé
au
délibéré :
M. Migaud, Premier
président,
MM. Babusiaux,
Descheemaeker,
Bayle,
Mme Froment-Meurice,
MM. Durrleman, Lévy, Lefas, présidents de chambre, M. Bertrand,
président de chambre, rapporteur général, M. Pichon, Mme Cornette,
M. Hespel, présidents de chambre maintenus en activité, MM. de
Mourgues, Richard, Rémond, Gillette, Duret, Ganser, Monier, Troesch,
Beaud de Brive, Briet, Mme Lévy-Rosenwald, MM. Duchadeuil, Lebuy,
Brun-Buisson,
Cazala,
Mme
Morell,
MM
.
Morin,
Braunstein,
Mme Dayries, M. Phéline, Mme Ratte, MM. Jean Gautier, Tournier,
Mme Seyvet, M. Vachia, Mme Moati, M. Davy de Virville, Mme Aubin-
Saulière,
MM.
Sabbe,
Petel,
Valdiguié,
Ténier,
Lair,
Mme Trupin, M. Corbin,
Mme
Froment-Védrine, MM. Rigaudiat,
Ravier, Doyelle, de Gaulle, Mme Saliou, MM. Piolé,
Prat, Guédon,
Mme Gadriot-Renard, MM. Claude Martin, Bourlanges,
Le Méné,
Baccou,
Sépulchre,
Arnauld
d’Andilly,
Antoine,
Mousson,
Mmes Malgorn, Bouygard, MM. Chouvet, Clément, Mme Cordier,
MM. Migus, Laboureix, Mme Esparre, M. de la Guéronnière, Mme Pittet,
MM. Duwoye, Jamet, conseillers maîtres, MM. Schott, Klinger, Dubois,
Gros, Carpentier, Blairon, Marland, Schmitt, conseillers maîtres en
service extraordinaire.
A assisté et participé aux débats, sans prendre part au délibéré,
M. Bénard,
Procureur
général.
Il
était
accompagné
de
M. Maistre, premier avocat général, et de M. Perrin, avocat général.
A été entendu
en son rapport, M. Bertrand, rapporteur général,
assisté de MM. Migus et Ravier, conseillers maîtres.
***
M. Terrien, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre
du conseil.
Fait à la Cour, le 17 janvier 2012.
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8
COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 21 octobre 2011, par la septième chambre de la Cour des
comptes, présidée par M. Descheemaeker, président de chambre, et
composée de MM. Lebuy, Gautier Jean, Mme Darragon, MM. Pétel,
Doyelle, Guédon, Mmes Vergnet et Cordier, conseillers maîtres, les
rapporteurs étant MM. Ravier et Migus, conseillers maîtres, et le contre-
rapporteur, M. Beaud de Brive, conseiller maître.
MM. Jannin, rapporteur extérieur, et Gohin, rapporteur à temps
partiel, ont également participé aux travaux.
Il a été fait appel au concours, en tant qu’experts, de Mme Alazard-
Toux, de MM. Folz et Guyomard et de Mme Tubiana.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 8 novembre
2011, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de MM. Migaud, premier président, Bénard, procureur
général, Picq, Babusiaux, Descheemaeker, Bayle, Bertrand, rapporteur
général du comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman et Levy,
présidents de chambre.
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Introduction
I
-
Objet et périmètre
1.
Les principaux biocarburants actuellement sur le marché sont issus
des réserves énergétiques (graisse, amidon, sucre) des plantes
1
ou, encore
à la marge, de déchets issus de collecte d'huiles usagées et de graisses
animales. Le champ couvert par la présente évaluation est limité à
l'analyse de la politique publique en faveur des biocarburants liquides, dits
de première génération, dans les transports routiers
2
.
2.
Les aides publiques aux biocarburants sont un sujet fortement débattu
en France et le plus souvent abordé par des enquêtes administratives
3, 4
sous l'angle de la justification ou non de la dépense fiscale associée. En
fait, l’analyse de la politique française en la matière doit tenir compte de la
complexité introduite par la superposition et les interactions entre de
nombreux paramètres. Tout d'abord cette politique vise des objectifs
multiples,
qu'ils
soient
agricoles,
économiques,
énergétiques,
environnementaux
5
. D’une part, cette multiplicité interdit de rapporter de
façon absolue les effets, positifs ou non, à un seul d'entre eux
6
. Elle rend,
Cependant, d’autre part, difficile une analyse précise en termes
1
On parle alors de biocarburants de première génération.
2
Les domaines tels que l'utilisation générale de la biomasse pour l'énergie ou
l'utilisation des biocarburants pour les moteurs d'avion ne sont pas abordés. Quelques
questions relatives aux investissements et développements des futurs biocarburants
dits avancés (deuxième et troisième génération) figurent en annexe.
3
H. Prévot, V. Hespel et al, (rapport du conseil général des mines, de l’inspection
générale des finances et du conseil général du génie rural, des eaux et les forêts, 2005)
4
Cf. le Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de
juin 2011. La fiche annexe sur la dépense fiscale n° 800107 relevant du programme
154 dans la loi de finances de la mission agriculture, pêche, alimentation, forêt et
affaires rurales y reprend les analyses du rapport non publié de l’inspection générale
des finances et du conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces
ruraux (F. Mongin et al), 2008.
5
Par exemple avec le Grenelle de l’environnement qui a constaté en 2008 que, sans
les biocarburants, la France ne serait pas en mesure de respecter ses engagements en
termes d’énergie renouvelables.
6
Quoiqu’elle les lie à travers le champ des stratégies des acteurs et leur mise en
oeuvre.
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10
COUR DES COMPTES
d’efficacité dans la mesure où ces objectifs ne sont, sauf exception, ni
quantifiés
ni insérés dans une vision globale de l’usage des carburants.
3.
Ensuite, c'est une politique relativement nouvelle, et ses effets ne sont
ni linéaires ni proportionnels aux actions entreprises, lesquelles reposent
sur différents instruments définis à différentes échelles : réglementations
mondiale, européenne, nationale (normes d'incorporation, protection aux
frontières), instruments fiscaux (exonération de taxe intérieure à la
consommation associée à des quotas de production – ou agréments –, taxe
générale sur les activités polluantes, double comptage des graisses
animales et des huiles alimentaires usagées). Ce fait conduit à mesurer les
résultats davantage par rapport aux objectifs que l’on pourrait qualifier de
second rang, que sont les outils de la politique, que par rapport à ceux
mentionnés précédemment.
4.
Enfin, cette politique subit l'influence de celles menées par d'autres
pays ou à d'autres niveaux. Ainsi, la directive européenne 2009/28/CE du
23 avril 2009 relative à la promotion de l'énergie produite à partir de
sources renouvelables est l'une des directives du paquet "Climat- énergie"
adopté sous présidence française de l'Union européenne en décembre
2008
7
. Il n’en demeure pas moins que la mise en oeuvre de cette directive,
comme d’autres ayant le même objet, reste assez différenciée selon les
pays membres : il n'en existe pas d'application unique. De même, le projet
récemment présenté par la Commission européenne sur la taxation de
l'énergie en fonction des émissions de CO
2
et du contenu énergétique,
c'est-à-dire de l'énergie réelle qu'un produit permet d'obtenir, ne va pas
manquer de poser de nombreux problèmes. Par ailleurs, d'autres pays, tels
que les États-Unis, l’Argentine, le Brésil, utilisent eux aussi différents
instruments pour promouvoir leur propre production de biocarburants.
5.
Les biocarburants de première génération sont l’objet de débats,
travaux, publications, réunions, sources de controverses non encore
résolues mais de plus en plus médiatisées. Le soutien aux biocarburants
diffère de celui donné aux autres formes d’énergie renouvelables en ce
qu’il crée une interconnexion, mal comprise et faussement perçue comme
inédite, entre les marchés de l’énergie et ceux de l’alimentation humaine et
animale, sujet venu au premier plan à partir de 2007 avec la grande
volatilité des prix des matières premières agricoles.
7
Cette directive a été transposée en droit français le 14 septembre 2011, au lieu de
décembre 2010 comme les textes le prévoyaient : "
Ordonnance n° 2011-1105 du
14 septembre 2011 portant transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE du
Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 dans le domaine des énergies
renouvelables et des biocarburants"
.
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INTRODUCTION
11
6.
Plusieurs grilles de lecture des finalités d’une politique publique en
faveur des biocarburants sont possibles. Les plus récentes sont regroupées
sous le vocable de « durabilité », notion qui recouvre l’équité sociale, les
questions éthiques (envers la génération actuelle ou les générations
futures),
le
développement
économique
et
la
protection
de
l’environnement. Le fait que la production française puisse être désormais
labellisée « durable » l’insère par conséquent dans la problématique
mondiale et fait partie de la réflexion en amont sur la politique publique
menée à cet égard.
7.
Cela dit, dans la plupart des pays, en Europe et en France notamment,
une telle politique est le résultat de priorités successives qui s'ajoutent les
unes aux autres sans que les premières soient remises en cause. De l’avis
général, ces politiques ont d’abord été reliées aux politiques agricoles,
avant
d’être
dotées
d’objectifs
d’indépendance
énergétique,
les
préoccupations environnementales s’étant enfin ajoutées aux deux
premières, mais sans jamais être précisément quantifiées et dotées
d’indicateurs vérifiables.
8.
L’évaluation, objet du présent rapport, analyse la hiérarchie de ces
objectifs au regard des politiques menées et des résultats constatés. Plus
précisément, de nombreuses questions en amont de la précédente doivent
être abordées, dans le champ de cette évaluation, correspondant à la
diversité des objectifs mis en avant.
La politique publique en faveur des biocarburants :
-
Est-ce une politique agricole ? Certaines de ses composantes
sont-elles à cet égard plus pertinentes que d’autres ? Les
investissements ont-ils permis de créer des filières industrielles
compétitives et pertinentes pour le futur ?
-
Renforce-t-elle l’indépendance énergétique de la France ? Le
rapport coûts/avantages est-il satisfaisant ?
-
A-t-elle un effet positif sur l’environnement ? Cet effet est-il
mesurable ?
Les
controverses
sur
l'utilisation
des
sols
présentent-elles un risque pour la filière ?
-
A-t-elle
un
impact
économique
(nombre
d’entreprises
bénéficiaires ou d'usines créées, d’emplois, capacité d’évoluer
vers d’autres technologies) ?
-
Les instruments de cette politique publique sont-ils efficaces et
adéquats ? N'induisent-ils pas des effets économiques pervers :
effets d’aubaine, monopole de fait, rentes de situation, etc.
-
Comment est gérée la sensibilisation voire la participation de
l’usager à cette politique? Celui-ci est-il conscient de participer
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12
COUR DES COMPTES
d’une politique agricole, énergétique ou environnementale, ou la
subit-il passivement ?
-
La dimension éthique est-elle respectée ?
L’évaluation s’attachera également à des questions de cohérence ; par
exemple, la politique agricole et la politique environnementale sont-elles
compatibles, notamment au regard des méthodes de production ou au
regard de l’équilibre entre la production énergétique et la production
alimentaire ? De ce point de vue, la dimension internationale permettra de
tirer des conclusions travers la comparaison des différentes politiques
menées dans différents pays.
II
-
Méthodologie, déroulement de l'évaluation et
plan du rapport
9.
L’évaluation conduite dans le présent rapport s'inscrit dans le cadre de
la nouvelle mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans
l’évaluation des politiques publiques confiée à la Cour des comptes par
l’article 47-2 de la Constitution à la suite de la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008.
10.
La méthode choisie a consisté à mener une enquête qui, outre
l’efficience et l'efficacité des instruments d'une politique pour en améliorer
la performance, aborde l'ensemble des résultats et des impacts avec une
grande largeur de champ, en tenant compte de l'importance accrue
conférée aux aspects pluridisciplinaires et transverses. La nécessité
d'enquêter auprès de l'ensemble des "parties prenantes", c'est-à-dire des
principaux acteurs, a conduit, tout d’abord, à procéder à leur identification
et à une cartographie préalable des relations entre elles
8
. Pour la plupart,
s’agissant de personnes physiques ou morales privées, ces acteurs sont
hors de la juridiction de la Cour des comptes, ce qui implique une volonté
réciproque de déboucher sur des conclusions, une nécessité de
transparence et une recherche d'un point d'équilibre entre des intérêts et
donc des points de vue par définition différents, sinon divergents. A défaut
d'atteinte de cet équilibre, les points de vue sont exposés de façon
transparente, faisant apparaître, suivant les cas, les divergences.
8
Les parties prenantes développées dans la cartographie comportent, dans la filière :
les exploitants agricoles, les producteurs de biocarburants, les pétroliers et
distributeurs de carburants, les constructeurs automobiles et, hors de la filière : les
associations de défense des consommateurs, de l'environnement, etc. et les organismes
internationaux et services de l'État.
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INTRODUCTION
13
11.
Cette évaluation a pris appui sur un groupe d'experts, indépendants,
composé préalablement au début des investigations. Il a été réuni au début
des travaux afin de valider la méthode retenue et les grandes orientations
qui en découlaient, puis, après quelques mois, afin de faire avaliser les
résultats intermédiaires. Enfin, un étalonnage à l'échelon international et
plus particulièrement européen a été réalisé.
12.
Le présent rapport fournit, tout d'abord, un état des lieux factuel et
chiffré, aussi objectif que possible, partagé par l'ensemble des parties
prenantes (chapitre I) avant d'exposer les positions, stratégies et intérêts,
voire les perceptions de ces dernières. C'est sur ces bases que la Cour a
ensuite fondé son évaluation en termes d'efficacité, d’efficience, de
pertinence et de cohérence, notamment par une analyse des prises de
décision et de leurs impacts. Elle a, au final, émis des recommandations.
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Chapitre I
Les données de fait
I
-
Le contexte énergétique
Il est indispensable, avant d'aborder la problématique des biocarburants,
de commencer par replacer la question des biocarburants dans la
perspective plus large de l’énergie et des transports.
13.
Ces deux dernières années, des évènements parfois catastrophiques et
imprévus ont rappelé la prégnance du problème de l’énergie : la révolution
des gaz non conventionnels (dits "gaz de schistes") aux États-Unis,
l’accident de la plate-forme BP Deepwater en Louisiane, la catastrophe de
Fukushima Daiichi au Japon. Cependant, alors que la réflexion associée
devrait être de long terme, les considérations de court terme l’emportent le
plus souvent.
14.
En fait, il n’y a pas de sources d’énergie, même celles dites
alternatives, pour lesquelles on ne puisse avancer des conséquences
négatives : l’hydro-électricité par ses effets sur la biodiversité et
l’inondation de terres arables, les éoliennes par leurs nuisances et la
nécessité de transporter l'énergie produite en off-shore sur de grandes
distances, le photovoltaïque et son coût démesuré, la suspicion, enfin, que
les biocarburants sont à l’origine de la hausse des coûts des matières
premières agricoles tout en n’étant que peu, sinon pas efficaces pour
combattre l’effet de serre.
15.
Tout ceci montre bien que la problématique de l’énergie est désormais
au premier rang des préoccupations de nos sociétés, mais sans solution
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16
COUR DES COMPTES
évidente. L’évaluation de la politique d'aide envers les biocarburants
apparaît bien comme un défi, à la fois à cause de l’extrême complexité du
sujet et de la multiplicité des enjeux.
A - L'évolution mondiale de la consommation
16.
Les énergies fossiles, grandes émettrices de gaz à effet de serre (GES
dans la suite de ce rapport), constituent plus de 80 % des 12,27 Gtep
9
de
production
mondiale
d’énergie
primaire
et
parmi
celles-ci,
les
combustibles liquides correspondant à 27 % de l’énergie totale (8,43 Gtep)
consommée dans le monde.
17.
La consommation mondiale de pétrole a été en 2008 de 3,5 Gtep alors
qu'elle n'était que de 2 Gtep en 1971. La part des transports dans cette
utilisation de pétrole est de 61,4 %, soit 2,15 GTep, correspondant à 2500
milliards de litres.
18.
Dans son scénario le plus optimiste (dit 450)
10
en vue de limiter
l’augmentation de la température de 2°C, l’Agence internationale de
l’énergie (AIE)
11
attribue à l’OCDE l’effort le plus important dans sa
demande de pétrole, faisant passer le besoin mondial de production de
pétrole de 84 Mbarils/jour à 81,7 en 2035. L’AIE répartit cette diminution
entre différents processus à mettre en oeuvre, les économies d’énergie
(augmentation de l’efficacité), les énergies renouvelables, la séquestration
du carbone (CCS) et les biocarburants pour 3 % seulement.
B - En France : une consommation d'essence en baisse
et de gazole en hausse
19.
La fiscalité des carburants associée à la stratégie des constructeurs
nationaux d'automobiles a provoqué le basculement progressif vers un
parc de véhicules à prédominance diesel. Cela s’est traduit par la
décroissance continue de la consommation de supercarburant. Alors que la
capacité
de
production
des
raffineries
couvrait
exactement
la
consommation d’essence en 1994, celles-ci en produisaient pratiquement
50 % de trop en 2009. Le graphe suivant montre la surcapacité croissante
du parc des raffineries, le surplus dépassant 8,3 Mt en 2009.
9
Gtep : milliard de tonnes équivalent pétrole (voir l'Annexe I : Unités, données
physiques).
10
"450" pour 450 ppm de CO
2
, valeur plafond à ne pas dépasser, correspondant à une
émission de CO2 diminuant des 30 Gt annuel actuels à 21,7 Gt/an.
11
World Energy Outlook 2010, IEA, Beijing, 17 November 2010.
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LES DONNEES DE FAIT
17
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
1994
1995
199
6
19
97
1
998
1999
2000
200
1
20
02
2
003
2004
2005
200
6
20
07
2
008
2009
Année
En millions de tonnes
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
SP 95
SP 98
Super
E 10
PRODUCTION
On note la progression récente de l’essence SP95E10, amené à
remplacer l’essence SP95 (E5), mais aussi l’incorporation d’éthanol qui
accroit le surplus d’essence à exporter.
20.
Pour le gazole, les tendances sont inverses comme le montre le
graphe suivant, l'écart entre production et consommation augmentant
continuellement pour atteindre pratiquement 9,5 Mt actuellement.
0
5
10
15
20
25
30
35
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Année
En milliers de tonnes
0
5
10
15
20
25
30
35
Consommation de gazole
Production de gazole
Aujourd’hui, pour un volume d’essence, ce sont trois volumes de
gazole qui sont consommés. Or, quand une raffinerie distille du pétrole
pour obtenir des carburants, il n’est pas, au plan technique, possible
d’obtenir moins de 20 % d'essence et plus de 40-45 % de gazole, c'est-à-
dire plus que deux volumes de gazole pour un volume d’essence, du moins
sans dégrader de façon importante les performances énergétiques, donc
économiques, et les émissions de CO
2
de la raffinerie. Ceci oblige à
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18
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importer du gazole, la production nationale de biodiesel compensant de
manière marginale le besoin, et à exporter de l’essence, avec une marge
très faible voire nulle.
______
CONCLUSION – LE CONTEXTE ENERGETIQUE
_____
Pour être un besoin vital des sociétés humaines, l'énergie n'en pose
pas moins un problème fondamental, en ce sens qu’aucune source n'est
neutre. La biomasse n'échappe pas à cette règle.
Les transports, quant à eux, consomment aujourd'hui 25 % de
l'énergie totale consommée dans le monde, l'essentiel étant sous forme de
combustible liquide (2,5 Md m
3
). Ce combustible se présente sous deux
formes, le gazole et l'essence avec, en Europe et surtout en France, une
forte prédominance du premier, l’inverse étant vrai sur le continent
américain.
Ce point a une conséquence sur notre approvisionnement dans la
mesure où nos raffineries, qui sont anciennes, produisent trop d'essence
par rapport à nos besoins, ce qui nous oblige à l’exporter, et pas assez de
gazole, ce qui nous contraint à en importer d'importantes quantités, de
Russie notamment.
II
-
Biocarburants et énergie
A - Introduction aux biocarburants
21.
Les principaux biocarburants actuellement sur le marché sont issus
des réserves énergétiques (graisse, amidon, sucre) des plantes ou, encore à
la marge, de déchets issus de collecte d'huiles usagées et de graisses
animales. Ils sont dits de 1
ère
génération. Ce ne sont pas des
hydrocarbures, car aussi bien les alcools que les esters contiennent de
l'oxygène. Ils sont utilisés en mélange avec les hydrocarbures, la
proportion pouvant varier de quelques pourcents à près de 100 %. En
France, ils sont actuellement distribués pour la circulation des automobiles
sous deux formes : le biodiesel, en addition minoritaire au gazole, et le
bioéthanol de la même façon, pour l’essence.
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LES DONNEES DE FAIT
19
Les biocarburants pour les moteurs à combustion interne ne sont une
nouveauté ni du 21
ème
siècle, ni de la fin du 20
ème
siècle. En effet, c’est à
l’exposition universelle de 1900 à Paris que Rudolf Diesel exposa le moteur
portant son nom qui fonctionnait à l’huile d’arachide. En 1903, la Gobron-
Brillé, alimentée à l’éthanol, battait le record du monde de vitesse automobile
avec 137 km/h. Henry Ford était, quant à lui, persuadé que sa Ford T, lancée
en 1908, fonctionnerait à l’éthanol. Pourquoi cette vision ne s'est-elle pas
concrétisée ? Probablement parce que le prix très bas du pétrole l'avait rendu
irréaliste. Inversement, c'est le pétrole plus cher, à partir de 1973, qui a
provoqué un regain d’intérêt pour cette idée ancienne.
22.
Les biocarburants peuvent potentiellement intéresser tous les types de
transport. Dans les faits, ceux de première génération sont destinés aux
transports routiers. Le kérosène des avions, par exemple, pourrait
cependant, être remplacé par des biocarburants de deuxième génération
qui, tout en répondant aux critères de durabilité, évitent de concurrencer
directement la partie alimentaire des plantes. Il en est de même pour ceux
dits de troisième génération, fabriqués à partir d'algues. Les uns et les
autres sont exclus de cette évaluation ainsi que le carburant pour les trains
à traction diesel et celui pour les "off road"
12
, qui, dans le langage des
professionnels, désigne les engins de chantier, les tracteurs et autres engins
agricoles
13, 14
.
23.
Le bioéthanol pour les moteurs à essence est un alcool produit par
fermentation du sucre soit issu directement de plantes (betteraves, cannes
à sucre), soit obtenu par hydrolyse de l’amidon issu de céréales (blé,
maïs). Il peut être mélangé directement à l’essence à des teneurs allant de
5 à 26 % (5 à 10 % en Europe, 10 % aux États-Unis et 22 à 26 % au
Brésil) et à des taux plus élevés, au maximum de 85 % en volume (super
éthanol ou E85), pour les véhicules dits « flex-fuel » ou en français
"véhicules à carburant modulable" ou VCM
15
.
12
Ceci n'est plus tout à fait exact depuis que ces carburants dénommés gazole non
routier, or GONR, ont été ajoutés en 2010 et 2011 au comptage du biodiesel routier
afin de permettre à ce biocarburant de respecter ses cibles d'incorporation (cf. § 85 et
ses références).
13
De l'ordre de 4 Mt.
14
Il ne sera pas traité ici non plus des biocarburants produits sous forme gazeuse par
fermentation anaérobie de matière organique (déchets alimentaires, déchets végétaux,
culture), mélange de méthane et de CO2 principalement, qui peut s’utiliser
directement une fois purifié, comme le gaz naturel véhicule (GNV).
15
Les véhicules à carburant modulable sont capables d'adapter automatiquement leur
fonctionnement pour tout mélange d'essence et d'éthanol pur dans des proportions
comprises entre 0 % et 85 % en volume d'éthanol. Ce sont des véhicules avec un
moteur essence équipé de dispositifs d'injections, de capteurs et d'une électronique
spécifiques. De plus, les matériaux utilisés doivent être compatibles avec l'éthanol.
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20
COUR DES COMPTES
24.
L’incorporation d’éthanol à l’essence a pendant longtemps été refusée
en France autrement que sous forme d’ETBE
16
, sorti pour la première fois
des usines de Feyzin à Lyon, et qui a des propriétés physiques
17
beaucoup
plus proches de l’essence que l’éthanol. L’incorporation d’éthanol en
mélange direct à l’essence pose en effet des problèmes techniques
significatifs mais gérables.
25.
Lors du processus de production de bioéthanol, seuls les sucres des
betteraves ou l’amidon des céréales sont utilisés. Les autres composants -
protéines, cellulose, minéraux, etc. - se retrouvent dans des coproduits
principalement destinés à l’alimentation animale.
Les drèches sont le résidu solide de la fermentation des grains
nécessaires à la production d’éthanol. Chaque litre d’éthanol produit à partir
de 2,8 kg de blé génère près d'1 kg de drèches. Du fait de leur composition,
celles-ci présentent un intérêt nutritionnel lié notamment à leur teneur en
protéines. Elles peuvent remplacer, dans les rations pour animaux, pour partie
du tourteau de soja (2/3) et, pour le reste, des matières premières énergétiques
comme le blé ou le maïs. Les pulpes sont la fraction ligno-cellulosique de la
betterave râpée. Chaque litre d’éthanol produit par la betterave génère 0,55 kg
de pulpes déshydratées riches en fibres (cellulose) et utilisées pour leur
contenu énergétique principalement en élevage bovin. Ces coproduits peuvent
être achetés par les fabricants d’aliments du bétail et entrer ainsi dans la
composition des 21 Mt d’aliments produits en France chaque année. Les
éleveurs peuvent aussi l’utiliser directement dans l’alimentation de leurs
animaux. C’est notamment le cas des pulpes.
26.
Pour les moteurs diesel, on utilise un biodiesel, qui est fabriqué à
partir d’huile (colza, tournesol, soja, palme) mais également à partir de
graisses animales ou huiles usagées. Le biodiesel utilisé aujourd’hui en
mélange avec le gazole est issu de la transformation chimique des huiles
18
.
On fait réagir l’huile végétale avec du méthanol pour obtenir un EMHV
(ester méthylique d’huile végétale). En France, le biodiesel est souvent
appelé Diester®, de loin la principale marque commercialisée. Il est
incorporé au gazole sous forme de carburant banalisé (sans obligation de
marquage à la pompe) avec un taux maximum de 7 % en volume (B7) ou
dans un carburant dédié aux flottes captives des collectivités et des
entreprises, avec un taux maximum de 30 % en volume (B30).
16
Ethyle tertio butyle éther obtenu par réaction chimique entre le bioéthanol et
l’iso butène,
un abondant coproduit des raffineries.
17
Volatilité, teneur énergétique, réaction avec l’eau.
18
L’huile végétale brute n’est pas, sauf exception, utilisée telle quelle dans les
moteurs, car ses caractéristiques, en particulier sa viscosité à froid, sont très éloignées
de celles du diesel et elle est incompatible avec les technologies modernes d’injection
directe.
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21
27.
L’incorporation directe d’esters d’huile dans le gazole n'a pas posé
aux pétroliers des problèmes similaires à ceux de l'éthanol. En revanche,
au contraire de l'éthanol, la matière première utilisée est un facteur clé
pour le biodiesel, puisque certaines caractéristiques très importantes telles
que la stabilité à l'oxydation et les propriétés à froid, dépendent d'elle.
Le schéma suivant décrit les flux logistiques principaux (en milliers de
tonnes annuels) de l’usine Saipol–Diester à Grand-Couronne près de Rouen
pour la production de biodiesel et de certains coproduits.
Graines
1000
1000
290
50
Huile
Alcool
550
Raffinage
et semi
raffinage
430
Trituration
Estérification
520
200
510
Tourteau
60
Huile raffinée
Huile semi-
raffinée
Biodiesel
Glycérine
végétale
En milliers de tonnes
Les ratios fixes de production sont ceux de la sortie de la trituration
des graines, avec 55 % en poids de tourteaux (alimentation animale) et 43 %
d’huiles brutes. L’estérification utilise 520 kt
19
d’huiles semi-raffinée et 50kt
de méthanol pour produire 510kt de biodiesel et 60 kt de glycérine. La partie
ajustable du procédé est le raffinage, où l’industriel peut ajuster les quantités
entre ce qui est raffiné en huiles (alimentaires majoritairement) et ce qui
devient biodiesel. On en déduit, entres autres, qu’à une tonne de biodiesel
produit est associée la production de l'ordre de 1,3 tonne de tourteaux. A
un litre de biodiesel sont donc associés 1,2 kg de tourteaux et 0,12 kg de
glycérine.
28.
De même que pour l’éthanol, les coproduits que sont les tourteaux
d’oléagineux (colza, tournesol) sont essentiels pour l’alimentation animale
car ils sont riches en protéines (de l'ordre de 1/3) et ne nécessitent pas pour
leur fabrication de dépense d’énergie pour les déshydrater. Ils peuvent en
grande partie se substituer aux importations de tourteaux de soja (44 % de
protéines) mais ne sont pas adaptés à l’alimentation des jeunes animaux
autres que les porcelets. (poulets, bovins).
29.
L’incorporation directe d’esters d’huile dans le gazole n'a pas posé
aux pétroliers des problèmes similaires à ceux de l'éthanol et ceci d'autant
plus que, suite à l’effort de réduction continue de la teneur en soufre dans
19
Abréviation de kilotonne.
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22
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le gazole, étaient apparus des problèmes de lubrification des pompes
d'injections qui se trouvent réglés dès lors. Au contraire de l'éthanol, pour
le biodiesel, la matière première utilisée est un facteur clé puisque d'elle
dépendent certaines caractéristiques très importantes telles que la stabilité
à l'oxydation et les propriétés à froid.
B - Les biocarburants dans le monde : 2,5 % des
carburants utilisés
30.
Les nombreuses données internationales sur les biocarburants ont été
comparées récemment
20
. Les graphes suivants sont construits à partir de
cette étude et montrent la grande dispersion des données. Quelles que
soient les incertitudes, plus grandes pour l'éthanol que pour le biodiesel,
les années 2005-2011 ont vu l'explosion de la production mondiale de
biocarburants.
Estimation de la production mondiale en éthanol (carburant)
0
20
40
60
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Année
Production en Mtep / an
Maximum
Valeur retenue
Minimum
Source : Cour des comptes d'après les données de la référence en note de bas
de page n° 20
20
P. Lamersetal et al, "
International bioenergy trade—A review of past developments
in the liquid biofuel market
", Renewable and Sustainable Energy Reviews 15 (2011)
2655–2676.
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23
Estimation de la production mondiale en biodiesel
0
2
4
6
8
10
12
14
16
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Année
Production en Mtep/an
Maximum
Valeur retenue
Minimum
Source : Cour des Comptes d'après les données de la référence de la note de
bas de page n °20
31.
A la suite de politiques volontaristes menées dans de nombreux pays
(qui seront détaillées plus bas), la production mondiale de biocarburants
pour les transports a donc crû d'un facteur 5 en 10 ans. Malgré ce fait, leur
place est encore très minoritaire par rapport aux carburants fossiles.
Actuellement, ils procurent, en effet, en équivalent énergétique, une
moyenne de l’ordre de 2,5 % du total des carburants utilisés pour le
transport routier
.
Passée d’un total de 16 Mm
3
en 2000 à plus de 100 Mm
3
en 2010, la production mondiale d’éthanol est caractérisée par la
prédominance des États-Unis (52 %) et du Brésil (37 %), et la singularité
européenne qui représente 54 % de la production mondiale de biodiesel
mais seulement 4,2 % de celle de l’éthanol.
32.
La France présente un bilan
21
de production équilibré : elle est ainsi le
premier producteur européen de bioéthanol (1,25 Mm
3
en 2009) et le
second en biodiesel (1,91 Mm
3
en 2010) derrière l’Allemagne (2,86
milliards de litres en 2010), ce qui correspond respectivement à 1,5
% et
10,6
% de la production mondiale. La très forte diésélisation du parc
automobile, en France en particulier, explique ces chiffres.
33.
En dehors de celui originaire du Brésil, dont cependant la
compétitivité s'érode, aucun autre biocarburant ne paraît actuellement
concurrentiel économiquement par rapport aux carburants d’origine
21
"Baromètres Biocarburants", Eurobserv'er, juillet 2011.
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fossile. C'est pourquoi de nombreux pays ont jugé indispensable de
subventionner leur production, soit directement, soit à travers des
exonérations de taxes. L’OCDE estimait ainsi qu’en 2007, le total des
subventions aux biocarburants se montait à 15 Md$ (11,5 Md€) alors que,
pour la seule année 2008, et pour les seuls États-Unis, ce montant était de
11 Md$ contre 7 Md$ en 2006.
C - La moindre performance des biocarburants par
rapport aux carburants fossiles
34.
Une des caractéristiques essentielles des biocarburants actuellement
sur le marché est que leur énergie par unité de volume ou, plutôt, leur
pouvoir calorifique inférieur
22
est inférieur à ceux des carburants fossiles
auxquels on les mélange. Les définitions et données physiques chiffrées
sont exposées en détail dans l'annexe 1. Ainsi, un mélange de gazole
donné pour 7 % en pouvoir calorifique inférieur en ester, en contient en
fait 7,57 % en volume. Inversement, le B7 vendu à la pompe en contient
règlementairement au plus 7 % en volume, soit 6,47 % en PCI. Pour
l'éthanol la différence est encore plus accentuée : un pouvoir calorifique
inférieur de 7 % correspond à une proportion en volume de 10,28 %
23
. A
la pompe, le SP95E10 contient règlementairement au plus 10 % d'éthanol
en volume, soit seulement 6,80 % en PCI. Les conséquences de ces
différences sont significatives et exposées en détail dans la suite :
économiques (surconsommation), fiscales (rentrées supplémentaires de
taxes),
difficultés
pour
atteindre
globalement
la
cible
de
7 %
d'incorporation en PCI, etc.
22
PCI signifie pouvoir calorifique inférieur.
23
Ces taux diffèrent de ceux de la douane, respectivement 7,63 % pour le biodiesel et
10,64 % pour l'éthanol, ces dernières valeurs étant en fait inexactes.
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25
______
CONCLUSION – BIOCARBURANTS ET ENERGIE
_____
Les
biocarburants
dits
de
première
génération,
qui
sont
actuellement sur le marché, sont issus des réserves énergétiques (graisse,
amidon, sucre) des plantes ou des animaux et, de façon encore marginale,
de la collecte d'huiles usagées. Ils sont utilisés en mélange avec les
hydrocarbures dans des proportions variant de quelque % jusqu'à 85 %.
En France, ils sont distribués pour la circulation automobile sous deux
formes, le biodiesel en addition au gazole, le bioéthanol en addition à
l'essence.
Le biodiesel est fabriqué en France à partir d'huile extraite du
colza et du tournesol qui poussent sur place, du soja et du palmier pour la
part importée, mais également à partir de graisses animales ou d'huile
alimentaires usagées. L'huile végétale brute n'est pas utilisée telle quelle
dans les moteurs, mais sous forme d'un produit dérivé, dit ester
méthylique d'huile végétale ou EMHV. Il est incorporé au gazole sous
forme banalisée avec un taux de 7 % en volume (B7) ou dans un carburant
dédié aux flottes captives des collectivités ou des entreprises avec un taux
maximum de 30 % en volume (B30).
La production de biodiesel est automatiquement associée à celle de
tourteaux de colza ou de tournesol, composante de l'alimentation du
bétail. C'est un enjeu économique essentiel, puisque l'Union européenne a
toujours été fortement dépendante, dans ce domaine, d'importations de
tourteaux de soja en provenance du continent américain, nord et sud. De
même, la production de biodiesel réduit dans une certaine mesure les
volumes de gazole importé.
Le bioéthanol est quant à lui un alcool produit soit par la
fermentation du sucre issu de plantes (betteraves, cannes à sucre) soit par
hydrolyse de l'amidon issu de céréales (blé, maïs). Il peut être mélangé
directement à l'essence avec des pourcentages allant de 5 à 85 % en
volume. Cela dit, le produit étant plus difficile à manipuler que le
biodiesel, il a été associé, dans un premier temps, à un résidu des
raffineries, pour produire de l'ETBE.
De même que pour le biodiesel, la production d'éthanol génère des
coproduits (pulpe de betterave, drèches de blé ou de maïs) qui sont une
base de l'alimentation animale, compte tenu de leur haute teneur en
protéines.
La production mondiale de biocarburants a fortement augmenté au
cours des 10 dernières années, passant de 16 M m
3
en 2000 à plus de 100
M m
3
en 2010. Pour importants qu'ils soient, ces chiffres ne correspondent
cependant qu’à 2,5 % au plus du total des carburants utilisés dans le
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transport routier. L'éthanol est prédominant, à hauteur de 75 % du total
mondial, essentiellement parce que les États-Unis et le Brésil produisent
90 % de ce total et ont un parc à dominante essence, alors que l'Union
européenne a fait le choix du biodiesel dont elle produit plus de la moitié,
ce qui correspond à la structure de son propre parc de véhicules.
Il convient enfin de noter l'énergie par unité de volume des
biocarburants, dit "pouvoir calorifique inférieur" (ou PCI), est plus faible
que celui des carburants fossiles. Cela signifie que l'on consomme plus de
biocarburant que de carburants fossiles pour parcourir une même
distance. Cette différence est plus importante pour l’éthanol que pour le
biodiesel.
III
-
Biocarburants et agriculture
A - Un peu moins de 6 % de la surface agricole utile
(SAU) française
35.
Les données rassemblées par les interprofessions et le ministère de
l’agriculture figurent dans le tableau suivant qui présente, pour chaque
filière, les superficies affectées à la production des matières premières de
chacune, ainsi que, pour 2009, une estimation de la part de ces surfaces et
de la surface agricole utile (SAU) qui sont dédiées à la production de
biocarburants :
Surface
1993
2004
2009
En 1000 ha
SAU
29907
29222
29408
Oléagineux (95 % de colza, 5 % tournesol)
Surface consacrée aux oléagineux tout usage
1 458
1 807
2 264
Surface estimée pour le biodiesel 2010
(ONIGC)
1 450
% de la surface oléagineux
64,05 %
Biodiesel
% de la SAU en oléagineux pour le
biodiesel
4,93 %
Maïs + blé tendre
Surface consacrée au blé tendre et maïs tout
usage
6067
6596
6413
Surface estimée pour le bioéthanol
blé + maïs 2010
(ONIGC)
223
% de la surface blé + maïs pour le
bioéthanol
3,48 %
% de la SAU blé + maïs pour le bioéthanol
0,76 %
Bioéthanol
Betteraves
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LES DONNEES DE FAIT
27
Surface consacrée à la betterave tout usage
439
385
373
Surface pour le bioéthanol betteraves 2010
(ONIGC)
40
% de la surface betteraves pour le
bioéthanol
10,74 %
% de la SAU betteraves pour le bioéthanol
0,14 %
Surface estimée pour les biocarburants 2010
1713
% de la SAU
5,82 %
Source : Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires
(ministère de l’agriculture) d’après AGRESTE, jusqu’à 2004, métropole, puis France
entière. Changement de méthode en 2005
36.
Deux constats ressortent de ce tableau : en 2009, près des 2/3
(64,05 %) des surfaces cultivées en oléagineux (colza, tournesol), soit près
de 5 % de la SAU, sont affectées à la production de biodiesel.
37.
Pour la filière éthanol, en revanche, les surfaces sont bien moindres,
en valeur absolue comme en pourcentage, du fait du meilleur rendement
énergétique à l'hectare, de la situation minoritaire et en décroissance du
marché
de
l’essence
en
France
et
des
débouchés
alimentaires
prédominants du blé (panification) et de la betterave (sucre). Ces derniers
sont en effet, sans compter l’alcool alimentaire, sans commune mesure
avec celui de l’éthanol carburant.
B - Les oléagineux, matière première de la filière
biodiesel et de l’alimentation du bétail
38.
En France, le développement spectaculaire de la culture du colza et du
tournesol est à la base de la filière biodiesel. Après avoir plus que
quintuplé entre 1973 et 1990 pour atteindre 1,8 Mha environ, les surfaces
consacrées aux cultures oléagineuses ont varié pendant 15 ans à la baisse
et à la hausse au gré des changements de la politique agricole commune
(PAC). A partir de 2005, avec la mise en oeuvre des décisions
communautaires concernant les cultures non alimentaires pour utiliser les
jachères, puis l’abandon de ces dernières, enfin le lancement des plans de
soutien aux biocarburants, les surfaces ont recommencé à croître pour
dépasser assez nettement 2 Mha dès 2006, et se stabiliser autour de 2,2
Mha ces deux dernières années, deux tiers en colza, soit 1,6 Mha, le reste
presque exclusivement en tournesol, le soja n’ayant qu’une place assez
secondaire
24
. Ces superficies sont réparties entre 90 000 exploitants.
39.
La production de graines oléagineuses a suivi la même trajectoire,
combinée avec une augmentation à peu près continue des rendements : de
24
Même si une forte reprise a été constatée en 2009 mais à partir d’un point très bas.
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28
COUR DES COMPTES
0,7 Mt en 1973 à 7,4 Mt en 2009, répartis entre 5,6 Mt (75,6 %) pour le
colza et 1,7 Mt (22,9 %) pour le tournesol, les rendements étant
respectivement de 3,8 et 2,3 t/ha. Sachant qu’une tonne de graines donne
0,4 tonne d’huile, on obtient donc des rendements de 1,5 et 0.92 t d’huile à
l’hectare. La production française en 2009 représente 25,6 % de celle de
l’UE (28,9 Mt), 26,1 % pour le colza, 25,3 % pour le tournesol, et ses
rendements sont en moyenne supérieurs de 15 %
25
.
40.
Les débouchés de la production d’oléagineux sont de deux ordres :
l’huile et les tourteaux. La première se subdivise en huile alimentaire et en
huile biocarburant. La part de l’assolement oléagineux consacré à la filière
carburant, après avoir atteint un maximum de 80 %, a régressé à 2/3 du
total (1,4 Mha).
41.
Les tourteaux de colza sont quant à eux le coproduit de l’huile, et ils
ont pris en 4 ans une part significative du marché de l’alimentation
animale au détriment des importations de tourteaux de soja provenant du
continent américain Nord et Sud. Alors que notre dépendance vis-à-vis du
soja était de 65 % des besoins en 2007/2008, elle n’est plus que de 56 %
en 2009/2010. Inversement, la part des tourteaux de colza est passée de 32
à 42 %.
C - La filière française de bioéthanol
42.
Le graphe suivant, qui recense les surfaces cultivées totales des
matières premières utilisées dans la filière éthanol, met en évidence la
relative stabilité de ces surfaces sur la période considérée :
25
Source des données chiffrées (entre autres) : France AgriMer, Huileries de France,
Eurostat.
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LES DONNEES DE FAIT
29
4 830
4 855
4 793
4 782
5 064
4 733
4 920
1 571
1 744
1 757
1 529
1 503
1 658
1 821
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
8 000
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Année
En milliers d'ha
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
Blé tendre
Maïs
T. Céréales
Source : Cour des comptes, source Agreste
43.
S’agissant tout d’abord du blé, ses débouchés sont les suivants en
2010 :
2010
M t
%
Panification et alimentation humaine:
4,900
14,06
Alimentation animale
4,400
12,62
Amidon
3,050
8,75
Alcool
1.530
4,39
Autres
878
2,5
Sous total utilisations intérieures
14,758
42,36
Exportation UE :
6.545
18,78
Exportation pays tiers :
12.600
36,16
Autres
935
2,6
Sous total export
20,080
57,63
TOTAL
34,838
100,00
Source
:
Confédération générale des planteurs de betteraves,
mars 2011
On constate donc que l'alcool, aussi bien alimentaire qu’industriel et
l’éthanol, ne vient qu’au quatrième rang des débouchés de cette céréale et
représente un peu moins de 5 % de la production totale.
44.
Les rendements moyens sont de l’ordre de 7,3 t/ha. Compte tenu de
ces rendements, la surface dédiée à la production d’alcool est d’environ
220 000 ha. Sachant qu’une tonne de blé donne environ 0,28 t (3,63 hl)
d’éthanol et 0,32 t de drèches, on obtient avec les rendements actuels,
environ 2,1 t d’éthanol à l’hectare et 2,4 t de drèches dont les qualités
nutritives seraient plus appréciées que celles du colza.
45.
La filière éthanol a fourni un débouché complémentaire au maïs qui
pour n’avoir pas, tant s’en faut, le même poids qu’aux États-Unis ou au
Brésil, n’en est pas moins une céréale importante dans l’agriculture
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30
COUR DES COMPTES
française. Avec 15 Mt de production moyenne pour un rendement de
9 tonnes/ha, le maïs permet de produire 2,9 t (38 hl) de bioéthanol par ha
et 2,5 tonnes de drèches. La production est réalisée pour un tiers dans le
Sud-ouest, où 10 % environ des surfaces cultivées en maïs sont destinées à
l’approvisionnement d’une distillerie située à Lacq. Le débouché naturel
du maïs français est la production d’amidon ou l’alimentation du bétail. La
concurrence qui augmente dans ces deux segments du marché, soit en
provenance de l’UE (Espagne, Hongrie), soit extérieure à elle (Amérique
latine, Ukraine) a réduit ces débouchés, notamment au Royaume-Uni en
2005, qui est passé à la concurrence. Dès lors, la filière éthanol a
représenté un substitut très bien accueilli par les producteurs.
46.
Pour la betterave enfin, on constate aussi une relative stabilité des
surfaces cultivées. L’analyse plus détaillée de ces surfaces montre que le
débouché éthanol a permis, dans une certaine mesure, de compenser la
réduction des surfaces dédiées à la production de sucre. Ainsi, qu’il ressort
du graphe suivant, en 2003/2004, la surface totale cultivée en betterave
était de 400 700 ha pour une surface estimée de « betteraves éthanol » de
10 310 ha seulement (soit 2,5 %). Les mêmes données en 2010/2011 sont
de 377 500 ha dont 53 950 ha de betterave éthanol (14,3 %). La réforme
du marché européen du sucre, dans le sillage de la condamnation du
régime de subventions à l’exportation à l’OMC à la suite d’une plainte du
Brésil, s’est en effet traduite par une diminution importante des débouchés
extérieurs de l’UE. Il en est résulté une diminution de 30 % des surfaces
cultivées les moins compétitives (600 000 ha). La production d’éthanol a
donc permis d’assurer à la betterave un débouché nouveau en rapport avec
son considérable rendement. Il est, en effet, de l’ordre de 90 t/ha, c'est-à-
dire 80 t de racines, qui permettent d’obtenir 6 t d’éthanol et 4 t de matière
sèche (pulpes) par hectare.
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LES DONNEES DE FAIT
31
10,3
13,7
19,3
34,5
52,8
50,8
46,8
53,9
372
349
393
378
381
386
401
378
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
2003/04
2004/05
2005/06
2006/07
2007/08
2008/09
2009/10
2010/11
Années
Surface enmilleirs d'ha
Ethanol
Hors ethanol
Total Betteraves
Source : Cour des comptes, source Agreste
___
CONCLUSION – BIOCARBURANTS ET AGRICULTURE
___
Les biocarburants utilisent en France un peu moins de 6 % la
surface agricole utile, c'est-à-dire 1,7 millions d'hectares en 2010 dont
1,45 Mha pour le biodiesel et 250 000 ha pour le bioéthanol. Les plantes
oléagineuses occupent cependant une surface supérieure (2,2 Mha dont
les deux tiers en colza) puisqu’une part importante de leur production est
destinée à celle de l'huile alimentaire (0,8 Mt). Pour la filière éthanol, la
situation est très différente. L’éthanol produit à partir du blé est tout à
fait marginal (4,4 %) par rapport aux autres destinations de cette
céréale. Il en est de même pour le maïs, et dans une moindre mesure pour
la betterave. Dans ce dernier cas, l'éthanol a permis de compenser la
perte de surface cultivée résultant de la réforme du marché mondial du
sucre qui a restreint la capacité exportatrice de la France pour ce
produit.
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32
COUR DES COMPTES
IV
-
Biocarburants et environnement
A - Introduction aux critères de durabilité
47.
La montée en puissance des préoccupations environnementales a
introduit le concept de « durabilité »
26
, et plus généralement de
développement durable. Dans ce contexte, les biocarburants ont
initialement fait l’objet d’un a priori positif en termes d'émission de gaz à
effet de serre puisque, contrairement aux énergies fossiles qui émettent
dans l’atmosphère le carbone qu’elles ont stocké dans le sol pendant des
millions d’années, ils n'y lâchent que ce qu’ils y ont capté pendant leur
phase de croissance.
48.
De façon générale, les biocarburants sont dorénavant jaugés à l’aune
des trois piliers de la durabilité : l’économique, le social et l’environne-
mental.
La feuille de route de l’Agence internationale de l’énergie à la suite du
Global Bioenergy Partnership (ou GBEP), groupes de travail réunissant de
nombreux pays, dont la France, a détaillé les indicateurs suivants de ces trois
piliers :
- sociaux
: coût et approvisionnement d'un panier alimentaire, accès
aux terres, à l'eau et aux autres ressources naturelles ; conditions de travail ;
développement rural et social ; accès à l'énergie ; santé humaine et sécurité ;
- environnementaux
: gaz à effet de serre ; qualité de production des
sols et écosystème ; qualité de l'air ; disponibilité de l'eau, qualité et
efficience ; biodiversité ; changement dans l’affectation des sols (CAS), dont
les effets indirects ;
26
Traduction du terme anglais "sustainability" ou soutenabilité, terme introduit par le
rapport Brundtland aux Nations Unies en 1987.
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LES DONNEES DE FAIT
33
- économiques
: disponibilité des ressources pour les biocarburants et
leur efficience en termes de production, conversion, distribution et utilisation
finale ; développement économique ; viabilité économique et compétitivité
des biocarburants ; accès aux technologies ; sécurité énergétique et
diversification des sources et approvisionnements ; sécurité des infrastructures
de logistique, de distribution et d'utilisation ;
49.
Le critère de gain en termes de gaz à effet de serre a fait l’objet de
différentes quantifications, à la fois au niveau international et, en France, à
travers différentes études, sous l’égide de l’ADEME, en 1992, 2002 et
2009/2010. Cette dernière étude a été publiée une première fois en octobre
2009, retirée immédiatement suite aux critiques d'ONG, puis mise en ligne
en avril 2010. Elle a fait l’objet de débats contradictoires qui ont
finalement débouché sur une quantification, certes officielle, mais encore
controversée (cf. §56).
50.
Si ces approches sont dorénavant généralisées à toutes les sources
d’énergie, les biocarburants ont une spécificité : leurs liens avec
l’alimentation humaine. C’est l’envolée du prix des matières premières
agricoles en 2007 et 2008 qui a fait prendre conscience à l’opinion
publique d’une potentielle compétition entre biocarburants et nourriture au
niveau de l’utilisation des sols et du lien possible entre cette concurrence
et la hausse des prix. Peut-on dès lors respecter les cibles nationales
d’incorporation et les cibles européennes sans intensifier ce processus de
concurrence ?
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34
COUR DES COMPTES
La compétition entre énergie et nourriture : une constante dans
l'histoire
La biomasse a été, à l’origine de l’humanité, la source de son énergie,
que ce soit à travers la nourriture et la domestication des plantes, le chauffage
par le bois, l’éclairage en faisant brûler de l’huile, l’alimentation de la force
animale pour l’agriculture et les transports terrestres. Mais la révolution d’une
importance équivalente à celle de la découverte de l’agriculture a été le
lancement de l’ère industrielle avec l’utilisation de la première énergie fossile
qu’a été le charbon dans l’Angleterre du 19ème siècle. On a pu ainsi calculer
27
qu’en 1870, les machines à vapeur anglaises généraient 4 millions de chevaux
vapeur, soit l’équivalent du travail de l'ordre de 40 millions d’êtres humains,
qui, s’il avait fallu les nourrir, auraient consommé trois fois la production de
blé du pays
28
. De même, les anciens dans les campagnes se souviennent
qu'une fraction importante des terres arables, typiquement un quart sinon un
tiers, était consacrée à nourrir les animaux de traction. Il est de fait avéré que,
jusqu'à l'arrivée des hydrocarbures, le lien entre nourriture humaine et énergie,
en particulier pour le transport, apparaissait comme indissoluble. Le pétrole
abondant a fait oublier cette constante de l'histoire. Le changement climatique
la ramène au premier plan. Mais les données précédentes montrent aussi que
nos sociétés industrielles ne peuvent que reposer marginalement sur l’énergie
de la biomasse.
Le pétrole a été à l’origine de la deuxième révolution industrielle. Son
accès aisé et son abondance après la seconde guerre mondiale ont conduit,
entre autres, à la grande mécanisation de l’agriculture et à l’utilisation de la
chimie pour les engrais et les produits phytosanitaires. Avec la croissance de
la population humaine qui est passée en 80 ans de 2 à 7 milliards, les besoins
en énergie et en nourriture n'ont fait que croître et vont continuer à le faire,
d’autant plus que le mode de vie occidental est copié par le reste du monde,
avec ses excès énergétiques et une alimentation à base de viande, grande
consommatrice de graines, d’énergie et d’eau. En 1950, un hectare nourrissait
1,7 personne ; actuellement, c’est 4,2 personnes et au milieu du 21
ème
siècle, si
la population atteint 10 milliards d’individus, ce sera 7 personnes par hectare.
51.
Dans ses directives de 2009, l’Union européenne s'est inspirée dans
ses grandes lignes de ces critères de durabilité et, de façon générale, des
seuils minimaux de performance environnementale, biodiversité incluse,
pour que les biocarburants puissent être comptabilisés dans les taux
d’incorporation obligatoires (cf. infra §77). La directive 2009/28/CE dans
27
Ian Morris, "Why the West Rules--for Now: The Patterns of History, and What
They Reveal About the Future", (Farrar, Straus and Girous, 2010).
28
Un cheval vapeur étant égal à 746 Watts, cette puissance correspond à 3 Gigawatt,
soit trois tranches de centrales nucléaires actuelles.
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LES DONNEES DE FAIT
35
son annexe V expose ainsi les règles pour le calcul de l’impact sur les gaz
à effet de serre des biocarburants et liste les valeurs types et valeurs par
défaut pour les biocarburants. Ces valeurs auraient en principe dû
s'imposer au niveau européen, mais elles sont en fait continuellement
remises en cause sans que le débat ait encore été conclu, du fait qu'elles ne
tiennent pas compte des émissions nettes de carbone dues aux
changements dans l’affectation des sols.
B - Les analyses de cycle de vie (ACV)
52.
Les biocarburants dans la réduction des émissions de gaz à effet de
serre doivent, selon l’Agence internationale de l’énergie, être évalués par
comparaison avec les systèmes énergétiques qu’ils remplacent, en se
fondant sur la méthodologie des analyses de cycle de vie. Il existe un
certain nombre d'ACV publiées au niveau international, que ce soit par
l’Agence internationale de l’énergie
29
ou par le GBEP
30
. La figure
suivante est reproduite à partir de la feuille de route de l’Agence
internationale de l’énergie. Elle donne les fourchettes de réduction
d’émission de gaz à effet de serre déduites d'une soixantaine d'études
internationales
pour
les
biocarburants
de
première
génération
commercialisés et pour ceux des 2ème et 3ème générations.
53.
Ces résultats reposent sur des analyses, dites du puits à la roue ("
from
well to wheel
"), faisant intervenir les détails des méthodes de culture,
d’intrants et de procédés industriels. On doit noter les grandes plages
d'incertitude de ces réductions d'émission, représentées par la longueur des
29
www.ieabioenergy-task38.org
.
30
www.globalbioenergy.org/programmeofwork/sustainability/en/
.
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36
COUR DES COMPTES
barres, même pour les biocarburants actuellement en production
industrielle, du fait qu'il s'agit d'une compilation impliquant des procédés
industriels différents. Les analyses de cycle de vie des biocarburants de
génération avancée, encore au stade préindustriel, sont, eux, incertains.
54.
L’éthanol à base de canne à sucre émerge avec un bilan nettement
positif. La raison en est que l’énergie nécessaire dans le procédé industriel
(principalement la distillation) est produite par cogénération à partir de la
plante elle-même, plus précisément de la bagasse qui est le résidu de
l’extraction du jus de canne.
55.
S'il a été tenu compte de la problématique de changement
d’affectation des sols (CAS), c’est-à-dire le fait que les cultures pour les
biocarburants déplacent l’utilisation de sols en prenant par exemple la
place de forêts, les changements d’affectation des sols indirects (CASI)
31
y
ont cependant été occultés. Les CASI (le déplacement de cultures qui vont
elles-mêmes convertir d’autres terrains, des forêts par exemple) s’avèrent
en effet très complexes à quantifier et aucun consensus ne se dégage à leur
propos.
56.
En France en 2009, dans la suite du Grenelle de l’environnement, le
Gouvernement a lui aussi demandé le lancement d’une étude portant sur
les analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première
génération consommés en France. Il en a confié la maîtrise d’oeuvre à
l’ADEME dans la dernière des trois études mentionnées ci dessus.
57.
Les conclusions dans la dernière des trois études mentionnées
ci-dessus étant de plus en plus contestées, l’enquête de 2009 a été réalisée
sous l’égide d’un comité technique associant les professionnels des filières
agricoles,
des
filières
industrielles
mais
aussi
des
associations
environnementales
32
et a fait l'objet d'une analyse critique par un cabinet
extérieur. Elle a été publiée le 8 avril 2010.
58.
Les graphes ci-dessous reproduisent pour les deux filières les
réductions de gaz à effet de serre apparaissant dans la synthèse de l'ACV
de 2010.
31
En anglais, ILUC pour Indirect Land Use Change.
32
"Analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération
consommés en France", Rapport final, dont les résultats n’ont été validés par aucune
des deux ONG présentes au comité technique (cf. l'Annexe "Observations et
commentaires des membres du comité technique", ADEME, Février 2010).
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LES DONNEES DE FAIT
37
Source : ADEME
Réduction des émissions
de
gaz à effet de serre
pour les filières
éthanols (en % de réduction par rapport à la référence fossile),
sans prise en compte de changement d’affectation des sols
33
Source : ADEME
Réduction des émissions de
gaz à effet de serre
pour les filières
Esters (en % de réduction par rapport à la référence fossile), sans
changement d’affectation des sols
33
.
Parvenir à quantifier le gain en émission
de
gaz à effet de serre
était
en effet primordial par rapport à la directive de l’UE sur les énergies
renouvelables, dite directive EnR. Celle-ci impose des critères de
durabilité, qui comprennent une réduction minimale de 35 % d’émission
33
Synthèse des analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première
génération consommés en France (par BIO Intelligence Service Coordination
technique : ADEME - Service bioressources; direction productions et énergies durables
(DPED) – ADEME, Février 2010).
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38
COUR DES COMPTES
de
gaz à effet de serre
par rapport aux carburants fossiles. On peut noter
que, contrairement à sa synthèse, le rapport complet de l'ACV 2010
comporte des fourchettes pour le gain en termes
de
gaz à effet de serre
.
Elles sont néanmoins nettement plus petites que les valeurs des études
internationales figurant dans le graphe du §52 :
-
par rapport au carburant fossile de référence, les réductions des
émissions
de
gaz à effet de serre
des biodiesels
sont comprises
entre 59 % et 90 %, hors changement d’affectation des sols ;
-
par rapport au carburant fossile de référence et hors
changement d’affectation des sols, les réductions des émissions
de
gaz à effet de serre
des éthanols sont comprises entre 49 et
72 %, celles des ETBE sont comprises entre seulement 24 % et
47 % du fait de la méthode de calcul qui tient compte de son
composant fossile ;
-
par rapport au carburant fossile de référence, la consommation
d’énergie fossile des biodiesels est réduite de 68 % à 84 %. Il
faut en effet 1,25 MJ d’énergie fossile pour produire 1 MJ de
gazole et 0,40 MJ d’énergie fossile pour produire 1 MJ de
biodiesel de colza ;
-
par rapport au carburant fossile de référence, la consommation
d’énergie fossile des éthanols est réduite de 18 % à 85 %.
59.
Afficher le bilan des émissions
de
gaz à effet de serre
est de plus
insuffisant. Il est nécessaire aussi d’analyser celui de l’utilisation de
l’énergie non renouvelable. L’étude ADEME 2010 parvient à la
conclusion que, pour l’éthanol de betterave, la consommation d’énergie
non renouvelable du puits à la roue, est inférieure de 52 % à celle d’une
essence fossile. L’éthanol de blé et l’éthanol de maïs présentent des
niveaux de réductions proches. Cette réduction atteint 85 % dans le cas
de l’éthanol de canne à sucre. Elle devrait pouvoir atteindre 60 % dans
quelques années pour les filières françaises. Ces chiffres, en particulier
pour l’éthanol (hormis celui à base de canne à sucre) sont encore très
discutés car les étapes de distillation sont très énergivores et donc très
sensibles au coefficient d'affectation aux coproduits. Le gain peut être
négligeable ce qui fait dire à certains économistes
34
, sans faire
l'amalgame entre les situations française et américaine, que l'éthanol à
base de maïs aux États-Unis ne servirait qu'à y faire rouler les
34
Cf. C.B. Field et al., "Biomass energy : the scale of the potential resource", Trends
in Ecology and Evolution Vol.23 No.2, pp. 65-72 (2007).
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LES DONNEES DE FAIT
39
automobiles au charbon et au gaz naturel (énergie nécessaire pour
cultiver le maïs, fabriquer, transporter et distribuer l'éthanol)
35
.
__
CONCLUSION – BIOCARBURANTS ET ENVIRONNEMENT
Les biocarburants ont initialement fait l'objet d'un a priori positif
au plan de l’environnement, puisque, contrairement aux énergies fossiles,
ils ne rejettent dans l'atmosphère que ce qu'ils y ont capturé pendant leur
phase de croissance.
Toutefois, à partir de 2008 et l'envolée du prix des matières
premières agricoles, des critiques sont apparues concernant la
compétition entre la production de biocarburants et celle de nourriture
pour les hommes ou les animaux.
Par ailleurs, le bilan en termes d'émissions
de
gaz à effet de serre
a été constamment révisé dans un sens plus restrictif. De surcroît, les
analyses des coûts/avantages ont commencé à tenir compte plus
correctement de l’énergie nécessaire à leur production par rapport à
celle restituée lors de leur combustion, ainsi que des changements
d'affectation des sols (CAS) résultant de l’affectation de surfaces
croissantes à la culture des plantes destinées à les produire.
En France, l’ADEME a été chargée de coordonner plusieurs
études sur ces points, la première en 2002 présentant un bilan plutôt
positif, la dernière en 2009/2010, fondée notamment sur la méthode des
analyses de cycle de vie (ACV), et dont les conclusions, d’ailleurs
controversées, sont plus en retrait. L’agence estime ainsi aujourd'hui
que, par rapport au carburant fossile de référence, les réductions
d'émissions de gaz à effet de serre du biodiesel sont comprises entre 59 et
90 %, celles de l'éthanol entre 49 et 72 %. Toujours par rapport au
carburant fossile de référence, la consommation d'énergie fossile pour
produire le biodiesel est réduite de 68 à 84 %, et celle de l'éthanol est
réduite de 18 à 85 %. Ces données restent cependant très contestées,
notamment par les associations de défense de l'environnement, à la fois
dans la méthode d'affectation énergétique des coproduits et dans la
mesure où ils ne tiennent pas compte des changements d'affectation des
sols, en particulier indirects.
35
Mais procédé en fait plus économique que la liquéfaction du charbon par le procédé
Fischer-Tropsch qui passe par la gazéification et qui est étudié pour la seconde
génération de biocarburants à partir de la biomasse.
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40
COUR DES COMPTES
V
-
Les règlementations : des niveaux multiples et
superposés
A - Les règles internationales concernant les
subventions à la production et aux échanges
60.
Les subventions à la production sont traitées dans deux accords de
l’OMC, celui sur l’agriculture d’une part, celui sur les subventions et
mesures compensatoires (ASCM) d'autre part. Dans la mesure où les
obligations de notification ainsi que les disciplines qui en résultent ne sont
pas les mêmes dans l’un et l’autre accord, le premier point en débat est de
savoir si les biocarburants relèvent de la catégorie des produits agricoles
ou bien de celle des produits industriels, ce qui, en outre, a une incidence
directe sur le niveau de la protection douanière.
De ce point de vue, l’éthanol entre dans le champ de l’accord sur
l’agriculture alors que le biodiesel est considéré comme un produit
industriel, notamment parce qu’il est produit à travers le processus
chimique de la transestérification. Cette différence de classification
n’entraîne que peu de conséquences pour le moment au regard de la
légalité des subventions à la production de biocarburants dans la mesure
où les États membres ne distinguent pas les soutiens particuliers aux
biocarburants des subventions générales à l’agriculture.
61.
Toute autre est la situation au regard des échanges internationaux
puisque les produits agricoles peuvent bénéficier, en règle générale, d’une
protection assez supérieure à celle des produits industriels. Le marché de
l’éthanol devrait ainsi être solidement protégé contre les importations à la
différence de celui du biodiesel. La pratique montre qu’il n’en est rien,
d’autant que la prolifération des accords bilatéraux, régionaux, ou bien des
régimes préférentiels destinés aux pays en développement, font que, dans
la plupart des cas, les biocarburants produits à l’étranger entrent sur le
marché européen avec des droits de douane proches de zéro.
62.
Les règles ci-dessus sont par ailleurs l’enjeu de négociations. Deux
points concernent l’agenda de développement de Doha, cycle placé
directement sous l’égide de l’OMC :
-
dans la partie de la négociation consacrée à l’agriculture, le
volet des subventions à la production donne lieu pour l’instant à
des propositions de réduction de 70 à 80 % par rapport aux
plafonds acceptés lors de la précédente négociation. Un accord
éventuel à l’OMC sur de telles bases se traduirait, de manière
certes indirecte mais néanmoins certaine, par des contraintes
fortes sur les subventions au bioéthanol ;
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LES DONNEES DE FAIT
41
-
dans un autre chapitre concernant les liens commerce /
environnement, il a été prévu "d’engager des négociations
concernant la réduction ou l’élimination des obstacles tarifaires
visant les biens et services environnementaux". Dès 2007, le
Brésil a proposé d’inscrire les biocarburants dans la catégorie de
ces biens. Cette proposition a pour le moment rencontré
l’opposition tant des États-Unis que de l’UE, mais son
acceptation pourrait, à un moment donné, être une concession de
l’UE ou des États-Unis en échange d’un gain dans un autre
domaine. Il en résulterait alors la quasi-disparition de tout ce qui
reste de protection du marché intérieur européen vis-à-vis des
biocarburants étrangers.
63.
Des
questions
similaires
se
posent
dans
les
négociations
UE/Mercosur
36
où le Brésil maintient une attitude très offensive sur cette
question, à la fois sous l’angle agricole et sous celui de l’environnement,
d’autant que ce pays effectue un effort important pour renforcer le
caractère durable des biocarburants.
64.
Enfin, les échanges internationaux de biocarburants, comme ceux des
autres produits, sont couverts par l’accord sur les obstacles techniques au
commerce (OTC). Cet accord prévoit que les normes et standards ne
doivent pas être utilisés à des fins de protectionnisme déguisé. A cet égard,
les cibles d’incorporation ne sont pas différentes d’autres normes qui
entourent le fonctionnement des véhicules automobiles, par exemple les
émissions de CO
2
. Plus controversés en revanche seraient des standards
qui distingueraient les biocarburants sur la base de leurs procédés de
fabrication (y compris des matières premières entrant dans celui-ci)
notamment pour satisfaire des critères de durabilité, dès lors qu’ils ne
seraient pas acceptés par les pays extérieurs à l’UE (Malaisie, Indonésie,
par exemple). Dans ces conditions, il y aurait un risque que de tels
standards soient reconnus par les membres de l’OMC comme contraires à
l’accord OTC (Cf. infra §78).
B - Des règles européennes de protection aux frontières
non spécifiques aux biocarburants
65.
Parmi les instruments d’une politique en faveur des biocarburants peut
figurer, au côté des subventions à la production et de la consommation
obligatoire, celui de la protection aux frontières. Pour l’UE, cette
protection trouverait sa justification à la fois dans les règles de la PAC dès
36
Accord régional comprenant Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, avec plusieurs
autres Etats associés.
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42
COUR DES COMPTES
lors qu’elle concerne l’entrée de produits agricoles, et dans la nécessité de
protéger un secteur productif encore en devenir. Or, non seulement l’UE,
de qui relève exclusivement la définition et la mise en oeuvre d’une telle
protection, n’a pas de politique spécifique vis-à-vis des biocarburants,
mais de surcroît, la pratique des États membres aboutit, de fait, à un
contrôle assez limité et le plus souvent tardif des importations en
provenance de pays tiers.
66.
Comme il a été indiqué précédemment, l’éthanol est considéré comme
un produit de l’agriculture et, comme tel, assez protégé par un droit
spécifique qui, compte tenu du prix de gros, équivaut à une protection de
25 à 45 % ad valorem. Cela étant, l’usage final du produit (biocarburant)
n’est pas pris en compte, ce qui interdit un suivi statistique précis des
importations ayant cette destination, puisque l’alcool, qu’il soit ou non
dénaturé
37
, a beaucoup d’autres utilisations que le biocarburant.
67.
Les huiles végétales « à usage industriel » sont classées comme
« produits chimiques » et supportent des droits allant de 0 % pour l’huile
de palme à 3,2 % ad valorem pour les autres huiles végétales. Cette
situation particulière remonte à l’origine de la PAC, lorsque l’acceptation
par les États-Unis d’une forte protection du marché européen pour les
céréales, l’élevage et les produits laitiers avait eu pour contrepartie le
maintien d’un marché ouvert pour tous les oléagineux et leurs sous-
produits, composants devenus essentiels à l’alimentation du bétail.
68.
Mais surtout, les droits de douane plus élevés sur l’éthanol que sur le
biodiesel, sont facilement contournés par le recours aux mélanges. Ces
derniers, qu’il s’agisse d’essence éthanolée ou de biodiesel sont en effet
classés comme produits chimiques et supportent, à ce titre, un droit de 6,5
à 10,9 % ad valorem ou 2 à 3€/hl. Comme un « mélange », au sens
douanier du terme, n’est pas nécessairement un mélange au sens de la
définition des biocarburants, il suffit qu’une cargaison d’éthanol contienne
par exemple 1 % d’essence, pour entrer sur le marché de l’UE en tant que
produit chimique, et non plus en tant qu’éthanol. La France a tenté de
limiter ce phénomène en n’autorisant, à partir de 2009, que la mise à la
consommation du seul éthanol dénaturé.
69.
Par ailleurs, les régimes douaniers préférentiels accordés à l’ensemble
des pays en développement (SGP ou système généralisé de préférences)
ou à certains d’entre eux (ACP) profitent pour l'essentiel au Brésil, à
l’Argentine, à l’Indonésie et à la Malaisie, qui sont les principaux
producteurs d’éthanol ou d’huiles végétales hors UE et États-Unis.
37
Dénaturer l’alcool veut dire le rendre impropre aux usages alimentaires.
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LES DONNEES DE FAIT
43
C - Une dizaine de directives de l’Union européenne
70.
Dès 2004, les instances européennes avaient reconnu, en instaurant
une aide aux cultures énergétiques (ACE) de 45 €/ha, que l’agriculture
n’avait pas seulement une vocation de fournisseur de biens alimentaires.
Ce système a cessé en 2009.
71.
Une directive sur la taxation des produits énergétiques (2003/96/CE) a
autorisé, à partir de 2004, les réductions de taxes sur les biocarburants,
lorsque celles-ci ne dépassaient pas l’écart de coût avec le carburant
fossile. Depuis le 5 décembre 2010, l’autorisation n’est en principe valable
que pour des biocarburants certifiés "durables" selon les critères de la
nouvelle directive 2009/28/CE.
72.
Par ailleurs, la directive 2003/17/CE sur la qualité des carburants, qui
fixait les nouvelles normes sur la qualité de l’essence (EN228) et du diesel
(EN590), avait établi un maximum d’incorporation pour l’usage moteur :
jusqu’à fin 2010, 5 % en volume pour le biodiesel et le bioéthanol, 15 %
pour l’ETBE, et à partir de 2011, 7 % pour le biodiesel, 10 % pour
l’éthanol et 22 % pour l’ETBE.
73.
Cependant, une autre directive (2003/30/EC) demandait en même
temps
que
chaque
État
membre
atteigne
un
niveau
minimal
d’incorporation (en pouvoir calorifique inférieur) de 5,75 % d’ici
décembre 2010, objectif repoussé ensuite à 2011. Cet objectif pouvait être
atteint en particulier, mais pas exclusivement, en mélangeant des
biocarburants « durables » dans l’essence et le diesel. Par ailleurs, d’ici
2020, les fournisseurs de carburant devraient réduire de 6 % les émissions
nocives pour le climat sur l’ensemble du cycle de vie de leurs produits
(2 % à fin 2014 et 4 % à fin 2017).
74.
De nouveaux objectifs européens en matière de biocarburants et de
réduction de gaz à effet de serre ont ensuite été fixés par deux nouvelles
directives prises sous présidence française :
-
celle du 23 avril 2009 (2009/28/CE) relative à la promotion de
l’utilisation
de
l’énergie
produite
à
partir
de
sources
renouvelables
qui
abroge
les
directives
2001/77/CE
et
2003/30/CE ;
-
celle du 23 avril 2009 (2009/30/CE) modifiant les spécifications
relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles qui
introduit aussi un mécanisme permettant de surveiller et de
réduire les émissions de gaz à effet de serre.
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COUR DES COMPTES
75.
La directive 2009/28/CE, élément du "paquet énergie climat"
38
, fixe
un objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale
de carburant à l’horizon 2020. Elle établit également les critères de
durabilité que doivent respecter les biocarburants pour être comptabilisés
dans les 10 % (qu’ils soient importés ou produits nationalement) : la
réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation de
biocarburants doit être d’au moins 35 % et les biocarburants ne doivent
pas être produits à partir de terres de grande diversité biologique ou
présentant un important stock de carbone ou de tourbières. Il s’agit là de la
première vraie quantification d’un objectif final alors que jusqu’à ce jour,
les quantifications s’appliquent à des moyens (incorporation) pour
parvenir à des fins qui restent non quantifiées (fin de la jachère,
indépendance énergétique, préservation de l’environnement).
76.
La Commission européenne subordonne désormais les défiscalisations
à des agréments, en vue de faire respecter des principes relatifs aux aides
d’État.
77.
Pour être agréée, la production de biomasse et de biocarburant doit
satisfaire aux critères de durabilité suivants :
-
pour les biocarburants, réduction des émissions
de
gaz à effet de
serre
d’au moins 35 % à partir du 1
er
janvier 2010, de 50 % en
2017 et de 60 % dès 2018 ;
-
préservation de la biodiversité (zones protégées, respect des
écosystèmes et des tourbières) ;
-
protection de l’air, de l’eau et du sol ;
-
respect de l’environnement et de la législation sociale.
78.
Les agréments reposent sur une procédure de certification. Seuls des
organes indépendants pourront attester du respect de la directive. Les
producteurs français se sont réunis pour proposer un schéma global
(cf. infra §86). Ces "schémas volontaires" sont ouverts à tous les
producteurs à l’intérieur de l’UE comme en dehors, ce qui ouvrira plus
largement le marché européen, à condition que les règles de durabilité
soient respectées. Cela impose une traçabilité des matières premières ainsi
qu'une égalité de traitement à respecter entre les producteurs nationaux et
ceux des pays émergents (cf. supra §64).
38
Le « paquet » énergie climat est la charte de l’UE en matière de politique climat
énergie à horizon 2020. Ses objectifs sont résumés à l’intention du grand public par le
paquet dit « 3 fois 20 » : à horizon 2020, les Etats membres s’engagent à faire 20 %
d’économie d’énergie supplémentaires, à réduire de 20 % leurs émissions de GES et à
parvenir à 20 % d’énergies renouvelables dans leur bilan énergétique.
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LES DONNEES DE FAIT
45
79.
Quant à la directive relative aux spécifications des carburants, les
principales évolutions portent sur :
-
l'augmentation de la limite maximale d’incorporation de
biocarburants dans l’essence (limite portée de 5 % à 10 % en
volume - E10) et dans le gazole (limite portée de 5 % à 7 % en
volume - B7) ;
-
le maintien de la distribution d’une essence ayant une teneur
maximale de 5 % en volume d’éthanol afin de garantir une
compatibilité avec tous les véhicules existants ;
-
l'établissement du principe du "double comptage" des carburants
issus des déchets et des résidus en vue de valoriser ces derniers
(en France, cette disposition a déjà été prise en compte dans la
loi de finances pour 2010, cf. infra §95) ;
-
la comptabilisation des biodiesels incorporés dans le gazole
"non routier",
La date de mise en vigueur de la directive a été fixée au 31 décembre 2010
pour application jusqu'en 2013 au minimum. Les deux dernières
dispositions ont été appliquées par la France dès le début ou courant 2010.
80.
Enfin, la Commission européenne a présenté en avril 2011 un projet
de directive sur la fiscalité de l’énergie. La taxation des produits
énergétiques est d'ores et déjà en partie harmonisée au niveau de l’UE : la
directive 2003/96/CE prévoit en effet des taux minimaux pour les produits
énergétiques utilisés entre autres comme carburants. Toutefois, la
Commission considère que cette directive est aujourd’hui dépassée et
manque de cohérence. La taxation fondée sur le volume consommé ne
permet pas en effet de contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE en
matière d’énergie renouvelable et de lutte contre le changement
climatique. La directive ne prévoit pas non plus d’incitations économiques
de nature à stimuler la croissance et la création d’emplois. La Commission
propose de scinder le taux minimal de taxation en deux parties :
-
l'une fondée sur les émissions de CO
2
, fixée à 20 € par tonne de
CO
2
;
-
l'autre fondée sur le contenu énergétique, c’est-à-dire l’énergie
réelle qu’un produit permet d’obtenir, mesuré en gigajoules
(GJ). Le taux minimal sera fixé à 9,6 €/GJ pour les carburants et
à 0,15 €/GJ pour les combustibles. Ces taux s’appliqueront à
tous les carburants et combustibles.
La proposition va être examinée par le Parlement européen et le
Conseil et devrait entrer en vigueur en 2013. S’agissant d’une disposition
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fiscale, son vote exige l’unanimité des États membres. Bien qu’une mise
en oeuvre progressive du nouveau régime soit prévue
39
, le vote de ce
dispositif n’est pas encore acquis, les conséquences sociales n’étant pas
neutres, en particulier à travers l’augmentation mécanique que cela induira
sur la fiscalité du gazole.
D - Depuis 2005, des règlementations françaises tentent
d’aller au-delà des directives européennes
81.
Annoncé
en
2004,
le
plan
biocarburant
a
prévu
les
taux
d’incorporation suivants :
année
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Objectif
d’incorporation
(pouvoir calorifique
inférieur)
1,20 %
1,75 %
3,50 %
5,75 %
6,25 %
7 %
Par ailleurs, la loi programme du 13 juillet 2005 sur les orientations de
la politique énergétique (loi POPE) modifiée par la loi d’orientation
agricole (LOA) du 5 janvier 2006 fixe un objectif de :
année
31-12-2008
31-12- 2010
31-12- 2015
Objectif d’incorporation (pouvoir
calorifique inférieur)
5,75
%
7
%
10
% (indicatif)
39
Le projet de modification de la directive sur la taxation des énergies prévoit des
mesures transitoires jusqu’en 2023.
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LES DONNEES DE FAIT
47
Historique des trois phases qui se sont succédé :
Réforme de la PAC et biocarburants : les recommandations prudentes
du groupe de travail Lévy ne sont qu'en partie suivies
Un premier arrêté du 16 septembre 1987, en application d'une directive
européenne du 5 décembre 1985, avait déjà autorisé l’incorporation de 5 %
d’éthanol et 15 % d’ETBE en volume dans les essences. Il s’agissait à
l’époque d’oxygéner la combustion des carburants en la rendant plus propre
C'est en fait la réforme de la PAC de 1993 qui a accéléré la mise en
place d’une politique d’incitation à l'utilisation des biocarburants. Dans le
contexte
de
l'époque
(surproduction
agricole
dans
certains
secteurs,
négociations du GATT), la Communauté européenne a décidé la mise en place
de jachères à hauteur de 10 % des surfaces en céréales, oléagineux,
protéagineux. En France, le Premier ministre avait mandaté, dès septembre
1992, Raymond Lévy pour diriger un groupe de travail dont la lettre de
mission détaillait certains termes de la future politique en la matière :
« L’utilisation des produits agricoles pour l’obtention de biocarburants
est un des objectifs importants de 1a politique agricole du Gouvernement. Cet
intérêt s’est traduit par l’exonération de 1a taxe intérieure sur les produits
pétroliers pour les esters d’huile de colza ou de tournesol et pour l’éthanol
d’origine agricole et ses dérivés. Prévue initialement pour cinq ans dans la loi
de finances pour 1992, cette mesure sera pérennisée, afin d’encourager les
décisions d’investissement. De plus, la réforme récente de la politique agricole
commune ouvre aux agriculteurs de la Communauté la possibilité de produire
à des fins énergétiques en alternative à la jachère nue. L’espoir né de ces
mesures chez les agriculteurs français est lié à la recherche d’une ouverture
plus marquée des marchés des biocarburants. »
Le rapport Lévy a soutenu dans ses conclusions la voie de l’ester
méthylique de colza. Il rejoignait ainsi les conclusions de la première étude de
l’ADEME consacrée la même année aux biocarburants et qui montrait un
bilan
énergétique
objectivement
intéressant
pour
l’utilisation
comme
carburant de l’ester méthylique d’huile de colza.
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COUR DES COMPTES
Le même rapport déconseillait aussi la détaxation comme support de
l'aide à la production, préférant la forme contractuelle des subventions. Les
pouvoirs publics ne le suivirent pas sur ce dernier point mais souscrivirent à
l'idée de privilégier la filière des oléagineux. Les agriculteurs pouvaient
cultiver du colza destiné à la production de carburant sur des surfaces
déclarées en jachère. De façon paradoxale, alors que depuis des années les
betteraviers – sucriers défendaient la promotion de l’éthanol comme carburant
en s’appuyant sur l’exemple brésilien, ils n’obtenaient pas le droit de cultiver
la betterave sur les jachères.
Les agriculteurs, qui recevaient par ailleurs des aides pour ne rien
produire sur leurs surfaces en jachère, pouvaient se contenter d’un prix du
colza nettement plus faible que celui du colza alimentaire, seulement un peu
supérieur au coût marginal de production. Ce dispositif a permis au groupe
Sofiprotéol de faire démarrer de façon rentable sa filière Diester® avec une
matière première bon marché et en utilisant un procédé industriel
d’estérification déposé par l’Institut français du Pétrole (IFP).
Jusqu’en 2004, les aides sont tout à fait importantes
Les réticences de Raymond Lévy sur les aides fiscales ne furent pas
retenues : la loi de finances de 1992 exonérait totalement de TIPP jusqu'à fin
1996 les esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV) ainsi que l’éthanol
dans la limite des volumes à incorporer, dès lors que ces produits étaient
fabriqués dans des unités pilote. Le bénéfice de l’exonération était réservé aux
produits issus de la jachère. L’exonération était valable pour les esters
incorporés aussi bien dans le gazole que dans le fioul domestique. La France a
ainsi joué un rôle de précurseur, l’Allemagne et l’Espagne ont ensuite suivi.
L’exonération fut prorogée au delà de 1996 et le régime fiscal des
biocarburants fut réformé pour répondre à des observations de la Commission
européenne : les exonérations s’appliquèrent désormais dans la limite d’une
quantité déterminée par agrément.
En 1997, puis en 1999, la France a lancé des appels d’offres ouverts
aux entreprises communautaires en vue d’agréer des sociétés pour des
volumes définis de biocarburant. L’exonération partielle de TIPP des EMHV
fut portée en 1998 à 240 F/hl (pour le gazole et le fioul domestique). Pour
l’éthanol le niveau est resté à 329,5 F/hl. Ce régime fut maintenu en 1999,
avec une enveloppe maximale pour l’exonération de TIPP de 1,4 MdF/an, qui
ne fut d’ailleurs pas atteint.
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LES DONNEES DE FAIT
49
Ces mesures ont été extrêmement efficaces en termes de quantités
produites, puisqu'elles ont été multipliées entre 1992 et 1999 par 27 pour
l’éthanol (43 à 1144 milliers d’hl) et par 357 pour l’EMHV (8 à 2788 milliers
d’hl). En 1999, 25 % des terres en jachère étaient cultivées pour des
biocarburants (350 000 ha sur 1 410 000 ha de terres en jachère). En termes
financiers, les exonérations fiscales de 1992 à 1999 ont été multipliées par 29
pour l’éthanol (de 13 à 377 MF) et par 515 pour les EMHV (de 1,3 à
699 MF), avec une stabilisation entre 1997 et 1999.
A partir de 2004, avec le plan biocarburants, les objectifs français
d’incorporation se veulent en avance sur l’Europe, mais ils se sont avérés peu
réalistes car impossibles à respecter
En 2004, un rapport parlementaire soulignait les avantages des
biocarburants en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et
de réduction de la dépendance énergétique. Il rejetait les arguments de
l’industrie pétrolière, pour laquelle l’utilisation d’éthanol réduirait les
débouchés des supercarburants déjà produits en excès en France par rapport à
la demande intérieure (du fait d’un parc automobile déjà très diésélisé à
l’époque). De plus, le rapport pointait les effets positifs de la filière biodiesel
sur la balance commerciale, puisqu’elle permettait de diminuer les
importations de gazole, de tourteau de soja et de glycérine. Enfin, la création
de richesse et d’emplois y était soulignée : 900 emplois pour la production
d’un million d’hectolitres de biodiesel et 500 pour produire un million
d’hectolitres d’éthanol, soit 60 fois plus que pour un même volume de
carburant fossile. Ce rapport servira de base au plan biocarburant mis en place
par le Gouvernement.
82.
Dans la mesure où les objectifs d'incorporation ne sont pas une
obligation légale, la loi de finances pour 2006 a complété le dispositif
(article 266 quindecies du code des douanes) en instituant le paiement
d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en cas de non-
atteinte du taux d’incorporation. Ce taux s’est établi a 1,75 % en 2006,
3,5 % en 2007, 5,75 % en 2008, 6,25 % en 2009. Il est fixé à 7 % à partir
de 2010 (cf. les §104 et suivants consacrés à la TGAP).
83.
La France a donc anticipé à partir de 2008 l’objectif fixé par la
directive 2003/30/CE du 8 mai 2003 sur la promotion de l’utilisation des
biocarburants, les objectifs nationaux d’incorporation allant au-delà de
l’ambition européenne. Le problème est qu'ils ne sont compatibles ni avec
les contraintes techniques de qualité des carburants, ni avec la réalité des
infrastructures de distribution ou de flottes captives, ni avec la stratégie
des acteurs industriels (pétroliers et constructeurs automobiles). En effet,
un taux d’incorporation de 7 % en pouvoir calorifique inférieur implique,
compte tenu du moindre contenu énergétique des biocarburants, un
pourcentage d’incorporation en volume de 7,57 % pour le biodiesel B10 et
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50
COUR DES COMPTES
de 10,28 % pour l’éthanol dans le SP95E10. Or, les taux d’incorporation
maxima prévus par les textes sur la qualité des carburants sont en volume
de 7 % et 10 % respectivement.
84.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas étonnant, comme le montre le
graphe suivant, que les courbes de réalisation de l’éthanol décrochent de
celle de la cible depuis 2008, le parc de véhicules à carburant modulable
capable de consommer de l'E85 restant insignifiant sans perspective
d'accroissement à moyen terme
40
.
0,86
1,77
3,37
5,55
6,53
5,24
5,66
0
1
2
3
4
5
6
7
8
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Année
En % PCI
Objectifs nationaux
Réalisé Ethanol
Réalisé Esters
Objectifs UE
*
*
Source : Cour des comptes, à partir des données des Douanes. Les
chiffres des incorporations 2010 pour l'éthanol et le biodiesel sont
déterminés suivant la méthode exposée au §85.
85.
Il en aurait été de même pour le biodiesel si le législateur n'avait
changé les règles en y comptabilisant à partir de 2010 le carburant dit
«non routier », le tout complété d'un mode de calcul, décrit plus bas à
partir du §109, qui contredit la réalité physique. Que ce changement soit le
résultat de l’application de la directive EnR ne change rien au fait qu’il
s’agisse d’une pure manipulation statistique. L'année 2010 s'est de plus
trouvée perturbée par un mois de grève affectant la distribution de
carburant. Aussi, pour le décompte de la TGAP, l'État a-t-il neutralisé ces
trente jours, comptabilisant les incorporations uniquement sur le reste de
l'année et appliquant une péréquation discrétionnaire à l'année entière.
Pour le biodiesel, le chiffre réel (provisoire) d'incorporation tel que
40
A cette cause, d'autres phénomènes ont pu s’ajouter avec le rôle de l'ETBE et les
variations du prix du pétrole.
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LES DONNEES DE FAIT
51
comptabilisé par les pétroliers
41
, était ainsi de 6,43 %. Le tableau ci-
dessous résume le décompte 2010 de la direction des douanes
42
et le
résultat de la péréquation :
Taux d'incorporation sur
2010 hors les 3 décades
neutralisées
Taux arbitrairement
normalisé à l'année
entière pour la TGAP
Essence
5,42 %
5,98 %
Diesel
6,23 %
6,82 %
Source : Cour des comptes d'après les données des douanes
Bien que le décompte pour la TGAP due pour 2010 repose sur les
chiffres de la dernière colonne du tableau précédent, les taux réels
d'incorporation sont nécessaires pour la suite de cette évaluation. La
réalité se situe entre les chiffres des deux colonnes mais elle est difficile à
connaître. Aussi, afin de minimiser les erreurs, c'est la moyenne des ces
taux qui sera prise comme valeur effective sur l'année 2010, soit 6,53 %
pour le biodiesel et 6,82 % pour l'éthanol.
E - Schéma volontaire et plan d’action national (PAN)
2009-2020
86.
A la suite de la création du régime de certification européen par la
directive « énergie climat » de 2009 (Cf. §78), un schéma volontaire,
dénommé 2BSvs43, mis au point par les acteurs des filières françaises de
production de biocarburant, a été proposé à la Commission. Il permet aux
acteurs, à travers une vérification indépendante, de démontrer qu’ils
respectent les critères de durabilité de la directive, en vue d’une
certification d’une part de la biomasse utilisée comme matière première,
d’autre part des biocarburants produits. Il a été approuvé
44
par la
Commission européenne le 19 juillet 2011.
87.
La directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 impose aussi aux États
membres la transmission d'un "plan d'action National en faveur des
énergies renouvelables", qui fixe les objectifs en terme de « mix énergie
renouvelable» à l'horizon 2020, et les trajectoires annuelles énergie par
41
"Bilan 2010 et perspectives 2011 de l’industrie pétrolière française", UFIP
-
Conférence
de
presse
:
4
février
2011.
Cf.
http://www.euro-
petrole.com/docs/090211_104444_KnuYmUFR_document.pdf
.
42
Les données dites des Douanes ici et dans la suite de ce document proviennent du
Bureau F2 (Fiscalité de l'énergie, de l'environnement et lois de finances) de la DGDDI
(Direction générale des douanes et des droits indirects).
43
2B pour "
biomass
" et "
biofuel
", S pour "
sustainability
", i.e. durable, vs pour
"
voluntary scheme."
44
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/11/901&format=HTML
&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
.
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COUR DES COMPTES
énergie (biomasse, hydroélectricité, éolien, solaire, etc.). Les objectifs de
production des biocarburants compatibles avec la disponibilité en surfaces
agricoles, cohérents avec les outils industriels développés dans le cadre
des appels d’offre, et avec l’objectif de 10 % minimum d’énergie
renouvelable dans les transports, y sont désormais inscrits. Ce plan a été
transmis par les autorités françaises à la Commission le 16 août 2010. Un
rapport est fait par chaque État membre tous les 2 ans. Il est publié sur la
plate-forme de transparence de la Commission
45
. Compte tenu des
économies escomptées dans les transports afin d'atteindre l'objectif global
de réduction de 20 % de la consommation énergétique prévue par le
"paquet climat - énergie", le besoin en biocarburants est estimé quasiment
stable entre 2010 et 2020, l'augmentation du taux d'incorporation étant
surtout permise par la production des biocarburants comptant double
(produits à partir de déchets, de résidus, de matières cellulosiques
d’origine non alimentaire et de matières ligno-cellulosiques) et par la
baisse de la consommation des carburants.
_________
CONCLUSION – LES REGLEMENTATIONS
_______
Les règles qui gouvernent production, importations, distribution et
consommation de biocarburants sont multiples.
Au plan international, les droits de douane s'appliquent en partie
aux biocarburants, mais en partie seulement. Ainsi, les biocarburants ne
sont pas singularisés par rapport aux autres usages des mêmes produits
(alcool alimentaire par exemple). Par ailleurs, les oléagineux (dont le
biodiesel) sont libres de droits pour des raisons historiques. Enfin, le
bioéthanol, en principe solidement protégé s’il est produit agricole, ne
l’est pratiquement plus s’il est mélangé, si peu que ce soit, à de l’essence,
le mélange étant un produit chimique à peine taxé.
Au plan européen, de multiples directives fixent de nombreux
principes :
- les soutiens fiscaux sont autorisés à condition de ne pas entraîner
de surcompensation de l’écart de coût de production par rapport aux
carburants fossiles ;
- les biocarburants doivent satisfaire à des critères de durabilité
définis dans la directive concernant les énergies renouvelables (directive
EnR) ;
45
en.htm
.
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53
- des niveaux minima d'incorporation de biocarburants sont
recommandés : 5,75 % en pouvoir calorifique interne (PCI) ;
- des niveaux maxima sont fixés au titre de la qualité des
carburants (pour maximiser le rendement des moteurs) : 7 % en volume
pour le gazole, 10 % pour l’éthanol ;
- la valorisation des déchets est soutenue par une règle dite du
"double comptage" des huiles animales ou usagées.
Il existe enfin un projet de directive sur la fiscalité de l'énergie qui
consisterait notamment à taxer l'énergie en fonction des émissions de CO2
ainsi que du contenu énergétique (c'est-à-dire de l'énergie réelle) qu'un
produit permet d'obtenir.
Au plan français, les règles sont rassemblées dans le plan
biocarburants présenté par le Gouvernement fin 2004. Il prévoit
notamment des taux d'incorporation de 7 % en pouvoir calorifique
inférieur, correspondant à 7,57 % en volume pour le biodiesel et 10,28 %
pour l’éthanol, compte tenu du moindre pouvoir énergétique de ces deux
produits. Dans la mesure où ces objectifs ne sont pas une obligation
légale, il a été créé en 2005 une taxe générale sur les activités polluantes
(TGAP), payable en cas de non atteinte du taux d'incorporation.
Les
objectifs
français
vont,
à
travers
leur
niveau
élevé
d'incorporation, au-delà de l'ambition européenne. Ils ne sont, en
conséquence, compatibles ni avec les contraintes techniques de qualité des
carburants
(maxima
d'incorporation),
ni
avec
la
réalité
des
infrastructures de distribution, ni avec la stratégie des acteurs industriels
(pétroliers et constructeurs automobiles). De ce fait, les résultats en
matière d'incorporation sont inférieurs à ceux de la cible, depuis 2009
pour l'éthanol, mais potentiellement aussi pour le biodiesel (depuis 2010).
VI
-
Données financières
Un certain nombre d'instruments financiers ont été mis en oeuvre au
titre de la politique publique en faveur des biocarburants et leur coût
depuis 2005 est non négligeable. Ils entrent en partie dans le contexte
général de la fiscalité des carburants
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54
COUR DES COMPTES
A - Fiscalité des hydrocarbures applicable au 1
er
janvier
2011
88.
Le détail des taxes hors TVA est inscrit dans le code des douanes. Le
terme de TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits
pétroliers) y a été remplacé par la TICPE (taxe intérieure de
consommation sur les produits énergétiques), communément dénommé
TIC. Le tableau suivant en est un extrait :
en €
Unité
Taxe Intérieure (1)
Super éthanol E85
hl
17,29
Supercarburant sans plomb SP95-E10
hl
60,69 (2)
Supercarburant sans plomb
hl
60,69 (2)
Gazole
hl
42,84 (2)
(Montant des taxes hors TVA inscrit dans le code des douanes).
DGEC, DE, janvier 2011.
(1) TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétiques)
pour les produits pétroliers et TICGN pour le gaz naturel à l’état gazeux
(combustible). La taxe parafiscale perçue en faveur de l’Institut français du
pétrole (IFP) est intégrée depuis le 1
er
janvier 2003 à la TICPE et à la TICGN.
(2) il faut tenir compte d’une réfaction de 1,77 €/hl pour le
supercarburant sans plomb et de 1,15 €/hl pour le gazole, et de la part régionale
votée par chaque conseil régional. A compter du 1
er
janvier 2011, les régions
peuvent majorer dans la limite de 0,73 c€/l pour les supercarburants et 1,35 c€/l
pour le gazole le tarif de TICPE applicable aux carburants vendus au
consommateur final sur leur territoire. Les recettes sont exclusivement affectées
au financement d’une infrastructure de transport durable, ferroviaire ou fluvial
mentionnée aux articles 11 et 12 de la loi du 3 août 2009 de programmation
relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement (art.94 LFI 2011).
Le schéma ci-dessous présente la décomposition du prix à la pompe
des carburants pétroliers avec des prix du brut (Brent) récents (2010 et
2011) en dollars par baril.
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LES DONNEES DE FAIT
55
Source : IFPEN
Cette fiscalité, très favorable au gazole, a favorisé la croissance
continue du parc des voitures diesel et accentué l'augmentation de la
consommation de gazole par rapport à celle de l’essence. Elle devrait à
terme être remise en cause par la directive européenne de taxation de
l'énergie au pouvoir calorifique inférieur et au CO
2
(cf. §80).
B - Rentrées supplémentaires de recettes de TIC et de
TVA générées par les biocarburants
89.
Le plus faible pouvoir calorifique inférieur par unité de volume des
biocarburants a été mentionné précédemment. Or les recettes de TIC et de
TVA sont proportionnelles aux volumes achetés et non à leur pouvoir
calorifique inférieur. On peut donc en déduire qu’il y a une rentrée de
taxes supplémentaires pour l’État. Le calcul se fait en partant du constat
que le consommateur a acheté dans une année une quantité d'énergie
donnée pour parcourir une distance donnée et qu’il a, sans s’en rendre
compte,
consommé
légèrement
plus
de
carburants
du
fait
de
l’incorporation de biocarburant. Si
r
est ce taux d’incorporation en pouvoir
calorifique inférieur, alors la fraction supplémentaire de consommation
pour un type de carburant est donnée par
(
2
2
1
.
ε
ε
ε
-
r
où
ε
1
est le pouvoir
calorifique inférieur du carburant fossile (essence ou gazole) et
ε
2
celui du
biocarburant correspondant. On trouve ainsi, en utilisant les valeurs du
pouvoir calorifique inférieur de l'annexe 1, que pour chaque %
d’incorporation en pouvoir calorifique inférieur, il est consommé
0,52182 % en plus de volume d’essence et 0,08866 % de gazole.
90.
Le tableau suivant reprend à partir de 2005 :
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COUR DES COMPTES
1.
les consommations totales déjà mentionnées pour les
transformer en volume,
2.
les taux d’incorporation réels tels que comptabilisés par la
direction des douanes pour les comptes de la TGAP et
3.
les taux de fiscalisation moyen par année.
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Consommation de gazole
(en Mt)
30,66
31,54
32,64
32,53
32,58
33,6
Consommation d’essence
(en Mt)
10,97
10,33
9,86
9,1
8,76
8,2
Consommation de gazole
(en Md L)
34,84
35,84
37,09
36,97
37,02
38,18
Consommation d’essence
(en Md L)
13,82
13,01
12,42
11,46
11,03
10,33
2005
2006
2007
2008
2009
2010
% de biodiesel (en pouvoir
calorifique inférieur) d’après
dossier TGAP DOUANES
2011 (cf. §85 pour 2010)
1,04
%
1,74 %
3,67 %
5,75 %
6,27
%
6,53 %
% d’éthanol (en pouvoir
calorifique inférieur) d’après
dossier TGAP DOUANES
2011
1,15
%
1,75 %
2,70 %
4,72 %
5,24
%
5,66 %
Calcul théorique du plus
consommé (en Millions de
litres)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
GAZOLE
32,13
55,29
120,69
188,45
205,81
221,05
SUPER
82,91
118,80
174,95
282,27
301,66
305,01
TIC Gazole
0,420
0,428
0,428
0,428
0,428
0,428
TVA Gazole
0,154
0,154
0,154
0,228
0,228
0,229
TIC Essence
0,590
0,606
0,606
0,606
0,606
0,606
TVA Essence
0,190
0,170
0,170
0,236
0,270
0,262
Calcul théorique du plus
perçu par l’État en M€
2005
2006
2007
2008
2009
2010
GAZOLE
18,44
32,18
70,24
123,62
135,01
145,23
SUPER
64,67
92,19
135,76
237,67
264,25
264,75
Gazole CUMUL
18
50
120
244
379
525
Ethanol CUMUL
64
156
292
530
794
1059
Source : Cour des comptes à partir des données
46
DGDDI
47
, DGPAAT
48
et UFIP.
46
Les prix HT étant une valeur moyenne fluctuant de façon journalière, l'estimation
de la TVA sur la partie hors TIC du prix fluctue. Par contre la TIC et la TVA sur la
TIC sont fixes. Il y a donc une petite incertitude sur la vraie valeur de la TVA qui ne
modifie pas fondamentalement les grandes masses.
47
Direction générale des douanes et droits indirects.
48
Direction générale des Politiques Agricole, Agroalimentaire et des Territoires.
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57
Compte
tenu
des
taux
d’incorporation
en
hausse,
la
part
supplémentaire (et invisible) de consommation ne fait que croître elle
aussi, avec un cumul sur 2005-2010 de 0,82 milliard de litres de gazole et
1,26 milliard de litres d'essence et, actuellement chaque année, plus de 200
et 300 millions de litres respectivement. Certes, en pourcentage, ces
consommations cachées restent faibles, probablement peu sinon pas
visibles pour le consommateur car noyées dans les fluctuations du prix des
carburants. Mais les volumes consommés étant extrêmement importants
(50 Mdl), le supplément perçu par l'État devient non négligeable. En 2009
on peut l’estimer proche de 250 M€ pour l’essence et de 130 M€ pour le
gazole, soit 380 M€.
En conclusion, le montant cumulé de 2005 à 2010 de rentrées
supplémentaires de TIC au profit de l'État est estimé à plus de 1 Md€ pour
l’essence et 500 M€ pour le gazole, soit 1,5 Md€.
C - Réduction de la TIC sur les biocarburants :
évolution des taux
91.
Le dispositif français repose sur un double mécanisme : la réduction
de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits pétroliers sur
une quantité agréée de biocarburants, et une fraction de taxe générale sur
les activités polluantes (TGAP) acquittée en cas de non-respect d’objectifs
d’incorporation fixés par la loi. En 2005 le code des douanes
49
faisait
reposer l’exonération fiscale sur le besoin de compétitivité des prix face
aux carburants fossiles. Cet attendu avait déjà disparu l’année suivante,
probablement devant la difficulté de démontrer qu’il n’y avait pas
surcompensation.
92.
L’exonération partielle de la TIC applicable aux carburants est fixée
chaque année par le Parlement en fonction notamment des cours des
produits pétroliers et des matières premières. La dernière réduction des
montants de défiscalisation a été opérée par la loi de finances pour 2011,
qui modifie le code des douanes (article 265 bis A) de la façon suivante :
49
Code des douanes, article 265bis A : « Compte tenu du bilan environnemental
global, notamment en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, de
leur production et de leur consommation, les produits désignés ci-après […]
bénéficient, dans la limite des quantités fixées par agrément, d'une réduction de la taxe
intérieure de consommation dont les tarifs sont fixés au tableau B du 1 de l'article 265.
Cette réduction est modulée [...] Elle doit permettre d'assurer la compétitivité des
biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans toutefois aboutir à une
surcompensation de l'écart de prix de revient entre ces produits
. »
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58
COUR DES COMPTES
RÉDUCTION
(en euros par hectolitre)
DÉSIGNATION DES PRODUITS
2011
2012
2013
1. Esters méthyliques d’huile végétale
incorporés au gazole ou au fioul domestique
8,00
8,00
8,00
2. Esters méthyliques d’huile animale ou
usagée incorporés au gazole ou au fioul
domestique
8,00
8,00
8,00
3. Contenu en alcool des dérivés de l’alcool
éthylique incorporés aux supercarburants dont
la composante alcool est d’origine agricole,
sous nomenclature douanière combinée NC
220710
...........................................
14,00
14,00
14,00
4. Alcool éthylique d’origine agricole, sous
nomenclature douanière combinée NC
220710, incorporé aux supercarburants ou au
superéthanol E85 repris à l’indice
d’identification 55
14,00
14,00
14,00
5. Biodiesel de synthèse
8,00
8,00
8,00
6. Esters éthyliques d’huile végétale
incorporés au gazole ou au fioul domestique
14,00
14,00
14,00
Source : code des douanes
93.
Le niveau de cette exonération n’a fait que décroître dans le temps,
particulièrement à partir de 2008. Le tableau suivant fait apparaître les
évolutions de cette exonération depuis 2004 en tenant compte de la loi de
finances 2011 qui la prolonge en principe jusqu’en 2013 au même niveau
que 2011 :
Exonération.
en
€/ hl
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Ethanol
37
37
33
33
27
21
18
14
14
14
EMHV
33
33
25
25
22
15
11
8
8
8
Les discussions au Parlement de la loi de finances 2009 montrent à
cette époque une prise de conscience qu’avec l’augmentation des taux
d’incorporation, les montants de défiscalisation à droit constant, allaient
représenter un coût significatif pour les finances publiques pouvant
atteindre plus de 1,1 Md€ en 2010.
94.
La mesure de défiscalisation a néanmoins été prolongée jusqu’en
2013 lors du vote de la loi de finances 2011, sous l’argument majeur que
« ces filières [créatrices d’emplois] ont besoin d’une vision à plus long
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LES DONNEES DE FAIT
59
terme, jusqu’à 2012, 2013 », que cette décision n’impliquait aucune
incidence budgétaire pour 2011 et qu’elle serait revue lors de la discussion
budgétaire de 2012
50
.
95.
La loi de finances 2009 a modifié quant à elle le code des douanes
afin que les esters méthyliques d’huile animale (EMHA) et d’huiles
usagées (EMHU) incorporés au gazole, soient pris en compte pour le
double de leur valeur réelle en pouvoir calorifique inférieur en ce qui
concerne la TGAP. Il s’agit de la mise en oeuvre d’un article de la
directive européenne 2009/28/CE relative à la promotion des sources
d’énergies renouvelables. Les motivations de cette décision anticipée par
rapport à la transposition nationale des directives sur la durabilité des
biocarburants
7
étaient liées à la rentabilisation recherchée de la taxe
forfaitaire pour l’équarrissage, service public initialement gratuit et rendu
payant, ainsi qu’un moyen de garantir la pérennité d’une activité
d’équarrissage respectueuse de l’environnement.
96.
Un premier débat sur les EMHA a porté sur l’inclusion, dans le
bénéfice du double comptage, des produits issus d’animaux aptes à la
consommation humaine (classification C3) sous l’hypothèse inexacte
qu’ils étaient des déchets alors qu’ils étaient déjà valorisés par ailleurs.
97.
La loi de finances 2011 est revenue partiellement sur la mesure
d'ensemble en appliquant le double comptage uniquement dans la limite
de la moitié des quantités agréées spécifiquement pour les esters
méthyliques d’huiles animales
51
. Les motifs du rapporteur étaient que les
EMHA étaient dans leur intégralité acquis sur les marchés internationaux,
conduisant
52
« à une rétraction brutale du marché national des esters
méthyliques d’huile végétale (EMHV), qui déstabilise gravement les
marchés existants avec une perte de production de l’ordre de 500 à
600 000 tonnes, soit l’équivalent de deux usines de production ». Ce texte
a toutefois été impossible à mettre en oeuvre tel quel. C'est pourquoi, un
arrêté
53
du ministre du budget, publié seulement le 19 octobre 2011,
indique que "ce comptage double se fait sur la base d’un seuil
d’incorporation des esters méthyliques d’huile animale ou usagée de
0,35 % en pouvoir calorifique inférieur". Ce texte doit être complété par
50
Session ordinaire 2010-2011 de l'Assemblée nationale, Compte rendu intégral 2e
séance du jeudi 9 décembre 2010, pp.9213-9214.
51
Article 48 de la Loi no 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative
pour 2010.
52
.
53
Arrêté du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat du
30 septembre 2011 relatif à la prise en compte des esters méthyliques d’huile animale
ou usagée en minoration de la taxe générale sur les activités polluantes.
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60
COUR DES COMPTES
un deuxième arrêté donnant la définition des EMH et EMHA, en ne
retenant pas les C3 dans cette liste.
D - Réduction de la TIC sur les biocarburants :
contingentement par les agréments
98.
Afin de limiter le volume total défiscalisé, l’exonération de TIC n’est
accordée qu’à des unités de production agréées à l’issue d’appels à
candidatures publiés au Journal Officiel de l’Union européenne. Ces
agréments sont accordés pour 6 ans. Bien que l'article 16 de la directive
2003/96/CE sur la taxation des énergies prévoie que la période de 6 ans est
renouvelable, la réglementation française est silencieuse, le code des
douanes, dans son article 265, ne prévoyant pas de renouvellement. En
l'état actuel de la situation, les derniers agréments se terminent donc fin
2015. Ils sont transférables d’une société à l’autre d’un même groupe.
Depuis 2004, quatre appels à candidatures ont été lancés pour couvrir les
besoins en biocarburants et atteindre l’objectif de 7 % d’incorporation de
2010.
Les deux graphes suivants montrent le montant total des agréments
accordés par filière jusqu’à épuisement en 2015. Sur le même graphe
(échelle de droite) on indique l’évolution des taux de défiscalisation à la
baisse, avec l’hypothèse de son maintien jusqu’en 2013 tel que défini
dans la LFI 2011 :
0,00
10,00
20,00
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Année
Volumes agréés en milliers de tonnes
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Exonération en €/hl
Ethanol
ETBE
Exonér. Ethanol €/hl
Source : Cour des comptes
Cour des comptes
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LES DONNEES DE FAIT
61
0,00
10,00
20,00
30,00
40,00
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Année
Volumes agréés en milliers de tonnes
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Exonération en €/hl
EMHV
Exonér. EMHV €/hl
Source : Cour des comptes
99.
A l'issue des appels d'offres, un total de 53 candidatures a été agréé :
29 unités de production de biodiesel dont 11 à l’étranger, 20 unités de
production d’éthanol (agrément initial total en 2010 : 870 000 t), 4 unités
de production d’ETBE (agrément total en 2010 : 230 000 t équivalent
éthanol). Sur les 53 unités agréées, 21 usines nouvelles auraient dû être
construites en France dans 14 régions.
100.
Les deux tables suivantes affichent pour l'éthanol et l'ETBE les
agréments par filière et par usine depuis 2007. L’unité est la tonne de
carburant.
Agréments éthanol
2007
2008
2009
2010
2011
AB Bioenergy Lacq
40000
100000
120000
120000
120000
BCE Provins
2769
4658
4658
4658
4658
BOURDON Clermont-Ferrand
1187
1187
1187
264
CRISTAL UNION Arcis
11256
22843
22843
22843
22843
CRISTAL UNION Bazancourt
80000
145000
167500
167500
167500
CRISTAL UNION Betheniville
14661
20706
20706
20706
20706
DEULEP Saint Gilels du Gard
4746
11547
11547
16845
16845
ROQUETTE Beinheim
0
60000
95000
95000
95000
SMBE SOUFFLET Le Meriot
45OOO
80OOO
80OOO
80OOO
St LOUIS SUCRE Eppeville
32867
40424
40424
40424
40424
SVI Ste Emilie
9692
12211
12211
12211
12211
SVI Toury
9692
12211
12211
12211
12211
TEREOS (ex SDHF) Lilers
13024
13024
13024
10071
10071
TEREOS Arthenay
8610
12136
12136
12136
12136
TEREOS BENP Lillebonne
80000
145000
152500
159792
159792
TEREOS BENP Origny
7292
7292
7292
TEREOS Bucy
4143
5654
5654
5654
5654
TEREOS DRC Morains le Petit
2800
2800
2800
TEREOS Lilers
5038
5038
7991
7991
TEREOS Morains le Petit
2800
2800
TEREOS Origny
5010
40010
70010
70010
70010
TEREOS SEDALCOL Nesles
7498
7498
7498
3123
3123
VALLEE DU LOING Souppes
1900
2908
2908
2908
2908
Total en tonnes
337147
672147
787147
787147
786883
Total en hl
4246184
8465328
9913690
9913690
9910366
Source : Cour des comptes à partir des données DGDDI
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62
COUR DES COMPTES
Agréments éthanol
2012
2013
2014
2015
AB Bioenergy Lacq
120000
80000
20000
BCE Provins
4658
4658
2769
2769
BOURDON Clermont-Ferrand
CRISTAL UNION Arcis
18527
18527
6940
6940
CRISTAL UNION Bazancourt
167500
87500
22500
CRISTAL UNION Betheniville
17552
17552
11507
11507
DEULEP Saint Gilels du Gard
16529
16529
9728
9728
ROQUETTE Beinheim
95000
95000
35000
0
SMBE SOUFFLET Le Meriot
80OOO
80OOO
35OOO
0
St LOUIS SUCRE Eppeville
19370
19370
11813
11813
SVI Ste Emilie
6211
6211
3692
3692
SVI Toury
6211
6211
3692
3692
TEREOS (ex SDHF) Lilers
TEREOS Arthenay
7218
7218
3692
3692
TEREOS BENP Lillebonne
159792
79792
14792
7292
TEREOS BENP Origny
TEREOS Bucy
3357
3357
1846
1846
TEREOS DRC Morains le Petit
TEREOS Lilers
7991
7991
2953
2953
TEREOS Morains le Petit
2800
2800
2800
2800
TEREOS Origny
68692
68692
33692
3692
TEREOS SEDALCOL Nesles
VALLEE DU LOING Souppes
1008
1008
Total en tonnes
722416
522416
187416
72416
Agréments ETBE (éthanol)
2007
2008
2009
2010
2011
OUEST-ETBE Gonfreville
30845
30845
30845
30845
30845
NORD-ETBE Dunkerque
37312
37312
37312
37312
37312
TOTAL Feyzin
43254
43254
43254
45102
45102
LYONDELL Fos sur Mer
110927
110927
110927
111389
111389
Total en tonnes
222338
222338
222338
224648
224648
Total en hl
2800227
2800227
2800227
2829320
2829320
Agréments ETBE (éthanol)
2012
2013
2014
2015
OUEST-ETBE Gonfreville
30845
NORD-ETBE Dunkerque
31054
3692
3692
3692
TOTAL Feyzin
37640
37640
37640
37640
LYONDELL Fos sur Mer
89838
36045
36045
36045
Total en tonnes
189377
77377
77377
77377
Total en hl
2385101
974522
974522
974522
Source : Cour des comptes à partir des données DGDDI
101.
Alors qu’aucun groupe ne domine le secteur de l’éthanol (hors ETBE
qui est en voie de régression relative car ne satisfaisant plus les taux
d'incorporation élevés demandés), il n’en n’est pas de même avec le
biodiesel. Il apparaît en effet que les agréments ont été en grande partie
attribués au groupe Diester Industrie qui regroupe, suivant les années, de
70 % à 74 % d’entre eux. On peut aussi noter que les totaux pour 2010 ne
coïncident pas exactement avec les totaux initiaux mentionnés plus haut.
Ceux-ci ne prennent en effet pas en compte les mentions surlignées qui
correspondent à des usines soit arrêtées soit jamais construites.
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LES DONNEES DE FAIT
63
Agréments Biodiel
2007
2008
2009
2010
2011
ADZ / Mainz (Allemagne)
18 750
26 350
26 350
31 350
31 350
AIRAS 4 SARIA Montoir
(EMVH / EMHA)
30 OOO
30 OOO
BIOCAR Fos sur Mer
80 OOO
100 OOO
100 OOO
BIONERVAL SARIA Lisieux
(EMVH / EMHA)
37 900
37 900
37 900
37 900
BIONET EUROPA Tarragone
/ Espagne
13 720
13 720
13 720
13 720
13 720
CARGILL Francfort /
Allemagne
18 750
28 750
28 750
28 750
28 750
CENTRE OUEST CEREALES
Chalandray
35 000
50 000
60 000
60 000
COGNY Boussens
32 803
32 803
32 803
37 803
37 803
DIESTER S7TE 1 et 2
203 709
203 709
213 709
338 709
338 709
DIESTER Saint Nazaire-
Montoir
120 000
223 400
223 400
223 400
223 400
DIESTER Nogent le Mériot
130 000
235 900
235 900
235 900
235 900
DIESTER Venette 1 et 2
216 996
216 996
216 996
216 996
216 996
DIESTER Grand-Couronne 1
et 2
260 000
461 400
461 400
466 400
466 400
DIESTER couderque
163 500
203 500
228 500
228 500
DIESTER bordeaux
151 400
186 400
226 400
226 400
DP LUBRIFICANT Apprilia /
Italie
7 537
7 537
7 537
7 537
7 537
FOX PETROLI Vasto / Italie
37 500
37 500
37 500
42 500
42 500
INEOS Baleycourt
94 747
154 747
179 747
209 747
209 747
MANNHEIM BIOFUEL
Mannhein / Allemagne (filiale
de DIESTER)
37 500
47 500
47 500
52 500
52 500
NEOCHIM Feluy / Belgique
46 875
46 875
46 875
46 875
46 875
NORD ESTER Dunkerque
(EMHV / EMHA)
90 700
90 700
90 700
90 700
NOVAOL Livourne / Italie
45 283
50 283
50 283
55 283
55 283
RVM ECO MOTION Sternberg
/ Allemagne
39 583
54 683
54 683
54 683
54 683
OLEON NV Ertvelde /
Belgique
18 750
41 450
41 450
46 450
46 450
PROGLIOR BOUVART
Charny sur Meuse (EMHA)
35 OOO
35 OOO
35 OOO
SARP Industrie Limay
45 400
45 400
45 400
45 400
SCA PETROLES ET DERIVES
Cornille (EMHA)
55 OOO
55 OOO
SICA ATLANTIQUE La
Rochelle (EEHV)
10 OOO
10 OOO
60 OOO
60 OOO
TOTAL Dunkerque (Biogazole
de synthèse)
60 000
70 000
100 000
100 000
Total en tonnes
1 342 503
2 467 503
2 602 503
2 897 503
2 897 503
Total en hl
15 255 716
28 039 807
29 573 898
32 926 171
32 926 171
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64
COUR DES COMPTES
Agréments Biodiel
2012
2013
2014
2015
ADZ / Mainz (Allemagne)
31 350
12 600
5 000
5 000
AIRAS 4 SARIA Montoir
(EMVH / EMHA)
30 OOO
30 OOO
30 OOO
30 OOO
BIOCAR Fos sur Mer
100 OOO
100 OOO
100 OOO
20 OOO
BIONERVAL SARIA Lisieux
(EMVH / EMHA)
37 900
37 900
BIONET EUROPA Tarragone
/ Espagne
3 370
3 370
3 370
3 370
CARGILL Francfort /
Allemagne
28 750
10 000
CENTRE OUEST CEREALES
Chalandray
60 000
60 000
25 000
10 000
COGNY Boussens
5 000
5 000
5 000
5 000
DIESTER S7TE 1 et 2
221 984
145 109
145 109
135 109
DIESTER Saint Nazaire-
Montoir
223 400
103 400
DIESTER Nogent le Mériot
235 900
105 900
DIESTER Venette 1 et 2
168 629
83 837
DIESTER Grand-Couronne 1
et 2
466 400
316 400
115 000
110 000
DIESTER couderque
228 500
228 500
65 000
25 000
DIESTER bordeaux
226 400
226 400
75 000
40 000
DP LUBRIFICANT Apprilia /
Italie
7 537
3 370
3 370
3 370
FOX PETROLI Vasto / Italie
42 500
5 000
5 000
5 000
INEOS Baleycourt
138 988
125 446
65 446
40 446
MANNHEIM BIOFUEL
Mannhein / Allemagne (filiale
de DIESTER)
52 500
15 000
5 000
NEOCHIM Feluy / Belgique
46 875
NORD ESTER Dunkerque
(EMHV / EMHA)
90 700
90 700
NOVAOL Livourne / Italie
36 287
32 120
8 370
8 370
RVM ECO MOTION Sternberg
/ Allemagne
54 683
15 100
OLEON NV Ertvelde /
Belgique
46 450
27 700
5 000
5 000
PROGLIOR BOUVART
Charny sur Meuse (EMHA)
35 OOO
35 OOO
35 OOO
SARP Industrie Limay
45 400
45 400
SCA PETROLES ET DERIVES
Cornille (EMHA)
55 000
55OOO
55 OOO
55 OOO
SICA ATLANTIQUE La
Rochelle (EEHV)
60 OOO
60 OOO
50 OOO
50 OOO
TOTAL Dunkerque (Biogazole
de synthèse)
100 000
100 000
40 000
30 000
Total en tonnes
2 654 503
1 798 252
570 665
425 665
Total en hl
30 164 807
20 434 682
6 484 830
4 837 102
E - Réduction de la TIC pour le biodiesel
102.
Les services de la direction des douanes suivent au niveau des
assujettis à la TIC, en sortie des entrepôts de stockage des distributeurs ou
des pétroliers, le remboursement correspondant à l’exonération de TIC.
Les tableaux et graphes suivants sont réalisés à partir des données de la
DGPAAT et de la DGDDI. Ils reprennent en millions d’euros ces données
pour y détailler depuis 2005 le montant de TIC pour :
-
couvrir théoriquement les taux d’incorporation ;
Cour des comptes
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LES DONNEES DE FAIT
65
-
le maximum théorique correspondant à 100 % de réalisation des
agréments initiaux, non compris les abandons ou arrêts ;
-
le montant réel versé en remboursement de l’exonération de la
TIC.
EXONERATIONS de TIC pour
le BIODIESEL
(en M€)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Potentiel selon le taux
d'incorporation)
121,05
182,00
354,47
524,07
408,20
334,61
Maximum (agréments)
156,53
191,82
380,10
619,76
463,34
395,84
Réel
138,177
161,22
325,47
519,56
357,13
287,26
Cumul (réel)
138,177
299,397
624,867
1144,427
1501,557
1788,82
Source : Cour des comptes d'après les données de la DGPAAT et de la
DGDDI
En conclusion, le cumul de réduction de TIC pour le biodiesel est de
l'ordre de 1,8 Md€ sur la période 2005-2010
Le graphe suivant étend ces données à 2015 en partant des tableaux
des §93 et §99. En l’absence de nouveaux agréments le remboursement
maximal de TIC ne fait que décroître jusqu’à 163 M€ en 2013
et à moins
de 40 M€ en 2015, valeurs sous l’hypothèse d’une reconduction du taux
actuel.
0,00
100,00
200,00
300,00
400,00
500,00
600,00
700,00
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Année
TIC Biogazole en M€
0,0%
10,0%
20,0%
30,0%
40,0%
50,0%
60,0%
70,0%
80,0%
90,0%
100,0%
Pourcentage de réalisation des agréments
Maximum (agréments)
Réel
% de réalisation des agréments pour le
biogazole
sous l'hypothèse de reconduction au
même niveau d'exonération de 8€/hl
Source : Cour des comptes
On y indique aussi le taux de réalisation des agréments qui a décru de
14 %, passant de 86,6 % en 2005 à 72,6 % en 2010. Il faut en effet tenir
compte des abandons et de projets d’usines. C’est pourquoi, en termes de
production réellement comptabilisée, en 2009 Diester Industrie a totalisé
un résultat supérieur, 77,6 % des agréments réalisés.
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66
COUR DES COMPTES
F - Réduction de la TIC pour l’éthanol et l’ETBE :
montants théoriques et réalisés
103.
Les tableaux et graphes suivants reportent pour 2005-2015 les niveaux
de remboursement théorique dans l’hypothèse de 100 % d’agréments et
ceux pour l’éthanol agréé réellement produit.
EXONERATIONS de TIC pour le
BIOETHANOL (en M€)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Potentiel (selon le taux d'incorporation)
62,55
87,30
174,19
227,52
180,11
180,53
Maximum (agréments)
86,03
127,60
233,49
320,26
288,76
247,50
Réel
54,75
97,82
174,54
199,82
164,13
157,85
Cumul (Réel)
54,75
152,57
327,11
526,93
691,06
848,905
Source : Cour des comptes d'après les données de la DGPAAT et de la
DGDDI
En conclusion, le cumul de réduction de TIC pour le bioéthanol est de
0,85 Md€ sur la période 2005-2010
Le graphe suivant étend ces données à 2015 en partant des données
des tableaux des paragraphes §93 et §100 :
0,00
50,00
100,00
150,00
200,00
250,00
300,00
350,00
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Année
TIC Ethanol (dont ETBE) en M€
0,0%
10,0%
20,0%
30,0%
40,0%
50,0%
60,0%
70,0%
80,0%
90,0%
Pourcentage de réalisation des
agréments
Maximum (agréments)
Réel
% de réalisation des agréments pour
l'éthanol
sous l'hypothèse de reconduction au
même niveau d'exonération de 14€/hl
Source : Cour des comptes
En l’absence de nouveaux agréments le remboursement maximal de
TIC ne fait que décroître jusqu’à 53 M€ en 2013
et 26 M€ en 2015,
valeurs sous l’hypothèse d’une reconduction du taux actuel. On y indique
aussi le taux de réalisation des agréments qui a fluctué de 75 % à 55 %.
Cette valeur ne reflète pas la réalité de l’éthanol car, si l’on sépare l’ETBE
de l’incorporation directe de l’éthanol, les taux sont très différents. Le
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LES DONNEES DE FAIT
67
tableau ci-dessous reporte la production constatée en 2009 par rapport aux
agréments en séparant les deux composantes.
en M.hl
Agréments
Produits
%
Ethanol
10,92
5,26
48,2 %
ETBE
2,83
2,55
90,3 %
Total
13,75
7,81
56,8 %
On note donc que, non compris l’ETBE
54
, les agréments d’éthanol
ne sont remplis qu’à moins de 50 %, ce ratio étant en fait en baisse
continue. Afin de favoriser la concurrence, les agréments ont été
déterminés pour des volumes supérieurs aux besoins anticipés pour
satisfaire le taux cible d’incorporation. Ceci n’explique qu’une partie de ce
faible pourcentage : on doit y ajouter la baisse continue de la
consommation d’essence, le fait que l’incorporation d’éthanol dans
l’ETBE attribuait à celui-ci un coefficient supérieur et que, de plus en
plus, il y a décrochage entre le taux réel d’incorporation et le taux cible de
7 % à partir de 2010
.
G - La TGAP
104.
La défiscalisation seule n’avait toutefois pas permis un véritable essor
des biocarburants en France, puisque leur taux d’incorporation avoisinait
0,8
% à la fin 2004. Devant ce constat d'échec, un nouvel instrument
fiscal a été introduit, en complément de l'exonération de TIC, par la loi de
finances 2006, à l’image de l’Allemagne à l’époque où les énergies non
renouvelables étaient taxées et les énergies renouvelables exonérées de
TIPP. Cet instrument a la particularité d’être une incitation à incorporer
des biocarburants,
qu’ils soient agréés ou pas
, mais n’est pas une
obligation réglementaire d’incorporation. La loi a en effet créé un
prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes
(TGAP) sur certains carburants d’origine fossile (supercarburants et
gazole), dont sont redevables les personnes qui mettent à la consommation
ces carburants. Le taux de cette taxe est progressif et évolue en parallèle
en cohérence avec les taux d’incorporation selon le calendrier institué par
la loi (cf. §83)
54
non compris l’ETBE qui, malgré son intérêt technique de compatibilité avec
l'essence ne permet d'atteindre que la moitié de la cible d'incorporation, est amenée à
disparaître.
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68
COUR DES COMPTES
année
2006
2007
2008
2009
2010 et
au-delà
Objectif
d’incorporation
(pouvoir calorifique
inférieur)
1,75 %
3,50 %
5,75 %
6,25 %
7 %
L’incorporation des biocarburants dans l’essence et dans le gazole
permet néanmoins de réduire le montant de la taxe, à due proportion des
quantités incorporées, corrigées de leur pouvoir énergétique. Il convient de
noter que l’incorporation de biocarburants permettant de réduire le taux de
la taxe est appréciée par type de carburant traditionnel distribué. Le
distributeur doit donc, pour ne pas payer de taxe, atteindre l’objectif
d’incorporation aussi bien sur le gazole que sur les essences, sans
compensation possible entre les deux catégories de carburants.
105.
Pour un distributeur, le calcul de la TGAP due s’effectue chaque
année selon la formule suivante (calculée en année N+1 pour les trois
quadrimestres de l’année écoulée N) :
)
%
.(%
.
réalisé
cible
P
S
TGAP
-
=
où
" S " est le total des ventes en volumes, "P" est le prix de référence hors
TVA du carburant (TIC comprise),
" %cible " l’objectif d’incorporation
en pouvoir calorifique inférieur (PCI) et " % réalisé "l’incorporation
effective, définie comme étant le rapport entre les PCI du biocarburant
incorporé et celui du carburant vendu.
106.
Cette loi se révèle un outil fortement incitatif à l’incorporation de
biocarburants, comme le montrent les deux cas extrêmes :
-
si le redevable ne peut justifier aucune incorporation de
biocarburant, il doit payer la TGAP sur l’ensemble des
carburants d’origine fossile qu’il a mis à la consommation. Due
au cours élevé du pétrole, l’assiette de la taxe, P, est proche de
1€ le litre en 2011. Le montant de TGAP est obtenu en
appliquant le taux de 7 % en 2010 sur cette assiette, soit une
taxation de l’ordre de 7 centimes d’euro par litre d’essence et de
l'ordre de 6 centimes d’euro par litre de gazole mis à la
consommation ;
-
si le redevable peut justifier l’incorporation de biocarburant, il
bénéficie d’une déduction de la taxe qui est totale s'il atteint le
taux cible.
107.
Aussi longtemps que ce taux cible n'est pas atteint, les redevables
auront intérêt à incorporer des volumes supplémentaires de biocarburants
tant que le prix du biocarburant reste inférieur à la somme du prix du
carburant fossile (HT), du montant de la défiscalisation et du montant de
la réduction de TGAP que son incorporation autorise.
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LES DONNEES DE FAIT
69
108.
Le graphe du §84 des taux d’incorporation cibles et réalisés montre
que les distributeurs n’ont que rarement atteint les taux cibles pour
l’éthanol, avec un décrochage significatif à partir de 2008.
109.
Le biodiesel a été par contre incorporé jusqu'en 2009 compris suivant
les taux cible. Mais, devant l'impossibilité évidente d'atteindre les objectifs
d'incorporation fixés à 7 % pouvoir calorifique inférieur en 2010 et afin de
permettre à la filière biodiesel de ne pas être pénalisée par la TGAP, il a
été proposé d'étendre le comptage aux carburants non routiers. Ceci a été
mis en oeuvre par la directive européenne sur les énergies renouvelables
dont la transposition sur ce point a été faite par la loi de finances du
30 décembre 2009. Son article 61 introduit dans l'article 266 quindecies du
code des douanes l'indice d'identification 20 relatif au gazole destiné à être
utilisé comme carburant sous condition d'emploi. Ce gazole « à usage
spécifique » est le B30 utilisé jusqu'à présent par la SNCF rattaché depuis
un an au gazole non routier (GONR, anciennement "off-road" ou "gazole
traction") qui est un carburant utilisé par les agriculteurs, le secteur du
bâtiment et des travaux publics dont les spécifications techniques
nouvelles sont applicables à compter de 2011.
110.
La mise en oeuvre de cette réglementation favorise encore plus le
contournement des cibles pour le biodiesel car le calcul du taux de
réalisation de l'incorporation (%
réalisé
) dans la formule du §105 permettant
de déterminer la TGAP, additionne au numérateur le biodiesel incorporé
dans le non routier mais ne tient pas compte du gazole non routier au
dénominateur. Il ne s'agit donc plus d'un taux réel d'incorporation mais
d'une formule ad hoc permettant d'atteindre fictivement la cible.
111.
Le tableau et le graphe suivant détaillent les TGAP au titre des années
2005 à 2010 :
Au titre de l’année, en M€
2005
2006
2007
2008
2009
2010
TGAP Ethanol
21,68
1,97
19,76
62,93
101,36
108,5
TGAP Biodiesel
2,91
0,42
5,26
0,21
2,88
0,5
Source : Cour des comptes, d’après les données des services des douanes.
Les
données
2010 ne
sont
pas
des
incorporations
réelles
mais
correspondent aux péréquations décrites dans le §85.
De 2005 à 2010, le cumul de TGAP payée est de 329 M€ (cf. graphe
ci-dessous) et provient quasi-exclusivement de l'éthanol, le biodiesel étant
favorisé par une interprétation évolutive et extensive des textes.
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70
COUR DES COMPTES
0,00
50,00
100,00
150,00
200,00
250,00
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Année
TGAP de l'année en M€
0,00
50,00
100,00
150,00
200,00
250,00
300,00
350,00
Cumul de TAGP en M€
TGAP Ethanol
TGAP Biodiesel
Cumul
Peréquation sur
10 mois et
changement de
définition pour
le biodiesel
Source : Cour des comptes d'après les données de la DGDDI
112.
Plusieurs effets importants de la TGAP, souhaités par le législateur,
doivent être soulignés :
-
la TGAP pénalise l’utilisation de carburants d’origine fossile par
rapport aux biocarburants tant que ceux-ci n'ont pas atteint le
pourcentage requis du volume des carburants d’origine fossile
mis à la consommation ;
-
cette pénalité est élevée car l’assiette de la taxe par m
3
de
carburant fossile incorporé en excès représente deux à trois fois
le prix hors TIC et TVA du carburant fossile. Le montant de la
sanction pour absence d’incorporation représente donc deux à
trois fois la valeur du carburant fossile à remplacer, compte tenu
des valeurs respectives du baril de pétrole et de la TIC.
113.
Plusieurs effets importants de la TGAP, non souhaités par le
législateur, doivent être tout autant soulignés :
-
en théorie, l’augmentation nominale de l’assiette de la TGAP ne
devait emporter qu’un caractère incitatif et n’avoir aucun impact
sur les prix à la pompe. Comme détaillé plus bas, ce postulat
n’est vérifié qu’en présence d’un marché concurrentiel. Cela n’a
pas été le cas pour le biodiesel pour lequel la TGAP, qu’elle soit
due ou non, a été répercutée au moins en partie sur le prix à la
pompe ;
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LES DONNEES DE FAIT
71
-
l’impossibilité physique due au fait que le SP95E10 ne peut et
ne pourra à lui seul satisfaire les taux d’incorporation au niveau
de 7 % en pouvoir calorifique inférieur pour l'éthanol, fait passer
la TGAP d’un instrument de dissuasion, c’est-à-dire de non
emploi, à une taxe obligatoire. Ceci vient en contravention des
règles européennes et fragilise juridiquement le dispositif.
_________
CONCLUSION – DONNEES FINANCIERES
________
Un certain nombre d'instruments financiers, qui font partie de la
fiscalité générale des carburants (soumis en France à la fois à la TVA et à
une taxe intérieure sur la consommation (TIC)), ont été mis au service de
la réalisation des objectifs du plan, pour un coût qui, depuis 2005, n’est en
apparence pas négligeable.
La TIC a fait ainsi l'objet d'une réduction significative, supérieure
pour l'éthanol (37 €/hl en 2005) que pour le biodiesel (33 € /hl). Cette
différence était justifiée à l’époque par le coût de production supérieur de
la filière éthanol par rapport à la filière biodiesel. Elle a décru
continûment depuis sa mise en place, et n'est plus aujourd'hui que de 14 et
8 € /hl respectivement.
Afin de limiter l'impact de cette dépense fiscale sur les finances
publiques, la réduction n'est accordée que dans le cadre de licences de
production appelées « agréments », accordés pour 6 ans à des unités de
production choisies par appels d'offres, afin de respecter les contraintes
communautaires. 53 candidatures ont été agréées, 29 pour le biodiesel, 20
pour l'éthanol, 4 pour l’ETBE. Dans l'ensemble, ces agréments ont été
surdimensionnés et le nombre d'unités réellement construites a été
significativement inférieur, pour l'éthanol notamment.
Sur la période de référence couverte par présent rapport (2005-
2010), le cumul de réduction de TIC a été de 1,8 Md€ pour la filière
biodiesel et de 0,85 Md€ pour la filière éthanol, soit au total 2,65 Md€.
Mais, du fait de la densité énergique moindre des biocarburants et
de leur taux réel d'incorporation, les recettes de l'État augmentent
mécaniquement :
- pour le bioéthanol, au taux actuel d'incorporation, les rentrées
supplémentaires de TIC sont en 2011 de l'ordre de 260 M€/an. Le cumul
sur 2005-2010 est de 1,05 Md€ ;
- bien que les pouvoir calorifique inférieur du biodiesel et celui du
gazole ne diffèrent que de moins de 10 %, les quantités importantes
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72
COUR DES COMPTES
vendues impliquent des rentrées additionnelles de TIC importantes pour
l'État : 143 M€ en 2011 et un cumul de 0,5 Md€ sur 2005-2010.
Le cumul de TGAP perçue par l'Etat pour la période 2005-2010
atteint 0,33 Md€ et provient quasi-exclusivement de la filière éthanol. La
TGAP aurait fortement augmenté à partir de 2010 pour le biodiesel si les
règles de calcul d'incorporation n'avaient pas été modifiées pour y inclure
le gazole "non routier", sans pour autant avoir comptabilisé le carburant
avec lequel il est mélangé.
VII
-
Comparaisons internationales
A -
En Europe le biodiesel, ailleurs dans le monde,
l'éthanol
114.
Si les biocarburants ont une place très modeste au niveau mondial par
rapport aux carburants fossiles (prévision de 3 % de la consommation de
carburants routiers en 2015
55
), il n’en demeure pas moins que d’assez
nombreux pays ont mis en place des programmes de production
subventionnée. L'OCDE estimait ainsi qu'en 2007, le total des subventions
aux biocarburants se montait à 15 Md $.
115.
Ainsi qu'il est a été indiqué précédemment, l’essentiel de la
production mondiale est pour l’instant concentré des deux côtés de
l’Atlantique, avec une situation très contrastée d’une rive à l’autre. Le
continent américain (Nord et Sud) a clairement fait le choix de l’éthanol,
les leaders dans ce domaine étant les États-Unis (52 % de la production
mondiale) et le Brésil (37 %), le bioéthanol représentant actuellement
52 % du marché du carburant routier dans ce dernier pays. A ce jour en
effet, hormis le bioéthanol brésilien, aucun autre biocarburant ne paraît
concurrentiel avec les carburants d’origine fossile
56
.
55
« Les biocarburants dans le monde », Panorama 2007 de l’IFP.
56
On considère généralement que l'écart de prix entre l'éthanol d'origine brésilienne
rendu port (incluant donc les coûts de transports depuis le producteur jusqu'au port
brésilien) et l'éthanol français est de l'ordre de 20 €/hl (estimation basse) en faveur de
l'éthanol brésilien.
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LES DONNEES DE FAIT
73
B - Les États-Unis sont devenus en 2006 le premier
producteur mondial avec des subventions massives
aujourd’hui contestées
116.
L'intérêt pour les biocarburants liquides a trouvé son origine dans la
crise
de
1973
quand
les
prix
des
carburants
ont
augmenté
considérablement. Tant les États-Unis que le Brésil ont alors lancé des
programmes d'éthanol subventionnés. Jusqu'à 2006, le Brésil était le leader
mondial, en grande partie en raison de l'efficacité de la conversion
d'éthanol à partir de la canne à sucre. Néanmoins, conséquence à la fois de
la politique impulsée par le Gouvernement et du prix élevé du pétrole, la
production aux États-Unis a fortement augmenté récemment et dépasse
maintenant celle du Brésil.
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Année
Production de biocarburants en milliers de
tep/an
0,0%
10,0%
20,0%
30,0%
40,0%
50,0%
60,0%
70,0%
80,0%
90,0%
100,0%
% mondial de production US + Brésil
Etats-Unis
Brésil
% Part mondial US + Brésil
Source : Cour des comptes à partir des données de BP, 2011
La part mondiale de ces deux pays a cependant décru en dix ans de
90 % à aujourd'hui moins de 70 % du fait de la montée de la production de
biodiesel en Europe et en Argentine.
117.
Le premier programme de subvention à la production d'éthanol aux
États-Unis a été initié par l'
"
Energy Policy Act" en 1978. À l'époque les
principaux arguments utilisés pour justifier les subventions étaient
d'améliorer le revenu des agriculteurs et, dans une moindre mesure, la
sécurité des approvisionnements en énergie.
118.
En 1990, le "Clean Air Act" a imposé aux distributeurs d'essence
d'avoir un pourcentage d'oxygène minimal dans leur produit, cette addition
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74
COUR DES COMPTES
permettant une combustion plus propre. La protection de l'environnement
est ainsi devenue une justification supplémentaire aux soutiens. Les
pétroliers ont cependant, dans un premier temps, préféré comme additif le
MTBE (méthyle tertio-butyle éther), une molécule produite dans les
raffineries à partir du méthanol. Cette utilisation a toutefois été de courte
durée lorsqu'il a été réalisé que ce produit, fortement toxique, polluait les
réserves d'eau. Il a donc été progressivement interdit, contribuant à la
montée en puissance de l'éthanol, devenu l'additif de base de l'essence. De
ce fait, son prix culmina en juin 2006 à 3.58 $ le gallon, soit environ
23€/hl. Depuis cette date, le prix est orienté à la baisse.
119.
Entre 1983 et 2003 la subvention pour l'éthanol américain a varié
entre 40 et 60 cents de $ le gallon
57
. La montée du prix du pétrole au-delà
de 100 $ le baril en 2004 a été le point de départ d'un boom de la
production d'éthanol, le nombre d'usines passant de 54 avec une capacité
de production annuelle de 6,4 Mm
3
à 177 usines d'une capacité de
41,1 Mm
3
en 2007
58
. L'obligation d'incorporation de l'éthanol a ensuite été
mise en oeuvre à partir du "Energy Policy Act" de 2005 et du standard
d'inclusion
59
RSF1 associé. Le RFS2 modifié en 2010 impose alors une
incorporation de 135 Mm
3
de biocarburants d'ici 2022 dont 41 Mm
3
d'éthanol, le reste en biocarburants de seconde génération. Le RFS2
60
est
associé à une cible de cycle de vie en gaz à effet de serre amélioré de 50 %
pour les biocarburants en général et de 20 % pour l'éthanol.
120.
Les aides fédérales à la production de biocarburants ont reposé à partir
de 2004 sur un mécanisme de crédit d’impôt, le VEETC
61
, institué par
l' "American Jobs Creation Act". Il était prévu initialement pour prendre
fin en 2010, mais il a été prorogé jusqu’à fin 2011. Ces aides s'appliquent
à tout volume d'éthanol incorporé dans l'essence, sans plafond de quantité
et indépendamment de son origine (américaine ou importée) ou, plus
encore, de sa destination finale
62
. En 2008, les mélangeurs récupéraient
ainsi 51 cents par gallon d'éthanol incorporé et 45 cents par gallon en
2010. Le biodiesel bénéficiait quant à lui de 1$ par gallon de subvention,
les huiles usagées et graisses animales de 0,5 $ par gallon. Cette dépense
fiscale était estimée à plus de 5Md$ en 2010 et l'ensemble des aides
fédérales et locales à 11Md$
60
.
57
Soit de 7,5 à 11 cents € le litre.
58
T.W. Hertel, W. E. Tyner and D. K. Birur, "
The Global Impacts of Biofuel
Mandates
", The Energy Journal, Vol. 31. No. I. Copyright ©2010 by The lAEE .
59
Renewable Fuel Standards
: RFS1 (2005) & RFS2 (2010).
60
G. Sorda et al , "
An overview of biofuel policies across the world
", Energy Policy,
vol. 38 (2010) 6977–6988.
61
Volumetric Ethanol Exercise Tax Credit.
62
Autorisant la pratique du "
splash & dash
" .
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LES DONNEES DE FAIT
75
121.
En parallèle aux aides fiscales, les États-Unis avaient instauré une
protection à travers deux droits de douane, la cible étant d'abord le Brésil.
La première taxe était de 2,5 % ad valorem, la seconde de 0,54$ par gallon
importé.
122.
La totale absence de conditionnalité dont était assorti le crédit d’impôt
décrit ci-dessus a provoqué une envolée des exportations américaines à
destination, entre autres, du continent européen. Considérant que les
biodiesels américains subventionnés constituaient une concurrence
déloyale, l'Union européenne a initié à leur encontre une procédure
antidumping aboutissant en 2009 à la décision de leur appliquer des droits
anti-dumping
63
. Les ventes américaines se sont effondrées
64
. Les
producteurs de biodiesel américains ont alors tenté de contourner cet
obstacle en faisant transiter leur production par d'autres pays, le Canada en
particulier. Aussi, le 11 mai 2011 l'Union européenne a-t-elle pris une
décision
65
comparable à l'encontre des importations de biodiesel provenant
de ce dernier pays, lui imposant une forte taxe à l'import.
123.
La défiscalisation par le VEETC et les droits de douane ont été
prorogés pour un an en décembre 2010 au moment où ils devaient prendre
fin. Dans le cadre plus large des débats qui ont lieu à Washington sur
l'élimination des niches
fiscales, le programme
de soutien aux
biocarburants est visé depuis le printemps 2011. Un premier vote au Sénat
le 14 juin a repoussé une proposition d'abrogation totale des 0,45 $
d'exonération fiscale et des 0,54 $ de droits de douane. A la date de
publication (janvier 2012) du présent rapport, l'exonération n'a pas été
reconduite. Les conséquences de cette suppression, notamment sur les
quantités, les prix du maïs et de l’éthanol ainsi que les exportations, sont
encore difficiles à percevoir.
124.
En 2011, on constaterait cependant une très forte augmentation des
exportations d’éthanol, pur ou en mélange avec 10 % d’essence, selon les
statistiques du commerce extérieur des Etats-Unis : les volumes
augmentent de 0,2 Mhl au cours du 1
er
semestre 2010 à 4,6 Mhl pendant le
1
er
semestre 2011. Ce montant de 4,6 Mhl est proche des exportations des
Etats-Unis vers l’Union européenne sur la totalité de l’année 2010
63
"
Commission regulation (ec) No 194/2009 of 11 March 2009 imposing a
provisional countervailing duty on imports of biodiesel originating in the United
States of America
", (se reporter au texte anglais, la traduction française étant
incorrecte) :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:067:0050:0084:EN:PDF
64
"Financing Renewable Energy in the European Energy Market" Report from
Ecofys, Fraunhofer ISI and Ernst &Young by order of the European Commission, DG
Energy, 2 January 2011.
65
http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:122:0012:0021:FR:PDF
.
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76
COUR DES COMPTES
(réalisées essentiellement au 2ème semestre 2010). On pourrait donc
s’attendre, une fois les comptabilisations effectuées, à un doublement des
volumes concernés en 2011 par rapport à 2010, qui représenteront 15 % à
20 % de la demande européenne pour le bioéthanol carburant. Ces
importations ne sont pas identifiées à ce niveau dans les statistiques
d’Eurostat puisque l’essentiel de ces produits entre dans l’Union
européenne en mélange 90 % éthanol/10 % essence, ce qui permet de
réduire les droits de 10,2€/hl à 6,5 % ad valorem soit un gain de 3 à
4 €/hl
66
.
C - Historiquement premier producteur, le Brésil
dispose d’avantages décisifs pour la production
d’éthanol et commence à développer celle de biodiesel
125.
Le Brésil a lancé dès 1975 le programme national "Proàlcool" pour la
production d'éthanol à partir de canne à sucre. Il avait trois objectifs
60
:
1.
limiter les contraintes d'approvisionnement en énergie après le
premier choc pétrolier ;
2.
stabiliser la demande intérieure en cas de surproduction de sucre
de canne ;
3.
lisser les variations des prix mondiaux du sucre.
Le gouvernement brésilien négocia aussi avec des constructeurs
automobiles pour qu'ils développent un marché de véhicules modifiés et
adaptés à l'éthanol. Cette politique réussit tellement bien qu'au début des
années 80, 96 % des automobiles vendus dans le pays avaient un moteur
pouvant fonctionner à l'éthanol pur.
126.
La baisse des prix du pétrole à partir de 1985 et à partir de 1994, la
surévaluation du real, augmentant le prix de l'éthanol brésilien, mirent à
mal cette politique de telle sorte qu'à la fin des années 90 seulement 1 %
des nouveaux véhicules roulaient à l'éthanol. Le gouvernement brésilien
imposa alors une obligation d'incorporation d'éthanol dans l'essence avec
un taux de 22 % puis de 25 % en 2003. A partir de 2003, la situation s'est
à nouveau inversée avec l'augmentation du prix du baril. L'introduction
des motorisations à carburant modulable qui autorisent d'utiliser n'importe
quel mélange contenant de 0 à 85 % d'éthanol a achevé le retour de la
motorisation à base de biocarburants. Il est ainsi prévu qu'en 2015, 43 %
des véhicules brésiliens en circulation soient à carburant modulable.
66
D'après les industriels français, les conséquences sur l’industrie européenne de
l’éthanol sont déjà très importantes puisque la perte de ces volumes et la dégradation
des marges (ces exportations bénéficiant en plus du VEETEC, de 9 €/hl environ)
aurait eu pour conséquence entre autres la fermeture au printemps 2011 d’une usine
d’éthanol Royaume-Uni (4 Mhl de capacité) qui avait démarré en 2010.
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LES DONNEES DE FAIT
77
127.
Le succès du programme Proàlcool s'apprécie actuellement dans le
rôle que le sucre et l'éthanol, qui consomme 50 % du sucre produit, jouent
dans l'économie brésilienne. Il est estimé que ces deux activités regroupent
3,6 millions d'emplois et comptent pour 3,5 % du PIB. Il s'évalue aussi
dans la compétitivité de l'éthanol brésilien reconnu comme le meilleur
marché tout en étant le plus efficace des biocarburants en termes de cycle
de vie pour les gaz à effet de serre et l'énergie utilisée. En 2006, le coût de
production de l'éthanol était estimé
67
de l'ordre de 0,23$-0,29$ le litre, le
rendant même moins cher que le pétrole à partir d'un prix du baril de
l'ordre de 30$.
128.
Bien qu'il n'y ait pas de subventions directes pour la production
d'éthanol, celui-ci bénéficie d'un régime préférentiel de taxation interne :
0,01$/l pour les taxes fédérales contre 0,26$/l pour l'essence. Quant à la
TVA, qui relève des États fédérés, elle est par exemple de 22 % pour
l'éthanol dans l’État de Sao Paulo, le plus grand producteur du Brésil, et de
47 % pour l’essence. Au total, la dépense fiscale est estimée à 1Md$ par
an.
129.
Malgré la réputation de prix bas et de concurrence imparable attribuée
au Brésil, ce pays est cependant passé en 2010 d'exportateur à importateur
net d'éthanol. Il a en effet importé 70 000 m
3
des États-Unis en 2010 à
cause des conditions météorologiques qui, deux années de suite, ont
provoqué des récoltes de canne à sucre moins importantes que prévu, ainsi
que de l'appréciation du real face au dollar
68
.
130.
Il convient finalement de noter que devant le succès de l'éthanol, le
gouvernement brésilien a lancé en 2005 une politique similaire pour le
biodiesel, reposant principalement sur le soja et associé à un label
"carburant social" pour le développement des régions les moins
développées
69
. Le taux d'incorporation obligatoire est de 4 % et devrait
passer rapidement à 5 %. Partant de zéro en 2005, le Brésil est passé à une
production annuelle de 1,6 Mm
3
en 2010. Le biodiesel bénéficie
d'exemption de taxes allant suivant les États, de 73 % à 100 %. Du fait de
l'incorporation obligatoire, la consommation est pour l'instant purement
nationale.
67
Voir les références citées dans la note [60].
68
The Financial Times, "Brazilian imports of US ethanol soar", May 5, 2011.
69
César and Bathala, "
Biodiesel in Brazil: History and relevant policies
", Afr. J.
Agric. Res. Vol. 5(11), pp. 1147-1153, 4 June, 2010.
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COUR DES COMPTES
D - En seulement 5 ans, l’Argentine est devenue le
quatrième producteur mondial de biodiesel, passant
même devant les États-Unis au cours de l’année 2010
70
131.
Soutenu par une demande interne importante, le marché argentin du
biodiesel connaît une expansion sans précédent. L'Argentine a imposé un
taux d'incorporation de 5 % pour l'essence et le gazole à partir de janvier
2010. La loi argentine impose désormais une incorporation de 7 % de
biodiesel, proportion qui devrait rapidement passer à 10 %. Cette mesure
permet d’écouler 43 % de la production sur le marché national, tandis que
51 % sont destinés à l’exportation et 6 % à la production d’électricité. Afin
d’encourager les centrales thermiques à remplacer les combustibles
fossiles par du biodiesel, l’État argentin a d’ailleurs annoncé qu’il
achèterait l’électricité ainsi produite au double du prix normal.
132.
Les producteurs de biocarburants ne bénéficient pas de réduction de
taxes lorsqu'ils exportent alors qu'ils bénéficient de subventions pour le
marché intérieur. Les producteurs peuvent opter pour le remboursement de
la TVA ou une dépréciation accélérée du capital investi. La production du
biodiesel est principalement à base de soja, matière première ; le pays est
le troisième producteur mondial et le principal exportateur d'huile
60
. La
production de biodiesel a fortement crû depuis 2006 pour atteindre 2 Mm
3
en 2010, comme le montre le tableau suivant :
Année
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Production de
biodiesel (en Mdl)
0,01
0,04
0,43
0,87
1,34
2,03
Source : Cour des comptes d'après des données de l’Agence internationale de
l’énergie
.
Cargill et Unitec Bio, propriété de Corporación América, ont annoncé
la construction de deux grandes usines dans la province de Santa Fe, qui
seront capable de produire respectivement 240 000 et 220 000 t/an. Grâce
à ces nouveaux sites, la capacité totale de production nationale de
biodiesel atteindra 3 Mt/an avant la fin 2011, soit une hausse de 14 % par
rapport à 2010.
133.
Bien que le biodiesel argentin ne bénéficie pas d'incitations directes, il
profite d'une taxation favorable à l'exportation par rapport à celle de la
matière première. A l'exportation en effet, la graine de soja est taxée à
35 %, l'huile à 32 %, mais le biodiesel à 17,5 % seulement. Cet écart
70
ranking-de-paises-productores-de-biodiesel-20110113-0048.html
.
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permet par conséquent de produire le biodiesel à un coût moindre et le
rend compétitif sur le marché mondial. Cette taxe différentiée constitue
donc une subvention indirecte mais elle est très difficile à prouver et à
attaquer à l'OMC. Elle est néanmoins une des raisons de la croissance très
forte des exportations argentines.
134.
Ces ventes font cependant face à des menaces à court terme, d'abord
la révision de la RFS américaine en cours et ensuite la directive EnR de
l'Union européenne. Celle-ci indique en effet que la qualification de
biocarburant durable exige une réduction de 35 % des gaz à effet de serre.
De plus elle n'attribue
71
par défaut que 31 % de réduction de gaz à effet de
serre à l'huile de soja, ce qui pourrait exclure celle-ci du marché
européen
72
.
E - Les pays de l’Union européenne : des politiques
différentes pour des objectifs communs
135.
Jusqu'en 2008, le développement des énergies renouvelables était régi
par un cadre législatif souple, avec des objectifs non contraignants. La
directive «Biocarburants» fixe des objectifs indicatifs nationaux de sorte
que, d'ici à 2010 dans l'Union européenne, la part des énergies
renouvelables remplaçant l'essence et le gazole dans les transports atteigne
5,75 %.
136.
La commission a présenté le 31 janvier 2011 une communication sur
les "énergies renouvelables : progrès accomplis pour atteindre l'objectif de
2020". Les plans d'action indiquent aussi comment les États membres
comptent atteindre leur objectif de 10
% d'énergies renouvelables dans les
transport à cette échéance : les biocarburants de première génération
seront la source d'énergie prépondérante. L'Europe a les critères les plus
stricts du monde concernant la durabilité des biocarburants et, en
juin 2010, la Commission a publié des lignes directrices relatives à leur
application
73
. Les biocarburants de deuxième génération et les véhicules
électriques ne devraient fournir qu'une petite contribution d'ici à 2020
74
.
71
Cf. le tableau de l'Annexe 5 de la directive 2009/28/EC dont un résumé figure au
§87.
72
Quoiqu'un schéma volontaire dénommé RTRS EU RED (initiative pour les
biocarburants à base de soja, principalement axé sur l'Argentine et le Brésil) a bien été
agréé par l'Union européenne en septembre 2011 (cf. §439).
73
COM(2010) Communication de la Commission sur la mise en oeuvre concrète du
régime de durabilité de l'UE pour les biocarburants et les bioliquides et sur les règles
de comptage applicables aux biocarburants.
74
Communication de la commission au Parlement européen et au conseil, "Énergies
renouvelables: progrès accomplis pour atteindre l'objectif de 2020", 31 janvier 2011.
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80
COUR DES COMPTES
La Commission ajoute qu’il est essentiel que les coûts de soutien aux
biocarburants soient supportés par les consommateurs plutôt que par les
contribuables afin d'éviter les coups d'arrêt et les accélérations successives
dues aux contraintes budgétaires qui pèsent sur les gouvernements.
137.
Afin de respecter les directives européennes
64,
75
, les États membres
ont mis en oeuvre des instruments règlementaires et financiers qui diffèrent
d'un pays à l'autre. Deux études récentes ont en fait une analyse
comparative détaillée et leurs conclusions résumées ci-après.
138.
Au cours des dernières années, les incitations ont été efficaces pour la
production de biocarburants en Allemagne, en France et, dans une
moindre mesure, pour l'Espagne et l'Italie, ainsi qu'il ressort du tableau
suivant :
Productions
annuelles en
ktep (par pays)
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Allemagne
215
298
473
688
909
1788
2561
3181
2727
2728
2930
France
315
315
337
368
385
439
798
1121
2012
2312
2312
Espagne
70
70
134
184
221
288
248
320
356
958
1179
Italie
70
123
180
232
272
340
482
443
617
758
670
Source : Cour des comptes d'après les données de BP 2011
139.
Après une très forte croissance de 2005 à 2007, la production
allemande a régressé avant de se stabiliser, contrairement à la production
française. Cette situation résulte d'un changement de politique : moins
convaincu
de
l'apport
des
biocarburants
à
l'environnement,
le
gouvernement allemand a en effet revu à la baisse ses taux d'incorporation
cible et ses incitations. Le taux d'incorporation a commencé par être revu à
la baisse pour 2009, passant de 6,25 % à 5,25 % et pour les années 2010-
2014 de 6,75 % à 6,25 %. Il a choisi de supprimer les exonérations et
subventions importantes dont bénéficiaient les biocarburants (leur coût
avait atteint 1,1 Md€ en 2007) pour ne laisser subsister que des réductions
de taxes en faveur de la part des biocarburants dépassant les quotas
d'incorporation, du biodiesel pur (jusqu’en 2012) et des biocarburants de
deuxième génération (jusqu’en 2015). Ceci devrait permettre de réduire
considérablement le coût de la dépense fiscale (évalué à seulement 80 M€
75
Biofuels – at what cost?, Government support for ethanol and biodiesel in the
European Union –.
2010 Update July 2010, by: Anna Jung, Philipp Dörrenberg, Anna Rauch, and
Michael Thöne, FiFo Institute of Public Economics, University of Cologne.
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LES DONNEES DE FAIT
81
pour 2010). Le non respect du minimum d’incorporation est sanctionné :
19 €/giga joule (environ 60 €/hl), pour le diesel, 43 €/giga joule (environ
90 €/hl) pour l’essence. A partir de 2015, la norme sera évaluée non à
partir des taux d'incorporation énergétique mais à partir du taux de
réduction de gaz à effet de serre.
140.
Certains pays de l'Union européenne bâtissent leur politique
ambitieuse en matière de biocarburants sur les importations. C'est le cas de
la Suède qui a favorisé l'introduction de véhicules à carburant modulable
(25 % des voitures neuves en 2008, 35 % en 2009). Afin de garantir la
compétitivité de l'E85, en 2008 la Suède a demandé que l'Union
européenne l'autorise à importer de l'éthanol brésilien à un tarif douanier
plus bas que les produits agricoles en le classifiant en tant que produits
chimiques. L'autorisation donnée pour 2009 a été renouvelée pour 2010.
De plus, la Suède détaxe complètement les biocarburants. La Suède
semble cependant revenir sur cette politique incitative.
141.
Mais la forte diésélisation du parc automobile européen associée aux
taux d'incorporation imposés par les directives européennes, fait que
l'Europe a un besoin croissant de biodiesel. La production intérieure à
l'Union ne suivant pas la demande, cette dernière est satisfaite depuis 2007
à hauteur de 20 à 30 % par les importations
64
.
___
CONCLUSION – COMPARAISONS INTERNATIONALES
__
Le premier producteur mondial est, depuis 2006, les États-Unis,
avec des subventions massives, aujourd'hui de plus en plus contestées en
interne. L'éthanol a donné lieu dans ce pays à un véritable boom, la
capacité de production étant passée de 6,4 Mm
3
en 2004 à plus de 41 Mm
3
en 2007. Les aides prennent la forme d'une réduction des taxes internes,
avec pour caractéristique de s'appliquer aussi bien aux biocarburants
destinés au marché intérieur qu'à ceux destinés à l'exportation. Il en a
résulté une explosion des exportations en biodiesel, ces dernières à
destination de l'Europe notamment, avant que des mesures antidumping
prises par l'Union européenne en 2008 mettent fin à ces pratiques.
Le Brésil, historiquement premier producteur d'éthanol, dispose
toujours d'avantages décisifs dans ce domaine et commence à développer
la production de biodiesel. Premier producteur mondial de sucre, ce pays
transforme en éthanol presque la moitié de sa production. Cette dernière
est extrêmement compétitive, car l'énergie utilisée pour produire l'éthanol
provient de la combustion de la bagasse, résidu de la canne à sucre. Le
soutien fiscal est aujourd'hui estimé à 1 Md$/an. Partant enfin de zéro en
2005, le Brésil a aujourd'hui une production annuelle de 1,6 Mm
3
de
biodiesel.
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COUR DES COMPTES
Ce dernier produit connaît un développement spectaculaire en
Argentine où il bénéficie d’un régime fiscal à l'exportation qui s'apparente
à une subvention. L'Indonésie et la Malaisie sont en train de devenir eux
aussi des acteurs très importants sur le marché du biodiesel, dans la
mesure où ces deux pays développent de grandes capacités d'estérification
de l'huile de palme dont ils sont les deux premiers producteurs mondiaux.
Les pays de l'Union européenne ont aussi mis en place à des degrés
divers des politiques de soutien à la production de biocarburants. Deux
pays se distinguent à cet égard : l'Allemagne qui, après avoir été très en
pointe, revient assez nettement en arrière, de même que la Suède, qui avait
fondé toute sa politique sur l’E85, les moteurs à carburant modulable et
l'importation, et pour laquelle elle avait obtenu un régime dérogatoire
auprès de l'Union européenne.
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Chapitre II
Les positions des parties prenantes
142.
À l’image de certaines autres politiques publiques, celle en faveur des
biocarburants est déterminée par le poids et l’organisation des plus
importants acteurs ou "parties prenantes" entre lesquelles les pouvoirs
publics essaient de maintenir un équilibre délicat. Elles cherchent en effet,
par leur influence ou leur poids économique, à modifier dans un sens
favorable à leurs idées ou leurs intérêts les règles qui sous-tendent les
politiques publiques, mais, par un effet de rétroaction, ces mêmes règles
définissent largement leur comportement et leur stratégie.
143.
Ces parties prenantes relèvent de deux catégories : la première
comprend celles qui, des agriculteurs aux constructeurs automobiles,
constituent à proprement parler la filière des biocarburants, au sens
économique du terme. La seconde inclut des acteurs tels que les
associations de consommateurs ou de défense de l’environnement qui,
souvent sur le fondement de prises de positions des milieux scientifiques,
influent sur la définition des politiques sans être des opérateurs directs.
Elles seront traitées dans un second temps.
144.
Le schéma ci-après expose la cartographie de ces parties prenantes et
les principales interactions entre elles. S’agissant de la première catégorie
rappelée ci-dessus, un choix logique aurait été de suivre le cheminement
des matières premières "du sol à la roue". Il apparait cependant, au vu du
schéma, que les aspects touchant à la politique énergétique sont largement
déterminés par les positions des pétroliers, des raffineurs, de la grande
distribution et les constructeurs automobiles. Il apparaît dès lors judicieux
de partir de l’acteur qui, du point de vue fonctionnel et des interactions,
paraît être au centre du dispositif, le pétrolier et/ou le distributeur de
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84
COUR DES COMPTES
carburant. Après une courte présentation des caractéristiques de chaque
acteur, seules seront rappelées ici leurs principales positions.
1D
1E
Exploitants
Agricole
(cultures)
2D
2E
Producteurs
BC
3
3
Exploitants
Agricole
(éleveurs)
4D
4E
Pétroliers
&
Distributeurs
5D
5E
Constructeurs
automobile
6
6
: Consommateurs
automobile, carburants dont BC
8 : Etat / Administrations / Contribuables
8 : Etat / Administrations / Contribuables
7
7
:
Consommateurs
nourritures (et autres dérivés)
Production
Prix, taxes et exonération
Normes
Filière éthanol & Essence
Filière biogazole & Diesel
Directives
10 : Importations (hors UE)
10 : Importations (hors UE)
9 : Union Européenne
9 : Union Européenne
Scientif.
Scientif.
ONG
ONG
Assoc
Assoc
.
.
Scientif.
Scientif.
ONG
ONG
Assoc
Assoc
.
.
Source : Cour des comptes
145.
Cette cartographie met en avant la filière agro-industrielle qui
comprend les producteurs de matières premières pour l'éthanol (1E) et le
biodiesel (1D) et les producteurs de biocarburants (2D et 2E). Les éleveurs
y apparaissent en tant que clients des exploitants pour les matières
premières destinées à l'alimentation animale mais aussi de plus en plus les
producteurs de biocarburants pour cette même fonction à travers les
coproduits (tourteaux, drèches et pulpes) qui jouent un rôle non
négligeable dans l'économie globale du dispositif.
I
-
Pétroliers et distributeurs
A - Les acteurs : depuis 2000, la grande distribution
domine la vente au détail où les pétroliers sont
désormais minoritaires
146.
TOTAL gagne de l’argent dans la prospection et l'extraction, mais dit
en perdre, en France tout au moins, dans le raffinage/distribution
(raffineries vieillissantes et coûts de gestion d’un réseau important). Dans
la vente au détail, sa part de marché s’est réduite de manière continue
depuis 30 ans : elle dépasse à peine 20 % aujourd’hui alors que la grande
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
85
distribution (Auchan, Carrefour, Leclerc, Système U) est devenue
majoritaire en 2000 et détient maintenant 60
% du marché en volume,
situation unique en Europe (à peine 50 % en Allemagne par exemple). Les
20 % restant sont partagés entre les autres pétroliers.
147.
Au plan européen, TOTAL incorpore des volumes croissants de
biocarburants ainsi qu'il ressort du tableau suivant :
En Mt
2008
2009
2010
Biodiesel
1,470
1,870
2,023
Ethanol
0,425
0,560
0,549
Source : Cour des comptes, d’après les données de TOTAL.
148.
En 2010, la baisse de l'incorporation d'éthanol, malgré l'introduction
du SP95E10 en France, s'explique par la contraction rapide du marché de
l'essence en Europe. En revanche, l'incorporation de biodiesel est en nette
augmentation, sous le double effet du rapprochement avec la compagnie
Erg en Italie et de l'augmentation des mandats d'incorporation dans
plusieurs pays européens.
149.
Leclerc (à travers sa filiale dédiée Siplec) opère dans les biocarburants
depuis plus de 15 ans. Il a établi dès le début une collaboration avec la
société Diester Industrie, puis, à partir de 2001, avec la filière éthanol.
Ayant rencontré des difficultés pour obtenir des "bases" (essence) chez les
pétroliers, il a élargi sa gamme de fournisseurs et créé de la concurrence
en important des cargaisons par Rotterdam. Ses contrats annuels avec ses
fournisseurs sont actuellement d’environ 8 Md m
3
(6,5 Mt combustibles
inclus) dont 5,5 Md m
3
de gazole.
B - Au cours des dernières années, pétroliers et
distributeurs ont surtout été sensibles à la forte
contrainte résultant de la TGAP ainsi qu’à la difficulté
de respecter les normes d’incorporation
150.
Pour le présent, la priorité est de s’adapter aux contraintes du marché
français. Côté demande, 10 Mt/an pour l’essence, 36 Mt pour le diesel, y
compris celui des poids lourds (aux États-Unis, par comparaison, l’essence
représente 50 % de la consommation totale). Côté offre, l’outil industriel
est mal adapté parce que vieillissant (la dernière raffinerie ouverte en
France date de 1973), ce qui limite la flexibilité de la production, et parce
que certaines installations ferment (Dunkerque, Berre). En effet, une tonne
de pétrole brut donne, en l’état actuel des techniques, 20
% d’essence et
40 à 45
% de gazole. Il n’est possible de faire varier ces proportions que
de plus ou moins 10
%, car, au-delà, les coûts deviennent rapidement
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COUR DES COMPTES
prohibitifs ; d’où la nécessité d’exporter de l’essence et d’importer du
gazole.
151.
Dans ces conditions, pétroliers et distributeurs considèrent que, vis-à-
vis des biocarburants, leur objectif est d’abord de mettre en oeuvre les
règles d’incorporation. Pour TOTAL, l’éthanol peut certes être incorporé à
l’essence sous la forme d’ETBE mais il ne s’agit désormais que d’une
solution transitoire, l'ETBE devant être incorporé à plus de 20 % en
volume pour satisfaire le taux d'incorporation de 7 % en pouvoir
calorifique inférieur. De plus, ne resteront à terme en France que l’unité de
production de TOTAL à Feyzin (Rhône) et celle de Lyondell Basell
76
à
Fos,
plus
vraisemblablement
une
seule.
L'éthanol
deviendra
nécessairement le biocarburant de référence. Ce passage à l’éthanol seul
ne devrait d’ailleurs pas poser trop de problèmes d’adaptation des
installations de distribution, nécessitant une dépense de 0,5 à 1 M€ par
dépôt, niveau d’investissement standard dans la profession.
152.
Concernant le biodiesel, les pétroliers ont été jusqu’à présent très
exigeants sur la qualité des produits qu’ils
achetaient aux fabricants car
celle-ci est variable suivant l’origine de l’huile : problème de stabilité avec
le tournesol et le soja, moins bonne tenue à froid avec l’huile de palme. Le
meilleur compromis est donc le colza, avec cependant l’inconvénient que
le rendement énergétique à l’hectare est faible. La conséquence en est que,
d’après TOTAL, la ressource en cette matière première est proche de sa
limite en Europe. La diésélisation du parc automobile européen, qui est
déjà très forte et augmente sans cesse, impose la recherche de ressources
complémentaires, soit à partir des importations d’huiles ou de graines
oléagineuses qui ont déjà lieu
77
, soit à partir d'huiles animales ou usagées.
153.
Les acteurs sont, par ailleurs, conscients de la contradiction évoquée
plus haut, entre la norme européenne pour la qualité des essences et du
gazole
78
et les minima d'incorporation en volume à atteindre (cf. §34), soit
10,28 % et 7,57 % pour respectivement l'éthanol et l'EMHV, qui sont
supérieurs aux maxima d'incorporation pour les carburants autorisés E10
ou B7. Or la mise en place du B30 et de l'E85 ayant été un échec en
76
Société britannique cotée aux Pays-Bas, 3
ème
chimiste mondial, 1
er
producteur
mondial de polypropylène, 31 Md$ CA 2010, propriétaire de l’ancienne raffinerie
Shell à Berre, laquelle serait à vendre depuis juin 2011.
77
Il faut cependant noter ici que le plan d'action nationale ne prévoit aucune hausse
des importations d'ici 2010.
78
Rappel : norme européenne EN228 pour la qualité des essences : 5 % maximum
d’éthanol, 15 % d’ETBE, 2,7 % d’oxygène), application anticipée
de la directive par
la France (10 % en volume dans le SP95-E10, 22 % d’ETBE et 3,7 % d’oxygène). La
norme européenne EN590 pour le gazole limite l’incorporation d’ester à 7 % en
volume.
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87
France, il n'est pas physiquement possible de respecter ces obligations. En
ce qui concerne l’E85, Siplec indique qu'il était prêt à le distribuer, alors
que ce sont les constructeurs automobiles qui ne l’étaient pas.
154.
Pour s’approvisionner, TOTAL passe par un appel d’offres annuel
auprès des principaux fabricants. Pour le biodiesel, c’est le gazole fossile
qui sert de référence à laquelle s’ajoute « une prime »
79
. Une partie de la
négociation avec le principal fournisseur, Diester Industrie, porte sur le
montant de cette prime. Elle dépend de ce que l’on appelle le « sous-jacent
» du marché des huiles, qui est celui des huiles alimentaires, lequel
représente près de 80 % du total mondial. Par conséquent, l’EMHV est la
quantité marginale sur le marché, ce qui explique qu’il soit nettement plus
cher à l’achat que le gazole fossile. Par rapport à ce dernier, le surprix à
payer aujourd’hui pour l’ester méthylique d’huiles végétales (qu’il
provienne du colza, du soja, du tournesol ou bien de la palme) est de 400 $
à 500 $ la tonne
80
. Quant à la volatilité du prix, elle s’explique par celle
des carburants fossiles de référence qui augmente les prix de sortie
puisqu’ils constituent un élément du coût des biocarburants. Elle
s’explique aussi par un « effet d’aubaine », les producteurs ayant tendance
à suivre les hausses du marché des carburants fossiles.
155.
Ce qui est vrai pour le biodiesel l’est moins pour l’éthanol. Dans ce
dernier cas, le surcoût par rapport à l’essence n’est que de 100 à 200 $ par
tonne à parité énergétique. Il faut avoir présent à l’esprit à cet égard que
l’éthanol constitue la référence mondiale en matière de prix des
biocarburants, puisque, à l’échelle de la planète, 75 % de ces biocarburants
sont de l’éthanol, ce qui explique que l’écart soit moindre entre l’essence
et l’éthanol, la concurrence étant plus forte dans ce secteur.
156.
L’introduction brutale de la TGAP a été un handicap initial pour les
acheteurs de la grande distribution qui, avant de pouvoir mettre en
concurrence plusieurs fournisseurs, ont dû s’acquitter du jour au
lendemain d’une prime importante
79
auprès de la société Diester Industrie
(plus de 250 € la tonne). En revanche, ce problème de prime n’a jamais
existé avec les fournisseurs d’éthanol.
157.
La TGAP elle-même, par l’ampleur de la pénalité (6 à 7 ct €/l) qu’elle
impose, a forcé la grande distribution à faire évoluer sa logistique. Il n’en
reste pas moins qu’une société comme Siplec s’acquitte de près de 60 M€
de TGAP par an.
79
Cette prime que l'on pourrait nommer "prime bio" est en fait le plus souvent
dénommée par les acteurs de la filière, principalement les acheteurs, "la prime
TGAP".
80
Soit 2 à 2,5 centimes d'euros de plus au litre, en tenant compte des différences de
densité et de pouvoir énergétique.
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C - D’ici 2020, la contrainte principale viendra du
respect des critères de durabilité : une solution peut être
la flexibilité des taux d’incorporation
158.
Pour l'avenir, TOTAL table sur les prévisions de croissance de la
demande mondiale de biocarburants qui conduiraient à passer d'1 Mbep/j
en 2008 à 2.5 Mbep/j en 2020. Cette évolution est le fait de législations
ambitieuses dans l’Union européenne et aux Etats-Unis, certains
biocarburants contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à
soutenir le secteur agricole et à améliorer la sécurité d’approvisionnement
en énergie des pays développés. Cette solution permet certes de répondre
rapidement aux nouveaux impératifs environnementaux. Elle a toutefois
un impact limité par rapport aux autres gains potentiels en efficacité
énergétique tels que le changement des comportements en matière de
mobilité et l’amélioration technologique des moteurs.
159.
La croissance de la consommation de carburant en France sera surtout
le fait des véhicules lourds et non pas tellement des automobiles, car ces
dernières consomment de moins en moins, alors que les grandes
insuffisances du fret ferroviaire ainsi que celle du fret fluvial rendent assez
illusoire un report modal massif de la route vers la voie ferrée ou les voies
d’eau. Ainsi s’explique que la France soit un importateur net de gazole, en
provenance de Russie essentiellement, et qu’elle soit appelée à le rester.
160.
En 2020, les biocarburants resteront à plus de 90
% de première
génération, essentiellement produits comme aujourd’hui à partir de
matières premières agricoles également utilisées pour l’alimentation
humaine et animale, dont la demande continue à croître et dont le prix
restera plus élevé que les carburants fossiles correspondants. Leur impact
en termes d’environnement fait l’objet de débats et dépend fortement du
type de production, du milieu géographique et du processus de
transformation propre à chaque filière.
161.
Au niveau mondial, l’éthanol restera, de l'avis de TOTAL, le
biocarburant de référence (75
% de la demande), à 80
% destiné aux
marchés nord américain et brésilien. Le Brésil restera le producteur
d’équilibre pouvant assurer l’approvisionnement à coût compétitif tout en
respectant les critères de durabilité des nouvelles directives. Le biodiesel
représentera 25 % de la demande de biocarburants, l’Union européenne
absorbant en 2020 plus de la moitié des ressources mondiales, ce qui crée
un élément de tension significatif sur ce marché.
162.
Les réglementations de l’Union européenne et des États-Unis (10
%
de renouvelable « durable » en contenu énergétique pour l’Union
européenne) seront difficiles à respecter, compte tenu des contraintes
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technologiques croissantes des nouvelles motorisations et de la nécessité
de se concentrer sur les biocarburants répondant aux critères exigeants de
durabilité. Une période de transition est nécessaire à partir de décembre
2010 (transposition en droit national) et jusqu'à fin 2011 pour garantir une
mise en place progressive et harmonieuse du dispositif.
163.
Une solution pour réduire le surcoût des biocarburants, ainsi que la
volatilité des prix, pourrait être d’introduire une flexibilité dans les taux
d’incorporation: on incorporerait plus quand les prix sont déprimés et qu’il
y a surabondance de céréales et/ou de colza, moins quand il y a pénurie.
Le biocarburant serait ainsi la variable d’ajustement des marchés des
grandes productions agricoles, ce qui correspond d’ailleurs aux voeux de
certains milieux agricoles. Faut-il encore que cette flexibilité ne constitue
pas un obstacle pour les motoristes.
164.
A l’horizon 2020, TOTAL tient à maintenir une attitude active pour
l’incorporation des biocarburants de première génération, en particulier en
ce qui concerne la diversification des approvisionnements avec la
poursuite de l’hydrotraitement en raffinerie commencée en 2009 à la
raffinerie de Donges ainsi que d’autres sources d’approvisionnement telles
que les graisses animales (EHMA) et les huiles usagées (EHMU).
165.
À échéance de 2030/2035, le mix énergétique devrait encore
comporter 75 % d’énergie fossile, le pétrole en représentant à lui seul un
tiers (actuellement c’est 80 % de fossile avec 30 % de pétrole, 25
% de
gaz, 25
% de charbon) mais dans un marché qui aura été multiplié par 1,5.
Le reste, soit 20
%, sera partagé entre l’hydraulique, le nucléaire, et les
énergies renouvelables. Pour TOTAL, il n’y a pas, à échéance de 2030,
d’alternative à l’énergie fossile pour des quantités importantes, sauf si,
dans le transport, l’électricité à base de sources primaires d’énergie
renouvelable faisait une percée significative. D’où la question des énergies
renouvelables. L’avenir de son métier énergétique repose sur le solaire, le
nucléaire, la biomasse dans lesquels il s’engage. Mais, la priorité des
efforts devrait toutefois d’abord porter sur la diminution de la
consommation de carburant fossile et l’augmentation de celle de
biocarburants, le tout devant être combiné avec des gains dans l’efficacité
énergétique des moteurs, comme des carburants.
166.
TOTAL considère qu’il se doit de poursuivre des efforts de R&D afin
de sélectionner les voies durables, rentables et compétitives de production
de
bioénergie
avancée
(deuxième
génération)
avec
la
voie
thermochimique, et les projets BioTFfuel et Bio-DME ou la voie
biologique. Celle-ci concerne le projet Futurol consistant à chercher à
produire de l’éthanol à partir de la biomasse cellulosique et de molécules
de type hydrocarbure à partir de procédés développés dans des jeunes
pousses innovantes au capital desquelles TOTAL peut entrer. Le groupe
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s'est ainsi associé à la jeune société biotechnologique californienne
Amyris pour travailler sur des schémas de seconde génération pour
transformer le jus de canne à sucre en carburant à partir de la fermentation
de canne à base de levures adaptées
81
.
_____
CONCLUSION – PETROLIERS ET DISTRIBUTEURS
____
Dans un marché français de 36 Mt/an pour le diesel (y compris
celui des poids lourds), et de 10 Mt/an an pour l'essence, la grande
distribution est majoritaire et en détient aujourd'hui 60 %, ce qui est
unique en Europe. Le reste est partagé à peu près également entre Total et
les autres pétroliers.
Un distributeur considère que sa première fonction est d’être un
mélangeur, afin de mettre en oeuvre les règles d'incorporation.
Du côté de la filière biodiesel, pétroliers/distributeurs étaient
jusqu'à présent très exigeants sur la qualité des huiles entrant dans la
fabrication des EMHV car, en fonction de leur origine, elles ont une tenue
à froid variable, qui peut être préjudiciable aux moteurs. Le meilleur
compromis est le colza, avec cependant l’inconvénient que son rendement
énergétique à l’ha est faible. Par conséquent, la ressource en surface
cultivable de cette matière première est proche de ses limites en Europe,
et la très forte diésélisation du parc automobile qui continue d'augmenter
impose la recherche de ressources complémentaires, soit à partir
d'importations soit à partir d'huiles animales ou usagées. Pour
s'approvisionner, les distributeurs passent un appel d'offres auprès des
principaux fabricants de biodiesel. Comme la concurrence est faible, c'est
le gazole fossile qui sert de référence, auquel s'ajoute une prime négociée
avec le principal fournisseur, Diester Industrie. Cette prime, qui résulte de
la contrainte forte imposée aux distributeurs par la TGAP, varie beaucoup
en fonction des cours relatifs du gazole et de l’huile végétale : elle est
aujourd'hui de 400 à 500 $ la tonne.
Du côté de l'éthanol, Total considère que ce produit deviendra
nécessairement le biocarburant de référence, car l'incorporation sous
forme d’ETBE n'a jamais été qu'une solution transitoire, compte tenu des
faibles quantités produites en France. L'utilisation directe de l'éthanol ne
devrait pas poser trop de problèmes d'adaptation des installations de
distribution, car la dépense à cette fin reste modérée. La concurrence
étant plus importante que dans le biodiesel, puisqu'il existe un vrai
marché mondial de ce produit qui représente 75 % du total des
81
La Tribune - 24/06/2010, " Total s'attaque aux biocarburants brésiliens avec la
biotech Amyris".
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91
biocarburants disponibles, le surcoût à payer par rapport à l'essence n'est
que de 100 à 200 $ par tonne.
A horizon 2020, Total estime que l'éthanol restera aussi le
biocarburant de référence et que le Brésil sera le producteur d'équilibre
pouvant assurer l'approvisionnement à un coût compétitif, tout en
respectant les critères de durabilité des nouvelles directives européennes.
Une solution pour réduire le surcoût des biocarburants pourrait
être d'introduire une certaine flexibilité dans les taux d'incorporation, en
les augmentant quand les prix des matières premières agricoles sont
déprimés, en les diminuant dans le cas inverse.
A échéance plus lointaine (2030-2035) le mix énergétique devrait
encore comporter 75 % d'énergie fossile, le pétrole représentant à lui seul
un tiers du total. Il n'y a donc pas d’alternative à l'énergie fossile pour des
quantités importantes, sauf si l’électricité faisait une percée significative.
Les efforts prioritaires doivent donc porter sur la diminution de la
consommation de carburant fossile et l'augmentation de celle de
biocarburants.
II
-
Constructeurs automobiles
167.
Les constructeurs automobiles sont l’avant-dernier maillon de la
chaîne qui, des agriculteurs au consommateur final, constitue la filière
biocarburants. Leur situation est cependant singulière en ce que, bien
qu’ils ne soient pas des usagers directs des carburants et de leurs additifs,
ils sont cependant étroitement associés à tout ce qui concerne leurs
caractéristiques techniques. Leurs clients ne font, en effet, pas de
distinction entre le véhicule qu’ils achètent et le ou les liquides qui servent
à le propulser.
Plus concrètement, lorsqu’un constructeur automobile délivre une garantie
couvrant le moteur, elle couvre nécessairement les ennuis mécaniques
pouvant provenir du carburant, le client n’étant pas disposé à entendre
l’argument que le carburant puisse être la cause d’une panne ou d’un
mauvais
fonctionnement
du
moteur.
Cette
situation
particulière
conditionne largement la position des constructeurs.
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COUR DES COMPTES
A - Les acteurs français ont beaucoup misé sur les
biocarburants à leurs débuts mais se heurtent
aujourd’hui à deux difficultés
168.
Le marché français est composé d'environ 30 millions de véhicules,
dont 16 millions en diesel (72
% des véhicules neufs). Le marché de
renouvellement est de 2,5 millions de véhicules par an à un prix moyen de
20 000 €, fournis à 55
% par les constructeurs français, à 45
% par les
autres. L’action des deux constructeurs nationaux s’inscrit par ailleurs
dans le contexte déjà rappelé de la très forte prédominance, spécifique à la
France, de la motorisation diesel.
169.
Peugeot et Renault ont travaillé depuis longtemps et sur les moteurs
diesel et sur les biocarburants. Ils vendent des voitures à carburant
modulable (flex-fuel) au Brésil. Ils considèrent avoir été en pointe sur les
biocarburants, notamment au tournant des années 2000, et soutiennent que
ceux-ci font partie intégrante de leur stratégie. Ils les mettent certes moins
en avant dans leur communication qu’il y a quelques années, d’une part du
fait des critiques dont les biocarburants sont devenus l’objet, au regard
notamment de leur bénéfice au plan environnemental, d’autre part de
l’incohérence des règles qui encadrent leur utilisation.
De ce dernier point de vue, les constructeurs estiment que la politique
suivie par les pouvoirs publics dans le domaine des biocarburants leur a
posé deux types de problèmes.
B - La question des normes d’émission de CO
2
par les
moteurs est désormais distincte de celles concernant les
carburants ce qui augmente les contraintes pesant sur
les motoristes
170.
Le dernier règlement de l'Union européenne concernant les normes
d’émission de CO
2
en date de 2008, prévoit le passage à 95 g /km en 2020
par rapport à 150 g/km en 2010. Il s’agit donc d’une réduction de 4,5 g/an
en moyenne sur la période, alors que celle qui a prévalu au cours de la
période précédente n'excédait pas 1,5 g/an (1995:186 g /km): c’est donc
une multiplication par 3 de la contrainte. Le calcul est établi en moyenne
pondérée des ventes de véhicules neufs.
171.
Bien entendu, les efforts à accomplir par les constructeurs pour se
conformer à ces normes ont un coût. Or les constructeurs estiment ne pas
pouvoir répercuter ce coût sur les consommateurs. En effet, à cause de la
concurrence, le prix des voitures, en tendance longue, n'augmente pas ou
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93
très peu, alors même que le contenu des véhicules s'améliore beaucoup
(vitesse, sécurité, confort, économie, environnement etc.). Ce qui veut
dire, de leur point de vue, que l'essentiel du progrès technique est restitué
aux consommateurs.
172.
Par ailleurs, le niveau de pénalité, si les constructeurs ne satisfont pas
aux contraintes mentionnées ci-dessus, est de l'ordre de 95 €/g de CO
2
sur
un parcours moyen de 200 000 km, valorisant la tonne de CO
2
économisée
à 500 € et ce, hors cycle de vie du véhicule, ce qui est évidemment élevé.
173.
Les biocarburants ont été considérés, à leur début, comme un élément
clé en vue d’atteindre ces objectifs. Autrement dit, si on réussissait à
gagner, du point de vue des émissions de CO
2
, sur l'ensemble de la chaîne
du transport y compris le carburant, alors on réduisait la pression sur la
réduction d’émissions par le moteur et donc sur le constructeur. De la
sorte, l’impossibilité de répercuter dans les prix les améliorations des
moteurs sur ce plan était amoindrie d’autant. Telle a été la situation qui a
prévalu de la fin des années 1990 jusqu'au milieu des années 2000
environ, où, dans la continuité des progrès accomplis au cours des
précédentes décennies, les constructeurs étaient impliqués à la fois dans la
définition des normes et des paramètres de qualité pour la production des
carburants, dans celle des normes concernant l'utilisation de ce carburant
dans les moteurs, ainsi que dans celles concernant les émissions de CO
2
.
174.
Or au cours des dernières années, ces deux aspects, la réglementation
concernant les normes de production de carburants d’une part, celles
concernant la diminution d'émission de CO
2
par les moteurs d’autre part,
se sont trouvées progressivement dissociées. Depuis 2008, il existe ainsi, à
l'échelon européen, deux règlements distincts sur chacun de ces sujets,
élaborés et mis en oeuvre par deux directions des services de la
Commission
européenne
(transport
et
environnement)
qui
ne
communiquent guère entre elles. De sorte que, si un constructeur investit
en vue de réaliser une voiture qui fonctionne correctement avec des
biocarburants, il n'en bénéficie pas en ce qui concerne les efforts
accomplis sur les émissions de CO
2
par les moteurs
82
. Dans ces conditions,
l'intérêt des biocarburants est beaucoup plus limité aujourd'hui que du
temps où il existait une approche intégrée entre la production de
carburants et l'usage qui en était fait.
175.
L'un des constructeurs estime que l’une des conséquences de la
directive 2008 sur le CO
2
est d’augmenter encore le parc en faveur du
82
Note de la Cour : cette situation a eu pour conséquence indirecte que les moteurs à
carburant modulable ("Flex Fuel) ont été affectés d'un malus (puisque le CO
2
qu'ils
émettent n'est pas considéré comme renouvelable) ce qui a empêché en France le
décollage de la filière VCM E85.
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94
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diesel au moment où la concurrence, allemande notamment, redécouvre
les vertus du moteur à essence, compte tenu des critiques dont le diesel est
l’objet au regard des émissions de particules de dioxyde d’azote (NO
x
).
Tandis que les contraintes sur le CO
2
ont poussé dans le passé les moteurs
diesel à faire de grands progrès sur ce
point particulier
,
la question des
particules émises par ces moteurs se pose aujourd’hui avec acuité, et les
constructeurs français sont mal placés sur ce point.
En effet, compte tenu de leur positionnement en gamme (voitures plus
petites
83
que celles de la concurrence), il ne leur est pas possible d’ajouter
un montant de 100 à 150 € par véhicule, alors que les Allemands
84
peuvent
rajouter 500 € par véhicule pour des pots catalytiques permettant de
capturer les particules et les NOx
85
sans que cela change le niveau des
ventes. Mais, pour tous les constructeurs, le mix essence va augmenter à
moyen terme du fait des nouvelles technologies disponibles, qui vont
réduire très significativement leur consommation et leurs émissions de
CO
2
, sans pour autant compenser l'écart avec le diesel, et de
l'augmentation du coût de la dépollution des véhicules diesel, résultant des
nouvelles normes européennes Euro 5 en 2010 - 2011, Euro 6 en 2014 -
2015.
C - L’instabilité et l’incohérence des règles fixées par
l’Etat dans le domaine des carburants alternatifs nuisent
à la production de véhicules adaptés
176.
La seconde difficulté que disent rencontrer les constructeurs
automobiles tient à l’instabilité des règles émises par les pouvoirs publics,
européens et français. Ils conviennent certes que, pour que les
biocarburants existent, il faut une intervention des États, notamment sur la
fiscalité. Cela dit, les actions entreprises par les pouvoirs publics au cours
des 15 dernières années du côté des carburants alternatifs aux fossiles,
qu'il s'agisse du SP95, de l’E10, du gaz naturel pour véhicules (GNV), du
gaz de pétrole liquéfié (GPL), de l’E85, sont marquées par une série
d'échecs faute d’un soutien adéquat, et surtout prolongé, de la part de la
puissance publique. Ce qui est fondamental en la matière, et ce dont les
constructeurs ont le plus besoin, c'est de visibilité et d'harmonisation de la
mise en oeuvre des règles à l'échelle européenne.
83
Les constructeurs français sont en effet fortement compétitifs sur les petites
cylindrées diesel, ce qui permet à la France d'être leader en CO
2
moyen en Europe.
84
Les constructeurs français et allemands ont un mix diesel important et du même
ordre (60 - 70 %).
85
NOx est une abréviation utilisée dans le domaine de la chimie, de la pollution et de
la qualité de l'air, qui regroupe les oxydes d'azote, principalement le NO et le NO
2.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
95
177.
S’agissant des carburants, l’important, comme il a été dit ci-dessus à
propos des normes CO
2
,
est qu'il y ait une synergie entre le carburant et le
véhicule, car alors, il y a un marché. Or à cet égard, il y a plus de
discontinuités et d’incohérences dans les diverses politiques à l'égard des
carburants et des moteurs écologiques en France que dans le reste de
l’Europe. Renault a ainsi mis au point une gamme de véhicules reposant
sur les énergies alternatives, essentiellement E85, B30, GPL. Cette gamme
est d’une taille significative : pas moins de 10 modèles (dont 3 pour
Dacia) pour le seul E85, 6 modèles de voitures et 2 utilitaires pour le B30.
Faute de soutiens adéquats, il n'y a jamais eu de marché, et la production
de ces véhicules a cessé après la vente de quelques centaines ou milliers
d’exemplaires. Le GPL a été arrêté en trois mois, l’E 85 n'a jamais
décollé, l’E10 a toujours beaucoup de mal à percer. Or le GPL, de même
que l’E85, étaient un excellent moyen de rééquilibrer le parc automobile
en faveur de l'essence.
178.
Par conséquent, la visibilité à long terme est, de loin, l’élément le plus
indispensable d’une politique des biocarburants. Si l’on s’en tient au seul
paramètre du taux d’incorporation, les motoristes estiment qu’au plan
technologique, il convient de distinguer tout d’abord entre biodiesel et
éthanol. Le premier, dont la viscosité et le comportement à basse
température pose des problèmes, se heurte à une certaine limite à partir de
30 % d’incorporation. PSA, dont l’expérience en matière de moteurs
diesel est notoire, a ainsi annoncé publiquement que tous ses véhicules
construits depuis 2000 sont compatibles avec un biodiesel jusqu’à 30 %,
même si, à ce niveau, l’entretien du véhicule doit être « sévérisé ». Au
delà de 30 %, les problèmes deviennent trop complexes, et les Allemands
ont d’ailleurs interrompu leurs recherches concernant un moteur
compatible avec du B100.
179.
Pour l’éthanol, les moteurs peuvent accepter des taux d’incorporation
beaucoup plus élevés, mais les motoristes s’accordent pour dire qu’il est
plus facile et moins coûteux de travailler sur une plage de mélanges
restreinte même à un niveau élevé, que sur une plage très large. Autrement
dit, sous réserve d’un délai raisonnable, ils peuvent mettre au point une
gamme de moteurs pouvant accepter, sans contrainte spéciale d’entretien
ou avec des contraintes minimales, n’importe quel taux d’incorporation à
plus ou moins 10 % près. Il est beaucoup plus difficile en revanche de
travailler sur une plage très large. Si on disait par exemple aux
constructeurs de passer intégralement à l'E20 en 2020, ils seraient
d'accord, car ils auraient 8 ans devant eux pour produire une gamme de
moteurs compatibles avec des mélanges allant de l’E10 à l’E30. Il leur
serait en revanche beaucoup plus difficile de réaliser un moteur qui puisse
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96
COUR DES COMPTES
absorber des mélanges allant de l’E10 à l’E85
86
. Mais dans tous les cas,
l’essentiel pour eux est de disposer d’un horizon stable pour la mise au
point des moteurs plutôt que d’être confrontés à des contraintes plus
légères mais qui changent constamment.
_____
CONCLUSION – CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES
___
Les constructeurs sont étroitement associés à tout ce qui concerne
les biocarburants, car les garanties couvrant le moteur s’appliquent aussi
aux problèmes mécaniques pouvant provenir des carburants. Ils estiment
être confrontés à deux types de difficultés.
La première concerne les émissions de CO
2
des moteurs dont la
réduction progressive impose une augmentation sans précédent de la
contrainte au cours des dix prochaines années. Or jusqu'en 2008, les
réductions d'émissions de CO
2,
qu'elles proviennent des moteurs ou des
carburants,
étaient
combinées,
de
sorte
que
les
biocarburants,
performants de ce point de vue, allégeaient la pression sur les motoristes
concernant ces émissions. Depuis 2008, ces deux questions sont séparées
au niveau des règles européennes, de sorte que si un constructeur investit
en vue de réaliser une voiture qui fonctionne correctement avec des
biocarburants, il n’en bénéficiera nullement en ce qui concerne les efforts
accomplis sur les émissions de CO
2
. D’où un moindre intérêt des
constructeurs pour les biocarburants.
La seconde difficulté tient à l'instabilité des règles émises par les
pouvoirs publics, tant européens que français. S'agissant des carburants,
l'important est qu'il y ait une synergie entre carburant et véhicule, car
alors, il y a un marché. Or de ce point de vue, les discontinuités et les
incohérences dans les diverses politiques suivies en France comme en
Union européenne sont nombreuses. Renault a ainsi mis au point une
gamme de véhicules reposant sur les énergies alternatives, essentiellement
l’E85, le B30, le GPL. Cette gamme est d'une taille significative : pas
moins de 10 modèles pour l'E85, 6 et 2 utilitaires pour le B30. Faute de
soutiens adéquats, il n'y a jamais eu de marché et la production de ces
véhicules a cessé après la vente de quelques centaines ou quelques
milliers d'exemplaires.
86
D'après le constructeur interrogé, ces arguments sont valables pour les pays les plus
développés où les moteurs sont plus sophistiqués qu’ailleurs (injection électronique
entre autres). Dans les pays émergents (Brésil), les moteurs sont en général plus
rustiques, ce qui explique que les constructeurs français en particulier, puissent donner
l’impression d’être plus allants sur les marchés extérieurs qu’en Europe.
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97
Par conséquent, la visibilité à long terme est de loin l'élément le
plus important pour une politique en faveur des biocarburants. Par
exemple, les motoristes disent qu'il est plus facile et moins coûteux pour
eux de travailler sur une plage de mélange restreinte, même un niveau
élevé, que sur une plage très large. Autrement dit, moyennant une période
de cinq à huit ans, ils peuvent produire une gamme de moteurs compatible
avec des mélanges allant par exemple de l’E10 à l’E30. Il leur serait
beaucoup plus difficile de réaliser un moteur qui puisse absorber des
mélanges allant de l’E10 à l'E85. L'essentiel dans ce domaine est d'avoir
un horizon stable.
III
-
Producteurs de biodiesel
180.
La cartographie des acteurs
87
regroupe à dessein les exploitants
agricoles, qu’ils soient producteurs de matières premières ou éleveurs
(c'est-à-dire consommateurs de tourteaux d’oléo protéagineux), et les
producteurs de biocarburants. Cette dernière activité est en effet réalisée
dans la plupart des cas au sein de groupes industriels dont les coopératives
agricoles sont actionnaires, quand ils ne sont pas eux mêmes des
groupements de coopératives. Ce point est vérifié pour chacune des deux
filières.
A - Un acteur a longtemps dominé la filière, mais il subit
depuis 2010 une nouvelle concurrence
181.
À l’origine, la France, prenant exemple sur le modèle développé au
Brésil et aux Etats-Unis à la suite des premiers chocs pétroliers, avait
plutôt privilégié l’éthanol produit à partir de betteraves.
182.
Plusieurs raisons ont abouti à un changement de priorité au profit de la
filière biodiesel qui, du coup, s’est organisée la première. Tout d’abord, la
volonté des pouvoirs publics de favoriser la consommation de gazole au
détriment
de
l’essence
pour
des
raisons
d’économies
d’énergie,
provoquant la très forte diésélisation du parc automobile. Ensuite, la
réticence des pétroliers à incorporer l’éthanol, compte tenu des
complications de la manipulation et de l’utilisation de ce produit. Enfin, et
surtout, la structuration de la filière oléagineuse française dans son
ensemble (usages agricoles, alimentaires et industriels) à la suite des
contraintes imposées par les négociations commerciales multilatérales du
GATT/OMC, obligeant la France à garder le marché des oléo
87
Cf. §144.
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COUR DES COMPTES
protéagineux beaucoup moins protégé que d’autres secteurs de l’agro
industrie. Il en est résulté la création de plusieurs entités
88
, les unes
classiques,
telles
qu’une
fédération
des
producteurs
89
,
deux
interprofessions
90
et un centre technique
91
, mais aussi une structure plus
originale, spécifique à ce secteur, Sofiprotéol, créée en 1983 à l’initiative
des producteurs d’oléo protéagineux qui en constituent l’actionnariat de
référence (71,8 %).
183.
Ce groupe, qui emploie 6400 personnes en 2010, a deux lignes de
métier, l’une de nature financière (accompagnement des entreprises du
secteur par des prêts et des prises de participation), l’autre de nature
industrielle, avec un pôle valorisation des oléagineux, un autre dédié à la
nutrition et aux filières animales. Le premier de ces pôles est de loin le
plus important (4 Md€ de chiffre d’affaires sur un total pour le groupe de
5,6 Md€) : il est constitué d’une holding SOPROL, dont les principales
filiales sont SAIPOL (détenue à 100 %) pour la production d’huiles
végétales
92
et Diester Industrie (détenue à 66 %) pour les biocarburants
(2,36 Md€ de chiffre d’affaires en 2010). Le reste de l’actionnariat de cette
filiale, soit 34 %, appartient à 400 coopératives, confirmant l’étroitesse de
ses liens avec le monde agricole.
184.
Diester Industrie a été jusqu’en 2010 l’acteur dominant au plan
national et même européen, à telle enseigne que le Diester, marque
commerciale protégée, est pratiquement devenu un terme générique
(diester). La société a encore totalisé 78 % des agréments accordés en
2009 et a fourni la demande croissante de biodiesel: 1,9 Milliard de litres
en France et 0,8 Milliard de litres au dehors. Elle dispose de 7 sites
industriels en France et de 6 autres en Europe.
185.
Pour justifier sa position, Sofiprotéol souligne avoir été le premier à se
lancer à un moment où la rentabilité de la filière était loin d’être avérée. Il
n’en demeure pas moins que la concurrence a tardé à s’exercer et qu’elle
est restée faible jusqu’à la période la plus récente. C’est en effet à partir de
2008 seulement que d’autres opérateurs sont apparus, avec les sociétés
INEOS
93
à Verdun, avec BIOCAR et son projet non réalisé de à Fos-sur-
88
L’ensemble de ces entités partage une plateforme d’information commune,
PROLEA.
89
Fédération des producteurs d’oléo-protéagineux (FOP).
90
ONIDOL pour les oléagineux, UNIP pour les protéagineux.
91
Le CETIOM.
92
C’est cette filiale qui détient, entre autres, Lesieur.
93
Entreprise chimique britannique, fondée en 1998 à partir d’installations industrielles
dont les « grands » du secteur cherchaient à se débarrasser (ex : raffinerie de Lavera
en F.). CA : 29 Md$, 16 000 salariés.
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99
Mer (200 000 t de capacité chacune) et la Coopérative Ouest Céréales à
Chalandray dans la Vienne (120 000 t).
186.
Il convient d’y ajouter SARIA, entreprise de traitement des déchets
animaux, pour la production d’esters de graisses animales et une filiale de
Veolia pour celle d’huiles usagées. En dépit de ces nouveaux acteurs, la
part effective de marché de Sofiprotéol en France reste à peu près
constante jusqu’à 2010, dans la mesure où plusieurs installations ont, dans
le même temps, cessé leur production
94
. En revanche, dès 2011, la règle du
double comptage pour la TGAP a permis à ces deux derniers intervenants
de prendre en peu de mois une place importante comme fournisseurs de
biodiesel.
B - La formation du prix du biodiesel s’est faite jusqu’en
2010 à l’avantage du producteur dominant
187.
Les contrats de Diester Industrie avec les producteurs de matière
première (colza et tournesol) pour l’approvisionnement des usines sont en
règle générale de trois ans, avec possibilité de révision annuelle des prix.
En moyenne, pour un fournisseur donné, entre le quart et le tiers de sa
production est couverte par le contrat, le reste est vendu au plus offrant.
188.
En aval, pétroliers et distributeurs achètent le biodiesel sur la base
d'un prix qui est l'addition de trois éléments :
-
la moyenne mensuelle (Platts
95
) du marché pour le gazole ;
-
la défiscalisation de TIC soit 8€/hl en 2010 ;
-
une "prime" négociée.
En effet, compte tenu de la lourdeur de la sanction que représente la
TGAP (cf. §106 ), et faute de sources alternatives d’approvisionnement
extérieur compétitives en quantité et qualité, pétroliers et distributeurs ont
été contraints d’accepter que Diester Industrie récupère dans son prix la
quasi-totalité du montant de la défiscalisation de TIC.
189.
Cette "prime" négociée chaque année a varié entre 180 et 300€ le m
3
,
soit une fraction de la TGAP évitée, qui est actuellement de l'ordre de
1000 € le m
3
. Elle se réduit quand le prix du pétrole monte et varie aussi
avec l’écart entre le prix de l'huile végétale et celui du biodiesel. Cet écart
a varié de 440 €/t en janvier à 300€/t en avril dernier. L'incidence sur le
prix du B7 est, d'après Diester Industrie, de l'ordre de 1,5 à 2 centimes d'€
par litre.
94
cf. §100.
95
Agence de référence sur les prix de marché des matières pour l'énergie
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100
COUR DES COMPTES
C - La position des acteurs est aujourd’hui largement
dépendante du niveau des importations et de la nouvelle
concurrence créée par le double comptage des huiles
animales et usagées
190.
Pour Diester Industrie, le biodiesel a été une réussite pour la France :
grâce à lui, l'intérêt pour le colza a été relancé après la suppression des
aides aux oléagineux. Le "panel soja" au GATT en 1988 avait en effet
borné la production d’oléagineux, et limité la compétitivité du secteur par
manque de débouché. Le tourteau de colza, coproduit de l’huile végétale,
rend désormais viable le dispositif industriel construit depuis dix ans.
Diester Industrie dit ainsi avoir investi 720 M€ qui se décompose comme
suit : trituration 280 M€ (le ratio est de 100 M€ pour une unité de 1 MT de
graines par an), raffinage 115 M€ et estérification 325 M€ (le ratio est de
50 M€ par unité de 250 kt par an). Pour les autres industriels, Ineos,
Cargill, Daudruy, COC, Veolia notamment, l’investissement est estimé par
Diester Industrie à 250 M€, soit un investissement global pour la filière
biodiesel de 970 M€.
191.
Les tourteaux produits ne sont d'ailleurs pas pour Diester Industrie un
simple coproduit du biodiesel mais un produit à part entière et de première
importance. Il a permis au pays de s'affranchir en partie des importations
des tourteaux de soja, en faisant passer l'autosuffisance de 25 % à 50 %.
C'est aussi une bonne affaire pour les éleveurs car avec un rapport
nutritionnel colza/soja de 80 %, le ratio des prix est de seulement 57 %
96
.
192.
Cependant, la concurrence qui se renforce est en train de modifier
complètement les conditions du marché :
-
il s'agit d'abord des importations. Dans le passé récent, elles
provenaient des États-Unis puis du Canada ; elles viennent
maintenant d'Argentine, sont en forte croissance et bénéficient
d’une taxe différentielle à l'exportation
97
, défavorable à l’huile
brute et favorable à l’ester, ce qui est une manière indirecte de
subventionner la construction de capacités d’estérification dans
le pays. L’Indonésie et la Malaisie (respectivement 1
er
et 2
ème
producteurs
du
monde
d’huile
de
palme)
ont
aussi
considérablement renforcé et leur production, et leurs capacités
d’estérification ;
96
D'après les données de la FAO.
97
cf. § 133.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
101
-
quant au marché intérieur, les nouveaux venus profitent de
l'application de la règle du double comptage pour les EMHA et
EMHU tel qu'exposé plus haut au §95. Diester Industrie
considère
qu'il
s'agit
d'une
concurrence
déloyale,
car
l'imprécision de la définition des huiles usagées et des résidus
animaux laisse la porte ouverte à tous les trafics. En 2011, les
350 000 t introduites sur le marché par ces concurrents auraient
entraîné une baisse des ventes de Diester Industrie de 700 000 t
(soit près du tiers de sa production française) entraînant l’arrêt
d’une ligne de production dans une usine considérée comme non
amortie.
193.
Diester Industrie, qui a fondé en partie sa réputation sur la qualité de
sa production, s'étonne que les pétroliers, d'habitude si exigeants sur le
critère de qualité, se satisfassent maintenant d'EMHA/EMHU peu
contrôlés, qui seraient aptes à la consommation grâce à l'apparition
soudaine d'additifs adéquats. Dans ce contexte, la société souhaite
évidemment que l'amendement plafonnant les EMHA soit mis en oeuvre
au plus tôt. Elle prend acte de l'arrêté du 19 octobre 2011 qui limite le
double comptage. Elle attend la publication de la liste des produits
auxquels cette nouvelle règle s'applique.
194.
Conséquence d’une telle mise en oeuvre, une société comme SARIA,
qui bénéficie d'agréments en EMHA obtenus en développant la
rentabilisation du traitement de l'équarrissage, pourrait se considérer
comme lésée par une limitation de sa production sous le niveau de ses
agréments. En outre, l'amendement de plafonnement est contraire aux
directives européennes, et pourrait donner lieu à une question prioritaire
de constitutionnalité ou tout autre recours
98
.
195.
Cela dit, Diester Industrie constate que les Allemands ont décidé, par
ordonnance, que les EMHA compteraient simple en 2011 et ne seraient
pas comptabilisés en 2012 pour atteindre les objectifs nationaux. La
Commission européenne, à ce jour, n’a pas remis en cause cette
ordonnance.
196.
Du fait de cette concurrence croissante, Diester Industrie constate que
ses ventes reculent, sa productivité stagne et sa marge diminue et tend à
disparaître. La société demande, par conséquent, que l'État tienne compte
des externalités positives du diester, c’est-à-dire des effets économiques et
environnementaux induits évalués en juin 2008
99
à 22 €/hl, dont 15 €/hl
pour les externalités environnementales : les industriels défendent donc le
maintien de l'exonération fiscale au moins à son niveau de 2011. Le
98
cf. la mesure concernant le comptage des EMHA au §96.
99
Étude Price, Waterhouse, Coopers de juin 2008.
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102
COUR DES COMPTES
maintien de la seule TGAP serait de plus tout à fait insuffisant pour
protéger l’industrie française contre les importations massives de biodiesel
argentin ou asiatique qui sont largement subventionnées (de l’ordre de 180
$/t), sauf à tenir compte d’un système de comptage différencié pour le
biodiesel originaire d’Europe, par exemple sur la base du respect des
critères de durabilité.
197.
Enfin, pour DIESTER, le PAN (cf. §87) est sujet à caution :
-
l’objectif de véhicules électriques est trop élevé de l’avis même
des constructeurs automobiles ;
-
la différenciation n’est pas faite entre 1ère et 2ème générations ;
-
la consommation de gazole continue à croître contrairement aux
hypothèses retenues.
Ceci signifie que, sans augmentation du taux d’incorporation de
biodiesel, l’objectif de 10 % d’EnR dans les transports est
inatteignable.
______
CONCLUSION – PRODUCTEURS DE BIODIESEL
_____
Jusqu'en 2010, Sofiprotéol avec sa filiale Diester Industrie, a été
l'acteur dominant de la filière biodiesel. La société a obtenu 78 % des
agréments accordés en 2009 et fournit la demande croissante de
biodiesel : 1,9 M m
3
en France et 0, 8 M m
3
au dehors. Elle dispose de
sept sites industriels en France et de six autres en Europe. Pour justifier
sa position dominante, elle souligne avoir été la première à se lancer à un
moment où la rentabilité de la filière était loin d'être assurée. Il n'en
demeure pas moins que la concurrence a tardé à s'exercer dans ce
secteur, et que les nouveaux venus sont essentiellement les entreprises de
traitement des déchets animaux qui ont profité de la règle dite du double
comptage.
Les
rapports
entre
Sofiprotéol/Diester
Industrie
et
les
pétroliers/distributeurs ont été, jusqu'à la période récente, assez
conflictuels. Contraints par la TGAP, les distributeurs ont été obligés
d'accepter les conditions de prix fixées par Sofiprotéol faute d'une
concurrence significative. Ces conditions étaient d’autant plus dures que
le prix de l'huile alimentaire était élevé, puisque, dans ces conditions,
Sofiprotéol avait tout intérêt à produire de l'huile pour l'alimentation et
non pas pour l’estérification, contraignant les distributeurs à accepter des
prix élevés pour l’EMHV. Cette situation a cependant évolué rapidement
au cours de l'année 2010 et plus encore en 2011, compte tenu d’une part
de la montée en puissance des graisses animales et des huiles usagées
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
103
comptant double dans le taux d’incorporation, d'autre part du
développement des importations d’huiles végétales, voire d’esters en
provenance d’Argentine et d’Asie.
En 2011, Diester Industrie estime ainsi avoir perdu 700 000 t de
production d’EMHV résultant pour l’essentiel de l'importation de
350 000 t de graisses animales par ses concurrents. L'entreprise souhaite
par conséquent la remise en cause, à tout le moins le plafonnement, de la
règle du double comptage. Cette règle, introduite par une directive
européenne, a été reprise dans la législation française alors qu’un pays
comme l'Allemagne n'en a pas tenu compte, sans que la Commission
européenne lui fasse, pour l'instant, d'observation. En France, un arrêté
de septembre 2011 est revenu en grande partie sur cette mesure.
IV
-
Producteurs d’éthanol
A - Des acteurs plus nombreux que dans la filière
biodiesel
198.
Le secteur est plus diversifié que celui du biodiesel et, de l’avis
général, il existe une concurrence certaine entre les acteurs, même si deux
d’entre eux sont prépondérants. Après avoir cumulé à 66 % du total des
agréments de la filière éthanol, la part de ces deux groupes s’est stabilisée
à 55 % du total des autorisations en 2009 et 2010.
199.
Le premier est Cristanol, société détenue à 55 % par Cristal Union,
union de coopératives à capitaux agricoles, avec un chiffre d’affaires de
1,3 Md€, 1 200 salariés, qui collecte la production de 6 000 producteurs de
betterave (soit 20 % environ du total national) couvrant une superficie de
86 000 ha dans un rayon de 30 km autour de la sucrerie située à
Bazancourt à 15 km au nord-est de Reims. Les 45 % restants sont détenus
par Bléthanol, groupement de 27 coopératives céréalières fédérées par
l’une d’entre elles, Champagne Céréales, basée à Reims. Cristanol est
donc spécialisé dans la production de sucre de betterave, et aussi d’alcool
alimentaire et d’éthanol à partir de betterave et de blé. Il a bénéficié
d’agréments à hauteur de 1,3 M hl.
200.
Tereos est l'autre grand acteur. Avec un chiffre d’affaires consolidé de
4 Md€, implanté en Europe, au Brésil et sur les côtes occidentales de
l'Océan indien, le groupe Tereos est classé parmi les cinq premiers
producteurs mondiaux de sucre, les cinq premiers producteurs mondiaux
d'alcool et les trois premiers producteurs européens d'amidon. C'est un
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104
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groupe coopératif de 12 000 agriculteurs qui a notamment repris une part
des actifs de Béghin-Say lors du démantèlement de celui-ci.
201.
Les
trois
autres
principaux
bénéficiaires
des
agréments
de
défiscalisation sont respectivement les groupes Abengoa, d’origine
espagnole, qui domine la sous filière maïs avec une usine à Lacq, Saint
Louis Sucre
100
et Roquette : au total ils se partagent 30 % de la production.
L’usine de Lacq, réalisée en 2008, a représenté un investissement de
200 M€ pour une capacité de 160 000 t (soit 1,25 k€/t), nécessitant 0,5 Mt
de maïs comme intrant.
202.
Le groupe Soufflet, premier meunier européen et troisième marchand
de grains français disposait d’un agrément de 9,2 % du total mais ne l’a
pas exercé, la hausse du prix du blé l’ayant dissuadé de mener à bien son
projet d’usine d’éthanol à Nogent sur Seine, lieu de ses principales
implantations.
203.
La filière éthanol présente, en outre, la particularité d’avoir eu pendant
plusieurs années un débouché privilégié, quoique peu important, à travers
les producteurs d’ETBE, puisque les pétroliers défendaient l'idée que le
mélange direct d’éthanol et d’essence était à la fois trop compliqué pour le
réseau de distribution et trop risqué pour les moteurs. Deux d’entre eux
ont dominé ce marché, TOTAL à Feyzin près de Lyon (20 %) et Lyondell
Basell à Fos sur Mer (50 % des agréments).
204.
La filière dans son ensemble a, d'après ses membres, investi 1 Md€
depuis 2005/2006 pour construire cinq unités de production qui produisent
aujourd’hui 13 des 45 Mhl de l’Union européenne
101
. Cette surproduction
la contraint à vendre aux autres pays européens, mais sans exonération de
TIC réservée au marché intérieur français, et donc en concurrence avec
l'éthanol américain qui, lui, reçoit des subventions, y compris à
l'exportation.
B - Les acteurs apprécient les débouchés nouveaux que
sont l’éthanol et les coproduits destinés à l’alimentation
animale
205.
Sucriers et betteraviers disent trouver, grâce au bioéthanol, de
meilleurs engagements de prix pour la partie de la production dite "hors
quota", c'est-à-dire non destinée à la production sucrière. Ce point est
100
1 Md CA, 1 500 salariés, filiale du 1
er
sucrier européen, l’allemand Südzucker.
101
Les groupes coopératifs à eux seuls avancent le chiffre d'un peu plus de 420 M€
d'investissements dans deux usines (Origny, 150 M€, Bazancourt, 270 M€ avec une
capacité de distillation de 3/3,5 Mhl/an, 1,5 pour la ligne betterave, 2,0 pour la ligne
céréales, soit 1680 €/t en moyenne).
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
105
d’autant plus important qu’à la différence du blé, la betterave ne se stocke
pas et ne fait donc pas l’objet de ventes et d’achats à terme.
206.
De même, la production d’éthanol permet de valoriser le blé lorsque
son prix est déprimé et donc de stabiliser le revenu des céréaliers. Sans
doute est-ce là le principal argument, même s’il est plus difficile à mettre
en évidence en 2010/2011 lorsque la tonne de blé dit "meunier" se négocie
à 220 € /300 $ sur les marchés mondiaux contre 110 à 120 €/t pour le blé
éthanol. De l’avis de tous les professionnels rencontrés, même si l’éthanol
est destiné à rester secondaire par rapport aux autres débouchés de la
filière blé
102
, son rôle de variable d’ajustement des prix est considéré
comme important et ce, de deux points de vue.
207.
Au plan quantitatif, les opérateurs se souviennent que, lorsque les
principales décisions d’investir dans la construction de distilleries ont été
prises, le cours du blé était de l’ordre de 80 à 90 $/t, de sorte que le
débouché éthanol était plutôt une aubaine. Il ne l’est certes plus
aujourd’hui, mais, outre qu’il peut le redevenir un jour, les céréaliers qui,
en tant que coopérateurs, sont aussi les actionnaires
103
des sociétés de
production d’éthanol, ont intérêt à ce que le coût du principal intrant reste
bas. Ceci explique que, malgré certaines velléités en ce sens et une tension
plus forte que de coutume entre producteurs et acheteurs, on ait constaté,
depuis deux ans, assez peu de tentatives de sortie des relations
contractuelles pluriannuelles qui sont de règle dans les relations
agriculteur/coopérative ou négociant.
208.
Au plan qualitatif, le débouché éthanol est aussi considéré comme
utile dans la mesure où, malgré la relative stabilité du climat en France, le
blé peut être plus ou moins panifiable : or la fabrication de pain demeure
le premier débouché intérieur du blé français (4,9 Mt en 2010). La
distillation permet donc d’amortir les années où le blé est de moins bonne
qualité.
209.
Au-delà de ces deux aspects, les producteurs de blé sont préoccupés
par la montée de la concurrence provenant des pays émergents, couplée
avec les contraintes croissantes imposées à l’exportation par les règles
négociées à l’OMC. Dès lors, le débouché bioéthanol peut être aussi
considéré comme un substitut à l’inévitable réduction des marchés à
l’exportation. De même, la filière du sucre de betterave, grande spécificité
française, trouve dans le bioéthanol les débouchés qu’elle perd pour
satisfaire l’augmentation continue de la demande mondiale de sucre et ce,
d'autant plus que les producteurs affirment n’avoir pas de problème pour
102
1,5 Mt pour une production française totale de 34,7 Mt dont 20 exportés et 13,2
consommés hors alcool (données 2010).
103
Cf. supra §199
l'actionnariat de Cristanol.
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106
COUR DES COMPTES
couvrir les besoins européens, même avec un taux d'incorporation de
10 %.
210.
Les autres éléments positifs couramment cités par les producteurs
concernent les intrants et les coproduits. Du côté des premiers, le bilan
thermique des processus de fabrication mis en oeuvre par chacune des
filières a été divisé par deux au cours des dix dernières années. De même,
la quantité d’eau a été divisée par trois. Du côté des coproduits, le
développement de la production de drèches de blé qui font encore défaut à
notre élevage : les résidus de la distillation sont en effet riches en protéines
car le procédé à basse température permet de conserver leur valeur
nutritive et ils sont par ailleurs enrichis en les mélangeant au son issu de la
meunerie. De plus, les drèches se substituent en partie à des céréales, ce
qui compense en partie l’utilisation de ces dernières dans la production de
biocarburants.
211.
L’enquête du ministère de l’agriculture sur les matières premières
utilisées dans la fabrication d’aliments composés pour le bétail illustre
cette réalité ainsi qu’il ressort du tableau suivant :
Années
2006
2009
Quantités
Kt
%
kt
%
1) Céréales dont
10623
49,9
10272
49
Blé tendre
6019
28,3
4919
23,4
Maïs
2452
11,5
3028
14,4
2) Tourteaux dont
5477
25,7
6170
29,4
Soja
3026
14,2
3096
14,8
Colza
1463
6,9
1915
9,1
Tournesol
659
3,1
902
4,3
3) Coproduits dont
2355
11,1
2304
11
Drèches de blé
24,7
0,1
216,2
1
Drèches de maïs
9,5
0,04
111,6
0,5
4) Autres
2831
13,3
2222
10,6
TOTAL
21290
100
20963
100
Source : Agreste- mars 2011 - Enquête sur les matières
premières
utilisées
dans
la
fabrication
d’aliments
composés pour animaux
En quatre ans, la consommation de blé tendre pour l’alimentation
animale a donc diminué de 1,1 Mt exactement, compensée pour l’essentiel
par une augmentation de 576 000 t de maïs, de 452 000 t de tourteaux de
colza, mais aussi de 294 000 t de drèches issues de la production
d’éthanol.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
107
212.
Enfin, pour l’avenir, la plus grande cohérence fiscale en fonction du
contenu en énergie des carburants prévue par les nouveaux textes
européens est bien accueillie. Les producteurs d'éthanol considèrent que sa
transposition en France permettra un rééquilibrage à leur profit leur
permettant d'être plus compétitifs.
C - Cependant, les acteurs s’inquiètent d’une
concurrence extérieure mal contrôlée, à laquelle ils
s’efforcent néanmoins de répondre, et justifient ainsi le
maintien des aides
213.
Les représentants de la filière ont à cet égard plusieurs sujets de
préoccupation. Le premier est le contournement de la protection du
marché intérieur européen. Les détournements de trafic dûs à la différence
de taxation douanière entre éthanol et mélanges ont pris de l’ampleur à
partir de 2006 et ont résulté de la politique menée par la Suède en
particulier. Or la Commission européenne n’a les moyens de s’assurer ni
quelle proportion des importations d’éthanol est effectivement destinée à
l’usage « biocarburant » ni s’il existe, à l’intérieur de l’Union européenne,
des détournements de trafic en direction d’autres pays que la Suède. Il y a
sur ce point une divergence d’appréciation importante entre les services
douaniers de l’Union européenne et l’association européenne des
producteurs d’éthanol. Cette dernière estime par exemple en 2008 les
importations en provenance du seul Brésil à près de la moitié de la
production européenne (1,170 Mt pour 2,250 Mt), donc très au-delà de la
consommation totale de la Suède. Elle souhaite, par conséquent, que soit
mis un terme à cette concurrence déloyale pour une filière confrontée à
des difficultés structurelles du fait de la diminution du marché européen de
l’essence.
214.
Une autre difficulté est apparue en 2010 sur un modèle similaire à
celui vu précédemment pour le biodiesel. Alors que les importations
européennes d’éthanol restent à un niveau élevé (1,7 Mm
3
en 2009), soit
environ le tiers de la consommation, il a été constaté en 2010, alors que les
importations totales diminuaient (1,3 Mm
3
), une forte augmentation de
celles en provenance des États-Unis
61,
104
. Dans ce dernier pays en effet,
les mélanges, quelles que soient leurs proportions, ont bénéficié, jusqu’à
fin 2011, d’une subvention renouvelée chaque année par le Congrès,
104
D’après la profession, sur une consommation de 3,85 Mt (5Mm
3
) en 2010, les
importations en provenance des Etats-Unis et du Brésil auraient représenté 460 000 t
(600 000 m
3
). D’autres sources font état d’importations d’éthanol en provenance des
Etats-Unis pour les 9 premiers mois 2010 représentant le double de toute l’année
2009.
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108
COUR DES COMPTES
équivalente à 8,5 €/hl
105
sans aucune condition d’origine ou de destination
des produits entrant dans le mélange. Les producteurs de l’Union
européenne envisagent donc à leur tour une plainte de même nature que
celle de leurs collègues du biodiesel en 2008 et s’appuyant sur les mêmes
arguments. Le débat s’annonce toutefois plus difficile, dans la mesure où
les États-Unis soutiennent que ces importations supplémentaires sont
simplement le résultat de la raréfaction du blé et du sucre en 2010, qui ont
augmenté la compétitivité de l’éthanol américain fabriqué à partir de
maïs
106
.
215.
En parallèle, les producteurs d’éthanol tentent de faire revenir la
Commission sur la classification des mélanges comme produits chimiques,
en les faisant reclasser en produits agricoles à l'instar de l’éthanol pur. La
Commission est cependant divisée sur ce point entre les services chargés
de l’agriculture, plutôt favorables, et ceux chargés du commerce qui
craignent que, par application des règles de l’OMC, il soit alors nécessaire
de négocier des compensations avec ceux des pays exportateurs de
biodiesel ou d’éthanol, tels que le Brésil ou les États-Unis, dont les intérêts
seraient lésés par une telle augmentation de la protection aux frontières.
216.
Cette concurrence de plus de plus vive provoque des reconversions.
Ainsi, l'usine de Tereos à Lillebonne, en service depuis 2007, va
développer une filière gluten moyennant 60 M€. Le dirigeant de
l’entreprise a justifié
107
cette décision par la baisse de la défiscalisation,
qui aurait coûté près de 70 M€ à Tereos, mais surtout par la nécessité de
mieux prendre en compte les variations du prix des céréales sur le marché.
Dès lors que le blé destiné à l’éthanol est acheté 140 €/t contre 275 €/t
pour celui destiné à l’amidon, se pose bien entendu la question de la
rémunération des producteurs, de plus en plus tentés de vendre leurs
volumes sur le marché destiné à l’alimentation.
217.
La plus grande cohérence fiscale en fonction du contenu en énergie
des carburants prévue par les nouveaux textes européens est bien
accueillie. Les producteurs d'éthanol considèrent que sa transposition en
France permettra un rééquilibrage à leur profit leur permettant d'être
compétitifs. Ils ont, en revanche, eu des inquiétudes sur l'impréparation de
l'administration française sur la transposition des clauses de durabilité de
la directive EnR, certains craignant de ne pouvoir satisfaire, du fait du
retard du zonage national, les contrats d'exportation, particulièrement en
Allemagne et de se trouver de ce fait confrontés à des litiges
commerciaux.
105
VEETC de 0,45$/ US au gallon. Conversion faite avec 1,4 $ pour 1€ et 3,78 l pour
1 US gallon, le cout total en est estimé à 5 Md$/an.
106
Le prix de l’éthanol américain aurait été fin 2010 de 561 $ /m
3
subvention
comprise
départ Houston, contre 705 $ à Rotterdam.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
109
218.
La filière française de l'éthanol adopte aussi une attitude offensive en
s'internationalisant au-delà de l'Europe. Ainsi Tereos, suivi de Shell et BP,
s’est implanté au Brésil en 2000 en raison de la bonne santé de la filière de
la canne à sucre au Brésil et des mesures publiques en faveur de
l'utilisation de l'éthanol comme carburant. Sa filiale locale a établi des
partenariats
107
avec des coopératives céréalières françaises (25 % de la
collecte de blé du territoire) en vue de "mixer leurs compétences et leurs
intérêts dans les secteurs de l’amidon, de l’éthanol et de l’alcool de grain".
Plus encore, un partenariat entre cette filiale et Petrobras, acteur brésilien
du pétrole, lui a permis d’acquérir des entreprises sur place. Par ces
investissements, la société française occupe une place de premier rang sur
le marché brésilien de la canne à sucre et a signé un contrat de fourniture
de 2,2 Mm
3
d'éthanol sur quatre ans pour 950 M€. Selon son président,
Tereos s’est ainsi immiscé profondément dans un secteur du sucre
brésilien en pleine consolidation, où l’entrée des groupes pétroliers restera
l’une des spécificités de l’année 2010.
_______
CONCLUSION – PRODUCTEURS D’ETHANOL
______
Le secteur de l’éthanol est plus diversifié que celui du biodiesel et il
y existe une vraie concurrence. Deux acteurs sont prépondérants, le
premier, Cristanol, société anonyme détenue à 55 % par une union de
coopératives agricoles, le second, Téréos, groupe coopératif issu
notamment de la reprise d'une partie des actifs de Béghin-Say. D'après ses
membres, la filière a investi 1 Md€ de 2005 à 2010 pour construire 5
unités de production qui fournissent aujourd'hui 13 des 45 Mhl d'éthanol
de l'Union européenne.
Les acteurs apprécient le débouché nouveau que sont l'éthanol et
les coproduits destinés à l'alimentation animale. Les betteraviers trouvent,
grâce au bioéthanol, de meilleurs engagements de prix pour la partie de
leur production non destinée à la production sucrière. De même, l'éthanol
permet de valoriser le blé lorsque son prix est déprimé et donc de
stabiliser le revenu des céréaliers. Cette situation n'est certes pas celle qui
prévaut aujourd'hui, puisque la tonne de blé se négocie entre eux 250 et
300 $ sur les marchés mondiaux, mais les opérateurs se rappellent que
lorsque la filière bioéthanol a été lancée en 2005-2006, ce prix n'excédait
pas 80 à 90 $/t.
Les
représentants
de
la
filière
sont
préoccupés
par
le
contournement de la protection du marché intérieur européen. Les
107
2009-2010-art295457-11.html
.
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110
COUR DES COMPTES
détournements de trafic dûs à la différence de taxation douanière entre
l'éthanol et des mélanges ont en effet pris une ampleur considérable et, en
dehors des droits antidumping pris à l’encontre des Etats-Unis, la
Commission européenne n'a ni les moyens ni l'envie d'assurer un contrôle
effectif de ces détournements. Au-delà d'une attitude défensive, la filière
française de l'éthanol s'internationalise au-delà de l'Europe, notamment
par des implantations au Brésil, en raison de la bonne santé du secteur de
la canne à sucre dans ce pays et des mesures destinées à favoriser
l'utilisation de l'éthanol comme carburant. Les groupes pétroliers ont
d'ailleurs la même stratégie.
V
-
Exploitants agricoles producteurs de matières
premières
219.
A l’exception de la Confédération paysanne dont l’approche est très
critique, la politique en faveur des biocarburants rencontre le soutien des
grandes fédérations de producteurs. Les plus concernées sont, en sus de la
FNSEA
108
, la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB),
l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), l'Association
générale des producteurs de maïs (AGPM), et les chambres d'agriculture.
220.
Les agriculteurs se situent dans une logique de filière agro-
industrielle. De ce point de vue, ils reconnaissent en premier lieu que
l’outil industriel de transformation qui n’existait pas en 1993, au moment
de la décision sur l’utilisation des jachères à des fins non alimentaires,
n’aurait jamais pu être mis sur pied sans une fiscalité adaptée. En second
lieu, cette approche a nécessité de leur part un engagement les
contraignant à voir au-delà des opportunités immédiates de marché, même
si les prix qui leur sont payés dans le cadre des contrats de fourniture aux
producteurs de biocarburants ne peuvent être totalement déconnectés de
ces derniers. Sur la durée, la contractualisation des livraisons permet un
lissage des prix et donc une meilleure gestion des exploitations ainsi qu’il
ressort du graphique ci-dessous.
108
Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles.
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50
100
150
200
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300
350
400
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500
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c
-99
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i
n
-0
0
no
v
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i-
01
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t-
01
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v
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2
sept-02
m
a
rs
-0
3
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0
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v
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4
a
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t
-04
févr-05
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o
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-
06
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-
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a
o
ût
-0
7
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-0
8
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9
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100
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400
500
600
700
800
COLZA DIESTER
Graines €/ T
GAZOLE
M ATIF COLZA
Évolution colza diester / MATIF
50
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150
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800
COLZA DIESTER
Graines €/ T
GAZOLE
M ATIF COLZA
Évolution colza diester / MATIF
Source : Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles (FNSEA)
221.
Les durées de contractualisation sont variables selon les produits : de
six mois pour le maïs à trois ans pour le colza et cinq pour le blé, pas de
contrat pluriannuel pour la betterave. Les contrats sont en volume pour la
filière éthanol, mais en pourcentage de la production (25/30 %) pour le
colza. Les producteurs, qui sont liés par leurs contrats de fourniture, sont
évidemment intéressés au retour financier de l’activité des filières à travers
les dividendes que peuvent leur verser leurs coopératives.
A - Les fédérations d’agriculteurs font valoir de
nombreux arguments en faveur des biocarburants
222.
Le discours est résolument positif sur l’ensemble des deux filières. Si
le développement de la production de biocarburants a été au départ une
question de politique agricole, en particulier pour élargir les débouchés
des
oléagineux,
c’est
cependant
le
caractère
renouvelable
des
biocarburants et l’objectif de réduction des gaz à effet de serre qui sont
devenus déterminants et ont motivé la politique volontariste de l’Union
européenne et des gouvernements des Etats membres à partir de 2004. Les
envolées du prix du pétrole à l’époque ont aussi favorisé l’engagement des
gouvernements
dans
l’optique
d’une
diversification
du
«bouquet
énergétique» dans les transports.
223.
L’avantage fiscal subordonné à l’octroi d’agréments par l’Etat
français a pour objectif de développer la production française et non les
importations, pour rendre plus compétitifs les biocarburants et satisfaire
les
objectifs
d’incorporation.
De
même
que
le
gazole
s’est
progressivement substitué à l’essence grâce à une TIC inférieure,
l’avantage fiscal est aujourd’hui une condition nécessaire pour atteindre
l’objectif de substitution au pétrole pour les trois raisons de défense de
l’environnement, d’indépendance énergétique et de soutien au revenu
agricole. Les taux de défiscalisation devraient pouvoir être revus en
fonction du cours du pétrole et du prix des matières premières.
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COUR DES COMPTES
224.
Les biocarburants représentent de plus un débouché supplémentaire
pour les agriculteurs et peuvent avoir une influence favorable sur leurs
prix de vente. Ainsi, le développement du bioéthanol a été salutaire pour
les producteurs de betteraves, lorsque la réforme de l’organisation
commune du marché (OCM) sucre s’est traduite par la réduction drastique
des exportations de cette denrée vers les pays tiers. Le bioéthanol est aussi
salutaire pour l'Etat car, contrairement par exemple à l'orge, il permet
d'éviter les coûts d'intervention pour le blé.
225.
La première vertu de la contractualisation est de stabiliser la relation
commerciale des agriculteurs avec leur aval, d’apporter de la sécurité sur
la
durabilité
des
débouchés
de
la
production
comme
de
l’approvisionnement de l’industrie ou du commerce et de formaliser une
réciprocité des engagements entre l’agriculteur et son acheteur. Chacun
des maillons de la filière doit s’engager sur le long terme.
226.
Il n’en demeure pas moins que les données des marchés mondiaux
priment sur les autres déterminants du prix. On ne peut donc pas affirmer
qu’il y ait un lien direct entre les avantages fiscaux dont bénéficient les
biocarburants et les prix de marché des matières premières agricoles qui
entrent dans leur fabrication. Ainsi, malgré une baisse continue de la
défiscalisation depuis 2005, les prix des grains ont continué à être très
volatils. De même, au 1er semestre 2009, alors que la situation des
céréaliers était difficile, la production de biocarburants n’a pas diminué.
En tant que débouché supplémentaire sur un marché globalisé, il est donc
possible d’affirmer que les biocarburants ont un effet indirect positif sur
l’ensemble des exploitants spécialisés en grandes cultures.
227.
En termes de rémunération directe, l’impact est plus difficile à
mesurer dans la mesure où les politiques de prix sont différentes d’une
coopérative à l’autre. Il convient ainsi de relativiser l’actuelle amélioration
du revenu des exploitants dans certains secteurs de production. Selon la
commission des comptes de l’agriculture de décembre 2010, les résultats
prévisionnels donnaient un revenu moyen agricole français en fort
redressement en 2010 (+ 66 %), mais cette évolution annuelle masque
toutefois une poursuite de la tendance baissière des cinq dernières années
(-5 % par an), marquées par la volatilité des prix et l’instabilité des
revenus. Par ailleurs, cette évolution fait suite à deux années successives
de baisse (-23 % en 2008 et -30 % en 2009) et le revenu moyen reste
toujours inférieur de 11 % à son niveau de 2007. La situation encore plus
difficile des éleveurs n’est plus à démontrer, autant en élevage hors sol
que dans le secteur bovin.
228.
Second avantage, les biocarburants ont permis la progression des
surfaces cultivées en oléagineux, sans impact sur les autres cultures tout au
contraire, ni impact sur les exportations. Au moment de la mise en oeuvre
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
113
de la politique française, en 2004, il y avait tout d’abord des réserves de
terres arables importantes (1 Mha de terres gelées en 2004, hors « gel
industriel »). De plus, la substitution partielle aux céréales des coproduits
des biocarburants (tourteaux, drêches, pulpes), riches en protéines et en
énergie, et destinés à l’alimentation animale, libèrent des surfaces
agricoles pour d’autres productions. Il est ainsi avéré
109
que ces coproduits
prennent de plus en plus la place du blé et de ses propres coproduits dans
les formulations d’aliments composés pour animaux. Ainsi, entre 2006 et
2009, la part du tourteau de colza dans ces mélanges a augmenté de 30 %,
celle du tourteau de tournesol de 33 %, les coproduits issus de
l’éthanolerie ont été multipliés par un facteur 12.
229.
En 2009, le tourteau de soja importé ne représentait plus que 50 % de
la quantité totale des tourteaux utilisés par les fabricants d’aliments pour
les animaux, contre 66 % en 2003. En 2010, près de 3,5 Mt de tourteaux
de colza et de tournesol ont été produits en France : ce sont donc autant de
tourteaux de soja que la France n’aura pas à importer et qui resteront
disponibles sur les marchés mondiaux. Ces différents développements
permettent de dégager des superficies comprises entre 40 000 et
310 000 ha.
110
.
230.
Le développement des biocarburants n’a semble-t-il pas affecté les
capacités exportatrices de la France en matières premières agricoles à
destination alimentaire, ainsi qu’il ressort du tableau suivant :
Exportations françaises (1000 t)
Blé
tendre
Maïs
Céréales
Sucre
Colza
Tournesol
Oléagineux
2004
13 878
6 244
26 500
2 855
1 331
449
1 835
2005
14 668
7 412
29 330
2 902
1 181
614
1 862
2006
15 493
6 105
27 544
3 812
1 554
512
2 125
2007
13 095
4 829
24 641
3 363
1 343
430
1 816
2008
14 963
6 170
27 883
2 728
1 644
280
1 957
2009
15 536
6 762
28 769
2 674
1 238
340
1 628
2010
18 183
6 318
31 436
3 010
1 256
388
1 697
Source : Agreste
109
Agreste, mars 2011.
110
Selon une étude commandée au CEREOPA (Centre d'étude et de recherche sur
l'économie et l'organisation des productions animales).
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114
COUR DES COMPTES
231.
Troisième vertu des biocarburants d'après les producteurs, le maintien
de l’emploi. Il ressort des deux évaluations conduites par les experts du
cabinet PricewaterhouseCoopers
111
,
112
que la production de biocarburants
est plus génératrice d'emplois que celle des carburants fossiles. La
production de 1000 tonnes de biocarburants permet de créer ou de
maintenir environ 6 emplois directs et indirects sur notre territoire, contre
0,01 emploi pour 1000 tonnes d'essence. Beaucoup de ces emplois sont
ruraux, dans des territoires où le tissu industriel est en général faible. Cela
représenterait donc actuellement environ 18 000 emplois au total, liés à
une activité par définition impossible à délocaliser.
232.
S’agissant enfin des aspects environnementaux, les points suivants
sont à relever.
-
les cultures de colza et de tournesol sont introduites dans le
cadre de rotations culturales tous les trois ou quatre ans. Elles
favorisent donc la biodiversité, la fertilité du sol et la réduction
des intrants (engrais et produits phytosanitaires). Le colza est
d’ailleurs reconnu pour être un piège à nitrates pendant l’hiver.
A part ces cultures on ne constate pas de modifications notables
dans les assolements (voir plus haut les chiffres au niveau
national) ;
-
les cultures destinées à la production de biocarburants sont
soumises aux mêmes règles et sont engagées dans les mêmes
démarches de progrès, qu’elles soient destinées au débouché
alimentaire ou non. Ainsi, depuis 2003, au titre de la
conditionnalité des aides, les paiements directs sont subordonnés
au respect d’exigences environnementales telles que le maintien
des particularités topographiques ou des infrastructures agro-
écologiques, la diversité des assolements, la gestion des surfaces
en herbe, l’établissement des bandes tampons le long des cours
d’eau ;
-
les irrigants doivent respecter la réglementation concernant les
prélèvements : autorisation ou déclaration des prélèvements,
pose de compteurs. Si les cultures ne sont pas irriguées,
l’agriculteur est soumis à la taxe pour pollution diffuse (liée aux
produits phytosanitaires). Si un point de captage d’eau sur son
111
"Évaluation des externalités et effets induits économiques, sociaux et
environnementaux de la filière biodiesel en France", Version du 2 décembre 2003,
PricewaterhouseCoopers - Tour AJG - 34, place des Corolles - 92908 Paris La
Défense Cedex.
112
"Mise à jour de l’évaluation des externalités et effets induits économiques, sociaux
et environnementaux de la filière de production d’EMHV en France", Version finale
du 16 décembre 2008, PricewaterhouseCoopers.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
115
exploitation a été déclaré comme prioritaire soit par le Grenelle
de l’Environnement, soit par le SDAGE
113
, il peut être soumis à
d’autres restrictions proposées dans le cadre des plans d’action
en faveur de l’agriculture biologique, ou la réduction des
produits phytosanitaires ;
-
la consommation de fertilisants à l’hectare a baissé de 35 %
entre 2000 et 2008. Les agriculteurs optimisent toujours plus
leur gestion des intrants
114
. De même, les volumes de produits
phytosanitaires vendus ont baissé de 21 % entre 2001 et
2008
115
;
-
les retournements de prairies permanentes sont quasiment
interdits en France depuis l’an dernier. Par ailleurs, les filières
sont engagées dans une démarche de certification sur la
durabilité des biocarburants, permettant de s’assurer qu’ils ne
sont pas issus de cultures réalisées sur des surfaces à haute
valeur environnementale
(en application de la directive
communautaire 2009/28/CE).
B - Ces avantages incontestables n’en sont pas moins
menacés dans la mesure où le marché français (et
européen) des biocarburants n’est pas isolé
233.
Du côté du biodiesel, il y a d’abord la concurrence des esters de
graisses animales et d’huiles usagées importées, qui remplacent
directement les esters d’huiles végétales. De plus, après les importations
massives de B99 américain, désormais asséchés par les taxes antidumping
instaurées par Bruxelles, c’est au tour de l’Argentine et de l’Indonésie
d’expédier massivement leur biodiesel vers l’Europe (environ 2 Mt vers
l’Union européenne en 2010).
234.
Pour le bioéthanol, la concurrence brésilienne n’est pas moins
vigoureuse : des quantités croissantes sont importées par l’Union
européenne sous forme de mélange en quasi-franchise de droits de douane
et largement destinées au débouché carburant (E5, E10 et principalement
E85). Le Brésil a ainsi exporté 8,8 Mhl d’éthanol (0,675 Mt) vers l’Union
européenne en 2009, toutes utilisations confondues, soit plus de la moitié
des importations européennes de ce produit.
235.
Il est donc nécessaire d’insister sur le fait que tous les efforts réalisés
depuis sept ans risquent d’être vains sans une protection aux frontières
113
Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux.
114
Source : Unifa.
115
Source : Uipp.
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116
COUR DES COMPTES
suffisamment efficace pour prémunir l’Union européenne des importations
massives, en particulier en provenance du Brésil. Ce volet devra faire
l’objet d’une attention particulière dans les négociations à l’OMC ou dans
le cadre de celles menées notamment avec le Mercosur.
236.
En conclusion, pour atteindre 7 % d’incorporation en pouvoir
calorifique inférieur, les surfaces mobilisées seront les suivantes :
1,45 Mha d’oléagineux, 230 000 ha de céréales et 40 000 ha de betteraves,
soit moins de 6 % de la SAU française. Les effets pervers du
développement des biocarburants constatés dans d’autres régions du
monde (USA, Brésil, Malaisie, Indonésie notamment) n’auront pas lieu en
France. Par exemple, les objectifs français d’utilisation des biocarburants
ne nécessitent pas de terres supplémentaires gagnées sur la forêt ou sur des
prairies.
237.
D'après les producteurs, il n’existe donc pas en Europe et en France de
conflit entre la production de cultures à usage alimentaire et celles
destinées à la production de biocarburants. La vocation exportatrice de
céréales de la France est même intégralement préservée avec l’objectif de
2010. Il existe même, en France, un réservoir de terres avec la possibilité
de remettre en culture une partie de la jachère soit 400 000 ha.
C - La Confédération paysanne a, en revanche, un point
de vue très critique
238.
Celle-ci
développe
deux
types
d'arguments
négatifs
sur
les
biocarburants, l'un plus technique qui s'applique sur le sol national, l'autre
dans le cadre d’une vision mondialisée qui sera incluse dans la
présentation du point de vue des organisations non gouvernementales de
défense de l’environnement.
239.
Tout d’abord, les objectifs fixés ne correspondent pas à de réels
besoins, mais à des variations dans des priorités de court terme. Ainsi, il y
a 30 ans, les biocarburants
116
étaient présentés comme des additifs pouvant
résoudre la question du plomb dans l'essence et du soufre dans le gazole et
l'essence (cas du MTBE remplaçant le plomb comme anti-cognement). Ils
constituaient donc bien un objectif environnemental qui figurait au
premier rang des priorités initiales. Ensuite, l’idée a été de substituer les
biocarburants à l'énergie fossile devenue rare en utilisant, à cette fin, soit
les
produits
de
substitution
des
céréales
(oléagineux)
qui
sont
renouvelables, soit directement les céréales pour produire de l'éthanol
lorsque leur prix a été particulièrement bas, comme au milieu des années
116
La Confédération paysanne préfère l’appellation agrocarburants à celle de
biocarburants. Cette dernière prévaut cependant.
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117
2000. Avec le retour au premier plan des préoccupations climatiques
(paquet
énergie
climat
de
l’Union
européenne,
Grenelle
de
l’environnement, sommet de Copenhague en 2009), l'objectif de réduire
les gaz à effet de serre (GES) est devenu à nouveau prioritaire et a fourni
de nouvelles justifications à la production de biocarburants. Le lobby
agricole s'est emparé de cet objectif avec le colza, la betterave et le blé. Au
début en effet, le colza n'était pas du tout rémunérateur et les productions
du colza fourrager et du colza destiné à produire du biodiesel étaient
même séparées pour éviter le trafic de l'une à l'autre. À la fin du cycle de
l'Uruguay en 1993, la partie agricole de la négociation se termina entre
autres parce que la Communauté économique européenne et les États-Unis
se mirent d'accord sur un compromis qui prévoyait une certaine autonomie
pour l'Europe dans le domaine des protéagineux (produits de substitution
des céréales) destinés à l’alimentation des animaux à l’intérieur d’une
limite fixée à 3 750 000 ha et sous réserve que les mécanismes de soutien
aux céréales et aux produits de substitution aux céréales (PSC) soient
harmonisés.
240.
De ce point de vue, le développement des cultures de colza, en France
notamment, fut un moyen de contourner ce compromis puisque le
développement de la production de tourteaux de colza a permis de réduire
l’importation de tourteaux de soja en provenance des États-Unis. Le
problème est cependant que ces tourteaux de colza ont certes des qualités
par rapport à ceux auxquels ils se substituent, en ce sens qu'ils n'ont pas
besoin d'azote pour être cultivés et qu'ils contiennent des acides aminés,
mais en même temps, ils ne sont pas très bons pour les animaux puisqu'ils
contiennent des graisses qui sont préjudiciables à leur santé.
241.
En France, 15 % de la surface agricole plantée en graines est
transformé en biocarburant (1,5 million d'hectares sur 10 millions
d'hectares de surface agricole consacrée aux graines). Or le colza est une
plante plutôt fragile du fait de la longueur de son cycle végétatif (11 mois)
et qui nécessite par ailleurs beaucoup d'intrants, notamment des pesticides.
Sa culture est donc contradictoire avec l'objectif fixé par le Grenelle de
l'environnement de réduire de 50
% l'usage des pesticides en agriculture.
Ce fait n'est qu’une illustration des impasses techniques de plus en plus
nombreuses dans lesquelles est engagée cette culture. Ainsi, des insectes
sont devenus résistants à tous les insecticides, sans compter qu'il faut de
plus en plus d'azote pour produire une même quantité de colza.
242.
Or, à ce jour, le colza reste la plante la plus intéressante à produire en
France pour être transformé en biodiesel. S’il n'y a pas d'objection à ce
que les biocarburants constituent un débouché complémentaire à la
production de produits de substitution aux céréales (PSC)
pour nourrir le
bétail, il n’y a en revanche aucune justification à le faire dans les
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COUR DES COMPTES
proportions auxquelles on est arrivé. Ce qu'il faut à notre pays, ce sont des
plantes riches en protéines, tout en ayant l'avantage de ne pas être riche en
graisses. Or, à l’heure actuelle, avec la politique suivie, on fait manger
littéralement de la graisse au bétail.
243.
Le bilan environnemental des biocarburants est fort loin d’être à la
hauteur des espoirs placés en eux. Si l'on intègre (ainsi qu’il a été fait dans
les
dernières
études
d'impact
environnemental)
le
changement
d'affectation des sols indirects (CASI), on obtient pour l’EMHV des
émissions
de gaz à effet de serre qui sont doubles de celle du gazole. De
plus, pour la Confédération paysanne, aujourd'hui, la betterave ne présente
plus d'intérêt pour la production d'éthanol, car le prix du sucre est
supérieur à 600 $ la tonne, du fait notamment de la raréfaction de cannes
provoquée par la production d'éthanol au Brésil. De sorte qu'aujourd'hui,
les usines de transformation de betterave en France ne feraient plus que du
sucre et pratiquement plus d'éthanol. Malgré cela, la limite fixée par la
directive européenne sur le caractère renouvelable des biocarburants
(35
%) ne passe pas.
244.
Que la production des biocarburants constitue une soupape de sécurité
en cas de surproduction de grains, est admissible. Le problème est
qu'aujourd'hui
l'incorporation
« obligatoire »
rend
tout
le
monde
dépendant des biocarburants. Toute la production française de colza passe
en biodiesel, mais tout le biodiesel n'est pas fait à partir de colza
puisqu'une partie est faite à partir d'importations d'huile de palme
notamment.
________
CONCLUSION – EXPLOITANTS AGRICOLES
_______
Les fédérations d'agriculteurs ont un discours plutôt positif sur
l'ensemble des deux filières. Si le développement de la production a été, au
départ, une question de politique agricole, notamment pour utiliser les
jachères rendues obligatoires dans le cadre de la première réforme de la
politique agricole commune (PAC), ce sont aujourd'hui le caractère
renouvelable des biocarburants et la réduction des émissions de gaz à
effet de serre qui sont devenus les objectifs déterminants.
Les effets favorables des biocarburants peuvent être résumés de la
façon suivante :
ils constituent un débouché supplémentaire pour les agriculteurs,
ce qui ne peut avoir qu'une influence favorable sur les prix de vente et,
partant, sur le revenu, d'autant que l'approvisionnement des unités de
production est fondé sur une contractualisation sur plusieurs mois, voire
plusieurs années, qui permet de stabiliser les relations commerciales des
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119
agriculteurs avec leur aval. Il n'en demeure pas moins que les données des
marchés mondiaux priment sur les autres déterminants du prix, de sorte
qu'il est difficile d'affirmer qu'il y ait un lien direct entre les avantages
fiscaux dont bénéficient les biocarburants et les prix de marché des
matières premières qui entrent dans leur fabrication ;
ils ont permis la progression des surfaces cultivées en oléagineux
sans impact sur les autres cultures ni sur les exportations : les coproduits
des biocarburants prennent ainsi de plus en plus la place du blé dans les
formulations d'aliments composés pour animaux. Ainsi en 2009, le
tourteau de soja importé ne représentait plus que 50 % de la quantité
totale des tourteaux utilisés pour la fabrication d'aliments du bétail,
contre 66 % en 2003 ;
ils ont contribué à la création ou au maintien de 18 000 emplois
environ liés à une activité par définition impossible à délocaliser ;
S'agissant enfin des aspects environnementaux plusieurs points sont
à relever :
la culture du colza et du tournesol favorise la biodiversité, la
fertilité du sol et la réduction des intrants (engrais et produits
phytosanitaires) ;
la consommation de fertilisants a baissé de 35 % entre 2000 et
2008.
Ces avantages n'en sont pas moins menacés, du fait des nouvelles
concurrences. Les efforts réalisés depuis sept ans risquent d’être réduits à
néant sans une protection aux frontières suffisamment efficace.
Enfin, il n'existe pas en Europe ni en France de conflit entre la
production des cultures à usage alimentaire et celles destinées à la
production de biocarburants. La vocation exportatrice de céréales de la
France
demeure
même
intégralement
préservée
avec
l'objectif
d'incorporation de 2010. Il y a même un réservoir de terres de 400 000 ha
avec la possibilité de remettre en culture une partie de la jachère.
Ce point de vue optimiste n'est cependant pas du tout partagé par
la Confédération paysanne, qui exprime une opinion extrêmement
critique :
tout d'abord, les objectifs fixés ne correspondent pas à de réels
besoins, mais à des variations dans les modes du moment. Avec le retour
au premier plan des préoccupations environnementales, le lobby agricole
s'est emparé des objectifs correspondants à ces préoccupations. Si le
développement de la culture du colza a permis de contourner les
contraintes qui pesaient sur la production d'oléagineux à la suite de la
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120
COUR DES COMPTES
réforme de la politique agricole commune en 1992, le problème est que les
tourteaux de colza coproduits sont préjudiciables aux animaux. Par
ailleurs, le colza est une plante fragile restant longtemps en terre, ce qui
requiert beaucoup d'intrants, notamment de pesticides, et ce qui est
contradictoire avec les objectifs fixés, entre autres par le Grenelle de
l'environnement, de réduire de 50 % l'usage des pesticides en agriculture ;
le bilan environnemental des biocarburants est, quant à lui, fort
loin d'être à la hauteur des espoirs placés en eux. Si l'on intègre en effet le
changement d'affectation des sols, direct ou indirect, on obtient pour le
biodiesel des émissions
de
gaz à effet de serre qui sont doubles de celles
du gazole fossile. Que la production de biocarburants constitue une
soupape de sécurité en cas de surproduction de grains, ce pourrait être à
la
rigueur
admissible.
Le
problème
est
qu'aujourd'hui,
avec
l'incorporation obligatoire, on rend tout le monde dépendant des
biocarburants : presque toute la production française de colza passe en
biodiesel, mais tout le biodiesel n'est pas fait à partir de colza, puisqu'une
partie de plus en plus importante est faite à partir d'importations d'huile
de palme dont la production a des effets désastreux sur l'équilibre
écologique des pays producteurs.
VI
-
Associations de consommateurs
245.
Les associations de consommateurs n'ont pas été interrogées
directement. Toutefois, en France, à l’exception d’un article
117
d’ « UFC
Que Choisir » datant de 2007, il n'existe pratiquement aucune étude
approfondie sur les biocarburants réalisée par des représentants des
consommateurs, qui semblent d’ailleurs avoir peu conscience des enjeux.
246.
Dans le document précité, la fiscalité des biocarburants est présentée
comme très défavorable au consommateur pour les trois raisons suivantes :
-
l'État accorde une manne financière à la filière biocarburants
et au consommateur par la réduction de TIC ;
-
mais il comble ce manque à gagner par une forte taxation de
la consommation à travers la TGAP, bien que cette dernière
ait
une
finalité
écologique.
Collectivement,
les
consommateurs payent environ 2 Md€/an, soit près de deux
fois plus que la défiscalisation accordée sur l'achat de
biocarburant ;
117
lubrifiant/etude-biocarburants-l-analyse-detaillee-de-l-ufc-que-choisir
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
121
-
au final, la filière de production des biocarburants bénéficie
d’une rente, l'Etat fait une opération à peu près neutre, et le
consommateur est fortement ponctionné.
247.
Ce bilan critique reprenait en partie l’analyse du rapport 2005 de
l'IGF
3
qui mettait déjà en évidence les rentes monopolistiques résultant de
la défiscalisation : cette dernière aurait été en bonne partie captée par une
augmentation de la marge du producteur et n’aurait donc que peu profité
au consommateur. Ce dernier se voyait de surcroît appliquer une nouvelle
taxe sur le carburant, la TGAP. Au final, le prélèvement sur le
consommateur pouvait dépasser 1 Md€/an à l'horizon 2010.
248.
Au-delà des différences dans les montants, « UFC Que choisir »
dénonçait
le
risque
« d’un
hold-up
sur
le
portefeuille
des
consommateurs » : « S'il se révélait que le poids de la TGAP était
répercuté sur le consommateur par les redevables, sans que celui-ci ne
bénéficie des déductions d'impôt imputables à l'incorporation de
biocarburants, on perçoit l'ampleur de la niche fiscale ainsi créée en faveur
du développement des biocarburants et les questions que pourrait soulever
le cumul des deux dispositifs pour le contribuable/consommateur dans un
contexte où le prix du pétrole augmente fortement ». En conclusion,
l'association préconise de diviser par deux aussi bien la TGAP que la
réduction de TIC.
249.
Elle reconnaît par ailleurs que les divergences entre scientifiques sur
les bénéfices/avantages des biocarburants posent un sérieux problème. De
ce point de vue, rejoignant les thèses des pétroliers à l’époque, notamment
Total, elle demandait "de moduler la défiscalisation de la TIPP en faveur
du biodiesel et à la défaveur de l'éthanol à base de céréales".
250.
Contrairement à la majorité des agriculteurs qui plaidaient pour le
maintien des deux filières, l'association de consommateurs regrettait qu'il
ne fût toujours pas envisagé d'importer de l'éthanol de canne à sucre,
principalement du Brésil, "qui offre pourtant un bon rendement
environnemental et qui permettrait de nettement diminuer le prix payé par
le consommateur". Le consommateur français pourrait donc bénéficier
d'un biocarburant à un prix raisonnable sans mobiliser de coûteuses
mesures fiscales
251.
La revue notait enfin la nécessité d'une certaine "responsabilité
environnementale", mais, n'ayant pas la capacité d'évaluer pleinement cet
aspect, demandait qu'un bilan écologique complet soit réalisé sur la
production de biocarburant à base de canne à sucre. Ce bilan conditionnait
l'acceptation d'un approvisionnement français. En attendant, la revue
concluait ainsi : "Pour une association de consommateurs, il est difficile
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122
COUR DES COMPTES
d'éluder ce constat : nous gagnerions en pouvoir d'achat en nous
approvisionnant à partir de l'éthanol brésilien".
__
CONCLUSION – ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS
_
En dehors d’un article de la revue « UFC-Que choisir ? » datant de
2007, les associations de consommateurs n’ont guère publié d’étude
approfondie sur le sujet. Dans le document précité, il était jugé que la
fiscalité des biocarburants profitait essentiellement aux producteurs. Dans
ces conditions, l'importation d'éthanol, notamment à partir du Brésil,
permettrait
de
faire
bénéficier
le
consommateur
français
d'un
biocarburant à un prix raisonnable sans mobiliser de coûteuses
ressources fiscales. L'analyse des coûts/avantage des biocarburants posait
en outre de sérieux problèmes, notamment du point de vue du bilan
environnemental.
VII
-
Défenseurs de l’environnement
A - Une position qui a évolué en quelques années du fait
de l’apparition de plusieurs questions controversées qui
restent sans réponse claire
252.
Si, au début, les biocarburants ont été soutenus par une partie des
associations de la sensibilité écologiste, un nombre croissant d'entre elles,
désormais largement majoritaire, est réservé, sinon hostile, aux « agro-
carburants » de première génération
118
, terminologie que ces associations
préfèrent. Les raisons en sont explicitées ci-après et recouvrent les
préoccupations des scientifiques : changements d'affectation des sols
(directs et indirects), déforestation, bilan faussé pour le bilan carbone et
pour les analyses de cycle de vie, concurrence avec l’alimentation
humaine, atteinte à la biodiversité, exploitation des pays pauvres.
253.
Pour les scientifiques, la prise de conscience des effets négatifs des
biocarburants date d'un article paru en 2008 dans la revue
Science
119
sur la
nécessité de prendre en compte et quantifier les changements indirects
118
On peut se référer aux réponses des associations constituées à l'enquête publique
d'octobre
2010
de
la
Commission
européenne
sur
les
CASI
(
en.htm
).
119
T. Searchinger al al, "Use of U.S. Croplands for Biofuels Increases Greenhouse
Gases Through Emissions from Land-Use Change",
Science
, vol. 319, p.1238 (2008)
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
123
d'affectation des sols (CASI
120
). Les auteurs mettaient en avant, exemples
à l'appui, que les CASI rendaient caducs les résultats des analyses de cycle
de vie (ACV) antérieures, car ils ne prenaient pas en compte, par exemple,
le défrichage des forêts ainsi induits.
254.
Mais c'est la forte augmentation des prix des matières premières
agricoles à cette même période qui a réellement lancé sur la place publique
le débat "nourriture contre biocarburants"
255.
La suite de ce chapitre ne prétend pas à l’exhaustivité sur ce sujet,
mais la place limitée qui lui est consacrée n’est pas l’expression d’une
quelconque négligence. Tout au contraire, une politique publique ne peut
s'affranchir dans ses études d'impacts, ni des considérations d'équité
sociale et intergénérationnelle, ni des préoccupations tenant à la défense
de l’environnement, ni des critères éthiques, même si la plupart des
questions ainsi posées ne concernent pas directement le territoire national.
Par ailleurs, les critiques sont elles-mêmes contestées au sein d’un débat
qui n'est pas prêt de s'éteindre.
256.
Les positions rapportées ci-dessous résultent pour la plupart de
documents publics, sauf celles de la Confédération paysanne qui ont été
recueillies directement auprès d’elle.
B - Le changement d'affectation des sols (CAS) : les
calculs des bénéfices environnementaux attribués aux
biocarburants sont-ils faussés ?
257.
"
Les biocarburants sont aujourd’hui les principales solutions pour
réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports"
121
. Cette
prise de position du ministre français en charge de l'agriculture correspond
à celle des premières évaluations environnementales (ADEME-DIREM
2002) qui annonçaient des réductions d'émissions situées entre 60 % et
80 % par rapport à leurs équivalents fossiles sur l'ensemble du cycle de vie
(du puits à la roue). Ces estimations ont ensuite été revues à la baisse : des
études plus récentes annoncent des réductions majoritairement situées
entre 30 et 60 % (FAO, 2008), (OCDE, 2008), (IRC, 2007). Les résultats
publiés récemment par l'ADEME
122
en avril 2010 confirment ces ordres
120
En anglais, le terme utilisé est ILUC, pour "indirect land-use change".
121
Déclaration de Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture et de la pêche, lors de
l’inauguration, le 8 avril 2010, d’une ligne de biodiesel de Grand-Couronne,
energetique-positif
.
122
Analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération
consommés en France - ADEME – 02- 2010.
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124
COUR DES COMPTES
de grandeur mais risquent cependant d'évoluer encore par la prise en
compte de nouveaux paramètres.
258.
Le "Government Accountability Office" (GAO) des Etats-Unis, dans
son rapport d'août 2009
123
, émettait ainsi les plus grands doutes sur le
calcul des effets indirects sur le cycle de vie du fait des incertitudes sur la
destination des sols nécessaires pour la nourriture afin de compenser ceux
nécessaires aux biocarburants.
259.
Un des problèmes les plus conflictuels qui soit apparu, d'abord sur
l'évaluation du bioéthanol américain à base de maïs, a été celui du
changement d'affectation des sols indirect. Le changement d’affectation
des sols est par définition direct lorsque des terres non cultivées sont
affectées à des cultures énergétiques. Cette conversion peut entraîner une
modification sensible des stocks de carbone selon la catégorie de
l’affectation antérieure (forêt, marais, etc.). Elle peut être positive si on
augmente les puits de carbone dans l'opération. Toujours est-il que pour
les scientifiques, l’étude ADEME 2010
124
a montré la forte sensibilité des
résultats de l’ACV à la prise en compte des variations de stocks de
carbone lors des changements d’affectation des sols.
260.
Le changement d’affectation des sols indirect (CASI) correspond à
une situation où la conversion de cultures alimentaires classiques en
cultures énergétiques n’entraîne pas la libération de quantités importantes
de CO
2
. En revanche, la moindre production de cultures alimentaires peut
entraîner la conversion d’une quantité équivalente de terres non agricoles
en cultures alimentaires, dans une autre région du monde, afin de
conserver la même production mondiale de denrées alimentaires. Un tel
processus, quand il est associé à la destruction de réserves de carbone
stockées dans les prairies, forêts, tourbières ou terrains marécageux,
provoque la libération d'émissions substantielles de gaz à effet de serre.
261.
Le débat scientifique a été lancé avec la publication
119
de la revue
Science
en 2008, selon laquelle les émissions liées à la conversion des
terres seraient en moyenne de 350 tonnes de CO
2
par hectare converti. Ils
définissent alors ce qu’ils appellent le temps d’annulation de la "dette
carbone", c’est-à-dire le nombre d’années nécessaire pour que les
émissions évitées par la production de biocarburant compensent le
déstockage initial. Ce dernier s’élèverait à 167 ans pour l’éthanol de maïs
123
GAO-09-446 report to Congressional Requesters, "BIOFUELS, Potential Effects
and Challenges of Required Increases in Production and Use", August 2009.
124
et des calculs dans l'étude associée de BIO IS qui n'auraient pas été contestés au
comité technique de l'ACV.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
125
américain. Selon un autre article
125
de la même revue, la conversion d’un
hectare de forêt tropicale humide malaisienne ou indonésienne en
plantation de palmiers à huile destinée à produire du biodiesel entraîne la
libération de 600 tonnes de CO
2
. Le temps d’annulation de la « dette
carbone » est estimé à 86 ans. Le calcul de ces émissions et leur
affectation totale ou partielle ou de changement d’affectation des sols
indirect sont extrêmement difficiles et, en fait, encore très incertains du
point de vue méthodologique. C'est pourquoi on trouve autant de
disparités dans la littérature scientifique, tel le bioéthanol à base de grain
produisant, pour une étude, plus d'émissions de gaz à effet de serre que les
combustibles fossiles, alors que, pour une autre étude, les résultats sont
bien plus favorables. En conclusion, les changements d’affectation des
sols indirects sont reconnus comme un problème réel et sérieux mais leur
quantification est très débattue et n'a pas trouvé encore de solutions qui
fassent consensus.
262.
De ces estimations très divergentes à l'échelle internationale
126, 127
, il
ressort que seule la production d'éthanol de canne à sucre brésilien
présenterait un bilan environnemental positif avec environ 80 %
d'émissions évitées (FAO, OCDE, 2008), mais toujours sous réserve
qu'elle n'engendre pas de changement d'affectation des terres. L'Union
européenne est, de ce fait, sous pression de certains de ses Etats membres,
dont
le
Royaume
Uni128
et
des
associations
de
défense
de
l’environnement 129, pour revoir sa politique en la matière.
125
J. Fargione, "
Land Clearing and the Biofuel Carbon Debt
",
Science
319, 1235
(2008).
126
Cf. "
Anticipated Indirect Land Use Change Associated with Expanded Use of
Biofuels and Bioliquids in the EU – An Analysis of the National Renewable Energy
Action Plans" November 2010, Catherine Bowyer
".
127
Etude du JRC de l'UE : "
Indirect Land Use Change from increased biofuels
demand, Comparison of models and results for marginal biofuels production from
different
feedstocks
",
Robert
Edwards,
Declan
Mulligan
and
Luisa
Marelli.( Publications Office of the European Union, 2010).
128
The Independant, "
Biofuel plan will cause rise in carbone mission
", 10 November
2010.
129
L'action la plus récente est celle de Greenpeace qui a publié en juillet 2011 un
rapport (en anglais) : "
Biodiesel tested: How Europe’s biofuels policy threatens the
climate
" et deux communiqués de presse, le 19 juillet 2011 : "
Tests find rainforest-
destroying biofuels common at filling stations - EU rules to blame
" et le 20 juillet
2011 : "Des agrocarburants français qui émettent plus de gaz à effet de serre que les
fossiles".
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126
COUR DES COMPTES
C - CAS indirects : la Commission européenne sous
pression pour changer ses orientations
263.
Le centre commun de recherche de la Commission européenne
130
a
pris en charge l'étude
127
sur le sujet. Ses résultats, dont la publication a été
accélérée par des plaintes d'organisations écologistes sur la non-
transparence des documents européens, ont conduit le 22 décembre 2010 à
la publication du communiqué suivant [extraits] :
-
"Le rapport admet que les changements indirects dans
l'affectation des sols peuvent atténuer les réductions d'émissions
de gaz à effet de serre associées aux biocarburants, mais il fait
également
état
de
diverses
insuffisances
et
incertitudes
associées aux modèles disponibles. Le rapport annonce que la
Commission réalisera une analyse d'impact prenant en
considération les modifications potentielles de la législation en
vigueur. Le cas échéant, la Commission recommandera
d'aborder cette question selon une approche de précaution. En
outre, la Commission continuera de mener des travaux dans ce
domaine afin de garantir que les choix politiques se fondent sur
les meilleures données scientifiques disponibles et aussi afin de
s'acquitter de ses obligations en matière de rapports sur cette
question
. […] ;
-
La Commission va maintenant se concentrer sur l'analyse
approfondie d'une sélection d'approches envisageables pour
aborder cette question, analyse qui sera présentée au plus tard
en juillet 2011. Elle sera le cas échéant accompagnée d'une
proposition législative concernant la modification des directives
sur les énergies renouvelables et sur la qualité des carburants
."
264.
A ce jour, la Commission n'a pas encore publié ses propres
conclusions à partir des quatre rapports qu'elle a commandités et qui sont
en tout ou partie publics
131
. Les réponses aux questions posées peuvent
néanmoins se résumer ainsi
132, 133
:
130
Plus connu sous ses initiales JRC en anglais.
131
. Y
figure entre autres, l'étude (non reviewée) conduite pat l'IFPI (International Food
Policy Institut) pour la direction générale Commerce de la Commission européenne
reviewée la publication : "Global Trade and Environmental Impact Study of the EU
Biofuels Mandate", Perrihan Al-Riffai (IFPRI), Betina Dimaranan (IFPRI) , David
Laborde (IFPRI). March 20110.
132
.
133
.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
127
-
Le CAS indirect constitue-t-il un effet significatif ?
265.
Séminaire de la Commission en Italie : "les experts s'accordent
unanimement sur le fait que, même lorsque les incertitudes restent élevées,
il y a de fortes présomptions que l'effet de changement indirect
d'affectation des sols est significatif."
266.
L'étude de (IFPRI): "Ce rapport confirme que les émissions liées aux
CAS induits par les politiques sur les biocarburants soulèvent de sérieuses
inquiétudes. De l'ordre de la moitié du gain attendu de l'utilisation des
biocarburants, par rapport à l'utilisation des combustibles fossiles, est
annulée".
-
Peut-on classer l'impact de différents biocarburants
?
267.
L'étude de (IFPRI) : "La matière première impacte moins l'utilisation
des sols que celle pour le biodiesel. La betterave sucrière a le plus bas taux
d'occupation, la canne le plus élevé.".
268.
"Parmi les huiles végétales, le tournesol apparaît comme meilleur du
point du CAS, par rapport en particulier au de soja qui a le plus haut taux
d'émission."
269.
"Avec les technologies existantes, seul l'éthanol assure un gain net.
Mais, ce n'est qu'avec l'aide des technologies les plus efficaces que le
sucre et la betterave sucrière atteignent 50 pour cent de coefficient de gain
par rapport au combustible fossile sur d'une période de 20 ans."
270.
En dépit de toutes les incertitudes, nos conclusions confirment la
hiérarchie entre éthanol et biodiesel du point de vue du changement
d'utilisation des sols. Donc, la promotion d'une plus grande part d'éthanol
que ce qui est projeté actuellement en Europe aurait du sens".
271.
Les chiffres obtenus en interne par la Commission pour les émissions
de CO
2
compte tenu du CAS indirect seraient les suivants, en g de CO
2
par
MJ d'énergie, la référence étant de 83,2g pour le carburant fossile
134
:
Palme
Soja
Colza
Tournesol
Blé
Maïs
Betterave
Canne
Cellulose
105
103
95
86
47-
64
43
34
36
9
134
L'ADEME donne un chiffre de 87,6 g de CO
2
/MJ pour le supercarburant (SP95) et
de 85,9g pour le gazole (Guide des facteurs d'émission, version 5.0, Janvier 2007).
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128
COUR DES COMPTES
-
De combien l'effet de la CAS est-il atténué en tenant
compte
des coproduits ?
272.
Les producteurs avancent l'argument que les coproduits impliquent
une diminution ailleurs du besoin de sols supplémentaires.
273.
Séminaire de la Commission en Italie : « les modèles ... ont montré
que les coproduits de la production d'éthanol permettent d'économiser au
total de 30 % à 35 % de récolte supplémentaire et pour le biodiesel de 55 à
61 %. C'est un effet significatif...
».
-
Les biocarburants affament-t-ils l'humanité la plus
pauvre
?
274.
Séminaire de la Commission en Italie : " La réduction de la
consommation de nourriture est une dramatique réponse du marché à
l'augmentation de la production de biocarburants. Tout déclin de
consommation a un impact sévère sur les ménages déjà sous-alimentés".
275.
L'étude de (IFPRI) : " L'analyse montre une augmentation dans le
prix des récoltes pour les biocarburants, surtout les oléagineux en raison
de la forte composante du biodiesel".
-
Comment les exploitants agricoles répondront-ils à la
pression
montante sur les sols ?
276.
Séminaire de la Commission en Italie : " Afin de satisfaire la demande
sans occuper plus de surface, il sera nécessaire entre maintenant et 2020
de doubler le taux d'accroissement des rendements des céréales et encore
plus pour les autres matières premières.".
277.
L'évaluation de la Commission : "Les études récentes suggèrent que
les forêts tropicales ont été la source primaire des nouvelles terres
agricoles au cours des années 80 - 90".
278.
L'étude de (IFPRI) : "Les pâturages et les forêts exploités représentent
les deux sources importantes d'extension des surfaces agricoles, suivie par
la savane et les pâturages et la forêt finalement primaire."
D - Remplir son réservoir ou nourrir l'humanité ? Sujet
de vives polémiques
279.
Même si, a priori, la compétition n'existe pas sur le sol français entre
biocarburants et nourriture, le développement des biocarburants doit être
considéré dans une perspective de sensibilisation mondiale. De ce point de
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
129
vue, un rapport des Nations Unies
135
d'octobre 2010 soulignait la
compétition entre "agro aliments" et "agro carburants" au détriment de
millions de petits paysans. Il faisait référence à un inventaire récent dressé
par la Banque Mondiale de 389 acquisitions de grande envergure et
locations de terres à long terme dans 80 pays. Il montrait que si 37
% des
projets d’investissement étaient destinés à la production de denrées
alimentaires (cultures et élevage), les biocarburants de première
génération représentaient 35
% de ces projets.
280.
Une autre question est de savoir si la compétition entre nourriture et
biocarburants de manière directe ou indirecte affecte les prix des marchés
mondiaux des matières premières alimentaire. La Confédération paysanne
présente
136
ainsi la réponse : à l'échelle mondiale, la production de graines
est de l'ordre de 2,2 Mdt. De 180 à 200 Mt environ (soit l'équivalent des
quantités faisant l'objet d'échanges internationaux) sont transformés en
biocarburants. Cette proportion peut paraître faible, mais il n’en est rien,
dans la mesure où de petites variations quantitatives peuvent avoir de très
fortes répercussions sur les prix dont la volatilité peut être illustrée par les
exemples suivants concernant le blé. Au plan mondial, si 2,5 % de blé
manquent par rapport à la demande, le prix double. En avril 2010, avant la
campagne, on prévoyait un prix de 95 $ la tonne. Il est à 250 $, soit 2,5
fois plus pour un manque de 50 Mt sur 650 Mt de production mondiale,
soit 7,7 % en moins. En France, 1,5 Mt de blé en moins sur une production
totale de 34 Mt (soit moins de 5 %) multiplient le prix par 2. Si les 180 à
200 Mt évoqués ci-dessus revenaient sur le marché de l'alimentation
humaine et animale, le prix de la tonne de blé (comme celui de celle de
maïs) redescendrait à 180 $ la tonne environ. Le problème est que ce qui
serait bon pour le genre humain serait catastrophique pour les céréaliers.
E - Conclusion politique sur les controverses : le G20
agricole de juin 2011 avance des recommandations
prudentes
281.
A la suite des fortes hausses des prix des denrées agricoles de 2008, le
G20 a commandé à plusieurs organisations internationales
137
un rapport
135
Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, version originale en
français du document distribué à la soixante-cinquième session de l'Assemblée
générale, le 11 août 2010.
136
Communication orale.
137
FAO, OCDE, FMI, Banque Mondiale.
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130
COUR DES COMPTES
sur les causes de la volatilité des prix agricoles qui
138
a été examiné lors
de la réunion du G20 agricole en juin 2011 à Paris. La demande de
biocarburants y est reconnue comme un des facteurs de hausse parmi
d’autres du fait que ceux-ci utilisent 20 % de la production de canne à
sucre, 9 % de celles de céréales et de graines oléagineuses et 4 % des
betteraves
sucrières.
Une
recommandation
est
spécifique
aux
biocarburants : elle préconise la suppression des politiques de subvention
ou d'obligation d'incorporation, l'ouverture des marchés internationaux de
telle sorte que les carburants renouvelables et leurs matières premières
puissent être produits là où ils sont viables du point de vue économique
environnemental et social, et qu'ils soient échangés plus librement. Il est
aussi suggéré d'accélérer les recherches sur les voies alternatives et
l'encouragement à une utilisation plus efficiente de l'énergie en
agriculture.
282.
Le plan d'actions concluant la réunion du G20 n'a pris aucune mesure
drastique envers les biocarburants. Il y est simplement reconnu
"la nécessité d’analyser plus avant l'ensemble des facteurs qui influencent
les relations entre la production de biocarburants et (i) la disponibilité
alimentaire, (ii) la réponse de l’agriculture à l’augmentation des prix et à
la volatilité, (iii) la durabilité de la production agricole, et d'approfondir
l'analyse des réponses possibles en terme de politiques publiques". Le plan
soutient aussi la gamme d'indicateurs de durabilité pour les bioénergies du
Partenariat mondial sur les bioénergies (GBEP)
139
.
___
CONCLUSION – DEFENSEURS DE L’ENVIRONNEMENT
_
À leur début, les biocarburants ont plutôt été soutenus par une
partie des associations écologistes. Cette position est devenue aujourd'hui
réservée sinon hostile pour des raisons qui recoupent d'ailleurs les
préoccupations des scientifiques : changements d'affectation des sols,
déforestation, atteintes à la biodiversité, concurrence avec l'alimentation
humaine et exploitation des pays pauvres.
La question du changement d'affectation des sols (CAS) est l'une
des plus controversées. Ce changement est direct lorsque des terres non
cultivées sont affectées à des cultures énergétiques. Pour les scientifiques,
il existe une forte sensibilité des résultats des analyses de cycle de vie à la
138
"
Price Volatility in Food and Agricultural Markets: Policy Responses Policy
Report including contributions by FAO, IFAD, IMF,OECD, UNCTAD, WFP, the
World Bank, the WTO, IFPRI and the UN HLTF
", 3 May 2011.
139
"
RSB Principles & Criteria for Sustainable Biofuel Production
" RSB-STD-01-001
(Version 2.0) RSB Principles and Criteria 05/11/2010.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
131
prise en compte des variations de stocks de carbone lors des changements
d'affectation des sols.
Le CAS indirect correspond à une situation où la conversion de
cultures alimentaires classiques en cultures énergétiques peut entraîner la
conversion d'une quantité équivalente de terres non agricoles en cultures
alimentaires dans une autre région du monde. Un tel processus, s'il est
associé à la destruction de réserves de carbone stocké dans des prairies,
des forêts ou des tourbières provoque des émissions significatives de gaz à
effet de serre. Ce CAS indirect est reconnu comme un problème réel, mais
sa quantification est extrêmement débattue et n'a pas encore trouvé de
solution qui fasse consensus. La Commission européenne est actuellement
sous une forte pression pour changer son approche sur cette question.
La concurrence entre cultures énergétiques et cultures alimentaires
est elle aussi un sujet de vifs débats. La Confédération Paysanne estime
ainsi que, du fait de la très forte élasticité des prix des denrées
alimentaires par rapport à la demande, l'absence par exemple d'une petite
quantité de céréales sur les marchés peut provoquer un doublement du
prix et inversement. Elle en conclut que « ce qui serait bon pour le genre
humain serait catastrophique pour les céréaliers ».
En conclusion de ces polémiques, on peut citer le récent G20
agricole qui s'est tenu à Paris en juin 2011 et dont les conclusions sont
prudentes. La demande de biocarburants y est reconnue comme l'un des
facteurs de hausse des prix parmi d'autres et il est formulé des
recommandations tendant à la suppression des politiques de subventions
ou des obligations d'incorporation, ainsi que l'ouverture des marchés
internationaux afin que les carburants renouvelables et leurs matières
premières soient produits là où ils sont le plus viables du point de vue
économique, environnemental et social.
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132
COUR DES COMPTES
VIII
-
Administrations de l’État
A - Pour le ministère de l’agriculture
140
, des aides
justifiées car elles répondent à un engagement vis-à-vis
des opérateurs des deux filières ainsi qu’à la nécessité de
protéger le marché intérieur
283.
La
dépense
fiscale
"biocarburant"
dépend
du
ministère
de
l’agriculture. Elle est mentionnée dans le tableau du rapport annuel de
performances (RAP) 2010 avec l'objectif " Aider le secteur agricole à
produire des agro carburants". Le chiffrage dans le projet annuel de
performances est :
Dépenses
fiscales
sur
impôts
d’État
contribuant au programme de manière
principale (en M€)
Chiffrage
définitif
pour
2009
Chiffrage
initial
pour
2010
Chiffrage
actualisé
pour
2010
800107
Exonération plafonnée de taxe
intérieure …
546
643
360
Le ministère fait cependant remarquer que les professionnels ont
calculé que pour le bioéthanol seul, il y a eu en 2008 une consommation
de plus de 280 000 m
3
d'essence supplémentaire à cause du pouvoir
calorique inférieur (PCI) du bioéthanol par rapport à celui de l'essence, ce
qui correspondrait à des recettes supplémentaires [pour l'État] de 156 M€
de TIC et 62 M€ de TGAP.
284.
Les aides à la filière bioéthanol sont pour l’essentiel justifiées par la
concurrence du Brésil qui, malgré une certaine vétusté de son outil
industriel, a des avantages décisifs
141
:
-
une productivité de la canne à sucre très bonne, donc un
meilleur rendement en éthanol à l'hectare, et une très grande
surface agricole mobilisable non encore comptabilisée dans la
SAU ;
-
un prix de revient de l'éthanol à partir de canne à sucre estimé à
40 $/hl, inférieur de moitié à celui de la France ;
-
un marché intérieur développé avec un potentiel d'expansion ;
140
Ministère de l'agriculture de l'alimentation de la pêche, de la ruralité et de
l'aménagement du territoire.
141
Etude sur la veille concurrentielle dans le secteur des biocarburants à travers le
monde (FranceAgriMer, janvier 2011).
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
133
-
un important soutien à la filière, engagé il y a plusieurs
décennies, fondé sur des taux d’incorporation très élevés et
dirigé en grande partie vers les agriculteurs et industriels des
régions les plus défavorisées.
285.
Si l'amont de la filière française a développé un système volontaire de
certification afin d'être en mesure de répondre dans les temps aux
exigences des nouveaux critères de durabilité, il est à craindre que les
opérateurs économiques de pays tiers feront de même pour poursuivre
leurs exportations vers l'Union européenne.
286.
Le ministère est surtout préoccupé par le contournement de la
protection douanière de la filière éthanol, plus important pour le produit
non dénaturé que dénaturé. Il a en effet été décidé en 2009 que seul
l'alcool non dénaturé (position douanière NC 22 07 10) pourrait être utilisé
en France en tant que biocarburant donnant lieu à exonération partielle de
TIC. L'Allemagne a une règlementation semblable. Afin de préserver la
compétitivité des productions communautaires, il s'agissait, par cette
décision, de n’admettre sur le marché intérieur que le produit faisant
l'objet des droits de douane les plus élevés. Or les autres pays de l'Union
européenne n'ayant pas adopté la même règle, le marché européen est
déstabilisé par d'importantes importations d'alcool dénaturé à faible droit
de douane, ce qui limite les capacités d'exportation de l'alcool non
dénaturé français chez ses partenaires.
287.
Cette situation est d’autant plus préjudiciable que les services de la
Commission
142
estiment la capacité de production d'éthanol européen
inutilisée à 53 % et qu’un niveau excessif ou une croissance trop rapide
des importations ne peuvent qu’affaiblir plus encore l'industrie locale. Les
importations d'éthanol, toutes utilisations confondues (alimentations,
industrie, biocarburants), représentent déjà plus de 30 % de la production
et ont augmenté de 500 % entre 2004 et 2008. Elles ont pour effet de tirer
les prix vers le bas au moment même où, sous l'impulsion de la politique
communautaire en faveur des énergies renouvelables, les industriels ont
réalisé des investissements importants, de l’ordre de 5 Md€.
288.
Par conséquent, la défiscalisation se justifie encore pour que les unités
nouvelles ou agrandies soient amorties, et que la fiscalité de l’énergie soit
réformée. La durée de validité des agréments (six ans) a d’ailleurs été
calculée à cette fin. La défiscalisation est donc aussi un engagement vis-à-
vis des opérateurs économiques et, sans la défiscalisation, les agréments
142
Note commune du 20 janvier 2010 des directeurs généraux "taxsud" (taxation et
droit de douanes) et agriculture à la Commission européenne relative à la politique
commerciale pour les biocarburants et préconisant une approche équilibrée entre
production locale et importation.
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134
COUR DES COMPTES
n’ont pas de sens. Une prolongation des agréments ne pourrait se faire le
cas échéant sans modifier la loi ni sans nouvel appel d'offre : outre que le
code des douanes (art. 265 bis A §3) précise que leur durée de validité ne
peut excéder six ans, la prorogation de certains d’entre eux créerait une
distorsion de concurrence avec d’autres unités de production
143
.
289.
L’obligation d’incorporation parait peu réaliste à elle seule : elle doit
par conséquent être accompagnée d’une pénalité en cas de non atteinte des
objectifs, et c’est tout l’objet de la TGAP. Celle-ci est certes un outil
suffisant pour que les taux d’incorporation soient atteints ou presque, mais
il est pour l’instant plus économique pour les pétroliers d’incorporer des
biocarburants importés plus compétitifs tels que l’éthanol brésilien ou
l’huile de palme indonésienne. D’où la nécessité d’une vraie protection du
marché intérieur européen.
290.
La révision de la directive 2003/96/CE sur la fiscalité de l’énergie est
un sujet d’inquiétude. En effet, d'un côté, celle-ci offre la possibilité d’une
fiscalité au pouvoir calorifique inférieur qui serait plus équitable pour les
biocarburants par rapport à celle des carburants fossiles, mais en revanche,
une fiscalité au pouvoir calorifique inférieur homogène quelle que soit
l'origine des produits, ne permettra plus de compenser la différence de
compétitivité entre les biocarburants communautaires et ceux des pays
tiers.
291.
L’amendement parlementaire qui a mis en place le principe du double
comptage pour les EMHA et les EMHU anticipait la transcription de la
directive EnR, mais n'a pas permis au gouvernement de proposer une
rédaction qui soit cohérente avec cette directive, en excluant par exemple
les huiles animales de catégorie "3", qui ont aujourd'hui d'autres
débouchés plus intéressants dans l'alimentation animale et la chimie.
Compte tenu de l’impact imprévu de cette mesure, constaté dès 2010
(hausse du prix des EMHA, chute brutale des débouchés pour le biodiesel
issu d’huiles végétales, absence quasi-totale de contrôle des EMHU), la loi
de finances 2010 a plafonné le double comptage. Le ministère conclut
notamment de cet épisode qu'il aurait fallu être plus prudent avec la notion
de recyclage des déchets. Outre la tentation de présenter comme des
déchets ou résidus des produits qui ne l'étaient pas auparavant, le contrôle
de l’emploi de ces derniers n’est pas aisé. S’il est ainsi possible de
démontrer la présence d'huile animale ou d'EMHA dans un carburant, la
143
Le ministère de l’agriculture signale qu'une étude juridique est en cours fin 2011
afin d'expertiser l'opportunité ou pas et la possibilité vis-à-vis du droit, en particulier
communautaire et de la concurrence, de prolonger les agréments, afin de permettre un
amortissement des unités de production qui n'a pas été permis pas la sous réalisation
des agréments.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
135
présence d'EMHV dans un lot présenté comme de l'EMHA ne l’est pas. La
fraude est donc facile.
292.
Les nombreuses études qui paraissent sur l'impact des biocarburants
sur les prix alimentaires n’aboutissent pas à des conclusions définitives.
La formation des prix agricoles dépend en effet de très nombreux autres
facteurs.
293.
S’agissant enfin du changement d’affectation des sols, le ministère
s'appuie sur la directive EnR selon laquelle "il convient de surveiller
l’incidence de la culture de la biomasse, telle que celle dûe aux
changements dans l’affectation des sols, y compris au déplacement, à
l’introduction d’espèces exotiques envahissantes et d’autres effets sur la
biodiversité, ainsi que les effets sur la production alimentaire et la
prospérité locale". Il serait évidemment souhaitable de disposer d’une
méthode harmonisée de calcul des changements indirects d'affectation des
sols, et, dans l’attente, il est difficile d’avancer des données sûres.
L'impact sur les émissions de gaz à effet de serre peut en effet être très
important dans des cas extrêmes tels que déforestation en Indonésie. La
durabilité des carburants imposée par les directives EnR et qualité des
carburants va déjà améliorer considérablement la situation. Les rapports
fournis actuellement comprennent cependant encore trop d’incertitudes
pour que l’on puisse conclure sur ce point.
B - Le commissariat général au développement durable
(CGDD) au sein du ministère de l’écologie (MEDDTL)
144
considère que les dépenses fiscales en faveur des
biocarburants sont "potentiellement dommageables"
pour l'environnement
145
et préconise par conséquent leur
abandon plus ou moins rapide
294.
L'avis de la mission interministérielle coordonnée par le ministère de
l’écologie est que les niveaux actuels de défiscalisation sont excessifs et
tendent à distordre le signal prix. Les "bons" niveaux d’exonération
seraient plutôt de l’ordre de 5 à 6 €/hl selon les produits.
144
Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement
145
La Cour s'est appuyée ici sur le rapport "Les dépenses fiscales dommageables à
l’environnement en France" d'octobre 2010, établi par le commissariat général au
développement durable en application des articles 26 et 48 de la loi n° 2009-967 du 3
août 2009, Loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de
l'environnement (Loi Grenelle I).
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136
COUR DES COMPTES
295.
Par ailleurs, le bénéfice environnemental à attendre de la culture des
plantes destinées aux biocarburants de première génération (qui sont les
seuls sur le marché actuellement) est amoindri par d’autres effets
(pollution de l’eau par l’usage d’intrants, appauvrissement des sols) ce qui
devrait réduire le niveau d’exonération dont ils bénéficient.
296.
Enfin, l’exonération de TIC peut apparaître redondante avec la TGAP.
Néanmoins, l’objectif d’incorporation peut être satisfait indifféremment
par des biocarburants produits nationalement ou importés. Or le bioéthanol
notamment est pour une large part acheté hors de l’Union européenne, et
son bénéfice environnemental est grandement détérioré par le changement
d’affectation des sols qu’entraîne la culture des plantes entrant dans sa
fabrication. Cela justifie par conséquent un soutien aux filières de
production à travers la défiscalisation.
297.
Trois scénarios sont dès lors possibles :
a)
Suppression totale de la défiscalisation en 2012 :
-
le dispositif, qui se justifiait lors de la mise en place de la filière
de production française et communautaire, n’est plus désormais
que la captation d’une rente de situation par les acteurs en
situation
oligopolistique
(filières
éthanol-ETBE),
voire
monopolistique (filière EMVH, biodiesel) ;
-
la suppression totale de la réduction de TIC permettrait
d’économiser 0,5 Md€ par an. Elle risquerait toutefois de se
heurter à une forte opposition des filières de production et
contredirait
les
récents
propos
du
ministre
chargé
de
l’agriculture réaffirmant le soutien de l’État à ce secteur ;
-
le dispositif de TGAP apparaît suffisant pour atteindre les
objectifs d’incorporation, au moins en ce qui concerne le
biodiesel.
b)
Baisse progressive de la défiscalisation au-delà de 2011 :
-
il pourrait être envisagé de poursuivre au-delà de 2011 la
réduction graduelle de l'exonération de TIC ou d’en réserver le
bénéfice aux seuls biocarburants de première génération dont le
producteur est en train de mettre en place une filière de
biocarburants
de
seconde
génération
afin
d’inciter
au
développement
de
cette
seconde
filière
nettement
plus
performante sur le plan environnemental ;
-
plus généralement, le soutien public aux biocarburants pourrait
se limiter aux productions respectant les critères de durabilité
définis par la Directive 2009/28/CE (pas de cultures au
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
137
détriment de « zones présentant de la valeur sur le plan de la
diversité biologique…»). Compte tenu du calendrier européen et
de l’arrivée à échéance des agréments en 2011, il pourrait être
opportun de proposer ces modifications dans le PLF 2012 ;
-
Le
montant
de
la
défiscalisation
pourrait
ainsi
être
progressivement abaissé à 5€/hl pour la filière biodiesel et à
10€/hl pour la filière éthanol, conformément aux préconisations
formulées par l’inspection générale des finances dans son
rapport de 2008
4
. L’économie réalisée est évaluée à 702 M€.
c)
Maintien de la défiscalisation dans le cadre d’une harmonisation
européenne :
-
La directive relative à la fiscalité des produits énergétiques
actuellement en cours de révision, prévoit de taxer les carburants
(biocarburants et carburants fossiles) en fonction de leur contenu
en CO
2
. Les biocarburants ne seraient pas concernés par la
taxation au motif qu'ils émettent du CO
2
qui a été préalablement
stocké par les cultures et que leur bilan est donc considéré
comme nul de ce point de vue ;
-
par ailleurs, la taxation pourrait être ajustée proportionnellement
au contenu énergétique des produits. Dans le cas de l’éthanol,
par exemple, le niveau d’exonération de TIC (18€/hl) est
insuffisant pour égaliser le niveau de taxation de l’énergie avec
celui du supercarburant (20,06€/GJ contre 18,74 €/GJ).
C - La direction générale de l’énergie et du climat
(DGEC)
146
estime inutile de prolonger des aides
coûteuses et nécessaire d’avoir une juste appréciation
des externalités que génèrent les cultures de plantes
énergétiques
298.
La DGEC considère qu’il est difficile de savoir si les aides bénéficient
aux agriculteurs. Elle note cependant que les grands producteurs agricoles,
en général adhérents de la FNSEA, semblent satisfaits de la situation alors
que des petits, en partie représentés par la Confédération paysanne, sont
très critiques. Elle fait remarquer que la politique de soutien aux
biocarburants a conduit à la création de groupes industriels qui se sont
hissés, en quelques années, parmi les leaders mondiaux et notamment
Diester Industrie et Tereos, mais elle ne dispose pas d'éléments précis
146
La direction générale de l'énergie et du Climat qui dépend conjointement du
ministère de l’écologie et du ministère de l’économie, des finances et de l'industrie.
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138
COUR DES COMPTES
permettant de justifier les montants de défiscalisation par les coûts ou les
investissements supportés par les industriels. Une politique globale faisant
intervenir non seulement les producteurs, mais aussi les distributeurs et les
constructeurs automobiles lui parait indispensable. L'exemple du super
éthanol E85 illustre
a contrario cette situation
299.
Pour l'année 2009, les revenus supplémentaires pour l'État dûs à la
surconsommation des biocarburants par rapport aux carburants fossiles du
fait de leur moindre contenu en énergie peuvent être estimés à environ 120
M€ pour le gazole (90 M€ de TIC et 30 M€ de TVA) et à environ 220 M€
dans la filière essence (160 M€ de TIC et 60 M€ de TVA).
300.
Il pourrait être envisagé de ne pas prolonger les agréments des unités
qui en ont bénéficié pendant au moins cinq ans et de ne maintenir ou
prolonger que ceux des unités ayant commencé plus tardivement ou
n'ayant pas encore commencé.
301.
Dans la mesure où l'agriculteur ne connaît pas la destination finale de
ce qu'il produit (marché de l'alimentation ou celui des biocarburants),
l’impact des cultures énergétiques sur l'eau et les sols ainsi que sur la
biodiversité sont identiques à ceux des cultures alimentaires.
302.
Plus spécifiquement, il existe peu d’analyses à ce jour permettant une
étude précise de l’effet sur la ressource en eau, « du puits à la roue ». La
production de biocarburants nécessite évidemment de l’eau, pour les
cultures énergétiques d’une part (de 50 à 800 m
3
par tep), pour leur
transformation industrielle d’autre part (30 m
3
par tep). Dès lors que les
matières premières ne sont pas spécifiquement cultivées pour la
production d’énergie, il n’est cependant pas directement associé aux
productions
agricoles
une
demande
supplémentaire
en
eau.
Les
prélèvements peuvent être toutefois problématiques localement, en cas de
ressources limitées ou de conditions pédoclimatiques défavorables de
même qu’un accroissement des surfaces agricoles dédiées aux cultures
énergétiques. Enfin, les risques liés à l’utilisation de fertilisants, nitrates et
phosphates, principaux responsables des pollutions des ressources en eaux,
ne sont pas non plus spécifiques aux seules cultures énergétiques.
303.
Les besoins en eau des unités industrielles de production des
biocarburants sont principalement liés à trois procédés (procédé,
production de chaleur, refroidissement) et restent limités. La production
d’éthanol s’avère être la seule technologie consommatrice d’eau en
quantité significative, au niveau de l’étape de procédé (entre 2 et 27,5 m
3
par tep de carburant).
304.
En ce qui concerne l'impact des biocarburants sur les prix alimentaires
mondiaux, les causes des augmentations récentes (2007 et 2011) et
brutales des prix des principales productions végétales (céréales et
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
139
oléagineux) sont complexes et s’expliquent par une combinaison de
facteurs, se renforçant mutuellement, tels que :
-
une production inférieure à la tendance (liée à des périodes de
sécheresse dans les grandes régions céréalières, qui ont fait
chuter les rendements, et à une insuffisance des investis-
sements) ;
-
la faiblesse des stocks de matières premières agricoles, à cause
de faibles rendements et d’aléas climatiques dès 2006 ;
-
un fort développement de la demande de matières agricoles ; en
2007, selon l'OCDE, plus de la moitié de la hausse de la
consommation de céréales secondaires et d’huiles végétales est
imputable à l’essor de la production de biocarburants ;
-
la progression des prix du pétrole ;
-
la
dépréciation
du
dollar,
monnaie
dans
laquelle
sont
généralement exprimés les prix de ces matières premières.
Certains de ces facteurs ont un caractère temporaire (comme les
récents reculs des rendements), tandis que d’autres seraient plus
permanents (par exemple, la hausse du prix de l’énergie, la demande de
matières premières pour la production de biocarburants). En simplifiant,
on peut dire que les modèles d'équilibre partiel permettent de comprendre
la réponse de l'économie à court terme, alors que les modèles d'équilibre
général informent sur les tendances à moyen terme, une fois que toutes les
réponses se sont mises en place, notamment une augmentation de la
production agricole mondiale. Ces résultats confirment d’une part que les
biocarburants contribuent, même de manière modeste, à l'augmentation
des prix alimentaires, et que d’autre part, l'impact de leur développement
est beaucoup plus important à court qu’à long terme; l'économie pourra en
effet s'adapter progressivement à cette demande supplémentaire.
147
305.
S’agissant enfin des changements indirects d’affectation des terres liés
au développement des biocarburants, la France, comme indiqué dans la
réponse
148
à la consultation publique lancée par la Commission
européenne en juillet 2010, partage le constat selon lequel l’analyse reste à
approfondir, dans la mesure où elle ne permet pas, à l’heure actuelle, de
147
D'après la direction générale de l’énergie et du climat, les perspectives agricoles de
l’OCDE (2008) prévoient une persistance des tensions sur les marchés, les prix
baissant par rapport à aux records enregistrés, tout en demeurant élevés en moyenne
(+35 à 60 % sur 2007-2017, par rapport à 1998-2007).
148
La réponse des autorités françaises est consultable à partir de l’onglet
«
contributions
from
public
authorities
»,
accessible
à
l’adresse
suivante :
en.htm
.
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140
COUR DES COMPTES
guider précisément les décisions politiques. Toutefois, il convient de ne
pas reporter à plus long terme toute mesure de lutte contre ce phénomène,
et les pistes d’action suggérées sont les suivantes :
-
développement de l’effort de recherche (suivi et analyse
spatiale, modélisation de l’évolution des modes d’occupation
des terres, évaluation des flux correspondants de carbone dans
les pays en développement) ;
-
mise en place d’incitations pour l’utilisation, en priorité, des
biocarburants et des bioliquides issus de déchets, puis de
matières premières ligno-cellulosiques et d’algues sous réserves
d’expertises environnementales complémentaires ;
-
l’introduction d’un facteur relatif au changement indirect
d’affectation des terres, dans la méthode de calcul des émissions
de gaz à effet de serre liées aux biocarburants et bioliquides.
Une réflexion a été lancée en 2010, conjointement par l’INRA et
l’ADEME, pour approfondir la modélisation et la compréhension de ce
sujet.
306.
Quant aux biocarburants de deuxième génération, la plupart des
rapports et des « experts » s’accordent à dire qu’ils ne seront pas
disponibles avant 2015/2020. Les sauts technologiques, tant sur la voie
éthanol que sur la voie biodiesel, sont très importants, ce qui augmente
grandement les risques liés au changement d’échelle, entre le laboratoire
et la production industrielle. Par ailleurs, les investissements sont quatre à
six fois plus importants que pour une unité équivalente de première
génération. Il est donc difficile de prévoir la date d’arrivée réelle sur le
marché et il convient de rester prudent.
307.
Le plan d'action national, qui indique les trajectoires d'utilisation
d'énergies renouvelables sur la période 2010-2020, prévoit une arrivée
possible de ces biocarburants à partir de 2017 et une contribution modeste
aux objectifs 2020.
D - Pour la direction générale du Trésor, la politique des
biocarburants devrait mieux mesurer les rentes captées
par les différents acteurs au détriment du
consommateur ou du contribuable et les minimiser
308.
Pour cette direction, la principale justification d’un soutien aux
biocarburants semble être avant tout environnementale (réduction des
émissions de gaz à effet de serre). Faire du soutien des biocarburants un
instrument de développement agricole lui paraît en effet peu approprié
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
141
dans la mesure où les exploitations concernées par la filière biocarburant
sont parmi les plus riches et bénéficient déjà d’un soutien public deux fois
plus important que la moyenne, via la politique agricole commune.
309.
La direction générale du Trésor note qu'afin de respecter l’objectif
contraignant d’incorporation et ne pas payer de pénalité, les distributeurs
sont prêts à payer plus cher les biocarburants, ce qui constitue une rente
pour les producteurs, assimilable à une subvention. Les producteurs de
biocarburants peuvent ainsi répercuter dans leur prix de vente une partie
de la taxe dont devrait s’acquitter le distributeur en l’absence
d’incorporation, en fonction de leur pouvoir de marché et des tensions sur
le marché des biocarburants. Si ce prix de vente est supérieur aux coûts de
production (investissements inclus), notamment du fait d’une faible
concurrence entre les producteurs, il peut y avoir création d’une « rente »
captée par les producteurs de biocarburants. Ce fonctionnement est
cependant à nuancer selon la filière concernée :
-
Pour la filière biodiesel
149
: le biocarburant n’est pas en
compétition
avec
des
biocarburants
importés
aux
caractéristiques techniques différentes et actuellement peu
compatibles avec le marché français. La TGAP joue donc son
rôle à plein et son niveau détermine le prix de vente du
biodiesel, et donc l’éventuelle rente perçue par les producteurs
de biodiesel ;
-
Pour la filière bioéthanol
150
:
l’éthanol européen est en
concurrence avec l’éthanol importé (brésilien notamment). Le
distributeur de carburant arbitrera entre incorporer le premier,
qui bénéficiera d’une défiscalisation, ou bien le second. Le prix
de vente de l’éthanol, de même que l’éventuelle « rente », ne
sont donc pas déterminés par la TGAP qui n’a pas d’effet dans
ce cas
151
mais par le prix du bioéthanol importé ainsi que le
montant de la défiscalisation.
L’essentiel est d’optimiser le dispositif afin de réduire ces rentes
même s'il est difficile d’apprécier l’importance. Une première étape doit
donc viser à estimer les coûts de production (y compris investissements).
310.
Pour la direction générale du Trésor, la défiscalisation apparaît surtout
comme un instrument central de soutien à la filière éthanol. Contrairement
à la filière biodiesel, la TGAP a un rôle limité, le prix plancher étant fixé
149
"Peu de concurrence, Diester domine le marché français".
150
" Il y a de la concurrence sur la production d’éthanol et monopole sur la production
d’ETBE (Lyondell Basell)."
151
"En effet, le prix de l’essence augmenté de la défiscalisation et de la TGAP est
vraisemblablement supérieur au prix plancher donné par les biocarburants importés."
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142
COUR DES COMPTES
non par les carburants fossiles (augmenté du montant de TGAP) mais par
les importations de bioéthanol.
311.
Les calculs que les producteurs de bioéthanol ont réalisés pour estimer
le surcroît de taxes perçues par l’État du fait de la moindre densité
énergétique de ce biocarburant (155 M€ en faveur de l'État en 2009) lui
"semblent cohérents", le taux de taxation de l’éthanol selon le contenu
énergétique étant en effet plus élevé que celui de l’essence. Les calculs
réalisés ne prennent toutefois pas en compte certains effets dits
d’ « équilibre général ». En premier lieu, l’incorporation de biocarburants
renchérit le prix des carburants (en €/tep), ce qui a pour effet de diminuer
les consommations, donc d'autres recettes fiscales. Ensuite, le surcroît de
dépenses de ménages pour les carburants se fait au détriment d’autres
postes de dépenses dont les consommations vont diminuer, les ménages
étant contraints budgétairement.
312.
Le soutien par la défiscalisation et la protection par les droits de
douane devaient permettre de développer des capacités de production
suffisamment importantes pour générer des économies d’échelle et ainsi
rivaliser avec les biocarburants importés. D’après les chiffres des
industriels, en 2012, pour la filière éthanol, la quasi-totalité des
installations devraient être amorties
152
. Dès lors, un prolongement de ce
soutien public n’apparaît pas justifié dans un contexte de croissance
limitée de la demande.
313.
D'après la direction générale du Trésor, la justification du maintien de
la défiscalisation par la "concurrence inégale" perd de sa pertinence dès
lors que le soutien aux principaux producteurs de bioéthanol non
européens a déjà ou va significativement diminuer dans les années à venir.
En outre, il peut être tout à fait pertinent d’un point de vue économique
d’importer à bas coût des biocarburants américains subventionnés par les
contribuables étrangers. La défiscalisation peut toutefois permettre de
corriger une application imparfaite des droits de douanes parfois
contournés.
314.
Même si l’impact du développement des biocarburants sur les prix
alimentaires
n’est
pas
nécessairement
évident,
la
modulation
et
l’assouplissement des objectifs d’incorporation lors d’épisodes de fortes
tensions sur le marché des céréales pourraient être un instrument de
régulation pertinent. Ainsi, des travaux de modélisation récents ont montré
que, aux États-Unis lors d’un épisode de sécheresse, une réduction des
152
D'après la direction générale du Trésor : "Au total, entre 2002 et 2011, l’Etat a
accordé près de 1,26 Md€ de défiscalisations pour la filière bioéthanol, montant
à
mettre en regard avec le milliard d’euro investi par la filière éthanol française dans la
construction de nouvelles unités de production (chiffrage avancé dans le courrier)".
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143
objectifs d’incorporation de bioéthanol de 50 % permettrait d’atténuer la
hausse du prix du maïs de plus de la moitié. D’autres modèles sont en
cours d’élaboration. Ceux-ci permettront d’avoir une idée plus précise de
l’impact sur les prix des céréales d’une baisse des taux d’incorporation.
315.
Pour la direction générale du Trésor, il pourrait enfin être pertinent de
promouvoir une meilleure intégration des marchés des biocarburants ce
qui permettrait l’importation de biocarburants moins coûteux. L’éthanol, à
la différence du biodiesel, est fortement protégé à l’entrée du marché
communautaire. Toutefois, la France, premier producteur d’éthanol de
l’Union européenne, doit tenir compte des lourds investissements conduits
dans cette filière qui est encore jeune.
______
CONCLUSION – ADMINISTRATIONS DE L’ETAT
______
Pour le ministère de l'agriculture, les aides sont justifiées car elles
correspondent à un engagement vis-à-vis des opérateurs des deux filières
ainsi qu'à la nécessité de protéger le marché intérieur. Le ministère est
surtout préoccupé par le contournement de la protection douanière,
situation d'autant plus préjudiciable que la capacité de production
d'éthanol inutilisé est estimée à 53 %, de sorte qu’une croissance trop
rapide des importations ne peut qu'affaiblir plus encore une filière déjà
fragile. De même, il aurait fallu être plus prudent avec la notion de
recyclage des déchets et la règle du double comptage.
Par conséquent la défiscalisation se justifie encore pour que les
unités nouvelles soient amorties et que la fiscalité de l'énergie soit
réformée.
L'impact des biocarburants sur les prix des denrées alimentaires ne
permet pas d'aboutir à des conclusions définitives, pas plus que la
question du changement d'affectation des sols.
Au sein du ministère de l’écologie, le commissariat général au
développement durable considère la défiscalisation comme une niche
fiscale "potentiellement nuisible à l'environnement". Avec un niveau
actuel excessif, la TGAP apparaît redondante avec la réduction de TIC et
le bénéfice environnemental à attendre de la culture des plantes destinées
aux biocarburants est amoindri par d'autres effets.
Trois scénarios d’avenir paraissent possibles : la suppression
totale de la fiscalisation à partir de 2012, une baisse progressive de cette
défiscalisation, le maintien de la défiscalisation dans le cadre d'une
harmonisation européenne de la fiscalité de l’énergie.
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144
COUR DES COMPTES
La direction générale de l’énergie et du développement durable
estime elle d'une part inutile de prolonger des aides considérées comme
coûteuses, d'autre part nécessaire d'avoir une plus juste appréciation des
externalités que génèrent les cultures de plantes énergétiques, notamment
en ce qui concerne les ressources en eau. Elle partage le sentiment que
l'impact des biocarburants sur les prix alimentaires mondiaux est difficile
à cerner compte tenu de la multiplicité des causes du phénomène. De
même, s'agissant de l'effet du changement indirect d'affectation des sols,
pour lesquels il lui paraît nécessaire de poursuivre les recherches. Elle
considère enfin que les biocarburants dits de deuxième génération ne
seront pas disponibles avant 2015/2020 compte tenu des efforts de
recherche-développement encore nécessaires pour passer du laboratoire à
la production industrielle.
La direction générale du Trésor considère que les producteurs de
biocarburants, compte tenu de l'importance de la pénalité représentée par
la TGAP et de la possibilité de la répercuter sur le consommateur,
bénéficient d’une rente assimilable à une subvention. Par ailleurs, faire du
soutien aux biocarburants un instrument de développant agricole lui
paraît peu approprié, dans la mesure où les exploitations concernées sont
déjà parmi les plus riches et bénéficient d'un soutien public plus important
que la moyenne dans le cadre de la PAC.
Cette analyse est cependant à nuancer selon les filières, celle de
l'éthanol étant plus fragile et plus exposée à la concurrence extérieure.
Cependant, dès lors que la quasi-totalité des installations sera amortie, le
prolongement du soutien public, même pour la filière éthanol,
n'apparaîtra plus justifié.
Si les calculs des producteurs de bioéthanol concernant le surcroît
de taxes perçues par l'État du fait de la moindre densité énergétique de ce
biocarburant lui semblent acceptables, elle estime cependant qu’ils ne
prennent pas en compte certains effets dits « d'équilibre général », c'est-à-
dire la diminution des consommations (donc des recettes fiscales) dans
d’autres domaines, les ménages étant contraints budgétairement.
Même s’il peut sembler tout à fait pertinent, d'un point de vue
économique, d’importer à bas coût des biocarburants américains
subventionnés par les contribuables étrangers, la protection du marché
intérieur par les droits de douane devrait permettre de développer des
capacités de production suffisamment importantes pour générer des
économies d'échelle et rivaliser ainsi avec les biocarburants importés.
D'une manière générale il pourrait être pertinent de promouvoir une
meilleure intégration des marchés des biocarburants qui permettraient
d'importer des biocarburants moins coûteux.
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POSITIONS DES PARTIES PRENANTES
145
Quant à la relation entre la production de biocarburants et la
hausse des prix des denrées alimentaires, même si elle est loin d'être
démontrée, elle pourrait cependant justifier une modulation des taux
d'incorporation en fonction du prix de ces denrées.
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Chapitre III
Les résultats de l’évaluation
316.
Ce troisième chapitre expose les résultats de l’évaluation de la
politique d'aide aux biocarburants. Il s'appuie sur les données de fait et sur
les positions exprimées par les différentes parties prenantes présentées
dans les deux précédents chapitres.
L'évaluation débute par l'analyse critique des objectifs chiffrés
publiés dans les textes législatifs et réglementaires. L'efficacité de la
politique d'aide aux biocarburants et de ses instruments est alors étalonnée
à l'aune de ces objectifs affichés et quantifiés. L'évaluation porte ensuite
sur l'efficience de la politique d'aide, c'est-à-dire de ses résultats explicites
et mesurables au regard des fonds reçus par les acteurs, que ces fonds
proviennent du contribuable ou d'une consommation forcée. La troisième
et dernière composante de l'évaluation développe l'analyse de la pertinence
et la cohérence des grands objectifs implicites, en amont des aides
proprement
dites,
qu’il
s’agisse
du
soutien
à
l’agriculture,
de
l’indépendance énergétique ou de la défense de l’environnement. Cette
analyse dépasse les simples critères économiques ou financiers pour les
élargir à la durabilité, en intégrant des préoccupations d'équité et d'éthique.
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148
COUR DES COMPTES
I
-
Efficacité : en diminution
A - Production encadrée et subventionnée,
consommation quasi obligatoire, protection aux
frontières forment un dispositif particulièrement
complet
317.
Le dispositif d'aide aux biocarburants repose sur un arsenal législatif
et règlementaire national, intégrant des transpositions des directives
européennes. Le plan Biocarburants définit un plan d’action 2005-2015
comprenant des cibles d'incorporation, qui ne sont pas une obligation. Les
cibles sont associées à une exonération partielle de TIC accordée pour six
ans, afin de limiter la dépense, à des volumes mis à la consommation par
des unités de production agréés, existantes ou à construire.
318.
A l’issue d’appels à candidatures, 53 agréments ont été délivrés
pour
29 unités de production de biodiesel dont 11 à l’étranger et 20 unités de
production d’éthanol. En l'état actuel, les derniers agréments se terminent
fin 2015.
319.
L'expérience ayant prouvé que l'exonération était insuffisante pour
convaincre les distributeurs et les pétroliers de remplir les objectifs
d'incorporation, un instrument nouveau, la taxe générale sur les activités
polluantes (TGAP), a été introduit qui, sans que l'incorporation soit une
obligation, pénalise lourdement l’écart entre objectifs et réalisation.
320.
Enfin, les barrières douanières sont censées protéger la production
nationale et européenne face aux importations aidées dans d'autres pays. Il
n'en existe pas pour le biodiesel, et elles sont aisément contournées pour le
bioéthanol.
B - Des agréments surdimensionnés ayant certes permis
des investissements de production importants, mais qui
sont sous-utilisés
1 -
Dans la filière bioéthanol
321.
La filière repose en France en majorité sur la betterave et sur les
céréales (blé et maïs). Elle a investi au total 1 Md€ pour construire les
unités de production de bioéthanol. Nombre d’entre elles sont entrées en
fonctionnement depuis trop peu de temps, pour, d'après les producteurs et
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
149
en l’état actuel du marché de l’essence, dégager des profits suffisants en
vue
de
rembourser
les
emprunts
contractés
pour
financer
les
investissements.
322.
Au cours des deux dernières années, un projet au moins a été
abandonné (Soufflet à Nogent-sur-Seine), d'autres réorientés (Tereos à
Lillebonne en vue de développer une filière gluten) et quatre usines
ont
cessé de produire.
323.
Dans l'ensemble, les réalisations sont très inférieures aux agréments
(sans doute moins de 50 % hors de l'ethyl tertio butyle éther (ETBE). Les
raisons en sont les suivantes :
-
surdimensionnement volontaire des agréments par l'État (de
20 % environ), afin d’assurer une forte concurrence ;
-
baisse continue de la consommation d'essence ;
-
réseau de distribution nettement insuffisant pour l'E10 ;
-
situation du raffinage qui produit trop d'essence et pas assez
de
gazole pour le parc de véhicules tel qu’il existe ;
-
pouvoir calorifique inférieur plus élevé de l'ETBE qui est aussi
affecté à l'éthanol qui lui est incorporé (expliquant dans le passé
un sous-emploi de 20 % des agréments d'éthanol pur).
2 -
Dans la filière biodiesel
324.
Cette filière repose, en France, sur le colza et à moindre degré sur le
tournesol, ainsi que sur des importations d'huiles végétales, animales ou
usagées. Son niveau d'investissement est plus complexe à déterminer, car,
hormis le procédé d'estérification qui lui est propre (par unité de 250 000 t,
35 M€ d'après le communiqué de 2006
153
et 50 M€ d'investissement
d'après Diester Industries), le procédé industriel de trituration (100 M€
d'investissements pour une capacité de 1 Mt, toujours d'après Diester) n'est
pas spécifique au biodiesel et est aussi utilisé pour l'huile alimentaire. A
partir des données recueillies
154
et en généralisant celles-ci à l'ensemble de
la filière, la Cour en déduit
155
que de 2005 à 2010, l'investissement propre
au biodiesel est compris dans une fourchette 500 M€ +/- 50 M€.
153
usine-de-diester-a-saint-nazaire&fldSearch=:21000.html
,
les
35M€
concernant
l'estérification et le filtrage.
154
Incluant la présentation "SAIPOL de 2005 à 2011".
155
Les capacités fin 2010 d'estérification de Diester Industries étant de 1,9 Mt
d'huiles, on peut estimer qu'elles ont crû du même facteur que la production de
Diester, soit d'un facteur 5, c'est-à-dire de 1,5 Mt dont la part du biodiesel est de 94 %.
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150
COUR DES COMPTES
325.
Trois projets d'unités de production ont été abandonnés après
l'attribution des agréments et l’un est suspendu.
C - La cible d'incorporation n'est plus atteinte depuis
2009 pour l'éthanol et depuis 2010 pour le biodiesel
326.
Comme il a été indiqué précédemment, à partir de 2009, le taux
d'incorporation de l'éthanol a décroché de la
cible et plafonne autour de
5,5 % en pouvoir calorifique inférieur. Cette différence par rapport à la
cible de 7 % à partir de 2010 n'est évidemment pas due aux capacités de
production, qui sont plus que suffisantes, mais au fait que, en pratique,
seul l'E10 est distribué en France et, de surcroît, dans un nombre de
pompes (3 000 sur les 12 000 stations existantes), certes croissant, mais
encore insuffisant pour s'approcher de la cible.
En fait, l’objectif ne peut être atteint sans une proportion significative
de carburants à forte teneur en éthanol tel que l’E85, ce qui aurait
nécessité une action soutenue en faveur des moteurs à carburant
modulable ("flex-fuel"). Il est surprenant que les véhicules à carburant
modulable (VCM) n'aient pas bénéficié d'un bonus, plus encore qu’ils
aient subi un malus. De ce point de vue, l'évolution vers un parc nettement
plus important de VCM sur laquelle reposent les espoirs des producteurs
d'éthanol, apparaît actuellement à la Cour comme peu crédible, au moins à
court et moyen terme.
327.
Le biodiesel n'a échappé au décrochage par rapport à la cible des 7 %
d'incorporation à partir de 2010 que par la manipulation statistique (décrite
plus haut en détail au § 85) consistant à prendre en compte le gazole
SNCF et, à partir de 2011, le "non routier", qui étaient formellement
exclus du calcul auparavant. A supposer que tout le biodiesel routier
Le coût estimé des investissements correspondants est donc compris entre 200 et
280 M€. En ce qui concerne la trituration, la capacité est passée de 2,4 Mt à 3,9 Mt en
2010, correspondant à 150 M€ d'investissement, dont il faut soustraire déjà ¼ pour les
huiles raffinées. De plus, il faut tenir compte de l'allocation de trituration du biodiesel
par rapport à l'ensemble (biodiesel + tourteaux). On attribue à ce facteur une valeur de
2/3. Ceci donne un montant de l'ordre de 75M€. Au total, l'investissement 2005-2010
destiné au biodiesel est donc de l'ordre de 350 à 430 M€. Généralisant ces chiffres à
l'ensemble de la filière et sachant que Diester Industrie en représentait environ 78 %
jusqu’en 2010, on peut en déduire que l'investissement propre au biodiesel est
compris dans une fourchette 500 M€ +/- 50 M€. On peut noter que ces chiffres sont
pratiquement la moitié de l'estimation de Diester exposée au § 190. La différence
provient à la fois de ce que la Cour considère strictement la période 2005 – 2010 pour
l'ensemble des dépenses et des rentrées et restreint l'allocation des investissements au
biodiesel, de manière cohérente avec le traitement des coproduits pour le bilan
énergétique et environnemental des biocarburants.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
151
vendu en France soit du B7, cela ne ferait en pouvoir calorifique inférieur
qu'une incorporation de 6,4 %, c'est-à-dire le taux observé. Pour parvenir
aux 7 % d'incorporation moyenne en pouvoir calorifique inférieur en ne
considérant que le carburant routier, il faudrait une flotte de véhicules
fonctionnant au B30 beaucoup plus importante qu'actuellement pour
qu’elle consomme au moins 3 % du total du carburants diesel. Les
pétroliers et distributeurs auraient pu aussi s'appuyer sur le double
comptage des EMHA et EMHU, ce qui pose d'autres problèmes à la
profession (voir la discussion plus haut et, plus bas, les suggestions de la
Cour aux § 335 et 362).
D - La TGAP : un instrument efficace par son niveau
élevé mais avec des effets potentiels d'aubaine
156
328.
Le taux de la TGAP s’applique au total des ventes de chaque
distributeur à partir du moment où l’objectif d’incorporation n’est pas
atteint. Par l'ampleur de la sanction qu'elle impose au distributeur, la
TGAP est sans conteste à l'origine du décollage de la filière à partir de
2005. En principe, elle est une arme de dissuasion, c'est-à-dire de
non-emploi, et ne devrait pas créer de rentrées au profit de l'Etat. Elle en
génère, cependant, du fait de l'impossibilité d'atteindre les cibles
nationales, comme on l’a vu.
329.
Ce fort pouvoir d'incitation (puisque l'incorporation n'est pas encore
une obligation) peut être illustré par l'exemple suivant
157
: pour un prix de
référence hors TVA du gazole de l’ordre de 95 €/hl (correspondant à peu
près à la situation de 2010), le montant de TGAP pour un volume de 1hl
de biodiesel non incorporé est de 87 €
158
. L’effet incitatif s’apprécie en
comparant les deux solutions qui s’offrent au distributeur de carburant :
-
d’un côté, incorporer 1 hl de biodiesel (dont le coût de
production est arbitrairement fixé ici à 70 €/hl) et bénéficier de
la défiscalisation pour les productions agréées (11€/hl en 2010
par exemple) ;
156
Certains parlent même d'effets "pervers" mais pour Diester Industrie par exemple,
il s'agit "
d'une négociation commerciale équilibrée avec des clients qui auparavant
sous-payaient le biodiesel
".
157
Extrait du dossier CCTN 2011 coordonné par le commissariat général au
développement durable "Les politiques de soutien aux carburants alternatifs" dans le
Tome 2 de "Les Transports en 2010 : 48
ème
rapport de la Commission des comptes des
transports de la Nation, septembre 2011.
158
Dans le rapport des PCI du biocarburant et du carburant fossile (essence ou
gazole) correspondant, ici biodiesel et gazole, soit 91,8 % de 95€/hl.
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152
COUR DES COMPTES
-
de l’autre, acheter 0,92 hl, de gazole (à un prix d’environ 50 €
en 2010) sur lequel il faut ajouter la TGAP, soit 87 €.
La comparaison est donc largement à l’avantage de l’incorporation de
biocarburant, même si de fait, les producteurs usent de cette situation pour
fixer leur prix à un niveau supérieur à leur coût de production, mais auquel
le distributeur est prêt à l’acheter. Ce point précis fait partie des effets
potentiellement pervers de la TGAP car en cas d'absence de concurrence il
donne un pouvoir excessif au producteur. C'est le cas du biodiesel analysé
plus bas à partir du § 354.
E - Une protection aux frontières plus illusoire que
réelle
330.
La protection aux frontières de l’Union
européenne
du marché des
biocarburants
est
paradoxale.
Tout
d’abord,
elle
n’existe
pas
formellement, faute de rubriques douanières désignant les biocarburants
en tant que tels alors même que les flux d’importations sont significatifs
20
.
331.
Pour l’éthanol, la protection est en apparence assez élevée, ce qui
serait justifié par la moindre rentabilité du secteur. Or cette protection est
illusoire, à la fois parce qu’elle est techniquement aisée à contourner par
les mélanges et qu’il existe de surcroît un vrai marché mondial de
l’éthanol où il est encore plus aisé de s’approvisionner, ce produit étant
leader à l’échelle de la planète.
332.
A l’inverse, le biodiesel, pour des raisons historiques et techniques, a
été peu à peu protégé par les barrières douanières, mais a fini, dans la
pratique, par l’être relativement, à la fois parce que la profession a su se
défendre assez vite contre les subventions américaines et que, faute d’un
vrai marché mondial d’un produit standardisé, les spécifications
techniques du produit limitaient les importations d’huiles végétales, du
moins jusqu’à la période récente caractérisée par la montée en puissance
des graisses animales ou usées (EMHA et EMHU).
F - La transposition des directives permet de valider les
biocarburants français dans le cadre communautaire,
mais le dispositif juridique actuel reste fragile
333.
La transposition publiée le 16 septembre 2011
7
de la directive
européenne 2009/28/CE du 23 avril 2009, relative à la promotion de
l'énergie produite à partir de sources renouvelables, achève de stabiliser le
dispositif initié par l'analyse de cycle de vie (ACV) de l’ADEME en 2009-
2010. Elle formalise la nature "durable" des biocarburants nationaux, dont
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
153
les graphes de l'analyse du cycle de vie au § 58 montrent en particulier
leur compatibilité avec le gain minimal en émission de gaz à effet de serre
à gagner par rapport aux carburants fossiles, tel que défini à l'article
L. 661-4 de l'ordonnance de transposition
159
. De ce point de vue, il s'agit
de la seule cible quantifiée dans les objectifs de la politique
environnementale nationale. La controverse sur le calcul du gain en gaz à
effet de serre, du fait du problème de l'affectation des sols, sera évoquée
plus loin.
334.
Il n'en demeure pas moins que le dispositif juridique actuel présente
d'ores et déjà de nombreuses fragilités. Une première d'entre elles est liée à
l'impossibilité pratique pour l'éthanol d'atteindre les objectifs depuis 2009.
Dès lors que la possibilité pour les distributeurs de s’exonérer de la TGAP
devient théorique, il y a un risque d'annulation de la TGAP en tant qu’elle
contreviendrait aux normes communautaires. En effet, une sanction
pécuniaire du non-respect d'un objectif qui ne peut être atteint sans
contrevenir aux dispositions des directives européennes, et présenterait par
conséquent un caractère automatique, pourrait elle-même être considérée
comme non conforme au droit communautaire.
335.
Par ailleurs, les amendements législatifs adoptés successivement sur le
plafonnement du double comptage des EMHA et EMHU, outre qu'ils se
révèlent difficiles techniquement à mettre en oeuvre, pourraient être
considérés comme contraires à la directive EnR et donner lieu à un recours
en annulation. Le fait que la Commission européenne n'ait pas réagi à la
pratique allemande d'ignorer le double comptage n'est pas une garantie
pour l'avenir.
336.
De plus, la fiscalité des biocarburants devrait évoluer :
-
sous l’effet de la révision de la directive 2003/96/CE relative au
cadre général de taxation des produits énergétiques, attendue
courant 2011, et qui devrait introduire une "composante
carbone" inexistante aujourd’hui ainsi qu'une composante de
taxation en relation avec le pouvoir calorifique du produit
énergétique ;
-
sous l'effet des directives 2009/28/CE sur la promotion de
l’utilisation
de
l’énergie
produite
à
partir
de
sources
159
Art. L. 661-4 : "La production et l'utilisation de biocarburants et bioliquides
doivent présenter un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au
moins 35 % par rapport aux émissions de gaz à effet de serre résultant des carburants
et combustibles d'origine fossile. Ce pourcentage minimal est porté à 50 % au
1
er
janvier 2017. Il est fixé à 60 % au 1er janvier 2018, pour les biocarburants produits
dans des installations dans lesquelles la production aura démarré à partir du 1
er
janvier
2017."
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154
COUR DES COMPTES
renouvelables et 2009/30/CE sur la qualité des carburants
160
liant l’octroi d’aides financières aux biocarburants au respect de
critères de durabilité.
337.
La défiscalisation, assise en France sur des agréments délivrés en
fonction de critères qui, dans les années 2000, différaient des critères
actuels de durabilité, pourrait être contraire au droit communautaire, sauf à
démontrer qu’il existe un surcoût de production par rapport à l'énergie
fossile et un bénéfice environnemental
161
.
338.
Au surplus, la directive 2009/28/CE fixe des objectifs nationaux
contraignants concernant la part d'énergie produite à partir de sources
renouvelables dans la consommation d'énergie dans les transports. Cela
pourrait être interprété strictement comme une obligation d’incorporation
des biocarburants qui, au regard de l’article 16.5 de la directive 2003/96,
rendrait illégale toute aide fiscale directe
162
. Toutefois, cette interprétation
extensive pourrait ne pas être retenue par les autorités communautaires, un
maintien du dispositif actuel étant dans ce cas possible.
339.
Enfin,
une
autre
question pourrait
aller dans
le
sens
d’un
accroissement de la dépense fiscale : un producteur de biocarburants
respectant les critères de durabilité (mais non agréé au niveau national)
pourrait être en droit de demander le bénéfice de la défiscalisation.
160
La directive 2009/30 prévoit une réduction de 6
% des émissions de CO
2
du
transport d'ici 2020 grâce aux biocarburants (2
% d'ici 2014 et 4
% d'ici fin 2017).
161
Selon les articles 17.8 de la directive 2009/28 et 2.3 de la communication 2010/C
160/02 : "les États membres ne peuvent (...) exclure aucun bioliquide ni biocarburant
sur la base d'autres motifs de durabilité que les critères de durabilité fixés dans la
directive. Toutefois, lorsque certains biocarburants/bioliquides sont à la fois d'un
bénéfice supérieur et plus coûteux à produire, les régimes nationaux de soutien
peuvent tenir compte du surcoût de production".
162
Article 16.5 de la directive 2003/96 : "Au cas où le droit communautaire
imposerait
aux
États
membres
de
respecter
des
obligations
juridiquement
contraignantes les obligeant à mettre sur leurs marchés une part minimale des produits
visés au paragraphe 1, les paragraphes 1 à 5 (qui autorisent un système de
défiscalisation des biocarburants) cessent de s'appliquer à compter de la date à
laquelle de telles obligations deviennent obligatoires pour les États membres".
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
155
______
CONCLUSION – EFFICACITE : EN DIMINUTION
_____
Le plan Biocarburants a été globalement respecté jusqu'en 2009 en
ce qui concerne l'incorporation de l'éthanol, l'incorporation du biodiesel
étant respecté à partir de 2010, uniquement grâce à l'ajout du secteur non
routier.
La plupart des unités de production nouvelles agréées ont été
construites, la politique d'agréments ayant toutefois été nettement
surdimensionnée, surtout pour le bioéthanol, qui reste une filière fragile
au plan financier. Plusieurs projets ont été abandonnés ou réorientés, des
unités existantes arrêtées faute de rentabilité.
Les cibles nationales, plus élevées que celles fixées au niveau
européen, sont désormais impossibles à respecter faute d’un réseau de
distribution suffisant et du fait d'incohérences techniques concernant les
carburants à taux d’incorporation élevés (E85). Le dispositif français
présente des fragilités juridiques par rapport aux directives de l'Union
européenne.
L'instrument le plus efficace pour faire respecter les cibles est la
TGAP, dont le taux très élevé dissuade distributeurs et pétroliers de ne
pas incorporer les biocarburants.
Enfin, la protection aux frontières vis-à-vis de l'éthanol importé est
plus efficace au niveau national qu'au niveau européen. Si l'éthanol est
mal protégé, le biodiesel l'a été beaucoup plus, non par des barrières
douanières inexistantes, mais par le manque de concurrence au niveau de
la qualité du produit. Cette situation est cependant en train d'évoluer du
fait de l'apparition d'une concurrence internationale, argentine en
particulier, qui est indirectement subventionnée.
A cela, s'est ajouté un déséquilibre brutal de la filière des huiles
végétales créé par la concurrence des huiles animales et usagées avec la
règle du double comptage. Celle-ci a été transposée en droit national sans
étude d'impact, puis mise en oeuvre immédiatement à partir de 2010. Elle
est porteuse de contournements et aurait conduit en 2011 à une chute de
20 % à 30 % de la production d'EMHV et à des arrêts d'unités de
production.
Du point de vue de la politique environnementale, la nature
"durable" des biocarburants nationaux est, en principe, validée par
l'analyse du cycle de vie conduite précédemment par l'ADEME, avec un
gain en émission
de
gaz à effet de serre de 35 %, requis d'ores et déjà, et
même de 50 % requis pour 2017.
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156
COUR DES COMPTES
II
-
Efficience : un retour sur investissement inégal,
des rentes de situation et un contexte désormais plus
mouvant
340.
Le coût des aides dépasse la seule dépense publique. En effet,
l'exonération partielle de TIC est compensée, en tout ou partie, par des
rentrées supplémentaires pour l'Etat provenant de la mise en oeuvre
obligée de cible élevée d'incorporation de biocarburants. Les rapports de
l'inspection générale des finances
3,4
entre autres, ont présenté des formules
donnant le coût de production des biocarburants en fonction de différents
facteurs (matières premières, pétroles, coproduits). La réalité est plus
complexe et difficile à cerner, car il faut considérer la filière des
biocarburants comme une simple composante de l'ensemble plus vaste que
constitue le secteur agricole. L'analyse suivante expose différents
paramètres, variables d'ajustement et effets d'aubaine intervenant dans la
constitution des coûts et des prix des biocarburants afin de déterminer les
bénéficiaires et identifier les financeurs, de l'Etat ou du consommateur
pour la période 2005-2010 et pour celle à venir de 2011 à 2015. Un bilan
chiffré est enfin proposé pour chacune des deux filières.
A - Une fixation des prix répondant à plusieurs
mécanismes
341.
Les dispositifs incitatifs comme les consommations de biocarburants
ayant connu des évolutions contrastées au cours des dernières années, les
marchés des différents produits ne sont pas encore stabilisés. Les délais de
construction des unités de production, l’organisation préexistante des
filières, la volatilité des cours des produits agricoles et de ceux de
l’énergie, des taux de change, ainsi que l’apparition successive de
distorsions de concurrence font que la situation des marchés varie suivant
les années et les filières. Or tous ces facteurs influent sur la formation des
prix.
342.
Bien que les filières bénéficient de crédits publics à travers la
défiscalisation, elle reste non transparente pour l'Etat du point de vue des
coûts de production
163
, contrairement par exemple à l'électricité.
163
Quelques résultats proviennent de travaux récents (modélisation du coût des
filières européennes) menés à l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.
Les ordres de grandeurs donnés sont des coûts moyens :
-
EMHV Colza : 0,7 et 0,9 €/l pour une matière première variant entre 800 et
1000 €/t ;
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
157
343.
De façon générale, la fixation des prix de référence dans les contrats
d'approvisionnement des unités de production répond à plusieurs
mécanismes exposés ci-après. Les contrats, qui portent typiquement sur
une année ou sur plusieurs mois, prévoient en général des clauses
d’indexation, soit sur le cours du carburant fossile substitué, soit sur un
indice de référence, ainsi que des clauses de révision en cas de choc
important sur le coût de la matière première.
344.
Schématiquement, le prix auquel un biocarburant peut être vendu
dépend de facteurs qui peuvent s'avérer tour à tour comme les plus
influents. Pour tous les biocarburants vendus en France, depuis 2005, il
existe un premier prix plafond correspondant au coût de revient de la non
incorporation :
Prix plafond 1
- défiscalisation partielle = TGAP + prix du carburant
fossile remplacé
Comme vu au § 329 dans un exemple chiffré, ce plafond est très
élevé, de telle sorte qu'en cas de faible concurrence et de prix élevé du
pétrole, il place le producteur de biocarburant en position de force face au
distributeur dont l'intérêt financier est d'incorporer jusqu'au taux cible.
345.
La concurrence européenne (non agréée) impose un deuxième prix
plafond effectif en période de surcapacité et de coûts bas :
Prix plafond 2
– défiscalisation partielle = coûts de production
européen + écart de coût logistique
346.
Par ailleurs, la concurrence non européenne impose elle aussi un prix
plafond :
Prix plafond 3
– défiscalisation partielle = coûts de production
étrangers – dispositif d’aide éventuel + droits de douane + coût de
transport supplémentaire
En général, les coûts de transports sont très faibles, donc les pays
disposant d’un gros différentiel en matière de coûts de production, ou de
dispositifs d’aide à l’incorporation y compris pour l’export, peuvent faire
baisser les prix plafond de manière très importante.
347.
Dernièrement, deux autres prix plafonds sont apparus à la suite de la
comptabilisation double de certains biocarburants EMHA ou EMHU dans
le calcul de la TGAP :
-
Ethanol betterave : entre 0,4 et 0,6 €/l pour une matière première variant
entre 20 et 40 €/t ;
-
Ethanol de blé : entre 0,57 et 0,66 €/l pour une matière première variant
entre 150 et 190 €/t.
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158
COUR DES COMPTES
Prix plafond 4
– défiscalisation partielle= ½ (coût de revient du
biocarburant « compte double » + coût du carburant fossile)
Ici, dans le coût de revient, il faut tenir compte de la défiscalisation
éventuelle pour les unités d’EMHA agréées.
348.
De plus, en raison de l’incohérence entre les normes et les objectifs
d’incorporation, il peut exister un prix plafond supplémentaire (très faible)
pour la fraction de biocarburants qui oblige à payer de la TGAP
164
:
Prix plafond 5
– défiscalisation partielle + TGAP = coût de revient
du biocarburant « compte double »
B - Filière du bioéthanol : la matière première agricole,
variable d'ajustement dans la fixation des prix
349.
Pour cette filière, le prix de vente a été fixé ces dernières années par la
concurrence internationale, en premier lieu celle de l’éthanol brésilien et
accessoirement par le montant des droits de douanes. L’éthanol étant
caractérisé en outre par la multiplicité des matières premières utilisables
pour le fabriquer, avec des cours fixés par les débouchés alimentaires
(sucre, céréales), ce prix imposé par la canne brésilienne pose
d’importantes difficultés aux producteurs obligés de payer leur matière
première au prix du marché, par exemple le maïs.
350.
Pour les unités de production qui dépendent de coopératives, le prix
de la matière première est fixé contractuellement sur plusieurs années à un
niveau qui permet en principe d’équilibrer les comptes. Cette fonction de
variable d'ajustement
165
du prix de la matière première crée des tensions
importantes dans le contexte actuel de cours très élevé pour les débouchés
alimentaires, en particulier quand il s'agit de blé
166
. Pour la betterave, la
rigidité des processus de production et l’étroite dépendance des
164
Par exemple, pour un objectif de 7 % PCI de biodiesel, il faut obligatoirement
incorporer au minimum 0,54 % en volume d’EMHA ou d’EMHU pour ne pas payer
de TGAP (cf. § 362).
165
Le fait que le prix de la matière première soit une variable d'ajustement du résultat
net de l'unité de production de bioéthanol (ici à partir de blé) apparaît officiellement
dans les attendus et les pièces justificatives du jugement n°178 du tribunal de grande
instance de Reims à la date du 7 juin 2011. Ce jugement a prononcé l'annulation des
contrats de fourniture de blé et de participation au capital d'une unité de bioéthanol, à
la demande des coopératives fournisseurs de matière première.
166
Le jugement précédent mentionne que lorsqu'en juillet 2008, B*** payait la tonne
de blé 124 €, la nouvelle unité ne proposait que 88,30 € et, situation comparable en
juillet 2009, 120 € la tonne d'un côté contre 87,13 € puis 99,19 €. Notons qu'à la
même époque le cours du blé sur le marché libre était monté à 200-300€/tonne.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
159
producteurs à la sucrerie locale limite cependant les velléités de ruptures
des contrats.
351.
Le schéma ci-dessous résume ce mécanisme :
Droits
de douane
Variable
d'ajustement :
le prix de la
matière
première
Prix
mondial
Défisc.
Logistique
Prix de la
concurrence
internationale
Coûts
Prix de vente
par le
producteur
Coût de vente au distributeur
Production &
amortissement
Prix
de marché
alimentaire
Plafond 3
Droits
de douane
Variable
d'ajustement :
le prix de la
matière
première
Prix
mondial
Défisc.
Logistique
Prix de la
concurrence
internationale
Coûts
Prix de vente
par le
producteur
Coût de vente au distributeur
Production &
amortissement
Prix
de marché
alimentaire
Plafond 3
Source : Cour des comptes
En conséquence, le prix de référence, autour duquel s’organise la
rencontre entre l'offre des producteurs et la demande des distributeurs est,
pour l’Europe, celui du marché de Rotterdam, augmenté du droit de
douane et de la défiscalisation attachée aux productions agréées. Au-delà
de ce plafond, l’importation devient plus rentable que l’achat aux
producteurs nationaux. Elle l’est d’autant plus si le droit de douane
appliqué par les autorités douanières de l’Union européenne n’est pas celui
de l’éthanol pur, mais celui, beaucoup plus bas, d’un produit chimique,
dès lors que l’éthanol est mélangé à l’essence, si peu que ce soit. Elle l’est
encore plus si la concurrence bénéficie d'un mécanisme de subventions à
la production de type américain. La résultante est que les producteurs
nationaux ne sont pas en position d’aligner leur prix de vente aux
distributeurs sur celui qui sera payé en bout de chaîne par le
consommateur final. Ceci revient à ce que, contrairement au biodiesel, les
producteurs ne peuvent capter tout ou partie de la TGAP évitée.
352.
En revanche, le distributeur ou pétrolier considère comme équivalent
de payer le prix de marché (à droite sur la figure) ou de payer pour
l'éthanol agréé un prix majoré du montant de la défiscalisation (au centre
de la figure) puisqu'il la récupère. C'est en ce sens qu'il y a captation de la
défiscalisation par la filière qui, elle l'affirme elle-même, lui est nécessaire
pour couvrir les amortissements des unités nouvelles. De fait, les
incorporations réelles d'éthanol dans l'essence correspondent à la
production nationale agréée.
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160
COUR DES COMPTES
353.
La baisse très importante de la défiscalisation ces dernières années
semble au final avoir fragilisé la santé financière de certaines usines ainsi
que les relations des autres avec leurs adhérents / fournisseurs. On peut se
demander dès lors quel est l'intérêt pour les agriculteurs de continuer à
fournir l'unité de production de biocarburant alors que le prix de la matière
première alimentaire est si élevé. La réponse donnée
167
par Tereos en
février 2011 a le mérite de la franchise par rapport au discours habituel de
dénégation de l'influence des biocarburants sur le prix des matières
premières: " Nous avons aussi un effort pédagogique à faire auprès des
producteurs, pour leur faire comprendre que c'est aussi parce qu'ils livrent
10
% de leur production de blé, qu'ils ont actuellement des prix deux fois
plus rémunérateurs sur les 90
% restants. Les États-Unis utilisent 35 % de
leur production de maïs pour le bioéthanol. Si demain, ce débouché
disparaissait, les cours s'effondreraient ".
C - Filière du biodiesel : un effet d'aubaine dû à la
TGAP, mais la concurrence des huiles animales et
usagées met désormais la filière en grande difficulté
354.
Tout autre est la situation dans le biodiesel. Les acteurs y sont
beaucoup plus concentrés que dans l’éthanol, et en raison du
développement plus tardif du marché au niveau mondial, les mécanismes à
l’oeuvre dans la fixation des prix ont été très différents et ont répondu
depuis 2005 aux cinq schémas exposés ci-dessus.
Ainsi, en 2005, en raison de l’absence de filière concurrente, de
l'introduction sans préavis de la TGAP et du fort soutien à la
consommation existant en Allemagne du fait d'une défiscalisation totale,
le producteur majoritaire a imposé à ses clients une hausse brutale et
significative des prix, n’étant en théorie contraint que par le plafond n° 1.
Le schéma ci-dessous présente les termes d’une négociation
caractérisée par une très faible présence de la concurrence en dépit de
droits de douane quasi-inexistants, et donc un équilibre favorable au
producteur de biodiesel :
167
cf.
betterave-qui-rit-ble-ethanol-qui-pleure-chez-tereos-38384.html
.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
161
« Prime
% TGAP »
Matière
première
Coûts de
production
Prix du
gazole
TGAP
Prix du
gazole
Prix
d’achat du
distributeur
Coût de revient
du distributeur
en cas de non
incorporation
Marge
Coût du
producteur
Défisc.
Prix de
l’huile sur
les marché
Prix de marché.
Plafond 1
Source : Cour des comptes
355.
De surcroît, comme une partie des huiles sont importées par les
producteurs eux-mêmes, qui les insèrent dans le processus de production,
les esters issus de ces huiles bénéficient de la défiscalisation. Dans cette
situation, le producteur n’a aucune difficulté à imposer son prix de vente
au distributeur qui n’a guère de source alternative à opposer à son
fournisseur quasi exclusif.
356.
Cette situation, qui a prévalu jusqu’en 2007, a précisément conduit les
acheteurs à explorer d’autres voies d’approvisionnement. Ils ont tout
d’abord tiré profit à plein des importations bénéficiant des subventions
américaines, puis de la surproduction en Allemagne après la suppression
de fiscalité incitative dans ce pays. Ceci a provoqué un desserrement du
marché français et européen et une baisse des prix qui se sont positionnés
entre les plafonds 1 et 3, c'est-à-dire au niveau 2, les droits de douane étant
toujours quasi nuls. Ce mécanisme s’est notamment imposé lorsque
l’Europe a pris des mesures de rétorsion contre les exportations
américaines.
357.
La façon dont cet effet d'aubaine a varié se retrouve pour l’ensemble
des producteurs européens dans la plainte
63
déposée auprès de la
Commission européenne par l’European Biodiesel Board (EBB). Celui-ci
chiffre
168
le préjudice subi par ses membres en se référant à la baisse des
168
Les chiffres permettent aussi de retrouver le niveau des investissements : les
capitaux investis par tonne sont estimés entre 120 et 230 € la tonne. Si l’on multiplie
ces montants par la production française de biodiesel en moyenne de l'ordre de
2,5 Mt, on obtient un capital investi compris entre 300 et 575 M€. Cette fourchette est
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162
COUR DES COMPTES
marges des producteurs pendant les années 2008-2009, comparée à la
période 2006-2007. Les indications ont été fournies par une dizaine
d'entreprises représentant 25 % de la production européenne. Les calculs
qui suivent et dont les résultats figurent dans le tableau ci-après reposent
sur
l’hypothèse
que
les
entreprises
françaises
ont
des
résultats
économiques et techniques comparables à ces 25 %, considérés donc
comme représentatifs.
Année
2005
2006
2007
« 2007-2008 »
Prix biodiesel (€/T)
759
900
892
933
Profit
% prix biodiesel ( %)
18,3
18,0
5,7
5,7
D’où profit par tonne (€/t)
139
162
51
53
Profit sur capitaux investis ( %)
114
108
23
23
D’où capitaux investis par tonne
produite (€/T)
122
150
221
230
Source : Cour des comptes d'après la référence de la note de bas de page 63
358.
L'effet d'aubaine à partir de la création de TGAP en 2005 a pu
atteindre initialement des valeurs importantes puisque du jour au
lendemain, le prix de l'EMHV aurait augmenté de 250 € le m3. Il semble
acquis cependant que cet effet, très important au début, a chuté
régulièrement du fait de la concurrence argentine et des EMHA et EMHU.
Le tableau suivant simule le montant annuel et cumulé avec l'hypothèse
d'une prime
169
de 250 € le m3 en 2005 décroissant linéairement pour
tomber à 0 en 2009 sous l’effet de la concurrence :
Mm
3
/ M€
2005
2006
2007
2008
2009
2010
EMHV Volumes agréés mis à la
consommation en millions de m
3
0,42
0,64
1,3
2,36
2,38
2,59
Biogazole Primes TGAP (base
250 €/m3 en 2005 à 0 €/m
3
en
2009 )
105
120
163
148
0
0
Biogazole Cumul Primes TGAP
0,1
0,2
0,4
0,5
0,5
0,5
La diminution de la « prime » au m
3
, alors que les quantités agréées
de biodiesel mis à la consommation croissent fortement, font que cette
estimation n’est qu’un ordre de grandeur. Il apparaît néanmoins que, sur la
période 2005-2010, cet effet d’aubaine est dans les ordres de grandeur du
demi-milliard d'euros. Il n’est, certes, pas possible de déterminer s’il a été
ou non répercuté sur le consommateur, mais il n’en demeure pas moins
que, dans le contexte qui prévalait avant 2005, c'est-à-dire sans la TGAP,
cohérente avec celle trouvée plus haut à partir des coûts des unités de production, soit
450 à 550 M€ (cf. §324).
169
A la pompe, une augmentation de 120 €/m
3
pour l'ester, se traduit par une
augmentation de 0,85 centime d'€ par litre de B7.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
163
l'incorporation des biocarburants par les pétroliers et distributeurs n'avait
pas réussi à décoller.
359.
La mise en place par l'Argentine de taxes à l’exportation favorisant le
biodiesel au détriment de l’huile a permis d’abaisser le prix plafond n°3 en
raison des coûts de production très faible de ce pays qui, de fait, ne sont
plus alignés sur les cours mondiaux de l’huile.
360.
La formation du prix de l'huile estérifiée (EMVH) dépend en effet,
comme on le voit sur la figure du §354, de l'écart entre le prix du gazole et
de l'huile végétale, le coût des autres intrants du processus d'estérification
(alcool méthylique, méthylate de sodium) n'étant pas considéré comme
ayant une influence déterminante sur le prix. Il est clair dès lors que plus
le prix de l'huile végétale est élevé et situé nettement au-dessus de celui du
gazole fossile, ce qui est le cas depuis quelques années, plus l'intérêt pour
l'industriel de produire de l'EMHV plutôt que de l'huile alimentaire est
faible, en dehors de la nécessité de maintenir en activité ses unités
d'estérification. La prime négociée est donc une fonction croissante du
prix de l'huile (i.e. augmente avec celui de l'huile) jusqu'à un des prix
plafond décrits plus haut. Inversement, quand l'huile baisse, la prime
négociée en fait autant.
361.
L’introduction dans la loi française de la possibilité de double
comptage des EMHA et EMHU a enclenché les mécanismes de type prix
plafond 4 et 5, qui, étant inférieurs aux coûts de production de l’EMHV,
ont le potentiel de capter une part croissante du marché, obligeant, d'après
leurs dires, les producteurs agréés en EMHV, à réduire fortement leur
production en 2011, sinon fermer des unités. Les EMHA(U) entrent en
effet sévèrement en concurrence avec l'EHHV, car pour ses coûts, le
distributeur doit considérer le plafond 4 décrit plus haut où il met en
balance le fait qu'il peut remplacer un volume d'EMHV par demi volume
d'EMHA(U) et demi volume de gazole, ce dernier lui revenant moins cher
que le demi volume de EMHV qu'il remplace. Ceci place les producteurs
d'EMHA(U) en position de force, et à part les limitations de logistique, on
ne voit pas ce qui empêcherait ceux-ci de prendre la totalité des parts de
marché avec de plus une impossibilité physique de tracer la réelle origine
des huiles. Partant d'une application rationnelle de la valorisation des
déchets et des directives européennes, le législateur n'a pas pris en compte
les effets pervers induits par le fait que les EMHA et surtout les EMHU
sont encore respectivement mal définis et non techniquement identifiables.
Le plafonnement déjà mentionné permet transitoirement de résoudre ce
problème.
362.
Néanmoins, le double comptage bien maîtrisé procure un moyen de
respecter les taux d'incorporation du biodiesel sans contournement des
textes par une règlementation qui ajoute dans les volumes incorporés de
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164
COUR DES COMPTES
biodiesel, le B30 SNCF à partir de 2010, puis, à partir de 2011, le
biodiesel dans le secteur non routier, tout en ne comptant pas les
carburants SNCF et non routier dans le dénominateur du taux
d'incorporation.
363.
Si on avait considéré que le B7 routier (négligeant les volumes de B30
routier), les distributeurs, pour ne pas payer de TGAP, auraient dû
atteindre 7,57 % d'incorporation de biodiesel en volume, équivalent à 7 %
pouvoir calorifique inférieur, tout en respectant la directive qualité des
carburants qui limite l'incorporation du B7 à 7 % en volume au maximum.
364.
Le double comptage permet en fait de contourner cette difficulté sans
manipulation statistique et sans pour autant mettre en danger immédiat la
filière EMHV. La méthode consiste à incorporer une fraction minimale
d’huile animale ou usagée. Pour cela, il faut annuler au moins 0,54 % en
volume à la production totale, soit de l'ordre de 200 millions de litres. Ceci
est faisable en incorporant cette même quantité en EMHA ou U qui
compte double pour le pouvoir calorifique inférieur soit en volume (7 % -
0,54 %) d'EMHV + 0,54 % d'EMHA. De façon générale toute
combinaison de concentration en volume vérifiant en % : [EMHV] +
2,068*[EMHA/U] = 7,574
% respecte les 7 % de pouvoir calorifique
inférieur d'incorporation.
365.
Le graphe suivant synthétise ces options avec en abscisse le taux
d'incorporation en EMHV, en ordonnée le taux d'incorporation en volume
en EMHA (ou U).
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
0
1
2
3
4
5
6
7
% en EMHV (en volume)
% en EMHA (U) en volume
7% en volume
7% en PCI
> 7% en volume
0,54% : minimum d'EMHA (U) à incorporer
Source Cour des comptes
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
165
A droite la zone hachurée correspondant à un taux d'incorporation en
volume supérieur à 7 % non autorisé. Pour respecter le taux minimal de
7 % en pouvoir calorifique inférieur le distributeur peut choisir tout
mélange d'EMHV et EMHA situé sur la droite en trait plein et dans la
zone non hachurée.
366.
Au cas où un contingentement du double comptage serait mis en
oeuvre pour la TGAP, la conclusion de la Cour est que le plafond devrait
logiquement se situer à 0,54 % d'incorporation d'EMHU ou d'EMHU, avec
au-dessus de ce taux un retour au droit commun. L'arrêté du 30 septembre
2011
53
du ministre du budget a bien suivi ce schéma, mais en décidant
d'un plafond arbitraire de 0,35 %.
D - Les trois raisons pour lesquelles, en raison des
biocarburants, le consommateur paye plus cher son
carburant à la pompe
367.
Le premier facteur réside dans le coût de production des biocarburants
plus élevé que celui du carburant fossile dans lequel il est incorporé. Or, il
a été montré plus haut que les prix de vente des biocarburants aux
pétroliers et aux distributeurs peuvent être peu corrélés aux prix de
production et à ceux des marchés des matières premières. Les matières
premières céréalières (hors le maïs) et betteravières s'alignent en effet en
grande partie afin que l'éthanol produit soit compétitif avec les
importations tandis qu'au contraire, l'absence de concurrence a longtemps
donné un avantage de négociation aux producteurs de biodiesel afin qu'ils
imposent leur prix. Ce point sera de nouveau abordé plus loin.
368.
Le deuxième facteur de hausse des prix est que le litre de SP95 E10
ou de diesel B7, ayant moins de valeur énergétique que respectivement le
litre de SP95 et de gazole, leur consommation est supérieure à ce qu'elle
serait
sans
incorporation
de
biocarburants.
Le
calcul
de
la
surconsommation a été abordé précédemment dans l'analyse des équilibres
fiscaux entre dépense fiscale et entrées supplémentaires de taxes. Il a été
implicitement admis qu'il n'y avait aucune élasticité du marché, ce qui
paraît raisonnable étant donné qu'il s'agit d'une variable cachée dont la
valeur est réduite et fluctue dans le temps.
369.
Le troisième facteur est, de façon paradoxale, le coût de la non-
incorporation de biocarburants, c'est-à-dire la TGAP, passée d'une pénalité
à une taxe. Les distributeurs ont confirmé qu'elle est répercutée dans le
prix de vente des carburants. Le SP95 se voit donc renchérir, non par
l'incorporation de bioéthanol, mais par le fait qu'il n'en comporte pas. Les
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COUR DES COMPTES
chiffres ont été déjà déterminés (cf. §108) avec un cumul de TGAP de
525 M€ pour la période 2005 à 2010.
E - Incidence du coût plus élevé de l'E10 et du B7 sur le
prix au litre du carburant à la pompe
370.
Le commissariat général au développement durable, dans l'analyse
déjà citée
157
, déduit que les prix du supercarburant auraient augmenté
progressivement pour atteindre environ 1 % en fin de période ; le prix du
gazole aurait quant à lui augmenté progressivement de 1 % en 2004 à près
de 4 % en 2009.
371.
L'union française des industries pétrolières avance
41
, elle, que pour
2010, l'incidence des biocarburants sur le prix à la pompe est de 0,9 et
1,3 ct€ au litre, respectivement pour le diesel et pour le super. La
littérature scientifique récente
170
indique que pour un coût de 54 US ct le
litre de carburant d'origine fossile, le coût au litre d'énergie équivalente
d'éthanol de canne à sucre et de maïs s'établit dans la fourchette : 62 –
75 US ct.
372.
Les différentes auditions et analyses de documents permettent
cependant d'estimer l'ordre de grandeur de la différence de prix entre
biocarburants et carburants d'origine fossile (tous effets compris, sauf la
surconsommation). En se fondant sur les indications convergentes des
différentes parties, on peut estimer l'écart de prix par rapport à celui de
l'essence à énergie équivalente, dans une fourchette de 65 € +/- 10 € le m
3
de bioéthanol, avec une incidence en 2010 (à 6 % d'incorporation pouvoir
calorifique inférieur) de + 0,5 à + 0,7 ct€ du E10 par rapport au SP95.
Quant au biodiesel, un calcul similaire permet de trouver un coût d'achat
par rapport au gazole de 260 € +/- 30 € le m3, ce qui, ramené au litre de
B7
(à
6,37 %
d'incorporation
en
pouvoir
calorifique
inférieur),
équivaudrait à la pompe à un prix supérieur de 1,6 à 2 centimes d’euro au
litre.
373.
Peut-on déduire de ces estimations l'incidence pour le consommateur
du prix au litre de carburant à la pompe ? Le prix Hors Taxe (HT) d'un
carburant fossile classique peut être décomposé comme suit :
-
prix de référence européen (Rotterdam) ;
-
+ ou – la marge d'achat du distributeur (en fonction des volumes
d'achat et des positions de négociation) ;
170
Dans "Next generation biofuels", Nature, vol. 474, 23 June 2011, p. S2 .
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
167
-
+ les coûts de transport (fonction des points de livraison),
raffineries, dépôts... et de la géographie du réseau de
distribution ;
-
+ les coûts du réseau de distribution ;
-
+ la marge du distributeur.
374.
La disparité des prix observée d'une station-service à une autre
171
traduit la diversité des situations sur les quatre postes autres que le prix de
référence européen. Devant cette incertitude, il est très difficile, sinon
impossible, de calculer l’impact cumulé, sur la période de référence 2005-
2010, du coût de production supérieur des biocarburants sur le prix au litre
à la pompe après incorporation, le tout rapporté à la totalité des
2,9 millions de m3 de bioéthanol et 10 millions de m3 de gazole agréés
mis consommation
172
.
375.
Une estimation est cependant possible pour 2010, sous toutes
réserves. On ne saurait en effet extrapoler les données de cette année-là
aux précédentes, car les taux d'incorporation étaient nettement moins
élevés. En fait, l'année 2010 compte pour un quart du total incorporé
depuis 2005.
La consommation totale (agréée ou non) de biocarburants est obtenue
à partir du taux réel d'incorporation
173
et de la consommation totale, soit
2,5 Mm
3
de biodiesel et 0,88 Mm
3
d'éthanol. En appliquant le surcoût au
litre confirmé par l'ensemble des parties prenantes, on trouve que les
consommateurs ont, en 2010, payé un surcoût de 2,5 Mm
3
× 260 €/m
3
soit
650 M€ +/- 75 M€ et 0,88 Mm
3
× 65 €/m
3
, soit 57 M€. Ce surcoût payé
par le consommateur correspond à une augmentation du chiffre d'affaires
des distributeurs et producteurs, mais probablement pas à un bénéfice
accru, d'autant moins qu'en 2010 l'effet d'aubaine de la TGAP a dû être
inexistant, aussi bien pour l'éthanol que pour le biodiesel.
Le même calcul avec les surcoûts indiqués par l'union française des
industries pétrolières donne respectivement 343 M€ et 133 M€ de
surcoût pour respectivement le gazole et l'essence.
171
Un rapide sondage sur Internet par la Cour a montré à l'été 2011 une différence de
prix à la pompe entre le SP95E10 et le SP95 tantôt positive tantôt négative. Le
syndicat national des producteurs d’alcool agricole établit une fiche à partir des
données du site
www.prix-carburants.gouv.fr
qui montrerait sur environ les 20% de
stations service servant à la fois du SP95 et du SP95-E10 une différence de
3,7 centimes d’euro en faveur de l'E10, alors que les directions interrogées des
administrations concernées disent ne pas avoir de suivi de données comparatives.
172
D'après les données du tableau du §90.
173
cf. les §102 et 103.
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COUR DES COMPTES
F - Une évaluation du coût supplémentaire de la
surconsommation pour l'automobiliste à la pompe
376.
Deuxième facteur de renchérissement pour le consommateur, ignoré
de celui-ci, la consommation supérieure du fait du PCI inférieur des
biocarburants par rapport aux carburants fossiles. Les recettes fiscales
supplémentaires induites ont été évaluées dans la première partie. Pour
déterminer
le
total
TTC
de
la
contribution
supplémentaire
du
consommateur, le surcroît de taxes ayant été déjà déterminé, il est
nécessaire de calculer la partie hors taxes qui correspond à un chiffre
d'affaires très légèrement augmenté du distributeur, ou pétrolier.
Contrairement à la TIC qui est fixe, le montant annuel de ce plus payé
HT174 fluctue de façon importante car il suit les variations du cours du
baril. Au cours actuel du pétrole, ces montants dépassent annuellement
100 M€ pour le gazole et 150 M€ pour l'essence, comme le montre le
tableau ci-dessous.
Calcul du plus consommés
2005
2006
2007
2008
2009
2010
GAZOLE en millions de litres
32,13
55,29
120,69
188,45
205,81
221,05
SUPER en millions de litres
82,91
118,80
174,95
282,27
301,66
305,01
Prix gazole HT
0,440
0,440
0,430
0,741
0,364
0,462
Prix essence HT
0,380
0,380
0,400
0,600
0,267
0,475
Consommation supplémentaire
HT en M€ pour le gazole
14,14
24,33
51,90
139,64
74,91
102,13
Consommation supplémentaire
HT en M€ pour l'essence
31,50
45,14
69,98
169,36
80,54
144,88
Cumul HT en M€ pour le
gazole
14
38
90
230
305
407
Cumul HT en M€ pour
l'essence
32
77
147
316
397
541
Source : Cour des comptes à partir des données DGDDI, DGPAAT et UFIP
Le cumul sur 2005-2010 de ce surcroît HT de consommation est de
l'ordre de 0,41 Md€ pour le gazole
175
et de 0,54 Md€ pour l'essence
176
174
Pour certains économistes, le surcroît de TVA, s'il constitue une dépense
supplémentaire pour le consommateur dans son achat de carburant, ne constitue pas
en équilibre général pour autant une rentrée supplémentaire pour l'Etat du fait du
report négatif sur ses autres dépenses et des moindres rentrées induites pour l'Etat. On
ne tiendra pas compte ici de ces effets d'élasticité.
175
Par rapport à un marché HT total cumulé de 105Md€ évalué à partir des données
du tableau du §90.
176
Par rapport à un marché HT total cumulé de 30Md€ (Ibid).
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
169
comme le montre le tableau ci-dessus
177
. Ce cumul se rajoute aux cumuls
de taxes supplémentaires de 0,52 Md€ et 1,06 Md€ déjà calculés
respectivement pour le gazole et le super.
G - Évaluation des efforts : quel a été le coût de cette
politique sur 2005-2010 et qui a payé ?
377.
Le schéma suivant reprend les développements précédents et les
suivants sur les données fiscales et financières, pour représenter le cumul
des flux des exonérations
178
et des taxes additionnelles
179
,
180
dans la filière
éthanol :
Producteurs
Bioéthanol
Pétroliers
&
Distributeurs
8 : Etat / Administrations / Contribuables
8 : Etat / Administrations / Contribuables
~ 1,0 Md€
Taxes induites par la
surconsommation
~ 1,0 Md€
Taxes induites par la
surconsommation
~ 0,32 Md€ TGAP*
~ 0,32 Md€ TGAP*
~ 0,85 Md€
Défiscalisation
~ 0,85 Md€
Défiscalisation
6
6
: Consommateurs
automobile, carburants dont BC
1E
2E
4E
Exploitants
Agricole
(cultures)
~ 0,54 Md€
Prix HT des
surconsommations
induites
~ 0,54 Md€
Prix HT des
surconsommations
induites
Prix supérieurs
de l'E10 (cf. texte)
Prix supérieurs
de l'E10 (cf. texte)
Prix supérieurs
de l'E10 (cf. texte)
Source : Cour des comptes
378.
Faisant l'hypothèse, résultant de la conviction de la Cour après
l'audition de l'ensemble des acteurs, que la défiscalisation est captée par
les producteurs de biocarburants
181
et, ne tenant pas compte du prix
177
Il ne faudrait pas en déduire que l'introduction des biocarburants fait augmenter les
importations de pétrole pour le pays mais, pour le SP95E10 par exemple, au lieu
d'économiser 10 % de pétrole fossile, la France n'en n'économise que 6,5 %.
178
Cf. §103 pour l'exonération partielle de TIC.
179
Cf. §90 pour le surcroit de TIC dû à l'augmentation implicite de consommation.
180
Cf. §108 pour la TGAP payée.
181
Si ce point n'est pas controversé pour la filière du biodiesel, celle du bioéthanol le
conteste arguant de l'état de compétition du marché et du fait que la distribution qui
perçoit la défiscalisation en ferait bénéficier le consommateur à travers un prix
inférieur de l'E10 par rapport au SP95. L'analyse de la Cour est que si la
défiscalisation ne profitait pas à la filière, sa suppression ne poserait pas autant
d'oppositions de sa part du fait que le prix de vente au consommateur importe peu,
l'incorporation étant devenue quasiment obligée avec la TGAP.
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170
COUR DES COMPTES
supérieur ou inférieur du SP95E10 à la pompe, on peut conclure que pour
le bioéthanol :
-
les producteurs ont reçu 0,85 Md€
de défiscalisation réglée par
la collectivité (mais aucune contribution au titre du partage de la
prime de TGAP évitée) ;
-
l'État (le contribuable)
a payé la défiscalisation (0,85 Md€)
mais a perçu des taxes supplémentaires : 1,0 Md€, la TGAP
répercutée : 0,32 Md€. L'État
a
donc
bénéficié de 0,47 Md€ de
rentrées fiscales supplémentaires
ce qui signifie que la
politique sur l'éthanol est un gain pour lui ;
-
le chiffre d'affaires du pétrolier ou distributeur s'est accru de
0,54 Md€ ;
-
le consommateur a payé
le prix fort, soit 1,54 Md€ de
consommation
supplémentaire
et
0,32 Md€
de
TGAP
répercutée, soit au total :
1,86 Md€
.
379.
Le schéma équivalent pour le biodiesel est représenté ci-après.
Comme précédemment, l'hypothèse est que la défiscalisation est captée
par les producteurs de biocarburants, et il n'est pas tenu compte du prix
supérieur B7 à la pompe :
2D
Producteurs
BC
Pétroliers
&
Distributeurs
8 : Etat / Administrations / Contribuables
8 : Etat / Administrations / Contribuables
~ 0,5 Md€
Taxes induites par la
surconsommation*
~ 0,5 Md€
Taxes induites par la
surconsommation*
~ 0,01 Md€ TGAP*
~ 0,01 Md€ TGAP*
~ 1,8 Md€
Défiscalisation
~ 1,8 Md€
Défiscalisation
6
6
: Consommateurs
automobile, carburants dont BC
4D
Prix supérieurs
du B7 (cf. texte)
Prix supérieurs
du B7 (cf. texte)
1D
Exploitants
Agricole
(cultures)
~ 0,40 Md€
prix HT des
surconsommations
induites
Source : Cour des comptes
Les producteurs
ont récupéré
1,8 Md€
de défiscalisation sur 2005-
2010. Le chiffre d'affaires du
pétrolier ou distributeur
s'est accru de
0,4 Md€
de consommation HT supplémentaire.
Le contribuable a payé 1,29 M€,
solde entre
une défiscalisation de
1,8 Md€ et 0,5Md€ de recettes fiscales supplémentaires dues à la
surconsommation de carburant (la TGAP répercutée est négligeable).
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171
Le consommateur a payé au total
0,91 Md€
se décomposant comme
entre 0,5 Md€ de taxes supplémentaires, 0,01 Md€ de TGAP répercutée et
0,4 Md€ de consommation HT supplémentaire.
H -
L'État devient bénéficiaire dans les deux filières à
partir de 2012, même en cas de maintien de la dépense
fiscale jusqu'en 2015
380.
Les analyses précédentes reposent sur les dépenses fiscales constatées
jusqu'en 2010. Il a paru important d'évaluer la charge pour l'État du
respect de ses engagements pour les usines et quantités agréées jusqu'en
2015, et cela sous trois hypothèses. La première est que les taux actuels
d'exonération sont maintenus jusqu’à cette date, qui correspond à
l’épuisement des agréments actuels ; la deuxième est que le taux réel de
réalisation de ces agréments est dans la continuité de ce qui a été observé
ces dernières années, soit 70 % pour le biodiesel et 50 % pour l'éthanol ; la
troisième est que la consommation de gazole continue à croître et celle
d’essence à décroître aux taux observés ces dernières années.
381.
Le tableau suivant présente les résultats pour la filière biodiesel.
L'année 2011 à elle seule représente plus de la moitié du cumul de TIC sur
la période : 202 sur 152 M€.
Année
2011
2012
2013
2014
2015
EXONERATIONS de TIC pour le BIODIESEL
(en M€)
202
74
50
16
12
Source : Cour des comptes
Comme le montre le graphe ci-dessous, l'année 2011 est aussi la
dernière où la défiscalisation est plus importante (de quelque 50M€) que
les rentrées supplémentaires de taxes dues à la surconsommation.
-100,0
-50,0
0,0
50,0
100,0
150,0
200,0
250,0
2011
2012
2013
2014
2015
Année
Montant en M€
-100,00
-50,00
0,00
50,00
100,00
150,00
200,00
Montant de la différence en M€
Exonération TIC
Biodiesel (hypothèse
70% de réalisation)
Suppléments de
taxes gazole
Taxes
supplémentaires
moins défiscalisation
(gazole)
Source : Cour des comptes
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172
COUR DES COMPTES
382.
De même pour la filière éthanol, le cumul de l'exonération de TIC
serait de 260 M€. Les agréments sont encore du même ordre en 2012
qu’en 2011 et ne décroissent fortement qu'à partir de 2013.
Année
2011
2012
2013
2014
2015
EXONERATIONS de TIC pour
l'ETHANOL(en M€)
116
121
79
40
20
Source : Cour des comptes
Le graphe ci-dessous
montre en revanche que les rentrées
supplémentaires dues au faible pouvoir calorifique inférieur de l'éthanol
sont toujours très supérieures à la dépense fiscale et que cette différence
est relativement stabilisé autour de 150 M€.
0,0
50,0
100,0
150,0
200,0
250,0
300,0
2011
2012
2013
2014
2015
Année
Montant en M€
0,00
20,00
40,00
60,00
80,00
100,00
120,00
140,00
160,00
180,00
Montant de la diféfrence en M€
Exonération TIC Ethanol
(hypothèse 70% de
réalisation)
Suppléments de taxes
essence
Taxes supplémentaires
moins défiscalisation
(gazole)
Source : Cour des comptes
En conclusion, en ne considérant déjà que la TIC et la TVA, à partir
de 2012, le biodiesel et l'éthanol rapportent chacun à l'État plus qu'ils ne
lui coûtent par la défiscalisation.
I - Des différences importantes entre les deux filières
383.
La première conclusion est que les aides perçues par les producteurs
de bioéthanol et de biodiesel grâce à la défiscalisation
182
sont très en
faveur des premiers calculées par rapport à l'énergie contenue dans le
biocarburant :
-
0,85 Md€ pour 3,9 millions de m
3
pour l'éthanol ;
182
On considère ici que le soutien de l'Etat réside dans l'exonération fiscale, seule
décision discutée et approuvée comme un manque à gagner par le Parlement. Les
autres effets ne résultent pas de décisions politiques mais, d'effets mécaniques dus aux
divers dispositifs règlementaires ou fiscaux existants.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
173
-
1,8 Md€ pour 10 millions de m
3
de biodiesel soit respectivement
215 €/m
3
et 170 €/m
3
;
-
ce qui ramené à l'énergie (pouvoir calorifique inférieur) donne
10€/GJ (ou 3,6 centime le kWh) et 5€/GJ (ou 1,8 centimes le
kWh), respectivement pour le bioéthanol et le biodiesel.
La défiscalisation plus importante pour l'éthanol a compensé pour ses
producteurs le fait que leur pouvoir de négociation envers les distributeurs
était plus faible que celui des producteurs de biodiesel.
384.
La particularité du bioéthanol est que, malgré l’importance de la
dépense fiscale, le solde recettes dépenses est en faveur de l’État à hauteur
de 0,5 Md€. C'est donc le consommateur qui règle la facture du surcoût
par rapport au carburant fossile (compte tenu aussi de la consommation
HT supplémentaire), au tarif de 23 €/GJ, l'État prélevant au passage 6 €/GJ
sur ce montant.
385.
Inversement, un calcul similaire montre que le biodiesel a été pris en
charge par l'État à hauteur de 3€/GJ par l'État et de 3,3€/GJ par le
consommateur.
386.
L'analyse de l'efficacité du dispositif
183
a montré, que, pour les
installations, la filière biodiesel a investi de l'ordre de 500 M€, soit 1,5 €
par GJ produit en 6 ans, alors que celle du bioéthanol est plus proche du
milliard d'euros d’investissement, soit 12€ par GJ produit, huit fois plus
que le biodiesel.
_______________
CONCLUSION - EFFICIENCE
______________
Les aides aux deux filières ont été fondamentalement différentes sur
2005 – 2010
La filière du bioéthanol :
- a profité d'une exonération fiscale importante lui permettant de se
protéger face aux importations et d'un surcoût par rapport à l'essence
fossile, le tout lui permettant globalement de couvrir le montant de ses
investissements ;
- ceci a été permis par un alignement des prix des matières
premières de façon à équilibrer les comptes des unités de production,
donc actuellement à un cours plus bas que ceux des marchés ;
183
Cf. §324.
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174
COUR DES COMPTES
- le solde est cependant positif pour l'État car la fiscalité actuelle
lui a permis d'en percevoir un demi milliard d'euros de telle sorte que le
consommateur a pris à son compte 23 €/ GJ.
La filière du biodiesel
:
- a eu un important pouvoir de négociation, du fait de l'absence de
concurrence réelle, dans les premières années après la création de la
TGAP en 2005 ;
- a bénéficié d'aides dont le montant ne peut être justifié par celui
des investissements ;
- a coûté finalement à l'État 1 Md€ et au consommateur 3,3 €/GJ,
soit 7 fois moins à l'énergie utilisée que le bioéthanol ;
- a bénéficié d'une rente de situation due à la TGAP mais est
dorénavant moins en position de force dans la négociation avec les
pétroliers et distributeurs car en concurrence avec les EMHA, les EMHU
et les importations d'EMHV de bonne qualité, d'Argentine en particulier.
Si les exonérations de TIC étaient prolongées jusqu'à la fin des
agréments en 2015, comme l'État s'y est engagé, et, en admettant qu'elles
le soient au taux actuel, leur cumul sur la période 2012-2015 devrait
atteindre respectivement 350 M€ et 170 M€ pour les deux filières. Dans la
même période, l'État devrait récupérer un surplus de taxes de plus de
0,5 Md€, lié à la surconsommation de gazole et de plus de 1 Md€ de celle
d'essence.
Le consommateur payeur
Tenant compte uniquement de la surconsommation de carburant et
de la TGAP, le consommateur a, sur 2005-2010, supporté un surcoût de 3
milliards d'€. A ce montant s'ajoute le prix plus élevé des biocarburants
répercuté
à
la
pompe,
contribuant
pour
l'année
2010
à
un
renchérissement estimé entre 0,5 et 0,7 milliard d'€.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
175
III
-
Pertinence inégale selon les trois politiques
affichées
A -
Comment distinguer les effets des trois politiques
imbriquées ?
387.
Les biocarburants sont au centre d'un dilemme à trois termes car ils
doivent répondre à des exigences contradictoires pour l'alimentation, pour
l'énergie et pour l'environnement. Comme l'a rappelé en 2009 la revue
Science, à ces questions complexes il ne peut être apporté de réponses
simplistes
184
. Dans ce chapitre, les arguments pour et contre une politique
en faveur des biocarburants sont exposés suivant chacun des volets de ce
dilemme, mais sur le plan national uniquement. Les aspects plus mondiaux
seront analysés plus loin, entre autres, les débats sur l'effet des
biocarburants sur les marchés des matières premières alimentaires et la
prise en compte des aspects éthiques et d'équité vis-à-vis des pays pauvres.
388.
Quelques précautions méthodologiques s'imposent à partir du moment
où l'on envisage d'imputer les aides étatiques (dépenses fiscales,
subventions, etc.) comme ici, à des objectifs multiples.
389.
Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’aucun des "grands" objectifs
poursuivis n’a jamais été quantifié, ni les hectares de jachères à réduire, ni
les tonnes d’hydrocarbures importés à économiser, ni les tonnes de CO
2
à
ne pas émettre. En fait d’objectifs, il n’y a donc que des constats a
posteriori à mesurer.
390.
Par ailleurs, on ne peut imputer la totalité des soutiens calculés
précédemment et réglés par le contribuable ou le consommateur, à la fois
aux nombres d'emplois créés ou maintenus, aux litres de pétrole que l’on
n’a pas importés et aux tonnes de CO
2
non émises. Peut-on affecter des
coefficients à chacune des politiques de la même façon que des
coefficients énergétiques sont affectés aux coproduits des biocarburants ?
Cette approche risque, elle aussi, d'être difficile à mettre en oeuvre, car la
décision politique dépend de l'espace considéré : pour le législateur, la
priorité sera l'emploi avec la création d'usines de biocarburant, pour l'État
la
priorité
retenue
pourrait
être
l'indépendance
énergétique
d'approvisionnement, alors que, pour les grands ensembles mondiaux, la
préservation de l'environnement sera la priorité. Le débat ne peut être
résolu ici, pas plus qu'un chiffrage précis par politique publique suivie.
184
D. Tilman et al., " Beneficial Biofuels—The Food, Energy, and Environment
Trilemma", v. 325, p.270 (2009).
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176
COUR DES COMPTES
1 -
La France, contrairement à l'Union européenne, considère
qu'il s'agit d'abord d'une politique agricole
391.
Alors que le discours ambiant est que les motivations pour les aides
aux biocarburants ont glissé dans le temps de l'agriculture et l'énergie vers
l'environnement, la France a une position
185
paradoxale dans ce domaine :
elle applique les directives européennes qu'elle a elle-même fait voter
pendant sa présidence européenne en 2008 et dont l'argumentation
principale repose sur les émissions réduites en gaz à effet de serre, alors
que le ministère chargé de l'écologie et du développement durable
considère
qu'il
s'agit
d'une
"aide
(potentiellement)
nuisible
à
l'environnement".
392.
Les constructeurs automobiles reconnaissent, par exemple, que
l'image des biocarburants en termes de développement durable s'est
dégradée, et ils sont beaucoup plus discrets sur ce sujet, même s'ils
réclament une visibilité à long terme de façon à adapter les motorisations.
393.
En revanche, les aides de l'État pour les biocarburants sont défendues
vigoureusement par le ministère chargé de l'agriculture, en utilisant en
grande partie l'argument environnemental. Aussi, les arguments de
pertinence des soutiens aux biocarburants seront passés en revue,
respectivement
sous
les
angles
agricoles,
énergétiques
et
environnementaux. Auparavant, il est utile de préciser quelques chiffres.
2 -
Retour sur quelques considérations chiffrées sur les
rendements et les limitations des biocarburants
394.
Revenant à l'utilisation des sols au niveau national, il est instructif, à
ce stade, d’éclairer le débat par quelques chiffres
186
simples : la surface
utile agricole (SAU) en France est de l’ordre de 30 Mha, le pourcentage
consacré aux cultures pour le biodiesel est de l’ordre de 5 %, alors que
celui consacré au bioéthanol est légèrement inférieur à 1 %. On en déduit,
que :
-
si l’on admet qu’à chaque Français est attaché une surface, la
fraction du sol national lui revenant étant de 8500 m² et la part
de la SAU de 4500 m², celle consacrée aux biocarburants est de
250 m² ;
-
la seconde observation est que ces 6 % de surface consacrée aux
biocarburants permettent précisément d’incorporer de l’ordre de
6 % de biocarburants en termes de pouvoir calorifique inférieur.
185
Voir pour cette discussion les positions des ministères : §283 à 315
186
Se reporter au tableau du §35
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
177
La conclusion évidente est que l’idée de remplacer la totalité des
carburants fossiles par de la biomasse exigerait de monopoliser
la totalité de la surface agricole, ce qui est absurde
187
. Ceci
confirme que les biocarburants ne peuvent être qu’un appoint
minoritaire aux carburants fossiles.
La production totale annuel de biocarburants en France (éthanol et
diesel) est de l’ordre de 3 10
9
litres, ce qui ramené par unité de surface
cultivée dédiée donne 0,2 litres de production par m², soit en appliquant les
tableaux de conversion de l'annexe 1, de l’ordre de 0,2W/m² en moyenne sur
une année. Ce chiffre est brut et ne tient pas compte du rendement, i.e. de
l’énergie nécessaire pour produire ces biocarburants. Il montre néanmoins le
faible rendement énergétique de la photosynthèse (<1 %) et qu’il faudrait
monopoliser un demi million d’hectares pour produire une puissance
équivalente à une seule centrale nucléaire (1GW). Le schéma
188
suivant
illustre
le
rendement
surfacique
de
différentes
filières
énergétiques
renouvelables et montre que « les agrocarburants se situent dans la zone des
rendements les plus faibles. […] Les agrocarburants n’ont donc pas d’autre
justification que celle de fournir du carburant utilisable pour les transports en
substitution des carburants d’origine fossile ».
De ce point de vue, la feuille de route des biocarburants établie par
l'Agence internationale de l'énergie envisage des objectifs particulièrement
"ambitieux" pour 2050, avec une multiplication par 30 de la production
actuelle assurant à cette époque 27 % des carburants liquides pour les
transports. Cette vision de l'avenir repose sur une amélioration des rendements
agricoles, l'utilisation des résidus agricoles et forestiers, des surplus de
production des forêts ainsi que celle de sols dégradés. A court et moyen terme,
cette ambition est hors de portée.
187
Sauf à diminuer d'un facteur 10 la consommation des véhicules ou leur utilisation.
188
Reproduit de "Agrocarburants et environnement", ministère de l'écologie, de
l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (10 décembre
2008).
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178
COUR DES COMPTES
395.
Il est indispensable pour la suite de la discussion, d'être plus précis sur
les rendements énergétiques en fonction des filières et des matières
premières. Pour cela, en se fondant sur les données de l'analyse de cycle
de vie de l'ADEME publiée en 2010, les rendements énergétiques à
l'hectare des principales matières premières peuvent être reconstitués, en
brut et en net, pour ces derniers avec une incertitude liée aux différents
procédés actuels et à l'énergie fossile utilisée dans tout le cycle de vie.
396.
Le graphe ci-après met en lumière le remarquable rendement à
l'hectare de la betterave, mais les pertes de moitié lors des processus de
distillation et séchage, alors que la canne à sucre et l'huile de palme se
révèlent eux particulièrement efficaces, à la fois en brut en et net. Blé,
maïs et colza sont, par contre, peu efficaces et, pour une production
équivalente, monopolisent beaucoup de terre par rapport aux matières
premières précédentes. Si la canne à sucre est si efficace, c'est que son
besoin énergétique est nul du fait que la bagasse produit l'énergie
nécessaire au procédé menant à l'éthanol. Par contre, ni la canne à sucre ni
la palme ne donnent des coproduits pour l'alimentation animale. Or ceux-
ci permettent d'économiser des surfaces qui seraient autrement mobilisées
pour une production alimentaire animale.
397.
Une comparaison équitable impose d'incorporer cette réduction
virtuelle de surface due aux coproduits pour l'alimentation animale. Ces
données normalisées aux allocations énergétiques entre productions de
biocarburants et de coproduits alimentaires animaux sont produites dans le
graphe ci-après et montrent que la betterave est, en définitive, assez
proche de la canne à sucre (avec, sur ce dernier point, la réserve sur
l'affectation de l'énergie du procédé aux coproduits, qui est encore
controversé et diminuerait d'autant le rendement).
398.
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
Canne à sucre
Palme
Betterave
Maïs
Colza
Blé
Production énergétique à l'hectare en tep/an
Tep/ ha brut
tep/ha moy
Tep/ha moy normalisé coproduits
Source : estimation de la Cour des comptes, calculée d'après les données de
l'analyse du cycle de vie 2010. Les traits déterminent le niveau d'incertitude suivant
les différents procédés utilisés.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
179
B - La politique d'aides aux biocarburants est-elle un
soutien pertinent à l'agriculture nationale ?
1 -
Des effets incontestablement positifs
399.
Le développement de la filière biodiesel a clairement favorisé la
culture des oléagineux, colza en tête, une meilleure utilisation des sols
avec la fin de la jachère, ainsi qu'une meilleure rotation des cultures
(blé/orge/colza - tournesol) favorable aux rendements par rapport à une
simple rotation blé/orge. De même, la montée des oléagineux a constitué
un apport nouveau et utile en produits naturels azotés dans les terres,
puisque, même si la culture de la plante nécessite des engrais de synthèse,
le réemploi de la plante égrenée dans le sol diminue d’autant la quantité de
ces engrais et constitue en outre un bon "piège à nitrates".
400.
Le développement significatif des coproduits (tourteaux de colza en
majorité car de meilleure qualité que ceux de tournesol), a réduit la
dépendance française vis-à-vis des importations de tourteaux de soja
(autosuffisance de 47 % aujourd’hui contre 20 % il y a 25 ans) et participe
donc au maintien d'une filière nationale d'élevage actuellement en crise.
401.
La filière éthanol a rendu la betterave
189
moins dépendante du seul
marché sucrier et lui a assuré un débouché nouveau. Elle lui permet donc
de s'affranchir, en un sens, du contingentement de la production de sucre.
Elle bénéficie, avec les pulpes, des coproduits qu'elle produit pour
l'alimentation animale et trouve toute sa légitimité dans son considérable
rendement qui lui permet d'occuper une part infime des terres agricoles.
402.
L'économie de cette filière doit être vue dans son ensemble, les
producteurs étant aussi pour la plupart actionnaires des unités à travers
leurs coopératives. Ce qu'ils peuvent perdre d'un coté, avec le blé par
exemple, en termes de manque à gagner sur une part minoritaire de leur
production pour laquelle ils sont liés par un engagement de prix, ils le
récupèrent pour une très grande part de leur production, grâce à la hausse
des prix de marché depuis trois ans.
403.
Bien que les usines de production de gazole ou d'éthanol soient
fortement automatisées et nécessitent très peu de main d'oeuvre, la
politique d'aides aux biocarburants a aussi participé au maintien d'emplois
dans l'agriculture, 18 000 d'après l'étude de PwC
111
.
189
Qui est, il faut le rappeler, une grande spécialité française depuis que Napoléon a
poussé à son développement pour contourner le blocus anglais et s'affranchir du sucre
de canne des Antilles.
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180
COUR DES COMPTES
404.
Dans les deux cas, cette politique a favorisé la construction d’un
appareil agro-industriel important en France et en Europe permettant une
meilleure maîtrise de la filière oléagineux dans un marché ouvert à la
concurrence extérieure et la réalisation de complexes agro-industriels
intégrés.
405.
Du point de vue économique, il est reconnu qu'il s'agit d'un débouché
supplémentaire pour les agriculteurs, permettant une diversification
bienvenue de leur production et donc une certaine stabilisation de leurs
ressources. Ceci s’est accompli d’une part à travers le développement de
relations contractuelles entre producteurs et organismes collecteurs afin de
donner aux premiers une visibilité, aux seconds la possibilité d’une
répartition équilibrée entre les différents débouchés d’une production,
d’autre part entre ces derniers et les producteurs de biocarburants pour
assurer un approvisionnement régulier et stable des unités de production.
2 -
Des effets positifs cependant compensés par d'autres qui le sont
beaucoup moins
406.
Pour la filière biodiesel, on peut relever les points suivants :
-
un faible rendement du colza à l'hectare qui consomme un
surcroît de terres agricoles ;
-
une longue présence de la plante en terre (presque 11 mois
contre 4 à 6 pour blé ou betterave), qui est certes positif en
termes de lutte contre l'érosion mais qui, inversement, multiplie
les risques d'attaques avec d’importants et croissants besoins en
herbicides/pesticides en contradiction avec les engagements
européens de réduction de 50 % de ceux-ci ;
-
la rotation blé/orge souvent remplacée par une simple rotation
blé/colza (au lieu de 1 sur 4) qui n’est pas meilleure que la
précédente ;
-
une substitution du colza à des protéagineux (pois) plus utiles
pour
l’alimentation
animale
et
de
meilleur
bilan
environnemental ;
-
des coproduits de colza qui, nettement moins azotés que ceux de
soja (39 % contre 49 à 54 %), ne peuvent remplacer ces derniers
pour les monogastriques à croissance rapide (volailles et porcs
industriels) et difficilement pour les vaches laitières hautes
productrices dont la ration de base (ensilage de maïs) est très
déficitaire en matière azotée.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
181
407.
Quant à l’économie d’importation de tourteaux de soja, le bilan serait
exactement le même, que l’on produise de l’huile végétale destinée à
l’estérification ou à l’alimentation. En effet, si les surfaces consacrées aux
plantes oléagineuses n'ont pas cru avec les jachères industrielles,
l'augmentation de production en biodiesel doit forcément être compensée,
alors par une augmentation des importations ainsi qu’il ressort du graphe
ci-dessous : la croissance des importations est corrélée depuis 2005 à celle
de la production de biodiesel. En 2009, ce solde a cependant chuté
d’environ 500 000 tonnes par rapport à 2008. Il faut signaler que, pendant
le même temps, le solde net des importations de graines oléagineuses a
bondi, avec de très fortes importations supplémentaires de fèves de soja,
de graines de colza et, à un degré moindre, de tournesol.
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Année
En milliers de tonnes toutes huiles
Importations - exportations
Source : Cour des comptes à partir des données d'Agreste
190
408.
Parce que les biocarburants réalisent un couplage entre les marchés
agricoles et ceux de l’énergie, la volatilité des cours agricoles augmente
et peut pousser les prix des céréales à la hausse, rejaillissant par exemple
sur l'augmentation des prix de l'alimentation animale.
409.
Les biocarburants présentent, enfin, un bilan contesté en termes
d’emploi. Outre que les ratios habituellement cités de 6 emplois pour
1000 t d’éthanol sont discutables, même en se limitant aux seuls emplois
maintenus et non créés, les évaluations faites sont très largement
surestimées, d’autant qu’elles dépendent fortement du niveau des prix
190
ques.xls
.
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182
COUR DES COMPTES
des produits agricoles. On peut ainsi très bien défendre que la demande
mondiale soutenue qui prévaut en ce moment maintienne autant
d’emplois agricoles, sinon plus que toute politique d’aide aux
biocarburants.
3 -
Au total, un bilan contrasté, positif pour une majorité des
acteurs concernés, mais de plus en plus controversé
410.
Si l’objectif « utilisation des terres » est clairement atteint et facile à
identifier (fin de la jachère), celui concernant les effets sur les revenus
agricoles est nettement plus difficile à mesurer car ces derniers évoluent
pour de multiples raisons. Quant à la diversification des débouchés, elle
est salutaire pour la betterave que les contraintes (Organisation mondiale
du commerce et Union européenne) concernant le sucre restreignent,
extrêmement modeste pour le blé, un peu plus importante pour le maïs.
La question ne se pose pas pour le colza dont le biodiesel constitue à
présent et de loin, le principal débouché.
411.
Pour apprécier plus précisément les effets revenus, il convient
d’abord de mesurer les effets des biocarburants sur les prix agricoles qui,
eux aussi, varient sous l’influence de nombreux facteurs (demande,
climat, investissement).
Les parties prenantes ont exprimé des
appréciations très différentes sur ce point, fondées en général sur leurs
prises de positions d’ensemble sur les politiques agricoles. Certains
affirment que les effets sur les prix sont modestes (Sofiprotéol), ou
marginaux (Confédération générale des producteurs de blé, Association
générale des producteurs de blé, par exemple), d’autres enfin (Tereos)
tenant un langage ambigu auprès de leurs adhérents, notamment pour le
renouvellement des contrats d’approvisionnement des distilleries, suivant
lequel la hausse des prix rend certes peu intéressant le débouché éthanol,
mais que sans l’éthanol, les cours s’effondreraient. La FNSEA prône elle
la solidarité entre tous les producteurs afin de partager un risque alors
limité à seulement quelques pourcents de leur production.
412.
L’impact sur les filières d’élevage à travers les coproduits, tout
spécialement des tourteaux de colza, est également contesté : certains les
considèrent comme ayant un impact négatif (Confédération paysanne),
d’autres au contraire voient des conséquences positives (Sofiprotéol et
FNSEA), car l’augmentation du prix des céréales demeure faible alors
que la diminution du prix des tourteaux est forte.
413.
S’il
n’est
sans
doute
pas
possible
d’obtenir
des
données
incontestables sur ces effets, il est possible en conclusion de retenir les
éléments suivants :
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
183
-
filière biodiesel :
o
les effets sont sûrement plus importants car les volumes
concernés d’une part, leur poids dans le marché mondial des
huiles et graisses, sont nettement plus conséquents ;
o
coproduits : bien qu’un peu moins bons au plan nutritionnel,
les tourteaux de colza ont pris, dans l’alimentation du bétail,
une partie de la place occupée par ceux issus du soja, car
leur prix a baissé. Il en résulte une moindre dépendance
qu’il n’est pas nécessaire d’inclure dans un critère normatif,
car cela est déjà pris en compte par les prix ;
-
filière éthanol :
o
l’impact des biocarburants français sur le prix des céréales
(blé, maïs) et des betteraves est vraisemblablement modeste
compte tenu des faibles volumes mis en oeuvre par rapport à
l’ensemble de la production. Pour la betterave, on remarque
que les surfaces cultivées baissent nettement en 5 ans sous
l’influence de la réforme de l’Organisation commune du
marché sucre. Donc par rapport à la situation prévalant
avant 2005, date de création de la TGAP, l’éthanol de
betterave n’a contribué à faire augmenter ni les surfaces, ni
les prix ;
o
il est souvent souligné par les tenants d’un impact faible que
les prix agricoles ont fortement varié entre 2007 et 2010 (à
la hausse, puis à la baisse et enfin à la hausse), sans que les
volumes utilisés pour les biocarburants changent beaucoup.
Cela ne constitue pas cependant une preuve formelle de
l’impact faible des biocarburants, car cela ne dit pas si les
prix seraient restés les mêmes sans les biocarburants. Il
convient toutefois de souligner que les effets diffèrent selon
les années. Ainsi en cas de relative pénurie c’est à dire de
prix élevés, une diminution donnée de la fabrication de
biocarburants est de nature à avoir un effet plus fort sur la
baisse de prix que lorsque les prix sont déjà déprimés.
C - La politique d'aides aux biocarburants est-elle un
soutien pertinent à l'indépendance énergétique ?
1 -
Une contribution pertinente
414.
Grand pays agricole, la France a le potentiel pour subvenir à une
partie de sa consommation en énergie pour le transport, en développant
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COUR DES COMPTES
les biocarburants sur son territoire. Les engagements pris au niveau
européen avec la directive EnR reposent bien sur une augmentation de la
part des biocarburants d'ici 2020.
415.
Le rapport énergie fossile dépensée/énergie produite est positif en
dépit de la prudence des estimations. Ce point est plus net pour le
biodiesel que pour l’éthanol, De plus, le bilan des deux filières en termes
de rendement énergétique est en voie d’amélioration constante, qu’il
s’agisse des intrants (perspectives d’améliorations génétiques des
betteraves, augmentation des rendements pour le colza) ou des procédés
de production (estérification des huiles végétales, distillation sous vide
du blé et de la betterave, séchage des drèches).
416.
Les problèmes posés par l’incorporation et la distribution sont
faciles à résoudre : le biodiesel est un produit stable qui ne nécessite pas
beaucoup d’additifs pour être un carburant de qualité et les problèmes
spécifiques de la distribution de l’éthanol ne nécessitent pas d’importants
investissements de la part des distributeurs. De plus, avec des niveaux
d’incorporation assez bas tels que ceux pratiqués en Union européenne
en ce moment, les problèmes d’adaptation des moteurs ne se posent pas
ou peu.
417.
Du point de vue économique, la montée du prix du pétrole rend les
biocarburants plus compétitifs, et ceci d'autant plus qu'ils réclament
moins d'énergie fossile dans leur cycle de vie. Dans ce cas, face à la
volatilité de plus en plus grande du prix du baril, la relative stabilité des
prix des biocarburants peut s'avérer être un avantage pour notre
économie.
2 -
Mais une contribution appelée à demeurer limitée, sinon
marginale
418.
Pour avoir un impact significatif en termes d’indépendance
énergétique, il faudrait des taux d’incorporation nettement plus élevés
qui, par ce fait même, poseraient de nombreux problèmes. Les taux
d’incorporation fixés actuellement ne sont déjà pas atteints en pouvoir
calorifique inférieur mais, à supposer qu’on les atteigne, a fortiori qu’on
les augmente significativement, cela entraînerait des risques pour les
moteurs que les constructeurs français ne veulent pas assumer à cause
des adaptations qu’ils impliqueraient.
419.
A supposer remplies les conditions ci-dessus, la superficie des terres
nécessaires pour satisfaire les besoins, en particulier pour le colza du fait
de son faible rendement, deviendrait très vite incompatible avec les
besoins de l’alimentation humaine et animale pour des résultats qui
resteraient modestes en tout état de cause. Si, par exemple, en France, on
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
185
voulait passer intégralement à une production exclusivement nationale, il
faudrait y consacrer 30 % des terres agricoles
191
. De même, si la totalité
de la production américaine de maïs (350 Mt) était consacrée à la
production d’éthanol, contre 37 % en 2010/2011
192
, cela ne remplacerait
que 4 % de la consommation de pétrole de ce pays.
D - Une question pendante : la politique d'aide aux
biocarburants vient-elle en soutien ou en opposition à la
politique environnementale de la France ?
420.
Les controverses sur les conséquences environnementales des
biocarburants se situent à plusieurs niveaux. Une partie des associations
écologistes s'oppose de façon générale à l'agriculture "productiviste" dont
les biocarburants ne sont qu'une déclinaison : l’objectif en matière de
transports étant de rouler moins, les biocarburants serviraient d’excuse
pour continuer à rouler autant, alors que les carburants fossiles s’épuisent.
Par ailleurs, les biocarburants permettraient, à tort, à cette agriculture de
revendiquer une légitimité environnementale, alors qu'elle détruit la
biodiversité.
421.
Cette légitimité repose, entre autres, sur les gains en gaz à effet de
serre ainsi que sur l'économie en énergie fossile obtenus par leur
utilisation. Les analyses de cycle de vie, tels que celle de l'ADEME de
2010, publient des études prenant en compte l'ensemble des processus "du
champ à la roue" et sont, de ce point de vue, très complètes. Pourtant, ces
analyses sont remises en question, le changement d’affectation des sols
n’étant pas pris en compte intégralement dans la synthèse de l’ACV.
Certaines parties prenantes remettent aussi en cause les conclusions de
l'ACV concernant les imputations énergétiques aux coproduits
32
.
422.
Sur ce dernier point, il est vrai qu'il y a de nombreuses difficultés pour
obtenir un calcul exact, pour autant qu’il ait un sens. En effet, les résultats
dépendent, entre autres, des procédés industriels qui évoluent, des
fertilisants employés et des sources d’énergie utilisées, en particulier si
elles proviennent de la biomasse. Encore plus sujet à caution est
l’attribution de ces impacts aux produits, qui sont au moins deux sinon
plus : les biocarburants et l’alimentation animale à travers les tourteaux,
les drèches ou les pulpes (les dits « coproduits ») sans compter la
glycérine pour les oléagineux. La détermination du coefficient doit-elle se
faire suivant la masse, le volume, l’énergie contenue dans les produits ?
191
Cf. §394.
192
"Why Have Food Commodity Prices Risen Again?", United States Department of
Agriculture, WRS-1103, June 2011.
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186
COUR DES COMPTES
423.
Pour répartir les émissions de gaz à effet de serre entre les
biocarburants et les coproduits, l’étude de l’ADEME se base sur les
contenus en énergie respectifs des biocarburants et des coproduits. Cette
préconisation rejoint celle de la proposition de directive européenne
relative à la promotion des énergies renouvelables. Cependant, changer la
dénomination d’un produit modifie le signe du coefficient : un produit
utile emporte une partie de l’impact, le même produit catalogué déchet
ajoute un impact négatif. Selon les règles européennes, aucune émission
de CO
2
ne peut être attribuée aux coproduits que la production ne visait
pas à obtenir, tels que la paille dans le cas de la production de blé. Dans
ces conditions l’application d’une méthodologie de substitution et
d’impacts évités donne des résultats différents suivant qu’elle est
appliquée ou non à toutes les étapes fines des procédés agro-industriels et
suivant les choix "politiques" de dénomination des coproduits ou déchets.
424.
Une méthode de quantification économique de la diminution
d’émission des gaz à effet de serre grâce à l’introduction de ces nouveaux
procédés repose sur le coût de la tonne de CO
2
évitée
193
. La cible de prix,
celle de la Commission européenne ou du rapport Quinet
194
, est 100 € en
2030 passant par 32 € en 2010 et 56 € en 2020. Le prix moyen constaté
195
en 2010 sur le marché très particulier des quotas d'émission est inférieur à
15 € et est même descendu à 7,52 € le 12 décembre 2011. Ces chiffres
sont à comparer au coût de la tonne de CO
2
évitée dû à l’introduction des
biocarburants à la place des carburants fossiles. Ce coût a été estimé dans
une étude indépendante récente
196
pour l'éthanol produit à partir de la
betterave entre 186 € et 259 € et, pour le biodiesel produit à partir du colza
entre 263 € et 347 €. Si ces chiffres sont cohérents avec ceux de l'étude
récente du Commissariat général au développement durable
157
en ce qui
concerne l'éthanol (268 € sur la période 2000-2009), ils ne le sont pas pour
le colza (83 € sur 2000-2009). Ces démarches sont cependant sujettes à
caution à partir du moment où plusieurs politiques publiques soutiennent
les biocarburants
197
.
193
Ou de celui du carbone, les 11/3 de celui du C0
2.
194
"La valeur tutélaire du carbone", La Documentation française - Paris, mars 2009,
ISBN : 978-2-11-007482-9.
195
roup.groupId=19
.
196
"B
iofuels – at what cost?, Government support for ethanol and biodiesel in the
European Union –Update JULY 2010
", BY: Anna Jung, Philipp Dörrenberg, Anna
Rauch, and Michael Thöne, FiFo Institute of Public Economics, University of
Cologne.
197
Voir la discussion plus haut §388 et §431.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
187
425.
De plus, comme déjà souligné, ces données ne tiennent pas compte
des changements d’affectation des sols indirects et font en conséquence
l’objet de polémiques grandissantes
198
avec l'objectif de pousser l'Europe à
reconsidérer
199
ses directives ou du moins à les durcir en termes de
conditions de durabilité et de vérification. Dans le cas français, c'est le
déficit en huile qui pourrait poser problème
129
.
426.
L'argumentation sur l’impact d’un éventuel changement d’affectation
indirect des sols sur les émissions de gaz à effet de serre des filières
biocarburants et qui voudrait que, par exemple, l’utilisation du colza ou
d'huile de palme dans les biocarburants entraîne nécessairement la
destruction de la forêt primaire (en zone équatoriale, en Malaisie, etc.)
pourrait aussi être tempérée à la lumière des arguments suivants :
-
pour la seule Europe, les objectifs d’incorporation actuels
pourraient être atteints et même dépassés dans l’avenir, à la fois
par des améliorations de rendement et par l’existence de
surfaces agricoles disponibles dans la partie orientale du
continent (Bulgarie, Roumanie, Ukraine) ;
-
Les terres destinées aux biocarburants représentent moins de
2 % à 3 % des terres mises en culture dans le monde et des
terres sont encore disponibles en Europe pour produire
davantage sans porter atteinte à la forêt tropicale ;
-
la production de tourteaux libère des milliers d’ha dans d’autres
parties du monde ;
-
en introduisant une composante supplémentaire dans la rotation
des cultures, les oléagineux favorisent la biodiversité et
diminuent les risques de maladie.
427.
En conclusion, comme l'écrit la revue Nature
200
, n'était-ce pas trop
beau pour être vrai ? Les attentes étaient élevées mais la mise en
oeuvre a été pleine de vicissitudes avec :
-
un besoin supplémentaire de terres de grande qualité les mettant
en compétition avec la nourriture animale et humaine ;
-
des méthodes de production intensives, du champ à la roue,
nécessitant beaucoup d'eau et d'énergie et le tout au détriment de
la biodiversité.
198
Cf. §257 et suivants.
199
Cf. §263 et suivants.
200
Dans l'introduction du numéro spécial de
Nature
consacré aux biocarburants (cf. la
note de bas de page n° 170).
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COUR DES COMPTES
L'optimisme des scientifiques est cependant élevé sur les progrès
réalisables du côté des nouveaux biocarburants, mais aussi sur une
utilisation intelligente de ceux qui existent, permettant, par exemple
en Afrique
201
, le développement rural à travers la mise en oeuvre de
production locale de biocarburants.
E -
Les instruments de la politique d'aides sont-ils
pertinents ?
1 -
Une simulation des aides aux différentes politiques publiques
428.
L’imputation de la totalité des coûts de la politique de soutien aux
biocarburants à un seul de ses trois objectifs (agricole, énergétique,
environnemental) n’a pas de sens, comme on l’a déjà expliqué
202
. A
l’inverse, il n'a pas été trouvé dans la littérature de méthode
scientifiquement robuste permettant de répartir précisément ce coût entre
chacun des trois objectifs pris isolément. Aussi, une approximation
sommaire (et arbitraire) peut consister à affecter un tiers des coûts totaux à
chacun de ces objectifs. Tout lecteur insatisfait par cette absence de choix
de priorité peut changer ces ratios pour mettre en avant ses priorités et en,
appliquant une règle de trois sur les résultats ci-dessous, trouver les
chiffres pertinents.
429.
Le coût total sur la période 2005-2010 de la défiscalisation de la TIC
(seule dépense publique à proprement parler
203
, la TGAP étant une
pénalité donc une recette pour les finances publiques) est de 2,54 Md€. Le
tiers de ce montant est donc de l'ordre de 850 M€. Un tel soutien, rapporté
par exemple à la surface moyenne cultivée sur la période pour les
biocarburants soit 1,7 Mha environ
204
, donnerait une « aide » de 500 €/ha
sur 6 ans, soit 83 €/ha/an, à comparer par exemple à la prime aux cultures
énergétiques mise en place par l’Union européenne jusqu’en 2009 et qui
était de 40 €/ha/an. Si l’on tient compte du fait que ce soutien a aussi
permis de maintenir des emplois, le montant de l’aide à l’ha est
évidemment
moindre.
Ce
calcul
néglige
les
effets
indirects
de
renchérissement induit sur les produits alimentaires (huile, viande) pour le
consommateur.
201
"A new hope for Africa",
Nature
, (Ibid).
202
Cf. §388.
203
Cf. la note de bas de page n°182 pour l'explication du fait que l'on ne tienne pas
compte dans ce raisonnement de l'accroissement de recettes du fait de la
consommation supplémentaire.
204
Cf. Tableau du §35 .
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
189
430.
Du côté des économies d’importation d’hydrocarbures, la production
de biocarburants sur la même période de référence, telle qu’elle peut être
estimée à partir notamment des données figurant dans le tableau du §90,
est de l’ordre de 10 Mt pour l'EMHV et 3,9Mt pour le bioéthanol, ce qui à
pouvoir calorifique inférieur ramené à celui du carburant fossile donne
l'équivalent au total de 11,5Mt. On pourrait donc en inférer que, partant de
850 M€ d'aides, la contribution au coût de la tonne d’hydrocarbures non
importée aurait été de 74 €, ce qui n'est bien qu'une fraction du prix de
marché de la période qui a fluctué, pour le pétrole brut, entre 200 et 600
€/t et pour le gazole raffiné entre 300 et 750 €/t. Mais comme pour le point
suivant, une approche d'économie d'énergie dont le potentiel existe, par
exemple par une diminution de la consommation des moteurs, serait plus
efficace que toute politique envers les biocarburants.
431.
Enfin, l’on peut aussi tenter d'estimer la contribution des 850 M€
d'aides au coût de la tonne de CO
2
évité. Pour cela, on part des tonnages
précédents de biocarburants qui correspondent à une énergie totale
(pouvoir calorifique inférieur) de 400 milliards de MJ. Adoptant un gain
plutôt optimiste dans le contexte des débats actuels de 50g de CO
2
/MJ à la
fois pour l'EMHV et pour le bioéthanol, on trouve un total de 20 Mt de
CO
2
évité, soit à partir des 850 M€ d'aides, une contribution de 42,5 €/t
CO
2
. Cette valeur est à comparer aux 32 € du rapport Quinet
205
pour 2010,
valeur qui ne tient cependant pas compte du fait que la tonne de CO
2
économisée dans le transport est toujours plus élevée que dans les autres
secteurs de l'économie. Notons qu'un gain deux fois moins élevé de 25g de
CO2/MJ doublerait le coût de la tonne de CO
2
évité. Ceci montre bien que
les controverses sur les analyses de cycle de vie peuvent sensiblement
modifier les conclusions de ce calcul et fragiliser la pertinence
environnementale des biocarburants.
2 -
Des incohérences et un manque d'anticipation dans les
instruments règlementaire et fiscaux
432.
Les risques auxquels sont actuellement confrontées les filières,
principalement celle de l'éthanol, sont en partie dûs aux conséquences
imprévues de décisions de l’autorité publique, dont on peut douter qu'elles
aient fait l'objet d'études préalables suffisantes, tenant compte notamment
de l’ensemble du contexte économique, industriel et financier.
433.
La première décision concerne les cibles d'incorporation. Le
gouvernement français a décidé en 2005 un geste politique fort en
imposant des taux d'incorporation qui, non seulement rattrapaient le retard
pris par la France sur ceux préconisés par l'Union européenne, mais
205
Cf. §424.
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190
COUR DES COMPTES
allaient au-delà à partir de 2009 et 2010. Ces taux sont techniquement
impossibles à respecter, sauf à mener des actions d'ampleur en faveur des
carburants à forte concentration de biocarburants (E85) ou à contourner sa
propre réglementation (prise en compte du non routier), lesquelles exigent
à leur tour des mesures en vue d’adapter les motorisations.
434.
Des taux d’incorporation ambitieux impliquaient donc une politique
industrielle, à mener aussi bien avec les distributeurs qu’avec les
constructeurs automobiles, sans oublier les média pour en assurer la
publicité. Sur ce dernier point, seul l'affichage, a été retenu, ainsi qu’en a
témoigné l’inauguration d’une station service d’E85, fermée le lendemain
même.
435.
La TGAP a été un instrument efficace, mais, en l'absence de
concurrence dans la filière biodiesel, sa mise en oeuvre a entraîné
d’importants effets d'aubaine peu justifiés
206
.
436.
Une des conséquences de l'impossibilité technique pour l'éthanol de
respecter ces taux est, au moyen de la TGAP, le paiement par les pétroliers
et distributeurs d'une très forte pénalité qui est répercutée au final aux
consommateurs.
437.
En ce qui concerne le double comptage, faute d'une analyse préalable
des impacts de cette décision, la porte a été ouverte à un contournement
significatif par des produits qu’il est impossible de tracer pour savoir s'ils
sont réellement des déchets. Par là même, la filière agroindustrielle a été
mise en danger sans préavis. Le premier correctif
207
introduit en urgence
dans la loi de finances initiale de 2011, mais sans plus d’étude d'impact
que dans le cas précédent, a été impossible à mettre en oeuvre sans une
méthodologie pour définir le quota imposé en EMHA. En outre, une
controverse s'est ouverte sur la légalité du texte par rapport à la directive
EnR, et sur l’éventualité d'une question prioritaire de constitutionnalité
posée par un syndicat professionnel
208
. Les nouveaux textes n'assurent pas
plus la validité des dispositifs techniques de validité de la qualification
d'EMHU.
438.
Le retard pris dans la transposition des directives européennes sur la
durabilité des biocarburants, en particulier des cartes de zonage en vue de
mettre en oeuvre les certificats de durabilité nécessaires dans le cadre du
schéma volontaire national constitue une menace pour les filières.
439.
L'exonération de TIC est souvent justifiée par les producteurs comme
un instrument de protection face aux importations bénéficiant d'aides
206
Cf. §358 et suivants.
207
Cf. §96.
208
Communication orale de la direction générale des douanes et droits indirects.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
191
directes (États-Unis) ou indirectes (Argentine) ou de coûts faibles de
production (Brésil, Malaisie). Cet argument paraît cependant excessif et
surtout il varie dans le temps : par exemple le Brésil, souvent présenté
comme une menace, est devenu lui-même en 2010 légèrement importateur
d'éthanol du fait de deux mauvaises récoltes de sucre
68
. De plus, comme
mentionné plus haut, la fin de la détaxation aux Etats-Unis à compter du
1
er
janvier 2012 risque de modifier le paysage en profondeur. Du coté du
biodiesel, les importations résultent du déficit de production européen par
rapport aux besoins du parc automobile très diéselisé. C'est donc le
consommateur qui a le plus à gagner d’une concurrence accrue permettant
d'éviter les rentes de situation observées ces dernières années. Enfin,
l'instauration de la certification européenne et les sept premiers schémas
volontaires
44, 209
constituent désormais un frein aux importations des pays
ne respectant pas les conditions de durabilité. garantissent des mécanismes
contrôlant le lieu et les modalités de la production des biocarburants.
440.
La future taxation à l'énergie discutée au sein de l'Union européenne
aura, si elle est approuvée, de lourdes conséquences sur la fiscalité du
gazole et des biocarburants. Pour ces derniers, elle devrait corriger
l'actuelle inégalité de traitement fiscal entre les deux filières, l'une
rapportant à l'État et l'autre lui coûtant jusqu'en 2011. Cela correspondrait
aussi à une plus grande équité envers le consommateur, qui devrait voir les
prix à la pompe se réajuster en conséquence. Inversement, les producteurs
ne devraient plus pouvoir capter tout ou partie de l’écart de taxes ainsi
créé. Le manque d'anticipation au niveau national des conséquences de
changements pourtant prévisibles est pour le moins surprenant et
s'explique par un certain scepticisme sur l'obtention de l'unanimité requise
au niveau de l'union européenne ainsi que par un calendrier de mise en
oeuvre progressive jusqu'en 2023.
209
Les mécanismes suivants ont été reconnus :
•
ISCC (mécanisme financé par des fonds publics allemands pour tous
les types de biocarburants) ;
•
Bonsucro EU (initiative pour les biocarburants à base de sucre de
canne, principalement axé sur le Brésil) ;
•
RTRS EU RED (initiative pour les biocarburants à base de soja,
principalement axé sur l'Argentine et le Brésil) ;
•
RSB EU RED (initiative concernant tous les types de biocarburants);
•
2BSvs (mécanisme mis au point par des producteurs français et
couvrant tous les types de biocarburants) ;
•
RBSA (mécanisme mis en place par la société Abengoa pour sa chaîne
d'approvisionnement) ;
•
Greenergy (mécanisme mis en place par la société Greenergy pour
l'éthanol brésilien obtenu à partir de sucre de canne).
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192
COUR DES COMPTES
F - Quels enjeux mondiaux pour demain ?
1 -
La politique d'aides aux biocarburants et la faim dans le
monde : une corrélation avec les prix alimentaires moins
importante qu'affirmée en 2008.
441.
Ce sujet a été abordé précédemment
210
. La Banque Mondiale avait été
une des premières organisations mondiales à publier une étude
211
mettant
en avant l'effet des biocarburants sur les prix des matières premières
alimentaires et alertant les Nations Unies sur les conséquences pour la
nourriture et la faim dans le monde
135
. La Banque Mondiale est revenue en
2010 sur ce sujet, en reconnaissant que "l'effet des biocarburants sur les
prix de nourriture n'a pas été aussi important qu'initialement envisagé"
212
.
En effet, on considère dorénavant que si les effets à court terme existent
bien, à long terme, le marché se réajuste et l'effet des biocarburants
s'amenuise dans le temps
138
.
442.
Les études les plus récentes sont celles du département américain à
l'agriculture (USDA)
192
en juin et d'un rapport d'experts à la FAO
213
. La
volatilité des prix agricoles, est il est vrai, un problème mondial majeur,
mais l'influence des biocarburants est désormais mieux comprise et revue
à la baisse. Il y a en effet d'autres facteurs en jeu, et si les biocarburants
ont joué un rôle parmi d'autres facteurs en 2007-2008, il est reconnu c'est
beaucoup moins le cas dans les hausses plus récentes. On peut aussi noter
que les prix des matières premières alimentaires se sont nettement moins
accrus que ceux de l'énergie ces dix dernières années. L'analyse de
l'USDA est résumée dans le graphe ci-dessous extrait de cette étude et
montre depuis 2002 le cumul des aléas climatiques, des stocks à la baisse
ou des politiques spécifiques des États.
210
Dans les §279à 282 et §314.
211
"
A Note on Rising Food Prices
", The World Bank Development Prospects Group,
Policy research working paper 4682, July 2008.
212
"
Placing the 2006/08 Commodity Price Boom into Perspective
", Policy Research
Working Paper 5371, The World Bank Development Prospects Group, July 2010.
213
HPLE 2011, "
Price volatility and food security : a report by the High Level Panel
of Experts on Food Security and Nutritio"
, Rome, July 2011.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
193
Biocarburants
Croissance économique et des populations,
Consommation de viande par tête
Coût du pétrole,
dépréciation du dollar
Climat
Baisse des stocks (rapport stock / utilisation ou S/U)
Augmentation de S/U
Baisse des stocks
(S/U) et
politique des États
Production
élevée,
récession
mondiale
Retour de la
croissance mondiale
Climat
Facteurs primaires affectant les prix des récoltes
1
1. A partir du blé, du riz, du maïs et du soja normalisé au chiffre d'affaires
Politiques
Données mensuelles
Indice 100 : janvier 2002
Figure traduite de "Why Have Food Commodity Prices Risen
Again?"
192
Il n'en reste pas moins que la plupart des rapports récents cités
auparavant et analysant spécifiquement la question des matières premières
alimentaires et de leur accessibilité aux pays pauvres, recommandent un
assouplissement des règles d'incorporation des biocarburants dans les pays
développés, sinon leur abolition, ainsi que l'arrêt des différentes
subventions ou défiscalisation soutenant leur production.
2 -
La politique d'aides aux biocarburants doit tenir compte des
principes d'équité et d'éthique
443.
La notion de durabilité est de plus en plus associée à celle d'équité
sociale et d'éthique. Les opinions publiques, sensibilisées par les
organisations non gouvernementales (ONG), y sont de plus en plus
attentives. A partir du moment où l'information sur les biocarburants
parviendra au public, comme ce rapport le recommande, l'État devra donc
clarifier sa stratégie. Il lui revient d'expliquer aux consommateurs
pourquoi ils payent plus cher un produit dont l'utilité pour la sauvegarde
de l'environnement est de plus en plus controversée et dont certains
avancent qu'il "affame les pays pauvres", entraîne des déforestations et des
captations de terres de paysans par des groupes occidentaux
214,
215 et
216
et
qui, plus est, exploite le travail des femmes
217
.
214
"
Biofuels boom in Africa as British firms lead rush on land for plantations
", The
Guardian, Tuesday 31 May 2011.
215
"Le Guatemala sous la coupe de l'agrobusiness", Le Monde Magazine, 4 juin 2011.
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194
COUR DES COMPTES
444.
Les biocarburants ne pourront acquérir le label de durabilité que
quand ils seront éthiquement acceptables. C'est un des nouveaux
paramètres des politiques publiques liées à l'environnement. Bien que le
Royaume-Uni ne soit pas le plus en pointe économiquement sur ce sujet,
le premier travail complet sur l'éthique des biocarburants
218
y a été réalisé
par
le
"Nuffield
Council
on
Bioethics",
organisation
financée
conjointement par trois fondations indépendantes. Ce rapport intitulé
"Biofuels: ethical issues" identifie les valeurs morales en débat : l'équité
globale, le changement climatique et l'éthique environnementale en
particulier les effets sur la biodiversité
219
, l'atténuation des effets du
changement climatique, le respect des droits de l'homme et la solidarité
avec les populations vulnérables, les notions de conservation et de
durabilité et l'équité intergénérationnelle.
445.
Ce dernier rapport a fait l'objet d'articles dans les pays anglo-saxons
mais a été ignoré en France. La revue
Science
l'a par exemple longuement
commenté
220
et défend, à sa suite, une politique nouvelle au niveau
international, guidée par des standards de transparence et qui satisfasse
l'ensemble des critères mis en avant dans le rapport. De ce point de vue, le
schéma de certification de l'Union européenne à travers les schémas
volontaires y est approuvé comme une première mesure à généraliser au
niveau mondial.
3 -
Quelles perspectives pour les nouvelles générations de
biocarburants ?
446.
Le présent rapport entre peu dans les descriptions scientifiques et
technologiques des futures générations de biocarburants. Celles-ci sont
abordées à l’occasion des investissements en R&D
221
, c'est-à-dire au stade
216
Cf. le reportage "La bourse ou la vie ?", diffusé le 15 juin 2011 sur FR3 (n° 82 de
la série "Pièces à conviction").
217
"La pauvreté roule aux biocarburants", Note d’information Oxfam, 1
er
novembre
2007.
218
"
Biofuels: ethical issues
", Published in 2011by the Nuffield Council on Bioethics,
28 Bedford Square, London WC1B 3JS (
), 226 pages.
219
Les effets négatifs sur la biodiversité sont moins traités dans la littérature
scientifique que les effets d'affectation des sols sur les GES et l'alimentation, alors que
sur le long terme, il s'git d'une problématique au moins aussi importante. La référence
précédente (note 218) la traite correctement, avec la difficulté de la quantification. On
peut aussi se reporter à la parution récente du rapport du CAS (Centre d'analyse
stratégique) d'octobre 2011 sur
"Les aides publiques dommageables à la biodiversité"
220
"
Ethical Framework for Biofuels
",
Science
, vol. 332, 29 April 2011, p. 540.
221
Cf. l'Annexe.
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
195
de développement où elles en sont actuellement
222
. Sans même parler de la
faisabilité économique, ceci signifie qu'elles ne seront disponibles à
grande échelle que d'ici 10 à 15 ans, donc sans effet sur les efforts pour
immédiatement améliorer le bilan du CO
2
. De plus, comme on l'a vu avec
la première génération, l'analyse complète du cycle de vie amène toujours
des surprises. De ce point de vue, aucune analyse sérieuse n'a encore été
menée faisant intervenir le coût en énergie pour le procédé industriel, le
coût induit par une collecte excessive de biomasse entraînant un
appauvrissement des sols ou le détournement d'unités Fischer Tropsch
35
fort coûteuses à construire et qui peuvent aussi bien produire du carburant
liquide à partir de la biomasse que du charbon.
447.
En conclusion, la R&D sur les carburants de nouvelle génération
mènera certainement à des utilisations à court terme sous forme de niches
et, à long terme, à des solutions de masse acceptables, non en substitution
aux carburants de première génération, mais plutôt, en venant compléter
ces derniers. A court et moyen terme, c'est-à-dire d'ici 2025, les
biocarburants de première génération resteront, selon toute probabilité, le
principal sinon le seul moyen d'atteindre les objectifs européens pour
2020.
_______________
CONCLUSION - PERTINENCE
_______________
Plus ou moins de pertinence au regard des politiques en amont :
agriculture, énergie, environnement
Comme toute politique poursuivant des objectifs multiples, il est
difficile d'en imputer les effets à un seul d’entre eux et les critères de
répartition éventuels entre les objectifs sont eux-mêmes très difficiles à
mettre au point de manière crédible.
Un soutien à l’agriculture ?
De ce point de vue, le bilan s'avère contrasté quoique légèrement
positif. Si l'objectif de mettre fin à la jachère a été atteint, celui
concernant les effets sur les revenus agricoles est nettement plus difficile à
mesurer, ceux ci évoluant pour de multiples autres raisons. Quant à la
diversification des débouchés, elle est salutaire pour la betterave,
extrêmement modeste pour le blé, un peu plus importante pour le maïs. La
question ne se pose pas pour le colza dont le biodiesel constitue de loin le
principal débouché.
222
S'ils doivent encore faire l'objet d'efforts significatifs de R&D, ces biocarburants
commencent cependant à être produits au niveau commercial aux États-Unis, par
exemple par des sociétés innovantes comme GEVO.
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196
COUR DES COMPTES
L'impact sur les filières d'élevage à travers les coproduits, tout
spécialement les tourteaux de colza, est important mais contesté. Certains
considèrent que l’effet est négatif (Confédération paysanne), d'autres au
contraire y voient des conséquences positives (FNSEA), car, bien qu'un
peu moins bons au plan nutritionnel, les tourteaux de colza ont pris, dans
l'alimentation du bétail, une partie de la place occupée par ceux issus du
soja, leur prix ayant fortement baissé.
S'agissant de l'impact sur les prix des denrées, il est souvent
souligné par les tenants d'un impact faible que les prix agricoles en
fortement varié entre 2007 et 2010 (à la hausse d'abord, puis à la baisse,
de nouveau, à la hausse enfin) sans que les volumes utilisés dans les
biocarburants changent beaucoup. Cela ne constitue cependant pas une
preuve formelle d'un faible impact, car cela ne dit pas si les prix seraient
restés les mêmes sans les biocarburants. Il convient toutefois de souligner
qu'en cas de pénurie, c'est-à-dire de prix élevés, une diminution de la
production de biocarburants est de nature à avoir un effet plus fort sur la
baisse des prix que lorsque ceux-ci sont déjà déprimés.
Un soutien à l'indépendance énergétique ?
En dépit de la prudence des estimations, le rapport énergie fossile
dépensée/énergie produite est positif. De surcroît, le bilan des deux
filières en termes de rendement énergétique est en voie d'amélioration
constante, qu'il s'agisse des intrants (amélioration génétique des
betteraves, augmentation des rendements pour le colza), ou des procédés
de production (estérification des huiles végétales, distillation du blé et de
la betterave, séchage des drèches). Les problèmes posés par la
distribution sont relativement faciles à résoudre et, avec des niveaux
d'incorporation assez bas tels que ceux pratiqués dans l’Union
européenne pour le moment, les problèmes d'adaptation des moteurs ne se
posent pas on peu. Enfin la hausse continue du prix du baril de pétrole
rend les biocarburants plus compétitifs d'autant plus qu'ils réclament
moins d'énergie fossile dans leur cycle de vie.
Cela
dit,
pour
avoir
un
impact
significatif
en
termes
d'indépendance énergétique, il faudrait des taux d'incorporation plus
élevés qui, de ce fait, poseraient de nombreux problèmes, aussi bien pour
l'adaptation des moteurs que du point de vue de la superficie des terres
nécessaires pour satisfaire les besoins. Si, par exemple, la France voulait
remplacer intégralement sa consommation de gazole par du B30, il
faudrait y consacrer 30
% des terres agricoles.
Un appui à la politique environnementale ?
Les polémiques sur les conséquences environnementales des
biocarburants se situent à plusieurs niveaux. La première consiste à dire
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LES RESULTATS DE L’EVALUATION
197
que l'objectif en matière de transport est de moins se déplacer, de sorte
que les biocarburants ne seraient qu'une excuse pour continuer à rouler
autant qu’avant, alors que les carburants fossiles s'épuisent et que les
biocarburants détruiraient la biodiversité.
Sur le plan des émissions
de
gaz à effet de serre, les débats se
concentrent aujourd'hui sur la répartition des contenus en énergie
respective des biocarburants et des coproduits. Or, cette méthode est très
sensible aux changements de la dénomination d'un produit : en effet, un
produit utile emporte avec lui une partie de l'impact positif, alors que le
même produit catalogué comme déchet ajoute un impact négatif.
Une méthode de quantification économique de la diminution des
émissions
de
gaz à effet de serre repose sur le coût de la tonne de CO
2
évitée. En prenant comme référence la cible de prix fixée par la
Commission européenne, soit 32 € en 2010 et 56 € en 2020, plusieurs
études indépendantes estiment que le prix résultant de l'introduction des
biocarburants à la place des carburants fossiles est de l’ordre de 186 et
259 € pour l'éthanol produit à partir de betteraves, et de 263 à 347 € pour
le biodiesel produit à partir du colza. Au vu de ces chiffres en apparence
très élevés, on doit cependant remarquer que le prix de la tonne de CO
2
évitée est toujours plus élevé dans le domaine des transports que dans
d’autres secteurs de l’économie.
Enfin, ces analyses ne tiennent pas compte de la question des
changements d'affectation des sols (CAS), direct ou indirect, dont l'impact,
surtout dans le second cas, est pour l'instant impossible à quantifier
sérieusement.
Simulation d’une affectation des aides aux différents objectifs.
Faute d'une méthode robuste permettant de répartir précisément le
coût d'une politique entre ses différents objectifs, il a été choisi de faire
une approximation sommaire en affectant un tiers des coûts totaux à
chacun
des
trois
objectifs
répertoriés,
agricole,
énergétique,
environnemental.
En prenant pour base une dépense publique totale sur la période
2005-2010 de 2,54 Md€, un tiers représente 850 M €.
Rapportée à la surface moyenne cultivée sur la période pour les
biocarburants, soit 1,7 Mha environ, cela donne 500 €/ha sur 6 ans, soit
80 €/ha/an, à comparer par exemple à la prime aux cultures énergétiques
mise en place par Bruxelles de 2004 à 2009 et qui était de 40 €/ha/an. Si
l'on tient compte du maintien des emplois, le montant de l'aide est
évidemment moindre.
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198
COUR DES COMPTES
Du côté des économies d'importations d'hydrocarbures, on peut
estimer que la production de biocarburants a permis une économie de
11,5 Mt. On pourrait donc en inférer que la tonne non importée aurait un
coût de 74 €, ce qui n'est qu'une fraction du prix de marché de la période,
qui a fluctué entre 200 et 600 €/t pour le brut, et 300 à 750 €/t pour le
gazole raffiné.
De même, on peut estimer la contribution à la tonne de CO
2
évitée.
En prenant pour estimation 20 Mt de CO
2
évités, on obtient 42,5 €/t à
comparer aux 32 €/t retenus par la Commission européenne pour 2010.
Aides aux biocarburants, faim dans le monde, questions éthiques.
En l’absence de certitudes sur la question de la concurrence entre
cultures destinées aux biocarburants et à l’alimentation humaine ou
animale, la plupart des rapports récents sur ce sujet recommandent, par
précaution, un assouplissement des obligations d’incorporation dans les
pays développés et l'arrêt des différentes subventions soutenant la
production de biocarburants.
De même la notion de durabilité est de plus en plus associée à celle
d'équité sociale et d'éthique, car les opinions publiques y sont
particulièrement sensibilisées, notamment par les organisations non
gouvernementales. Les biocarburants ne pourront acquérir un label de
durabilité que lorsqu'ils seront éthiquement et socialement acceptables.
Plusieurs pays, le Royaume-Uni notamment, intègrent cette donnée dans
les paramètres de leurs politiques publiques liées à l'environnement. Les
valeurs morales en débat sont l'équité globale, le changement climatique,
l’éthique environnementale, en particulier les effets sur la biodiversité, le
respect des droits de l'homme et la solidarité avec les populations
vulnérables, notamment au regard de l'acquisition de terres par de
grandes compagnies occidentales dans les pays en développement.
Perspectives pour les nouvelles générations de biocarburants.
Il est clair qu'en dehors de toute question de faisabilité
économique, ces biocarburants ne seront pas disponibles à grande échelle
avant 10 ou 15 ans. De surcroît, aucune analyse sérieuse n'a encore été
menée en termes d'analyse de cycle de vie concernant les futurs procédés
industriels. À court et moyen terme par conséquent, les biocarburants de
première génération resteront, selon toute probabilité, le principal, sinon
le seul moyen d'atteindre les objectifs européens pour 2020.
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Conclusion générale
448.
Le plan de soutien aux biocarburants de 2005 a reposé au cours de
la
période
2005-2010
sur
l’utilisation
combinée
de
quatre
instruments dont la Cour estime qu'ils sont en partie incohérents et
redondants.
1-
L'objectif croissant d’incorporation de biocarburants dans les
carburants fossiles pour les seuls transports routiers a été, dans
un souci d'affichage, décidé en 2005 sur des bases irréalistes :
- fixés à 7 % à partir de 2010 en densité énergétique (pouvoir
calorifique inférieur ou PCI), ils ne sont compatibles ni avec les
maxima des normes de qualité pour l'essence (10 % en volume)
et le gazole (7 % en volume), ni avec la réalité des circuits de
distribution, ni avec la stratégie des pétroliers et constructeurs
automobiles.
2-
La réduction de la taxe intérieure à la consommation (TIC ex-
TIPP) qu'il est de moins en moins nécessaire de faire perdurer :
- la Cour a calculé que la dépense fiscale cumulée sur la période
2005-2010 a atteint 2,65 Md€ dont 0,85 Md€ sont allés à la
filière éthanol, et 1,8 Md€ à celle du biodiesel. Cette dépense
était encadrée par des agréments accordés aux unités de
production ;
- en retour, la Cour évalue que la filière biodiesel a investi
environ 500 M€ et la filière éthanol, 1 Md€ dans la réalisation
d’un appareil agro-industriel de taille européenne, qui permet de
produire 1,91 Mm
3
de biodiesel et 1,25 Mm
3
de bioéthanol, et
qui est désormais en grande partie amorti ;
- les agréments n’en étaient pas moins surdimensionnés,
notamment dans la filière plus concurrentielle de l'éthanol, alors
que la filière biodiesel a, au contraire, été caractérisée de 2005 à
2008 par une situation quasi monopolistique, soudainement
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200
COUR DES COMPTES
remise en cause à partir de 2009
par le double comptage des
graisses animales et des huiles usagées.
3-
La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) induit une
très
forte
pénalité
en
cas
de
non-respect
des
cibles
d’incorporation, générateur d'un risque de rente de situation :
- la TGAP rend la défiscalisation des biocarburants inutile en
tant qu'instrument d'incitation ;
- du fait de l'impossibilité de respecter les cibles d'incorporation,
en particulier, d'éthanol, les distributeurs d'essence versent
annuellement une pénalité croissante supérieure à 100 M€ qui
est répercutée aux consommateurs. Cette situation est anormale
et rend nécessaire un réajustement des taux d'incorporation ;
- la Cour considère que le principal producteur national de
biodiesel, qui fut en situation quasi monopolistique jusqu'en
2008, en a retiré pendant cette période une rente de situation et
un effet d'aubaine qui lui aurait rapporté 0,5Md€.
4-
La protection aux frontières, plus apparente que réelle, doit être
raffermie au niveau européen, car la production française risque
d'être exposée de façon croissante à la concurrence d’autres
pays producteurs qui ont aussi mis en place des politiques de
soutien à leur propre production.
449.
Le coût des aides est en définitive sensiblement atténué pour
l’Etat ; il ne l'est pas en revanche pour le consommateur qui, sans le
savoir, supporte la charge de cette politique :
-
du fait du moindre pouvoir énergétique des biocarburants
(respectivement 68 % et 92 % par rapport à l'essence et au
gazole auxquels ils sont mélangés), les recettes de l’Etat
augmentent en effet mécaniquement puisque la consommation est
plus élevée pour une même distance parcourue et que la taxation
est réalisée au volume : pour l’éthanol, 1,0 Md€ en cumulé 2005-
2010 (par rapport aux 0,85M€ de défiscalisation), et 260 M€ en
rythme annuel depuis 2011. On voit donc que le bioéthanol
rapporte à l'État. Pour le biodiesel, les chiffres sont : 0,47 Md€
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LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR
201
en plus pour l’Etat sur 2005-2010 (vs. 1,8 Md€ d'exonération) et
143 M€ en 2011 ;
-
quant à la TGAP, elle a rapporté à l’Etat 0,33 Md€ sur la
période 2005-2010 ;
-
le solde de la dépense est donc réduit à 0,82 Md€ sur la période
de référence ;
-
en revanche, l’essentiel du coût de la dépense fiscale a été porté
par le consommateur. Pour l’éthanol, il a ainsi payé 1,54 Md€
de taxes et consommation supplémentaires et 0,32 Md€ de TGAP
répercutée, soit au total 1,86 Md€. Les mêmes données pour le
biodiesel font état de 0,9 Md€ de taxes et consommation
supplémentaire et 0,01 Md€ de TGAP répercutée, soit au total
1,1 Md€.
450.
La
Cour
évalue
les
politiques
agricole,
énergétique
et
environnementale en amont des aides aux biocarburants, comme de
pertinence inégale, peu cohérentes entre elles, en manque de cibles
quantifiées et d'anticipation au niveau européen et international :
-
en ce qui concerne la politique agricole, le bilan est mitigé
quoique positif ;
-
le bilan énergétique n'est pas aussi favorable qu'on pourrait le
croire ;
-
la pertinence environnementale est enfin difficile à mesurer et de
plus en plus contestée.
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Les recommandations de la Cour
451.
Le constat est qu'au terme de 15 ans de politique en faveur des
biocarburants, dont les six dernières plus engagées que les précédentes :
-
les seuls équilibres qui ont été réellement modifiés par ces
politiques sont de nature agricole (culture du colza, production
d’huile alimentaire, de tourteaux, nouveaux débouchés pour la
betterave) ;
-
les autres équilibres, que ce soit l’indépendance énergétique ou
la réduction des émissions de gaz à effet de serre, n’ont été que
peu ou pas modifiés ;
-
si, en France, le bilan coût / avantages des biocarburants du
point de vue de leur effet sur l’environnement donne lieu à
certaines critiques, la contestation qui environne cette question
dans les autres pays du monde est beaucoup plus forte et va
croissant ;
-
des transferts financiers non négligeables, estimés pour la
première fois par la Cour des comptes, ont eu lieu, en gros des
consommateurs/contribuables en direction de l’agro-industrie
(agriculteurs et producteurs de biocarburants). Ce transfert a
permis la réalisation d’un appareil de transformation des
matières premières et de production de biocarburants dont la
taille est significative mais dont l’équilibre financier n’est sans
doute aujourd’hui pas entièrement assuré.
En conséquence, la Cour formule les recommandations ci-après :
Recommandation 1 :
poursuivre le
soutien
à la production et à la vente
de biocarburants de première génération
, en respectant les conditions et
les exigences
ci-après.
452.
La poursuite de ce soutien n’a de sens qu’aux conditions générales
suivantes :
-
recommandation 2:
prendre acte
que la volonté des autorités
françaises d’être plus ambitieuses que leurs partenaires
européens a eu pour résultat
des incohérences
dans les objectifs
qui se traduisent désormais par
l’impossibilité de respecter les
cibles d’incorporation de biocarburants dans les carburants
fossiles.
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204
COUR DES COMPTES
-
recommandation 3 :
redéfinir en conséquence, de façon plus
réaliste, ces cible
s, qui doivent être adaptées aux contraintes
techniques aussi bien de la distribution (adaptation des réseaux)
que des motoristes. Ces derniers peuvent certes se plier à la
plupart des contraintes, à condition qu’elles soient clairement
formulées (plages d’incorporation à N % +/- 10 %) et stables
dans le temps.
-
recommandation 4 :
ce qui peut être compatible avec le choix
d’
établir
des taux d’incorporation flexibles
à l’intérieur de ces
plages pour tenir compte des fluctuations des prix des denrées
alimentaires, comme le suggéraient les travaux préparatoires du
G20 des ministres de l’agriculture réuni en juin 2011 à Paris.
Malgré le fait que les importantes fluctuations constatées ces
dernières années dans les prix des principales denrées ne puissent
pas être raisonnablement imputées directement ou exclusivement à
la culture des plantes destinées aux biocarburants, il n’en est pas
moins sage de retirer un facteur de pression sur la demande lorsque
d’autres facteurs jouent fortement dans le sens de la hausse des
prix et donc de la raréfaction des denrées.
453.
Si ces conditions sont réunies, alors les aides publiques à la
production/distribution de biocarburants devraient intégrer les éléments
suivants :
-
recommandation
5 :
acquérir une véritable connaissance
, qui
fait encore défaut,
des données comptables et financières de la
filière
;
-
les aides actuelles deviennent, pour les deux filières et à
compter de 2012, inférieures aux rentrées supplémentaires de
taxes résultant de la surconsommation qui découle elle-même
du moindre potentiel énergétique des biocarburants.
-
recommandation 6 :
dès lors que l’essentiel des installations
de production sont, soit amorties pour les plus anciennes, soit
en passe de l’être pour les plus récentes,
accélérer la réduction
de la défiscalisation TIC, tout en maintenant l’écart existant
entre la filière biodiesel et la filière éthanol jusqu’à
l’extinction
de
la
défiscalisation,
qu’il
conviendrait
d’envisager sans nouvel agrément pour 2015
.
La relative fragilité de la filière éthanol, qui s’adresse à un marché
national et européen limité et en régression, justifie le maintien de
cet écart.
La taxation de l'énergie au pouvoir énergétique et aux
émissions de CO2 telle que l'Union européenne le prépare,
semble cependant la meilleure solution
pour éviter, comme c'est
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LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR
205
le cas actuellement, de voir l'éthanol, pourtant considéré moins
polluant en CO2, être plus taxé que le carburant fossile.
-
recommandation
7 :
maintenir la TGAP à un niveau assez
élevé
est,
en
revanche,
la
garantie
que
les
objectifs
d’incorporation
sont
respectés
tant
qu’ils
ne
sont
pas
formellement obligatoires, et ceci d'autant plus que les effets
d'aubaine qui avaient caractérisé son lancement n'existent plus
actuellement du fait d'un environnement devenu concurrentiel.
454.
Au-delà des seules mesures fiscales et douanières, une politique
d’aide aux biocarburants doit satisfaire, en outre, un certain nombre
d’exigences.
-
recommandation 8 :
respecter, tout d’abord,
des
exigences
de
cohérence
. Le caractère encore expérimental de la politique
menée au cours des années passées ne peut servir d’excuse aux
incohérences qui l’ont affectée, encore moins pour les années à
venir. Les taux d’incorporation doivent être clairement définis,
de même que leur caractère contraignant ou non. Les critères de
durabilité, dont les conditions des doubles comptages, doivent
être clarifiés à la lumière des directives européennes pertinentes
et de la faisabilité des vérifications. Les motoristes ne doivent
pas être à la merci des changements de mode qui affectent aussi
bien les carburants fossiles (GPL) que les carburants alternatifs
(E85).
Dans ce cadre, les objectifs définis - type de biocarburants, niveau
de consommation, date de réalisation – doivent être compatibles
avec les délais d'études et de développement industriel des
véhicules et, de façon plus générale, positionnés dans une vision
globale et durable de l’usage des carburants.
-
recommandation 9 :
satisfaire ensuite
les
exigences
de
transparence
vis-à-vis
des
citoyens,
consommateurs
et
contribuables, en faisant clairement savoir à l’opinion si la
politique en faveur des biocarburants est une vraie composante
d’une politique de protection de l’environnement ou un simple
volet d’une politique agro-industrielle.
Il y va de la crédibilité et de l'acceptabilité de l’ensemble. Il serait
judicieux de s'appuyer sur un avis circonstancié, à l'image du
rapport anglais sur biocarburants et éthique, provenant d'une
instance indépendante telle que le comité national d'éthique et,
dans ce cadre, de promouvoir une quantification des effets des
biocarburants sur la biodiversité.
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COUR DES COMPTES
-
recommandation 10 :
s’attacher aussi à des
exigences
de
présence dans les instances européennes
.
-
Il s'agit d'y défendre les intérêts :
-
de la filière dans son ensemble face aux importations
aidées ou contournant les règlementations et de veiller au
respect strict des critères de durabilité de ces importations et à
leur vérification ;
-
des industriels nationaux (constructeurs automobiles et
pétroliers), en y prônant l'harmonisation des règles ou la
limitation de diversité des carburants, source de complexité et
de coûts additionnels sans réel bénéfice environnemental.
-
recommandation
11
:
veiller
enfin
à
des
exigences
d’anticipation
.
Une négociation d’importance va s’engager avec nos partenaires
européens sur la fiscalité de l’énergie qui affectera profondément
l'écart actuel entre le gazole et l'essence ainsi qu'avec les
biocarburants. Il y a lieu de prévoir les futures bénéficiaires des
différences de taxation afin que la politique soit incitative et ne
créée pas des rentes de situation indues.
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ANNEXES
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ANNEXES
209
Annexe I : Unités, données physiques et données
légales
A - Notions sur les unités d’énergie et de puissance
Il est nécessaire de commencer par décrire les unités physiques dont
la grande variété ne simplifie pas toujours le débat. Dans le domaine
de l’énergie, l’unité de base est le joule (J) mais l’unité avec laquelle
on calcule les prix de l’énergie, surtout électrique, est le
kilowatt heure (ou kWh), égal à 3,6 millions de joules ou 3,6 MJ (MJ
pour Mégajoule). L’énergie annuelle produite d’un pays se calcule en
général en térawatt heures (TWh) égal à un milliard de kWh. La
production française d’électricité a été de 550 TWh en 2010
223
.
Les Anglo-saxons ont aussi leurs unités d’énergie avec le Btu (British
thermal unit) qui vaut 251,9958 cal et dans la norme internationale
1055.06 J et le quad soit 10
15
Btu ou 1,055 10
18
J ou 1,055 EJ (EJ pour
exajoule).
Quand il s’agit de carburant, dominant l’industrie pétrolière, les Anglo-
saxons ont imposé des unités qui s’expriment de manière plus
approximative à partir d’unités spécifiques de volume : le « baril » (qui
vaut 42 U.S. gallons soit 158,987 litres, arrondi le plus souvent à 159.0
litres). Ce baril est rapporté au poids et, suivant la nature du pétrole, il
faut de 7 à 8 barils pour une tonne de pétrole. La convention de
l’Agence
internationale de l’énergie
(Agence Internationale de l’Énergie) est de
prendre la valeur moyenne de 7,33 barils par tonne de pétrole. Ce qui
amène à une unité d’énergie standard dans cette industrie, la tonne
équivalent pétrole, ou "tep". Malheureusement, il en existe, là aussi,
plusieurs définitions. Pour
l’Agence internationale de l’énergie
, 1 tep
= 1,00. 10
10
cal
224
= 41,868 GJ
225
= 11628 kWh = 39.68 MBtu. En
volume, 1tep = 7,33 barils = 1165,4 litres de pétrole.
223
D'après la direction générale de l’énergie et du climat.
224
Initialement, l'énergie était définie en "calories" (la quantité de chaleur pour
élever 1 g d'eau de 1°C de 14,5°C à 15,5°C). Il existe plusieurs coefficients de
conversion, la norme internationale est de prendre "1 cal = 4,1868 J (exact)".
225
1 GJ est le milliard de joules ou 10
9
J ;
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210
COUR DES COMPTES
Ces unités sont résumées dans le tableau suivant :
Facteur
multiplicatif
TJ
Gcal
Mtep
MBtu
GWh
TJ
1
238,8
2,388×10
–5
947,8
0,2778
Gcal
4,1868×10
–3
1
1 x 10
–7
3,968
1,163×10
–3
Mtep
4,1868×10
4
10
7
1
3,968×10
7
11630
MBtu
1,0551×10
–3
0,252
2,52×10
–8
1
2,931×10
–4
GWh
3,6
860
8,6×10
–5
3412
1
En ce qui concerne les puissances (énergie par unité de temps), les unités
sont le watt (i.e. le joule par seconde) et ses multiples : kW (10
3
W), MW
(mégawatt pour 10
6
W), GW (gigawatt pour 10
9
W) et TW (pour térawatt
ou 10
12
W).
B - Données physiques concernant les biocarburants
L’énergie contenue par unité de volume des carburants dépend de leur
composition chimique. L’éthanol n’est pas un hydrocarbure ; il
possède un atome d’oxygène qui occupe du volume et de la masse
mais n’a pas d’utilité en termes énergétiques. A volume donné, il est
dès lors moins efficace que l’essence, approximativement dans le
rapport des masses moléculaires, soit 30/46
≈
0,65. Ce constat a des
retombées sur la consommation et donc le montant des taxes perçues
par l’État, comme développé plus loin. Le tableau suivant donne les
PCI volumétriques (pouvoirs calorifiques inférieurs) des principaux
carburants et biocarburants tel que figurant dans le bulletin officiel
des douanes du 9 janvier 2008 :
Nature du carburant
PCI volumique
(kJ/litre)
PCI volumique
(kWh/litre)
Supercarburant sans plomb
32 389
9,00
éthanol
21 283
5,91
gazole
35 952
9,99
EMHV
33 024
9,17
La densité des carburants est un autre paramètre dont il faut tenir
compte pour passer des tonnages, unité des agréments attribués aux
usines de production de biocarburants, aux volumes qui sont à la base
du
calcul
de
la
fiscalité.
Les
tableaux
suivants
concernent
respectivement l’éthanol, l’ETBE et l’essence pour laquelle est retenue
le pouvoir calorifique inférieur moyen reconnu en France :
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ANNEXES
211
Essence
Éthanol
ETBE
Masse volumique kg/l
0,755
0,794
0,750
Volume / masse : litre / kg
1,32450
1,25945
1,3333
PCI par unité de volume kJ/l
32389
21283
26910
Rapport PCI/essence à volume égal
1
0,657
0,831
Rapport « PCI bio »/essence à volume égal
0
0,657
0,391
et l’ester vs. le gazole (toujours avec une valeur moyenne reconnue en
France):
Gazole
ester
Masse volumique kg/l
0,840
0,883
Volume / masse : litre / kg
1,190476
1,13250
PCI par unité de volume kJ/l
35952
33024
Il est indispensable de prendre en compte le fait que le pouvoir
calorifique inférieur des biocarburants est plus petit que celui du
carburant dans lequel il est incorporé (voir les tableaux précédents) et
que, suivant les applications, il faut tantôt utiliser la proportion en
termes de pouvoir calorifique inférieur, tantôt la proportion en volume
et donc passer d'un coefficient à l'autre. Si
r
est le taux
d’incorporation en pouvoir calorifique inférieur, alors le taux
d'incorporation volumique
x
est donné par
-
=
1
1
2
1
2
1
ε
ε
ε
ε
r
r
x
où
1
ε
est le pouvoir calorifique inférieur du carburant fossile (essence ou
gazole) et
2
ε
celui du biocarburant correspondant (éthanol ou ester).
Appliquant cette formule exacte avec les valeurs numériques du
paragraphe précédent, on trouve qu'un mélange de gazole donné pour
7 % en pouvoir calorifique inférieur en ester en contient en fait 7,574
%
en volume. Pour l'éthanol la différence est accentuée : un pouvoir
calorifique inférieur de 7 % correspond à une proportion en volume de
10,277 %.
Il n'a pas échappé à l'attention des spécialistes que les pourcentages
précédents diffèrent de ceux des taux utilisés actuellement par la
profession en application du Bulletin Officiel des Douanes
226
. En effet,
226
Bulletin officiel des douanes (BOD) n° 6665 du 3 février 2006, texte n°06-013.
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212
COUR DES COMPTES
les Douanes fournisse un tableau de conversion en appliquant une
linéarisation de la formule exacte précédente, soit
=
2
1
ε
ε
r
x
qui
donne ainsi qu'un mélange de gazole B7 vendu à la pompe et donné pour
7 % en pouvoir calorifique inférieur en ester en contiendrait 7,63 % en
volume et pour l'éthanol un pouvoir calorifique inférieur de 7 %
donnerait
10,64 %
en
volume.
A
ces
taux
d'incorporation
qui
commencent à être élevés, la formule des Douanes devient inexacte,
comme le montre par exemple le cas limite qui fournit par exemple pour
l'éthanol une proportion de 154 % en volume pour un pouvoir calorifique
inférieur de 100 %, ce qui est évidemment absurde
227
.
C - Des données légales arrondies à compter du
1
er
décembre 2011
Le décret n° 2011-1468 du 9 novembre 2011 porte sur la
transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE du Parlement
européen et du Conseil du 23 avril 2009 dans le domaine des énergies
renouvelables et des biocarburants. Il fixe entre autres le mode de
calcul de l'objectif de 10 % d’énergies renouvelables pour 2020 ainsi
que les critères de durabilité pour les biocarburants. En application, un
arrêté du 1
er
décembre 2011 (JORF n° 0296 du 22 décembre 2011,
texte n°56) fixe le contenu énergétique
biocarburants visés à l’article
L. 661-2 du code de l’énergie et des carburants destinés aux transports
ainsi que leur masse volumique.
Le tableau suivant reproduit ces données pour les biocarburants
discutés dans ce rapport. On note qu'en fait, l'opération a consisté à
arrondir les valeurs physiques des PCI sans corriger pour autant les
erreurs mentionnées plus haut. Les écarts par rapport aux données
physiques exposées plus haut restent cependant faibles, le rapport entre
les PCI des biocarburants et leurs homologues fossiles diminuant
respectivement de 0,13% pour le bioéthanol et l'essence et de 0,21 %
pour le biodiesel et le gazole. Ceci implique que l'incorporation en
volume de biocarburants doit augmenter de ces mêmes ratios, 1,3 pour
mille dans le SP95E10 et de 2,1 pour mille dans le B7. L'effet est
négligeable en termes financiers,
227
Il a été indiqué à la Cour que cette instruction de la direction générale des
douanes et des droits indirects (DGDDI) allait être revue.
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ANNEXES
213
CONTENU
ÉNERGÉTIQUE
massique (pouvoir
calorifique inférieur,
MJ/kg)
CONTENU
ÉNERGÉTIQUE
volumique (pouvoir
calorifique inférieur,
MJ/l)
MASSE
VOLUMIQUE
(a) (kg/l)
Bio-
éthanol (éthanol
produit à partir de
biomasse)
27
21
0,778
Bio-ETBE (éthyl-
tertio-butyl-éther
produit à partir de
bioéthanol)
36 (dont 37 % issus
de sources
renouvelables)
27 (dont 37 % issus
de sources
renouvelables)
0,750
EMAG (ester
méthylique d’acides
gras produit à partir
d’une huile végétale
ou animale, utilisé
comme
biocarburant) (b)
37
33
0,892
EEAG (ester
éthylique d’acides
gras produit à partir
d’une huile végétale
ou animale, utilisé
comme
biocarburant)
38
33
0,868
Biogazole de
synthèse (c)
44
34
0,773
Essence
―
supercarburant sans
plomb
43
32
0,744
Gazole
43
36
0,837
a)
La
masse
volumique
est
déduite
du
ratio
(contenu
énergétique
volumique/contenu énergétique massique).
(b) Les esters méthyliques d’acides gras (EMAG) comprennent les esters
méthyliques d’huiles végétales (EMHV), les esters méthyliques de graisses
animales (EMHA) et les esters méthyliques d’huiles (végétales ou animales)
usagées (EMHU).
(c) Le biogazole de synthèse comprend le gazole filière Fischer-Tropsch
(hydrocarbure synthétique ou mélange d’hydrocarbures synthétiques produits à
partir de biomasse) et les huiles végétales hydrotraitées (huile végétale ayant subi
un traitement thermochimique à l’hydrogène).
Sources : extraits de l'arrêté du 1
er
décembre 2011 (JORF n° 0296 du
22 décembre 2011, texte n°56)
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214
COUR DES COMPTES
Annexe II : Les biocarburants dits avancés
Les biocarburants avancés font actuellement l'objet en France
d'investissements publics et privés. Une synthèse sur leur aspect
technique et économique peut être trouvée dans une étude
228
récente
réalisée pour la Direction générale du Trésor.
A - Définitions
La directive européenne du 23 avril 2009, sur la promotion des énergies
renouvelables (2009/28/CE) définit de façon générale un biocarburant
comme "un combustible liquide ou gazeux utilisé pour le transport et
produit à partir de la biomasse". Les générations au-delà de la première
génération, produits à partir de la biomasse sont cataloguées d'avancées
et en deuxième et troisième génération :
-
La deuxième génération mobilise tout type de matière
végétale (biomasse ligno-cellulosique) : les plantes entières,
ligneuses ou herbacées, les résidus agricoles ou sylvicoles,
les déchets vert ;
-
La troisième génération de biocarburants, encore appelés
algocarburants, mobilise des lipides synthétisés par des
micro-algues pour produire du biodiesel.
La dernière directive européenne sur la promotion des énergies
renouvelables (2009/28/CE) définit la biomasse comme "la fraction
biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine
biologique provenant de l’agriculture (y compris les substances
végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y
compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable
des déchets industriels et municipaux". Le terme biomasse recouvre
donc l’ensemble de la matière organique d’origine végétale ou
animale. Cependant, seule la biomasse végétale, parce qu’elle
contient de la cellulose, convient à la production de biocarburants de
seconde génération.
La distinction des trois générations de biocarburants se fait par
rapport à la nature de la matière première utilisée, et coïncide
également avec l’état d’avancement des filières. A l’heure actuelle,
les biocarburants de première génération sont seuls industrialisés à
grande échelle et sur le marché. La seconde et la troisième génération
228
"Étude prospective sur la seconde génération de biocarburants" dans Les
Cahiers de la direction générale du Trésor – n° 2010-03 – Septembre 2010.
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ANNEXES
215
sont encore dans une phase de R&D et leur production industrielle
n’est pas envisagée avant un horizon qui suivant les interlocuteurs va
de 2020 à 2025. La troisième génération pourrait émerger avant la
seconde; elle est plus particulièrement destinée aux carburants pour
l'aviation. On distingue deux grandes voies de production des
biocarburants de seconde génération :
-
la voie biochimique
229
, qui permet d’obtenir du bioéthanol
-
la voie thermochimique, qui permet d’obtenir plusieurs types
de carburants, selon l’étape de synthèse choisie : gazole de
synthèse, kérosène, DME, méthanol, éthanol, etc.
B - En 2010, le dispositif français comprend
quatre démonstrateurs
Projets
Partenaires
Financesments
Objectif
Pilote
Futurol
IFP, Inra, ARD,
Lesaffre, ONF,
Champagne
Céréales, Téréos,
Total, Unigrains,
CGB, C.
Agricole
74M€
(cofinancé par
OSEO pour
30M€)
-
Production de bioéthanol
lignocellulosique
-
Commercialisation à
partir de 2015 d'un
procédé de fabrication par
voie biochimique
Pilote
BioTfuel
Sofiprotéol, IFP,
CEA, IFP, Total,
Uhde (gazéifieur
allemand)
112M€ (dont
30M€ d’aides
ADEME et
3M€ de la
région Picarde)
-
Production de biodiesel
-
Commercialisation d’une
licence pour le voie
thermochimique de
biomasse
lignocellulosique
Pilote
Gaya
GDF-Suez,
CEA, CIRAD,
CTP, FCBA,
UCFF, Repotec
et autre
laboratoires
47M€ (dont
18,9 M€ de
l’ADEME)
-
Production de biogaz
-
Mettre en place une plate-
forme de démonstration
préindustrielle pour les
procédés de production de
biométhane
Pilote
Deinol
Deinove
21,4M€ (dont
8,9M€
d'OSEO)
-
production d’éthanol
lignocellulosique,
-
pilote de laboratoire
utilisant les bactéries
déinocoques
229
qui, d'après TOTAL, permet dorénavant, grâce aux progrès du génie
biochimique, de produire des molécules de synthèse de type hydrocarbures avec
des qualités permettent une fongibilité avec les produits fossiles, contrairement
aux biocarburants de première génération dont l'incorporation reste limitée.
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COUR DES COMPTES
A ceci s’ajoute le programme ANR Bioénergies 2008-2010 :
-
en 2008 : 11 projets financés pour une enveloppe de
8.5 M€ ;
-
en 2009 : 7 projets financés pour une enveloppe de 6.5 M€ ;
-
en 2010 : 7 projets financés pour une enveloppe de 6.1 M€ ;
Au total, la part de l'Etat sur ces projets financés couvrent une
enveloppe de 112 M€.
D’autres projets sont actuellement en cours d’instruction dans le
cadre du NER 300 (New Entrance Reserve), appel à projets
européen qui permet de financer des projets en énergies
renouvelables sur la base de 300 millions de quotas de CO
2
soit
4.5 milliards d’euros, et des Investissements d’Avenir, il s’agit
de :
-
projet de démonstrateur de production de biodiesel par voie
thermochimique, principal porteur : CEA, coût total 374 M€,
aide demandée au NER300 : 106 M€, aux IA : 156 M€
-
projet de démonstrateur de production de biodiesel par voie
thermochimique, principal porteur : UPM, coût total 423
€,
aide demandée au NER 300 : 118 M€, aux IA : 79 M€
Un institut d'excellence d'énergie décarbonée (IEED) centré sur les
biocarburants vient aussi d'être retenu dans les investissements
d'avenir dans le cadre de BioTFuel. Il s'agit du projet PIVERT
230
dont
les partenaires fondateurs sont Sofiprotéol, pôle IAR, Rhodia, PCAS,
SNC Lavalin, Maguin, Université de technologie de Compiègne,
UPJV, UTT. Le budget global annoncé est de 218 M€, comprenant
plus de 150 chercheurs publics et privés en moyenne sur 10 ans avec
une montée en puissance sur une même période et un objectif
d’Institut pérenne dans le temps. Les principaux objectifs sont de
déterminer les bases de la bioraffinerie oléagineuse du futur, la
production
de
la
biomasse
(agronomie,
récolte,
logistique,
notamment), le fractionnement et transformation de la biomasse, la
production de bioproduits industriels pour la chimie, la cosmétique,
l’alimentaire et la santé. L'État a fait connaître début septembre 2011
qu'il participera à ce projet à hauteur de 70 M€ dans le cadre des
investissements d'avenir.
230
PIVERT : Picardie innovations végétales, enseignement et recherches
technologiques
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ANNEXES
217
Annexe III : Liste des personnalités entendues
1) Parlement- Assemblée nationale
- Commission des Finances :
o
Gilles Carrez, député du Val-de-Marne, rapporteur
général du budget
o
Charles-Amédée du Buisson de Courson, député de la
Marne
2) Administrations et institutions publiques
a) Ministère de l’Économie, des Finances et de l'Industrie
- Mission d’évaluation des politiques publiques :
-
Alban de Loisy, délégué
-
Lucie Robieux, chef de projet
- Inspection Générale des finances : Daniel Perrin, chargé de mission
pour la préparation du G20 agriculture de juin 2011 à Paris
- DGT :
-
Xavier Bonnet, sous-directeur des politiques sectorielles
-
Jean-François Ouvrard, chef du bureau environnement -
agriculture
-
Timothée Ollivier, chef de bureau adjoint
-
Raphael Contamin, bureau polsec3
- DGDDI :
-
Isabelle Peroz, chef du bureau F2 (jusqu'en 2011)
-
Patrick Roux, chef de bureau F2
-
Patrice BESANCON, adjoint au chef de bureau
b) Ministère du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction
Publique et de la Réforme de l'État
- Direction du Budget
-
Alban de Loisy, délégué
-
Lucie Robieux, chef de projet
-
Sylvie Vidal, Chef du bureau agriculture
-
Vincent Chip, Adjoint au chef de bureau
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218
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- DLF :
-
John Palacin, chef de bureau
-
Michel Giraudet
-
Anthony Farisano
c) Ministère de l’Agriculture
-
Marie-Agnès Vibert, Adjointe au sous-directeur
-
Karine Brulé, chef de bureau de la biomasse et de
l’énergie
-
Valérie Dermaux, Chargée de mission
- France Agrimer :
-
André Barlier, directeur marchés, études, prospective
-
André Gurtler, économiste marchés, études, prospective
d) Ministère de l’Environnement
- DGEC :
-
Pierre-Marie Abadie, Directeur de l'Énergie
-
Philippe
Geiger,
sous
direction
2,
sécurité
d’approvisionnement et nouveaux produits énergétiques
-
Yves Lemaire, sous direction 2C, industrie pétrolière et
nouveaux produits énergétiques
-
Daniel Delalande, département lutte contre l’effet de serre,
adjoint à la sous-directrice
-
Olivier de Guibert, Adjoint à la sous-directrice climat et
qualité de l'air
- Commissariat Général au Développement Durable (CGDD)
-
Jean-Jacques Becker,
Sous-directeur
-
Vincent Marcus, Chef de bureau
- Service de l’économie, de l’évaluation, de l’intégration et du
développement durable :
-
Françoise Maurel
e) Organismes
- INRA
-
Paul
Colonna,
Délégué
scientifique
développement
durable :
- IFP
-
Jean-François Gruson, Directeur adjoint aux études
économiques :
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ANNEXES
219
3) Représentants du monde agricole
- FNSEA :
-
Xavier Beulin, Président
-
Antoine Suau, département économie
- Confédération Paysanne :
-
Philippe Collin, Porte parole
- AGP Blé :
-
Pierre-Olivier Drège, Directeur Général
- Confédération générale des planteurs de betteraves :
-
M. Alain Jeanroy, Directeur général
-
Eric Lainé, Président
-
Nicolas Rialland, service économique, éthanol
- AGP Maïs :
-
Christophe Terrain, Président
-
Gildas Cotten, responsable nouveaux débouchés
- Chambre d'agriculture régionale de Normandie :
-
Sébastien Windsor, exploitant agricole
-
Jean-Pierre Prévost, exploitant agricole
-
Lafont, chargé d’études agro économie
- Groupe Soufflet :
-
Michel Soufflet, Président du conseil de surveillance
-
Didier Thierry, directeur général Soufflet Agriculture
-
Patrick
Pariat,
directeur
général
adjoint
Soufflet
Agriculture
-
Jean-Michel Henry, directeur relations extérieures des
Établissements J. Soufflet :
4) Producteurs de biocarburants
- Sofiprotéol /Diester Industrie :
-
Philippe Tillous-Borde, Directeur général, Président
-
Philippe Dusser, Directeur des affaires économiques et
internationales
- Diester Industrie :
-
Bernard Nicol, Directeur général
-
M. Stéphane YRLES, Directeur de cabinet
- Syndicat français des estérificateurs (Esterifrance) :
-
Georges Vermeersh, Président
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220
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- Cristal Union :
-
Daniel Collard, Président
-
Jérôme
Bignon,
directeur
chargé
des
relations
administrations françaises et européennes
- Syndicat national des producteurs d’Alcool Agricole (SNPAA) :
-
Sylvain Demoures, secrétaire général
- Tereos:
-
Bernard Chaud, directeur des projets biocarburants
5) Raffineurs – distributeurs
- TOTAL :
-
Hubert Loiseleur des Longchamps, Directeur des affaires
publiques
-
Philippe
Marchand,
direction
stratégie,
département
règlementations, raffinage, marketing et biocarburants
- E.LECLERC (Siplec):
-
Vincent Muller, responsable du département énergies
-
Rémi Thomas, responsable adjoint
6) Constructeurs automobiles
- PSA Peugeot-Citroën :
-
Thérèse Martinet, directeur des relations institutionnelles
-
Pierre
Macaudière,
responsable
fonction
moteur,
conception chaîne de traction
-
Joseph Beretta, Direction de l’environnement automobile
et du développement durable, responsable énergie et
émissions automobiles
- Renault :
-
Luc Bastard, délégué à l’environnement
-
Maria Garcia-Coudoin, chargé d’affaires environnement
-
Philippe Schulz, expert, énergie et matières premières
stratégiques
7) Expert indépendant sur la défense de l'environnement
-
Patrick Sadonès
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Index
Page
2BSvs
51, 190
ACV, analyses de cycle de vie
35, 36, 122, 152, 178
ADEME
32, 36, 123, 139, 178, 185
agrément
10, 44, 60, 61, 66, 98, 101, 103,
133, 138, 148, 171
AIE, Agence Internationale de l'Énergie
32,209
alcool
18, 29, 42, 57, 103, 133
algue
19, 140
amidon
18, 19, 29, 103, 108
Argentine
42, 73, 78, 100, 115, 163
B30
20, 69, 86, 150, 163, 184
B7
20, 24, 36, 99, 150, 164, 166, 170
betterave
19, 26, 28, 38, 103, 69, 110, 127,
148, 158, 178, 179, 182, 186
biodiesel
18, 20, 16, 22, 27, 27, 40, 43, 50,
61, 64, 69, 72, 76, 78, 86, 95, 97,
115,
biodiversité
44, 114, 122, 194
bioéthanol
19, 23, 28, 43, 66, 104, 124, 132,
141, 148, 158, 160, 166, 169, 173,
189, 215
blé
20, 27, 104, 105, 108, 114, 129
Brésil
19, 29, 40, 72, 76, 88, 103, 109,
125, 190
CAS (I), changement d’affectation des sols
(Indirect)
36, 135, 187
certification
51
CGB
110
CGDD
135
colza
20, 26, 28, 86, 100, 106, 114, 117,
178, 181, 186
Confédération paysanne
110, 116, 129, 137, 182
coproduit
20, 38, 100, 104, 175
DGEC
137
DGPAAT
56
Diester
20, 21, 62, 87, 98, 100, 149
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222
COUR DES COMPTES
directive EnR
36,
double comptage
45, 59, 99, 100, 134, 164, 190
drèches
20, 29, 106, 185
durable, durabilité
11, 32, 43, 51, 79, 152
E10, SP95E10
45, 49, 166
E85
19, 81, 86, 150,
EMHA / EMHU / EMGA / EMHV, ester
méthylique d’huile animale / Usagée /
Graisse animale / Végétale
20, 59, 100, 134, 153, 163, 164
États-Unis
19, 23, 73
ETBE
20, 43, 61, 66, 86
fiscalité de l’énergie
45, 134
Flex-Fuel (voir VCM)
19
FNSEA
110
GES, gaz à effet de serre
16, 35, 44, 79, 152, 185
glycérine
21, 185
GONR (gazole non routier)
19, 69
HVP / Huile végétale pure
37
Malaisie
41, 100, 124, 187
MEDDTL
135
non routier, off road
45, 50, 69, 150, 189
oléagineux
21, 27, 98, 112, 179, 187
palme
20, 42, 86, 100, 127, 134, 178
PAN, Plan d’Action National
51, 102
PCI
24, 210
PEUGEOT SA
92
pulpe
20, 30, 179
RENAULT
92, 95
SARIA
99, 101
schéma volontaire
50, 190
SIPLEC
85
SOFIPROTEOL
97
soja
20, 28, 77, 86, 106, 113, 127, 179,
181
sucre
19, 30, 73, 105, 112, 159
TEREOS
103, 109, 160
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INDEX
223
TGAP
49, 55, 67, 70, 87, 99, 121, 141,
151, 157, 160, 169, 188, 190
TICPE
54, 55, 57, 148, 171, 190
TOTAL
84
tournesol
20, 26, 86
tourteau
20, 28, 84, 100, 113, 179, 181
trituration
21, 100, 149
Véhicule à carburation modulable (VCM)
19, 150
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Réponses
des administrations
et des organismes concernés
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SOMMAIRE
Premier ministre
229
Président de la société d’importation des produits Leclerc
(SIPLEC)
231
Président-directeur général de Total
232
Président directeur général de Renault
233
Président directeur général de PSA
234
Directeur général de SOFIPROTEOL et président
d’ESTERIFRANCE
235
Directeur général de TEREOS
238
Ancien président de Christal Union
241
Secrétaire général du syndicat national des producteurs
d’alcool agricole (SNPAA)
244
Président de l’Association générale des producteurs de
maïs (AGPM) et directeur de l’Association générale des
producteurs de blé (AGPB)
249
Président de la Confédération générale des planteurs de
betteraves (CGPB)
255
Porte-parole de la Confédération paysanne
262
Destinataire n’ayant pas répondu
Président de la FNSEA
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
229
REPONSE DU PREMIER MINISTRE
Par un courrier en date du 1
er
décembre 2011, vous m’avez adressé
un projet de rapport public thématique intitulé « Evaluation d’une politique
publique – la politique d’aide aux biocarburants ». Le Gouvernement
partage le diagnostic général fait par la Cour à quelques nuances près :
La Cour relève que la différence des consommations d'essence et de
gazole se traduit par un déséquilibre en termes de débouchés pour les filières
de biocarburants. La filière biodiesel bénéficie ainsi d'un marché intérieur
plus important, tout en étant soumise à une concurrence internationale moins
soutenue, même si ces conditions concurrentielles peuvent évoluer et doivent
être surveillées. Face à cette situation et comme le recommande la Cour, le
Gouvernement envisage de maintenir un dispositif de soutien plus marqué à
la filière éthanol.
La Cour souligne que le développement de ces filières a également eu
des conséquences positives au sein du secteur agricole, en diversifiant les
débouchés de ses productions et en apportant des matières premières
nouvelles
pour
l'alimentation
animale,
tout
en
rappelant
que
ce
développement mobilise moins de 6% de la surface agricole utile française.
Les biocarburants avancés bénéficient parallèlement de soutiens publics
importants notamment dans le cadre des investissements d'avenir. Toutefois,
leur arrivée sur le marché n'est escomptée que vers la fin de la décennie. Le
Gouvernement entend bien offrir un cadre assurant une cohérence entre les
soutiens aux biocarburants avancés et ceux aux biocarburants de première
génération qui respecteront les critères de durabilité prévus par la
réglementation.
En matière d'objectifs d'incorporation et de fiscalité, la Cour souligne
que la définition d'objectifs plus ambitieux que ceux fixés au niveau
communautaire rend leur atteinte difficile et explique les montants de taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) payés par les opérateurs. Elle
estime que le plus faible contenu énergétique des biocarburants n'est pas
suffisamment pris en compte pour l'évaluation de l'impact du soutien aux
biocarburants sur les finances publiques. Enfin, elle note que les dispositifs
de soutien que représentent la TGAP, la défiscalisation et les droits de
douanes constituent un ensemble complet qui conduit à une production de
biocarburants encadrée et subventionnée, avec de potentiels effets d'aubaine.
Comme le montre le plan national d'actions en faveur des énergies
renouvelables pour la période 2009-2020 transmis le 16 août 2010 à la
Commission européenne en application de l'article 4 de la directive
2009/28/CE de l'Union européenne, le Gouvernement envisage, pour les
années
à
venir,
un
rythme
maîtrisé
d'augmentation
des
objectifs
d'incorporation de manière à ne plus être isolé tout en maintenant des
objectifs ambitieux.
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230
COUR DES COMPTES
Si, compte tenu de l'effet de surconsommation, la défiscalisation ne
pèsera plus sur les finances publiques à partir de 2012, la Cour souligne que
ce sont les consommateurs et, dans une moindre mesure, les contribuables
qui financent la politique de soutien aux biocarburants. Le Gouvernement,
vigilant aux prix des carburants qui représentent un poste important du
budget des ménages, considère que la TGAP constitue bien le moteur
principal de la politique en faveur des biocarburants. Afin de réduire les
effets d'aubaine, il engagera rapidement une étude sur les surcoûts
engendrés et les principaux bénéficiaires de l'ensemble des dispositifs de
soutien.
En conclusion, la Cour formule plusieurs recommandations qui
appellent les remarques suivantes du Gouvernement :
o
la Cour propose la fixation d’une fourchette autour de l’objectif
d'incorporation (plus ou moins 10 %) ou d'une flexibilité sur l’objectif en
fonction
du
marché.
Le
Gouvernement
considère
que
cette
recommandation irait à l'encontre du principe général de lisibilité
recommandé par la Cour et souhaité par les opérateurs ;
o
l’évaluation de la politique en matière de biocarburants ne doit pas
reposer sur un seul et unique critère. Cette politique permet d’avoir des
effets structurants au sein du secteur agricole, de réduire les émissions
de gaz à effet de serre dans les transports, comme le confirme l'étude de
l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
publiée en 2010 et de limiter la dépendance énergétique de la France en
réduisant la consommation de carburants fossiles importés. En outre
cette politique contribue à diminuer les importations de tourteaux de
soja ;
o
la réduction tendancielle de l’exonération partielle de la taxe intérieure
de consommation sur les produits énergétiques sur les biocarburants
s’inscrit bien en ligne avec l’objectif du Gouvernement de réduction des
dépenses fiscales et des niches sociales ;
o
le Gouvernement partage les objectifs de cohérence, de transparence et
d'anticipation soulignés par la Cour. Le plan national d'actions en
faveur des énergies renouvelables repose sur ces principes : il donne une
vision jusqu’en 2020 du développement des différentes filières
renouvelables ;
o
enfin, la défense des intérêts français auprès des instances européennes
est une priorité du Gouvernement qui s’est fortement mobilisé lors de la
négociation des directives communautaires, en particulier celles
relatives aux énergies renouvelables, à la qualité des carburants et à la
fiscalité de l’énergie et celles relatives à la comitologie.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
231
REPONSE DU PRESIDENT DE LA
SOCIETE D’IMPORTATION DES PRODUITS LECLERC (SIPLEC)
Le rapport d’évaluation sur la politique d’aide aux biocarburants
n’appelle aucune observation de notre part.
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232
COUR DES COMPTES
REPONSE DU PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE TOTAL
Nous avons l’honneur de vous indiquer que le projet de rapport
confidentiel que vous nous avez adressé n’appelle pas de commentaires de
notre part.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
233
REPONSE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE RENAULT
Tout d’abord, Renault tient à vous exprimer à nouveau son
appréciation sur la consultation relative aux biocarburants à laquelle nous
avons été associés, et sur son résultat : le travail d'analyse réalisé par votre
Cour est d'une grande qualité de part son regard très complet, objectif et
critique
sur
l'ensemble
des
facteurs qui
impactent
la
filière
des
biocarburants. Egalement, de notre point de vue, les recommandations
proposées indiquent très bien la complexité autour de cette filière, et reflètent
les points de vue de toutes les parties prenant
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234
COUR DES COMPTES
REPONSE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE PSA
S’agissant d’aides publiques, le bilan financier est naturellement un
critère d’évaluation important. L’analyse montre que l’état est bénéficiaire et
que le consommateur de carburant a supporté le financement de la politique
en faveur des biocarburants au travers de la surconsommation liée à leur
moindre pouvoir calorifique inférieur (PCI). De manière plus précise, nous
soulignons que ce sont en réalité les consommateurs d’E10 et B7 qui
financent la défiscalisation massive de l’E85.
Cette situation ne nous semble
pas justifiée par les caractéristiques écologiques ou économiques d’un
déploiement en France de ce type de carburant dit flex-fuel.
L’aide à l’introduction de nouvelles technologies ou énergies est
d’autant plus efficace que le signal est clair pour le consommateur, ce qui
devrait conduire à mieux refléter dans le prix à la pompe l’écart entre SP95
et E10 pour favoriser l’utilisation de l’E10.
En cohérence avec ces précisions, nous formulerons quelques
commentaires généraux :
Il y a lieu de distinguer les carburants alternatifs, dont l’usage
demande une motorisation spécifique (GNV, GPL, E85), de ceux
qui constituent une simple évolution des carburants classiques
(E5, E10, E20 et B5, B7, B10, B30). Ceux-ci, dès leur introduction,
sont compatibles avec une partie significative du parc roulant.
Sous condition de respect des critères de durabilité des biocarburants,
les biocarburants à faible taux d’incorporation sont de fait ceux
qui présentent la meilleure efficacité en terme de coût / impact
industriel / rapidité de déploiement, et donc impact écologique.
En effet, dans le coût il convient de prendre en compte l’évolution des
motorisations mais aussi de l’infrastructure de distribution.
Nous attirons aussi l’attention sur la nécessité de normes, au moins
européennes, sur la qualité du mélange, aussi bien pour l’essence
que pour le gazole, afin de garantir le bon fonctionnement des
moteurs et de leurs systèmes de dépollution, de plus en plus
exigeants.
PSA agit depuis longtemps en faveur des biocarburants à faible
incorporation. Tous nos véhicules sont compatibles pour les motorisations
essence, avec E10, et pour les motorisations diesel avec du B10, et
du B30
sous conditions d’entretien strictes.
Espérant que ces remarques contribueront utilement aux décisions
publiques pour améliorer les dispositifs d’aides aux biocarburants.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
235
REPONSE COMMUNE DU DIRECTEUR GENERAL DE
SOFIPROTÉOL ET DU PRESIDENT D’ESTÉRIFRANCE
Nous avons pris connaissance avec intérêt des extraits du projet de
rapport public relatif à l’évaluation de la politique d’aide aux biocarburants
et vous faisons part, comme vous nous y avez invités, de nos principales
remarques que nous souhaiterions voir prises en compte.
Par ailleurs, vous trouverez en annexe de cette lettre l’ensemble des
observations que nous souhaitions formuler dans une logique de lecture
linéaire de ce rapport.
Tout d’abord, nous voulions insister auprès de vous sur le montant
des investissements réalisés par la filière biodiesel. Ils sont de l’ordre du
milliard d’euros et non de 500 millions d’euros comme vous l’avez
mentionné.
Il semble en effet qu’il existe une incompréhension sur les chiffres
d’investissement, ce qui conduit à des valeurs erronées.
Les ratios que nous vous avions fournis en octobre 2011 sont corrects
et facilement vérifiables. La capacité de trituration française dépasse
maintenant 6 millions de tonne par an. Cet accroissement de capacité a été
entièrement réalisé pour répondre aux besoins liés au développement du
biodiesel.
Ainsi, si l’on considère le renvoi 162, il est bien évident que les
chiffres transmis par EBB ne concernent uniquement que la partie
transestérification et ne comprennent pas les investissements réalisés en
trituration et en raffinage.
Pour le groupe Sofiprotéol, les investissements réalisés s’élèvent à
720 M€ avec la répartition suivante :
trituration : 280 M€
raffinage : 115 M€
estérification : 325 M€
Pour les autres industriels, Ineos, Cargill, Daudruy, COC, Veolia ...,
l’investissement est estimé à 250 M€, soit un investissement global pour la
filière biodiesel de 970 M€.
Nous voulions insister auprès de vous sur ce point pour que la Cour
puisse corriger cette erreur qui pourrait conduire à un défaut d’évaluation
de la politique publique concernant les biocarburants.
Ensuite, nous voulions réagir sur votre perception, souvent négative,
de la comptabilisation du biodiesel dans la traction diesel ferroviaire et dans
le gazole non routier.
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236
COUR DES COMPTES
Nous voulions attirer votre attention sur le fait que le Législateur et
les Pouvoirs publics n’ont fait que respecter le droit communautaire.
La directive « Energie Renouvelable » stipule en effet au point 4 de
l’article 3 que :
a) Seuls l’essence, le diesel et les biocarburants utilisés dans les
transports terrestres et l’électricité sont pris en compte pour le calcul du
dénominateur c’est-à-dire la quantité totale d’ énergie consommée dans le
secteur des transports aux fins du premier alinéa.
b) Tous les types d’énergie renouvelable utilisés dans toutes les
formes de transport sont pris en compte pour le calcul du numérateur, c’est-
à-dire la quantité d’énergie produite à partir de sources renouvelables
consommées dans le secteur des transports aux fins du premier alinéa.
Nous voulions enfin insister auprès de vous sur le fait qu’il faudra
dépasser le 7 % PCI pour atteindre l’objectif de 10 % d’énergie renouvelable
dans les transports en 2020.
En effet la consommation de gazole continue de croître et l’objectif de
véhicules électriques est
considéré comme trop ambitieux par les
professionnels eux-mêmes. Par ailleurs le biodiesel de deuxième génération
ne sera pas disponible avant 2020 (cf. conférence de presse BioTfueL du
23/11/11).
C’est pourquoi il est important d’anticiper la part des biocarburants
de première génération dans l’atteinte de l’objectif de 10% d’énergie
renouvelable dans les transports. D’où la nécessité d’une politique publique
favorisant le B10 (10% de biodiesel en volume dans le gazole). C’est
d’ailleurs à cette fin que la Commission Européenne avait confié un mandat
au CEN (Comité Européen de Normalisation) en novembre 2006.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est indiqué au § 417, le B10
n’entraîne pas de risque moteur, c’est notamment ce qui ressort des travaux
réalisés par l’IFPEN. C’est la raison pour laquelle un constructeur français
accorde sa garantie au B10 et que, sous certaines conditions d’utilisation,
PSA et Renault accordent leur garantie au B30.
Cette évolution vers le B10 est non seulement possible d’un point de
vue industriel, mais également d’un point de vue agronomique sans remettre
en cause l’offre d’huile nécessaire à la demande alimentaire
231
.
231
Sur la base des données de rendement émanant de FranceAgriMer et reprises dans
l’étude ADEME 2010 (annexe 3), les hectares à mobiliser pour atteindre l’objectif de
10 % PCI dans les transports en 2020 représenteraient 1 700 Kha en colza et
400 Kha en tournesol, soit un total de 2 100 Kha auxquels il faut ajouter 500 Kha
pour couvrir les besoins alimentaires nationaux.
La surface oléagineuse totale s’élèverait donc à 2,6 millions d’ha, inférieure au
potentiel national que le CETIOM estime à près de 3 millions d’ha.
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CONCERNES
237
En conclusion, nous voulions vous remercier du travail considérable
accompli par votre chambre et sommes à sa disposition pour les informations
complémentaires qu’elle souhaiterait recevoir.
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238
COUR DES COMPTES
REPONSE DU DIRECTEUR GENERAL DES PROJETS
SECTEUR DES BIOCARBURANTS TEREOS
Nous vous prions de bien vouloir noter d’une part que Tereos soutient
la position qui sera exprimée par le Syndicat des Producteurs d’Alcool
Agricole (SNPAA) -dont nous sommes membres- et d’autre part que Tereos
attire spécifiquement l’attention de la Cour sur les point suivants :
1) La Cour relève que la part des biocarburants ne représente que
2,5 % du total des carburants utilisés dans le transport routier.
Tereos attire l’attention de la Cour sur le cas spécifique de l’éthanol
qui représente à lui seul, dés aujourd’hui, plus de 4 % de l’énergie
consommée au niveau mondial dans les moteurs à allumage commandé
(moteurs à essence)
2) La Cour indique que les objectifs français vont au-delà de
l’ambition européenne.
Tereos attire l’attention de la Cour sur le fait qu’il serait plus correct
de dire que les objectifs français anticipent l’ambition européenne.
3) La Cour devrait préciser qu’avec la transposition de la directive
européenne par la France, la défiscalisation devient réservée aux seuls
biocarburants conformes à cette directive.
4) Tereos signale à la Cour, que si elle estime que l’article de la
France Agricole est ambigu, elle ne peut pas pour autant qualifier ainsi la
position de Tereos. Tereos considère que le débouché biocarburant réduit la
volatilité des cours des produits agricoles par rapport à la situation
d’équilibre, et en particulier contribue à atténuer l’effondrement des prix en
cas d’excédent (cf. nos commentaires ci-dessous à propos de l’encadré)
5) Tereos conteste l’analyse de la Cour telle qu’exprimée dans le
renvoi qui est d’ailleurs en contradiction avec l’analyse présentée par la
Cour dans son § 353.
En effet l’affirmation selon laquelle « le prix de vente au
consommateur importe peu du fait que l’incorporation est devenu quasiment
obligée avec la TGAP » est fausse de notre point de vue et objectivement en
contradiction avec un fait relevé par ailleurs par la Cour à savoir que,
malgré la TGAP, le taux de pénétration de l’éthanol est actuellement
inférieur aux objectifs. D’ailleurs, la seule façon d’atteindre les objectifs
serait un développement supérieur des ventes de SP95E10 et des ventes de
Superéthanol, 2 produits qui contiennent plus que 5 % d’éthanol en volume,
à savoir respectivement 10 % et 85 %. En effet ces produits ont un
positionnement commercial spécifique sur lequel le prix au consommateur ne
peut pas être sans influence, comme cela a été récemment confirmé par une
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
239
étude consommateur réalisée pour le SNPAA. Si l’on prend l’exemple du
Superéthanol, on a vu les ventes mensuelles augmenter de plus de 40 % entre
2010 et 2011 du fait de l’augmentation de l’écart de prix à la pompe avec
l’essence en raison de l’augmentation du prix de cette dernière.
Par ailleurs comme la Cour peut le vérifier, les distributeurs
répercutent sur les prix à la pompe la défiscalisation, tandis que le prix de
marché de l’éthanol en France est très proche de la cotation européenne
« FOB Rotterdam ».
Ces éléments viennent contredire l’affirmation selon laquelle la filière
éthanol
aurait
reçue
la
défiscalisation.
Ils
contredisent
également
l’estimation du coût pour le consommateur (ce dernier bénéficiant
objectivement de la défiscalisation dans le prix qu’il paye à la pompe) et
notamment ceux de l’encadré.
6) En ce qui concerne l’impact sur les prix des denrées agricoles,
Tereos attire l’attention de la Cour sur la nécessité de distinguer les
évolutions de prix conjoncturelles de l’évolution structurelle.
L’évolution structurelle du prix du blé est reflétée par l’annexe 2
jointe à ce courrier qui montre que le cours mondial du blé exprimé en
monnaie constante est structurellement à la baisse d’environ 10ç par
boisseau et par an en tendance, tandis que le cours du pétrole est lui
structurellement à la hausse depuis le 1
er
choc pétrolier d’environ 1,5 $ par
baril et par an. En conséquence, depuis le 1
er
choc pétrolier, la quantité de
blé que l’on peut échanger sur le marché mondial contre un baril de pétrole
a doublé tous les 10 ans : elle est passée de 1 boisseau de blé pour 1 baril de
pétrole en 1973 à 16 boisseaux de blé pour un baril de pétrole aujourd’hui
(annexe 3). Cela reflète la hausse des rendements illustrée par l’annexe 1
jointe à ce courrier : au cours des 50 dernières années, la production de blé
a triplé à surface cultivée stable.
L’évolution conjoncturelle du prix du blé est elle liée à l’évolution du
«Estimated-Stock-to-Use-Ratio » (ESUR)
à savoir la valeur estimée du
rapport entre la consommation et le stock de fin de campagne pour une
denrée donnée : voir tableau de l’annexe 1. Dans le cas du blé il faut
constater que l’ESUR est actuellement au même niveau que dans les années
60 c'est-à-dire que le stock estimé de fin de campagne est d’environ 3 mois et
demi de consommation. L’impact de cet indicateur sur les prix est majeur
puisque lorsqu’il tend vers 4 mois - comme cela était le cas à la fin des
années 90 et au début du 21
ème
siècle - les cours s’effondrent et que lorsqu’il
tend vers 3 mois - comme c’était le cas en 1973-1974 et en 2007-2008 - les
cours flambent. On peut objectivement constater que l’évolution de cet
indicateur sur les 10 dernières années est tout à fait dans la norme de ce qui
s’est déroulé depuis les années 60, que donc le développement des
biocarburants n’a pas eu d’impact significatif sur cet indicateur qui est clé
en ce qui concerne l’évolution du cours du blé. On peut aussi constater que
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COUR DES COMPTES
la flambée des cours en 2007-2008 a été plus modérée que celle ayant eu lieu
en 1973-1974. On peut enfin constater que les prix du blé au début du 21
ème
siècle étaient particulièrement déprimés.
La conclusion suggérée par Tereos est que l’impact du débouché
biocarburant sur le marché du blé est d’en réduire la volatilité autour du
niveau de prix structurel : lorsque le niveau des stocks est faible, la flambée
des prix est amortie et lorsque le niveau des stocks est fort, l’effondrement
des prix est également amorti.
7) La Cour reprend un argument consistant à opposer usage des
biocarburants et économie d’énergie. Cet argument serait vrai si les
biocarburants étaient plus abondants que les carburants fossiles ce qui n’est
pas le cas. C’est de plus contradictoire avec d’autres affirmations de la Cour
selon lesquelles la contribution des biocarburants au pool énergétique serait
marginale. Enfin, le développement des biocarburants ne s’oppose en rien
aux mesures d’incitation visant à réduire la consommation d’énergie.
Par ailleurs, la Cour reprend un argument sur la destruction de la
biodiversité sans en vérifier les fondements. Tereos rappelle à la Cour que
les
surfaces
terrestres
cultivées
en
biocarburant
sont
extrêmement
marginales aussi bien par rapport aux surfaces cultivées que par rapport aux
surfaces en l’état naturel.
En conclusion Tereos invite la Cour à éviter de faire un « procès
d’intention » aux biocarburants : on ne pourrait parler de risque de
« destruction de la biodiversité »
que si les biocarburants devenaient à court
terme abondants au point de se substituer massivement aux carburants
fossiles comme source d’énergie bon marché, ce qui n’est pas le cas.
8) Tereos souhaite présenter à la Cour que le développement du
marché des biocarburants en Europe et notamment en France n’est pas
contradictoire avec les soucis de l’éthique, du fait de la profonde
modification de la Politique Agricole Commune intervenue au début du
21
ème
siècle selon les souhaits de nombreuses ONG dont Oxfam.
Cette profonde modification de la politique agricole européenne
consiste à réduire les exportations européennes de produits agricoles tout en
encourageant les importations de ces produits en provenance des pays les
moins avancés dans le but de promouvoir le renforcement de l’agriculture
locale
et
donc
de
développer
l’autosuffisance
alimentaire
et
le
développement économique.
La politique européenne en faveur des biocarburants est une des
conséquences de cette évolution de la politique agricole européenne,
elle-même basée sur des fondements éthiques incontestables.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
241
REPONSE DE L’ANCIEN PRESIDENT DE CRISTAL UNION
En préalable, je souhaite remercier la Cour des comptes pour
l’attention qu’elle a portée au secteur des biocarburants et de l’éthanol en
particulier. J’ai été honoré d’accueillir une délégation sur le site de
Cristanol à Bazancourt dans la Marne, et ainsi, de pouvoir montrer le
résultat concret des politiques menées dans ce secteur.
Comme vous m’y avez invité, vous trouverez ci-après, mes remarques
sur le projet de rapport que vous m’avez transmis, le 30 novembre 2011.
- Cristal Union et sa filiale Cristanol sont membres du SNPAA
(Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole) ; je partage donc
l’ensemble des remarques qui vous ont été transmises par ce syndicat
professionnel.
- Sur les dix dernières années, Cristal Union et sa filiale Cristanol ont
investi plus de 350 millions d’euros dans le développement de capacité de
production d’éthanol durable à destination de la carburation, sur le site
d’Arcis-sur-Aube, puis, par la construction d’une unité nouvelle Cristanol à
Bazancourt dans la Marne.
- Les investissements ont été réalisés dans le cadre d’une politique
européenne lancée en 2003 en faveur des énergies renouvelables et, plus
particulièrement, des biocarburants.
- Ainsi, entre 2004 et 2006, les pouvoirs publics français ont mis en
oeuvre un cadre règlementaire et fiscal cohérent pour développer un plan
ambitieux de production de biocarburants :
square4
un objectif d’incorporation anticipé par rapport à la directive
européenne de 2003, de 5,75 % base PCI en 2008 et 7 % en 2010 ;
square4
des appels d’offres communautaires, pour plus d’un million de
tonnes d’équivalent éthanol produit dans des unités agréées, ouvrant droit à
une exonération partielle de TIC de 33 €/hl d’éthanol en 2006/07 pour
permettre notamment des investissements dans des unités nouvelles ;
square4
une demande de dérogation au niveau communautaire pour
commercialiser des essences contenant jusqu’à 10 % d’éthanol ou 20 %
d’ETBE en volume à partir de 2007, sans marquage à la pompe ;
square4
la
mise
en
place
d’un
programme
volontariste
pour
le
développement de l’E85. Ce programme a fait l’objet d’une charte engageant
l’ensemble des acteurs de la filière (du champ à la roue) et les pouvoirs
publics, sur la base d’un travail mené par Alain Prost avec, notamment :
square4
l’adoption
d’un
jeu
de
mesures
fiscales
incitatives
pour
l’acquisition de véhicules « flexfuel » par les sociétés ;
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242
COUR DES COMPTES
square4
la contribution par la politique d’achat public au développement
du marché des véhicules « flexfuel » : définition d’objectifs pluriannuels
d’achats de véhicules flexfuel par les administrations de l’Etat.
Dans ce contexte réglementaire et fiscal cohérent, l’investissement
Cristanol a été lancé en présence du Président de la République, le 30 août
2005, et les premières productions ont été commercialisées en 2007,
conformément aux engagements pris lors des appels d’offres.
Dès 2007, les productions d’unités nouvelles à peine lancées, le
pouvoir exécutif a cherché, lors des débats annuels sur la loi de finances, à
remettre en cause l’exonération de TIC.
Cette dernière n’a été préservée que par la volonté du pouvoir
législatif de respecter les engagements pris par les pouvoirs publics.
Toutefois, comme indiqué dans le tableau du § 94 du projet de rapport,
l’exonération de TIC n’a cessé de baisser depuis 2007 pour atteindre 14 €/hl
en 2011. De ce fait, l’éthanol est, aujourd’hui, l’énergie la plus verte et
paradoxalement la plus taxée dans le secteur des transports.
La mise en oeuvre du SP95-E10, pouvant contenir jusqu’à 10 %
d’éthanol en volume ou 22 % d’ETBE, n’a été effective que le 1
er
avril 2009
(la France a été toutefois le premier pays européen à mettre à la
consommation de l’E10 sur son territoire). Ce retard, associé à un
développement lent, n’a pas permis de réaliser 70 % des ventes d’essence en
volume sous forme de SP95-E10, pourcentage qui était nécessaire pour
atteindre l’objectif d’incorporation de 7 % PCI en 2010. Comme indiqué
dans le § 324 du projet de rapport, c’est une des raisons majeures de la sous-
utilisation des agréments distilleries à hauteur de 50 %.
Les engagements de la charte sur l’E85 n’ont pas été tenus :
square4
les administrations n’ont pas mis en place de politique d’achat de
véhicules « flexfuel » ;
square4
l’abattement des émissions de CO
2
dans le calcul du bonus n’a
jamais, à ce jour, été pris en compte ;
square4
depuis le 1
er
janvier 2012, les incitations fiscales pour l’acquisition
de véhicules flexfuel par les sociétés ont été supprimées.
Dans ces conditions, la répartition des ventes d’essence permettant
d’atteindre les objectifs d’incorporation de 7 % en 2010, telle qu’elle a été
définie en mai 2009 sous l’égide du ministère de l’Ecologie et de l’Energie,
n’a pas été atteinte :
29,2 %
SP95 et SP98 ;
70,0 %
SP95-E10 ;
0,2 %
E85 (14 000 véhicules).
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CONCERNES
243
- La remise en cause à chaque loi de finances de l’exonération de TIC,
le retard du lancement, puis du développement du SP95-E10 et enfin
l’abandon des engagements pris pour le développement de l’E85 n’ont pas
permis aux unités nouvelles de production d’éthanol, dont Cristanol,
d’atteindre une rentabilité suffisante depuis leur entrée en production en
2007.
- Avec une utilisation de leur agrément de l’ordre de 50 % (agrément
qui était déjà inférieur aux capacités de production), les unités nouvelles
n’ont eu d’autres alternatives que d’exporter une partie de leur production
vers d’autres pays de l’UE dans des conditions dégradées, comme exposé
dans la partie IV-C du projet de rapport.
- Dans ce contexte, la continuité de la production dans l’unité
Cristanol (qui est une Union de Coopératives) a été possible grâce à
l’acceptation initiale des coopératives fondatrices d’une rémunération de la
matière première, blé ou betterave, liée à la valorisation de l’éthanol et des
drêches et non en fonction des prix de marché de ces matières premières.
- L’industrie de l’éthanol est une industrie lourde, très capitalistique,
1 € d’investissement génère à peine 1 € de chiffre d’affaires. Cette industrie,
naissante et porteuse d’avenir pour le développement de la chimie verte, a
besoin de cohérence et de continuité dans les politiques publiques.
- C’est pourquoi avant la fin de l’année 2012, il est indispensable de
renouveler jusqu’en 2015, fin de période d’amortissement des unités
nouvelles, l’ensemble des agréments ouvrant droit à exonération partielle de
TIC, accordés entre 2004 et 2006.
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COUR DES COMPTES
REPONSE DU SECRETAIRE GENERAL DU SYNDICAT NATIONAL
DES PRODUCTEURS D’ALCOOL AGRICOLE (SNPAA)
Nous remercions la Cour pour son écoute attentive tant lors des
échanges avec ses membres que lors de l’audition du 20 octobre 2011, et
pour la prise en compte constructive d’un certain nombre de nos remarques.
Nous vous transmettons, ci-dessous, nos observations pour que
certains points factuels concernant le bioéthanol soient mieux appréciés par
la Cour et les destinataires de son rapport.
Le bilan environnemental et énergétique du bioéthanol est très positif.
L’étude « ADEME » datée de février 2010 et réalisée pour le compte
de l’ADEME, du MEEDEM, du MAAP et de France Agrimer par BIO
intelligence Service a fait l’objet d’une très large concertation. Elle conclut
qu’une unité énergétique d’éthanol permet d’économiser 50% de l’énergie
fossile par rapport à l’essence remplacée et 50% des gaz à effet de serre.
L’étude précise que les changements directs d’affectation des sols
sont supposés nuls en Europe.
La seule question restée en suspens est celle
d’éventuels changements indirects d’affectation des sols, en l’absence de
méthode reconnue d’évaluation scientifique.
Le SNPAA souligne que la
disponibilité suffisante de terres en France (anciennes jachères et surfaces
betteravières soustraites de l’alimentation lors de la réforme du sucre de
2006), la croissance des rendements à l’hectare avec diminution des intrants
et l’importante production de coproduits pour l’alimentation animale (toutes
les protéines sont restituées) sont des facteurs qui évitent ou minimisent très
largement ces éventuels changements indirects d’affectation des sols. Cette
situation favorable à la France, voire à l’Europe, n’est sans doute pas
transposable au niveau mondial, mais 95% de l’éthanol utilisé en France est
d’origine française.
Pour donner l’assurance du caractère durable des biocarburants,
selon les critères de la Directive européenne sur les énergies renouvelables,
les deux filières françaises du bioéthanol et du biodiesel ont créé et mis en
place le schéma volontaire de certification de la durabilité 2BSvs, reconnu
par la Commission européenne, et dans lequel les opérateurs économiques
sont certifiés par des auditeurs indépendants.
L’objectif
d’incorporation
de
7%
pour
le
bioéthanol
est
techniquement réalisable
.
Nous considérons que l’objectif de 7% d’énergie provenant du
bioéthanol dans les essences est atteignable, contrairement aux indications
des paragraphes 83 et
84, à condition évidemment de mettre en place les
moyens adéquats pour que les automobilistes puissent accéder aux produits
contenant du bioéthanol, en particulier le SP 95-E10 et le Superéthanol-E85.
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CONCERNES
245
Ainsi, comme le relève la Cour au paragraphe 327, fin 2011, seules
25% des stations services vendent du SP95-E10 qui contient jusqu’à 10% de
bioéthanol en volume, représentant 6,8% de l’énergie de ce carburant. Pour
accélérer la diffusion de ce carburant, L’Etat doit rappeler qu’il
sera le
carburant européen de référence dès la fin 2013, selon la Directive sur la
qualité de carburants. Il doit également
communiquer efficacement, avec
les
distributeurs de carburants et les professions liées à l’automobile, pour que
chaque automobiliste sache si son véhicule peut fonctionner avec ce nouveau
carburant (plus de 75% du parc essence est actuellement compatible selon
les données des constructeurs). Le SNPAA a d’ailleurs lui-même pris
l’initiative d’une campagne d’information sur les lieux de vente avec l’appui
des distributeurs pour sensibiliser les automobilistes.
Puisque les essences SP 95 et SP98 contiennent déjà jusqu’à 5%
d’énergie provenant du bioéthanol, il reste après utilisation du SP95-E10 par
tous les véhicules compatibles, moins de 0,65% à combler par du
Superéthanol-E85 qui contient en moyenne 75% de
bioéthanol.
L’Etat
doit
permettre
la
croissance
rapide
des
ventes
de
Superéthanol–E85, en favorisant le développement rapide d’une flotte de 200
000 à 300 000 véhicules flex-fuel d’ici à 2015, grâce à des politiques
incitatives ou fiscales conformes aux engagements de la Charte pour le
développement du Superéthanol qu’il a signée en 2006. En particulier les
barèmes d’émissions de CO2
pour le bonus pour les particuliers et la taxe
de véhicules de société pour les entreprises doivent être ajustés pour en
retirer le CO2 d’origine renouvelable, comme ils le sont déjà pour le malus.
Si il est normal de taxer le CO2 d’origine fossile, il n’est pas justifié de taxer
le CO2 d’origine renouvelable. Avec ce type de dispositif, l’exemple de la
politique en faveur du GPL en 2010 montre qu’il est possible de vendre
jusqu’à 100 000 véhicules par an.
Notons que des distributeurs n’ont pas payé de TGAP et qu’ils ont,
par conséquent, atteint l’objectif de 7%. Ce sont ceux qui ont plus fortement
que d’autres développé des pompes SP95-E10.
A l’avenir, pour faciliter l’atteinte de l’obligation européenne de 10%
d’énergies renouvelables dans les transports terrestres en 2020, un
carburant standard européen contenant plus de 10% de bioéthanol en
volume, peut-être un SP95-E20, devra être introduit en Europe comme aux
Etats-Unis (E15) et au Brésil (E20/E25). L’Etat français devra porter ce
besoin auprès des Instances Européennes dans le but de commencer à le
mettre en place en 2015. Déjà, des réunions préparatoires de travail se
mettent en place avec notamment les constructeurs automobiles et le SNPAA.
En outre, le bioéthanol dispose de propriétés spécifiques à exploiter
en particulier dans des moteurs optimisés pour fonctionner au Superéthanol-
E85 pour réduire les consommations au kilomètre, comme l’indiquent des
travaux de l’IFPEN. Cela démontre que le développement du bioéthanol sera
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246
COUR DES COMPTES
l’une des composantes de l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les
transports.
Le
bioéthanol
de
première
génération
est
indispensable
et
incontournable dans la composition du bouquet énergétique pour 2020.
Le bilan fiscal du bioéthanol est positif pour l’Etat.
Le SNPAA remarque, comme la Cour, que L’Etat est gagnant avec le
bioéthanol car il taxe trop l’énergie du bioéthanol par rapport à l’essence.
L’Etat devra remettre en cause cette politique lors de l’application des
principes de la modification de la Directive européenne sur la taxation des
énergies, en particulier les principes d’égalité de taxation de l’énergie
contenue
dans
des
produits
substituables
(essence
et
éthanol)
et
d’exonération de taxe carbone pour les biocarburants.
L’exonération partielle de TIC n’est pas captée par les producteurs de
bioéthanol
.
Le SNPAA s’étonne de l’affirmation de la Cour au paragraphe 380,
où il est indiqué que les producteurs ont reçu 0,84Md€ de défiscalisation
réglée par la collectivité. La note 175 est également infondée: le SNPAA
précise que les données commerciales existent chez les acheteurs et les
vendeurs de bioéthanol, pour vérification.
En effet, le jeu de la concurrence entre les producteurs de bioéthanol
agréés et les forts volumes importés dans l’Union Européenne ramènent les
prix obtenus vers ceux
des produits importés.
Le bénéfice de l’agrément
pour les producteurs agréés est qu’à prix égal, les acheteurs préfèrent se
fournir auprès des entreprises agréées, pour se faire rembourser par l’Etat le
montant de l’exonération partielle de TIC. Ces volumes sont nécessaires à
l’amortissement des importants investissements réalisés par les entreprises
agrées. Cette situation a pu varier dans le temps entre 2005 et 2010, mais
l’essentiel du bénéfice la défiscalisation a été laissé aux distributeurs dans la
période récente. Tout indique que les montants de l’exonération sont
répercutés par les distributeurs de carburants dans les prix à la pompe du
fait de la concurrence entre enseignes.
La
défiscalisation
ne
constitue
donc
pas
un
coût
pour
le
consommateur puisqu’elle lui est répercutée pour l’essentiel.
Ainsi, le SNPAA conteste le schéma du paragraphe 379 qui indique
qu’environ 0,84 Md€ sont versés par l’Etat aux pétroliers et distributeurs de
carburants puis captés dans leurs prix par les producteurs de bioéthanol, ce
qui est inexact.
Ce schéma indique également un prix supérieur du SP95-E10 par
rapport au SP95 en renvoyant au texte du paragraphe 376 et à la note 165.
Le SNPAA, après vérification de la qualité des données du site internet
www.prix-carburants.gouv.fr auprès de stations-service et de responsables
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247
de réseaux de distribution, peut assurer que le SP95-E10 est toujours vendu
moins cher que le SP95 dans la même station-service. Les données contraires
sur internet sont obsolètes ou résultent d’erreurs de saisie.
De plus, le
SNPAA confirme que l’écart de prix en faveur du SP95-E10 est de l’ordre de
4 centimes par litre au sein de réseaux comparables. L’analyse du SNPAA
est que cet écart de prix résulte à la fois de la répercussion de l’exonération
de TIC et de la prise en compte de la TGAP évitée.
Le SNPAA conteste donc les conclusions du paragraphe 385 qui
indique que les aides perçues par le bioéthanol seraient de 0,84Md€, puisque
que seule une faible fraction de ce montant a été répercutée dans le prix payé
par les acheteurs de biocarburants, selon les périodes, entre 2005 et 2010.
Les ratios de 215€/m3 et 10€/GJ sont donc également inexacts.
Si l’on considère, par hypothèse prudente, que 20% de la
défiscalisation, soit 0,168Md€, a bénéficié aux producteurs de bioéthanol
entre 2005 et 2010, le solde, soit 0,672Md€, a été répercuté aux
consommateurs et doit être déduit des 1,880Md€ supportés par eux, selon la
Cour au paragraphe 379. Cela
laisse 1,208Md€ à leur charge soit 14€/GJ
(au lieu des 23€/GJ indiqués au paragraphe 386) dont 6€/GJ prélevés par
l’Etat sous forme de taxes sur les volumes de surconsommation, et seulement
8€/GJ dus au bioéthanol, ce qui devrait impacter les conclusions de
l’encadré après le paragraphe 388.
Le SNPAA estime que le montant de l’exonération partielle de TIC
devrait
passer
de
14€
/hl
à
20€/hl,
intégralement
répercuté
aux
consommateurs, pour que l’Etat arrête de surtaxer le bioéthanol par rapport
à l’essence. Cela supprimerait les 6€/GJ prélevés par l’Etat. Pour les 8€/GJ
dus à l’éthanol, la partie correspondant à la TGAP payée par les
distributeurs disparaîtra avec l’atteinte des objectifs. Le solde correspond à
la différence des cours de l’essence et de l’éthanol ramenés au contenu
énergétique. Cette différence est destinée à se réduire selon la tendance à
long terme de rapprochement des cours du baril de pétrole et des matières
premières agricoles.
Le SNPAA souligne que le faible niveau des prix de l’éthanol importé,
dû aux contournement de droits de douane et aux subventions pour l’éthanol
provenant du Brésil puis des Etats-Unis, a réduit les marges des producteurs
nationaux au point que, comme le relève la Cour aux paragraphes 350 et
351, les matières premières ont été souvent payées en dessous de leur prix de
marché.
L’industrie française du bioéthanol reste exposée.
La pérennité de l’industrie française du bioéthanol dépend de
l’existence d’un marché en croissance, ce qui doit être assuré, dans un
marché des essences en régression, par l’augmentation régulière des
objectifs d’incorporation, accompagnée par la mise à la disposition des
automobilistes des carburants et véhicules nécessaires à cette progression.
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COUR DES COMPTES
De plus, à ce jour, les industriels du bioéthanol n’ont pas pu amortir
leurs importants investissements (1Md€) dans les niveaux prévus au moment
de l’attribution des agréments, contrairement à ce qui est indiqué dans
l’encadré après le paragraphe 388. En effet, les volumes défiscalisés sont
très inférieurs aux volumes agréés et les producteurs de bioéthanol ne
bénéficient pas ou peu de la défiscalisation dans leurs prix de vente. Comme
le prévoit la Directive sur la taxation des énergies,2003/96/CE, ces
agréments sont renouvelables, si la décision administrative est prise avec le
31/12/2012. Le SNPAA demande leur prolongation jusqu’à fin 2015, date
estimée de la mise en place de la modification de la Directive sur la taxation
des énergies. Cela est d’autant plus nécessaire que l’industrie française du
bioéthanol et ses fournisseurs souffrent de marges dégradées par l’effet
d’une concurrence internationale déloyale.
Pour conclure, le développement d’une industrie du bioéthanol en
France répond à des enjeux multiples d’indépendance énergétique, de
réduction des émissions de gaz à effet de serre, de ré-industrialisation
structurante dans des zones rurale avec les emplois associés,
de
diversification des débouchés agricoles français, de développement des bio-
raffineries et de la chimie du végétal, porteuses d’avenir.
Le bioéthanol de
deuxième génération est initié par les mêmes entreprises qui produisent le
bioéthanol de première génération. Face à la concurrence d’importations
massives en Europe, provenant du Brésil puis actuellement des Etats-Unis,
en contournements de droits de douane et en contradiction avec les règles de
l’OMC, la continuité des mesures de soutien public est indispensable à la
survie de cette jeune industrie en France face aux producteurs de ces pays
qui bénéficient d’un soutien continu de leurs Etats, entre autre au travers
d’aides importantes à la construction d’usines, ce qui n’a pas été le cas en
France.
Ces enjeux sont compatibles avec les préoccupations éthiques
exprimées par la Cour à la fin de son rapport.
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249
REPONSE COMMUNE DU PRESIDENT DE L’ASSOCIATION
GENERALE DES PRODUCTEURS DE MAIS (AGPM)
ET DU DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION GENERALE DES
PRODUCTEURS DE BLE (AGPB)
Nous tenons en premier lieu à remercier la Cour pour l’important
travail de recueil d’informations réalisé auprès des parties prenantes, pour
la qualité d’écoute et la volonté de compréhension des enjeux du secteur du
bioéthanol. Nous souhaitons également, comme vous nous y avez invités,
vous porter un certain nombre de remarques afin que, de notre point de vue,
la contribution du bioéthanol au développement durable des transports soit
évaluée de manière équitable et que ses atouts soient reconnus à leur juste
valeur.
Le bioéthanol apporte un surcroit de recettes à l’Etat
Nous partageons l’analyse de la Cour sur le fait que le bioéthanol
n’est pas une niche fiscale mais une recette fiscale pour l’Etat. En effet,
comme le montre la Cour, les rentrées fiscales du bioéthanol sur les six
années traitées par ce rapport excèdent les dépenses cumulées de
défiscalisation sur la même période. Mais cet excédent ne peut que
s’accentuer à l’avenir car, dès aujourd’hui, l’énergie renouvelable du
bioéthanol est plus taxée que celle de l’essence, énergie fossile. Le
bioéthanol est la seule énergie renouvelable dans ce cas. Dès lors, la fiscalité
actuelle, basée sur les volumes consommés et ne tenant pas compte du
moindre contenu énergétique du bioéthanol par unité de volume, crée une
opportunité pour les finances publiques au détriment des consommateurs.
De ce point de vue, la Commission européenne a proposé en 2011 de
réviser la directive sur la taxation de l’énergie, en définissant une taxe par
unité d’énergie et une seconde sur les quantités de CO² fossile émises. Nous
invitons la puissance publique à anticiper cette profonde évolution, plus
équitable pour le bioéthanol et le consommateur.
L’industrie du bioéthanol est fragile
La Cour a pu constater un surdimensionnement des quantités
d’agréments
de
bioéthanol
attribuées
par
rapport
aux
besoins
d’incorporation. Cette situation, conjuguée à l’atomicité des opérateurs, a
créé une concurrence conduisant les prix à s’ajuster au niveau de celui des
importations. Or ces dernières, en provenance du Brésil ou des Etats-Unis,
proviennent de filières industrielles fortement soutenues par leurs Pouvoirs
Publics, et qui profitent de systèmes de contournement des droits de douanes
européens qui devraient être appliqués au bioéthanol importé. Ainsi, au
moment où la France s’interroge sur le démantèlement de son système de
défiscalisation, le Brésil continue d’exploiter à la fois l’incorporation
obligatoire et une différenciation fiscale (accise et TVA) favorable au
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250
COUR DES COMPTES
bioéthanol, à un niveau supérieur à celui existant en France. L’accise
fédérale sur le bioéthanol serait inférieure de 26$/hl à celle de l’essence au
Brésil, soit environ 18 €/hl, contre 14 €/hl de défiscalisation en France.
L’estimation d’un milliard de dollars ($) de dépenses fiscales semble très
sous-estimée. Par ailleurs, l’Agence internationale de l’Energie a estimé en
2010 à 410 milliards de $ les subventions mondiales pour le pétrole.
La défense des intérêts de la filière française face aux importations
aidées ou contournant la réglementation douanière est indispensable, tant
sur le plan fiscal que par le
strict respect des critères de durabilité des
importations et à leur vérification. Les schémas volontaires reconnus par
l’UE le permettent sans entraver le commerce international.
Dans ce contexte, la filière estime qu’une prolongation des agréments
sous certaines conditions est indispensable pour permettre d’amortir les
unités nouvelles dans de bonnes conditions et faire ainsi face par la suite à la
concurrence internationale.
Les objectifs d’incorporation en bioéthanol sont atteignables avec des
politiques adaptées
La Cour des Comptes a relevé des freins techniques dans l’atteinte
des objectifs français d’incorporation de bioéthanol pour 2010. Nous
contestons cet argument car le groupe 7 %, animé en 2009 par la Direction
Générale Energie Climat (DGEC) et rassemblant les différents partenaires
de la filière y compris les pétroliers, avait conclu que l’incorporation de 7 %
de bioéthanol en valeur énergétique était parfaitement réalisable dès 2010 en
développant l’E10, et avec un complément d’E85.
Le paiement de la TGAP observé sur la distribution d’essence, liée à
la non atteinte de l’objectif d’incorporation, est la résultante d’une politique
inconstante vis-à-vis de la filière superéthanol. Une proportion de
superéthanol est en effet indispensable dans le mix français pour atteindre le
taux d’incorporation, car le E10 ne le pourra pas à lui seul. Or le coût
d’adaptation des véhicules à la technologie flexfuel (200 € selon certains
constructeurs) n’est pas un obstacle et cette technologie est parfaitement
maîtrisée.
La filière superéthanol serait plutôt dynamisée si la réglementation
reconnaissait le caractère renouvelable du CO² émis à la combustion du
bioéthanol, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ni pour le bonus, ni pour les
véhicules de sociétés.
L’exonération de TIC n’est pas « captée » par la filière éthanol
L’exonération prend concrètement la forme de remboursements versés
par l’administration aux pétroliers qui incorporent les biocarburants dans
les Entrepôts fiscaux de produits énergétiques (EFPE), sur justificatif
d’achat de produits sous agrément (contrôle par les douanes). Comme déjà
évoqué, les conditions de concurrence entre opérateurs français et avec
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251
l’importation ne permettent pas aux producteurs d’éthanol de capter une
partie de la TIC à travers le prix de vente, bien inférieur aux prix plafond
théoriques.
Le bilan environnemental des biocarburants français n’est pas
contestable
Les bilans environnementaux et énergétiques des biocarburants ont
été plusieurs fois confirmés, en concertation avec les différents partenaires ;
et l’utilisation des biocarburants est encadrée par les critères de durabilité
de la directive énergies renouvelables, les plus élevés du monde, et
progressivement renforcés. Le bioéthanol dans le cadre français contribue
positivement à l’indépendance énergétique et à la lutte contre le changement
climatique, sans mettre en cause les équilibres agricoles.
Les résultats de l’étude de l’Ademe sur l’Analyse de Cycle de Vie
(ACV) des biocarburants ne peuvent pas être controversés puisque cette
étude a été réalisée en concertation avec l’ensemble des parties prenantes
(Filières, Pouvoirs Publics, ONG, Ademe). Les résultats sur les émissions de
Gaz à Effet de Serre et sur les bilans énergétiques ont été établis avec une
méthodologie reconnue et partagée.
Le changement d’affection des sols (CAS) n’a pas été occulté car
l’étude Ademe a considéré que le CAS direct (DLUC) est nul dans l’Union
Européenne. De plus, une étude a été lancée par les Pouvoirs publics sur le
CAS Indirect (ILUC), de la synthèse de l’étude ADEME.
Le diagramme § 52, qui présente la dispersion des réductions
d’émission des biocarburants tirés d’une compilation de 60 études ACV, ne
permet pas de dire si les biocarburants sont vertueux ou non. Ce sont les
règles de durabilité qui le permettent dans l’UE.
Enfin, au dernier alinéa du §58, seuls les gains en énergie du
bioéthanol doivent être retenus et pas ceux de l’ETBE.
Sur les changements d’affectation des sols, les effets directs sont déjà
pris en compte par la directive énergies renouvelables. Concernant les effets
indirects, aucune base scientifique sérieuse et suffisamment fiable ne permet
aujourd’hui de les évaluer. La Commission européenne, conformément à la
directive énergies renouvelables, doit faire des propositions sur ce point.
Rappelons que les surfaces actuellement occupées pour le bioéthanol
représentent 3 % des surfaces dédiées aux céréales et aux betteraves en
France et 1 % de la SAU totale. Ces surfaces suffiront à fournir les volumes
d’éthanol nécessaires à l’atteinte des 10 % en 2020.
Le coût pour le consommateur de la politique bioéthanol est surestimé
Le consommateur est amené à payer une facture fiscale sur le
bioéthanol en raison d’une surtaxation de cette énergie renouvelable par
rapport à l’essence. Nous estimons que le consommateur devrait retrouver
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dans le prix de vente l’effet de la défiscalisation, puisqu’elle vient en
réduction du prix du bioéthanol. La présentation faite par la Cour est une
sorte d’effet d’optique. En effet, si le bioéthanol et l’essence étaient taxés de
manière identique par unité d’énergie comme le propose la nouvelle directive
taxation des énergies, le coût de la « défiscalisation » affiché par la Cour
dans le graphe au §379 viendrait en diminution de la taxe payée par le
consommateur en raison d’une TIPP inférieure affichée à la pompe, intégrée
automatiquement au prix. Ainsi, l’Etat n’aurait plus de dépense fiscale
(même dépense par unité d’énergie pour l’essence et le bioéthanol) et le
consommateur
récupérerait
le
bénéfice
fiscal
pour
l’Etat
de
la
surconsommation en volume.
Par ailleurs, il ne devrait pas y avoir de TGAP payée par le
consommateur si les mesures techniques adéquates avaient été mises en
place pour assurer le développement de la filière superéthanol.
Nous contestons l’avis de la Cour estimant que le prix affiché du E10
au litre est supérieur à celui du SP95. Le site des Pouvoirs publics prix-
carburants.gouv.fr démontre le contraire avec un écart de 3 à 4 centimes
d’euros par litre en faveur du E10.
Enfin,
l’utilisation
du
bioéthanol
apporte
des
bénéfices
environnementaux directs (polluants, CO²) et indirects (baisse des particules
quand il y a substitution de voitures diesel par des voitures flexfuels). De
plus, dans le cas du E85, le consommateur bénéficie d’une meilleure
efficacité énergétique (cf étude du suivi d’une flotte de voitures flexfuels dans
la Marne en 2007 réalisée par l’IFP Energies Nouvelles) avec du E80 et qui
concluait à une surconsommation moyenne en volume de 25 %, au lieu de
+ 35 % en théorie.
Le bioéthanol est moins coûteux pour le consommateur que
l’électricité d’origine renouvelable dans la CSPE
La Commission de Régulation de l’énergie estime que la CSPE
représentera environ 11 % de la facture d’un client résidentiel, et pour
moitié en raison des soutiens aux filières d’électricité renouvelable. En effet,
l’incorporation de 7 % de bioéthanol en énergie se traduit par une
surconsommation de 3,5 % environ, alors que l’électricité issue d’énergies
renouvelables représente un surcoût de 5,5 % pour la facture d’électricité en
2012.
Amortir les dépenses sur la durée de vie des outils industriels
Dans l’horizon de l’évaluation, la Cour devrait prendre en compte les
bénéfices (environnementaux, économiques, fiscaux), au-delà de 2010
puisque les unités industrielles continueront à produire sans occasionner
aucune dépense fiscale aux finances publiques et au contraire, en continuant
à les alimenter en recettes.
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253
Avec cette approche, le coût pour le consommateur serait réévalué à
la baisse.
La politique des biocarburants française ne vise pas à utiliser 100 %
de la SAU française
, mais une forte proportion de biocarburants serait
possible avec des voitures très économes.
Nous invitons la Cour des Comptes à ne pas opposer utilisation des
biocarburants et amélioration de l’efficacité énergétique des transports. Les
deux vont de pair. L’analyse du Plan National d’Action Energies
Renouvelables français indique que l’objectif d’incorporation recherché
pour les biocarburants est équilibré et que le niveau de 10 % PCI est
compatible avec les capacités de production agricole de la France. Par
ailleurs, la diminution de la consommation énergétique des voitures doit être
accentuée. Le bioéthanol a des atouts techniques pour cela. Une
généralisation des voitures hybrides flexfuels permettrait d’aller dans ce sens
et d’augmenter les taux d’incorporation quasiment à volumes de bioéthanol
constants.
L’utilisation des surfaces agricoles pour produire de l’énergie n’est
pas une nouveauté alors que considérer que les énergies fossiles sont
disponibles infiniment, l’est. La directive énergies renouvelables encadre la
durabilité des biocarburants, ainsi que les terres mobilisables pour cet
usage, et les conséquences de leur utilisation.
Les productions céréalières sont inscrites dans le développement
durable
En accédant aux facteurs de production nécessaires et suffisants, la
productivité agricole permettrait de libérer plus de surfaces pour produire
des biocarburants tout en fournissant la production alimentaire nécessaire.
L’utilisation de la biomasse pour la production de biocarburants est
encadrée par les critères de durabilité de la directive énergies renouvelables,
en vue de protéger les terres riches en biodiversité, à haute teneur en
carbone, les zones humides, et à garantir une performance environnementale
minimum
des
biocarburants.
La
Commission
européenne
publiera
régulièrement des rapports sur les conséquences du développement des
biocarburants dans l’UE. Nous estimons que la Cour devrait signaler cet
aspect dans ses conclusions de son évaluation pages 192 à 194.
Par ailleurs, tous les critères de la Politique Agricole Commune
s’appliquent à ces productions dans l’UE.
Les productions de céréales améliorent en permanence leur empreinte
environnementale avec notamment un pilotage précis de la fumure azotée. Le
maïs
est
la
grande
culture
avec
l’IFT
(nombre
de
traitements
phytosanitaires) le plus bas, et son introduction dans une rotation baisse
donc l’impact global sur l’exploitation.
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COUR DES COMPTES
Le bioéthanol de céréales permet la production de drèches riches en
protéines pour l’alimentation animale. La contribution des céréales à la
réduction du déficit protéique de la France et de l’UE est même supérieure à
celle des oléagineux en raison d’une plus grande productivité à l’hectare.
Nous tenons les éléments correspondant à la disposition de la Cour.
L’utilisation du bioéthanol est-il une politique coûteuse pour
l’environnement
?
Il est important que chaque secteur contribue à l’effort de réduction
des émissions de GES, et cela dès maintenant pour éviter un emballement
climatique. Dès lors, l’utilisation des biocarburants est indispensable car ils
sont la seule alternative immédiatement disponible. La directive énergies
renouvelables impose seulement 10 % d’énergies renouvelables dans la
consommation des transports en 2020 alors que l’objectif global européen
est de 20 %. C’est le reflet de la dépendance du secteur des transports au
pétrole et au coût élevé d’abattement du CO² dans ce secteur. Dès lors, au
§ 430, il faut comparer le coût de réduction de CO² de 250 €/t avancé dans le
rapport, non seulement à la valeur tutélaire du carbone, mais surtout au coût
de réduction réaliste applicable dans le secteur des transports.
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REPONSE DU PRESIDENT DE LA CONFEDERATION GENERALE
DES PLANTEURS DE BETTERAVES
La betterave : une culture performante
Comme indiqué précédemment à la Cour, par convention, la filière
betterave sucre utilise comme unité de mesure du rendement la tonne de
betterave contenant 16 % de sucre afin d’avoir une base commune à toute la
France betteravière puisque le contenu effectif en sucre de chaque lot de
betteraves livré varie selon les conditions climatiques et agronomiques en
particulier.
Sur cette base, le rendement a atteint entre 85 t et 95 t à 16°/ha ces
dernières années et correspond à la quantité de betteraves payées aux
planteurs et effectivement transformées dans l’usine et à ce titre n’inclut ni
les feuilles, ni les déchets (terre, cailloux). Une tonne de betterave à 16°/ha
permet de produire 1 hectolitre d’éthanol (79,4 kg) et 55 kg de matière sèche
de pulpes, ce qui, ramené à l’hectare, donne en moyenne 7,1 tonnes
d’éthanol (90 hl) et presque 5 t de MS pulpe pour un rendement de 90 t à
16°/ha. Ces rendements ont augmenté de près de 50 % au cours des trente
dernières années malgré une réduction de 50 % des apports d’azote et de
70 % des produits phytosanitaires sur la même période. Pour l’année 2011,
le rendement sera proche de 97 tonnes à 16° par hectare. Compte-tenu de la
valorisation de la pulpe en alimentation animale (un hectare de betterave
fournit sous forme de pulpe l’équivalent énergétique d’un demi-hectare de
blé), les surfaces effectives mobilisées pour la production d’éthanol sont à
diviser par deux.
Les productions de sucre et d’éthanol à partir de betteraves sont
indépendante l’une de l’autre
L’analyse de la Confédération paysanne (§ 244 notamment) souffre de
nombreuses inexactitudes : en Europe, l’éthanol n’est produit qu’à partir de
betteraves hors quota et le sucre alimentaire ne l’est qu’à partir de
betteraves du quota. Du point de vue réglementaire, un industriel ne peut
produire et mettre sur le marché des produits issus de betteraves hors quota
qu’à la condition qu’il ait d’abord honoré son quota de production de sucre
alimentaire.
Toutefois, compte-tenu de l’importance des volumes de betteraves
produits, cette condition reste théorique : ces deux productions sont en effet
indépendantes et celle d’éthanol est assurée par des contrats spécifiques de
production de betteraves.
A l’intérieur du périmètre sucre hors quota, un industriel peut
toutefois arbitrer entre différentes productions : éthanol carburant, alcool
traditionnel et sucre industriel (pour l’industrie chimique) en fonction des
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contrats signés, des niveaux de prix respectifs et de sa capacité industrielle à
produire ces différents débouchés et bien entendu de la quantité de
betteraves hors quota disponibles pour le faire.
Ainsi, c’est une contre-vérité manifeste et le signe d’une profonde
méconnaissance du secteur de prétendre que les usines de transformation de
betteraves en France ne font plus que du sucre et pratiquement plus
d’éthanol. C’est d’autant plus faux que les betteraves éthanol font l’objet
entre planteurs et industriels de contrats de livraison à un prix fixé
indépendamment du prix des betteraves destinées à produire le sucre.
L’industrie française du bioéthanol est jeune et doit être consolidée
Le rapport de la Cour donne une vision juste de la filière française du
bioéthanol : sur la base d’investissements importants (1 Md€) cette filière a
développé fortement sa production pour devenir le leader européen de la
production d’éthanol. Toutefois, les acteurs de cette filière sont nombreux, la
rendant concurrentielle, ce d’autant plus que chacun a bénéficié d’agréments
dont le périmètre a été largement surdimensionné.
De même, elle est confrontée à une concurrence internationale
vigoureuse et peu équitable, puisque le Brésil et les Etats-Unis, leaders
mondiaux de la production d’éthanol subventionnent largement leur propre
production
et
contournent
également
la
réglementation
douanière
européenne.
Au sujet du Brésil, une mission d’étude réalisée par la CGB au
printemps 2011 a permis de mettre en évidence que l’éthanol brésilien
bénéficie sous différents formes d’un soutien public fédéral significatif, bien
supérieur à l’estimation d’1 Md USD mentionné dans le rapport de la Cour :
notre analyse est que la seule fiscalité fédérale très allégée de l’éthanol à la
pompe (pur ou en mélange) par rapport à l’essence représente environ
4,5 Md USD pour l’année 2010, sachant qu’il existe en complément une aide
fédérale pour l’achat de voitures roulant à l’éthanol et des prêts bonifiés
accordés par la BNDES (Banque fédérale de développement économique) à
l’ensemble de la filière (planteurs de canne, industriels). De même, les
principaux Etats producteurs d’éthanol appliquent une fiscalité réduite à
l’éthanol hydraté (ICMS - équivalent de la TVA - réduit de 6 à 13 points
selon les cas), ce qui constitue clairement une fiscalité préférentielle pour le
biocarburant. La totalité des soutiens du Brésil à sa filière éthanol se chiffre
donc en milliards de dollars US chaque année.
Enfin, depuis plusieurs années, le développement de l’incorporation
de bioéthanol est positif pour les finances publiques puisque les recettes
fiscales nettes induites par la surconsommation dépassent largement la
dépense fiscale apparente induite par la moindre fiscalité de l’éthanol au
litre.
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La filière française dont les investissements récents ne sont pas
pleinement amortis doit donc bénéficier de visibilité pour les années à venir
ce qui passe par :
- l’établissement de taux d’incorporation croissants d’éthanol dans les
essences, conformément au contenu du plan d’action national sur les
énergies renouvelables ;
- la prolongation des agréments dont bénéficient les unités de
production d’éthanol dans l’attente de l’application d’une fiscalité plus
équitable, comme celle figurant dans le projet de révision de la directive
taxation des énergies présentée par la Commission européenne au printemps
2011 ;
- des mesures concrètes permettant d’assurer le développement de la
distribution et de l’utilisation des carburants éthanolés (SP95-E10 et
superéthanol E85 aujourd’hui, SP95-E20 demain).
L’objectif français d’incorporation de bioéthanol pour 2010 était
atteignable
Bien que les objectifs nationaux d’incorporation allaient au-delà des
objectifs européens durant les années récentes, il nous semble abusif de
conclure qu’ils ne sont « compatibles ni avec les contraintes techniques de
qualité des carburants, ni avec la réalité des infrastructures de distribution et
de flottes captives ».
S’agissant de l’éthanol, la directive européenne relative à la qualité
des carburants a été adoptée en décembre 2008. Ce texte donne une
existence réglementaire à un supercarburant contenant jusqu’à 10 %
d’éthanol en volume et/ou 22 % d’ETBE en volume. On peut en effet déplorer
l’adoption très tardive de ce texte par rapport à la directive de 2003
établissant l’objectif d’incorporer 5,75 % d’éthanol en énergie (soit environ
8,7 % en volume) dans les essences en 2010.
Pour autant, sur cette base, la France a donné une existence
réglementaire au SP95-E10 dès le 1
er
avril 2009. De la même façon, début
2009, un groupe de travail a été constitué par la Direction Générale Energie
et Climat (DGEC) pour évaluer la faisabilité de l’objectif de 7 % PCI de
biocarburants en 2010. Reprenant une estimation de l’UFIP prévoyant un
déploiement du SP95-E10 dans 60 à 70 % des stations-service dès la fin
2009, l’administration a conclu que l’objectif de 7 % serait quasiment atteint
en 2010 pour le compartiment essences et dès lors qu’aucune mesure
particulière ne s’imposait… Aucune des parties prenantes à ce groupe
rassemblant notamment pétroliers, constructeurs automobiles et distributeurs
de carburant n’a contesté publiquement ces conclusions.
En outre, tous les supercarburants contiennent de l’ETBE en
proportion variable, or jusqu’en 2010 inclus, du point de vue réglementaire,
l’éthanol contenu dans cet éther était comptabilisé au PCI de l’ETBE, ce qui
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permettait tout à fait d’atteindre les cible d’incorporation avec une diffusion
plus large du SP95-E10, compatible avec 70 % du parc automobile français
roulant à l’essence.
Au-delà du SP95-E10, le superéthanol E85 (contenant entre 65 et
85 % d’éthanol) est commercialisé en France depuis début 2007 et contribue
aussi à l’atteinte de l’objectif. Force est de constater pourtant que les
engagements pris par certains distributeurs de carburants en novembre 2006
(signature de la charte pour le développement de la filière flexfuel
Superéthanol E85) n’ont pas été respectés : ce carburant devait en effet être
disponible dans 450 points de ventes fin 2007 puis passer à plus d’un millier
en 2008. A ce jour, le nombre de points de vente a culminé à 320 stations
services. Cela est regrettable car ce carburant à fort contenu en renouvelable
a un effet de levier important pour contribuer à l’objectif d’incorporation.
On peut enfin rappeler que la dynamique de cette filière lancée fin
2006 et soutenue par l’Etat a été brutalement cassée avec la mise en place en
janvier 2008 du dispositif de bonus/malus écologique sur les voitures neuves.
Ledit dispositif a en effet totalement occulté l’origine renouvelable du CO2
émis par les véhicules fonctionnant au superéthanol E85, avec pour
conséquence l’application d’un malus à l’ensemble des véhicules flexfuel
disponibles sur le marché.
En conclusion, la CGB estime que les moyens réglementaires et
techniques d’atteindre les objectifs d’incorporation pour la partie essences
en 2010 existaient et n’ont pas été mis en oeuvre : l’argument de non
faisabilité technique n’est donc pas recevable, ce qui fragilise une partie de
l’analyse de la Cour qui en découle.
Un bilan environnemental robuste et documenté
La dernière étude ADEME mentionnée dans le rapport a été menée
avec une extrême rigueur pendant plusieurs années
et en deux étapes
successives : en premier lieu la définition d’un référentiel méthodologique
détaillé et en second lieu l’application de ce référentiel aux filières
françaises. Ces deux étapes ont été encadrées par un comité composé de
l’ensemble des parties (instituts techniques agricoles, INRA, industriels des
biocarburants, administration, ONG environnementales, IFP Energies
nouvelles, etc.). L’étude a enfin fait l’objet d’une revue critique approfondie
par un cabinet spécialisé, a posteriori. Chacune des étapes a fait l’objet d’un
très large consensus entre les parties prenantes.
De façon générale, sur le débat des analyses de cycle de vie des
biocarburants, il est utile de rappeler ici que la directive européenne sur les
énergies renouvelables (votée à l’unanimité par les Verts européens du
Parlement) a tranché en établissant clairement les règles du jeu tant pour la
méthodologie de calcul des réductions d’émissions de gaz à effet de serre
(méthode d’allocation énergétique) que pour les seuils minimaux de
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performance environnementale à respecter par les biocarburants pour être
reconnus comme tels.
S’agissant de la réduction de consommation d’énergie fossile, la
rigueur impose de distinguer les résultats des éthanols à proprement parler
(variant entre 49 et 85 %), de celle des ETBE comprise entre 18 et 54 % par
rapport au carburant fossile de référence. Dès lors que l’ETBE est composé
pour moitié d’éthanol d’origine renouvelable et pour moitié d’isobutylène,
d’origine fossile, il est logique que le bilan tant gaz à effet de serre
qu’énergétique de ce produit soit moins favorable que celui de l’éthanol pur.
On peut ajouter que l’étude ADEME indique que les changements
directs d’affection des sols sont supposés nuls en Europe et donc en France.
Ces changements directs sont d’ailleurs pris en compte par la directive
européenne sur les énergies renouvelables. L’étude ADEME pointe par
contre une incertitude sur l’existence ou non de changements indirects
(CASI), qui y sont traités sous la forme d’une analyse de sensibilité, car ne
faisant pas partie du périmètre initial de l’étude. Une des conclusions de
l’ACV biocarburants 2010 est précisément que la question des CASI doit être
examinée de façon plus approfondie, c’est pourquoi ce sujet fait l’objet
depuis près d’un an d’une étude réalisée par l’INRA pour le compte de
l’ADEME dont les résultats devraient être connus courant 2012. La
Commission européenne expertise également cette question depuis des mois
et pourrait légiférer sur ce sujet en 2012.
Enfin concernant spécifiquement de l’éthanol de betterave, il faut
rappeler que la réforme de l’Organisation Commune de Marché (OCM) du
sucre de 2006 a conduit à réduire d’un tiers la production européenne de
sucre et les surfaces de betteraves d’au moins 600 000 ha au sein de l’UE.
En 2010, 150 000 ha de betteraves y sont consacrés à la production
d’éthanol. C’est donc une surface de 450 000 ha qui a été restituée pour
d’autres cultures à l’échelle européenne entre 2006 et 2010. Dans ces
conditions, il nous paraît totalement injustifié et inapproprié de parler de
changement indirect d’affectation de sols pour la production d’éthanol de
betterave alors que l’UE a souhaité réduire sa propre production sucrière et
ouvrir largement ses frontières à des importations en provenance des pays
tiers.
La filière française du bioéthanol ne capte pas la défiscalisation
La CGB réfute vigoureusement l’affirmation selon laquelle la
défiscalisation de l’éthanol serait captée par les producteurs. Le marché de
l’éthanol est fortement concurrentiel en France comme cela est indiqué à
plusieurs reprises dans le document : il y a des acteurs historiques, des
nouveaux entrants et un périmètre d’agréments largement surdimensionné.
Cette situation a pour conséquence que les prix plafond présentés dans le
rapport de la Cour constituent des niveaux théoriques jamais atteints.
L’éthanol bénéficiant d’un agrément est vendu sur le marché français à un
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prix très légèrement supérieur à la cotation FOB T2 Rotterdam (marché de
référence
européen
pour
l’éthanol
dédouané).
Compte-tenu
de
la
défiscalisation, le prix de revient de l’éthanol agréé pour le pétrolier est donc
très proche de celui de l’essence et nettement inférieur au prix de l’éthanol
sur le marché européen.
Ainsi, notre analyse est que la défiscalisation accordée à l’éthanol est
principalement captée par les acheteurs d’éthanol. Elle joue donc pleinement
son rôle de réduction du surcoût de l’éthanol par rapport à l’essence. Cette
analyse a été faite de façon poussée par une mission de l’Inspection générale
des finances réalisée durant l’année 2008. Dès lors, nous ne partageons pas
les conclusions présentées en § 380 selon lesquelles l’intégralité de
l’exonération fiscale a bénéficié aux producteurs d’éthanol. Il en va de même
des conclusions générales qui en découlent.
Les biocarburants renchérissent de moins en moins les carburants à
la pompe
Bien que ce soit nettement moins vrai en 2011, ces dernières années,
le coût de production des biocarburants était en effet supérieur à celui des
carburants fossiles, c’est précisément pour cette raison que l’exonération
fiscale a été mise en place et qu’elle est perçue concrètement par les
opérateurs pétroliers pour lesquels le prix de revient des biocarburants est
donc :
prix d’achat biocarburants rendu dépôt – exonération fiscale, soit un
niveau grandement inférieur au prix de marché de l’éthanol dans l’UE,
comme précisé plus haut.
Sur cette base, la différence de prix de revient entre les carburants
fossiles et les biocarburants est largement gommée voire totalement couverte
en 2011, les prix HT de l’essence ayant augmenté à due concurrence.
Par ailleurs, de notre point de vue, à chaque fois qu’une station-
service donnée commercialise à la fois du SP95 et du SP95-E10, ce dernier
est vendu moins cher de 2 à 5 centimes. Nous nous interrogeons donc sur la
fiabilité du « rapide sondage sur internet » évoqué dans la note de bas de
page n° 165, laissant planer le doute sur l’existence d’une hiérarchie-type du
prix des supercarburants. L’écart est encore plus important entre le SP98 et
le SP95-E10 (de l’ordre de 10 cts/litre) et toujours en faveur de ce dernier.
Ces écarts s’expliquent par le fait que le distributeur s’exonère de la
TGAP sur chaque litre de SP95-E10 vendu et n’a plus à l’intégrer dans son
coût de revient (économie de 3 à 5 centimes par litre environ par rapport au
SP95 et SP98), contrairement à ce qui est fait pour le SP95 et SP98 comme
cela est expliqué dans le § 371. Ce gain de TGAP est largement supérieur au
supposé coût de revient supplémentaire du SP95-E10 estimé entre 0,5 et
0,7 c€/litre dans le § 374.
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Sur cette base, nous réfutons que les prix du SP95-E10 soient
supérieurs à ceux du SP95 et par extension que le consommateur de
SP95-E10 aurait à supporter un surcoût. De notre point de vue, il réalise au
contraire une économie permise par l’absence de TGAP dont bénéficie le
distributeur de SP95-E10.
Pour l’ensemble des raisons expliquées ci-dessus, le schéma du
rapport est incorrect car il repose sur des postulats inexacts. Si « le
consommateur a payé le prix fort » c’est donc surtout à travers la TGAP
répercutée au consommateur par un prix de vente du SP95 et du SP98
majoré d’autant. Ainsi, indirectement, du fait du manque d’information
relatif au SP95-E10 et de la lenteur du déploiement de ce carburant dans le
réseau de distribution, les consommateurs s’en trouvent pénalisés.
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La politique d’aide aux biocarburants – janvier 2012
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262
COUR DES COMPTES
REPONSE DU PORTE-PAROLE DE LA CONFEDERATION
PAYSANNE
Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et diminuer la
dépendance énergétique les pouvoirs publics ont mis en oeuvre
une politique
d'incorporation d'agrocarburants (le terme de biocarburants est inadéquat
vis-à-vis de la réalité « bio d'un produit agricole » aussi nous ne l'utiliserons
pas). Cette politique a failli sur tous les objectifs qu'elle devait atteindre et
seule une manipulation des éléments scientifiques, économiques et financiers
a pu laisser croire à sa réussite. Ce rapport présente plusieurs de ces
manipulations et échecs, mais il faut aussi les décrypter ou bien pour
certaines les extraire de plusieurs données et les compléter de certaines
omissions.
Nous nous contenterons de présenter les omissions les plus
importantes.
1° - La réduction des gaz à effet de serre (GES) :
Tous les chiffres présentés dans le rapport sur l'efficacité des
agrocarburants en termes d'émissions de GES sont basés sur le rapport
Ademe/Bio IS de 2010 lequel n'intègre pas le Changement d'Affectation des
Sols Indirect (CASI). Le rapport signale seulement que le rapport Bio IS n'a
pas été validé par les deux ONG
232
faisant partie du comité technique § 57,
que ces résultats sont très différents, mais il ne présente jamais des résultats
avec le CASI tels qu'ils ont été évalués par ces ONG ou par d'autres entités.
Il signale § 55 que « ... les CASI s'avèrent très complexes à quantifier et
aucun consensus ne se dégage à leur propos ». Il est certain que les résultats
obtenus ne pouvaient être acceptés par les industriels des agrocarburants
présents dans le comité technique.
En effet, les résultats de l'étude Bio IS avant rejet du CASI et même
dans une certaine mesure avec seulement le CAS, montraient un effet GES :
pour l'EMVH (biodiesel) double du gazole remplacé (187 grammes
éqC02/MJ contre 91,4 au gazole)
pour
l'éthanol
de
betterave
double
de
l'essence
remplacée
(181 grammes éqC02/MJ contre 90 à l'essence)
pour l'éthanol de blé 68,5 grammes éqCO/MJ contre 90 pour l'essence
Avec ces chiffres, les agrocarburants ne répondent pas à la Directive
Européenne de réduction d'au moins 35 % de GES par rapport aux
carburants fossiles et les aides et défiscalisations sont interdites.
232
ONG dont la Confédération paysanne était partenaire.
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REPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES
CONCERNES
263
Il est regrettable que ce rapport ne prenne pas en compte tous les avis
et ne se base que sur le rapport de I'Ademe. Dans le chapitre de conclusion
sur les ACV
233
, il est rappelé la controverse sur les méthodes de calcul sans
montrer les résultats présentés par les ONG car la prise en compte du CASI
et la méthode proposée d'affectation énergétique des coproduits montrait que
les agrocarburants n'ont aucun intérêt en termes de réduction des GES ou de
réduction de la facture énergétique de la France.
2° - Efficacité énergétique et conséquence économique
Concernant l'efficacité énergétique, il est bien montré dans le rapport
« l'escroquerie » à la TIC ou TGAP quand on intègre cette valeur
énergétique en PCI par volume.
La conséquence première est une augmentation de la facture pour le
consommateur automobiliste ou agriculteur. En 2012, un agriculteur
consommant 5 000 l de GNR verra sa facture augmenter d'environ
250 euros. Mais surtout l'incorporation d'un agrocarburant dans le GNR ne
profite qu'aux fabricants tels que décrit dans le rapport au § 111 « Il ne s'agit
donc plus d'un taux réel d’incorporation mais d'une formule ad hoc
permettant d'atteindre fictivement la cible » (d'incorporation permettant de
bénéficier de la TGAP).
Il s'agirait donc d'une sorte d'escroquerie à la TGAP grâce à
l'incorporation d'agrocarburant dans le GNR - ce qui est en fait indiqué dans
le rapport de manière relativement implicite § 112 et 114 où il est dit que
l'intention du législateur était d'éviter l'impact de l'incorporation sur les prix
à la pompe mais « Cela n'a pas été le cas pour le biodiesel » et pour l'éthanol
la TGAP se transformait en une taxe obligatoire ce qui « ... vient en
contravention des règles européennes » !!
La Confédération paysanne propose que votre rapport souligne la
possibilité de mettre sur le marché un GNR sans agrocarburant (GNR0) qui
ne serait donc pas comptabilisé dans les objectifs d'incorporation des
industriels (Sofiproteol p. ex) ce qui éliminera une des manipulations fiscales
que le rapport a relevées.
Le rapport montre bien la manipulation politique qui a favorisé le
biodiesel malgré l'avis défavorable de la commission Levy.
On peut aussi souligner l'erreur économique d'avoir laissé se
développer les diesels ce qui a imposé à la France d'importer 25 % de notre
gazole et ensuite l'ajout du biodiesel pour 7 % du total d'où effet négatif sur
la balance du commerce français soit importation de 9,5 Mt de gazole et
production de 8,3 Mt de trop d'essence exportée à prix coûtant ou inférieur.
233
Analyse des Cycles de vies. Voir aussi les § 420/421/422/424 qui auraient dû
permettre à la Cour des comptes de souligner plus fermement dans ses conclusions les
incohérences du rapport Ademe – Bio IS.
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COUR DES COMPTES
Et maintenant pour respecter les 7 % d'incorporation, la France
importe des agrocarburants en quantité importante à des prix plus faibles
que la production de matière première agricole française, ce qui en final ne
bénéficie qu'aux industriels (et en particulier au groupe Diester Industrie
avec 77,6 % des agréments d'usine biodiesel accordés § 110), l'éthanol étant
la victime choisie dans cette affaire d'exonération de la TGAP.
En conclusion, on aboutit à un accroissement de la dégradation de la
balance commerciale.
Nous devons aussi souligner la conclusion du Chap. II qui conforte
notre position sur le surcoût pour les consommateurs (automobilistes et
agriculteurs). En effet, si le coût pour les finances publiques de la
défiscalisation à droits constants - 1,1 Md€ en 2010 et prolongé jusqu'en
2013 - est compensé par les recettes de TVA dues à la surconsommation liée
à la faible efficacité énergétique des biocarburants, le coût final pour les
consommateurs qui était de 2,53 milliards d'€ entre 2005 et 2010, lui va
augmenter ! Et cela dans un contexte de difficultés budgétaires de l'ensemble
des consommateurs et donc des agriculteurs qui avec le GNR voient leurs
revenus affectés en plus.
Les
pouvoirs
publics
auraient
imposé
une
réduction
de
la
consommation des véhicules - soit 3 % du total consommé - les 3 %
représentent la réduction de consommation des transports pour atteindre
l'objectif de limite de l'augmentation de la T° de + 2°C d'ici 2020) - cela
aurait été nettement plus efficace que l'incorporation d'agrocarburants.
Réduire la consommation d'une voiture diesel de 3 % est à la portée des
motoristes et des constructeurs automobiles. Il aurait fallu aussi taxer les
véhicules gros consommateurs et cela ce n'est pas dans l'esprit de la
politique économique et environnementale actuelle.
3° - Conséquences sur l'agriculture
Nous renouvelons notre analyse concernant les sous-produits des
agrocarburants (tourteaux) que le rapport ne reprend pas si ce n'est § 411
« l'impact négatif » en opposant dans d'autres chapitres des avantages
exprimés par les partisans de la culture intensive des agrocarburants et qui
ne sont validés par aucun chiffre.
Dans la conclusion du Chap. III et malgré la remarque « limitée »
234
sur la non compatibilité des tourteaux de colza pour l'alimentation des
monogastriques le rapport considère que le bilan est positif et de ce fait
entérine un des arguments des producteurs de biodiesel et de fait rejette
indirectement l'application du CASI qui aurait impacté négativement les
résultats d'efficacité énergétique du biodiesel.
234
… car bien qu’un peu moins bon au plan nutritionnel, les tourteaux de colza ont
pris, dans l’alimentation du bétail, une partie de la place occupée par ceux issus du
soja, … ».
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CONCERNES
265
On nous objectera que l'on a importé moins de tourteaux de colza
mais l'on a aussi empêché le développement des féveroles et autres pois.
C'est l'un des points vitaux qui touche l'agriculture. L'Inra relève, lors d'un
colloque présenté dans le cadre du SIA 2009, que le développement des
cultures de protéines végétales pois et féveroles est entravé par le soutien
accordé aux filières « colza diester ». En effet, ce développement aboutit à la
mise sur le marché de protéines pour l'alimentation du bétail à un prix plus
bas en apparence, résultat du soutien des consommateurs à la filière, mais
qui surtout doit être relativisé par une qualité moins bonne desdites protéines
(richesse en matière grasse très élevée). Par ailleurs, le niveau de production
des pois en particulier à 1'heure actuelle est tellement bas qu'il empêche un
développement de son incorporation dans les aliments du bétail (effet de
masse critique) et aussi la possibilité de recherche de valorisation de ces pois
ou féveroles pour faire le pendant avec l'explosion des produits à base de
soja et destinés à l'alimentation humaine, riches de valeur ajoutée.
Par ailleurs, si ces tourteaux sont produits à partir des graines de
colza et de tournesol importées, lesquelles ont triplé entre 2007 et 2009
235
,
Où est l'intérêt ?
Il nous paraît nécessaire de souligner la tendance actuelle de
SOFIPROTEOL à vouloir considérer le Diester comme un sous-produit de la
production de protéines végétales, le rapport favorisant cette manipulation
en mettant en exergue les seules analyses positives de cette filière
industrielle.
Nous rappelons que la production de tourteaux est identique que
l'huile soit destinée à l'alimentation ou à la production énergétique. En outre,
le développement du biodiesel n'a pas réduit les importations de tourteaux de
soja comme le montrent les chiffres de la Douane.
Nous rappellerons que la surproduction actuelle de biodiesel en
Argentine amènera sur le marché des volumes de tourteaux de colza et de
soja qui annuleront les soi-disant avantages de la production nationale.
Nous ne pouvons que nous opposer à la remarque positive du rapport
affirmant que « le bilan des deux filières en termes de rendement énergétique
est en voie d'amélioration constante qu'il s'agisse des intrants » grâce à
« l'amélioration génétique des betteraves » ce qui est une affirmation sans
fondement et qui quel que soit le résultat agronomique, ne peut que rendre
les paysans un peu plus dépendants des multinationales semencières. En
outre mettre en avant la production d'éthanol de betterave alors que son
impact en GES est double de celui de l'essence' est inacceptable.
235
312 000 t en 2007, 620 000 t en 2008 et 1 075 000 t en 2009.
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4° - Nos conclusions
Pour conclure, nous citerons les prises de position d'autorités sur ces
questions et qui rejoignent notre analyse sur les points les plus critiquables
de la politique agricole française en faveur des agrocarburants :
A - La protection du climat et l'alimentation du monde
:
Alors qu'ils étaient présentés comme une solution miracle il y a
encore quelques années, il semble que les biocarburants « ne sont pas un
moyen efficace de réduire les gaz à effet de serre », pas plus qu'ils ne sont un
moyen d'assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique car ils
nécessitent beaucoup trop de terres, a estimé le 25 novembre 2011 le
rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, Olivier De
Schutter, qui a appelé l'UE à un « débat responsable » pour corriger les
erreurs du passé. « Plus l'UE produit des biocarburants, plus elle est
contrainte d'importer du reste du monde de l'huile végétale », a relevé
Olivier De Schutter. Et s'ils ne représentent aujourd'hui encore qu'une faible
portion des terres arables, beaucoup des achats de terres à grande échelle
dans le monde ont pour but de produire des biocarburants.
« De plus en plus, on finit par reconnaître que des erreurs ont été
commises » ces dernières années dans l'élaboration des politiques de soutien
aux biocarburants et de lutte contre le changement climatique, a jugé le
rapporteur spécial de 1'ONU pour le droit à l'alimentation.
B - La protection de la biodiversité
L'objectif européen de 10 % de biocarburants dans les transports
risque d'accélérer les pertes de biodiversité, les agriculteurs étant poussés à
mettre en culture des pâturages et forêts riches en espèces, selon un nouveau
rapport du Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne.
La « note technique » du CCR relance en tout cas le débat alors que
la Commission européenne est en train de procéder à son évaluation des
moyens de prendre en compte le problème du changement indirect
d'affectation des terres (CASI) dans le cadre de la politique de promotion des
énergies renouvelables
236
.
C - Et pour conclure « La raison d'être de l'a griculture » :
On produit des ressources agricoles « d'abord pour manger, ensuite
pour fabriquer des matériaux, enfin pour l'énergie
237
».
Il est regrettable que le rapporteur en conclusion du rapport
renouvelle l'argument « absence de certitudes » pour ne pas prendre
clairement position sur la concurrence alimentaire des agrocarburants. De
236
Agra 28 Novembre 2011.
237
Claude Roy, inspecteur général de l’agriculture lors du Forum Biomass’innov le
6 décembre à Chartres, organisé par l’association Valbiom.
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:
même, utiliser une citation
238
pour prétendre « qu'une utilisation intelligente
de ceux-ci va permettre le développement rural en Afrique » ne valorise pas
la pertinence des analyses faites par le rapport et entérine une situation
politique défavorable économiquement à l'agriculture française et au
développement de l'agriculture paysanne qui elle seule peut assurer
l'alimentation des populations, la protection du climat ct de la biodiversité.
Nous pensons que le rapport ne conclut pas de manière claire afin de
respecter sa propre citation
239
« les valeurs morales en débat sont l'équité
globale, le changement climatique, l'éthique environnementale, en particulier
les effets sur la biodiversité, le respect des droits de l'Homme et la solidarité
avec les populations vulnérables, notamment au regard de l'acquisition de
terres par les grandes compagnies occidentales dans les pays en
développement ». Laquelle citation est précédée dans cette conclusion
d'évaluations positives sur les objectifs principaux de la politique :
- Un soutien à l'agriculture ? « Le bilan s'avère contrasté quoique
légèrement positif ».
- Un soutien à l'indépendance énergétique ? « En dépit de la prudence
des estimations le rapport énergie fossile dépensée / énergie produite est
positif ».
- Un appui à la politique environnementale ? Le rapport ne retient
que
« les
polémiques
sur
les
conséquences
environnementales
des
biocarburants ».
- Affectations des aides aux différents objectifs : Le rapport fait une
simulation sur la base d'une « approximation sommaire » lui permettant
d'éviter de présenter la manipulation à la TGAP et le surcoût pour les
consommateurs tels qu'ils ont été présentés dans le rapport.
La Confédération paysanne conteste ces conclusions et elle demande
que l'évaluation de la politique publique d'aide aux biocarburants fasse plus
état de nos positions et de celles des ONG lors de l'étude ADEME Bio IS et
lesquelles sont en opposition avec les affirmations des producteurs
d'agrocarburants comme nous l'avons montré dans ce document.
238
§ 426.
239
Chap. III, pages 193 et 194.
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