Le
Président
N°/G/120/04-2163C
Noisiel, le 6 octobre 2004
N° 04-0416 R
RECOMMANDE AVEC A.R.
Madame,
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint le rapport comportant les observations définitives
arrêtées par la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France sur la gestion du collège Painlevé
à SEVRAN.
Je tiens à vous informer qu'à l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article L. 241-11 du Code
des juridictions financières, la Chambre n'a reçu aucune réponse écrite destinée à être jointe au
rapport.
Il vous appartient de transmettre ce rapport à l'assemblée délibérante. Conformément à la loi, ce
document doit :
1. faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de la plus proche réunion de l'assemblée ;
2. être joint à la convocation adressée à chacun de ses membres ;
3. donner lieu à débat.
Dès la plus proche réunion de l'assemblée, le document final sera considéré comme un document
administratif communicable à toute personne en faisant la demande, dans les conditions fixées
par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
Vous voudrez bien informer le greffe de la Chambre de la date à laquelle le rapport d'observations
aura été porté à la connaissance de l'assemblée délibérante.
Enfin, je vous précise qu'en application des dispositions de l'article R. 241-23 du code précité, le
rapport d'observations est transmis au préfet et au trésorier-payeur général de la Seine-Saint-
Denis.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de ma considération distinguée.
P.J. : 1.
Christian DESCHEEMAEKER
Madame SALVIA
Principale du collège Painlevé
107, route d'Aulnay
93270 SEVRAN
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES SUR LA GESTION DU COLLEGE PAINLEVE
La Cour des comptes a retenu, pour l'inscrire à son programme d'enquêtes de l'année 2003, le
thème de l'éducation prioritaire. La CRC d'Ile-de-France a contribué à cette enquête au travers,
notamment, de l'examen de la gestion de 12 établissements des académies de Créteil et
Versailles, dont le collège Painlevé à Sevran.
Annoncé au principal par lettre du 24 avril 2003, le contrôle du collège Painlevé porte sur les
exercices 1999 à 2001.
Conformément à l'article L. 241-7 du code des juridictions financières, le rapporteur a informé le
principal des observations qu'elle envisageait de présenter à la Chambre à l'issue de l'examen de
la gestion du collège Painlevé au cours d'un entretien téléphonique ayant eu lieu le 9 mars 2004.
Lors de sa séance du 18 mars 2004, la Chambre a formulé des observations provisoires qui ont
été adressées au principal le 22 avril 2004. En l'absence de réponse dans le délai imparti, la
chambre a lors de sa séance du 8 juillet 2004, conféré à ses observations provisoires un caractère
définitif.
Elles portent sur les objectifs assignés à l'éducation prioritaire et les moyens qui lui sont
consacrés par l'Etat, et, selon les cas, par les collectivités locales ; ont aussi été analysées
l'utilisation de ces moyens ainsi que la nature et la portée des évaluations de la politique
d'éducation prioritaire.
1. L'établissement
Le collège Painlevé est classé en ZEP depuis octobre 1998 ; il est également situé en zone
prévention violence.
Le collège a accueilli 749 élèves au cours de l'année 2002/2003. Les effectifs diminuent,
faiblement, mais régulièrement depuis 1998.
Les indicateurs sociaux économiques fournis par l'établissement révèlent une situation conforme
aux critères retenus au niveau national pour le classement en ZEP : sur-représentation des
catégories socio-professionnelles défavorisées (13,7 % de sans emploi, 43 % d'ouvriers, 46,4 %
d'élèves boursiers en 2001/2002), concentration d'élèves d'origine étrangère (23,8 % en
2001/2002), dont une part importante de primo arrivants non francophones, importance des
retards scolaires (26 % des élèves avaient 1 de retard à l'entrée en 6ème à la rentrée scolaire
2001).
Encadrement
Les enseignants du collège Painlevé étaient au nombre de 63 à la rentrée 2002, dont 55 titulaires,
1 stagiaire et 7 contractuels : l'âge moyen des professeurs est de 33 ans, et ils passent en
moyenne 5 ans dans l'établissement.
Le taux de rotation de ces enseignants qui a été très élevé dans cet établissement - 56,9 % des
enseignants avaient moins de 2 ans d'ancienneté dans leur poste en 1999 - serait en voie de
stabilisation : ils n'étaient plus que 35,4 % dans ce cas à la rentrée 2002.
Administrativement, les élèves sont encadrés par le principal et son adjoint, 3 CPE, 1 AASU, 2
SASU, 10 surveillants (5 par demi-journée en moyenne), 9 aides éducateurs (3 par demi-journée
en moyenne) et 2 emplois jeunes "cadre de vie".
2. Le réseau d'éducation prioritaire (REP)
La relance de la politique d'éducation prioritaire entre 1997 et 1999 s'est accompagnée de la
création d'une nouvelle structure, le réseau d'éducation prioritaire (REP) : "autour des ZEP, les
réseaux d'éducation prioritaires sont constitués d'écoles et de collèges dont la concentration de
difficultés mérite une vigilance et une aide particulière".(1)
Le collège Painlevé est à la tête d'un réseau qui regroupe quatre écoles élémentaires (classées
en ZEP) et trois écoles maternelles (classées en ZEP) ainsi que des écoles associées, non
classées en ZEP (2 maternelles, 2 élémentaires). Le réseau comptait 2 552 élèves en septembre
1998 ; leur nombre est passé à 2 457 en septembre 2002.
Le principal du collège a été désigné comme co-responsable du réseau avec l'IEN de la
circonscription. Ces deux responsables sont assistés d'un coordonnateur, qui est également
professeur des écoles et directrice d'école d'application. Un autre professeur des écoles est
conseiller pédagogique.
Des réunions sont tenues régulièrement afin de discuter de nouveaux projets, de les évaluer, d'en
constater les évolutions. La principale et la coordinatrice REP se réunissent une fois par semaine,
la périodicité des réunions de la cellule de pilotage étant trimestrielle.
3. Le contrat de réussite
Le réseau d'éducation prioritaire s'appuie sur le contrat de réussite passé entre les responsables
du réseau et les autorités académiques : ce contrat "fixe les objectifs retenus en termes de
réussite des élèves, précise les priorités accordées en moyens de tous ordre, intègre les mesures
d'accompagnement, d'animation pédagogique et de formation nécessaires ainsi que celles
montées en partenariat. Il comporte les modalités d'une évaluation continue et d'un bilan relatif à
l'efficacité des actions entreprises." (2)
La définition des objectifs propres à chaque réseau doit tenir compte des dix orientations
prioritaires du contrat de réussite, fixées au niveau national.
3.1. La forme
Le premier contrat de réussite, conclu pour 4 ans et couvrant la période 1999/2002, s'appuyait sur
un diagnostic de la situation des établissements du REP. Il s'agit d'un contrat type, commun à
l'ensemble des REP du département qui comprend :
- un rappel de la composition du REP (équipes, effectifs), un état des lieux sous la forme d'une
série d'indicateurs d'environnement social, de structure (évolution des effectifs, moyens horaires,
mobilité des enseignants, participation des parents aux élections), et de résultats scolaires
(évaluations nationales, résultats des épreuves écrites du brevet) ;
- un diagnostic, qui fait ressortir les points forts et les faiblesses des établissements ;
- les objectifs affichés, déclinés en actions ;
- des éléments de contractualisation entre les membres du réseau.
Au cas d'espèce, les éléments de contractualisation se réduisent à l'expression par les membres
du réseau des besoins matériels et humains nécessaires à la mise en oeuvre des actions prévues
par le contrat, qui ne mentionne aucun engagement précis de la part des autorités académiques.
La réactualisation du contrat pour la période 2002/2005 comporte en outre une partie bilan sous la
forme d'une analyse des évolutions depuis le premier contrat.
3.2. Les objectifs
Le premier diagnostic, après identification des faiblesses dont souffrait le réseau, concluait à la
nécessité d'intervenir dans deux domaines : celui des apprentissages et celui de la formation de la
personne et de l'intégration sociale. Ce constat a débouché sur la formulation de 4 objectifs
prioritaires :
- lire et écrire pour penser et apprendre
- éduquer à la citoyenneté notamment par les apprentissages
- la grande difficulté scolaire
- rendre l'école plus lisible pour les élèves et pour les parents, donner du sens à l'école
Ces objectifs ont été déclinés à travers plusieurs actions, centrées sur la maîtrise du langage et de
l'écrit, l'amélioration de la communication, une meilleure prise en compte des phénomènes de
rupture dans les apprentissages, le travail avec les élèves et les parents.
La réactualisation du contrat de réussite fixe de nouvelles perspectives de travail pour la période
2002/2005 :
- la maîtrise de la langue et des langages,
- l'aide aux apprentissages et la grande difficulté scolaire.
4. Les moyens affectés à l'éducation prioritaire
4.1. Moyens supplémentaires en personnel
Enseignants
Il existe plusieurs instruments permettant de mesurer l'amplitude de l'effort consenti au profit des
établissements situés en zone d'éducation prioritaire. L'un d'entre eux est le nombre d'heures
enseignées dans l'établissement rapporté au nombre d'élèves.
Evolution du H/E du collège Painlevé
En outre, 13h d'enseignement supplémentaires ont été octroyées en 2002/2003 au titre du
classement ZEP. Elles ont permis la mise en place d'ateliers lecture en 6ème et de groupes de
besoins en mathématiques.
Les autres mesures de l'effort consenti sont le nombre moyen d'élèves par classe et le nombre
moyen d'enseignants pour 100 élèves.
Le nombre d'élèves par classe se maintient au-dessus de 23 élèves par classe depuis 1999 (23,4
en 2002/2003) contre 22,9 élèves par classe en moyenne pour les collèges en ZEP du
département, ce qui montre que dans cet établissement le surplus de DHG est en partie utilisé à
d'autres fins que l'objectif général de diminution du nombre d'élèves par classe.
Une des expériences tentées par l'établissement est la mise en place d'une classe dite de
médiation : les élèves les plus perturbateurs (qui ne sont pas forcément en difficulté scolaire) sont
"extraits" de leurs classes pour une durée de 6 semaines. Ils sont pris en charge par une équipe
de deux enseignants, renforcée par l'intervention des infirmières, du médecin et de l'assistante
sociale, l'objectif étant de rétablir le dialogue avec l'élève ainsi qu'avec ses parents.
Ce dispositif, qui donne des résultats positifs, est repris par d'autres établissements. Mais étant
"consommateur" d'heures, sa pérennité pourrait être compromise par une baisse de DHG.
Le nombre moyen d'enseignants pour 100 élèves était de 7,6 en septembre 1999 et est passé à
8,8 en septembre 2001.
Personnel non enseignant
L'établissement ayant une capacité d'accueil théorique de 800 élèves, le classement en ZEP lui
vaut l'affectation d'un conseiller principal d'éducation supplémentaire (soit 3 au lieu de 2) ainsi que
la présence d'un médecin scolaire, de 2 infirmières (deux mi-temps) et d'1 assistante sociale
(temps de présence non précisé).
4.2. Les moyens financiers
S'agissant des moyens, l'analyse repose sur les données recueillies auprès de l'ordonnateur
(réponses aux questionnaires d'instruction) qui, dans la mesure du possible, ont été recoupées
avec celles extraites des comptes financiers 1999 et 2001.
4.2.1 - Attribués par le ministère de l'éducation nationale
Le recensement des crédits versés par le ministère de l'éducation nationale n'a pas été,
volontairement, exhaustif : l'objectif était d'identifier, dans la mesure du possible, les crédits
pédagogiques majorés en raison du classement en ZEP ou les crédits affectés spécifiquement à
l'éducation prioritaire.
Le premier constat est commun à l'ensemble des établissements contrôlés : il porte sur la difficulté
rencontrée à identifier les moyens supplémentaires attribués par l'éducation nationale aux
établissements au titre de leur classement en ZEP/REP.
Si les chefs d'établissement sont informés de l'existence d'une majoration ZEP de leurs dotations
(3), ils en ignorent l'amplitude et les critères qui la fonde et les notifications de subventions du
rectorat ou de l'inspection académique jointes aux ordres de recettes n'apportent aucune
précision.
Il ressort du contrôle des établissements de l'académie de Créteil que la dotation pour l'achat de
manuels scolaires des établissements classés en ZEP est uniformément majorée de 5 000 F ;
toutefois, le collège Painlevé ne distingue pas cette somme dans ses comptes, qui ne font
apparaître par ailleurs aucun crédit affecté spécifiquement à l'éducation prioritaire par le ministère
de l'éducation nationale.
4.2.2 - Attribués par d'autres départements ministériels
Le collège Painlevé n'a reçu aucun financement explicitement lié à son classement en zone
d'éducation prioritaire. Il a en revanche bénéficié en 2001 de 2 subventions de la mission "Ville"
au titre de la cellule "SIDA/toxicomanie" (5 358 F) et du financement d'un atelier théâtre (10 000 et
12 300 F).
Toutefois, à l'occasion de l'entretien préalable, la principale signale qu'en 2004, la mission ville a
précisé aux chefs d'établissements que, pour être agréés, les projets présentés en vue de leur
financement dans le cadre du contrat de ville devraient être liés aux objectifs du réseau
d'éducation prioritaire.
4.2.3 - Attribués par les collectivités locales
Les moyens dont disposent les ZEP et REP peuvent provenir également de partenaires extérieurs
à l'éducation nationale, et notamment des collectivités locales.
Le département de la Seine-Saint-Denis apporte de manière régulière une aide spécifique aux
collèges classés en ZEP : une subvention complémentaire à la subvention de fonctionnement de
60 000 F, quelle que soit la taille de l'établissement. Elle est versée depuis 1999 et son montant
n'a pas varié depuis cette date. Aucune instruction ou orientation n'est donnée par le département
pour l'utilisation de cette subvention "ZEP". Au collège Painlevé, les moyens supplémentaires ZEP
sont affectés sur le plan budgétaire au chapitre J4, tant en dépenses qu'en recettes.
La commune de Sevran subventionne le collège sur présentation de projets spécifiques. Par
ailleurs en association avec l'Etat, elle finance un certain nombre d'actions dans le cadre du
contrat de ville (CEL) telles qu'un atelier théâtre, la formation des délégués de classe, une
formation sur la citoyenneté et enfin subventionne un "petit-déjeuner" (une "briquette" de lait, des
petits gâteaux et un fruit) qui touche environ 140 élèves par jour.
5. Evaluation
La contractualisation telle qu'imaginée en 1997 devait avoir pour contrepartie une évaluation de
l'efficacité des moyens mis en oeuvre compte tenu des objectifs fixés. A cet effet, la circulaire de
1997 prévoit que le contrat de réussite "comporte les modalités d'une évaluation continue et d'un
bilan relatif à l'efficacité des actions entreprises".
Sur le terrain, toutefois, il semble que l'impact des moyens mis en oeuvre dans le cadre du
dispositif de l'éducation prioritaire est difficile à mesurer, tant au niveau du REP que du collège.
Un des premiers obstacles à une évaluation efficace est le nombre restreint d'indicateurs
pertinents portant sur les résultats scolaires : l'analyse des écarts qu'ils permettent de constater
est, de plus, limitée par la mobilité de la population scolaire, particulièrement importante dans les
secteurs concernés par l'éducation prioritaire.
Les indicateurs principaux en matière de résultats scolaires apparaissant dans le bilans du contrat
de réussite, ou dans le projet d'établissement, portent sur les résultats aux évaluations nationales
de 6ème, sur les résultats au brevet des collèges (fin de 3ème) et sur le devenir des élèves en fin
de premier cycle du secondaire.
Le REP Painlevé a procédé fin 2002 à une évaluation essentiellement statistique, comportant peu
d'éléments descriptifs. L'analyse des principaux indicateurs sur la période 1998-2002 a conduit les
responsables du REP à faire le constat suivant :
- en ce qui concerne l'environnement social, une partie du secteur (deux des écoles du réseau
Nobel et Curie) s'appauvrit (familles en grande précarité), le manque de structures sociales dans
le quartier constituant un facteur aggravant ;
- en ce qui concerne les parents d'élèves, ils restent peu participatifs, notamment aux élections de
leurs représentants au conseil d'administration.
- en nette progression sur la période, les résultats aux évaluations nationales de 6ème
s'approchent des résultats départementaux. Les responsables du réseau avancent comme
explication partielle de cette réussite la relative hétérogénéité sociale dont jouissent deux des
écoles du secteur. Toutefois, ils constatent parallèlement que le collège n'en bénéficie pas dans la
même proportion, les familles les moins défavorisées pratiquant l'évitement après le cycle primaire
;
- en ce qui concerne les résultats au brevet des collèges, les écarts au taux moyen de réussite
départemental enregistrés par le collège se réduisent, le redressement étant particulièrement
spectaculaire en fin de période puisque l'écart n'est plus que de 3 points.
Dans une analyse réalisée sur les résultats de la session 2000 du brevet des collèges, l'équipe
pédagogique constatait que le taux de réussite était fortement corrélé au retard scolaire des
élèves : sur les 111 élèves ayant échoué (197 élèves présentés), 98 (soit 88 %) avaient 1 an de
retard et plus. Or ces retards diminuent sensiblement au collège à partir de l'année 2001.
(1) Circulaire n° 97-233 du 31 octobre 1997
(2) Circulaire n° 99-007 du 20/01/1999
(3) Fonds sociaux (fonds des cantines, fonds social des collèges), manuels scolaires et autres
crédits pédagogiques